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Marcel Proust (1871-1922)

Proust est né à Auteuil. Il était fils d'un professeur de la faculté de médecine et d'une femme
cultivée et sensible, issue d'une famille de financiers juifs. À cause des privations endurées par sa
mère, il avait une santé délicate, torturé par l'insomnie et par des crises d'asthme nerveuse, qui
l'empêchaient de se consacrer à une profession. En le condamnant à des périodes de réclusion et
d'isolement, cette maladie favorise sa vocation d'écrivain. Il commence à fréquenter les salons de
la haute bourgeoisie et à publier des vers, des récits et des articles.
Ses débuts se placent sous le signe de la mondanité : un premier volume de récits, Les Plaisirs et
les Jours, en édition illustrée et luxueuse, obtient de succès. Puis il commence à rédiger un roman
de grande envergure qu'il n'achèvera pas, Jean Santeuil, une sorte d'autobiographie : Jean mène
une vie mondaine intense, se bat en faveur de la révision du procès Dreyfus, s'attriste en voyant
vieillir ses parents. L'échec de cet ouvrage conduit l'écrivain à se consacrer pout quatre ans à la
traduction des essais de John Ruskin, spécialiste anglais de l'art médiéval et théoricien de la «
religion de la beauté ».
La mort de ses parents, son père en 1903 et sa mère deux ans plus tard, le fait sombrer dans le
désespoir qui lui conduit à interdire toute activité littéraire. Il renaît lentement et rédige des
articles ou des pastiches, de spirituelles imitations dans le style des grands écrivains. Proust
entreprend, en 1908, un vaste projet romanesque qui deviendra À la recherche du temps perdu,
qui provient de son expérience personnelle, de ses images et de ses souvenirs. L'écrivain y
transpose l'un des épisodes les plus marquants de son existence : son amour pour Alfred
Agostinelli (auquel s'inspire le personnage d'Albertine) chauffeur et secrétaire qui s'éloigne de lui
pour fuir un attachement excessif ; devenu aviateur, il meurt en 1914.
Après plusieurs tentatives qui échouent, Proust parvient à faire publier le premier tome, Du côté
de chez Swann, en 1913. À la lecture du romane, Gide décide de le publier sur sa revue.
Avec À l'ombre des jeunes filles en fleurs, il reçoit le prix Goncourt en 1919 et devient célébré dans
le monde entier. Jusqu'à sa mort, il enrichi l’œuvre dont les trois derniers tomes connaîtront une
publication posthume.

À l'origine de la Recherche
À la fin du 1908, il commence la rédaction d'un essai Contre Sainte-Beuve, un critique duquel il
attaque la méthode, qui analysait la littérature en fonction de la biographie des auteurs. Selon
Proust, cette méthode méconnaît ce qu'une fréquentation avec nous-mêmes nous apprend parce
qu'un livre est le produit d'un autre moi, diffèrent de celui qui se manifeste dans les habitudes, la
société, les vices. Cet « autre moi » est le moi profond, que l'on oublie et qui, sous la conscience,
est le gardien du passé personnel. En exposant ses idées sur le moi profond et sur les lois de la
mémoire, l'écrivain perd de vue Sainte-Beuve avec les réflexions qu'il note dans ses cahiers des
épisodes romanesques. C'est ainsi que naît Les Intermittences du cœur, divisé en Le Temps perdu
et Le Temps retrouvé, qui se transformera en sept romans : Du côté de chez Swann (Combray, Un
amour de Swann, Nom de pays) ; À l'ombre des jeunes filles en fleurs (Autour de Mme Swann,
Noms de pays : le pays) ; Le Côté de Guermantes I et II ; Sodome et Gomorrhe I et II ; La
Prisonnière ; Albertine disparue ; Le Temps retrouvé.

Du côté de chez Swann


Un narrateur adulte évoque ses nuits entrecoupées par l'insomnie : il se réveille brusquement, se
croit dans une chambre où il a jadis habité et revoit Combray, la petite ville où il passait les étés,
dans la crainte que sa mère ne vienne pas lui souhaiter bonne nuit. Ses visions nocturnes sont puis
remplacées par une résurrection : la saveur d'une madeleine qui fait affleurer de détails oubliés de
Combray. Ici, le narrateur a connu ses premières émotions, il s'est senti troublé par des femmes :
la duchesse de Guermantes, fascinante et inaccessible, et une fillette, Gilberte, fille de Charles
Swann, deux mondes inconciliables pour le narrateur.
Un amour de Swann est une digression où est évoquée une histoire d'amour qui a précédé la
naissance du narrateur de dix ans.
Swann, avec ses bonnes manières et sa culture, est introduit dans les milieux de l'aristocratie, mais
ses amis Guermantes n’a pas accepté son mariage avec une ancienne demi-mondaine, Odette.
Swann est d'abord indifférent à la beauté de cette jeune fille. Il finit toutefois par la vénérer et en
devenir jaloux. Un cas typique dans la psychologie proustienne : le désir n'est tel que lorsqu'il est
irréalisable.

Les autres romans


 À l'ombre des jeunes filles en fleurs - Le narrateur aime Gilberte sans retour. En vacances à
Balbec, il connait le jeune Robert de Saint-Loup, qui deviendra son meilleur ami, son oncle le
baron de Charlus, énigmatique, orgueilleux et méprisant, et Albertine, dont il s'éprend.
 Le Côté de Guermantes - De retour à Paris, le narrateur se rend compte que cette noble
famille qui l'a fasciné ressemble aux riches bourgeois de son temps.
 Sodome et Gomorrhe - Au cours de son apprentissage mondain, le narrateur comprend que
nul n'est tel qu'il paraît et que la société semble dominée par l'homosexualité, masculine et
féminine.
 La Prisonnière - Marcel profite de l’absence de ses parents pour cohabiter avec Albertine. Il
comprend qu'il n'existe pas de bonheur dans l'assouvissement. La jeune fille perd son charme
et sa présence lui procure plus d'ennui que de plaisir. Donc un matin elle prend la fuite en lui
lassante une lettre d'adieu.
 Albertine disparue - L'angoisse de la séparation transforme l’amour en torture. Lorsque la
jeune fille meurt en tombant de cheval, la souffrance de Marcel atteignit leur paroxysme.
L'oubli vient et il constate que la société a changé : le monde de Swann et des Guermantes se
sont confondu. La disparition de certitude lui amène à méditer sur l'inutilité de l'existence et
l'importance de l'expérience artistique.
 Le Temps retrouvé - Déçu par la mondanité et par l'amour, Marcel passe des années dans une
maison de santé. Il revient à Paris pendant la Première Guerre mondiale et trouve une ville
destinée à l'apocalypse, qui cache une promesse d'immortalité: il bute sur un pavé mal équarri
et éprouve une sensation identique à celle qu'il a ressentie dans le baptistère de Venise; sa
mémoire lui transmet une image de la ville italienne : par le hasard, la mémoire involontaire a
ressuscité le passé. Le narrateur pourra fixer ce dernier dans une œuvre littéraire et défier les
ravages du temps.

Les mots-clés de la Recherche


Le temps est le sujet fondamental du récit proustien. Le thème du souvenir y est intimement
associé. Il fait une différence entre mémoire volontaire et involontaire. Celle volontaire, suscitée
par l'intelligence, est limitée et incapable de faire remonter un souvenir à la surface et l'amène à
ne pas se souvenir de son enfance.
La mémoire involontaire permet de récupérer un passé qui serait perdu à jamais. Elle est liée aux
sensations, qui résistent au passage du temps car elles sont enfouies dans le moi profond. Elle agit
en rapprochant deux moments différents et analogues : une sensation du présent en restitue une
autre du passé.
La Recherche est faite de cycles, de réminiscences, d'allers-retours entre le présent, le passé et le
futur, mais c'est aussi une chronique des transformations de la société française. Proust scrute en
psychologue les usages et les tics des milieux qu'il connaît depuis son enfance avec cruauté et
ironie. C'est l'univers que la mémoire involontaire a soustrait à l'emprise du temps, un tyran que
seule l'œuvre d'art peut contrecarrer.

Une écriture... recherchée


Le travail, tortueux et fragmentaire, de la mémoire trouve place dans l'architecture sophistiquée
de la Recherche : l'intrigue n'est pas linéaire, s'occupe rarement des événements concrets,
préférant la description (par associations d'idées) et l'analyse de sensations liées aux objets ; les
phrases sont longues et complexes; on a juxtapositions, divagations, les parenthèses et les incises
et les propositions subordonnées s'accumulent pour traduire le parcours sinueux des souvenirs.

Le besoin d'art
Les premiers lecteurs de Proust ont été ébahis par une œuvre sans unité, basée sur
l'impressionnisme d'un narrateur qui reproduit la subjectivité d'un regard. Si les épisodes
semblent s'accumuler sans cohérence et la psychologie des personnages est immuable, l'unité de
l'oeuvre est assurée par le narrateur-voyeur, dont le parcours est suivi jusqu'à la découverte du
"temps retrouvé".
Ce rejet du réalisme objectif repose sur une conception de l'art comme seul moyen capable de
donner une image globale de la vérité. L'art devient fondamental pour rétablir la cohésion entre
ce que le temps et l'espace ont divisé. La Recherche est la reconstruction d'un passé par l'écriture,
grâce à un réseau de signes et de correspondances linguistiques ; l'analogie est d'ailleurs la figure
rhétorique par excellence. En épousant la pensée du narrateur, le lecteur pourra retrouver tous les
fils qui composent l'intrigue et (re)constituer le puzzle de la "vraie vie".

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