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MATIERE Droit des sociétés

PROFESSEUR BOUNAGUI

La société est une institution familière du commerce et de la plupart des secteurs


d'activité où l’homme est amené à entreprendre. Elle correspond à la nécessité d'organiser le
regroupement des moyens humains, intellectuels, techniques et financiers indispensables à la
réalisation et à la pérennité des entreprises économiques de quelque envergure. En cela, elle
s'analyse comme une technique d'organisation, une structure juridique, du plus haut intérêt
pratique. Sa connaissance participe donc d'une ouverture élémentaire aux réalités juridiques
de la vie des affaires.

Concrètement, les modèles de sociétés sont d'une grande variété. Néanmoins, ils
correspondent tous à une même notion : et s'il est possible d'établir entre eux des
classifications, c'est sans préjudice de certaines règles communes.

1) Notion de société

L'article 982 du dahir formant code des obligations et contrats (D.O.C..) définit ainsi le
contrat de société : « La société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes mettent
en commun leurs biens ou leur travail ou tous les deux à la fois, en vue de partager le
bénéfice qui pourra en résulter ».

De cette définition, il semble que trois conditions soient nécessaires à l'existence d'une
société : un contrat qui exprime la volonté d'une association, des apports, et la recherche des
bénéfices à partager. Seuls ces deux derniers éléments gagnent à être précisés (A et B). Mais
un quatrième élément constitutif de la société, et non formulé dans le texte précité, réside dans
la constatation, en la personne des associés, d'un « affectio societatis », volonté commune de
réaliser le but social (C).

a) Les apports

Tout associé doit faire un apport à la société. L'apport se définit comme un bien ou
une valeur qu'un associé affecte à la société en vue de la constitution de son capital ou, mieux
encore, de son potentiel patrimonial et technique. On distingue plusieurs catégories d'apports :
l'apport en espèces qui est seulement l'apport d'une somme d'argent ; l'apport en nature qui est
l'apport de tout bien autre qu'une somme d'argent : il peut s'agir d'un bien meuble ou
immeuble, corporel ou incorporel (nom commercial' brevet d'invention, licence
d'exploitation...) ; l'apport en industrie est l'apport d'un travail, d'une activité intellectuelle. Ou

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d'un savoir-faire. On verra que ce type d'apport n'est pas possible dans certaines sociétés dont
les apports constitutifs doivent être intégralement « libérés », c'est-à-dire versés, dès la
constitution de la société.

b) Le partage des bénéfices et la contribution aux pertes

Cet élément implique deux choses : d'une part que le but de la société doit
obligatoirement résider dans la recherche de profits et non, par exemple dans la réalisation
d'une simple économie ; d'autre part, que tous les associés doivent avoir vocation à se partager
les bénéfices ou, éventuellement. A supporter les pertes. Cela ne veut pas dire néanmoins que
les bénéfices réalisés seront nécessairement distribués à la fin de chaque exercice. La société
peut fort bien décider de pratiquer l'autofinancement en affectant les résultats de son activité à
des comptes de réserves. Mais s'il est décidé de répartir les bénéfices annuels, tous les
associés doivent être intéressés à cette distribution.

Aux termes de l'article 1033 du D.O.C., la part de chaque associé dans les bénéfices et
dans les pertes est en proportion de son apport. Cette règle de la proportionnalité est d'ordre
public en droit marocain : toute clause qui attribue à un associé une part dans les bénéfices ou
dans les pertes supérieure à la part proportionnelle de sa mise, est nulle et rend nul le contrat
de société lui-même (art. 1034). De même, la société est nulle en cas d'attribution à un associé
de la totalité des gains (art. 1035). En revanche celle qui affranchirait un associé de toute
contribution aux pertes serait nulle elle-même mais ne vicierait pas le contrat (art. 1035).

Il existe toutefois des dérogations d'ordre légal à la règle de proportionnalité absolue


de l'article 1034 du D.O.C. ; ainsi, il peut être stipulé que celui qui apporte son industrie a
droit dans les bénéfices à une part supérieure à celle des autres associés (art. 1036) ; de même
la loi sur les sociétés anonymes admet la création d'actions de priorité jouissant d'avantage par
rapport à toutes autres actions (loi n° 17 - 95, art.262).

c) L'esprit sociétaire

Il s'agit de la volonté de collaborer, sur un pied d'égalité, à l'œuvre commune. Cela


signifie que la présence d'au-moins deux associés est nécessaire et que les associés doivent
prendre une part active à la conduite des affaires sociale. En réalité, dès lors que la société
revêt une certaine importance, cette participation cesse souvent de s'exprimer par des prises de
décision ou des actes de gestion pour revêtir la forme d'un contrôle global de la gestion à la
faveur des assemblées d'associés.

2) Typologie des sociétés

Les sociétés sont soit civiles, soit commerciales. Cette distinction repose d'abord sur le
genre d'activité qu'exerce la société.

Sont commerciales : les sociétés ayant pour objet l'exercice habituel d'actes de
commerce. Aux sociétés qui sont normalement commerciales par l'objet de leur activité, il

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faut ajouter celles qui le sont obligatoirement en raison de leur forme, quelle que soit leur
activité. Ce sont : les sociétés en commandite, la société en nom collectif, la société à
responsabilité (loi n° 5 - 96, art.2) et la société anonyme (loi n° 17 - 95, art. 1er).

Sont civiles : les sociétés qui, par opposition, n'ont ni une forme réputée commerciale,
ni un objet ayant rapport avec le commerce. Les sociétés civiles ne se prêtent pas, en principe,
aux classifications qui concernent les sociétés du commerce. La raison en est simple : elle
tient en ce que les sociétés civiles emportent normalement une responsabilité indéfinie de
leurs membres et que, ce faisant, elles supposent toutes une confiance mutuelle des associés.
Dans la vie des affaires et l'activité économique, les sociétés civiles sont, globalement, d'une
importance beaucoup moindre que les sociétés commerciales.

La distinction entre les sociétés civiles et les sociétés commerciales présente les
intérêts principaux suivants :

- les sociétés commerciales sont soumises, lors de leur constitution, à des


formalités de dépôt des apports en numéraire et de publicité, les sociétés civiles ne le
sont pas ;

- Les sociétés commerciales doivent être inscrites au registre du commerce et


tenir les livres de commerce ; pareilles obligations légales n'existent pas pour les
sociétés civiles ;

- Dans les sociétés commerciales, ou bien la responsabilité des associés est


limitée au montant de leurs apports, ou bien les associés sont tenus indéfiniment et
solidairement des engagements sociaux. Or il n'y a pas, en principe, solidarité entre
associés d'une société civile où chacun est tenu des dettes sociales proportionnellement
à son apport : la solidarité n'a lieu que si les statuts l'édictent.

- Enfin les sociétés commerciales sont justiciables des procédures de traitement


des difficultés des entreprises commerciales auxquelles échappent les sociétés civiles
(C.CO., art. 560).

Il existe deux classifications principales des sociétés commerciales selon que l'on
considère l'étendue de la responsabilité encourue par les associés ou l'intérêt attaché à la
personne des co-associés.

Selon l'étendue de la responsabilité à laquelle sont exposés les associés, on distingue :

- Les sociétés qui comportent une responsabilité indéfinie de chaque membre au passif
social éventuel. Ainsi en va-t-il de la société en nom collectif sous l'empire de laquelle tout
associé peut être poursuivi sur ses biens personnels en recouvrement d'une dette sociale
quelconque, après vaine mise en demeure de la société par acte extrajudiciaire.

- Les sociétés dites « à responsabilité limitée », ainsi dénommée à raison de ce que
chaque associé n'engage que ses apports en garantie des dettes sociales (exemples : S.A.R.L.,
société anonyme).

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Lorsqu'on s'associe, il n'est pas anormal de chercher à savoir avec qui. Précisément,
selon l'importance que l'on attache à ce point, c'est-à-dire à la qualité des co-associés, il est
possible de faire choix d'une forme sociale plus ou moins respectueuse de cette considération.
Ainsi faut-il distinguer :

- Les sociétés de personnes dans lesquelles on présume que chaque associé n'a accepté
de prendre cette qualité qu'en connaissance de la personnalité des autres membres (exemples :
société en nom collectif, en commandite simple et' dans une moindre mesure, S.A.R.L.) ;

- Les sociétés de capitaux où l'adhésion des associés est moins guidée par des
considérations tenant aux personnes que par le désir de mettre en commun des moyens avec le
meilleur espoir de lucre (exemple type : la société anonyme)'

3) Règles communes aux sociétés

Chaque type de société, irréductible à tout autre, est régi par les règles légales qui lui
sont propres. Néanmoins certaines questions de même nature, constantes sous tous les
modèles sociétaires, peuvent recevoir, à l'occasion, des réponses identiques. Ainsi s'observent
quelques règles communes à tout ou partie des sociétés. Le cas s'observe, par exemple, pour
les sociétés commerciales par la forme auxquelles s'appliquent, dans mesure où elles ne sont
pas incompatibles avec leurs règles propres, plusieurs dispositions de la loi n° 11-95 relative
aux sociétés anonymes. Elles ont notamment pour objet :

- la durée de la société, limitée à 99 ans mais prorogeable « une ou plusieurs fois »


(art. 2 et 3) ;

- la soumission au droit marocain des sociétés dont le siège social est au Maroc
(art.5) ;

- l'établissement par écrit des statuts et des pactes entre actionnaires (art. 11) ;

- les mentions requises des statuts sauf action en régularisation, sous astreinte, dans les
3 ans (art. 12) ;

- l'obligation indéfinie et solidaire des personnes qui ont agi au nom d'une société en
formation, sauf reprise par la première assemblée de la société régulièrement constituée des
engagements souscrits pour son compte, auquel cas ceux-ci sont réputés avoir pris dès
l'origine par la société (art. 27);

- les pièces à déposer au greffe en vue de l'immatriculation de la société (art. 31), les
formalités de cette immatriculation (art.32) à compter de laquelle la société anonyme (art. 7)
et les autres sociétés commerciales par la forme (loi n° 5 - 96, art. 2) acquièrent la
personnalité morale ;

- la tenue des Procès-verbaux d'assemblées (art. 136 à 138);

- les règles régissant les fusions et scissions de sociétés (art. 222 à 229);

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- le régime de la nullité des sociétés ou des actes et délibération les concernant (art.331
à 348);

-La liquidation de la société dissoute (art.36l à 372), où il apparait que la dissolution


n'est opposable aux tiers qu'à compter de sa publication au registre du commerce, et que la
personnalité morale de la société dissoute survit, pour les besoins de sa liquidation, jusqu'à la
clôture de celle-ci.

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