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À
Mon défunt père Guiré Saïdou
Ma défunte mère Bagayan Salmata
Ma tante Bagayan Libata
Mon oncle Bagayan Waly
1
REMERCIEMENTS
Ce travail est le fruit du dévouement et de sacrifice de diverses bonnes
volontés à qui nous adressons nos sincères remerciements.
Nous tenons à saluer toutes ces personnes qui ont volontairement accepté de nous
recevoir chez elles, en nous entretenant sur ce qu’elles savent concernant notre
sujet. Merci à elles. Nous tenons également à remercier tous les membres de la
cellule GRESA (Groupe de Recherche d’Etude des Sociétés Africaines). Nous ne
saurions finir cette série de remerciement sans faire un clin d’œil à nos ami(es) avec
qui nous avons passé de bons moments notamment Irié Bi Youan Firmin, Samy
Oulaї Reine Denou et Yao Akissi Marina.
Merci aussi aux parents qui de près ou de loin ont contribué à la réalisation de ce
travail, nous leur disons simplement « Merci ».
2
SOMMAIRE
DÉDICACE ....................................................................................................................... 1
REMERCIEMENTS ........................................................................................................ 2
INTRODUCTION............................................................................................................. 6
PREMIÈRE PARTIE I : ................................................................................................ 26
POLITIQUE D’ESPIONNAGE ET DE COOPTATION D’HOUPHOUËT-
BOIGNY À L’ÉGARD DES RELIGIEUX (1960-1970).............................................. 26
CHAPITREI : LE RÔLE DES CADRES ET LEADERS RELIGIEUX DANS LA
VIE POLITIQUE EN CÔTE D’IVOIRE DÈS 1960 ................................................... 27
CHAPITRE II : CONTRIBUTION FINANCIÈRE D’HOUPHOUËT DANS LES
AFFAIRES RELIGIEUSES .......................................................................................... 37
DEUXIÈME PARTIE : .................................................................................................. 45
LE RAPPROCHEMENT ENTRE HOUPHOUËT-BOIGNY ET LES RELIGIEUX :
FACTEUR D’EXPLOITATION DE LA FIBRE RELIGIEUSE : 1970-1980 .......... 45
I-MOSQUÉES ET EGLISES : LIEUX DE SUBORDINATION POLITIQUE ....... 46
CHAPITRE II : POLITIQUE DE LARGESSE, DE MANIPULATION ET DE
PARTIALITÉ D’HOUPHOUËT-BOIGNY VIS-À-VIS DES ASSOCIATIONS ET
ACTIONS RELIGIEUSES ............................................................................................ 57
TROIXIÈME PARTIE : ................................................................................................ 65
LES RAPPORTS CONFLICTUELS ENTRE LE POUVOIR POLITIQUE
D’HOUPHOUËT-BOIGNY ET LES RELIGIEUX : 1980-1993................................ 65
CHAPITRE I : LES ATTITUDES DES RELIGIEUX FACE AUX ABUS DU
POUVOIR POLITIQUE D’HOUPHOUET-BOIGNY ............................................... 66
CHAPITRE II : LES RELIGIEUX À L’ÉRE DU MULTIPARTISME ................... 82
CONCLUSION ............................................................................................................... 93
ANNEXES ....................................................................................................................... 98
3
LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES
BM : Banque Mondiale
4
JEC : Jeunesse Etudiante Catholique
5
INTRODUCTION
6
I-JUSTIFICATION ET INTERET DU SUJET
1-Motivation
Ces dernières années, la question religieuse et ethnique est au cœur des
débats politiques en Côte d’Ivoire.
Déjà en 1993, Henry Konan Bédié dans le but d’écarter Alassane Ouattara,
utilisa le concept « d’ivoirité » à des fins politiques grâce au soutien d’un groupe
universitaire2. Il catégorisa les ivoiriens : les ivoiriens de souche et les ivoiriens de
seconde zone3. Se sentant visé directement, Alassane Ouattara utilise alors
l’argument de l’affiliation ethnico-religieuse pour s’attirer le soutien des
musulmans et des gens du nord (les populations du Nord).
1
Navigué Félicien COULIBALY « connexion entre politique et religieux en Côte d’Ivoire » :
2000-2010, in Rev hist archéol afr (GODO GODO), ISSN 18417-5597, 2012 p105
2
Thomas HOFNUNG, la crise en Côte d’Ivoire, Abidjan (Côte d’Ivoire), Collection Passerelle,
édition Fraternité Matin, Mars 2012, p 11.
3
Idem, p 12.
7
préparatifs « mystico-religieuse » à l’image d’Ousmane Doumbia4. Il était impliqué
dans ce conflit, car il avait servi de guide spirituel pour les insurgés5.
4
Ousmane Doumbia est leader religieux originaire du pays sénoufo. Il fait irruption dans le sillage
de la crise sociopolitique au début de la décennie 2000 en Côte d’Ivoire, marquée par également
par un contexte de renouveau de l’islam Soufi.
BINATE Issouf, « Ousmane Doumbia : un cheikh en pays sénoufo en Côte d’Ivoire
contemporaine », Journal des Africanistes n°86-2, 2016 : 96-20, p4
5
Idem n°86-2, 2016 : 96-20, p98
6
Ibidem, p76
7
Ibidem, 76
8
OUATTARA DJARIDJA (Aboubakar), les leaders de la communauté musulmane et la vie
politique en Côte d’Ivoire (1990-2011), Mémoire de Maîtrise, Université de Côte d’Ivoire, UFR :
CMS, Histoire, Bouaké, 2018, p23.
8
2-Intérêt du sujet
Étudier l'histoire de la politique religieuse d'Houphouët-Boigny en Côte d'ivoire
revêt un intérêt capital. En effet, les beaucoup d’études ont été menés sur la question
religieuse en Côte d’Ivoire, notamment sur l’Islam et le Christianisme. Mais, très
peu d’entre elles abordent véritablement la question des relations entre les religieux
et le pouvoir politiques d’Houphouët-Boigny en 1960 et 1993. Ainsi, le constat fait
réside dans le fait que la majorité des écrits sur la question de la religion et du
Pouvoir politique mettent plus l'accent sur l’islam. Comparativement à ces
nombreux travaux portant sur l’islam et l’Etat, très peu d’écrits existe sur le
christianisme et la politique.
Cette étude attend donc combler un vide historique en faisant l’analyse des
relations entre Houphouët et les religieux à parti de 1960 riche en évènements
politiques et religieuses. Cette étude permet de connaitre les facteurs qui ont
favorisé l’intensification des rapports politiques et religieux et l’exploitations de la
fibre religieuse par les politiques.
En outre, cette étude dans ces aspects montre non seulement les facteurs qui ont
engendré les rapports conflictuels entre les religieux et le Houphouët mais aussi
nous permet de connaitre le statut des religieux à l’avènements du multipartisme.
L'intérêt pour cette étude réside également dans le fait qu'elle apportera
certainement un plus à la connaissance scientifique sur la nature des relations
entre Houphouët-Boigny et les religieux en Côte d'ivoire.
II-Définition du sujet
9
D’un Etat. Autrement dire, il définit la politique comme « la science ou l’art de
conduire les affaires d’un état9 ».
Quant à la religion le dictionnaire Universel la définie comme un ensemble de
croyances ou de dogmes et de pratiques culturelles qui constituent les rapports de
l’homme avec la puissance divine (monothéisme) ou les puissances surnaturelles
(polythéisme, …). Il s’agit de la religion chrétienne, musulmane et
traditionnelle10. Mais dans le cadre de notre étude, il s’agit précisément de l’islam
et du christianisme.
Par conséquent, les définitions du dictionnaire ne permettent à elles seule de
cerner véritablement la quintessence du sujet. Alors, nous définissons, la politique
religieuse comme étant un ensemble de stratégies formelle ou informelle adoptées
par un Etat vis-à-vis des religieux ou encore des communautés religieuses. En
d’autre termes c’est l’ensemble des stratégies utilisées par le pouvoir politique à
l’égard des religieux à travers « la politique de cooptation ou de la clientélisation
de ». En clair, l’ensemble des actions et actes posés laissent entrevoir une politique
de surveillance vis-à-vis des religieux en Côte d’Ivoire.
2- Le cadre géographique
L’entité spatiale concernée par notre étude est la Côte d’Ivoire. Elle s’étant sur
une superficie de 322 462 km2. Dans cadre de notre étude, il s’agira pour nous de
situer géographiquement l’itinéraire, les zones de pénétration et de pratique de
l’islam et du christianisme. Le paysage ivoirien est dominé majoritairement par
deux confession religieuses. Qui sont l’islam dont le foyer de concentration est le
grand nord de du pays et le christianisme.
L’islam fut introduit dans les régions septentrionales de la Côte d’Ivoire par les
Ligbi et les Numu11 avant le déclin de l’empire du Mali au XIII siècle. L’Islam a
connu un essor fulgurant dans les zones forestières, avec le déploiement des
9
Dictionnaire Universel « imprimé en Espagne par Dédalo Offset S.L. Dépôt légal » : 08/2008-
COLLECTION n°28- Edition n°059/5806/1.
10
Idem
11
Lémassou FOFANA, Côte d’Ivoire : Islam et société. Contribution des musulmans à
l’édification de la nation ivoirienne (XIe-XXe siècle), Abidjan, Les Editions du CERAP, 2007,
p.16
10
travailleurs de confession musulmane venus du Soudan et du Sénégal sur le
territoire ivoirien12
D’après le recensement de la population et de l’habitat de 2014, la religion la
plus pratiquées était l’Islam avec un taux de 42,9%.
Quant au Christianisme, il fit son apparition en Côte d’Ivoire pour la première
fois au XVII siècle. Ceci suite aux missions d’évangélisations des missionnaires
français sur la côte ivoirienne d’Assinie et de Bassam au Sud du pays. Le
Christianisme a connu son essor en Côte d’Ivoire dans les années 1893 où elle
devient une colonie française. En 1895, les premiers prêtres débarquèrent sur la
plage de Grand-Bassam où fut fondée la première mission catholique. Cela s’est
par la suite propagée partout dans le pays avec la construction de la mission
catholique de Dabou en 1922.
Cependant, le recensement général de la population et l’habitat de 2014 indique
que le Christianisme est pratiqué à 17,2% par les catholiques et protestantisme
baptistes à 11,8%. En un mot, les chrétiens occupent 29‰ de la population.
Aussi, faut-il ajouter que la Côte d’Ivoire se caractérise par une diversité ethnique,
religieuse et culturelle. Elle compte 60 ethnies réparties en quatre (4) grands
groupes à savoir les Akan, Krou, les Gour et les Mandé13.
12
Idem, P. 13
13
OUATTARA DJARIDJA (Aboubakar), op. cit., p.23.
11
►Grand foyer de peuplement et principale voies de pénétration dioula du XIe au
XIV siècle.
►Foyer de peuplement du XI e au XIII siècle (Ligbi et Numu).
►Foyer de l’Islam en Côte d’Ivoire.
Source : Lémassou FOFANA, Côte d’Ivoire : Islam et société. Contribution des
musulmans à l’édification de la nation ivoirienne (XIe-XXe siècle), Abidjan, Les
Editions du CERAP, 2007, p 22.
12
3- Les bornes chronologiques
Notre thème s'inscrit dans le cadre chronologique allant de 1960 à 1993. C'est-
à-dire de l'indépendance de la Côte d'ivoire jusqu’à la mort de Félix Houphouët-
Boigny.
Le choix de l'année 1960 comme borne chronologique de cette étude répond à
un élément essentiel.
Dans le cadre de cette étude, 1960 marque la gestion autonome des affaires du pays
par les ivoiriens eux même. À partir de là, Houphouët-Boigny eut les mains libres
pour élaborer la constitution d’une nation dont les religions devaient jouer un rôle
important de consolidation en les mettant au même pied d’égalité à travers la laïcité.
La laïcité est un principe qui consiste à ne privilégier aucune religion par rapport
à une autre, à ne privilégier aucun courant de pensée par rapport à un autre. Elle est
donc un consensus entre l’État et le peuple entre les directions d’enseignements et
le corps professionnel, entre le privé et le public. L’Etat a également mis en exergue
la loi du libre culte, c’est-à-dire permettre à chaque individu de pratiquer la religion
de son choix. Et ce principe, la Côte d’Ivoire l'a adopté en 1960 dans la constitution
du 03 novembre. Laquelle constitution en son article 2 stipule que « la République
de la Côte d’Ivoire est une et indivisible, laïque, démocratique et sociale ».
Quant à la seconde date, celle de 1993, elle marque un tournant décisif dans la
marche de la Côte d'ivoire, tant au plan politique que religieux.
En effet, cette date marque la fin de la politique religieuse d’Houphouët-Boigny
après sa disparition14 et le regain des religieux dans la reine politique.
13
III – ÉTAT DE LA QUESTION
15
Marie MIRAN, Islam, histoire et modernité en Côte d’Ivoire, Paris, Edition Karthala,2006,546p,
16
Mamadou BAMBA, La communauté musulmane et les mutations sociales et politique en Côte
d’Ivoire de 1946 à 1999, Thèse de Doctorat unique d’histoire, Université de Cocody, 2009, 569p
17
BINATE (Issouf), Histoire de l’enseignement islamique en Côte d’Ivoire : Dynamique
d’évolution d’une éducation communautaire (Fin XIXème-2005), Thèse de Doctorat unique en
Histoire, Université de Cocody, Abidjan, 2012, 658p.
14
Quant à DIOMANDE Bourahima, dans sa Thèse sur la mosquée et ses enjeux en Côte
d’Ivoire : De 1891 à 201218, traite la question de la mosquée et son évolution et les types
de moquées en Côte d’Ivoire. Dans cette thèse, il traite aussi la question de la surveillance
et l’implication de l’État dans les affaires purement religieuses. Dès lors, il n’aborde pas
certains aspects talques les relations entre les religieux et le pouvoir politique l’orée du
multipartisme.
De plus, Paul MARTY et Jean-Louis TRIAUD qui ont respectivement écrit sur la
question religieuse en Côte d’Ivoire. Dans leur écrit sur la question musulmane en Côte
d’Ivoire (1893-193919), Jean-Louis TRIAUD fait l’analyse des relations entre les
musulmans et l’administration coloniale. Il fait l’analyse des subtilités utilisées par
l’administration pour maintenir les guides religieux sous son égide et les épargner des
questions purement politiques. Par contre, il ne fait pas l’écho de la situation qui a prévalue
entre les religieux en générale et les musulmans en particulier aves Houphouët entre 1960
et 1993.
En outre, la stratégie de cooptation des religieux et le patronage politique des
religieux (chrétiens et musulmans) ont été élucidés par Félicien Navigué
COULMIBALY20. Ces travaux sont d’une importance capitale pour notre étude.
De fait, il laisse de côté de nombreux aspects qui méritent une étude approfondie.
Notamment, les attitudes des religieux face au retour du multipartisme, le rôle de la
mosquée dans la politique religieuse d’Houphouët-Boigny. Dans cette même veine,
nous avons Boukary SAVADOGO qui une mène une réflexion sur l’implication
des associations islamiques dans le champs politique21. Alors, il commence d’abord
à mener à mettre en exergue le caractère d’accommodation des leaders musulmans
issus des indépendances. Selon lui les premiers leaders musulmans issues des
indépendances montrèrent une certaine accommodation vis-à-vis du pouvoir
18
DIOMANDE (Bourahima), La mosquée et ses enjeux en Côte d’Ivoire : De 1897 à2012, Thèse
unique de Doctorat en Histoire, Université de Bouaké, 2020, 446p.
19
TRIAUD (Jean-Louis), la question musulmane en Côte d’Ivoire (1893-1939) Outre-Mer. Revue
française d’Histoire, volume 61, pp. 542-571.
20
Navigué Félicien COULIBALY « Houphouët-Boigny, le pouvoir politique et les religions en
Côte d’Ivoire : 1960-1990 », in Suisse d’Histoire religieuse et culturelle, 19p, disponible sur le site
ht t://www.e-periodica.ch
21
Boukary Marthias, SAVADOGO, « l’intervention des associations musulmanes dans le champ
politique depuis 1990 », dans M. Gomez-Perez (éd), L’islam politique au sud du Sahara. Identité,
discours et enjeux Paris, Karthala, 2005, pp 583-600
15
politique. Mais à partir des années 1990, les leaders issus des nouvelles
organisations optèrent pour une certaine rupture en se prononçant sur toutes les
questions politiques
A côte de ces travaux, il y a aussi des auteurs comme À côté de ces nombreux
travaux sur l’islam et les la politique et aussi sur l’islam en général, il existe
également des travaux sur le christianisme en général mais aussi sur le christianisme
et la politique en Côte d’Ivoire. À cet effet, nous pouvons en guise d’illustration
citer Bony GUIBLEHON qui traité la montée de la spiritualité du pentecôtisme
investi par une génération de jeunes pasteurs qui se positionnent dans l’espace
publique religieux ivoirien. En effet, le marché de la spiritualité a émergé dans les
années 1990, dans un contexte de crise socio-économique, politique et de
libéralisation religieuse22. Ce mouvement religieux doit alors son essor en Côte
d’Ivoire par son irruption sur la scène politique par le biais de certains hommes
politiques à l’image de Gbagbo Laurent, qui fut le premier Président ivoirien
pentecôtiste.
De plus, nous avons certains auteurs qui aussi écrit sur le christianisme en Côte
d’Ivoire. Il s’agit entre autre de Florence AGOH, Ferdinand Tiona OUATTARA.
Florence AGOH, dans sa thèse sur la christianisation du pays Ebrié23, elle fait
l’analyse des méthodes utilisées par les missionnaires chrétiens, notamment des
méthodistes, harristes pour influencer les peuples du Sud la Côte d’Ivoire.
Ferdinand Tiona OUATTARA, dans Esquisse d’Histoire d’évangélisation du
diocèse de katiola 1908-200824, il a seulement résumé la naissance de la paroisse
de Niellé et mis en veille certains points très importants. C’est le cas de l’action des
missionnaires dans le cadre de la naissance du catholicisme à Niellé. Cependant, il
n’évoque pas la question sur le christianisme et la politique notamment les rapports
entre guides religieux chrétiens et politiques. Nous avons également certains
22
Bony Guibléhon, « les jeunes et le marché de la spiritualité pentecôtiste en Côte d’Ivoire »,
Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire, October édition vol. 8, No.24 ISSN : 1857 7881
(print) e-ISSN 1857-7431.
23
Florentine AGOH, 2007-2008, la christianisation du pays Ébrié, thèse de Doctorat Unique en
histoire université de Cocody-Abidjan, Département d’histoire, 583p.
24
Ferdinand Tiona OUATTARA (sous dir), Esquisse d’histoire d’évaluation du diocèse de katiola
1908-2008, Canaan édition, 2009, 123p.
16
auteurs qui ont écrit sur le christianisme en Côte d’Ivoire. Il s’agit de Yao N’goran
bi et Michel Bi.
Yao n’goran Bi25 aborde la question des conséquences de l’église Catholique
en Côte d’Ivoire, sans toutefois faire l’histoire globale de cette Église, encore moins
pour aborder le regard que partaient les missionnaires catholiques sur les sociétés
ivoiriennes mais n’aborde pas véritablement les relations entre guide religieux
chrétiens et le pouvoir politique d’Houphouët-Boigny. Bee Michel parle de
l’implantation du christianisme en Côte d’Ivoire et témoigne de la présence des
missionnaires dans les régions de la Côte d’Ivoire. Après l’exploitation des
productions, on se rend compter que peu de travaux sur le christianisme aborde la
question les relations entre le christianisme et la politique comparativement à
l’Islam qui regorge d’énorme travaux sur la question.
IV-PROBLÉMATIQUE
Depuis les temps coloniaux, les prophétismes ont été des aspects importants de
l’histoire religieuse et politique de la Côte d’Ivoire26.
En effet, la marche de la Côte d’Ivoire à partir de la décennie 1990 est marquée par
des crises politico-religieuses. Le pays a traversé deux décennies noires où
l’appartenance religieuse et l’origine culturelle ont été au cœur du fait politique.
Les acteurs politiques ivoiriens ont instrumentalisé et exploité la fibre ethnique et
religieuse de leurs concitoyens dans le but d’assouvir leurs envies27.
Ainsi, les rapports étroits entre politique et religieux en Côte d’Ivoire ont révélé
tout le paradoxe et la complexité des liens que les politiques ont entretenus avec les
religions. La mutualité de ces liens devrait en tout état de cause aboutir à
25
Bi N’Goran YAO, l’église catholique en Côte d’Ivoire : Influence du catholicisme sur la société
ivoirienne pendant la période précédant l’indépendance 1930-1960. Thèse de Doctorat unique en
Histoire, Université de Paris Sorbonne, 1991, 482p.
26
Marie Miran-Guyon, « Apocalypse patriotique en Côte d’Ivoire : le pentecôtisme de la
démesure », Afrique contemporaine 252, p, 73
27
Navigué Félicien COULIBALY « Houphouët-Boigny, le pouvoir politique et les religions en
Côte d’Ivoire : 1960-1990 », in Suisse d’Histoire religieuse et culturelle, 19p, disponible sur le site
ht t://www.e-periodica.ch
17
« l’instauration de la sauvegarde des valeurs partagées de paix, de tolérance, de
justice, de vérité et de liberté mais aussi leur implication dans la pacification de la
sphère politique »28.
Pourtant, la crise que connait la Côte d’Ivoire depuis 1993 après la mort
d’Houphouët-Boigny, l’exploitation de la frange religieuse par les politiques a
constitué un élément favorable à son inflammation, comme ce fut le cas du 19
Septembre 2002.
28
Navigué Félicien COULIBALY, « Connexion entre politique et religieux en Côte d’Ivoire », in
hist archéol afr (GODO GODO), 2000-2010, pp 89-105.
29
MARIE Miran-Guyon « Apocalypse patriotique en Côte d’Ivoire », in édition Afrique
contemporaine, pp 73-86.
30
OUATTARA DJARIDJA (Aboubakar), op,cit, p12.
18
questions politiques, comparativement aux chrétiens qui se prononcèrent sur
certaines questions à l’image de l’évêque d’Abidjan Mgr Bernard Yago.
Ainsi, dans le cadre de notre étude, le travail s’articulera autour d’un problème
central à savoir : comment se présentait la politique religieuse sous Houphouët-
Boigny en Côte d’Ivoire entre 1960 à 1993 ?
B- Objectifs spécifiques
Il s’agira pour nous, de montrer de façon spécifique :
-Ensuite, d’analyser les éléments qui ont favorisé l’intensification des rapports
entre le Président Houphouët et les religieux.
19
V- APPROCHE MÉTHODOLOGIE
À l’instar des autres sciences, l’histoire est une science épistémologique. C’est-
à-dire qu’elle est basée sur des principes et des méthodes de travail. À cet effet, les
travaux de Michel BEAUD31, Paul N’Da32 et de Alexander BUTTER33 nous
enseignent sur les processus et les démarches à suivre dans la rédaction du travail
scientifique.
Les faits historiques de la Côte d’Ivoire jugés dignes de mémoires ont été
consignés par écrits et conservés dans plusieurs dépôts et centres de
documentations. Les articles de presse de Fraternité Matin ont été d’une
importance capitale dans la rédaction de ce travail. En effet, ils regorgent
d’importants renseignement sur les évènements politiques et religieuses qui ont
jalonné l’histoire postcoloniale de la Côte d’Ivoire. Dans la quête de résolution à la
problématique de ce travail, nous nous sommes intéressés à certains articles de cet
31
Michel BEAUD, l’art de la thèse, Paris, La découverte, 2000, 195p
32
Paul N’Da, Méthodologie de la recherche, de la problématique à la discution des résultats,
Abidjan, PUCI ? 120p.
33
Alexander BUTTER, comment rédiger un rapport ou une publication scientifique ? 18 p.
20
organe de presse traitant la question religieuse et politique de la Côte d’Ivoire de
1960 à 1993, notamment Fraternité Matin.
Dans les articles de Fraternité Matin, on y trouve des informations sur les
discours prononcés par les autorités politiques l’égard des religieux et aussi des
discours prononcés par les leaders religieux à l’égard de l’autorité politique. Nous
trouvons également dans les articles de Fraternité Matin, des informations sur la
posture des religieux s’agissant des questions politiques. L’exploitation des articles
nous ont permis de satisfaire certains de besoins. Il serait important pour nous de
signifier que Fraternité Matin est un organe de presse gouvernementale qui fait la
propagande des actions de l’État. Par conséquent, nous nous sommes dirigés vers
d’autres organes de presse comme le CERAP pour s’imprégner de ce qu’ils disent
des mêmes évènements. Ainsi, nous avons soumis ses informations à la critique
interne et externe enfin de faire la lumière sur les données collectées, dans ces
maisons de presses.
21
d’autres. Ces journaux, nous ont donnés des informations sur la question politique
et religieuses de la Côte d’Ivoire. Les informations, sur collaborations des religieux
et l’autorité politique et les actions des politiques en vers les religieux. Il ressort en
effet, que les faits sont jugés autrement. Ils sont jugés selon son appartenance
politique. Cependant, les analyses critiques, nous ont permis de connaitre la véracité
des faits en suivant une démarche d’objectivité.
3434
Lémassou FOFANA, Côte d’Ivoire : Islam et société. Contribution des musulmans à
l’édification de la nation ivoirienne (XIe-XXe siècle), Abidjan, Les Editions du CERAP, 2007,
154p.
35
Gilles HOLDER et Moussa SOW, L’Afrique des Laïcités, édition Tombouctou, 2010, 345p.
22
comparaisons avec les données des articles de presses. En plus des sources
d’archives, nous avons aussi fait recours aux sources orales.
Les sources orales dans la reconstruction des faits demeurent une source de
polémiques entre les historiens. Pour certains historiens à l’image de Joseph Ki-
Zerbo, remettent en cause la pertinence des sources orales. Pour eux les sources
orales sont fragiles pour remonter dans les couloirs obscurs de l’histoire. Ainsi, ils
privilégient les sources écrites et les sources archéologique.
Par contre, des historiens comme Jan VANSINA trouvent que les sources orales
sont d’une importance indéniable dans la reconstruction des faits passés d’un peuple
sans écriture. Selon Jan VANSINA :
Dans les régions du monde habitées par des peuples sans écriture, la tradition
orale reste la principale source historique qui puisse être utilisée pour la
reconstruction du passé. Même chez les peuples qui connaissent l’écriture,
nombre de sources historique, parmi les plus anciennes, reposent sur la
tradition orale36.
36
Jan VANSINA, De la tradition orale : Essai de méthodologie historique, Tervuren, Musée royal
de l’Afrique centrale, 1961, p5.
23
de qualité. En plus, certains imams sont également des membres d’associations
comme le COSIM, CNI et bien d’autre.
La collecte des données des sources orales a nécessité des moyens. Il s’agit
entre autre des blocs notes comme le téléphone pour l’enregistrement des
conversations, pour les prises de vues photographiques. Le choix de ces personnes
a été fait en fonction de leurs statuts.
VI-ANNONCE DU PLAN
Nous avons articulé le travail en trois parties comportant chacune deux
chapitres.
24
Le premier chapitre fera l’état de la politique de cooptation et d’exploitation de
la fibre religieuse par Houphouët-Boigny. Cela à travers la présence des hommes
politique et les représentants d’Houphouët dans les mosquées et églises
Le premier chapitre évoquera les attitudes des religieux face aux abus du
pouvoir politique d’Houphouët. Les manifestations contre l’ingérence de l’Etat
dans les affaires religieuses, la lutte contre la discrimination pour les musulmans.
25
PREMIÈRE PARTIE I :
26
CHAPITREI : LE RÔLE DES CADRES ET LEADERS RELIGIEUX DANS
LA VIE POLITIQUE EN CÔTE D’IVOIRE DÈS 1960
Dans ce chapitre, il est question de retracer la nature des relations entre
Houphouët-Boigny et les religieux aux lendemain des indépendances. Il s’agit des
rapports entre les leaders des différentes communautés religieuses et le pouvoir
politique d’Houphouët-Boigny. Cela vise à faisant ressortir la quintessence des
éléments qui ont engendré ce rapprochement entre pouvoir politique et religion.
27
1. La Nomination des cadres musulmans
Dans les Etats postcoloniaux africains, de nombreux chef d’États ont inscrit
leur rapport avec la religion au cœur de leur politique de gouvernement. La Côte
d’Ivoire d’Houphouët-Boigny n’a cependant constitué une exception.
37
Marie MIRAN, Op., P.152
38
Paul Henri SIRIEX, Houphouët-Boigny ou la sagesse africaine, France Les Nouvelles
Africaines, 1986, p. 1962
28
De 1960 à 1985, il a joué un rôle qui était de maintenir la communauté musulmane
sous le contrôle total de l’Etat. À travers lui, le régime bénéficiait du soutien
inconditionnel des musulmans et il était chargé d’éviter l’arabisation des
musulmans de Côte d’Ivoire voulu par Houphouët. En somme, Mamadou Coulibaly
était celui que Houphouët-Boigny avait désigné pour mettre en exergue sa politique
des musulmans et de cooptation. À sa mort en 1985, El Hadj Lanzéni Coulibaly
Poto, alors garde des sceaux, ministre de la justice et membre du bureau politique
fut désigné par le président Houphouët-Boigny pour assurer la continuité de sa
politique de cooptation à l’égard des musulmans. Pour ce fait, Lanzéni Coulibaly
devient le trait-d ’union entre la communauté musulmane et le régime d’Houphouët.
Le choix de Mamadou Coulibaly et de Lanzéni Coulibaly Poto comme patron des
musulmans, en plus de leur appartenance politique et religieuse, résultait aussi de
leur caractère personnel qui faisait d’eux des hommes passifs et non passionnés du
point de vue religieux ; car Houphouët-Boigny était opposé à toute forme
d’intégrisme et d’activisme musulman.
29
membres influents de la vie politique locale et régionale. Les plus célèbres des
cadres et compagnons de lutte de Félix Houphouët-Boigny issus de l’ordre religieux
catholique sont Philippe Yacé, nommé Secrétaire Général du PDCI puis Président
de l’Assemblée Nationale, Jean-Baptiste Mockey, pharmacien et Mathieu Ekra.
Secrétaire d’Etat aux affaires Sociales puis Ministre de l’intérieur (c’est à lui que
reviendra l’homme de rédiger l’Hymne National de la Côte d’Ivoire). Outre ces
membres influents du PDCI,
39
Navigué Félicien COULIBALY « Houphouët-Boigny, le pouvoir politique et les religions en
Côte d’Ivoire : 1960-1990 », in Suisse d’Histoire religieuse et culturelle, p344, disponible sur le
site ht t://www.e-periodica.ch
30
II-LES GUIDES RELIGIEUX COMMES COMPAGNONS POLITIQUES
ET CONSEILLERS RELIGIEUX D’HOUPHPOET-BOIGNY
Pour Houphouët-Boigny, l’action politique et l’acte de foi font qu’un. En
d’autres termes, l’action politique ne trouve une dimension régulatrice que par
référence à des valeurs absolues. Cet ensemble de parallélisme qu’a fait Houphouët
entre la foi religieuse et la politique, l’ont amené à faire des religieux ces proches.
Certaines comme des compagnons politiques et d’autres des conseillers.
Yacouba Sylla avait fait valoir notamment que, en tant que marabout, il ne
pouvait pas s’entendre sans certains engament de ce dernier. Le Député
Houphouët-Boigny, devrait par exemple, accepter en toute circonstance de
se mettre au service de la paix. Il devrait, abandonner certains sacrifices
qui n’étaient pas inhabituels autrefois, devrait en particulier ne pas verser
le sang humain. Sous ces conditions, l’homme de Dieu se mettrait à prier
pour que l’Afrique puisse être ce qu’elle est aujourd’hui […] Yacouba
31
Sylla était un conseiller assidu d’Houphouët-Boigny sur beaucoup de
plans. Il y avait des émissaires, des parents, des oncles qui circulaient entre
les deux hommes et qui disaient à celui qui agissait ce qu’il fallait faire, où
40
il fallait aller et où il ne fallait pas, pour réussir ce qui a été réussi
40
Témoignage de Cheick na Sylla, in : Mel Frédéric Grah, 56 témoignages, riches, surprenants,
édition, Abidjan 2005,367.
32
2. les compagnons politiques et conseillers chrétiens d’Houphouët-Boigny
Quant à la communauté chrétienne, Houphouët-Boigny s’est appuyé sur
deux personnalité qui sont l’évêque Bernard Mrg Yago et Papa nouveau, de son
vrai nom Dagri Najva pour manifester sa politique religieuse.
Bernard Yago fut ordonné à Rome le 8 mai 1960 par Pape Jean XXIII. Il
était en ce moment le 1er et unique évêque ivoirien. Le 23 février 1983, il fut
ordonné cardinal par le Pape Jean-Paul II. Il fut le premier ivoirien président de la
Conférence épiscopale. Archevêque métropolitain (l’Eglise ne disposant d’un seul
archevêque à cette époque) d’Abidjan, il fut le « porte-parole » des Evêques de Côte
d’Ivoire. Houphouët et Bernard Yago ont eu tous deux des relations scellées au
lendemain des indépendances. Après les collaborations scellées d’Houphouët et
Yago dès les premières heures de l’indépendance, les relations entre ces deux hautes
personnalités du pays seront jalonnées de quelques tumultes et de heurt. Le fait qu’il
soit le représentant des évêques et exerça à Abidjan, fera de lui « le seul à prendre
position » (à cette époque, Houphouët-Boigny régnait de main de fer) pour
stigmatiser les tares de la politique générale du président à l’occasion de certaines
circonstances clés de la vie politique de la Nation.
Ces heurts débutèrent dans les années 1963 lors des « complots »
d’Houphouët-Boigny contre ses amis politiques, lesquels complots ayant
occasionné la mort d’Enerst Boka, son ami personnel, fidèle auditeur de ses
conférence épiscopales depuis 1959. En effet, Ernest Boka, président de la cour
suprême, ministre et collaborateur d’Houphouët-Boigny, trouva la mort dans la
prison d’Assabou à Yamoussoukro (village du président), accusé de vouloir attenter
à la vie d’Houphouët41. L’évêque Bernard Yago n’a pas aussi tôt affiché sa volonté
de ne laisser le pouvoir temporel exercer son autorité sur le pouvoir spirituel.
41
Siriex a, Houphouët-Boigny (voir note 8), 214-215.
33
Toutefois, les rapports d’Houphouët-Boigny avec le Cardinal Bernard Yago figure
charismatique de l’église romaine s’avère difficiles.
En effet, au-delà des critiques qu’il faisait face au faux complots de 1963, le
prélat resta un homme libre et critiqua avec vertement « l’ingénie politique
particulière » d’Houphouët-Boigny. Il blâma notamment la gestion paternaliste du
pouvoir et la philosophie de « grilleur d’arachides », c’est-à-dire la corruption42.
42
Observatoire International du Religieux, Réligion et politique en Côte d’Ivoire : un Demi-Siècle
d’Intimités ambivalentes, Note d’analyse n°9, CERI-GSRL, Septembre 2018, p 7.
43
André Mary, Prophètes pasteurs, la politique de la délivrance de la Côte d’Ivoire, in : Politique
africaine, 87 (2002) 72-73.
34
pendant qu’il luttait activement pour la souverainement de son pays, ne manqua pas
de dire du « prophète des lagunes » qu’il « faisait partie de la race des prophètes
purs »44.
En effet, Papa Nouveau avait dès 1937 tenu des propos prémonitoires à l’égard
d’Houphouët-Boigny et l’accession de la Côte d’Ivoire à l’indépendance :
Les Blancs et les Noirs vont désormais manger à la même table. Il n’y aura
plus de peuple opprimés pour des raisons de peau. Les Noirs qui jusque-là
sont sous la domination des Blancs se prendront eux-mêmes en charge en
ayant à eux-mêmes leur gouvernement et leur président. Celui qui guidera
la Côte d’Ivoire sera un Ivoirien qui viendra du centre du pays45.
En faisant cette prophétie en 1937, à l’époque où la traite négrière battait son plein,
où les Blancs régnaient en maitres absolus sur les Noirs, Papa Nouveau se disant alors
envoyé de Dieu prenait assurément des risques. Il sera accusé de tenir des propos séditieux
à force d’invitation à la désobéissance civile, le prophète papa nouveau va intensément
subir la rage de l’administrateur colonial. Il sera arrêté et incarcéré pendant cinq (5) ans.
Ce n’est qu’en 1952 que le prophète fut blanchi par la cour d’appel d’Abidjan et lui
permettre de manifester sa foi religieuse46. L’ensemble de ces mésaventures traversées par
et le prophète et son attachement dans la lutte pour la liberté de nos pays africain ont
engendré des rapprochements entre l’homme de Dieu et le président Houphouët-Boigny.
44
Idem.
45
Fraternité Matin, Lundi 15 Juillet, 1996, p 2.
46
Idem, p 2.
35
Papa Nouveau
36
CHAPITRE II : CONTRIBUTION FINANCIÈRE D’HOUPHOUËT DANS
LES AFFAIRES RELIGIEUSES
À ce niveau de notre étude, il sera question pour nous de montrer la
multiplication des actions de bienfaisances et la forte implication d’Houphouët dans
les activités et mouvements purement religieux. Il s’agit des mouvement religieux
chrétiens d’une part et des mouvements religieux musulmans d’autres part.
37
président Houphouët-Boigny, tous ses successeurs ont maintenu cette
pratique qui est devenue une tradition en Côte d’Ivoire47.
47
Marii Adèle Djidjé, CAOCICI : le haut conseil des ouléma et imamats chez Gbagbo, in :
Fraternité Matin, 11 Novembre 2005.
38
représentants même s’ils n’étaient de la confession comme ce fut le cas du ministre
Auguste Denise, qui a déjà représenté le président Houphouët-Boigny à des
cérémonies de confession religieuse musulmane.
En effet, Houphouët-Boigny initie à partir des année 1960 et 1975 une vaste
campagne de collecte de fond pour matérialiser son attachement vis-à-vis des
religieux. Dans cette campagne, il procède à la ponction des salaires des
fonctionnaires pour collecter des fonds nécessaires dédiés à l’édification des
édifices religieux. Cette campagne a permis aux musulmans d’avoir la somme de 1
milliard 350 millions de FCFA.
39
Ainsi, Houphouët-Boigny vient en contribution dans la finalisation de la
Mosquée d’Adjamé. Les premiers financements de la grande mosquée d’Adjamé
furent faits par six grands communautés ethniques. Il s’agit notamment de
musulmans originaires d’Odienné, Mankono, Séguéla, Touba, Korhogo et
Boundiali48. Il arrive que la contribution d’une communauté soit plus importante.
Pour autant, cela ne lui confère pas, de facto un droit de propriété sur le lieu de
culte. La mosquée s’étend sur une superficie totale de 4.052 m2.
48
Fraternité Matin, du 8 août 1979
49
Idem, p 5, 8
40
La grande mosquée d’Adjamé
41
En outre, Houphouët-Boigny dans le processus de construction de mosquée,
tourne le regard vers son village natal (Yamoussoukro). Il lance alors le projet de
construction des mosquées dans cette nouvelle capitale politique de la Côte
d’Ivoire. En effet, au cours d’une visite du président malien, Modibo Keita, Félix
Houphouët-Boigny procéda à la pose de la première pierre de la nouvelle grande
mosquée de Yamoussoukro. La construction de cette mosquée fut confiée à Balla
Camara. D’origine guinéenne, Balla Camara, acquit l’expérience dans le domaine
de la construction (ponts et bâtiments) auprès de l’administration coloniale dans la
région de Ségou (actuel Mali). Plus tard, installé en Côte d’Ivoire, précisément à
Bouaké au quartier Djamourou, il s’adonna à la construction de mosquées. Il parvint
à en édifier trois : la « mosquée koyaka » de Bouaké, la grande mosquée de Koro
et la grande mosquée de Touba.
42
Pour donner un style particulier à la mosquée, la décoration intérieure de l’édifice
fut réalisée par des artistes marocains ; signe des relations cordiales entre le
président ivoirien et le roi Hassan II du Maroc (J-N. Loucou, 1989 : 14). A la suite
de Yamoussoukro, d’autres initiatives de constructions de mosquées furent lancée
par l’Etat ivoirien.
50
Fraternité Matin, 22 décembre 1964.
43
En effet, dans la décennie de 1960 à 1970 après la construction de la
mosquée centrale de Yamoussoukro du côté des musulmans, il fit construire une
église catholique et un temple protestant dans cette même ville de Yamoussoukro
son village natal.
Ces actions visait a fragilisée le tissu social ivoirien. Compte tenu des
évènements comme les faux complots d’Houphouët-Boigny entre 1963 et 1964.
Lesquels des complots qui engendré la mort de Ernest Boka.
En prélude de tous ces éléments, seul Mon seigneur Bernard Yago, jouissant
d’une immunité diplomatique du Vatican qui a pu exprimer son mécontentement
vis-à-vis d’Houphouët-Boigny. (Voir annexe n°1)
44
DEUXIÈME PARTIE :
45
CHAPITRE I : LE RÔLE DES MOSQUEES ET DES EGLISES DANS LA
POLITIQUE RELIGIEUSE D’HOUPHOUET-BOIGNY
Ce chapitre a pour objectif d’analyser le rôle qu’a joué les mosquées et les
églises dans la pratique de la politique religieuse du pouvoir politique
d’Houphouët.
Conscient de cette réalité, l’Etat ne lésina pas sur les moyens pour y afficher
publiquement sa présence. Par conséquent, dans toutes les grandes localités, il
mandata ses représentants pour assister aux célébration religieuses. Dans les années
1960, informe Marie Miran, la plupart des représentants officiels de l’Etat lors des
fêtes musulmanes étaient de chrétiens (M. Miran, 2001 : 209). Le ministre d’Etat
Auguste Denise, par exemple, était un habitué de la mosquée dioula » de
Treichville.
46
Treichville doit à la grande mosquée d’Adjamé51. Dans cette les tâches étaient
reparties. À l’intérieur du pays, sauf rares exceptions, les élus locaux assistaient à
la prière dans la mosquée-Etat de leur circonscriptions52.
51
DIOMANDE (Bourahima), Op Cit, p 186
52
Fraternité Matin du vendredi 15 juillet 1983.
53
Idem, 1983
54
Ibidem, 1983
47
1988, la grande mosquée de Koumassi fut ajoutée à la liste55. Pour la première fois,
le gouvernement y dépêcha un de ses représentants, Yaya Ouattara, ministre des
Affaires Sociales.
55
Fraternité Matin du vendredi 18juillet 1983
56
Fraternité Matin, 05 Décembre 1989.
57
Idem
58
Fraternité Matin, samedi 24 avril 1982, p 4.
48
De plus, lors de la cérémonie de prière de fin d’année de 1984, Mgr Bernard
Yago59 avait axé la messe non seulement sur la prière pour l’avènement de la
nouvelle année mais aussi sur la question de la jeunesse en Côte d’Ivoire. Une
grande partie de la messe était consacrée à la jeunesse, l’Archevêque d’Abidjan a
tenu par son adresse du jour ce même thème : la jeunesse n’est-ce pas aujourd’hui
plus qu’hier un sujet devenu préoccupant ? Qui oserait soutenir le contraire ? le
cardinal avec cette passion pastorale qu’on lui connait quand un sujet l’interpelle, a
parlé de la jeunesse, une demi-heure durant, à la lumière du quotidien ivoirien. S’il
lui a plus de reconnaitre et de féliciter les autorités politiques pour ce qu’elles ont
entrepris depuis 25 ans en faveur de la jeunesse, il soulignera avec face que
profonde crise, qui n’est pas seulement de croissance, mais encore morale. Ainsi,
le président Houphouët-Boigny accompagné de sa délégation ont pris part à cette
cérémonie de prière de nouvelle année et de la messe dédiée à la jeunesse en Côte
d’Ivoire.
1. Mosquées
La présence régulière des hommes politique dans les mosquées sous
Houphouët-Boigny à engendrer l’apparition d’un nouveau dynamisme dans ces
lieux de prière. À titre d’exemple, à l’occasion de la célébration du 70ème
59
Fraternité Matin, 2 janvier 1985, p10.
49
anniversaire de la naissance du président Houphouët-Boigny, une prière –
anniversaire fut organisée à la mosquée « dioula » de Treichville le samedi 18
octobre 1975. En présence de hauts fonctionnaires de l’Etat, Matié Diakité, le grand
imam d’alors et les fidèles venus des différentes communes d’Abidjan, « récitèrent
les versets du coran pour demander à Allah d’accorder une longue vie au président
Félix Houphouët-Boigny60 ».
60
Fraternité Matin du vendredi 20juillet 1975
50
1978 ; en raison de la guerre de Yom Kippour, l’ascension des coûts des produits
marqua un coup d’arrêt brutal avant de connaître une chute.
Souvent, se fut les imams mêmes qui prenaient le devant de la scène pour
exprimer le soutien de la communauté au président. En 1989, durant les prières
ayant marquées la fin du mois de jeûne, les imams prônèrent l’union et la solidarité
afin que le président Félix Houphouët-Boigny gagne la lutte engagée pour un
meilleur prix des matières prix des matières premiers61. Dans la même veine, lors
des remous sociaux liés à la réinstauration du multipartisme, la mosquée de la
Riviera Golf accueillit une réunion d’imam qui fut sanctionnée par la rédaction d’un
texte62. Ce texte fut, par la suite, lu à la télévision d’Etat par l’imam Tidian Ba. Tout
en invitant le président au dialogue et à la cohésion sociale, il réaffirmait le soutien
total des musulmans au chefs de l’exécutif. Sous Houphouët-Boigny donc, la
mosquée fut une caisse d’enregistrement et de résonnances des actions du PDCI-
RDA et de son leader. C’est sans nul doute tout cela qui amena le Cheick Al Aïma,
Boikary Fofana, à dire : « sous le parti unique, le PDCI avait complément
embrigadé les imams, ils étaient mêmes plus militants du PDCI (…) »63.
61
DIOMANDE (Bourahima), Op Cit, p 191.
62
Idem, p 191.
63
Ibidem, p 191.
51
raciale prié dans la plus grande ferveur religieuse. A cette occasion, l’Imam Lamine
Diaby avait imploré la grâce et formuler des vœux à l’égard du président
Houphouët-Boigny. Celui-ci avait demandé à Dieu de le garder longtemps à la tête
du pays. Ainsi, à cette occasion de la Ramadan, le chef de l’Etat fut représenté part
des autorité politique, notamment M. N’Dri Amie, des personnalités politiquent
administrative. Il en est de même à la 68e anniversaire du chef de l’Etat64.
2. Eglises
Les églises sous Houphouët-Boigny étaient devenues des lieux de soutien
des action politique au même titre que les mosquées.
64
Fraternité Matin, vendredi 15 juillet 1983 p 8.
65
Idem, p 192.
52
En effet, Houphouët-Boigny pour aboutir à ses objectifs de cooptation,
adopta une politique d’accommodation vis-à-vis des différentes communautés
religieuses. Dans la formation du gouvernement au lendemain des indépendances,
bon nombre des ministres et responsables d’entreprises étaient issus de la
communauté chrétienne. Ces différentes nominations avaient un enjeu ambivalent.
Une ère nouvelle va s’ouvrir dans quelques instants pour notre chère côte
d’Ivoire. Fidèles aux traditions de l’Afrique croyante, nous voici
rassemblés ce soir pour offrir au Seigneur les prémices de notre
indépendance nationale et lui chanter notre cantique d’Action de grâce. A
cette occasion, nous tenons à vous redire que l’Eglise s’assoie pleinement
à cette joie et vous invite à livrer vos cœurs à l’allégresse générale, car
Dieu, enseigne-t-elle, nous a créés et il n’est pas dans sa pensée qu’un
peuple reste perpétuelle sous tutelle. Oui réjouissons-nous parce que notre
pays retrouve sa dignité et sa personnalité. Mais nous tenons aussi, nous
tenons surtout à vous appeler, chrétiens, que la Nation reste à bâtir et que
l’Eglise vous fait une obligation d’être premier rang de la construction
nationale dans l’ordre et la paix. Notre tâche à tous, est d’abandonner les
rancœurs et de préparer la réconciliation de tous pour assurer dans une Côte
d’Ivoire unie, une construction nationale en y apportant le bénéfice des
valeurs chrétiennes. Gage d’équilibre et stabilité. Notre tâche se résume en
53
deux mots-collaborer et servir, collaborer et non critiquer, servir et non
briguer les places ou se servir […].66
66
Navigué Félicien COULIBALY « Houphouët-Boigny, le pouvoir politique et les religions en
Côte d’Ivoire : 1960-1990 », in Suisse d’Histoire religieuse et culturelle, p344, disponible sur le
site ht t://www.e-periodica.ch
67
Navigué Félicien COULIBALY « Houphouët-Boigny, le pouvoir politique et les religions en
Côte d’Ivoire : 1960-1990 », in Suisse d’Histoire religieuse et culturelle, p344, disponible sur le
site ht t://www.e-periodica.ch
68
DIOMANDE (Bourahima), La mosquée et ses enjeux en Côte d’Ivoire : De 1897 à 2012, Thèse
unique de Doctorat en Histoire, Université de Bouaké, 2020p 189.
54
Toutes ces pratiques étaient des moyens et canaux de diffusion des messages
du pouvoir politique du président Houphouët-Boigny.
Dans cette même foulé de soutien des actions politiques, le prophète Papa
Nouveau à l’honneur du président Houphouët-Boigny avait organisé une journée
de prière pour le célébrer. C’est donc dans son village que la communauté de
l’église Papa Nouveau s’est donné rendez-vous. D’abord pour célébrer la fête
d’anniversaire de la reconnaissance officielle de l’église Papa Nouveau par
l’administration coloniale qui a lieu le 8 juillet de chaque année et ensuite organiser
à l’intention du Président Houphouët-Boigny, une journée de bénédiction et
d’action de grâce. A cette cérémonie des fidèles étaient venus des quatre (4) coins
du pays, notamment de Abidjan, Lakota, Bouaké, Yamoussoukro, San-Pedro et
bien d’autres villes pour rejoindre le village du prophète Papa Nouveau
(Toukoz.ou-Hozalem)69.
C’est bien toi qui as dit que tu ferais venir l’abolisseur du travail forcé. Par
ta grâce Houphouët-Boigny qui est venu a réussi à mettre fin au travail
69
Fraternité Matin, mercredi 12 juillet 1989 p5.
55
forcé. Fais-en sorte Seigneur, que notre guide vénéré puisse bénéficier lui
aussi de ses propres bienfaits sans jamais rencontre de difficultés sur le
chemin de sa vie70.
70
Fraternité Matin, mercredi 12 juillet 1989 p5.
56
CHAPITRE II : POLITIQUE DE LARGESSE, DE MANIPULATION ET
DE PARTIALITÉ D’HOUPHOUËT-BOIGNY VIS-À-VIS DES
ASSOCIATIONS ET ACTIONS RELIGIEUSES
Depuis la période coloniale et plus encore l’ère des indépendances, les
associations religieuses ont existé en Côte d’Ivoire. Cependant, seule les
associations chrétiennes étaient reconnues officiellement et bénéficièrent des
largesses de l’État. Quant aux associations musulmanes, elles existaient dans la
clandestinité et pire, celles-ci étaient combattues et surveillées par le pouvoir
politique d’Houphouët.
57
Pour Houphouët, la création des associations islamiques déboucherait sur une
ouverture aux monde arabe, chose qu’il n’a voulu. Alors toutes les issues pouvant
engendrer le financement des associations et mouvements islamiques par les
pétrodollars fut bloqué par Houphouët-Boigny.
58
L’existence de ces associations était un fait qui gangrénait le président
Houphouët, pourtant les associations chrétiennes existaient et fonctionnaient en
toute quiétude. Elles n’ont été à aucun cas victimes d’une quelconque contestation
par le régime. Dans cette posture le président marginalisait les musulmans
s’agissant de la mise en place de leurs associations et mouvements. Cette
communauté fut marginalisée quant à la gestion de l’appareil religieuse par
Houphouët. Par contre, certaines associations chrétiennes de nature catholique
jouissaient d’une double largesse. D’abord du président Houphouët, ensuite elles
bénéficièrent également des largesses du Vatican. Quant aux musulmans, les
collaborations avec les pétrodollars furent contestées par l’État.
Il s’agit des organes tels que ANCIC (l’Afrique Nouvelle et la Côte d’Ivoire
chrétienne), ex-syndicalistes de la (CFTC) Confrérie Française des Travailleurs
Chrétiens.
59
En effet, cette association avait pour valeur défendre la laïcité, c’est affirmer
une primauté des droits de l’homme et du citoyen dans la sphère publique, tout en
reconnaissant à chacun la liberté d’opinion et de croyance dans sa vie privée. Or,
certaines associations islamiques furent crée dans cette même optique. Par contre,
elles ont existé officieusement.
En outre, dans les années 1980, l’on assistait à une nouvelle forme de
prosélytisme religieux manifestée par les chrétiens. Il s’agit de la distribution des
bibles dans les établissements et dans les centres de formations professionnels. Or,
nulle circulaire du ministère de l’éducation national et de la recherche scientifique
n’a donné instruction à cet effet. Il semble donc que des personnes le fraisèrent
60
volontairement. Cette action parait-elle simple et sans conséquence du point de vue
que la bible enseigne des valeurs de civilités.
A cet effet, bien que l’État soit informé de cette forme de prosélytisme de la
foi chrétienne, aucune mesure ne fut prise. Or, cela était refusé aux musulmans qui
eux ne pouvaient manifestés leur foi que dans les écoles d’enseignements
coraniques et dans les mosquées et à la rigueur dans les forums. Cependant, en dépit
de quelques divergences théologiques, les manuels islamiques enseignent ces
mêmes valeurs morales et de civilités71.
71
Fraternité Matin, mardi 29 mai 1984, p 16.
61
la fédération du Conseil Supérieur Islamique (CSI), auxquelles viennent se joindre
l’Association de Enseignants Coranique (AEC), la Congrégation Islamique
Ivoirienne et l’Association Nationale des Musulmans de Côte d’Ivoire
(ANAMUCI). Mais les plus influents furent une minoritaire.
72
Lémassou FOFANA, Côte d’Ivoire : Islam et société. Contribution des musulmans à
l’édification de la nation ivoirienne (XIe-XXe siècle, op, cit, p112.
73
Est une idéologie musulmane fondée sur le respect de doctrine des ancêtres musulmans
notamment dans les questions relatives à la théologie.
74
KONATE Moussa, Idéologie des associations islamique en Côte d’Ivoire, (1954-2009), Rev,
Hist archéol. Afr, GODO GODO, n°24-2014, p 70.
75
La preuve n°26 Décembre 2009 p 7.
76
Idem, p 70.
77
Ibidem, 70
62
Quoique divisé et fortement concurrentiel, ce courant associatif était
homogène par le profil de ses responsables, par ses objectifs, par son organisation
et sur tout par sa politisation, non-avoué et même réfutée dans le principe mais dans
la pratique c’est ce qu’il en est.
Ceux qui avaient noué des relations très politisées avec Houphouët de qui
ils percevaient des subventions pour l’organisation du pèlerinage à la Mecque. Avec
l’argent, Houphouët arrivait à manipuler les associations musulmanes autour
desquelles était organisé tout un système d’escroquerie et de corruption surtout
lorsqu’il s’agissait de l’organisation du pèlerinage à la Mecque où l’Etat apportait
une forte subvention pour garantir son succès. Marie Miran dira en substance que
«les idéaux islamiques disparaissaient dans le système de corruption qui guettait les
associations islamiques »80.
78
Marie, Islam (voir note 3), 239
79
Idem,
80
Marie, Islam (voir note 3), 239.
63
De même, en 1978, au moment du lancement à Williamsville du magazine
Allahou Akbar qui dérangeait le pouvoir par son caractère inédit, Fofana fut
questionné par un général français des services de renseignement mis à la
disposition de la présidence ivoirienne. Soupçonné peut-être l’un de ces « mauvais
marabouts » que la France coloniale aurait jadis surveillés de près. Ainsi, Fofana
l’aurait convaincu qu’il ne voulait pas islamiser la Côte d’Ivoire81.
En effet, ces associations ayant fait leurs preuves dans la période coloniale,
représentaient aux yeux du président Houphouët comme des potentialités pouvant
valoriser ses actions de cooptation de leaders et de groupements religieux. Ce
rapprochement de l’État aux associations chrétiennes se situait à un degré moindre
dans le même cadre que celui des musulmans. C’est-à-dire dans un premier temps
prouver son attachement à cette communauté mais aussi de surveiller cette leurs
mouvements et activités. C’est justement pour cette raison que le président
Houphouët-Boigny dans la formation du premier gouvernement poste colonial n’a
ménagé aucun effort pour nommer certains des leurs dans des postes ministériels et
aux postes de responsabilités. Le regard des d’Houphouët-Boigny sur les
associations chrétiennes était différent des associations musulmanes.
81
MARIE-MIRAN(Guyon), EL HADJ TOURE (Moustapha), « Islam, autorité religieuse et sphère
publique en Côte d’Ivoire », Karthala, PP. 315-336, 2012, Homme et société, 9782811105839.
Halshs-01062582, pp. 327
64
TROIXIÈME PARTIE :
65
CHAPITRE I : LES ATTITUDES DES RELIGIEUX FACE AUX ABUS DU
POUVOIR POLITIQUE D’HOUPHOUET-BOIGNY
Dans ce chapitre, il sera question pour nous d’analyser la nature des relations
entre le pouvoir politique d’Houphouët-Boigny et les communautés religieuses. En
faisant un rappel historique des crises qui ont jalonnée leurs relations depuis 1960
et en mettant en exergue les évènements qui ont eu lieu entre la fin de la décennie
1980 et 1993.
De ce fait, les musulmans ont saisi cette occasion pour exprimer de diverses
manières leurs mécontentements vis-à-vis du pouvoir politique du président
Houphouët-Boigny.
Alors certains, leaders à l’image de Boubacar Fofana, ont joué leurs parts
de responsabilité.
En effet, Fofana avait accordé chez lui un entretien à deux catholiques laïcs
français, qui à son issu, en publièrent l’intégralité dans un ouvrage paru à Paris
intitulé « Mission, En Afrique, les catholiques faces à l’Islam, aux sectes, au
66
Vatican » (Brézault et Claveuil) 198782. C’était avant le retour de la démocratie. La
liberté d’expression, tout spécialement à l’endroit du pouvoir, était sévèrement
limitée. Or dans ce libre, Fofana critiquait durement et ouvertement le régime pour
ses manquements à la laïcité constitutionnelle, pour sa dérive christianisante et pour
l’inégalité de traitement entre l’islam et le christianisme à même de générer des
troubles à venir. Il critiquait aussi vertement l’évêque de Bouaké, Mgr Agré et plus
largement l’Eglise catholique qu’il pensait peut ouvert à la rencontre avec les
musulmans et à un réagencement de la donne religieuse dans le pays.
Cette lutte avait pour but de promouvoir une participation plus égalitaire de
l’islam et des musulmans à l’espace public ivoirien, vis-à-vis de l’État et dans une
moindre mesure, vis-à-vis de l’église.
82
MARIE (Miran), EL HADJ TOURE (, Moussa), « Islam, autorité religieuse et sphère publique
en Côte d’Ivoire » in Homme et société, septembre2014, p 328.
67
Boubacar Fofana, leader musulman
68
En plus de ce qui précède, les jours fériés furent un autre point de
revendication des musulmans. En effet, les jours fériés et chômés étaient reconnus
par l’État, hors des fêtes nationales, correspondent aux grands fêtes chrétiennes. Il
fallut attendre trente années 1991, avec l’arrivée d’Alassane Ouattara à la primature,
pour que les principales fêtes islamiques partagent ces privilèges.
En effet, cette proposition des musulmans fut refusée tandis que l’espagnol
et l’allemand étaient déjà enseigner dans les écoles comme des langues secondaires.
Cependant, le latin fut ajouté au programme.
De plus, les musulmans combattaient cette image péjorative qui leurs était
affligée. Par exemple, en histoire, les manuels parlaient d’islam en termes plutôt
défavorables à cette religion, dépeinte sous l’angle des « djihad » et de « violence »,
point le plus sensible pour les musulmans. En outre, les écoles islamiques (écoles
coraniques par terre et écoles madrasa réformées) étaient placées sous la tutelle
non pas du Ministère de l’Éducation comme les écoles confessionnelles catholiques
et protestantes, mais sous celle du Ministère de l’Intérieur. L’État considérait ces
écoles comme relevant d’une affaire de religion que d’éducation. Alors, l’Etat ni
n’en a octroyé à ces écoles aucune subvention ni n’en a reconnu officiellement les
diplômes.
69
bénéficièrent d’importantes subventions de l’Etat, qui restent à ce jour plus élevées
des écoles privées. Quelques écoles au statut ambivalent virent aussi le jour : à la
fois publiques (étatiques) et catholiques quoiqu’ouvertes à tous. Au premier rang
de celles-ci figure le collège, devenu lycée d’excellence, Saint Marie de Cocody83,
destiné à former aux valeurs de l’Etat et de l’Eglise l’élite des jeunes filles de la
Côte d’Ivoire. Les catholiques ont ainsi grandement contribué à la former et
socialiser l’élite du pays, y compris l’élite socio-économique musulmane, chose qui
n’était pas possible avec les écoles coraniques84.
Face à cette injustice de l’État en vers les musulmans, ils en ont fait écho
dans leurs écrits. Suite à toute ces manifestations des musulmans face aux abus du
pouvoir politique d’Houphouët-Boigny, les musulmans obtiennent un point
d’accord avec l’État. Cette toute première convention entre l’État et le leadership
musulman n’a été signée qu’en 1992 ne concernait toujours qu’un tout petit nombre
d’école et non toutes les écoles coraniques en générales. Cette situation défavorisa
les écoles d’enseignement coranique.
83
Observatoire International du Religieux, Réligion et politique en Côte d’Ivoire : un Demi-Siècle
d’Intimités ambivalentes, Note d’analyse n°9, CERI-GSRL, Septembre 2018, p 7.
84
Idem
70
facilement une seule personne capable d’aller expliquer l’islam
(…). Les hommes et les femmes.
Par ailleurs, les diplômes obtenues dans ces écoles d’enseignement n’étaient
reconnus par l’État. En effet, la non-reconnaissance de ces diplômes et en l’absence
d’enseignement technique ou professionnel appliqué, l’école islamique retrait une
impasse, produisant des marginaux et des déclassés sociaux. C’est dans cette veine
qu’en 1985, un journaliste réformiste de Fraternité Matin était au regret de
constater que la majorité des jeunes délinquant d’Abidjan étaient d’anciens élèves
des médersas. Ainsi, en 1991, Aboubacar Fofana notait aussi que ces élèves
Quittent l’islam parce qu’on leurs propose quelques sous ailleurs. (…). Ils
deviennent chrétiens, parce qu’en ayant fini ces études, pour manger, ils
n’ont rien, ils doivent se marier, ils n’ont pas une grande fonction, ils n’ont
pas une grande conviction et on leur propose des choses : qu’est-ce que
vous pensez ?
Dès lors, les parent d’élève étaient obligés bien qu’ils soient musulmans d’amener
leurs enfants vers les écoles chrétiennes pour la formation.
En effet, pour les chrétiens, l’église était une entité bien hiérarchisée et libre,
responsable et ne devrait en aucun cas marcher selon la volonté de l’État.
71
Pourtant Houphouët-Boigny dans le but d’assoir son pouvoir politique,
cherchait à par tous les moyens soumettre les religieux à sa politique de cooptation.
Cependant, certains dignitaires à l’image de Mon seigneur Bernard Yago, ont fait
preuve de résistance face à cette politique d’Houphouët.
72
Rivéra Golf dans le quartier huppé de Cocody. Des réflexions à propos du manque
d’équité quant à la répartition des investissements dans les deux religions majeures
étaient notées, mais de tels sentiments n’étaient pas exprimés ouvertement. Il était
clair que depuis longtemps la ville d’Abidjan, dotées d’infrastructures modernes, le
besoin impérieux d’une nouvelle Mosquée s’imposait.
73
La Visite du président Houphouët-Boigny au lancement de la mosquée de la
Riviera.
Source : DIOMANDE (Bourahima), La mosquée et ses enjeux en Côte d’Ivoire : De 1897 à
2012, Thèse unique de Doctorat en Histoire, Université de Bouaké, 2020p 181.
74
Suivant cette mouvance nous pouvons citer, la mosquée des Korhogo,
Gagnoa, et bien d’autres. Concernant la mosquée d’Odienné, c’est Balla Camara
qui fut le maitre d’œuvre. Le président à contribuer à hauteur de 70 millions à la
construction. En 1975 la mosquée fut inaugurée en présence du chef de l’État et
de son homologue libérien William Tolbert85.
DIOMANDE (Bourahima), La mosquée et ses enjeux en Côte d’Ivoire : De 1897 à 2012, Thèse
85
75
La mosquée d’Odienné
76
2. Les inclinations d’Houphouët face aux chrétiens
En dépit de tous les débats sur la question des réalisations des édifices
religieux, le président Houphouët-Boigny initia tout de même la campagne de
construction de ces édifices.
77
Jean-Paul II à l’occasion de sa première visite en Côte d’Ivoire 86. Il a également
consacré l’édifice achevé le 10 août 1985 lors d’une seconde visite dans le pays. Le
coût de la réalisation de cette œuvre architecturale est estimé à 6 milliards de francs
CFA87. Ladite Cathédrale est bâtie sur une superficie de deux hectares, sur l’ancien
de la préfecture et de l’ancienne prison88. L’architecte a reçu le prix « Europe
Architecture » pour cet édifice en 1982. C’est un bâtiment en forme triangulaire de
4200m2 et a une capacité d’accueil de 4500 places assises et 1500 places débouts.
La réalisation de cet édifice, fut le fruit d’une doléance de Mgr Bernard Yago en
vers Houphouët.
86
Homélie du Pape Jean-Paul II, le dimanche 11 mai 1980.
87
Marie Miran, Islam, histoire et modernité en Côte d’Ivoire, Paris, Édition Karthala, 2006, p 184.
88
Raymond Borremans, Le grand dictionnaire encyclopédique de la Côte d’Ivoire, Tome 2 : C-D-
E, Abidjan, NEA, 1988, P32.
78
La Cathédrale Saint Paul du Plateau.
79
Ensuite s’en est suivi le Sanctuaire Marial de Yopougon dont les travaux de
construction ont débuté en 1985 et pris fin en 1987. Ce sanctuaire fut construit pour
être le sanctuaire principal du pays. Ce sanctuaire est un centre de pèlerinage en
Côte d’Ivoire.
« Mais souffrez qu’en tant qu’homme, et non en tant que président, nous
faisons tout pour aider notre religion à nous, la religion catholique à se
développer90 ». Malgré la crise économique que traversait le pays, Houphouët
orchestra en outre trois visite du Pape Jean-Paul II en moins de dix ans, 1981, 1985
et 199091.
89
Article d’Isabelle Rannou, dans GEO, n°132, Février 1990, p 102.
90
Marie Miran, Islam, histoire et modernité en Côte d’Ivoire, Paris, Édition Karthala, 2006, p 184.
91
Idem, p 184.
80
Visite officielle du Pape Jean Paul II en Côte d’Ivoire à l’inauguration de la
Basilique notre Dame de la Paix de Yamoussoukro.
81
CHAPITRE II : LES RELIGIEUX À L’ÉRE DU MULTIPARTISME
Ce chapitre aborde deux aspects à cette étape de notre étude.
D’emblée, il aborde non seulement les éléments qui ont engendré le retour
du multipartisme en Côte d’Ivoire, mais aussi analyse la posture des religieux face
au multipartisme. Ensuite, il aborde, l’impact du multipartisme sur les différentes
communautés religieuses.
En effet, en Côte d’Ivoire, les trois premières décennies qui ont suivi
l’indépendance furent caractérisées par une stabilité politique garantie par une
gestion quasiment autocratique du pouvoir par Houphouët-Boigny et une prospérité
économique due à l’augmentation des coûts des matières premières sur le marché
international. Les richesses engendrées par les ventes des matières premières
servirent à financer les infrastructures (routes, hôpitaux et écoles…). Elles
permettaient à étouffer toutes les velléités contestataires d’une opposition. Ce
système fonctionne parfaitement jusqu’au début des années 80, lorsque le secteur
économique et financier commence à se dégrader sérieusement, dû à la chute des
coûts des matières premières sur le marché international et au renchérissement du
coût de dollar et du pétrole. Cette situation coïncide avec un endettement extérieur
en forte croissance entrainant des déficits budgétaires des déséquilibres de la
82
balance des paiements. La dégradation de l’environnement économique atteignit
son paroxysme en 1990 avec l’exploitation de la dette publique.
Ainsi, la démocratie devint la condition sine qua non pour bénéficier des
soutiens financiers extérieurs indispensables pour les pays en voie de développent.
Et pourtant, Houphouët-Boigny avait besoin des soutiens financiers extérieurs pour
le redressement de l’économie ivoirienne.
92
Les rigueurs du quatrième plan d’ajustement structurel sont doubles : réduire les prix au
producteur du café et du cacao et baisser les salaires de la fonction publique. Les prix au
producteurs furent réduits de moitié en septembre 1989 tandis que l’application de la seconde
mesure fut empêchée par la résistance² sociale.
83
comme le partage du pouvoir exécutif avec la nomination d’un premier ministre93
la création des syndicats indépendant et, dans la foulée d’organiser les premières
élections multipartites. De tout ce qui, il faut retenir que le retour au multipartisme,
s’est fait dans un contexte socio-politique et économique extrêmement difficile. La
chute du mur de Berlin, le discours de Boule, le mesures d’austérité du quatrième
plan, d’ajustement structurel exigées par le FMI et la Banque mondiale, la
conjoncture économique et les nombreuses revendications sociales, économiques
et politique poussèrent Houphouët-Boigny à réinstaurer le multipartisme déjà prévu
par la constitution de novembre 1960 en son article 7. Cependant, quelle fut la
posture des religieux face au retour du multipartisme ?
93
Ce poste fut créé à la suite de la réforme constitutionnelle de novembre 1990. Alassane Ouattara
fut le premier à être nommé à ce poste.
84
dans ses lettres postales, pour un ordre garantissant la justice et la liberté du
citoyen94 ». Pour cela, Mgr Yago fut menacé d’expulsion par l’État.
94
MARIE MIRAN, Op. Cit.p. 431
95
Idem, p. 431.
96
Fraternité Matin, n°9131, Lundi 27 mars 1995, p. 13
97
Idem
85
février 199098. Lors des manifestions, un groupe de jeune s’était réfugié dans
l’enceinte de la Cathédrale St Paul du Plateau pour échapper aux forces de l’ordre.
Mais les musulmans participèrent à titre individuel aux grèves, aux manifestations
et aux autres activités politiques aux cotés des hommes politiques.
98
OUATTARA DJARIDJA (Aboubakar), Op.cit, p37.
99
Marie MIRAN, Op ; Cit p. 376
86
COSIM est (…) non tribaliste, non raciste. (…) il ne se réclame d’aucune école
juridique ou secte de l’islam100 » il fut successivement dirigé par l’Iamm Matttié
Diakité de la mosquée Dioula de Treichville, ensuite l’Imam Affou Sanogo de la
mosquée Centrale d’Adjamé, puis Anzoumana Konaté enfin Aboubacar Fofana de
la mosquée d’Agbien101. Le COSIM devient le grand moral de la communauté
musulmane de la Côte d’Ivoire. En plus de sa mission religieuse, le COSIM se
réserve le droit d’exprimer son point de vue sur les évènements touchant aux
intérêts des musulmans et aux intérêts des musulmans. De ce fait, le COSIM
s’impliqua dans les débats politiques en tenant compte des intérêts des musulmans.
Il exhorta les musulmans de Côte d’Ivoire à prendre une part active dans le
développement économique, social et politique sur toute l’entendue du territoire
national.
100
Idem
101
Ibidem
102
OUATTARA DJARIDJA (Aboubakar). Op.cit.23.
87
Le 28 décembre, à l’issue d’une élection faite par consensus et non en
conformité avec les statuts de l’association Diaby Moustapha dit Diaby Koweït
arriva à la tête du CSI pour un mandat de cinq (5) ans provoquant une indignation
dans le camp des réformistes. Au cours d’une réunion convoquée le 8 aout 1992 et
boudé par le président Diaby Moustapha, certains membres103 de son bureau
l’accusèrent « d’indiscipline, d’incompétence, d’impopulaire et de moralité
douteuse104 » et tentèrent de le démettre de ses fonctions. Par la même occasion le
premier vice-président, Bakary Chérif a été chargé, pour une période transitoire de
trois mois (3), de prendre contact avec les autres associations et sensibilité pour
former un comité de réflexion qui conduira sous sa direction à une assemblé
générale afin d’élire un nouveau président105 ». Le lendemain de cette décision,
Diaby Moustapha riposte :
103
Laman BAKAYOKO, « Conseil Supérieurs Islamique : DIABY Moustapha révoqué ? », in
Fraternité Matin, n°8378, jeudi 10 septembre 1992, p. 2
104
Idem
105
Ibidem, p. 2
106
Ibidem
88
refusa d’annuler cette élection et répétant que le pouvoir n’avait pas à se mêler des
affaires intérieures d’un groupe religieux. En réalité, le pouvoir était favorable à
Moustapha Diaby. C’est dans ce contexte que ses détracteurs du CSI décidèrent de
créer le CNI.
89
Source : Fraternité Matin, jeudi 10 septembre 1992, p 2.
90
en une simple réunion. En effet, à la veille de l’assemblée générale consécutive, le
Ministre de l’intérieur aurait appelé pour demander la suspension de la séance sans
explication. Et pourtant, de nombreux fidèles venus des quatre coins du pays étaient
déjà sur place. C’est ainsi que, les organisateurs se replièrent à Adjamé en sollicitant
l’autorisation de tenir une simple réunion avec les imams pour faire part de la
situation. C’est dans ce contexte que les policiers et les faux loubards ont fait
l’irruption pour interrompe la cérémonie par l’usage de la force en usant des gaz
lacrymogènes. La date de l’assemblée constitutive « fut transformée en une journée
de douleur, d’humiliation et de larmes contenues107 ».
A la question de savoir les stratégies utilisées par les imams pour convaincre
les autorités à autoriser la création de l’association, Mamadou Dosso répond :
« Nous sommes montés au sommet. Sur la proposition du ministre Balla Keita, le
président Houphouët nous a reçus. Et lorsqu’on lui a présenté celui qui devrait
diriger la future association, il n’avait pas à craindre » c’est au cours de cette
rencontre que le président Houphouët donne son accord aux réformistes pour la
création de l’association. L’assemblée générale consécutive se tint finalement le 9
janvier 1993, en présence de Léon Konan Koffi, ministre de la défense représentant
le président de la république. Aussi El Hadj Idriss Koné fut-il élu et intronisé
comme le président du CNI.
107
Ladji SIDIBE, « Conseil National Islamique : El Hadj Drissa, Nouveau président », in
Fraternité Matin, n°8478, 11 janvier 1993, p. 4
91
En effet, les communautés musulmanes étaient en quête perpétuelle d’une
identité et un place importante quant à la vie politico-religieuse de la Côte D’Ivoire.
S’agissant des chrétiens, ceux-ci étaient bien hiérarchisés et bien en place depuis la
période précoloniale et a émergé dans la période postcoloniale. La lutte des leaders
chrétiens à l’image de Mgr Bernard Yago était le respect de la laïcité et le respect
de la liberté d’expression à leur égard. La question du respect de la laïcité et la
liberté d’expression étaient le point commun de la lutte des leaders musulmans et
des leaders chrétiens. En dépit de ces aspects, les musulmans, eux étaient en quête
d’une position stable, chose qui ne fut pas le cas chez les chrétiens. Le retour de la
démocratie en Côte d’Ivoire engendré une certaine autonomie chez les religieux qui
eux étaient mis hors des certaines questions socio-politiques. Les chrétiens
bénéficièrent à un degré moindre d’une liberté d’expression. Ayant constaté alors,
qu’après le retour de la démocratie, que « la rupture du consensus national », n’a
pas pour autant mis fin aux réflexes du parti unique, cas le PDCI reste le parti
dominant et un parti dominateur a créé des tumultes avec les manifestations de
l’opposition a fait un communiqué pour désapprouver cela. En guise d’illustration,
deux dates majeurs restent à retenir. Il s’agit notamment de la date 1991 et celui de
18 février 1992 qui a vu l’arrestation de certains opposants comme le secrétaire
général de FPI, Laurent Gbagbo et son épouse Simone Gbagbo.
92
CONCLUSION
93
La problématique qui fut le fil conducteur de cette étude visait à mettre en
exergue le déroulement de la politique religieuse en Côte d’Ivoire jusqu’à la mort
d’Houphouët-Boigny en 1993. De cette problématique, il convient de retenir que la
politique religieuse d’Houphouët-Boigny s’est présentée sous plusieurs formes.
Notamment, la politique clientéliste, de cooptation, et d’exploitation de la fibre
religieuse. Il convient de noter également que Houphouët dans sa gestion des
affaires de l’Etat a réussi a tissé des relations affables avec les religieux. En effet,
ce système appliqué par Houphouët-Boigny avait pour but de confiner les religieux
des affaires purement politique et assoir véritablement son pouvoir. Cette politique
religieuse consistait à utiliser les personnes clés qui constituent des pions à son jeu
de patronage politique.
En effet, cet acte avait une position ambivalente, celle d’exprimer l’attachement
du chef d’Etat aux dites communautés religieuses mais aussi de les surveiller. Ainsi,
la communauté musulmane était représentée par Mamadou Coulibaly, qui fut ami
au président Houphouët-Boigny et leur amitié remonte suite à la guérison de
l’épouse du chef de l’État par ce dernier alors que les médecins l’avaient déclaré
incurable. Bien qu’il ne fasse pas l’unanimité en occupant ce poste car pour les
musulmans, cette nomination s’est faite sous base de copinage. Au regard des
musulmans, cette nomination de Mamadou Coulibaly, s’est faite sur la base
politique et non religieuse. Le président en dépit de ce poste fera de lui un membre
influent de son sérail en le nommant conseiller du RDA. Il occupa également
d’autres postes très importants. De surcroit, dans cercle du président, il avait El
Hadj Mamadou poto Coulibaly, garde des sceaux, Ministre de la Justice et membre
du bureau du PDCI, qui fut lui aussi un trait-d ’union entre la communauté
musulmane et le régime politique d’Houphouët-Boigny.
S’agissant des chrétiens, le regard du président s’est porté plus sur les nombreux
cadres sortis des écoles missionnaires, ex- animateur des organes de presses
chrétiennes et anciens membres du corps syndicaliste qui fut des membres influents
des étudiants catholiques vivants en Europe. Les plus célèbres cadres et
compagnons de lutte de Félix Houphouët-Boigny issus de l’ordre religieux
94
catholique ont été Philippe Yacé, nommé Secrétaire Général du PDCI puis
Président de l’Assemblée Nationale, Jean Baptiste Mokey et Mathieu Ekra
Sécrétaire d’Etat au affaire Sociale puis Ministre de l’intérieur.
Quant aux chrétiens, Houphouët consultait très souvent Mgr Bernard Yago et
Papa Nouveau de son vrai nom Dagri Najva. Il avait des relations scellées avec
Bernard Yago dans les années 60. Il aurait pu être ce qu’a été Mamadou Coulibaly
pour les musulmans. Mais, au fil des temps ses relations avec Houphouët-Boigny
ont basculé. Ces heurts ont commencé par les dénonciations de la politique de fer
du régime et les faux complots qui ont engendrés la mort d’Ernest Boka en 1963.
Quant à Papa Nouveau, ce dernier fut un ami de longue date avec qui le
président a noué des relations scellées. Papa Nouveau avait tenu des propos
prémonitoires à l’égard du président concernant son autorité.
Au regard de tout ce qui précède, force est de constaté que le président dans la
manifestation de sa politique religieuse contribuait financièrement dans les affaires
des religieux bien que nous soyons dans un État laïc. Il subventionnait les activités
95
et mouvements religieux (islamiques et chrétiens). Pour les musulmans, il
contribuait à l’organisation du hadj et prenait certains pèlerins en charge. Au niveau
des chrétiens, malgré ses relations délicates avec le Cardinal il réussit tout de même
à nouer des relations avec ceux-ci. Pendant les fêtes de fin d’années, de pèlerinage
et aussi des activités, il leur apportait son soutien. Nous pouvons citer à cet effet,
les évènements du 18 octobre 1973 et 1975. Ces différentes dates marquent des
journées annuelles de prières. À cela s’ajoute aussi les fêtes de Pâque, Assomption,
Toussaint auxquelles il participait.
En outre du côté des chrétiens, l’on observe une contestation de la part de Mgr
Bernard Yago contre certains abus émanant du pouvoir. Nous pouvons citer entre
autre l’arrestation des membres du FPI en 1992 au cours d’une marche visant à
montrer leurs mécontentements contre l’État. Ce mécontentement était dû au fait
que, même étant dans le multipartisme, l’on constatait toujours une mainmise de
l’État sur la vie politique. Le point commun de cette relation conflictuelle entre
96
Houphouët et les religieux était basé essentiellement sur le non-respect de la laïcité
en Côte d’Ivoire.
97
ANNEXES
Annexe n°1
Déclaration sur collette des fonds pour le financement des constructions des édifices
religieux.
98
LISTE DES PHOTOS
99
PHOTO 1 : la carte de la Côte d’Ivoire indiquant l’itinéraire de pénétration des
peuples Ligbi et Numu, dans le Nord du pays.
100
Table des matières
DÉDICACE ....................................................................................................................... 1
REMERCIEMENTS ........................................................................................................ 2
INTRODUCTION............................................................................................................. 6
I-JUSTIFICATION ET INTERET DU SUJET ......................................................... 7
1-Motivation .............................................................................................................. 7
2-Intérêt du sujet ....................................................................................................... 9
II-Définition du sujet ................................................................................................ 9
1-Definition des thèmes du sujet .............................................................................. 9
2- Le cadre géographique ....................................................................................... 10
3- Les bornes chronologiques ................................................................................. 13
III – ÉTAT DE LA QUESTION ................................................................................ 14
IV-PROBLÉMATIQUE ............................................................................................. 17
1-Les objectifs de l’étude ........................................................................................ 19
A- Objectif général .................................................................................................. 19
B- Objectifs spécifiques .......................................................................................... 19
V- APPROCHE MÉTHODOLOGIE........................................................................ 20
VI-ANNONCE DU PLAN .......................................................................................... 24
PREMIÈRE PARTIE I : ................................................................................................ 26
POLITIQUE D’ESPIONNAGE ET DE COOPTATION D’HOUPHOUËT-
BOIGNY À L’ÉGARD DES RELIGIEUX (1960-1970).............................................. 26
CHAPITREI : LE RÔLE DES CADRES ET LEADERS RELIGIEUX DANS LA
VIE POLITIQUE EN CÔTE D’IVOIRE DÈS 1960 ............................................... 27
I-LA NOMINATION DES CADRES RELIGIEUX DANS LES INSTANCES
GOUVERNEMENTALES ET AUX POSTES DE RESPONSABILITÉS ............ 27
1. La Nomination des cadres musulmans.............................................................. 28
2. Nomination des cadres chrétiens ....................................................................... 29
II-LES GUIDES RELIGIEUX COMMES COMPAGNONS POLITIQUES ET
CONSEILLERS RELIGIEUX D’HOUPHPOET-BOIGNY .................................. 31
1. Les compagnons politiques et conseillers musulmans d’Houphouët-Boigny 31
2. les compagnons politiques et conseillers chrétiens d’Houphouët-Boigny ...... 33
CHAPITRE II : CONTRIBUTION FINANCIÈRE D’HOUPHOUËT DANS LES
AFFAIRES RELIGIEUSES ...................................................................................... 37
I-LA SUBVENTION DES MOUVEMENTS RELIGIEUX .................................... 37
101
1. Subvention des mouvements islamiques ........................................................... 37
2. Subvention des mouvements chrétiens .............................................................. 38
II-LE LANCEMENT DES PREMIERS ÉDIFICES RELIGIEUX PAR
HOUPHOUËT-BOIGNY ........................................................................................... 39
1. Les premiers édifices islamiques ........................................................................ 39
2. Les premiers édifices chrétiens .......................................................................... 43
DEUXIEME PARTIE : .................................................................................................. 45
LE RAPPROCHEMENT ENTRE HOUPHOUËT-BOIGNY ET LES RELIGIEUX :
FACTEUR D’EXPLOITATION DE LA FIBRE RELIGIEUSE : 1970-1980 .......... 45
CHAPITRE I : LE RÔLE DES MOSQUEES ET DES EGLISES DANS LA
POLITIQUE RELIGIEUSE D’HOUPHOUET-BOIGNY ..................................... 46
I-MOSQUÉES ET EGLISES : LIEUX DE SUBORDINATION POLITIQUE ... 46
1. Présence des hommes politiques dans les mosquées ........................................ 46
2. Présence des hommes politiques dans les Eglises ............................................. 48
II- MOSQUÉES ET ÉGLISES LIEUX DE SOUTIEN DES ACTIONS
POLITIQUES.............................................................................................................. 49
1. Mosquées.............................................................................................................. 49
2. Eglises ................................................................................................................... 52
CHAPITRE II : POLITIQUE DE LARGESSE, DE MANIPULATION ET DE
PARTIALITÉ D’HOUPHOUËT-BOIGNY VIS-À-VIS DES ASSOCIATIONS ET
ACTIONS RELIGIEUSES ........................................................................................ 57
I-LES ASSOCIATIONS RELIGIEUSES OFFICIEUSES ET OFFICIELLES ... 57
1. les associations islamiques officieuses ............................................................... 57
2. Associations et actions religieuses officielles ..................................................... 59
II-LE REGARD D’HOUPHOUET-BOIGNY VIS-À-VIS DES ASSOCIATIONS
RELIGIEUSES ........................................................................................................... 61
1- Politique de manipulation des associations islamiques ................................... 61
2. Le regard d’Houphouët sur les associations chrétiennes ................................ 64
CHAPITRE I : LES ATTITUDES DES RELIGIEUX FACE AUX ABUS DU
POUVOIR POLITIQUE D’HOUPHOUET-BOIGNY ........................................... 66
I-LES MANIFESTATIONS RELIGIEUSE : LES ORIGINES DIVERSES ........ 66
1.Les manifestations musulmane ........................................................................... 66
2. Les manifestations chrétiennes .......................................................................... 71
II-INCLINATIONS D’HOUPHOUET-BOIGNY FACE À CES
PROTESTATIONS..................................................................................................... 72
2. Les inclinations d’Houphouët face aux chrétiens ............................................. 77
102
CHAPITRE II : LES RELIGIEUX À L’ÉRE DU MULTIPARTISME ............... 82
I-LE RETOUR DU MULTIPARTISME .................................................................. 82
1.Le contexte du retour du multipartisme ............................................................ 82
2. La posture de religieux face au multipartisme ................................................. 84
II-LES RETOMBÉES DU MULTIPARTISME SUR LES COMMUNAUTÉS
RELIGIEUSES ........................................................................................................... 86
1.Les retombées du multipartisme sur les musulmans ........................................ 86
2. Les retombées du multipartisme sur les chrétiens ........................................... 91
CONCLUSION ............................................................................................................... 93
ANNEXES ....................................................................................................................... 98
103