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Poétique théâtrale 

: Du texte à la représentation…
Partie 2.

Cours lundi 17 janvier 2022, 7h30/9h30


Lycée Carnot / CRR 93

- 3. Poétique de Brecht : (1898-1956 )


« Le spectateur du théâtre dramatique dit : Oui, cela, je l’ai éprouvé, moi aussi. - C’est ainsi que je suis.- C’est chose
bien naturelle.- Il en sera toujours ainsi. - La douleur de cet être me bouleverse parce qu’il n’y a pas d’issue pour lui. -
C’est là du grand art : tout se comprend tout seul. - Je pleure avec celui qui pleure, je ris avec celui qui rit.
Le spectateur du théâtre épique dit : Je n’aurais jamais imaginé une chose pareille. - On n’a pas le droit d’agir ainsi. -
Voilà qui est insolite, c’est à n’en pas croire ses yeux. - Il faut que cela cesse. - La douleur de cet être me bouleverse
parce qu’il y aurait tout de même une issue pour lui. - C’est là du grand art : rien ne se comprend tout seul. - Je ris de
celui qui pleure, je pleure sur celui qui rit."
[B. Brecht, Sur une dramaturgie non aristotélicienne, in Écrits sur le théâtre, l’Arche, p.260-261

* En quoi Brecht s’oppose à la vision d’Aristote ?

* Dans l’élaboration du personnage que dénonce la poétique de Brecht ?

* Que propose t-il de nouveau par rapport à Aristote ?

Essayez de finir de remplir le tableau :

Tableau comparatif entre « forme dramatique » et « épique » du théâtre selon la


conceptualisation de Brecht.

Forme Dramatique du Théâtre (Aristote) Forme épique du théâtre (Brecht)

Est action est narration

Fait du spectateur un observateur

épuise son activité intellectuelle Eveille son activité intellectuelle

lui est occasion de sentiments L’oblige à des décisions

Expérience affective

Le spectateur est plongé dans quelque chose


Argumentation.

Les sentiments sont conservés tels quels.

Le spectateur est placé devant, il étudie

L’homme immuable L’homme qui se transforme et transforme

Intérêt passionné pour le dénouement Intérêt passionné pour le déroulement

Une scène pour la suivante

Montage (séquences, tableaux)

Déroulement linéaire Déroulement ?

Evolution continue

La pensée détermine l’être L’être social détermine la pensée.

Sentiment

4. Antonin Artaud (1896-1948)

« Il s’agit de donner à la représentation théâtrale l’aspect d’un foyer dévorant et d’amener une fois au moins au cours
du spectacle, l’action, les situations, les images à ce degré d’incandescence implacable, qui dans le domaine
psychologique ou cosmique s’identifie à la cruauté. »
[Le théâtre et son double, 1938]

« Si nous faisons du théâtre, ce n’est plus pour jouer des pièces, mais pour arriver à ce que tout ce qu’il y a d’obscur
dans l’esprit, d’enfoui, d’irrévélé se manifeste en une sorte de projection matérielle et réelle. Nous ne cherchons pas à
donner comme cela s’est produit jusqu’ici, comme cela a toujours été le fait du théâtre, l’illusion de ce qui n’est pas,
mais au contraire à faire apparaître aux regards un certain nombre de tableaux, d’images indestructibles, indésirables
qui parleront à l’esprit directement. » [Idem]

* A partir de ces extraits, pouvez-vous dire la vision théâtrale d’Artaud et en quoi elle s’oppose à Aristote et Brecht ?

5. Test sur les "poétiques" Théâtrales

Une analyse volontairement brève, des "poétiques" d’Aristote, de Brecht et d’Artaud permet de clarifier des thèses
divergentes quant aux notions clés qui permettent d’analyser une représentation théâtrale.

* Trouver sur chacune des trois réponses à qui appartient la réponse : Aristote ? Brecht ? Artaud ?

Quel est le but ou la finalité de la représentation ?


C’est d’intensifier un conflit que vivent des "monstres" ou des personnages représentant des types humains généraux,
pour apaiser un public spectateur, après l’avoir "purgé" de ses angoisses et de ses passions dangereuses ou attristantes.

C’est de montrer que la réalité sociale et politique ne sont pas soumises à un ordre éternel, mais qu’elles sont
transformables. Faire comprendre que les être humains ne sont pas d’une pièce, mais contradictoires et vivent des
paradoxes.

C’est manifester la réalité irrévélée de la conscience humaine en refusant tout procédé de représentation factice. C’est
produire un acte réel, vécu, qui exprime les conflits originels de l’esprit.

Quels sont les moyens utilisés dans la représentation pour parvenir à ce but ?

On provoque un ébranlement émotif, un choc, une menace directe du spectateur qui est insécurisé et troublé. On
actualise les forces inconscientes et souterraines présentes en chaque spectateur.

On "transporte" le spectateur, et lui fait vivre pour un moment les passions extrêmes d’un personnage auquel il
s’identifie. Il est stupéfait, vit intensément, mais pendant le temps du spectacle. Ce qui lui permet de pendre du recul et
de ne pas vivre dans la vie réelle ce qu’il vit pendant la représentation.(Fonction cathartique, c-à-d purgation du
spectateur.)

On provoque l’étonnement du spectateur par une description qui interroge la réalité d’une manière critique et en lui
donnant la dimension de l’historique. On joue sur les contrastes, les ruptures, qui offrent au spectateur la possibilité
d’exercer son jugement critique sur ce qui est représenté. En provoquant l’émotion on ouvre à la réflexion.

Quelle est la "fable", ce que l’on représente, et quel est son objet ?

On représente des événements sociaux. Le récit procède par bonds d’une action à une autre. Ce n’est pas une action
réglée qui tend vers un dénouement d’une manière fatale et avec une nécessité interne.A chaque moment l’action
représentée pourrait s’arrêter ou se renverser.

Ce n’est plus une vie simulée et tenue à distance sur la scène que l’on représente ou que l’on simule. L’action n’est
plus un objet rapporté proposé à la contemplation, c’est une présence de l’énergie de l’existence même. Nous sommes
invités à puiser aux sources de nos vies, à approfondir nos contradictions, à retrouver nos désirs profonds et nos
impulsions.

Le spectateur assiste à des actions qui se jouent contre un personnage ou entre des personnages. L’enchaînement de
ces actions est réglé selon des causes nécessaires jusqu’à un dénouement qui est une catastrophe fatale et inéluctable la
Tragédie, et un dénouement psychologiquement vraisemblable dans la Comédie.

Quels sont les rapports entre l’acteur, le personnage, le spectateur ?

L’acteur incarne le personnage et le joue sans s’occuper à la limite du spectateur. La scène s’impose à la salle et au
public. Entre la scène et la salle il y a un "quatrième mur".

Le personnage s’efface au profit d’un "double" théâtral de l’acteur et du spectateur. Ce "double" manifeste" le
réservoir de nos énergies. Une fusion s’opère entre l’acteur et son public qui n’est plus simplement spectateur.

L’acteur tient à distance son personnage qu’il présente au spectateur. La séparation est nette, l’acteur peut avoir une
fonction de narrateur par rapport à son personnage.

Quels sont les relations entre l’acteur et la "fable" ?

L’acteur importe moins que le personnage et le personnage lui-même est subordonné au développement de la "fable".

La fable, par ses multiples rebonds, éclaire les facettes du personnage que le récit monte, démonte et remonte. Il y a
une "décomposition" à la fois du récit et du personnage.
La présence corporelle de l’acteur est l’élément central de la représentation. L’acteur se dépense totalement dans des
actions intenses qui réveillent chez le spectateur le travail profond des forces inconscientes.
Quelles sont les conventions du jeu de l’acteur et de l’écriture dramatique de la représentation ?

Les acteurs jouent des personnages diversifiés, parfois codifiés et conventionnels, le père, le jeune premier, le
confident etc. On use de monologues, d’a parte. Certains personnages sont évoqués et n’entrent pas sur scène. A
l’époque moderne il arrive que l’on ait écrit le rôle d’un personnage pour un acteur particulier. Dans la comédie on
recommande le ton de la conversation dite "naturelle". Dans la tragédie le ton emphatique, l’imprécation, la stance sont
des procédés conventionnels. On construit des personnages confidents qui justifient l’exposition de l’action ou portent
la parole intime du héros. On utilise les ruptures de rythmes pour mettre en valeur la progression de l’action. L’écriture
et le jeu tendent à rendre le personnage attachant ou détestable, dans certaines formes théâtrales de le rendre
"vraisemblable" voire même parfois "réel".

On cherche à créer un langage spécifique à la scène qui soit frontière entre la pensée et le geste. Il faut abolir la
séparation entre la scène et la salle. Le jeu doit retrouver les choses mêmes, produire à la limite un acte de vie. Il est
intense et enveloppe, sollicite le spectateur qui est fasciné. L’acteur travaille le rythme, le souffle, les proférations, le
mouvement. Les arts visuels et musicaux collaborent à la création d’une représentation qui prend l’aspect d’un
cérémonial ou d’une liturgie.

La scène où se déroule la représentation est tenue à distance du spectateur. On n’hésite pas à rendre visibles les
conditions mêmes de cette représentation, on insiste sur les protocoles de mise en scène en faisant par exemple des
changements de scène "à vue". L’acteur peut se faire bonimenteur, l’épilogue a un rôle important et parfois des
écriteaux historiques ponctuent le spectacle. L’acteur bonimenteur annonce le "style" dans lequel va être donné le
passage ou le tableau, il présente parfois son propre personnage comme une marionnette. On peut faire intervenir des
chants des danses qui établissent des ruptures de rythme. La morale de la "fable" est explicitement déclarée,en marge
de l’action, parfois sous la forme d’une parabole ou d’une allégorie. On s’autorise dans le récit à user de pastiches
littéraires ironiques.

Quelles sont les formes théâtrales proches ou dégradées qui s’inspirent de ces trois grandes "poétiques" ?

Le théâtre qui accentue un pseudo-réalisme très conventionnel où les personnages sont écrasés par des stéréotypes
sociaux. Mélodrame ou théâtre de boulevard qui force sur les effets dramatiques accentués. Pause à l’entrée de scène,
cabotinage et recherche des applaudissements personnels par un acteur qui perd son personnage ou l’action
dramatique.

"Happening" sacrificateur. Ecriture dramatique et scénique incompréhensible. Acteur martyr et prophète. Clinquant
esthétique prétentieux, inefficace et sans profondeur mais apprécié par une chapelle littéraire qui ne forme guère un
public. Goût de l’expérimentation spectaculaire et éphémère.

Théâtre didactique et idéologique. Parodie qui défend et illustre des idées mais où l’on perd complètement de vue la
valeur du personnage et de ses actions.

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