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Sensation/Sensación

Arthur Rimbaud

Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les En los tristes veranos, por las sendas iré
sentiers, Picado por el trigo, piso la suave hierba
Picoté par les blés, fouler l’herbe Sueño con frescura, bajo mis pies
menue : sentiré
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes Dejo al viento bañar mi cabeza desnuda
pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
No diré ninguna palabra y no pensaré
Mas el inmenso amor rebosará mi alma
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien : Como si fuera un bohemio, lejos iré
Mais l’amour infini me montera dans Por la natura, feliz como con una dama
l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un
bohémien,
Par la Nature, – heureux comme avec
une femme.

Soñador, bajo mis pies la frescura sentiré

L’ÉTRANGER
Charles Baudelaire

— Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta sœur ou ton
frère ?
— Je n’ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.
— Tes amis ?
— Vous vous servez là d’une parole dont le sens m’est resté jusqu’à ce jour inconnu.
— Ta patrie ?
— J’ignore sous quelle latitude elle est située.
— La beauté ?
— Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle.
— L’or ?
— Je le hais comme vous haïssez Dieu.
— Eh ! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
— J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… les merveilleux nuages !

Charles Baudelaire, Petits poèmes en prose, 1869 (1857)

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