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Aménagement du territoire

et croissance urbaine au
Maroc
Sommaire :
Introduction générale

Chapitre 1: Cadre conceptuel et théorique de


l’aménagement du territoire et de la croissance urbaine

Section 1 : Aménagement du territoire et concepts assimilés

Section 2 : La croissance urbaine

Section 3 : Les approches théoriques de la croissance urbaine

Chapitre 2 : Croissance urbaine au Maroc

Section1 : La politique d’aménagement du territoire et d’aménagement


urbaine

Section2 : Les déterminants de la croissance urbaine au Maroc

Section 3 : Les modèles d’analyse de la croissance urbaine spatiale

Chapitre 3 : Croissance urbaine spatiale et aménagement du


territoire au Maroc : étude empirique

Section 1 : Etude de l’évolution hiérarchique des villes marocaines

Section2 : Essai de modélisation économétrique de la croissance urbaine


des villes : une étude empirique

Conclusion générale :

Contexte :

1
En accompagnement du processus de démocratisation et de
décentralisation au Maroc, depuis l’Indépendance jusqu’aux années quatre-
vingt-dix du 20è siècle, on parlait plutôt de planification centralisée de
développement économique et sociale, et de gestion territoriale via les
recommandations des colloques sur les collectivités locales (Sept colloques de
1977 à 1998), que d’aménagement et développement du territoire. Une
succession de plusieurs donnes naturelles, économiques, politiques et sociales,
nationales et internationales, défavorables pour le Maroc avaient menées à une
détérioration prononcée de ses équilibres internes et externes, Pour faire face à
cette crise aiguë, le Maroc était contraint en Septembre 1983, avec l'appui du
Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale, d’appliquer un
programme d'ajustement structurel, en vue de redresser ces déséquilibres tout
en visant, à terme, une croissance économique forte et soutenue. Cette politique
de planification centralisée et ce programme d’ajustement structurel avaient
conduit à une détérioration économique et recrudescence des manifestations
sociales, d’où la nécessité de changer d’orientation et pratiques politico-
économiques et sociales.

Ainsi, depuis les débuts des années 90 du 20è siècle, avec l’annonce de
l’ère de la mondialisation, avec ses nouveaux concepts et ses méthodes, au
niveau international, le Maroc devait changer son modèle de développement
qui était basé sur la « planification sans développement », par un modèle basé
sur la notion d’aménagement du territoire, en vue d’un développement durable,
par le biais d’un rééquilibrage territorial, favorisant le développement
d’attractivité, accessibilité et connectivité des territoires, en interne comme en
externe. Parmi les mesures prises, on cite entre autres, la promulgation du
Dahir n 1-92-7 du 17 Juin 1992 portant promulgation de la Loi n 25-90 relative
aux lotissements, groupes d’habitations et morcellements et du Dahir n 1-92-
31 du 17 Juin 1992 portant promulgation de la Loi n 12- 90 relative à

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l’urbanisme. En suite par le nouveau découpage régional de 1996 et enfin par
l’établissement d’un schéma national d’aménagement du territoire en 2001.

Le début du 21ème siècle est marqué au Maroc par l’intronisation du Roi


Mohamed VI qui ne tarde pas à dévoiler sa nouvelle vision du commandement
et de la gestion du développement du pays, notamment en ce qui concerne
l’aménagement du territoire. Cette nouvelle vision se base sur :

- La formulation d’un projet global de développement socio-


économique, politique et culturel explicite et ciblé ;

- La redéfinition de la politique de l’aménagement du territoire aux


échelles nationale, régionale et communale ;

- La mise en application de ce projet, basé sur l’équilibre entre la


compétitivité économique, la cohésion sociale et la durabilité du
développement ;

- Le lancement de l’initiative du développement humain en 2005 ;

- La conception des implications spatiales de ce projet sur le long terme

- L’affichage d’une volonté et une détermination politique à affronter les


problématiques territoriales du pays.

Dans ce contexte, il faut noter que la conjoncture internationale avait


incité plutôt les pays les moins avancés à renoncer à la politique
d’aménagement du territoire, pour plusieurs raisons, considérant que cela
présentait plus de risques et inconvénients que d’opportunités et avantages et
qu’il valait mieux éviter d’afficher à l’avance les projets de l’Etat de crainte de
susciter des réactions de rejet ou de désapprobation des parties prenantes.
Conscient de ce risque, le Maroc volontairement s’engagea dans un dialogue,
en ouvrant un débat aux échelles nationale, régionale et communale, suscitant

3
une participation citoyenne active, pour aboutir à l’élaboration de son SNAT,
qui pourra apporter une vision claire de la réalité du territoire national, qui soit
utile aux acteurs et intervenants socio-économiques, en affichant clairement les
problèmes, les difficultés, les défis à affronter, mettant en évidence les risques
et les potentialités, tout en proposant un cheminement pour réduire les premiers
et développer les secondes.

Et on peut pas ainsi exclut la notion de la croissance urbaine de tous cela, c’est
après 1960, le Maroc a connu un processus d’urbanisation soutenu : à
l’indépendance, le taux d’urbanisation était de 29 % ; il atteint en 2010 environ
60 %, ce qui place le Maroc au premier rang (avec la Tunisie) des pays les plus
urbanisés de l’Afrique du Nord, encore loin des standards européens (77,5 %),
mais aussi de la moyenne affichée par l’ensemble des pays émergents qui se
situe autour de 45 % (United Nations [2012]).

Problématique :

Le Maroc a connu une forte croissance de sa population urbaine. Le taux


d’urbanisation qui gravitait autour de 8% au début du 20ème, se situe
actuellement autour de 60%. Cette urbanisation est nourrie principalement par
l’exode rural. Selon le Centre d’Etude et de Recherches Démographiques
(CERED, 2012), l’apport Introduction générale 23 démographique additionnel
en termes de population urbaine est de 350 000 citadins par an. Si plusieurs
effets positifs sont a recensé dans les grandes villes après cette croissance
urbaine (meilleures infrastructures, accès à l’éduction et à la santé…), elle
déclenche tout de même des dysfonctionnements conduisant à l’exclusion des
régions éloignées du centre, à la multiplication des habitations insalubres dans
les grandes villes... ce qui peut entraver le mode de gouvernance urbaine.

La croissance urbaine est alimentée par plusieurs facteurs dont nous


pouvons retenir, entre autres, l’attractivité économique, les avantages

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sociaux… mais également la simple augmentation de la population dans des
agglomérations de type urbain, et l’apport d’une nouvelle population autrefois
rurale. Le facteur naturel de la fertilité est considéré comme le principal facteur
de la croissance démographique mondiale. Par conséquent, cette croissance
dépendra fortement de la trajectoire que suivra ce paramètre.

Alors, comment l’aménagement du territoire contribue-il à une


croissance urbaine?

C’est la problématique à laquelle on va apporter une réponse à travers notre


projet (suivant un plan) en se basant sur une méthodologie de recherche.

Méthodologie de recherche :

Dans un monde de plus en plus orienté vers l’économie urbaine, le pilotage


d’aménagement du territoire et de la croissance urbaine s’impose comme un
impératif pour les pays et notamment au Maroc. L’objectif de ce mémoire est
d’étudier l’évolution des hiérarchies urbaines et de la croissance urbaine en
s’appuyant sur le cas du Maroc en analysant les liens entre l’aménagement du
territoire et la croissance urbaine en intégrant l’espace. Et elle se structure
autour de trois chapitres qui vont essayer de répondre à ces questions :

Qu’est-ce que l’aménagement du territoire et la croissance urbaine ? Quelle est


la relation entre la politique de l’aménagement du territoire et la politique
urbaine? Est-ce que les grandes métropoles croissent plus rapidement que les
petites villes, sous l’effet des externalités positives, ce qui conduirait, dans le
très long terme, à un paysage caractérisé par une concentration urbaine
extrême ? quels sont les déterminants de la croissance urbaine au Maroc ?Est-
ce que, dans une hypothèse alternative, les coûts fonciers moins élevés et
l’absence d’effets de congestion permettent aux petites villes d’enregistrer des
taux de croissance démographiques supérieurs à ceux des grandes métropoles,

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ce qui s’apparenterait à un processus de convergence vers une taille urbaine
unique ?

Telles sont les principales questions auxquelles cette recherche va tenter


d’apporter des réponses à travers le plan suivant :

Qui se compose de trois Chapitres, s’est assignée comme objectif de faire le


point dans le premier chapitre, la première section sur les définitions de
l’aménagement du territoire et la deuxième section pour la croissance urbaine
afin de bien comprendre de quoi s’agit-il, la troisième section sur une
méthodologie d’approche de l’aménagement du territoire tout en considérant
le premier chapitre comme une analyse théorique et conceptuelle de l’étude et
le deuxième chapitre va traiter la croissance urbaine au Maroc, dans la première
section la définition de la politique d’aménagement du territoire et
d’aménagement urbaine, dans la deuxième section les déterminants de la
croissance urbaine, et la troisième section Les modèles d’analyse de la
croissance urbaine spatiale, et comme troisième chapitre : la croissance urbaine
spatiale et aménagement du territoire au Maroc dans une étude empirique, la
première section présente une étude de l’évolution hiérarchique des villes
marocaines, la deuxième section présente un essai de modélisation
économétrique de la croissance urbaines des villes dans une étude empirique.

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Chapitre 1: Cadre conceptuel et théorique de l’aménagement du
territoire et de la croissance urbaine

Dans ce chapitre on va présenter les définitions des concepts clés qui vont
nous permet d’avoir une idée claire sur l’aménagement du territoire et la
croissance urbaine et aussi par la présentation des principales approches de la
croissance urbaine, c’est tout d’abord on va construire une vision claire et
théorique par rapport aux notions clés de ce projet.

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Section 1 : L’aménagement du territoire et concepts assimilés

Cette section présente les définitions de l’aménagement du territoire et du


développement territorial

A- Signification de l’aménagement du territoire :

Le concept de l’aménagement du territoire s’est imposé en langue


française dans les années 1960 grâce à des auteurs tels que J. Lajugie (1964),
J. Gottmann (1966), J. Labasse (1966) ou M. Rochefort et al. (1970). Il se
définit d’abord par sa finalité que l’on peut, comme J.-L. Piveteau (1979 : 991)
assimiler à une réponse à des contradictions spatiales, contradictions qui ont
cru avec le temps en raison de la multiplication des occasions de
dysfonctionnement (liées généralement au développement industriel et urbain),
des déséquilibres spatiaux (principalement régionaux) et des destructions
(notamment de l’environnement écologique et du patrimoine). Il s’explique
aussi par le changement d’attitude des pouvoirs publics et par les nouvelles
compétences de ces derniers en matière de gestion de l’espace. Toutefois,
l’aménagement du territoire est une réalité multiple ce qui explique l’existence
de nombreuses définitions parmi lesquelles nous en avons retenu deux, l’une
qui met davantage l’accent sur l’action et les cadres territoriaux et l’autre sur
l’art et la technique d’agir.

La première issue « Des mots de la géographie »1 assimile en effet


l’aménagement à l’action volontaire et réfléchie d’une collectivité sur son
territoire, soit au niveau local (aménagement urbain, rural, local), soit au niveau
régional (grands aménagements régionaux, irrigations), soit au niveau national
(aménagement du territoire), le territoire étant pour les mêmes auteurs une
maille de la gestion de l’espace, un espace approprié avec sentiment ou

1 R. Brunet, R. Ferras et H. Thévy, 1998, « des mots de la géographie », page : 29-30

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conscience de son appropriation et relevant d’un Etat, une notion à la fois
juridique, sociale, culturelle et même affective.

La deuxième définition est celle proposée par le Dictionnaire de


l’Urbanisme et de l’Aménagement : « l’aménagement du territoire est,
dans ce cas, l’art ou la technique (plutôt que la science) de disposer avec ordre,
à travers l’espace d’un pays et dans une vision prospective, les hommes et leurs
activités, les équipements et les moyens de communication qu’ils peuvent
utiliser, en prenant en compte les contraintes naturelles, humaines et
économiques, stratégiques »2. L’aménagement du territoire apparaît, dès lors,
bien comme une intervention des hommes sur leurs espaces avec différents
objectifs : réduire les disparités, apporter des réponses aux
dysfonctionnements, lutter contre la dégradation des cadres de vie… On y
retrouve le concept de physical planning cher aux auteurs anglophones ainsi
que le souci de mieux s’organiser pour le futur en cherchant à combiner des
finalités de trois ordres : économiques, sociales et écologiques. Comme l’a bien
fait remarquer P. Pinchemel (1985 : 10), si les finalités économiques ont
d’abord largement dominé, deux autres axes majeurs se sont développés : l’axe
social (qui vise au bien-être et à l’épanouissement de la population où
l’organisation vise à procurer une qualité certaine d’équipements, de services,
un cadre de vie valorisant et où les préoccupations de justice sociale
l’emportent sur celles d’efficacité économique) et l’axe écologique (développé
plus récemment et où l’accent est mis sur l’insertion des sociétés et de leurs
interventions dans des milieux naturels, des écosystèmes fragiles, qui sont
exposés à des déséquilibres irréversibles, à des dégradations de la flore et de la
faune ainsi qu’à des pollutions multiples).

2 P. Merlin et F. Choay, 1996,le Dictionnaire de l’Urbanisme et de l’Aménagement, page: 35-40

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L’aménagement du territoire a ainsi intégré trois dimensions majeures
(économiques, sociales et environnementales) qui deviendront plus tard les
trois piliers du développement durable.

L’aménagement du territoire au Maroc: est un ensemble de savoir, savoir-


faire, savoir être, d’actions et d’interventions publiques et privées, en
concertation et participation de tous les acteurs, des décideurs jusqu’aux
représentants de la société civile. Par le biais d’une politique volontariste, le
but est la recherche d’une meilleure répartition de la population, des activités
et des infrastructures d’équipement, sur l’ensemble du territoire national, sur la
base du triptyque : la compétitivité économique, la cohésion sociale et la
durabilité du développement, en tenant compte des potentialités et des
contraintes physiques.

B- Définition du développement territorial :

Le concept de développement territorial est, pour sa part, plus récent


il date de la fin des années 1990. Malgré son immense succès tant chez les
géographes que chez les économistes, il est rarement défini et recouvre en fait
des réalités diverses à la rencontre du développement local ou régional, du
développement durable, de l’aménagement du territoire ou encore de la gestion
territoriale.

À travers les multiples écrits se réclamant de ce nouveau paradigme, ce qui


semble faire consensus, c’est la volonté ou la nécessité de remettre, au cœur de
la problématique du développement, le territoire avec ses ressources, ses
contraintes et ses spécificités non seulement matérielles mais encore
immatérielles comme les acteurs et leur mode de fonctionnement. En outre, le
développement se veut transversal et décloisonné et tient compte des pressions
extérieures, notamment du contexte économique international. Il se veut aussi
stratégique et cherche à construire le futur d’un territoire en exploitant les

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atouts et en réduisant les faiblesses internes tout en profitant des opportunités
et en cherchant à faire face aux menaces externes, ce qui explique le recours
très fréquent à une analyse AFOM (atouts – faiblesses – opportunités –
menaces) dans la plupart des projets de développement territorial.

Le passage de l’aménagement du territoire au développement territorial est,


dès lors, plus le résultat d’une évolution relativement logique que d’une
révolution puisqu’il s’agit dans les deux cas d’une intervention des hommes
sur leur espace en cherchant à combiner des préoccupations économiques,
sociales et environnementales. Toutefois ce qui semble différencier le
développement de l’aménagement c’est une démarche davantage bottom-up
(c’est-à-dire qui part du territoire) que top-down (c’est-à-dire initiée ailleurs,
au niveau national par exemple, en vue d’être mise en œuvre au niveau régional
ou local) ; c’est aussi la prise de conscience du rôle des acteurs dans le
développement ainsi que de facteurs de plus en plus immatériels.

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Section 2 : La croissance urbaine :

La signification de la croissance urbaine parler de la croissance urbaine


nous amènes à attaquer ses trois formes les plus connues. La plus simple
consiste à suivre dans un temps donne l’évolution numérique de la population
sur l’air urbain.

On peut également expliquer la croissance urbaine par consultation des


revenus crées ou perçus sur le territoire de la ville. Enfin on peut compter sur
l’extension spatiale de l’agglomération pour mesurer sa croissance. La
croissance revêt donc une triple signification :

- Démographique (augmentation de la population urbaine)

- Économique (croissance du produit urbain).

- Spatiale (extension de l’espace urbanisé).

Le fait d’attribuer la croissance urbain à ces trois variables, ne signifie


jamais qu’elle est due à l’un d’eux séparément aux autres, mais il existe une
certaine complémentarité entre les trois variables. L’idée peut être affirmée par
la simple observation que la population urbanisée et les revenus formés dans la
ville ne peuvent être saisis et mesurés que par référence à une aire urbaine
préalablement définie. Or le tissu urbain prolifère rapidement au-delà des
limites territoriales des agglomérations.

A. L’augmentation de la population urbaine :

Si on abolie le cas ou la population urbaine croit par rattachement des


communes rurales au rang de communes urbaine ou par immigration
internationale comme aux Etats unis, l’accroissement de la population des
villes provient en fait de deux sources : L’immigration rurale et l’accroissement

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naturel de la population urbaine. Le premier a été largement prédominant dans
l’urbanisation passée de la plupart des pays développés.

Quant au second, il est constant que la fécondité légitime est plus faible en
ville que dans campagnes, Plusieurs auteurs font d’ailleurs de cet écart entre
les deux taux de croissance de la population urbaine et rurale un instrument
d’analyse des étapes de l’urbanisation. Ils remarquent qu’à l’époque actuelle,
avec le recul de la population rurale et diffusion du phénomène urbain, le taux
de croissance des populations urbanisées tend à rejoindre le taux
d’accroissement de la population globale.

Il faut garder dans l’esprit que l’accroissement de la population des villes


s’accompagne d’un double processus de densification de l’habitat sur l’espace
urbain et d’extension de cet espace lui-même. La densification se traduit par la
concentration des populations sur certaines portions de l’aire urbaine.
L’extension spatiale implique une modification des densités par abaissement
au centre des villes et relèvement à la périphérie.

Il est très difficile d’établir un raisonnement en composante démographique


sans tenir compte des autres composantes, économique et surtout spatial de la
croissance urbaine.

B- L’élévation du produit et du revenu urbaine :

Le défit révélé lors de l’examinassions du produit urbain crée est celui des
activités du milieu rural dont le siège est implante en ville. Le poids
économique du milieu urbain est (donc) devenu énorme. Il semble bien que les
revenus et les patrimoines soient significativement plus élevés dans les villes
et que leur augmentation y soit plus rapide.

Cette explosion des revenus peut être attribuée à certaines raisons, a savoir
: les professions rares, se concentrent dans les grandes métropoles. La demande

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de ses services spécifiques est assez élastique au revenu. Enfin le secteur
tertiaire supérieur et ce que l’on pourrait appeler le secteur quaternaire –
l’informatique, la bureautique, le télétraitement et les formes variées du travail
à distance cités et constituent un apport croissant à la formation du produit
national.

C- L’extension des villes dans l’espace

Essai de classement Selon les modalités de la diffusion spatiale des villes,


on peut distinguer, avec Guyot (1968) :

- La croissance par adjonction de nouvelles surfaces au noyau urbain central ;


- La croissance par absorption des localités périphériques ;

- La croissance par fusion de deux ou plusieurs villes voisines dont les


faubourgs finissent par se rejoindre pour former une conurbation.

Selon les itinéraires de propagation du tissu urbain, on peut distinguer :

- La croissance concentrique par extension régulière des zones périphériques

- La croissance radiale ou axiale, disposés en croix, en patte d’oie, en étoile, en


doigts de gant.

- La croissance radioconcentrique, qui résulte en quelque sorte de la


combinaison des deux schémas précédents ;

- La croissance par secteurs, qui a été analysée et préconisée par Homer Hot
(1939)

- La croissance annulaire, par création de villes satellites disposées en


couronnes régulières ;

- La croissance polynucléaire, qui résulte soit de processus historiques


(croissance par fusion de villes voisines), soit d’aménagements concertés en

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vue de réaliser un meilleur équilibre entre les divers pôles urbains d’une région
;

- Enfin les croissances irrégulières, résultant soit d’obstacles naturels opposés


aux processus spontanés d’urbanisation, soit de schémas asymétriques élaborés
par les architectes et les urbanistes, créateurs de villes nouvelles. Apres avoir
présenter la signification démographique, économique et spatiale que revêt la
croissance urbaine, il nous apparait très utile de s’interroger sur les liens qui
s’établissent entre urbanisation, vie urbaine et modernité.

D- Croissance urbaine et modernité :

Le géographe Bernard Kayseri (1981) souligne de façon très pertinente la


double nature de la notion d’urbanisation lorsqu’il écrit : « la plupart des
chercheurs en sciences sociales admettent aujourd’hui que la notion
d’urbanisation se réfère : « - de façon évidente, au processus suivant lequel une
proportion importante de la population, au sien d’une formation sociale
donnée, se concentre sur un espace et reproduit, et « - de façon plus floue, à la
diffusion du système socioculturel dominant, qui est un système urbain,
puisque pensé par la ville, dirigé par la ville » Il est de fait que le monde de vie
urbaine est devenu aujourd’hui le modèle culturel dominant, au moins dans la
plupart des pays les plus développés ou l’urbanisation atteint ou dépasse 80%,
voir 90%. Il n’est pas jusqu’aux populations des campagnes les plus reculées
qui ne subissent l’effet des décisions urbaines, du mode de vie urbain, des
messages liés et contrôlés par des médiat urbains, et la majorité des grandes
innovations progressive, les conquêtes ouvrières et sociales sont d’abord
apparues dans les grandes villes, avant de se diffuser dans l’ensemble de la
société et d’y transformer les mentalités et les comportements.

Il est bien clair cependant que ces condition permissives de l’urbanisation en


général que comme des facteurs explicatifs directs de la croissance des villes

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et surtout de la ville. Sur ce point, les auteurs se séparent en deux groupes selon
qu’ils privilégient l’action des facteurs extérieurs ou intérieurs à la ville.

- Les facteurs exogènes Selon un premier groupe d’auteurs, que l’on peut
approximativement ranger parmi les tenants de la théorie dite de la base,
la croissance urbaine serait en grande partie orientée par le
développement des activités exportatrices de la ville. L’accent est ainsi
placé sur les facteurs exogènes et présent trois avantages :

Attirer l’attention sur les problèmes d’équilibre de la balance des échanges


extérieurs de la ville, dans la mesure où, en quelque sorte, la ville doit couvrir
ses importations de produits alimentaires par des exportations de biens et
services ;

Mesurer l’effet entraînant des exportations de la ville sur les autres activités
urbaines, par application des idées keynésiennes sur l’effet multiplicateur du
commerce extérieur ;

Prévoir la croissance urbaine future par le calcul de multiplicateurs d’emploi


dans les activités exportatrices ou basique et de multiplicateurs de la population
totale induite.

- Les causes endogènes Nombreux sont les auteurs qui ont privilégié les
forces internes du développement urbain. Chaque institution doit
innover ou bien découvrir ses propres facteurs de survie et d’extension.
La ville sécrète ainsi sa propre croissance à partir du complexe
d’activités qu’elle constitue.

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Section 3 : Les approches théoriques de la croissance urbaine

Dans cette section on va présenter les approches de la croissance urbaine

A- L’approche par le rang-taille :

Cette approche entamée par une recherche documentaire s’est axée sur
l’exploitation des séries statistiques issues des recensements de la population
et de documents existants en matière d’aménagement du territoire (SNAT,
SRAT, existants et en cours de préparation, SNDU, stratégies sectorielles en
œuvre et autres). Ce qui permettra d’avoir non seulement une pré connaissance
du fait urbain existent aux dates de publication de ces travaux, mais également
les prévisions et grands projets validés par les autorités.

L’approche quantitative de type rang-taille permet de mettre en exergue les


discontinuités du système urbain marocain. L’étude de l’évolution de la
relation rang-taille à travers plusieurs intervalles intercensitaires permet de
détecter aussi bien la stabilité du système urbain que les changements survenus
et d’en diagnostiquer les causes.

B- L’approche par l’attractivité urbaine :

En rapport avec la Direction de l’aménagement du Territoire à l’échelle


centrale et avec les agences urbaines à l’échelle régionale, une enquête
nationale sur les villes a été mise en place sous l’autorité du maitre d’ouvrage,
portant notamment sur les facteurs d’attractivité évoqués. En fonction des
indicateurs d’attractivité retenus, des questions ont été posées pour pouvoir
mettre à jour les enquêtes existantes basées sur les équipements communaux
(BADOC 1997 et Enquête Equipements communaux de 2000, faites par le
HCP) ainsi que celles menées par les différents départements ministériels

• Indicateurs de l’attractivité et de la compétitivité

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Dans les différents travaux sur ce sujet, deux catégories de variables se
distinguent : les facteurs (thèmes et sous thèmes) et les indicateurs. Si les
facteurs permettent d’expliquer la compétitivité, les indicateurs la révèlent et
la quantifient.

L’hétérogénéité des données disponibles et la diversité des variables ont


orienté l’analyse vers une approche qualitative grâce à une discrétisation des
données par la transformation des variables quantitatives en variables
qualitatives ordinales.

C- L’approche par le développement humain :

L’approche précédente peut être considérée comme axée sur la volonté des
villes à capitaliser sur leur potentiel et à investir le champ du futur dans une
dynamique de croissance. Il reste que pour la plupart des villes du pays, la
question du développement se pose d’abord et en priorité en termes de
rattrapage de retard accumulés et de mise à niveau des conditions physiques et
sociales des habitants. Peut-on envisager la mise en place d’une croissance
avec des insuffisances qui handicapent de nombreuses populations réparties
dans les différentes villes du réseau urbain du pays ?

D- L’approche par la gouvernance urbaine :

La gouvernance urbaine, dans le sens de la présente étude recouvre la


production de la ville, sa gestion et la prise en charge des principaux vecteurs
de développement tels que le foncier, l’économie numérique, l’économie verte,
etc. cette approche est nécessaire pour être en mesure de décliner les différents
dysfonctionnements à surmonter et les opportunités à saisir (démarche SWOT)
pour faire face aux objectifs de l’étude.

La production de la ville inclut les aspects institutionnels, organisationnels et


financiers liés à :

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- La mobilisation du foncier pour les extensions projetées ;
- La mise en état des sols pour les rendre constructibles ;
- La demande en terrains pour l’habitat et les vocations diverses ;
- La prise en charge de la réalisation des infrastructures projetées ;
- L’adéquation entre la planification spatiale et celle relevant de
politiques sectorielles.

E- L’approche par l’aménagement du territoire :

Cette approche « par le haut » vise à mettre en exergue les facteurs qui, au
niveau de la stratégie et des outils des politiques publiques et de l’aménagement
du territoire marocain, sont de nature à impulser le développement urbain en
général et certaines localités en particulier : système d’incitations en place,
charte d’investissement, infrastructures structurantes envisagées, espaces
réservés aux activités spécifiques, politique de l’environnement urbain,
politiques sectorielles génératrices de développement urbain, grands projets
nationaux.

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Chapitre 2 : Croissance urbaine au Maroc

Ce chapitre présente la croissance urbaine et les déterminants de la


croissance urbaine au Maroc, ainsi que les principaux modèles d’analyse
spatiale, tout en se focalisant sur le cas Marocain et comment peut-on expliquer
la croissance urbaine.

Section1 : La politique d’aménagement du territoire et


d’aménagement urbaine

Dans la première section de ce chapitre on va définir la relation entre la


politique d’aménagement du territoire et d’aménagement urbaine.

A- la politique d’aménagement du territoire :

La politique d’aménagement du territoire est une politique consistant à


rechercher, dans le cadre géographique national, la meilleure répartition des
activités économiques en fonction des ressources naturelles et humaines.

L'aménagement du territoire consiste, par une action volontariste de l'État,


à répartir harmonieusement sur le territoire national les hommes, les activités,
les outils d'éducation, les infrastructures de transport. Cette politique s'inscrit
donc en opposition avec les lois économiques du simple jeu de marché. Elle se
veut correctrice des déséquilibres géographiques, entre régions, entre villes et
campagnes, entre zones dynamiques et zones déshéritées. Elle va souvent de
pair avec la planification. Initiée en 1955, cette politique a pris réellement son
essor dans les années 1960-1970 (avec, notamment, la création de la
Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, ou
D.A.T.A.R.). Elle est passée ensuite à une phase de stagnation, d'hésitation,
voire d'usure, et semble avoir repris un certain élan depuis le début des années
1990.

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Depuis 1981, l'aménagement du territoire a été fortement influencé par deux
phénomènes marquants. En premier lieu, en mars 1982, la loi de
décentralisation dite « loi Deferre » pose le principe de la libre administration
des collectivités territoriales (communes, départements, régions), leur donnant
des pouvoirs politiques et économiques considérables. Mais, profitant de cette
nouvelle liberté, les collectivités locales les plus riches ont eu tendance à
accentuer leur avance. En second lieu, l'Europe est désormais le cadre naturel
de l'aménagement du territoire, notamment via le F.E.D.E.R. (Fonds européen
de développement régional).

En 1991-1992, une politique de délocalisation en province d'administrations


et de services publics est lancée. Une loi d'orientation pour l'aménagement du
territoire est adoptée (loi du 4 février 1995). En 1999, la loi d'orientation pour
l'aménagement et le développement durable du territoire met en place les
modalités de l'intercommunalité, confie aux régions la reconnaissance des
périmètres des pays, « territoires de projet ».

S'y ajoutent une loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain et


une loi d'orientation agricole. En 2003 s'ouvre une nouvelle étape avec la
modification de la Constitution relative à l'organisation décentralisée de la
République. En 2005, la D.A.T.A.R. est remplacée par la Délégation
interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires, ou
D.I.A.C.T. En 2005, le gouvernement décide de créer des pôles de
compétitivité industriels, principalement liés à la recherche-développement.

B- la politique d’aménagement urbaine :

De la définition d'un projet à sa réalisation, l'aménagement urbain


présente une double particularité de mobiliser une multitude d'acteurs, de
statuts, et de mettre à contribution des compétences diverses : géographes,
urbanistes, architectes, juristes, financiers.il identifie quatre niveaux dans les

21
pratiques d'aménagement : « La définition de la politique urbaine, qui échoit
aux agences d'urbanisme, communes, agglomérations de communes et autres
communautés urbaines ; le pilotage politique des projets, où est défini le
territoire théâtre des opérations; le pilotage technique qui revient aux
aménageurs, SEM, bureaux d'études, assistants à maîtrise d'ouvrage ; et la
réalisation, domaine des bureaux d'études, architectes, etc.

Penser la ville à partir de l’aménagement urbain revient à aborder la ville


comme un espace construit et à construire qui, dans le temps, structure,
transforme, développe le territoire, organise la vie des hommes et le
déploiement des activités, répond aux besoins en logements, en transports, en
travail, en culture, en loisirs, en éducation... Ces enjeux sont au cœur des projets
d’aménagement urbain. Projet d’implantation d’une ligne de tramway et de
transformation des espaces publics environnants (rues, places, parcs...) ;
création ex-nihilo d’un nouveau quartier à vocation commerciale et culturelle ;
reconversion de friches industrielles, ferroviaires, portuaires en une nouvelle
centralité urbaine mixant logements, activités économiques et équipements
publics ; réhabilitation d’un centre ville ancien dégradé...

Les exemples foisonnent et concernent aussi bien les métropoles, les villes
moyennes, les secteurs périurbains que les zones rurales. Ces projets sont des
instruments privilégiés de la transformation de l’espace et de l’organisation du
développement urbain. Ils ont pour objet de mettre en œuvre « une politique
locale de l’habitat, d’organiser le maintien, l’extension ou l’accueil d’activités
économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de
réaliser les équipements collectifs, de lutter contre l’insalubrité, de sauvegarder
ou de mettre en valeur le patrimoine bâti et les espaces naturels  Les projets
d’aménagement ne se confondent ainsi ni avec les projets de territoire, ni avec
les projets immobiliers qui constituent deux autres catégories bien distinctes
des projets rencontrés dans le champ urbain ».

22
Cette typologie constitue une seconde manière de spécifier les projets
d’aménagement urbain. Elle clarifie les champs d’action, les échelles
d’intervention (échelle spatiale), les temporalités, les principaux acteurs ainsi
que les problématiques dominantes attachées à chaque type de projet.

Les projets d’aménagement urbain actuels se caractériseraient ainsi par


de nouvelles manières de faire, à travers les négociations et les interactions qui
s’établissent entre les différents acteurs qui portent ces projets et contribuent à
leur conception.

La conception urbaine est appréhendée comme un processus de


définition collective des choix d’aménagement qui vont dessiner les contours
et donner corps à des projets d’aménagement urbain. Nous entendons cette
phase de définition des choix d’aménagement au sens large, c’est-à-dire
intégrant tant la phase amont d’avant-projet (ou programmation) que la phase
de conception détaillée (Arab, 2007). De fait, il apparaît réducteur de limiter la
conception urbaine à l’action d’un professionnel de l’urbanisme unique (celui
à qui échoit par contrat la fonction de conception du projet d’aménagement) ou
même à l’action d’une équipe pluridisciplinaire de maîtrise d’œuvre.

Elle relève plus certainement d’un collectif d’acteurs ayant chacun des
rôles, des visions et des ressources variés. C’est cette dimension procédurale
qui analyse des interactions et des jeux d’influences entre les différents acteurs
(publics et privés, maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre et maîtrise d’usage,
planificateur et aménageur) à l’œuvre dans cette phase de définition des choix
d’aménagement, afin de mettre en évidence la manière dont sont
collectivement conçus des projets d’aménagement urbain.

Section 2 : Les déterminants de la croissance urbaine au Maroc

Les déterminants de la croissance urbaine sont fondamentaux pour la


compréhension des modes de fonctionnement et de dysfonctionnement des
23
villes. Ils seront aussi fondamentaux dans l’élaboration de la vision prospective
sur laquelle se basera la stratégie future de l’armature urbaine :
- la dynamique démographique et migratoire : les villes marocaines
croissent avant tout par leurs populations, aussi bien celles qui y sont
nées que celles qui y immigrent.
- la dynamique économique : les villes marocaines croissent aussi par
les richesses qui y sont créées.
- La dynamique des flux et des interactions : les villes sont des
systèmes de maximisation des interactions grâce à un jeu de réseaux
d’infrastructures garantissant la mobilité et l’intensification des
échanges.
- Les dynamiques de la compétitivité et de l’attractivité
➢ L’armature urbaine marocaine se situe dans un territoire qui a été
façonné à travers les temps géologique et historique et qui, de ce fait, a
acquis ses caractéristiques propres qui ont déterminé la configuration
spatiale et fonctionnelle actuelle. Trois problématiques territoriales
spécifiques Maroc, permettront de discuter ces interactions : celles du
littoral, de montagne et de l’eau.

A- les dimensions démographiques :

L’analyse des dimensions démographiques s’impose en raison de


l’importance de la population dans le fonctionnement interne de la ville, en
plus de son importance dans les interrelations urbaines sur lesquelles se base
l’armature urbaine. Cette analyse sera faite dans 3 directions :

- Premièrement, la croissance des villes et de leur population,


- Deuxièmes, les tendances et les implications de la démographie
urbaine
- Troisièmement, les migrations et la croissance urbaine.

24
La croissance des villes et de leur population sera faite par l’analyse du
processus d’urbanisation au niveau des différentes échelles territoriales mais
en particulier au niveau des établissements humains (municipalités et petits
centres) en analysant le stock, la hiérarchisation des villes et la place des
différentes strates dans la dynamique d’ensemble, d’évolution, le poids
démographique et leurs degrés de dynamisme. La prise en compte de la place
du monde rural permettra d’apprécier les tendances et les implications sur la
croissance de la population urbaine.

L’analyse de la démographie urbaine apportera un éclairage plus fin sur les


composantes de la croissance démographique que sont les processus
migratoires, les transformations sociétales et la transition démographique et
dont la compréhension est fondamentale pour l’interprétation des dynamiques.

L’analyse des tendances dans les flux migratoires et dans la reconfiguration


des aires de recrutement des habitants des villes via les migrations internes,
sera utile dans la révision des schémas d’interprétation et plus précisément
ceux relatifs à l’exode rural d’une part et aux flux migratoires interurbains,
d’autre part.

Les données de base pour l’analyse sont constituées des résultats des
différents recensements (RGPH) de 1971 à 2014, les résultats des enquêtes
nationales démographiques, des recherches et études du CERED et l’analyse
documentaire. Pour les besoins du système d’Information Géographique(SIG),
un travail de cohérence a été réaliser pour établir la correspondance des
données statistiques des différentes entités administratives avec la cartographie
correspondante et ce, prenant en compte l’ensemble des changements de
statuts, des nouveaux découpages, des annexions de centres ou de partie de
communes rurales à une municipalité.

25
L’analyse est effectuée sur la base du découpage territorial en 16 régions du
fait de la disponibilité des données agrégées du HCP essentiellement celles
obtenues à partir des enquêtes et des travaux particuliers du CERED dont les
résultats sont sous forme d’indicateurs ou de taux régionaux. Parallèlement et
avec les données statistiques disponibles des RGPH, nous procéderont aussi
à une lecture des différents aspects démographiques à l’échelle des 12 régions
et, pour les deux découpages, une cartographique sera réalisée selon le besoin.

1- Croissance de la population et croissance des villes:

Le peuplement du Maroc a été faible dans les siècles précédents (4600000


habitants en 1900) et la croissance démographique de presque nulle (mortalité
et fécondité élevées), s’est progressivement améliorée sous l’effet des
améliorations dans les conditions sanitaires. Cette phase a été suivie par une
seconde phase caractérisée par un « élan démographique » suite à la baisse du
taux de mortalité puis par une troisième phase où l’on assiste à une baisse des
taux de fécondité, c’est le début de la transition démographique. Actuellement
et suite aux évolutions observées durant les trois dernières décennies, la
transition démographique est bien avancée : les taux de mortalité et de natalité
ont baissé et l’espérance de vie a augmenté, grâce aux efforts importants
réalisés dans le domaine du développement humain.

1-1- Peuplement et passe démographique du Maroc :

La transition démographique exprime les mutations par lesquelles passe la


société dans les domaines démographiques, culturels, économiques.
L’évolution démographique à l’échelle du Maroc est caractérisée par des
dynamiques différentielles selon le temps et les espaces du territoire. Ces
dynamiques différentielles selon le temps et les espaces du territoire.

Ces dynamiques sont le résultat de la transition démographique qui est à


l’origine de l’accroissement naturel de la population et des mouvements de

26
population dans l’espace ou migrations qui, ensemble, déterminent
l’accroissement global de la population. Celui-ci étant passé de 0,67 % en 1900
à 2,77 % en 1960 puis à 1,25% en 2014.

Le peuplement du Maroc en 2015 est caractérisé par une distribution


géographique laissant apparaitre une concentration humaine sur la façade
atlantique et une urbanisation plus rapide. La densité de la population totale de
6,5 habitants/ km2 en 1900, a augmenté pour atteindre 48 habitants/Km2 en
2014. Les densités augmentent dans les bassins d’attraction migratoires formés
des grandes villes du littoral atlantique.

• Jusqu’en 1994, les bassins d’attractions migratoires s’étaient


densifiés en s’élargissant aux périphéries des villes les plus
dynamiques, consolidant ainsi les densités dans les axes Agadir-
Tanger-Oujda.
• De 1994 à 2014 : les densités globales ont augmenté dans les
ensembles de plaines semi-arides en liaison avec la création des
périmètres irrigués au sud de Marrakech, dans la Haouz, dans
l’Oriental steppique et surtout dans les plaines Nord Atlantiques
de Safi à Mohammedia. Les densités rurales se stabilisent à 19
habitants au km2 à l’échelle du Maroc, avec le maintien, voire le
renforcement des densités élevées autour des pôles de
Casablanca-Rabat, Kenitra-Tétouan et de Marrakech. En matière
de densité communale, une limite nette se maintient entre les
zones à fortes densités et celles à faibles densités avec une
concentration des populations urbaines :
- Sur le littoral Nord Atlantique de Tanger à Tiznit ;
- Sur l’axe du Sais (Fès-Meknès) et du Gharb ;
- Sur le Rif central et le littoral méditerranéen : Oujda-Al Hoceima ;
- Sur l’axe du Dir : Marrakech-beni Mellal

27
L’évolution qu’a connue le Maroc dans les domaines social et économique
depuis ces dernières années a conduit à une urbanisation du littoral plus rapide
que celle des régions intérieures du territoire. Cette urbanisation a concerné le
littoral atlantique d’abord avec une densification de l’axe d’Agadir-Kenitra,
puis le littoral méditerranéen avec Tanger-Al Hoceima.

L’urbanisation des régions intérieures, après un ralentissement, a évolué


vers une stabilisation, puis vers une progression de la population urbaine grâce
aux promotions administratives de centres, mais aussi aux impacts des
programmes de développement et d’émergence des économies locales. La
population rurale a maintenu un léger dynamisme jusqu’en 1982, puis son
rythme de croissance a baissé rapidement, parallèlement à son poids
démographique qui est passé de 71% en 1960 à 40% en 2014. L’ensemble des
communes rurales sont caractérisées par la baisse du taux d’accroissement
global et des difficultés à maintenir leur croit naturel. Cependant, au cours des
deux décennies écoulées, la population rurale maintient un volume total de 13
millions d’habitants.

• Dynamiques démographiques et tendances


• La démographie urbaine
• Migrations et croissance urbaine

Définitions, concepts et sources des données

L’étude relative aux migrations internes au Maroc de 1975 à 1982 réalisée par
la Direction de la statistique et le Centre d’étude et de recherches
démographiques (CERED) a été effectuée à partir des données du RGPH de
1982 qui avait collecté la donnée « du lieu de résidence des enquêtes en 1975.
Les réponses à cette question ont pu « retracer les flux migratoires d’une

28
manière plus précise et plus définie dans le temps que les questions sur le lieu
naissance ou de résidence précédent ».

Les résultats n’ont pu être donnés que pour les agrégats suivants :

- Les « municipalités et Centres Autonomes » pris un à un, l’ensemble


des « autres centres » de chaque province et le rural de la province.
- Les centres autonomes : reconnus comme urbains par la Direction de
la Statistique du Plan (HCP actuellement) et par Décret administratif.
- Les « autres centres » : catégorie de localités qui ont été considérées
comme urbanisées ou urbaines lors des travaux de cartographie
précédant le recensement. La matrice origine, destination a été tirée
d’un sondage au ¼ du RGPH de 1982.

La mobilité a été étudiée sur la base d’un échantillon de 25% des enquêtes du
RGPH de 1994. La définition de la population migrante exclut la population
des nomades de celle dite « comptée à part ». La période de la mobilité couvre
le quinquennat allant de 1989 à 1994 et l’unité territoriale retenue pour l’étude
de la mobilité spatiale a été la préfecture ou la province. Le milieu urbain et le
milieu rural sont également pris en considération.

Les sources de données pour l’analyse sont les différents recensements


généraux de la population et de l’Habitat de 1960,1971, 1982 et 1994 les
résultats de l’Enquête Nationale Démographique à passage Répété de 2009 -
2010 (HCP) et « l’étude sur la dynamique urbaine au Maroc et bassins
migratoires des principales villes » avec les principales villes constituées d’un
regroupement de communs urbaines, auxquelles sont intégrées (parfois) des
localités ou centres urbains situés non loin de la ville dite « agglomération
mère »3.

3une agglomération désigne un ensemble urbanisé en continuité, comprenant la ville-mère et


sa banlieue. Mais la réalité est plus complexe. L'apparition du terme d'agglomération traduit les

29
Section 3 : Les modèles d’analyse de la croissance urbaine spatiale

Cette section présente les modèles d’analyse de la croissance urbaine


spatiale, en investissant le lien entre croissance économique et dynamiques
urbaines, de nombreuses études mettent en évidence « un processus circulaire
où les rendements croissants agrégés localisés sont à l’origine d’une
agglomération continue et cumulative des ménages et des firmes qui génère, à
son tour, des effets de taille de marché »4.

La structuration urbaine d’un pays et/ou d’une région, issue d’un tel
processus reste néanmoins un sujet de controverses théoriques :

- Ces controverses traduisent des véritables interrogations quant à la


nature de la croissance urbaine, c’est à dire la croissance démographique
des villes. Elles sont alimentées par un ensemble de travaux empiriques
qui se foca- lisent, depuis plusieurs années, sur l’étude des hiérarchies
urbaines et la structuration des systèmes de villes (Parr, [1985], Rosen
et Resnick, [1990], Alperovich, [1993], Krugman, [1996], Gabaix,
[1999], Gabaix et Ioannides,[2004]).
- Le point de départ de ces travaux est le constat empirique que la distri -
bution des tailles des villes d’un pays ou d’une région suit une loi de
Pareto:

ln Ri = ln α - £ln Si (1)

avec Ri le rang d’une ville i classée selon sa taille, Si sa taille


démographique, a un indicateur positif qui dépend de la taille de
l’échantillon considéré (nombre de villes) et n le coefficient de

transformations consécutives à l'urbanisation généralisée, liées aux évolutions des moyens de


transport, des centres commerciaux et autres zones d'activités en périphérie des villes-centres.
4(Glaeser et al., [1995], Moomaw et Shatter, [1996], Davis et Henderson, [2003], Duranton et Puga,

[2005], Catin et al. [2008]).

30
hiérarchisation qui représente une mesure pertinente du degré de
concentration urbaine. Lorsque ce coefficient est faible ( n inférieur à
1), un système urbain est caractérisé par le poids démographique
prépondérant des plus grandes villes (voire d’une seule ville). A
l’inverse, lorsque n est élevé (supérieur à 1), on est en présence d’un
espace où la population est distribuée de façon plus égalitaire entre de
nombreuses villes.
- De nombreuses études montrent que ce coefficient est extrêmement sta-
ble dans l’espace et dans le temps, avec une valeur très proche à l’unité
(Gabaix, [1993], Fujita et al., [1999], Dobkins et Ioannides, [2000], pour
les États Unis, Brakman et al., [1999], pour les Pays-Bas, Guérin-Pace,
[1995], pour la France, Soo, [2005], dans une étude des systèmes
urbains de 73 pays). Cette régularité empirique, appelée loi de Zipf
[1949], implique que les hiérarchies urbaines d’un pays ou d’une région
restent stables dans le temps, indépendamment des changements
économiques qui s’y opèrent, ce qui remet en cause le rôle des
externalités d’agglomération dans le proces- sus de croissance urbaine.
Comme le souligne Krugman [1996a et 1996b] la loi de Zipf devient,
alors, un fascinant « mystère urbain » qu’il reste à déchif- frer.
- Ces constats empiriques conduisent un certain nombre de chercheurs à
analyser les modalités de changement démographique d’une ville et des
mécanismes économiques sous-jacents. On peut classer leurs travaux
dans deux grandes séries d’approches théoriques :
Les théories de la croissance aléatoire et les théories de la croissance
déterministe. Leur lecture différenciée du processus de croissance
urbain a des conséquences importantes en matière de politique
économique et de gouvernance des villes.
- Dans les théories de la croissance aléatoire, les externalités
d’agglomération n’influencent guère les choix de localisation et de

31
migration des ménages. Seules les politiques locales, créatrices
d’aménités locales, sont susceptibles d’influencer ces choix et agir, par-
là, sur la démographie d’une ville. La croissance démographique
urbaine est, alors, indépendante des effets taille et s’apparente à un
processus de marche aléatoire, ce qui valide la loi de Gibart.
- A l’inverse, dans les théories de la croissance déterministe, la croissance
urbaine est essentiellement entretenue par le jeu des externalités
d’agglomération. Elle apparaît comme un processus qui s’inscrit dans la
continuité des dynamiques démographiques antérieures d’une ville,
déterminées par les caractéristiques de son appareil productif et sa
spécialisation. Les décisions de migration des ménages dépendent des
choix de localisation industrielle des firmes, influencés par des
politiques sectorielles et de R& D.

A- Les théories de la croissance urbaine aléatoire

En supposant que la croissance démographique d’une ville ne dépend pas


de sa taille actuelle ou passé (loi de Gibrat), les modèles de croissance aléatoire
montrent qu’à l’état stationnaire, la distribution rang-taille des villes suit la loi
de Zipt. Les prémices de ces modèles se trouvent dans le travail de Simon
(1995) qui propose une explication statistique de la loi de Gibrat pour les villes,
sans aborder les mécanismes économiques qui guident les choix de localisation
et de migration des agents économiques. Cette étape sera franchie, quarante
ans plus tard, par le travail fondateur de Gabaix (1999).

1. La loi de Gibrat pour les villes :


Dans son livre, intitulé « les inégalités économiques », Gibrat(1931)
analyse la distribution des populations des firmes, en cherchant à spécifier
la relation entre leur taille et leur croissance. Adaptée aux systèmes urbains,

32
la loi de Gibrat implique que le taux de croissance urbaine est indépendant
de la taille des villes [(Mansfield,(1962), Sutton (1997)].

- Si St est la taille d’une ville à l’instant t et gt une valeur


aléatoire désignant le taux de croissance de cette taille entre
les périodes t -1 et t :
St − St − 1 = gt St − 1 (2)

On peut exprimer la variable St en fonction de la taille initiale S0 de


la ville de manière suivante :
St = ( 1 + gt )St − 1 = ( 1 + g1 )( 1 + g2 ) { ( 1 + gt )S0

Si l’on considère que gt est suffisamment petit, on peut utiliser


l’approximation suivante :

ln ( 1 + gt )  gt [4]

En travaillant sur le logarithme de l’expression 3, on obtient :

ln St = ln S0 + g1 + g2 + { + gt [5]

Si les termes aléatoires gt sont indépendants, de moyenne µ et de variance r


, lorsque le temps t tend vers l’infini, la distribution de ln S tend vers
2

une distribution normale de moyenne µt et de variance r 2 t. Ceci signifie


que, lorsque la loi de Gibrat est vérifiée, pour chaque ville i à chaque
instant t, la croissance démographique peut être désignée par la
relation :

ln Sit = µ + nln Sit − 1 + uit [6]

33
où n = 1 et uit est une variable aléatoire [Steindl, 1965]. Dans ce
cas, la croissance d’une ville i à un instant t ne dépend ni de sa taille
initiale ni de son histoire ou de sa dynamique démographique des
périodes antérieures et n’a pas d’impact, non plus, sur sa
croissance future. La taille des villes suit, alors, une marche aléatoire
caractérisée par une succession de chocs indépendants et
identiquement distribués (i.i.d.) et ne converge pas vers une
distribution limite finie. Ceci sous-entend qu’il n’existe pas de taille
urbaine optimale. A l’inverse, si n  1, les petites villes croissent
systématiquement plus vite que les grandes, ce qui conduit à une
convergence des tailles.

La validité de loi de Gibrat pour les villes ( n = 1 ) a trois


conséquences sur la croissance urbaine (Ijiri et Simon, [1977],
Tschoegl, [1983]) :

i) Les villes de taille différente affichent


une espérance de taux de crois- sance
avec la même valeur :

E ( git ) = µ, i, t [7]

ii) La variance des taux de croissance est la même pour des


villes de taille différente :

Var ( g ) = r 2, i, t [8]

iii) Les taux de croissance des villes, à une période donnée, sont
indépen- dants des taux de croissance enregistrés au cours des
périodes précé- dentes :

34
Cov ( git, git − k ) = 0, i, t et k  N

Kalecki [1945] souligne que si la loi de Gibrat est vérifiée pour un nombre
fixe de villes, la relation (2) n’est pas stationnaire dans le sens où la
variance de la taille S augmente de façon continue avec le temps t, ce qui
est peu plausible, du point de vue empirique. En abandonnant l’hypothèse
de l’indé- pendance entre le volume des chocs exogènes g et la taille initiale
de la ville, il construit un modèle de croissance urbaine, avec une variance
stable dans le temps :

ln Sit = g + µt + ( 1 − k )ln Sit − 1 + uit [10]

où 1  k  0. Dans ce modèle, µ représente, toujours, un facteur de


croissance incrémentale, mais le changement de la taille ln Sit est

lié négativement à ln Sit − 1, via − k. Lorsque k est égal 0, la loi de


Gibrat est validée dans sa formulation forte, mais, dans la plupart
des cas, k représente une variable d’ajustement, certes proche mais
systématiquement supérieure à 0, ce qui signifie que des effets
d’échelle entrent en jeu pour conduire la distribution
vers une taille d’équilibre définie par ( g + µt )/k. Le modèle de Kalecki
génère une distribution rang-taille des villes qui suit une loi
lognormale [Eeckhout, 2004].

2. Le modèle probabiliste de Simon


Le travail précurseur de Simon [1955] explore les propriétés d’un modèle
de croissance urbaine probabiliste permettant de valider la loi de Gibrat,
sans néanmoins développer une quelconque argumentation sur les méca-

35
nismes économiques qui conditionnent la localisation et le déplacement des
ménages et des firmes. Comme le souligne Krugman [1996a et 1996b],
l’intérêt du modèle de Simon réside non pas dans sa construction, mais
dans le fait qu’il génère une distribution rang-taille des villes qui suit une
loi de Pareto, ce qui est conforme aux observations empiriques.

Dans le modèle de Simon [1955], la population ne croît pas de façon


régulière mais augmente à travers la superposition de blocs discrets. Un
nouveau bloc a une probabilité p de s’installer sur une nouvelle place – et
donc de former une nouvelle ville – ou 1 − p de s’attacher à un groupe de
blocs (une ville) existant. Soit S la taille d’une ville mesurée en nombre de
blocs, P la population totale, NS le nombre de villes de taille supérieure ou
égale à S et nS le nombre de villes de taille S. Conformément au modèle
rang-taille, la queue supérieure de la distribution est décrite par la relation
N = kS − a, tandis que n = akS − a − 1, ce qui signifie que l’élasticité de la
densité des villes par rapport à leur taille est égale :

(11)

Simon émet l’hypothèse que le système urbain converge vers un état


stationnaire (dans lequel le ratio nS /P est constant). Ce ratio se modifie
sous l’influence de trois mouvements : l’addition d’un bloc à une ville de
taille S − 1, ce qui conduit à une augmentation du nombre nS de villes de
taille S ; l’addition d’un bloc à une ville de taille S (dont la population atteint la
taille S + 1), ce qui conduit à une diminution de nS ; finalement
l’augmentation totale de la population P (avec l’arrivage de blocs de
population dans des villes de taille autre que S ou S − 1). Dans ce cas,
l’espérance de changement du ratio nS /P s’écrit :

36
E = (12)

Lorsque le système urbain tend vers l’état stationnaire, le taux espéré de


croissance urbaine tend vers 0, ce qui donne la relation entre le nombre de
villes de taille S et

S−1:

(13)

En se focalisant sur la partie haute de la distribution, on peut considérer que la


distribution discrète de la taille des villes peut être approximée par une
distribution continue n ( S ) où :

(14)

ce qui permet de calculer l’élasticité de la densité des villes par rapport à


leur taille :

(15)

Ceci indique que la partie haute de la distribution rang-taille des villes est
37
caractérisée par une loi puissance avec un coefficient de hiérarchisation égal à

1/ ( 1 − p ).
Duranton [2006] résume les critiques qui peuvent être formulées à l’égard du
modèle de Simon. En premier lieu, la teneur théorique du modèle est très faible
car la croissance de la population et les choix de localisation des différents
blocs ne reposent guère sur des mécanismes économiques. Simon évacue ainsi
toute relation entre la croissance urbaine et des facteurs traditionnellement
considérés comme déterminants des choix de localisation et de migration des
agents, tels que les économies externes et les coûts de transport.

En second lieu, le modèle de Simon converge vers une distribution des villes qui
suit une loi de Pareto, dans un processus infiniment lent d’affai- blissement de la
croissance démographique, afin d’atteindre p 0, que Krug- man qualifie de situation
de dégénérescence (Krugman, [1996a], Fujita et al., [1999]). Selon Gabaix [1999], le
modèle de Simon fonctionne si seulement le taux de croissance du nombre de villes
(c’est-à-dire le taux d’apparition de villes nouvelles) est supérieur ou égal au taux de
croissance démographique des villes existantes. Dans un modèle très proche de
celui de Simon, Steindl [1965] explicite ce problème, en montrant que le coefficient
de hiérarchisa- tion de la distribution rang-taille des villes est égal au rapport
du taux d’accroissement démographique des villes existantes sur le taux d’appari-
tion de nouvelles villes. Cependant la condition de réalisation de la loi de Zipf
implique que ces deux taux soient égaux, ce qui paraît fortement irréa- liste et
historiquement erroné [Knudsen, 2001].

3. La croissance urbaine aléatoire

Mises à part quelques tentatives isolées [Clark et Stabler, 1991], le travail

38
original de Simon n’a pas généré de recherches significatives sur la crois- sance
urbaine, avant le milieu des années quatre-vingt-dix. En cherchant à corriger ses
imperfections, Gabaix [1999] développe, alors, un modèle de croissance urbaine qui
conduit, à l’état stationnaire, à une distribution rang- taille des villes qui suit la loi
de Zipf.

Gabaix s’appuie sur un ensemble d’hypothèses très restrictives : le sys- tème


urbain est caractérisé par une population totale croissante ; la libre mobilité du
travail existe mais est réduite aux jeunes ménages : ceux-ci peuvent migrer une
seule fois, au début de leur entrée dans la vie active, puis, une fois leur choix de
localisation effectué, ils ne changent plus de lieu d’habitation ; enfin, les technologies
de production sont à rendement cons- tant et il n’y a pas de capital physique : la
production ne dépend, donc, que du seul facteur travail. Sous ces hypothèses, la
croissance urbaine s’appa- rente à une marche aléatoire qui dépend uniquement des
mouvements migratoires des jeunes ménages. Les choix de migration, dans
chaque période, sont liés aux impacts de chocs exogènes distribués de façon aléa-
toire. Ces chocs sont générateurs d’aménités urbaines de façon multiplica- tive et
conduisent à une modification de la fonction d’utilité des ménages.

Selon Gabaix, la nature de ces chocs exogènes est diverse : d’une part, ils peuvent
être identifiés comme des événements historiques ou naturels (tels que des guerres et
des bombardements, des catastrophes naturelles et des épidémies, voire, dans les pays
en développement, des mauvaises récoltes conduisant à des disettes et des famines).
D’autre part, de façon plus conventionnelle et fréquente, ces chocs peuvent
représenter les impacts des politiques économiques locales propres à chaque ville,
relatives à la déter- mination du niveau des différentes taxes et impôts locaux, à la mise
en place d’infrastructures et d’équipements publics et, de façon plus générale, à
l’amélioration de la qualité et de la variété des services municipaux, allant de l’offre
scolaire aux mesures de protection de l’environnement ou les actions culturelles.
Enfin, Gabaix [1999] admet l’hypothèse de chocs spéci- fiques à un secteur et/ou à une

39
industrie, tout en montrant que, pour les plus grandes villes, ceux-ci n’ont pas
d’incidence sur la variance du taux de croissance urbaine.

Dans le modèle de Gabaix [1999], les niveaux d’aménités ait dans les différentes
villes sont i.i.d. et se modifient en fonction des politiques propres de chaque ville. Si
uit est l’utilité de chaque ménage habitant dans la ville i et wit le salaire unitaire, alors
à l’équilibre, les salaires, ajustés par le niveau des aménités, sont identiques dans
toutes les villes :
ait wit uit (16)

En considérant que S M est le volume des migrants vers une ville i à


l’instant t et S P la population déjà en place, la fonction de production localisée
au sein de cette ville,

sous un régime de rendements constants et compte tenu de l’hypothèse


d’absence de capital physique, est :

(17)

Les salaires des migrants dans chaque ville sont fonction du ratio du volume
de la population sur place et des nouveaux arrivants :

(18)

Dans ce cas :

= (19)

En tenant compte du taux de mortalité h et des restrictions migratoires citées


précédemment, le taux vtt = Sit norm /Sit-1 norm, mesurant la croissance de la
taille normalisée d’une ville i (c’est à dire de la taille de la ville divisée par
la population urbaine totale] est donné par la formule :

40
(20)

Comme la distribution des niveaux d’aménités ait est indépendante de la


taille des villes S norm, le taux v l’est également, avec une fonction densité
f ( v ). Chaque ville i affiche, ainsi, la même espérance de croissance
démographique.
L’espérance du taux de croissance normalisé g − 1 est nulle, ce qui signifie
que :

(21)

Si Gt ( S ) représente la fonction de répartition complémentaire des tailles des


villes les plus grandes, au moment t, Gabaix [1999] montre, alors, que celle-
ci suit un processus stationnaire qui vérifie l’équation:

(22)

A l’état stationnaire, cette équation vérifie la loi de Zipf pour les villes,
décrite par la fonction G ( S ) = a/S b, pour laquelle b est égal à 1.
Selon Gabaix [1999], la seule condition restrictive est que la taille des
villes ne puisse descendre en dessous d’une certaine taille minimale
Smin, sinon la distribution devient log normale. Ceci signifie qu’au-delà
d’une certaine taille urbaine, à l’état stationnaire, la croissance des villes
obéit à la loi de Gibrat et conduit à une distribution rang-taille qui suit la loi
de Zipf.

En suivant Kalecki [1945], Gabaix [1999] suggère que le taux de croissance


d’une ville i, git, peut être décomposé en une fraction commune pour toutes
les villes considérées et une fraction spécifique propre à chaque ville, région
ou industrie :

41
g = gfl + gpol + greg + gind [23]

où gfl représente le taux de croissance démographique national, gpol les


impacts démographiques liés aux politiques spécifiques de chaque ville i en
matière d’équipements publics, greg les impacts liés aux performances
macroéconomiques de la région d’appartenance de la ville i et gind les
impacts des chocs sectoriels. La variance du taux de croissance de la taille
S de la ville i peut être décomposée de la même manière :

r 2 ( g ) = r 2 pol ( g ) + r 2 reg ( g ) + r 2 ind ( g ) (24)

Selon Gabaix, on peut raisonnablement considérer que les variances de gpol


et de greg sont indépendantes vis-à-vis de la taille de la ville i, tandis que la
variance gind, qui représente les impacts démographiques des chocs éco nomiques,
est décroissante vis-à-vis de la taille urbaine, comme le sug- gèrent la plupart des
études empiriques. Or, en supposant que, dans les grandes villes, les effets de la
diversification industrielle sont consommés et que le marché du travail pour des
compétences différenciées est moins fluide que prétendu, Gabaix stipule que, au-
delà d’une certaine taille urbaine, la variance de git peut être également considérée
comme indépen- dante vis-à-vis de la taille des villes. Duranton [2007] et Rossi-
Hansberg et Wright [2007], puis Cordoba [2008) cherchent à résoudre de problème,
en enlevant la contrainte d’une variance des taux de croissance indépendante de la
taille des villes. Ils décrivent, alors, un processus de croissance urbaine stochastique
qui génère des distributions rang-taille de villes pouvant dévier de la loi de Zipf.

Les théories de la croissance aléatoire cherchent à construire un cadre explicatif de


la loi de Gibrat pour les villes, en modélisant les comporte- ments de localisation
et de migration des ménages, sous un ensemble d’hypothèses fortement restrictives.
Conscients du caractère idiosyncratique du processus de changement urbain
considéré, plusieurs défenseurs des théories de la croissance aléatoire (Ioannides et
42
Overman, [2003], Eeckhout, [2004], Gabaix et Ioannides,[2004]) soulignent, alors,
le besoin de relâcher certaines hypothèses fortement contraignantes. Ceci les conduit à
admettre que la taille d’une ville, associée à des effets externes positifs ou négatifs,
peut jouer un rôle de régulation de la croissance urbaine, en amortissant (ou en
accélérant) les impacts des chocs exogènes, que ceux-ci soient de nature politique,
environnementale ou sectorielle et qui restent distribués de façon aléatoire.

B- Les théories de la croissance urbaine déterministe

Les approches de la croissance urbaine déterministe partagent l’hypo thèse selon


laquelle le changement urbain est un processus déterminé par les effets taille des
villes. Contrairement aux théories de la croissance aléatoire, ces approches
admettent l’hétérogénéité urbaine : les villes se différencient entre elles par leurs
caractéristiques naturelles ou historiques, les attributs de première ou de seconde
nature, – selon la terminologie employée par Cronon [1991] et reprise par Krugman
[1993] –, qui génèrent des effets d’échelle spécifiques [Kim, 1999].
La concentration de la population et de l’activité économique dépend ainsi,
d’une part, des attributs de première nature de certains sites urbains, c’est-à-dire des
avantages naturels tels que la fertilité des sols, l’existence de ressources minières,
l’accessibilité par des routes navigables, maritimes et fluviales ou un climat agréable
et, d’autre part, de la présence d’attributs de seconde nature, à savoir, des avantages
qui découlent des interactions entre agents économiques, lorsqu’ils sont
spatialement concentrés. Ces avantages, historiquement construits, sont
indépendants des caractéristiques intrinsèques des sites géographiques, les
interactions physiques entre les agents économiques se substituant aux interactions
entre ces agents et leur environnement naturel. Ils se manifestent par les externalités
d’agglomération qui sont déterminées par le périmètre de circulation des
connaissances et des informations localisées, par la concentration de firmes

43
industrielles spécialisées, par l’existence d’un marché local du travail et des
compétences spécialisé, par le développement des secteurs en amont et en aval des
industries principales (Fujita et al.,[1999], Duranton et Puga [2005]).
Les théories de la croissance urbaine déterministe ne permettent par d’expliquer la
structuration des hiérarchies urbaines d’un pays, dans le sens où les modèles
construits ne cherchent pas à interpréter la stabilité de la distribution rang-taille des
villes mais plutôt à saisir les tendances à la concentration ou à la dispersion urbaine.

1- Villes et avantages géographiques

Le rôle des facteurs naturels dans la détermination de la localisation industrielle


est exploré dans les travaux pionniers de Marshall [1898] [1971], actualisés par
Krugman [1993]. En admettant l’hypothèse que les caractéristiques géographiques
affectent les choix de localisation des firmes et des ménages, plusieurs études
mettent en évidence l’importance des attributs de première nature sur la formation
et la croissance des villes (Ellison et Glaeser, [1997 et 1999], Kim, [199]). Dans ces
études, l’hétérogénéité physique de l’espace est à l’origine du phénomène
d’agglomération, même si, par la suite, les attributs de seconde nature, c’est-à-dire
les économies externes d’agglomération générées par l’interaction des agents
spatialement concentrés, entretiennent des processus cumulatifs de croissance
urbaine (Fujita et al., [1999], Behrens [2007]).
Dans ces analyses, une première difficulté relève de la définition même des
attributs de première nature [Chasco et Lopez, 2008]. Dans leur modèle, Gallup et
al. [1999] utilisent 36 variables muettes pour décrire différentes caractéristiques
géographiques des villes, ce qui réduit la pertinence des interprétations que l’on peut
formuler à partir de leurs résultats, d’autant plus que certaines de ces variables
explicatives sont fortement corrélées entre elles (par exemple, les caractéristiques
géologiques et la fertilité du sol environnant). McCallum [1995], de son côté,
suggère de ne pas se limiter aux caractéristiques naturelles des différents sites
urbains mais d’inclure également leurs spécificités géopolitiques, telles que la

44
proximité de zones frontalières ou la primauté institutionnelle accordée aux
capitales nationales ou régionales, ce qui accroît considérablement le nombre de
variables à prendre en considération.
Une seconde difficulté est liée à la fragmentation de l’espace global par les
frontières nationales. Ainsi, le modèle de Gallup et al. [1999] ne montre aucune
corrélation entre la densité de la population et la distribution des avantages
géographiques au niveau mondial ou continental. Une telle cor- rélation émerge, à
l’inverse, lorsque l’espace de référence est le territoire national. Escobal et Torero
[2005] et Chasco et Lopez [2008] proposent des spécifications du modèle de Gallup,
permettant d’étudier la relation entre la formation des villes et la distribution des
ressources géographiques, respec- tivement, en Allemagne, au Pérou et en Espagne.
Une troisième difficulté relève enfin des interactions possibles entre carac-
téristiques géographiques et facteurs historiques, c’est-à-dire entre les attri- buts de
première et de seconde nature. Gallup et al. [1999] suggèrent que l’accès à la mer
(et aux transports maritimes) explique de façon assez convaincante la formation et
la croissance des grandes agglomérations dans les pays africains et sud-américains.
Or, ce phénomène pourrait également trouver ses sources dans des facteurs d’ordre
historique qui se conjuguent aux facteurs d’ordre géographique : l’arrivée de colons
européens, essentiel- lement par voie maritime, dans les siècles précédents, et la
fondation de comptoirs commerciaux permettent également d’interpréter ces
caractéris- tiques du développement urbain de ces régions.

Dans les modèles les plus récents, la croissance urbaine est le résultat de
l’interaction de trois facteurs : les effets directs des attributs de première nature, les
effets indirects des attributs de première nature, véhiculés par des externalités
d’agglomération, et les effets directs des attributs de seconde nature qui sont
indépendants des caractéristiques intrinsèques de chaque site [Chasco et Lopez,
[2008]). La variance totale de la taille urbaine est, ainsi, expliquée par chacun des
deux facteurs, auxquels s’ajoutent les effets de leurs interactions :

45
(25)

où r 2 est la part de la variance totale de la croissance


u urbaine expliquée par les
effets des attributs de première nature, r 2 est la part de la variance expliquée par
des effets des attributs seconde nature, r 2
est la part de la variance totale
expliquée par l’interaction des effets précédents et r 2 est la part de la variance
totale qui reste inexpliquée. Dans leur étude des évolutions des plus grandes
agglomérations des États Unis, Glaeser et al. [1995] trouvent que certains
attributs de première nature, tels que le climat, jouent un rôle significatif dans
la détermination du rythme de la croissance urbaine. Chesire et Magnini [2006]
atteignent les mêmes conclusions pour les villes européennes, tout en montrant
que le climat ne joue un rôle déterminant que lorsque l’on compare les
évolutions des agglomérations d’un même pays ; son rôle s’amenuise dans les
mouvements démographiques qui impliquent un changement de frontière.
Fujita et Mori [1996] s’interrogent, de leur côté, sur le caractère pérenne des effets
des attributs de première nature sur la croissance démographique. D’une
agglomération. Selon ces auteurs, l’accès à la mer explique, par exemple, de
façon assez convaincante la formation d’agglomérations portuaires qui comptent,
souvent, parmi les plus grandes villes de différents pays. Par contre, avec
l’avènement d’autres modes de transport et l’amélioration de l’accessibilité des sites
continentaux, les effets de ces avantages devraient s’estomper dans le temps ; or
ceci ne semble pas être le cas, du point de vue empirique. Afin d’expliquer ce
phénomène, Fujita et Mori proposent un modèle évolutionniste où, sous un régime
de rendements croissants, la localisation des villes est due à la présence d’attributs
de première nature mais, par la suite, leur croissance démographique est entretenue
par la présence d’externalités d’agglomération, c’est à dire des attributs de
seconde nature.
Krugman [1996a, 1996b] et Fujita et al. [1999]) entreprennent une tentative de
rendre compatibles ces analyses avec les observations empiriques sur les systèmes

46
des villes. En sacrifiant l’hypothèse de l’homogénéité de l’espace, Krugman
[1996b] suppose que les attributs de première nature, permettant une meilleure
accessibilité de certains sites et favorables aux processus d’agglomération, sont
distribués de façon aléatoire dans l’espace global, national ou régional et que cette
distribution suit une loi de Pareto (par exemple, la taille des rivières navigables aux
États-Unis). Dans ce cas, la distribution rang-taille des villes liées à ces sites naturels
suit également, dans sa partie haute, une loi de Pareto.
Dans ce modèle, la taille des villes dépend de leur poids en tant que nœud
d’interconnexion dans le réseau urbain régional ou national, ce qui confère, de façon
assez générale, une primauté aux ports marins ou fluviaux sur les villes qui
composent leur arrière pays. Behrens [2007] prolonge ce travail, en proposant un
modèle d’équilibre spatial asymétrique, déterminé par le rôle des attributs de
première nature et les technologies de transport dominantes. Dans ce modèle, la
localisation et la taille urbaine restent condition- nées par les caractéristiques
géographiques de chaque site et notamment les paramètres d’accessibilité.
Malgré la pertinence de ces modèles, il convient, néanmoins, de rappeler que de
nombreuses grandes métropoles ont émergé et prospéré sans jouir de tels avantages
géographiques initiaux, comme le rappelle Cronon [1991], dans son étude sur le
développement de la ville de Chicago.

2- Le rôle des externalités d’agglomération

Un deuxième ensemble d’approches se focalise sur le rôle des attributs de seconde


nature dans les processus d’agglomération et de changement démographique urbain,
en admettant l’hypothèse d’une hétérogénéité spa- tiale historiquement construite.
Deux grandes séries de modèles doivent être distinguées : d’une part, les modèles
d’économie géographique qui cherchent à expliquer les processus de concentration
spatiale des agents dans un environnement de concurrence imparfaite (Arthur, [1989],

47
Krugman, [1991], Fujita et Krugman, [1995], Combes et al., [2006]) ; d’autre
part, les modèles issus du travail pionnier de Henderson [1974, 1988] où la taille
d’une ville est le résultat de tensions entre des forces centripètes, favorables à
l’agglomération, et des forces centrifuges, conduisant à une dispersion de la
population.
Les premiers cherchent à construire un équilibre général spatial, en pre- nant en
considération les interactions déterminées par le jeu entre forces centripètes, les
externalités liées au capital humain, et forces centrifuges, les coûts de transport
(Palivos et Wang, [1996]). Krugman [1991] étudie la formation et la croissance des
agglomérations dans un modèle à deux régions (villes) dans lequel la migration des
travailleurs industriels dépend des dif- férentiels de salaire réel entre deux régions.
Dans un modèle proche, Anas [1992] considère, de son côté, que le facteur de
migration des ménages est le différentiel du niveau d’utilité. Dans ces modèles,
l’hétérogénéité spatiale surgit à travers des processus cumulatifs d’agglomération
qui sont le fruit du hasard d’une localisation initiale combiné au jeu des externalités,
tech- nologiques ou pécuniaires, générées par les interactions des agents écono-
miques. La croissance démographique des villes n’est, alors, qu’une consé- quence,
à effets rétroactifs, des choix des firmes et des travailleurs.
La deuxième série de modèles s’appuie sur le travail pionnier de Hender- son
[1974, 1988]. Selon Henderson [1974], au sein d’un environnement caractérisé
par la libre circulation du travail, la taille d’une ville est fonction du niveau d’utilité
des agents représentatifs résidents. La relation entre la taille urbaine et le degré
d’utilité d’un agent représentatif résidant dans cette ville est décrite par une courbe
en U inversé, qui traduit les tensions entre les externalités d’agglomération
positives et négatives. Les premières repré- sentent des économies externes
d’échelle, liées à la spécialisation écono- mique, tandis que les secondes dépendent
de la taille globale d’une ville et englobent les effets de congestion, les coûts des
migrations alternantes et la pression foncière.
Henderson [1974] conçoit un système urbain au sein duquel la taille opti- male des

48
villes diffère en fonction de leur spécialisation, sous l’effet conju- gué de trois
mécanismes : premièrement, comme les économies d’agglomé- ration ne dépendent
que des effets de spécialisation, chaque ville se spécialise dans la production d’un
seul bien, tout au moins pour les secteurs à vocation exportatrice. Deuxièmement,
l’intensité des économies d’agglo- mération est différente pour chaque industrie ; on
peut, par exemple, ima- giner que quelques firmes textiles, spatialement
concentrées, suffisent pour générer le maximum d’économies externes d’échelle
localisées, contraire- ment au secteur bancaire où un plus grand nombre de firmes est
nécessaire (Henderson, [1974], Krugman, [1996a]). Rosenthal et Strange [2004]
mon- trent, à cet égard, que la portée spatiale des externalités diffère selon leur
nature, y compris sectorielle. Compte tenu du fait que les forces de disper- sion sont
les mêmes pour toutes les villes, mais que les forces de concen- tration diffèrent
(selon leur spécialisation), il n’y a aucune raison pour que deux villes avec des
spécialisations différentes aient la même taille optimale. Enfin, en troisième lieu,
l’équilibre dans le système des villes est réalisé par l’ajustement des prix relatifs de
façon que l’avantage net de localisation d’un ménage représentatif soit le même,
pour toutes les villes.
Dans sa version forte, le modèle de Henderson [1974] conduit à des villes
mono-spécialisées, de taille différente. Sur un plan empirique, il reste, néan-moins,
compatible avec le cas de figure où les villes sont caractérisées par une combinaison
variable de plusieurs secteurs productifs.
Ainsi, tandis que les modèles d’économie géographique montrent com- ment les
attributs de seconde nature peuvent, à eux seuls, expliquer l’émer- gence d’un
processus d’agglomération, les approches inspirées du modèle de Henderson
investissent la question de la taille optimale d’une ville sous l’influence du jeu
contrasté des externalités d’agglomération.

3- Les modèles de croissance urbaine endogène

49
Selon Lucas [1993], la formation et la croissance des villes s’expliquent par
la présence de rendements croissants liés à la spécialisation industrielle et à la
formation d’un marché local du travail, mais également au potentiel de la demande
finale localisée, c’est-à-dire au potentiel de marché que représente une
agglomération. Il initie, par-là, un ensemble de modèles de croissance endogène
qui prennent en considération les dynamiques d’agglomération engendrées par la
formation d’un capital humain localisé.
Eaton et Eckstein [1997] proposent un premier modèle de croissance urbaine
endogène où le capital humain hkit d’un individu k, habitant la ville i, durant la
période t est égal à :
hkit = H * ( 1 − e kit ) [26]

avec H * le volume des connaissances dans la ville i et ekit le temps de travail de


l’individu k (avec 1 − ekit, le temps alloué à sa formation et l’accumulation de son
capital humain personnel). Un volume de connaissances locales H * élevé implique
une meilleure efficacité du temps consacré à la formation. Ce volume dépend non
seulement de la vitesse d’accumulation des connaissances dans la ville i, mais
également de l’accumulation des connaissances dans les autres villes. Ainsi, si il y
a K villes, avec chacune un niveau de capital humain égal à Hjt, où j = 1, { K :

(27)

avec Hjt le niveau de capital humain dans la ville j et hij  0 la contribution de la


formation du capital humain de la ville j dans l’accumulation des connaissances
dans la ville i. Si hij est élevé, lorsque i 7 j, ceci signifie que la circulation
des informations et des connaissances au niveau interurbain est élevée ; à
l’inverse si hij est faible, lorsque i 7 j, la circulation des connaissances intra-
urbaine se fait au dépens de la circulation interurbaine. Eaton et Eckstein rappellent
que dans la configuration d’un système urbain primatial où la ville dominante

50
représente la seule source de connaissances accumulées, hij est égal à 0 pour tout i
7 j, sauf lorsque j est égal à 1 qui est l’indice de la ville dominante. Ils
montrent, ainsi, que dans certains systèmes urbains la formation du capital
humain peut être équitablement distribuée, tandis que dans d’autres, elle est source
d’inégalités croissantes.

En admettant que le capital humain croît, de façon exogène, au même taux gH * T


pour toutes les villes et que leur évolution démographique, résultant des
mouvements migratoires, dépend quasi-exclusivement des effets de la croissance
du capital humain local, les deux auteurs conçoivent un processus de croissance
urbaine parallèle qui conduit chaque ville à garder son rang, dans la distribution
rang-taille des villes. Ils testent la validité de leur modèle sur les systèmes urbains
français et japonais, qui sont marqués, durant le vingtième siècle, par une
extrême stabilité.
Black et Henderson [1999] étendent et poursuivent l’approche d’Eaton et Eckstein, en
intégrant l’hétérogénéité urbaine. Dans leur modèle, il y a deux types de villes,
chacune spécialisée dans la production du bien qu’elle exporte aux villes de
l’autre type. La fonction de production Q1i d’une firme i localisée dans une ville de
type 1, spécialisée dans la production d’un bien intermédiaire exporté aux firmes
des villes de type 2 est :
= (28)

avec S1 la population de la ville de type 1, h1 son niveau moyen de capital


humain, h1i le capital humain de la firme i (chaque firme étant composée
d’un seul travailleur, ce qui signifie que sa production équivaut à son
salaire), k 1 les externalités d’échelle liées à la concentration de firmes de
même type, w1 l’élasticité de la production de la firme i vis-à-vis du capital
humain localisé et h1 l’élasticité de la production de la firme i vis-à-vis de son
propre capital humain accumulé.
51
De façon identique, la fonction de production Q2j d’une firme j appartenant
dans une ville de type 2, spécialisée dans la production d’un bien final
exporté aux habitants des villes de type 1 est :

(29)

avec q1j le volume des biens intermédiaires produits par les firmes des villes de
type 1 et utilisés par la firme j dans son processus de production. A l’équilibre,
les tailles S1 et S2 des villes de type 1 et 2 dépendent des externalités d’échelle,
du volume du capital humain localisé et des externalités négatives, mesurées par
les effets de congestion.
Contrairement à Eaton et Eckstein, dans le modèle de Black et Henderson [1999],
l’accumulation du capital humain dans une ville donnée ne peut bénéficier qu’à celle
d’une autre ville du même type. Les effets de la diffusion des connaissances ne
modifient pas l’hétérogénéité urbaine initiale. Ainsi, si une part z de la population
appartient aux villes de type 1 (est dotée d’un capital humain h1) et une part 1 z
aux villes de type 2 (dotée d’un capital humain h2), chacun des ménages
appartenant à l’un ou l’autre groupe ne peut migrer que vers une ville habitée par
des ménages avec la même spécialisation.
En admettant un système urbain fermé, sans entrée de nouvelles villes, et une libre
mobilité des ménages entre villes de même type, Black et Hender- son considèrent
deux possibilités.

Dans un premier cas de figure (lorsque l’élasticité e de la taille d’une ville pas
rapport à son stock de capital est égale à 1), le rapport entre le capital humain
par travailleur dans les villes de type 1 et les villes de type 2 reste
constant dans le temps (leurs niveaux respectif de capital humain h1 et h2
croissent au même rythme h1 /h1 = h2 /h2 = h/h). A l’état stationnaire, les
villes connaissent une croissance parallèle égale à :

52
(30)

avec q le taux d’anticipation de la croissance future par les ménages et r


l’élasticité de substitution entre produits.

Black et Henderson introduisent la possibilité que de nouvelles villes entrent


dans le système. Le taux d’entrée de nouvelles villes de type 1 et 2 dépend
également du taux de croissance du capital humain et est égal à :

(31)

avec m1 et m2 le nombre de nouvelles villes et g le taux de croissance


démographique national. Il est aisé de montrer que la croissance urbaine est égale à la
croissance démographique nationale moins le taux d’apparition de nouvelles villes
:

(32)

Dans ce premier cas, à l’état stationnaire, les villes se différencient par leur ratio de
capital humain par travailleur et par leur taille, tout en affichant un même taux de
croissance de ce ratio et donc de leur population, tandis que le nombre de villes
augmente uniquement si g  ~h/h.

Dans un second cas de figure, Black et Henderson considèrent que le capital


humain converge vers un niveau stable et, par ce biais, les villes convergent aussi
vers une taille optimale. A l’état stationnaire, la croissance urbaine est alimentée par
la seule entrée de nouvelles villes dans le sys- tème, ce qui renvoie aux conclusions
du modèle de Henderson et Ioannides [1991].

ur un plan empirique, Black et Henderson [1999] concluent initialement à une


croissance parallèle des villes américaines entre 1990 et 1990. Puis, en relâchant
quelques hypothèses contraignantes comme la relation forte entre la croissance urbaine
et le niveau d’éducation, auquel est associé de façon quasi-exclusive le volume du

53
capital humain, Black et Henderson [2003] montrent que, malgré sa grande
stabilité, le système urbain américain enre- gistre une tendance vers une
concentration urbaine plus élevée, sous l’impulsion du changement technologique
et l’accumulation des connais- sances.

c- Les approches hybrides : un retour aux travaux


empiriques
Le clivage entre les théories de croissance aléatoire et de croissance déterministe a
conduit à une prolifération de travaux empiriques sur le processus de changement
démographique dans les villes. Parmi ces travaux, certains cherchent à rapprocher les
deux corps théoriques dans une même approche hybride qui allie chocs aléatoires et
effets de taille, qui permet d’interpréter la stabilité de la distribution rang-taille des
villes et la permanence de la loi de Zipf.

d- Croissance urbaine et taille des villes

Certains auteurs cherchent à identifier, sur un plan empirique, une éven- tuelle
relation entre la croissance urbaine et la taille des villes. La divergence des résultats
obtenus montre la difficulté de qualifier la nature de la croissance urbaine.

Dans un travail pionnier, Glaeser et al. [1995] examinent la relation entre


certaines caractéristiques des villes américaines en 1960 (population urbaine,
revenu par habitant en milieu urbain) et les processus de crois- sance urbaine,
durant les trente années suivantes. Ils trouvent une relation négative entre les taux
de croissance démographique des villes et leur taille initiale, ce qui contredit la loi de
Gibrat. Glaeser et Shapiro [2001] arrivent à une conclusion plus contrastée. Les deux
auteurs cherchent à déterminer les facteurs qui influencent les taux de croissance
démographique des villes américaines de plus de 100 000 habitants entre 1990 et
2000, en utilisant un très grand nombre de variables (revenu par habitant, âge de la
population urbaine, niveau d’éducation, part du secteur des services dans

54
l’emploi total). Malgré le fait que cette période se caractérise par une croissance
économique soutenue, notamment dans l’Ouest et le Sud-Ouest du pays, ils trouvent
que la dynamique démographique des villes américaines n’est pas sensiblement
différente de celles des décennies précédentes.

De leur côté, Gabaix et Ioannides [2004] admettent que la loi de Gibrat pour
les villes pourrait ne pas être validée du point de vue empirique. Ils considèrent,
alors, une hypothèse moins restrictive, où le taux de croissance démographique des
villes, ainsi que sa variance, ne sont pas nécessaire- ment indépendants de la
taille.

Dans ce modèle, la taille normalisée Si norm de la ville i varie, durant


la période t, de la façon suivante :

(33)

avec µt ( S norm ) la moyenne espérée du taux de croissance urbain d’une ville


de taille S norm en t, r ( S norm ) son écart type et B un mouvement
géométrique Brownien, illustrant la trajectoire irrégulière du taux de
croissance.

Si la loi de Gibrat est vérifiée, µ = 0, avec µ = g ( S norm ) − gfl, où gfl représente


le taux de croissance urbaine moyen. La distribution rang-taille des villes tend
alors vers la loi de Zipf. A l’inverse, lorsque la croissance des villes dépend de
leur taille, la distribution rang-taille des villes converge vers une distribution
théorique dont le coefficient de Pareto est égal à :

+ (34)

Selon Gabaix et Ioannides [2004], les déviations vis-à-vis de la loi de Zipf sont
liées aux déviations vis-à-vis de la loi de Gibrat. Si certaines villes ont un taux
de croissance sensiblement différent du taux moyen gfl, alors les hiérarchies
urbaines auraient tendance à se modifier, au moins temporaire- ment, à travers des

55
mouvements intra-distributionnels des villes, c’est-à-dire des changements dans
leurs rangs hiérarchiques.

En s’appuyant sur une estimation non paramétrique de la distribution des taux de


croissance des 110 plus grandes villes américaines entre 1900 et 1990, en fonction
de leur taille, Ioannides et Overman [2003] obtiennent des résultats contrastés :
d’une part, ils confirment la loi de Gibrat pour les villes dans le long terme, mais en
utilisant des intervalles de confiance résolument larges ; d’autre part, ils trouvent
des déviations temporaires des distribu- tions rang-taille des villes vis-à-vis de la
loi de Zipf, qu’ils expliquent par une croissance urbaine conditionnée par la taille,
tout au moins pour les plus petites villes de l’échantillon considéré.

De nombreuses études sur ce sujet soulignent le besoin d’investir des systèmes


urbains autres que ceux des pays développés, qui restent carac- térisés par une très
forte stabilité. Ainsi, Henderson et Wang [2005] sou- tiennent que le nombre et
la taille des villes dépendent essentiellement de trois paramètres : la croissance
démographique nationale, le changement technologique et les institutions politiques.
En s’appuyant sur un panel mon- dial de villes de plus de 100 000 habitants, ils
montrent que le changement technologique favorise la croissance des plus grandes
agglomérations, tan- dis que le changement institutionnel et le processus de
démocratisation propulse à la fois la croissance des petites villes et l’émergence
de villes nouvelles. Dans le prolongement de ces approches, plusieurs travaux cher-
chent à tester empiriquement la nature de la croissance urbaine et la dyna- mique de
la distribution rang-taille des villes dans différents pays, tels que la Turquie
(Filztekin,[2006], le Portugal (Delgado et Godinho, [2007]), l’Espagne (Le Gallo et
Chasco, [2008]), le Maroc (Catin et al., [2008], la Chine (Anderson et Ge, [2005] ou
l’Inde (Schaffar [2010]).

1- Croissance urbaine et chocs de productivité


En cherchant à concilier changement industriel et changement urbain, un certain
nombre d’approches investissent l’étude des effets de chocs de productivité sur la

56
croissance urbaine.

Rossi-Hansberg et Wright [2007] rappellent que dans les pays industriels, les
villes concentrent non seulement une grande part de la population, mais aussi de
l’activité économique. En s’appuyant sur une définition de la ville proche de celle de
Henderson [1988], avec la taille urbaine déterminée par le jeu dynamique entre
externalités d’échelle et coûts de congestion, Rossi- Hansberg et Wright [2007]
développent un modèle de croissance urbaine qui dépend des chocs exogènes de
productivité, spécifiques à chaque industrie. Lorsqu’un tel choc intervient, le volume
de production et la taille des villes spécialisées dans cette industrie augmentent,
tandis que leur nombre dimi- nue, sous les effets migratoires que provoquent les
externalités d’échelle générées.

Sous certaines hypothèses très restrictives, la croissance urbaine obéit à la loi de


Gibrat et génère une distribution rang-taille des villes qui suit la loi de Zipf.
Ainsi, si le travail et le capital humain sont les seuls facteurs de production et
progressent à un rythme constant, le volume de production et, par conséquent, la
taille des villes progressent aussi à un rythme constant, indépendamment des effets
d’échelle. Dans une deuxième configuration, les chocs de productivité, distribués de
façon aléatoire, conduisent à des modi- fications permanentes du volume de
production des villes ainsi que de leur taille. Dans ces deux cas de figure, qui restent
néanmoins exceptionnels, la loi de Gibrat se confirme pour les industries et pour
les villes. En suivant le raisonnement de Gabaix [1999], mais en intégrant la
possibilité de sorties ou d’entrées de villes nouvelles, Rossi-Hansberg et Wright
montrent, alors, que la distribution rang-taille des villes suit la loi de Zipf. Ce
modèle rencontre, toutefois, deux limites : premièrement, la variation du nombre de
villes, avec la naissance et surtout le décès de certaines villes, semble peu réaliste
; deuxièmement, les villes restent, comme dans le modèle de Black et Hen- derson
[1999], strictement mono-spécialisées.

Certaines réponses à ces critiques sont apportées par le modèle hybride de Duranton

57
[2007] qui investit également la relation entre changement industriel et
changement urbain, en apportant une série d’améliorations majeures aux modèles
précédents : en premier lieu, les villes ne sont plus mono-spécialisées mais peuvent
abriter plusieurs secteurs. En second lieu, l’hétérogénéité physique de l’espace est
prise en considération, puisque chaque ville abrite un secteur dont le fonctionnement
est lié aux attributs de première nature spécifiques à sa localisation. Ceci implique
qu’une ville ne peut pas disparaître puisque, dans sa dimension la plus réduite, elle
produit au moins un bien relatif au secteur dépendant des attributs purement
locaux. Enfin, en troisième lieu, le modèle conduit à une distribution rang- taille
des villes dont la forme est stable, quoiqu’elle ne vérifie pas stricte- ment la loi
de Zipf.

Duranton [2007] propose une variante spatiale du modèle de croissance à échelles de


qualité des biens de Grossman et Helpman [1991]. Dans ce modèle, il y a n
secteurs industriels, chacun produisant un seul bien de qualité différente. Les
préférences des consommateurs vont, naturellement, vers l’option qui offre le
meilleur rapport qualité-prix ; il y a, ainsi, pour chaque secteur, une seule firme
active, celle qui a réalisé la dernière inno- vation et qui se situe au sommet de
l’échelle de qualité pour le bien concerné. Cette innovation est protégée par un
brevet qui expire quand une autre firme du secteur réalise une innovation nouvelle.
Chaque secteur industriel est doté d’un segment Recherche et Développement (R&
D) cor- respondant, dont les firmes sont en concurrence entre elles. Celles-ci
innovent dans leur secteur d’appartenance z, avec une probabilité p1 (mais peu- vent
également réaliser des innovations dans un autre secteur, avec une probabilité
inférieure ( p2 p1 ).

Duranton [2007] introduit une structure spatiale dans le modèle, en consi- dérant
qu’il y a m villes (avec m n, ce qui signifie qu’ilya au moins une ville avec une
base productive composée de deux secteurs) et que les travailleurs peuvent migrer
d’une ville à l’autre sans coûts de transport. Le segment R& D de chaque secteur est

58
localisé dans la ville où se trouve sa firme leader, c’est-à-dire celle qui détient le
brevet de la dernière innovation et domine le marché. La recherche est, donc,
géographiquement liée à la production industrielle. Enfin, l’emploi total dans le
secteur z est égal au nombre des travailleurs engagés dans l’activité de production,
auxquels s’ajoutent ceux du segment R& D correspondant.

Le mécanisme fondamental de croissance urbaine dans ce modèle est l’innovation


intersectorielle (c’est-à-dire, l’innovation dans un secteur z, réa- lisée par une firme
en R& D appartenant à un secteur différent) qui est source des migrations
interurbaines. Lorsqu’une telle innovation surgit, les firmes spécialisées dans ce
secteur quittent leurs localisations précédentes, pour s’installer dans la ville où
l’innovation a vu le jour. Seules les innova- tions qui concernent les m secteurs
dépendants des attributs de première nature conduisent à un mouvement inverse,
avec les firmes innovatrices qui se délocalisent vers la ville détentrice des matières
premières spécifiques, nécessaires à la réalisation de la production. Selon
Duranton, les innova- tions intersectorielles expliquent les changements fréquents
et rapides de la localisation industrielle et de la composition de la base industrielle
des vil- les. Néanmoins, les évolutions des tailles urbaines sont nettement plus len-
tes, car elles ne représentent que le résultat net des gains et des pertes
d’industries que comptabilise chaque ville.

Les plus grandes villes enregistrent un nombre important d’innovations, du fait


de la présence massive de firmes de R& D. Elles attirent, par ce biais, de
nombreuses ressources productives des ( n m ) secteurs qui dépendent des
attributs de seconde nature. En même temps, parmi ces innovations, certaines
concernent les m secteurs qui dépendent des attributs de première nature et
conduisent au départ des firmes innovatrices. Le changement industriel est,
donc, plus important dans les grandes villes que dans les petites. A l’inverse, le
taux de croissance g du nombre de secteurs qu’abrite une ville et, par conséquent, de
sa population baisse au fur et à mesure que sa taille augmente.

59
Comme une grande ville abrite de nombreux secteurs industriels, il est fortement
probable qu’une innovation intersectorielle touche un secteur déjà localisé dans
cette ville ; la probabilité de « gagner » un nouveau sec- teur est plus important
pour les petites et moyennes villes que pour les grandes. La taille des grandes
villes change, ainsi, plus lentement que celle des petites.

A l’état stationnaire, l’espérance de la variation du nombre de villes µi,


produisant i biens, lorsque dt est petit, est nulle. En supposant que toutes les
innovations intersectorielles n ( n 1 ) ont la même probabilité de réalisation,
Duranton [2007] montre, alors, que le nombre de villes de taille i, µi, ne
dépend que de m et de n.

L’approche de Duranton aboutit à un modèle de croissance urbaine, parmi les plus


élaborés, permettant d’une part de lier changement industriel et changement
urbain et d’autre part de simuler des configurations permettant de valider les lois de
Gibrat et de Zipf, même si la non-prise en compte des coûts de transports
interurbains réduit sa portée explicative. Duranton teste son modèle sur les
évolutions des systèmes urbains français et américains, dont la distribution rang-
taille confirme la forme légèrement convexe pré- dite. Findeisen et Südekum
[2008] appliquent ce même travail sur le cas ouest-allemand avec une très bonne
adéquation entre les résultats observés et ceux prédits par le modèle théorique.

2- Croissance endogène et chocs aléatoires :

Un certain nombre de chercheurs adoptent, enfin, une démarche originale qui


consiste à déterminer la nature de la croissance à travers l’étude des impacts des
différents chocs exogènes. Ces chocs peuvent représenter des événements
historiques, tels des bombardements ou des catastrophes natu- relles (Davis et
Weinstein, [2002]), des politiques publiques locales, dont les impacts affectent le
niveau des aménités dans chaque ville (Gabaix, [1999]) ou des innovations

60
technologiques (Duranton, [2007], Rossi-Hansberg et Wright [2007]).

L’étude des conséquences temporelles des chocs exogènes sur la distri- bution rang-
taille des villes permet de tester la validité de la loi de Gibrat. De façon plus explicite,
un choc exogène conduit à un changement démogra- phique permettant à une ville de
gagner (ou de perdre) quelques places dans la distribution rang-taille des villes d’un
pays ou d’une région. Dans le cas de figure où la loi de Gibrat est vérifiée, l’effet de
ces chocs est perma- nent et il n’y a aucune raison, sauf le hasard, pour que cette
ville retrouve, dans le futur, sa place initiale. A l’inverse, si les conséquences de ces
chocs sont temporaires et les villes retrouvent, après un certain temps, leur rang
initial dans la distribution rang-taille, ceci implique que la croissance urbaine est un
processus déterministe, qui dépend soit des effets de taille soit de la présence
d’avantages locationnels dus aux attributs de première nature.
Sur un plan empirique, Davis et Weinstein [2002] étudient le cas d’un pays dont les
villes ont subi des chocs importants durant le vingtième siècle : le japon d’avant
et d’après les bombardements alliés de la deuxième guerre mondiale. Ils trouvent que
ces bombardements ont eu des effets importants mais temporaires sur la
démographie urbaine et que les villes japonaises ont retrouvé leur place initiale
d’avant-guerre dans la distribution rang-taille, au bout d’une quinzaine d’années, ce
qui va à l’encontre des prédictions des approches de la croissance aléatoire. Selon
Davis et Weinstein [2002], la permanence temporelle de la structure hiérarchique
urbaine japonaise est liée aux avantages locationnels des grandes villes, notamment
en matière d’accessibilité et de réseaux de communications intra et interrégionaux.

Bosker et al. [2008] testent, quant à eux, l’impact des bombardements alliés sur les
villes ouest-allemandes entre 1944 et 1945. Ils arrivent à une conclu- sion quelque
peu différente, car ils observent que les effets mémoire de ces bombardements sur la
dynamique démographique des villes sont beaucoup plus longs. Us montrent que les
petites villes, relativement épargnées des bombardements alliés, ont sensiblement
et définitivement « gagné des pla- ces » dans la distribution rang-taille des villes

61
allemandes, dans la période de l’après-guerre. En référence au travail de Davis et
Weinstein [2002], Bosker et al. [2008] suggèrent que, contrairement à l’Allemagne,
le Japon est caracté- risé par un espace fortement montagneux où le développement
urbain s’est historiquement concentré dans les localités les plus favorables pour
les échanges, tant avec l’extérieur qu’avec l’intérieur du pays. Ceci a conduit à une
hiérarchie urbaine, géographiquement irréversible.

Sharma [2003] arrive à une conclusion encore plus mitigée lorsqu’elle étu- die les
effets du choc de la partition entre l’Inde et le Pakistan sur la crois- sance des
villes indiennes. Elle montre que les séries des tailles des villes indiennes ne sont
pas stationnaires, contrairement aux taux de croissance urbaine, ce qui implique une
mémoire longue des chocs exogènes dont les effets s’estompent seulement dans le très
long terme. Néanmoins, les conclu- sions de Sharma [2003] doivent être relativisées,
car, malgré l’utilisation de tests puissants, elle s’appuie sur des séries
temporelles très courtes.
Enfin Dimou et Schaffar [2009] examinent les impacts de la guerre en ex-
Yougoslavie et de l’effondrement des régimes communistes, sur la distri- bution
rang-taille des villes balkaniques entre 1981 et 2001. Malgré le fait que ces chocs
ont essentiellement touché les grandes villes, Dimou et Schaf- far [2009] ne trouvent
aucune convergence vers une taille unique, ce qui les conduit à ne pas rejeter la loi
de Gibrat. Par le biais de ce travail, ils explo- rent la différenciation de la nature
de la croissance urbaine, selon le seuil d’agglomération. Ils montrent que les villes
peuvent réagir de façon diffé- rente face aux chocs exogènes, selon qu’elles se situent
dans la partie haute ou dans la partie basse de la distribution. Cette approche, bien
qu’explora- toire, permet de nuancer les dichotomies théoriques précédentes et
de considérer des mouvements asymptotiques des distributions rang-taille,
empiriquement observés. Malgré leur hétérogénéité, les approches hybrides
permettent, d’une part, de concilier certains apports des théories de la croissance
aléatoire et de la croissance déterministe et, d’autre part, proposer des modèles

62
réalistes per- mettant de prendre en compte les effets d’agglomération dans le change-
ment démographique des villes, tout en expliquant la stabilité des distribu- tions des
tailles urbaines dans le long terme.

3- Les principaux modèles de la croissance urbaine

Auteur(s) Hypothèses Mécanismes Nature de la Système de


économiques croissance villes
Kalecki [1945] Migration Chocs Croissance Distribution
aléatoires aléatoire lognormale
Simon [1955] Croissance Modèle Croissance Distribution log-
démographique probabiliste. aléatoire. Loi normale des
par blocs. Pas de de Gibrat tailles urbaines
mécanisme
économique.
Henderson et Croissance Création Absence de Convergence
Ioannides [1991] démographique nouvelles villes croissance
Krugman [1991] Migration Différentiel des Déterminée Plusieurs
population rémunérations par les effets configurations
mobile entre régions taille

Anas [1992] Migration Différentiel de Déterminée Plusieurs


population l’utilité des par les effets configurations
mobile ménages entre taille
régions
Krugman [1996b] Migration Localisation des Déterminée par Loi de Zipf.
population nœuds les avantages
mobile d’interconnexion de première
nature
Palivos et Wang [1996] Migration Capital humain Déterminée Ville
travailleurs et coûts de par les effets monocentrique
transport taille
Eaton et Eckstein Migration vers Capital humain Croissance Stabilité de la

63
[1997] toutes les villes localisé parallèle distribution

Gabaix [1999] Migration Chocs aléatoires Croissance Distribution de


seulement des d’aménités aléatoire. Loi Pareto. Loi de
jeunes de Gibrat Zipf.
ménages
Black et Henderson Migration vers Capital humain Croissance Stabilité de la
[1999] villes localisé parallèle distribution
spécialisées
Davis et Weinstein Migration Chocs aléatoires Déterminée par Concentration
[2002] ménages historiques les avantages urbaine
de première
nature
Ioannides et Migration des Chocs aléatoires Loi de Gibrat Déviation Loi de
Overman [2003] jeunes Zipf.
ménages
Black et Henderson Migration vers Capital humain Croissance Concentration
[2003] villes localisé rapide des urbaine
spécialisées métropoles
Gabaix et Ioannides Migration des Chocs aléatoires Déviation par Stabilité de la
[2004] jeunes rapport à la distribution.
ménages loi de Gibrat Déviation Loi de
Zipf.
Eeckhout [2004] Migration Chocs aléatoires Croissance Distribution
ménages d’aménités aléatoire. Loi lognormale
de Gibrat
Duranton [2007] Migration firmes Innovation Croissance Relative
et travailleurs intersectorielle aléatoire stabilité de la
distribution
Rossi-Hansberg et Migration vers Innovation Plusieurs Plusieurs
Wright [2007] villes configurations configurations
spécialisées dont Gibrat dont Zipf
Cordoba [2008] Migration Chocs aléatoires Croissance Plusieurs
seulement des d’aménités aléatoire. Loi configurations
jeunes de Gibrat dont loi de Zipf
ménages
Bosker et al. Migration Chocs aléatoires Croissance Stabilité de la
[2008]
ménages historiques aléatoire concentration
possible

64
65
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161

67

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