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Label de l’année !

Les 12 Chocs de 2021

HMM 902647 HMM 902666 HMM 902329 HMM 902652

HMM 902350.51 HMM 905332.33 HAF 8905309.10 HMM 902362

HMX 29040007.15 HMM 902344.46 HAF 8905292 HMM 902674.75

DISPONIBLE SUR FNAC.COM ET DANS TOUS LES MAGASINS FNAC


CLASSICA
est édité par
les Éditions Premières Loges
SARL au capital de 34 600 euros
ÉDITO
Représentées par
Frédéric Mériot, Gérant.

N° 237
NOVEMBRE
2021
Associé Unique : Humensis, SA
dont le siège social est sis
170 bis, boulevard
du Montparnasse, 75014 Paris
www.humensis.com
Adresse de la rédaction :
Premières Loges / Classica,
6, villa de Lourcine, 75014 Paris
Directeur de la publication

Un peu de Tennessee
Frédéric Mériot
Directeur de la rédaction
Jérémie Rousseau
jeremie.rousseau@editions-
premieresloges.com
Chef de rubrique disques et hi-fi
Philippe Venturini
trange résonance. d’une musique qui jamais ne

É
philippe.venturini@editions-
premieresloges.com À l’heure où nous ou- laisse l’auditeur en chemin, mé-
Éditorialistes
Christophe Capacci, Alain Duault, vrons nos colonnes lodieuse sans être complaisante,
Benoît Duteurtre, Stéphane Grant, au compositeur new- pimentée et personnelle en dé-
Jean-Charles Hoffelé, Alain Lompech,
Éric-Emmanuel Schmitt
yorkais John Coriglia- pit de ses emprunts à Puccini
Grand reporter no, et où, main dans la main, et Barber, et surtout authenti-
Olivier Bellamy Jean Echenoz et Philippe Her- quement américaine, avec son
Directrice artistique
Isabelle Gelbwachs sant emmènent les héros de patois du Tennessee, son folklore
isabelle.gelbwachs@editions- leur nouvel opéra sur les terres entêtant et ses hymnes religieux.
premieresloges.com
Secrétaires de rédaction américaines, vient de s’éteindre, Sans doute est-ce cette filiation
Camille Loiseau, Sébastien Cordin en Floride, un créateur dont le trouble qui tint Susannah loin de
Service photo
Cyrille Derouineau rayonnement aux États-Unis est nos scènes hexagonales – même
cyrille.derouineau@editions- à peu près proportionnel à l’oubli dans lequel il si Nantes l’accueillit dans les années 1990,
premieresloges.com
fut maintenu de notre côté de l’Atlantique. Car quand Kent Nagano l’enregistrait au même mo-
Ont collaboré à ce numéro qui connaît vraiment Carlisle Floyd ? Décédé ment à Lyon. Ne serait-ce pas aussi qu’un opéra
Jérémie Bigorie, Louis Bilodeau,
Nicolas Boiffin, Jacques Bonnaure,
le 30 septembre à l’âge de 95 ans, l’homme à succès entrecoupé d’airs a toujours paru sus-
Vincent Borel, Fabienne Bouvet, Olivier détient pourtant un record : avec près de pect ? Certes, l’époque où Paul Dukas se pinçait
Brunel, Jérémie Cahen, Cécile Chéraqui, 1 000 représentations et 200 productions, sa le nez devant Tosca – une « musique de café
Marina Chiche, Damien Colas, Laure
Dautriche, Thomas Deschamps, Pierre Susannah, créée par des étudiants en 1955, est que n’importe qui aurait pu écrire » – est loin-
Flinois, Éric Garault, Séverine Garnier, devenue l’opéra américain le plus joué après taine. Celle de La Mort de Klinghoffer de John
Romaric Gergorin, Aude Giger, Pascal
Gresset, Jean-Pierre Jackson, Melissa Porgy and Bess de Gershwin ; la sublime Renée Adams l’est moins, où l’on fustigeait encore en
Khong, Stéphanie Lacombe, Michel Fleming le porta jusque sur la scène du Metro- 1992 le « degré zéro de la musique, une sorte
Le Naour, Sarah Léon, Baptiste Liger,
Franck Mallet, Jules Matton, Jérôme politan Opera et Samuel Ramey fit son cheval de produit typiquement américain, comme le
Medelli, Yannick Millon, Coline Oddon, de bataille du révérend Olin Blitch. C’est que, Coca-Cola, Disneyland et le nouvel ordre inter-
Philippe Ramin, Dominique Simonnet,
Natacha Valla, Marc Vignal
d’emblée, Susannah eut l’art de ne pas fâcher national ». Alors qui sait si, au moment où le
le public américain avec l’opéra de son temps, nouveau directeur musical de l’Opéra de Paris,
Publicité et développement
commercial à une époque où, en Europe, la longue idylle Gustavo Dudamel, fait jouer pour la première
Isabelle Marnier : 01 55 42 84 15 tendait à s’assombrir. Achevé en quelques mois fois de son histoire la musique de John Adams
isabelle.marnier@editions-
premieresloges.com
par un musicien de 28 ans, fils de pasteur, ce à sa phalange (mieux vaut tard que jamais), ces
Marketing et diffusion drame puissant tiré du Livre de Daniel brosse opéras décomplexés venus des États-Unis ne
Armelle Behelo : 01 55 42 84 00 une histoire de péché que Floyd fit résonner viendraient pas salutairement rafraîchir notre
armelle.behelo@editions-
premieresloges.com avec le maccarthysme ambiant, en l’habillant bon vieux répertoire ? X Jérémie Rousseau
Service abonnements
45, avenue du Général-Leclerc
60643 Chantilly Cedex
Tél. : 01 55 56 70 78
Courriel : abonnements@classica.fr
Tarif d’abonnement
1 an, 10 numéros : 49,90 u
Vente au numéro
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Diffusion : MLP

Prépresse et impression
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Imprimé en France
Dépôt légal à parution
N° de commission paritaire :
1125 K 78228 Retrouvez votre magazine Classica sur tablettes et smartphones. L’application Classica est disponible sur App Store
N° ISSN : 1966-7892 Photos de couverture : Jean-Baptiste Millot, Universal Music, Marco Borelli, François Berthier, William Beaucardet, Veikko Kähkönen,
Astrid di Crollalanza. Illustrations des portraits de Jérémie Rousseau et des éditorialistes : Dominic Bugatto
Ce numéro comporte un encart de deux pages recto/verso LES BLEUES/G. Henle Verlag posé en 4e de couverture
sur la totalité des abonnés de France Métropolitaine et de la distribution en kiosques.

CLASSICA / Novembre 2021 Q 3


SOMMAIRE

34

10
40 84

62 80
QL’ACTUALITÉ QLE MAGAZINE
03 Éditorial 40 En couverture : Les CHOCS de l’année
07 Arrêt sur image 50 Le questionnaire Bellamy : Carole Bouquet
Pluie noire 52 Compositeur : Josquin Desprez
09 La petite musique 58 Reportage : Le Quatuor Hanson en plein enregistrement
d’Éric-Emmanuel Schmitt 62 Entretien : John Corigliano face à ses Fantômes
L’univers des voix 68 L’écoute en aveugle : La Symphonie n° 2 de Brahms
10 Planète musique 72 Dossier : Les femmes violonistes au début du XXe siècle
Rencontre avec Philippe Hersant et Jean 78 Le coup de gueule d’Alain Lompech
Echenoz, Haïm et Spinosi ont 20 et 30 ans… J’adore « La Tribune des critiques de disques »
24 Les Introuvables de Classica 80 L’univers d’un musicien : Sol Gabetta
Magda László, une voix troublante et

27
singulière, chante Vivaldi, Caldara, Mozart…
L’humeur d’Alain Duault QLE GUIDE
Le danger radical 84 Les CHOCS du mois
28 Sortir 94 Les disques du mois
Alcina au palais Garnier à Paris, Maria João 118 Les DVD du mois
Pires à Lyon, Wozzeck à Toulouse… 120 Le jazz
33 À voix haute 122 Hi-fi
La chronique de Benoît Duteurtre 130 Jeux
34 On a vu
La Reine des neiges d’Abrahamsen
à Strasbourg, Œdipe d’Enesco à Bastille…

CLASSICA / Novembre 2021 Q 5


ARRÊT SUR
IMAGE

LES BOOKMAKERS/LA RABBIA


PLUIE NOIRE
e 6 août 1945 : la date apparaît dès les premières images. objets sont projetés dans un fracas infernal, jusqu’à l’apparition

L La jeune Yasuko descend d’un camion pour rejoindre son


oncle à la campagne. Dans un ciel pur, se détache un objet
flanqué d’un parachute. Cérémonie du thé, départ vers l’usine
dans le lointain du champignon atomique qui grossit, et c’est
la nuit en plein jour, chargée d’une pluie noire sur un trémolo
des violons. Tourné en noir et blanc en 1989 pour mieux évo-
et cohue dans la gare où l’horloge affiche un peu plus de 8 h 10, quer la blancheur immaculée de l’irradiation, Pluie noire ra-
tandis qu’un chien affolé court le long des maisons. Trois mi- conte le quotidien de villageois après la catastrophe : le trau-
nutes plus tard, c’est le souffle terrible de la première bombe matisme, la souffrance et la mort prématurée de ces « malades
d’Hiroshima. Sur un mouvement strident de cordes en lévita- de l’atome » à la fois victimes et reclus, et qui furent dans un
tion – on songe autant à l’orchestre de Vertigo de Hitchcock premier temps ostracisés par les autorités. X
qu’à celui de Ne vous retournez pas de Roeg –, les êtres et les Franck Mallet

RÉALISATEUR COMPOSITEUR
SHÔHEI IMAMURA TÔRU TAKEMITSU
O Remarqué grâce à son singulier O À n’en pas douter le plus célèbre
La Femme insecte, en 1963, l’ancien des compositeurs japonais,
assistant d’Ozu, Imamura (1926- Takemitsu (1930-1996) n’aura
2006), tranche avec un style violent et composé – en parallèle à une œuvre
sans concessions – qui le rattache à destinée au concert –, sauf erreur,
un renouveau du cinéma japonais, qu’une seule partition pour le
confirmé par les non moins provocants cinéma d’Imamura, celle de
films qui suivent : Désir meurtrier, Le Pluie noire, en regard de celles,
Pornographe… Six ans après sa Ballade nombreuses, destinées entre autres
de Narayama, Palme d’or à Cannes en à Ôshima, Nakamura, Shinoda, Onchi
1983, Pluie noire, d’après le roman de et surtout ses fidèles Kobayashi,
SDP

SDP

Masuji Ibuse, traite un sujet tabou. Teshigahara et Kurosawa.

CLASSICA / Novembre 2021 Q 7


LA DOLCE VOLTA 2021
LES 12 GRANDS CRUS D’UN MILLÉSIME D’EXCEPTION

POUR SES 10 ANS, LA DOLCE VOLTA VOUS PROPOSE DE REMPORTER DE SOMPTUEUX CADEAUX
RENDEZ-VOUS SUR NOS RÉSEAUX SOCIAUX ET SUR NOTRE BOUTIQUE
LA PETITE MUSIQUE
D’ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT

L’univers des voix


e raffole de mon époque. suraiguë chanta la vierge, la folle, la
Aurais-je vécu
J
Je l’apprécie parce qu’elle coquette ; la soprano lyrique incarna la
est riche du présent, mais femme qui aime et qui pleure, la so-
aussi riche du passé qu’elle
s’acharne à connaître.
Ce dimanche, dans ma bi-
durant les prano dramatique celle qui aime,
pleure et commande.
Quant aux mezzos, les compositeurs
bliothèque, en parcourant les rayons
consacrés à la musique, je me délecte :
deux siècles leur octroyèrent les mères, les nour-
rices, les confidentes, ces matrones
diverses voix s’offrent, des sopranos,
des mezzos, des altos, des ténors, des
barytons, des basses, puis également
précédents, je débarrassées d’émois sensuels. Cepen-
dant, toute règle produisant ses excep-
tions, deux personnages érotiques ap-
des sopranistes, des hautes-contre, des
contre-ténors, et même un bariténor,
n’aurais jamais parurent, Carmen et Dalila, fatales,
néfastes. Si la soprano souffre, la mezzo
Michael Spyres, qui vient d’enregis-
trer des airs allant du la grave au
contre-ré ! Aurais-je vécu durant les
goûté une telle fait souffrir.
Chez les mâles s’imposa une identique
échelle descendante : à mesure que la
deux siècles précédents, je n’aurais
jamais goûté une telle variété.
variété voix gagne le grave, la dimension
sexuelle s’exténue. Les ténors, êtres de
e e
Paradoxe : les XIX et XX siècles, féconds désir, rayonnent ; les barytons, êtres de
en opéras, lieder, mélodies, appauvrirent l’univers des voix. concupiscence, rivalisent ; les basses, êtres dépourvus de libido,
D’abord, ils exigèrent des organes plus puissants, dans des lieux se préoccupent uniquement de pouvoir, d’autorité.
plus grands, avec des orchestres plus fournis : le gain de décibels Ce petit théâtre était-il fondé ? Exprimait-il une vérité soma-
entraîna une perte d’étendue et de couleurs. Ensuite, ils cessèrent tique ? En fait, malgré ce que proclament Verdi, Massenet,
de blesser des garçons pour créer des castrats, une salutaire Puccini avec leurs basses profondes, la voix masculine se perche
abstention qui modifia la perception des voix au théâtre : on au fil des ans. La féminine, certes, s’alourdit au cours du temps,
quitta l’irréel, le surnaturel, l’au-delà des genres permettant à mais elle repart dans les hauteurs après 80 ans. Il s’agissait donc
une voix flûtée d’interpréter les souverains ou les guerriers, et d’un code arbitraire, d’une convention. Quoique naturelles, les
l’on se voulut sage, réaliste, physique. Des tessitures furent at- voix relèvent de l’histoire.
tribuées aux âges. La jeune fille devint une soprano, la femme La redécouverte du répertoire baroque, des castrats, du pre-
épanouie une mezzo, le jeune homme un ténor, son concurrent mier bel canto – celui de Rossini – a brisé ce cadre étroit.
mûr un baryton, le vieillard une basse. Cette ré- Grâce à l’archéologie, aux disques, reviennent
partition finit par prendre une aura d’évidence ÉRIC-EMMANUEL vers nous des voix différentes, des voix longues,
naturaliste. Combien de sopranos abandonnèrent SCHMITT des voix oubliées, négligées, disparues, lesquelles
la scène, le timbre intact, puisque leur corps n’af- est écrivain, ouvrent les portes et libèrent l’accès à un imagi-
fichait plus la silhouette de l’héroïne ! Combien de dramaturge naire fantasque.
basses fringantes durent se blanchir les cheveux, et réalisateur. Ce jour d’automne, en écoutant le bariténor
se blêmir le teint, se dessiner des rides afin d’ac- Son dernier ouvrage, Michael Spyres, ce chanteur d’aujourd’hui qui
quérir l’allure du père noble qu’ils jouaient ! Paradis perdus, débarque du XVIIIe siècle, je me réjouis d’apparte-
Aux registres vocaux correspondirent des types de est paru nir à une époque curieuse, intriguée, capable de
caractères. Ainsi, parmi les sopranos, la colorature chez Albin Michel. dynamiter les poncifs. X

CLASSICA / Novembre 2021 Q 9


PLANÈTE MUSIQUE

Jean Echenoz/Philippe Hersant


ILS FONT DES
ÉTINCELLES
POUR LA PREMIÈRE FOIS, LE ROMANCIER JEAN ECHENOZ ÉCRIT UN LIVRET
D’OPÉRA, INSPIRÉ DE SON ROMAN « DES ÉCLAIRS », VIE FICTIVE DE L’INVENTEUR
NIKOLA TESLA. PHILIPPE HERSANT LE MET EN MUSIQUE.
RENCONTRE EXCLUSIVE.

omment est né le été : « Comment a-t-il pu faire transposition radicale. C’est un deuxième opéra : un génie ina-

C projet de ce nouvel
opéra baptisé
Les Éclairs ?
Jean Echenoz : Oli-
vier Mantei m’avait demandé
d’écrire pour l’opéra. L’idée
d’un sujet original ne venant
un livret à partir de Des
Éclairs ? »
Que vous connaissiez ?
P. H. : Que je connaissais. Car je
connais bien l’œuvre de Jean.
J’avais remarqué qu’il n’y avait
quasiment pas de dialogues. Je
long livret, multipliant les péri-
péties sous une forme trépi-
dante. On ne sait combien de
temps dure l’action, des années,
des décennies, tout s’enchaîne
très vite. Si le sujet me changeait
de mes deux opéras précédents,
dapté qui sème le malheur.
Pensiez-vous à une musique
en rédigeant le livret ?
J. E. : Je pensais à une musique
imaginaire. Je pensais efficacité
des mots, spectacle, show, repré-
sentation. Le livret compte des
pas spontanément, j’ai pensé pense à Envoyée spéciale. plutôt contemplatifs et dénués alexandrins, des décasyllabes.
aux livres que j’avais écrits, et il J. E. : Ils sont noyés dans la nar- d’action, le personnage de Tho- J’avais quelques scrupules à uti-
m’a semblé que Des Éclairs ration. mas Edison se rapproche du liser le système du vers blanc,
pouvait être un moteur pour ce P. H. : Voilà. Et il y a ce style de Baron dans le Château des Car- mais j’aimais l’idée de pouvoir
cadre. L’idée lui a plu. Alors il a description particulier et cet pathes et Gregor, le héros, res- les casser dans le même temps :
fallu s’y mettre. Construire une humour que j’adore. Aussi le semble à Andreï dans Le Moine faire une suite de vers réguliers,
forme complètement inconnue livret Les Éclairs opère-t-il une noir inspiré de Tchékhov, mon puis la déséquilibrer pour ne
pour moi était très intimidant.
Je pensais utiliser des passages
du roman, et finalement, dans
le livret, il n’y en a pratiquement
pas une phrase. Je devais
reconstituer l’intrigue globale-
ment, en ayant toujours à l’es-
prit que cela devait être chanté,
proféré, articulé. Un terrain
neuf. Le dialogue théâtral n’a
rien à avoir avec le dialogue
romanesque.
Comment êtes-vous entré
dans l’aventure de votre côté,
Philippe Hersant ?
Philippe Hersant : Bien plus
PHOTOS STÉPHANIE LACOMBE POUR CLASSICA

tard. Il y a deux ans et demi,


trois ans. Olivier Mantei, avec
qui j’avais été en contact pour
d’autres projets qui n’avaient
pas abouti, m’a appelé un beau
matin, en me demandant si ce
livret de Jean Echenoz m’inté-
ressait. Le livret étant fini, nous
n’avons pas du tout travaillé en
amont. Ma première réaction a

10 Q CLASSICA / Novembre 2021


jamais laisser quelque Qu’est-ce qui vous
chose s’installer trop. touche particulière-
Le livret écrit, de ment à l’opéra ?
q u e l l e m a n i è re J. E. : C’est désespé-
avez-vous collabo- rant… France
ré ? Musique m’avait pro-
P. H. : J’ai suggéré posé une émission
quelques rares cou- avec des pièces que je
pures et aménage- souhaitais faire
ments, et Jean m’a mis entendre. J’avais l’im-
tout de suite à l’aise : « Si pression d’avoir choisi
vous pensez qu’il faut sup- des pages tellement
primer des phrases, n’hésitez connues de tous que j’ai pré-
pas à condition que la cohé- féré décliner : ça me paraissait
rence soit maintenue. » J’ai vrai- un exercice d’écolier. La
ment beaucoup apprécié, car d o n t aucune ne dépasse avec Ravel et Courir. Pourquoi musique revêt une grande
certains écrivains prennent mal quatre minutes. Tout est cut, n’avez-vous pas, comme pour importance pour moi, mais je
qu’on supprime un point ou comme dans un film. Ravel, conservé le nom réel ne pourrais pas citer d’œuvres.
une virgule. Milan Kundera Musicalement, dans quel uni- du personnage qui a inspiré J’ai mis beaucoup de temps à
m’avait averti un jour : « Je vous vers serons-nous ? ce Gregor, à savoir l’inventeur comprendre, à accéder à l’opéra,
déconseille fortement de faire P. H. : La partition est écrite Nikola Tesla ? à concevoir la singularité de la
un opéra avec moi, je suis abso- pour six solistes, un chœur et J. E. : Précisément parce que de voix comme instrument. La voix
lument insupportable, je ne une quarantaine de musiciens. ces trois vies imaginaires, a pris une grande place mais elle
supporterais pas que vous chan- Un orchestre de formation celle-ci est la plus romancée. Je est arrivée très tard dans ma vie.
giez un mot. » J’ai même Mozart aux cuivres étoffés, me suis permis des choses que L’Orfeo de Monteverdi m’a
demandé à Jean qu’il rajoute rehaussé d’un synthé – une je ne m’étais pas autorisées ni beaucoup frappé.
des lignes. nouveauté pour moi : j’avais pour Ravel ni pour Zátopek Votre Ravel fut-il dicté par
J. E. : Ce fut un des meilleurs besoin de plusieurs claviers, qui dans Courir. Je trouvais un peu des impératifs romanesques
moments de ce travail. Philippe ne tenaient pas dans la fosse de déloyal de mettre sur le dos du ou par un goût pour sa mu-
me faisait de petites com- l’Opéra Comique – cymbalum, modèle pareilles scènes de fic- sique ?
mandes, huit lignes pour un air, vibra, xylo, piano, orgue jazz. Et tion. Et puis un truc technique J. E. : La raison majeure était sa
la répétition d’une phrase du puis, dans cette histoire élec- tout simple : Nikola Tesla est un musique. Ce fut une découverte
chœur… C’était presque plus trique, il fallait bien un instru- très beau nom, mais Gregor musicale d’enfance très forte.
stimulant de travailler ainsi que ment électrique ! Je l’utilise sonne mieux. Et il faut que ça Mais le personnage m’intriguait
dans le vertige de l’invention du d’ailleurs dans la scène d’élec- puisse sonner, s’intégrer dans beaucoup et m’intrigue tou-
début. Ma culture d’opéra étant trocution du condamné à mort, différentes organisations jours. Ce petit livre sur Ravel a
très limitée, j’ignorais en m’y avec des sons saturés. Le début sonores. Les noms qui finissent été le plus difficile à écrire de
attelant ce qu’on pouvait et ne peut évoquer un univers de en « a » sont généralement dif- tous. Je l’ai abandonné défini-
pouvait pas proposer. Quand je comédie musicale. On perçoit ficiles à exploiter. tivement deux fois.X
soumettais des trucs absurdes aussi de menus clins d’œil à la Votre travail de romancier est Propos recueillis par
à Olivier Mantei, non par pro- « Nouveau Monde » de Dvorák, très musical en somme. Jérémie Rousseau
vocation mais par curiosité, il contemporaine du récit, à Dear J. E. : Dans mon travail stricte-
me répondait : « À l’opéra, on Prudence des Beatles, Born to be ment romanesque, je pense ACTUALITÉS
peut tout faire ! — Bon ! me Blue de Chet Baker… toujours au son, au bruit que £Les Éclairs de Jean Echenoz et
suis-je dit, alors allons-y. » Ainsi Les pigeons occupent une ça fait si vous voulez. Je crois Philippe Hersant sont donnés en
en sommes-nous arrivés à vingt place de choix dans l’histoire. que le son donne un supplé- création mondiale à l’Opéra
décors différents. Comment avez-vous traduit ment de sens. Comique, à Paris, les 2, 4, 6 et
P. H. : Ma crainte était que le leur univers ? Quel serait, dans l’absolu, 8 novembre, puis seront diffusés le
metteur en scène n’impose un P. H. : En m’autocitant ! J’avais votre modèle d’écriture théâ- 1er décembre sur France Musique.
dispositif lourd m’obligeant à écrit une pièce pour quatre cla- trale ? Avec l’Ensemble Aédès,
composer des interludes : sou- rinettes, qui faisait un peu J. E. : [Longue hésitation.] l’Orchestre philharmonique de
venez-vous de ce qui est arrivé volière, et qu’on retrouve. J’ai Racine ? Je ne suis pas un grand Radio France, dir. Ariane Matiakh,
à Debussy avec Pelléas ! Mais essayé aussi d’imiter le pigeon, lecteur de théâtre, ni un grand mise en scène Clément
non. Clément Hervieu-Léger et un oiseau qui n’a pas du tout spectateur de théâtre. Mais je Hervieu-Léger. La Galerie des
moi étions sur la même lon- inspiré Messiaen : il y avait un relis souvent la poésie de photographes à Paris expose
gueur d’onde : tout s’enchaîne, créneau à prendre [il sourit]. Racine. Un mystère pour moi. jusqu’au 6 novembre
sans entracte ni précipité, c’est Jean Echenoz, Des Éclairs est Mais je suis trop ignorant de la « Sentinelles », première
une succession de petites scènes l’un de vos trois romans bros- forme théâtre pour vous exposition de photographies de
qui s’emboîtent très hardiment, sant des vies imaginaires, répondre. Philippe Hersant.

CLASSICA / Novembre 2021 Q 11


PLANÈTE MUSIQUE
HOMMAGES.

KARAN ARMSTRONG
La soprano américaine indéfectiblement
attachée à Berlin s’est éteinte à 79 ans.

AKG-IMAGES / ULLSTEIN BILD


a Kátia Kabanová cette ancienne élève de Lotte

S déchirante, telle que


Paris la découvrit en
1988 dans la mise en
scène de son époux Götz Frie-
drich, restera un sommet dans
Lehmann avait développé sa
carrière à partir de 1966 en
remportant les Metropolitan
Opera National Council Audi-
tions. On la découvre en
la carrière de cette rare tragé- Micaëla en 1974 à l’Opéra du
dienne lyrique. Intense wagné-
rienne, familière de Strauss, du
répertoire allemand, et associée
Rhin, avant ses débuts en 1977
dans le rôle de Salomé à Berlin.
Sous la direction de Götz Frie-
MÍKIS THEODORÁKIS
au Deutsche Oper de Berlin où drich, elle chantera encore Le compositeur militant est décédé le
elle se produisit quarante Lohengrin à Bayreuth en 1982, 2 septembre dernier à l’âge de 96 ans.
années durant, la soprano amé- dont la captation est disponible
ricaine Karan Armstrong est en DVD (Euroarts). Elle parti- n ne saurait réduire colonels dans un village du
décédée mardi 28 septembre à
l’âge de 79 ans. Révélée à San
Francisco dans La Bohème,
cipa enfin à la création d’ Un re
in ascolto de Berio. X
J. R. O Lalo Schifrin à Mis-
sion : Impossible,
Georges Delerue au
Mépris et Míkis Theodorákis à
Z o r b a l e Gr e c . Bien au
Péloponnèse. C’est finalement
grâce à un paquet de cigarettes
clandestin que le cinéaste
obtient ladite autorisation,
preuve que l’on peut enfermer
contraire, son œuvre trans- l’homme mais pas l’œuvre.
cende les notions de frontière, Son talent peut être qualifié de
de territoire et de genre, autant précoce : c’est à 12 ans qu’il
que celle d’époque. Qui peut compose ses premières pièces.
s’enorgueillir d’avoir fait À l’orée des années 1950, il étu-
connaître au monde la musique die à Paris dans la classe d’ana-
traditionnelle d’un pays médi- lyse d’Olivier Messiaen et
terranéen, combiné populaire observe d’un œil désapproba-
et savant, le tout dans une vie teur l’adoption docile du dodé-
publique, pleine et militante ? caphonisme par ses condis-
Souvenons-nous que cet ciples. Lui préfère conserver
homme s’est engagé dans la son identité, ses traditions, se
Résistance dès l’âge de 16 ans, tenir à distance de tout dogme.
ALAMY

qu’il a passé cinq mois en pri- De cette volonté farouche naît


son en 1967 et qu’il n’a jamais un langage riche et complexe,
caché ses convictions politiques souvent torturé mais jamais
IL L’A DIT.. (il accepte la proposition de atonal. La Symphonie n° 3
François Mitterrand de com- impressionne par ses dimen-
poser l’hymne du parti socia- sions et ses rythmes entêtants
« Il a été décidé liste en 1977). Mais surtout,
soulignons qu’il est l’auteur
mais à l’inverse, la Sonatine
n° 1 pour violon et piano
de suspendre le projet d’une œuvre hors proportions :
lieder, symphonies, oratorios,
frappe par son apparente clarté.
Les vagues polémiques des
de salle modulable » opéras, cantates, hymnes,
musique de scène… et bien sûr
années 2000, liées à son sup-
posé antisémitisme, n’auront
Alexander Neef musique de films. Pour utiliser pas réussi à briser le lien si fort
dans Z certaines de ses œuvres qui l’unissait au peuple grec.
Dans un entretien relayé par Les Échos, le directeur de l’Opéra de Paris a préexistantes, Costa-Gavras Jusqu’au bout, il aura été pour
annoncé qu’il interrompait le projet de salle modulable à l’Opéra Bastille. dut surmonter de sérieux obs- eux un repère, un emblème,
L’ouverture de la salle, dont la réalisation était estimée entre 60 et tacles afin d’obtenir l’accord du mieux, une fierté. X
80 millions d’euros, était initialement prévue pour 2023. compositeur, incarcéré par les Cécile Chéraqui

12 Q CLASSICA / Novembre 2021


NOS
COLLABORATEURS
PUBLIENT…
étude sur les « envois », ces
LIVRES compositions que les reçus
TRÉSORS ROMAINS adressaient à l’Institut depuis
Rome, la Ville éternelle, l’Italie
e Palazzetto Bru Zane s’est ont légué, pour les plus leur inspirant des sentiments

L depuis longtemps inté-


ressé au prix de Rome de
composition musicale, révé-
célèbres, des impressions
co n t r a s t é e s . A l e x a n d re
Dratwicki, directeur artistique
mitigés. Ce travail d’archives
permet de mieux cerner tout
au long de la période envisagée
lant dans une remarquable du Palazzetto Bru Zane, qui l’évolution du langage et des
collection discographique les avait déjà consacré un ouvrage genres musicaux. À la lecture
trésors enfouis parmi les can- au prix de Rome, élargit cette de ce plaisant labeur de béné-
tates et autres « envois » écrits fois la perspective avec cet dictin, on s’aperçoit alors de
par les jeunes com- imposant volume, l’immensité de ce qui reste à

A
u printemps 1890,
positeurs primés. Il étudiant l’aspect découvrir de la musique fran- alors que Paris
manquait cepen- humain du séjour à çaise du XIXe siècle. Beau vivier s’apprête à découvrir
dant une somme la Villa Médicis, la pour les musiciens du futur ! X Ascanio, le dernier opéra
mu s i co l o g i q u e vie quotidienne des Jacques Bonnaure de Camille Saint-Saëns,
approfondie sur musiciens, leurs celui-ci a disparu de la
cette institution activités, leur £Bons baisers de Rome. Les capitale sans laisser de
controversée fon- champ de vision compositeurs à la Villa Médicis trace ni d’indice derrière lui.
dée sous le Consu- culturel, mais aussi (1804-1914), Alexandre Dratwicki, La presse et les cercles
lat, et dont les heu- l’aspect musicolo- Actes Sud/Palazzetto Bru Zane, mondains s’affolent – les
reux lauréats nous gique avec une 636 p., 45 €. gros titres font la part belle
à celui qui a décidé de
s’échapper quelque temps
pour rejoindre les Canaries
À LA RECHERCHE DU TEMPO PERDU incognito, sous le nom
de Charles Sanois. Vincent
élomane obstiné, Proust rencontre en 1894, aura égale- cale ? Comment Debussy lui Borel s’est appuyé sur cet

M fréquentait aussi bien


l’opéra (La Walkyrie au
palais Garnier en
ment une influence sur sa
connaissance et son écoute des
compositeurs de son
a-t-il appris à repenser le
temps ? On trouvera les
réponses dans ce remarquable
événement romanesque
pour développer un récit
dans les rues et sur
1893), que les salons temps et du passé. ouvrage collectif, écho d’un les côtes de Las Palmas.
(« là où la musique Écrivain, Proust colloque organisé à Paris en Avec son formidable sens
contemporaine est donne vie à Vin- 2016 réunissant des universi- narratif, l’auteur nous
soutenue financière- teuil, auteur d’une taires et croisant les disciplines conte la rencontre du
ment et matérielle- sonate pour violon (critique littéraire, musicolo- compositeur avec un jeune
ment ») et les cafés- et piano qui accom- gie, sociologie). De quoi mieux guanche prénommé Jonay,
concerts, sans pagnera les amours entendre « la petite phrase ». X ainsi que leurs échanges
oublier les célèbres de Charles Swann et Philippe Venturini spirituels et sensuels volés
écoutes à distance d’Odette de Crécy. à l’anonymat presque
grâce au théâtro- Comment le mélo- £Musiques de Proust, parfait du voyageur… X A. G.
phone. Saint-Saëns, Wagner, mane et l’écrivain se sous la direction de Cécile Leblanc,
Fauré et Mayol nourrissaient sont-ils influencés ? Comment Françoise Leriche et Nathalie £Vertige de l’hélice,
ainsi une culture musicale Proust a-t-il fait profiter ses Mauriac Dyer, Hermann, Vincent Borel, Sabine
variée. Reynaldo Hahn, qu’il écrits de son expérience musi- 454 p., 39 €. Wespieser, 224 p., 19 €.

GÉANTS D’ESPAGNE
nitialement publié en 1926, cet ouvrage raconte, à a la sagesse de taire le nom) s’offusque de voir un livre

I travers les portraits d’Albéniz et Granados, l’émer-


gence d’une musique nationale espagnole. Henri
Collet explore la vie et l’œuvre des deux compositeurs,
consacré à ces « improvisateurs espagnols » ! Mais cette
publication interpelle aussi par la singularité de son
regard : celui d’un musicologue français à l’aube du
narrant de truculentes anecdotes : ici Isaac tient le piano siècle dernier. Émouvant et instructif. X Fabienne Bouvet
dans les « beuglants » du port de New York, là Enrique,
installé à Paris, connaît des crises de « montmartrisme », £Isaac Albéniz et Enrique Granados,
là enfin un maître de la musique française (dont l’auteur Henri Collet, Bleu Nuit Éditeur, 176 p., 20 €.

CLASSICA / Novembre 2021 Q 13


PLANÈTE MUSIQUE

Blogs, Facebook, Twitter, Instagram, YouTube, Pinterest…


Classica a surfé sur Internet pour y dénicher des pépites. Suivez les Flashcodes !
PAR AUDE GIGER

Dudamel s’en mêle


oncert éminemment symbolique, s’il en est,

C le gala d’ouverture de saison de l’Opéra de


Paris (le 22 septembre dernier) a permis à son
GAËTAN BALLY, KEYSTONE

public d’accueillir le nouveau directeur musical de


la Grande boutique. Le couple présidentiel était de
la soirée pour saluer la flamme et l’énergie de
Gustavo Dudamel dans un florilège nourri : Car-
men, Le Chevalier à la rose, Falstaff, Doctor

SDP
Atomic… interprétés avec ferveur sur scène par
Sabine Devieilhe, Matthew Polenzani, Gerald
Prise de bec Finley… Une rentrée brillante qui s’est achevée en
apothéose sur la Marseillaise nationale dont le faste
Archets de Noé

L
e Grand Canal de
ans « Bouillon de culture » – souvenez-vous, n’a manifestement pas réussi à égaler celui de cette Venise s’est paré en

D cette émission héritière d’« Apostrophes » –,


Bernard Pivot recevait en février 1993 Michel
Schneider, l’ancien directeur de la musique et de
soirée somptueuse pour s’accorder les
faveurs de tous les solistes ayant
répondu à l’invitation. À revivre sur la
septembre dernier
d’une embarcation peu
ordinaire. Les Vénitiens
la danse au ministère de la Culture, venu défendre plate-forme L’Opéra chez soi ! X ont vu flotter un
son ouvrage La Comédie de la culture. Celui-ci immense violon dont la
exposait les raisons de sa démission couronnant table d’harmonie tenait
une série de désaccords avec le ministre d’alors, lieu de scène à quatre
Jack Lang, présent sur le plateau. Également de la instrumentistes et deux
partie, Pierre Boulez s’insurge : « Monsieur brûle chanteurs. Voguant au
un temple et prétend à la renommée. Il aura ses cinq rythme de Vivaldi entre
minutes de notoriété mais retournera à son obscu- les vaporettos et les
rité. » Tout aussi tranchante, la réponse incendie la gondoles, les interprètes
gestion du chantier en cours à la Villette : « Ce n’est ont été sollicités pour
E. HABERER / ONP

pas le musicien que je conteste, c’est accompagner


l’homme d’État que vous êtes, et qui s’im- leur vedette
misce dans la gestion des crédits publics. » à travers
Un débat sidérant ! X l’Italie. X

« Résurrection » et Jugement
nexistant, simple, juvénile, certain, conséquent, extrême… voici les nuances

I d’enthousiasme énumérées par un internaute fanatique de la Symphonie n° 2


« Résurrection » de Gustav Mahler, qui s’est appliqué à comparer la direction
des dernières mesures de l’œuvre, sous la baguette de huit chefs successifs. L’éner-
gie déployée par Pierre Boulez, Myung-Whun Chung, Mariss Jansons, Claudio
Abbado, Seiji Ozawa, Leonard Bernstein, Simon Rattle et Christian
Vásquez est minutieusement observée puis analysée par les cinq cents
commentateurs de la vidéo… tout aussi enflammés que les deux
SDP

minutes de fortississimo ! X

14 Q CLASSICA / Novembre 2021


EN
BREF
COMME SI VOUS
Y ÉTIEZ
Z Le Met poursuit sa
saison dans les salles
de cinéma Pathé. On
Cette image de ma mère radieuse assistera en direct de
apprenant mon admission à la finale du New York à Eurydice
Il existe, paraît-il, très peu d’images du rire de ce Concours de Leeds 1969, en compagnie d’Aucoin le 4 décembre,
géant [Richter, NDLR]. Impossible de me rappeler entre autres de Radu Lupu, n’est pas fierté Cendrillon de Massenet
la raison de notre hilarité ce jour-là, en coulisses maternelle. Se sachant gravement malade, le 1er janvier, Rigoletto
à la Grange de Meslay, à l’issue du récital auquel cette joie devait représenter un vœu exaucé. le 29 janvier, Ariane
il m’avait fait l’honneur d’assister en 1993… à Naxos le 12 mars,
Don Carlos le 26 mars,
Turandot le 7 mai,
Lucia di Lammermoor
le 21 mai et Hamlet
Dans le 4 juin avec, parmi
d’autres, Piotr Beczala
le portable en Duc de Mantoue,
Lise Davidsen en Ariane,
de Sonya Yoncheva et Elina
Garanca à l’affiche de Don

Anne EN 1956, À 8 ANS, JE NE


SAVAIS PAS QUEL RÔLE
Carlos, ou encore Anna
Netrebko en Turandot.
Au repos, la main gauche de
Martha, ainsi familièrement )Ě]  FONDATEUR JOUERAIT
DANS MA VIE DE LA MEILLEURE
nommée par les pianistes. MUSICIENNE CET IMMENSE BAGUETTE
Image volée dans un restau- ARTISTE. MA MÈRE AVAIT Z Le Concours de direction
rant japonais après un dîner CONSERVÉ CETTE de Besançon n’a pas
offert au jury international
INVITATION : INTUITION décerné de premier prix
SDP

auquel nous participions


PRÉMONITOIRE ? mais a distingué les trois
toutes deux.
finalistes d’une mention à
l’unanimité. Parmi eux, la
Française Chloé Dufresne
remporte également
les coups de cœur de
La pianiste nous l’orchestre et du public.
ouvre son… DERNIER VENU
smartphone ! Z Le groupe Outhere vient
Zoom sur ce journal d’étoffer son catalogue
intime 2.0, les avec le rachat du label
Quelle mouche ce jour-là a piqué grandes choses et néerlandais Channel
le Larghetto de l’ultime concerto les petits riens qui Classics. Celui-ci rejoint
de Mozart K.595 ? Bonheur de désormais Alpha,
jouer souvent cette merveille, en
l’accompagnent
au quotidien. Piano en gare 2020, Ricercar, ou encore Linn.
particulier à La Roque-d’Anthéron
et à la Folle Journée de Nantes. confiné, masqué,
bâillonné… Trop de virus MUSIQUE EN SEINE
galopent sur ses touches. Z Du 19 au 21 novembre,
Dieu protège… Bretagne, se tiendra la 31e édition
Heureusement, il reprend
enfance, foi, ancrage, souvenirs, du salon Musicora. Le
interrogations. La petite fille qui du service. Hâte d’en tâter rendez-vous aura lieu
admirait cette splendide à nouveau ! Qu’il ne soit à la Seine musicale de
« gabare » à l’Aber-Ildut en pas tagué, vandalisé, en Boulogne-Billancourt
deviendra la marraine au port- ces temps incivils, dit sous le parrainage de
musée de Douarnenez en 2012 ! beaucoup et me touche. Jean-François Zygel.

CLASSICA / Novembre 2021 Q 15


PLANÈTE MUSIQUE

EN L’ÉCO DU CLASSIQUE
BREF PAR NATACHA VALLA

CRÉMAILLÈRE
ZAprès trois ans de
travaux de restauration,
Redistribution des rôles
la maison Dutilleux à Dans la perspective d’un étiolement des soutiens publics, il est
Candes-Saint-Martin temps de repenser un financement privé bienveillant.
dans l’Indre-et-Loire
a été inaugurée pour
accueillir de nouveaux uelles conclusions tirer Ciblage : l’OCDE ne dit pas tion et la « consommation » de
résidents d’ici la fin
de l’année. Un festival
marquera l’événement
Q du premier trilogue
économique « Créati-
vité entre public et
autre chose, pour qui les meil-
leurs investissements dans
l’éducation se font dès le plus
musique. Si 66 % des écoutes
sont motivées par un algo-
rithme – mise à mort de la
du 29 au 31 octobre. S’y privé » tenu à Sciences Po ? Sur jeune âge. diversité et voie assurée vers la
retrouveront l’Orchestre le financement de la musique, standardisation ultime selon
de chambre Nouvelle- l e b u d g e t c u l t u re 2 0 2 2 LIBERTÉ DE CRÉER Patino –, réintroduisons du
Aquitaine, l’Orchestre de (+ 7,4 %, inédit !) pourrait bien Enfin, quid de la protection de hasard dans l’intelligence arti-
la Garde républicaine ou être un chant du cygne car les la création dans un mix public- ficielle, de la « sérendipité dans
encore la violoncelliste finances publiques n’ont jamais privé ? Non, industrie et culture l’algorithme » !
Sonia Wieder-Atherton. autant été sous tension. Voilà ne font pas oxymore. Peter Soyons rassurés : nul besoin de
une opportunité pour repenser Tschmuck, musicologue autri- choisir entre les tocquevil-
DERNIÈRE un financement privé multiple chien, illustre bien comment la liennes monarchie-ornement
RÉVÉRENCE et bienveillant. Il ne s’agit pas créativité musicale a fleuri grâce et démocratie-divertissement.
ZÀ 74 ans, le ténor d’émanciper le secteur musical à l’industrie depuis l’invention La fin de la subvention publique
José Carreras a fait ses de la puissance publique, mais du phonographe. Cela perdu- n’est pas inéluctable mais son
adieux à la scène à l’issue de pallier ses déficits écono- rera avec les technologies exclusivité n’est pas souhaitable.
d’un dernier concert au miques, incitatifs et démocra- contemporaines si la platefor- Enfin, à l’instar du trio Karmitz-
Staatsoper de Vienne. tiques, de stimuler la créativité misation respecte des règles Mantei-Patino, rappelons que
et, finalement, l’esprit d’entre- éthico-technologiques protec- dans « service public », il y a
NOMINATION prise des artistes. En témoigne trices de la liberté dans la créa- d’abord « service ». X
ZLa cheffe Nathalie le succès de l’abonnement au
Stutzmann vient d’être don, cher à Bruno Patino,
nommée à la direction recette d’un International
musicale de l’Orchestre Music Score Library Project.
symphonique d’Atlanta. Autre question autour du rôle
Elle prendra ses de la musique dans le dévelop-
fonctions à partir de la pement socio-économique : les
saison 2022/2023 pour établissements publics doivent
succéder à Robert Spano. résoudre une « injonction
contradictoire ». Selon Olivier
DISTINCTIONS Mantei, leurs nouvelles feuilles
VOCALES de route marient des objectifs
ZPrésidé par Andreas sociétaux ambitieux et louables
Scholl et organisé par à l’impératif d’augmenter leurs
Le Poème Harmonique, recettes. Pour résoudre cette
le Concours Corneille quadrature, fi des schémas
à Rouen a remis un alambiqués. Ciblons des objec-
premier prix à la soprano tifs éducatifs simples sans
israélienne Shira renoncer à l’élitisme et à l’excel-
Patchornik. Le prix du lence. La maîtrise populaire de
public et le prix Jeunes l’Opéra Comique obtient bien
Talents ont été décernés 100 % de réussite au bac avec
au contre-ténor français une ambition artistique soute-
William Shelton. nue à 80 % par le secteur privé.

16 Q CLASSICA / Novembre 2021


ARTYOM GEODAKYAN \ TASS VIA GETTY IMAGES
S. EXPILLY
Le Concert d’Astrée et Matheus
Vues d’ensembles
Emmanuelle Haïm et Jean-Christophe Spinosi fêtent en cœur les 20 et 30 ans de
leurs ensembles spécialisés, se livrant à un entretien croisé riche d’expérience.

Exploits et rafales Paris-Brest Survie menacée La lettre et l’esprit


E. H. : Les contraintes de la E. H. : Notre résidence à Lille E. H. : Le Concert d’Astrée s’est E. H. : Aujourd’hui, jeunes ins-
saison passée nous ont forcés depuis vingt ans est un appui constitué dans un contexte où trumentistes et chanteurs sont
à une réactivité de tous les exceptionnel et indispensable. orchestres symphoniques, de plus en plus formés à la
instants. Certaines produc- Elle a permis notre dévelop- maisons d’opéra et scènes musique ancienne : instru-
tions, comme l’Idoménée de pement dans toute la région nationales étaient structurés ments d’époque et répertoire
Campra, ont été totalement des Hauts-de-France, tout en par des financements publics. baroque. Les classes se sont
repensées sur le plan musical nouant d’autres partenariats, Les ensembles spécialisés, arri- multipliées. Mais il faut conti-
et scénique pour répondre avec le Théâtre des vant après cette répartition, nuer à défendre ces études
aux exigences sanitaires. Cela Champs-Élysées, le Théâtre de n’ont été aidés que de façon spécialisées, encore en marge
a été un exploit de réussir ce Caen ou l’Opéra de Dijon. moindre. Chaque année, notre dans l’enseignement musical.
« retour d’Idoménée », suivi J.-C. S. : Le Quartz à Brest a survie est menacée : il faudrait J.-C. S. : On a cru à un
cette année de l’Idoménée au accueilli l’Ensemble Matheus mener aujourd’hui une moment avoir trouvé toutes
complet ! à ses débuts ; cette scène natio- réflexion générale avec les les réponses aux questions
J.-C. S. : La reprise s’accom- nale a fait office de laboratoire. pouvoirs publics. d’interprétation de la musique
pagne de projets en rafales, Cela fonctionnait bien avec J.-C. S. : Les ensembles spécia- baroque. Heureusement, le
entre reports et nouveaux nos idées, nous avons pu déve- lisés occupent aujourd’hui une sujet reste inépuisable ! Com-
concerts. Je viens d’apprendre lopper une identité propre. place conséquente dans l’ac- prendre l’esprit du texte est
qu’une quarantaine de dix Lorsque Jean-Luc Choplin est tualité musicale. Leur essence essentiel. La tradition orale
jours s’imposera en amont arrivé au Théâtre du Châtelet, repose sur la création. Il faut qui ne s’est pas vraiment
des trois concerts prévus au il nous a proposé une rési- savoir convaincre les parte- interrompue dans de nom-
Japon en janvier prochain. dence qui nous a permis de naires institutionnels de nous breuses musiques tradition-
Donc les problèmes ne sont créer de nouvelles productions suivre sur des objectifs sans nelles et populaires est un
pas terminés… d’opéras pendant dix ans. cesse renouvelés ! guide très intéressant.

Éclairer, comparer… ACTUALITÉS


E. H. : Plus je m’immerge dans un répertoire, parlée, pour chercher à rendre les récits toujours £ Le Concert d’Astrée fêtera ses
mieux je le défends. Ce sont comme des strates plus vivants et réalistes. Il y a trois ans, alors que 20 ans au Staatsoper de Berlin
qui se déposent pour mieux vous faire entendre nous donnions L’Italienne à Alger avec Cecilia (10/11) puis au TCE (12/11). On
l’œuvre suivante. J’aimerais explorer davantage Bartoli et Alessandro Corbelli, celui-ci a fait plu- le retrouvera à Lille dans Didon et
Lully, Rameau, Desmarest, Destouches, Lalande… sieurs récitatifs avec sa voix parlée. Cela conforte Énée de Purcell (3 au 10/12).
Et je pourrais passer une vie sur le seicento italien, mon idée selon laquelle on ne chantait à l’époque L’Ensemble Matheus célébrera ses
le XVIIe anglais ou encore l’opera seria. de Rossini que lorsqu’arrivait la modulation, 30 ans au TCE également (27/11)
J.-C. S. : Je souhaite approfondir certaines ques- « pour la souligner », comme l’écrivait Manuel et se produira à Vannes dans
tions, notamment autour du récitatif et de la voix García ! X Propos recueillis par A. G. « Les Tubes du cinéma » (10/11).

CLASSICA / Novembre 2021 Q 17


PLANÈTE MUSIQUE
douces et originales dans un
lieu ramassé qui présente LES
trente-deux installations répar-
ties en cinq univers théma- MEILLEURES
tiques. Une « forêt des sons »
met en scène les bruits du quo- VENTES
tidien et permet notamment
d’accéder à la musique par les

CONSTANCE GUISSET STUDIO


seules vibrations. Des grandes
« machines sonores » aux inspi-
rations futuristes dévoilent les
mécanismes acoustiques à
l’œuvre dans les instruments
traditionnels. Un espace « en DU 11 AU 17 OCTOBRE
scène » donne l’occasion au
« Souvenirs »
PHILHARMONIE DES ENFANTS jeune public de se mettre dans
la peau du chef d’orchestre 1 Gautier Capuçon
(ERATO)

MÔME SWEET HOME grâce à un système remarquable


de détection des mouvements.
Plus loin, les voix du monde
« À sa guitare »
Philippe Jaroussky,
Un lieu dédié aux explorateurs en herbe, entier sont présentées autour 2 Thibaut Garcia
une bouffée d’air frais, douce et joueuse. d’un immense globe terrestre ; (ERATO)
le dernier espace propose enfin
Chopin
’était la dernière pierre directrice de cette filiale de la de découvrir la musique dans sa

C qui manquait au jeune


édifice de la Villette : la
Philharmonie des enfants vient
Philhar monie de Par is,
Mathilde Michel-Lambert, s’est
appuyée sur une équipe d’ex-
fonction narrative : bruitage,
opéra… L’admirable concep-
tion « low-tech » de ce parcours
3 Beatrice Rana
(WARNER)

« Amazone »
d’ouvrir ses portes après plus de
trois ans de conception. Le bud-
perts et d’artistes pour dévelop-
per un parcours accessible aux
répond à un objectif d’éveil
sensoriel réalisé avec beaucoup
4 Lea Desandre
(ERATO)
get de 10 millions d’euros a enfants de 4 à 10 ans. Imaginée d’intelligence : empressez-vous
permis de mettre à profit par la scénographe Constance de trouver un enfant dans votre « Baritenor »
1 000 mètres carrés d’espaces Guisset, la mise en espace entourage pour aller découvrir 5 Michael Spyres
(ERATO)
jusqu’alors inexploités. La ménage des atmosphères ce lieu réjouissant !X Aude Giger

LES COUPS DE Q
CLASSICA Sophie Christian Francis Drésel Lionel Esparza Marie-Aude Jean-Yves Sophie
Bourdais Merlin (Radio (France Roux Grandin Bussière (Fnac
no 236 (Télérama) (Le Figaro) Classique) Musique) (Le Monde) (Melomania) Montparnasse)

« Baritenor »
Michael Spyres
Erato
RRR RR RRR RR RRR RRR RRR RRR
« Amazone »
Lea Desandre
Erato
RR RRR RR RRR RRR RR RR RRR
Senaillé, Leclair / W. Christie,
T. Langlois de Swarte
HM
RRR RRR RRR RR RR RR R RRR
« Passion » / V. Gens,
L.-N. Bestion de Camboulas
Alpha
RRR RRR RR RR RR RRR RR RR
Ysaÿe, Sonates pour violon seul
David Grimal
La Dolce Volta
RRR RR RR RR RRR RR RR RRR
Lully, Ballet royal
Les Talens Lyriques, C. Rousset
Aparté
RR RR RR RR R RR RR RR
Rameau, Dardanus
C. Dubois, J. van Wanroij,
G. Vashegyi / Glossa
R RR RR R RRR RR R RR
Chopin, Nocturnes
Jan Lisiecki
DG
R RR RR RRR RR — R RRR
Nous aimons… R Un peu RR Beaucoup RRR Passionnément X Pas du tout — N’a pas écouté

18 Q CLASSICA / Novembre 2021


LIGER À LIRE / LIGER À ENTENDRE
Nouveau monde pour Dave SUR LE CD
Paris vaut bien une messe, pourquoi pas Monde » : le « hit » Lutèce et le LE MAGAZINE
nouveau monde, bien connu DESPREZ
une rengaine s’est dit le chanteur batave… des habitués de la webradio par Cappella Amsterdam
décalée Bide et Musique… et Daniel Reuss
1 • De profundis –
aris n’est plus Paris. C’est succès quelque peu s’effilocher. Poussant un peu trop sa voix

P
Requiem æternam 4’33
en tout cas un constat Il multiplie alors des projets fluette face aux cordes et aux BRAHMS
qui semble perdurer, au inattendus afin de capter le cuivres, Dave déballe sa colère par George Szell et
l’Orch. de Cleveland
fil des ans, provoquant bien public. C’est ainsi qu’en 1998, au sujet des horreurs esthé- 2 • Symphonie n° 2 : Allegretto
des récriminations de la part Dave sort un album, « Clas- tiques qui gangrènent la capitale grazioso 5’43
des contribuables, guère sique », reprenant en chansons, – Jean Tiberi se trouvait à ce TCHAÏKOVSKI
par Erica Morini, le Royal Phil. Orch.
convaincus par certains choix avec formation orchestrale tra- moment aux commandes : et Artur Rodzinski
d’urbanisme. Voilà pourquoi ditionnelle, quelques grands « Lutèce a beau lutter / Paris est 3 • Concerto pour violon : Finale.
Mme Hidalgo ne mettra sans thèmes de la musique classique. perdu / Les temps modernes ont Allegro vivacissimo 8’16

doute jamais à l’honneur les L’Hymne à la joie de Beethoven frappé / Elle ne se reconnaît LES CHOCS
LISZT
œuvres d’Anton Dvorák. devient Quel que soit le coin de plus. » Les chœurs, vigoureux, par Nathalia Milstein
Pourtant, le grand composi- la terre, l’Aria de la Suite n° 3 reprennent ces mots, avant que 4 • Valse oubliée n° 3 4’56
teur tchèque n’y est absolu- de Bach se transforme en l’interprète de Vanina précise MASSENET
par Marianne Crebassa, le Chœur
ment pour rien, non, tout ça, L’Amant d’un seul soir. son propos : « Des architectes et l’Orch. du Capitole de Toulouse
c’est la faute d’un ancien chan- fous / Font des plans démen- et Ben Glassberg
teur à midinettes : Dave. PARI(S) PERDU tiels / Pour des princes aux dents 5 • Don Quichotte : « Alza ! Quand
la femme a vingt ans » (Acte I) 3’32
De son vrai nom Wouter Otto Mais le plus gros morceau de de loups / Dont l’ego touche au BRAHMS
Levenbach, le fameux trou- bravoure est cette version, ciel » – il sera, un peu plus loin, par Adam Laloum
badour batave a connu le succès emphatique à souhait (et très question entre autres de la tour 6 • Fantaisie op. 116 n° 4 :
Intermezzo. Adagio 4’34
dans les années 1970 avec addictive, au second degré), du Montparnasse… Avant d’arri-
VERDI
quelques tubes très sucrés, dont fameux quatrième mouvement ver à cette conclusion explici- par Michael Spyres, l’Orch. phil.
le célèbre Du côté de chez (Allegro con fuoco) de la Sym- tant le choix de ce thème tout de Strasbourg et Marko Letonja
7 • Le Trouvère : « Tutto è deserto.
Swann qui faisait entrer Marcel phonie « Du Nouveau en puissance : « Mais le nouveau Il balen del suo sorriso »
Proust au hit-parade (même si, monde est là / Limitons les (Acte II, scène 3) 4’38
en réalité, c’était surtout une dégâts / Un mégalomane pour- SCHUBERT
par le Quatuor Hermès
référence au personnage diabo- rait bien / Nous reconstruire 8 • Quatuor n° 13 « Rosamunde » :
lique de Phantom of the Para- Manhattan / Autour des tours Menuetto. Allegretto 7’12
dise de Brian De Palma). La de Notre-Dame » – des mots BEETHOVEN
variété la plus populaire mon- qui prennent aujourd’hui une par Wilhelm Furtwängler et l’Orch.
phil. de Vienne
trait ainsi qu’elle pouvait rendre dimension bien particulière. 9 • Symphonie n° 3 « Héroïque » :
PHILIPPE LEDRU / AKG-IMAGES

hommage à la « haute » culture N’empêche : imaginez un ins- Finale. Allegro molto 12’17
littéraire, le parolier Patrick Loi- tant une manifestation devant HAYDN
par Giovanni Antonini
seau (devenu mari de Dave) se la mairie de Paris avec une foule et Il Giardino Armonico
permettant un très gros clin mettant à fond Dvorák, ça 10 • Symphonie n° 15 : Andante 5’39
d’œil à la Recherche. Mais le aurait un certain panache, non ? VIVALDI
par Andrés Gabetta et l’Orch.
temps, c’est bien connu, a ses Tous ensemble : « Lutèce a beau de l’Opéra royal
règles et le Hollandais voit son lutter… » X Baptiste Liger 11 • Les Quatre Saisons
(version de Dresde) :
L’Été : Allegro non molto allegro 5’20
MONTEVERDI
par Valerio Contaldo, Mariana
Florès, le Chœur de chambre de
LA TRIBUNE DES CRITIQUES DE DISQUES Namur, Cappella Mediterranea et
Leonardo García Alarcón
TOUS LES DIMANCHES, SUR FRANCE MUSIQUE, DE 16 H À 18 H, L’Orfeo (Acte IV)
12 • « Ahi, vista troppo dolce et
JÉRÉMIE ROUSSEAU PRÉSENTE « LA TRIBUNE DES CRITIQUES DE DISQUES ». troppo amara » 1’46
LE 7 NOVEMBRE : Concerto pour piano n° 3 de Rachmaninov ; LE 14 NOVEMBRE : Trio n° 5 13 • « Dove te’n vai, mia vita ? » 0’42
14 • Sinfonia a 7 0’35
« Les Esprits » de Beethoven ; LE 21 NOVEMBRE : Cantate « Actus Tragicus », BWV 106, 15 • « È la virtute un raggio » 1’36
de Bach ; LE 28 NOVEMBRE : Polonaises de Chopin 16 • Sinfonia a 7 0’43
Renseignements : www.francemusique.fr

CLASSICA / Novembre 2021 Q 19


PLANÈTE MUSIQUE
ANNIVERSAIRE
DIX ANS DE PROSPÉRITÉ
La Dolce Volta passe le cap de la décennie
en pleine santé ! Son festival en atteste.
epuis vingt ans, récemment avec Beatrice Ber-
«
D j’entends dire que le
disque est mort,
rut, Jean-Baptiste Fonlupt,
Théo Fouchenneret ou Adrien

MAXPPP
pourtant il survit La Marca. Les confinements
toujours ! » Directeur de La passés se sont accompagnés
Dolce Volta, Michaël Adda fête d’une « hausse stratosphérique
les dix ans d’un label « en des commandes de disques phy- un objet élégant et luxueux. Les Vanessa Wagner dans son pro-
bonne santé » dont il continue siques sur la boutique en ligne nouvelles parutions seront gramme « This is America! »
de développer une ligne artis- de La Dolce Volta ». Si elle ne désormais présentées en livre- (Bernstein, Glass, Adams),
tique stable : 60 % de piano, compense pas la chute conco- disque » (un format digipack, Dana Ciocarlie qui partagera
30 % de musique de chambre mitante des ventes due à la qui intègre tous les codes du la scène avec Philippe Katerine
et 10 % d’orgue. « Nous avons fermeture de la Fnac et des livre et de l’édition papier avec (photo), Julie Depardieu,
à cœur de fidéliser les artistes disquaires durant la période, une couverture lourde). Le Astrig Siranossian et Juliette
phares de notre catalogue : cette envolée a permis une Festival La Dolce Volta qui se Armanet, ou encore Olivier
Jean-Philippe Collard, Gary diversification importante de tiendra salle Gaveau à Paris les Latry dans un programme
Hoffman, Olivier Latry… tout la clientèle du label qui s’en 4 et 5 décembre 2021 offrira Bach, Liszt et Dupré – un
en restant à l’écoute des jeunes félicite. Celui-ci défend encore aux mélomanes des rencontres moment exceptionnel pour la
talents », souligne Michaël ardemment le support phy- avec les artistes présents. On salle Gaveau qui n’a pas fait
Adda qui élargit progressive- sique : « Nous souhaitons conti- entendra notamment le duo résonner d’orgue depuis
ment son panel d’interprètes : nuer de prôner le disque comme Wi l h e m L a tch o u m i a e t 1957 ! X Aude Giger

POST SCRIPTUM
Chaque mois,
STÉPHANE GRANT
feuillette le dernier numéro
de Classica.

L
’opéra est un genre – et un arracher un morceau de son vêtement. » artiste. De sacrés modèles ». Ainsi donc,
répertoire – qui (sur)vit Pareilles transes sont désormais – et aux interprètes et aux ouvrages qu’ils
aujourd’hui par le talent et par exclusivement – réservées aux perpétuent, la patrie musicale
la renommée de ses chanteurs : à cet égard, chérissons-les ! reconnaissante : « Carmen au
interprètes. Les compositeurs Dans son extraordinaire et explosif Panthéon ! »… Et pourquoi pas ?
qui s’y attellent ont choisi une autre récital, consacré le mois dernier par un À l’heure où y entre Joséphine Baker,
voie, et de fait un lien infiniment plus CHOC de Classica, Michael Spyres se c’est Alain Duault qui militait dans ces
ténu avec leur public : loin de nous ce joue des tessitures et paie son tribut à colonnes pour que soit ainsi honorés
temps où l’on portait en triomphe un l’histoire : ténor et baryton à la fois, oui, – ensemble – le personnage le plus
Verdi dans les rues de Milan, au sortir car souvenons-nous « que les ambitus célèbre de l’opéra (sa « tour Eiffel », dixit
de la création d’Otello, l’avant-dernier vocaux d’autrefois étaient autrement Duault), Bizet, son génie créateur, et
chef-d’œuvre du maître. Relisons Pierre plus vastes que les catégorisations au-delà d’eux, enfin, tout simplement
Milza ! Dans la salle, « applaudissements modernes dans lesquelles on nous force la musique. « L’image de cette femme
à n’en plus finir, cris, mouchoirs agités, à rentrer aujourd’hui ». Un nom parmi ardente et libre qui, depuis sa création
bouquets et gerbes de fleurs, plusieurs d’autres ? Celui de Manuel García, star en 1875, lève haut son drapeau serait un
dizaines de rappels pour le maestro »… de son époque, le créateur d’Almaviva symbole à maints égards ». On a osé
Et dehors, plus tard, les mêmes scènes pour Le Barbier de Rossini, mais qui fut Joséphine, osons Carmen ! X
de délire : « La foule entoura le carrosse aussi – c’est Spyres qui nous le
du musicien. On détela les chevaux […]. rappelle – « un Don Giovanni réputé ! Retrouvez les grands concerts
On voulait le toucher, lui parler, lui Il n’était ni ténor ni baryton, c’était un du mois sur francemusique.fr

20 Q CLASSICA / Novembre 2021


EN
BREF
LA SCALA
EN PROVENCE
ZLa Scala de Paris
étend son rayonnement
en Avignon, avec une

PASTELMAGE
nouvelle salle qui ouvrira
ses portes en juin
prochain. La création
d’un label maison
accompagnera ce

La garde montante déploiement.

OPÉRA DU FUTUR
ZRoselyne Bachelot
Révélé par un premier enregistrement en 2019 des Variations Goldberg a présenté début
qui a enthousiasmé la critique, le jeune pianiste français manifeste une octobre les cinq « axes
de travail prioritaires »
étonnante maturité par son approche exigeante du clavier. qui permettront de
définir « l’opéra du
XXIe siècle ». Soutien à

À
La Ciotat où il est tions Goldberg dont les réper- la création, lutte contre
né, Gabriel Stern GABRIEL cussions auront un effet les discriminations et
fait ses premiers STERN déclencheur sur une carrière accompagnement des
pas pianis- débutante qui prend désor- artistes reçoivent une
tiques auprès de Nelly Tas- Nationalité : française / Âge : 28 ans
mais son envol. René Mar- attention particulière
madjian avant de Parcours : CRR de Marseille, tin l’invite à deux reprises dans les lignes de ce
rejoindre la classe d’Anne- CRR de Rueil-Malmaison, Haute École au Festival de La manifeste.
Marie Ghirardelli au CRR de musique de Genève Roque-d’Anthéron et il se
de Marseille puis en 2011 Répertoire de prédilection : J.-S. Bach, produit au Festival de RELAIS OUTRE-
le cycle de perfectionne- Beethoven, Liszt, musique russe, Radio France à Montpellier. MANCHE
ment de Pascal Amoyel à Ligeti et répertoire Nelson Goerner, auprès ZLe chef japonais Kazuki
Rueil-Malmaison avec un prix contemporain. duquel il se perfectionne Yamada vient d’être
de virtuosité en poche. En depuis 2019 à la Haute École nommé à la direction
Suisse où il vit actuellement, il intègre de musique de Genève, ne tarit pas artistique de l’Orchestre
la Haute École de musique de Genève et se d’éloges sur l’attitude et la curiosité d’un de Birmingham. Il
forme auprès de Cédric Pescia qui lui inculque disciple dont il apprécie tout particulièrement reprendra la baguette
la connaissance de la musique pour clavier du l’ouverture d’esprit, l’humilité et l’appétit. Pour de Mirga Gražinyte-Tyla
Cantor de Leipzig, l’incite à travailler la Sonate l’heure, Gabriel Stern ne cherche pas à brûler les à partir d’avril 2023.
« Hammerklavier » ou l’opus 111 de Beethoven étapes mais approfondit un art à la fois sensible
et élargit son horizon aux compositeurs du et intellectuel sans volonté de se spécialiser tout CONSULTANTE
XXe siècle, en particulier György Ligeti. En Italie, en se ressourçant au contact de la lecture, du DE LUXE
à Fiesole, il suit les cours de la grande Elisso cinéma, du sport ou de la méditation. L’enregis- ZLa soprano Renée
Virsaladze et bénéficie également des conseils de trement en mai dernier pour Mirare des Douze Fleming vient d’obtenir
Bernard d’Ascoli au sein de l’Association Piano Études d’exécution transcendante de Liszt consti- la charge de conseillère
Cantabile. Le passage obligé des concours ne tue pour lui un viatique : dans ce cycle redoutable, pour les projets
constitue pas pour lui une fin en soi, bien qu’il le jeune soliste peut faire valoir l’étendue de ses spéciaux à l’Opéra
remporte en 2012 le Concours international de moyens pianistiques mais aussi dégager un sens de Los Angeles. Elle
Montrond-les-Bains et en 2016 le prix de vir- poétique et une large palette de couleurs, des conservera dans le
e
tuosité du X Concours international de piano qualités qui sont l’apanage d’un interprète à la même temps ses
Adilia-Alieva à Annemasse. Grâce au soutien du maîtrise impressionnante.X fonctions homologues
label discographique Lyrinx, il grave les Varia- Michel Le Naour à l’Opéra de Chicago.

CLASSICA / Novembre 2021 Q 21


PLANÈTE MUSIQUE SUR
LE WEB
Les grands concerts www.france.tv
ZFarnace de Vivaldi, par
C. Strehl, L. Cirillo,
S. Prina, R. Bove,
S. Gabetta. En direct de la Mai- V. Buzza, K. J. Kim,
À LA RADIO D. Ferri Durà, P. Moretti,
son de la Radio. Orch. du Théâtre de la
FRANCE MUSIQUE 19/11 À 20 H 30 Fenice, dir. D. Fasolis.
04/11 À 20 H Concerto pour piano n° 2 de Enreg. à Venise en 2021.
Concerto n° 10 pour deux Rachmaninov, Symphonie n° 7 ZFaust de Gounod,
pianos de Mozart, Toccata e due de Bruckner, par N. Lugansky, par I. Lyon Rivas,
A. Esposito, C. Remigio,
canzoni de Martinu et Le Car- Orch. philharmonique de A. Noguera, W. Corrò,
naval des animaux de Saint- Radio France, dir. M. Franck. Orch. du Théâtre de la
Saëns, par G. Bellom, I. Mar- En direct de la Philharmonie Fenice, dir. F. Chaslin.
gain, G. Proust (photo), Orch. de Paris. Enreg. à Venise en 2021.
national de France, dir.

J.F ROBERT
26/11 À 18 H
www.arte.tv/fr
R. Reinhardt. En direct de la Variations Goldberg de Bach, ZRodelinda de Haendel,
Maison de la Radio. par L. Lang. En direct de la par O. Willetts, J. van
05/11 À 20 H Maison de la Radio. Mellaerts, F. Gottwald,
Tambourin en ut de Leclair, 02/12 À 20 H 03/12 À 20 H T. Cooley, C. Lowrey,
A. Dennis, Orch.
Rizoma de Coll, Sonates en sol Car naval, Ouver ture de Alborada del gracioso, Tzigane Festpiele Göttingen,
majeur et en si mineur de Scar- Dvorák, Concerto pour violon- et Boléro de Ravel, La Joie de la dir. L. Cummings. Enreg.
latti, Sonate pour violon et vio- celle de Schumann, Quatuor souffrance (concerto pour vio- à Göttingen en 2021.
loncelle de Ravel, Én-kör III de avec piano de Brahms/Schoen- lon) de Chen, par M. Venge- ZFidelio de Beethoven,
par M. Spyres, S. Stagg,
Illès, Le Clavier bien tempéré, berg, par E. Moreau, Orch. rov, L. Yiwen, Orch. philhar- M. Eriksmoen,
1er livre : Fugue en mi mineur de national de France, dir. monique de Radio France, dir. A. Dohmen, G. Bretz,
Bach, Duo, op. 7, de Kodály, L. Viotti. En direct de la Mai- Y. Long. En direct de la Mai- C. Immler, L. Vrielink,
par P. Kopatchinskaja et son de la Radio. son de la Radio. X Pygmalion, dir. R. Pichon.
Enreg. à l’Opéra
Comique en 2021.

www.operavision.eu
ZTosca de Puccini par
S. Radvanovsky (photo),
J. Calleja, C. Alvarez,
À LA TÉLÉVISION du Théâtre royal de Madrid, G. Bullón, V. Lanchas,
dir. I. Bolton. Enreg. à Madrid M. Atxalandabaso,
ARTE en 2021. D. Lagares, Orch.
07/11 À 01 H 20 15/11 À 20 H 30 symphonique de Madrid,
dir. N. Luisotti. Enreg. à
Symphonie n° 6 de Sibelius et Selva morale e spirituale, Ado- Madrid en 2021.
Symphonie n° 6 de Tchaï- ramus te Christe, Letanie della ZLe Nain de Zemlinsky,
kovski, par Orch. philhar- Beata Vergine, Christe, ado- par L. Ruiten, A. Dasch,
monique de Radio France, dir. ramus te de Monteverdi, par D. Welton, C. Hilley,
M. BORGGREVE

Orch. philharmonique
S.-M. Rouvali (photo). Enreg. Vox Luminis, dir. L. Meunier. des Pays-Bas, dir.
à la Maison de la Radio en Enreg. à Grenade en 2019. L. Viotti. Enreg. à
2020. 22/11 À 20 H 30 Amsterdam en 2021.
14/11 À 00 H 55 Sonates en trio, Duetto da
Messes mariales et motets de 28/11 À 16 H 45 Camera « No, di voi non vo’
Desprez, par W. Lattke, Le Barbier de Séville de Rossini, fidarmi », Aminta e Filide de
R . Po h l e r s , F. O z i m e k , par J. D. Flórez, Haendel, par J. Niles, S. Bar, Les
D. Knauft, H. Krause, T. Pöche V. Berzhanskaya, E. Dupuis, Arts Florissants, dir. W. Chris-
avec l’ensemble vocal Amar- P. Bordogna, I. Abdrazakov, tie. Enreg. à Peralada en 2021.
cord. Enreg. à Leipzig en 2021. Orch. de l’Opéra de Vienne, 22/11 À 22 H
21/11 À 00 H 55 dir. M. Mariotti. Enreg. à Récital Teresa Berganza,
Macbeth Underworld de Dusa- Vienne en 2021. œuvres de Mozart, Rossini,
pin, par D. Kaiser, P. Schöne, Montsalvatge, Obradors,
M. C. Pino Cury, V. Wilson, MEZZO Guridi, Falla, par T. Berganza,
C. Seibel, M. Smolka, 02/11 À 16 H F. Lavilla, G. Moore, Orch. de
H. Matsui, A. Drevinskas, Rusalka de Dvorák, par A. Gri- l’ORTF, dir. S. Baudo et
M. COOPER

Orch. de la Sarre, dir. J. Thorau. gorian, E. Cutler, K. Mattila, E. Jochum. Enreg. à Paris et
Enreg. à Sarrebruck en 2021. M. Kuzmin-Karavaev, Orch. Aix-en-Provence en 1964. X

Pages coordonnées par Aude Giger : aude.giger@editions-premieresloges.com

22 Q CLASSICA / Novembre 2021


OPERA A PALAZZO
Vivez La Traviata au plus près des artistes

9 SOIRÉES EXCEPTIONNELLES
JUSQU’AU 16 DÉCEMBRE 2021

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Opera a Palazzo vous invite à suivre les artistes dans un prestigieux palais parisien
pour une adaptation unique de La Traviata de Verdi.

Votre soirée comprend : Une visite de la Fondation, la représentation de La Traviata


et un cocktail avec champagne en présence des artistes

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* Réduction par billet valable jusqu’au 30 novembre 2021 75009 Paris
out en elle est singulier : la créera Troilus and Cressida de Walton à Rosbaud en 1955 (Forgotten Records), et

T
silhouette, fière et fine, le Covent Garden en 1954 : le live existe, chez les tardives Parole di San Paolo dirigées par
répertoire, extrême et sé- Pristine Classical. Zoltán Peskó (Italia). Busoni, Ghedini,
vère, la discographie, passa- Voix pour l’Italie, une certaine Italie, mo- Malipiero, Lualdi sont pour elle un pain
blement dispersée, et la re- derne et intellectuelle, un pays de cœur et quotidien, plus que quelques Verdi ou la
nommée, totalement d’adoption (elle vivra près de Rome, et y Madame Sans-Gêne vraiment trop débrail-
évaporée. L’instrument plus encore, d’une mourra, en 2002), elle n’est pas, à la Scala, lée de Giordano.
souplesse toute relative et sans séduction des grandes soirées vocales de l’époque, des Voix pour Vienne enfin, non pas à la Staats-
immédiate, qui la tiendra éloignée des productions romantiques et verdiennes, oper qui ne la reconnaît pas plus que les
grandes héroïnes lyriques pour lesquelles mais de Noces de Stravinsky avec Giulini en autres grandes scènes, mais dans les studios
elle aurait eu une prestance, une autorité, 1954, d’un Prigioniero de Dallapiccola en locaux de Westminster avec, ironiquement,
une intelligence sans doute décalées. Cette 1962 et, la saison suivante, d’une création l’orchestre de l’institution même. Une fois
singularité même, et une exigence de mu- presque sans lendemain, le bref et halluciné avec le très routinier Argeo Quadri – nous
sicienne plus que de chanteuse, feront d’elle Era proibito de Luciano Chailly et Dino ne sauvons ici qu’un seul des airs de concert
l’inlassable créatrice d’œuvres sans conces- Buzzati. De l’opéra de Dallapiccola, c’est mozartiens de 1953, un « Bella mia fiam-
sions au goût du public, une soliste hors elle la Mère originelle, avec Scherchen à la ma » douloureux et hautain –, dix fois avec
norme pour Stravinsky, Reiner, Sargent et, RAI de Turin en 1949 et sur la scène du son mentor Scherchen dont elle est la so-
avant tout autre, Hermann Scherchen. So- Comunale de Florence l’année suivante, prano attitrée, celle des cantates de Bach et
prano hongroise, née dans l’actuelle Rou- puis à Gênes, à Bologne, et aussi tard qu’en de la Saint Matthieu qu’on écoute toujours
manie en 1912, Magda László n’a chanté les 1967 à la Fenice de Venise. Du musicien avec ferveur, celle du Requiem de Mozart et
rôles traditionnels, Verdi et Wagner, que istrien, le disque préserve encore une can- de l’Egmont de Beethoven. Si l’on se sou-
trois saisons de guerre à l’Opéra de Buda- tate, An Mathilde, composée à ses mesures vient de Magda László (mais s’en sou-
pest. Car, très vite, au tournant des années et créée à Donaueschingen avec Hans vient-on vraiment ?), c’est par son compa-
1950, un axe européen, classique, contem- gnonnage avec le chef allemand dont elle
porain et absolument pas romantique, se est la juste incarnation vocale, classique et
dessine tout aussi singulièrement, qui lui moderne. De Bach à Berg, Schoenberg et
donnera peu à peu ce profil dont on fait les jusqu’à Henze, tout ce prestige a quand
interprètes cultes. même fait un peu d’ombre à la récitaliste
Voix pour l’Angleterre, elle incarne au « baroque » que Westminster flanque sur
Festival de Glyndebourne une rare Alceste nos « Introuvables » du pianiste maison
de Gluck, dirigée par Vittorio Gui deux Franz Holetschek, soliste, chambriste et
étés de suite, 1953 et 1954, mais aussi une accompagnateur de Jurinac et de Cuénod.
Dorabella soprano face à la Fiordiligi my- Deux volumes d’airs antiques, comme on
thique de Sena Jurinac, et enfin la Poppée qualifiait à l’époque mélodies et airs italiens
de Monteverdi en 1962 et 1963 avec Prit- au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles : en
chard, et dont EMI préserve la trace pion- voici le second, plus abouti que le premier,
nière. Alors que le rôle a été écrit pour grâce à un Carissimi et des Pergolesi d’une
Elisabeth Schwarzkopf (elle en enregistra éloquence troublante, un Caldara, un Scar-
d’ailleurs des extraits), c’est bien László qui latti à l’allégresse distanciée. X

Magda László
UNE VOIX TROUBLANTE
ET SINGULIÈRE
Des airs baroques italiens accompagnés au piano, et chantés par une soprano
hongroise férue de contemporain : la chose semble hasardeuse.
Écoutons-y pourtant la partenaire en Bach et en Schoenberg de Hermann Scherchen.
PAR CHRISTOPHE CAPACCI

24 Q CLASSICA / Novembre 2021


GUY GRAVETT / GLYNDEBOURNE PRODUCTIONS LTD. / ARENAPAL

CLASSICA / Novembre 2021 Q 25


DESTINATION
OPÉRAS
Entre neiges et dunes, dorures ou acier,
130 maisons d’opéra des cinq
continents vous ouvrent leurs portes.
Une invitation au voyage richement
illustrée, signée Christophe Rizoud.
320 P. • COULEUR • 32 € • ISBN 978-2-84385-367-8
L’HUMEUR
D’ALAIN DUAULT

Le danger radical
n biologie médicale, on se méfie des radicaux une couleur de peau à une couleur sonore – du racisme à

E
libres : ce sont de micro-éléments qui s’ins- l’envers en somme ! Souvenons-nous de la belle réponse de
tallent dans notre corps, le perturbent en pro- Wieland Wagner à ceux qui l’accusaient de « dénaturer » la
fondeur et provoquent l’irrésistible vieillisse- musique de son illustre aïeul quand il avait engagé la mezzo
ment qui nous conduit à la mort… Il semble noire Grace Bumbry pour chanter la Vénus de Tannhäuser à
bien que notre société soit ces temps-ci un Bayreuth : « Mon grand-père a écrit pour des couleurs de voix,
corps malade, du fait de quelques éléments qui affirment haut non pour des couleurs de peau. » C’est l’honneur d’une violo-
et fort leur radicalité. Ainsi, le mois dernier, à l’université de niste chinoise, Zhang Zhang, brillante soliste de l’Orchestre
l’Arizona, deux étudiantes noires ont demandé à deux étudiants philharmonique de Monte-Carlo, de s’être élevée contre ce
blancs de quitter la bibliothèque parce que leur présence était conformisme racialiste, pointant bien plutôt le fait que la
pour elles « offensante » ! Il y a cin- musique classique étant d’origine
quante ans, en Chine, les Gardes occidentale, elle touche prioritaire-
rouges balayaient tout ce qui n’était
pas rouge et brisaient à coups de barres L’intolérance ment les populations européennes au
sein desquelles de jeunes gens
de fer les bras des pianistes pour qu’ils découvrent l’envie de la pratiquer.
ne jouent plus de « musique bour-
geoise » parce que celle-ci offensait la
agressive D’ailleurs, note-t-elle, « dans d’autres
régions du monde, il existe des orchestres
conscience révolutionnaire du peuple.
Depuis trente ans, en Iran, les Gardiens
de la révolution, tout comme, à nou-
progresse entièrement composés de musiciens
asiatiques, africains ou hispaniques.
Leur reproche-t-on de ne pas inclure
veau, les talibans en Afghanistan, inter-
disent la musique. La culture au sens
chaque jour suffisamment les minorités ? » Il n’y a
aucune raison de refuser l’accès à un
large, et la musique en particulier, orchestre symphonique, une troupe
semble focaliser la haine de ceux qui affirment leur sectarisme d’opéra ou un corps de ballet, à un artiste d’où qu’il vienne, de
sous le nom de radicalité. Ainsi, quatorze musiciens, blancs, de quelque groupe, race, sexe, qu’il soit issu – mais il n’y a non
la compagnie britannique English Touring Opera ont reçu une plus aucune raison d’imposer à un orchestre symphonique,
lettre les informant qu’ils étaient écartés « afin d’accroître la une troupe d’opéra ou un corps de ballet, un quota de noirs,
diversité au sein de l’orchestre » ! L’intolérance agressive pro- arabes, asiatiques, femmes, homosexuels, trans, blonds, grands,
gresse chaque jour dangereusement et l’idée que la « diversité » petits, gros, maigres, borgnes, etc. Zhang Zhang pointe d’ail-
devrait s’imposer dans les orchestres, les corps de ballet ou chez leurs justement le fait qu’« il ne viendrait à l’idée de personne
les solistes vocaux, si elle triomphait, tendrait bientôt à qu’un club de football sélectionne ses athlètes en fonction de critères
asphyxier le recrutement des artistes en remplaçant l’exigence ethniques et non sur leurs seules performances. Alors pourquoi
et l’excellence par les quotas ! Après avoir combattu le népo- devrait-on l’accepter pour les arts musicaux ? » D’où l’impérieuse
tisme et autres favoritismes en imposant les audi- nécessité de l’anonymat des recrutements derrière
tions derrière paravent, ce serait une formidable paravent : c’est l’excellence qui doit primer, car c’est
ALAIN DUAULT
régression ! Alors que cette méthode radicale a est poète,
l’excellence qu’on recherche dans l’interprétation
permis d’éliminer les préjugés machistes qui ont musicologue et des œuvres. Les orchestres et autres formations
longtemps éloigné les femmes des grandes forma- directeur artistique de musicales n’ont pas à devenir un service social
tions, on voudrait revenir à un autre type de pré- « Viva l’Opéra ! » dans pour telle ou telle catégorie, ils ont à faire partager
jugé, tout aussi dommageable, celui de préférer les cinémas UGC. à tous un peu de cette beauté qui est universelle.X

CLASSICA / Novembre 2021 Q 27


SORTIR

LES ESSENTIELS
Notre sélection du 1er au 30 novembre 2021

PARIS sommes au théâtre,


presque dans
PALAIS GARNIER
un vaudeville.
Mais qu’importe
Les 25, 28 et 30 novembre, 6, 8, 13, 15, 17, car l’ouvrage
19, 21, 26, 28 et 30 décembre retrouve la direction
Alcina de Haendel de Thomas
Hengelbrock à la
ingt-deux ans à de « simples » tête des Chœurs

V après sa figurants –, jardin de l’Opéra de Paris

MATHIASBOTHOR 2017
première à luxuriant et espace et de son Balthasar
Garnier (1999), immaculé : Neumann Ensemble,
l’opéra Alcina de la magicienne ainsi qu’un plateau
Haendel revient dans Alcina déambule vocal qui peut
la mise en scène dans un vaste surprendre… et
semble-t-il inusable appartement même enchanter,
de Robert Carsen, en compagnie entre l’Alcina de PARIS
pour la cinquième d’éphèbes, tandis Jeanine de Bique,
THÉÂTRE DES CHAMPS-ÉLYSÉES
fois ! Costumes que sa sœur le chevalier Ruggiero
contemporains Morgana a endossé de Gaëlle Arquez
associés à la nudité la tenue de soubrette et Sabine Devieilhe Les 10, 13, 15, 17 et 19 novembre
des corps – réservée en talons aiguilles. en alternance avec Eugène Onéguine de Tchaïkovski
Travestissement et Elsa Benoit dans le
£ operadeparis.fr.. quiproquos, nous rôle de Morgana. X téphane Tchekhov. » Dans

S Braunschweig
revient à la mise
en scène d’opéra avec
cette suite de
« scènes lyriques »
à caractère intimiste
cet ouvrage phare sur la désillusion,
du répertoire « qui Tchaïkovski tresse
nous invite à nous ses mélodies les plus
interroger sur ce que élégantes avec des
l’on fait de nos rêves », protagonistes qui
comme il remarque chantent comme
dans un entretien on parle. Distribution
à paraître en salle. franco-russe, avec
« Eugène Onéguine d’un côté Gelena
est une réflexion sur Gaskarova (Tatiana)
le temps qui passe, la et Alisa Kolosova
nostalgie, les regrets, (Olga) et de l’autre
et même les remords Jean-François Borras
[…] Le fait de renoncer (Lenski) et Jean-
à la vie rêvée produit Sébastien Bou
un inévitable sentiment (Onéguine), tandis
JM. LISSE / ONP

de nostalgie : cette que la New-Yorkaise


dualité de la vie rêvée Karina Canellakis
et de la vie réelle nous (photo) dirige
relie sans doute à le National. X

Pages réalisées par Franck Mallet £ www.theatrechampselysees.fr..

28 Q CLASSICA / Novembre 2021


PARIS PARIS
SALLE GAVEAU SALLE GAVEAU

Les 8, 15 et Du 23 novembre au 5 avril


16 novembre Be Classical
Incontournables

FINE ARTS MUSEUM OF SAN FRANCISCO


du piano ouvelle saison mélange de chants

rois solistes N à Gaveau avec


les six concerts
populaires et d’airs
d’opéras par les

T incontournables :
Ivo Pogorelich
revient à Gaveau avec
Be Classical de
Mathieu Herzog à la
tête de son Ensemble
ténors Bryan Hymel
et Jesse Mimeran
(11/01), Nadine
un récital Chopin des Appassionato, qui Sierra chantera la
dernières années, débute avec Ludovic nature et ses bienfaits
des si tourmentées Tézier (photo) et (18/02) tandis
Sonate n° 3 et Cassandre Berthon en qu’Olga Peretyatko
Polonaise-Fantaisie au PARIS duo dans la mélodie et Valentino Nafornita
chant murmuré de la et l’opéra français honoreront les
LES INVALIDES
Berceuse (8/11). Une (23/11). Roberto héroïnes, passées et
semaine plus tard, Alagna prend le relais présentes (8/03).
Jean-Marc Luisada Les 8, 23 et 29 novembre avec un programme Enfin, Thomas Enhco
voyage « de l’aube au 300e anniversaire d’Antoine Watteau concocté pour la célébrera la danse
crépuscule du circonstance : « Du et la liberté (5/04). X
romantisme » en atteau La Rêveuse associé théâtre à l’opéra »
compagnie de
Schubert, Gershwin
et Mahler/Tharaud
W (1684-1721),
peintre des
fêtes galantes où
au comédien
Benjamin Lazar
(8/11), ainsi que
(10/12). Après un £sallegaveau.com.

(15/11 ; également théâtre et mélancolie de l’opéra-ballet


à Piano à Lyon, le se mêlent, Les Éléments de
1er/12). Fort d’un très notamment dans sa Delalande et
remarqué premier représentation de Destouches avec Les
album solo intitulé musiciens jouant du Surprises (23/11). En
« Liszt macabre » théorbe, de la guitare, clôture, les étudiants
(Mirare, 2017), de la viole, de la flûte du département de
Nathanaël Gouin ou de la musette, musique ancienne
célèbre l’un des devient le temps de du Conservatoire de
recueils pianistiques trois concerts le Paris se retrouvent
les plus accomplis de partenaire de Marais, sous la direction

G. HOHENBERG / SONY
Liszt, les Années de Couperin, Dandrieu et de Mónica Pustilnik
Pèlerinage, Suisse et Caix d’Hervelois dans des œuvres de
Italie (16/11). X grâce à l’ensemble Couperin, Pignolet
de Montéclair et
£sallegaveau.com. £musee-armee.fr.. Rameau (29/11). X

VERSAILLES romantisme avec le Scott, Zachary Wilder


CHAPELLE Requiem allemand de et Marc Mauillon
Brahms (10/11). Le (16/11). Quant à
ROYALE
XVIIe siècle revient une Hervé Niquet, il
semaine plus tard juxtapose à la tête de
Les 10, 16, 20 avec William Christie son Concert Spirituel
et 21 novembre et ses Arts Florissants l’archi connu Requiem
Requiem(s) (photo) qui mettent de Mozart (1791) à
en regard trois celui, quasi inconnu,
n rupture de ban psaumes de de Salieri (1804) : un

E avec le
répertoire
baroque depuis son
Charpentier avec un
autre chef-d’œuvre de
la littérature sacrée
concert donné deux
fois en vue d’un
enregistrement à
Fidelio parisien, française, le Requiem paraître chez Château
Raphaël Pichon et de Campra, avec les de Versailles
SDP

Pygmalion touchent solistes Gwendoline Spectacles (20 et


£chateauversailles-spectacles.fr.. les cimes du Blondeel, Nicholas 21/11). X

CLASSICA / Novembre 2021 Q 29


SORTIR
BORDEAUX

Du 8 novembre au 4 décembre
C. DOUTRE

Festival L’Esprit du piano

ouzième édition manifestation deux

D du festival
bordelais auquel
la ville prête son
jours plus tard dans
Brahms et Liszt
(4/12). On n’oublie
BISCHWILLER chœur – Verdi et pas pour autant les
MAC ROBERT paraphrases de Liszt récitals d’Elisabeth
avec Jean-Baptiste Leonskaja (photo ;
LIEB
Fonlupt le 24/11 – ainsi Schubert et Prokofiev,
que son orchestre le 8/11), d’Ivo
Le 20 novembre sous la direction de Pogorelich (Chopin,
François-Frédéric Paul Daniel : Concerto le 10/11) d’Arcadi

B. PICHENE
Guy pour piano n° 2 de Volodos (Schubert
Liszt, avec en soliste et Debussy, le 25/11)
Alexandre Kantorow et de Florian Noack

B
eethoven et
Chopin seront (2/12), qui revient seul (Chopin et Lyapunov, CAEN
réunis par pour clore la le 29/11). X THÉÂTRE
François-Frédéric
Guy au cours d’une £opera-bordeaux.com.
unique soirée. Si le Les 10, 12 et 13 novembre
pianiste a consacré Cupid & Death de Shirley,
de nombreux Locke et Gibbons
enregistrements
au premier, dont ébastien Daucé, de James Shirley
une intégrale des
sonates et deux
des concertos – « Il
S à la tête de son
Ensemble
Correspondances, et
à la musique de
Matthew Locke et
Christopher Gibbons.
incarne la révolution le tandem de Oria Puppo recrée
des sentiments et metteurs en scène pour l’occasion une
des sensations » –, Jos Houben/Emily chorégraphie pour ce
le second arrive plus Wilson ont la bonne divertissement inspiré
tardivement dans idée de ressusciter ce d’une fable d’Ésope
son palmarès – masque anglais, qu’on nous promet
raison de plus pour « joyau baroque rare et somptueux…
le suivre. Également inclassable » qui, au Également à Paris du
à Ézy-sur-Eure, XVIIe siècle, mêlait le 18 au 27/11 (Athénée,
M. BORGGREVE

le 6/11. X texte parlé et chanté Théâtre Louis-Jouvet)


et à l’Opéra de Rouen
£mac-bischwiller.fr.. £theatre.caen.fr. les 14 et 15/12. X

IL EST TEMPS DE RÉSERVER


DIDON ET ÉNÉE À LILLE COLE PORTER LE MESSIE À LYON
Du 3 au 10 décembre AU CHÂTELET Du 13 décembre
SS
RE

Associée à la compagnie Du 11 décembre au 2 janvier


OF CONG

de danse Peeping Tom


C. EGAN
MUSBA

au 1er janvier Retour à Lyon du plus


et au metteur en scène Les Frivolités parisiennes célèbre des oratorios de
Franck Chartier, investissent le Châtelet avec Haendel dans la mise en
ARY

Emmanuelle Haïm dirige le un nouveau spectacle conçu scène touchante de Deborah


BR

chef-d’œuvre de Purcell à la Warner (photo). Également au


LI

par Christophe Mirambeau :


tête de son Concert d’Astrée. « Cole Porter in Paris ». Châtelet à Paris du 19 au 29/01.

30 Q CLASSICA / Novembre 2021


LYON précède la Sonate TOURCOING
AUDITORIUM pour violon et piano ATELIER LYRIQUE
n° 4 de Beethoven,
qu’elle interprète en
Les 13 et duo avec le violoniste Les 13 et
20 novembre et chef d’orchestre 14 novembre
Maria João Pires Nikolaj Szeps-Znaider Rinaldo de
(13/11). Également à Haendel
rtiste associée la Philharmonie de

A à l’Orchestre Paris le 16/11. Une

U
ne nouvelle

JB. MILLO
national de semaine plus tard, version du
Lyon, Maria João Pires sérénité apollinienne spectacle initié
y retrouve au moins et orage brucknérien par la metteuse en
trois de ses avec la Sonate n° 13 TOULOUSE achevé de Berg en scène Claire
compositeurs de de Schubert, puis THÉÂTRE DU 1925 d’après la pièce Dancoisne du Théâtre
prédilection. Son fêtes galantes avec de Büchner, écrite un la Licorne en 2018 est
CAPITOLE
Mozart, si vivant et le Debussy de la Suite siècle plus tôt. Après portée cette fois-ci
sensuel, s’incarne bergamasque, avant Ariane à Naxos et par Damien Guillon
dans la grâce juvénile les éclairs tranchants Les 19, 21, 23 Elektra de Strauss, à la tête de son
du Concerto n° 9 de l’opus 111 de et 25 novembre Michel Fau revient sur Banquet Céleste, avec
« Jeunehomme », que Beethoven. X Wozzeck de Berg la scène du Capitole toujours Paul-Antoine
pour sonder la psyché Bénos-Djian dans le
ouble prise de humaine et animer rôle-titre, entouré

D rôle pour les


Français
Stéphane Degout
la transmutation de
ce drame naturaliste
en parabole sur
d’Emmanuelle de
Negri et de Thomas
Dolié, avec Blandine
(photo) dans le l’humiliation et la de Sansal dans celui
rôle-titre et Sophie folie destructrice. de Goffredo. Cette
Koch dans celui de Autre fidèle du épopée sous forme
Marie au sein de cette Théâtre distingué de bestiaire baroque
HARALD HOFFMANN / DG

nouvelle production précédemment dans est bien dans l’esprit


toulousaine du noir La Ville morte de de l’ouvrage. X
Wozzeck, seul opéra Korngold en 2018,
le chef d’orchestre £atelierlyrique .
£auditorium-lyon.com.. £theatreducapitole.fr.. Leo Hussain dirige. X detourcoing.fr .

LYON talents de la pianiste et organiste Marie-Ange


Nguci, qui a même endossé le rôle de cheffe
PIANO À LYON
d’orchestre avec La Mer de Debussy, elle a été
repérée très tôt par les programmateurs.
Le 24 novembre Quatre ans plus tard, elle caracole dans toute
Marie-Ange Nguci l’Europe, seule ou en musique de chambre,
quand elle n’est pas soliste d’un concerto…
HOC de Classica avec un premier album À Lyon, elle réunit avec éclectisme la Sonate n° 5

C enregistré à 18 ans consacré à Bach/


Busoni, Franck, Saint-Saëns et Escaich
(Mirare, 2017), quatre compositeurs également
de Scriabine avec Une barque sur l’océan de
Ravel, la Chaconne de Bach/Busoni, la Fantaisie,
op. 77, de Beethoven et les Variations sur un
C. DOUTRE

maîtres du clavier, à l’image des multiples thème de Chopin de Rachmaninov. X £pianoalyon.com.

RT
S LET
X-A CENERENTOLA NA
VA LES CHEVALIERS TREEMONISHA
U
À MONTPELLIER DE LA TABLE RONDE À TOURCOING
AR
A
BE

EE
SC

Du 19 au 23 décembre À AVIGNON Les 28 et 29 janvier


AAN HAFFEJ
SÉES DES

S/MUSÉE

Perrault version Rossini, Du 29 au 31 décembre Treemonisha, premier opéra


l’opera buffa devient à Les réjouissants Chevaliers de l’histoire américaine,
/MU

SÉE

Montpellier l’occasion d’un d’Hervé (photo) investissent signé par Scott Joplin, pose
IHS

nouveau spectacle mis en ses valises à Tourcoing grâce


ES

MU

Avignon à l’occasion des


scène par Alicia Geugelin et à l’Isango Ensemble dirigé


IS

fêtes de fin d’année sous la


U

M R
PA
PAR
IS dirigé par Magnus Fryklund. direction de Christophe Talmon. par Mandisi Dyantyis (photo).

CLASSICA / Novembre 2021 Q 31


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J’accepte de recevoir les informations de Classica : oui non l’adresse : protection-donnees@editions-premieresloges.com. En cas de non-respect de vos droits, vous pouvez
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et de ses partenaires : oui non Classica est édité par la société PREMIÈRES LOGES, SARL au capital de 34 600 €, RCS Paris 351 876 388, siège social :
170 bis, boulevard du Montparnasse - 75014 Paris.
À VOIX HAUTE
PAR BENOÎT DUTEURTRE

Le centenaire de Garner
uand j’étudiais la musique, certains dogmes sionnistes, desquelles jaillit soudain le flux musical. L’inlassable

Q
modernes inspiraient notre vision de l’histoire formule du trio piano/basse/batterie permet à Erroll de partir
selon laquelle Webern comptait forcément en ballade au-delà du temps, que ce soit dans de lentes impro-
beaucoup plus que Chostakovitch. Des cli- visations poétiques ou dans des swings fulgurants. J’y songeais,
vages identiques s’imposaient dans le septième ces derniers jours, en réécoutant quelques joyaux extraits du
art où, selon la sainte parole de la Nouvelle fameux « Concert By The Sea » (1956), mais aussi du « One
Vague, il fallait mépriser Carné, Duvivier, World Concert » (1961) avec sa version enivrante de Mack
Clouzot ou Autant-Lara. Idem en littérature the Knife, suivie d’un jubilatoire Lover Come Back. Après quoi
quand le Nouveau Roman proclamait ses maîtres (Proust, j’ai réécouté ces pièces de jeunesse où il met à nu sa technique
Joyce, Kafka, Faulkner), mais renvoyait (Play Piano Play, Frantonality), et pour
dans les poubelles tout héritage balza- finir ce sublime développement en neuf
cien. De même, en matière de jazz, j’étais
frappé de voir les cercles de passionnés,
souvent fort cultivés, faire commencer
L’inclassable, minutes de The Man I Love dans l’ex-
cellent album « Encores In Hi Fi ». Je
recommande ces morceaux et d’autres
l’histoire à Charlie Parker, tout en regar-
dant avec un sympathique dédain les
l’incarnation à tous les mélomanes, incluant mes amis
pianistes classiques parfois eux-mêmes
grands orchestres swing. Ce même goût
faisait – et fait encore – autorité à propos
des pianistes, parmi lesquels un Thelo-
même du bluffés par le jazz savant et qui n’osent
pas trop se pâmer devant Erroll Garner
– tout comme il était mal vu d’admirer
nious Monk régnait comme une figure
sacrée dominant toutes les autres… et
bonheur Cziffra, le tapageur.
Un autre point me frappe dans ces sché-
notamment le génial Erroll Garner
qu’on regardait de loin comme un
simple amuseur poussant des râles,
en musique mas qui nous influencent sans qu’on y
prête attention : car, en somme, le jazz
« de bon goût » paraît souvent plutôt
jouant à toute vitesse et déployant des sombre, volontiers poétique mais rare-
improvisations trop joyeuses pour être honnêtes. ment très joyeux. C’est même là ce qui sépare les deux rives de
Les oreilles savantes s’y connaissent pour identifier les accords l’histoire du jazz où, d’un côté, les grands orchestres avaient
complexes, les tendances atonales et les subtiles combinaisons un incontestable pouvoir de jubilation, tandis que l’ère ou-
de structures mélodiques. Elles gagneraient beaucoup à écouter verte par le grand Miles et les autres restera dominée par la
plus attentivement le style merveilleusement personnel de ce mélancolie – malgré quelques belles exceptions comme Dizzy
géant d’un mètre cinquante-sept (encore moins que Ravel), né Gillespie. Quant à Erroll Garner, l’inclassable, il sera dans les
à Pittsburgh voici un siècle et mort à Los Angeles en 1977. Sur années cinquante et soixante l’incarnation même du bonheur
sa main gauche qui bat et accentue les temps sans en musique. Suivant ses propres voies, inventant
jamais se lasser, la main droite se balade, déplace la sa technique (il ignorait le solfège mais adorait
mesure, joue en avance ou en retard avec une irré- BENOÎT Debussy), jouant les mains à plat, éructant, dé-
DUTEURTRE
sistible efficacité – qui me rappelle parfois la ryth- est écrivain.
multipliant ses formules favorites, il enchantait
mique stravinskienne. Mais il sait aussi magnifier Son nouveau roman, son public comme nul autre et continue à me
les accords dans des broderies extatiques, ou nous Ma vie extraordinaire, guider par son art solaire, quelque peu rossinien,
surprendre par ces introductions chaotiques aux est paru illuminant un temps où la musique succombait à
thèmes déstructurés teintés d’harmonies impres- chez Gallimard. l’esprit de sérieux. X

CLASSICA / Novembre 2021 Q 33


ON A VU

Le sacre de la Reine

ecture fidèle du

L
chef-d’œuvre
d’Andersen
donnée en créa-
tion française,
La Reine des
neiges (photo) est un scintillant
opéra de Hans Abrahamsen (né
en 1952) célébrant les puis-
sances de l’amour face à un mal
subreptice annihilant toute sen-
sibilité. Le petit Kay – intense et
lumineuse Rachael Wilson – est
blessé par un reflet du mal qui
le touche à l’œil, le privant de
son humanité en le réfrigérant
de l’intérieur, à l’image de ces
démoniaques flocons de neige
de la Reine des neiges – l’impé-
rieuse basse David Leigh, incar-
nant aussi un Renne bienveil-
lant – qui le retient prisonnier.
Aidée par des créatures merveil-

K. BEC
leuses, son amie Gerda – Lauren
Snouffer s’acquittant avec vir-
tuosité des défis rythmiques de phoses réagissent à la roman- amplifiés dans les sept histoires entièrement rédigé en écriture
son rôle – va parcourir forêts et tique dramaturgie musicale qui constituent l’arc narratif de inclusive, et Caroline Shaw a dû
rivières pour le délivrer. Un effi- d’Abrahamsen. Encore relative- l’opéra, créant une séduisante modifier sa Partita for 8 Voices
cace dispositif est mis en scène ment méconnu en France, ce synesthésie sonore d’une face à des accusations d’appro-
par James Bonas, qui recouvre subtil compositeur danois richesse expressive rarement priation culturelle d’une
la fosse d’un sobre plateau tenant du courant de la « nou- atteinte dans la création technique de chant inuit.
étendu, et Grégoire Pont, qui velle simplicité » hybride dans contemporaine. Le lendemain, Qu’importe cette immixtion de
projette sur un rideau son oni- son écriture ciselée ses maîtres Strasbourg inaugure la nouvelle la cancel culture et du woke, cette
rique création vidéo. À l’ar- Nielsen et Nørgård avec la plas- édition d’un Festival Musica pièce solaire ainsi que The Isle
rière-scène, l’Orchestre philhar- ticité mélodique de Ligeti, en y entièrement renouvelé, qui révèlent toute la puissance
monique de Strasbourg est ajoutant aussi une touche de regarde vers la performance en rhapsodique de cette jeune
dirigé avec finesse par Robert minimalisme américain. Ici, s’attachant à effacer l’identité compositrice chantant elle-
Houssart. Très réussies, les ani- quelques thèmes concis suf- des précédentes éditions. Signes même dans l’ensemble Room-
mations visuelles en anamor- fisent, répétés, développés et des temps, le programme est ful of Teeth, qui interprète éga-
lement Beneath, autre bel
LA REINE DES NEIGES D’ABRAHAMSEN, PARTITA FOR 8 VOICES DE SHAW a cappella minimaliste de Caleb
Strasbourg, Opéra national du Rhin et Les Halles Citadelle, les 15 et 16 septembre
Burhans. X Romaric Gergorin

34 Q CLASSICA / Novembre 2021


KLAUS MÄKELÄ
Œdipe, Ouverture de saison
magistrale à l’Orchestre
de Paris : Unsuk Chin en

le retour tradition moderne (Spira),

E. HABERER / ONP
Strauss (les Quatre Lieder
de l’opus 27) en majesté,
HEUREUSE par la voix immense et
PROGRAMMATION souple de Lise Davidsen,
et une « Titan » de Mahler
hef-d’œuvre de notre enfin, et comment, façon inscrivant dans un rituel visuel traitée par Klaus Mäkelä

C répertoire, Œdipe,
porté à l’Opéra en
1936, honteusement
négligé depuis, est d’une
époque de création nationale
Achim Freyer – si personnelle –
avec ce même Ingo Metzma-
cher, chef si souvent majuscule,
et Christopher Maltman aussi,
fils de Laïos aux multiples ver-
en osmose avec l’œuvre, pour
finir, à Colone, en éblouisse-
ment. Le reste (la Sphinge de
Margaine, Beuron, Naouri,
toute la troupe, les chœurs, l’or-
en un concerto pour
orchestre aussi brillant
que captivant. Mémorable.
(Paris, Philharmonie,
15/09)
appauvrie, point faible de l’ère tus vocales et à la présence sai- chestre, tous magnifiques) n’est
Rouché, le parangon qu’on sissante. Paris s’honore donc à que détail. Importe d’abord THOMAS LEFORT
salue pour son classicisme fré- lui rendre son rang dans une cette révélation au public. Le programme « Folk »
missant de modernité, comme vraie production de répertoire, Symptôme heureux que cette proposé par le violoniste
pont entre Ravel et Poulenc. apaisée, un hors du temps qui première production voulue ouvrait la saison musicale
Reflet de notre ascendance évacue tant de transpositions par Alexander Neef qui fera de La Scala consacrée aux
grecque, de notre psyché uni- usées. Wajdi Mouawad et date dans l’histoire de notre nouveaux talents. Dans
verselle, comme de son époque Emmanuel Clolus renvoient, à Opéra. X Pierre Flinois des pièces de Bartók,
néoclassique, il reste trop rare contre-mode, aux années trente Kreisler, Saint-Saëns,
encore, malgré un enregistre- et à la décantation d’au- ŒDIPE D’ENESCO Sarasate…, son archet
ment (Plasson, van Dam) révé- jourd’hui, disant les choses (le Paris, Opéra Bastille, subtil et une imagination
lateur. Salzbourg l’avalisait hier, viol commis par Laïos) et les le 26 septembre rhapsodique héritée du
Gitlis des jeunes années
s’élevaient sur les cimes
avec le soutien pianistique

Rigoletto fait son show complice de Pierre-Yves


Hodique. Un rêve éveillé !
(La Scala Paris, 13/10)
UNE PROPOSITION
RADICALE RÉUSSIE ORCHESTRE
NATIONAL DE
igoletto, selon la bril- BRETAGNE

R lante Marie-Ève Signey-


role, est devenu un
showman en total burn-out. Le
Toujours audacieux dans
sa programmation, l’ONB
proposait en ouverture
chœur, ce sont ses fans, dissé- de saison un dialogue
minés parmi nous autres spec- interactif, entrepris par
tateurs. Le Duc est son agent le compositeur Benoît
avide de cachets et Gilda la Menut, entre création
M. GINOT

victime de l’oppression sexuelle. contemporaine,


Une déconstruction si radicale Symphonie n° 7 et
ne manquera pas de provoquer Chansons écossaises,
d’intenses débats, mais on s’en lauréate 2021 du Concours de sur les épaules de Gëzim Mysh- irlandaises ou galloises
réjouit tant on apprécie, depuis chant de Clermont-Ferrand, est keta, baryton albanais ayant de Beethoven. Sous la
un mémorable Don Giovanni Gilda. Son timbre cristallin davantage le tempérament d’un direction de Grant
à Strasbourg, ses coups de kar- délivre un « Caro nome » sur Figaro que d’un baryton ver- Llewellyn, la musique
cher appliqués aux mythes les hautes cimes. Le Duc est dien, mais qui sait habiller du passé rejoignait celle
lyriques. À la baguette, le jeune Rame Lahaj, ténor kosovar doté chaque intention de cette pro- du présent dans une
Roderick Cox, lauréat du d’un physique à la Franco duction radicale et passion- ambiance festive face
Concours Georg-Solti, livre un Corelli. Tout le spectacle repose nante. X Vincent Borel à un public conquis.
Verdi presque trop poli au (Théâtre de Lorient,
regard de ce que la scène exhibe. RIGOLETTO DE VERDI 21/09)
La Russe Julia Muzychenko, Montpellier, Opéra Berlioz, le 29 septembre

CLASSICA / Novembre 2021 Q 35


ON A VU

DANSEZ,
MAINTENANT PAR DOMINIQUE..
SIMONNET..

ALAIN MARTY ET AGNÈS LETESTU, POÉTIQUE ET cédait parfois – ou pas – sans écrits et chantés par lui. Sur
pour autant remettre en ques- scène, l’étonnant Albertin Ven-
SENSUELLE, TAILLÉE POUR ALIÉNOR, NOUS
tion sa condition aristocra- tadour et sa viole de gambe
ENTRAÎNENT À LA POINTE DE L’AMOUR COURTOIS. tique. Dans cette pièce hybride interagit avec des extraits de
qui mêle danse (souvent sur Beethoven (Septième Sympho-
pointes), théâtre et chant, Alain nie), Richard Strauss (Salomé),
Marty met en scène le triangle Bach, Ravel… Tous ces genres,
njôleuse, mutine, amant potentiel, se devait de amoureux – la reine, son mari parfaitement maîtrisés, se

E majestueuse, elle
ondule son corps
de liane avec une
sensualité diabo-
lique, minaude, aimante son
partenaire d’un ondoiement
irrésistible, le repousse d’un
déployer des trésors d’éloges et
de poésie pour tenter de
conquérir la dame, idéalisée,
inaccessible car mariée, qui,
elle, jouait de lui comme un
chat avec une souris et lui
(le roi d’Angleterre Henri II) et
le troubadour. Ce dernier, l’ex-
cellent comédien et auteur
Harold Crouzet, déclame sa
flamme dans des poèmes ori-
ginaux en occitan et des récits
fondent avec harmonie et flui-
dité. Sur le plateau, il n’y a
qu’un lit : le corps du délit, le
lieu interdit mais convoité
autour duquel la passion va
bouillonner. Pas de deux lan-
goureux, jeux subtils avec les
sourire conquérant, l’attire à draps et les voilages, sauts et
nouveau, puis recommence pirouettes virtuoses du roi
son jeu infernal qui rend le (Vincent Chaillet, ancien pre-
mâle fou de désir, conquis, mier danseur de l’Opéra),
vaincu, pris dans cette toile scènes de combats entre
implacable… Et dans la salle, mâles… Tantôt dans des des-
la température monte de plu- sous vaporeux, tantôt dans une
sieurs degrés… Pouvait-on cape écarlate et sa splendide
imaginer interprète plus flam- robe royale conçues par elle-
boyante que l’étoile Agnès même, Agnès/Aliénor mène la
Letestu pour incarner la figure danse. Elle règne avec majesté,
légendaire d’Aliénor d’Aqui- concédant parfois un morceau
taine ? Avant de poursuivre une de peau à son prétendant,
carrière indépendante, la plus dévoilant ses pieds nus ou ses
élégante des ballerines a joué à jambes interminables, laissant
l’Opéra de Paris de beaux per- le jeune homme grésiller
sonnages : Giselle, Juliette, Cen- jusqu’à l’insupportable, sans
drillon, la Bayadère, Odette/ aller jusqu’à le consommer (ou
Odile du Lac des cygnes, la peut-être que si ?). Le trou-
Dame aux camélias… Dans badour devient le thérapeute
Aliénor, œuvre singulière du couple royal, celui qui vient
conçue par le talentueux Alain r animer la flamme du
Marty et présentée au Théâtre monarque en le rendant
du Gymnase à Paris, Agnès jaloux… Tout est luxe et
Letestu explose dans ce rôle volupté : gai, frais, charmant,
taillé pour elle. L’amour cour- pervers en diable, terriblement
tois était une tentative de séduisant. Ce ballet que l’on
magnifier la femme à l’inverse nommerait désir est une
de la brutalité des rituels conju- magnifique ode aux femmes, à
P. FISHER

gaux, une proclamation fémi- leur indépendance et à leur


niste en somme : le troubadour, charme. X

36 Q CLASSICA / Novembre 2021


Perles d’Orient
MISE EN SCÈNE, FOSSE revenu à la raison) et de
ET PLATEAU AD HOC Haroun (le sultan), le ténor
Sahy Ratia fait flèche de tout
rères d’armes, Saint- bois face à la Léna jalouse de

F Saëns et Bizet créèrent


e n 1 8 7 2 à t ro i s
semaines d’intervalle
La Princesse jaune et Djamileh,
opéras en un acte sur des
Jenny Daviet et à l’esclave Dja-
mileh d’Aude Extrémo, pré-
sence sensuelle et ambitus
large. Le baryton Philippe-
Nicolas Martin incarne avec
livrets chantés et parlés de profondeur l’intendant Splen-
Louis Gallet. Deux Orients : diano. À la tête de son
un Japon fantasmé situé aux Orchestre symphonique
Pays-Bas, un autre plus réaliste Région Centre Val-de-Loire/
au Caire. Mise en scène actua- Tours, Laurent Campellone ne
lisée et lisible de Géraldine surligne jamais le trait mais
Martineau (de la Comédie détient les clés de l’élégance et
Française), décors minima- de la fluidité dans Saint-Saëns
listes mais suggestifs – un sans jamais se départir du sens
tableau peint pour La Prin- dramatique cher à Bizet. Une
cesse jaune et des mouchara- production de haut vol entre-
biehs fermant le harem de prise par le Palazzetto Bru
Djamileh. Dans les deux rôles Zane. X
de Kornélis (l’amoureux Michel Le Naour

LA PRINCESSE JAUNE DE SAINT-SAËNS,


M. PÉTRY

DJAMILEH DE BIZET
Tours, Grand Théâtre, le 5 octobre

Les séductions du Diable


UNE DISTRIBUTION deaux, la pandémie ayant Edris, au timbre velouté et au jal stupéfie par sa présence écra-
AU SOMMET contraint à annuler sa mise en vibrato vif en Alice, et Erin sante et sa voix agile qui investit
scène. Qu’importe, la direction Morley, virtuose et acrobatique avec panache la noirceur sans
péra parmi les plus enthousiaste de Marc Minkow- Isabelle, habitent avec grâce fond du démoniaque

O populaires du
XIXe siècle, qui influença
Wagner malgré ses dénéga-
ski cingle les forces de l’Or-
chestre national Bordeaux
Aquitaine qui exalte l’extraor-
leurs rôles quand Nicolas Cour- Bertram. X Romaric Gergorin

tions, mais aussi Moussorgski, dinaire richesse mélodique et


Bizet, Gounod, Verdi, com- les incessantes luxuriances
ment se fait-il que Robert le orchestrales de ce chef-d’œuvre
Diable soit si peu joué à la séduction de tous les ins-
aujourd’hui ? Cette première tants. La distribution superla-
œuvre écrite par Meyerbeer tive se distingue par une dic-
pour l’Opéra de Paris en 1831 tion parfaite, on comprend
est légèrement mise en espace ainsi chaque mot de ce grand
dans l’Auditorium de Bor- opéra français porté ici par un
quatuor de rêve. John Osborn
P. PLANCHENAULT

ROBERT LE DIABLE campe pour la première fois un


DE MEYERBEER majestueux Robert, voix puis-
Bordeaux, Auditorium, sante et ambrée. La jeune
le 20 septembre soprano égyptienne Amina

CLASSICA / Novembre 2021 Q 37


ON A VU

PIANO
Festivals de talents
LES LISZTOMANIAS ET PIANO AUX JACOBINS NOUS ONT OFFERT LA STATURE
HORS NORME DU JEUNE KANTOROW ET L’IRRÉVOCABLE CHARME LEONSKAJA.

i, au mois d’août, arrangement jazzy (en diable) Paul-Arnaud Péjouan, n’a pas jours eu la ligne directe du

S
vous étiez encore à de la Danse macabre. Autre baissé d’un iota. Elisabeth Grand Syphilitique. Richter,
No h a n t , n o u s piano-orchestre, celui d’Auré- Leonskaja (24/09) entre dans Volodos… Peut-être parce que
« pourrions réaliser lien Pontier dans un superbe le cloître des Jacobins avec son l’immensité de l’espace russe
notre ancien pro- récital consacré aux paraphrases mystérieux et chaleureux sou- s’accorde avec l’infini du
jet de festival à (domaine d’élection du jeune rire aux lèvres. Ses bras dégrin- temps schubertien. Enfin, la
Châteauroux », écrivait Liszt à Liszt), où la matière opulente se golent sur le clavier avec fra- Troisième Sonate de Brahms.
George Sand le 30 mai 1844. voit éclairée de l’intérieur par cas, et les nôtres nous en Encore des cloches. Elles
On doit à la pugnacité de Jean- un toucher lumineux ; du grand tombent, mais nulle dureté sonnent à toute volée, de façon
Yves Clément d’avoir donné art. À tes 20 ans, cher Franz ! dans la discrète et salzbour- libre et aléatoire. On ne sait
réalité à ce qui aurait pu demeu- (Châteauroux, 16 et 17/10). geoise Sonate n° 6, K. 284. Ce quelles couleurs vont s’affron-
rer au stade du vœu pieux à Mozart-là n’est pas venu au ter et quels accents vont s’en-
travers les « rencontres interna- LEONSKAJA AUX JACOBINS monde pour rassurer, mais trechoquer ou miraculeuse-
tionales » des Lisztomanias. Si la quarante-deuxième édi- pour le tirer de sa torpeur. Lisa ment se rencontrer. Un
Point d’orgue des festivités de tion de Piano aux Jacobins a Leonskaja possède une sono- Debussy qui a l’air retouché
cette vingtième édition « dédiée encore rassemblé un large rité à nulle autre pareille. Ce par Scriabine et c’est la fin du
à la jeune génération », le public malgré les restrictions son vient des cloches. Puis concert. Mais pas de la
concert d’Alexandre Kantorow sanitaires, c’est que la passion Schubert arrive sans se faire musique, car elle continue de
(photo) confirme la stature hors qui anime ses deux parents, annoncer avec ses trois Kla- résonner longtemps après. X
norme du pianiste français, Catherine d’Argoubet et vierstücke. Les Russes ont tou- Jérémie Bigorie et Olivier Bellamy
avec un Deuxième Concerto de
Liszt tour à tour décanté et ful-
gurant, d’une parfaite intégrité
collective (se mettant aussitôt
en retrait pour accompagner le
beau solo de violoncelle) grâce
à la direction de haute enver-
gure d’Aziz Shokhakimov.
Implacable maître des forges, le
lauréat du Concours Tchaï-
kovski 2019 livre une Dante
Sonate solidement charpentée
et pourtant si personnelle dans
l’articulation du matériel thé-
matique. Le public est à genoux
B. STEIMES / CHÂTEAUROUX MÉTROPOLE

devant une telle débauche de


talent ! La veille, Nathanaël
Gouin aura triomphé de la
redoutable transcription pour
piano seul – de la plume de
Georges Bizet – du Concerto en
sol mineur de Saint-Saëns,
avant de partager le clavier avec
le facétieux Paul Lay pour un

38 Q CLASSICA / Novembre 2021


Mélodies nocturnes
Retrouvez la chronique
musique classique et jazz
de Michel Mompontet
Chaque vendredi dans le 23h,
le grand journal du soir
de France Télévisions

© Nathalie Guyon/FTV

en partenariat avec
EN COUVERTURE
relève autant du don (« c’est ma
voix naturelle ») que de vingt
ans de travail. « Dix ans de frus-
tration avant de trouver ma voix
de ténor », confiait-il à Gabrielle
Oliveira Guyon dans la mati-
nale de France Musique. Il
chantait Verdi et Puccini mais
voulait aussi approcher Boiel-
dieu, Auber et Rossini, ne
sachant plus où se situer dans

2021
le classement des genres. Privé
de professeur, celui-ci étant
parti à New York, le voilà seul
« au fin fond de [son] Mid-
west », mais, né dans une
famille de chanteurs, écoutant
Nos spécialistes parcourent chaque mois la riche tout ce que l’enregistrement lui
offrait, dévorant les traités
production discographique pour y distinguer anciens et découvrant l’élasti-
les enregistrements phares, ceux qu’ils ont aimés cité de certaines vedettes d’an-
tan comme Manuel García et
beaucoup, passionnément ou à la folie. Dans ces ses quelque cent cinquante
pages, ils prélèvent la crème de la crème, les disques rôles. Dans « Amici e Rivali »,
Michael Spyres suit les traces
incontournables qui leur ont donné le vertige. d’Andrea Nozzari (1776-1832)
à qui Rossini confia de nom-
breux rôles et, en compagnie de
Lawrence Brownlee, signe un
n disque appelé à d’un dessin animé. Un exercice récital « jubilatoire », d’après

U
faire date », consi- qu’on imagine naturel pour un Louis Bilodeau, qui rappelle la

L’ARTISTE
« dérait à raison artiste américain. Michael participation régulière du
Louis Bilodeau au Spyres confiait d’ailleurs chanteur américain au Festival

DE
terme de son le mois dernier à Jérémie Rossini de Pesaro.
compte rendu de Rousseau avoir, enfant, « décou- Mais il ne faudrait pas limiter

L’ANNÉE
« Baritenor ». Il y a bien sûr la vert Looney Tunes et Mel Blanc, le talent de l’artiste à sa seule
performance vocale, l’habileté cet acteur spécialisé dans les dou- capacité à réussir le grand écart,
singulière à enjamber les fron- blages, qui faisait à lui seul toutes à additionner les personnages
tières, « la démonstration bril- les voix dans les aventures de (plus de quatre-vingts !) ou à
lantissime que, loin de l’obliger Bugs Bunny ou Porky Pig » et faire le pitre, en l’assimilant à
à se cantonner dans les rôles de
ténor, sa voix possède aussi
l’étoffe, la solidité du grave et le
Michael avoir ensuite « passé [son]
temps à l’imiter ». Dans le
chœur de l’église que son père
un Jim Carrey de l’art lyrique,
même s’il affiche la décontrac-
tion naturelle des Américains.
timbre d’airain d’un authen-
tique baryton », comme l’écri-
Spyres dirigeait, le jeune garçon cal-
quait les voix de basse, ténor,
Il aura suffi d’un mot, « Gott ! »,
lancé comme un cri de douleur,
vait notre collaborateur. Le alto, soprano, et passait de l’une pour saisir jusqu’à la moelle le
caméléon fait ainsi montre de Muni d’aigus insolents à l’autre naturellement. public de l’Opéra Comique
son inépuisable palette dans un dans la récente production de
« Largo al factotum » du Bar- auxquels répondent TROUVER SA VOIX Fidelio. Outre dans ce rôle de
bier de Séville « regorgeant des graves d’airain, Sa capacité à couvrir trois Florestan qu’il incarnait pour la
d’idées hilarantes, [où] il est tout octaves, à évoluer du baryton première fois en scène, on a pu
simplement irrésistible, réussis- le chanteur se balade au ténor « maîtrisant les l’applaudir en cette même salle
sant à colorer sa voix de multi- hors catégories. techniques propres aux deux dans Chapelou du Postillon de
ples façons afin d’imiter les nom- voix, dont les tessitures se che- Lonjumeau d’Adam en 2019,
breux personnages qui se Il atteint des contrées vauchent sur certaines zones, et Rodolphe de La Nonne san-
bousculent autour de lui. » On inconnues et, en en contrôlant rigoureusement les glante de Gounod en 2018,
se figurerait un acteur s’amu- fameuses notes de passage si Mergy du Pré aux clercs de
sant à contorsionner sa voix
artiste généreux, importantes dans l’émission Hérold en 2015 et Masaniello
pour assurer la postproduction nous y reçoit. vocale et la conduite du son » de La Muette de Portici d’Auber

40 Q CLASSICA / Novembre 2021


GIOACHINO
ROSSINI
(1792-1868)
« Amici e Rivali »
Extraits de Il barbiere di
Siviglia, Ricciardo e Zoraide,
La donna del lago, Elisabetta,
regina d’Inghilterra, Otello,
Le Siège de Corinthe
et Armida
Lawrence Brownlee et Michael
Spyres (ténors), Tara Erraught
(mezzo-soprano), Xabier Anduaga
(ténor), I Virtuosi Italiani,
dir. Corrado Rovaris
Erato 190295269470. 2019. 1 h 19
JAMES SALZANO

« BARITENOR »
en 2012. À chaque fois, on était avec l’Orchestre Philharmonia, repèrent puis le suivent dans la Airs de Mozart,
impressionné, bien sûr par son La Damnation de Faust cette troupe du Deutsche Oper de Méhul, Spontini,
aisance, mais aussi par son même année et Les Troyens en Berlin, à son Ottavio au Festival Rossini, Adam, Donizetti,
intelligence dramatique et la 2017 avec l’Orchestre philhar- de Salzbourg l’été dernier dans Verdi, Thomas, Offenbach,
clarté de sa diction qui pourrait monique de Strasbourg, sans la production de Teodor Cur- Wagner, Leoncavallo,
donner des complexes à bien oublier un Benvenuto Cellini, rentzis et Romeo Castellucci, Lehár, Ravel,
des chanteurs francophones. capté à Versailles en 2019 sous Michael Spyres a su conquérir Orff, Korngold
Qualités également percep- la direction de John Eliot Gar- les plus grandes salles interna- Michael Spyres (bariténor),
tibles au disque, dans la superbe diner (DVD Château de Ver- tionales. Mais plus qu’un phé- Sangbae Choï (ténor),
série de son « cher Berlioz » sailles Spectacles). nomène à double voix, on Nicolas Kuhn (ténor),
pour Erato à laquelle il a parti- Depuis son Otello au Festival retient avant tout un immense Fabien Gaschy (baryton),
cipé, sous la houlette de John Rossini de Bad Wildbad en artiste, généreux et entier. Qui Mario Montalbano (ténor),
Nelson : le Requiem en 2019 2008, où les spécialistes le fera date. X Philippe Venturini Chœur d’hommes de l’Opéra
national du Rhin, Orchestre
philharmonique de Strasbourg,
RETROUVEZ LES CHOCS DE L’ANNÉE 2021 DANS LES MAGASINS FNAC ET SUR FNAC.COM dir. Marko Letonja
Erato 0190295156664. 2020. 1 h 24

CLASSICA / Novembre 2021 Q 41


EN COUVERTURE

Comment aimez-
vous Brahms ?
Geoffroy Couteau l’aime passionnément,
intégralement même. Son geste pur et
éloquent, son tact, sa profondeur font sa force.
ntre Geoffroy Couteau ma non troppo. Choix judi-

E et l’œuvre de Brahms,
c’est un amour qui
dure ! Depuis 2015, le
pianiste a ainsi enregistré l’in-
tégrale de la musique pour
cieux qui fait s’envoler les
lignes de ces œuvres aux larges
dimensions, apportant à l’en-
semble style dégraissé et cohé-
sion. Bien sûr, ils parcourent
piano seul (La Dolce Volta, quelques chemins tumul-
Classica n° 187), le Quintette tueux : on trouve, ici, un peu de
pour piano et cordes (La Dolce l’émotion frémissante de Schu-
Volta, Classica n° 212), les Trios mann (Poco adagio), là, un peu

WILLIAM BEAUCARDET
pour piano et cordes et le Trio de l’allégresse dansante de
pour clarinette, violoncelle et Schubert (Allegro alla breve).
piano (La Dolce Volta, Classica Tout n’est que fluidité, tact et
n° 218), tous accueillis par des modestie. Geoffroy Couteau et
CHOCS. On retrouve dans ces le Quatuor Hermès, enrobés de
trois nouveaux albums le couleurs automnales, tournent
même geste artistique, le leurs regards vers cette Vienne
même jeu pur et droit qui aux tentations progressistes, expressives flottent au-dessus un partenaire au naturel
renouvelle l’écoute d’un réper- bientôt en pleine mutation. des barres de mesure. Voici confondant qui sait dénicher
toire dans lequel le caractère Ces éclairages crépusculaires Brahms en ses eaux troubles, dans l’harmonie parfois pro-
monumental fut longtemps la nimbent également la Sonate oscillant entre vitalité et mélan- fuse de Brahms les climats les
norme. pour violoncelle et piano n° 1, colie, créant une véritable pro- plus divers, expression d’une
Dans les Quatuors avec piano, que l’archet de Raphaël Perraud fondeur du discours. riche invention mélodique,
Geoffroy Couteau et le Qua- introduit avec tendresse, fondu Premier violon du Quatuor d’une éloquence généreuse ou
tuor Hermès prennent le parti dans le timbre feutré du clavier : Modigliani, Amaury Coey- d’une tendresse rêveuse et
de tempos plutôt allants, voilà que ces grandes lignes taux, chambriste épanoui, est poétique non dénuée d’élans
vigoureux. La Sonate n° 1 voit
ainsi s’exprimer un lyrisme
JOHANNES BRAHMS (1833-1897) sans contrainte, la Sonate n° 2
affiche insouciance et joie de
vivre, mais aussi méditation et
tendresse loin de toute senti-
mentalité. La Sonate n° 3 bai-
gnée de lumière mordorée
mêle la sonorité dosée mais
fer me de Coe y taux aux
contrastes parfois vigoureux
du piano altier et souverain de
son partenaire. Cette nouvelle
version à la fois pudique et
épanouie porte le témoignage
Les 3 Quatuors Les 2 Sonates Les 3 Sonates pour violon d’un bonheur musical partagé
pour piano et cordes pour violoncelle et piano et piano. Sonate « F.A.E » et se hausse par sa justesse de
Geoffroy Couteau (piano), Raphaël Perraud (violoncelle), (extrait) ton au niveau des Perlman et
Quatuor Hermès Geoffroy Couteau (piano) Amaury Coeytaux (violon), Barenboim ou des Kyung-Wha
La Dolce Volta LDV62.3 (2 CD). La Dolce Volta LDV66. Geoffroy Couteau (piano) Chung et Frankl. X
2018. 2 h 02 2017. 51’ La Dolce Volta LDV67. 2019. 1 h 16 Fabienne Bouvet et Michel Le Naour

42 Q CLASSICA / Novembre 2021


D’éternels adieux Cristal de
omme son quelque peu en retrait, Bohême
C
LE CHOIX
immédiat pré- DE agit comme un rêve,
décesseur, ce l’objectif à atteindre, rank Peter Zimmermann
volume 9 de la
série Haydn 2032 est des
plus réussis : il installe en
quel que soit le « pro-
gramme », est encore
hors de portée. Mais
effet quatre œuvres au som- sont ensuite assénés, pour
met de la discographie, conclure le mouvement, de
JOSEPH HAYDN
(1732-1809)
« L’addio »
Symphonies nos 15, 35 et n° 45
F s’empare du Concerto
n° 1 de Martinu avec son
ardeur coutumière, abra-
sant les cordes dans le chant
populaire de l’Allegro moderato,
concurrence très réduite à un véritables coups de boutoir. « Les Adieux ». Scena di Berenice pris vif, Jakub Hruša fouettant
tel niveau. Flamboyante avec Après l’Adagio en demi- Sandrine Piau (soprano), l’Orchestre de Bamberg, souli-
ses cors alto, tour à tour bien teintes, le Menuet (assez Il Giardino Armonico, gnant les arêtes rythmiques qui
rythmée et linéaire, la Sym- rapide) est enfin une très dir. Giovanni Antonini font saillir le discours. Lecture
phonie n° 35 bénéficie d’une concrète irruption du réel. La Alpha 684. 2018. 1 h 18 éclatante qui culminera dans le
interprétation de haut vol fai- fin de l’ouvrage se perd finale, une toccata dont l’épi-
sant de son Allegro di molto comme jamais dans le silence. sode central confronte le violon
initial une cavalcade irrésis- Une priorité. Dans la première surgit discrètement l’épisode et la percussion. Le Concerto
tible. Tempo et phrasé judi- moitié de la Scena di Berenice Adagio ouvrant la Symphonie n° 2 déploie une vaste pastorale
cieux pour l’Andante qui suit. (1795), les tonalités se suc- n° 15, une des deux dernières en trois mouvements, tout
Antonini interprète de façon cèdent de façon kaléidoscope « pré-Eisenstadt ». Trente-cinq entière pénétrée du souvenir
très personnelle la célèbre et Sandrine Piau incarne avec ans d’écart mais aucune rup- des paysages de Bohême.
n° 45 « Les Adieux ». L’épisode Bérénice une amante en furie. ture, grâce à Haydn et à un CD Zimmermann le chante large,
inattendu en ré majeur de son De l’accord final fortement bien agencé. X Jakub Hruša pimente cette bal-
Allegro assai introductif, asséné de cette page lyrique Marc Vignal lade lyrique d’un orchestre aux
timbres savoureux. Zimmer-
mann voudrait-il hausser
l’œuvre parmi les grands opus
du genre au XXe siècle ? Une
Divine idylle Sonate pour violon seul de
Bartók, majestueuse comme
ibrement inspirée du Mariage de Loti, de Pierre Loti, L’Île une Partita de Bach, semble

L du rêve est l’œuvre d’un Reynaldo Hahn de 17 ans. Son


maître Massenet lui avait procuré cette commande de
l’Opéra Comique par une faveur inimaginable. La création
connut un succès mitigé, l’antisémitisme et l’homophobie de la
presse s’en donnant à cœur joie. Comme dans Lakmé, Madame
indiquer qu’il place le diptyque
concertant de Martinu au
même degré, et c’est justice. X
Jean-Charles Hoffelé

Butterfly ou Le Pays du sourire, on assiste à l’échec d’amours


exotiques (Tahiti), victimes de l’incompatibilité présumée des
civilisations. La musique est extraordinairement agréable, bien
dans le style de l’époque, proche du dernier Massenet, du premier
Debussy, en forme de conversation continue, parsemée de
quelques passages plus lyriques. Surtout, l’orchestration, d’une
grande finesse, dénote un réel talent. L’ensemble est cependant
REYNALDO HAHN plus mélancolique que vraiment dramatique et les sentiments
(1874-1947) les plus passionnés sont exprimés dans un constant camaïeu de
L’Île du rêve demi-teintes, bien contrôlé par Hervé Niquet.
Hélène Guilmette (Mahénu), L’équipe vocale forme une vraie troupe, comme jadis à l’Opéra
Cyrille Dubois (Loti), Anaïk Morel Comique. On entend de jolies voix, bien menées, avec une pro- BOHUSLAV
(Oréna), Artavazd Sargsyan nonciation globalement correcte. Cyrille Dubois, charmeur mais MARTINU
(Tsen-Lee, Premier Officier), capable d’accents puissants, chante dans la même catégorie (1890-1959)
Ludivine Gombert (Téria, qu’Edmond Clément, le créateur. Artavazd Sargsyan excelle dans Concertos pour violon nos 1 et 2
Faïmana), Thomas Dolié (Taïrapa, le rôle d’un Chinois (cauteleux, comme il se doit) et Thomas + Bartók : Sonate pour violon
Henri, Deuxième Officier), Dolié sait donner de la noblesse aux interventions de ses person- seul
Chœur du Concert Spirituel, nages. Côté dames, Hélène Guilmette est évidemment plus Frank Peter Zimmermann
Orchestre de la Radio de Munich, exposée, mais Anaïk Morel, noble mezzo, et Ludivine Gombert, (violon), Orchestre symphonique
dir. Hervé Niquet plus lirico-spinto, ne lui cèdent en rien. X de Bamberg, dir. Jakub Hruša
Bru Zane BZ 1042. 2020. 1 h Jacques Bonnaure Bis-2457 (SACD).2019-2020. 1 h 14

CLASSICA / Novembre 2021 Q 43


EN COUVERTURE
Le triomphe de l’amour
manque de style ou d’esprit.
Les moments forts de l’ou-
vrage comme les épisodes
burlesques s’inscrivent dans

VEIKKO KÄHKÖNEN
un cadre dramatique précis et
sans baisse de tension.
L a d i s t r i b u t i o n vo c a l e
convoque la fine fleur du
chant français. L’ensemble des
ténors apporte un beau

JEAN-BAPTISTE
camaïeu de timbres aux rôles
secondaires dont l’ouvrage
Magnus le magnifique
LULLY fourmille. Le Cadmus de Tho- a décennie 1990-2000 le minimalisme, le jazz, voire
(1632-1687)
Cadmus et Hermione
Thomas Dolié (Cadmus),
Adèle Charvet (Hermione),
Eva Zaïcik (Charite, Mélisse),
mas Dolié, à la diction parfaite
et à l’expressivité souvent tou-
chante, propose une large
palette de nuances. Adèle
Charvet éblouit par sa diction,
L s’impose comme la plus
mémorable du foison-
nant catalogue de
Magnus Lindberg. Cette paru-
tion nous le rappelle avec Aura
les musiques non occidentales.
Les objets sonores injectés par
l’informatique sont directe-
ment déclenchés par des pia-
nistes au jeu percussif. Nos
Lisandro Abadie (Arbas, Pan), sa technique sans faille, sa cou- (1994). Propulsée par une quatre musiciens y rivalisent de
Nicholas Scott (la Nourrice, leur lyrique parfaitement énergie peu commune, cette virtuosité rythmique avant que
Dieu champêtre), Ensemble dosée et sa présence magné- vaste pièce symphonique Marea ne renoue avec une écri-
Aedes, Le Poème Harmonique, tique. Le reste du plateau fémi- découpée en quatre mouve- ture plus coulante. Lindberg y
dir. Vincent Dumestre nin se montre également de ments enchaînés marque un livre ses propres Océanides en
Château de Versailles Spectacles très haut niveau, notamment nouveau départ pour le com- même temps qu’une des
CVS 037 (2 CD). 2019. 2 h 11 la mezzo Eva Zaïcik et son positeur, lequel s’emploie à marines musicales les plus
timbre capiteux. Le chœur combiner « patterns ryth- mémorables du répertoire, tra-
Aedes s’affirme aussi à l’aise miques » et « agrégats de versée de flux et reflux, avec ces
ous la direction de dans la ferveur martiale que gammes ». Le résultat tient miroitements versicolores pro-

S Vincent Dumestre
(photo), l’enchaîne-
ment des caractères
paraît étonnamment fluide, la
souplesse agogique éclaire
dans l’effusion tendre. Le tra-
vail remarquablement abouti
sur la prononciation restituée
n’est pas étranger à la réussite
du fameux récitatif lulliste.
l’auditeur en haleine durant
quarante minutes, tant s’y
jumelle un art consommé de
l’orchestration avec une forme
donnant l’impression de s’au-
duits par la partie de piano.
Coda des plus enchanteresse,
« imbibée de couleur tonale »,
que la baguette de Lintu resti-
tue magnifiquement. X
maints détails de la partition. Ce premier enregistrement togénérer. Ostinatos, mini Jérémie Bigorie
L’équilibre du plan orchestral discographique apporte un cadences, fanfares exubérantes
permet une conversation très éclairage ensorcelant sur la et choral brucknérien tran-
naturelle entre continuo et naissance de la tragédie sitent au sein d’une matière en
tutti, et aucune ritournelle ne lyrique. X Philippe Ramin fusion. On peut lire en exergue
de la partition : « In memo-
riam Witold Lutosławski ».
L’interprétation, en concert,
de Hannu Lintu et son
Orchestre symphonique de la
Radio finlandaise, d’une vaste
coulée organique, annexe
l’idée structurelle bipartite
chère au Polonais avec une
première partie « hésitante », MAGNUS LINDBERG
qui fait naître un sentiment (né en 1958)
d’expectative, et une seconde Aura. Related Rocks. Marea
partie « directe », qui résout les Emil Holmström, Joonas Ahonen
conflits accumulés. Related
FRANÇOIS BERTHIER

(pianos, claviers), Jani Niinimäki,


Rocks (1997), pour deux Jerry Piipponen (percussions),
pianos, deux percussionnistes Orchestre symphonique de la
et dispositif électronique, flirte Radio finlandaise, dir. Hannu Lintu
de manière décomplexée avec Ondine ODE 1384-2. 2019-2020. 1 h 06

44 Q CLASSICA / Novembre 2021


LE LABEL DE L’ANNÉE

MERCI HARMONIA MUNDI


Le baroque est mis à l’honneur, bien sûr, et avec art, mais le label pech. Autre romantique, Schu-
mann, et autre fidèle du label
français sort de sa zone de confort et pioche ailleurs avec bonheur. d’Arles, le Trio Wanderer. « Sans le
moindre pathos, entrelaçant leurs
toire n’est jamais loin. Comme lignes, chantant, combattant,
Beethoven, Brahms connaissait s’apaisant » dans les trois trios, il
les compositeurs du passé. Trois se montre admirable « d’équilibre,
disques couronnés lui sont consa- de transparence et d’homogé-
crés. Le dernier signale, dans ce néité » dans le Quatuor et le Quin-
même numéro (p. 92), l’interpré- tette avec piano, dixit Fabienne
tation aboutie d’Adam Laloum de Bouvet.
la Sonate n° 3 et des Fantaisies, De Schumann on passe à Mahler,
op. 116. Alain Lompech y entend un celui des lieder que la soprano alle-
« grand disque d’un pianiste mande Christiane Karg et Malcolm
majeur de notre temps ». Dans les Martineau « semblent nous faire
deux Sonates pour violoncelle et entendre […] pour la première fois.
piano, Emmanuelle Bertrand et […] Rien qui ne pèse ni ne pose à la
Pascal Amoyel partagent une voix comme au piano », constate
même « communion des idées » et Alexandra Genin.
« unité du geste », comme l’écrit Mahler aurait « à sa charge toute
Fabienne Bouvet qui s’enthou- l’histoire de la musique », à en
siasme aussi pour Antoine Tames- croire Berio. Le « Berio To Sing »
tit dont l’alto Stradivarius évoque semble procéder de même tant est
une voix « envoûtante et sen- large son horizon dessiné par Lucile
suelle » qui ondoie au-dessus du Richardot, Geoffroy Jourdain et ses
reize CHOCS. De dée en janvier dernier à l’âge de Bechstein de 1899 « feutré, Cris de Paris, entre une Sequenza

T Gesualdo à Berio, de la
voix au piano, il y a treize
raisons de dire bravo.
Bravo pour la diversité du réper-
toire et les artistes choisis pour en
77 ans accompagnait le dévelope-
ment, soutient en toute logique
Marc Mauillon dans son entreprise
en faveur d’Henriette de Coligny
(1623-1673), comtesse de la Suze,
rêveur » de Cédric Tiberghien.
Le romantisme revisité par les ins-
truments de son temps, voilà éga-
lement ce qui a guidé Alain Planès,
en choisissant, pour les Nocturnes
III dont certaines sections « chan-
tées de manière particulièrement
douloureuse avivent le souvenir du
lamento » et des Folk Songs dont la
lecture « renforce la finesse, l’agré-
assurer la visite. Il y a bien sûr des dont les vers ont été mis en de Chopin, un piano Pleyel de 1836. gation entre la voix et l’ensemble »,
rencontres attendues et fécondes musique par Bacilly, Du Mont, « Tout chante divinement avec une estime Jérémie Bigorie.
comme celle des Arts Florissants, Lambert et Le Camus. Baroque à vocalité dont la sinuosité, les éclai- Autant de réussite de Gesualdo à
conduits par Paul Agnew, avec les nouveau, mais pas inconnu rages et articulations sont d’une Berio, est-ce là l’harmonie du
madrigaux de Gesualdo où Jorge puisque l’éditeur présente un troi- variété infinie », précise Alain Lom- monde ? X Philippe Venturini
Morales perçoit « un travail poussé sième enregistrement de la
sur la déclamation du texte et sur fameuse cantate Membra Jesu
la restitution [de ses] effets drama- nostri de Buxtehude. Sébastien
tiques ». Loin de ses musiciens, Daucé et l’Ensemble Correspon-
William Christie a retrouvé son dances s’y distinguent par une
clavecin, le temps d’un riche dia- beauté musicale saisissante et un
logue avec le violon éloquent de rare talent à restituer l’ambiguïté
Théotime Langlois de Swarte de cette musique qui oscille entre
autour de sonates de Senaillé et douceur et douleur.
Leclair. Autres sonates pour violon
et clavier et même évidence dans VOYAGE DANS LE TEMPS
ce troisième volume de l’intégrale La musique ancienne ou mécon-
Mozart entreprise par le duo nue n’exclut pas la romantique.
Isabelle Faust et Alexander Melni- Celle, par exemple, des Sonates
kov qui, selon Michel Le Naour, pour piano nos 30 à 32 de Beetho-
« rivalise d’équilibre, de pureté et ven par Nikolaï Lugansky, « de ceux
de vitalité rythmique ». qui lisent précisément la lettre des
Orienté vers la découverte de la partitions et en décryptent le sens
musique baroque, Harmonia pour nous le transmettre dans l’ins-
Mundi, créé en 1958 par Bernard tant sans effets », considère Alain
Coutaz et dont Eva Coutaz, décé- Lompech. Mais le lien avec l’his-

CLASSICA / Novembre 2021 Q 45


EN COUVERTURE
Aline Piboule en haute mer
pour de mauvaises raisons. Ce
seraient, un peu avant Schoen-
berg, les premières pièces ato-
nales. Certes, elles présentent

UNIVERSAL MUSIC
une tonalité souvent très élar-
gie mais elles suscitent l’intérêt
par leur langage visionnaire et
inquiétant. Les Types de
Pierre-Octave Ferroud appar-
tiennent à la génération sui-
vante et se révèlent d’une dif-
ficulté diabolique, dans un
Trifonov, l’icône russe
ALINE PIBOULE
(piano) style curieusement équidistant aniil Trifonov est de son habitude. En fait, Trifonov
Samazeuilh : Le Chant de
la mer (extraits). Decaux :
Clairs de lune. Ferroud : Types.
Aubert : Sillages
Printemps des arts de Monte-Carlo
du grand piano impression-
niste et de l’écriture plus mor-
dante de l’après-guerre.
Ce nouvel enregistrement
confirme l’immense talent
D ces rares talents nés