Ainsi le conflit familial constitue bien le socle du théâtre des origines, mais il y
échappe souvent dans son histoire.
Dissertation
Comment le théâtre met-il en lumière les tensions dans les relations de famille ?
Vous prendrez appui sur Juste la fin du monde de Lagarce, Incendies de
Mouawad, ainsi que sur le parcours associé « crise personnelle, crise familiale ».
Introduction
Nulle famille ne peut exister sans tensions en son sein, quels qu’en soient les
avatars : étouffées, exprimées, constantes, clairsemées, violentes ou anodines,
parfois un réveillon ou un enterrement peuvent suffire à les ranimer, ou à les
exorciser. Le théâtre, lieu d’échange
et de vie, s’est donc très tôt emparé des crises familiales pour en faire un sujet
de choix, car spectaculaire, vivant, et parlant au coeur de la plupart d’entre nous.
Mais quelles formes prend cette mise en scène et en texte des tensions dans les
familles ? Nous nous attarderons tout d’abord sur la façon dont dramaturges et
scénographes tiennent à souligner les difficultés à s’entendre (aux deux sens du
mot) entre parents, enfants, fratries. Le poids des héritages familiaux,
hérédités douloureuses, obligations asphyxiantes, liens forcés feront l’objet de
la suite de notre réflexion : comment le théâtre les met-il en lumière ? Nous
analyserons enfin la représentation théâtrale des violences familiales, qui
acquiert des
formes multiples sur scène et dans les textes.
2. Les poids que fait peser la famille sur ses membres : une tension aux
multiples formes
a) Le poids des ascendants comme des descendants : la dette familiale
– Le Cid met en scène un fils que l’honneur familial et la soumission aux
impératifs paternels vont déchirer.
– Incendies est une pièce marquée par le thème de la dette, avec un testament
qui va lier et contraindre les enfants par-delà la mort.
– Une maison de poupée montre une Nora soumise au cercle familial, prise à son
piège, et finalement s’en échappant.
– Grand-peur et misère du IIIe Reich rappelle qu’on peut craindre ses enfants
comme des ennemis.
– Gervais Gaudreault, en faisant porter des acteurs les uns par les autres dans
Trois petites soeurs, nous donne une vivante image de ce poids que font peser les
membres des familles les uns sur les autres.
b) Des parents dénaturés qui rompent l’équilibre familial
– Rodogune à travers Cléopâtre décrit une mère avide de pouvoir qui sème la
discorde entre ses fils et répand la mort aux alentours.
– Le Cercle de craie caucasien montre une mère indigne qui oublie son propre
enfant, et la crise qui va s’ensuivre lorsqu’elle va vouloir, par cupidité, le
récupérer des mains de celle qui l’a recueilli, adopté et élevé avec amour.
Conclusion
Gide disait « Familles je vous hais ! », mais on omet souvent de citer la suite de
cette citation trop rebattue et hélas mal comprise, car l’écrivain ajoutait : «
Foyers clos, portes refermées, possessions jalouses du bonheur. » C’est donc une
certaine forme de la famille qu’il attaque : celle où tout se passe à part du
monde, en milieu étouffant, pour le meilleur comme le pire. Les tensions
familiales au théâtre dévoilent sous nos yeux ce qui se passe dans la terrible et
asphyxiante intimité des familles en dysfonction.