Vous êtes sur la page 1sur 12

Exposé les cyclones

On appelle cyclone (du grec kuklos, cercle) une dépression trés creusée d'origine


tropicale, c'est-à-dire qui naît sous l'influence des fortes chaleurs combinées aux eaux
très chaudes des latitudes tropicales. D'une durée de vie d'environ une semaine, le
cyclone peut générer des dégâts colossaux et dévaster une région entière.

On parle de :

 dépresion tropicale lorsque le vent est inférieur à 62 km/h


 de tempête tropicale pour un vent compris entre 62 et 117 km/h
 et d'ouragan pour un vent qui dépasse 117 km/h.

Lorsqu'un cyclone atteint le stade de tempête tropicale, il est baptisé selon une liste
préétablie où alternent prénoms masculins et féminins.

Régions affectées et saisons cycloniques


Tous les ans, on dénombre environ 80 ouragans qui balaient la surface des océans.

 Sur l'Atlantique Nord, la saison cyclonique s'étend de juin à novembre. On y


observe en moyenne, par an : 20 dépressions tropicales, 9 tempêtes tropicales, 5
ouragans.
Les régions tropicales (notament des Caraïbes au golfe du Mexique) sont
particulièrement affectées par les cyclones qui peuvent, pendant plusieurs
semaines, se succéder et dévaster de vastes régions.
 Dans l'hémisphère sud, la saison cyclonique s'étend de novembre à avril
(Mayotte, Nouvelle Calédonie, Polynésie Française, La Réunion, Wallis et
Futuna).
 Dans l'océan Indien la saison cyclonique s'étend de janvier à mars.
 A l'ouest de l'océan Pacifique ouest la saison des typhons s'étend de juillet à
octobre et principalement d'août à septembre.

Appellations suivant les régions du globe


Les phénomènes météorologiques qui dépassent en intensité les tempêtes (soit 117
km/h), sont dénommés différemment suivant les régions du globe, on parle ainsi de :

 cyclone tropical (du grec kuklos, cercle) au sud-ouest de l'océan Indien et au


nord de l'Australie
 typhon : (portugais tufao, du chinois t'ai fung, grand vent, par l'arabe tufân) :
cyclone des mers de Chine et de l'océan Indien (ouest du pacifique Nord).
 ouragan : (espagnol huracàn, d'un mot caraïbe) : une des dénominations des
cyclones tropicaux dans l'ouest de l'Atlantique Nord, la mer des Caraïbes, le
Golfe du Mexique, le centre et l'est du Pacifique Nord.
 hurricane (mot anglais venant de l'espagnol huracàn) : cyclone tropical ;
abusivement utilisé à la place du mot ouragan.
 baguio aux Philippines.

1
 cyclone : baie de Bengale et mer d'Arabie.
 medicane : contraction de "Mediterranean hurricane" pour un cyclone qui se
forme au-dessus de la mer Méditerranée.

Description physique des cyclones

Un cyclone est un tourbillon de 10 à 15 km d'épaisseur enroulé sur lui-même, il est


constitué d'une masse nuageuse de cumulonimbus, organisés en spirales qui
convergent vers le centre. Cette zone centrale mesure quelques kilomètres de diamètre
(20 à 50 km pour les plus importants). Le vent y est calme, le ciel clair (pendant environ
1 heure) : c'est l'oeil.

La vitesse de déplacement d'un ouragan est d'environ 10 à 35 km/h et certains peuvent


rester stationnaires pendant plusieurs dizaines d'heures comme Dorian en septembre
2019. Par contre, les vents générés par un ouragan peuvent atteindre les 300 km/h, et
les pluies des quantités de plus de 500 litres par m 2 en 24 heures (soit ce qui tombe sur
Paris en un an) en provoquant des submersions marines, des inondations,des
glissements de terrain.

Le diamètre total du cyclone peut atteindre 1 000 km (en général il est de 400 à 500
km). Le mouvement de rotation du cyclone est formé de vents supérieurs à 120 km par
heure environ.

La pression au centre d'un cyclone peut descendre en dessous de 910 hPa comme en
témoigna le cyclone Mitch qui dévasta l'Amérique centrale fin octobre 1988.

La pression la plus basse observée sur l'Atlantique est de 888 hPa lors du passage de
Gilbert en 1988. Par comparaison, l'ouragan Lothar du 26 décembre 1999 a engendré
une pression de 960 hPa.

Enfin, l'énergie libérée par un cyclone atteint les 200 à 300 kilotonnes par seconde
(bombe d'Hiroshima : 20 kilotonnes). Or, cette énergie est puisée dans la chaleur des
eaux de surface, ce qui les refroidit et permet d'évacuer le surplus de chaleur
emmagasiné dans les zones tropicales.

Les cyclones tournent dans le sens des aiguilles d'une montre dans l'hémisphère sud et
dans le sens contraire dans l'hémisphère nord. Cette particularité s'explique par la force
de Coriolis.

Comment se forment les cyclones ?

Un cyclone se forme toujours sur l'eau. Ainsi, ils naissent au-dessus de l'océan près de
l'équateur sous l'effet d'une forte évaporation qui déclenche des vents convergents. L'air
froid s'insinue sous l'air chaud qui se soulève : la dépression se creuse, une tempête

2
tropicale se forme. L'air chaud rentre alors en contact avec le jet stream (vents à 400 km
par heure) qui accélère les vents. Lorsque les vents sont suffisamment puissants, on
parle de cyclone.
Les conditions suivantes sont nécessaires :

1. température de la mer supérieure à 26,5°C sur au moins 50 m de profondeur ;


2. forte humidité et instabilité atmosphérique, orages, faible cisaillement vertical des
vents. "Le cisaillement vertical du vent est la variation de vitesse et/ou de
direction du vent avec l'altitude. Un faible cisaillement permet au cyclone de
garder sa structure symétrique verticale et ainsi de se renforcer" (Metéo-France).
3. latitude supérieure à 5 degrés pour qu'il y ait la force de Coriolis ;
4. une faible rugosité du sol donc surtout en mer et sur les côtes.

Notons que même si toutes ces conditions sont remplies, elles ne sont pas suffisantes
pour qu'un cyclone se forme.

Le remplacement du mur de l'oeil du cyclone (Eyewall Replacement


Cycle)
Dans le cas de cyclones tropicaux intenses (catégorie 3 et plus), l'oeil du cyclone vient à
se contracter puis a être remplacé par un nouvel oeil engendré par certaines bandes de
pluie extérieures.

Comme les vents les plus forts se situent dans le mur qui entoure l'oeil, le cyclone faiblit
généralement pendant cette phase de remplacement (ERC pour Eyewall Replacement
Cycle), le mur intérieur étant "étouffé" par le mur extérieur.

Enfin, lorsque l'oeil est entièrement renouvelé, le cyclone regagne en puissance.

Le remplacement du mur de l'oeil du cyclone a été singulier dans le cas du super-typhon


Hagibis.

3
Classification des cyclones : l'échelle de Saffir-Simpson

L'échelle ouverte de Saffir-Simpson, formulée en 1971 par les Américains Herbert Saffir
(ingénieur) et Robert Simpson (météorologue), sert à graduer les cyclones, ouragans et
typhons. Elle tient compte de la vitesse des vents, des dégâts possibles, de la pression
barométrique et de l'augmentation du niveau de la mer. Les cyclones de catégorie 3, 4 et
5 sont désignés comme des cyclones tropicaux intenses (ou majeurs).

marée
Classe ou Pression
Vents de Description
catégorie moyenne
tempête

Dommages primaires aux


bosquets, arbres, feuillage et aux
maisons mal construites. Pas de

1
119 dégâts aux autres structures.
> ou = à à 1,0 - Quelques dommages aux faibles
980 hPa 153 1,7 m infrastructures. Routes côtières
(minimal) km/h basses inondées, dégâts mineurs
sur les jetées et les petites
embarcations qui ont cassé leurs
amarres.

2
979 à 154 1,8 - Dégâts considérables à la
965 hPa à 2,6 m végétation, quelques arbres sont
177 déracinés. Dégâts majeurs aux
km/h maisons mobiles exposées. Gros
(modéré) dégâts aux faibles infrastructures.
Quelques dommages aux toitures,
aux fenêtres et aux portes. Pas de
dégâts majeurs aux bâtiments. Les
routes côtières et les routes basses
de l'intérieur peuvent être
submergées 2 à 4 heures avant
l'arrivée du cyclone. Dégâts
considérables aux jetées. Les ports
de plaisance sont submergés. Les
bateaux de plaisance exposés
cassent leurs amarres. L'évacuation

4
des résidences sur le rivage et des
régions basses est nécessaire.
Exemples

 Ouragans Lothar et
Martin (France, 29/12/1999)

Le feuillage des arbres est


déchiqueté ; de grands arbres sont
déracinés. Pratiquement toutes les
faibles infrastructures sont
soufflées. Dommages aux toitures,
portes et fenêtres. Quelques dégâts
sur les structures des petits
bâtiments. Destruction des maisons
mobiles. Inondations sérieuses sur
la côte ; beaucoup de constructions
sur les régions proches de la côte

3
178
sont détruites. Les grandes
964 à à 2,7 -
structures côtières commencent à
945 hPa 208 3,8 m
être endommagées par les coups
km/h
(étendu) de boutoir des vagues et des débris
flottants. Les routes intérieures
d'évacuation sont coupées par la
montée des eaux 3 à 5 heures
avant le passage du cyclone. Les
terrains situés à 1,5 m au-dessus
du niveau de la mer sont inondés à
plus de 10 km de la côte.
L'évacuation des résidences
basses à quelque distance du
rivage peut être nécessaire.

4
944 à 209 3,9 - Toute la végétation est jetée bas.
920 hPa à 5,6 m Dommages sévères aux toits,
251 portes et fenêtre. Beaucoup de toits
km/h emportés. Destruction complète
(extrême) des maisons mobiles. Inondations
de toutes les terres situées à 10
pieds au-dessus du niveau de la
mer et ce jusqu'à 6 miles à
l'intérieur. Dégâts majeurs toutes
les structures battues par les flots.
Toutes les routes sont inondées 3 à
5 heures avant l'arrivée du cyclone.

5
Érosion majeure des plages.
Évacuation massive et obligatoire
de toutes les résidences à 3 km du
rivage.
Exemples

 Cyclone Sidr (Bangladesh,
15/11/2007)

Dégâts massifs, tout est détruit.


Exemples

 Hugo (918 hPa, 260 km/h,


1989)
Andrew (1992, 300 km/h)

5
plus 
moins  Camille (1969)
de plus de
de 919  Gilbert (885 hpa)
252 5,7 m
hPa  Ivan (2004)
km/h
(catastrophique)  Katrina (2005)
 Patricia, le 23/10/2015 : 880
hPa, vents maximum : 320
km/h
 Irma (Antilles, 2017)
 Dorian (Bahamas, 2019)

Une autre source d’information

Un cyclone se caractérise par des pluies diluviennes et des vents très violents, qui peuvent

atteindre 350 km/h. Provoqués par une chute importante de la pression atmosphérique, les

cyclones, phénomène des régions tropicales, sont des tourbillons de grande échelle. Compte

tenu de leur force, de leur étendue, et des zones où ils se produisent, les cyclones ont des

conséquences dévastatrices sur les populations et les infrastructures.

COMMENT SE FORME UN CYCLONE ?

Plusieurs conditions doivent se conjuguer pour qu’un cyclone naisse et se

développe.

6
 Au niveau thermique, la température de la mer doit être supérieure à 26°C sur

une épaisseur minimale de 50 m.

 Au niveau géographique, le cyclone doit être suffisamment éloigné de l’équateur

– au minimum de 550 km

 Enfin, l’humidité doit être forte car elle est indispensable à la formation des

nuages cumulo-nimbus.

Le cyclone est constitué d’une énorme masse nuageuse, en spirale, pouvant

s’étendre sur un rayon de 500 à 1 000 km. Le rayon de sa zone la plus dangereuse, qui

entoure l’œil d’un véritable « mur de nuages », peut atteindre 150 km.

© Prim.net 

Environ 80 à 85 cyclones se produisent chaque année selon les statistiques des trente

dernières années. Environ la moitié d’entre eux, dépasse le seuil d’ouragan, c’est-à-dire

lorsqu’en vent maximal soutenu, la vitesse est supérieure à 117 km/h.

Les deux hémisphères, nord et sud, sont très inégalement touchés par les cyclones tropicaux :

70 % pour le premier et 30 % pour le second.

7
COMMENT SONT DÉFINIS LES NOMS DES CYCLONES ?

 Le centre de Miami utilise six listes de prénoms par roulement annuel, le premier

ouragan de l’année porte un nom commençant par la lettre A. 

 Le centre météorologique de l’île de la Réunion attribue aux tempêtes tropicales et

aux cyclones des prénoms d’origine française, malgache ou mauricienne. 

 Les tempêtes tropicales et cyclones du nord de l’océan Indien ne sont pas désignés par

un prénom mais un numéro d’identification suivi d’une lettre, A ou B, selon que le

phénomène se forme en mer d’Arabie ou dans le golfe du Bengale. 

 Les typhons du Pacifique nord-ouest, du sud-est de l’océan Indien, du nord de

l’Australie et du Pacifique sud-ouest portent un nom pris dans quatre listes sans

initialisation annuelle.

AGIR AVANT

Protéger l’habitat et les biens

 Renforcez les structures de votre habitation (haubans, toitures...).

 Fermez les ouvertures avec des panneaux de bois cloués, attachez et renforcez les

volets mais n’obstruer pas les grilles de ventilation de votre logement (comportement

à risque pouvant favoriser les intoxications au monoxyde de carbone).

 Posez des bandes de papier collant sur les fenêtres.

 Démontez les grandes baies vitrées.

 Enlevez, à l’extérieur comme à l’intérieur du bâtiment, tout ce qui peut devenir

un projectile.

 Coupez les réseaux (gaz, électricité, eau, etc.) pour, notamment, éviter les

incendies.

 Amarrez les canots le plus loin possible du rivage.

 Rentrez les animaux de ferme et domestiques dans des locaux.

 Repérez les lieux les plus solides du bâtiment.

Préparer son évacuation

8
 

 Informez-vous sur le lieu de protection et d’accueil proposé par les autorités.

 Donnez à vos proches (famille, amis, voisins) les coordonnées de votre lieu d’abri.

 Donnez à vos proches (amis, voisins) les coordonnées de votre famille.

 Préparez l’équipement nécessaire (médicaments, papiers d’identité, lampe de

poche etc.), détaillé dans le Guide de préparation aux situations d’urgence.

 Vérifiez que le réservoir de carburant de votre véhicule est à moitié plein.

Préparer son retour et les futures réparations

 Stockez à un endroit abrité (cave, dessous d’escalier) les outils nécessaires.

 Constituez des réserves de serpillières et de seaux.

 Placez vos réserves (aliments, vêtements, médicaments, boissons) dans des sacs

étanches. 

Dès ces mesures prises, gagnez les abris municipaux.

 AGIR PENDANT

 Informez-vous : écoutez et suivez les consignes données par la radio et les autorités.

 Repérez les endroits les plus résistants du local et s’y tenir (pièce centrale, WC,

placard, cage d’escalier...).

 Eloignez-vous des baies vitrées.

 Surveillez la résistance de l’abri.

 Surveillez le risque d’inondation.

 Méfiez-vous du « calme » de l’œil du cyclone car il y aura inversion et un nouveau

renforcement des vents après le passage de l’œil.

 Ne sortez pas et attendez la fin de l’alerte.

 Évitez de téléphoner pour laisser les secours disposer au mieux des

réseaux.

9
 Afin de prévenir les intoxications au monoxyde de carbone et en cas d’utilisation de

groupes électrogènes, veillez à respecter les consignes d’utilisation et à les placer à

l’extérieur du bâtiment. Il est recommandé de ne pas utiliser de chauffage d’appoint

en continu.

 Redoublez de vigilance la nuit.

AGIR APRÈS

Eviter les dangers qui suivent tout passage de cyclone. 

 Evaluez attentivement les dangers pour vous en protéger : éloignez-vous  des

points bas, ne touchez pas aux fils électriques ou téléphoniques à terre, faites

attention aux objets en hauteur « prêts à tomber » (tôles, planches, arbres...).

 Réparez et confortez votre habitation.

 Afin de prévenir les intoxications au monoxyde de carbone et en cas d’utilisation de

groupes électrogènes, veillez à respecter les consignes d’utilisation et à les placer à

l’extérieur du bâtiment. Il est recommandé de ne pas utiliser de chauffage d’appoint

en continu.

 Vérifiez l’état des aliments congelés/réfrigérés et jetez les en cas de doute.

 Avant d’utiliser l’eau du robinet pour des usages alimentaires (boisson, préparation

des aliments, cuisson,…), assurez-vous auprès des autorités locales qu’elle soit potable

et, dans tous les cas, faites couler l’eau afin de nettoyer le réseau et évacuer l’eau qui a

stagné.

 En cas d’utilisation de l’eau d’un puits privé, renseignez-vous  également auprès de

votre mairie avant de le remettre en service et de l’utiliser à nouveau pour des usages

alimentaires.

 Limitez vos déplacements au strict nécessaire.

 Conduisez  avec prudence.

10
Texte Littéraire qui décrit les conséquences
d’un cyclone
Patrick Chamoiseau évoque sa petite enfance dans la capitale martiniquaise, Fort-de-
France, en compagnie de sa mère, Man Ninotte. Dans cette scène, le petit garçon (désigné
par l’expression « le négrillon ») découvre sa ville après le passage d’un cyclone.

À son réveil, il comprit ce que l’on avait attendu. La ville gisait 1 défaite, frappée de boues,
d’inondations et d’étrangetés. Des tôles jonchaient les rues, des arbres tombés levaient de
cauchemardesques racines dans une dérive d’eau noire, des cochons blancs et des poules sans
plumes et des bœufs sans cornes cherchaient sous l’hébétude 2 un ordre posé du monde. Les
devantures défoncées libéraient un vomi de naufrages. De gros fils électriques tressautaient
sous les décharges de leurs propres étincelles. Posés partout : des armoires orphelines, de
hauts miroirs brisés, un coffre-fort flotteur, mille tiroirs sans passés, d’énormes livres étouffés
d’eau, bric-à-brac d’un panier caraïbe insensé, l’absolue mise à sac, au rapt, au vrac des
poches du ciel, des cœurs et des greniers. Par-dessus, la consternation criarde des premiers
arrivés découvrait ce que les vieux-nègres appellent (ou plus exactement crient) : an tyou-
manman3, et Césaire4 : un désastre.

Cyclone c’est vent aveugle. Il bouleverse les affaires des békés5 et mulâtres6, il écorce la
vie, et durant quelques jours redistribue les parts. En ville, le monde recommençait sous une
mer de boue élevée haut comme ça. Les gens des sept mornes 7, généralement épargnés,
couraient-venir trouver une chance dans les magasins éventrés. […]

Le négrillon passait les journées à la fenêtre, suivant des yeux Man Ninotte à travers le
quartier. Man Ninotte n’était jamais plus à l’aise que dans l’apocalypse. S’il n’y avait plus
d’eau, elle ramenait de l’eau. S’il n’y avait plus de poissons, elle brassait du poisson. Elle
trouvait du pain chaud. Elle trouvait des bougies. Elle trouvait des paquets de rêves et les
charriait en équilibre dessus son grand chapeau. Et surtout, elle ramenait par poignées des
vêtements d’argile, des souvenirs de toiles pris dans un ciment noir, des objets perdus sous
une gangue8 sans prénom. Cela s’empilait dans la cour dans l’attente du nettoyage. Il la voyait
disparaître au bout de la rue, réapparaître à l’autre, massive et puissante sous les ailes de son
chapeau, parlant fort, saluant tous, distribuant des conseils que nul ne demandait. Pour cette
adversaire des déveines9, le désastre était un vieil ami. Elle s’y démenait à peine plus que
d’habitude, et nous en extrayait le meilleur. […] Mais, une fois cyclone passé, elle s’élançait
dans la bataille comme si elle en avait été le stratège, et, soulevant chaque malheur, elle
dénichait chaque chance. En ce temps-là, la nature bouleversée versait du côté de qui n’en
avait pas.

Patrick Chamoiseau, Une enfance créole I, Antan d’enfance, 1993,


© Éditions Gallimard, www.gallimard.fr.

11
12

Vous aimerez peut-être aussi