Résumé
Cette recherche se propose de prolonger les travaux récents de H. Dörrie et E. Fortin touchant l'influence éventuellement
exercée sur saint Augustin par le petit traité de Porphyre, récemment remis à l'ordre du jour. L'auteur a envisagé la possibilité
de cette influence à deux stades du développement de la pensée d'Augustin. D'une part, dans les dialogues philosophiques de
Cassiciacum, notamment dans le De immortalitate animae et dans le De quantitate animae ; plusieurs thèmes importants de
ces opuscules ont chance d'avoir été inspirés par la lecture de Porphyre : ils concernent en particulier l'âme comme lieu du
corps, le problème des composants de l'homme, l'immortalité de l'âme conclue de sa nature vivante, l'autonomie de l'âme
prouvée par son activité dans le sommeil et hors de la sujétion du corps, le caractère non local de l'âme, l'âme présente à toutes
les parties du corps, enfin la question de l'unicité de l'âme et de la pluralité des âmes. D'autre part, il est vraisemblable que les
analyses de Porphyre sur l'union de l'âme et du corps ont suggéré en partie à Augustin ses réflexions théologiques du livre IX
du De trinitate sur l'union entre mens, notitia et amor comme image de l'union entre les trois personnes divines ; cette
hypothèse pourrait être confirmée par le fait que l'ensemble de ce livre IX et son proche contexte laissent apparaître de
nombreux emprunts à d'autres œuvres de Porphyre.
Pépin Jean. Une nouvelle source de saint Augustin : le ζήτημα de Porphyre. Sur l'union de l'âme et du corps. In: Revue des
Études Anciennes. Tome 66, 1964, n°1-2. pp. 53-107;
doi : 10.3406/rea.1964.3715
http://www.persee.fr/doc/rea_0035-2004_1964_num_66_1_3715
LE ζήτημα DE PORPHYRE
SUR L'UNION DE VAME ET DU CORPS
1. C'est ainsi que H. Dörrie ignore l'article d'E. Fortin, pourtant antérieur de plusieun
années ; cf. infra, p. 55, n. 4.
2. H. Dörrie, Porphyries' t Symmikta Zelemata ». Ihre Stellung in System und Geschieht*
des Neuplatonismus nebst einem Kommentar zu den Fragmenten, coll. Zelemata, 20,
München, 1959 ; voir mon compte rendu dans la Revue des Éludes anciennes, 63, 1961,
p. 155-160.
3. Némésius, De nat. hom. 2, éd. Matthaei, p. 124, 15-125, 5 ; Dörrie, op. cit., p. 152.
4. Op. cit., p. 152-155.
5. Augustin, Solil. II 13, 24, P. L. 32, 896-897 : « Omne quod in eubiecto est, si semper
54 REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES
manet, ipsum etiam subiectum maneat semper necesse est. Et omnis in subiecto est animo
disciplina. Necesse est igitur semper ut animus maneat, si semper manet disciplina. Est
autem disciplina ueritas, et semper, ut in initio libri huius [se. Solil. II 2, 2] ratio persua-
sit, ueritas manet. Semper igitur animus manet, nee (umquam) animus mortuus dici tur ι ;
De immort, animae 1, 1, P. L. 32, 1021 : « Si alicubi est disciplina, nec esse nisi in eo quod
uiuit potest, et semper est, neque quidquam in quo quid semper est potest esse non
semper, semper uiuit in quo est disciplina [...] Item nihil in quo quid semper est, potest esse
non semper. Nihil enim quod semper est, patitur sibi subtrahi aliquando id in quo semper
est [...] Semper igitur animus humanus uiuit » ; 4, 5, 1023 : « Si enim manet aliquid
immutabile in animo, quod sine uita esse non possit, animo etiam uita sempiterna maneat ne-
'
cesse est » ; 5, 7, 1024-1025 : « Si enim subiectum est animus, arte in subiecto existente,
neque subiectum immutari potest quin et id quod in subiecto est immutetur ; qui possu-
mus obtinere immutabilem esse artem atque rationem, si mutabilis animus in quo illa
sunt esse conuincitur? » ; 5, 9, 1025 : » Quamobrem si anima subiectum est, ut supra dixi-
mus, in quo ratio inseparabiliter, ea necessitate quoque qua in subiecto esse monstratur,
nec nisi uiua anima potest esse anima, nec in ea ratio potest esse sine uita, et immortalis
est ratio ; immortalis est anima. Prorsus enim nullo pacto non existente subiecto suo
immutabilis ratio permanerei. Quod eueniret, si tanta accideret animae mutatio, ut eam
non animam faceret, id est mori cogeret. » L'addition (umquam), dans le premier texte, a
été proposée à juste titre, par comparaison avec De immort, animae 5, 9, par l'éditeur Fuchs
(Aurelius Augustinus, Selbstgespräche über Gott und die Unsterblichkeit der Seele, texte
latin de H. Fuchs, trad., préf. et notes de II. P. Müller, dans Die Bibliothek der allen Well,
Zürich, 1954, p. 170). On aura remarqué que, dans tous ces textes, Augustin emploie
indifféremment anima ou animus.
1. Cf. infra, p. 69 et 79-80.
2. Fuchs et Müller, op. cit. ; H. Müller, Augustins Soliloquien. Einleitung, Text und
Erläuterungen, diss. Basel, Bern, 1954, p. 53-54 ; p. 122, n. 312 ; p. 243, note.
3. Avant d'être repris par H. Müller, Aug. Solil., p. 122, n. 312, et par P. Hadot, compte
rendu de l'ouvrage de II. Dörrie dans The Journal of Hellenic Studies, 81, 1961, p. 196,
ces rapprochements avaient été signalés par Fr. Wörter, Die Geistesenlwickelung des hl.
Aurelius Augustinus bis zu seiner Taufe, Paderborn, 1892, p. 156-157, qui pense que c'est
de Platon et de Plotin qu'Augustin tient la doctrine en question. Müller, op. cit., p. 243,
note, observe qu'Augustin se rc.fèro h se? propres Solil. IT 13, 2î rlrn« ï'Epist. 3 [ad Nebri-
dium), 4, éd. Goldbacher (dans C. S. E. L. 34, 1), p. 8, 9-18 : « Sed in qua parte animi est
ista ueritas? in mente atque intellegentia [...] Quid si moritur animus? Ergo moritur
ueritas aut non est <in> intellegentia ueritas aut intellegentia non est in animo aut potest
mori aliquid, in quo aliquid inmortale est. Nihil autem horum fieri posse Soliloquia
nostra iam continent satisque persuasum est. » C'est bien, en effet, sous une forme moins
UNE NOUVELLE SOURCE DE SAINT AUGUSTIN 55
technique, la même preuve de l'immortalité de l'âme ; selon A. Goldbacher, éd. des Augus-
lini Epistulae, Index III (dans C. S. E. L. 58), p. 12, cette Lettre 3 aurait été d'ailleurs
écrite à Cassiciacum en 387, peu après les Soliloques; aussi, bien qu'aucun manuscrit ni
aucune édition ne la porte, l'addition ζΐτί) semble-t-elle nécessaire au raisonnement. Sur
cette démonstration augustinienne, voir encore/ G. Verbeke, Spiritualité et immortalité
de l'âme chez saint Augustin, dans Augustinus magister, Actes du Congrès international
augustinien, Paris, 1954, I, p. 332-334.
1. Dont Augustin traitera peu après, en Solil. II 20, 34-35.
2. Ainsi IV 7, 8, 42-44, éd. Henry-Schwyzer, p. 198 : si la vertu fait partie des réalités
éternelles et permanentes (άΐδίων καΐ μενόντων), tel l'objet de la géométrie, il faut que
l'être dans lequel elle est soit de la même nature ; IV 7, 10, 16-24, p. 214-215 : étant
divines, la prudence et la vertu ne peuvent appartenir à un être vil et mortel, mais
nécessairement à un être divin, c'est-à-dire à une âme entièrement immortelle (πάντη άθάνα-
' τον). Mais le passage le plus proche à la fois de Platon et d'Augustin est IV 7, 12, 8-11,
p. 217 : l'activité noétique, due à la réminiscence et antérieure au corps, vaut à l'âme,
jouissant de sciences éternelles, d'être elle-même éternelle, άΐδίοις έπιστήμαις κεχρη-
μένην άίδιον καΐ αυτήν είναι.
3. Dörrie, op. cit., p. 153-154 ; disciplina correspond certainement à επιστήμη (Platon
et Plotin), et non à νοήσις (déjà bien vu par Hadot, loc. cit.) ; quant à l'idée
d'immortalité, Porphyre l'aurait sans doute rendue par αθάνατος (Platon et Plotin) ou άίδίος
(Plotin), plutôt que par άφθαρτος.
4. E. L. Fortin, Saint Augustin et la doctrine néa-platonicienne de l'âme (Ep. 137, 11),
dans Augustinus magister, Actes du Congrès international augustinien, Paris, 1954, III,
p. 371-380 ; remployé dans Christianisme et culture philosophique au Ve siècle. La querelle
de l'âme humaine en Occident, Paris, 1959, p. 111-123. Voir mon compte rendu de cet
ouvrage dans Revue des Éludes anciennes, 63, 1961, p. 236-239. On notera que la
possibilité d'un rapprochement entre le chapitre 3 de Nèmesi us et Augustin, Epist. 137, 11 (ainsi
que De ciu. dei X 29)· avait été déjà signalée brièvement par R. Arnou, De t Platonismo »
Patrum, dans Ponlif. Univ. Gregoriana, Textus et docum., Ser. thíeolog., 21, Romae, 1935,
p. 57, n. 1 ; Fortin ne mentionne pas ce précédent.
56 REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES
I
Les rapports de l' am e et du corps
dans les dialogues du jeune augustin
1. Augustin est souvent revenu sur cette idée ; cf., par exemple, Traci, in Ioann. XIX
15, P. L. 35, 1553 ; Serm. 186, 1, 1, P. L. 38, 999.
2. Ce passage du problème de l'union âme-corps au problème de l'Incarnation s'opère
en De nal. hont. 3, in fine, p. 140, 6-144, 10. Le raisonnement théologique auquel recourent
parallèlement Augustin et Némésius se retrouve, de façon plus ou moins complète, chez
quantité d'auteurs. D'une part, déjà Philon tient la relation du Logos au monde pour
analogue à celle de l'âme humaine à son corps ; sous-jacente à diverses formules du Nouveau
Testament, cette analogie est professée par plusieurs Pères, orthodoxes ou non ; c'est elle
qui a conduit à appliquer au Logos uni à l'humanité de Jésus ce que l'on disait de l'âme
unie au corps : deux φύσεις ou ούσίαΐ conjointes dans une seule personne. D'autre part,
les théories philosophiques du mélange sont couramment appliquées à l'Incarnation ou
discutées à son propos ; ainsi font, parmi les orthodoxes, Tertullien, Origène, Grégoire de
Nazianze, Grégoire de Nysse, Cyrille d'Alexandrie, Léonce de Byzance, Jean Damascène,
le cinquième Concile œcuménique (553) ; parmi les hétérodoxes, Novatien, Apollinaire et
les monophysites, Nestorius. On trouvera tous renseignements sur ces deux traditions dans
H. A. Wolf son, The Philosophy of the Church Fathers, I : Faith, Trinity, Incarnation,
Cambridge (Mass.), 1956, p. 366-372 et 387-463.
3. 30, 61, cité infra, p. 64-65.
UNE NOUVELLE SOURCE DE SAINT AUGUSTIN 57
laquelle l'âme ne serait pas dans son corps, non esse animarti in
corpore uiuentis animantis, et qui pourrait apparaître comme la
conséquence du fait incontestable que l'âme n'est contenue par
aucun lieu. Bien que cette façon de voir semble troublante et
absurde, poursuit-il, il s'est trouvé des doctissimi homines pour
l'adopter, et il s'en trouverait encore aujourd'hui ; cela dit, Augustin
estime la question trop subtile, et passe immédiatement à d'autres
considérations.
Les historiens ont naturellement cherché à percer l'identité
de ces doctissimi homines auxquels Augustin fait allusion. W.
Thimme1 pense à Plotin, et renvoie à VEnn. IV 3. Plus
circonspect, le P. Henry2 hésite entre plusieurs auteurs, qui ont en effet
défendu, ou du moins mentionné, la doctrine en question. C'est
d'abord Plotin, qui a consacré dans VEnn. IV 3, 20-22 une longue
dissertation au mode de la présence de l'âme au corps ; après avoir
rejeté une série d'analogies qu'il estime inadéquates8, il en vient,
à donner raison à Platon d'avoir mis, non pas l'âme dans le corps,
mais le corps dans l'âme ; enfin, alors que Platon ne· parlait que
de l'âme de l'univers, Plotin étend le renversement de perspective
aux « autres âmes »4. La même affirmation apparaît encore, avec
un autre contexte, dans VEnn. V 5, 9 : toutes choses sont en celles
qui les précèdent dans l'ordre de la procession ; l'âme n'est donc
pas dans le corps du monde, c'est lui qui est en elle5. Avec raison,
1. Auguslins geistige Entwicklung in den ersten Jahren nach seiner « Bekehrung », 386-
391, dans Neue Studien zur Geschichte der Theologie und der Kirche, 3, Berlin, 1908, p. 148,
n. 1.
2. Plotin et l'Occident. Firmicus Malernus, Mariua Victorinus, saint Augustin et
Macrobe, dans SpicU. sacrum lovan., 15, Louvain, 1934, p. 73-74.
3. Enn. IV 3, 20, 10-22, 7, p. 42-48 : l'âme n'est pas dans le corps comme dans un lieu,
ni comme dans un vase (ώς έν άγγείω), ni comme dans un sujet, ni comme une partie dans
un tout, ni comme le vin dans l'amphore, ni comme un tout dans ses parties, ni comme
une forme dans une matière, ni comme un pilote dans son navire, ni comme l'art dans ses
instruments ; peut-être est-elle présente dans le corps comme le feu l'est dans l'air, sans
s'y mélanger ; mais alors, plutôt que de dire que la lumière est dans l'air, il vaut mieux
dire que l'air est dans la lumière. Cette dernière notation amorce le changement de
perspective qui nous intéresse. Tout le développement de Plotin s'inspire probablement
d'Alexandre d'Aphrodise, De anima, éd. Bruns, p. 13, 9-15, 29 (cf. aussi De an. mantissa,
p. 115, 29-33), comme le signale l'éd. Henry-Schwyzer, apparat ad loc. ; voir encore H.-R.
Schwyzer, art. Platinos, dans R. E., 41. Halbbd., 1951, col. 573-574.
4. IV 3, 22, 7-12, p. 48, notamment : Πλάτων καλώς τήν ψυχήν ού θείς έν τω
σώματι έπί του παντός, αλλά το σώμα έν τη ψυχή. Plotin pense au Timée 34 b et 36 de,
où il est dit que le Dieu enveloppa de l'extérieur le corps du monde par son âme,
έξωθεν το σώμα αύτη περιεκάλυψεν, qu'il étendit tout le monde corporel à l'intérieur
de l'âme, celle-ci l'enveloppant circulairement de l'extérieur, παν το σωματοειδές
εντός αύτης έτεκταίνετο [.:.] κύκλω τε αυτόν ίξωθεν περικαλύψασα. Cf. des
allusions aux mêmes passages du Timée en Ènn. V 1, 10, 21 sq., p. 284.
5. V 5, 9, 9 et 29-31, p. 351-352, notamment : ουδέ γαρ τόπος το σώμα τη ψυχή,
αλλά ψυχή μέν έν νώ, σώμα δέ έν ψυχή.
58 REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES
1. Sent. 31, éd. Mommert, p. 16, 18-19 : ψυχή [...] πανταχού ^δέ^ καΐ ούδαμοΰ
έν' 2.σώματι.
Σ. ζ., apud
Σώμα Némésius,
δέ καΐ De
έν ψυχή.
nat. horn. 3, p. 135, 1-3, éd. Dome, p. 80, cité infra, p. 64.
La comparaison du vase (άγγεΐον) est reprise de Plotin, cf. supra, p. 57, n. 3.
3. Adu. Arium I 32, 17-19, éd. Henry (dans Sources chrétiennes 68), p. 282 : « quo-
niam multi in anima corpus esse dicunt, sed nunc secundum dicendi usum, anima sit in
corpore ». Selon P. Henry, op. cit., p. 57-58, Victorinus penserait à Plotin, peut-être aussi
à Porphyre.
4. Par exemple, pour Plotin, Enn. III 9, 3, 1-4, p. 414 : l'âme universelle n'est nulle
part, διό ούκ έν τω σώματι ούδ' δ Πλάτων φησί που, άλλα το σώμα είς αυτήν ; cf.
IV 3, 22, cité supra, p. 57 et n. 4 ; IV 3, 9, 36-38, p. 26 : le corps de l'univers est dans
l'âme qui le soutient, κείται γάρ έν τη ψυχή άνεχούση αυτόν, comme un filet jeté dans
les eaux. Il ne s'agit là que de l'âme du monde, la· seule dont parle Platon ; mais nous avons
vu supra, p. 57, que Plotin étend expressément la même conception aux « autres âmes ».
On notera d'ailleurs qu'il adopte souvent la façon de parler ordinaire ; ainsi 1 1, 3, 1, p. 50 :
έν σώματι θετέον ψυχήν ; IV 3, 9, 3-4, p. 24 : δ τρόπος της είς σώμα ψυχής εισόδου ;
IV 8, 5, 25, ρ. 242 : εντός γίνεται τοΰ σώματος. Pour Porphyre, Sent. 28, p. 12, 11-13 :
aucun corps ne peut enfermer ni entourer l'incorporel à la façon dont une outre aspire de
l'eau ou de l'air, ώς ασκός ύγρόν τι £λκειν ή πνεύμα.
5. Apud Aétius, Plac. I 3, 4 = Diels-Kranz, Β 2, I, p. 95, 17-19 : de même que notre
UNE NOUVELLE SOURCE DE SAINT AUGUSTIN 59
âme, qui est air, nous maintient solidement uni (συγκρατεί), de même le souffle et l'air
entourent (περιέχει) le monde tout entier.
1. Ainsi Arius Didyme, Epit. fragra, phys. 9, dans Dicls, Doxogr., p. 450, 12-16 :
l'ensemble du mondé est entouré (περιέχεσθαι) par l'éther, qui le maintient uni (συνεκτί-
κόν) ; Alexandre d'Aphrodise, De mixt. 10, éd. Bruns, p. 223, 9-14 : la nature de l'éther,
περιέχουσα πασαν την Ιίνυλον [...] ούσίαν [...], συνέχει καΐ σώζει το παν; B.eco~
gnit. ps.-clem. Vili 15 = De philos., fragm. 27 e Ross, p. 96 : le cinquième élément
aristotélicien est dit t in unüm quatuor elementa coniungens ». Sur la portée de ces
témoignages, on verra mon ouvrage Théologie cosmique et théologie chrétienne (Ambroise,
Exam. / 1, 1-4), dans Biblioth. de philosophie contemporaine, Paris, 1964, p. 163, 237
et 486-488.
2. De an. I 5, 411 b 6-8 : Τί οδν δη ποτέ συνέχει τήν ψυχήν [...]; Ού γάρ δή τό
γε σώμα ' δοκεΐ γάρ τουναντίον μάλλον ή ψυχή το σώμα συνέχειν ; de même 15-16.
Cette notation a naturellement été relevée et approuvée par les commentateurs ; ainsi
Thémistius, In Arisi. De an. paraphr. II, éd. Heinze, p. 37, 10-11.
3. Cf. Galien, De plenit. 3 = S.V. F. II 439, p. 144, 24-28 : οί μάλιστα είσηγησάμενοι
τήν συνεκτικήν δύναμιν, ώς οί Στωικοί, το μέν συνέχον Ιτερον ποιοΰσι, το συν-
εχύμενον δέ άλλο ' τήν μέν γάρ πνευματικήν ούσίαν το συνέχον, τήν δέ ύλικήν
το συνεχόμενον ' δθεν αέρα μέν καΐ πυρ συνέχειν φασί, γην δέ καΐ ΰδωρ συνέχεσ-
θαΐ ; de même les témoignages de Galien, Alexandre et Plutarque = S. V. F. II 440,
p. 145, 1-3 ; 441, p. 145, 16-17 et 24-26 ; 448, p. 147, 34-36 ; 449, p. 147, 40-41, etc.
4. Apud Philodème, De piet. 15 = S. V. F. III, Diog. Bahyî, 33, p. 217, 10-12 : τον
κόσμον [...] περιέχειν τδν Δία καθάπερ ¿όνθρωπον ψυχήν.
5. Selon Achille Tatius, Isag. in Arali Phaen. 13, éd. Maass, p. 41, 2-5 : Ποσειδώνιος
δέ άγνοεΐν τους Επικούρειους Ιφη, ώς ού τά σώματα τάς ψυχάς συνέχει, άλλ'
at ψυχαΐ τά σώματα, ώσπερ καΐ ή κόλλα καΐ έαυτήν καΐ τά έκτος κρατεί; cité
par Μ. Pohlenz, Die Sloa. Geschichte einer geistigen Bewegung, II, Göttingen, 1949,
p. 115. La comparaison de la colle pourrait provenir du Phédon 82 e ; cf. P. Courcelle, La
colle et le clou de l'âme dans la tradition néo- platonicienne et chrétienne (Phédon 82 c, 83 d),
dans Revue belge de Philologie et d'Histoire, 36, 1958, p. 72-95.
60 REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES
âme et d'un corps, mais une âme qui se sert d'un corps et « a comme
revêtu le corps » (ώσπερ ένδεδυμένην το σώμα). Comme l'a parfaitement
expliqué H. Dörrie1, cette dernière formule peut avoir en grec
(comme d'ailleurs en français) deux sens opposés, à savoir : le
corps est le vêtement de l'âme, ou au contraire : l'âme est le
vêtement du corps. Le contexte2 montre que Némésius a entendu
la phrase de Porphyre dans le premier sens ; on ne saurait lui en
tenir rigueur, si l'on songe que « le corps, vêtement de l'âme » est
un cliché d'origine orphique et pythagoricienne, qui hante toute
la tradition grecque, juive et chrétienne3; Porphyre lui-même
l'emploie plusieurs fois 4 ; enfin, notre ζήτημα met la formule en
question au compte de Platon; or, on ne manque pas de textes
de Platon capables précisément de cautionner l'idée que le corps
est le vêtement de l'âme, et ils le font parfois dans des termes
voisins de ceux de Porphyre 5. Mais nous savons que le Timée contient
également l'image inverse, celle de l'âme universelle qui «
enveloppe extérieurement » (έξωθεν περικαλύπτειν) le corps du monde6.
L'invocation de Platon, qui peut patronner aussi bien l'une que
l'autre image, n'est donc d'aucun secours. Seul le contexte du
ζήτημα peut apporter la lumière. Or nous avons vu que Porphyre,
peu de pages après, professe que le corps est dans l'âme ; il se fût
évidemment contredit en affirmant ici que le corps est le vêtement'
de l'âme ; on peut donc penser qu'il a voulu dire au contraire que
l'âme est le vêtement du corps. La référence à Platon (c'est-à-dire
au Timée) s'explique parfaitement si l'on se rappelle que Plotin,
pour présenter la même doctrine (mais non pas la même image),
s'autorisait lui aussi de Platon.
1. On sait qu'une formule au pluriel désigne très souvent un auteur unique. Quant à la
remarque d'Augustin, qu'il y a encore des défenseurs de cette doctrine à l'époque où il
écrit, elle recoupe le présent dicunt de Victorinus, et doit concerner des néo-platoniciens
contemporaine (milanais?), sans que l'on puisse préciser davantage.
UNE NOUVELLE SOURCE DE SAINT AUGUSTIN 65
1. Cf. supra, p. 57 et n. 3.
2. Notice relative à Enn. IV 3, p. 24-25.
3. Épichàrme, apud Clément d'Alexandrie, Strom. IV 45 = Diels-Kranz, Β 10, 1, p. 200,
12 : ασκοί πεφυσιαμένοι. ·
4. Timon de Phliunte (me siècle av. J.-C), apud Eùsèbe, Praep. euang. XIV 18, 28 =
fragm. 11 Diels (Poelarum philos, fragm., Berolini, 1901), p. 187 : κενεης όίήσιος έ*μ-
πλεοι ασκοί.
5. Comparer, non seulement avec le ζ. de Porphyre cité à l'instant p. 64, mais avec
Sent. 28, p. 12, 11-13, cité supra, p. 58, n. 4 : ασκός... πνεύμα; les usagers de cette
comparaison se souviennent peut-être de la célèbre « outre des vents » de l'Odyssée X 19-20 et
47.
Ret>. Et. anc. 5
66 REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES
1. Jamblique, De an., apud Stobée, Anthol. I 49, 43, éd. Wachsmuth, I, p. 384, 12-18
(trad, dans A.-J. Festugière, La révélation d'Hermès Trismégiste, III : Les doctrines de
l'âme, coll. Études bibliques, Paris, 1953, appendice I, p. 233-234) = Usener, Epicurea,
teslim. 337, p. 227, 22-28. Ce texte a été signalé par H. Krause, Studia neoplatonica, diss.
Lipsiae, 1904, p. 31, qui n'en tire malheureusement rien touchant Porphyre ; il est passé
sous silence par Dôme, op. cit.
2. Op. cit., p. 233, n. 7, et 234, n. 2. .
3. A Epicure, Epist. I 63, éd. von der Mühll, p. 17, 8, cité par Festugière, on peut
ajouter le scholion introduit en I 66, p. 18, 19 et 19, 1, et aussi Aétius, IV 4, 6 = Usener, tes·
tim, 312, p. 217, 11.
4. Festugière, op. cit., p. 233, n. 7, en rapproche avec raison la notation d'Épicure,
Epist. I 64 et 65, p. 17, 16 et 18, 5-6, selon laquelle le corps serait 1' < enveloppe > (το
στέγαζον) de l'âme, et celle de Lucrèce, De rer. nal. Ill 434, 440, 555 (ajouter 793 et
V 137), selon laquelle il serait son < vase ». Il est vrai qu'on ne trouve chez les atomistes
aucun autre recours exprès à la comparaison de l'outre ; pourtant, ce n'est peut-être pas
pur hasard si, selon Aétïus, IV 19, 2 = Usener, teslim. 321, p. 222, 5, Epicure, exposant sa
théorie de la voix, prenait l'exemple des outres qui se vident (των ασκών έκρεόντων).
— On trouve encore une trace de cette assimilation du corps à une outre dans une exégèse
allégorique de Philo n, De post. Caini 41, 137, éd. Cohn-Wendland, II, p. 30, 2-12 : si Agar
puise l'eau avec une outre (ασκός) (Gen. 21, 19), àia différence de Rebecca qui utilise une
cruche (υδρία) (Gen. 24, 16), c'est que la première, pour acquérir la science, a besoin des
« vases corporels de la sensation » (σωματικών της αίσθή σεως αγγείων), alors' que la
seconde, pleine de pure sagesse, s'est dépouillée de « l'outre qu'est le corps » (τον άσκόν,
το σώμα).
5. Jamblique se contente de la rapporter, sans la condamner ; il ne pouvait pourtant
l'admettre, puisqu'il a récusé une comparaison du même genre : l'âme, dit-il apud Proclus,
In Tim. 47 C, éd. Diehl, I, p. 153, 7-10, n'est pas dans le corps comme une bête sauvage
enfermée dans une cage par des chasseurs ; cette dernière image avait été d'ailleurs
repoussée déjà par Porphyre, Sent. 28, p. 12, 11, et Προς Γαΰρον 14, 4, éd. Kalbfleisch, p. 54,
20-25 ; cf. H. Krause, op. cit., p. 31.
6. Les textes de Lucrèce, rappelés supra, n. 4, sur le corps comme « vase » de l'âme
donnent à croire que c'est également à l'épicurisme que s'opposaient Plotin et Porphyre
en rejetant la comparaison de Γάγγεΐον.
UNE NOUVELLE SOURCE DE SAINT AUGUSTIN 67
.
Avant d'en terminer avec cette controverse sur l'âme dans le
corps ou le corps dans l'âme, disons un mot de l'un de ses
derniers épisodes, dans lequel s'affrontèrent, au ve siècle, Faustus de
Riez et Claudianus Mamertus. Partisan de la corporéité de l'âme,
Faustus l'était aussi de son inclusion à l'intérieur du corps 2.
Claudianus Mamertus s'élève contre cette conception au moyen du
raisonnement suivant : toute créature, corporelle ou incorporelle,
est ou bien sujet, ou bien dans un sujet ; ce qui est dans un sujet
ne peut subsister quand le sujet disparaît ; si, comme le veut
Faustus, l'âme était contenue dans le corps comme dans son
sujet, on ne pourrait expliquer qu'elle demeure alors que le corps a
péri ; elle n'est donc pas contenue dans le corps3.
D'où provient cette argumentation? Elle offre une
incontestable analogie avec les réflexions déjà signalées4 d'Augustin sur
la science qui est dans l'âme comme dans son sujet, et telle
formule de Claudianus pourrait bien sortir tout droit du De immor-
latitate animaeb. Pourtant, il est douteux qu'Augustin soit la
source, ou du moins la seule source. En effet, partant d'une
prémisse commune (une qualité immortelle ne peut être que dans un
sujet immortel), les deux auteurs l'utilisent différemment (Augus-
1. On se heurte ici à la difficulté, signalée supra, p. 60-61, créée par les deux sens de conli-
nere. Claudianus, c'est bien certain, prend souvent ce mot dans le sens de « maintenir uni » ;
c'est manifeste en III 3, p. 158, 5-8 : < Vide ne non corpus contineat animam, sed conti-
neatur ab anima. Hoc nempe corrupto illa solidatur, sicut illud itidem huius emissione
dissoluitur. Illa sine hoc uiuit melius, hoc sine ilia nee peius ». Mais — et il faut sur ce point
donner raison à Fortin, op. cit., p. 130, contre R. de la Broise, op. cit., p. 90, n. 4, et p. 92
— il lui arrive aussi d'employer l'autre sens, celui d' « enclore » ; c'est le cas chaque fois
qu'apparaît la tournure contineri in; ainsi reproche-t-il à Faustus de croire animam... in
subieclo corpore contineri (p. 157, 19-21) ; il a donc bien professé, tout comme les
néo-platoniciens, que le corps est dans l'âme, inhcaliter corpus in anima (p. 158, 22), et non l'âme
dans le corps.
-2. Cf. supra, p. 57, 62 et 64-65. De même répétera-t-il par la suite que l'âme est Γ <
habitante » du corps ; ainsi Tract, in Ioann. VIII 2, P. L. 35, 1451 : < anima, id est habitatrix
corporis » ; Enarr. in psalm. 41, 7, P. L. 36, 468 : « animus ipse corporis dominator, rector,
habitator »; Serm. 36, 10, 10, P. L. 38, 220 : « Rúente carnali domo, incolumis habitator
abscedo » ; 368, 1, 1, P. L. 39, 1652 : « anima carni praeponitur : quia ipsa est habitatrix,
caro habitaculum ».
3. Ainsi le participe super iectus, qui, dans ce sens technique (en opposition avec subiec-
tus, comme la qualité s'oppose au sujet), ne semble pas se rencontrer avant Claudianus
(qui l'emploie encore en I 18, p. 65, 17-19 : < Anima conspicatur incorpóreas inlocaliter
formas, quibus indissociabiliter iuncta siue superiecta subîectis siue subiecta superiectis »).
C'est la traduction du grec επικείμενος ou υπερκείμενος, dont le couplage avec
υποκείμενος n'est pas non plus très fréquent. Pour επικείμενος, je ne vois guère que
Plotin, Enn. VI 1, 3, 13-14, éd. Bréhier, p. 61 : το υποκείμενον καΐ μή έπικείμενον
μηδ' έν άλλω ώς έν υποκείμενο) ; Plotin introduit le mot, qui est absent des textes
d'Aristote (Caieg. 5 et Metaph. Ζ 3) dont il s'inspire, et Porphyre le reprenait peut-être
dans un de ses commentaires perdus. Quant à υπερκείμενος, l'emploi qu'en fait le Corp.
hermet. XVI 7, éd. Nock, p. 234, 10-11 : πάντα τον κόσμον τδν ύπερκείμενον καΐ
υποκείμενον, ne semble pas philosophique (ce texte m'est amicalement signalé par P.
Hado t). Je n'en trouve d'exemple technique que dans les discussions trinitaires qui
apparaissent dans la, < correspondance entre Basile et Apollinaire de Laodicée > (l'authenticité
de ces lettres est admise, après Dräseke, par C. E. Raven, ApoUinarianism. An Essay on
the Christology of the Early Church, Cambridge, 1923, p. 133-136, et par H. de Riedmatten,
La correspondance entre Basile de Cesaree et Apollinaire de Laodicée, dans The Journal of
Theohgical Studies, 7, 1956, p. 199-210, et 8, 1957, p. 53-70 ; elle est rejetée, après Loofs,
par G. Voisin, L'apollinarisme. Élude historique, littéraire et dogmatique sur le début des
controverses christologiques au IV9 siècle, Louvain-Paris, 1901, p. 237-242, par Lietzmann
(voir infra, p. 71, n. 4), et par A. C. Way, On the Authenticity of the Letters Attributed to
Saint Basil in the so-Called Basil-Apollinaris Correspondence, dans A mar. Journal of Phi-
lology, 52, 1931, p. 57-65 ; cette incertitude est ici de peu d'importance, puisqu'il s'agit en
toute hypothèse de textes théologiques du ive siècle) : Basile demande comment Γομοού-
σίος peut être employé à propos des personnes divines, qui n'ont au-dessus d'elles aucun
genre commun, ni au-dessous d'elles aucun substrat matériel, έφ' ών ΟΟτε γένος κοίν&ν
ύπερκείμενον θεωρείται, οΰτε ύλικον υποκείμενον προϋπάρχον [Epist. 361, P. G.
32, 1101 Α = J. Dräseke, Apoüinarios von Laodicea. Sein Leben und seine Schriften,
dans T. U., VII 3-4, Leipzig, 1892, p. 101-102, 18-19); Apollinaire lui répond dans les
UNE NOUVELLE SOURCE DE SAINT AUGUSTIN 69
mêmes termes (Epist. 362, 1104 A = p. 113-115, 15-17 ; cf. encore Episl. 52, 1, P. G. 393 A).
H. A. WoUson, op. cit., p. 314 et 342-344, a bien vu que ce scheme de pensée provenait
d'Aristote, Metaph. Δ 6, 1016 a 17-32 ; mais, du fait qu'Aristote n'emploie pas
υπερκείμενος, il faut envisager un intermédiaire qui aurait introduit ce mot ; est-ce Alexandre
d'Aphrodise, qui, In Arisi. Topic. VI 5, 143 a 12, éd. Wallies (dans C. A. G. II 2), p. 446,
10, écrit justement το ύπερκείμενον γένος? On verrait plutôt dans ce rôle Porphyre,
dont l'influence est indéniable dans les controverses trinitaires et christologiques ; il
connaît d'ailleurs le mot, puisqu'il l'emploie précisément dans le ζ. Sur l'union, apud Némé-
sius, p. 135, 7, éd. Dörrie, p. 83, avec une acception assez proche du superiectus de
Claudianus : les intelligibles sont, soit en eux-mêmes, soit έν τοις ύπερκεΐμένοίς νοητοΐς.
Je suppose donc que Porphyre est, d'une façon ou d'une autre, à la fois la source de
Claudianus et celle de Basile-Apollinaire.
1. Supra, p. 55 et n. 2.
2. Enn. IV 3, 20, 28-30, p. 44 : ούδ' ώς έν ύποκειμένφ έσται τφ σώματι [se. : ή
•
ψυχή] " το γαρ έν ύποκειμένω πάθος του έν φ, ώς χρώμα καΐ σχήμα, καΐ χωρισ-
τον ή ψυχή. Plotin et Claudianus se rencontrent pour observer que l'affection (ainsi la
couleur, χρώμα = color) est liée à son sujet, tandis que l'âme n'est pas liée au corps.
3. Nous rencontrerons bientôt, infra, p. 83 et n. 1, chez Augustin un passage qui se
rapproche de Plotin beaucoup plus que ne fait celui de Claudianus.
4. Cf. supra, p. 53-54.
5. Depuis la magistrale démonstration de P. CourceJle, Les lettres grecques en Occident,
de Macrobe à Cassiodore*, dans Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes et de Rome,
159, Paris, 1948, p. 226-234. Elle est admise par R. Beutler, art. Porphyries, dans 2?. E.,
43. Halbbd., 1953, col. 293-294, et par W. Schmid, art. Claudianus Mamertus, dans Real-
lex. f. Ant. und Christentum, III, 1957, col. 174. Ce dernier historien conteste, contre les
deux autres, que Claudianus ait lu Porphyre en grec, s.ans le secours de la traduction de
Victorinus ; le fait que le couple superieclus-subieclus soit, semble-t-il, absent de l'œuvre
conservée de Victorinus donne à penser que celui-ci n'est pas l'intermédiaire dans le cas
de De statu animae III 3.
70 REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES
1. Ce point a été mis en lumière par G. Voisin, op. cit., p. 57 et n. 4 (< le philosophe de
Stagire est le seul dont il soit véritablement tributaire ;[·■·] il se rattache à lui par les liens
les plus étroits »), et p. 272-277. Particulièrement frappante est l'analogie entre les vues
d'Apollinaire sur le νους humain qui « n'est pas du monde, mais d'en-haut * (Voisin,
p. 274) et celles d' Aristote sur le νους χωριστός qui survient θύραθεν.
2. C'est l'explication de Raven, op. cit., p. 191 : « Nemesius, then, appears to have
misrepresented Plotinus in his eagerness to accuse Apollinarius of deriving the basis of his
theory from pagan sources ».
'
74 REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES
1. Il est un préambule tout naturel aux pages qui suivent. Le fait que l'on n'en trouve
pas trace chez Priscianus ne prouve rien, car c'est aussi le cas pour plusieurs autres textes
certainement porphyriens.
2. On s'explique ainsi que le texte du chapitre 1 n'ait pas. repris tout le contenu de
celui du chapitre 3 (il en laisse tomber la mention des partisans de plus de trois composants).
On notera de plus que Némésius, quand il lui arrive d'évoquer un de ses développements
antérieurs, le signifie expressément ; ainsi en 3, p. 127, 9, éd. Dôme, p. 46 : έν τω περί
ψυχής άποδέδέικται ; or, rien de tel dans le texte des pages 125-126.
3. Le Timée 30 b, parlant de la formation de l'univers, disait que le démiurge avait
mis νουν μέν έν ψυχή, ψυχήν δ' έν σώματι ; voilà bien la trichotomie repoussée par
Porphyre, à ceci près qu'elle est ici appliquée au monde. Plutarque connaît bien ce texte, qui
fait l'objet de l'une des Platon, quaesl. 4, 1002 F ; mais il en transporte la doctrine à la
composition de l'homme, par exemple en De facie 30, 945 A : ή τε ψυχή τυπουμένη μέν
ύπο του νου, τυποΰσα δέ το σώμα. Il eût pu s'autoriser, pour cet élargissement, du Phi-
lèbe 29 e-30d, où la constitution tripartite (σώμα, ψυχή, νους) est attribuée à l'univers
pour l'avoir été, auparavant, à l'homme.
4. Cf., par exemple, Philon, De somn. I 5, 25 : τέτταρα τα άνωτάτω των περί ήμας
έστι, σώμα, αΐσθησις, λόγος, νους; Corp. hermet. Χ 13, ρ. 119, 7-8 : ό νους έν τφ
λόγω, ό λόγος έν τη ψυχγ), ή ψυχή έν τφ πνεύμα«; XII 13, ρ. 179, 14-15 : ψυχήν
μέν έν σώματι [...], νουν δέ έν ψυχή, λόγον δέ έν τφ νφ. Nul besoin donc d'aller
chercher Jamblique, comme le fait B. Domanski, Die Psychologie des Nemesius, dans
Beiträge zur Geschichte der Phüos. des Mittelalters, III 1, Münster, 1900, p. 56, n. 2.
J'emprunte presque tous les exemples de cette note et de la précédente à Festugière, L'idéal...,
p. 199, n. 2, et 206, n. 1.
UNE NOUVELLE SOURCE DE SAINT AUGUSTIN 75
1. Ainsi C. acad. I 2, 5, éd. Green (dans Slromala patristica et mediaevalia II), p. 16, 13-
16 : t nihil esse aliud hominis optimum quam earn partem animi, cui dominanti optempe-
rare conuenit cetera quaeque in horoine sunt. Ilaec autem [...] mens aut ratio dici potest » ;
De diu. quaest. LXXXIII 7, P. L. 40, 13 : « Anima aliquando ita dicitur, ut cum mente
intellegatur, ueluti cum dicimus hominem ex anima et corpore constare » ; De Irin. XV 7,
11, P. L. 42, 1065 : « Homo est substantia rationalis constane ex anima et corpore [...]
Detracto enim corpore, si sola anima cogitetur, aliquid eius est mens [...] Non igitur anima,
sed quod excellit in anima mens uocatur ». Cela correspond à la position de Cicerón, De
fin. V 12, 34 : « perspicuum est hominem e corpore animoque constare [...] animura ita
constitutum, ut [...] habeat praestantiam mentis ». Sur l'absence d'un troisième élément,
voir encore Augustin, Serm. 150, 4, 5, P. L. 38, 810 : « Nihil est in homine, quod ad eius sub-
stantiam pertineat atque naturam, praeter corpus et animam [...] Quantum ad hominem
pertinet, [...] nihil restât praeter corpus et animam » ; Enarr. in psalm. 145, 5, P. L. 37,
1887 : < Nihil inuenimus amplius.in homine, quam carnem et animam : totus homo
hoc est, spiritus et caro [...] Ex quadam uero parte, quam uocant mentem rationalem... » ;
Episl. 3 (ad Nebridium), 4, p. 8, 3 : · Vnde constamus? ex animo et corpore ». Que la
mens soit toujours la partie principale de l'âme et nullement un troisième principe, cela a
été fortement affirmé par E. Dinkier, Die Anthropologie Au gustins, dans Forschungen zur
Kirchen und Geistesgeschichte, 4, Stuttgart, 1934, p. 258.
2. Je ne peux suivre sur ce point R. Holte, Béatitude et Sagesse. Saint Augustin et le
problème de la fin de l'homme dans la philosophie ancienne, trad, fr., Paris-Worcester, 1962,
p. 195, qui méconnaît l'originalité de ce texte ; pourtant, son caractère exceptionnel avait
été signalé déjà par J. Goldbrauner, Das Leib-Seele-Problem bei Augustinus, dies. München,
Kalimünz, 1934, p. 29.
76 REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES
" 1. En 386, date du De beata uita, Augustin connaissait certainement la théorie tricho-
tomiste. En effet, dès avant cette époque, son ami Alypius (qui n'est d'ailleurs pas au
nombre des interlocuteurs du dialogue) s'appuyait sur cette anthropologie pour professer
'
tempo fai i dispensationë susceptus est, audent dicere non habuisse hominis mentem, sed solam
anim am et corpus >. Cela montre que le tertium quid évoqué dans le De beata uita est bien
la mena.
2. Par exemple De beata uita II 7, p. 79, 13-14 : c cum [...] uita non nisi ad anim am per-
tineret » ; De lib. arb. II 16, 41, 162, éd. Green (dans C. S. E. L. 74\ p. 77, 12 : « tota uita
corporis anima est »; III 9, 27, 98, p. 113, 11-12 : « carnem etiam peccatrix anima sic
ornât, ut ei speciem decentissimam praebeat, motumque uitalem ι ; De diu. quaest. LXXXI11
54, P. L. 40, 38 :.« corpus autem ah anima uiuificari », etc. ; Conf. III 6, 10, p. 44, 17 :
λ anima [...], quae uita est corporum » ; X 6, 10, p. 217, 2-3 : * anima, quoniam tu uegetas
ncolem corporis tui praebens ei uitam ».
UNE NOUVELLE SOURCE DE SAINT AUGUSTIN 77
το μή δν φθείρεται * ού γάρ δν ήν in animo, quod sine uita esse non
άθάνατον. ΚαΙ ή ψυχή ζωή οίσα, possit, animo etiam uita
εΐ έν τη κράσει μετεβάλλετο, ήλ- sempiterna maneat necesse est [...]
λοιώθη άν καΐ ούκέτι ήν ζωή. Ti Sé Quod immutabile est non esse ali-
συνεβάλλετο τφ σώματι, εΐ μή πα- quando non potest ».
ρεΐχεν αύτω τήν ζωήν; ουκ ¿epa
Ibid. 5, 9, 1025 :
άλλοιοΰται ή ψυχή έν τη ενώσει.
« nee nisi uiua anima potest
esse anima, nee in ea ratio potest
esse sine uita, et immortalis est
ratio ; immortalis est anima. Pror-
sus enim nullo pacto non existente
subiecto suo immutabilis ratio per-
maneret. Quod eueniret, si tanta
accideret animae mutatio, ut eam
non animam faceret, id est mori
cogeret. Nulla autem illarum mu-
tationum [...] id agît ut animam
non animam faciat ».
Ibid. 7, 12, 1027 :
« negatur esse consequens inte-
rire id quod tendit ad nikilum, id
est ad nihilum peruenire [...] Est
enim profecto [se. : animus]
corpore melior et uiuacior, a quo huic
uita tribuitur ». .
.
1. Cf. apud Némésius, De nat. hom. 3, p. 129, 11-12, éd. Dôme, p. 54 : τα νοητά [...]
ένοΰσθαι τοις δυναμένοίς αυτά δέξασθαι. On notera que, dans le De immorí, animae
même, Augustin fait état plusieurs fois de cette coniunctio inluentis animi el eius ueri quod
intuelur (6, 11, P. L. 32, 1026; même idée à travers tout le paragraphe, et encore en 6,
10 et 10, 17). A propos de cette union de l'âme et du vrai, le même auteur se demande
lequel des deux termes est le sujet dans lequel se trouve l'autre ; or, nous avons vu, cf.
supra, p. 68, n. 3, Qaudianus Mamertus poser un problème identique :
Augustin, De immort, animae 6, 11, jP. L. Qaudianus Mamertus, De statu animae II 8,
32, 1026 : p. 65, 17-19 :
t Quare ista coniunctio inluentis animi et « Anima conspicatur incorpóreas inlocali-
eius ueri quod intuetur, aut ita est ut sub- 1er formas, quibus indissociabiliter. iuncla
iectum sit animus, uerum a ut em illud in siue superiecta subieclis siue subiecla super·
subieclo ; aut contra subieclum uerum, et iect¡3 >. -
in subieclo animus ».
Ibid. 10, 17", 1030 :
( cum ea intuelur animus, satis ostendit
se illis esse coniunclum, miro quodam eo-
demque incorporali modo, scilicet non loca-
liter. Namque aut in ilio sunt, aut ipse in
illis. Et utrumlibet horum sit, aut in
subieclo alterum in altero est,... »
Le parallélisme des deux textes n'est pas douteux ; il a été signalé en partie par Fr.
Borner, Der lateinische Neuplatonismus und Neupythagoreismus und Claudianus Mamertus in
Sprache und Philosophie, dans Klassisch-Phihhgische Studien, 7, Leipzig, 1936, p. 122-
123. Mais l'étonnante différence des vocabulaires rend impossible que Claudíanus s'inspire
d'Augustin } ils suivent donc l'un et l'autre une source commune, qui n'est autre, selon
moi, que Porphyre.
80 REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES
1. Sent. 21, p. 9, 13-10, 4 : οΤς δέ τδ εΤναι έν ζωη άπαθεϊ, κατά ζωήν μένειν
ανάγκη [...] Ού μήν καΐ τη ψυχή καΐ τούτο [se. : άποθνήσκειν καΐ πάσχειν]
συμβαίνει, ¿τι ούκ ήν έξ άζωΐας καΐ ζωής συγκείμενον πράγμα, αλλά ζωή μόνον.
2. On se souvient, cf. supra, p. 53 et n. 5, que ces passages du De immort, animae sont
précisément ceux dans lesquels H. Dorne subodorait l'influence du ζ. Sur l'immortalité;
hypothèse qui, je l'espère, est maintenant pourvue d'une meilleure assise.
UNE NOUVELLE SOURCE PE SAINT AUGUSTIN 81
Ibid. 1, 1, 1021 :
« cum intellegere uult [se. : ani-
v mus], a corpore auertitur ».
Ibid. 10, 17, 1029-1030 :
« Quibus profecto nunquam hoc
uisum esset, si ea quae uere sunt
et incommutabilia permanent,
eodem animo a corporum consuetu-
dine alienato atque purgato uidere
ualuissent. Quis enim bene se ins-
piciens, non expertus est tanto
se aliquid intellexisse sincerius,
quanto remouere atque sub ducere
intentionem mentis a corporis sen-
sibus potuit? Quod si temperatio
corporis esset animus, non utique
id posset uccidere. Non enim [...]
ullo modo se ab eodem corpore ad
intelle gibilia percipienda conare-
tur auertere, et in quantum id
posset, in tantum illa posset intueri
[...] NuUo quippe modo forma uel
color, uel ipsa enim corporis
temperatio, quae certa commixtio est
e arum quatuor naturarum quibus
idem corpus subsistit, auertere se
ab eo potest ».
pourraient porter la trace des passages du ζήτημα sur l'activité de l'âme pendant le
sommeil et son dégagement hors des liens du corps ; ainsi De statu animae I 24, p. 86, 2-4, et
I 23, p. 82, 24-83, 4, signalés par E. Fortin, op. cit., p. 83 et n. 5 et 6 ; pour le dernier texte,
voir cependant Enn. IV 4, 25, 5-8, p. 108.
1. On notera que c'est la même formule exactement, caret enim magnitudine, qui
traduit 1'άμέγεθες de Porphyre dans Priscïanus, Solut., éd. Bywater (dans Supplem. ariat. 1,
2), p. 52, 6.
2. Enn. IV 4, 29, 6-7, p. 116.
3. Comparer :
Plotin, Enn. IV 2, 1, 72-74, p. 6 : Augustin, De quant, animae 32, 68, 1073 :
μή μεμερίσθαι αυτήν [...], περί « ütrum <ïuod a quibusdam doctissimis
δέ τα σώματα έστι μεμερισμένη. "*?" dicitl"· ita *ese h?>e!it> animam Per
111 seipsam nullo modo, sed tarnen per corpus
posse partiri ».
Rapprochement bien vu par P. Henry, op. cit., p. 74-75, qui donne pour probable que a
quibusdam doctissimis uiris vise Plotin. Nous trouverons infra, p. 89 et n. 3, une autre
trace laissée chez Augustin par ce même chapitre de Plotin.
86 REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES
.
βντος, καταχρηστικώτερον λέγομεν quae appellatur animi. magnitudo,
έκεΐ αυτό είναι, δια τήν ένέργειαναύ- ad nullum spatium, sed ad uim
του τήν εκεί, τον τόπον αντί της σχέ- quamdam, id est ad potestatem po-
σεως καΐ της ενεργείας λαμβάνοντες, tentiamque animi relata recte in-
tellegitur ».
Si pourtant l'on dit que l'intelligible (ou l'âme) est dans tel lieu,
c'est par une extension abusive ; sur ce dernier point, le transferri
d'Augustin1 correspond tout à fait au καταχρηστικώτερον de
Porphyre, les deux mots étant des termes techniques de la rhétorique.
On parle du lieu de l'intelligible, poursuit Porphyre, alors qu'on
ne devrait parler que de son activité dans tel lieu ; il est clair2 que
le mot ενέργεια n'est pas pris ici dans le sens où Aristote l'oppose
à δύναμις; il équivaut donc sensiblement à uis, potestas, potentia3,
par quoi Augustin désigne la puissance de l'âme à laquelle on pense
en réalité chaque fois que l'on semble parler du lieu de l'âme.
1. Cf. Augustin, C. mendac. 10, 24, éd. Zycha (dans C. S. E. L. 41), p. 499, 15-16 : « de
re propria ad rem non propriam uerbi alicuius usurpata translatio » (définition de la
métaphore).
2. Malgré Dôme, op. cit., p. 96.
3. Potentia traduit couramment ενέργεια ; P. Henry, op. cit., p. 59, a produit plusieurs
exemples de cette équivalence chez Victorinus.
UNE NOUVELLE SOURCE DE SAINT AUGUSTIN 87
1. Ce texte se trouve encore, avec de minimes changements, p. 140, 4, éd. Dörrie, p. 70,
où Némêsius le donne pour une citation expresse des Σ. ζ.
2. Cf. encore De quant, animae 14, 23 ; 22, 38, etc.
88 REVUE OES ETUDES ANCIENNES
·
^ Goldbacher (dans C. S. E. L.
θαι φαμέν ύπο του σώματος τήν ,,, κ. η ,9 .
ψυχήν [...], ου σωματικως, ουδέ
τοπικώς, άλλα καταΐσχέσιν. ! Per tOtum ^Ρ?β ?°rP™> Φ10*
animât, non ZocaZi diffusione sed
qua dam uitali intentione porrigi·
tur; nam per omnes eius
partículas tota simul adest nee minor in
minoribus et in maioribus maior
sed alieubi intentius alieubi re-
missius et in omnibus tota et in
singulis tota est ».
1. On trouve une remarque analogue chez Némésius, De nat. hom. 2, p. 82, 5-13 : aucun
corps ne peut être présent à un autre corps 6λον δλω ; puisque le corps est animé dans
son entier, c'est donc que l'âme est incorporelle. H. Krause, op. cit., p. 15-16, proposait
— avec raison, semble-t-il — de rattacher ce texte au ζ. Sur l'union; H. Dôrrie, op. cit.,
p. 31, n. 2, p. 46 et 137, ne fait pas le rapprochement, qui pourtant s'impose, avec la
page 134 de Némésius.
2. Comparer Augustin : < moles quippe omnis quae occupât locum », et Porphyre, ibid.,
p. 136, 4, éd. Dôme, p. 95 : βγκφ γάρ τόπος συνυφίσταται.
3. Sur cette notion de la « présence » de l'âme au corps, également importante chez les
deux auteurs comme le montre la répétition des verbes .παρειναι et adesse, voir encore
Porphyre, Sent. 3, p. 1, 8-11 ; on retrouve là presque tous les mots-clés des pages 134 et
135 de Némésius, dont l'origine porphyrienne est ainsi confirmée sans aucun doute possible.
UNE NOUVELLE SOUBCE DE SAINT AUGUSTIN 89
l'âme est unie au corps (δεδέσθαι ... ύπί> του σώματος τήνψυχήν ...ουδέ
τοπικώς = nisi forte... localiter corpori iungitur), comment est-ce
donc? Porphyre emploie à ce propos trois mots : l'un d'eux, £οπή,
correspond tout à fait à Yintentio que l'on trouve chez Augustin1 ;
quant aux deux autres, σχέσις et διάθεσις, u,n équivalent très
acceptable en serait fourni par affectio, qu'Augustin emploie souvent
dans le même contexte2.
On peut donc supposer que ces développements d'Augustin
sont inspirés de Porphyre. Mais, cette fois encore, Porphyre n'est
pas la seule source. En effet, le passage du De immort, animae qui
vient d'être cité s'achève par une précision : l'âme n'est pas
présente à chaque partie du corps comme l'est la blancheur ou toute
autre qualité, car la blancheur de telle partie est séparée de celle
de telle autre dans la mesure où ces parties elles-mêmes sont
séparées les unes des autres. Or cette notation est reprise, souvent
textuellement, de Plotin3.
1. Cf. encore De Gen. ad liti. Vili 21, p. 261, 7-11 : «... cum anima [...] miris modis ipso
incorporeo nutu commixta sit uiuificando corpori, quo et inperat corpori quadam inten-
tione, non mole ». On remarquera combien le contexte (commixla) est proche du ζ. por-
phyrien Sur l'union ; c'est d'ailleurs dans ce texte que se trouve la comparaison de l'outre,
relevée supra, p. 62 et 64.
2. Ainsi Tract, in Ioann. XLVI 8, P. L. 35, 1732 : « Affectiones nostrae motus animorum
eunt » ; Enarr. in psalm. 6, 9, P. L. 36, 95 : « locis corpora continentur, animo autem locus
est affectio sua ».
3. Il s'agit de De immorl. animae 16, 25, 1034, et ά'Εηη. IV 2, 1, 47-50, p. 5, dont le
rapprochement a été bien souligné par P. Henry, op. cil., p. 75-76. Augustin s'est inspiré
plusieurs fois de ce chapitre plotinien ; nous en avons déjà rencontré un exemple, cf. supra,
p. 85 et n. 3 ; de plus, le passage du De ord. I 2, 3, éd. Green, p. 100, 25-32, sur l'analogie
entre la dispersion de l'âme et celle des rayons djun cercle à partir du centre, pourrait
également provenir de VEnn. IV 2, 1, 24-29, p. 4 — plutôt que de VI 9, 8, ainsi que le
propose A. Solignac, Réminiscences ploliniennes et porphyriennes dans le début du « De ordine »
de saint Augustin, dans Archives de philosophie, 20, 1957, p. 462-463.
4. Par exemple Enn. III 5, 4 ; IV 1, 1 ; IV 3, 1-8 ; IV 9, 1-5 ; V 9, 6 ; VI 4, 4.
5. C'est l'avis de J. M. Colleran, St. Augustine. The Greatness of the Soul, The Teacher,
dans Ancient Christ. Writers, 9, Westminster-London, 1950, p. 212, n. 88.
90 REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES
1. Que cet opuscule repose sur un fond de compilation, on en trouve un indice dans les
Retract. I 5, 1, éd. Knöll (dans C. S. E. L. 36), p. 25, 14-16, où Augustin lui-même le juge
obscur, fatigant et inintelligible : « Qui primo ratiocinationum contortione atque breuitate
sic obscuras est, ut fatiget, cum legitur, etiam intentionem meam uixque intellegatur a
me ipso ». -
■
1. Une première, esquisse des pages qui suivent a été présentée au //. Intern. Kongress
für mittelalterliche Philosophie, Cologne, septembre 1961,' et publiée à ce titre dans Die
Metaphysik im Mittelalter. Ihr Ursprung und ihre Bedeutung (= MisceUanea mediaevalia,
Veröffentlichungen des Thomas-Institute an der Universität Köln, II), Berlin, 1963,
p. 249-254.
2. Pour la description comparée des théories d'Aristote et des stoïciens touchant les
différentes sortes d'union en physique, on verra l'étude très perspicace de H. A. Wolfson,
op. cit., p. 374-384 ; pour l'identité des formes d'union rejetées par Némésius-Porphyre,
cf. ibid., p. 400-407.
3. Reprenant peut-être une notation porphyrienne, Némésius donne comme exemple
α'ένωσις celle qui intervient entre les στοιχεία (ρ. 126, 6 et 127, 5) et annonce qu'il
reviendra sur le sujet. Promesse réalisée en De nal. hom. 5, p. 156, 1-160, 1 : en se
combinant, les éléments se modifient et donnent naissance à un corps nouveau dont les
constituants sont devenus indiscernables, comme c'est le cas du téirapharmakon. Si l'on associe
ces données à celles du ζήτημα, on obtient pour Γένωσίς les caractères suivants :
destruction des substances primitives, transformation de ces substances en une substance
nouvelle, impossibilité de séparer les composants. Or ces trois aspects définissent précisément
la forme d'union que les stoïciens appellent σύγχυσίς; cf. les témoignages de Stobée,
Philon et Alexandre d'Aphrodise dans S. V. F. II 471-473, p. 153, 39-154, 5 et 154, 15-19
(κατά σύμφθαρσιν ; comparer Némésius, p. 127, 4 : συνεφθάρθαι) ; p. 153, 23-26 ; p. 154,
4 ; l'exemple du téirapharmakon est lui aussi stoïcien, cf. p. 154, 2-3. Mais Γένωσίς décrite
par Porphyre rejoint aussi en partie la μίξις aristotélicienne, définie justement των
UNE NOUVELLE SOURCE DE SAINT AUGUSTIN 93
μικτών άλλοιωθέντων ¿νωσις (De gen. et corr. 1 10, 328 b 22) ; toutefois, les composants
demeurent separables après la μίξις (327 b 27-29).
1. Porphyre, Σ. ζ., apud Némésius, De not. hom. 3, p. 126, 4-127, 5 et 129, 14-130, 2,
éd, Dörrie, p. 42-43, 45 et 54.
2. C'est la παράθεσις stoïcienne, définie elle aussi par le contact (S. V. F. II 471,
p. 153, 3 : συναφήν ; comparer Némésius, p. 128, 2 : συνημμένον) et à l'aide de l'exemple
des cailloux (p. 153, 6). C'est également, à un degré moindre, la σύνθεσις d'Aristote (cf.
De gen. el corr. 1 10, 328 a 5-10).
3. Némésius renvoie ici à un passage de son chapitre 2, p. 82, 5-13, où il a développé le
même argument, sans doute à partir de données porpbyriennes ; cf. supra, p. 88, n. 1.
4. Porphyre apud Némésius, p. 127, 5-7, et 127, 8-128, 4, éd. Dörrie, p. 45-46.
5. Cette éventualité correspond à la notion aristotélicienne de la μίξις, dont la κρασίς
est une espèce, et qui est, nous l'avons vu, άλλοιωθέντων £νωσΐς. Surtout, Aristote
rejette expressément que la μίζις soit une illusion de la perception ordinaire, là où une
perception plus déliée, tel le regard de Lyncée, atteindrait en réalité une simple σύνθεσις
des particules (De gen. et corr. 1 10, 327 b 32-328 a 5 et 328 a 12-15 ; De sensu 3, 440 a 31-
b 13).
6. Cette éventualité coïncide avec Ιακρασίς stoïcienne, dans laquelle la possibilité de
séparer les parties primitives est justement illustrée par l'exemple de l'éponge huilée
plongée dans le mélange vin-eau ; cf. S. V. F. II 471, p. 153, 18-23 ; 472, p. 153, 34-39.
7. Porphyre apud Némésius, p. 127, 7, et 128, 4-129, 2, éd. Dörrie, p. 45 et 47.
8. Ibid., p. 129, 2-3, éd. Dörrie, p. 49.
9. Porphyre rapporte-t-il là une doctrine authentique d'Ammonius Saccas? H. von
Arnim, Quelle der Ueberlieferung über Ammonius Sakkas, dans Rhein. Museum, N. F., 42,
1887, p. 276-285, le pensait : il y aurait 'chez Porphyre une référence véritable à
l'enseignement d'Ammonius consigné par tel de ses disciples. H. Krause, op. cit., p. 5-11, tient
au contraire qu'il s'agit simplement d'une thèse plotinienne mise sous le patronage d'Am-
• mordus, comme Plotin l'avait peut-être fait lui-même dans ses leçons. Plus nuancé, H.
Dörrie, op. cit., p. 16-17 et 55, croit que l'interprétation par Porphyre tient en tout cas plus
94 REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES
Orígenes
de place que der leNeuplatoniker.
souvenir de la Versuch
doctrine einer
d'Ammonius.
Inierprelation,
Tout récemment
coll. Zetemata,
enfin, 27,
K.-O.
München,
Weber,
1962, p. 159-161, voit là l'écho authentique des thèses d'Ammonips.
1. Porphyre apud Némésius, p. 129, 9-131, 4, éd. Dörrie, p. 54, 58 et 62. Dörrie, op.
cit., p. 16, souligne que l'analogie ainsi posée entre la notion d'âme et celle de νοητόν porte
la marque de Porphyre, qui est le seul à avoir orienté dans cette direction la doctrine plo-
tinienne de l'âme. Il est clair que le mode d'union proposé maintenant par Porphyre n'a
plus rien de commun, sinon a contrario, avec les doctrines physiques du mélange ; aussi
ne comprend-on pas comment II. A. Wolf son, op. cit., p. 406-407, peut avancer que la
solution retenue par Némésius-Porphyre correspond à l'union « de prédominance »
aristotélicienne (De gen. et corr. I 10, 328 a 23-28 : l'union de deux quantités disproportionnées
ne produit pas un mélange, mais un accroissement de la substance dominante) ; il fait
fonds pour cela sur le terme porphyrien συμπλήρωσίς [apud Némésius, ^p. 139, 7, éd.
Dorne, p.· 70 ; Aristote ne l'emploie d'ailleurs pas dans cette circonstance) ; mais Porphyre
précise que,- dans la συμπλήρωσίς, chacune des réalités conjointes conserve sa nature
propre, ce qui n'est nullement le cas dans l'union « de prédominance > selon Aristote.
2. On verra sur cc"point les analyses de M. Schmaus, Die psychologische Trinitätslehre
de» Hl. Augustinus, dans Münsterische Beiträge zur Theologie, 11, Münster, 1927, p. 235-
264, et d'É. Gilson, Introduction à l'élude de saint Augustin*, dans Études de philosophie
médiévale, 11, Paris, 1943, p. 289-296 ; cf. aussi I. Chevalier, S. Augustin et la pensée
grecque. Les relations trinilaires, dans Collectanea Friburgensia, nouv. série, 24, Fribourg
(Suisse), 1940.
3. De Irin. IX 4, 5, P. L. 42, 963 en bas ; souvenir possible d'Enn. IV 3, 20, cité supra,
p. 83, n. 1.
UNE NOUVELLE SOURCE DE SAINT AUGUSTIN 95
1. Thème plotinien, comme j'ai essayé de le montrer dans mon article Une curieuse
déclaration idéaliste du « De Genesi ad lilleram » (XII 10, 21) de saint Augustin, et ses origines
ploliniennes (* Ennèade » δ, 3, 1-9 et δ, δ, 1-2), dans Revue d'Histoire et de Philosophie
religieuses, 34, 1954, p. 391-393. Conclusions admises par les derniers éditeurs de Plo-
tin, P. Henry et H.-R. Schwyzer, Plotini opera, t. II, Paris-Bruxelles, 1959, p. 339,
apparat.
2. Comparer Enarr. in psalm. 68 I 5, P. L. 36, 844 : le Père, le Fils et le Saint-Esprit
sont d'une seule substance ; par exemple, si l'un est de l'or, les deux autres sont de l'or.
Et encore De trin. VII 6, 11, P. L. 42, 944-945.
96 REVUE DES ETUDES ANCIENNES
la notitia sui, et l'amour les unit l'un à l'autre dans une étreinte
sans confusion (7, 12-11, 16).
" 1. Basile, Epist. 52, 1, P. G. 32, 393 A : le mot ομοούσιος implique une distinction entre
la substance et les choses qui en proviennent, ainsi entre le bronze et les monnaies de
bronze ; or il n'y a pas ά'ούσία divine antérieure au Père et au Fils, qu'il serait donc
dangereux de dire ομοούσιοι. Nous avons vu, supra, p. 68, n. 3, qu'un raisonnement de ce
genre fait fonds sur la notion aristotélicienne d'unité de substrat : l'huile, le vin et tous
les liquides sont un parce qu'ils ont un substrat identique, l'eau (Melaph. Δ 6, 1016 a 20-24).
2. Hilaire, De irin. III 23, P. L. 10, 92 A : « Non corpus [al« : ut corpus] per intellegen*
tiam nostram corpori immittinms, neque ut oquam nino infundimus : sed eamdem in
u tro que [se. : Pâtre et Filio] et uirtutis similitudinem et deitatis plenitudinem confitemur »
(signalé par M. Sçhmaus, op. cit., p. 260, n. 1). ·
'
ή Ψυχή ¿ν τώ περί ψυχής άποδέδεικται dum est esse simul haec tria, men-
[cf. Némésius, ibid. 2, p. 82, 7-8 : tem, amorem, notitiam? Sed non
αδύνατον γάρ σώμα σώματι δλον unius substantial sunt aqua, ui~
δλω παρακεΐσθαι1]. ΤΗν γάρ άν num et mei, quamuis ex eorum
μόνον αύτδ το μέρος του σώματος commixtione fiat una substantia pò«
^μψυχον το πλησιάζον τη ψυχή [..,] tionis [...] Vnius ergo eiusdemque
ΚαΙ ή κρασις δέ του οϊνου καΐ του essentiae necesse est haec tria
sint : et ideo si tanquam
άπ'
οδατος
αλλήλων
αμφότερα
δύνασθαι
συνδιαφθείρει
χωρίζεσθαι"
[...]
commixtione confusa essent, nullo
σπόγγος γοΰν έλαιωθεΐςάνιμδται κα- modo essent tria [...] at si miscean·
θαρον το ΰδωρ καΐ πάπυρος. tur sibi, et per totani singuli
Αισθητώς Sh χωρίσαι τα ακριβώς ηνωμένα massam suam conspergantur, interri-
παντάπασιν αδύνατον. Εί δέ μήτε ήνω- det ilia trinitas, et omnino non
ται μήτε παράκειται μήτε κέκραται, erit ».
— τίς δ λόγος του το ζώον §ν λέγεσθαι ;
Ibid. 5, 8, 965 :
« At in Ulis tribus, cum se nouit
mens et amat se, manet trinitas,
mens, amor, notitia ; et nulla
commixtione confunditur [...] Miro
itaque modo tria ista inseparabi-
lia sunt a seme tip sis, et tarnen
eorum singulum quodque
substantia est, et simul omnia una
substantia uel essentia h
1. Cette dernière phrase et son contexte, cités par D Orrie, op. cit., p. 46, sont
probablement à rattacher au même ζήτημα de Porphyre, cf. supra, p. 88, n. 1, et p. 93 et n. 3.
UNE NOUVELLE SOURCE DE SAINT AUGUSTIN 99
1. La traduction exacte d'oòoia serait essentia, sul stantia étant celle ά'ύπέστασίς ;
cl.Detrin. V 8, 10, P. L. 42, 917 : « μίαν ούσίαν, τρεις ύποστάσει;, quod est latine imam
essentiam, tres substantias » ; C. serra, arian. 36, 34. Mais, comme on vient de le voir en'
De Irin. IX 5, 8, Augustin emploie indifféremment les deux mots ; cf. encore V 2, 3 ; 8, 9 ;
9, 10 ; VII 4, 7-8 ; De mor. manich. 2, 2 ; Epist. 120 III 17 ; 166 II 4.
100 REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES
Ibid. 8, 13,968:
«t Verbum ergo nostrum et men-
tem de qua gignitur, quasi médius
amor coniungit, seque cum eis ter-
tium complexu incorporeo, sine
ulla confusione constringit >.
Même s'ils les désignent par des noms différents (τα νοητά d'une
part, ueritas, rationes, regulae, ars de l'autre), Porphyre et
Augustin traitent tous deux des intelligibles et de leur union avec les
intelligences qui les reçoivent (δέξασθαι = capientes). Dans cette
union, les intelligibles demeurent (μένειν = manentibus) sans
confusion (άσύγχυτα = non... confunditur, sine ulla confusione), sans
corruption (αδιάφθορα, οΰτε... φθείρεται = incorruptissimis, incorrupti-
bilis), sans altération (ni άλλοίωσις ni μεταβολή = incommutabili, in-
commutabiliter), immortels (άθάνατον = sempiternis).
Ces analogies dans l'enchaînement des idées et dans le détail des
textes suggèrent l'hypothèse suivante : composant son livre IX
De trinitate, et ayant à s'expliquer de la difficile unio inconfusa
qui relie la mens humaine, sa notitia et son amor, à l'image de la
Trinité divine, Augustin se sera souvenu des analyses de Porphyre,
comme il l'a fait, environ dans le même temps1, pour appuyer,
dans la Lettre 137, la théologie de l'Incarnation. Deux exemples
saisissants de la façon profondément originale dont il savait
utiliser les sources philosophiques grecques, en les détournant de
leur portée initiale pour les incorporer à sa propre construction
théologique. Aussi bien, peut-être n'est-il pas le seul auteur
chrétien à avoir emprunté au ζήτημα Sur Vunion de Vâme et du corps
telle donnée applicable à la mystérieuse conjonction des trois
personnes divines ; car Claudianus Mamertus, cherchant lui aussi
parmi les créatures des imitations de l'union propre à la Trinité,
récuse le modèle fourni par le mélange des corps, pour retenir
celui qu'offre l'entente des âmes ; or, ce faisant, il emploie certaines
formules qui, sans rien devoir à Augustin, ont des chances dé
provenir directement de Porphyre2.
1. La Lettre 137 date probablement de 411 (A. Goldbacher, éd. des Augustini Epistu-
lae, Index III, dans C. S. E. L. 58, p. 37) ; les douze premiers livres du De Irin, (et donc
le livre IX) doivent avoir été publiés peu après 415 (S. Zarb, Chronologia operum s. Au-
guslini secundum ordinem Relractationum digesta, Romae, 1934, p. 48-49).
2. CJaudianue Mamertus, De statu animae I 15, p. 59, 23-60, 16 : « Nec uero credi licet
UNE NOUVELLE SOURCE DE SAINT AUGUSTIN 101
pore fui, et earn uidi atque sensi, memoriaque retinui [...] Sic et Alexandriam cum eloqui
uolo, quam nunquam uidi, praesto est apud me phantasma eius » ; IX 6, 10, 966 : « Vnde
etiam phanlasias rerum corporalium per corporis sensum haustas, et quodammodo
infusas memoriae, ex quibus etiam ea quae non uisa sunt, ficto phantasmate cogitantur [...]
Nam et cum recolo Carthaginis moenia quae uidi, et cum fingo Álexandríae quae non
uidi,... ». Sur la distinction des deux mots, voir encore Solil. II 20, 34 (cf. Müller, dise, citée,
p. 116, n. 246) ; De mus. VI 11, 32 ; Conf. III 6, 10. Sur phantasia, Nébridius, Epist. 6 (ad
Augusiinum), et Augustin, Epist. 7 [ad Nebridium). Sur phantasma, De trin. XI 5, 8.
1. Attribuée à Chrysippe par Aétius, Plac. IV 12, 1, et par Dioclès de Magnésie apud
Diogene Laërce, VII 50 = S. V. F. II 54 et 55, p. 21, 23-22, 12, et 22, 21-24 : la φαντασία
est une empreinte imprimée dans l'âme par un objet extérieur, tandis que le φάντασμα
est un vain produit de l'imagination, une représentation pathologique ou onirique, sans
correspondance dans la réalité.
2. Sent. 16, p. 5, 10-13 : distinction entre le τύπος, image qui suit la sensation, et le
φάντασμα, image qui suit la pensée indépendamment de la sensation ; or [ibid. 29, p. 13,
12) le τύπος est le. produit de la φαντασία, définie ailleurs (ibid. 43, p. 41, 17, et 42, 1-4)
comme la faculté de se former des images des objets extérieurs. On voit donc que Porphyre
conserve à peu prés la distinction stoïcienne entre φαντασία et φάντασμα, en conférant
toutefois à ce dernier terme une importance gnoséologique absente du stoïcisme.
3. Déjà noté par W. Theiler, op. cit., p. 37-38. Le même historien, ibid., signale encore
dans la doctrine porphyriennc de l'imagination deux autres aspects dont Augustin s'est
probablement inspiré :
— YEpisl. 7 d'Augustin contient une allusion au problème néo-platonicien du rapport
des figures géométriques à l'activité intellectuelle.. Or Porphyre s'est occupé de ce
problème, précisément dans les Σ. ζ. ; en effet, Proclus, In Euclid, elem. comment., prol. II,
éd. Friedlein, p. 56, 23-25 (cité par Dôrrie, op. cit., p. 7, n. 2), mentionne cet ouvrage dans
une discussion sur ^'origine, sensible ou seulement intellectuelle, des figures géométriques,
avec références à Γαίσθησις et la φαντασία;
— divers textes d'Augustin [De trin. III 8, 15, et XI 2, 5-4, 7 ; De Gen. ad lilt. XII 15 et
19) examinent l'influence de l'imagination sur le corps, notamment à propos de la rougeur
ou de la pâleur, et de l'action exercée sur l'embryon par les représentations de la mère.
Or ces deux manifestations de la φαντασία avaient été traitées par Porphyre ; cf. apud
Proclus, In Plat. Tim. 120 D, I, p. 395, 22-29 (ce qui conduit à tenir pour porphyrien Né-
mésius, De nal. horn. 2, p. 79, 1-2) ; Προς Γαυρον 5, 4 et 6, 1, p. 41, 21 sq. et 42, 16 sq. ;
Sent. 32, p. 24, 11-13. Les textes concourants de Plotin [Enn. I 2, 5, 18-21, p. 69, et III 6,
3, 7-16, p. 338-339) sont moins proches de ceux d'Augustin.
Sur ces deux points, cf. déjà H. Krause, op. cit., p. 13-14 et 19.
4. Outre les deux textes du De trin. VIII 6, 9 et IX 6, 10, cités supra, p. 101, n. 3, voir
C. Fauslum XX 7, éd. Zycha (dans C. S. E. L. 25), p. 541, 17-20 : « ... cogitationem, qua
cogito Alexandriam, quam numqùam uidi, sed tarnen est ; rursusque tantum intersit inter
i s tarn, qua cogito Alexandríam incognitam, et earn, qua cogito Karthaginem cognitam »
(cf. peu avant, 1. 15, phantasmala) ; De Gen. ad lia. XII 6, p. 387, 11-15 : « animo tarnen
corporales imagines intuemur, seu ueras, sicut ipsa corpora uidimus et memoria retînemus,
seu fictas, sicut cogitatio formare potuerit. Aliter enim cogitamus Carthaginem, quam
nouimus, aliter Alexandriam, quam non nouimus ».
UNE NOUVELLE SOURCE DE SAINT AUGUSTIN 103—~
1. Apud Némésius, De not. horn. 3, p. 136, 6-11, éd. Dôme, p. 95, cité supra, p. 85.
2. Faustus, Episl. 3, éd. Engelbrecht (dans C. S. E. L. 21), p. 176, 9-12 : « Cum ergo
anima Alexandriem uel Hierosolymam cogitauit, si uere illic tota sui praesentia, ut
arbitrarie, interfuit, référât nobis situs locorum, uultus hominum, motus actusque populo-
rum >; cf. Fortin, op. cit., p. 46-47. Claudianus Mamertus, qui tire le même fait dans le
. Bens de l'incorporéité de l'âme, cite ce texte avec de minimes changements en De staiu
animae III 10, p. 172, 1-5 ; il reprend à son compte l'exemple d'Alexandrie en III 11,
p. 175, 18-21 : < Ac si usquequaque patet animum et corporea non posse uidere sine cor-
pore et incorporea cum corpore uidere non posse, non diutius Alexandriae peregrinemur. »
Sur le thème usuel de l'âme qui franchit les distances en imagination, voir encore Am-
broise, Exam. VI 8, 45, éd. Schenkl (dans C. S. E. L. 32, 1), p. 235, 25-236, 10, que P. Cour-
celle, Recherches sur Us « Confessions » de saint Augustin, Paris, 1950, p. 99 et n. 2, rapproche
d'Augustin, De quant, animae 5, 8, cité supra, p. 85.
3. W. Theiler, op. cit., p. 48-52.
4. Peut-être Augustin vise-t-il ici Porphyre, qui recourait en effet à l'aide des
potestates, cf. De du. dei X 9, p. 461, 22 et 28 ; X 11, p. 465, 22 et 467, 7, etc. Augustin
tenterait alors de mettre la demonologie de Porphyre en contradiction avec sa philosophie.
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1. Op. cit., p. 152. Du passage des Sent., Theiler rapproche avec raison De trin. IX 12,
18 ; X 3, 5 et X 10, 16. Au prix d'une légère correction textuelle, il présume que la même
triade devait apparaître encore dans une exégèse porphyrienne des Oracles chaldaïques,
UNE NOUVELLE SOURCE DE SAINT. AUGUSTIN 105
apud Jean Lydus, De mens. I 11, éd. Wuensch, p. 3, 14-16. P. Hadot, L'image de la
Trinité dans l'âme chez Victorinus et chez saint Augustin, dans Studia Patristica, VI = Texte
und Untersuch., 81, Berlin, 1962, p. 433-442, admet que les analogies psychologiques de la
Trinité chez Marius Victorinus et chez Augustin remontent parallèlement à une source,
néo-platonicienne, plus précisément à Porphyre.
1. A cette formule d'Augustin, on trouve aussi des précédents dans les Ennéades ; je les
ai signalés dans mon article Une curieuse 'déclaration..., p. 390.
2. Même identité entre νοούν et νοούμενον chez Plotin, Enn. V 1, 4, 31-38, p. 270 ;
le rapprochement de ce texte avec De trin. IX 12, 18 est déjà fait par M. Schmaus, op.
cit., p. 253 et n. 2.
3. Cf. Augustin, Epist. 3 (ad Nebridium), 2, p. 6, 21-22 : t Et ideo fortasse merito philo-
sophi in rebus intellegibilibus diuitias ponunt, in sensibilibus egestatem », que P. Courcelle,
Les lettres grecques..., p. 158 et n. 7, à la suite de Theiler, rapporte à Porphyre.
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