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Sarah EL GANI

20205460

POL 1330

ADMINISTRATION ET POLITIQUES PUBLIQUES

EXAMEN FINAL – HIVER 2022

Enseignant : Denis Saint-Martin

Auxiliaire : Antoine Lemor

Département de science politique

Université de Montréal

22 avril 2022
1. Selon les politologues Doern et Phidd, comment les décideurs procèdent-ils

pour choisir les instruments de politique publique? Quelles critiques ont été

formulées à l’endroit de ce modèle?

Les politologues Doern et Phidd ont mis en place un modèle pour expliquer comment les

décideurs choisissent leurs instruments de politique publique. Ils ont élaboré un modèle

de choix d’instrument en fonction du degré de coercition et de leur popularité politique et

nous verrons comment ils sont organisés et utilisés puis pourquoi certaines critiques ont

pointé. Ils ont établi un modèle basé sur deux axes : L’axe plus ou moins coercitif

(gauche-centre-droite) et l’axe en fonction de la popularité politique des instruments.

D’après ce modèle, sur cet axe on retrouvera des instruments moins coercitifs à gauche,

des instruments plus centraux et plus coercitifs à droite. Aussi, selon ces axes, on

comprend que les instruments les moins coercitifs sont plus populaires politiquement,

qu’ils rencontrent une plus grande adhésion, alors que ceux plus à droite, les plus

coercitifs, ceux où on va obliger les citoyens ou les entreprises à effectuer des choses

contre leur gré, ceux-là seront moins politiquement populaires.

Nous retrouvons différents types d’instruments avec des degré différents de coercition. Si

nous les classons du moins coercitif au plus coercitif, nous retrouvons tout d’abord:

-Les instruments d’autorégulation : ce sont les instruments que les simples citoyens

utilisent de façon volontaire, qui viennent souvent de notre socialisation et qui

contribuent en général au bon déroulement de la société. Par exemple les parents élèvent
bien leurs enfants ou encore si on œuvre dans des associations en tant que bénévoles ou

qu’on milite dans un parti politique. Ce sont des instruments avec peu de coercition.

-Les instruments d’exhortation : Là le gouvernement va nous exhorter, nous encourager à

adopter des pratiques en utilisant par exemple des publicités. Rien ne nous oblige mais le

gouvernement nous encourage à le faire car c’est une bonne chose pour nous ou pour la

société. Par exemple, les campagnes pour consommer moins d’énergie.

-Les instruments de dépense: C’est un instrument au centre de la coercition. Les

gouvernements dépensent beaucoup d'argent et disposent de budget annuels conséquents.

Avec les dépenses, ils nous incitent à nous comporter de différentes façons tel que

recherché par les politiques publiques. Il y a différents moyens pour le gouvernement

d’accomplir avec les dépenses ses objectifs de politique publique. Dans les dépenses, on

retrouve par exemple le paiement de transferts à d'autres organismes de gouvernement ou

des transferts aux particuliers, comme l’assurance emploi, prestation aux aînés...

Dans les dépenses, on retrouve aussi l’instrument des dépenses fiscales : ce sont les taxes

et impôts que le gouvernement pourrait nous prendre mais il renonce volontairement à

ces recettes fiscales. Elles prennent la forme de d'exemptions, de réductions de taux, de

remboursements, d'exonérations, de crédits ou de reports particuliers qui réduisent l'impôt

normalement payable. Par exemple, les cotisations dans un REER, déductible

fiscalement, encouragent les gens, c’est un incitatif à la construction de la retraite. Ce

sont des instruments qui viennent stimuler certaines activités ou qui viennent en aide à

des personnes plus vulnérables comme les retraités via les cotisations à la retraite. C’est

un choix politique fiscal pour atteindre des objectifs de politique publique.


-L’instrument de réglementation et des taxes : C’est un instrument plus coercitif car là on

va vous forcer par des instruments de coercition. Par exemple, nous avons vu qu’avec la

campagne anti-tabac et la loi anti-tabac de 2006, le gouvernement taxe les cigarettes et

aussi prive les fumeurs de certains lieux.

-L’instrument d’étatisation : quand le gouvernement veut intervenir dans la gestion ou

contrôler plus certains organismes même privés comme ce fut le cas avec certains

CHSLD privés. Il va tenter de les nationaliser pour en prendre le contrôle. C’est assez

coercitif.

Les gouvernements vont généralement commencer par des instruments moins coercitifs

car du point de vue des électeurs, de la population ces instruments sont plus populaires.

Ou ils procèderont graduellement comme on l’a vu avec le tabac, du moins coercitif

(prévention, photos sur les paquets) au plus coercitif (taxations, interdictions).

Ce modèle a été critiqué, car selon certains chercheurs, il est biaisé idéologiquement. En

effet, il suppose que les gouvernements vont avoir tendance à utiliser des instruments

plus coercitifs comme la loi, les taxes alors qu’en réalité ce n’est pas toujours le cas.

Aussi, on dit que ce modèle prend le monde des affaires comme son point focal

(l’interventionnisme politique dans les affaires n'est pas bien vu politiquement). Ce

modèle serait une vision néolibérale de l'État. Aussi on dit que ce modèle peut subir des

contraintes institutionnelles (comme dans le cas du fédéralisme, le fédéral ne peut agir sur

certains domaines provinciaux) et des contraintes idéologiques (Taxer pour un parti de

droite idéologie conservatrice ce ne sera pas privilégié, il n’utilisera pas certains

instruments de coercition forts). Enfin on peut se demander si les décideurs évitent

vraiment la coercition.
2. Pourquoi la recherche sur la mise en place des politiques prétend-elle que les

fonctionnaires de première ligne (street-level bureaucrats) sont aussi des

décideurs?

La mise en œuvre des politiques c’est « l’ensemble des processus qui visent la réalisation

concrète des objectifs d’une politique publique ». La mise en œuvre de cette politique va

être confiée aux fonctionnaires après l’adoption des politiques par le parlement. Lorsque

l’on évoque les « street-level bureaucrats », cela fait référence au modèle de Bottom Up,

de la base vers le haut, des fonctionnaires de terrain vers les décideurs. Elle concerne les

fonctionnaires qui se retrouvent en première ligne, sont sur le terrain opérationnel, en

contact direct avec une clientèle, les usagers, qu’ils connaissent bien et avec qui ils

interagissent en permanence. Ils en ont donc une bonne expertise et connaissance.

Comme par exemple, les travailleurs de la santé sans qui le Ministère de la santé serait

sans pertinence ou les enseignants sans qui le Ministère de l’éducation ne pourrait

appliquer ses programmes. Ces fonctionnaires sont souvent appelés à faire des jugements

entre des valeurs en conflit. Il y dans le modele Bottom up, une vision de la légitimité

démocratique de proximité. Les fonctionnaires de première ligne sont plus près des

clientèles, connaissent mieux leurs besoins et donc ont une action directe sur la

population, ils peuvent faire des formes d’ajustements légères des politiques publiques.

Ils endossent une forme de responsabilité indirecte. Une responsabilité qui va aux

« clients », aux usagers. Ils bénéficient d’une autonomie d’action indirecte. C’est la

théorie avancée par Meny Thoenig qui avance que le modèle de Bottom up, aussi théorie

du Public choice, permette les décisions du bas vers le haut, en opposition au Top Bottom
ou les décideurs sont au sommet et sont souvent déconnectés de la base et donneront aux

exécutants strictement à appliquer leurs directives.

Les « street-level bureaucrats » n’ont pas officiellement de pouvoir décisionnel, ils

restent des exécutants, mais comme ils sont au plus près des usagers, leur rôle a de

l’importance informelle et leur pouvoir sera informel. On dira qu’ils ont une « liberté

discrétionnaire ». Leur connaissance du terrain et des usagers, leurs jugements de valeurs

concernant les lois et la façon de les appliquer, leur confère la possibilité de réellement

agir en termes de mise en œuvre des politiques publiques et d’en voir les résultats

concrètement. On dira que leur pouvoir est discrétionnaire car c’est eux d’une certaine

manière non officielle vont juger comment la politique publique va être mise en œuvre,

de quelle façon, en combien de temps, pour quel public, etc. Sans être de véritables

décideurs car les politiques publiques restent décidées au sommet, leurs actions ont tout

de même un effet notable sur les populations et on peut dire qu’ils ont un rôle

d’amélioration des politiques publiques sur le terrain.

3. Qu’est-ce que des chercheurs comme Paul Pierson veulent décrire lorsqu’ils

parlent de la notion de « policy feedback » - ou des effets de rétroaction des

politiques publiques?

Paul Pierson dans son ouvrage « When effect becomes Cause » nous explique les effets

de rétroaction, c’est-à-dire l’effet boomerang de certaines politiques publiques et

l’ambiguïté que cela peut causer. Quand une politique est mise en place, elle transfère ses

ressources matérielles et ses informations (messages) et cela modifie la donne. La

politique publique qui était une variable indépendante à un moment devient une variable
dépendante. Cet 'effet de rétroaction complique pour le gouvernement les possibilités de

faire des ajustements.

Pour définir l’effet de rétroaction de politique publique, on peut dire que c’est soit un

effet structurant ou causal que les politiques gouvernementales peuvent avoir au fil du

temps sur le type d’intérêts, de demandes et de stratégies que les acteurs sociaux et

politiques expriment et développent dans le processus de gouvernance. Dans cette

approche on a une conception de politique publique comme variable indépendante

(inputs): c’est une cause. Par la politique publique, cette variable devient dépendante

(outputs) et on va voir qu’au fil du temps, avec l’effet de rétroaction, l’effet devient la

cause :

Habituellement, des groupes d’intérêts, des partis font pression sur le gouvernement pour

faire inscrire leur enjeu à l'agenda une cause et ce gouvernement va répondre à ces

pressions en adoptant des décisions, des politiques publiques. Dans ce processus, la

variable indépendante, ce qui cause les politiques publiques c'est les pressions des

mouvements. Le gouvernement réagit en adoptant des décisions. La politique publique

est un effet et la cause est dans les enjeux des mouvements sociaux ou partis. Sauf qu'au

fil du temps, la variable dépendante de politique publique va devenir une cause avec le

temps. Elle va générer des effets de rétroaction et devenir elle-même une cause et

transformer la politique elle-même. Pierson dit que les effets de rétroactions sont de deux

natures :

-Effet de ressources, matériel, par exemple le chèque de PCU. Ce sont les ressources

transférées à des individus.


- Effet informatif (Interprétation): on va insister sur les messages subliminaux qui sont

parfois contenus dans la politique publique que l’on étudie. Elle va contenir des

informations, des idées, des valeurs, des normes qui vont aider les individus à se situer

dans la société.

Le gouvernement envoie des messages positifs ou négatifs au reste de la société en ce qui

concerne par exemples les groupes méritoires comme les retraités ou vétérans qui eux

profiteront de messages positifs et verront leur pouvoir s’accroître; versus les groupes

moins méritoires comme les « BS » ou les « Smicards » (c’est un autre effet de

rétroaction mais message subliminal négatif et ces groupes n’auront pas de pouvoirs).

. Par contre, ces deux effets de rétroaction, vont augmenter le pouvoir de certains groupes

dits méritoires et après coup, le gouvernement sera dans l’impossibilité d’agir et de

modifier les politiques publiques à l’encontre de ces groupes qui auront pris de

l’importance. Le gouvernement en apportant une solution à la problématique initiale et en

adoptant une politique publique appréciée de l’opinion publique et par les effets de

rétroaction, cette politique publique devient « cadenacée » qui empêchera le

gouvernement de retirer ou d’amoindrir cette mesure sous peine de perdre son électorat et

craindre un soulèvement populaire (exemple de la réforme des retraites en France en

2019).

4. Qu’est-ce que le nouveau management public et qu’est-ce qu’il implique

pour le contrôle des bureaucraties?


Tout d’abord, il faut rappeler que le gouvernement, pour évaluer une politique, va

« rechercher si les moyens juridiques, administratifs ou financiers mis en œuvre

permettent de produire les effets attendus de cette politique et d’atteindre les objectifs qui

lui sont fixés ». En d’autres termes, lorsqu’une politique publique est votée, elle est

transférée aux fonctionnaires pour la mise en œuvre. Dès lors, s’instaure un contrôle de la

bureaucratie pour vérifier que celle-ci est mise en œuvre adéquatement soit par un

contrôle apriori soit par un contrôle a posteriori. Dans le cas du New Public Management

(NPM), c’est une forme d’évaluation technocratique assez récente et inspirée des modèles

économiques du monde libéral. Le contrôle de la bureaucratie a toujours existé comme le

mentionne Philippe Bezès, mais depuis le début des années 90, ce contrôle s’est intensifié

et modifié avec l’avènement du New Public Management. Les fonctionnaires vont être

soumis à d’avantage de contrôles dans un modèle plus managérial hérité du monde de

l’entreprise car on souhaite supprimer ou réduire la lourdeur administrative, renforcer la

relation entre la bureaucratie et les usagers de manière plus efficace et transparente et

mieux utiliser les budgets conférés aux bureaucrates. On entre dans un mix de logique de

marché et de contrôle politique.

On peut définir le NPM comme un processus de transformation qui vise à « introduire

dans l’administration publique des concepts et des techniques de gestion issus du secteur

privé afin de débureaucratiser l’administration et d’améliorer son efficacité en la rendant

plus entrepreneuriale, comme si elle était en situation de concurrence et de marché ».

Cela se fera de différentes manières comme d’instaurer des primes au rendement pour les

fonctionnaires plus performants et créant ainsi un modèle compétitif. Le NPM a ainsi

entrainé des changements dans les formes de contrôle. Son arrivée découle d’une crise
fiscale de l’État, de la théorie du public choice, de la mondialisation des marchés qui

demande d’être compétitif et efficace et aussi du changement de l’opinion publique qui

devient plus exigeant en ce qui concerne les taxes qu’elle paie. Aussi la montée de

gouvernements de droite ou conservateurs moins complaisants envers la bureaucratie a

entrainé son renforcement.

Le New Public Management et est plus en faveur d’un contrôle a posteriori ou comme le

dit Bezès, « ex post » (p.32), qui s’exercera après le fait, et qui permet une plus grande

souplesse aux fonctionnaires et gestionnaires. Cela s’exerce sous forme de vérification

(audit) et d’évaluation des politiques par des instruments de contrôle de performance.

« La rationalisation des administrations passe désormais par des contrôles ex post qui

reposent sur le calcul et sur le contrôle des coûts (tableaux de bord, statistiques, comptes

prévisionnels), ainsi que sur la surveillance des réalisations et des résultats de l’activité

administrative (mesures de performance par des indicateurs, etc.) » (Bezès). Ainsi le

fonctionnaire est soumis aux mêmes règles que l’on retrouve dans le monde de

l’entreprise. Le gouvernement n’hésite pas dans ce modèle à recourir à des consultants

externes et d’audits pour assurer la fiabilité du contrôle.

Le New Public Management présente plusieurs avantages. Il permet par exemple aux

gestionnaires de recruter les meilleures ressources, lancer des appels d’offres pour

garantir l’efficience et d’allouer les moyens et en échange ils devront rendre des comptes

chiffrés. Le NPM a permis des réformes importantes qui ont modifié la relation entre la

sphère politique et l'administration elle-même. De plus, on observe l'avènement

d’administration décentralisée capable d'effectuer des actions et prendre des décisions de

manière autonome, puisqu’ils profitent d’une délégation vers le bas et souvent d’un
contrôle à distance. Autonomie relative car elles seront évaluées avec des outils de calcul

d’évaluation de la performance et des résultats et pousseront à la mise en concurrence

dans les processus administratifs. Les administrations publiques restent sous l’autorité de

leur ministère, responsable des politiques publiques. L’État n’a en réalité comme objectif

que de combler la « perte de -ses- capacités de maîtrise de l’ensemble étatique. Elles

investissent les nouveaux instruments managériaux pour tenter de conserver, en le

recomposant, leur pouvoir de direction, de coordination et de contrôle ». (Bezès, p. 33).

L’État poussera la recherche d’efficacité en désagrégeant les ministères et unités

administratives et en créant des structures plus petites et des unités autonomes donc

mieux contrôlables et leurs missions seront en quelque sorte « contractualisées ». Cela

suppose plus d’expertise ou d’externalisation.

Dans le NPM, avec le principe de « redevabilité », les usagers-citoyens seront perçus

comme des clients ou consommateurs et cela va favoriser un management plus

participatif axé sur la qualité des services.

Le NPM ne présente pas que des avantages. Bezès l’a bien souligné et indiqué qu’il y a

un risque lié à l’hyper-rationalisation des activités et d’enjeux de contrôle liés à la

défragmentation des structures administratives.

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