Vous êtes sur la page 1sur 166
En Allemagne, pour environ quatre-vings milions de personnes en ear de Sasseot il y a environ deux milliards de cases disponibles Pour chaque particulier, iy par consequent ving-cing chases disponibles. Le chemin de Tallemand est done pavé de chaiss, Diane chaise parciculére 3 Tautre ~ cise de pettdejeuner, chase de bureau, chaise dasodation, fauteil cub, tubouret de bar, ete ~ FAllemand noemal ne parcourt pas plus de deux cemts méttes par jour, Deux cents mécres 3 pied par jour en moyenne! Dune chaise & autre wv fa a ISAN 2a Pypruosrd Surp HOS 99 DWI] FS19 NOY ¥] ssneNg OBO PAV Botho Strauss Le Fou et sa Femme ce soir dans Pancomedia ESI L’Arche Si vous désirez reeevoir gratuitement note catalogue «ft ie reguliéement informé de nos nouveautes, theater pasa envoyer vos nom, prénom et adress & LARCHE Eattewr 86, rue Bonaparte "75006 Pars Li oi le drame contemporain se contente normale ‘ment de donner des extraits, Botho Strauss ose déployer Ia totalité, au moins celle la portée du theatre. Répartic en vingt morceaux, cette pice nous relate la relation une jeune femme-éerivain avec un éditeur, Zacharias Weer, un charmeur étrange, diaboliquement actif, qui ‘malgré Son enthousiasme pour I litéature, ou & cause de cela, ne réusit pas en affaires. Le liew oi tout se passe est un hotel. Un endroit od personne n’est chez soi et ou fous peuvent communi- quer. Ici se rencontre tout un monde : des portiers de nuit et des eprésentants de commerce, de faux gargons @ascenseur et de vrais entrepreneurs, de curieux cou- ples et de singuliers pistolets, Strauss regarde dans les chambres et les halls de ce grand hétel comme dans une riche dont le bourdonnement résonne partout. Les coins les plus privés de chacun construisent le grand ensem- ble. Dans cette fresque éclatée de notre vie quotidienne, Strauss fait apparaitre prés de cent personnes, Avec une abondance et une opulence inoules i nous montre toute la richesse possible de la littérature dramatique, tout éventail des possibilités dans lequel le théitee peut puiser. La comédie virevoltante multiple les dialogues de sourds entre ~ Ia plupart du temps ~ des couples qui ne se supportent plus et sont pourtant inséparables ISBN :2-85181-512-1 ‘Tite original Der Narr und seine Frau ewe abend in Pancomedia © 2001 Carl Hanser Verlag, Munich, Vienne Tous droits reserves © 2002 L Arche, 86, rue Bonaparte, 75006 Paris ‘our version frangase {La Joi du 11 mars 1957 ined es copies ov reproductions destndes& une utilisation collective. Toute reprecmaton ou reproduction intgrale ou parle fite par quelque procédé que ce soit sans le consentement de L‘Arche, ext ete et onstitue une contefagon sanction parley atcles 425 et Suivans da Code penal Conception graphique de la couverture ‘Susanne Gerhards, Botho Strauss Le Fou et sa Femme ce soir dans Pancomedia Traduit de Vallemand ar Bernard Chartreux, Eberhard Spreng et Jean-Pierre Vincent L’Arche LALECTURE Splvia Kessel s‘assied a une petite table avec une lampe de lecture et un verre d'eau. Elle ouvre son livre SyLvia KeSseL Je lis le troisiéme chapitre de mon roman non publié « La Tresse de Mélisande ou De la fin de la république des vieillards » Dans le magasin de sanitaires en gros Hebecker, sur la Erlanger Platz, Mildred Komer était plus indispen- sable que le patron. Depuis vingt-huit ans elle tat sz seerétare, son bras droit, tous les ordres et toutes les ‘commands passaient sur son bureau, assez souvent elle prenat les éécisions commerciales de sa propre initiative, elle les prenait avec prudence et habileté, toujours au bénéfice de I'enteprise. Elle porait tour jours sa queue de cheval de petite fille, méme si les plis, les stries et les sillons, sa peau rougie et bour- souilée, Inj avaient dessiné le visage d'une femme Epuisée et de santé déicate. D'ailleurs, ce n'était pas seulement son penchant pour Ia bouteille, mais aussi Ia violence silencieuse avec laquelle elle cherchait & réprimer ce penchant un soir sur deux, qui l'épu salient, ce & quoi s’ajoutaient des reactions allergiques qu'elle n’avait pas connues autrefois,et pour fini le Souci que lui eausait son fils, Jan-Henning, trente et un ans ~ il avait eu trente et un ans au printemps ddemier ! Toute sa vie pour son fils, som travail, ses abandons et ses angoisss, tout avait toujours toumé autour du fils, et pour quel résultat, que pouvait-il seulement en résulter? Un flop, une catastrophe. Les hommes, cela avait vite raté pour elle, & part le fils, issu dune liaison de trois semaines avec un gale- iste, trois semaines 'exubérance, trois semaines 9 extravagantes au milieu de cette longue vie de travail, tun feu d'artifice des illusions, trois semaines de ‘mariage avec un homme complétement introvert, trois semaines et un enfant pour toute la vie... De 4quelqu’un qui ne Vavait pas une seule fois regardée dns les yeux. Pourtant parfois elle était surprise de son bonheur, malgré se peau altéée, son visage défut, assez heureuse, sauf de son fils oui, qui chancelle ‘encore, qui se remettra un jour, ainsi pensaitellecor- tains soirs aprés le travail, les jambes lourdes allon- agées sur le tabouret rembourré, les hanches pesantes et jamais plus sans douleur, Peut-étre se serait-lle sentie moins fatiguée si, pendant ces heures de repos elle n'avat pas toujours suecomibe ala méme illusion, comme si toute insouciante et mince et légére, était seulement de la veille, qu'elle éait arrivée. C’était comme un doux et cruel ravissement, et elle sentait Ja souplesse et le tonus de son jeune comps, méme son teint autrefois sans tacke, le bout de ses doigts Fefleurait, et aussi ses longues jambes rapides Cotte vague d'un reve éveillé qui la soulevait ct enveloppait toute, la rejetait ensuite si brutalement dans son mal vivte,c"était comme si elle devait par- courir encore une fois tout Fe chemin pénible qui était pourtant dere elle. A genoux, désemparée, mala- Aroit. La vie si difficile encore une fois devant elle Zacianias. WeRsex, Vinterrompant dans le public ‘Comment peut-on’marcher quand on est 4 genoun, s'il vous plait? SYLVIA KESSEL continue d lire aprés une courte hésita- ion, Encore une fois devant elle. Et cette fois beau ‘coup plus vite fatiguée que la premiere fois. Repétant, pour lessentcl, les erreurs du premier chemin. Cat Ia liberté, le droit de faire un libre choix, na jamais Protégé personne de la rencontre forcée, toujours 10 recommencée, sur sa route, de 'ereur, de léchec et de la douleur. I n'y a rien d'autee, sous le regne di temps, qu'erreur, échec et douleu. Zacuantas WeReR. Et le soleil, madame Kessel ? Et les chrysanthémes ? Et les bains tures ? N'y ail pas ‘des choses comme cela’? Syivia KesseL. Vous voudriez que pour vous faire plai- sir je fasse quelques modifications ? Zacrianias WeRNER. Donnez une réponse honnéte ! 'SYLMIA KESSEL, Je crois que j'ai essayé de parler de certaines choses absolues. Souhaitez-vous que je les compléte par quelques ancedotes ? Que dois-e encore ajouter Zachantas Wenwen. Ne soyer pas si absolue. Je sera alors moins relatif. SYLVIA KESSEL, Puis-e continuer a lire? Vers dix heures, comme chaque vendredi soir, Mil- dred entra dans le bar « AT’Aurore d’Argent » ot son amie Juliane faisait un remplacement depuis six mois comme barmaid. Mildred revenait de courses, elle portait contre son ventre un sac a provisions remplt Aras bord en mince papier reeyel, lle le tenaitfer- ‘mement entre ses bras et cherchait, épuisée,affolée, tune place ot elle pourrait poser son chargement. Au méme instant un vieillard légerement ivr, coiffé d'un Panama, se souleva de son tabouret de bar, se pencha au-dessus du comptoir, les jambes arquées, les ‘genoux flageolans, les pieds tordus, incling, debout sur T'anneau du tabouret et essaya d’embrasser la bar- ‘maid juste quand elle allait & nouveau remplir son verre. Juliane détourna son menton du souffle du Vieillard et fut obligée de viser du coin de lel pour ne pas renverser le cognac. Zacuanias Werner. Bien vu, Bien dit Syevia Kesstt. «Je n'ai pas eu les kiwis» murmura u Mildred bleme de frayeur : elle les avait simplement ‘oubligs, Et elle eut droit, comme prev, & un regard ‘mortellement méprisant de Juliane. «Je les. ai ‘ubliés » poursuivitelle. «Ou on ne me les a pas donnés. Mon Dieu, je ne sais plus. Est-ce si impor- tant? Tu vois bien que je suis chargée A ras bord Dois-je filer encore une fois le sac contre le ventre et im’y faire bourrer les kiwis n"importe comment?» Oui», répondit Juliane, bri€vement et sans pitié. 1 suffsat d'un nouveau regard froid comme glace, et Mildred obéissat. Elle, 'épuisée, repartit sans pro- tester, sans le plus léger juron sur les levres Recerniox (1) Hall de réception & 'Hétel Confidence. Le cHer De LA REcEFTION décroche le téléphone. Hotel Confidence. Philipp Rinacher. Soyez le bienvenu Que puis-e faire pour vous 7... Feme-Ia..Fiche-moi Ia paix... Ne m’appelle pas sur cette ligne. Jochen. Pas sur cette ligne... Tu m’as compris... Jochen. Non... Peut-te... un deuxiéme téléphone bourdonne Pas sur cette ligne... Pourquoi? .. Tw peux faire ca. Diaccord.. Mais pas sur cette ligne... Espéve de. Shut up. Zone de repos avec ameublement de salon, Un couple, elle sur le canape de cuir, debout derriére elle Uhomme tenant sa main tendue. A quelque distance, dans un fauieull, fe lecteur les ‘observe tous deux par-dessus ses lunettes et le bord de son livre Mowsitur Scrmtt. Je te fais une proposition. Tu attends encore une petite heure a Motel [Le CHEF DE LA RECEPTION. Monsieur Sebill ? Movsteur Scuttt repousse lapel de la main. Pus tu prends un taxi. Quarante-huit Narbonnerstasse. Tu ‘me fais appeler pendant la reunion, nous mangerons quelque chose ensemble. Mabaoe ScHitt, Vas-y je ten pric Monsieur Scuiu., Ne me donne pas mauvaise ‘Mabame ScHILL, aviaguant soudain le lecteur de c6té. Mais vous ne lisez pas du tout. Vous clignez des ‘yeux au-dessus de votre livre comme un détective rive B LLeLECTEUR. Puis-je vous confer quelque chose ? Je sus le plus privé de tous les détectives privés, ‘Moxsirur Sckitt. Demain nous serons de nouveau & Milan, Tw aimes Milan Mabaue Scumtt. Jaime Milan, MovsieuR ScuLt. Ne me donne pas mauvaise MADAME Scant. Vas-y je en pri. 11 ui base la main, dsparait rapidement. Aprés une pause, LE LECTEUR. Voyez ; nous jouons ici la comédie de la ‘mortelle séduction, home et femme, sans nous dou- fer que le rezard du spectateur fixe dgja la semelle de nos chaussures. Notte drame tout entier, ma trés chéte, se réduit, en fin de compte, & un clip public. {aire pour chaussures convenables qu’on recommande A celui qui, dans une situation sans espoir, voudrait s'en tirer avec un bon ressemelage Le chef des ventes est entréd la réception MabaMe Scittt. On me fait asseoir de lounge en lounge ‘out autour du monde toujours sur le méme canape. Cela n'a pas grand-chose a voir avee ce dont réve humanité. Ga ressemble plutot & un déménagement. Ly a des tables qui planent til y a des tables qu’on déplace en tous sens. Pour mei, en tant que person. age principal de mon drame, je n'a ren de plus & Le cure Des vENtEs. J'ai fit ii chez vous il y a moins de six mois une démonstation, Le CHEF DE LA RECEPTION, Je ne vous comprends pas ccoustiquement, Le CHEF DES VENTES. J'ai fait ici ily a moins de six ry ‘mois une démonstration. Je présentais un adoueisseur d'eau. Un apparel de détarrage, Le CHEF DE La RECEPTION. Mon Dieu. Le CHEF Des VENTES. 'avais soixante-dix-huit représen- fants devant moi, pas un ne croyait & l'appatel. Ca devait éte au salon numéro neuf. Ow sept’? sjourd’hui Pentreprise n'existe plus. Ces machins souvent ne fonctionnent pas comme ils devraient fone- tionner, Parfos ils fonctionnent, parfois ils ne fone- tionnent pas du tout. Pour moi en fin de compte ce fut ‘un échee de premigre. Mais au salon sep, Iles types {lesa eus, la fin ils Gtaient comme un Seul homme pour l'appareil. Qu'est-ce qu'il y a lace soir’? LE CHEE DE LA RECEFTION. Au sept... lissez-moi regar- der... ce soir... une lecture d'auteur, Le CHEF Des VENTES. Une lecture d'auteur. Voyez-moi ‘¢2. Ca continue. Formation continue pour tous. Une moitié de Phumanité suit des cours, autre moitié donne des cours. On comprend ga cette manie aller voir derrtre les choses UwcENr entre. Chambre cent dix-sep, s'il vous plat Lecutr bes vines, Notre vie devient toujours plus tere terre, plus mécanique, plus sans amour, mais comment ¢a continue a Mintérieu. Le CLIENT. Inept, LE CHEF DES VENTES. Mais si, on vit de fagon toujours plus primitive, toujours plus rapide Le CLIENT, Pas vrai du tout. Le CHEF Des VENTES, Pas vrai’? Mas si La vie, extérieurement s’écoule toujours plus vite. Le CLIENT. Qu’est-ce qui vous fait penser ga? Le CHEF pes VENTES. Aucun sens d’od ¢a vient, aucun sens de od ¢a va : voild ce que nous sommes, Lecuienr, Un moment ! Comment s'il vous plat ? Dou cement. Maintenant retenez-vous. LLE-CHEF DES vENTES. Aije dit quelque chose de faux? Pourquoi m'agressez-vous ? Lecuiewr, faisant sauter Ia clé de sa chambre dans sa ‘main. Chez moi i la maison ga se passe comme ¢2 ‘moi je refais les valises. Et elle, ma femme, déballe son nouveau paquet de vente par correspondance. Elle en regot un par jour. Parfis deux. Vous devtiez voir noire étagére de livres : une bibliotheque de catalo- ‘ues de vente par correspondance LLECHEE DEA RECEPTION. Une fois que c'est commencé Le CLIENT. C'est ce que je dis. Il ne faut pas que ga ddémarre. Il ne faut pas que ga commence. Une fois ‘que c'est commencé, vous n’arétez plus, 16 DaNstaLoce Zacuanias Wenvee, d la porte. Je peux ? Svivia Kesset. Pourquoi m'avez-vous dérangée ? Zacuasnins Wenwer, Je dérange ? 'SyLVIA KESSEL. Pourquoi avez-vous dérangé ma lec- ture? Ila fallu que je me défende. Mais je ne me defends pas. Entrez donc espéce de nain difforme. Fermez la porte derriére vous. Yous étes un trou du cul. Voili ce que vous étes. Un homme-strapontin ‘Voild ce que vous ees Zacuanias WerweR. Je souflte d'un syndrome. Au milieu d'une foule donnée de gens muets il faut que je dise quelque chose. Je me sens imrésistblement poussé & faire un esclandre SYLVIA Kesset. Allez chez le médecin, Ne fréquentez pas les lectures publiques. Vous dites des conneries aussi ailleurs? Zaciianias WeRveR. Oui. Un dysfonctionnement. Il faut ‘que je fasse du bruit, Il faut que je fasse du bruit, nnimporte lequel, quand je suis assis dans le public. (Cane voulait pas étre méchant, Svivia Kesstt. Et moi je tombe dans le panneau. Je rentre dans votre jeu. Les mots me manguent. Je perds le rythme. Je lis comme une gourde. Vous m'avez dévastée comme gréle toute la soirée. Zacuanias Wenner. Le gros bouguet sur votre table, laissez-moi deviner, Dieffenbach ou Albert Brigg. Svumia Kesset. Brigg, Zacianias WERNER. Hum. D'ailleurs il n’était pas & votre lecture I ne lit rien Iui-méme le grand éditeu, achéte seulement. En série, Syivia Kesset, En quoi ga vous concemne ? Zacuanias WeRNeR. Avez-vous bien regardé dans le 7 bouquet ? Je veux dire : plonge Ia main? Un ceuf de Paques y est sirement encore caché. SYLVIA KESSEL, A quoi ressemble--il ? Vous le connais- Zacuanias Weaner. Brigg ? A. quoi il ressemble. Svivia Kesset. Au téléphone il a une voix drélement chatouillante Elle retire une enveloppe avec un cheque du bouguet de fleur. Zactianias Wenex. De quoi il a Vait. D'un chameau ui a réussi a passer par le chas d'une aiguile. SYLVIA KesstL. Cing mille euros! Un chéque ! Je ‘m’enfonce dans I'inoui Zachianias Wenner. Il y a déja eu de plus gros cuts de Paques caches dans les bouguets de Brige. Svuvia KESset. Je sais quoi en faire, Dieu sai, je sais ‘quoi en faire. Mieux vaut un chéque d'un patron de trust qui se fait excuser que V'interuption d'un nain bossu au quatriéme rang ! Je vous écoute encore, et * ‘Fessaie détre charmante, Pourquoi quelqu'un ne doitil pas marcher & genoux ? Zactianias WERNER. J’ai pensé dabord : peut-ére pas A cet endoit. Et puis j'ai pensé : pas du tout, c'est ‘micux. Sur les genoux de mon cavur : Kleist, Aucun -genow n’échappe plus & cette image. SvLvia Kesse. Vousétes un gnome dumonde littéraire Zaciuanias Wenser. Je ne suis pourtant ni un nain ni un estropi. SYLVIA KESSEL, Un faiseur d'esclandre a répétition est mes yeux un nain tout ce qu'il y a d'estropi. Zachiantas Wenvek, Sur le bouguet de Brigg, ene peux naturellement pas surenchérir. Je vous si apporte quelques brins d’odorant muguet, Tout & fait trans- parents ¢'ailleus. Derrére lesquels se cache seule- ‘ment ma folle admiration pour votre littérature, 18 SvLvIA KesseL. Je suis touchée. Vous savez consoler, troubadour. Zacuanaas Wenn. Je suis Zacharias Werner. ‘Svuvia KesstL. Qui ? Comment ? Qui? Zaciiantas WeRNER. Ne riez pas. Vous n’allez pas pré- tendre que vous saviez qui c"était? Syuvia Kesset, Ab! Zacuanias WERNER, "homme du « 24 fevtier»? SYLMIA KESSEL. Drame du destin, pietre imitation de Schiller, début du dix-neuvieme siécle, c'est vous ? ZACHARIAS WERNER. Je savais que vous és en tout une exception, Je mvappelle ainsi parce que mon pére, un médecin ‘assermenté pas tout fait inculte du nom de Wetner, s'est permis une plaisanterie litéraire sur un not vveau-né sans défense, Svivia Kesset. Zachatias Were. Zacuanias WeRNeR. Sylvia Kessel, accondez-moi un peu de patience avant d'aller & vote signature. Je suis une petite maison d’édition & moi tout seul Menléve son sac & dos. Je ne publie que des livres bons et importants, Je les ai tous avec moi 1H étale le contenu de son sac & dos sur le sol. Voyez : Walter Pater, «Portraits imaginares», Depuis des décennies impossibles a trouver en alle= ‘mand. Sauf chez mot. Jacques Lacarrére, « Les Fous de Dieu». Un livre sur les saimis des désers, des arbres et des grottes & Thebes. Vous ne le trouver gue chez moi. Eleonore Murfolk, catholique irlan~ aise. Trés au-dessus de ce qui compte ici dans la litérature de femmes. A Mexception de Sylvia Kessel Depuis des années j'use mes chaussures pour cette femme, mais voyez : catholique irlandaise, syrpathi- sante de V'TRA, vingt-cing ans, un mince volume de 9 nouvelles, niveau Joyce : avec ¢a, aujourd'hui, vous ne faites pas un centime. ‘Crest moi qui Iai découverte, moi, Et Albert Brigg, ‘ce manager savonneux, me pique son premier roman Pour cent mille euros. Ca fait mal. Croyez-moi. S'iln‘avait pas déja la gueule écrasée, je m’en serais chargé moi-méme, Chez moi il n'y a que de bons livres. Voici mon bestseller secret: des lettres iné- dites de C.G. Jung. Svivia Kessel, Combien? Zacharias WeRNeR. Sept cent dix. Réellement vendus. SYLVIA KesstL. Chez Brigg g'aurait sans doute été deux 4 tis mille Zactiantas WERNER, Jamais de la vie. Svivin KesseL. Pou de litérature dans votre catalogue. as un seul roman, Zacwantas Wenner. A vous de commencer. Svivia Kesstt. Ab! Je vais raconter ga 8 mon agent ! ZACTIARIAS WeRNER, Vous avez eu di succes avee votre premier livre. Combien ? ‘SYLVIA KESSEL. « Pires d’angle » sous couverture car- tonnée a fait trente-cing mille. Zactianias Wennek. Avec le nowveat ce sera plus dif. ficile. SYLVIA KesseL, Vous serez étonné, Je détris la Iégende du faible second live. Je renverse la régle, Zachianias WERNER. Pas si vousallez chez Alber Brig, SyuMIA KesseL. Sirai & chaque fois au plus offant, Zacuianias Wenner. Cela, je ne vous le conseillerais pas. Vos lives sraient alors dispersés entre beaucoup @'éditeurs et plus tard personne ne se souciera de votre eeuvr. ‘Avez-vous done absolument besoin d'argent ? SYLVIA KESSEL. Je travaille encore & mi-temps dans un ‘magasin de bicyclettes. Mais le temps me manque. 2» ZACHARIAS WeRNeR. Je veillera 4 ce que vous puissiez travailler au calme & votre live. Les grosses maisons 'édition se soucient uniquement de ce qui se vend bien. Elles mettent en vedette un, deux livres, pour le troisiéme ~ entre-temps vous avez des ennemis, ‘vous ne plaisez plus, on vous attaque ~ dans Ie e logue d'automne vous ne trouver plus vos annonces, qu'aux demiéres pages. Je suis une petite maison 'édition & moi tout seul. Li-dedans ~ il monire les les, rssembe@nowenn— ji di invest wn femprunt sur mon assurance vie, un don généreux de ma premiére femme et naturellement l'abandon de tout revenu personnel. Je vis moi-méme de travaux appoint, comme vous. Mais je peux vous promettre vraiment une chose : vous étes mon auteur. Je mobi- liserai toutes mes forces pour votre cure. Les his- toriens d'art et les psychologues que je publie par ailleurs, n'ont plus besoin d’éere soutenus. Pai Ia foi la plus profonde en votre écriture. Je vous servitai «és que vous me le permettrez. 2 Récerrion (II) De la gauche arrivent des auditeurs de la lecture publi- ‘que, ils s‘arrétent au stand de livres oii tout a Vheure autewrviendra signer, ow ils se rendent & droite vers la réception et la sorte de l'hotel. ‘Un viet. one. Une femme si petite, une personne si nalve et qui écrit un livre si brillant. Presque encore lune petite fille et qui écrit un live oi on trouve Presque tout ce qui nous prend aujourd'hui a la gorge. LL’époque contemporaine toute entire ! Un enfer sans pareil! SA reve, Je trouve seulement qu'elle n’a pas Iu le meilleur chaptre. Je connais bien son premier livre, Je tele dis, elle change encore complétement de ton. “Tu seras étonné, Us viEiL Hose. Pachéte deux exemplaires pour les fire dédicacer. Ces jeunes gens sont merveilleux. Des as Debrillants talents. Des surdoués, voila ce qu'ils sont ‘UN AUTRE AUDITEUR. Un auteur doit aller chercher son lecteur li oi ilest.’a le sentiment que Sylvia Kessel ‘ma odicusement lassé 1d ol j'étais. Sa compAGNe. Je suis folle de rage contre elle. Je pour- ‘ais li hurler au visage, Je la is et je la hais, Dans un groupe de spectateurs allant vers la droite danse un jeune homme imitant un ours JEUNE HOMME BARIOLE. Hye, Philipp ! Mon chou...! Le CHEF DE La RECEPTION, doucement. Jochen... Mon Dieu, JEUNE HoNoME BARIOLE, Hello, chéri. Comment ga va? Je sais, je sais: tout danse comme sur un fil. Comme 2 sur un fl. Mais un mince petit fl peu rapidement se changer en une grosse corde & laquelle pendouille sans vie un jeune homme bariolé. Ale ale aie Comment 2-til pu ariver, comment a-til puarriver ? Comment ours brun estil arrive a la caisse ? Hsort avec les autres vers la droite, ‘UN scerriquE. Aucun homme en fin de compte n'est une seule coulée. Regardez-moi par exemple. Je suis un seeptique. Professionnellement. En privé. De part en part. Mais vous ~ d’un seul baiser vous pour- riez comme en appuyant sur un bouton faire du scep- tique un nigaud, LA COMPAGNE. C'est a vie qui veut ga ‘Uw scermque. Pas pour tout le monde. Pas partout ni absolument, La NERVEUSE. Je voudrais me changer, tenant Lr FRERE. As-tu quelque chose pour te changer? La Neeveust. Demande & la brunette li-bas. Elle porte tun truc 4 ma taille. Autrement je m'arrache la robe du comps. 'étouffe. Vite, Aide-moi Le FRERE va vers la Brunette. Excusez-moi, ma sceur. est un cas d'urgence. Ma seur envisage ~ voyea, celle porte une robe trés chére et tres belle, mais elle nese sent pas bien dedans. Pourriez-vous vous résou dre un échange de robe avec elle? La BRUNETTE. Ce qui me pend sur le comp, je lui en fais cadeau. Si je mets ce que porte votre Seu, je suis bien partie. Le Fring. Vous n’aurez pas besoin de le lui rendre Lawrunerre, da nerveuse. On y va? [Ea NeRVEUSE. Oh c'est gentil. Je vous remercie. ere, La, Main- Le groupe des spectateurs se rassemble pour la signa- 23 UN AUDITEUR, d som ami. Atention ! Heike avec ses machins... Bijoux fats par elle-méme, présentés pat clle-méme et enregistés par elle-méme sur CD-rom. (est la blonde qui, tournant & demi le buste, plonge ses deux mains dans une sacoche ~ comment un étre hhumain peut-il voir quelque chose en se penchant de la sorte ! et tire de sa sacoche son disque vidéo avec Ia collection complete. Voil! Elle glisse en eachette le disque dans les poches de veston de messieurs qui sont la par hasard. Elle glisse le disque sous la ser- viette de son voisin de table, Le lisse entre les pages du journal dans la salle du petit-dejeuner, sous les Portes des chambres d’hotel. Ah, comme ga glisse! Comme elle fait glisser cela en Souplesse ! Comme autres volent en cachette, elle, elle donne en ceachette! Heike parle avec le chef de la réception Le CHEF DE LA RECEPTION. Notre chef du design vous envoie ses salutations. Je dois vous dire de sa part ‘que malheureusement il a en ce moment une inter- diction d’achat. I regarde inguiet autour de lui. Ce ‘matin nous avons recu la premiére alerte& la bombe de Vannée. Heike, Je ne vous retiens pas plus longtemps. Zlle pousse le CD vers lu. Je suis sire que vous serez enthousiasmé. Ma collection ne doit pas ére absente de votre vitrine LE CHEF DE LA RECEPTION. Occupez-vous de mon alerte ‘la bombe, je m’occupe de vos bijoux. 'ai un tas de problémes, ‘comprenez-vous. Tout ga ici c'est une boite de merde, Une boite de merde voila ce que c'est Un garcon en livrée s'est approché poliment d Heike Py et lui chuchote quelque chose. La zane @ Vavant avec le lecteur et madame Schill s éelaire. Le Lect#UR. Ft soudain on entend les mouches vole. ‘On n'entend plus qu'un petit chuchotement. C'est le sgentil boy qui te prend diserétement & part, juste {quand tu viens d'atteindre le sommet de ta détermi- ration, de ton activité, de ton image de toi-méme. It te murmute une courte et horrible nouvelle l'oeil Sur quoi tu te figes sur place, t modifies ton attitude, tu poses la serviette a e6té de V'assiette ou tu retires ton serre-tte, tute souleves lentement, tu inclines ‘un peu vers fon compagnon pour suivre, peu apres, le petit serveur sans aucune résistance MADAME Scutit. La blonde et le boy en dress noir? Le LECTEUR. Maintenant elle va encore mendier un surss. Enirée de Sylvia Kessel avec ses bouquets de fleurs 2s Lamestuscrion ‘Une sorte d'antichambre ou de vestibule de Confidence- Evénements SA, au fond des porte de bureau. A gauche, sur le devant, Zacharias Werner & une petite table avec caret et liste de noms. Au miliew, la construction pro- visoire d'une éiagére de cuisine au-dessus d'un plateau de table de cuisine. Tous les ravonnages de létagere vides, sauf le plus élevé ow ily a un verre d'eau. Entrée des candidates par la droite, dés que, depuis sa table. Zacharias Werner déclenche un signal, un bout de musi- (que électronique. La Prenéne CANDIDATE, Jour’ ZAcHARIAS WERNER I'examine attentivement. Bonjour, La PREMtéRe caNDIDATE, Et alors ? Zacuanias WenxeR. Soulever le verre li-haut de la ‘main droite et descendez-le lentement . La PREMIERE CANDIDATE. Je suis gauchére, Zacuantas WenneR. De la droit, il vous plait, La premiére candidate s'appuie de la main gauche sur le dessus de table, s étire, se tend vers le haut Zackanuas WenweR. Ne bougez plus, s'il vous plait La PREMIERE CANDIDATE, Mais je tens le verre ZacHARIAS WenNeR. Ne bougez plus, I prend des notes oil consigne fa forme de la femme séuirant Merci. Laissez le verre lichaut, (Crest tout, Vous recevrez de nos nouvelles, ‘Mélodie. Entre la dewxiéme candidate. La DEUxIEME CANDIDATE. De quoi s'agitil? Zactiantas WERNER. Vous vous mettez devant la table. 26 ba nc Les eg Yo eee eee are oes operat ane eet at sienna socom oe Sec rae poten oe 7 aces eat Santeria Tae Le = _ataeeemi ie ho ae eee oe unter an iota a Bane featescemey steers présélection. = Elle sort. Mélodie. Entre la troisiéme candidate La TROISIEME CANDIDATE. Je vols. Zacuasuas Wernex. Soulevez le verre li-haut La TROISIEME CANDIDATE. Tout est clair. Je Tai dans Vail. Zacuanias Weaver. Si possible sans renverser dea. a ‘Tendez-vous vers le haut, Ne sautez pas, Pensez & votre silhouete La TROISIEME CANDIDATE. J'ai peur d’étre trop petite. ‘Une étagére plus bas le verre? La j'y arriveraifacilement, Zacianias WenneR. Facilement, ¢a ne va pas. Vous devez vous tendre, La ToIsIEME CANDIDATE. Je suis pile du genre entre deux tiles Ga ne donnera rien, Peutétre je réessaye sur la pointe des pieds Pas joi, n'estce pas’? Zactanias WeRnen. Désolé, LA TROISIEME CANDIDATE, Bon, une autre fos alors. Elle sort. Mélodie. Entre la suivante. Zaciantas WerneR. Ne vous déshabillez pas s'il vous plait, . La Quarmitwe canpipare. Non ? Je croyais. ‘Au moins les bas. Zactanias WERNER. Les bas non plus. Altrapez le verre laut, Allongez-vous sans vous contorsionner. Pensez a votre silhouette, LA QUATRIEME CANDIDATE. Pas de probléme, Zacuantas WeRNeR. Ne bougez plus. Merci. Jai vu Vous aurez des nowvelles La quatriéme candidate sort. Mélodie. La suivante. La crnautiate caxoroare, Bonjour. Je suis Ina Schm ling-Knecht. Vingt-trois ans, commerciale qualifige (Que puis-je faire pour vous ? 28 Zacuasias Weenee, Vous atraper sl vous pat avec Tc bres rot le vere chest. Vous appuyez fememeat sotre bar-veare coatre Ie plateau de la table. Vous toulevez le vere, si posible sans len renversr Lacisguttne cavoipare. Et apts? Zactanias Weave, C'est tot. Lacisoutioe cavoioare, Je commence maintenant? Zacianias Wexve. Vous pourie dja en avoit fi TAGNOUIEME caNbIoaTE. ai hélas toujours besoin «un peu plus de temps. TI faut dabord gue je me met la stuation devant les Zacrains Wensen. Peut-dtre en viendez-vous ila ‘conclusion qu'il serait prftrable que vous retiree vote vest de cult. Ele pouralt vous emptcher {Tallongercompletement le bas, LacINQUiEMe CANDIDATE. Va aussi comme ga. Eh non. Pas vraiment. Je naive pas jusque-i Elle enlove ta vest. Mais qu'es-ce qui se pase si finalement je n'y ative as i tout? ZACHARIAS WERNER, Ca ne semble pa ére votre cs. Tacinauiemecanpibare: Fai une petite raideur dans le haut de la colonne vertébrale, Void le probleme Zactiaias WERNER. le pense que vous alle y aver. LA-CINQUIEME CANDIDATE esse @ noweau. Alors. ‘Manquer par tert... ga serait posible & a limite “Zactiakias WeRNER. Ne pas lanquer pat tre! LacinoUteme canoioare.Je n'y ative pas. Zactanas Werve. Ne boogez pls LacNoUtEME canpioaTe. Vous voyed ? ‘Le muscle de Pépaule droite ne sit pas. TV éoit pourtanty avoir encore de Ia marge Zacawias Ween. Merc. Ca sufi 2» (Ca n'a plus dimportance. La CINQUIENE CANDIDATE. Ce n'était pas_mon jour aujourd’hui. Pourtant je cours partout. Essaye une foule de choses. Me présente ici, postule Ia. Je cours comme une belette. Je le fais trés volontiers. Je ‘miniéresse aux situations. Sans cesse du nouveau, ‘Ca me plait. Méme si je sais dés le début que je n'ai aucune chance, Je erois que le probléme le pls bri Tant c'est T'autosuggestion, L'auto-llusion. Et sur- tout le gonflement de la silhouette, Comme chez le pon, Je gonfle & chaque fois, comme un ballon, dés ue je rentre dans n’importe quel bureau de refou- Jement, if suffirait de me donner un coup 4’épingle ct air chaud sortcat en sifflant. Mais personne ne le fait, Je ne parle aucune langue étrangére a la perfection. Tout de méme, Partciper maintient en forme. Je ne sais pas ol gu navigue chez vous C’état quoi au juste ? Zacuanias WeRneR. Je ne suis ici que le stade inférieur’ de peésletion pour Te Studio-mannequins Conf dence. LA cNuIEME cavoroxrE. Confidence, cst fe nom de ‘et hel? Zachains Were. Lbitel appatent au Groupe: Confidence. Nous, nous appartenons 4 Confidene- Evenemens SA. A qui appariennent encore difféen- tes agences, Beautyshops, centes de fitness La‘cngUteMe canpibate. Mon pire, c'est lil qui a ‘ont Ia chaine Heathfood en Allemagne ~ mon pre te dni toujours: ne te lise pas eouter pa ton argent. Fais quelque chose, rends nimporte quel job, taal, place ton argent dans autheniqus ‘leurs cuits. Fistor un nom avec tout cet argent. Subventonne des peinres dav, des compa- ines indépendasts, I danse contemposine. 30 Zacruanuas Went, En dautres termes... valeurs cultu- relles.. si je vous comprends bien. La CINQUIENE CANDIDATE, C'est vachement difficile pour moi de rencontrer les gens qu'il faut Zacvanias WERNER, Je ctois bien que ca vient juste de Aw fond s‘ouvre l'une des portes de bureau. Je pourra vous aer.. na Je ne peax pas en parler maintenant. Attendez ! Vous aurez bientot de mes nouvelles. Trés bient6t, Je vous appelle. Au plus tard la semaine prochaine se leve, Vaide @ remetre sa veste de cuir. La cINQUIEME CANDIDATE, Eh bien, alors | Bonne jour- née, ‘Une Enmtovis, cherchant quelque chase par terre, @ Zacharias Wemer. Tu as deja remarqué tout ce qui reste par tere chez nous ? Je ne sts pas quand on a {it vraiment le ménage pour la demiére fois dans nos bureaus. Zacuanias Werner, mangeant un sandwich. ene viens pour ainsi dire jamais dans vos bureaux. Uwe Exrtovée. Eh bien ces changements continuels dentreprise de nettoyage, ga a quelque chose de trau- rmatisant, Tuas mauvaise mine ne va pas bien pour toi? ‘etait pas toi, celui aver le virus agressif de Phépa- tite? Zachanias WERNER, Non. Je suis un peu épuisé. Main tenant je travaille tos jours pleins par semaine pour agence. Et en plus Pétion, Uwe EMPLovEE. Le fils de Gerwin s'est pendu pendant le week-end, Sa femme ne I'a trouvé que mardi ‘Vu quis vivaient séparés. Enfin c°était bien ga la 3 raison de son départ. Il y a plein de trombones par terre. Eten plus, on lui avait retiré pour la deuxitme fois son permis de conduire. Personne n'a nettoyé ici cette muit. Je te le jure, personne, Il a laisse tune lettre de six pages, tout réglé en pinaillant. A <éerit, jusque dans le moindre détail comment fonc- tionne le nouveau systéme de navigation de sa BMW. Zacunnias WenveR. Le fils de Gerwin ? Mais il avait deux fréres. C’était celui qui vous atrapait toujours sous le menton et serait? Ou l'autre ? L'un des deux avait donc cette violence en lui? LUNe EMPLovEE, Tot ce matin la nouvelle est ativée : le fils de Gerwin s'est pendu. J'ai tout de suite ddemandé ; le dangereux ? Oui, des deux, c’était le ddangereux, Zacharias Werner retourne derriére sa table, Mélodie. La suivante, La siniime caNDIDATE, une égarée : pose sa corbeille & chat sur le plateau de la table de cuisine. Je m'appelle Rose et j*habiterai ton ventre un certain temps, pour ramper ensuite dans tes entrailles, car il faut que je me cache des sept messieurs qui me poursuivent depuis ma naissance. Elle tire wn long tissu rouge interminable de sa mancke. Zacuanins WERNER, Qu'est-ce que vous faites li? Sil vous plait, je suis moi-méme un étre fragile La StXIEME CANDIDATE. Je dois chasser les esprits de Yair. ls recommencent & m'asticoter. Ils me volent ‘ma chaussure. Ils m’arrachent un morceau de robe. ‘Un morceau de cheveux. Un morceau de joue. Un morceau de hanche. Vous savez, ce sont tous ces oiseaux audessus de nous, Tous ces oiseaux me 2 rendent nerveuse. Je ne peux pas les entendre volt- ger. Cela m’énerve. Cela me rend moiméme si volage. ZAcHARIAS WenweR. Venez, sortons prendre Vsit un ‘moment. LA SIXIEME CANDIDATE. Dehors? Non pas dehors! Dechors les rues rétréissent, dés que je sors de lx ‘maison. Plus étroites, vous savez, toujours plus étroi- tes et plus serées. Les maisons s‘approchent les unes des autres, les murs veulent m’écraser. Le pouce de Dieu m’éerase comme une aise mire. Et ei, &T'inté- rieur, tout est vraiment comme on I'a entendu dire. LZACHARIAS WERNER, aux employés qui sont d leur porte de bureau, Pourquoi done personne ne m’aide ? La SIXIEME CANDIDATE. Que voulez-vous? Oui, zyeu tez-moi seulement ! Je suis aussi belle qu’on puisse ere. Te suis plus belle que la nature ne le permet ! Deux employs entrent, Uattrapent et la trainent dehors avec la corbeille é chat La SIXIEME CANDIDATE. Brisez le sens ! Brisez le désir! Brisez les idées! Pancomedia... Pancomedia ! Mélodie. La suivante LA SEPTIEME CANDIDATE montre le catalogue de lagence ‘de mannequins qui est sur la table de Zacharias Wer- nner. Je veux etre livdedans. Zacantas Wennex. Dans V'album? La serminee canoipare. Out Zacuanias WeRneR. Ie je ne prends pas de décision. La serméae canoipare. Mais? ZACHARIAS WERNER. Je prends des notes. La sePTIEME CANDIDATE. Bt aprés ? ZACHARIAS WERNER. Je les transmets 3 La serTitME CANDIDATE. Qu'estice qu'll y a dans vos Zaciiantas Were. Ma premiére impression, La serrate caNbiDare, Sur moi ? Zacuanias WERNER, Sur vous aussi La stPriEMe CANDIDATE. Quelle espéce dimpression Zacuanias WeRNeR. C'est mon affair. ‘La sepriée canpioate, Pas tout fait, Je vous I'ai dit Je veux etre Li-dedans Zacuanias WERNER. C'est ce que veulent toutes les autres La SEPTIEME CANDIDATE. Je ne suis pas comme tovtes Tes autres, Zacuanuas WenNeR. Bien, Je le nove. N'est pas comme toutes les autres. La SePTIEME caNDIDATE. Ne blaguez pas. C'est sérieux pour mot ZACHARIAS WERNER. Vous me menacez ? LA SEPTIEME CANDIDATE. Aw contraie. J'ai réfléchi quelque chose. Je suis capable de vous faire une impression encore meilleur. Zactianins WeRNER. La premire me suffi. Mais je note ce que vous aver dit La SEPTIEME CANDIDATE. Non, N'écrivez pas tout ce que je dis. Vous voulez me rouler. Ca ne fait plus partie de Ia premiere impression, ce que je débite mainte- nant, non? Zacharias Weenex. N’importe comment je resumerai La serriéwe caxpioate. Croyez-moi : je rentrerai l= sedans. Zacuanias WenveR, Dans P'album ? Ou au studio, pour essai photo ? La SEPTIENE CANDIDATE. Ca ne serait pas la premiére fois que jatteins mon but. La premigre impression 34 {que ai donnée ne peut pas avoir été si mauvaise, Pas ‘aussi mauvaise que le baratin que nous avons ensuite ise s'échapper, Vous m'avez provoguée. Vous avez ébraniée, Vous m’avez harcelée...! 0 merde, {ene fais qu’agaravor mon cas. Excusez-moi, je conti ‘nue a m'enfoncer... Aidez-moi done ! Zacharias Wer- nner va vers elle, fa conduit & droite vers la sortie. Je n'ai rien dit, on ? Tu me le promets ? Pas dt un seul ‘mot... Oublie tout! Je vais prendre la queue encore tune fois, ’en suis certaine, j'ai toujours pu me fier & 'ma premiére impression. Mélodi. Suivante. LA MUIEME cANDipaTE, Abonde Weyer. Je suis une fille moyenne-grande, blonde foncée, pas tout & fait. ‘pas tout & fait grassouillette d'une vingtaine d’années, femame-taureau... oui, quoi encore ? Zaciianias WERNER. Je vois ¢a. Je vous vois, La HUITIENE caNDIDATE, Je sai, Mais vous vous sou- ‘viendrez mieux de moi si en plus je vous donne le message en audio. Zacuantas WeRNER. Vous vous mettez s'il vous plait “devant 'étagere, vous vous penchez au-dessus du pla- teau de la table de cuisine et vous essayez, avec la main droite, de lever le verre de I'éagére du haut La HUITIEME CANDIDATE, Seulement lever? Soulever ? Zaciiantas WeRNER. Tendez d’abord le bras. LA HUITIEME CANDIDATE. Comme ga? ZZACHARIAS WERNER. Vers le haut. Jusqu’au verre LA HUITIEME CANDIDATE. Comme ca? ZAcHaRIAS WeenER. S'il vous plait, ne pas poser de question. Faire LA HUITIEME CANDIDATE fend sa main vers le verre. Je ‘me sens un peu bizarre, Je nai pas une bonne sen 35 sation. Je ne sais pas si vous voulez vous payer ma {éte, ou ce que vous avez l'intention de faite avec Zacuanias Weever. Tout va bien pour toi, Abonde, Tout va bien, Ne bouge plus. Tu dois seulement fer- mer ta bouche, Merci. Voili. Tu recevras sirement Dientdt de nos nouvelles La huitiéme candidate sort. Mélodie. La suivante LA NEUVIEME CANDIDATE. Bonjour. Mon nom est Eva Maria Brandstitter. Zactiantas WERNER. Effie! La NEUVIEME CANDIDATE. Je croyais que tu serais en taule depuis longtemps. Tu n'as certainement pas vvolé que moi. Combien de droits as-tu soustaits cnire-temps a tes auteurs ? Cinquante... quate-vingt mille? Et tes dees auprés des femmes? Aw ‘mum le double. Je eroyais qu’ils Cauraient réglé fon compte depuis longtemps. Au lieu de quoi ti sees mollement ton crayon et tu reluques le cul des femmes. Zacharias WERNER. Pas ici, Effie, je ten prie! La NEUVIEME CANDIDATE. Fais attention, mon cher : "es pas prétd’en avoir fini avec moi, Jeteretrouverai toujours. Un jour tu payeras tes detes. Je serai sur le chemin oi tu m’attendras le moins. Et un jour tu ariveras de toi-méme en rampant. Tu me demanderas pardon, Tu. supplieras pour que tout redevienne comme avant, Sans doute tu imagineras que tu n'as 4u’a grimper dans mon lit, pour diminuer tes dettes, Tu voudras aller au lit avee moi, je suppose. Mais ne 1'y trompe pas. Je te saignerai, je te saignera blanc, Jusqu’a ce que je récupére mon argent au centime pres, 36 ZACHARIAS WERNER, Nous pouvons nous entendre li dessus au calme, une autre fois. LLANEUVIEME CANDIDATE. Avec les intérts et les intéréts des intérets, ca je tele jure! Zacuantas WERNER. Pas 5 fort. Si je perds mon job ei, {Je ne pourra plus rien te rembourser. Je ne fas vrai ‘ment rien d'autre. Je travalle & en crever, rien que ‘pour pouvoir te rembourser ton argent La Neuviiae caNDiDATE. Alors viens. Viens avec moi. “Tout de suite. Viens avee moi — et tout est réelé Zacuaruas WeaNeR. Ca ne va pas, Effie, 1 faut que je travaille. Cest ma juste punto. P’ai un roman pour Vautomne. J'ai tit le gros lot Le livre éclatera comme une bombe. Ca rapportera de largent. Plus 4u’assez. Je sais de quoi je pare. Ce live sera notre mine d'or! La NEUVIEME CANDIDATE. En fait tw n’es qu'un minable petit eseroc. Un bel esprit, un réveur, un apéire cult rel ~ mais en ton czur fu es mauvais. Mauvais et our. Elle se détourne ; se retourne encore une fois @ la porte, C'est le dernier sursis que je t'accorde La newsiéme candidate sort, Mélodie. La suivante, La poxtae CANDIDATE, la professionnelle. Hye Zacuantas WERNER. Bonjour, La pixiéwe canpiDate. C'est ga les studios Conf ‘dence? Zacuanias WerneR. Non. Oui. La présélection Confi- dence, LA DIXIEME CANDIDATE laisse tomber sa robe d'un geste Zacuanuas Were. Ce n'est pas nécessaire LA DixtEae CANDIDATE. Mais je suis nue, 37 Zacriawuas WeRveR. Je suis nu aussi, Nous trainons tous cela avee nous. Rhabillez-vous s'il vous plat. LADixtéate CANDIDATE, Je ne vais pas poser en fringues ici, Habillé, par principe je ne fais rien. ‘Ga1ne me va tout simplement pas ZACHARIAS WERNER. Je ne suis pas le photographe, Vai juste a rendre une évaluation éerite. Je stis le tgrefiier de la premigre impression. Se réunit alors Péquipe d’assistants du photographe qui a partir de ‘ma préséleotion fait un choix un peu plus ser. Les femmes choisies sont convoquées a une

Vous aimerez peut-être aussi