Vous êtes sur la page 1sur 6

L’éjection d’un AR-15/M-16/M-4

Il y a une large incompréhension sur l’éjection d’une arme de type AR-15.

La majorité des utilisateurs et enthousiastes se réfèrent à ce diagramme :

Figure 1 - le diagramme de la discorde

Je suis un des seuls, si pas le seul de langue francophone, à rejeter ce diagramme et à affirmer
qu’une arme respectant les Mil-Spec tant vantés par les différents fabricants1 doit éjecter vers
l’avant.

Et qu’une arme éjectant vers l’avant n’est, pas comme (forcément) « overgassed » mais résulte, pour
l’arme militaire, d’un choix sécuritaire.

La majorité des armes fonctionnant par emprunt de gaz sont « overgassed » et ce, simplement pour
disposer d’une réserve de puissance pour assurer un fonctionnement fiable lorsque l’arme
s’encrasse, ou dans le cas d’une munition un peu plus faible ou bien encore, tout simplement, par
temps froid. Ce léger « excès » de gaz est obligatoirement un compromis entre fiabilité de
fonctionnement et durée de vie de l’arme car, bien entendu, une arme n’empruntant que la
quantité de gaz nécessaire sera (forcément) moins malmenée et connaitra un cycle de
fonctionnement plus doux et moins violent.

1
MIL-DTL-70599C pour la carabine M4 et MIL-DTL-32309A pour le M16A4

Gabriel Kempeneers | KW
Dès la fin des années 30, et avec l’introduction du fusil M1, l’US Ordnance découvrit la
problématique de l’éjection d’une arme automatique individuelle. Sur le M1, puis sur le M14, un
bossage élégamment intégré au levier de manœuvre s’assurait du renvoi de la douille vers un
secteur à l’avant du tireur. Avec l’introduction du M-16, l’expérience acquise par l’US Ordnance
disparu, oubliée de tous.

Figure 2 - Colt M16A1

Le M16, puis son successeur, le M16A1, fut introduit dès les années 60 et, au cours des multiples
tests effectués par l’US Army, il fut établi que l’arme standard, utilisant des munitions M193
ordinaires, éjectait dans un secteur comprit n’importe où entre 2hr00 et 5hr002, lorsque l’arme était
propre. L’éjection, à cadence de tir nominale, se réalisait dans un secteur de 2hr ; grâce à un impact
de la douille contre le bord de la fenêtre d’éjection. Mais à cadence de tir plus faible (définie comme
725cps/min), l’énergie impartie à la douille ne suffisait plus à faire rebondir celle-ci avec
suffisamment de vigueur, résultant en une éjection pratiquement parallèle à l’arme…directement
dans le visage d’un tireur gaucher ; et dangereusement proche pour le tireur droitier3.

Si l’on se rapporte à la description même du M-16, faite par l’US Army et Colt, une arme éjectant
dans un secteur de 03hr00 à 04hr30 (comme illustrée dans la figure 1) est déjà une arme
insuffisamment gazée, présentant un manque de puissance, et de réserve de puissance.

Deux évènements survinrent, en 1974 et 1975.

En 1974, à Fort Jackson, lors d’un tir à 25m, un GI tira accidentellement dans la tête de son voisin de
ligne. Touché par une douille, brûlante, éjectée de son M16A1, le soldat saisi de surprise et de
douleur se retourna et se crispa sur sa détente. Un coup de feu fut tiré, et le projectile frappa
mortellement un autre soldat.

2
En considérant 12hr00 comme l’axe de tir
3
Brevet Colt US4691615

Gabriel Kempeneers | KW
Figure 3 - Ejection d'un M16

En 1975, second accident, dans les mêmes conditions avec la même issue tragique, dans laquelle
une jeune recrue perdit la vie lors de la première instruction au tir. A cela s’ajoutait les multiples
rapports de GI gauchers, blessés par des éjections de douilles directement dans leurs visages4

A la fin des années 1970, l’USMC (à travers l’US Navy) et l’US Army approchèrent Colt pour la
définition d’un M16A1 « amélioré » (ou M16A1 PIP, pour « Product Improved Program »), lequel
devient le M16A1E1.

Ce sont les US Marines, à Quantico, VA, qui furent les premiers a soigneusement évaluer les
M16A1E1. Durant cette première phase de test, un problème de sécurité potentiel fut remarqué :
comme le M16A1, le M16A1E1 éjectait ses douilles en direction des voisins de ligne (dans un secteur
compris entre 03hr00 et 04hr00). Cette particularité fut surveillée avec attention tout au long du test
et, continuellement, le secteur d’éjection constaté était compris entre 02hr00 et 04hr00. En 1980,
un troisième GI fut atteint par un tir accidentel, lors des essais du M16A1E1, tandis qu’un GI était
sérieusement blessé au niveau de son œil5.

Cette situation était inacceptable pour Rock Island Arsenal, qui exigea une modification de l’arme.

Les M16A1E1 reçurent alors un déflecteur de douille, fraisés dans un bloc d’aluminium, et collé sur
les premières armes de test. Par la suite, les armes reçurent un boitier comprenant ce déflecteur
directement forgé dans l’ébauche d’aluminium utilisée pour le boitier supérieur.

Le design était particulièrement critique, nécessitant un angle exact (de 46°), afin d’éviter un
enrayage provoqué…par un rebond de la douille tirée, laquelle pourrait retourner dans l’arme,
enrayant cette dernière. Une fois achevé, le design assurait une éjection dans un secteur de
maximum 04hr00 et ce, avec les armes les plus encrassées, considérée comme étant encore à peine
fonctionnelles par l’équipe de tireurs.

4
Portez vos lunettes de sécurité !
5
Final Report Technical Feasibility Test of M16A1E1 Rifle

Gabriel Kempeneers | KW
Figure 4 - Analyse du problème d'éjection des étuis

Comme souligné ci-dessus, le problème de l’éjection des douilles dans un secteur compris entre
02hr00 et 04hr00 était considéré comme un danger catastrophique (ce qui signifie, en langage
commun, la possibilité de tuer/gravement blesser quelqu’un) par l’US Army Test & Evaluation
Command. L’Army Material Command, dans ses standards relatifs à la sécurité des armes, estime
que, pour être considérée comme « sûre à l’emploi », une arme longue doit présenter une éjection
comprise dans un secteur compris entre 01hr00 et 02hr00.

Depuis cette époque, les différentes organisations estiment qu’une éjection « saine » doit être faite
vers l’avant, loin du tireur et de ses voisins. Pour les Britanniques, une éjection idéale doit être « vers
l’avant et loin du tireur » :

Figure 5 - "Ejection", Chapitre 11, UK Small Arms, Machine Guns and Support Weapons General Principles

Gabriel Kempeneers | KW
L’OTAN elle aussi, dans le manuel D-14, insiste pour que les douilles éjectées n’interfèrent ni ne
présentent de risques pour l’utilisateur ou ses voisins :

Figure 6 - NATO D-14

Figure 7 - NATO D-14

Conclusion :

Si vous tirez toujours seul, sans voisin, sans être gaucher…vous n’aurez sans doute jamais aucun
risque à utiliser une arme qui, avec quelques artifices, présente une éjection prétendue « parfaite »
(03hr00 à 04hr30), laquelle est, d’un point de vue contrainte mécanique, la plus conservatrice. En
effet, la réserve de puissance est minimale, et l’arme ne souffre que relativement peu. Mais, si vous
tirez en logette, attendez-vous à être occasionnellement frappé par une de vos douilles, éjectées et
rebondissant sur la paroi voisine à vous.

Si vous tirez en terrain ouvert, avec des voisins de ligne,…préférez l’expérience des militaires US, et
choisissez la sécurité, en laissant votre arme éjecter ses douilles vers l’avant, là où elles ne
blesseront personne.

Bien sûr, si vous souhaitez en discuter : g.kempeneers@hotmail.fr

Gabriel Kempeneers | KW
Source :

1. UK Small Arms, Machine Guns and Support Weapons General Principles; British Army, Mars
1997
2. NATO D-14, edition 2006
3. Final Report – Technical Feasibility Test of M16A1E1 Rifle, US Army Aberdeen Proving
Ground, TECOM 2-WE-600-016-026
4. TC 23-8: “Rifle, 5.56-mm, M16”, Department of the Army, April 1964
5. System Assessment for the 5.56mm Rifle, M16A1, January 20th, 1975, US Army Armament
Command, Rock Island
6. The Colt M16A2 Weapon System, 1987, Colt Firearms Division

Gabriel Kempeneers | KW

Vous aimerez peut-être aussi