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UNIVERSITÉ DES ANTILLES

Faculté de Droit et d’Économie de la Martinique


École Doctorale Pluridisciplinaire - ED 588
Laboratoire Caribéen de Sciences Sociales (LC2S)

Thèse pour le doctorat en Sciences Juridiques


Spécialité : Droit Public

Marguerite Paule PALCY LOUIS-SIDNEY

RÉGULARISATION FONCIÈRE
DE L’OCCUPATION SANS TITRE
DE LA PROPRIÉTÉ DES PERSONNES
PUBLIQUES
DANS LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DE
L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Thèse dirigée par Antoine DELBLOND, Professeur


Co-encadrée par Karine GALY, Maître de conférences
Thèse présentée et soutenue à Schoelcher, le 13 décembre 2019
A la Faculté de Droit et de Sciences Économiques de l’Université des Antilles

NNT : 2019ANTI0498
Membres du Jury :
Madame Maude ELFORT, Maître de Conférences en Droit Public à l’Université de
Guyane ; Rapporteur ;
Madame Béatrice THOMAS-TUAL, Maître de conférences en Droit public à l’Université
de Bretagne Occidentale ; Rapporteur ;
Monsieur Justin DANIEL, Professeur des Universités en Science Politique à l’Université
des Antilles ; Président du Jury ;
Madame Carine DAVID, Professeure des Universités en Droit Public à l’Université des
Antilles ; membre du jury ;
Monsieur Antoine DELBLOND, Professeur des Universités en Droit Public à l’Université
de Nantes ; Directeur de thèse ;
Madame Karine GALY, Maître de conférences en Droit Public à l’Université des Antilles ;
Co-encadrante de thèse.
REGULARISATION DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS LES
COLLECTIVITES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

AVERTISSEMENT
« L’Université n’entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions
émises dans les thèses. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs
auteurs. »
REGULARISATION DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS LES
COLLECTIVITES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

À ma famille, à toutes les chercheures et tous les chercheurs,


Et à celles et ceux qui œuvrent pour la régularisation de la situation des occupants
sans titre outre-mer.
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

REMERCIEMENTS

Je remercie mon époux, mes enfants et ma famille, pour leur amour inconditionnel.

Je remercie mon Directeur de thèse, le professeur Antoine DELBLOND, pour son


expertise juridique, son soutien, sa confiance et ses précieux conseils et encouragements,
pour l’aboutissement de ma thèse, effectuée en parallèle avec mon activité professionnelle.

Je remercie ma co-encadrante, Karine GALY, maître de conférences, pour son aide


et son soutien dès le début de ma thèse, avec Isabelle VESTRIS, maître de conférences, qui
m’a prodigué soutien et conseils. L’organisation par elles de « tableaux noirs » au cours
desquels j’ai pu affiner mon raisonnement juridique m’a beaucoup aidée.

Je remercie le professeur Justin DANIEL, directeur du Laboratoire Caribéen de


Sciences Sociales (LC2S, ancien CRPLC), Pascale CAMPUS, gestionnaire dudit
laboratoire, ainsi que toute l’équipe du LC2S : enseignants-chercheurs, doctorants,
gestionnaire, et personnel administratif. Ils m’ont soutenue, encouragée et motivée.

Je remercie la commune de Fort-de-France, pour l’opportunité qu’elle m’a accordée


de participer à la régularisation foncière de l’occupation sans titre de son domaine privé,
en me confiant la rédaction des titres de propriété délivrés aux occupants.

Enfin, je remercie les occupants sans titre eux-mêmes.


REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

RÉSUMÉ

L’occupation sans titre porte atteinte au droit de propriété des personnes publiques sur
leurs domaines public et privé. Il s’agit de faits récurrents dans les collectivités territoriales
de l’article 73 de la Constitution que sont la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La
Réunion, et Mayotte.
Pour juguler cette occupation illégale, vectrice d’insécurité juridique et foncière,
nonobstant l’atteinte portée à leur droit de propriété, ces personnes publiques procèdent à
des régularisations foncières axées sur la délivrance ou la validation d’un titre de propriété
au profit des occupants sans titre de leur domaine public, dont la zone des cinquante pas
géométriques, grâce à des dispositifs légaux, et de leur domaine privé, grâce à des dispositifs
locaux.
Ces procédures de régularisation sont-elles appropriées pour répondre de manière
définitive à l’objectif du législateur de juguler l’occupation sans titre outre-mer, dans les
collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution, et ne constituent-t-elles pas la
légitimation d’une atteinte portée au droit de propriété des personnes publiques ?
Devant la persistance de l’occupation sans titre outre-mer, il conviendrait de passer
d’une régularisation foncière à moyens inégaux à une régularisation d’intérêt public, mieux
encadrée.
La régularisation foncière est une limite nécessaire au droit de propriété, dont le
fondement est dans la volonté du propriétaire, dans l’intérêt public, voire dans l’utilité
publique. Adossée au respect de la dignité humaine et au droit au logement digne, elle induit
une amélioration de ses outils, et contribue à l’émergence d’un véritable droit de la
régularisation foncière outre-mer.
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

LAND REGULARIZATION OF UNTITLED OCCUPANCY


OF THE PROPERTY OF PUBLIC PERSONS
IN THE TERRITORIAL AUTHORITIES
OF ARTICLE 73 OF THE CONSTITUTION

ABSTRACT

Untitled occupancy infringes the property rights of public persons in their public and
private domains. These are recurrent facts in the local authorities of Article 73 of the
Constitution: Guadeloupe, Martinique, Guyana, Reunion, and Mayotte.
To curb this illegal occupation, which is the vector of legal and land insecurity,
notwithstanding the infringement of their property rights, these public persons carry out land
regularizations focused on the issuance or validation of a title of property for the benefit of
untitled people of their public domain, including the fifty geometric steps zone, through legal
arrangements, and their private domain, through local arrangements.
However, the question is: are these regularization procedures appropriate to
definitively respond to Parliament's objective of curbing untitled overseas occupation in
local authorities of Article 73 of the Constitution and, on the contrary, do they not constitute
the legitimization of an infringement on the property rights of public persons?
Given the persistence of untitled occupation overseas, it would be appropriate to move
from unequal land regularization to public interest land regularization, better regulated.
Land regularization is a necessary limit to the right of ownership, the basis of which
is in the will of the owner, in the public interest, or even in the public utility. Backed by
respect for human dignity and the right to dignified housing, it leads to an improvement in
its tools, and contributes to the emergence of a real right of land regularization overseas.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

MOTS CLÉS :
Régularisation foncière - Occupation sans titre – Occupants sans titre - Droit de
propriété – Titre de propriété - Personnes publiques - Domaine public – Zone des cinquante
pas géométriques - Domaine privé - Collectivités territoriales de l’article 73 de la
Constitution – Guadeloupe – Martinique - Guyane - La Réunion – Mayotte – Intérêt public
– Utilité publique - Dignité humaine - Droit au logement digne - Droit de la régularisation
foncière outre-mer.

KEYWORDS :
Land Regularization - Untitled Occupancy - Untitled People - Property Rights - Title
of Property - Public Persons - Public Domain - Fifty Geometric Steps Zone - Private Domain
- Territorial authorities of Article 73 of the Constitution - Guadeloupe - Martinique - Guyana
- Reunion - Mayotte - Public interest - Public utility - Human Dignity - Right to dignified
housing - Right to land regularization overseas.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

PRINCIPALES ABRÉVIATIONS

AJDA L’Actualité juridique Droit administratif


AJDI Actualité juridique du droit immobilier
AJPI Actualité juridique de la Propriété immobilière
ALD Actualité législative
BJCL Bulletin juridique des collectivités locales
BJDU Bulletin de jurisprudence de droit de l’urbanisme
Bull Cass. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation
C. Edu. Code de l’éducation
C. Env. Code de l’environnement
C. Patr. Code du patrimoine
C. Exp. Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique
C. Urb. Code de l’urbanisme
CA Cour d’appel
CAA Cour administrative d’appel
Cass. Cour de cassation
CDE Code du domaine de l’État
CE Conseil d’État
CE Ass. Conseil d’État, assemblée
CE sect. Conseil d’État, section
CEDH Cour européenne des droits de l’Homme
CGCT Code général des collectivités territoriales
CG3P Code général de la propriété des personnes publiques
CGPPP Code général de la propriété des personnes publiques
Chron. Chronique
Civ. Cour de cassation, chambre civile
CJA Code de justice administrative
CJCE Cour de justice des communautés européennes
CJCT Cahier juridique des collectivités territoriales
CMP Code des marchés publics
COJ Code de l’organisation judiciaire
Coll. Collection
Concl. Conclusions
Cons. C. Conseil de la concurrence
CC Conseil constitutionnel
Crim. Cour de cassation, chambre criminelle
CSDH Convention de sauvegarde des droits de l’Homme
D. Recueil Dalloz
DA Droit administratif
DDHC Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen
DOI Digital Object Identifier (identifiant d’objet numérique)
DS Recueil Dalloz-Sirey
DTA Directive territoriale d’aménagement
Éd. Edition
EDCE Études et documents du Conseil d’État
GAJA Grands arrêts de la jurisprudence administrative
Gaz Pal La Gazette du Palais

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GDCC Grandes décisions du Conseil constitutionnel


GDDAB Grandes décisions du droit administratif des biens
IR Informations rapides
JCP Jurisclasseur périodique (Semaine juridique)
JCP Adm. Jurisclasseur périodique, édition Administration et collectivités
territoriales
JCP E Jurisclasseur périodique, édition Entreprise
JCP N Jurisclasseur périodique, édition notariale
JO Journal officiel
JOAN Q Journal officiel Assemblée nationale. Questions écrites
JO NC Journal officiel Numéro complémentaire
JORF Journal Officiel de la République Française
LPA Les Petites Affiches
Mon. TPLe Moniteur des travaux publics et du bâtiment
NCMP Nouveau Code des marchés publics
NED Notes et études documentaires (La Documentation française)
Opus citatum, op cit.
PLU Plan local d’urbanisme
POS Plan d’occupation des sols
QPC Question prioritaire de constitutionnalité
Quot. Jur. Le Quotidien juridique
RA Revue Administrative
RAJF Revue de l’actualité juridique française
RDI Revue trimestrielle de droit immobilier
RDP Revue du droit public et de la science politique
Rec. Recueil des arrêts du Conseil d’État (Lebon)
Req. Requête
Rev. J. Env. Revue juridique de l’environnement
RFDéc. Revue française de la décentralisation
RFDA Revue française de droit administratif
RHF Revue de l’habitat français
RJEP Revue juridique de l’économie publique
RM Réponse ministérielle
RPDA Revue pratique de droit administratif
RRJ Revue de la recherche juridique.
S. Recueil Sirey
SD Schéma directeur
SEM Société d’économie mixte
SJ La Semaine juridique
Somm. Sommaire
SRU Solidarité renouvellement urbain
TA Tribunal administratif
TC Tribunal des conflits
ZAD Zone d’aménagement différé
ZUP Zone à urbaniser en priorité

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

SOMMAIRE

REMERCIEMENTS 4
INTRODUCTION 14
PREMIÈRE PARTIE : 54
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE 54

TITRE I – RÉGULARISATION DE L’OCCUPATION SANS TITRE DU


DOMAINE PUBLIC : LE CAS DE LA ZONE DES CINQUANTE PAS
GÉOMÉTRIQUES 58
CHAPITRE I – UN KALÉIDOSCOPE DE DISPOSITIFS ORIGINAUX
DÉROGATOIRES LIÉS A DES STATUTS CONTRADICTOIRES 67
SECTION I – RÉGIME DE DOMANIALITÉ PRIVÉE ET RÉGULARISATION
FONCIÈRE SOUS LA LÉGISLATION DE 1955 70
SECTION II – RÉGIME DE DOMANIALITÉ PUBLIQUE ET
RÉGULARISATION FONCIÈRE PAR LES LOIS DU 3 JANVIER 1986 ET DU 25
JUILLET 1994 108
CHAPITRE II – UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE DÉSORMAIS AXÉE
SUR LE TITREMENT 138
SECTION I – DISPOSITIFS DE TITREMENT ISSUS DE LA LOI DU 30
DÉCEMBRE 1996 ET DES TEXTES SUBSÉQUENTS 143
SECTION II – ÉTAT DES LIEUX DE LA RÉGULARISATION FONCIÈRE
DANS LA ZONE DES CINQUANTE PAS GÉOMÉTRIQUES 186
TITRE II – RÉGULARISATION DE L’OCCUPATION SANS TITRE DU
DOMAINE PRIVÉ : LES CAS DES DOMAINES PRIVÉS COMMUNAL ET
ÉTATIQUE 241
CHAPITRE I – INITIATIVES LOCALES DE RÉGULARISATION FONCIÈRE
DE L’OCCUPATION SANS TITRE DU DOMAINE PRIVÉ COMMUNAL 248
SECTION I – DES PROCÉDURES ORIGINELLES ALTERNATIVES À LA
CESSION 250
SECTION II – DES PROCÉDURES SUI GENERIS DE TITREMENT 272
CHAPITRE II – RÉGULARISATION FONCIÈRE D’ORIGINE LÉGISLATIVE
DE L’OCCUPATION DU DOMAINE PRIVÉ DE L’ÉTAT 328
SECTION I – UNE RÉGULARISATION FAVORISANT LE TITREMENT OU LA
VALORISATION DU DOMAINE PRIVÉ DE L’ÉTAT OUTRE-MER 330
SECTION II – DES OBSTACLES À LA RÉGULARISATION FONCIÈRE DE
L’OCCUPATION DU DOMAINE PRIVÉ ÉTATIQUE 355

10
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

DEUXIÈME PARTIE : 385


D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX 385
À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC 385

TITRE I – POUR UNE RECONNAISSANCE DE L’INTÉRET PUBLIC DE


LA RÉGULARISATION FONCIÈRE 393
OUTRE-MER 393
CHAPITRE I – DANS LE DOMAINE PRIVÉ DES COLLECTIVITÉS
TERRITORIALES : UNE RÉFORME D’INTÉRÊT PUBLIC 403
SECTION I – RENFORCEMENT DU CADRE JURIDIQUE DES PROCÉDURES
DE RÉGULARISATION FONCIÈRE AMIABLES 407
SECTION II – UTILITÉ PUBLIQUE DE LA RÉGULARISATION FONCIÈRE,
FAUTE DE VOLONTÉ DU PROPRIÉTAIRE 448
CHAPITRE II – RÉGULARISATION DANS LE DOMAINE DE L’ÉTAT : UNE
MEILLEURE RÉPARTITION DE LA MAITRISE FONCIÈRE OUTRE-MER 480
SECTION I – GOUVERNANCE FONCIÈRE LOCALE ET RÉGULARISATION
FONCIÈRE 483
SECTION II – STRATÉGIES D’AMÉNAGEMENT ET RÉGULARISATION
FONCIÈRE 515
TITRE II – ÉMERGENCE D’UN VÉRITABLE DROIT DE LA
RÉGULARISATION FONCIÈRE OUTRE-MER 558
CHAPITRE I – UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À AXER SUR LA
DIGNITÉ HUMAINE ET FINANCIÈRE 561
SECTION I – LA DIGNITÉ HUMAINE, LIMITE AU DROIT DE PROPRIÉTÉ 562
SECTION II – LA DIGNITÉ, MOTIF DES OUTILS FINANCIERS DÉDIÉS À LA
RÉGULARISATION FONCIÈRE OUTRE-MER 597
CHAPITRE II – UN DROIT DE LA RÉGULARISATION FONCIÈRE SUI
GENERIS DANS UN CORPUS JURIDIQUE DÉDIÉ 622
SECTION I – LÉGALISATION DE RÉGULARISATIONS DÉDIÉES AU VU
DES SPÉCIFICITÉS LOCALES 624
SECTION II – UN CORPUS JURIDIQUE DÉDIÉ À LA SÉCURITÉ JURIDIQUE
ET FONCIÈRE 664

CONCLUSION GÉNÉRALE 723


BIBLIOGRAHIE 730

I – TRAITÉS, MANUELS, OUVRAGES, THÈSES 730


II – REVUES SPECIALISÉES, ARTICLES ÉLECTRONIQUES 734

11
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

III - RAPPORTS 738


IV – JURISCLASSEURS, ENCYCLOPÉDIES, BULLETINS OFFICIELS 740
V - COLLOQUES ET SÉMINAIRES 741
VI - ENTRETIENS 741
VII - JURISPRUDENCE 742
CONSEIL CONSTITUTIONNEL 742
TRIBUNAL DES CONFLITS 743
TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS 744
JURIDICTIONS ANCIENNES 748
TRIBUNAUX JUDICIAIRES 748
INSTANCES EUROPÉENNES 749
VIII – TEXTES NORMATIFS 750
IX – TRAITES, TEXTES EUROPÉENS ET INTERNATIONAUX 755
X - RÉPONSES MINISTÉRIELLES 755
XI - ARTICLES DE JOURNAUX QUOTIDIENS 756
XII - PRINCIPAUX SITES INTERNET CONSULTÉS 756
INDEX 759
TABLE DES MATIÈRES 765
ANNEXES 778

PROPOSITION DE LOI VISANT À RÉSORBER L’OCCUPATION SANS TITRE


OUTRE-MER, DANS LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73
DE LA CONSTITUTION 813

12
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

« Et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de vous croiser les
bras en l’attitude stérile du spectateur, car la vie n’est pas un spectacle, car un océan de
douleur n’est pas un proscénium, car un homme qui crie n’est pas un ours qui danse. »
Aimé Césaire, Cahier d’un retour au pays natal.

« Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire : « Ceci est à moi », et
trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile ».
Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine de l’inégalité.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

INTRODUCTION
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Des personnes privées et publiques, physiques et morales, occupent sans titre le


domaine de l’État et des collectivités territoriales, et la propriété de personnes privées. Cette
situation d’occupation sans titre est largement commentée outre-mer et très discutée dans les
médias et sur les réseaux sociaux locaux1. Parallèlement, la régularisation foncière opérée
par l’État dans la zone des cinquante pas géométriques ou l’action de certaines communes
outre-mer pour régulariser l’occupation sans titre de leur domaine privé, en réponse à cette
situation foncière, est abondamment interprétée, à grands renforts de supports médiatiques2.
L’occupation sans titre est constituée lorsqu’une personne prend possession d’un bien
immobilier3 qui ne lui appartient pas, avec l’intention de s’en rendre propriétaire ou en se
comportant en véritable propriétaire. Cette atteinte au droit de propriété cause au propriétaire
un préjudice qu’il appartient au juge d’évaluer, comme le rappelle la Cour de cassation4.
L’occupation sans titre du bien d’autrui constitue un trouble manifestement illicite5 et
une violation du droit de propriété des personnes publiques et privées ; lequel droit de
propriété est un droit fondamental protégé en France par la Constitution. Néanmoins, en
dépit de son illégalité, l’occupation sans titre fait l’objet de régularisations foncières
récursives et positives, par les personnes publiques, dans certaines collectivités territoriales
situées outre-mer. Ainsi, des opérations de régularisation foncière par octroi d’un titre de
propriété ou de jouissance sont régulièrement mises en œuvre sur la propriété des personnes
publiques outre-mer, pour tenter de juguler l’occupation sans titre, majoritairement dans les

1
France Antilles, « Vieux-Pont : l’insupportable attente des occupants sans titre », paru le 25 août 2018. Cet
article concerne le quartier Vieux Pont (commune du Lamentin en Martinique). Voir aussi : ABATUCI (M.), «
Fort-de-France, cession de terrains communaux : quinze familles de Volga Plage accèdent à la propriété »,
France Antilles, Martinique, paru le 09 mai 2007.
2
France-Antilles, « 3000 occupants à régulariser », paru le 23 décembre 2017,
www.martinique.franceantilles.fr/regions/centre/3-000-occupants-a-regulariser-448942.php. Selon le
quotidien « France Antilles », l’occupation sans titre a débuté en Martinique alors qu’Aimé Césaire était au
pouvoir en tant que Maire de la commune de Fort-de-France. Il a fallu attendre l’année 2001 et l’arrivée de
Serge LETCHIMY au pouvoir pour que soit lancé le plan de régularisation foncière.
3
En vertu de l’article 2276 alinéa 1er du code civil, « En fait de meuble, possession vaut titre ». La
revendication de la chose est enfermée dans un délai de trois ans (Art. 2276, al. 2 C. civ.).
4
Cass., 3e Ch. Civ., 21 décembre 2017, pourvoi n° 16-25.469, Bull. Cass. « Alors que l’occupation sans droit
ni titre de l’immeuble d’autrui constitue une atteinte au droit de propriété qui cause nécessairement à son
titulaire un préjudice qu’il appartient au juge d’évaluer, (…) ; qu’en affirmant qu’ « HABITAT TOULOUSE »
n’avait produit aux débats aucun élément de nature à établir la réalité du préjudice subi du fait de l’occupation
des lieux qui doivent être démolis, sans être destinés à la location, quand l’occupation sans droit ni titre de son
immeuble lui causait nécessairement un préjudice, la cour d’appel qui a considéré que l’insuffisance des
éléments de preuve la mettait dans l’impossibilité d’en évaluer le montant, a violé les articles 4 et 544 du Code
civil, ensemble l’article 849, alinéa 2, du code de procédure civile. »
5
Cass., 3e Ch. Civ., 21 décembre 2017, op. cit. Publié également sur https://www.dalloz-
actualite.fr/flash/refere-l-occupation-sans-droit-ni-titre-du-bien-d-autrui-constitue-un-trouble-manifestement-
il#.XIpNkBornmo.
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

secteurs urbains et ceux occupés par une urbanisation diffuse et dans certains quartiers
populaires6, à l’exclusion des zones naturelles occupées sans titre.
Cette spécificité constitue une véritable dérogation aux règles régissant le domaine
public et une volonté politique assumée7 concernant le domaine privé, outre-mer. Son
origine, son fondement, ses modalités et sa légitimité, méritent d’être analysés. L’étude de
la régularisation foncière opérée par les personnes publiques dans les collectivités
territoriales de l’article 73 de la Constitution8 que sont la Martinique, la Guadeloupe, la
Guyane, La Réunion et Mayotte9, permet de les analyser de manière efficiente.
La thèse examine le bien-fondé de cette régularisation foncière positive outre-mer, au
regard de l’atteinte portée par l’occupation sans titre au droit de propriété des personnes
publiques, et envisage dans ce cadre d’autres leviers juridiques pour résorber cette
occupation sans titre.

L’OCCUPATION SANS TITRE DES DOMAINES PUBLIC ET


PRIVÉ OUTRE-MER

Le foncier occupé sans titre outre-mer concerne largement la propriété des personnes
publiques et, dans une moindre mesure, celle des personnes privées10. L’occupation sans titre
de la propriété des personnes publiques concerne aussi bien leur domaine public que leur
domaine privé11. L’occupation sans titre de la « zone des cinquante pas géométriques »
(ZPG), dépendance du domaine public maritime de l’État, constitue le cas le plus
représentatif et le plus médiatisé de cette illégalité foncière, touchant la propriété des
personnes publiques outre-mer. Elle est substantiellement analysée dans la présente étude.
Mais le domaine privé des personnes publiques outre-mer est également concerné par

6
Il s’agit par exemple, à Fort-de-France (Martinique), des quartiers Volga Plage, Texaco, etc.
7
Faisant partie des programmes de campagnes électorales de certaines communes dont celle de Fort-de-France.
8
Constitution du 04 octobre 1958, publiée au JORF n° 0238 du 05 octobre 1958, p. 9151.
9
Hors domaine public routier, non concerné par les présentes, car régi par des procédures spécifiques, en lien
avec le code de la voirie routière, le code général de la propriété des personnes publiques, le code de
l’urbanisme, etc. En cas d’occupation sans titre du domaine public routier (DPR) l’autorité administrative a le
choix entre une sanction administrative et une sanction pénale. L’article R116-2 du code de voirie routière
prévoit l’application d’une amende prévue pour les contraventions de 5 ème classe, et l’article L2125-1 du code
général de la propriété des personnes publiques, subordonne l’occupation du domaine public routier au
paiement d’une redevance.
10
C’est le cas de terrains situés à Fort-de-France en Martinique, appartenant à certaines indivisions, ou dont
certains membres sont absents, et qui font l’objet, depuis de nombreuses années, d’occupations sans titre.
11
Ces occupations sans titre sont de notoriété publique et font régulièrement les titres de la presse locale. Cf. :
France Antilles, « Vieux-Pont : l’insupportable attente des occupants sans titre », op. cit.

16
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

l’occupation sans titre. Seront donc pris en compte le domaine privé de l’État et celui des
personnes publiques dans les collectivités territoriales situées outre-mer12.
La situation est différente selon que l’occupation sans titre affecte le domaine public
ou le domaine privé des personnes publiques, ou encore la propriété privée des personnes
physiques ou morales de droit privé. Incontestablement l’occupation sans titre provient
majoritairement de personnes privées disposant de revenus modestes voire faibles. Il n’en
demeure pas moins vrai que l’occupation sans titre outre-mer, notamment celle frappant la
zone des cinquante pas géométriques, provient aussi de personnes ou de familles aisées13.
Singulièrement, des communes contribuent également à l’occupation sans titre de la zone
des cinquante pas géométriques, en raison des bâtiments et installations d’utilité publique
(places publiques, cimetières, mairies, etc.) qui y sont implantés14.
Avant de développer l’analyse, l’« occupation sans titre » doit être définie du point de
vue du droit. Les pratiques constatées dans certaines collectivités de droit commun, dont
certaines communes d’outre-mer, pourraient conduire à exclure de cette qualification des
situations d’occupation qui, pourtant, en relèvent. Juridiquement, l’occupation sans titre est
le fait15 pour une personne physique ou morale, privée ou publique, d’occuper un lieu ou un
bien de nature immobilière, de bonne ou de mauvaise foi, sans pouvoir justifier d’un titre
juridique attestant de son droit à occuper le bien en cause. Il s’agit d’une situation d’illégalité
foncière. Elle constitue une violation du droit de propriété d’autrui et un trouble
manifestement illicite16.
Pour qu’il y ait occupation sans titre, il faut qu’il y ait une propriété publique ou privée
illégalement occupée, un propriétaire personne publique ou privée légitimement titré, lésé

12
Il s’agit des collectivités territoriales de droit commun que sont les communes et des collectivités territoriales
à statut particulier que sont les départements d’outre-mer (DOM), les régions d’outre-mer (ROM) et
collectivités uniques, qui peuvent adapter les lois et règlements, et même y déroger pour tenir compte de leurs
caractéristiques et contraintes particulières, selon l’article 73 de la Constitution. Les départements d’outre-mer
ont été créés par la loi 19 mars 1946. Les régions d’outre-mer ont été créées par la loi du 31 décembre 1982 et
disposent d’institutions séparées mais superposées à celles des départements d’outre-mer. Les collectivités
uniques d’outre-mer relèvent de l’article 73 alinéa 7, qui prévoit l’évolution des DOM et ROM vers le statut
de collectivité unique pour mettre fin à la complexité et à la superposition des instances, en adoptant la
procédure prévue à l’article 72-4 de la Constitution.
13
TA Fort-de-France, 18 décembre 2008, Préfet de la Région Martinique c/ ASSIER DE POMPIGNAN,
décision inédite ; rapporteur M. CLEMENTE, commissaire du Gouvernement M. HAUSTANT. Décision
communiquée par le TA.
14
La plupart des communes côtières outre-mer, notamment en Guadeloupe et en Martinique, ont des bâtiments
et installations situés dans la zone des cinquante pas géométriques.
15
En droit français, un fait juridique est un événement susceptible de produire des effets juridiques. Il peut
s’agir d’un fait volontaire ou « fait de l’homme », ou d’un fait involontaire ou « fait de la nature ». L’occupation
sans titre constitue un fait de l’homme.
16
Cass., 3e Ch. Civ., 21 décembre 2017, pourvoi n° 16-25469, Bull. Cass.

17
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

dans l’exercice de son droit de propriété et un occupant sans titre, personne physique ou
personne morale, de droit public17 ou de droit privé, dans une situation d’illégalité foncière,
en raison de l’absence de titre de propriété ou de jouissance.
L’occupation foncière légale est fondée sur la possession d’un titre de propriété (acte
d’acquisition, de donation, d’échange, etc.), ou d’un titre de jouissance (contrat de bail,
autorisation d’occupation, etc.), voire d’un simple droit d’usage et d’habitation ou d’une
simple autorisation d’occupation temporaire du domaine public (AOT). En l’absence de titre
attestant de la possession de droits de propriété ou de jouissance, l’occupation est sans titre18.
Lorsque le titre de propriété, le titre de jouissance, ou le droit d’usage et d’habitation,
ou tout autre titre d’occupation, est retiré ou parvenu à expiration, l’occupation redevient
sans titre19. L’occupation redevient également sans titre dans le cas où le titre de propriété
est illégal ou invalidé20. Ainsi, dans certaines communes d’outre-mer, les occupants du
domaine privé estiment avoir un titre de jouissance constitué par un bail parvenu à son terme
depuis de nombreuses années et n’ayant fait l’objet d’aucun renouvellement tacite ou
exprès21. Dans un tel cas, si un loyer continue à être perçu par la commune concernée au titre
de l’occupation de ce bien, il peut être fait référence à la notion de bail tacite ou de bail
verbal. En revanche, si l’occupant ne paie plus aucun loyer au propriétaire, ni aucune
indemnité d’occupation ou représentative d’un loyer, le lien juridique est rompu et
l’occupation devient sans titre22.
L’occupant sans titre se distingue du squatter. Pour la doctrine, « les squatters » sont
une « catégorie non clairement identifiée »23. Le terme « squatter » est généralement
employé pour désigner des personnes qui s’introduisent de manière illicite dans des locaux
vides, soit pour y vivre, soit pour y exploiter une activité quelconque24. Le squatter est

17
Collectivité locale, pour le cas des églises, places, etc. édifiées dans la zone des cinquante pas géométriques.
18
Cas des occupants du quartier de Volga Plage à Fort-de-France, dépourvus d’un titre de propriété ou de
jouissance, jusqu’aux premières régularisations foncières par cessions intervenues à partir de 2007.
19
Cas de certains occupants, qui ont initialement régularisé leur situation foncière par bail simple ou
emphytéotique parvenu à son terme et non renouvelé, ou d’ayants droit d’occupants initiaux qui n’ont pas
régularisé leur occupation.
20
On peut assimiler à ce dernier cas, le cas des personnes occupant la zone des cinquante pas géométriques
avec un titre de propriété non validé par l’État ou par la Commission de vérification des titres, et qui par
ailleurs, n’ont pas fait de demande de régularisation foncière par cession.
21
Cas de nombreux occupants de quartiers auto-construits, à Fort-de-France.
22
Cas dans les quartiers d’habitats informels de Fort-de-France et d’ailleurs, où les constructions sont
généralement édifiées par « coups de mains », souvent sans autorisation d’urbanisme.
23
ANCEL (Pascal), Les décisions d’expulsion d’occupants sans droit ni titre, connaissance empirique d’un
contentieux hétérogène, sous la direction de, par convention d’étude entre le CERCRID et le ministère de la
Justice, juin 2003. En ligne : www.justice.gouv.fr/artpix/RapportExpulsions.pdf.
24
ANCEL (Pascal), op cit., p. 28 et s. Pour cette raison, l’auteur dénie la qualité de catégorie juridique aux
squatters.

18
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

indubitablement un occupant sans droit ni titre. En revanche, les occupants sans titre ne sont
pas tous des squatters. Les circonstances de fait distinguent ces situations par nature très
proches, d’où l’importance de différencier l’occupant sans titre ordinaire du squatter. Le
squatter s’introduit sur la propriété d’autrui par effraction, en détruisant les protections
matérielles installées par le propriétaire. Son installation est précaire et désordonnée. Le juge
est plus tolérant vis-à-vis d’un occupant sans titre. Les délais d’expulsion qu’il accorde sont
réduits dans le cas du squatter25. Ce dernier est moins protégé, car il agit sciemment et
commet une voie de fait pour entrer dans les lieux. De plus, il n’est pas rare que les
immeubles squattés aient déjà fait l’objet d’un arrêté de péril. Ces éléments empêchent donc
la régularisation foncière de la situation du squatter26.
L’occupant sans titre se distingue également des « gens du voyage », qui sont des
nomades vivant en caravanes et s’installant habituellement sur des terrains non bâtis.
L’expression « gens du voyage » désigne, d’après l’article 1er de la loi du 05 juillet 2000
relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, les « personnes dont l’habitat
traditionnel est constitué de résidences mobiles installées sur des aires d’accueil ou des
terrains prévus à cet effet »27. En raison de leur culture et de leur mode de vie, ces personnes
sont en déplacements continuels. Certaines communes, dont celles relevant d’un Schéma
départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage (SDAHGV), ont l’obligation de
réserver et d’aménager des aires d’accueil permanentes28. La loi du 07 novembre 2018
relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites modifie
celle du 05 juillet 2000 sus relatée à leur intention, clarifie le rôle des personnes publiques
et renforce les sanctions contre les installations illicites29.
En résumé, l’occupation sans titre est le fait d’une personne physique ou morale, de
droit public ou de droit privé qui, sans effraction, occupe un bien de nature immobilière,
qu’elle sait appartenir à autrui ou qu’elle croit appartenir à tous30, pour l’occupation duquel

25
ANCEL (P.), Les décisions d’expulsion d’occupants sans droit ni titre, connaissance empirique d’un
contentieux hétérogène, op cit.
26
Cf. article 613-3 du CCH qui précise que la trêve hivernale n’est pas applicable aux personnes entrées par
voie de fait dans un immeuble ou ayant pris possession d’un immeuble ayant fait l’objet d’un arrêté de péril,
qualifiées de squatters.
27
Loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, consultée le 14 juin
2015 sur le site : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000583573.
28
La loi du 5 juillet 2000 renforce les obligations d’élaboration et de mise en œuvre d’un dispositif d’accueil
des gens du voyage. Ainsi, ce dispositif est renforcé à l’échelle départementale, par un schéma d’accueil élaboré
conjointement par le Préfet et le Président du Conseil général. V. aussi : GUINCHARD (Serge) et DEBARD
(Thierry), Lexique des termes juridiques 2015-2016, Éditions Dalloz, 23e édition, Paris, 2015. P. 512.
29
Loi n° 2018-957 du 7 novembre 2018, relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les
installations illicites, publiée au JORF n° 0258 du 8 novembre 2018, texte n° 1.
30
Cette perception est partagée par certains occupants sans titre de la ZPG en Martinique.

19
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

elle ne détient aucun titre justificatif d’un droit d’occupation : titre de propriété, de
jouissance, droit d’usage ou d’habitation, autorisation d’occupation. Le bien immobilier
concerné peut-être un terrain, une propriété bâtie ou des locaux, occupés sans titre. Dans les
collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution, il s’agit généralement d’un terrain
nu, sur lequel l’occupant édifie ou fait édifier, sans titre, des constructions, à usage
d’habitation, à usage mixte d’habitation et commercial, ou d’habitation et professionnel,
voire même à usage administratif ou de bureaux31.
Ce comportement d’appropriation du sol d’autrui trouve majoritairement son origine
dans la nécessité sociale, des conditions de vie modestes ou précaires, la nécessité de se
loger, ou encore l’ignorance des règles régissant le droit de propriété en France. Mais il n’en
est pas toujours ainsi. Parfois, il s’agit d’une appropriation délibérée, pouvant aller jusqu’à
une ferme opposition à toute régularisation foncière. Certains occupants sans titre éprouvent
parfois un sentiment de légitimité dans le fait d’occuper le bien d’une personne publique. Ce
sentiment peut tenir à des considérations d’ordre idéologique, moral, politique, éthique,
social, financier, voire historique, ou être fondée sur la détention prolongée du bien, ou tout
cela à la fois. La propriété publique est par ailleurs considérée à tort par certains, comme
appartenant à tous. Cet état d’esprit compromet l’aboutissement de certaines procédures de
régularisation foncière, dans certaines communes outre-mer32.
Cet aspect de l’occupation sans titre ressort bien du rapport de Guy ROSIER,
Conseiller-Maître à la Cour des comptes, portant sur la zone des cinquante pas
géométriques33. Ce rapport est rédigé à l’occasion des travaux préparatoires de la loi n° 96-
1241 du 30 décembre 1996 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur de
la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d’outre-mer. Ainsi, on
« estimait, au début des années 1990, à 120000 personnes environ, soit le huitième de la
population globale de la Guadeloupe et de la Martinique, le nombre de ceux qui y résidaient
et qui, pour la plupart, étaient des occupants sans titre »34. Le directeur de l’agence des 50
pas de Martinique, évalue ce chiffre, en 2018, à 15000 familles environ pour la Martinique

31
Ce cas concerne aussi certaines communes occupant des parcelles de la zone des cinquante pas géométriques.
32
Attitudes et faits personnellement constatés lors des opérations de régularisation foncière initiées par la
commune de Fort-de-France sur son domaine privé, dans le cadre de mes missions (rédaction des titres de
propriété en la forme authentique administrative et assistance juridique).
33
ROSIER (Guy), L’enracinement créole, Chronique de l’extinction du régime colonial aux Antilles
françaises : la zone des cinquante pas géométriques, Éditions L’Harmattan (Paris), 2006, p. 7, 125 p.
34
ROSIER (Guy), Idem.

20
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

et à 10000 familles environ pour la Guadeloupe35.


En 1997, le professeur Jacques LARRIEU fait un constat similaire. Il mentionne une
situation alarmante qui toucherait environ 120000 personnes, occupants sans titre, se
considérant comme « propriétaires »36 ; soit un huitième de la population cumulée de la
Guadeloupe et de la Martinique. Cela démontre l’ampleur de cette situation et du travail de
régularisation foncière en cours.
L’occupation sans titre a de graves conséquences juridiques. Les plus importantes sont
l’atteinte au droit de propriété d’autrui et la systématisation d’une précarité foncière et
juridique. Dans les collectivités territoriales situées outre-mer, cette situation endémique
appelle, en vue de sa résorption, des solutions juridiques, politiques, institutionnelles et
humaines, pérennes, efficientes et respectueuses de la dignité de la personne humaine. Elle
interpelle les autorités publiques et politiques, ainsi que de nombreux juristes, préoccupés
par les solutions à mettre en place pour la résorber37.
L’occupation sans titre revêt des caractéristiques, engendre un traitement et génère des
sanctions différentes, selon qu’elle affecte le domaine public ou le domaine privé des
personnes publiques. Cette distinction, traditionnellement observée s’agissant de la propriété
des personnes publiques, a pour visée une protection accrue du domaine public, lequel
bénéficie d’un régime juridique dérogatoire et protecteur le rendant inaliénable,
imprescriptible et insaisissable. Le régime juridique applicable au domaine privé, moins
protégé, permet son aliénation et sa prescription, tout en maintenant son insaisissabilité38.
Le code général de la propriété des personnes publiques (CG3P ou CGPPP)39 organise
la protection du domaine public maritime, dont dépend la zone des cinquante pas
géométriques. Aux termes de son article L2122-1, « nul ne peut, sans disposer d’un titre l’y
habilitant, occuper une dépendance du domaine public d’une personne publique mentionnée
à l’article L140 ou l’utiliser dans les limites dépassant le droit d’usage qui appartient à

35
EMONIDES (Hervé), Directeur de l’agence des 50 pas géométriques de Martinique, entretien du 28
décembre 2018.
36
LARRIEU (Jacques), Le changement de statut de la zone des « 50 pas du Roi » dans les D.O.M., Les Petites
affiches, 12 décembre 1997, n° 149, page 8, ID : PA199712128. En ligne : https://www-lextenso-frbu-
services.univ-antilles.fr/lextenso/ud/urn%3APA199712128.
37
GODFRIN (Philippe) et DEGOFFE (Michel), Droit administratif des biens, Domaine, travaux,
expropriation, Éditions Dalloz, 11ème édition, 2015, p. 179 et s., n° 258 et s. Voir aussi : GAUDEMET (Yves),
Traité de droit administratif, Droit administratif des biens, tome 2, Éditions LG.D.J., Lextenso éditions (Paris),
2011, 14ème édition, n°s 357 et s., 686 pages.
38
GAUDEMET (Yves), Traité de droit administratif, Droit administratif général, Tome 1, Éditions LG.D.J.,
Paris, 16ème édition, 2001, 918 pp., p. 11.
39
Issu de l’ordonnance n°2006-460 du 21 avril 2006 pour sa partie législative, et du décret n°2011-1612 du 22
novembre 2011, pour sa partie réglementaire entrée en vigueur le 25 novembre 2011.
40
État, collectivités territoriales et leurs groupements, établissements publics (article L1 du CG3P).

21
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

tous ». Le titre visé est l’autorisation d’occupation temporaire (AOT), compte tenu de la
nature du régime juridique applicable au domaine public. En outre, l’article L2132-3 du
CG3P prévoit que « nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque
aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation
des matériaux et d’amende. Nul ne peut en outre, sur ce domaine, procéder à des dépôts ou
à des extractions, ni se livrer à des dégradations ».
En raison de cette protection renforcée, l’occupation sans titre du domaine public
constitue un fait illicite, passible de contraventions de grande voirie, d’expulsion,
d’injonction de démolition et d’indemnisation (astreinte et amendes). Guy ROSIER cite de
nombreuses décisions des tribunaux judiciaires et spécialement de la cour d’appel de Fort-
de-France, énonçant qu’une « construction édifiée sur une partie de la zone relevant du
domaine de l’Etat, porte atteinte au droit de propriété et constitue une voie de fait qui cause
un trouble manifestement illicite »41.
La jurisprudence du Conseil d’État est constante en ce sens : « l’occupation sans droit
ni titre d’une dépendance du domaine public constitue une faute commise par l’occupant et
qui oblige à réparer le dommage causé au gestionnaire de ce domaine par cette occupation
irrégulière »42. Pour la haute juridiction, la personne publique est en droit de « réclamer à
l’occupant sans titre de son domaine public, au titre de la période d’occupation irrégulière,
une indemnité compensant les revenus qu’[elle] aurait pu percevoir d’un occupant régulier
pendant cette période »43.
L’occupation sans titre du domaine public constitue une catégorie d’infractions à la
police de la conservation dudit domaine, laquelle protège l’intégrité matérielle et
l’affectation des biens relevant de ce domaine. La répression est organisée par les articles
L2132-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P ou
CGPPP). L’article L2132-2 du CG3P dispose à cet effet que « les contraventions de grande
voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l’amende encourue, en
vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances
du domaine public n’appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l’intégrité ou
de l’utilisation de ce domaine public, soit d’une servitude administrative mentionnée à

41
ROSIER (Guy), L’enracinement créole, Chronique de l’extinction du régime colonial aux Antilles
françaises : la zone des cinquante pas géométriques, Éditions L’Harmattan (Paris), 2006, p. 27, 125 pages.
42
CE, 15 avril 2011, n° 308014, « SNCF c/ France Telecom », JCP A 2011, 2310, note BRAUD (C.).
43
CE, 16 mai 2011, n° 317675, « Commune de Moulins », JCP A 2011, 2224, note YOLKA (Ph.).

22
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

l’article L. 2131-144. Elles sont constatées, poursuivies et réprimées par voie


administrative ». Le contentieux relatif à l’occupation du domaine public et aux
contraventions de grande voirie, relève de la compétence des tribunaux administratifs45.
L’action en réparation de la personne publique est imprescriptible, tel qu’il ressort d’un arrêt
du Conseil d’État46. L’administration est tenue de poursuivre, si elle constate une infraction
sur son domaine public.
L’occupation sans titre du domaine privé des personnes publiques relève généralement
de l’application des règles du droit privé et des règles particulières du droit public applicables
aux biens qui en dépendent (insaisissabilité, etc.), sauf en ce qui concerne les « gens du
voyage » pour lesquels une procédure particulière est mise en œuvre47. Le contentieux de
l’occupation sans titre du domaine privé relève de la compétence de principe des tribunaux
judiciaires ; laquelle s’étend aux actions aboutissant à l’expulsion de l’occupant sans titre.
Les règles régissant l’administration, la gestion et l’aliénation des biens dépendant du
domaine privé des personnes publiques, sont contenues dans le CG3P et dans le code général
des collectivités territoriales (CGCT), auxquelles il faut adjoindre les dispositions du code
civil qui s’y appliquent. Les personnes publiques gèrent librement leur domaine privé,
« selon les règles qui leurs sont applicables », ainsi qu’il ressort de l’article L2221-1 du
CGP3P. Cet article fait écho à l’article 537, alinéa 2, du code civil qui dispose que « les
biens qui n’appartiennent pas à des particuliers sont administrés et ne peuvent être aliénés
que dans les formes et suivant les règles qui leur sont particulières ».
Parler de l’occupation sans titre de la propriété d’autrui revient donc à évoquer le code
civil qui établit une véritable présomption de propriété au profit du propriétaire du sol. En
vertu de l’article 552 du code civil, premier alinéa, « la propriété du sol emporte la propriété
du dessus et du dessous »48; le sol étant le principal et les constructions, l’accessoire. Il s’agit
cependant d’une présomption simple de propriété qui peut être combattue par la preuve

44
Il s’agit des servitudes qui peuvent être établies dans l’intérêt de la protection, de la conservation ou de
l’utilisation du domaine public. Elles sont instituées et régies par des dispositions administratives qui leur sont
propres et par les textes pris pour leur application.
45
Cf. article L2331-1 du CG3P qui renvoi à l’article L774-1 du code de justice administrative (CJA).
46
CE, Section, 23 février 1979, Association « Les amis des chemins de ronde », n° 04467, Rec. Leb. Cf.
<https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000007684577>, consulté Vu le
26 octobre 2017.
47
Cf. Supra. Loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.
48
Toutefois, il existe des dérogations à cet article. Il résulte ainsi de l’article L5121-1 du CG3P, modifié par
l’article 18 de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006, JORF du 31 décembre 2006, qu’à la Guadeloupe, à
la Martinique, en Guyane et à La Réunion, les sources et les eaux souterraines font partie du domaine public
de l’État, par dérogation à l’article 552 sus dit. Le tout, sous réserve des droits acquis « par des usagers et
propriétaires riverains à la date du 6 avril 1948 et validés avant le 6 avril 1953 ».

23
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

contraire et qui n’est pas irréfragable. Cette preuve contraire peut résulter d’un titre de
propriété, d’une prescription acquisitive ou de tout autre document attestant d’un droit de
propriété plein ou démembré (ex. : droit de superficie, droit de jouissance, etc.). Cette
présomption de propriété résulte aussi de l’article 553 du code civil qui dispose que « toutes
constructions, plantations et ouvrages sur un terrain ou dans l’intérieur, sont présumés faits
par le propriétaire à ses frais et lui appartenir, si le contraire n’est prouvé ; sans préjudice
de la propriété qu’un tiers pourrait avoir acquise ou pourrait acquérir par prescription, soit
d’un souterrain sous le bâtiment d’autrui, soit de toute autre partie du bâtiment ». Cet article
excepte les droits acquis par les tiers. L’article 555 du code civil concerne la règle du
mécanisme de l’accession selon laquelle, lorsqu’une personne édifie des constructions et
ouvrages, ou fait des plantations sur le sol d’autrui, ceux-ci deviennent la propriété du
propriétaire du sol. Dans un tel cas, le propriétaire du sol peut, soit exiger l’enlèvement de
l’ouvrage, soit en conserver la propriété à charge d’indemnisation. Les modalités
d’indemnisation de l’occupant sans titre et de versement de dommages-intérêts éventuels au
profit du propriétaire sont précisées audit article.
S’agissant de l’applicabilité de ces règles, selon la Cour de Cassation toutes ces
dispositions doivent être utilisées avec prudence concernant la propriété de personnes
publiques, car elles ne sauraient avoir pour effet de contraindre l’administration à devenir
propriétaire, contre son gré, d’un ouvrage construit par un tiers, même si ce dernier est
titulaire d’une autorisation privative49.
L’occupation sans titre porte atteinte au droit de propriété des personnes publiques.
Elle conduit l’occupant à exercer illégalement sur la propriété immobilière d’autrui, un droit
réel immobilier ou un droit réel immobilier démembré, dont les prérogatives appartiennent
par définition même au propriétaire foncier lésé.
Dans le cadre des missions de régularisation foncière menées dans la zone des
cinquante pas géométriques50 et sur le domaine privé, certains occupants sans titre
considèrent la propriété des personnes publiques comme appartenant à tous ou n’appartenant
à personne, et trouvent ainsi une certaine légitimité à l’occuper sans titre. Or, l’occupation

49
Cass. Civ. 3ème, n° 808, 3 juillet 2013 (12-20.237), « Commune de Biarritz c/ Syndicat des copropriétaires
de la Maison Basque ». Consulté en ligne le 15 juin 2017 :
<https://www.courdecassation.fr/publications26/arretspublies2986/troisiemechambrecivile3171/20134446/jui
llet4665/80_3_27003.html>.
50
Dépendance du domaine public maritime appartenant initialement à l’État, dont certains secteurs sont en
cours de transfert à la Région de Guadeloupe et à la Collectivité territoriale de Martinique, en vertu de la loi
ADOM du 14 octobre 2015.

24
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

sans titre porte atteinte au droit de propriété, défini comme un « droit réel principal conférant
à son titulaire, le propriétaire, toutes les prérogatives sur le bien objet de son droit »51. Il est
imprescriptible car il ne se perd pas par le non-usage, sauf dans des cas strictement encadrés
(usucapion ou prescription acquisitive) s’agissant de la propriété privée ou du domaine privé,
le domaine public demeurant imprescriptible. En effet, l’article 2227 du code civil, après
avoir affirmé l’imprescriptibilité du droit de propriété, précise que « sous cette réserve, les
actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire
d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Pour certains
auteurs, une relation d’exclusivité s’établit entre le bien et la personne propriétaire52.
L’article 544 du code civil évoque les prérogatives que confère le droit de propriété :
l’usus, l’abusus, le fructus et tous les droits intermédiaires. En effet, le droit de propriété, tel
qu’il résulte de cet article issu de la loi de 1804, est « le droit de jouir et disposer des choses
de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou
par les règlements »53. L’article 543 du code civil circonscrit la nature des droits qu’un
individu peut avoir sur un bien, en disposant qu’il s’agit d’un « droit de propriété » ou d’un
« simple droit de jouissance » ou encore « des services fonciers à prétendre ».
En raison de son droit de propriété, le propriétaire, quand bien même il serait une
personne morale de droit public, ne peut être contraint d’abandonner ni de céder son bien54.
Cette règle résulte notamment de l’article 545 du Code civil, qui prévoit cependant une
exception : celle fondée sur l’utilité publique, moyennant indemnisation. Il énonce que :
« Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et
moyennant une juste et préalable indemnité »55. D’où la nécessité de se poser en aval la
question de l’utilité publique de la régularisation foncière.
De plus, la protection dont bénéficie le droit de propriété s’effectue tant au niveau
interne qu’au niveau supranational, et de nombreux textes définissent le droit de propriété
comme un droit essentiel, fondamental, inviolable et sacré.
En premier lieu, les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du
citoyen (DDHC) du 26 août 1789, assurent la protection du droit de propriété. Selon l’article
2 de la DDHC, le droit de propriété est un droit naturel et imprescriptible de l’Homme et

51
GUINCHARD (Serge) et DEBARD (Thierry), Lexique des termes juridiques 2015-2016, Éditions Dalloz
(Paris), 23ème Edition, 2015, p. 397. 1105 pp.
52
GUINCHARD (Serge) et DEBARD (Thierry), op cit.
53
Article 544 C. civil, créé par la loi 1804-01-27 promulguée le 6 février 1804, version à jour au 21 avril 2017.
54
Article 543 du code civil.
55
Article 545 du code civil, créé par la loi 1804-01-27 promulguée le 6 février 1804.

25
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

« le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et


imprescriptibles de l’Homme que sont : la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à
l’oppression ». En vertu de l’article 17 de la DDHC, la propriété est « un droit inviolable et
sacré, nul ne peut être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée,
l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ». Le terme
« nécessité publique » a été remplacé dans le Code civil de 1804 par le terme « utilité
publique », beaucoup plus large.
Si les révolutionnaires placent ainsi le droit de propriété au même rang que la liberté,
la sureté et la résistance à l’oppression, c’est que ce droit contribue à assurer à l’individu le
droit d’être propriétaire des fruits de son travail et de l’expression de sa personne. Il constitue
un droit de l’avoir, mais aussi un droit de l’être, comme semble le préciser le Professeur
LIBCHABER dans son article sur les libertés et droits fondamentaux56.
Car une partie de la doctrine considère le droit de propriété comme un droit-liberté. Le
professeur François RANGEON distingue entre les « droits-libertés » (droits de), droits
civils et politiques proclamés par la Constitution, parmi lesquels figurent le droit de
propriété, et les « droits-créances » (droits à) affirmés par le Préambule de la Constitution
du 27 octobre 194657 et inclus dans le bloc de constitutionnalité depuis 1971. Ces derniers
constituent un droit à faire valoir des prérogatives auprès des pouvoirs publics. Selon cette
thèse, les droits-libertés reposeraient sur la défense des libertés individuelles face aux
empiètements du pouvoir, alors que les droits-créances se fonderaient plutôt sur une logique
d’interventionnisme étatique. Le Préambule de la Constitution de 1946, tout en affirmant
des droits économiques et sociaux nouveaux (droit au travail, à l’éducation, à la santé, …),
réaffirme également solennellement les droits et libertés consacrés par la Déclaration de
1789, ainsi que « les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République »
(PFRLR), « principes politiques, économiques et sociaux », « (…) particulièrement
nécessaires à notre temps » (PPNT)58.
Le professeur Antoine DELBLOND rappelle, à propos du droit de propriété et des
libertés fondamentales, qu’il existe une tradition française libérale faisant prévaloir la liberté

56
LIBCHABER (Rémy), La propriété, droit fondamental, in CABRILLAC (Rémy), FRISON-ROCHE (Marie-
Anne), REVET (Thierry), Libertés et droits fondamentaux, 12ème édition, Dalloz (Paris), 2006, p. 659 et s.
57
Pour le professeur RANGEON, « le Préambule de 1946 appartiendrait à la deuxième génération des droits
de l’homme, amorcée en 1848 par la proclamation du droit au travail et aux secours pour les citoyens
nécessiteux ».
58
RANGEON (François), Droits-libertés et droits-créances : les contradictions du préambule de la
constitution de 1946, article consulté le 14 juin 2017 sur le site internet : https://www.u-picardie.fr/curapp-
revues/root/37/francoisrangeon.pdf4a083159afa30/francois_rangeon.pdf.

26
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

sur l’interdiction. À cette occasion, il cite la phrase du célèbre commissaire du


Gouvernement au sein du Conseil d’État, CORNEILLE : « la liberté est le principe,
l’interdiction l’exception »59.
Le droit de propriété est d’ailleurs, en France, un « droit de la première génération »
selon certains auteurs, eu égard à sa date d’inscription dans la Constitution du pays. Il en est
ainsi pour les États-Unis, la Belgique, la Norvège et la France. Il est qualité de « droit de la
deuxième génération » s’agissant de l’Italie, l’Espagne et le Portugal, où le droit de propriété
est plutôt envisagé comme un droit économique et social, de moindre puissance60.
La pleine valeur constitutionnelle du droit de propriété est consacrée par le Conseil
constitutionnel, protecteur des libertés individuelles, dans sa jurisprudence du 16 juillet
1971, sur la liberté d’association, par laquelle le Conseil consacre la valeur du préambule de
la Constitution de 1958 qu’il intègre au bloc de constitutionnalité, affirmant son rôle en tant
que protecteur des libertés fondamentales61. Toutefois, c’est dans ses décisions des 16 janvier
1982 et 11 février 1982, « Lois de nationalisation »62, que le Conseil constitutionnel
reconnaît une pleine valeur au droit de propriété et donne ainsi naissance à « une sorte de
droit constitutionnel de la propriété »63. En reconnaissant le caractère constitutionnel de la
Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, le Conseil consacre également le
droit de propriété par ce même biais. Dans sa décision du 16 janvier 1982, sur la loi de
nationalisation, au 13ème considérant, le Conseil rappelle littéralement le contenu des articles
2 et 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, marquant l’importance de
chaque terme employé. Dans son 16ème considérant, il affirme que « les principes mêmes
énoncés par la Déclaration des droits de l’homme ont pleine valeur constitutionnelle, tant en
ce qui concerne le caractère fondamental du droit de propriété, dont la conservation constitue
l’un des buts de la société politique et qui est mis au même rang que la liberté, la sûreté et la
résistance à l’oppression, qu’en ce qui concerne les garanties données aux titulaires de ce

59
DELBLOND (Antoine) « Internet, multimédias : quels usages ? Quels droits ? », 1 :13ème minute. Cf. vidéo
consultée en ligne le 25 août 2017 : https://maiLgoogle.com/mail/u/0/#inbox/15e1c07d9fe240f6?projector=1.
60
FAVOREU (Louis), GAÏA (Patrick), GHEVONTIAN (Richard), MELIN-SOUCRAMANIEN (Ferdinand),
PENA (Annabelle), PFERSMANN (Otto), PINI (Joseph), ROUX (André), SCOFFONI (Guy) et TREMEAU
(Jérôme), Droit des libertés fondamentales, 6ème édition, Dalloz (Paris), 2012, n°s 266 et s.
61
CC n° 71-44 DC, 16 juillet 1971, Rec. 29. Cf. aussi : FAVOREU (Louis) et PHILIP (Loïc), Les grandes
décisions du Conseil Constitutionnel, 13ème édition, Dalloz (Paris), 2005, n° 18, p. 241 et s.
62
CC n° 81-132 DC, 16 janvier 1982 et n° 82-139, 11 février 1982, D. 1983. 169, note HAMON (Léo). Cf.
aussi : FAVOREU (L) et PHILIP (L), Les grandes décisions du Conseil Constitutionnel, 13e édition, Dalloz
(Paris), 2005, n° 28, p. 424 et s. op cit.
63
CABRILLAC (Rémy), FRISON-ROCHE (Marie-Anne), REVET (Thierry), Libertés et droits
fondamentaux, 12e édition, Dalloz (Paris), 2006, p. 666, n° 827 et s.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

droit et les prérogatives de la puissance publique »64. Le Conseil consacre le droit de


propriété comme principe « à valeur constitutionnelle »65 ; « un principe fondateur » de la
démocratie, qui mérite une parfaite protection66.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel considère, à propos de la définition du droit de
propriété, que l’article 544 du code civil est conforme à la Constitution, bien que la
conception de la propriété en droit privé diffère de celle du droit public, fondée notamment
sur la notion d’affectation67.
La Cour de cassation consacre aussi le droit de propriété dans sa jurisprudence. Ainsi,
elle considère que ce droit, tel qu’il est défini à l’article 544 du code civil, constitue un droit
fondamental de valeur constitutionnelle68. L’article 544 du code civil énonce que « la
propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu
qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».
Le juge administratif aussi reconnaît le caractère fondamental du droit de propriété.
Par sa jurisprudence, il se comporte en véritable protecteur du droit de propriété des
personnes publiques. Le Conseil d’Etat va jusqu’à qualifier d’occupation sans titre une
situation dans laquelle l’occupant s’était retiré des lieux, en les laissant en l’état, sans
démolition des ouvrages réalisés pendant sa période d’occupation, même si cette occupation
était valide à l’origine69. Par ailleurs, le Conseil considère que le droit de propriété des
personnes publiques constitue une liberté fondamentale au sens de l’article L521-2 du code
de justice administrative (CJA)70, et que l’État peut saisir le juge des référés sur le fondement

64
CC n° 81-132 DC, 16 janvier 1982, Loi de nationalisation. Dalloz 1983. 169, note HAMON (Léo). Cf.
http://www.conseil-constitutionneLfr/conseil-con.decision-n-81-132-dc-du-16-janvier-1982. 7986.html.
65
CC n°81-132 DC, du 16 janvier 1982, Loi de nationalisation, et n°82-139 du 11 février 1982, FAVOREU
(Louis) et PHILIP (Loïc), GD, 13ème édition, 2005, n°28. Cf. également CHAMARD-HEIM (Caroline),
MELLERAY (Fabrice), NOGUELLOU (Rozen), et YOLKA (Philippe), Les grandes décisions du droit
administratif des biens, Grands arrêts, Éditions Dalloz (Paris), 2013, n° 20.
66
Les nationalisations envisagées seront quand même admises, sur le fondement de l’article 9 du préambule
de la Constitution de 1946 qui énonce que « tout bien, toute entreprise dont l’exploitation a ou acquiert le
caractère d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».
Il s’agit d’une forme de reconnaissance de la nécessité publique de l’article 17, car les nationalisations étaient
l’outil supposé de redressement de l’économie française.
67
CC 30 septembre 2011, n° 2011-169, « Consorts M. et autres », JCP 2011, n° 1298, §1, Obs. PERINET-
MARQUET.
68
Cass. 1ère civ., 4 janvier 1995, n° 92-20-013, Bull. civ. 1995, I, n° 4.
69
CE, 8 novembre 1972, n° 80547, « SNCF », Rec. CE 1972, p. 771, cité dans : HANSEN (Philippe S.), La
semaine juridique, édition administrations et collectivités territoriales, La libération du domaine public occupé
sans titre, n° 2088.
70
L’article L521-1 du CJA prévoit que : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une
requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la
suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est
fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision

28
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

de l’article L521-3 dudit code71, pour des mesures utiles72.


Le droit européen protège également le droit de propriété. Ainsi, l’article 1er du
Protocole additionnel numéro 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et
des libertés fondamentales, communément appelée Convention européenne des droits de
l’Homme, tel qu’il a été amendé par le Protocole numéro 1173, dispose que « toute personne
physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété
que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes
généraux du droit international ». Cet article 1er dispose dans son second alinéa que ces
dispositions « ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur
les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à
l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des
amendes »74.
Selon le professeur Yves GAUDEMET cette position a conduit la Cour européenne
des droits de l’Homme (CEDH)75 à une certaine forme de tolérance prolongée au maintien
d’une situation illégale « dès lors que ce maintien a pu fonder une espérance légitime en la
disposition d’un bien »76. Cet aspect se retrouve dans le cas des droits des occupants du
domaine public notamment.
La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), dans sa décision du 13 juin 1979,

(…) ». L’article L521-2 du CJA prévoit que : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge
des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une
personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait
porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se
prononce dans un délai de quarante-huit heures ».
71
L’article L521-3 du CJA prévoit que : « En cas d’urgence et sur simple requête qui sera recevable même en
l’absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles
sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative. »
72
CE, n° 393895, 09 octobre 2015, « Préfet des Yvelines », Rec. Leb. Consulté en ligne le 1er novembre 2017 :
< https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000031309642>. En l’espèce, le
Conseil d’État, au vu du procès-verbal de l’audience publique du 7 octobre 2015 et au vu du code de la voirie
routière, du code général de la propriété des personnes publiques, du code général des collectivités territoriales,
du code de l’urbanisme et du code de justice administrative, conclut à l’illégalité manifeste de l’installation
d’une jardinière par la commune de Chambourcy sur le domaine public du département, mais annule
l’ordonnance rendue le 25 septembre 2015 par le juge des référés du tribunal administratif de Versailles et
rejette les conclusions du Préfet, en constatant que les conséquences en résultant (ralentissement des travaux,
interruption progressive du chantier, etc. ), ne sont pas constitutifs d’une situation d’urgence de nature à justifier
l’intervention urgente du juge administratif des référés sur le fondement de l’article L521-2 du code de justice
administrative. En revanche, le Conseil d’État confirme qu’en l’espèce, le juge administratif des référés pouvait
être saisi sur le fondement de l’article L521-3 du CJA pour ordonner des mesures utiles.
73
Protocole n° 11, remplaçant la Commission et la Cour européenne des Droits de l’Homme par une Cour
unique et permanente, signé le 11 mai 1994 et entré en vigueur le 11 novembre 1998.
74
La Convention, signée à Rome le 04 novembre 1950, est entrée en vigueur le 03 septembre 1953.
75
Organe institutionnel supranational institué par la CSDH et qui veille au respect de la convention.
76
GAUDEMET (Yves), Traité de droit administratif, Droit administratif des biens, tome 2, Éditions LGDJ.,
Lextenso éditions (Paris), 14ème édition, p. 7, n° 8-2, op cit.

29
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

« Marckxc / Belgique », reconnaît que la Convention européenne des droits de l’Homme


garantit en substance le droit de propriété, en reconnaissant à chacun le droit au respect de
ses biens77. Pour la CEDH, nul ne peut se prévaloir d’un bien au sens de l’article 1er, s’il
n’est en mesure de rapporter la preuve de la propriété qu’il revendique. Cela résulte aussi
d’une décision de la Cour, du 14 février 2008, « Glaser c/ République Tchèque »78.
Ainsi, les personnes publiques (État, collectivités territoriales de droit commun et à
statut particulier, établissements publics, personnes publiques spéciales), sont aptes à être
titulaires d’un droit de propriété portant sur des biens mobiliers et immobiliers. La propriété
de ces personnes morales de droit public, massivement concernées par les faits d’occupation
sans titre outre-mer, est généralement étudiée dans le cadre du droit administratif des biens79.
Dans ce cadre, la propriété des personnes publiques est traditionnellement désignée par le
concept de « domaine »80. Cette notion a transcendé le temps et constitue le fondement d’une
distinction classique entre « domaine public » et « domaine privé ». Pourquoi cette notion
de « domaine » plutôt que celle de « propriété » ? Cette notion fait généralement référence
à la propriété foncière des personnes publiques, mais vise l’ensemble des biens mobiliers et
immobiliers appartenant aux personnes morales de droit public. La notion de domaine a
longtemps été préférée à celle de patrimoine ou de propriété, car elle renvoie aux concepts
historiques de « fief », de « seigneurie », et à l’ancienne distinction opérée sous l’ancien
régime entre les biens du prince (biens privés) et les biens de la Couronne (biens publics).
Toutefois, si le principe d’un droit de propriété des personnes publiques sur les biens
dépendant de leur domaine privé n’a pas posé de problème, la reconnaissance d’un droit de
propriété à leur profit sur les biens dépendant de leur domaine public n’a pas été immanente.
Diverses théories négatrices du droit de propriété sur le domaine public ont prévalu par le
passé, mais ont été balayées depuis par l’acception moderne d’un droit de propriété des
personnes publiques sur le domaine public. Cette difficulté à reconnaître un droit de
propriété des personnes publiques sur les biens du domaine public peut interpeler, car ce qui
fait la différence entre les biens du domaine privé et ceux du domaine public, c’est leur

77
CEDH, 13 juin 1979, « Marckx c/ Belgique », Série A n° 31. Cf.
http://www.revuegeneraledudroit.eu/blog/decisions/cedh-13-juin-1979-marckx-c-belgique-affaire-numero-
683374/.
78
CEDH, sect. V, 14 février 2008, « Glaser c/ Rép. Tchèque », req. N° 55179/00. En l’espèce, il s’agissait
d’une demande en restitution d’objets déposés en 1948, avant émigration du requérant.
79
DAVID BEAUREGARD-BERTHIER (Odile de), Droit administratif des biens, Collection « Fac-
Universités », Mémentos LMD, 13ème édition 2017-2018, Issy-les-Moulineaux, Gualino Éditeur, Lextenso
Éditions, p. 5. Le droit administratif des biens est une partie du droit administratif qui se situe aux confluents
du droit public et du droit privé.
80
Cette notion vient du latin « Domus » qui signifie « la maison ».

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

affectation et leur utilité successives, qui entraînent le classement des biens d’une personne
publique dans un domaine plutôt que dans l’autre, générant l’applicabilité du régime de
domanialité publique ou privée selon les cas.
C’est cette distinction ancienne qui, sous l’ancien régime, conduit les « domanistes »81,
précurseurs de la théorie du domaine de la couronne, à distinguer ce domaine indisponible,
de la propriété secondaire, avec pour objectif de préserver l’indisponibilité des biens et droits
attachés à la fonction royale appelés « domaine de la couronne ». Si pour certains auteurs
domanistes, le roi exerce sur les biens de son royaume une sorte de droit de propriété, pour
la majorité d’entre eux le droit exercé par le roi sur les biens de son royaume relève de la
notion d’indisponibilité, de droit de garde82. Ainsi « le prince, dont la potestas dérive d’un
mandat populaire et divin, ne saurait librement disposer des droits qui lui sont conférés et
des biens à lui confiés »83. Pour Yves GAUDEMET, les lois qui ont établi l’inaliénabilité du
domaine royal forment une sorte de « principe constitutionnel » s’imposant au Roi, relevant
de l’ordre des « Lois fondamentales du royaume ». Il s’agissait « d’affirmer l’existence et
les droits de l’État, au-delà de la personne du souverain »84.
Au XIXe siècle, les biens dépendant de leur domaine public étaient considérés comme
insusceptibles d’appropriation par l’administration, en raison de leur utilité pour la
satisfaction d’intérêts publics, par opposition à la propriété privée. Ainsi, PROUDHON
exclut tout droit de propriété des personnes publiques sur leurs biens dépendant du domaine
public, le droit de propriété étant un droit exclusif incompatible avec la satisfaction d’intérêts
collectifs85. Pour DUCROQ et BARTHELEMY, auteurs du XIXe siècle, le domaine public
ne peut faire l’objet d’un droit de propriété, l’État n’en ayant ni l’usus revenant au public, ni
le fructus qui n’existerait pas dans ce cas, ni l’abusus lesdits biens étant inaliénables86.
Depuis l’adoption en 2006 du code de la propriété des personnes publiques (CG3P ou
CGPPP), l’emploi du terme « propriété », plus moderne et économique, tend à supplanter
celui de « domaine ». Il résulte des articles L1 et L2 du CG3P que ce texte s’applique « aux

81
Tel que LOYSEL.
82
GAUDEMET (Yves), Traité de droit administratif, Droit administratif des biens, tome 2, Éditions LGDJ.,
Lextenso éditions, 14ème édition, 2011, p. 11 et s, nos 11 et s.
83
YOLKA (Philippe), La propriété publique, Éléments pour une théorie, Thèse Paris II, LG.D.J. 1997, in
GAUDEMET (Y.), op cit.
84
Idem.
85
PROUDHON (Jean-Baptiste-Victor), Traité du domaine Public ou De la distinction des biens considérés
principalement par rapport au domaine public, T. II, Éditions « Chez Victor LAGIER, libraire-éditeur »
(Dijon), 1833-1834. Consulté en ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5789175r/f6.item.texteImage.
86
Cité dans : GAUDEMET (Yves), Traité de droit administratif, Droit administratif des biens, tome 2, Éditions
LG.D.J., Lextenso éditions, 14ème édition, p. 12 et s, nos 12 et s., op cit.

31
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

biens et aux droits à caractère mobilier ou immobilier, appartenant à l’État, aux collectivités
territoriales et à leurs groupements, ainsi qu’aux établissements publics », et « aux autres
personnes publiques dans les conditions fixées par les textes qui les régissent »87.
Dans le cadre de notre étude, la question est de savoir si les personnes publiques
peuvent prétendre bénéficier de la protection de leurs biens par la Convention européenne
des droits de l’Homme. D’abord négative, la réponse a évolué au fil du temps.
Le Conseil d’État, dans un arrêt du 23 mai 2007, « Département des Landes »88, exclut
la protection, par la Convention européenne, des biens des collectivités locales vis-à-vis de
l’État. Il en a également jugé ainsi pour les biens d’un établissement public, dans un arrêt du
19 novembre 2008, « communauté urbaine de Strasbourg »89. La jurisprudence est revenue
sur sa position, dans une décision du 24 novembre 2009, « Fédération des ayants-droit des
sections de Communes de la Haute-Loire », aux termes de laquelle la Cour administrative
d’appel de Lyon a décidé qu’en permettant au préfet de prononcer le transfert des biens d’une
section de commune à une commune, sans indemnité, sur simple demande du conseil
municipal, dans certains cas, l’article L2411-11 du code général des collectivités territoriales
méconnaissait le protocole numéro 1 annexé à la Convention90.
Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 8 avril 201191, considère, de manière
inverse, que la procédure de l’article L2411-12-1 du Code général des collectivités
territoriales (CGCT), qui autorise le transfert à titre gratuit des biens de sections de commune
à une commune est conforme à la Constitution de 1958.
De son côté, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH)92, reconnaît la
protection de l’article 1er du protocole numéro 1 à la Convention européenne des droits de
l’Homme, aux biens des personnes publiques, ainsi qu’il ressort de sa décision du 9
décembre 1994, « Les saints monastères contre la Grèce »93.
Dans le droit de l’Union européenne94, ancien droit communautaire, la réponse est
double. Ce droit distingue les biens publics qui participent à une activité économique, et sont

87
Articles L1 et L2 du CG3P.
88
CE, 23 mai 2007, « Département des Landes », AJDA 2007, note MERLEY (N.).
89
CE, 19 nov. 2008, « Communauté urbaine de Strasbourg », AJDA 2009, note VERPEAUX (M.), p. 425.
90
CAA, Lyon, 24 novembre 2009, « Fédération des ayants-droit des sections de Communes de la Haute-
Loire », AJDA 2010, p. 559, note YOLKA (Ph.).
91
CC, 8 avril 2011, D. Adm. Juin 2011, p. 29, note HOFFMANN (F.).
92
Juridiction mise en place en 1959, créée par la Convention européenne et chargée du respect de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, dite « convention européenne
des droits de l’Homme », signée en 1950 par les États-membres du Conseil de l’Europe.
93
CEDH, 9 décembre 1994, « Les saints monastères c/ Grèce », D. 1996, jurisp., p. 329, note FLORINA (D.).
94
Depuis le Traité de Lisbonne du 13 décembre 2007 et entré en vigueur le 1 er décembre 2009, le droit de
l’Union européenne prime le droit national des États membres.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

par conséquent soumis au droit de la concurrence, des biens publics purement patrimoniaux
n’obéissant pas à une logique de marché95. S’agissant de la protection du droit de propriété
dans l’ordre juridique de l’Union européenne, les traités fondateurs des Communautés
européennes (traité CECA de 195196 et traité CEE de 195797), ne concernent pas les droits
de l’Homme. Il faut attendre l’Acte unique européen de 198698 pour qu’il soit fait référence
à la Convention européenne des droits de l’Homme, et le traité de Maastricht, signé le 7
février 1992, pour prendre en compte le respect des droits fondamentaux garantis par la
Convention européenne. Compte tenu de l’évolution ci-dessus rapportée, la Cour de justice
des communautés européennes (CJCE), depuis devenue Cour de justice de l’Union
européenne (CJUE)99 considère le droit de propriété comme étant un droit de l’Homme.
Ainsi, l’arrêt « Hauer », rendu par la CJCE, le 13 décembre 1979, pose le fondement de la
protection du droit de propriété comme droit fondamental, dans la Communauté100.
En définitive, le droit de propriété, en raison de sa suprématie, est un droit
extrêmement protégé en France et en Europe, et sa violation est sévèrement sanctionnée par
la loi et la jurisprudence. Le droit de propriété, droit fondamental protégé, représentatif de
l’avoir et de l’être, est considéré comme un droit essentiel de l’individu, dont la protection
constitue un objectif fondamental.
Or, en dépit de cette importante protection du droit de propriété, devant la situation
alarmante de l’occupation sans titre outre-mer, des procédures de régularisation
foncière sont mises en œuvre. La question de leur légitimité juridique et de leur pertinence
se pose, dans le cadre du droit positif.

95
LEGAL (Hubert), L’impact du droit de la concurrence dans la gestion du patrimoine des personnes publiques,
AJDA 2007, p. 949.
96
Traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier, signé à Paris le 18 avril 1951.
97
Traité instituant la Communauté économique européennes, signé à Rome le 25 mars 1957.
98
Acte unique ratifié par les États membres en 1986 et entré en vigueur le 1 er juillet 1987.
99
Institution dont le rôle est de veiller au respect des traités et du droit européen, et généralement de la
législation européenne (interprétation et application) par tous les pays et les institutions de l'Union européenne.
Cf. : https://europa.eu/european-union/about-eu/institutions-bodies/court-justice_fr.
100
CJCE, « affaire HAUER », 44 /79, du 13 décembre 1979, Rec. 1979 / 3727. Le droit de propriété fait partie
intégrante des principes généraux du droit communautaire dont la cour assure le respect. Cf. :
http://www.cvce.eu/content/publication/1999/1/1/162131a2-9f26-4db4-90c7-
1486773f165f/publishable_fr.pdf.

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L’EXAMEN DU BIEN-FONDÉ DE LA RÉGULARISATION


FONCIÈRE OUTRE-MER

La régularisation foncière de l’occupation sans titre de la propriété des personnes


publiques vise souvent à légaliser une situation d’illégalité foncière qui, si l’on se réfère aux
règles protectrices du droit de propriété des personnes publiques, devrait être sanctionnée.
Le terme « régularisation » évoque l’action de régulariser une situation en la rendant
régulière au regard des normes et règles qui lui sont applicables101. La régularisation foncière
est l’action de régulariser une situation foncière au regard des normes et règles juridiques et
foncières applicables. Elle permet de mettre fin à l’illégalité foncière par la mise en
conformité de la situation illégale avec les normes et règles de la propriété foncière et de la
jouissance immobilière, découlant du droit de propriété des personnes publiques et privées.
Le terme « régularisation » est défini comme étant la mise en conformité d’un acte
juridique ou d’un acte de procédure avec les prescriptions légales, de manière à opérer la
validation de l’acte originairement entaché de nullité102. Lorsqu’il s’agit d’un acte de
procédure, la régularisation exige qu’aucune forclusion ne soit intervenue et que ne subsiste
aucun grief103. Mais il est intéressant de prendre aussi en compte d’autres définitions.
Pour l’Agence nationale de l’urbanisme, des travaux topographiques et du Cadastre
(ANUTTC), la régularisation foncière est « une procédure qui consiste à légaliser le statut
des occupants illégaux en leur donnant le droit d’accéder à la propriété du sol, par l’obtention
d’un titre foncier »104.
Le Thésaurus multilingue du foncier, édité par l’Organisation des Nations Unies pour
l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), définit la régularisation foncière comme étant une
« procédure ayant pour objet de rétablir des droits fonciers jusqu’alors exercés sans
justification légale ou de localiser des droits sur des immeubles jusqu’alors mal identifiés
(occupations sans titre, rétablissement de limites après des faits de guerre) »105. Selon cet
ouvrage, « la régularisation foncière consiste en la légalisation du statut des occupants

101
Le Petit Larousse, édition 2013.
102
GUINCHARD (Serge) et DEBARD (Thierry), sous la direction de, Lexique des termes juridiques, 2017-
2018, Éditions Dalloz, Paris, 2017, p. 963, 1105 pp.
103
Au sens du droit civil, du droit commercial et de la procédure civile.
104
Cf. : http://anuttc.ga/index.php/procedures/regularisation-fonciere. Site consulté le 15 juillet 2017.
105
CIPARISSE (Gérard), Thésaurus multilingue du foncier, 2ème édition, édité par l’Organisation des Nations
Unis pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), Rome, 2005, consultée le 08 août 2017 sur le site :
http://www.fao.org/docrep/005/x2038f/x2038f09.htm.

34
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

illégaux d’un terrain, en leur donnant le droit d’accéder à la propriété du sol ». Selon ce
même ouvrage, la régularisation foncière est également mise en œuvre pour la réhabilitation
de quartiers d’habitat irrégulier, en maintenant le plus grand nombre d’habitants sur place
afin de préserver au maximum les investissements qu’ils ont déjà pu réaliser. « La
régularisation foncière est […] une condition du maintien sur place de la population
visée »106.
Toutes ces définitions s’accordent à considérer que régulariser, c’est sortir de
l’irrégularité et de l’illégalité et que, dans le cadre foncier, cette régularisation se fait
prioritairement par l’accès à la propriété ou à la jouissance du sol. La réhabilitation des
quartiers d’habitat spontané, par l’aménagement, est également prise en compte.
L’idée se conçoit donc tout naturellement d’une régularisation foncière qui pourrait
être qualifiée de « positive », parce qu’effectuée en faveur de l’occupant sans titre et de son
maintien sur le foncier occupé. Cette vision de la régularisation foncière est parfois
délibérément et politiquement privilégiée par l’État et les personnes morales de droit public,
notamment par certaines communes d’outre-mer. Il n’en demeure pas moins vrai que la
régularisation foncière peut aussi être perçue sous un angle qui pourrait être qualifié de
« négatif », lorsqu’elle aboutit à l’expulsion de l’occupant sans titre.
La présente étude est axée sur la régularisation positive, réalisée par l’octroi d’un titre
de propriété ou de jouissance aux occupants sans titre, favorisant leur accès à la propriété
foncière. Cette régularisation foncière positive est couramment envisagée par le législateur
et les personnes publiques outre-mer, car elle stabilise la situation d’occupation du sol,
intègre l’occupant sans titre dans le marché foncier local, et le responsabilise.
La recherche est circonscrite à la régularisation de l’occupation sans titre de la
propriété des personnes publiques situées dans les collectivités territoriales de l’article 73 de
la Constitution, et à leurs actions pour juguler l’occupation sans titre, y compris en devenant
elles-mêmes propriétaires de propriétés privées illégalement occupées, pour en assurer
ensuite la régularisation foncière. Sur le territoire géographique de ces collectivités, sont
concernées les actions de régularisation foncière menées par les personnes publiques,
notamment par l’Etat, les communes107, et les départements, régions et collectivités uniques.
Cette thèse épouse le champ géographique retenu par le législateur dans le CG3P qui

106
CIPARISSE (Gérard), Thésaurus multilingue du foncier, op cit.
107
Les communes, collectivités territoriales de droit commun, relevant de l’article 72 de la Constitution, ont
leur territoire superposé à celui des collectivités de l’article 73 de la Constitution (régions, départements et
collectivités uniques situés outre-mer).

35
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

regroupe, dans une Vème partie ayant trait aux dispositions relatives à l’outre-mer, au Livre
Ier, des dispositions particulières à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique, à La
Réunion et à Mayotte108. Ces collectivités sont régies par le principe de l’identité législative.
En d’autres termes, la thèse concerne les « quatre vieilles »109 que sont, la Guadeloupe110, la
Guyane111, la Martinique112 et La Réunion113, auxquelles s’ajoute désormais, depuis le 31
mars 2011, Mayotte114 ; et sur le territoire géographique de ces collectivités, les actions des
personnes publiques sus nommées visant à juguler l’occupation sans titre outre-mer.
Il convient de préciser que la Guyane et la Martinique constituent des collectivités
uniques115, exerçant sur leur territoire les compétences dévolues à la région et au

108
Le CG3P a été modifié après l’intégration de Mayotte, département français. Auparavant le Livre Ier de la
Vème partie du CG3P était consacré aux départements d’outre-mer. Les dispositions spécifiques à Mayotte
étaient traitées à part, dans un livre III, bien après les dispositions relatives à Saint-Pierre et Miquelon.
109
Terme utilisé par référence aux « quatre vieilles » anciennes colonies françaises.
110
Département et région d’outre-mer (DROM-ROM), situé à 6700 kilomètres de la France, au cœur de l’arc
des Antilles, comptant 399000 habitants répartis sur 32 communes. Ancienne colonie française devenue
département français d’outre-mer par la loi du 19 mars 1946, et région monodépartementale avec les lois du
02 mars 1982 et du 07 janvier 1983, dites « lois Defferre ». À la suite de la réforme constitutionnelle du 28
mars 2003, les Guadeloupéen(ne)s, refusèrent la création d’une collectivité unique. Cf. : www.outre-
mer.gouv.fr/guadeloupe. Article consulté le 05 août 2018.
111
Collectivité unique située sur le continent Sud-américain, ayant des frontières avec le Brésil et le Surinam ;
ce qui favorise une forte immigration étrangère. La Guyane compte 260000 habitants répartis sur 22
communes. Sa population intègre différentes tribus : les indiens Kali’na, les Teko, les Wayana, les Arawak, les
Palikur et les Wayapi. Son territoire est vaste (86500 kilomètres carrés). Ancienne colonie française, la Guyane
est devenue département français d’outre-mer par la loi du 19 mars 1946. À la suite de la loi n° 2010-1563 du
16 décembre 2010, la région et le département ont fusionné en une collectivité unique dénommée « Collectivité
territoriale de Guyane » (CTG). Voir : www.outre-mer.gouv.fr/guyane. Article consulté le 05 août 2018.
112
Collectivité unique française située à 6858 kilomètres de la France, dans l’Archipel des Antilles, la
Martinique compte 400404 habitants, en 2016, répartie sur 34 communes. Fort-de-France concentre 95000
habitants. Elle est membre associé de l’Association des États de la Caraïbe (AEC) et de l’Organisation des
États de la Caraïbe orientale (OECO). Elle est devenue département français d’outre-mer par la loi du 19 mars
1946, sous l’égide d’Aimé CÉSAIRE, poète et ancien maire de Fort-de-France. En 1982, avec les lois
« Defferre », elle est érigée en région monodépartementale, avant de devenir une collectivité unique à la suite
du référendum de 2010. Cf. : www.outre-mer.gouv.fr/martinique. Article consulté le 05 août 2018.
113
La Réunion, région française monodépartementale d’une superficie de 2512 kilomètres carrés, est bordée
de 210 kilomètres de côtes en majeure partie inhospitalières. Elle compte 850000 habitants en 2015 répartis
sur 24 communes. L’île a acquis le statut de département français en 1946. En 1982, avec la loi de
décentralisation, le conseil régional fût créé. La Réunion est devenue région européenne en 1992 et région
ultrapériphérique en 1997. Voir : www.outre-mer.gouv.fr/la-reunion. Article consulté le 05 août 2018.
114
Mayotte est un département français d’outre-mer de 37600 hectares, situé entre l’équateur et le tropique du
capricorne, à l’entrée du canal du Mozambique, entre Madagascar et l’Afrique, à 8000 kilomètres de la
métropole. À la suite du référendum du 29 mars 2009, Mayotte s’est prononcée à 95,2 % pour la création d’une
collectivité unique de l’article 73 de la constitution, exerçant les compétences d’un département et d’une région
d’outre-mer. La loi organique du 7 décembre 2010 prévoit son organisation et son fonctionnement. Le 31 mars
2011, Mayotte est devenu le cent-unième département de France et le cinquième d’outre-mer. Cf.
http://www.outre-mer.gouv.fr/mayotte-histoire et www.mayotte.pref.gouv.fr/politiques-publiques/culture-
tourisme-et-patrimoine/découvrir-mayotte/histoire-et-géographie, consultés le 04 octobre 2016.
115
MELIN-SOUCRAMANIEN (Ferdinand), Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 35, Dossier :
« La Constitution et l’outre-mer », les collectivités territoriales régies par l’article 73, avril 2012. En ligne :
www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/franais/nouveaux-cahiers-du-conseil/cahier-n-35/. Les
dispositions législatives applicables sont, pour la Guyane et la Martinique la loi organique n° 2011-883 du 27

36
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

département, alors que la Guadeloupe et La Réunion constituent des départements et régions


d’outre-mer (DROM)116. Mayotte constitue un département d’outre-mer et une collectivité
unique117. Ces cinq collectivités territoriales sont également des régions ultrapériphériques
(RUP)118, faisant partie intégrante de l’Union européenne, dont l’acquis communautaire leur
est pleinement applicable. Elles bénéficient d’adaptations spécifiques compte tenu de leur
position géographique éloignée.
Certes, l’occupation sans titre concerne également d’autres territoires nationaux ou
situés outre-mer, confrontés à des problématiques foncières similaires ou approchantes.
C’est notamment le cas pour les collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy,
collectivités d’outre-mer (COM) relevant de l’article 74 de la Constitution. Celles-ci
disposent néanmoins d’un statut institutionnel leur octroyant une plus grande marge de
manœuvre119. De plus, une extension de la recherche peut être ultérieurement prévue.
Lors d’un colloque consacré au régions ultrapériphériques120, Carlos Eduardo Pacheco
AMARAL, professeur à l’Université des Açores, emploie le concept de « nissologie »121
pour identifier l'étude des îles comme fins à elles-mêmes et non plus comme moyens. C’est
également un peu en ce sens que se positionne cette recherche. Le but est de favoriser l’accès
des collectivités situées outre-mer en général, à une certaine autonomie politique, à la

juillet 2011 relative aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et la loi n° 2011-884 du 27 juillet
2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique. L’Assemblée de Guyane et l’Assemblée
de Martinique sont les organes délibérants desdites collectivités. L’exécutif de la collectivité unique est, pour
la Guyane le Président de l’assemblée de Guyane et pour la Martinique le Conseil exécutif de Martinique.
116
MELIN-SOUCRAMANIEN (Ferdinand), Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 35, op cit.
117
Cf. loi organique n° 2010-1486 du 7 décembre 2010 et loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relatives au
Département de Mayotte. La référence au département ou à la région est remplacée par la référence au
Département de Mayotte (article L1711-1 du CGCT). L’assemblée délibérante est le Conseil Départemental de
Mayotte et l’exécutif est le Président du conseil Départemental. Cf. MELIN-SOUCRAMANIEN (F.), op cit.
Une proposition de loi visant à ériger Mayotte en Département-Région de Mayotte a été déposée par le sénateur
Thani MOHAMED SOILIHI, à la présidence du Sénat le 21 janvier 2019 (n° 258).
118
Articles 349 et 355 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (Traité FUE). Mayotte est
devenue RUP par décision 2014/162/UE du Conseil européen. Site consulté le 10 août 2017 :
http://www.europarLeuropa.eu/atyourservice/fr/displayFtu.html?ftuId-FTU_5.1.7.html.
119
Les collectivités relevant de l’article 74 de la Constitution disposent d’une plus grande marge de manœuvre.
Une étude trop panoramique nuirait à la clarté du sujet.
120
Colloque sur les régions ultrapériphériques, organisé par l’Université des Antilles (UA), le 13 mars 2017, à
l’initiative du LC2S sous la direction de DANIEL (Justin), professeur et directeur du LC2S, avec la
collaboration de GALY (Karine), et VESTRIS (Isabelle), maîtres de Conférences à l’UA), et la participation
PACHECO AMARAL (Carlos).
121
CASTELAIN (Jean-Pierre), « Approches de l'île », Ethnologie française, 2006/3 (Vol. 36), p. 401-406,
1982.DOI : 10.3917/ethn.063.0401.URL : https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2006-3-page-
401.html. Dans son ouvrage consacré aux « approches de l’île » Jean-Pierre CASTELAIN, Socio-
anthropologue et chercheur associé au CETSAH(EHESS-CNRS), mentionne notamment Abraham MOLES
comme étant l’un des fondateurs de la science des îles : la nissologie. Cf. MOLES (Abraham) « Nissologie ou
science des îles », L’espace géographique, 4. Article repris dans MOLES (Abraham) et ROHMER (Élisabeth),
Labyrinthe du vécu, Paris, Librairie des Méridiens, 1982 ; in CASTELAIN (J-P), op cit.

37
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

diplomatie et à la négociation, pour leur permettre de régler par elles-mêmes leurs propres
intérêts et notamment les questions foncières les concernant, avec les dispositifs législatifs,
réglementaires, financiers et humains adaptés. La loi d’actualisation du droit des outre-mer
du 14 octobre 2015, dite « Loi ADOM »122, tente d’apporter des solutions à cet égard, mais
celles-ci demeurent inabouties123.
Les collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution se distinguent des
collectivités territoriales d’outre-mer (COM). La catégorie des « collectivités territoriales
d’outre-mer » (COM) a été créée par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 et se trouve
régie par l’article 74 de la Constitution. Elle est distincte des départements, régions et
collectivités uniques relevant de l’article 73 de la Constitution. Parmi ces collectivités
d’outre-mer de l’article 74 figurent : la Polynésie française124, Saint-Barthélemy, Saint-
Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna125. Elles disposent d’un statut
particulier tenant compte de leurs intérêts propres au sein de la République française. La
Nouvelle-Calédonie, qui est également un « Pays d’outre-mer » (POM), bénéficie d’un
statut spécifique « transitoire », en vertu de la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998,
résultant de l’accord de Nouméa du 5 mai 1998. À ce titre, elle relève des articles 76 et 77
de la Constitution (Titre XIII). Les Terres australes et antarctiques françaises et Clipperton
sont régies par l’article 72-3 de la Constitution, qui renvoie purement et simplement à une
loi ordinaire pour déterminer leur régime législatif et leur organisation126.
La Constitution du 04 octobre 1958 consacre un titre XII aux collectivités territoriales,
dont elle donne une définition générale à l’article 72. Il précise que « les collectivités
territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les

122
Article 27 de la loi n° 2015-1268 d’actualisation du droit des outre-mer du 14 octobre 2015, publiée au
JORF n° 0239 du 15 octobre 2015 page 19069.
123
ROCH-BERGOPSOM (Myriam), Directrice de l’Agence des 50 pas géométriques de Guadeloupe,
contribution écrite du 08 août 2019. Voir aussi EMONIDES (Hervé), Directeur de l’Agence des 50 pas
géométriques de Martinique, entretien du 28 décembre 2018.
124
La Polynésie française dispose d’une très large autonomie depuis la loi organique n° 2004-192 du 27 février
2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française et du label de Pays d’outre-mer (POM).
125
À cet égard, il existe deux formes de relations avec l’Union européenne : le statut de RUP et le statut de
PTOM. Le statut de Pays et territoires d’outre-mer (PTOM), s’agissant de la France, s’applique à la Nouvelle-
Calédonie et ses dépendances, à la Polynésie française, à Saint-Pierre-et-Miquelon, aux Terres Australes et
antarctiques françaises, à Willis et Futuna, et à Saint-Barthélemy (depuis 2012). Il concerne les pays et
territoires liés constitutionnellement à un État membre de l’Union européenne (UE) mais ne faisant pas partie
du territoire de l’UE. Leurs relations avec l’Union européenne sont régies par la décision 2013/755/UE du 25
novembre 2013 relative à l’association des pays et territoires d’outre-mer à l’Union européenne. Consulté le
10 août 2017 : http://www.europarl.europa.eu/atyourservice/fr/displayFtu.html?ftuId=FTU_5.1.7.html. En
ligne : https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2013:344:0001:0118:FR:PDF.
126
GUINCHARD (Serge) et DEBARD (Thierry), Lexique des termes juridiques 2015-2016, Éditions Dalloz,
23ème Edition, Paris, 2015, p. 198, op cit.

38
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

collectivités à statut particulier et les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 »127.
Selon le texte constitutionnel « toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas
échéant en lieu et place d’une ou de plusieurs collectivités mentionnées […] »128. Personnes
morales de droit public, distinctes de l’État et bénéficiant d’une autonomie juridique et
patrimoniale, les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus et
possèdent des compétences administratives. Outils de la décentralisation, elles ne disposent
pas de compétence étatique129, même si de récents efforts ont été faits en matière de
coopération régionale et d’action extérieure130.
Selon l’article 72-3 de la Constitution, la République reconnaît les populations d’outre-
mer au sein du peuple français, « dans un idéal de liberté, d’égalité et de fraternité »131. En
continuité avec ce raisonnement, l’article 72-3 alinéa 2 précise que les départements et
régions d’outre-mer et les collectivités territoriales créées en application du dernier alinéa
de l’article 73, c’est-à-dire celles se substituant à un département et une région d’outre-mer
ou l’institution d’une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités, sont régis
par l’article 73 de la Constitution et donc par le principe de l’identité législative, les lois et
règlements y étant applicables de plein droit, sauf habilitation dérogatoire132. Les autres
collectivités sont régies par l’article 74 de la Constitution. La Nouvelle-Calédonie voit son
statut régi par le titre XIII de la Constitution. Les cas des Terres Australes et antarctiques
françaises (TAAF) et de Clipperton, dont le régime législatif et l’organisation particulière
sont déterminés par la loi, sont mis à part.
Les termes « collectivité territoriale » « collectivité locale » sont souvent employés
indifféremment133, mais celui de collectivité territoriale prévaut. Le terme « collectivité
territoriale » fait son apparition dans la Constitution du 27 octobre 1946, puis l’expression
est reprise dans la Constitution de 1958, qui ne l’a pas expressément définie. Avant la
révision constitutionnelle du 28 mars 2003, la question de la différence entre les collectivités
locales de l’article 34 et les collectivités territoriales de l’article 72 se trouvait posée. Une

127
Constitution du 04 octobre 1958, publiée au JORF n° 0238 du 05 octobre 1958, p. 9151.
128
Constitution du 04 octobre 1958, op cit.
129
Elles ne peuvent édicter de lois ou des règlements autonomes et ne disposent pas de compétences
juridictionnelles. Elles ne disposent pas non plus de compétences propres leur permettant de conduire des
relations internationales. En ligne : www.vie-publique.fr/découverte-insitutions/collectivites-territoriales/.
130
Une proposition de loi relative à l’action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des
outre-mer dans son environnement régional a été adoptée, le 24 mars 2016, par l’assemblée nationale. Cf.
:https://www.legifrance.gouv.fr/.
131
Constitution du 04 octobre 1958, publiée au JORF n° 0238 du 05 octobre 1958, p. 9151, op cit.
132
Article 73 alinéas 3 et 4 de la Constitution.
133
BOUDINE (Joël), La distinction entre collectivité locale et collectivité territoriale : variation sémantique
ou juridique ? », RDP 1992, n°1, p : 171- 199.

39
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

décision du Conseil constitutionnel du 12 mai 1964134 et une autre décision dudit Conseil,
du 19 novembre 1975135, semblaient faire la différence entre les deux notions. En outre, une
partie de la doctrine a systématisé cette distinction136. Mais la loi constitutionnelle du 28
mars 2003137 élimine cette incertitude terminologique, puisque son article 2 remplace le mot
« locales » par le mot « territoriales », dans l’article 34 alinéa 13 de la Constitution, donnant
à penser que le terme « collectivité locale » ne serait plus juridiquement fondé. Le terme
« collectivité territoriale » est expressément employé à l’article 72 de la Constitution. Le
code général des collectivités territoriales (CGCT) adopté en 1996, privilégie également
l’expression « territoriales ». Toutefois, les deux expressions sont employées de manière
équivalente dans le langage courant. Cependant le Constituant confirme l’emploi du terme
unique de « collectivité territoriale » pour une même notion, même si quelques éléments du
régime des collectivités s’étendent à certains établissements publics.
Les collectivités territoriales subissent de nombreuses réformes intitulées acte I, acte
II et acte III de la décentralisation138. La réforme opérée par la loi n°2010-1563 du 16
décembre 2010 étend le champ de l’intercommunalité. Cette expansion est prévue
particulièrement par le biais d’établissements publics de coopération intercommunale
(EPCI) que la loi favorise à travers la création de « Métropoles ». La loi de 2010 renforce
donc la légitimité et les pouvoirs de l’intercommunalité, notamment par le bais des
communautés d’agglomérations et des communautés de communes. Après l’arrivée au
pouvoir des socialistes en 2012, la réforme des collectivités territoriales se poursuit par
« l’acte III » de la décentralisation qui vise à l’affirmation des métropoles, à l’accroissement
du rôle des régions pour la croissance et l’emploi, et à l’émergence des solidarités
territoriales et de la démocratie locale. La réforme des collectivités territoriales se poursuit
avec la loi n°2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale
et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM », qui rétablit au profit de chaque
catégorie de collectivité territoriale la clause de compétence générale qui avait été
supprimée, et qui a déterminé des collectivités « chefs de file » pour les opérations

134
CC n° 6429 L, 12 mai 1964, Rec. p. 37 ; S. 1966. J. 334, note HAMON (L.).
135
CC n° 75-84 L, 19 novembre 1975, Rec. p. 35 ; RDP 1976, p. 225, chron. FAVOREU (L.).
136
BENOIT (Francis-Paul), Jurisclasseur “Collectivités locales”, Volume I, sous la direction scientifique de
DOUENCE (Jean-Claude), Éditions Dalloz, Paris, 2008, pp 63, 1 et s.
137
Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République,
publiée au JORF n° 75 du 29 mars 2003, p. 5568, texte 1, initiant l’acte II de la décentralisation, complétée par
la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la V e République.
138
L’acte I de 1982 à 2002, l’acte II de 2003 à 2010 et l’acte III de 2011 à 2015 de modernisation de l’action
publique.

40
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

nécessitant le concours de plusieurs types de collectivités ou groupements139. Avec la loi n°


2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite
« Loi NOTRe », la clause générale de compétence n’est reconnue qu’aux communes.
Cette thèse vise les « collectivités territoriales » dans le sens où l’on se réfère aux
régions, départements d’outre-mer et « collectivités uniques » situées outre-mer, et à
l’intérieur de ceux-ci, aux communes situées outre-mer. Sont donc principalement
concernées, par la présente étude : la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, La Réunion et
Mayotte, qui sont les collectivités de l’article 73 de la Constitution. Et sur le territoire de ces
collectivités, sont concernées, les actions de l’Etat, des communes, des départements, des
régions, et des collectivités uniques, situés outre-mer. Ces personnes publiques ont mis en
place des procédures de régularisation foncière, pour juguler l’occupation sans titre de leur
domaine privé, dont l’étude du bien-fondé est indispensable.
Le lecteur pourrait s’interroger sur le terme « outre-mer », pour un sujet traité du point
de vue140 de l’ultramarin. Cette expression peut sembler inappropriée en raison de l’absence
de fondement juridique du terme « outre-mer ». Elle est pourtant très largement utilisée au
singulier comme au pluriel dans le cadre des institutions politiques. Elle a pour origine
l’histoire coloniale des départements et régions d’outre-mer, et a été définie par rapport à
l’ex-puissance coloniale, et non par rapport au territoire concerné. Le « Vocabulaire
juridique » de Gérard CORNU n’en donne aucune définition ; ce qui se conçoit. Le
« Larousse » le définit comme étant ce qui est « au-delà des mers par rapport à la
France »141 ; définition non juridique par excellence. Sur le site du Centre National des
Ressources Textuelles et Lexicales142, on trouve la définition suivante : « Au-delà des mers
par rapport à un pays défini (Exemple : l’Afrique, l’Orient, l’Amérique, par rapport à la
France) ». Plusieurs notions sont distinguées. Celle de « pays d’outre-mer » fait notamment
référence à la définition sus dite. Celle de « France d’outre-mer » fait référence à l’ensemble
des anciennes colonies françaises avant 1958. Celle de « départements d’outre-mer », par
abréviation DOM, fait référence aux départements français d’outre-mer constitués en 1946.

139
Cette loi crée la « Conférence territoriale de l’action publique » dont l’objectif est de favoriser l’exercice
concerté des compétences des collectivités territoriales et de leurs groupements dans chaque région. Elle
comporte aussi des dispositions spéciales applicables au statut des grandes Métropoles, telles « Le Grand
Paris », Lyon, Marseille, etc. La Conférence territoriale de l’action publique est placée sous la présidence du
Président du conseil régional et est composée des présidents des conseils généraux et des représentants des
établissements publics commerciaux et industriels (EPCI) et des communes (cf. loi du 27 janvier 2014).
140
Physique et géographique, mais aussi juridique.
141
www.larousse.fr/dictionnaires/Français/outre-mer/56958.
142
Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales : www.cnrtLfr/définition/outre-mer.

41
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Les « possessions d’outre-mer » désignent généralement l’ensemble des colonies.


Nonobstant son imprécision et son ambiguïté, ce terme sera employé aux présentes pour
faciliter les distinctions de législations, et de situations juridiques et institutionnelles.
Toutes les collectivités territoriales situées outre-mer sont concernées par l’occupation
sans titre. Saint-Martin143 et Saint-Barthélemy, collectivités d’outre-mer (COM) relevant de
l’article 74 de la Constitution et anciennes communes de la Guadeloupe, sont également
concernées par l’occupation sans titre. Mais il semble toutefois pertinent de cantonner la
recherche à la régularisation foncière menée dans les collectivités territoriales que sont la
Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, et Mayotte, dont le régime législatif et
réglementaire est celui de l’identité législative. Ces collectivités présentent des particularités
foncières qui leur sont propres. En outre, une étude panoramique englobant tout l’outre-mer
nuirait à la clarté du sujet. Toutefois, les pistes de réflexion issues de la présente étude
pourront aisément s’appliquer aux autres collectivités situées outre-mer. La thèse
s’intéressera donc aux collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution, et plus
précisément, à l’intérieur de ces collectivités, aux actions menées par l’État, les communes,
les départements, les régions et les collectivités uniques144, en matière de régularisation
foncière de la situation des occupants sans titre ; leurs domaines public et privé étant
largement concernés par l’occupation sans titre.
Pour mieux comprendre les enjeux de la régularisation foncière et de l’occupation sans
titre dans l’espace et dans le temps, il convient d’observer que les rapports qu’entretiennent
les humains avec la terre ont évolué au fil du temps. L’action des humains sur leur
environnement structure l’espace dans le temps. La volonté de l’humain de « marquer » son
territoire, de se l’approprier et de l’habiter, a globalement pris sa source dans l’évolution du
mode de vie des groupes sociaux, notamment avec la découverte de l’agriculture145, la
sédentarisation des civilisations, puis l’urbanisation qui apparaît avec l’industrialisation de
l’économie, et atteint son apogée avec l’avènement des sociétés de services. Avec
l’apparition des réseaux relationnels, sociaux et professionnels dématérialisés, qui se sont
développés grâce à l’apparition des nouveaux systèmes d’information et de communication

143
Voir COTTANCEAU (Christophe), Les occupations du sol sans titre, en Guadeloupe et à l’île de Saint-
Martin : une analyse comparative, Mémoire de Master du CNAM, soutenu le 14 juin 2016. En ligne :
https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01633458/document.
144
Lesquelles constituent des collectivités territoriales de droit commun, ayant vocation à se rencontrer sur
l’ensemble du territoire des collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution, et généralement sur
l’ensemble du territoire de Métropole et d’Outre-mer. Cf. : https://www.vie-publique.fr/decouverte-
institutions/institutions/collectivites-territoriales.html. Ces collectivités bénéficient de l’autonomie financière.
145
Il en est ainsi pour la culture de la canne à sucre, à l’origine de l’esclavage de peuples africains.

42
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

tels que l’Internet, l’occupation de l’espace a été redéfinie et continue chaque jour de l’être
davantage. Ce système d’interactions humaines, dans le temps et dans l’espace, a conduit à
la mondialisation ou à la globalisation, qui se caractérise, sur le plan économique par un
élargissement du champ d’activités des agents économiques (entreprises, banques, bourses)
du cadre national à la dimension mondiale146, donc par une plus grande libéralisation des
échanges, et sur le plan géographique par une interaction généralisée entre les différentes
parties de l’humanité.
Les rapports qu’entretiennent les États avec la terre, dans le temps et dans l’espace,
ont, eux aussi, subi de profondes mutations liées au développement des nouveaux systèmes
de communication et d’information, sans remettre en cause, pour ces personnes morales de
droit public, comme pour les personnes physiques, la nécessité d’un territoire et d’un espace
défini par des frontières. Au sein de ce territoire, la propriété des personnes morales de droit
public, fait l’objet en France, d’une différenciation entre le domaine public caractérisé par
une protection spéciale, et le domaine privé librement aliénable et prescriptible.
L’occupation de la propriété de personnes publiques et privées par des personnes
dépourvues de titre de propriété ou de jouissance, s’inscrit dans un contexte mondial et local
à la fois. Il s’agit d’une problématique mondiale qui frappe toutes les grandes villes,
étroitement liée à l’urbanisation et au logement. La question de la régularisation de la
situation des occupants sans titre est l’une des préoccupations majeures des sociétés urbaines
contemporaines. Il s’agit d’un fait mondial touchant de nombreux pays, particulièrement les
pays du tiers monde147. Le cas des favelas du Brésil148 ou, à l’opposé, le cas de l’occupation
sans titre coutumière dans les pays africains149, sont des exemples de la mondialité de cette
problématique foncière. Les autorités de ces pays sont en quête de solutions de régularisation
foncière, comme outils de développement de leur pays, au nom de la dignité humaine.
C’est dans ce contexte qu’il y a lieu de s’interroger sur la régularisation foncière de
l’occupation sans titre de la propriété des personnes publiques outre-mer et spécialement
celle menée dans les collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution.

146
Dictionnaire français Larousse.fr.
147
LETCHIMY (Serge), De l’habitat précaire à la Ville : l’exemple martiniquais, Éditions L’Harmattan, 1992,
149 pp, plus annexes.
148
SOARES GONÇALVES (Rafael), « Quelles régularisations foncières pour les villes brésiliennes ? Défis et
obstacles », Métropolitiques, 9 mai 2016. URL : https://www.metropolitiques.eu/Quelle-regularisation-
foncière.html.
149
HOUDEINGAR (David), L’accès à la terre en Afrique subsaharienne. L’accès à la terre et ses usages :
Variations internationales. Juin 2009, Nantes, France. Consulté le 29 août 2016 sur : https://halarchives-
ouvertes.fr/hal-00716952.

43
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Une forme de protection des occupants sans titre apparaît tout naturellement dans le
cadre des procédures de régularisation foncière et de reconnaissance des titres mises en
place. Une sorte de dialectique150, procède de l’analyse des faits, ce qui conduit à mettre en
évidence les contradictions de cette réalité située entre la protection du droit de propriété,
droit fondamental protégé, et la protection de l’occupant sans titre, dans le cadre de la prise
en compte de certaines notions, notamment celle de dignité humaine.
La présente recherche intervient à la suite d’un mémoire de Master II de Droit public
fondamental, portant sur : « La régularisation de la situation des occupants sans titre du
domaine de l’État et des collectivités locales : Le cas de Fort-de-France »151. Ce travail fait
ressortir une volonté politique affirmée de faire accéder les occupants sans titre à un statut
de propriétaire. Il laisse apparaître, pour l’État une volonté de régularisation foncière
prioritairement par cession, et pour la commune de Fort-de-France, une volonté politique
d’octroi du statut de propriétaire aux occupants sans titre de son domaine privé, favorisant
la promotion d’un véritable « droit à la terre » et d’un « droit à la Ville »152.
Pour Serge LETCHIMY153, député de la Martinique, l’occupation sans titre est basée
sur des besoins populaires (vivre et se loger) et traduit un désir de survie, à l’instar des
favelas du Brésil. L’élu considère que « l’organisation spatiale du premier abri provisoire
serait dictée par la misère et les habitudes rurales ». Il parle de « mangrove urbaine »154 pour
désigner les quartiers populaires dans leurs rapports avec la société urbaine et leur
marginalisation155.
La thèse approfondit la problématique de la régularisation foncière outre-mer et met
en perspective une volonté de réforme en profondeur. Elle propose d’évoluer vers un
véritable droit de la régularisation foncière outre-mer.

150
La dialectique peut être définie comme une méthode de raisonnement consistant à analyser la réalité en
mettant en évidence les contradictions de celle-ci et en cherchant à les dépasser. Dans un second sens, elle peut
être définie comme une suite de raisonnements rigoureux destinés à emporter l’adhésion de l’interlocuteur. Cf.
www.larousse.fr/dictionnaires/français/dialectique/25177.
151
PALCY LOUIS-SIDNEY (Marguerite), « La régularisation de la situation des occupants sans titre du
domaine de l’État et des collectivités locales : le cas de Fort-de-France ». Mémoire soutenu le 25 juin 2007,
sous la direction de M. Henry HAUSTANT, Conseiller au du Tribunal administratif de Fort-de-France, présenté
dans le cadre du Master II, Recherches en Droit Public Fondamental, à l’Université des Antilles-Guyane.
152
LETCHIMY (Serge), De l’habitat précaire à la Ville : l’exemple martiniquais, Éditions L’Harmattan, 1992,
149 pp, et annexes.
153
Ancien maire de Fort-de-France, ancien président de la Région Martinique et Député de la Martinique.
154
LETCHIMY (Serge), thèse de 3ème cycle « Urbanisme et urbanisation en Martinique : le cas de Fort-de-
France », La Sorbonne, Paris IV, 1984. L’auteur y développe le concept de « mangrove urbaine » repris par
beaucoup d’urbanistes de nos jours. Il convient de noter que d’autres significations sont attachées à cette
expression. La « mangrove urbaine » serait aussi un espace politique.
155
Cas de quartiers populaires tels que Volga Plage, Texaco, Trénelle, et autres quartiers auto-construits.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

En effet, les problématiques de dignité humaine et de logement digne sont souvent


inhérentes à l’occupation sans titre ; ce qui a une double incidence. D’un côté, il y a un
impératif de protection du droit de propriété des personnes publiques et privées, et de l’autre,
la nécessité de mettre en place des procédures de régularisation foncière respectueuses du
droit à la dignité de la personne humaine, et donc par conséquent, encadrées, homogènes,
équitables, fondées sur des critères objectifs. Ces procédures devraient tenir compte de
l’intérêt général, des problématiques connexes du droit au logement, du droit à la sécurité
juridique et foncière, et en définitive, de la nécessité publique ou/et de l’intérêt public. Tous
ces éléments apportent nécessairement certaines limites au droit de propriété. L’émergence
ou le renforcement de droits tels que le droit opposable au logement, le droit à un logement
décent, le droit à un habitat digne, l’impératif de paix sociale, l’histoire même des
collectivités locales outre-mer, et bien d’autres paramètres incontournables, et
prioritairement le respect du droit à la dignité humaine, constituent autant de limites
juridiques, historiques, éthiques, pratiques, fondamentales, voire indispensables, au droit de
propriété, pourtant très protégé, de nature à fonder l’émergence d’une régularisation foncière
d’intérêt public.
Le champ de l’étude est circonscrit aux cinq collectivités territoriales situées outre-
mer, relevant de l’article 73 de la Constitution156, fortement confrontées à des faits
d’occupation sans titre de leur domaine public et de leur domaine privé. Cela constitue une
base suffisante pour envisager une réflexion commune, car en dépit du principe de l’identité
législative157, ces collectivités sont engagées dans des procédures de régularisation foncière
qui nécessitent d’être mieux adaptées à leur histoire et aux réalités locales. L’article 1er de la
loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer, oppose
d’ailleurs sémantiquement les collectivités de l’article 73 de la Constitution que sont la
Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, et Mayotte, aux collectivités d’outre-
mer que sont Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-
Futuna158. Les assises des outre-mer159, constituent une voie de traitement de certaines

156
Constitution du 04 octobre 1958, publiée au JORF n° 0238 du 05 octobre 1958, p. 9151.
157
Principe entraînant l’applicabilité de plein droit des lois et règlements dans ces départements, régions et
collectivités uniques d’outre-mer.
158
Loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015, d’actualisation du droit des outre-mer, publiée au JORF n° 0239 du
15 octobre 2015, page 19069, texte n° 2.
159
Assises ouvertes le 4 octobre 2017, pour une durée de sept mois, devant se clore en mai 2018 par la sélection
de projets labellisés bleu outre-mer. L’objectif est de favoriser la réflexion et de permettre l’identification de
propositions de solutions. Cf. : http://www.outre-mer.gouv.fr/assises-des-outre-mer-reprenez-la-parole.
Consulté en ligne, le 7 novembre 2017.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

problématiques foncières.
Du point de vue historique la question est relativement complexe. En France
métropolitaine, l’acte initial d’appropriation des terres est historiquement constitué par des
flux migratoires suivis de périodes de conquêtes. Dans les anciennes colonies françaises,
l’acte initial d’appropriation des terres se trouve dans le fait de colonisation lui-même,
caractérisé par l’occupation sans titre des premiers colons160. Laquelle « occupation sans
titre » faisait fi des droits coutumiers des primo occupants qu’étaient, par exemple, les
amérindiens161.
En France, le droit coutumier, puis le droit féodal, ont pendant longtemps régi les
relations entre les personnes. Ainsi, avant la révolution d’août 1789, l’ancien droit français
connaissait sous le vocable de « propriété », diverses formes de propriétés appelées « droits
féodaux », regroupant « tous les droits qui se trouvent le plus ordinairement entre les mains
des seigneurs formant par leur ensemble ce que DU MOULIN appelle le complexum
féodal »162.
Dès lors, évoquer la situation des occupants sans titre suscite souvent un malaise dans
les sociétés postcoloniales. Il s’agit d’un malaise dans les relations entre l’Etat et collectivités
territoriales situées outre-mer, lesquelles réclament plus de gouvernance foncière. Il s’agit
également du malaise de toute une population de « bien logés » devant la détresse de
nombreux occupants sans titre, la précarité de leur condition, l’insalubrité fréquente de leur
habitat et l’insécurité matérielle et juridique dans laquelle ils vivent ; tous ces éléments
constituant les prémices d’une certaine marginalisation.
La situation des occupants sans titre génère également un sentiment d’injustice sociale,
sévissant dans des sociétés dans lesquelles les nantis semblent toujours plus favorisés par les
législations applicables, ainsi qu’en témoigne la célèbre affirmation de Pierre-Joseph
PROUHDON « La propriété, c’est le vol »163. Mais il serait illusoire de considérer que la
réserve domaniale des cinquante pas géométrique n’est occupée que par des nécessiteux,
certains occupants sans titre de ladite zone disposant de revenus confortables, leur

160
NICOLAS (Armand), Histoire de la Martinique, Des Arawaks à 1848, I, Éd. L’Harmattan 1996, 404 pp.
161
Par exemple, le cas des Arawaks puis des Caraïbes, aux Antilles.
162
BASTIER (Jean), La féodalité au siècle des lumières dans la région de Toulouse (1780-1790), Paris,
Bibliothèque Nationale, 1975, cité dans : GERAUD-LLORCA (Edith), La doctrine et la propriété à la fin de
l’ancien régime (1750-1789), pp 68 et s., article consulté le 19 mars 2014 sur le site « u-picardie.fr.
163
PROUDHON (Pierre-Joseph), (1809-1865), Qu’est-ce-que la propriété ? Ou recherches sur le principe du
droit et du gouvernement, Premier mémoire, 1840. Edition électronique réalisée par Jean-Marie TREMBLAY,
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi (Québec). Consultée en ligne le 08 octobre 2018 :
https://cras31.info/IMG/pdf/proudhon_la_proprietef.pdf.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

permettant d’édifier de somptueuses demeures dans des sites privilégiés. De plus, il arrive
que l’occupation sans titre soit ouvertement tolérée par certains maires, dans le cadre d’un
rapport de pouvoir de type clientéliste164.
Évoquer la situation des occupants sans titre, c’est avoir à l’esprit les expulsions dont
fait l’objet le domaine public de l’État, notamment quand l’occupation sans titre touche des
zones naturelles à protéger165. C’est également évoquer la situation de nombreuses
personnes, titulaires de titres de propriété non reconnus par l’État.
Mais, outre-mer, la situation des occupants sans titre est désormais devenue synonyme
de régularisation foncière. La politique de régularisation foncière par cession mise en place
par l’Etat, et celle opérée par certaines collectivités locales situées outre-mer, en témoignent.
C’est le cas de la commune de Fort-de-France en Martinique166, de la commune de Baie-
Mahault en Guadeloupe, ou encore de la commune de Maripasoula, en Guyane167. Les
procédures de régularisation foncière sont, pour de nombreux occupants sans titre, le moyen
de devenir légalement propriétaires du terrain d’assiette de leur construction ; que ces
terrains soient privés, communaux, ou dépendant du domaine public de l’État, dont
l’exemple le plus marquant est la zone des cinquante pas géométriques.
Il existe dans les collectivités territoriales situées outre-mer, une volonté politique
affirmée de régularisation foncière par cession ou titrement, visant à faire évoluer l’occupant,
du statut d’occupant sans titre, au statut de propriétaire. Toutefois l’observation et l’analyse
du droit positif applicable mettent en lumière les limites de ces procédures dans le temps
comme dans l’espace, et leur inadaptation aux réalités locales. Il en ressort une absence de
réponses pérennes et adéquates à la problématique de l’occupation foncière sans titre outre-
mer, tant sur les plans juridique et foncier, que sur les plans politique et institutionnel.
Cette thèse évoque des outils juridiques pour la régularisation foncière de la situation
des occupants sans titre, entreprise dans les collectivités territoriales situées outre-mer,
parallèlement à la démarche opérée par les services de l’État. Au-delà, il s’agit d’intéresser
le lecteur, les professionnels, y compris les praticiens et les occupants sans titre eux-mêmes,

164
DANIEL (Justin), Administration locale et clientélisme, thèse, Université de Paris I, 13 décembre 1983.
165
À cet égard, l’ASSAUPAMAR, association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais, dénonce la
gestion partisane des zones naturelles du littoral par l’ONF, qui selon elle, aurait évincé certains occupants sans
titre de longue date, tout en laissant perdurer l’occupation d’autres familles dont des familles békés. Voir article
publié le 30 mars 2019, sur le site Facebook de l’ASSAUPAMAR.
166
À Volga Plage, aucun occupant ne possédait de titre de propriété ni même de jouissance, avant la
régularisation foncière qui y a effectivement débuté en 2006. Les premiers titres de propriété y ont été signés
en 2007. C’est également le cas, à Trénelle, à Redoute, à Texaco, à Rive Droite Levassor, à Fort-de-France.
167
Dans la commune Maripasoula, une grande opération de régularisation foncière d’envergure est menée avec
l’ingénierie de l’EPFAG de Guyane.

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à la problématique de l’occupation foncière sans titre outre-mer, qui perdure et se renouvelle


en dépit des diverses réformes. Il s’agit également de contribuer au développement
économique et social des collectivités locales situées outre-mer, dont le tissu foncier
demeure affecté par ces faits récurrents d’occupation sans titre. Il existe de nombreux
rapports sur le foncier outre-mer. Entre autres, des rapports rédigés par les services de
l’Etat168 ou par le Sénat169. Mais il existe peu d’études scientifiques et universitaires globales
prenant en compte tous les aspects de la question de la régularisation foncière de
l’occupation sans titre outre-mer170. La question de la gestion de la zone des cinquante pas
géométriques outre-mer suscite un vif intérêt, car elle concentre l’essentiel des
problématiques de l’occupation sans titre outre-mer ; et c’est normal eu égard à l’histoire.
Mais en vérité, c’est tout le foncier illégalement occupé qu’il faut prendre en compte dans
l’étude de la problématique de la régularisation foncière de l’occupation sans titre outre-mer,
afin d’y apporter une réponse adaptée.
Un autre intérêt du sujet est la compréhension du fait d’occupation sans titre lui-même,
lequel est révélateur d’une forme de revendication d’ordre social, économique et/ou
historique. La question ramène inévitablement à celle du logement, dont le déficit demeure
important tant quantitativement que qualitativement, outre-mer. Le droit au logement décent
a d’ailleurs été reconnu par le Conseil constitutionnel, comme « objectif à valeur
constitutionnelle », dans une décision du 19 janvier 1995, « Loi à la diversité de l’habitat »171.
Par ailleurs, l’habitat spontané voire précaire et indigne demeure fréquent outre-mer, en
raison du non-respect des normes de construction, dû aux situations d’occupation sans titre.
Mais il est possible d’observer aussi la présence de constructions modernes, édifiées en dur

168
BAIETTO-BEYSSON (Sabine), BONNAL (Philippe), COLIN (Jean) et ANGEL (Noémie), Rapport relatif
aux problématiques foncières et au rôle des différents opérateurs aux Antilles, rapport du Conseil général de
l’environnement et du développement durable, et de l’Inspection générale de l’administration, établi en
novembre 2013, consultable sur le site : http://www.interieur.gouv.fr/publications/rapports-de-l-iga.
169
MOHAMED SOILIHI (Thani), rapporteur coordinateur, GUERRIAU (Joël), LARCHER (Serge), PATIENT
(Georges), rapporteurs, « Domaines public et privé de l’État outre-mer, 30 propositions pour mettre fin à une
gestion jalouse et stérile », rapport d’information du Sénat n° 538, enregistré à la Présidence du Sénat le 18
juin 2015. Publié en ligne : http://www.senat.fr/rap/r14-538/r14-5381.pdf.
170
« Séminaire COFECUB-CAPES IBIS », « Quand le Droit occupe les 50 pas géométriques, Regards croisés
Amazonie – Caraïbe », organisé le 13 mars 2019, à l’Université des Antilles, à l’initiative du Centre national
de la recherche scientifique (CNRS), du Laboratoire Caribéen de sciences sociales (LC2S), du Laboratoire
Forces du Droit, et d’autres laboratoires et structures.
171
CC, 19 janvier 1995, n° 94-359-DC, « Loi à la diversité de l’habitat », Rec. CC. 1995, p. 176. En ligne :
http://www.conseil-constitutionneLfr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-
depuis-1959/1995/94-359-dc/decision-n-94-359-dc-du-19-janvier-1995.10618.html.

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avec toutes les aisances nécessaires172, et plus encore, celle d’habitations somptueuses,
notamment aux Antilles173. L’histoire coloniale des collectivités territoriales outre-mer
explique, du moins partiellement, l’occupation sans titre outre-mer.
Par ailleurs le sujet met le doigt sur une forme d’occupation sans titre, dont il est moins
souvent fait mention, mais qui demeure un fait réel. Il s’agit de l’occupation sans titre par
les personnes publiques de la propriété d’autrui (État, communes, autres personnes
publiques, ou personnes privées). Ce type d’occupation illicite peut être constitutif d’une
voie de fait ou d’une emprise irrégulière.
La notion de « voie de fait » vient du Conseil d’État174, bien que le juge judiciaire en
soit devenu le juge du constat. Le Tribunal des Conflits, par un arrêt du 27 juin 1966,
« Guigon c/ Armées »175, introduit un partage des compétences en matière de voie de fait,
entre le juge judiciaire et le juge administratif. Par une décision du 12 mai 1997, « Préfet de
police de Paris c/ TGI de Paris »176, ledit Tribunal des Conflits rappelle les critères de
qualification de la voie de fait. Il rappelle que pour qu’un acte soit qualifié de voie de fait, il
doit nécessairement porter atteinte à une liberté fondamentale ou au droit de propriété, et
être insusceptible d’être rattaché à un pouvoir de l’administration.
Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 23 janvier 2013 « Commune de Chirongui »177,
saisi d’un appel en référé-liberté par la commune de Chirongui (Mayotte), auteur d’une
atteinte au droit de propriété d’un particulier constitutive de voie de fait, affirme la
compétence du juge des référés en matière de voie de fait et rejette la requête de ladite
commune, dans son sixième « considérant » :
« Considérant que, sous réserve que la condition d'urgence soit remplie, il appartient
au juge administratif des référés, saisi sur le fondement de l'article L521-2 du code de justice
administrative, d'enjoindre à l'administration de faire cesser une atteinte grave et
manifestement illégale au droit de propriété, lequel a le caractère d'une liberté fondamentale,
quand bien même cette atteinte aurait le caractère d'une voie de fait ».

172
Il suffit d’observer le quartier « Trénelle », sur les hauteurs de Fort-de-France, en Martinique, pour observer
côte à côte, au milieu d’un habitat très dense, la présence de constructions de bonne facture, voire d’immeubles
de plusieurs étages, côtoyant des maisons de moins bonne facture, souvent édifiées par « coups de main ».
173
Certaines familles possèdent des habitations somptueuses au « bord de mer. Le quartier « CAP EST », dans
la commune du François (Martinique), constitue un exemple d’habitations somptueuses édifiés en bord de mer,
sur la zone des cinquante pas géométriques.
174
CE, 21 sept. 1827, « Rousseau », Lebon, p. 504.
175
TC, 27 juin 1966, « Guigon c. Armées », n° 1889, Lebon, p. 830.
176
TC, 12 mai 1997, « Préfet de police de Paris c/ TGI de Paris », RFDA 1997, p. 522.
177
CE, ord., 23 janv. 2013, « Commune de Chirongui », AJDA, 2013, p. 788, chron. BRETONNEAU (A.) et
DOMINO (X.).

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Il résulte de cette jurisprudence qu’à ce jour les justiciables peuvent, dans l’urgence,
saisir aussi bien le juge judiciaire que le juge administratif, même si le juge judiciaire
demeure toujours compétent pour la réparation de ce préjudice.
Le Tribunal des Conflits revoit la définition de la voie de fait dans son arrêt du 17 juin
2013, « Bergoend c/ Société ERDF Annecy Leman »178. Il en résulte notamment que la voie
de fait est constituée lorsque « l'administration, soit a procédé à une exécution forcée
irrégulière d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou
aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes
effets et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à
l'autorité administrative ». Avec cette définition, tout le contentieux relatif à l’emprise
irrégulière (empiètements, atteintes partielles au droit de propriété, etc.) se trouve dévolu au
juge administratif, lequel statue par la voie du référé administratif, instrument de protection
des libertés fondamentales, issu de la loi du 30 juin 2000179.
La nouvelle définition de la voie de fait est appliquée par la Cour de cassation dans un
arrêt du 9 décembre 2015180, et par le Tribunal des Conflits, dans une décision du 11 janvier
2016, « Réseau ferré de France c/ M.M. »181. Il s’agit de cas d’atteintes portées par
l’administration à la propriété privée, dont la réparation relève de la compétence des
juridictions de l’ordre judiciaire182.
Dans le cadre de l’occupation sans titre par les personnes publiques de la propriété
d’autrui, des procédures de régularisation foncière sont mises en œuvre, dans le domaine
public, par le biais de mesures diverses183, découlant du code général de la propriété des
personnes publiques (CG3P ou CGPPP). Concernant l’atteinte aux biens des personnes
privées, des régularisations amiables sont mises en œuvre, par le biais d’acquisitions-
régularisations ou par le biais d’indemnisations. À défaut, l’annulation des mesures prises
par l’administration peut être prononcée, et la démolition des ouvrages ordonnée, sous
réserve du respect de conditions strictes (situation d’urgence, atteinte à une liberté

178
TC, 17 juin 2013, « Bergoend c/ Société ERDF Annecy Leman », AJDA, 2013, p. 1568, chron.
BRETONNEAU (A.) et DOMINO (X.).
179
Loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives, publié au JORF
n°151 du 1 juillet 2000 page 9948, texte n° 3.
180
Cass. Civ. 1ère, 09 décembre 2015, n°14-24-880. Consultée en ligne le 15 juin 2018 :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000031608104.
181
TC, 11 janvier 2016, « Réseau ferré de France c/ M. », n° 4040. En ligne le 15 juin 2018 : http://www.
tribunal-conflits.fr/PDF/4040_Commentaire_commentaire_tc_4040.pdf.
182
Cf. les décisions suivantes en ce sens : Civ. 1ère, 12 juin 1990, Bull. Civ. I, n° 163 ; TC, 23 avril 2007, Bull.
Civ. n° 13. Cf. aussi : AUGUSTIN (Thaïs), « La victoire du juge administratif : le nouvel équilibre de l’emprise
et de la voie de fait », 2016. En ligne sur www.revuegeneraledudroit.eu.
183
Cf. articles L5112-4 et s. CG3P.

50
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

fondamentale grave et manifestement illicite), sans préjudice du versement de dommages et


intérêts en réparation de l’ensemble des préjudices et dommages subis.
S’agissant de la sanction apportée par les tribunaux de l’ordre judiciaire à la voie de
fait, la notion d’expropriation de fait, suscite une condamnation de leur part184.
En définitive, face aux occupations illégales, certaines personnes publiques outre-mer,
ont fait le choix de la mise en œuvre de procédures ponctuelles de régularisation foncière,
axées sur la cession. Il en résulte que la régularisation foncière de la situation des occupants
sans titre, par l’octroi ou la reconnaissance d’un titre à leur profit, nonobstant leur situation
d’illégalité foncière, peut apparaître comme étant un non-sens ou au mieux, une solution
d’exception face au droit de propriété auquel elle porte atteinte.
Dès lors se pose la question suivante :
Les procédures et mesures de régularisation foncière et de protection des occupants
sans titre mises en œuvre, sont-elles appropriées pour répondre de manière définitive à
l’objectif du législateur de juguler l’occupation sans titre outre-mer, particulièrement dans
les collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution, et ne constituent-t-elles pas,
au contraire, la légitimation d’une atteinte portée au droit de propriété des personnes
publiques outre-mer ?
La thèse obéit à une démarche empirico-inductive, à partir d’une problématique posée
face à des faits récurrents. Elle conduit au recueil de données, ordonnées et catégorisées, de
manière à dégager une compréhension de l’ensemble des événements observés. Le schéma
de compréhension utilisé est l’étude du droit positif et des pratiques de régularisation
foncière outre-mer. Dans ce cadre inductif, la critique du droit positif et des pratiques de
régularisation foncière en cours conduit à formaliser des propositions, fondées sur la prise
en compte, dans les procédures de régularisation foncière, de l’intérêt général, de l’intérêt
public, voire de l’utilité publique. Tout cela, à travers le respect du principe de la dignité de
la personne humaine, du principe de légalité, du principe d’égalité, et la notion de sécurité
juridique et foncière, qui constituent des objectifs de la régularisation foncière. La question
inévitable du changement dans la gouvernance des opérations de régularisation foncière est
également examinée. Les pistes d’un éventuel transfert de la gestion de certaines parties du

184
Cass, Ass. Plén., 6 janvier 1994, Bull. Civ. n°1 ; et JCP 1994. I. 3750, n°2, Obs. PERINET-MARQUET. La
Cour de cassation relève à cet égard que : « l’acte de vente d’un terrain sur lequel avait été construit un barrage
ayant été annulé, viole l’article 545 la cour d’appel qui, pour constater qu’EDF était propriétaire du terrain en
cause, énonce qu’en raison de l’intangibilité de l’ouvrage public le terrain avait fait l’objet d’une expropriation
de fait, alors que le transfert de propriété ne peut intervenir qu’à la suite d’une procédure régulière
d’expropriation ».

51
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

domaine public et du domaine privé de l’État, concernées par les faits récurrents
d’occupation sans titre, aux communes, régions, collectivités uniques ou établissements
publics fonciers créés à cette fin, sont examinées. Au cours de cette recherche est intervenue
la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015, d’actualisation du droit des outre-mer, dite « Loi
ADOM »185, dont l’article 27 retient la solution d’un transfert de partie de la zone des
cinquante pas géométriques à la collectivité unique pour la Martinique et à la région pour la
Guadeloupe ; cela atteste ainsi du caractère mouvant et de l’actualité du sujet.
Il a fallu rassembler, analyser, étudier et synthétiser divers documents, ne présentant
pas tous un égal intérêt scientifique, pour être en mesure de dégager des concepts et solutions
juridiques opérants en matière de régularisation foncière186. L’analyse du droit positif,
l’exploitation de données chiffrées187, et des nombreux rapports et études rendus sur la
question de l’occupation sans titre et de la régularisation foncière outre-mer, ainsi que les
nombreuses lois déjà intervenues sur ces questions, démontrent la priorité et l’urgence du
règlement de ces problématiques foncières aux Antilles, en Guyane et dans l’océan indien.
Bien des mesures de régularisation foncière applicables, sont temporaires, limitées dans le
temps et dans l’espace. L’urgence de la mise en œuvre de procédures pérennes apparaît, non
pour pérenniser l’occupation sans titre, mais pour la juguler et la prévenir. De plus, la
multiplicité des procédures et opérations de régularisation foncière ne suffit pas à résorber

185
Loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer, dite « Loi ADOM », publiée
JORF n° 0239 du 15 octobre 2015 page 19069, texte n° 2.
186
Outre la mobilisation des connaissances acquises, la consultation des différentes structures chargées de la
régularisation foncière et l’expérience personnelle en tant que diplômée notaire ayant en charge la rédaction
des titres de propriété en la forme authentique administrative, dans le cadre des opérations de régularisation
foncière initiées par la Commune de Fort-de-France sur son domaine privé, ont été d’une grande aide dans le
traitement du présent sujet, par l’observation directe, et par la participation directe à la régularisation foncière
en cours dans le domaine privé de ladite Commune. J’ai pu bénéficier de l’accès à de nombreux documents et
procédures, pour le traitement de cette problématique, après un accord écrit de Monsieur Serge LETCHIMY,
ancien Maire de la Commune de Fort-de-France. En cette qualité, j’ai pu aussi observer certains comportements
et pratiques procédurales et participer à la délivrance de titres de propriété aux occupants, par actes authentiques
reçus en la forme administrative. J’ai pu m’informer sur les procédures mises en œuvre auprès de la Préfecture,
la Commune de Fort-de-France ayant mis en place un service chargé de faire office de « guichet unique » en
recueillant les dossiers destinés à être transmis à l’Agence des 50 pas de la Martinique. J’ai également consulté
de nombreuses structures chargées de la régularisation foncière, dont les Services de France Domaine, auprès
des Directions des Finances publiques de Martinique et de La Réunion. De même, l’Agence des 50 pas
géométriques de Martinique et de Guadeloupe ont été consultées. Par ailleurs, Monsieur Henry HAUSTANT,
Maître des requêtes auprès du tribunal administratif de Fort-de-France en Martinique a été consulté sur
l’évolution des occupations sans titre du domaine public en Martinique. Des décisions inédites ont été
communiquées par ses soins. Le Président du Tribunal administratif de la Commune de Saint-Denis de La
Réunion a également été mis à contribution dans le cadre du traitement de cette problématique. Les membres
du Centre de Recherches sur les Pouvoirs Locaux dans la Caraïbe, ont également apporté leur contribution par
la qualité de leur expertise et de leurs réflexions. Enfin, la masse documentaire existante et les nombreux
rapports produits par le Sénat sur cette question ont été d’une grande aide.
187
Rapport d’activités de l’Agence des 50 pas géométriques Martinique, communiqué par le directeur de
l’Agence, disponible sur le site internet : www.agence50pas972.org.

52
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

l’occupation sans titre outre-mer, et les conséquences en matière de sécurité juridique et


foncière sont omniprésentes.
En définitive, il s’agit de rechercher une réponse juridique, durable, humaine et
équitable à la problématique de l’occupation sans titre de la propriété des personnes
publiques outre-mer, notamment dans les collectivités territoriales de l’article 73 de la
Constitution, par une régularisation foncière adaptée qui demeure une préoccupation
majeure et une voie optimale de résorption de cette problématique foncière. Et ceci, d’un
point de vue juridique, en raison de l’illégalité de l’occupation sans titre qui porte atteinte au
droit de propriété, mais aussi sur le plan humain en raison de la précarité juridique, foncière
et sociale qu’engendre l’occupation sans titre pour les populations concernées.
Pour répondre à la problématique ci-dessus posée, il est nécessaire d’exposer et
d’analyser le droit positif et les pratiques applicables en matière de régularisation foncière ;
lesquels favorisent, en dépit de la violation du droit de propriété des personnes publiques, le
passage d’une situation d’occupation sans titre à un statut de propriétaire, légitimant à
posteriori une occupation à priori illégale (Première Partie).
Toutefois, en dépit du bien-fondé et de la multiplicité des procédures de régularisation
en place, le bilan de l’analyse démontre la persistance de l’occupation sans titre outre-mer,
l’inadaptation, voire l’insuffisance et l’inégalité des moyens de la régularisation foncière,
face aux réalités des collectivités territoriales concernées. Il démontre la nécessité de passer
d’une régularisation foncière à moyens inégaux, à une régularisation foncière d’intérêt
public voire d’utilité publique, constituant une limite acceptable au droit de propriété, fondée
sur la dignité de la personne humaine, et fondement de la mise en place d’un véritable droit
de la régularisation foncière outre-mer (Deuxième partie).

53
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

PREMIÈRE PARTIE :
DE L’OCCUPATION SANS TITRE
AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE

DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE


REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

L’occupation sans titre porte indubitablement atteinte au droit de propriété des


personnes morales de droit public sur leur domaine public comme sur leur domaine privé.
Elle porte aussi atteinte au droit de propriété des personnes privées, physiques et morales,
sur leur propriété privée.
Toutefois, l’analyse du droit positif laisse apparaître l’existence de politiques
publiques foncières, visant à juguler l’occupation sans titre, par la mise en place de diverses
procédures de régularisation foncière, prioritairement axées sur l’accession à la propriété au
profit des occupants sans titre, du terrain d’assiette des constructions qu’ils ont édifiées sur
la propriété d’autrui. Ces procédures aboutissent à une forme de protection desdits
occupants, et conduisent à se demander si l’on n’est pas en présence d’une victoire de
l’illégalité foncière sur la légalité.
En effet, nonobstant la protection du droit de propriété, juridiquement protégé,
notamment par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du
26 août 1789 (DDHC) et par l’article 1er du Protocole additionnel numéro 1 à la Convention
de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés Fondamentales (CSDH), et en dépit de
l’illégalité de l’occupation sans titre, susceptible de faire l’objet de sanctions pouvant aller
jusqu’à l’expulsion, les personnes publiques ont progressivement choisi de mettre en place
des procédures de régularisation foncière, particulièrement par la délivrance d’un titre de
propriété au profit des occupants sans titre, notamment dans les collectivités territoriales de
l’article 73 de la Constitution.
Ces procédures peuvent être qualifiées de modes de régularisation foncière positive,
car elles contribuent à la reconnaissance au profit des occupants sans titre d’un droit réel
immobilier sur le terrain occupé, aux lieu et place des sanctions envisagées par la loi et la
jurisprudence. Mais le choix d’une politique de titrement188 n’a pas toujours prévalu.
Cette approche favorise la régularisation foncière par la réhabilitation de l’habitat
précaire plutôt que par sa destruction. Il s’agit d’une approche de la régularisation foncière
qui semble trouver son origine dans les pratiques internationales. En effet, selon le Thésaurus
multilingue du foncier, édité par l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et
l’Agriculture (FAO), des organismes d’aide internationale et la Banque mondiale semblent

188
Les notaires utilisent le terme de « titrement » pour caractériser les opérations qui sont menées par le
Notariat français dans le monde en faveur de la délivrance de titres de propriété fiables. V. l’article publié sur
le site https://www.notaires.fr, sur « Le notaire au service de la sécurité foncière dans le monde ». Cet article
fait référence notamment à une « Commission Titrement » qui fédère certaines initiatives en partenariat avec
la Caisse des Dépôts et Consignations, la Fondation pour le droit continental et l’Organisation internationale
de la francophonie.

55
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

être à l’origine de la doctrine en matière de régularisation et de réhabilitation de l’habitat189.


Elle trouve son origine dans la propagation d’importants quartiers illégaux, et sa justification
partielle dans le coût financier et politique important que représentent les solutions juridiques
habituelles de relogement et la solution de la destruction desdits quartiers.
Dans le domaine public, le cas de la zone dite des cinquante pas géométriques
interpelle. Cette zone, dont l’Etat français est propriétaire, outre-mer190, fait l’objet
d’occupations sans titre massives depuis des décennies. Cette situation y a engendré
l’application de statuts juridiques contradictoires, le législateur l’ayant fait passer tour à tour
du domaine public au domaine privé et vice-versa. L’origine de cette zone et des mesures de
gestion contradictoires qui y sont appliquées seront formulées en aval, spécialement sous
l’égide du décret du 30 juin 1955191 et de la « loi littoral » du 03 janvier 1986192.
La loi du 30 décembre 1996 introduit de véritables mesures dérogatoires axées sur la
délivrance massive de titres de propriété. Par le biais de cette législation, l’État met en place
dans la zone des cinquante pas géométriques, des procédures de cession, après déclassement,
de partie de son domaine public illégalement occupé, au profit des occupants sans titre qui
y ont fait édifier leurs constructions, et des procédures de vérification et de validation des
titres anciens détenus par certains occupants dans ladite zone193.
Dans le domaine privé, c’est plutôt l’occupation sans titre du domaine privé de
collectivités territoriales de droit commun, et particulièrement de certaines communes
d’outre-mer, qui interpelle. Celles-ci, pour faire face à ces occupations sans titre, souvent
encouragées par les municipalités pour des raisons sociales194, ont privilégié dans un premier
temps des procédures de régularisation foncière alternatives à la cession, notamment par le
biais de contrats non translatifs de propriété. Puis, ces communes ont progressivement choisi
de régulariser la situation d’occupation de leur domaine privé, par la cession de partie dudit
domaine privé, au profit des occupants, parallèlement aux procédures mises en place par

189
CIPARISSE (Gérard), Thésaurus multilingue du foncier, 2ème édition, édité par l’Organisation des Nations
Unis pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), Rome, 2005, consultée le 08 août 2017 sur le site :
http://www.fao.org/docrep/005/x2038f/x2038f09.htm.
190
L’article 27 de la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer, publiée au
JORF n° 0239 du 15 octobre 2015, page 19069, prévoit le transfert des secteurs urbains et d’urbanisation
diffuse de la ZPG à la région de Guadeloupe et à la collectivité territoriale de Martinique.
191
Qui met en place la première Commission de vérification des titres.
192
Qui organise déjà des procédures de cession au profit d’occupants sans titre.
193
Mise en place de la seconde Commission de vérification des titres.
194
Certains occupants sans titre rapportent avec fierté qu’Aimé CESAIRE, sensible leur situation sociale, les
avait invités à s’installer sur le domaine privé de la commune de Fort-de-France.

56
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

l’Etat dans la zone des cinquante pas géométriques, souvent limitrophe195. Par ailleurs, les
communes interviennent aussi comme médiatrices, facilitant les opérations de régularisation
foncière de l’occupation sans titre de la propriété privée des personnes privées196.
Dans le domaine privé outre-mer, une autre situation interpelle : celle de l’Etat
français, gros propriétaire foncier, qui possède par exemple plus de 90 % du domaine privé
en Guyane, même si ce domaine est composé majoritairement de forêts197.
Lorsque les conditions de la régularisation foncière par délivrance d’un titre de
propriété ou de jouissance ne sont pas réunies, la question du relogement des occupants sans
titre devient alors prégnante.
Sous l’angle du domaine public et du domaine privé, seront étudiées et analysées les
modalités de la régularisation foncière de l’occupation sans titre outre-mer, particulièrement
celles mises en œuvre dans les collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution.
S’agissant du domaine public outre-mer, sera examinée et analysée la régularisation
foncière mise en œuvre dans la zone des cinquante pas géométriques, qui concentre une
grande partie des occupations sans titre outre-mer. Cette analyse sera assortie d’un état des
lieux de ladite régularisation foncière (Titre I).
S’agissant du domaine privé outre-mer, sera étudiée et analysée la régularisation
foncière mise en œuvre dans le domaine privé, particulièrement communal, la commune
étant l’échelon de l’administration de proximité198, et celle opérée dans le domaine privé
étatique. Cette analyse fera ressortir les apports, obstacles et limites, mais également les
risques entourant lesdites procédures (Titre II).

195
C’est le cas de certaines communes de la Martinique : Fort-de-France, Le Robert, Le Vauclin, etc. et de
certaines communes de la Guadeloupe : Baie Mahault, notamment.
196
La commune de Fort-de-France possède un service de régularisation foncière portant sur le foncier des
personnes privées. Elle facilite les échanges entre les propriétaires privés et les occupants sans titre ou procède
à l’acquisition de ce foncier privé pour régulariser elle-même l’occupation sans titre en cause.
197
Dont se réclament, en partie, les populations amérindiennes de Guyane et les noirs marrons Bushinenge.
198
Des actions de régularisation foncière sont aussi menées par les départements et les régions situées outre-
mer, mais celles menées par les communes outre-mer illustrent bien la problématique de la régularisation
foncière qui est prioritairement une problématique d’administration de proximité.

57
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

TITRE I – RÉGULARISATION DE
L’OCCUPATION SANS TITRE DU
DOMAINE PUBLIC : LE CAS DE LA ZONE
DES CINQUANTE PAS GÉOMÉTRIQUES

Parler d’occupation sans titre et de régularisation foncière outre-mer, dans les


collectivités territoriales relevant de l’article 73 de la Constitution, revient inévitablement à
parler de la problématique de l’occupation massive, sans titre, de la très controversée « zone
dite des cinquante pas géométriques ». Les littoraux des collectivités territoriales outre-mer
se distinguent des littoraux de la France métropolitaine en ce qu’ils comprennent cette
singulière réserve domaniale dite « des cinquante pas géométriques ». Bien que ladite zone
ne soit pas la seule concernée par l’occupation sans titre outre-mer, elle concentre l’essentiel
des problématiques d’occupation sans titre du domaine public de l’État dans les collectivités
situées outre-mer et mérite un examen particulier.
Le transfert des espaces urbains et des secteurs occupés par une urbanisation diffuse
de ladite zone au profit de la région de Guadeloupe et de la collectivité territoriale de
Martinique est programmé pour la date ultime du 1er janvier 2021, par la loi d’actualisation
du droit des outre-mer, du 14 octobre 2015, dite « Loi ADOM »199, mais son étude historique
demeure primordiale.
En effet, l’histoire et la situation institutionnelle de ces cinq collectivités territoriales
présentent des similitudes qui sont de nature à expliquer, du moins en partie, l’occupation
sans titre, son expression, et les mesures de régularisation foncière mises en place200.
L’origine sémantique de l’expression « cinquante pas géométriques » fait d’ailleurs
référence aux cinquante pas du roi ; chaque pas représentant une longueur de cinq pieds, et
chaque pied, une longueur de 1,64 mètre environ201.

199
Article 27 de la loi n° 2015-1268 d’actualisation du droit des outre-mer du 14 octobre 2015, publiée au
JORF n° 0239 du 15 octobre 2015, p. 19069.
200
Cf. développements ci-dessus. En ligne : www.outre-mer.gouv.fr/.
201
Précisions rappelées dans le commentaire de la décision n° 2010-96 QPC du 4 février 2011 (en ligne :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2011/201096QPC.htm), « M. Jean-Louis L (Zone des 50 pas
géométriques) », Commentaires aux Cahiers. D’après ces commentaires, le pas du roi serait un pas de géant,

58
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

La zone des cinquante pas géométriques serait née des pratiques coloniales aux
Antilles, sous l’ancien régime, et se serait ensuite étendue à d’autres territoires. En témoigne
l’ordonnance du 31 juillet 1681, dite « Ordonnance de COLBERT », qui définit cette partie
du domaine public maritime en précisant que, « sera réputé bord et rivage de la mer tout ce
qu’elle couvre et découvre pendant les nouvelles et pleines lunes, et jusques où le grand flot
de mars se peut étendre sur les grèves »202. Cette ordonnance, dans son article 2, énonce une
interdiction de construire sur la zone et les sanctions qui y sont rattachées : « Faisons défense
à toutes personnes de bâtir sur les rivages de la mer, d'y planter aucuns pieux ni faire aucuns
ouvrages qui puissent porter préjudice à la navigation, à peine de démolition des ouvrages,
de confiscation des matériaux et d'amende arbitraire ».
Ce texte, qui laisse supposer la présence d’occupants sans titre, déjà à l’époque, a été
abrogé par l’article 7 de l’ordonnance du 21 avril 2006 instituant la partie législative du code
général de la propriété des personnes publiques (CG3P ou CGPPP)203. Le statut juridique de
la zone des cinquante pas géométriques (ZPG) mérite un examen approfondi, compte tenu
de l’originalité de son instauration, de l’ampleur de l’occupation sans titre la caractérisant et
des passions qu’elle génère, notamment au sein de la population qui l’occupe.
Dans les cinq collectivités territoriales qui font l’objet de l’étude : Guadeloupe,
Guyane, Martinique, La Réunion et Mayotte, la zone des cinquante pas géométriques
représente généralement une largeur de 81,20 mètres. Elle est définie à l’article L5111-2 du
CG3P ainsi qu’il suit : « La réserve domaniale dite des cinquante pas géométriques est
constituée par une bande de terrain délimitée dans les départements de La Réunion, de la
Guadeloupe et de la Martinique204. Elle présente dans le département de la Guyane une
largeur de 81,20 mètres comptée à partir de la limite du rivage de la mer tel qu’il a été
délimité en application de la législation et de la réglementation en vigueur à la date de cette
délimitation »205. Cette zone constitue la propriété de l’État français. Elle fait partie du

que Voltaire aurait mis en valeur dans son conte philosophique « Micromegas » (p. 4). En ligne :
https://www.conseil-
constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/decisions/201096qpc/ccc_96qpc.pdf.
202
Ordonnance du 31 juillet 1681 de la marine relative à la police des ports, côtes et rivages de la mer
(ordonnance de Colbert), abrogé par celle n° 2006-460 du 21 avril 2006. Consulté le 09 décembre 2017 :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006074270&dateTexte=20090925.
203
Ordonnance n°2006-460 du 21 avril 2006, relative à la partie législative du Code général de la propriété des
personnes publiques, publiée au JORF n° 95 du 22 avril 2006 page 6024, et entrée en vigueur le 1 er juillet 2006.
204
La largeur de 81,20 mètres est la norme pour la ZPG, mais celle-ci est délimitée en Guadeloupe et en
Martinique par arrêté préfectoral.
205
Si l’on se reporte à la définition de l’article L5111-2 du CG3P, sa largeur est, pour la Guyane, de 81,20
mètres, comptés à partir de la limite du rivage de la mer, telle que délimitée en application de la législation et

59
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

domaine public maritime de l’État ainsi qu’il résulte de l’article L5111-1 du CG3P énonçant
que « la zone comprise entre la limite du rivage de la mer et la limite supérieure de la zone
dite des cinquante pas géométriques définie par l’article L5111-2 fait partie du domaine
public maritime de l’État ».
La zone des cinquante pas géométriques outre-mer bénéficie du statut très protecteur
du domaine public et est donc par nature inaliénable, insaisissable et imprescriptible même
par suite de possession prolongée, tel qu’il résulte de l’article L3111-1 du CG3P, à quelques
exceptions près206. Les terrains dépendant de la ZPG ne peuvent donc être cédés, ni échangés
amiablement sans désaffectation et déclassement préalables207, hormis les cas énoncés aux
articles L3112-1 et suivants du CG3P208, ni faire l’objet d’une prescription acquisitive.
Le principe d’inaliénabilité des terrains de la zone des cinquante pas géométriques
supporte néanmoins des exceptions. Ainsi, ces terrains sont inaliénables, mais sous réserve
des droits et concessions régulièrement accordés avant l’édit de Moulins de février 1566209

réglementation en vigueur à la date de cette délimitation, alors que, pour la Guadeloupe, la Martinique et La
Réunion, la réserve domaniale des cinquante pas est constituée par « une bande de terrain délimitée ». En
l’absence de délimitation, c’est la largeur de 81,20 mètres, comptée à partir de la limite du rivage de la mer qui
est retenue. D’après le Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, l’existence de la zone des
cinquante pas géométriques permettrait de compenser la limitation du domaine public maritime, matérialisée
dans les collectivités situées outre-mer par une bande de terrain très étroite, compte tenu de la faible amplitude
des marées. Cf. : Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, « La zone des cinquante pas
géométriques », article paru le 6 janvier et mis à jour le 17 janvier 2011. En ligne : https://www.developpement-
durable.gouv.fr/La-zone-des-cinquante-pas.html.
206
Ces exceptions concernent les cessions à l’amiable entre personnes publiques visées à l’article L3112-1 du
CG3P, de biens dépendant du domaine public, sans déclassement préalable, lorsque ces biens sont destinés à
l’exercice des compétences de la personne publique acquéreur et relèveront de son propre domaine public.
Elles concernent aussi les échanges de biens entre personnes publiques, sans déclassement préalable, visées
par l’article L3112-2 du CG3P. Il s’agit en outre, des échanges avec déclassement, avec des biens appartenant
à des personnes privées ou avec des biens relevant du domaine privé de personnes publiques, prévues par
l’article L3112-3 du CG3P, avec clause de préservation de l’existence et de continuité du service public.
207
Le déclassement, requiert la désaffectation de fait préalable du bien, et résulte en principe d’un acte
juridique. Le déclassement de fait est très exceptionnel (ex. : portions limitées de voirie).
208
Certains terrains peuvent être cédés sans déclassement préalable entre deux personnes publiques, s’ils sont
destinés à l’exercice des compétences de la personne publique acquéreur et relèveront de son domaine public
(article L3112-1 CG3P). Ils peuvent être échangés entre personnes publiques pour l’amélioration des
conditions d’exercice d’une mission de service public. L’acte d’échanger doit alors contenir une clause
préservant la présence et la continuité du service (article L3112-2 CG3P).
209
L’Édit de Moulins fait la différence entre le « domaine fixe » (biens accumulés et droits acquis par la
Couronne au jour de l’avènement d’un nouveau roi) et le « domaine casuel » (propriétés et droits que le roi
peut acquérir comme une personne privée). Un bien acquis par le roi relevait du domaine fixe, après dix ans
d’administration dans le domaine de la Couronne. Voir : DUPIN (André Marie Jean Jacques), 1783-1865, «
Traité des apanages », 3ème édition, Joubert Paris, 1835, 305 pp, consultable à̀ la BNF (Bibliothèque Nationale
de France), référence Z BLAIS-305, en ligne : https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb35738478v.public. Notice
n° : FRBNF35738478. Voir aussi : http://fdv-srv.univ-
lyon3.fr/moodle//file.php/1/FPV2/Histoire/Histoire_du_droit/histoiredudroitlesapanages.pdf.
L’Édit ou Ordonnance de Moulins, a été promulgué par Charles IX en février 1566, et élaboré au sein d’un
Conseil élargi réuni à Moulins. Michel de L’HOSPITAL en est l’instigateur. En ligne (consulté le 04 août
2017) : http://www.larousse.fr/archives/histoiredefrance/page/850.

60
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

affirmant le principe d’inaliénabilité du domaine royal, et sous réserve des ventes légalement
consommées de biens nationaux qui ont eu lieu pendant la révolution210. Ces réserves
figurent aujourd’hui à l’article L3111-2 du CG3P où elles sont reprises211.
Pour la bonne compréhension de l’importance des procédés de régularisation foncière,
rappelons que la protection des biens du domaine public, dont fait partie la zone des
cinquante pas géométriques, s’organisme autour de grands principes protecteurs212. À cet
égard le Conseil d’Etat élève cette protection au rang d’« impératif d’ordre
constitutionnel »213.
La protection de la consistance du domaine public se fait par l’application des
principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité. Le premier a pour conséquence la nullité
des aliénations qui sont faites de biens dépendant du domaine public. Tout individu peut
invoquer cette règle pour la défense de ses droits. Ce principe a pour conséquence
l’impossibilité de procéder à des aliénations forcées, et notamment d’exproprier les biens du
domaine public, sauf déclassement préalable. L’expropriation est possible à l’égard de biens
dépendant du domaine privé des personnes publiques. De plus, au titre de cette protection
du domaine public, il existe un principe de compétence exclusive du juge administratif pour
ordonner l’expulsion des occupants sans titre dudit domaine public, et plus particulièrement
du juge du référé conservatoire, sauf cas particulier. Cette compétence du juge administratif
a été confirmée par le Tribunal des conflits dans un arrêt du 24 septembre 2001, « Société
BE diffusion c/ RATP et société Promo Métro »214. Elle trouve des limites dans trois cas où
le juge judiciaire est compétent : en cas de dispositions législatives spéciales, en matière de
voie de fait, et en cas de contestation sérieuse en matière de propriété215. Le juge administratif

210
DUPARC (Pierre), « Biens nationaux », Encyclopédie Universalis, consulté en ligne le 4 août 2017 :
https://www.universalis.fr/encyclopedie/biens-nationaux. Dans cet article Pierre DUPARC définit les biens
nationaux comme étant les propriétés de l’Église et des contre-révolutionnaires saisies, nationalisées et vendues
pendant la révolution française. Il distingue les biens nationaux de première origine (patrimoine confisqué à
l’Église depuis 1789), des biens nationaux de deuxième origine (biens confisqués aux émigrés et condamnés
politiques depuis 1792).
211
Il existe d’autres exceptions au principe de l’inaliénabilité, dont les droits fondés en titres.
212
MORAND-DEVILLER (Jacqueline), Droit administratif des biens, collection « Cours », 9e édition, LGDJ
Lextenso (Paris), pp 175 et s. 884 pp.
213
CE, 21 mars 2003, « SIPPEREC », cité dans MORAND-DEVILLER (Jacqueline), Droit administratif des
biens, op cit. p. 184.
214
TC, 24 septembre 2001, « Société BE diffusion c/ RATP et société Promo Métro », Req. n° 3221, Lebon
747, RFDA 2002. 425.
215
Notamment en cas de relations de droit privé (crédit-bail, etc.).

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reste compétent en matière de vente d’immeubles du domaine privé de l’État216. Par ailleurs,
le principe d’imprescriptibilité des biens du domaine public interdit d’acquérir par
prescription la propriété d’une dépendance du domaine public ou de tout autre droit réel
immobilier sur ces biens. La possession prolongée des biens du domaine public ne peut en
aucun cas donner un droit à l’occupant. Il est très important de souligner cela, eu égard à la
situation des occupants sans titre du domaine public de l’État217.
L'ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017, relative à la propriété des personnes
publiques, a cependant apporté des modifications essentielles dans les procédures
d'autorisation d'occupation privatives du domaine public (procédures de sélection,
obligations de publicité préalable, etc.), et des assouplissements dans les procédures de
déclassement et de vente des biens domaniaux, résultant de l’article L3112-4 du CG3P218.
En revanche, il n’existe aucune exception à la règle de l’imprescriptibilité, d’où l’importance
de la controverse qui a eu lieu219, s’agissant de la prescription trentenaire, lors de
l’application aux départements d’outre-mer de la « loi littoral » du 3 janvier 1986, qui a
réintégré la zone des cinquante pas géométriques dans le domaine public de l’État.
Outre la consistance, la protection de l’utilisation du domaine public est également
organisée. Elle se fait par l’instauration de servitudes administratives et droits réels, et
notamment par l’établissement au profit dudit domaine de servitudes pesant sur les
propriétés riveraines ; lesquelles propriétés bénéficient à leur tour d’aisances de voirie. Ces
servitudes administratives résultent d’un acte unilatéral (loi, décret, …), et sont établies dans
l’intérêt général. Elles ne peuvent s’éteindre par le non-usage et la prescription, car elles sont
d’ordre public. Il peut s’agir d’une obligation de faire (in faciendo), de ne pas faire (in non
faciendo) ou de laisser faire (in patiendo). Le juge administratif a compétence pour les litiges
relevant de la légalité des actes administratifs instituant des servitudes220.

216
TC, 06 juin 2011, « Préfet de Seine-et-Marne c/ Société Participations Première », pourvoi n° 11-03806,
Légifrance, publié au Bull. 2011, TC n° 18. Dans cette affaire, pour reconnaître la compétence du juge
administratif, s’agissant de l’application de l’article 13 du cahier des charges, relatif à la vente aux enchères
publiques de biens immobiliers appartenant au domaine privé de l’Etat, le tribunal des Conflits fonde sa
décision sur l’article L3231-1 du CG3P selon lequel « sont portés devant la juridiction administrative, les litiges
relatifs aux cessions de biens immobiliers de l’Etat ».
217
Il y a pour eux une impossibilité d’exercer des actions possessoires contre le propriétaire ou l’affectataire
de biens du domaine public. Cela ressort notamment de l’arrêt « COUACH », rendu par le Tribunal des
conflits, le 24 février 1992, JCP 1993.II.21984, note LAVIALLE et Rec. n° 479.
218
Ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017, relative à la propriété des personnes publiques, publiée au JORF
n° 0093, du 20 avril 2017, texte n°8.
219
Cette controverse sera rappelée en aval.
220
À cet égard, on peut citer le cas des terrains privés situés en bordure du rivage, qui peuvent être réservés sur
20 mètres s’ils sont clos ou bâtis, et sur 50 mètres dans les autres cas, par arrêté ministériel portant effet pour

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DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

L’utilisation du domaine public est aussi protégée par le principe d’interdiction


d’établissement de droits réels sur ledit domaine. La rigidité de ce principe a été tempérée
par la loi du 5 janvier 1988221 et particulièrement par la loi du 25 juillet 1994222.
Enfin, la protection de l’intégrité matérielle du domaine public et de l’affectation des
biens en relevant contre les dégradations et les occupations sans titre, se fait par les
contraventions de grande voirie223. L’occupation sans titre de biens dépendant du domaine
public maritime, et donc de la zone des cinquante pas géométriques, constitue une catégorie
d’infractions à la police de la conservation du domaine public, dont le contentieux relève du
juge administratif224. La répression de cette occupation illégale se fait par le biais de
contraventions de grande voirie, qui sont constatées, poursuivies et réprimées par voie
administrative225. En vertu de l’article L2132-2 du CG3P, les contraventions de grande
voirie226 répriment les manquements aux textes ayant pour objet la protection de l’intégrité
ou de l’utilisation des dépendances du domaine public (hors domaine public routier), ainsi
que l’utilisation d’une servitude administrative227. Toutefois, ces contraventions ne peuvent
être établies que si elles sont prévues par un texte spécial, en vertu de la règle « Nullum

cinq ans renouvelables. Sauf autorisation spéciale, cette réserve fait obstacle à toute construction nouvelle et
ne donne lieu à aucune indemnisation. Les événements intervenus au quartier « Désert » dit « Fond Larion »,
à Sainte-Luce (Martinique), à la suite de l’intervention de militants de l’ASSAUPAMAR sur le site, pour faire
respecter le libre passage sur le littoral, sur des terrains bordant le littoral, appartenant à des particuliers, illustre
bien cette problématique.
221
Article 13 de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d’amélioration de la décentralisation, abrogé en 1996 et
devenu article L1311-2 du CGCT.
222
Loi n° 94-631 du 25 juillet 1994 complétant le code du domaine de l’État et relative à la constitution de
droits réels sur le domaine public.
223
L’infraction de grande voirie est constatée par un procès-verbal dressé par un officier de police judiciaire
ou par des agents habilités. Ce procès-verbal est transmis au maire en application des articles 774-2 et suivants
du code de justice administrative et notifié au contrevenant par le Préfet, qui l’accompagne d’une citation à
comparaître devant le Tribunal administratif. L’auteur de l’infraction encourt une amende de 5 ème classe et des
frais de procès-verbal, ainsi que la réparation des dommages causés au domaine public (articles L2132-20 à
L2132-28 du CG3P). Une distinction est opérée entre les contraventions de voirie routière et les contraventions
de grande voirie. Les secondes relèvent de la compétence du juge administratif et concernent les occupations
sans titre et atteintes portées aux dépendances du domaine public autres que la voirie routière.
224
DUFAU (Jean.), Le domaine public, tomes I et II, Éditions Le Moniteur (Paris), 4ème édition, 1993, 382 et
462 pp. Cette police de la conservation du domaine public est distincte de la police administrative. Les
infractions à la police de la conservation du domaine public sont réprimées par des contraventions de voirie :
les contraventions de voirie routière qui relèvent du juge judiciaire, et les contraventions de grande voirie dont
le contentieux relève de la compétence du juge administratif. Elles ont un caractère répressif, car les infractions
constatées sont assorties d’une amende pénale et d’une obligation de restitution, le contrevenant devant réparer
les dommages causés au domaine public. Cf. Guide pratique du CG3P, pp. 57 et s. En ligne :
http://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/files/guidepratiqueCG3P.pdf.
225
Voir article L2132-2 du CG3P. Cf. aussi les développements faits dans l’introduction à ce propos.
226
Instituées par la loi ou par décret en fonction du montant de l’amende encourue.
227
Voir les articles L1311-2 à L1311-4-1 du CG3P pour les collectivités territoriales, leurs groupements et les
établissements publics, et les articles L1311-5 à L1311-8 du CG3P, pour les mêmes personnes. Pour l’État, il
faut se référer notamment à la loi n° 94-631 du 25 juillet 1994.

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crimen, nulla poena sine lege stricta, scripta et previa »228 : pas de crime, pas de peine, sans
texte spécial l’établissant.
En cas d’édification illégale sur des terrains dépendant de la zone des cinquante pas
géométriques, ou de réalisation d’aménagements ou autres constructions, l’article L2132-3
du CG3P organise la protection de ladite zone en stipulant des interdictions et sanctions ci-
après littéralement rappelées : « nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y
réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition,
de confiscation des matériaux et d’amende. Nul ne peut en outre, sur ce domaine, procéder
à des dépôts ou à des extractions, ni se livrer à des dégradations ». Cette interdiction de
construire sur le domaine public maritime, reprise à l’article L2132-3 sus relaté, résulte
originairement de l’ordonnance de COLBERT du 3 août 1681229. Elle était formulée ainsi :
« faisons défenses à toutes personnes de bâtir sur les rivages de la mer, d’y planter aucuns
pieux ni faire aucuns ouvrages qui puissent porter préjudice à la navigation, à peine de
démolition des ouvrages, confiscation des matériaux et d’amende arbitraire »230.
En présence de constructions ou installations non autorisées sur des terrains dépendant
de la zone des cinquante pas géométriques, l’article L2132-3-1 du CG3P prévoit la saisie
des matériaux de construction en vue de leur destruction, sur autorisation administrative et
après établissement d’un procès-verbal d’état des lieux. Pour l’application de ces
dispositions, l’article L2132-27 du CG3P dispose que « les contraventions définies par les
textes mentionnés à l’article L2132-2 qui sanctionnent les occupants sans titre d’une
dépendance du domaine public, se commettent chaque journée et peuvent donner lieu au
prononcé d’une amende pour chaque jour où l’occupation est constatée, lorsque cette
occupation sans titre compromet l’accès à cette dépendance, son exploitation ou sa
sécurité »231. Sont notamment constitutifs de contraventions à la police de la conservation
du domaine public maritime, particulièrement dans la zone des cinquante pas géométriques :
les constructions irrégulières et généralement l’exécution de travaux sans
autorisation, l’exécution de travaux dans des proportions excédant ce qui a été accordé par
l’autorisation, le refus par l’occupant sans titre d’obtempérer, spécialement le refus d’enlever

228
Guide pratique du CG3P, pp. 59 et s. En ligne : http://www.collectivites-
locales.gouv.fr/files/files/guide_pratiqueCG3P.pdf.
229
Ordonnance du 31 juillet 1681 de la marine relative à la police des ports, côtes et rivages de la mer (dite
ordonnance de Colbert). Voir sur le site Legifrance.
230
Ordonnance du 31 juillet 1681 op cite, article 2. Article abrogé au 4 juillet 2006 par l’ordonnance n° 2006-
460 du 21 avril 2006 sur le CG3P.
231
Article L2132-27 du CG3P.

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les ouvrages et installations irrégulièrement édifiées, les dépôts d’objets divers, l’extraction
de sables, etc., sans autorisation. L’infraction est aussi constituée si l’autorisation accordée
est devenue caduque.
Outre les procédures de contravention de voirie, les personnes publiques peuvent agir
devant le juge judiciaire par le biais de l’action possessoire. Cette action ne peut être alléguée
en cas de voie de fait de l’administration232.
S’agissant de la procédure d’expulsion, elle n’est généralement mise en œuvre qu’en
dernier recours. En effet, la demande d’expulsion ne peut être présentée au juge par
l’administration qu’après mise en demeure préalable. Le juge administratif a une
compétence générale en la matière. Le juge administratif des référés peut ordonner
l’expulsion, des lors que cette demande ne se heurte pas à une contestation sérieuse et qu’elle
présente un caractère d’urgence. La procédure de référé est compatible avec la procédure de
contravention de grande voirie233. Le juge administratif intervient en qualité de juge du fond,
pour constater l’existence de la contravention de grande voirie et prendre toutes mesures
répressives nécessaires. Il a compétence principale pour ordonner l’expulsion des occupants
sans titre234. Une décision du tribunal administratif de Montreuil, rendue le 26 mars 2014,
illustre bien ce qui est sus dit235. En l’espèce, le juge administratif a disqualifié le contrat
d’occupation du bien en contrat d’occupation du domaine public et jugé que la mesure
d’expulsion sollicitée sur le visa de l’article L521-3 du code de Justice administrative (CJA)
était utile. Lorsque les personnes publiques décident d’intervenir sans le concours du juge,
s’il y a absence de fondement légal, d’urgence ou de circonstances exceptionnelles, on se
trouve en présence d’une voie de fait de l’administration236. Il résulte d’un arrêt du Tribunal
des conflits, du 4 novembre 1996, « Préfet de la Guadeloupe », que la seule menace
d’expulsion d’office, sauf exceptions, constitue déjà une voie de fait237.
En dernier recours, en cas d’urgence et si elle y est autorisée par la loi, à défaut d’autres

232
TC, 24 février 1992, « COUACH », AJDA 1992. 327, Chron. MAUGÜE (C.) et SCHWARTZ. Dans cette
affaire, le juge de l’action possessoire a réintégré l’occupant paisible dans la possession du bien, en présence
d’une voie de fait de l’administration, en attendant qu’il soit statué sur le droit de propriété.
233
Les procédures de référés prévues par la loi du 30 juin 2000 (référé conservatoire, référé suspension et référé
liberté), trouvent ici matière à s’appliquer.
234
Le juge judiciaire a compétence en matière de contravention de voirie routière, pour prononcer l’expulsion
des occupants sans titre du domaine public routier, et si l’exécution d’office est constitutive d’une voie de fait.
235
TA, Montreuil, 26 mars 2014, n° 1402196, publié le 18 février 2015 sur le site internet :
www.eurojuris.fr/articles/redirection-17644.htm. Le juge a retenu le caractère illégal de l’occupation d’un
logement par un ancien directeur général des services, dont le détachement avait pris fin par arrêté municipal
et dont la mise à disposition du logement avait pris fin par décision du conseil municipal.
236
TC, 24 février 1992, « COUACH », AJDA 1992. 327, Chron. MAUGÜE (C.) et SCHWARTZ, op. cit.
237
TC, 4 novembre 1996, « Préfet de la Guadeloupe c/ Mme ROBERT », Rec. p. 554.

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moyens d’intervention, la personne publique propriétaire, dont le domaine public est occupé
sans titre, peut utiliser la procédure d’exécution forcée, se servant ainsi de la force publique,
en l’absence de l’intervention préalable du juge. Cette solution a été entérinée par le Tribunal
des conflits dès 1902, dans sa décision du 2 décembre 1902, « Société immobilière de Saint-
Just »238. En l’absence d’urgence, la procédure d’exécution forcée est constitutive d’une voie
de fait de la part de l’administration239.
En définitive, l’occupation sans titre du domaine public, et donc de la zone des
cinquante pas géométriques, qu’elle soit le fait de personnes privées ou de personnes
publiques, est illégale et réprimée tant par la loi, que par la jurisprudence. Selon le Conseil
d’État, l’occupation sans titre du domaine public « constitue une faute commise par
l’occupant et qui l’oblige à réparer le dommage causé au gestionnaire de ce domaine par
cette occupation irrégulière »240.
Toutefois, c’est prioritairement par le biais d’une régularisation foncière favorisant
l’accession à la propriété foncière des occupants sans titre, que les personnes publiques ont
choisi de juguler l’occupation sans titre outre-mer, et non par la répression.
La zone des cinquante pas géométriques, dont l’existence est controversée, concentre
la quasi-totalité des problématiques liées à l’occupation sans titre du domaine public des
personnes publiques situées outre-mer. Elle a connu un kaléidoscope de statuts
contradictoires et de mesures de régularisation foncière dérogatoires (Chapitre I), avant que
ne soient mises en place de véritables procédures de régularisation foncière axées sur le
titrement, découlant de la loi du 30 décembre 1996 et des textes subséquents (Chapitre II).

238
TC, 2 décembre 1902, « Société immobilière de Saint-Just », Lebon 713, concl. ROMIEU ; S. 1904, 3, p.
17, note HAURIOU.
239
CE, Section, 20 juin 1980, Cne d’Ax-les-Thermes, Req. 04592 04872 15025, Lebon et sur legifrance.
240
CE, 15 avril 2011, SNCF, AJDA 2011, p. 20. Arrêt repris dans l’ouvrage de GAUDEMET (Y.), Traité de
droit administratif, Droit administratif des biens, tome 2, ns 357 et s., op. cit.

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DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
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CHAPITRE I – UN KALÉIDOSCOPE DE
DISPOSITIFS ORIGINAUX DÉROGATOIRES LIÉS A
DES STATUTS CONTRADICTOIRES

Les statuts contradictoires dont a été l’objet la zone des cinquante pas géométriques
(ZPG), avant la législation de 1996, expliquent la situation d’occupation sans titre de ladite
zone et l’importance de la régularisation foncière outre-mer. L’étude du droit positif
applicable à la régularisation foncière démontre que la nature juridique duale de la propriété
des personnes publiques, de même que les contraintes pesant sur elles, ont contribué au
caractère hétéroclite des mesures de régularisation foncière périodiquement mises en œuvre,
particulièrement dans la zone des cinquante pas géométriques. Celle-ci, tour à tour, a fait
partie du domaine public, puis du domaine privé, avant de réintégrer le domaine public
maritime des personnes publiques outre-mer par la législation du 03 janvier 1986.
En effet, au fil du temps, l’appropriation par l’État français de la zone des cinquante
pas géométriques outre-mer, s’est accompagnée d’une suite de législations contradictoires
et dérogatoires, et de comportements de « réappropriation » de la part de la population
locale. Il ne s’agit pas seulement de statuts intermédiaires, car ces statuts ont comporté des
éléments contradictoires ayant contribué à renforcer l’occupation sans titre de la zone des
cinquante pas géométriques, pendant la période où celle-ci a fait partie du domaine privé de
l’État. Les occupations sans titre continuent encore à ce jour, et font l’objet de relevés
effectués « sur le terrain » par la DEAL241 et lors des opérations de régularisation foncière.
Le statut juridique historique de la zone des cinquante pas géométriques donne l’image
d’un kaléidoscope de mesures antinomiques. La zone des cinquante pas géométriques est
passée du domaine public au domaine privé, puis du domaine privé au domaine public, au
gré des législations applicables, en fonction des objectifs du législateur, confirmant le
postulat d’un positionnement politique plutôt que juridique. C’est la loi du 30 décembre
1996 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des
cinquante pas géométriques dans les départements d’outre-mer 242 et les textes modificatifs
subséquents, qui constituent le support principal du statut juridique de ladite zone.

241
Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement.
242
Loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996, « relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur de la
zone dite des cinquante pas géométriques dans les Départements d’outre-mer ». En ligne :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000563531.

67
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

La zone des cinquante pas géométriques dépend aujourd’hui du domaine public


maritime de l’État. Ce statut très protecteur dénote la volonté du législateur de la protéger
de l’occupation sans titre. La zone des cinquante pas géométriques fait partie du domaine
public maritime naturel immobilier, par opposition au domaine public maritime artificiel243.
L’acte de classement ou d’incorporation d’un bien dans le domaine public ne fait que
constater l’appartenance de ce bien au domaine public244. Selon l’article L2111-4 du CG3P,
le domaine public maritime naturel de l’État, dont fait partie la zone des cinquante pas
géométriques, comprend : « […] 4°. La zone bordant le littoral, définie à l’article L5111-1
dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion ».
Il s’agit d’une catégorie de biens faisant naturellement partie du domaine public, car résultant
d’un simple phénomène physique. Et l’article L5111-1 du CG3P énonce que « la zone
comprise entre la limite du rivage de la mer et la limite supérieure de la zone dite des
cinquante pas géométriques définie à l’article L5111.2 dudit code, fait partie du domaine
public maritime de l'État », à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique et à La Réunion.
Tout cela démontre qu’en dépit du caractère désormais résiduel de la domanialité
publique, le législateur a tenu à garder la zone des cinquante pas géométriques dans le
domaine public, quitte à en déclasser les parties faisant l’objet de cessions. En effet, les biens
du domaine public ne tombent dans le domaine privé que lorsqu’ils ont été formellement
désaffectés et déclassés, devenant par là même, aliénables et prescriptibles, sauf exception.
À cet égard, il résulte d’un arrêt rendu par le Conseil d’État, le 30 décembre 2002,
« Commune de Pont-Audemer c/ Association de sauvegarde des patrimoines de la Basse-
Seine », que l’acte juridique de déclassement et de désaffectation est nécessaire mais
suffisant, et qu’à défaut de déclassement formel, le bien demeure dans le domaine public245.
En raison du régime juridique strict ci-dessus rapporté, l’occupation des biens
dépendant du domaine public est soumise à la possession d’un titre, tel qu’il résulte de
l’article L2122-1 du CG3P qui énonce que « nul ne peut, sans disposer d’un titre l’y
habilitant, occuper une dépendance du domaine public d’une personne publique mentionnée

243
Lequel est composé des ouvrages et installations appartenant à une personne publique, mais aussi des ports
maritimes, des biens immobiliers concourant au fonctionnement des ports, etc.
244
L’acte de classement ne peut décider de l’appartenance d’un bien au domaine public, sauf s’agissant des
biens publics par détermination de la loi.
245
CE, 30 décembre 2002, « Cne de Pont-Audemer c/ Association de sauvegarde des patrimoines de la Basse-
Seine ». En ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/affichjuriadmin.do : une église désaffectée demeure dans le
domaine public si elle n’a pas été déclassée. Voir cependant les assouplissements de l’ordonnance n° 2017-562
du 19 avril 2017.

68
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

à l’article L1246 ou l’utiliser dans les limites dépassant le droit d’usage qui appartient à
tous ». Mais le statut protecteur du domaine public n’empêche pas l’établissement, sur ce
domaine, de servitudes établies aux conditions de l’article L2122-4 du CG3P, par convention
passée entre propriétaires247.
En raison de ce régime très protecteur, les autorisations d’occupation ou d’utilisation
du domaine public doivent revêtir un caractère temporaire, précaire et essentiellement
révocable. Ces trois caractéristiques résultent des articles L2122-2 à L2122-3 du CG3P, et
de la jurisprudence administrative248. Ces autorisations d’occupation précaires ou
temporaires (AOT) doivent pouvoir être retirées par les personnes publiques propriétaires à
tout moment, notamment pour motif d’intérêt général249. De surcroît, ces AOT sont intuitu
personae, car elles ne peuvent être délivrées qu’à titre strictement personnel et ne sont pas
transmissibles à des tiers250.
Outre les AOT constitutives de droits réels, d’autres autorisations d’occupation du
domaine public constitutives de droits réels, tels que les baux emphytéotiques administratifs
(BEA) peuvent également être consenties, dans de strictes conditions251. Par ailleurs, des
conventions de gestion permettent à l’État de confier la gestion de biens immobiliers de son
domaine public à des collectivités territoriales, des établissements publics, des sociétés
d’aménagement foncier et d’établissement rural et à des associations et fondations reconnues
d’utilité publique252.
Les différents statuts juridiques qu’a connu la zone des cinquante pas géométriques
(ZPG) attestent de l’hésitation du législateur face à l’occupation sans titre de ladite zone,
entre le régime protecteur du domaine public, disposant toutefois de procédés permettant de
régir l’occupation dudit domaine malgré la protection dont il fait l’objet, et le régime du
domaine privé librement cessible, aliénable et prescriptible, même s’il demeure
insaisissable. À cet égard, deux grandes étapes peuvent être distinguées dans l’évolution des

246
Les personnes publiques concernées sont : l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi
que les établissements publics (article L1 du CG3P).
247
Ces servitudes sont établies par conventions passées entre propriétaires, conformément à l’article 639 du
code civil. Leur existence doit être compatible avec l’affectation des biens sur lesquels elles portent.
248
Voir notamment : CE, 23 avril 2001, « Syndicat intercommunal pour l’assainissement de la vallée de la
Bièvre », Req. n° 187007, Legifrance.
249
Voir les assouplissements de l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017, op cit.
250
CE, 6 novembre 1989, « Association amicale des bouquinistes des quais de Paris », Req. n° 171317.
251
Articles L1311-2 à L1311-4-1 du CG3P pour les collectivités territoriales, leurs groupements et les
établissements publics, et articles L1311-5 à L1311-8 du CG3P, pour les mêmes personnes. Pour l’État, il faut
se référer notamment à la loi n° 94-631 du 25 juillet 1994.
252
Article L2123-2 du CG3P, qui précise que ces conventions de gestion ont pour objectif d’assurer la
conservation, la protection ou la mise en valeur du patrimoine national.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

statuts contradictoires de la zone des cinquante pas géométriques. Ainsi, sous l’empire du
décret du 30 octobre 1955, ladite zone s’est trouvée appartenir au domaine privé de l’État,
avant de réintégrer son domaine public sous l’égide de la « loi littoral » du 03 janvier 1986.
Ces changements de domanialités ont eu des conséquences contradictoires sur les
régularisations foncières opérées.
Il y a donc un intérêt primordial à analyser les modalités de régularisation foncière
depuis les origines de l’instauration de la zone des cinquante pas géométriques jusqu’au
décret du 30 juin 1955 (Section I), avant d’étudier les apports de la loi « Littoral » du 03
janvier 1986 qui l’a réintégrée dans le domaine public et ceux subséquents de la loi du 25
juillet 1994 (Section II).

SECTION I – RÉGIME DE DOMANIALITÉ PRIVÉE ET


RÉGULARISATION FONCIÈRE SOUS LA LÉGISLATION
DE 1955

Il faut remonter à l’époque de la colonisation française, au début du XVIIe siècle, aux


origines de l’installation française dans les îles caribéennes253, pour connaître l’origine de la
création de la zone des cinquante pas géométriques outre-mer. Cette origine coloniale
constitue un élément historique fondamental pour comprendre l’occupation sans titre
massive de ladite zone et l’évolution des règles applicables aux procédures de régularisation
foncière sur cette zone.
La zone des cinquante pas géométriques est un concept né de la colonisation, dont la
légitimité de l’appartenance à l’Etat est encore contestée par une partie de la population
l’occupant depuis des décennies. D’une largeur admise de 81,20 mètres, cette zone aurait
été instaurée dans les anciennes colonies françaises pour protéger le rivage des Antilles.
Parallèle au rivage de la mer, elle constituerait une réserve destinée à la défense des îles, au
ravitaillement et à l’entretien des navires, et aux communications254.

253
LARRIEU (Jacques), « Le changement de statut de la zone des « 50 pas du Roi » dans les D. O. M., Les
Petites affiches, 12 décembre 1997, n° 149, page 8, ID : PA199712128. En ligne : https://www-lextenso-fr.bu-
services.univ-antilles.fr/lextenso/ud/urn%3APA199712128.
254
ANDRE-JACCOULET (Marie-Andrée), « Sur les traces des cinquante pas du Roy », La voix du Palais,
Fort-de-France, n° 10, 1984, p. 18 et s. Voir aussi : Proposition de loi visant à prolonger la durée de vie des
agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques. En ligne :
http://www.senat.fr/rap/l12-566/l12-5661.html. Consultée le 20 mai 2016.

70
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Son statut juridique n’a cessé d’évoluer au fil du temps, donnant l’image d’une gestion
contradictoire, voire jalouse et autoritaire de ladite zone par l’État255.
La loi n° 55-349 d’habilitation du 2 avril 1955256 et son décret d’application n°55-885
du 30 juin 1955 relatif à l'introduction dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane
française, de la Martinique et de la Réunion, de la législation et de la réglementation
métropolitaines concernant le domaine public maritime et l'exécution des travaux mixtes, et
relatif à la modification du statut de la zone dite "des cinquante pas géométriques" existant
dans ces départements, ont transféré ladite zone dans le domaine privé de l’État, afin de
favoriser le développement économique des territoires concernés257.
Le décret du 30 juin 1955 a modifié transitoirement le statut de la ZPG en la faisant
passer dans le domaine privé de l’État. La législation mise en place en 1955 a permis à
certaines personnes privées et à des collectivités territoriales de faire valider les titres de
propriété détenus sur la zone en raison de ses statuts contradictoires.
L’histoire coloniale de la zone des cinquante pas géométriques a influencé son état
d’occupation et ses statuts juridiques successifs. Elle mérite d’être rappelée car elle a
favorisé l’émergence d’un kaléidoscope de statuts contradictoires (§1), débouchant sur la
création d’une juridiction sui generis : la Commission de vérification des titres de 1955 (§2).

§ I. UNE ORIGINE COLONIALE PROPICE À L’OCCUPATION


SANS TITRE DE LA ZONE DES CINQUANTE PAS GÉOMÉTRIQUES

Pour certains auteurs, la zone des cinquante pas géométriques demeure incertaine dans
son origine qui semble coutumière258. Anciennement dénommée « zone des cinquante pas
du Roi », située en bordure des côtes, instituée aux Antilles françaises, en Guyane et à La
Réunion, dans l’intérêt de la navigation et de la protection militaire, cette zone existe aussi
dans l’archipel des Comores, dont dépendait Mayotte avant son intégration dans la

255
MOHAMED SOILIHI (Thani), rapporteur coordinateur, GUERRIAU (Joël), LARCHER (Serge), PATIENT
(Georges), rapporteurs, « Domaines public et privé de l’État outre-mer, 30 propositions pour mettre fin à une
gestion jalouse et stérile », rapport d’information du Sénat n° 538, enregistré à la Présidence du Sénat le 18
juin 2015. Publié en ligne : http://www.senat.fr/rap/r14-538/r14-5381.pdf.
256
Loi portant pouvoirs spéciaux en matière économique, sociale et fiscale (Gouvernement Edgar Faure)
jusqu’au 20 mai, 30 juin et 31 juillet 1955, publiée au JORF du 3 avril 1955, page 3289.
257
Décret n° 55-885 du 30 juin 1955, publié au J. O. du 2 juillet 1955, p. 6653
258
CHEMILLIER-GENDREAU (Monique), La réserve des cinquante pas géométriques en Martinique, Ann.
Des Antilles 1960, Ann. Fac. Droit Lille, 1962, in GAUDEMET (Yves), Droit administratif des biens, tome 2,
LGDJ, Lextenso éditions, Paris, 14ème édition, pp. 91 et s.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

République française.
Les modalités d’instauration de ladite zone permettent d’expliquer, du moins
partiellement, l’origine de la formation des droits et titres de propriété sur cette zone dans
les collectivités territoriales situées outre-mer. Ces faits sont aussi de nature à expliquer, du
moins partiellement, la relation particulière que les occupants sans titre ont développé avec
le territoire des anciennes colonies, beaucoup d’entre eux se considérant comme déjà
propriétaires des terres qu’ils occupent illégalement, eu égard à l’histoire de la colonisation.
Il semblerait d’ailleurs que, dès les premières années de la colonisation, la zone des
cinquante pas géométriques a connu un important phénomène d’occupation sans titre ou
de squattérisation, et que cette donnée est attestée par les Annales du Conseil souverain259.
Longtemps confisquée par l’État, qui en est d’ailleurs encore majoritairement le
propriétaire, sauf l’effet des régularisations foncières intervenues, et des transmissions
programmées en faveur des régions et collectivités uniques par la loi ADOM de 2015, la
zone des cinquante pas géométriques est perçue par beaucoup, du fait des nombreuses
occupations sans titre qui y sont constatées, comme étant la propriété de tous. Ceci, en
considération des faits historiques liés à la colonisation, à l’esclavage, à la défense et au
commerce triangulaire260. Par la suite, l’exode rural et bien d’autres considérations urbaines,
ont contribué à pérenniser cette situation261.
Le régime juridique de la zone des cinquante pas géométriques demeure néanmoins
confus. Il semblerait même que certains particuliers aient pu avoir la jouissance de terrains
dépendant de ladite zone, à partir du moment où l’exercice des activités de surveillance et
de défense des personnes publiques n’était pas compromis262.
La gestion controversée par l’État de ladite zone a engendré l’application de statuts
juridiques différents, parallèles, voire ambigus, générateurs de contentieux. L’affaire du
« Roi Mongin » est l’une des illustrations médiatisées du type de contentieux touchant la

259
LARRIEU (Jacques), Le changement de statut de la zone des « 50 pas du Roi » dans les D. O. M., Les
Petites affiches, 12 décembre 1997, n° 149, page 8, ID : PA199712128. En ligne : https://www-lextenso-fr.bu-
services.univ-antilles.fr/lextenso/ud/urn%3APA199712128.
260
Cf. La lettre du Gouverneur De BAAS à COLBERT, du 08 février 1674. Lettre publiée sur le site internet
de l’Agence des 50 pas de la Martinique : http://www.agence50pas972.org/index.php?page=historique. Lettre
à consulter également dans le mémoire rédigé par WILHEM (P.), La réserve des cinquante pas du roi des
origines jusqu’en 1825, Mém. Fac Droit Paris, 1966, p. 212.
261
Il n’est d’ailleurs pas rare d’observer, dans le cadre des opérations de régularisation foncière menées dans
certains quartiers de Fort-de-France se situant à cheval sur la zone des cinquante pas géométriques, que certains
occupants sans titre « boudent » la signature de leur titre de propriété, faisant preuve d’une certaine légitimité.
262
ANDRE-JACCOULET (Marie-Andrée), « Sur les traces des cinquante pas du Roy », La voix du Palais,
Fort-de-France, n° 10, 1984, p. 18 et s., in GAUDEMET (Yves), Droit administratif des biens, tome 2, LG. D.
J. Lextenso éditions, Paris, 14ème édition, pp. 91 et s.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
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zone des 50 pas géométriques outre-mer263.


Il est donc essentiel de s’intéresser au statut de la zone des cinquante pas géométriques
antérieurement à la législation de 1955 (A), avant d’examiner les conséquences de
l’intégration de ladite zone dans le domaine privé de l’État par ladite législation (B).

A. PROCÉDURES ORIGINELLES DE RÉGULARISATION


FONCIÈRES ANTÉRIEURES AU DÉCRET DU 30 JUIN 1955

Les premiers écrits faisant mention de la zone des cinquante pas géométriques et de
son statut, datent de la seconde moitié du XVIIe siècle. Ils définissent cette zone, expliquent
son utilité et démontrent qu’elle appartenait à des seigneurs propriétaires des îles, avant
d’être rattachée au domaine de la Couronne puis de la Nation264. Mais des procédures de
régularisation de l’occupation de tiers existent dès le départ.

1) Aux Antilles, des procédures de régularisation foncière dans la zone


des cinquante pas géométriques, dès les origines

L’examen des textes concernant les Antilles, notamment la Guadeloupe et la


Martinique, semble clairement établir que les ventes, échanges et successions qui faisaient
mention de terrains inclus dans la réserve des cinquante pas du roi, n’étaient pas constitutifs
de titres de propriété, nonobstant l’appellation des actes qui en constataient le transfert, en
raison de la qualification juridique originelle de ladite réserve.
En effet, certains textes constituent des sources sûres de qualification juridique de la
zone des cinquante pas géométriques. Un arrêt du conseil supérieur de la Martinique, rendu
le 3 mars 1670, fixe la limite où doivent commencer, sur les côtes, les cinquante pas du
roi265 : « […] le Conseil a demeuré d’accord que les cinquante pas du Roi doivent

263
CA, Fort-de-France, 1er mars 2013, Affaire du « Roi Mongin ». Par cette décision, Albert MONGIN a été
condamné à verser 50000 euros d’amendes à l’Etat et à démolir, sous astreinte de 100 euros par jour, les
installations édifiées sur l’îlet Oscar, estimées non conformes à l’environnement. Il était accusé de dégradation
de l’environnement et d’occupation illicite de l’îlet Oscar. En 2014, compte tenu de l’ampleur médiatique de
cette affaire, un accord a été passé par Monsieur MONGIN avec l’Etat (ONF), qui a édifié les installations aux
normes et les a données en concession au contrevenant, pour l’exploitation de son activité. L’historique de cette
affaire est notamment relatée dans : CONSTANT-PUJAR (Arlette), « Gestion responsable du foncier et
développement durable Outre-mer, contribution à une approche critique de l’espace martiniquais », pp 290 et
ss. Thèse pour le Doctorat en sciences juridiques, soutenue le 10 mai 2011, sous la direction du Professeur
Antoine DELBLOND, Faculté de droit et de sciences économiques de l’Université des Antilles-Guyane.
264
LARRIEU (Jacques), Le changement de statut de la zone des « 50 pas du Roi » dans les D. O. M., Les
Petites affiches, 12 décembre 1997, n° 149, page 8, ID : PA199712128. En ligne : https://www-lextenso-fRbu-
services.univ-antilles.fr/lextenso/ud/urn%3APA199712128.
265
Conseil supérieur de Martinique, 3 mars 1670. Cf. texte de l’arrêt en annexe : Archives Nationales :
http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/osd/?dossier=/collection/INVENTAIRES/Ministeres/SEM/C8.

73
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commencer leur hauteur du lieu où les herbes et arbrisseaux commencent à croître, et à


continuer à mesurer dudit lieu, jusqu’à la longueur desdits cinquante pas »266.
Par ailleurs, un rapport du Gouverneur général des Antilles, Jean-Charles de BAAS-
CASTELMORE267, Marquis de BAAS, adressé à Jean Baptiste COLBERT, Contrôleur
général des Finances sous Louis XIV, en date du 8 février 1674, détaille les raisons de
l’instauration de la zone des cinquante pas géométriques268 :
« Je ne sais pas, Monseigneur, si quelqu’un vous a jamais expliqué pourquoi les
cinquante pas du Roi ont été réservés dans les Isles françaises de l’Amérique, c’est-à-dire
pourquoi les concessions des premiers étages n’ont été accordées aux habitants qu’à
condition qu’elles commenceront à 50 pas du bord de la mer et que cette ceinture intérieure
qui fait le contour de l’Isle (ne) peut être donnée en propre à aucun habitant pour plusieurs
raisons judicieuses et avantageuses au bien des Colonies. La première a été pour rendre
plus difficile l’abord des Isles ailleurs que dans les rades où les bords sont bâtis, car 50 pas
de terre en bois debout très épais et difficiles à percer est un grand empêchement contre les
descentes de l’ennemi. Secondement, les 50 pas sont réservés pour y faire des fortifications,
s’il est nécessaire, afin de s’opposer aux descentes des ennemis et on a réservé cette terre
pour ne rien prendre sur celle des habitants qui autrement auraient pu demander des
dédommagements. En troisième lieu cette réserve est faite afin que chacun ait un passage
libre au long de la mer, car sans cela, les habitants l’auraient empêché par des clôtures et
par des oppositions qui, tous les jours, auraient causé des procès et des querelles parmi eux.
Ce dernier cas trouve des illustrations récurrentes dans la presse locale Martiniquaise. En

266
Conseil supérieur de Martinique, n° 118, du 3 mars 1670. Référence : FR ANOM COL A 24 F° 188.
Référence internet : ark:/61561/ka455xsyurn. En ligne :
http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/ark:/61561/ka455xsyurn.num=20 form=simple.start=2831.
Arrêt également annexé avec d’autres documents anciens, au dossier documentaire sur la zone des 50 pas
géométriques, relatif à la décision n° 2010-96 QPC, concernant l’article 5112-3 du CG3P. En ligne :
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/download/201096QPCdoc.pdf.
Cf. aussi, ROSIER (Guy), L’enracinement créole, Chronique de l’extinction du régime colonial aux Antilles
françaises : la zone des cinquante pas géométriques, Éditions L’Harmattan (Paris), 2006, p. 11.
267
BAAS-CASTELMORE (Jean Charles de), Gouverneur général des îles d’Amérique, de 1667 à 1677,
consulté le 03 juillet 2017, en ligne : http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/ark:/61561/zn401uur.
268
Cass., civ. 3ème, 07 juillet 2004, pourvoi n° 02-16288 02-16551 02-18169, publié au Bull. Cette lettre de De
BAAS est explicitée dans un « Mais attendu que », constituant la réponse de la Cour de cassation conduisant
au rejet du pourvoi, dans son arrêt du 07 juillet 2004 susmentionné (qui conclut à l’existence de la zone des
cinquante pas géométriques à Saint-Martin). Cette lettre est littéralement rapportée dans : WILHEM (P.), La
réserve des cinquante pas du roi des origines jusqu’en 1825, Mémoire Fac. Droit Paris, 1966, p. 212, et publiée
sur le site internet de l’Agence des 50 pas de la Martinique : https://agence50pas972.org/agence-des-50-pas-
geometriques/definition-et-historique/. Op cit. Elle est mentionnée également dans KEITA (Yasmina), Le
littoral domien : droit et politiques, pp. 22 et s, mémoire de DEA soutenu le 3 mai 1993, à l’Université des
Antilles et de la Guyane, publié au LC2S (Ex-CRPLC). Son rappel est effectué aussi dans : ROSIER (Guy),
L’enracinement créole, Chronique de l’extinction du régime colonial aux Antilles françaises : la zone des
cinquante pas géométriques, Éditions L’Harmattan (Paris), 2006, p. 11 et s.

74
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
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quatrième lieu, pour donner moyen aux capitaines de navires qui viennent aux Isles d’aller
couper du bois dans les 50 pas du Roi, pour leur nécessité car sans cela les habitants ne
leur permettraient d’en prendre qu’en payant. La cinquième et la plus essentielle raison est
celle de donner moyen aux artisans de se loger, car ils n’ont aucun fonds pour acheter des
habitations, et qu’ils n’ont pour tout bien que leurs outils pour gagner leur vie. On leur
donne aux uns plus, aux autres moins, des terres pour y bâtir des maisons mais c’est toujours
à condition que, si le Roi a besoin du fonds sur lequel ils doivent bâtir, ils transporteront
ailleurs leurs bâtiments. Or, sur ces 50 pas sont logés les pêcheurs, les maçons, les
charpentiers etc., personnes nécessaires au maintien des colonies ».
Ce document démontre que des constructions étaient permises sur la zone des
cinquante pas géométriques au profit d’artisans et de personnes à revenus modestes.
Dans son ouvrage sur « Les compagnies de colonisation sous l’ancien régime »,
Joseph CHAILLEY-BERT distingue plusieurs périodes et modalités d’appropriation des
sols outre-mer269, de nature à expliquer l’origine et la domanialité de la zone des cinquante
pas géométriques, qui remonterait à l’Ancien Régime. La période de la Compagnie de Saint-
Christophe s’étendit de 1626 à 1635270, sous le régime de la Charte de 1626271. La période de
la Compagnie des Iles d’Amérique et des Seigneurs propriétaires, dura de 1635 à 1664, sous
le régime de la Charte de 1635272. La période de la Compagnie des Indes occidentales, créée
à l’initiative du roi, s’étendit de 1664 à 1674, sous le régime de la Charte de 1664273.
L’Édit de Saint-Germain-en-Laye, de décembre 1674, porta révocation de la

269
CHAILLEY-BERT (Joseph), Les compagnies de colonisation sous l’ancien régime, Éditions Armand Colin,
Paris, 1898, p. 36 et s. In Commentaires aux Cahiers, Décision n° 2010-96 QPC du 4 février 2011, (Zone des
50 pas géométriques), op cit. Consulté le 03 juillet 2017 :
https://archive.org/details/sc_0000839282_00000000383930.
270
Compagnie des îles de Saint-Christophe, de la Barbade et autres îles à l’entrée du Pérou, fondée en 1626
par le Cardinal de RICHELIEU pour DESNAMBUC. Cf. LAVIGNE SAINTE SUZANNE (Maurice de), La
Martinique au premier siècle de la colonisation, 1635-1742, Nantes, Imprimerie Mthe CHANTREAU et Cie,
202 pages. En ligne : http://www.manioc.org/gsdl/collect/patrimon/archives/NAN13040.dir/NAN13040.pdf.
271
Cette période fait état d’une « commission donnée aux sieurs D’ENAMHUC et ROSSEY d’aller établir une
colonie dans les Antilles de l’Amérique […] ».
272
La Compagnie des Isles d’Amériques vendit en 1649 « la Guadeloupe, Marie-Galante et les Saintes à un
sieur BOISSERET […] ; la Martinique, Sainte-Lucie, Grenade et les Grenadines à un sieur DUPARQUET […]
; et … Saint-Christophe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Sainte-Croix et la Tortue, à l’ordre de MALTE […] ».
Toutefois elle rapporta ses titres de concession ou de propriété pour être remboursés ou indemnisés, sur
injonction d’un arrêt du Conseil d’Etat du 17 avril 1664. Cet arrêt reprochait à la Compagnie et à ses ayants
droit d’avoir vendu les titres de concessions et de propriété à des particuliers au lieu d’y établir un commerce.
273
PEYTRAUD (Lucien), L’esclavage aux Antilles avant 1789, Éditions Hachette, Paris, 1897, p. 146, cité
dans Commentaires aux Cahiers, Décision n° 2010-96 QPC du 4 février 2011, Commentaires aux Cahiers,
(Zone des 50 pas géométriques). Op. Cite. Au cours de cette période, la compagnie reçut notamment à titre de
concession, la Guyane, le Canada et une partie de la côte de l’Afrique. Elle racheta en 1664, la Martinique, la
Guadeloupe, Marie-Galante et les Saintes, Saint-Christophe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Sainte-Croix et
la Grenade.

75
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Compagnie des Indes occidentales, de sorte que la zone des cinquante pas géométriques s’est
trouvée appartenir au domaine de la Couronne qui en est devenue pleinement propriétaire274,
la rendant inaliénable et imprescriptible275.
Par « Ordre du Roi » du 6 août 1704 enregistré le 13 novembre 1704, au Conseil
souverain de la Martinique, il est précisé que le Roi reste propriétaire de la réserve des
cinquante pas et que les détenteurs de fonds dominants n’en n’ont que la jouissance 276. Une
lettre du ministre de la Marine, datée du 17 mars 1752 et adressée au gouverneur général et
à l’intendant des Isles rappelle que « le Roi s’étant réservé les cinquante pas du bord de la
mer dont la propriété ne peut être accordée, Sa majesté peut en donner jouissance à qui elle
juge à propos »277. Les commentaires formulés sous la décision du Conseil constitutionnel,
du 4 février 2011, « Jean-Louis de L. », en font pareillement mention278. Dans cette affaire,
le Conseil constitutionnel, saisi par la Cour de cassation, le 30 novembre 2010279, dans les
conditions de l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité
relative à la conformité de l’article L5112-3 du CG3P aux droits et libertés que la
Constitution garantit, avait conclu à sa conformité280.
Ce rappel historique révèle qu’avant d’être admise en 1674 au domaine du Roi, « les
Antilles ont été conquises, achetées ou vendues à plusieurs reprises soit par les Compagnies,
soit par des particuliers », voire possédées et qu’à ces occasions, des titres de propriété

274
Voir : CC, DC n° 2010-96 QPC du 4 février 2011, Commentaires aux Cahiers, (Zone des 50 pas
géométriques), faisant référence à des extraits de l’édit. En ligne : http://www.conseil-
constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/download/201096qpcccc96qpc.pdf.
275
Ce document est consultable sur le site internet des Archives nationales d’outre-mer :
http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/. Document également cité dans le rapport fait au nom de la
Commission des Affaires économiques, sur la proposition de loi de Monsieur LARCHER et plusieurs de ses
collègues visant à prolonger la durée de vie des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone
dite des cinquante pas géométriques. En ligne : http://www.senat.fr/rap/l12-566/l12-5661.pdf.
276
Une ordonnance royale du 1er février 1711 précise que l’entretien des chemins traversant la réserve des
cinquante pas du Roi, sont à la charge de « ceux qui possèdent des héritages limitrophes ». Cf. ROSIER (Guy),
L’enracinement créole, Chronique de l’extinction du régime colonial aux Antilles françaises : la zone des
cinquante pas géométriques, Éditions L’Harmattan (Paris), 2006, pp 13 et ss.
277
À cet effet, le gouverneur baron, Angot de Rotours, reçoit comme instruction « d’empêcher et de réprimer
toute atteinte portée au droit de propriété de la zone réservée au Roi ». Cf. ROSIER (Guy), L’enracinement
créole, Chronique de l’extinction du régime colonial aux Antilles françaises : la zone des cinquante pas
géométriques, op. cit., p. 13.
278
CC, DC n° 2010-96, QPC, du 04 février 2011, « Jean-Louis de L. » En ligne : http://www.conseil-
constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-
1959/2011/2010-96-qpc/decision-n-2010-96-qpc-du-4-fevrier-2011. 52790. html.
279
Cass, 3ème ch. civ., n° 1522, 30 novembre 2010. Numéro d'arrêt : 10-16828, NOR :
JURITEXT000023168385. Numéro de décision : 31001522. En
ligne : https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/qpc_3396/1522_30_19645.html.
280
CC, DC n° 2010-96, QPC, du 04 février 2011, NOR : CSCX1103777S, publiée au JORF du 5 février 2011,
page 2354, texte n° 88.

76
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

avaient été validés par le roi281. D’autres textes et décisions démontrent une occupation par
d’autres catégories de populations plus aisées282.
Une description de la zone des cinquante pas du Roi fût effectuée par François-Marie
PEYRENC de MORAS283, par une dépêche ministérielle en date, à Versailles, du 03
décembre 1757284, à l’occasion du recours en cassation formé par le Sieur NAVARRE, contre
un arrêt du Conseil souverain de la Martinique, rendu à propos d’un terrain situé à Saint-
Pierre, dans l’étendue des cinquante pas du Roi285. PEYRENC de MORAS rappelle à cette
occasion que les ventes, partages, baux à rentes consentis par les particuliers bénéficiaires
de baux de longue durée ou de concessions, ne pouvaient porter atteinte au droit du roi qui
pouvait, selon son bon vouloir, reprendre les terrains donnés en concession pour les donner
à un autre bénéficiaire de son choix, « et au titre de redevance ou libéralité gratuite » qu’il
jugera à propos286. Dans cette affaire, le Sieur NAVARRE a été débouté.

281
« […] Nous avons validé, approuvé et confirmé, validons, approuvons et confirmons les concessions des
terres accordées par les directeurs, leurs agents et procureurs, les ventes particulières qui ont été faites
d’aucunes habitations, magasins, fonds et héritages, dans les Païs pour nous concédés… ». Cf. :
http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr:http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/p2w/?dossier=/
collection/INVENTAIRES/Ministeres/SEM/C8/&first=FRANOM23C8B19/FRANOM23C8B190083&last=
FRANOM23C8B_9/FRANOM23C8B190088&title=%C3%89dit+portant+r%C3%A9vocation+de+la+Comp
agnie+des+Indes+occidentales.+11+p.+Impri m%C3%A9.+d%C3%A9cembre+1674.
282
En témoigne un arrêt du pouvoir souverain qui ordonne, en vertu de lettres patentes du mois d’août 1721,
la réunion au domaine du Roi, d’une propriété bâtie acquise par les Ursulines de Saint-Pierre en Martinique,
du Sieur CLELAND, sans permission du roi. Arrêt n° 7, du 23 mars 1743. Référence : FR ANOM COL A 4 F°
30. Référence internet : ark:/61561/ka455av1xvg.
283
Contrôleur général des finances, puis Secrétaire d’État à la Marine, puis ministre d’État en 1757.
284
LLORENS (François), ODENT (Brunon) et LAVIALLE (Christian), « La réserve des cinquante pas du Roi
ou la naissance du domaine public », RFDA, « Biens et travaux », mai-juin 2014, pp. 451 à 456.
285
Il identifie la zone des cinquante pas géométriques comme un « […] espace de terrein dans le circuit des
îles, (qui) a toujours été réservé, tant par les Seigneurs qui ont commencé à les posséder et à les établir, que par
les compagnies qui ont succédé à ces Seigneurs dans cette jouissance, et par le Roi, depuis qu’il a réuni les îles
à son Domaine par un édit du mois de décembre 1674 ». Voir : PEYRENC de MORAS (François Marie),
Dépêche ministérielle, concernant les cinquante pas du Roi, en date, à Versailles du 03 décembre 1757, Annexe
3 du dossier documentaire sur la zone des 50 pas géométriques, relatif à la décision n° 2010-96 QPC du 4
février 2011, concernant l’article 5112-3 du CG3P. Ce texte est reproduit par DURAND-MOLLARD (Martin),
Code de la Martinique, Tome troisième, Saint-Pierre, Martinique, 1810, page 444, cité dans Commentaires aux
Cahiers, Décision n° 2010-96 QPC du 4 février 2011, op cit.
286
PEYRENC de MORAS (F. M.), Dépêche ministérielle, concernant les cinquante pas du Roi, du 03
décembre 1757, constituant l’annexe 3 au dossier documentaire sur la zone des 50 pas géométriques, relatif à
la décision n° 2010-96 QPC, sur l’article 5112-3 du CG3P. Dépêche dont la teneur est rappelée par extraits :
« L’objet de cette réserve était d’avoir de quoi établir, dans le contour des îles, les bourgs, paroisses, forts,
retranchements batteries et autres ouvrages publics et nécessaires, tant pour leur décoration que pour leur
défense ; en sorte que toutes les concessions qui ont été accordées dans le circuit des îles, n’ont commencé et
pris leur pied qu’au-dessus des 50 pas des Seigneurs, et ensuite du Roi, espace qui doit se compter du bord de
la terre franche, et où le jet de la mer et le flot ne montent pas ». « […] dans le reste des contours des îles, les
propriétaires des « terreins » d’au-dessus ont obtenu des Seigneurs, Gouverneurs, et Intendants, pour le Roi,
des permissions de défricher ces terreins, dont la jouissance leur procurait des facilités pour l’exploitation de
leurs habitations. Ces permissions ont été données gratuitement, sans redevances pour les Seigneurs ni pour le
Roi, et sous la réserve de reprendre les terreins lorsqu’on en aurait besoin pour le service du Roi ou du public ;

77
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Pendant la période de la Révolution française de 1789 et sous le Consulat, la zone des


cinquante pas du roi s’est trouvée appartenir au domaine de la Nation287. Le décret des 22
novembre et 1er décembre 1790288, avait remplacé le domaine de la Couronne par le domaine
de la Nation. L’article 8 dudit décret précisait que « les domaines nationaux et les droits qui
en dépendent sont et demeurent inaliénables sans le consentement et le concours de la
nation »289. Le « code d’aliénation domanial » autorisait la vente des domaines nationaux en
vertu « d’un décret spécial des représentants de la Nation sanctionné par le roi »290.
Mais dans un rapport établi en 1995-1996, Monsieur Jean HUCHON, ancien sénateur,
rappelle que « dès la fin du XVIIIe siècle, les marins, les réparateurs de navires, les
menuisiers, avaient été autorisés par le roi à se loger sur la bande côtière avec leurs familles.
Puis les grands propriétaires fonciers exploitant la canne à sucre, le café et la banane ont
toléré une telle occupation au bénéficie des employés de leurs domaines. Ce mouvement
séculaire s’est renforcé au vingtième siècle, du fait de l’exode rural et de la pénurie de
logements sociaux »291.
Sous la restauration, l’article 34292 de l’ordonnance du 9 février 1827 concernant les
gouvernements de la Martinique, de la Guadeloupe et de ses dépendances, pris en vertu de
l’article 73 de la Charte constitutionnelle du 4 juin 1814293, confirma le régime

mais cette grâce a causé depuis, plusieurs abus de la part de ceux qui l’ont obtenue. Ils ont regardé les terreins
en question comme chose qui leur était devenue propre ; les uns les ont compris dans les ventes du reste de
leurs habitations, d’autres les ont partagés dans les successions, et il y en a eu qui les ont cédés en rentes : en
un mot les 50 pas du Roi ont presque toujours suivi le sort des habitations aux propriétaires desquelles il avait
été permis de les défricher. Cet espace de « terrein » n’a cependant jamais cessé d’appartenir au Roi, et
plusieurs ordonnances rendues en différents temps s’en sont toujours expliquées sur ce pied-là. Le droit des 50
pas du Roi a même été regardé dans tous les temps comme un droit domanial, et comme tel il a été compris
dans tous les baux des Fermiers du Domaine d’occident, depuis 1687 jusqu’en 1733, que les droits de ce
Domaine, qui se percevaient aux colonies, ont été réunis à la marine ».
287
MORAND-DEVILLER (Jacqueline), Cours de droit administratif des biens, Domaine public,
expropriation, travaux publics, Éditions Montchrestien (Paris), 4ème édition, 2006, pp 20 et s.
288
« Code d’aliénation domanial », relatif aux domaines nationaux, aux échanges, concessions et apanages.
289
Une possibilité de prescription de quarante ans était instituée, mais l’article 36 précisait qu’elle n’était
possible que pour les domaines nationaux dont l’aliénation était permise par décrets de l’Assemblée nationale.
Décret cité dans : Commentaires aux Cahiers, Décision n° 2010-96 QPC du 4 février 2011, op cit.
290
BRISSEAU (Olivia), « Le principe d’inaliénabilité à l’épreuve de la révolution française, la perception de
l’œuvre d’art à travers les sélections patrimoniales : objet de commerce ou res sacra ? », thèse présentée en
2012. Extrait en ligne : http://theses.enc.sorbonne.fr/2012/brissaud#2.
291
HUCHON (Jean), Rapport n° 113 (1995-1996) fait au nom de la commission des affaires économiques sur
le projet de loi relatif à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas
géométriques dans les Départements d'outre-mer, p. 8. En ligne : https://www.senat.fr/rap/l95-113/l95-
113mono.html. Consulté le 21 mai 2016.
292
Article 34 paragraphe 5 : « Aucune portion des cinquante pas géométriques réservés sur le littoral ne peut
être échangée ni aliénée ». Article cité dans : Commentaires aux Cahiers, décision n° 2010-96 QPC du 4 février
2011, Commentaires aux Cahiers, (Zone des 50 pas géométriques), op. cit.
293
Charte constitutionnelle du 4 juin 1814. En ligne : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-
constitutionnel/francais/la-constitution/les-constitutions-de-la-france/charte-constitutionnelle-du-4-juin-1814.
5102.html.

78
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité de la zone des cinquante pas géométriques.


L’évolution du statut de la zone des cinquante pas géométriques révèle que celle-ci fût
classée dans un premier temps, dans le domaine public, par l’ordonnance royale du 9 février
1827 pour la Guadeloupe et la Martinique294 et par l’ordonnance du 27 août 1828 pour la
Guyane. Ce statut renforçait sa protection.
Ces rappels historiques, formulés à la lumière de textes anciens, ne font nullement
mention de la reconnaissance d’un droit de propriété ou d’un droit foncier coutumier au
profit des occupants autochtones des territoires concernés. Il est possible toutefois
d’observer l’émergence actuelle d’une forme de reconnaissance d’un droit coutumier dans
certaines collectivités outre-mer. Ainsi, le statut des terres coutumières en Nouvelle-
Calédonie est un exemple de prise en compte de la coutume dans le droit français295. Il en est
de même pour les zones de droits d’usage collectifs (ZDUC) en Guyane, et pour le rôle
fondamental des Cadis à Mayotte, même si des réserves doivent être émis296.
En outre, il est reconnu que l’abolition de l’esclavage et l’exode rural ont favorisé
l’occupation sans titre des dépendances de la zone des cinquante pas géométriques. Un
rapport établi en février 2004 par Gérard BOUGRIER et Catherine BERSANI, portant sur
les cinquante pas géométriques en Guadeloupe et en Martinique, rappelle que « l’abolition
de l’esclavage a naturellement conduit les travailleurs des plantations à se diriger vers les
terres disponibles de la montagne ou du littoral afin de s’y établir, faute, le plus souvent,
des moyens nécessaires pour acquérir des terrains mieux situés »297. Ce rapport précise
qu’« il était illusoire de penser que le littoral et ses cinquante pas puissent rester inviolés
sans disposer des moyens suffisants pour s’opposer à leur occupation »298.

294
GAUDEMET (Yves), Droit administratif des biens, tome 2, LG. D. J. Lextenso éditions, Paris, 14ème édition,
pp. 92 et s. Pour affirmer cela, ce Professeur se réfère à une étude de ROUGON, « Les cinquante pas du Roy
dans les colonies françaises », Rev. Maritime et coloniale, octobre-décembre 1872, p. 772, et à une étude de
BAUDE, « Étude sur les cinquante pas géométriques », 1918. Cette ordonnance ne faisait pourtant aucune
référence expresse à la notion de domanialité publique.
295
LAFARGUE (Régis), magistrat, « Le droit coutumier en Nouvelle-Calédonie », Maison de la Nouvelle-
Calédonie, 2012, Paris. En ligne : www.mncparis.fr/uploads/le-droit-coutumier-en-nouvelle-caledonie2.pdf.
296
Cf. développements infra.
297
BOUGRIER (Gérard), BERSANI (Catherine), « Rapport sur les cinquante pas géométriques en
Guadeloupe et en Martinique », Inspection générale de l'administration, Conseil général des Ponts et
chaussées, février 2004, p. 7. Consulté en ligne, le 21 mai 2016 :
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/054000126.pdf.
298
Ce rapport rappelle que « l’Administration, dès le début du XIXe siècle, a délivré des autorisations
d’installation, en principe révocables, au départ fondées sur de seules motivations économiques », et conclut
que dès lors, la zone des cinquante pas géométriques a été « identifiée dans beaucoup de consciences, comme
étant un territoire qui, n’appartenant en propre à personne (sauf au roi ou à la République), constituait un bien
collectif ouvert ». Ledit rapport rappelle également que des permissions écrites, voire verbales, ont été

79
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Mais, dès la IIIe République, des exceptions ont été apportées au principe
d’inaliénabilité dudit domaine public. Des décrets du Président de la République, pris sur la
base du sénatus-consulte du 03 mai 1854, ont autorisé, sous certaines conditions, la
délivrance de titres de propriété définitifs et incommutables aux occupants des terrains bâtis,
et l’octroi de concessions irrévocables aux occupants des terrains non bâtis299. Ainsi, un
décret n°11-819 du 21 mars 1882 fixa l’étendue de la zone réservée à l’État sur le littoral
dans la colonie de la Guadeloupe300 et disposa dans son article 1er que : « sont modifiées ainsi
qu’il suit les dispositions aux termes desquelles, à la Guadeloupe et dépendances, aucune
portion des cinquante pas géométriques réservés sur le littoral ne peut être échangée ni
aliénée »301. Par ce décret, la zone des cinquante pas géométriques fût classée dans le
domaine privé de l’État. Ce décret autorisait en Guadeloupe la délivrance de titres de
propriété aux détenteurs de terrains bâtis situés dans certaines parties de la zone des
cinquante pas géométriques, et particulièrement dans ses parties urbanisées, dès lors que ces
terrains étaient occupés avant le 9 février 1827 (date à laquelle la zone avait été classée dans
le domaine public), et détenus depuis de manière paisible et publique, ou après cette date,
mais en vertu de « permissions administratives »302. La procédure résultant du décret de

octroyées, parfois même par des autorités non habilitées ou par les occupants eux-mêmes à de proches parents.
Ce serait la raison pour laquelle le statut de la propriété dans ces territoires, « qu’il soit public ou privé, s’est
trouvé très intimement lié au droit des personnes et à l’évolution des mentalités ». Idem, p. 9.
299
Décrets pris sur la base du sénatus-consulte du 03 mai 1854 qui règle la constitution des colonies de la
Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion. Il résulte de l’article 1er de ce texte que « L’esclavage ne peut
jamais être rétabli dans les colonies françaises ». Le Second Empire formula, par le Sénatus-consulte du 3 mai
1854, le régime juridique applicable aux colonies. Il est de coutume de s’y référer comme étant le régime de la
« spécialité législative », selon lequel les colonies ne seraient pas régies par les lois ordinaires applicables à
l’Hexagone, mais par des textes spéciaux, adoptés par l’Empereur sous forme de décrets, pour tenir compte
des spécificités locales, d’où l’expression « Régime des décrets ». Cette dernière précision est tirée d’un article
en date du 24 avril 2008, intitulé « Aimé Césaire et les vieilles colonies : une action politique ambiguë », écrit
par MICHALON (Thierry), Maître de Conférences à l’Université des Antilles et de la Guyane, membre
chercheur auprès du Centre de Recherche sur les Pouvoirs locaux dans la Caraïbe (CRPLC), consulté le 20 mai
2016, sur le site internet : http://www.manioc.org/gsdl/collect/recherch/import/michalon/micaimec.pdf.
300
En visant les ordonnances des 9 février 1827 et 22 août 1833, et le Sénatus-consulte du 03 mai 1854 réglant
la constitution des colonies.
301
Décret n° 11819 du 21 mars 1882, qui fixe l’étendue de la zone réservée à l’État sur le littoral dans la colonie
de la Guadeloupe, publié au J.O. du 7 avril 1882, et annexé avec d’autres documents anciens, au dossier
documentaire sur la zone des 50 pas géométriques, relatif à la décision n° 2010-96 QPC, concernant l’article
5112-3 du CG3P. En ligne : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-
constitutionnel/root/bank/download/201096qpcdoc.pdf.
302
Ce texte de 1882, dans ses articles 2 et suivants, énonce en outre les conditions de délivrance de titres de
propriété par le gouverneur et les conditions d’octroi de concessions irrévocables des terrains non bâtis. Son
article 2 stipule que les détenteurs de terrains à bâtir situés dans les villes, bourgs et villages, sur la zone des
cinquante pas géométriques réservée à l’État, recevront des « titres de propriété définitifs et incommutables »,
notamment pour les terrains occupés antérieurement au 9 février 1827 et détenus publiquement et paisiblement
depuis cette période. Il s’agissait d’une sorte de validation de la possession prolongée. Il en était de même pour
les terrains occupés depuis le 9 février 1827 en vertu de permissions administratives dûment délivrées, ainsi

80
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

1882, supprimant la règle de l’inaliénabilité pour la zone des cinquante pas géométriques en
Guadeloupe, fût étendue à la Martinique par un décret du 4 juin 1887303. Ladite procédure
fût étendue à la Guyane par un décret du 15 septembre 1901304 lui rendant applicable celui
du 21 mars 1882. Cette procédure de délivrance de titres fût étendue à La Réunion par décret
du 13 janvier 1922305.
Par la suite, le décret du 23 avril 1946306 organisa des procédures de régularisation
foncière. Il modifia à la Martinique la législation domaniale en ce qui concerne la réserve
des 50 pas géométriques et abrogea le décret du 4 juin 1887. Le décret de 1946 est intervenu
après le vote de la loi du 19 mars 1946 sur la départementalisation de la Guadeloupe, de la
Martinique, de la Réunion et de la Guyane française307.
L’article 1er du décret de 1946 prévoit que les détenteurs de terrains bâtis dans les
villes, bourgs et villages situés sur la zone des 50 pas géométriques réservés à l’État,
recevront des titres de propriété définitifs et incommutables. Cette disposition visait
particulièrement les détenteurs desdits terrains, occupés antérieurement au 9 février 1827 et
détenus publiquement et paisiblement depuis cette époque, et les détendeurs de terrains
occupés depuis le 9 février 1827, en vertu de permissions administratives dont les conditions
ont été respectées. Pour les autres occupants, il fallait se référer à l’article 3 du décret de
1946 qui prévoyait que les détenteurs de terrains bâtis (quelle que soit la date de construction

que d’autres terrains bâtis énumérés à l’article 3 dudit décret. À cette époque, les terrains bâtis étaient définis
comme étant « les terrains clos attenants aux bâtiments et en dépendant ». Le texte prévoit que les titres de
propriété devaient avoir été délivrés par le gouverneur en conseil privé. Le plan des lieux dûment homologué
était annexé au titre de propriété. Des servitudes pouvaient être stipulées dans l’acte de vente, dans l’intérêt
des tiers et services publics. En outre, l’article 7 du décret de 1882 prévoyait que des concessions irrévocables
de terrains non bâtis pouvaient être accordées, à titre gratuit ou à titre onéreux, par décrets en Conseil d’État,
dans l’intérieur des villes, bourgs et villages. Lesdites concessions devaient d’abord être précédées
d’affichages, d’une enquête de commodo et incommodo, effectuée par l’administration avant la prise de
décision, et de l’avis des services de l’État.
303
CC, n° 2010-96 QPC du 4 février 2011, Commentaires aux Cahiers, p. 8, (Zone des 50 pas géométriques).
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/download/201096qpcccc96qpc.pdf.
304
Le décret du 15 septembre 1901, rendant applicable à la Guyane le décret du 21 mars 1882, fait partie des
références textuelles auxquelles se réfère le décret n° 55-885 du 30 juin 1955 modifiant le statut de la zone dite
« des cinquante pas géométriques » existant dans les Départements d’outre-mer.
305
DUFAU (Jacques), « La zone des 50 pas géométriques dans les DOM », op. cit. Décret du 13 janvier 1922
figurant également dans les visas du décret n° 55-885 du 30 juin 1955 modifiant le statut de la zone dite « des
cinquante pas géométriques » existant dans les Départements d’outre-mer.
306
Décret n°. 46-793 du 23 avril 1946, modifiant à la Martinique la législation domaniale en ce qui concerne
la réserve dite des 50 pas géométriques, publié au J. O. du 7 avril 1882, et annexé avec d’autres documents
anciens, au dossier documentaire sur la zone des 50 pas géométriques, relatif à la décision n°. 2010-96 QPC,
concernant l’article 5112-3 du CG3P. En ligne : http://www.conseil-constitutionneLfr/conseil-
constitutionnel/root/bank/download/201096QPCdoc.pdf.
307
Loi n° 46-451 du 19 mars 1946, tendant au classement comme département français de la Guadeloupe, de
la Martinique, de la Réunion et de la Guyane française. En ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.
do?cidTexte=JORFTEXT000000868445. Cette loi était portée par plusieurs élus de renom : Aimé CESAIRE,
Léopold BISSOL, Gaston MONNERVILLE et Raymond VERGES.

81
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

des bâtiments), situés à l’intérieur des limites des villes, bourgs et villages dans la zone des
50 pas géométriques,308 qui ne remplissaient pas les conditions de régularisation foncière de
l’article 2 du décret, et ceux de terrains bâtis situés en dehors des limites sus dites, pourront
recevoir des titres de propriété aux conditions fixées à l’article 9 dudit décret309. L’article 6
du décret du 23 avril 1946 prévoit la possibilité pour le gouverneur d’accorder, dans la zone
des 50 pas géométriques, dans l’intérieur des villes, bourgs et villages, des concessions
irrévocables de terrains non bâtis, à titre gracieux ou onéreux, par décrets pris en Conseil
d’État, aux conditions de l’article 9310. Un plan des lieux (actuel plan de bornage), devait être
joint aux titres de propriété et concessions délivrés311.

2) À la Réunion, un statut originel de la zone des cinquante pas


géométriques favorable à la régularisation foncière par titrement

Il est spécialement fait mention de la zone des cinquante pas géométriques, concernant
La Réunion anciennement dénommée « île Bourbon », dans une lettre du Directeur de la
Compagnie des Indes au Gouverneur DESFORGES-BOUCHER, datée du 9 novembre
1723312. Les cinquante pas de la Compagnie y sont dénommés « cinquante pas du Roi »313 et
correspondent à une bande de 81,20 mètres de large314. Mais de nombreuses concessions
continuèrent à être accordées à La Réunion, sans mention de la réserve des cinquante pas
géométriques dans les titres de propriété315.

308
Laquelle limite est fixée par décrets délibérés en Conseil d’État ainsi qu’il résulte de l’article 8 dudit décret.
309
L’article 9 du décret du 23 avril 1946 prévoit que la délivrance des titres de propriété de l’article 3, l’octroi
des concessions de l’article 6, et l’établissement des servitudes et la fixation des limites de l’article 8, seront
effectués après affiches, enquête de commodo et incommodo, et avis de différents services de l’État (Génie
militaire, marine, douanes, ponts et chaussée). En outre les arrêtés du gouverneur délivrant les titres ou
octroyant les concessions devaient être pris après avis d’une commission désignée par le gouverneur et présidée
par un représentant de l’administration des Domaines.
310
Ces conventions devaient être accordées à titre précaire, et révocables sans indemnité à première réquisition,
et assujetties au versement d’une redevance annuelle révisable, prévue par l’arrêté de concession.
311
Décret n° 46-793 du 23 avril 1946, modifiant à la Martinique la législation domaniale en ce qui concerne la
réserve dite des 50 pas géométriques, publié au J.O. du 7 avril 1882, et annexé avec d’autres documents anciens,
au dossier documentaire sur la zone des 50 pas géométriques, relatif à la décision n° 2010-96 QPC, concernant
l’article 5112-3 du CG3P. En ligne : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-
constitutionnel/root/bank/download/201096QPCdoc.pdf.
312
Cette lettre précise ce qui suit : « Dans les terres que vous concéderez à l’avenir au nom de la Compagnie,
vous conserverez, le long du bord de mer, cinquante pas de cinq pieds chacun de profondeur, que vous
nommerez les cinquante pas de la Compagnie, à l’instar de ce qui se pratique dans les colonies françaises
d’Amérique, sans permettre d’abattre les bois qui se trouvent sur ce terrain et qui sont la sûreté de la Colonie »
et peut être consultée aux Archives Départementales de La Réunion, C° 20.
313
MAS (Jean), « Droit de propriété et paysage rural de l’Ile de Bourbon », 1971, p. 122.
314
1 pied du Roi = 0,3248 mètre, donc 1 pas géométrique = 1,624 mètres, in FORTIER (M.), La délimitation
du domaine public à l’île de la Réunion, p. 45.
315
FORTIER (Mélanie), La délimitation du domaine public à l’île de la Réunion, mémoire de fin d’études pour
l’obtention du diplôme d’ingénieur de l’École Supérieur des Géomètres et Topographes, soutenu le 30 juin
2005, p. 45 et s.

82
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

La zone des cinquante pas géométriques de La Réunion trouva son véritable


fondement dans un arrêté du capitaine général DECAEN, daté du 05 mai 1807, qui l’étendit
à toutes les côtes de l’île en rappelant son appartenance au domaine public316. Mais ce texte
n’ayant pas d’effet rétroactif, toutes les concessions établies avant 1807 ont pu faire l’objet
de prescriptions acquisitives317. Des textes postérieurs, dont l’article 33 alinéa 5 de
l’ordonnance organique du 21 août 1825 relative au gouvernement de l’île de la Réunion et
le décret du 05 août 1839, confirment toutefois le caractère inaliénable de la zone des
cinquante pas géométriques318. La largeur de la zone des cinquante pas géométriques y est
restée constante, ce qui ne fut pas le cas pour les Antilles, malgré la difficulté à fixer la limite
intérieure de cette réserve. Cette problématique a donné lieu à diverses interprétations
auxquelles l’arrêté « DECAEN » a mis fin en précisant que la limite intérieure de la réserve
est « la ligne des rivages baignés par la haute mer aux grandes marées »319.
L’arrêté gubernatorial320 du 04 mai 1876321 procéda à la délimitation de la zone des
cinquante pas géométriques (ZPG) à La Réunion, rendant caduque l’arrêté « DECAEN ».
Le but des délimitations opérées par l’arrêté gubernatorial de 1876 visait à préciser l’emprise
du chemin de fer de La Réunion (CFR)322. Avant 1876 peu de délimitations eurent lieu. Entre
1876 et 1879 des bornes furent posées à 81,20 mètres minimum de la limite supérieure du
rivage sur la totalité du littoral, sauf le long de la falaise située entre La Possession et Saint-
Denis, ainsi qu’au niveau des laves du Grand-Brûlé, en raison de leur caractère inaccessible

316
Cet arrêté maintient pour « l’île de Bourbon » (la Réunion), les réserves des bords de mer dites des 50 pas
géométriques.
317
L’arrêté du capitaine général DECAEN, du 5 mai 1807 figure d’ailleurs dans les visas du décret n° 55-885
du 30 juin 1955 relatif à l'introduction dans les Départements de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la
Martinique et de la Réunion, de la législation et de la réglementation, métropolitaines concernant le domaine
public maritime et l'exécution des travaux mixtes, et modifiant le statut de la zone des cinquante pas
géométriques existant dans ces Départements. Il fait partie des textes qui permettent une meilleure
compréhension du décret qui en porte la modification.
318
L’ordonnance organique du 21 août 1825 relative au gouvernement de l’île de la Réunion (article 33 alinéa
5) et le décret du 5 août 1839, font partie des références textuelles auxquelles se réfère le décret n° 55-885 du
30 juin 1955 modifiant le statut de la zone dite « des cinquante pas géométriques » existant dans les
Départements d’outre-mer.
319
L’arrêté du Capitaine général DECAEN, du 5 mai 1807 fait partie des références textuelles auxquelles se
réfère le décret n° 55-885 du 30 juin 1955 modifiant le statut de la zone dite « des cinquante pas géométriques »
existant dans les Départements d’outre-mer.
320
Émanant du Gouverneur.
321
Arrêté gubernotarial du 4 mai 1876, figurant en annexe 4 d’un mémoire de Master II, rédigé par BONERE
(Stéphanie), sur « La gestion du domaine public maritime naturel à La Réunion : les problèmes juridiques
soulevés par la « zone des cinquante pas géométriques », soutenu en 2011-20012.
322
Destiné à relier Le Port à Saint-Benoît et à Saint-Pierre.

83
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

depuis la mer323. À la suite de ces opérations de bornage, des plans de délimitation de la


réserve furent dressés par le Génie de la Marine et approuvés par le Gouverneur en Conseil
privé324. Cette délimitation n’eut pas lieu dans les autres collectivités situées outre-mer.
À la suite du décret du 13 janvier 1922, étendant la procédure résultant du décret du
21 mars 1882 à La Réunion, diverses parcelles comprenant partie de l’emprise du CFR furent
vendues à des particuliers, tout en demeurant grevées de servitudes de passage. Le décret de
1922 autorisait l’aliénation des terrains situés dans la ZPG de La Réunion, en vue de
favoriser la régularisation foncière des occupants y installés, à certaines conditions325, ainsi
qu’en témoigne la jurisprudence du Conseil d’Etat326. De nombreuses régularisations
foncières par cession ont donc été effectives à La Réunion dès l’année 1922.

3) À Mayotte, un statut d’occupation de la zone des cinquante pas


géométriques impacté par le droit coutumier

La situation d’occupation originelle de la zone des cinquante pas géométriques à


Mayotte fût différente, car cette collectivité n’est devenue française que tardivement, ainsi
qu’en témoigne son histoire institutionnelle. Cette histoire rappelle pourquoi la
régularisation foncière s’y révéla d’application plus complexe.
Dans la zone des cinquante pas géométriques de Mayotte, il existe de nombreux
villages côtiers, installés dès avant le traité de cession de l’île de Mayotte à la France par le
Sultan local, ANDRIANTSOLI, du 25 avril 1841327. Il résulte de l’article 6 de ce traité, que
« les terres non reconnues propriétés particulières appartiennent de droit au gouvernement
français qui seul pourra en disposer ». Or, cette proportion était très importante, compte tenu

323
FORTIER (Mélanie), La délimitation du domaine public à l’île de la Réunion, pp. 45 et s, op. cit. Des
délimitations eurent lieu à Saint-Benoît en 1859, à Saint-Pierre en 1863, à Saint-Leu entre 1874 et 1875. La
limite supérieure de la zone des cinquante pas géométriques longe le contour des dépendances du domaine
public maritime, notamment lorsque celles-ci interrompent la largeur de la zone. C’est le cas concernant l’étang
de Saint-Paul.
324
FORTIER (Mélanie), La délimitation du domaine public à l’île de la Réunion, op cit, p. 45 et s.
325
La vente pouvait porter tant sur des parcelles de terrain bâti cédées aux occupants en application d’un droit
de préférence, que sur des terrains nus, par le biais de procédures d’adjudications. Les titres délivrés, dits
« définitifs et incommutables », mentionnaient l’institution d’une servitude de passage pour le service des
Douanes, la petite pêche et la voie ferrée. .
326
CE, 10 mai 1996, S. C. I. « Le Rayon vert ». En ligne : https://juricaf.org/arret/france-conseildetat-
19960510-140027.
327
BERTILE (Wilfrid), Mayotte à l’heure de la départementalisation, Ed. L’Harmattan, Paris, 2012. Edition
numérique, emplacement 629 sur 5247 : Traité du 25 avril 1841, signé entre le Sultan ANDRIANTSOLY et le
Commandant Pierre PASSOT, aux termes duquel l’île de Mayotte fût cédée à la France en contrepartie d’une
indemnité annuelle de 1000 piastres, dans un climat de conflits entre sultans locaux, notamment de conflit entre
le sultan ANDRIANTSOLY qui régnait à Mayotte et les autres îles des Comores, dont l’île d’Anjouan. Lequel
ANDRIANTSOLY n’était officiellement, que gouverneur de Mayotte pour le compte du sultan d’Anjouan.

84
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

du faible peuplement de l’île à l’époque328. En vertu de la définition classique et civiliste du


droit de propriété, l’Etat français considère que « toute terre présumée sans maître revient à
la colonie qui peut les concéder à des planteurs », à défaut de manifestation, à partir de 1844,
des « propriétaires terriens traditionnels »329. La situation foncière à Mayotte est impactée
par un droit coutumier musulman inspiré du droit coranique330. Le fonctionnement de la
société mahoraise traditionnelle est dominé par des principes de prééminence du groupe sur
l’individu, de matrilinéarité331 et de matri localité332. La tradition orale y a prédominé y
compris dans les échanges fonciers.
Dans un rapport du 05 novembre 2012333, Roland LAZERGES observe qu’une grande
partie du territoire Mahorais a été attribué à des sociétés de plantations par l’Etat français,
en vertu de contrats de concessions, au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle.
Les traces de ces concessions demeurent encore, en présence de grands tènements fonciers
titrés, appartenant à des sociétés privées, morcelés ou retombés dans le domaine du
département de Mayotte, propriétaire de près de 60% du foncier de l’île334. Wilfrid BERTILE
dénonce le manque de respect des obligations découlant de ces concessions par les
bénéficiaires qui, malgré cela, à partir de 1864, ont pu devenir propriétaires335.
Le droit foncier mahorais est largement régi par le droit coutumier islamique, auquel

328
Environ 3000 personnes à l’époque. Voir LAZERGES (Roland), Mise en œuvre de l’aménagement foncier
à Mayotte, Rapport n° 12129 du 5 novembre 2012, Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des
espaces ruraux (CGAAER), p. 9, 36 pp.
329
BERTILE (Wilfrid), Mayotte à l’heure de la départementalisation, emplacement 722 sur 5247, op. cit.
330
BERINGER (Hugues), JurisClasseur Collectivités territoriales (JCCT), Mayotte, Fasc. 462-15 et ss. La
population Mahoraise est en grande partie musulmane, et beaucoup de Mahorais relevaient d’un statut civil de
droit local fondé sur le droit coranique et des coutumes africaines et malgaches, auquel ils peuvent renoncer
au profit du statut civil de droit commun, caractérisé par l’interdiction de la polygamie, l’impossibilité de
répudiation de la femme par le mari, l’égalité homme-femme en matière successorale, etc. La religion
musulmane fût implantée à Mayotte au XVe siècle où elle occupe une place majeure, 95 % des Mahorais étant
musulmans et de rite sunnite. Cf. : www.outre-mer.gouv.fr/mayotte-histoire, consulté le 25 février 2018.
331
La filiation est définie dans la lignée maternelle. La résidence de la famille est chez la mère.
332
Pour aller plus loin : BALARELLO (José), Rapport du Sénat n° 361, annexé au procès-verbal de la réunion
du 16 juin 2001, fait « au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du Règlement et d'administration générale, sur le projet de loi adopté par l’assemblée nationale
après déclaration d’urgence, relatif à Mayotte », pp 23 et ss. Précision étant faite que la filiation est définie
dans la lignée maternelle.
333
LAZERGES (Roland), Mise en œuvre de l’aménagement foncier à Mayotte, Rapport n° 12129, 5 novembre
2012, Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), p. 9, 36 pp.
334
Il observe qu’en 1843, la France a accepté la proposition du Sultan de placer Mayotte sous sa souveraineté,
mais que vraisemblablement le motif était le souci pour la marine française de posséder un mouillage dans
l’océan indien, car, après les traités de 1815, la France ne possédait plus dans la région que l’île de La Réunion,
dont les côtes ne facilitaient pas les installations portuaires. La mise sous protectorat français des îles
d’Anjouan, Mohéli et Grande Comores, et la colonisation de Madagascar ont lieu postérieurement. explique
les modalités de la cession de Mayotte à la France
335
BERTILE (Wilfrid), Mayotte à l’heure de la départementalisation, éditions « L’Harmattan », Paris, 2012.
Edition numérique, emplacement 722 sur 5247, op. cit.

85
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

viennent s’ajouter les effets du décret du 28 septembre 1926 régissant le domaine de


Madagascar336. Il s’agit d’un droit non écrit reconnaissant la propriété collective familiale ;
droit en vertu duquel les divisions et cessions de propriétés se faisaient oralement, par le
biais des cadis pour les transactions monétarisées ou les successions, et de toute manière en
dehors de tout enregistrement écrit337. Dans son ouvrage « Mayotte à l’heure de la
départementalisation »338, Wilfrid BERTILE expose les particularités de ce droit coutumier,
et de son fondement dans le droit musulman et à la « justice cadiale »339. Cet aspect du droit
mahorais est évoqué dans le rapport législatif du Sénat relatif à Mayotte, qui rappelle le
processus de « vivification des terres mortes », règle du droit coutumier musulman attribuant
le droit de propriété à l’agriculteur qui défriche le sol340.
Pour favoriser la régularisation foncière à Mayotte, l’État a permis l’octroi
d’autorisations d’occupations temporaires (AOT), en raison du caractère imprescriptible,
inaliénable et insaisissable de la zone, sauf dérogation spéciale assortie de délimitation et de
déclassement. Or, l’AOT, étant un titre précaire par définition même, l’État pouvait y mettre
fin à tout moment. Cette situation historique fût de nature à générer des tensions à Mayotte.
Pour faciliter le passage du droit coutumier au droit civil français fondé sur la
prééminence du droit de propriété individuel, une ordonnance du 1er octobre 1992341 facilita
l’adaptation à la Collectivité départementale de Mayotte (CDM), de dispositions permettant
l’installation et la conservation d’un Cadastre. Une mission de régularisation foncière
globale fût confiée au Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations
agricoles (CNASEA)342 devenu, depuis 1998343, l’opérateur foncier de la CDM.
La zone des cinquante pas géométriques de Mayotte a été délimitée par arrêté

336
Il résulte donc de la combinaison du droit musulman et du droit oral ancien issu du système tribal et
matrilinéaire hérité des origines africaines ; lequel droit tribal préexistait à l’arrivée des musulmans et a été
évincé au profit du sultanat.
337
LAZERGES (Roland), Mise en œuvre de l’aménagement foncier à Mayotte, Rapport n° 12129, 5 novembre
2012, Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), p. 9, 36 pp.
338
BERTILE (Wilfrid), Mayotte à l’heure de la départementalisation, Ed. L’Harmattan, Paris, 2012, op cit.
339
Il explique ainsi la différence de conception du droit de propriété en France et à Mayotte, car pour le droit
français le droit de propriété rend la chose susceptible d’appropriation privée, étant un droit réel principal
conférant à son titulaire, le propriétaire, le droit de jouir, d’abuser et de disposer de son bien (usus, abusus et
fructus), alors qu’en droit Mahorais un bien doit être profitable à tous.
340
BALARELLO (José), Rapport n° 361, Sénat, session ordinaire de 2000-2001, « Rapport déposé le 6 juin
2000, fait au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de la législation, du suffrage universel, du
Règlement et de l’administration générale, sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après
déclaration d’urgence, relatif à Mayotte ». Consulté en ligne le 15 mai 2018 : https://www.senat.fr/rap/100-
361/100-36111.html. Loi relative à Mayotte, n° 2001-616, du 11 juillet 2001, JO n° 161 du 13 juillet 2001.
341
Ordonnance 92-1069 du 1er octobre 1992.
342
LAZERGES (Roland), Mise en œuvre de l’aménagement foncier à Mayotte, Rapport n° 12129 du 5
novembre 2012, op cit., pp 10 et s. et 36.
343
Ordonnance 98-520 du 24 juin 1998.

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préfectoral n° 200/SG/DSP du 06 août 2002 délimitant le domaine public maritime344. La


partie naturelle de ladite zone relève de la gestion du Conservatoire du littoral (CDL)345.

4) En Guyane française, une zone des cinquante pas géométriques


résiduelle

La zone des cinquante pas géométriques, originellement limitée en Guyane, est


résiduelle, car la question foncière y est spécifique, l’État français possédant plus de 90 %
des terres pour des raisons historiques346. La Guyane française a une population
multiculturelle, caractérisée notamment par l’existence, antérieure à l’arrivée des colons, de
peuples autochtones qui sont des communautés traditionnelles ayant un rapport particulier à
la terre et une conception collective du droit de propriété347. En raison de la colonisation,
leurs droits fonciers se sont trouvés réduits. La différence de conception du droit de propriété
entre l’Etat français et les peuples autochtones, a favorisé une forme de captation du foncier
privé guyanais par l’Etat français.
De plus, la pratique de « l’Inini », système « politico-administratif » permet, à partir
de 1930, une forme d’appropriation de la Guyane par la France348. La mise en place de zones
de droits d’usages collectifs (ZDUC) et de procédures de concessions et cessions
conditionnées, ne répondent pas complètement aux revendications locales, l’Etat demeurant
encore un très gros propriétaire foncier en Guyane.
La zone des cinquante pas géométriques de la Guyane française est très limitée à ce
jour, de nombreux titres de propriété ont été délivrés aux occupants dans les années 1955 à
1986. Mais la disparition d’une partie des archives de la Guyane ne favorise pas la
régularisation foncière dans ce territoire349. Toutefois, l’histoire et la délimitation de ladite
zone en Guyane se rapprochent de celles de la Guadeloupe, de la Martinique et de La
Réunion, la Guyane étant l’une des « quatre vieilles » colonies françaises.
En définitive, l’érection des quatre anciennes colonies d’outre-mer que sont la
Guadeloupe, la Martinique, le Guyane et La Réunion, en départements d’outre-mer, n’a pas

344
CLEMENT (Denis) et MORIN (Georges-André), Les 50 pas géométriques naturels des outre-mer,
préservation de la biodiversité et maîtrise foncière, Rapport établi en novembre 2015, Ministère de l’écologie,
du développement durable et de l’énergie et du Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt,
pp. 50 et ss, 124 pp.
345
401 hectares sont remis en gestion au CDL et 1835 hectares relèvent de ladite gestion. Cf. LAZERGES, op.
cit. pp. 48 et 49.
346
Ces terres sont majoritairement composées de forêts.
347
Les Amérindiens et les Bushinenge réclament le respect de leur droit à la terre.
348
Elle consiste, pour l’Etat français, à « rencontrer et attirer les tribus pour fixer les frontières ».
349
CLEMENT (Denis) et MORIN (Georges-André), Les 50 pas géométriques naturels des outre-mer,
Préservation de la biodiversité et maîtrise foncière, op cit., pp 43 et ss.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

modifié le statut juridique de la réserve domaniale des cinquante pas géométriques.


L’extension aux dits départements de la législation et de la réglementation métropolitaines
sur la gestion du domaine, n’a pas eu d’effet sur ce statut. Sous la IVe République, la zone
dite « des cinquante pas géométriques ou des cinquante pas du roi », est donc toujours
considérée comme une dépendance du domaine public de l’Etat, ainsi que le rappelle un avis
rendu par la section des finances du Conseil d’Etat, le 20 janvier 1953350.
Il convient donc de s’intéresser aux conséquences de l’intégration transitoire de la zone
des cinquante pas géométriques dans le domaine privé de l’État, par le décret de 1955 (B).

B. INTÉGRATION DE LA ZONE DANS LE DOMAINE PRIVÉ DE


L’ÉTAT PAR LE DÉCRET DE 1955 : UN LEVIER DE
RÉGULARISATION FONCIÈRE INACHEVÉ

Le décret-loi n° 55-885 du 30 juin 1955 a été pris sur la base d’une loi d’habilitation
du 2 avril 1955351, afin de favoriser le développement économique et touristique des
départements d’outre-mer. Il a procédé au transfert de la zone des cinquante pas
géométriques dans le domaine privé de l’État352. Il a eu des effets attendus et inattendus.

1) Principes du transfert dans le domaine privé

Pour le transfert des cinquante pas géométriques dans le domaine de l’Etat, l’idée était
de favoriser l’utilisation de la zone à des fins agricoles, industrielles et commerciales. Des
cessions de terrains dépendant de la zone des cinquante pas géométriques ont notamment été
autorisées au profit de sociétés d’équipement et au profit de promoteurs, en vue de
l’aménagement de sites touristiques et de l’implantation d’établissements hôteliers. À cette
fin, le décret de 1955 a défini de manière précise l’étendue de la zone, comme étant une
bande de terrain déjà délimitée à La Réunion, et d’une largeur de 81,20 mètres comptée à
partir de la limite du rivage de la mer, à la Martinique, à la Guadeloupe et en Guyane.
Une vaste opération de régularisation foncière eut lieu par l’intermédiaire des
dispositions du décret n° 55-885 du 30 juin 1955, car il s’agissait aussi pour le législateur,

350
CE, Ass., 13 juin 1975, « Sieur PAJANIANDY » n° 90370, Rec. p. 350. Arrêt cité par Mme GREVISSE,
commissaire du gouvernement, dans ses conclusions sur cette décision. V. également : CC, DC n° 2010-96
QPC du 4 février 2011, Commentaires aux Cahiers, (Zone des 50 pas géométriques). http://www.conseil-
constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/download/201096qpcccc96qpc.pdf. p. 8.
351
La loi n° 55-349 d’habilitation du 2 avril 1955 accordant au Gouvernement des pouvoirs spéciaux en matière
économique, sociale et fiscale, publiée au JORF du 3 avril 1955 page 3289.
352
LUCE (E. P.), La réserve domaniale dite des cinquante pas géométriques, AJDA 1982, 236.

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DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

de favoriser la régularisation foncière de l’occupation sans titre de la zone des cinquante pas
géométriques (ZPG), pour tenir compte des occupations privatives antérieures à l’entrée en
vigueur du décret de 1955. À cet effet, la ZPG fût classée dans le domaine privé de l’Etat, et
un organe juridictionnel nouveau, la Commission de vérification des titres, fût créé.
Le transfert de la ZPG dans le domaine privé de l’Etat s’est réalisé par exception aux
règles gouvernant le domaine public maritime, avec pour objectif notamment de faciliter la
régularisation foncière. Les parcelles appartenant déjà à des particuliers en vertu de titres
antérieurs au dit décret et reconnus valables par la commission juridictionnelle créée, étaient
épargnés par ce transfert, car n’appartenant pas à l’Etat.
Cette période a aussi consacré la création des « forêts domaniales du littoral » (FDL)
par affectation d’une partie de la zone naturelle de la ZPG au Ministère de l’agriculture et
par leur remise en gestion à l’Office national des forêts (ONF)353.
Eu égard aux décrets précités du 21 mars 1882 pour la Guadeloupe, du 4 juin 1887
pour la Martinique, du 15 septembre 1901 pour la Guyane Française, et du 13 janvier 1922
pour La Réunion, autorisant la délivrance de titres de propriété aux détenteurs de terrains
bâtis situés dans les parties urbanisées de la zone des cinquante pas, cette disposition de 1955
est venue confirmer une volonté politique de privatisation de la zone des cinquante pas
géométriques, dans un objectif d’adaptation aux réalités et problématiques locales.
Toutefois, dans un avis du 17 décembre 1885, confirmé par un autre avis du 20 janvier
1953, le Conseil d’État considère que le régime juridique du décret de 1882 laissait subsister
la domanialité publique et le principe d’inaliénabilité354.
Le transfert de la zone, opéré par le décret de 1955, du domaine public au domaine
privé, comportait deux exceptions prévues à l’article 4 du décret, dont la première constitua
une reconnaissance expresse par l’État de droits de propriété privatifs sur la zone, confirmant
l’ambiguïté du statut de la zone des cinquante pas géométriques. La première exception
concernait les parcelles appartenant en toute propriété à des particuliers ou à des organismes
publics ou privés, en vertu de titres antérieurs au décret du 30 juin 1955. Ces titres pouvaient
être reconnus valables par la Commission de vérification des titres créée par ce décret-loi. Il
s’agissait de reconnaître le droit de propriété des particuliers et organismes sur la zone, et de
conforter des situations de propriété anciennes. La seconde exception concernait les

353
CLEMENT (Denis) et MORIN (Georges-André.), Les 50 pas géométriques naturels des outre-mer,
Préservation de la biodiversité et maîtrise foncière, op cit. p. 14. En ligne : http://www.cgedd.developpement-
durable.gouv.fr/IMG/pdf/010031-01rapport_cle22b331.pdf
354
GAUDEMET (Yves), Droit administratif des biens, tome 2, LGDJ, op cit., pp. 92 et ss.

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DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

immeubles relevant du régime de la domanialité publique par nature ou par destination, qui
dès lors, ne pouvaient être déclassés pour faire partie du domaine privé de l’État.
La disparition des circonstances ayant originellement justifié la création de la zone des
cinquante pas géométriques et imposé certains principes protecteurs, semblait avoir été à
l’origine du changement de statut juridique de 1955. Cette zone apparaissait comme la survie
d’un mode de gestion ancien, anachronique et préjudiciable au développement économique
et touristique de l’outre-mer, caractérisé alors par une explosion démographique355. Pour le
législateur de 1955, l’intégration de la zone dans le domaine privé de l’État, semble
incontournable.
Avec le décret de 1955 on assiste donc à une levée du bouclier de protection
traditionnellement constitué par les principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité
applicables au domaine public maritime. Pour le professeur LUCE, comme pour une partie
de la doctrine, par son intégration au domaine privé de l’État, la zone des cinquante pas
géométriques était devenue essentiellement aliénable et prescriptible356. De ce fait, elle
pouvait faire l’objet d’actes de disposition de la part de l’État, son propriétaire. Celui-ci
pouvait en disposer par actes de cessions à titre onéreux, notamment consentir des promesses
de vente, des ventes, des échanges, et tous actes de disposition, portant sur des terrains
dépendant de ladite zone, comme pour tout terrain privé. Il résulte objectivement de cette
domanialité privée qu’en raison de son appartenance au domaine privé de l’État en vertu du
décret de 1955, les terrains dépendant de ladite zone pouvaient théoriquement faire l’objet
de procédures de prescriptions acquisitives.
Ces effets juridiques attendus de la législation de 1955 laissaient présager trois volets
de régularisation foncière plausibles. Tout d’abord des procédures de régularisation foncière,
qui pourraient être qualifiées de régularisations actives, seraient rendues possibles par des
cessions à titre onéreux par l’État en vertu des articles 8 et 9 du décret de 1955. Ensuite des
procédures de régularisation foncière semi-actives pourraient avoir lieu par validation de
titres de propriété déjà détenus par les occupants dans la zone des cinquante pas
géométriques, par le biais de la Commission de vérification des titres, instituée en vertu de
l’article 10 du décret du 30 juin 1955. Enfin, des procédures de régularisation foncière
passives pourraient être envisagées par l’admission du jeu de la prescription trentenaire, au
profit des occupants, dans les conditions de l’article 5 du décret de 1955 sus visé, qui

355
ROSIER (Guy), « L’enracinement créole, Chronique de l’extinction du régime colonial aux Antilles
françaises : la zone des cinquante pas géométriques », Éditions L’Harmattan (Paris), 2006, p. 7, 125 pages.
356
LUCE (E. P.), La réserve domaniale dite des cinquante pas géométriques, AJDA 1982, 236.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

énonçait à ce propos que « dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane française


et de la Martinique, les prescriptions prévues par les articles 2262 à 2265 du Code civil ne
pourront, éventuellement, commencer à courir au profit des occupants des terrains de la
zone des cinquante pas géométriques qu’à partir de la date de clôture des opérations de
délimitation de la réserve »357. Cette date étant fixée par arrêté interministériel.

2) Des effets juridiques différents aux Antilles, à la Guyane et à La


Réunion

Toutefois, ces effets juridiques, espérés par le changement de statut juridique de la


zone des cinquante pas géométriques, ne se manifestèrent pas, en raison de l’absence de
clôture des opérations de délimitation de la zone. Cette date devait être fixée par un arrêté
interministériel qui ne fût jamais adopté. Cette carence de l’État est de nature à engager sa
responsabilité, dans la mesure où certains occupants sans titre, remplissant les conditions
légales requises pour faire jouer la prescription acquisitive à leur profit, ont été
automatiquement privés de cette opportunité, pour une raison dont la réalisation dépendait
uniquement de l’action des services de l’État. Les conséquences furent dommageables pour
les occupants sans titre de la zone, pouvant prétendre à la prescription acquisitive.
À La Réunion, les choses se sont déroulées différemment, la zone des cinquante pas
géométriques y ayant déjà été délimitée, ainsi que le rappelle l’article 3 du décret du 30 juin
1955. Une procédure de délimitation administrative y avait été engagée au cours des années
1876 à 1879, conformément à l’arrêté gubernatorial du 4 mai 1876. Cette délimitation
administrative, portant sur la totalité du territoire réunionnais, avait été concrétisée par
l’implantation de bornes, à l’exception du secteur des Laves du Grand Brûlé au sud et de la
falaise comprise entre La Possession et Saint-Denis au nord de l’île358.
En conséquence, contrairement à ce qui s’est passé dans les autres départements
d’outre-mer, l’existence d’une délimitation préexistante à La Réunion avait facilité
l’application du décret du 13 janvier 1922. Sous l’empire dudit décret, de nombreux arrêtés
gubernatoriaux359 conférèrent des titres de propriété « définitifs et incommutables » aux
détenteurs de terrains bâtis à La Réunion. Les terrains non bâtis furent vendus aux enchères.

357
Article 5 Décret n°55-885 du 30 juin 1955 relatif à l'introduction dans les départements de la Guadeloupe,
de la Guyane française, de la Martinique et de la Réunion, de la législation et de la réglementation,
métropolitaines concernant le domaine public maritime et l'exécution des travaux mixtes, et modifiant le statut
de la zone dite "des cinquante pas géométriques" existant dans ces départements.
358
LUCE (E-P), La réserve domaniale dite des « cinquante pas géométriques », op cit.
359
Arrêtés contresignés par le chef du Service des Domaines.

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Le statut juridique de la zone s’était trouvé transformé par l’application qui lui fut faite de
la réglementation dérogatoire, avec la seule réserve que les propriétés ainsi constituées
supportent les servitudes nécessaires à la garantie de l’intérêt des tiers et des services publics,
notamment des droits de passages. On a pu décompter de nombreuses adjudications de 1927
à 1954 dans la partie ouest de l’île Bourbon à La Réunion. Ces adjudications portèrent sur
plus de 636 hectares répartis en 1470 lots360.
En raison de la perte de leur caractère d’inaliénabilité, en 1955, les vente de terrains
dépendant de la zone des cinquante pas géométriques furent très importantes à La Réunion,
qui avait pu bénéficier de la délimitation antérieure de son territoire361.
Toutefois, les textes antérieurs, du décret du 21 mars 1882 au décret du 13 janvier
1922, furent abrogés par la législation du 30 juin1955. En effet, dans les autres collectivités
situées outre-mer, ces textes organisaient la délivrance de titres de propriété « définitifs et
incommutables » et l’octroi sur les terrains non bâtis de « concessions irrévocables » aux
occupants de terrains bâtis. Ces textes furent, rappelons-le, pour la Guadeloupe le décret du
12 mars 1882, pour la Martinique le décret du 4 juin 1887, et pour la Guyane le décret du 15
septembre 1901, tous sus visés, quoique, pour le Conseil d’État, le régime juridique du décret
de 1882 laissait subsister la domanialité publique et le principe d’inaliénabilité362. Ces textes
antérieurs furent abrogés en 1955. Les quatre départements d’outre-mer d’alors étaient
concernés par la réforme de 1955363 qui n’a pas eu les effets juridiques escomptés.
La responsabilité de l’État se trouvait visiblement engagée en l’espèce, car la condition
fixée comme point de départ pour la prescription trentenaire et le déclassement des terrains
de la zone dans le domaine privé de l’État, c’est-à-dire « l’arrêté fixant la date de clôture des
opérations de délimitations », était une condition qui ne dépendait que de la volonté de l’une
des parties (l’État), qui n’a pu y donner suite, sans qu’aucune sanction ait été prévue.
Or, la réserve des cinquante pas géométriques devait impérativement être délimitée
avant d’être déclassée du domaine public. Par la délimitation et la procédure de
déclassement, l’ensemble de la ZPG entrerait dans le domaine privé de l’État, rendant les
terrains en dépendant aliénables et prescriptibles, dès la clôture des opérations de
délimitation. Les effets de ce décret furent limités, notamment en Martinique et en

360
FORTIER (Mélanie), La délimitation du domaine public à l’île de la Réunion, p. 51 et s., mémoire soutenu
le 30 juin 2005, pour l’obtention du diplôme d’ingénieur de l’École Supérieur des Géomètres et Topographes.
361
Cf. : https://agence50pas972.org/agence-des-50-pas-geometriques/definition-et-historique/.
362
CE, Avis du 17 décembre 1885, confirmé par avis du 20 janvier 1953, in GAUDEMET (Yves), Droit
administratif des biens, tome 2, op cit., pp. 92 et s.
363
Mayotte, devenu département d’outre-mer très récemment, n’était pas concerné.

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Guadeloupe. L’opération de délimitation préalable n’ayant pas eu lieu dans ces


départements, les terrains de la zone y demeurèrent inaliénables et imprescriptibles.
Il est important de noter d’ores et déjà à cet égard, que la « loi littoral » du 03 janvier
1986, dont l’apport sera analysé ci-après, n’a pas modifié les limites de la zone des cinquante
pas géométriques. Les délimitations du rivage de la mer opérées dans les départements de la
Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique et de La Réunion, antérieurement à la
publication du décret de 1955, ont été expressément validées par l’article 1er dudit décret,
dans sa version initiale364. Cet article 1er ne figure plus dans la version de ce décret en vigueur
au 10 janvier 2017.
En conséquence, bien que la situation se soit présentée différemment à La Réunion, à
la Martinique, à la Guadeloupe et à la Guyane, les opérations de délimitation furent très peu
nombreuses. En l’absence d’acte de délimitation antérieur à 1955 pour fixer la limite du
rivage dans ces trois collectivités situées outre-mer, il a été convenu, dans le cadre de la loi
du 3 janvier 1986, de prendre en compte les bornages effectués par les propriétaires à
l’époque où la réserve des cinquante pas géométriques faisait partie du domaine privé de
l’État, ou les actes de délimitation pris depuis l’entrée en vigueur de la loi de 1986, ou qui
interviendraient dans l’avenir.
Nonobstant les critiques sus énoncées, le décret du 30 juin 1955 a été jugé conforme à
la loi d’habilitation du 2 avril 1955, par l’arrêt « PAJANIANDY » rendu par le Conseil
d’État, le 13 juin 1975365. Toutefois, la question s’est aussi posée de savoir si, par l’exigence
d’une délimitation préalable, la loi de 1986 n’avait pas engendré une différence de traitement
entre les départements de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane d’une part, et
celui de La Réunion d’autre part. Mais, comme il a été dit, le traitement différencié appliqué
à La Réunion provenait de l’existence d’une délimitation effective antérieure.
Il était possible de s’interroger légitimement sur le statut juridique des occupants de
bonne foi, titulaires d’un juste titre, entre la publication du décret du 30 juin 1955 qui a fait
entrer la zone des cinquante pas géométriques dans le domaine privé de l’État et la
promulgation de la loi du 3 janvier 1986. Ceux-ci ne pouvaient-ils pas invoquer le bénéfice
de la prescription trentenaire prévue par le code civil pour acquérir la propriété des terrains
concernés, voire même le bénéfice de la prescription décennale abrégée ? Mais là encore, il
est renvoyé à l’article 5 du décret du 30 juin 1955 qui prévoyait que « les prescriptions

364
Cf. la version initiale du décret de 1955, en ligne :
https://www.legifrance.gouv.fr/jopdf.do?id=JORFTEXT000000508599&pageCourante=06654.
365
CE, 13 juin 1975, « PAJANIANDY », Lebon 350 ; D. 1977, I, 74, note BIDERGARAY (C.).

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prévues par les articles 2262 à 2265 du code civil », ne commenceraient à courir au profit
des occupants de la zone, qu’à partir de la date de clôture des opérations de délimitation de
la zone des cinquante pas géométriques, par un arrêté interministériel, non intervenu.
Une décision rendue par la Cour Administrative d’Appel de Paris, le 23 juillet 1992366,
concernant une parcelle de terrain située sur le territoire de la Commune de Saint-Paul dans
le Département de la Réunion, illustre bien la problématique. La Cour en conclut que la
parcelle en cause fait partie du domaine de l’État, mais sous réserve que la requérante n’en
soit pas devenue propriétaire par le jeu de prescriptive acquisitive à la date de la
promulgation de la loi de 1986, et recadre en ce sens le jugement du tribunal administratif
de Saint-Denis de la Réunion du 19 décembre 1990. Cette décision démontre bien que, pour
La Réunion, le jeu de la prescription trentenaire est admis, en raison de l’existence d’une
délimitation de la zone des cinquante pas géométriques dans cette île.
Cette décision induit que les conditions édictées pour la soumission des titres à la
Commission de vérification des titres, font de ladite commission une voie de dépossession
pour les propriétaires qui n’ont pas fait valider leurs titres dans les délais impartis 367. Ceci
est inéquitable d’un point de vue strictement juridique, la validité du titre étant en
l’occurrence soumise à des conditions de délais, alors qu’en réalité cette validité devrait
relever de conditions intrinsèques au titre de propriété lui-même, énoncés par le législateur.
Ainsi, les titres et les droits non soumis à la Commission de vérification des titres ou non
validés par elle, quelle que soit leur ancienneté, ont été déclarés par les tribunaux
inopposables à l’État, sans qu’il ait été tenu compte de l’incorporation de la parcelle dans le
domaine privé de l’État368.

366
CAA Paris, 23 juillet 1992, 91PA00272, inédit au Recueil Lebon. Cf. legifrance.gouv.fr. Il résulte du
troisième « Considérant » de cette décision que le requérant, qui avait fait ressortir que son terrain faisait partie
d’un bien immobilier qu’il avait acquis le 8 octobre 1954, devait soumettre son titre de propriété à la
Commission de l’article 10 du décret du 30 juin 1955, à partir du moment où son titre de propriété trouvait son
origine dans une occupation trentenaire et non pas dans le décret du 13 janvier 1922. Cette Commission avait
pour objet la vérification de la validité de droits détenus par les particuliers, autres que ceux résultant de titres
délivrés en application du décret du 13 janvier 1922 sus visé. Cette décision rappelle que, du fait de la non-
soumission de ce titre à la Commission, la parcelle en cause s’était trouvée dès lors, intégrée au domaine privé
de l’État, en application de l’article 4 du décret du 30 juin 1955, et ce, nonobstant la validité ou non du titre ;
et qu’elle était donc devenue une « dépendance du domaine public maritime à compter de l’entrée en vigueur
des dispositions […] de l’article L87 du code du domaine de l’État ». La décision de la Cour administrative
d’appel de Paris précise que « […] compte tenu de l’occupation de la parcelle […] entre 1955 et 1986,
l’application des dispositions précitées de l’article 88 du code du domaine de l’État, qui réservent, dans le
département de la Réunion, les droits des tiers résultant des éventuelles prescriptions acquises à la date de la
promulgation de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986, pose, en l’espèce, la question, qu’il n’appartient qu’à
l’autorité judiciaire de trancher, de l’existence d’une prescription acquisitive intervenue au profit de […] »
367
ROSIER (Guy), L’enracinement créole, Chronique de l’extinction du régime colonial aux Antilles
françaises : la zone des cinquante pas géométriques, op cit., pp. 49 et ss.
368
ROSIER (Guy), L’enracinement créole, pp. 49 et s, op cit.

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À La Réunion, les particuliers et organismes publics ou privés qui détenaient des titres
antérieurs au décret de 1955, sur des parcelles dépendant de la zone des cinquante pas
géométriques, ont obtenu une validation automatique de leurs titres de propriété, qui n’ont
dès lors pas été soumis à la Commission spéciale de vérification des titres dont il est ci-
dessus fait mention, pour les raisons sus énoncées. Contrairement à ce qui s’est passé dans
les Antilles, la privatisation de la zone des cinquante pas géométriques à La Réunion, a
engendré de nombreuses prescriptions acquisitives effectuées sur le fondement des anciens
articles 2262 à 2265 du Code civil, tel que sus dit.
Mais il est intéressant de rappeler que l’arrêt de l’exploitation du Chemin de fer
réunionnais (C.F.R.) en 1946, par le conseil général de La Réunion, par suite du caractère
déficitaire de ladite exploitation, a également favorisé des régularisations foncières au profit
d’occupants369. À la suite de la Départementalisation, une décision ministérielle du 16 juillet
1958 attribua les biens situés hors de la zone des cinquante pas au département, et les terrains
compris dans la réserve des cinquante pas géométriques à l’État370.
S’agissant de Mayotte, ainsi qu’il a été sus dit, la zone des cinquante pas géométriques
existait aussi dans l’archipel des Comores, dont dépendait Mayotte avant son intégration
dans la République française. Elle supporte des villages côtiers dont la situation doit être
régularisée. Mais le statut de Mayotte en 1955 ne permettait pas la prise en compte des
législations sus mentionnées.
En Guyane française, de nombreuses cessions ont été faites à des particuliers pendant
la période allant de 1955 à 1986 ; période pendant laquelle la zone des cinquante pas
géométriques a relevé du domaine privé de l’État. Ce qui reste de la zone des cinquante pas
géométriques, déjà très limitée, en Guyane, a été cédé au Centre national d’études spatiales
de Kourou (CNES)371. La plupart des occupants disposent de titres de propriété délivrés dans
les années 1950, ou à défaut, d’autorisations d’occupation temporaire372.
En définitive, les dispositions sus énoncées démontrent qu’il y a eu, dès l’origine, des
mesures de gestion et de régularisation foncière contradictoires dans la zone des cinquante

369
Une décision ministérielle ferma provisoirement la ligne, le 31 juillet 1954. La cessation définitive de
l’exploitation de la portion du réseau allant de Saint-Benoît au Port, fût prescrite par une autre décision
ministérielle du 25 juin 1955. Ce tronçon fût déclassé par décret du 27 août 1957. Le chemin de fer fonctionna
encore dans sa partie nord jusqu’en 1964, puis un décret du 16 juillet 1970 réalisa le déclassement des dernières
portions de cette ligne de chemin de fer.
370
FORTIER (Mélanie), La délimitation du domaine public à l’île de La Réunion, p. 49 et s. op. cit.
371
CLEMENT (Denis) et MORIN (Georges-André), Les 50 pas géométriques naturels des outre-mer,
Préservation de la biodiversité et maîtrise foncière, op cit., pp 43 et ss. Voir aussi LAUZI (Philippe), cadre
supérieur à la DEAL, entretien du 07 décembre 2016, sur la régularisation foncière en Guyane.
372
Idem.

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pas géométriques, faites de changements de régimes juridiques, d’adoptions et de retraits de


mesures législatives diverses, et d’omissions. Il y a eu carence de l’administration, dans
certaines collectivités territoriales situées outre-mer, préjudiciable aux occupants, puisque
plus de trente ans après le décret du 30 juin 1955, l’arrêté de délimitation sus visé n’était
toujours pas pris, sans que l’administration ait fait l’objet d’une quelconque sanction. Tout
cela ne fit qu’accentuer le mouvement d’occupation sans titre.
Mais, le décret du 30 juin 1955 n’avait pas seulement pour objectif le développement
des départements d’outre-mer par le biais d’un transfert de la zone des cinquante pas
géométriques du domaine public au domaine privé de l’État, afin d’en favoriser la cession.
Il procéda aussi à la création d’une institution innovante dénommée « Commission de
vérification des titres » dans le but de procéder à un contrôle de titres détenus par les tiers
sur la zone protégée dite « des cinquante pas géométriques » (§2).

§ II. LA COMMISSION DE VÉRIFICATION DES TITRES


DÉTENUS DANS LA ZONE, UNE INSTITUTION CONTESTÉE

La commission instituée par l’article 10 du décret du 30 juin 1955, avait pour but de
procéder à la vérification et à la validation éventuelle de titres détenus par certains
particuliers et organismes publics et privés sur la zone des cinquante pas géométriques. Il
s’agissait d’une forme de régularisation semi-active.
La vérification et la validation de titres détenus sur la zone des cinquante pas
géométriques est une prérogative que s’est arrogée l’État, mais qui a interpellé la doctrine,
tant à propos de la nature de l’institution créée à cet effet, qu’à propos de l’efficience du
travail de ladite commission373. Il est donc légitime de s’interroger sur la validité et le bien-
fondé d’une telle institution, dont l’action fut parallèle à celle des tribunaux.
La création de la Commission de vérification des titres laisse transparaitre la volonté
de l’État français de reconnaître les droits des tiers sur des terrains dépendant de la zone des
cinquante pas géométriques. Mais les travaux de cette commission ont eu des effets limités,
qui conduisent à s’interroger sur la nature de l’institution et les motivations du législateur.

373
LARRIEU (Jacques), Le changement de statut de la zone des « 50 pas du Roi » dans les D. O. M., Les
Petites affiches, 12 décembre 1997, n° 149, page 8, ID : PA199712128. En ligne : https://www-lextenso-fr.bu-
services.univ-antilles.fr/lextenso/ud/urn%3APA199712128.

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L’article 10 du décret du 30 juin 1955 a institué la « Commission de vérification des


titres » pour qu’elle examine les droits que les particuliers et les collectivités locales
pouvaient détenir sur des terrains relevant de la zone des cinquante pas géométriques. Il est
nécessaire d’étudier l’organisation de cette juridiction d’exception originale (A) avant de
considérer les limites de son travail (B).

A. VÉRIFICATION DES TITRES PAR UNE JURIDICTION


D’EXCEPTION ORIGINALE

Véritable juridiction d’exception dont la durée de vie était limitée dans le temps, la
Commission de vérification des titres de 1955 était composée d’un magistrat qui en assurait
la présidence, d’un notaire et d’un représentant du service des Domaines. De cette
composition tripartite, naîtront de nombreuses controverses doctrinales sur la nature
juridique même de ladite commission.

1) Nature de la Commission : juridiction ou organe sui generis ?

À propos du statut de la commission de vérification des titres, une question se pose.


S’agissait-il d’une vraie juridiction ou s’agissait-il simplement d’un organe sui generis
chargé de la vérification des titres ? La présence de membres non-magistrats dans le
règlement de litiges a suscité des réticences, à tel point que les hautes juridictions
administrative et judiciaire ont dû arborer des réponses.
En effet, la Cour de cassation, à l’occasion de deux arrêts « Chef du service des
Domaines », rendus par sa première chambre civile, le 02 février 1965, a conféré de manière
très implicite la qualité de juridiction de premier degré à la Commission de vérification des
titres374.
Dix ans plus tard, le Conseil d’État a affirmé le caractère juridictionnel de la
Commission de vérification des titres de 1955, dans l’arrêt « Sieur PAJANIANDY », du 13
juin 1975375, refusant de retenir les griefs invoqués contre le décret de 1955 ; et ce
probablement pour des motifs de sécurité juridique376.

374
Cass. Civ. 1ère, 2 février 1965, « Chef de service des Domaines c/ d’Alexis », Bull. Cass. I, n°94, pp 70 et
71 et Cass. Civ. 1ère, 2 février 1965, « Chef de service des Domaines c/ Demoiselles Gelin », Bull. Cass. I. n°
95, pp 71 et 72.
375
CE, 13 juin 1975, PAJANIANDY, Leb. 350 ; D. 1977, I, 74, note BIDERGARAY (C.).
376
En l’espèce, Monsieur PAJANIANDY avait acquis en 1971, par acte notarié, un terrain sur lequel il avait
entrepris des travaux. Il était menacé d’expulsion par l’administration des domaines qui arguait du fait que

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DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Toutefois la Commission intervenait en tant que juge de premier ressort, mais ses
décisions étaient susceptibles d’appel devant le Tribunal civil du lieu de situation des
immeubles ; ce qui a eu pour effet de décrédibiliser l’institution en tant que véritable
juridiction du premier degré377.
Pour comprendre le travail de la commission de vérification des titres de 1955, il
convient de noter que le législateur de 1955, en faisant entrer la zone des cinquante pas
géométriques dans le domaine privé de l’État, avait réservé le cas des terrains relevant par
nature ou par destination du domaine public et le cas des terrains appartenant en toute
propriété à des particuliers ou à des collectivités publiques ou privées, en vertu de titres
antérieurs au décret de 1955. C’est notamment dans ce dernier cas, qu’une procédure de
régularisation avait été mise en place par le biais de la Commission de vérification des titres.
Cette disposition ne concernait toutefois pas les titres qui avaient été délivrés à La
Réunion sous l’empire du décret du 13 janvier 1922, tel que sus dit. En effet, à La Réunion,
département très avancé en matière de privatisation de la zone des cinquante pas
géométriques, les droits acquis n’avaient pas été remis en cause, mais, au contraire, y
devenaient des biens de droit commun, ouvrant la possibilité de cession à d’autres
particuliers. De sorte que, de 1955 à 1974, des ventes supplémentaires avaient eu lieu dans
l’île de La Réunion. Les trois autres départements, Guadeloupe, Guyane et Martinique, ne
bénéficiaient pas du même système de validation automatique des titres applicable et se
trouvaient soumis aux aléas d’une procédure de vérification de titres à double paliers.

2) Procédure devant la Commission de vérification des titres

Avant tout déclassement, les titres de propriété étaient soumis à l’examen de la


Commission qui, dans chaque département, avait compétence pour apprécier la validité des
titres comportant droit de propriété, droit réel ou droit de jouissance. La Commission de
vérification des titres devait, sous peine de forclusion, être saisie dans le délai d’un an, en
vue de l’examen de tous les titres comportant de tels droits.

ledit terrain dépendait de la zone des cinquante pas géométriques et que le titre de propriété du sieur
PAJANIANDY n’avait pas été validé par la Commission instituée par le décret de 1955. Le sieur
PAJANIANDY invoqua pour sa défense deux moyens tirés de l’illégalité du décret du 30 juin 1955. Le premier
moyen était fondé sur le postulat que ce décret n’avait pu légalement créer une véritable juridiction. Le second
moyen sur la considération que le délai de forclusion institué par ledit décret ne pouvait avoir pour effet
d’entraîner la caducité d’un titre de propriété376. Par cet arrêt, le Conseil d’État a affirmé le caractère
juridictionnel des Commissions de vérification de titres instituées en 1955, mais a aussi entériné la légalité du
décret de 1955 en ce qu’il a procédé à la création d’une juridiction, sur la base d’une habilitation législative.
377
BERGERAS (S.), La Commission martiniquaise de vérification des titres portant sur la zone des cinquante
pas géométriques, mémoire soutenu le 30 septembre 2002, à l’Université des Antilles, Faculté de Droit et
d’Économie de la Martinique, publié au LC2S (Laboratoire caribéen de sciences sociales, ex- CRPLC).

98
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

La Commission de vérification intervenait en premier ressort. Ses décisions étaient


susceptibles de recours devant le tribunal civil dans le délai de deux mois. Le rôle de la
Commission était également de départager les détenteurs d’autorisations d’occupation
temporaire et les propriétaires riverains jouissant d’un droit d’usage.
En cas de reconnaissance de la validité du titre par la Commission, à l’issue de la
procédure, les terrains sortaient de la propriété étatique et devenaient propriétés privées
régies par le droit commun378. Si le titre de propriété validé ne concernait que la jouissance
du bien, l’administration des domaines avait la possibilité de procéder à une cession amiable.
En revanche, lorsque les titres n’étaient pas validés ou n’avaient pas été examinés dans le
délai imparti, ils cessaient de produire tout effet juridique dans la zone des cinquante pas
géométriques. Les terrains concernés entraient dans le domaine privé de l’État
conformément à la législation en place en 1955.
À ce sujet le Conseil constitutionnel répond à une question prioritaire de
constitutionnalité relative à la conformité de l’article L5112-3 du code général de la propriété
des personnes publiques aux droits et libertés que la Constitution garantit379. Cet article
prévoit notamment que « les droits des tiers détenteurs de titres qui n'ont pas été examinés
par la commission prévue par les dispositions de l’article 10 du décret n° 55-885 du 30 juin
1955 sont appréciés dans les conditions particulières » prévues aux alinéas suivants dudit
article, qui feront l’objet d’une étude plus approfondie en aval.
Cette décision énonce dans son sixième considérant qu’il résulte de « l’édit de Saint-
Germain-en-Laye de décembre 1674, du décret des 22 novembre et 1er décembre 1790, de
l’ordonnance du 9 février 1827, ainsi que des décrets du 21 mars 1882 et du 4 juin 1887,
qu’à l’exception des « ventes particulières » faites avant l’édit de 1674 qui les avait validées,
les terrains situés dans la zone des cinquante pas géométriques de la Guadeloupe et de la
Martinique n’ont pu être aliénés que par l’État ». Le Conseil constitutionnel en avait conclu
que « sous réserve des droits résultant d’une telle cession ou validation par l’État », aucun
droit de propriété n’a pu être valablement constitué au profit de tiers sur ces terrains380.
Le Conseil s’est basé sur ce rappel historique pour débouter le demandeur et affirmer
que la disposition contestée (article L5112-3 du CG3P), laquelle prévoit que « les seuls titres
opposables à l’État antérieurs à l’entrée en vigueur du décret du 30 juin 1955 sont ceux

378
BERGERAS (S.), La Commission martiniquaise de vérification des titres portant sur la zone des cinquante
pas géométriques, op cit.
379
CC, Décision n° 2010-96 QPC du 4 février 2011, « Affaire M. JEAN-LOUIS de L », publiée au JORF n°
0030 du 5 février 2011, page 2354, texte n° 88.
380
CC, Décision n° 2010-96 QPC du 4 février 2011, op cit.

99
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

délivrés ou validés par lui », n’est pas contraire au droit de propriété garantit par les articles
2 et 17 de la Déclaration de 1789. Le Conseil a ensuite énoncé : « qu’il en est de même des
griefs tirés de la violation de la garantie des droits proclamée par son article 16 et du
principe d'égalité devant la loi »381. Il conclut que l’article L5112-3 du CG3P n’est contraire
« à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit », avant de valider la conformité
de cet article à la Constitution382.
Cette jurisprudence démontre l’importance de la législation de 1955, comme date
charnière dans la régularisation foncière et la validation des titres de propriété détenus dans
la zone des cinquante pas géométriques outre-mer.
Toutefois, le travail de la Commission de vérification des titres de 1955 présente de
nombreuses limites (B).

B. LIMITES DU TRAVAIL DE RÉGULARISATION FONCIÈRE DE


LA COMMISSION DE VÉRIFICATION DES TITRES DE 1955

De nombreux reproches ont été adressés par la doctrine et par les autorités politiques
locales au statut et aux modalités de fonctionnement de la Commission de vérification des
titres instituée en 1955383.
Deux reproches majeurs ont été principalement formulés : la brièveté des délais de
saisine et à l’obligation de soumettre la totalité des titres à une vérification. Ces mesures,
couplées aux faibles moyens de communication mis en œuvre par l’administration, n’ont pas
permis à tous les détenteurs de titres de se manifester en temps utile et ont constitué pour les
trois départements d’outre-mer concernés (Martinique, Guadeloupe et Guyane), une
procédure défavorable à tous les détenteurs de titres, qui pouvaient voir ainsi consacrer, non
pas la validation de leur titre, mais au contraire la perte de leur droit de propriété ou d’autres
droits réels détenus, par la simple expiration d’une période de forclusion, instituée à
l’occasion de l’incorporation de la zone des cinquante pas géométriques au domaine privé
de l’État. Ceci, sauf pour La Réunion, qui a bénéficié d’un système de validation
automatique des titres dans ladite zone.

381
CC, Décision n° 2010-96 QPC du 4 février 2011, « Affaire M. JEAN-LOUIS de L », publiée au JORF n°
0030 du 5 février 2011, page 2354, texte n° 88.
382
Idem.
383
ROSIER (Guy), op cit., pp. 23 et ss.

100
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

1) Une jurisprudence légitimant les seuls titres délivrés par l’Etat

La jurisprudence viendra renforcer et légitimer l’action de la commission de


vérification des titres de 1955.
Appelée à se prononcer sur les contentieux nés de l’application du décret de 1955, la
Cour de cassation, dans son arrêt du 02 février 1965384, a jugé que ce texte n’a pas changé
le titulaire du droit de propriété sur les terrains en question et que, seuls les titres délivrés
par l’État lui étaient opposables. En effet, dans cette décision rendue par la première chambre
civile de la Cour de cassation385, la Cour a estimé qu’en l’espèce « aucun des titres allégués
n’avait été délivré par l’État, lequel pouvait seul procéder, selon les formes légales, au
déclassement d’un terrain faisant originairement partie du domaine public national et à sa
cession à un particulier ou à une collectivité locale ». La Cour avait donc, sur ce fondement,
cassé et annulé le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Fort-de-France, le
16 février 1960, et renvoyé l’affaire devant le Tribunal de grande instance de Basse-Terre386.
La Cour de cassation avait cassé ce jugement, en arguant que seuls sont opposables à
l’État les titres délivrés par lui-même, nonobstant l’article 10 du décret n° 55-885 du 30 juin
1955, duquel il ressort que la Commission de vérification est chargée d’apprécier la validité
des titres comportant droit de propriété, droit réel ou droit de jouissance sur les terrains
dépendant de la zone des cinquante pas géométriques.
Il fut admis, de manière constante par la jurisprudence, pour exclure l’usucapion du
domaine public, notamment dans l’arrêt du Conseil d’Etat du 13 juin 1975, « Sieur
PAJANIANDY », que les cessions du domaine public intervenues entre particuliers étaient
inopposables à l’État, et que le juste titre visé à l’article 2265 du Code civil ne pouvait être
un document d’origine privée387. Cette décision reconnaît la légalité du décret du 30 juin
1955, pris en vertu de la loi d’habilitation du 2 avril 1955.

384
Cass., civ. 1ère, 2 février 1965, pourvoi n° 60-11713, Bull. Civ. n° 95.
385
Idem.
386
En l’espèce, les requérantes se prétendaient propriétaires d’un terrain bâti sis à Fort-de-France et avaient
formulé une demande, demeurée infructueuse, de validation de leurs titres de propriété devant la commission
de vérification des titres. Le Tribunal de grande instance de Fort-de-France avait de son côté fait droit à leur
requête aux motifs « […] qu’il ressortait des différents actes de vente produits, dont le plus ancien remonte au
20 novembre 1807, que l’immeuble litigieux a depuis 1882 été possédé à titre de propriétaire et de façon
publique, paisible, continue et non équivoque par les demoiselles X… et leurs auteurs ». Les contrats passés
les 8 et 10 décembre 1924 par-devant notaire aux termes desquels les requérantes avaient acquis la nue-
propriété et l’usufruit de l’immeuble, avaient donc été déclarés opposables à l’État par le Tribunal de grande
instance. Pour ce faire, ledit jugement s’était fondé sur l’article 2 du décret du 21 mars 1882 aux termes duquel
« les détenteurs de terrains à bâtir dans les villes… recevront des titres de propriété définitifs et
incommutables…(lorsque) lesdits terrains (ont été) occupés antérieurement au 9 février 1827 et détenus
publiquement et paisiblement depuis cette date ».
387
CE, Ass. 13 juin 1975, Sieur PAJANIANDY, Leb. p. 350.

101
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Ainsi, à l’occasion de recours formés contre les décisions de la Commission de


vérification des titres de 1955, les juridictions locales et la Cour de Cassation n’ont pas hésité
à reconnaître que les seuls titres opposables à l’État, étaient ceux délivrés par l’État lui-
même. Il en fût ainsi dans une décision inédite, rendue par la 3èmeChambre de la Cour de
Cassation, les 3 et 20 juillet 1989, « Affaire BALLY »388.
Par ailleurs, dans une décision du 1er décembre 1992, le Tribunal de Grande Instance
de Fort-de-France a ordonné l’expulsion du requérant et de tous occupants de son chef, au
lieudit Frégate, et l’a condamné à verser des dommages et intérêts à l’Etat, du fait du
préjudice subi, jugeant que le requérant, le sieur M., qui avait acheté l’îlet Frégate en 1966,
n’ignorait pas, au moment de l’achat, la situation des cinquante pas géométriques et n’avait
pourtant pas fait la démarche dans les délais fixés par le décret du 30 juin 1955389.
Pour résumer le travail opéré par la commission de vérification des titres de 1955, à
l’aune de ce qui est sus dit, les titres rejetés par elle, l’ont principalement été au motif qu’ils
n’avaient pas été délivrés par l’État. Dans certains cas, elle a déclaré les détenteurs de titres
forclos, dès lors qu’un dossier complet n’avait pas été constitué dans les délais390.
Quant à l’administration, elle a appliqué avec rigueur la circulaire interministérielle du
15 novembre 1962, ayant trait au décret n° 61-561 du 3 juin 1961, relative aux terrains de la
zone des cinquante pas géométriques et à la délimitation du domaine public, dans les
départements de la Guadeloupe, de la Martinique, de La Réunion et de la Guyane391, portant
sur l’utilisation des terrains disponibles dans la zone pour favoriser le développement de
l’économie agricole. Elle a également appliqué avec rigueur la circulaire du 26 février 1974
étendant ces dispositions aux terrains industriels et touristiques392. En outre, elle s’est
appuyée sur les décisions des tribunaux pour encadrer les modifications résultant du passage
de la zone des cinquante pas géométriques du domaine public au domaine privé de l’État.
En définitive, les occupants de la zone des cinquante pas géométriques attendaient
beaucoup du décret du 30 juin 1955, mais furent désappointés. Le nombre de squatters ne
cessa d’augmenter et le problème de la régularisation foncière resta plus que jamais
d’actualité. À titre d’exemple, en Martinique, sur les 282 dossiers qui furent soumis à la

388
Civ. 3ème, 3 et 20 juillet 1989, « Bally », inédit, cité dans BERGERAS (S.), La Commission martiniquaise
de vérification des titres portant sur la zone des cinquante pas géométriques, op cit.
389
Décision citée dans, BERGERAS (S.), La Commission martiniquaise de vérification des titres, op cit.
390
ROSIER (Guy), L’enracinement créole, Chronique de l’extinction du régime colonial aux Antilles
françaises : la zone des cinquante pas géométriques, op cit., pp 25 et s., 125 pp.
391
Décret n° 61-561 du 3 juin 1961, publié au JO du 6 juin 1961, n° 5115.
392
ROSIER (Guy), L’enracinement créole, op. cit., pp 26 et s.

102
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

première Commission de vérification des titres de la Martinique, 59 seulement ont été


validés, et sur les 3540 hectares de terres dépendant à l’époque de la zone de cinquante pas
géométriques, seuls 148 hectares ont pu être cédés, soit 755 cessions. Les Communes ayant
enregistré le plus grand nombre de cessions furent celles du François et du Diamant393.
D’autres mesures et pratiques démontrèrent la volonté des pouvoirs publics et de la
jurisprudence de maintenir de nombreux terrains dans la zone des cinquante pas
géométriques, en dépit de certaines circonstances militant en sens contraire. Alors même que
l’article 7 du décret de 1955, énonçait que « toute décision d’incorporation au domaine
public ou forestier de l’État, toute affectation à un service public de l’État, toute aliénation,
feront perdre définitivement aux immeubles qui en feront l’objet le caractère de dépendance
de la zone des 50 pas géométriques », ni les pouvoirs publics, ni la jurisprudence n’ont
appliqué cette disposition, certains terrains remplissant ces conditions ayant continué à être
regardés comme dépendant de la zone des cinquante pas géométriques394. Ainsi, une
circulaire du Ministre des Transports datée du 26 août 1980, relative à l’utilisation des
terrains domaniaux du littoral dans les départements d’outre-mer, a interdit l’aliénation et
l’exploitation à caractère privatif des terrains gagnés sur la mer, confirmant le maintien dans
le patrimoine de l’État des terrains détenus dans la zone des cinquante pas géométriques.
Il ressort de l’ouvrage de Guy ROSIER, que de nombreuses décisions rendues par les
tribunaux judiciaires, notamment par la Cour d’appel de Fort-de-France, précisèrent qu’une
construction édifiée sur une partie de la zone de cinquante pas géométriques relevant du
domaine de l’État, « porte atteinte au droit de propriété » de l’État et constitue une « voie
de fait qui cause un trouble manifestement illicite »395.
En application de tout ce qui est ci-dessus rapporté, l’administration a engagé de
nombreuses procédures de démolition des constructions édifiées sans autorisation en vue de
la remise en état des lieux, et de procédures d’expulsion des occupants sans titre.

2) Une procédure de vérification comparable à une dépossession


unilatérale

La commission de vérification des titres avait-elle le pouvoir de déposséder un


propriétaire sans juste et préalable indemnité396 ? Pouvait-on qualifier la procédure devant la
Commission, de procédure de dépossession unilatérale par l’État, en sa propre faveur ?

393
BERGERAS (S.), La Commission martiniquaise de vérification des titres, op cit.
394
Idem, p. 12.
395
ROSIER (Guy), op cit, p. 27.
396
Article 545 du Code civil et article 17 de la DDHC du 26 août 1789.

103
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Ladite procédure n’était-elle pas inéquitable et inconstitutionnelle, en dépit de sa validation


par les hautes juridiques internes397 ?
De nombreux détenteurs de titres non reconnus se sont attaqués au décret de 1955, en
arguant de son illégalité. Mais la Cour de cassation, dans l’arrêt « De LUCY de X… », du
16 décembre 1992398, a rappelé que la légalité de ce texte avait déjà été reconnue dans l’arrêt
« PAJANIANDY » sus relaté, rendu par le Conseil d’État, le 13 juin 1975399.
L’affaire « DE LUCY » mérite d’être rapportée aux présentes, car elle illustre bien les
problématiques posées par le travail de la commission et confirme la réponse
jurisprudentielle apportée sur la validité de la procédure de la commission de 1955400. La
première chambre civile de la Cour de Cassation, dans sa décision du 16 décembre 1992401,
rejette le pourvoi formé par M. de LUCY. En effet, sur l’exception d’illégalité du décret du
30 juin 1955, le requérant faisait ressortir que la Cour d’appel de Fort-de-France avait
dénaturé la décision du Conseil d’État du 13 juin 1975402, laquelle se bornait à statuer sur
l’étendue des pouvoirs du Gouvernement et non sur la légalité du décret, et n’aurait donc
pas, sur cette cause, « l’autorité absolue de la chose jugée ». La Cour de cassation va statuer
en sens inverse en décidant que l’arrêt du Conseil d’État du 13 juin 1975, avait précisément
pour objet de répondre à un recours en appréciation de la légalité des articles 10 et 11 du
décret du 30 juin 1955, et qu’en l’occurrence, « il a jugé que le Gouvernement tenait de
l’habilitation législative le pouvoir, à l’occasion de l’incorporation de la zone au domaine
privé de l’État, de soumettre les titres de propriété à une procédure de vérification par des
commissions ayant un caractère juridictionnel et d’instituer un délai de forclusion pour
saisir celles-ci ». La Cour de cassation en déduit que c’est à bon droit et « sans
dénaturer cette décision, ni lui conférer l’autorité de la chose jugée » que la Cour d’appel a
écarté l’exception préjudicielle d’illégalité formulée le requérant. Sur le deuxième moyen,
la Cour de cassation rejette également le pourvoi, en énonçant que l’usucapion abrégée

397
CE, Ass. 13 juin 1975, « Sieur PAJANIANDY », Lebon p. 350 ; et Cass. Civ. 1ère, 2 février 1965, Chef de
service des Domaines c/ d’Alexis, Bull. Cass. I, n°94, pp 70 et 71.
398
Cass. Civ. 1ère, n° de pourvoi : 91-13855, Affaire de LUCY, consulté en ligne le 19 janvier 2017,
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007182532.
399
CE, Ass. 13 juin 1975, Sieur PAJANIANDY, Leb. p. 350.
400
En l’espèce, le requérant, M. de LUCY de X. avait assigné le directeur général des impôts et l’Office national
des forêts devant le tribunal de grande instance de Fort-de-France, les 25 mars et 07 avril 1987, pour faire
reconnaître son droit de propriété sur l’îlet Oscar, résultant de transmissions successives par actes passés entre
particuliers depuis 1856.
401
Cass. Civ. 1ère, 16 décembre 1992, n° de pourvoi : 91-13855, Affaire de LUCY, consulté en ligne le 19
janvier 2017, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007182532.
402
CE, Ass. 13 juin 1975, Sieur PAJANIANDY, Leb. p. 350.

104
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

(applicable aux prescripteurs pouvant justifier d’un juste titre403), ne pouvait avoir eu lieu,
l’administration semblant n’avoir jamais délimité les rivages de la mer ni la zone litigieuse,
ainsi qu’il ressort des énonciations même du requérant, et que par ailleurs, les prescriptions
résultant des articles 2262 à 2265 n’avaient pu commencer à courir, en raison de l’article 5
du décret du 30 juin 1955404.
Il est rappelé que l’article 5 du décret de 1955 énonce que les prescriptions ne
pouvaient commencer à courir qu’à partir de la date de clôture des opérations de délimitation
de la réserve des cinquante pas ; laquelle date devait être fixée par arrêté interministériel,
non pris. Cette jurisprudence tend donc à confirmer le fait que les juridictions n’ont pas pris
en compte l’incorporation des parcelles de la zone des cinquante pas géométriques dans le
domaine privé de l’État et ont déclaré les titres et les droits non soumis à la première
Commission de vérification des titres ou non validés par elle, comme étant inopposables à
l’État, et ce, quelle que soit l’ancienneté de l’occupation en cause.
La jurisprudence, notamment par les arrêts « PAJANIANDY » et « De LUCY » sus
relatés, a également répondu à la question de la situation juridique des personnes titrées qui
avaient été déclarées forcloses. Avant le décret de 1955, certaines personnes avaient pu
valablement bénéficier d’un titre de propriété ou de « concessions définitives ». Ces
personnes, qui ne s’étaient pas manifestées à temps, étaient-elles purement et simplement
déchues de leurs droits ou devaient-elles se considérer comme expropriées et, à ce titre,
bénéficier d’une juste et préalable indemnité ?
À cet égard, de nombreux auteurs, parmi lesquels le professeur LARRIEU, n’ont pas
manqué de rappeler la pleine valeur constitutionnelle des articles 2 et 17 de la Déclaration
des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 concernant le droit de propriété. Cette valeur

403
Le nouvel article 2272 du Code civil, applicable à la prescription acquisitive en matière immobilière énonce
que « le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans ». Mais que
« toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans ».
Cf. C. civ. Annoté, 2017, 116e édition, papier et numérique, Éditions Dalloz 2016, Paris.
404
Cass. Civ. 1ère, 16 décembre 1992, n° de pourvoi : 91-13855, Affaire de LUCY, op. cit. Dans cette affaire,
le tribunal de grande instance avait rejeté la demande de M. de LUCY, au motif que l’îlet Oscar fait partie de
la zone des cinquante pas géométriques, laquelle zone a été déclassée du domaine public pour être intégrée au
domaine privé de l’État par le décret du 30 juin 1955 sus relaté, avant d’être, de nouveau, réintégrée dans le
domaine public maritime, en vertu de la loi « littoral » du 3 janvier 1986. De sorte que le titre produit par M.
de LUCY était inopposable à l’État du fait qu’il n’avait pas été validé par la Commission de vérification des
titres résultant des articles 10 et 11 du décret de 1955. La Cour d’Appel de Fort-de-France, dans un arrêt
confirmatif du 07 décembre 1990, n’avait pas davantage fait droit à la demande du requérant. En effet, elle a
écarté l’exception préjudicielle d’illégalité du décret du 30 juin 1955, évoquée par M. de LUCY, au motif que
la question de la légalité dudit texte avait déjà été tranchée dans l’arrêt PAJANIANDY du Conseil d’État du
13 juin 1975 sus relaté, et rejeté la demande du requérant en décidant que le littoral de l’îlet Oscar fait partie
de la zone des 50 pas géométriques. M. Marie Z… de LUCY de X… s’était donc pourvu en cassation de l’arrêt
rendu par la Cour d’Appel le 7 décembre 1990.

105
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

constitutionnelle a été reconnue par le Conseil constitutionnel dans sa décision des 16 janvier
et 11 février 1982, sur les nationalisations405. Elle ressort également de l’article 1er du
protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et
des libertés fondamentales, dont le premier alinéa rappelle que « toute personne physique ou
morale a droit au respect de ses biens », et que « nul ne peut être privé de sa propriété que
pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes
généraux du droit international »406. Elle est également rappelée par l’article 545 du Code
civil qui énonce que : « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour
cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ».
Bien que de nombreuses personnes soient des occupants sans titre de la zone des
cinquante pas géométriques outre-mer, des personnes véritablement propriétaires, en vertu
de titres de propriété ou de concessions définitives, se sont retrouvées dans la situation
d’occupants sans titre, au lendemain de l’écoulement du délai de forclusion, sans qu’aucune
indemnité n’ait été prévue pour indemniser cette perte d’un droit de propriété préexistant à
l’entrée en vigueur du décret de 1955. Ces personnes se trouvèrent dans l’obligation de
régulariser à nouveau leur situation foncière par le versement de redevances, par la
sollicitation d’une nouvelle cession à leur profit ou par toute autre mesure préconisée. La
question de la reconnaissance de leur droit de propriété, notamment par la réouverture des
délais de vérification des titres, demeurait primordiale. L’expiration d’un délai fixé par voie
réglementaire était-il susceptible de provoquer la perte définitive des composantes du droit
de propriété ? Assurément non, si l’on se réfère à la doctrine, notamment aux propos du
professeur LARRIEU407.
En réponse à cette question, il semblerait que les seules personnes à pouvoir prétendre
à un droit de propriété légitime sur la zone des cinquante pas géométriques, soient celles qui
avaient déjà bénéficié de la procédure prévue par les décrets de 1882, 1887 et 1901, sus
relatés, et que parmi les personnes ayant acquis la propriété par le biais de cette procédure,
seules celles n’ayant pas effectué de démarche de vérification de leur titre, en 1955, auraient
été dépossédées de leurs terres illégalement. Moins de 300 dossiers furent examinés à la

405
CC n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, et n° 82-139 du 11 février 1982, FAVOREU (Louis.) et PHILIP
(Loïc), GD, 13ème édition, 2005, n° 28.
406
Protocole n° 11, remplaçant la Commission et la Cour européenne des Droits de l’Homme par une Cour
unique et permanente, signé le 11 mai 1994 et entré en vigueur le 11 novembre 1998. Convention européenne
signée à Rome le 04 novembre 1950 et entrée en vigueur le 03 septembre 1953.
407
LARRIEU (Jacques), « Le changement de statut de la zone des « 50 pas du Roi » dans les D. O. M. », Les
Petites affiches, 12 décembre 1997, n° 149, page 8, ID : PA199712128. En ligne : https://www-lextenso-fRbu-
services.univ-antilles.fr/lextenso/ud/urn%3apa199712128.

106
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Martinique et le fonctionnement de la Commission ad hoc fut jugé d’une opacité suspecte408.


Il en résultat un profond sentiment d’inéquité pour tous ceux qui furent déchus de leurs
droits réels, faute d’avoir fait valider leur titre de propriété par la commission dans les courts
délais requis. Des occupants titulaires de titres de propriété ou de droits réels depuis de
nombreuses années, n’ont pu être confortés dans leurs droits et se retrouvèrent en situation
d’occupation sans titre, voire d’expulsion409, alors même que certains de ces titres avaient
été accordés par l’État lui-même. D’autres droits réels, résultaient d’actes notariés dûment
régularisés. Certains occupants propriétaires, payaient l’impôt foncier depuis de nombreuses
années. D’autres, titulaires de droits réels, avaient acquitté les droits de mutation requis à
l’occasion des mutations successives de propriété par-devant notaire. Le contentieux fut fort
abondant en la matière et, si certaines décisions rendues furent équitables, d’autres se
révélèrent d’une équité plus ou moins douteuse, ainsi que le démontrent les affaires citées410.
Ainsi, la régularisation foncière qui devait s’opérer par l’intermédiaire de la
Commission de vérification des titres de 1955, expérimentât de nombreuses limites.
Certaines de ces ambiguïtés furent révisées par la loi du 30 décembre 1996. Par ailleurs, le
décret de 1955 prévoyait une possibilité de cession aux particuliers occupants ne possédant
pas de titre. Mais cela n’a pas eu lieu pour les raisons sus dites.
C’est dans ce contexte défavorable qu’est intervenue la loi « Littoral » du 3 janvier
1986, ayant pour objectif premier la protection du littoral. Avec la loi « littoral » n° 86-2 du
3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, la zone
des cinquante pas géométriques va être transférée à nouveau dans le domaine public de
l’État, renforçant l’image d’un statut juridique contradictoire411. Ses dispositions ont été
complétées par les apports de la loi n° 94-631 du 25 juillet 1994, qui a favorisé la constitution
de droits réels sur le domaine public412. D’où l’intérêt d’examiner la régularisation foncière
opérée sous l’égide de la loi de 1986 et des textes subséquents (Section II).

408
BERGERAS (S.), La Commission martiniquaise de vérification des titres portant sur la zone des cinquante
pas géométriques, op cit.
409
LARRIEU (Jacques), Le changement de statut de la zone des « 50 pas du Roi » dans les D. O. M., op cit.
410
Idem.
411
Loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral. En
ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000317531.
412
Loi n° 94-631 du 25 juillet 1994 complétant le code du domaine de l’État et relative à la constitution de
droits réels sur le domaine public, NOR : BUDX9400021L En ligne :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000183763.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

SECTION II – RÉGIME DE DOMANIALITÉ PUBLIQUE ET


RÉGULARISATION FONCIÈRE PAR LES LOIS DU 3
JANVIER 1986 ET DU 25 JUILLET 1994

La loi numéro 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la


mise en valeur du littoral, dite « loi littoral », a réintégré dans le domaine public, la zone
comprise entre la limite du rivage de la mer et la limite supérieure de la zone des cinquante
pas géométriques dans les départements d’outre-mer413. Par son article 37, elle a incorporé
ladite zone dans le domaine public maritime et, rétabli l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité
de ladite zone, tout en ménageant quelques possibilités de cession aux occupants.
L’objectif du législateur était notamment de renforcer la protection du littoral, face aux
contestations nées de l’application de la procédure résultant du décret de 1955. Mais ladite
loi a maintenu également le droit de propriété sur partie de la zone, au profit des personnes
pouvant en justifier414.
Par ailleurs, la partie de la zone des 50 pas qui n’avait pas été constituée en « forêts
domaniales du littoral » a été considérée comme ne pouvant pas relever du régime forestier
dépendant du domaine privé de l’État. En pratique, la répartition de la partie naturelle de la
zone des 50 pas géométriques comprend une partie remise en gestion au Conservatoire du
littoral (CDL) créé en 1975, une partie, constituant les forêts domaniales, gérée par l’Office
National des Forêts (ONF), et une autre partie, directement gérée par la Direction de
l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DEAL). Cette situation engendre une
diversité de mesures de gestion pour une même zone naturelle et doit être améliorée.
La « loi littoral » est née de la volonté politique de faire face à la pression foncière due
au fort développement de l’offre touristique, et de sauvegarder la bande littorale et son
affectation à l’usage public, par sa réintégration dans le domaine public réputé par définition
même imprescriptible et inaliénable415. Le régime mis en place par la loi de 1986 est né de
la nécessité de renforcer la protection du littoral dans les départements d’outre-mer, comme

413
Le littoral, tel qu’il est déterminé par la loi du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, à la protection et à
la mise en valeur du littoral, est plutôt considéré dans une perspective de protection de l’environnement et des
espaces naturels, et de libre accès à la mer.
414
FONTAINE (D.), La gestion du domaine public en outre-mer, LPA, 14 mars 1990, p. 11.
415
Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, « La zone des cinquante pas géométriques », article
paru le 6 janvier et mis à jour le 17 janvier 2011. En ligne : https://www.developpement-durable.gouv.fr/La-
zone-des-cinquante-pas.html.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

dans les départements métropolitains, face à une pression immobilière de plus en plus vive.
Cette protection s’est effectuée prioritairement par le respect du principe d’inaliénabilité et
d’imprescriptibilité inhérents à l’appartenance au domaine public. L’objectif de la loi de
1986 était parallèlement d’ouvrir les bords de la mer à l’accès du plus grand nombre.
Cependant, l’inclusion de la zone des cinquante pas géométriques dans le domaine
public, résultant de la loi de 1986, ne concernait ni les parcelles appartenant en propriété à
des personnes publiques ou privées pouvant justifier de leurs titres, ni les dépendances du
domaine public autres que maritime, ni les biens du domaine privé de l’État affectés aux
services publics, ni les terrains domaniaux gérés par l’Office national des forêts (ONF). Ne
pouvaient être soumis au régime contraignant de la domanialité publique, les terrains
appartenant en propriété à des particuliers ou à des collectivités publiques ou privées416.
Cependant, en dépit de son objectif de protection du littoral, la loi « littoral » prévoyait
de nombreuses modalités de régularisation foncière.
Par son décret d’application du 13 octobre 1989417, elle a permis la cession par l’État
au profit de particuliers, de terrains occupés avant 1986, à condition que ces terrains soient
situés dans les parties urbaines et équipées de la zone des cinquante pas géométriques. Pour
le Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, la raison d’une telle régularisation
foncière provenait du fait que « subsistaient encore sur ces terrains de nombreuses familles
sans titre, dont l’occupation était pourtant légitime »418.
La « loi littoral » prévoyait la possibilité d’obtenir le déclassement des terrains
dépendant de la zone des cinquante pas géométriques qui ne seraient plus utiles à la
satisfaction d’un intérêt général419. Elle réservait les droits des tiers, résultant soit de
décisions de la Commission de validation des titres constituée par le décret-loi de 1955, soit
de ventes ou de promesses de vente consenties postérieurement par l’État lui-même.
Elle permettait également à l’État de céder aux communes riveraines, après
déclassement, des terrains de la zone susceptibles d’aménagement, dans les formes et
conditions fixées par l’article L89 du code du domaine de l’État, depuis modifié par le code

416
DUFAU (Jean), La zone des cinquante pas géométriques dans les Départements d’outre-mer, AJDA 1990.
444.
417
Décret n° 89-734 du 13 octobre 1989 portant modification du code du domaine de l’État, publié au J. O. du
14 octobre 1989, n° 12863.
418
Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, « La zone des cinquante pas géométriques », article
paru le 6 janvier et mis à jour le 17 janvier 2011. En ligne : https://www.developpement-durable.gouv.fr/La-
zone-des-cinquante-pas.html.
419
Selon des modalités précisées par un décret n° 89-734 du 13 octobre 1989, portant modification du code du
domaine de l’État, pour l’application des articles L87 et L89 de ce code.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
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général de la propriété des personnes publiques (CG3P)420.


Il convient d’examiner les dispositifs de régularisation foncière mis en place par la loi
de 1986 (A), avant d’appréhender les apports de la loi du 25 juillet 1994 (B).

§ I. RÉGULARISATION FONCIÈRE DANS LA LOI


« LITTORAL » DE 1986

L’objectif de la « loi littoral » a été notamment de préserver les espaces rares et


sensibles, de gérer de façon plus adéquate la consommation de l’espace par l’urbanisation et
les aménagements touristiques, de garantir une ouverture plus large des rivages au public, et
d’accueillir prioritairement sur le littoral les activités dont l’essor dépend de la mer.
La loi « littoral » du 3 janvier 1986 a interdit les constructions dans une bande littorale
de 100 mètres, en dehors des espaces urbanisés. Cette disposition a été reprise à l’article
L160-6 du code de l’urbanisme.
Par ailleurs, des servitudes de passage ont été prévues pour faciliter l’accès des piétons
à la mer. La loi du 31 décembre 1976 avait déjà grevé les propriétés riveraines d’une
servitude longitudinale de passage sur une largeur de 3 mètres, au profit exclusif des piétons.
La loi littorale de 1986 a ajouté à cela, une servitude transversale destinée à relier la voie
publique au rivage, en l’absence de voies publiques d’accès à la mer situées à moins de 500
mètres (article L160-6-1 du code de l’urbanisme). Une indemnité peut être accordée au
propriétaire si la servitude entraîne pour lui un dommage direct, matériel et certain. La
servitude longitudinale peut être suspendue dans certains cas, notamment si les piétons ont
la possibilité de circuler le long du rivage grâce à d’autres voies ou passages déjà tracés.
Ce rappel de certaines servitudes instituées dans un but de protection du domaine
public maritime ou fluvial trouve une illustration dans les conflits, désormais réguliers,
opposant l’ASSAUPAMAR421 aux propriétaires de terrains situés en bordure de la mer422.

420
Les différents livres du code du domaine de l’Etat ont été abrogés par les articles 3 à 19 du décret n° 2011-
1612 du 22 novembre 2011, sauf pour les COM, les TAAF, et la Nouvelle-Calédonie. Le cas de Mayotte est
harmonisé avec celui des collectivités de l’article 73 de la Constitution dont il relève désormais.
421
L’ASSAUPAMAR, association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais, est une association
écologique créée pour la défense et le respect du patrimoine commun, le 19 janvier 1981. Son président actuel
est Monsieur Joël JOSEPH- MERELIX, depuis le 21 janvier 2018.
422
Cf. France-Antilles des mercredi 16 et jeudi 17 mai 2007 « Les dirigeants de l’ASSAUPAMAR placés en
garde à vue », p. 2.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

L’article L150-1 du code de l’urbanisme, depuis abrogé, prévoyait que les dispositions423des
articles L160-6 à L160-8 du code de l’urbanisme, depuis reprises aux articles L121-31 à
L121-33 dudit code, pouvaient être étendues aux départements d’Outre-mer, par décret pris
en conseil d’État avec les adaptations nécessaires. Ce décret n’a pas été pris. Retransmis
avec une certaine délectation par les médias locaux,424 ces conflits relatifs aux servitudes
administratives instituées sur le terrain d’autrui, font ressortir l’importance de l’action des
associations d’administrés, pour faire respecter leurs droits, notamment d’accès à la mer.
L’occupation sans titre portant atteinte au droit de propriété, juridiquement protégé,
des personnes morales de droit public et des personnes de droit privé, des solutions de
régularisation foncière ont été mises en place au fil du temps, sans pour autant qu’ait été
perdu de vue l’impératif de protection des zones naturelles, du littoral et de l’environnement.
La loi « littoral » n’a pas prévu de nouvelle procédure de vérification des titres. Elle a
néanmoins, en sus des apports sus énoncés, prévu des mesures de régularisation foncière
(A), tout en dévoilant certaines insuffisances (B).

A. MESURES DE RÉGULARISATION FONCIÈRE ET CHAMP


D’APPLICATION DE LA « LOI LITTORAL »

La loi du 3 janvier 1986 étend aux départements d’outre-mer les dispositions de la loi
du 28 novembre 1963 et de ses décrets d’application, entraînant ainsi l’incorporation au
domaine public maritime, du sol et du sous-sol de la mer territoriale, du rivage de la mer,
des terrains artificiellement soustraits à l’action du flot, ainsi que des lais et relais situés entre
le rivage et la limite supérieure de la zone des cinquante pas géométriques. Elle permet un
retour de la zone des cinquante pas géométriques vers une domanialité publique.

1) Un retour de la zone des cinquante pas géométriques dans le domaine


public

La « loi littoral » a réintégré la zone des cinquante pas géométriques outre-mer dans
le domaine public maritime de l’État, sans modification de limites.
Elle a toutefois pris soin de prononcer l’exclusion de son champ d’application de

423
L’article L121-31 du code de l’urbanisme stipule que « les propriétés privées riveraines du domaine public
maritime sont grevées sur une bande de trois mètres de largeur d’une servitude destinée à assurer exclusivement
le passage des piétons », sauf dans certains cas (par ex. : cas où les terrains sont situés à moins de quinze mètres
des bâtiments à usage d’habitation édifiées avant le 1er janvier 1976).
424
Cf. France-Antilles des mercredi 16 et jeudi 17 mai 2007 « Les dirigeants de l’ASSAUPAMAR placés en
garde à vue », p. 2.

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certains biens, les soustrayant ainsi à la domanialité publique ou à la domanialité publique


maritime. Il s’agit des terrains et immeubles affectés par l’État à certaines destinations, à des
usages particuliers. L’exclusion vise les terrains et immeubles relevant par nature ou par
destination d’un domaine public autre que maritime (domaine public fluvial ou lacustre,
domaine public routier, …etc.), les immeubles spécialement aménagés en vue de l’exécution
des services publics auxquels ils sont destinés (monuments historiques, mairies, ...), et les
immeubles du domaine privé de l’État affectés aux services publics425. En outre, ne sont pas
incorporés au domaine public maritime, les terrains domaniaux gérés par l’Office national
des forêts en application de l’article L121-2 du code forestier.
Les limitations les plus importantes apportées au champ d’application de la loi de
1986, résultent des dispositions de l’article 38426 préservant les droits des tiers. On pouvait
se demander si, au regard de ces dispositions, les personnes qui n’avaient pas pu faire
reconnaître ou examiner les droits qu’elles estimaient avoir acquis avant 1955, sur les
terrains de la zone des cinquante pas géométriques, n’étaient pas en mesure de bénéficier de
la prescription acquisitive, dès lors que les conditions exigées pour la reconnaissance de
celle-ci étaient satisfaites avant 1955. Mais à l’époque ladite zone, faisant partie du domaine
public de l’État, inaliénable et imprescriptible, aucune suite favorable ne pouvait être
réservée à ces demandes.
S’agissant de l’exclusion des terrains et immeubles acquis par des personnes pouvant
justifier de leurs droits, les biens concernés sont ceux acquis en pleine propriété par lesdites
personnes. Le droit de propriété de ces personnes, privées ou publiques (autres que l’État),
pouvait avoir selon la loi, une double origine. Il pouvait résulter de titres d’aliénation validés
sur le fondement de l’article 10 du décret du 30 juin 1955 instituant la première commission
de vérification des titres, tel que sus dit. Il pouvait aussi résulter de ventes ou de promesses
de vente consenties par l’Etat lui-même, après la publication du décret de 1955, car la loi du
3 janvier 1986 n’a pas remis en cause les droits de propriété résultant de ces actes.
Néanmoins, seules étaient prises en compte les promesses de vente constatées par acte
authentique ou par acte sous seing privé enregistré dans les dix jours de leur acceptation par
les bénéficiaires. De même, les projets d’aliénation soumis par l’administration à la
Commission nationale ou Départementale des opérations immobilières, ou à la Commission
habilitée à donner des avis préalablement à la cession ou à la location des terrains à vocation

425
Cf. les explications apportées plus haut sur la distinction entre domaine public et domaine privé.
426
Devenu article L88 du code du Domaine, depuis remplacé par le CG3P.

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agricole, et ayant recueilli leur avis favorable avant l’entrée en vigueur de la loi du 3 janvier
1986, ont été admis comme valables.
En revanche, contrairement à ce qui a été prévu pour La Réunion, l’article 38 de la loi
est resté muet sur les éventuelles prescriptions dont pourraient se prévaloir les habitants des
Antilles et de la Guyane. Or, à partir du décret de 1955, qui a fait entrer la zone des cinquante
pas dans le domaine privé de l’État, jusqu’à la promulgation de la loi du 3 juin 1986, cette
zone tombait sous le coup des prescriptions des articles 2262 à 2265 du Code civil. On trouve
en ce sens un arrêt de la Cour de cassation, rendu le 12 janvier 1982427. Mais compte tenu de
l’article 5 du décret de 1955 prévoyant un point de départ fixé à la date de clôture des
opérations de délimitation de la zone par arrêté interministériel non pris, on ne peut qu’en
conclure que les dépendances de la zone des cinquante pas étaient demeurées
imprescriptibles. Ainsi qu’il est dit en amont, pour une partie de la jurisprudence, dès lors
que le gouvernement avait le droit d’instituer un délai de forclusion, il avait nécessairement
celui de fixer le point de départ d’une prescription. Dans l’arrêt du Conseil d’État du 13 juin
1975, « PAJANIANDY »428, sus relaté, la perte des droits éventuels des occupants résultait
de la simple expiration du délai d’un an prévu par le texte.
Toutefois, il résulte de la jurisprudence du Conseil d’État, notamment de l’arrêt
« KEVERS-PASCALIS », rendu le 13 juillet 1962429, et de l’arrêt « LEBRETON » rendu le
9 juin 1967, qu’il existe à la charge de l’administration une obligation de prendre les mesures
nécessaires à l’application des lois et règlements. Celles-ci, en l’absence de délai
d’intervention prévu, doivent être prises dans un délai raisonnable qui est apprécié par le
juge administratif. Un arrêt rendu par le Conseil d’État le 27 novembre 1964, « Ministre des
finances et des affaires économiques c/ Dame veuve RENARD »430, a d’ailleurs condamné
l’État à verser une indemnité en réparation d’un préjudice causé par un retard de treize ans
pris dans la publication de règlements d’application d’un décret. Mais le caractère
raisonnable du délai est apprécié au cas par cas par le Conseil d’État.
S’agissant du cas de la zone des cinquante pas géométriques, en l’occurrence, la
carence de l’administration a privé les occupants de bonne foi de la possibilité de réclamer
la prescription de dix ou vingt ans, prévue à l’article 2265 du Code civil, et donc de la
possibilité d’acquérir la propriété des terrains dépendant de la réserve des cinquante pas

427
Civ., 3ème, 12 janvier 1982, D. p. 577, note AUDOUARD.
428
CE, 13 juin 1975, PAJANIANDY, Leb. 350 ; D. 1977, I, 74, note BIDERGARAY.
429
CE, 13 juin 1963, KEVERS-PASCALIS, Leb. p. 465 ; D. 1963, p. 606, note AUBY.
430
CE, Assemblée, Ministre des finances et des affaires économiques c/ Dame veuve RENARD, Leb. p. 590.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
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géométriques. La responsabilité de l’État pouvait donc être mise en cause sur la base de la
jurisprudence précitée. D’autres arrêts du Conseil d’État ont abouti à une sanction de l’État
en cas matière de carence du pouvoir réglementaire. Ainsi, dans l’arrêt « France nature
environnement » du 28 juillet 2000, le Conseil d’État a précisé dans son premier considérant
que : « l’exercice du pouvoir réglementaire comporte, non seulement le droit, mais aussi
l’obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu’implique nécessairement
l’application de la loi, hors le cas où le respect des engagements internationaux de la France
y ferait obstacle »431.
Par ailleurs, la « loi littoral » prévoit des procédures d’aliénation spécifiques, pour
raison de régularisation foncière à visée « économique ». Ainsi, en vue du développement
économique des DOM et pour favoriser l’édification d’équipements touristiques, la loi de
1986 a prévu des assouplissements aux règles de l’inaliénabilité et d’urbanisme.

2) Des procédures de régularisation foncière opérationnelles

En effet, l’article 37 de la loi de 1986 autorise le déclassement de terrains qui « ne sont


plus utiles à la satisfaction des besoins d’intérêt public », en vue de leur aliénation. Ce
déclassement a alors lieu en application du décret n° 89-734 du 13 octobre 1989, par arrêté
préfectoral, et uniquement en vue de l’aliénation. La cessation de la domanialité publique
des terrains situés dans la réserve des cinquante pas, découle d’une procédure de
déclassement assujettie à des règles particulières destinées à faciliter sa mise en œuvre.
Par ailleurs, les terrains occupés en vertu d’un titre administratif de jouissance ou sur
lesquels des constructions avaient été édifiées avant l’entrée en vigueur de la loi, peuvent
être déclassés en vue de leur aliénation au profit des occupants. Ceux-ci doivent souscrire
aux conditions d’une offre de cession notifiée par le Directeur des services fiscaux, après
avis de la Commission départementale des cinquante pas géométriques. En cas de non-
acceptation de l’offre de cession par l’occupant dans un délai de six mois à compter de la
notification, l’offre est frappée de caducité. En cas d’acceptation de l’offre, le transfert de
propriété intervient, après entière exécution des conditions de cession prévues. Dans ce
cadre, le prix est fixé sur la base de dispositions applicables à l’aliénation des dépendances
du domaine privé de l’État.
En outre, l’article 39 de la loi de 1986 permet aux communes d’obtenir après
déclassement, la cession de terrains dépendant de la zone des cinquante pas géométriques, à

431
CE, Contentieux, 28 juillet 2000, n° 204024, France nature environnement (FNE), Leb. DOI (13 janvier
2018) : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000008082308&dateTexte.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

des conditions financières particulièrement avantageuses. Cette procédure ne peut être


utilisée qu’en vue de réaliser des opérations d’aménagement prévues par le code de
l’urbanisme, notamment par l’article L156-3 dudit code, visant l’affectation des terrains à
des services publics, à des activités exigeant la proximité immédiate de la mer ou à des
opérations de résorption de l’habitat insalubre. En outre l’opération doit porter sur des
terrains classés en zone urbaine par un plan d’occupation des sols (POS)432, actuellement
plan local d’urbanisme (PLU), opposable aux tiers, et inclus dans le périmètre géré par la
commune en vertu d’une convention de gestion signée par le préfet, pour une durée ne
pouvant excéder dix-huit ans, conformément à l’article L51-1 du code du domaine de l’État,
modifié par le code général de la propriété des personnes publiques.
Enfin, des dispositions d’urbanisme particulières au littoral dans les collectivités
territoriales situées outre-mer, ont été définies par l’article 35 de la loi du 3 janvier 1986,
repris aux articles L156-1, L156-2, et L156-3 du code de l’urbanisme. Ces dispositions
permettent la préservation des terrains à usage de plages, d’espaces boisés, de parcs ou de
jardins publics. Des dérogations sont permises pour motif d’intérêt public prévu au POS ou
au PLU.
Toutefois, nonobstant toutes ces mesures, à la différence du régime de la bande
littorale métropolitaine, aucune règle d’inconstructibilité n’a été fixée. En effet, la servitude
d’inconstructibilité existant en Métropole, en dehors des espaces urbanisés, sur une bande
littorale de 100 mètres à compter de la limite du rivage, ne frappe pas les installations
nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité de
la mer. Les terrains faisant partie de la bande littorale et dont la largeur correspond
précisément à celle des cinquante pas, soit 81,20 mètres à compter de la limite haute du
rivage, peuvent être affectés à des installations nécessaires à des services publics ou à des
activités économiques, mais aussi à des équipements collectifs, s’ils sont situés en dehors
des parties urbanisées, à condition qu’ils soient liés à l’usage de la mer.
Ces mêmes terrains, peuvent être affectés par le PLU à des servitudes publiques, à des
activités exigeant la proximité immédiate de la mer et à des opérations destinées à résorber
l’habitat insalubre433, s’ils sont compris dans les zones urbanisées et s’ils sont déjà équipés
ou occupés à la date de la promulgation de la loi de 1986.
À ce propos, un arrêt a été rendu par la Cour administrative d’appel de Paris, le 5 avril

432
Le POS (Plan d’Occupation des Sols) a été remplacé par le PLU (Plan Local d’Urbanisme).
433
En l’occurrence, constructions précaires édifiées sans titre dans les espaces voisins du rivage de la mer.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

1994, « Commune du ROBERT, société ROMAK contre l’ASSAUPAMAR »434, aux termes
duquel la Cour a relevé que le préjudice dont se prévalait l’ASSAUPAMAR, et qui
résulterait pour elle de l’exécution de l’arrêté du 28 août 1992 accordant un permis de
construire à la société ROMAK, était de nature à justifier le sursis à exécution, et qu’il y
avait lieu d’ordonner le sursis à exécution dudit arrêté, le moyen tiré de la méconnaissance
par le permis des dispositions de l’article L 156-2 du code de l’urbanisme, paraissant de
nature à justifier son annulation. Cet article réserve les terrains situés en dehors des espaces
urbanisés de la bande littorale aux installations nécessaires à des services publics, à des
activités économiques ou à des équipements collectifs, s’ils sont liés à l’usage de la mer.
La loi « littoral » de 1986, comporte donc, on le constate, de nombreuses dérogations
destinées à solutionner les problèmes existants, dont l’occupation sans titre, et le
développement encadré des activités économiques, tout en préservant le littoral. Mais sa
mise en œuvre a toutefois posé certains problèmes, en raison notamment de l’augmentation
de la demande foncière des particuliers et des pressions exercées par certains élus pour
l’obtention de cessions gratuites ou à prix symbolique435.
Différentes modalités de gestion de la zone des cinquante pas géométriques sont

434
CAA de Paris, 5 avril 1994, Commune du ROBERT, Sté ROMAK c/ Association pour la sauvegarde du
patrimoine martiniquais (ASSAUPAMAR), AJDA du 20 juin 1994, conclusions MENDRAS (A.), commissaire
du Gouvernement. Les faits sont simples : par arrêté du 28 août 1992, le maire de la Commune du ROBERT
autorise la société ROMAK à construire une minoterie et une unité de fabrication d’aliments pour bétail sur un
terrain situé dans le secteur du RAYNOIRD, au bord de la mer, dans la zone des cinquante pas géométriques.
Compte tenu de l’incorporation de cette zone au domaine public maritime par la loi « littoral » du 3 janvier
1986 (articles L86 et L87 du Code du domaine de l’État), une convention d’occupation est signée au nom de
l’État par le Directeur Départemental de l’Équipement. L’ASSAUPAMAR saisit le Tribunal administratif de
Fort-de-France en annulation du permis de construire délivré. Le tribunal administratif fait droit à sa demande
et ordonne le sursis à exécution du permis de construire. La société Romak et la Commune du ROBERT
interjettent appel de cette décision devant la Cour administrative d’appel de Paris. La Cour suit le commissaire
du Gouvernement dans ses conclusions. Sur la régularité du jugement attaqué, la Cour administrative d’appel
décide qu’en ne précisant pas le moyen retenu pour prononcer son sursis à exécution, le Tribunal administratif
n’a pas suffisamment motivé sa décision qui doit par conséquent être annulée. Sur la recevabilité de la demande
de l’ASSAUPAMAR, la Cour décide que les statuts de ladite association lui donnent notamment pour but la
défense et la protection de la zone des cinquante pas géométriques, et que son objet social même lui confère
un intérêt de nature à lui donner qualité pour demander l’annulation du permis de construire délivré le 28 août
1992 à la société ROMAK ; ce permis autorisant ladite société à construire sur un terrain dépendant de la zone
des cinquante pas géométriques. En outre, la Cour précise qu’aux termes de l’article 11 des statuts, le président
de l’ASSAUPAMAR (à l’époque, Monsieur Henri LOUIS-REGIS) est « autorisé à porter plainte et agir en
justice au nom de l’association », sans avoir à produire de pouvoir. Puis, la Cour statue sur la demande de sursis
à exécution proprement dite et relève que le préjudice dont se prévaut l’ASSAUPAMAR et qui résulterait pour
elle de l’exécution de l’arrêté du 28 août 1992 accordant un permis de construire à la société ROMAK, est de
nature à justifier le sursis à exécution et qu’il y a lieu d’ordonner le sursis à exécution dudit arrêté, le moyen
tiré de la méconnaissance par le permis des dispositions de l’article L 156-2 du Code de l’urbanisme paraissant
de nature à justifier son annulation. En effet, cet article réserve les terrains situés en dehors des espaces
urbanisés de la bande littorale aux installations nécessaires à des services publics, à des activités économiques
ou à des équipements collectifs, lorsqu’ils sont liés à l’usage de la mer.
435
ROSIER (Guy), L’enracinement créole, Chronique de l’extinction du régime colonial aux Antilles
françaises : la zone des cinquante pas géométriques, Éditions L’Harmattan (Paris), 2006, p. 33 et ss.

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proposées par le décret d’application du 13 octobre 1989. Ainsi, une commune peut être
habilitée à accorder des autorisations d’occupation ou à consentir des locations d’une durée
n’excédant pas dix-huit ans, sur des terrains relevant de son territoire, aux termes de la
convention passée avec l’État. Les revenus que ladite commune retire de cette gestion sont
affectés au bénéfice des secteurs non appelés à être cédés.
Il existe aussi la possibilité de « déterminer les secteurs dont la commune deviendrait
propriétaire, soit pendant la convention, soit au terme de celle-ci. Dans ce cas, la cession
porte sur des terrains classés en zone urbaine du POS [actuel PLU], en vue de la réalisation
d’opérations d’aménagement visant, soit à appliquer une politique locale de l’habitat, soit à
organiser le maintien, l’extension ou l’accueil d’activités économiques, soit à favoriser le
développement des loisirs et du tourisme, soit à créer des équipements collectifs, ou encore
à lutter contre l’insalubrité, à sauvegarder ou à mettre en valeur le patrimoine bâti ou non
bâti et les espaces naturels »436.
Un autre effet de la loi « littoral »437 a été d’étendre le régime de la domanialité
publique dans les départements d’outre-mer, au sol et au sous-sol de la mer territoriale, aux
terrains soustraits artificiellement à l’action des flots, ainsi qu’aux lais et relais formés
postérieurement à la date de promulgation de la loi. Lesdits éléments dépendaient
antérieurement du domaine privé de l’État.
Toutefois, malgré tous les apports de la « loi littoral », il est important d’en considérer
également ses insuffisances en matière de régularisation foncière (B).

B. INSUFFISANCES DE LA « LOI LITTORAL » DE 1986 EN


MATIÈRE DE RÉGULARISATION FONCIÈRE

De nombreuses insuffisances ont découlé de la loi « littoral » du 3 janvier 1986 et


méritent d’être rapportées, car elles ont eu des incidences sur l’inefficience partielle de la
régularisation foncière dans la zone des cinquante pas.

1) Carences de la « loi littoral » en matière de régularisation foncière

Tout d’abord la question du sort des constructions édifiées antérieurement à la loi du


03 janvier 1986, reposant sur des terrains que leurs occupants (bénéficiaires parfois de titres

436
Décret n°89-734 du 13 octobre 1989 portant modification du code du domaine de l'Etat pour l'application
des articles l87 et l89 de ce code, publié au JORF du 14 octobre 1989 page 12863.
437
Loi n° 86-2 du 3 janvier 1986, publié au J. O. du 4 janvier 1986, p. 200. Cette loi est codifiée aux articles
L86 et suivants du code du Domaine de l’État.

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administratifs de jouissance) n’avaient pas acquis, restait posée. Ceux-ci, estimaient le prix
de cession proposé par l’Etat trop élevé, car fixé par l’administration des domaines par
référence aux prix de cession du domaine privé de l’État, ou faute de ressources
suffisantes438. Les occupations postérieures à 1986 étaient frappées d’interdiction.
Par ailleurs, s’agissant de la détermination des prix de cession, ceux-ci étaient très
différents selon qu’ils étaient calculés à la date de la demande ou à la date de la mutation,
compte tenu de l’évolution du marché immobilier, engendrant ainsi des inégalités de
traitement entre les requérants. En effet, la Commission des cinquante pas géométriques, qui
avait été instituée dans chaque département, était appelée à examiner les projets d’aliénation.
Le particulier qui souhaitait acquérir, devait faire apprécier la validité de son titre
d’occupation et la réalité de la construction sur la dépendance occupée. Si sa demande était
jugée recevable, une offre lui était proposée. Mais dans la pratique, la date de référence prise
en compte pour déterminer la valeur vénale du bien à vendre était fixée soit au jour de la
demande, soit au jour de la mutation, compte tenu d’une interprétation différente des textes
par les services administratifs ; ce qui était source d’inéquité entre les futurs acquéreurs439.
Par ailleurs, il s’était avéré que les services administratifs réclamaient, après 1986,
des redevances d’occupation à des occupants sans titre qui, pour la période de 1955 à 1986,
mettaient en avant leurs droits à la prescription acquisitive440.
Une autre particularité venait du fait que la bonne exécution du programme
d’aménagement de la commune, qui revendiquait la cession de terrains situés dans le
périmètre de la convention de gestion, devait être contrôlée par la Commission.
Devant toutes ces difficultés et confusions, le Gouvernement avait pris l’initiative de
constituer un groupe de travail associant différents ministères intéressés, afin de recenser les
problèmes posés par la zone des cinquante pas géométriques outre-mer, de se prononcer sur
le « problème des droits de propriété », et à faire des propositions. Ces propositions devaient
avoir pour objectifs principaux de favoriser le maintien des constructions existantes dans la
zone et le cas échéant, leur réhabilitation avec des aides de l’État, après vérification des
droits de propriété441. Ces propositions devaient aussi permettre l’évitement d’une situation
d’urbanisation et d’occupation anarchiques, et favoriser la protection de l’environnement.
Des propositions émergèrent d’élus et de personnalités diverses, et des projets de lois

438
ROSIER (Guy), L’enracinement créole, Chronique de l’extinction du régime colonial aux Antilles
françaises : la zone des cinquante pas géométriques, Éditions L’Harmattan (Paris), 2006, p. 34 et ss.
439
ROSIER (G.), op cit., p. 35 et s.
440
Idem.
441
Ibidem.

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virent le jour, avec l’ambition d’apporter une solution définitive à la problématique de


l’occupation sans titre de la zone des cinquante pas géométriques Outre-mer.

2) Propositions de la classe politique

Ces propositions sont en partie consignées dans le rapport établi par Guy ROSIER442,
mais certaines d’entre elles méritent d’être rappelées. Il s’agit notamment de la proposition
de Pierre PETIT443, émise lors de la séance de l’Assemblée nationale du 23 juin 1994, de
créer un comité chargé d’étudier des solutions à apporter à la gestion de la zone des cinquante
pas géométriques444.
Cette mission fût créée par le ministre des Départements et territoires d’Outre-mer et
conduite par Guy Rosier, Conseiller Maître à la Cour des comptes445. Elle fit tout d’abord le
constat des faibles moyens à disposition des services gestionnaires de la zone des cinquante
pas géométriques, et d’autres de nombreux constats, dont ceux suivants446. Il fût notamment
constaté que les services fiscaux faisaient une interprétation restrictive des dispositions de
la loi de 1986 et refusaient le déclassement et la cession au profit des communes de terrains
dépendant de la zone des cinquante pas géométriques, lorsque ces communes les destinaient
à la construction de L.E.S.447, estimant que ce type d’opérations ne relevait pas de la
résorption de l’habitat insalubre. Mais de surcroît, compte tenu de l’insuffisance de leurs
moyens, les services chargés de la gestion de la zone des cinquante pas géométriques ne
parvenaient pas à s’opposer à l’appropriation progressive de celle-ci par la population et à
l’extension de l’habitat insalubre. Ces services, chargés de la lutte contre les squatterisations,
de la régularisation individuelle des occupations et de l’établissement des actes de cession
et des conventions, accumulaient, compte tenu de l’ampleur de ces tâches, de nombreux
retards448.
Guy ROSIER dénote que la Commission locale ne peut instruire qu’un volume annuel
de 600 dossiers environ et qu’en 1993, 221 dossiers d’AOT (autorisations temporaires

442
ROSIER (Guy), L’enracinement créole, Chronique de l’extinction du régime colonial aux Antilles
françaises : la zone des cinquante pas géométriques, op cit., pp. 2 et s.
443
Ancien député de la Martinique.
444
Ainsi, le ministre des départements et territoires d’Outre-mer annonça l’envoi d’une mission aux Antilles,
en vue d’examiner l’ensemble des problèmes rencontrés, de déterminer les raisons pour lesquels les textes déjà
adoptés rencontraient des difficultés d’application et de « faire des propositions visant à concilier les intérêts
de l’État propriétaire de la zone des cinquante pas géométriques, la protection du littoral, le développement
économique, et la cause des occupants sans droit ». Cette mission était composée de représentants du ministère
du Budget, du ministère de l’Équipement, du ministère de l’Environnement et du Conservatoire du littoral.
445
Cf. ROSIER (Guy), op cit., pp 38 et ss.
446
Idem.
447
Logements évolutifs sociaux.
448
ROSIER (Guy), op. cit., pp 39 et s.

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d’occupation) ont été déposés en Guadeloupe et 1800 demandes de déclassements et de


cessions, déposées en Martinique. Cette masse de travail nécessiterait plus de trois ans pour
écouler le stock de dossiers et entre cinq et dix ans pour répondre aux demandes de
conventions formulées par les Communes449. À cela s’ajoutait une absence de sanction des
infractions constatées sur la zone des cinquante pas géométriques450.
Par ailleurs, s’agissant des modalités de fixation des prix de cession proposées par les
services fiscaux en application de l’article R165 du code du domaine de l’État, alors même
que beaucoup d’occupants s’attendaient à des cessions à titre gratuit ou au moins à ce qu’il
soit tenu compte de leur ancienneté d’occupation, les prix étaient fixés compte tenu de la
valeur vénale des biens au jour du transfert de propriété et non compte tenu de leur valeur
au jour de la demande, ce qui entraîna un certain mécontentement de la population451.
En outre, les élus locaux firent ressortir d’autres préoccupations fondamentales dans
la zone des cinquante pas géométriques. En effet, le sort des personnes titulaires de titres de
propriété non validés dans le délai d’un an prévu par le décret de 1955 restait posé. Alors
même que lesdites personnes occupaient depuis des décennies, des terrains situés dans la
zone des cinquante pas, qu’elles s’étaient régulièrement acquittées de leurs impôts fonciers
et des droits d’enregistrement à l’occasion des mutations successives intervenues, elles
n’avaient pu voir valider leur titre d’occupation. Ces personnes, dans le cadre de la
législation alors en vigueur en 1986, ne pouvaient ni céder, ni diviser, ni léguer, ni souscrire
des prêts à l’amélioration de l’habitat. Elles se retrouvaient en situation d’illégalité et
d’insécurité foncière, alors même qu’elles avaient eu l’attitude rigoureuse de n’importe quel
propriétaire foncier protégé par la loi. Tout ceci était de nature à engendrer une situation
d’inéquité et d’insécurité foncière. De nombreux occupants bénéficiaient également d’une
occupation de bonne foi, paisible, publique, continue et non équivoque.
Les élus locaux dénoncèrent aussi un manque d’information et de communication de
la part de l’administration. Ils attirèrent l’attention de la mission interministérielle sur le
mécontentement des occupants eu égard aux prix excessifs qui leur étaient réclamés pour
l’acquisition d’un terrain dont ils s’étaient toujours considérés comme propriétaires,
particulièrement en raison de leur ancienneté d’occupation et des efforts d’aménagement et
d’assainissement qu’ils avaient eux-mêmes effectués et financés.

449
ROSIER (Guy), op. cit., pp 40 et ss.
450
Les contraventions de grande voirie n’étaient pas dressées, les sentences n’étaient pas notifiées, et les
décisions d’expulsion n’étaient pas exécutées par les autorités locales (préfet, maires).
451
ROSIER (Guy), op. cit., pp 43 et s.

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De son côté, la Commission interministérielle fit de nombreux constats, portant


spécialement sur les dysfonctionnements de la gestion de la zone des cinquante pas
géométriques Outre-mer452. Un premier constat fut fait à propos des catégories de personnes
occupant la zone des cinquante pas géométriques. Il s’agissait majoritairement de
particuliers mais aussi de collectivités locales. À cet égard, il fallait distinguer les occupants
d’avant 1955, qui avaient fait valider leur titre en application de la législation de 1955, de
ceux n’ayant pas pu obtenir de validation de titre. Il fallait aussi distinguer ceux installés
entre 1955 et 1986 qui avaient eu la possibilité d’obtenir de l’État la cession de terrains
occupés en vertu d’un titre administratif de jouissance (bail, convention) ou sur lesquels ils
avaient fait édifier des constructions avant 1986453, de ceux qui ont occupés après 1986 des
terrains ne pouvant être l’objet d’aucune régularisation d’après la législation en vigueur.
Le type de squattérisation en cause était également singulier. Il était apparu que les
occupations foncières de la bande littorale concernaient des terrains d’assiette de bâtiments
publics et privés de toutes natures, des voies de circulation, des places, des cimetières, des
espaces naturels de la réserve domaniale et des parcelles gérées par l’Office National des
Forêts. Les services de la Direction Départementale de l’Équipement (D.D.E.)454 de la
Martinique, actuelle Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement
(DEAL), avaient recensé en 1994, sur la zone des cinquante pas géométriques, environ
15000 occupants sans titre pour la Martinique et 12000 occupants sans titre sur la ZPG
de Guadeloupe455. En raison de tout cela, la politique de déclassement catégorielle des
occupants n’avait plus de sens.
Par ailleurs, des défaillances dans la gestion de la zone des cinquante pas géométriques
avaient mis en évidence une insuffisance en matériel et en personnel affecté456 ; laquelle était
génératrice de longs délais, préjudiciables aux collectivités locales et aux particuliers.
La législation permettait aux communes d’obtenir, après déclassement, la cession à
leur profit de terrains dépendant du domaine public maritime, pour la réalisation
d’opérations d’aménagement faits conformément aux objectifs découlant de l’article 156-3

452
Cf. ROSIER (Guy), op cit., pp 46 et s.
453
En application de l’article R165 du Code du domaine de l’État abrogé par le CG3P.
454
Depuis devenue la DEAL (Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) résultant de
la fusion de la Direction de l’Équipement (DDE), de la Direction de l’Environnement (DIREN) et de la
Direction de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement (DRIRE), en vertu du Décret n° 2009-235 du
27 février 2009. Laquelle DEAL remplace et reprend les compétences de ces anciennes entités.
455
ROSIER (Guy), L’enracinement créole, op cit., pp. 47 et s.
456
Guy ROSIER dénombre une dizaine de personnes dans chaque Département pour passer des conventions
de l’ordre de 5 à 6 par an avec les Communes, pour mettre en œuvre les cessions aux particuliers (10 à 15000
par Département), ainsi que les procédures de déclassement.

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du code de l’urbanisme457. Ces cessions ne pouvaient concerner que des terrains classés en
zone urbaine du POS458 (opposable aux tiers) et inclus dans le périmètre géré par la commune
en vertu d’une convention de gestion. Un nombre peu élevé de conventions fut signé459.
Par ailleurs, il ressort du rapport ROSIER, qu’une interprétation divergente de l’article
L89 alinéa 3 modifié du code du domaine de l’État amena une complexité dans les
procédures. Certains services locaux considéraient en effet que seules les opérations de
résorption de l’habitat insalubre (RHI) étaient concernées par ce texte, à l’exclusion de toute
autre opération ayant pour objet le relogement de personnes vivant dans l’insalubrité. Par
ailleurs, certaines communes refusaient de consacrer une partie de leur littoral à de telles
opérations, tandis que d’autres souhaitaient réaliser des logements évolutifs sociaux »
(L.E.S.), contribuant à la résorption de l’habitat insalubre, sans pour autant entrer dans le
cadre d’une RHI460.
Des cessions de terrains avaient été refusées à des communes qui avaient présenté, au
titre de l’amélioration de l’habitat, des projets de zones d’aménagement concerté ou de
restructuration de centres-bourgs. Ainsi, les services fiscaux n’autorisaient pas les maires à
mettre en place une gestion efficace de l’espace urbain et de l’habitat, à l’intérieur de la ZPG,
limitant ainsi les moyens d’actions des communes.
En outre, la mission interministérielle releva de nombreuses contestations relatives au
prix de cession fixé par les services des Domaines selon que l’acquéreur soit une commune
ou un particulier. En effet, le prix de cession était établi en référence à la date du transfert de
propriété, concernant les particuliers, alors qu’en cas de vente aux communes après
déclassement, il tenait compte de la différence entre la valeur vénale du bien cédé et les plus-
values apportées par la commune, abstraction faite du montant des subventions
éventuellement accordées par l’État461. Pour résoudre ce problème, des élus avaient suggéré
la cession à prix symbolique. Mais deux obstacles allaient à l’encontre de cette disposition.
En premier lieu, il existe un principe constitutionnel selon lequel les biens faisant partie du
patrimoine public ne peuvent pas être cédés à des personnes poursuivant des fins d’intérêt
privé, à un prix inférieur à leur valeur, ainsi qu’il résulte de la décision du Conseil

457
Affectation des terrains à des services publics ou à des activités exigeant la proximité immédiate de la mer
ou à la résorption de l’habitat insalubre.
458
Actuellement PLU.
459
M. ROSIER dénombre une convention signée et trois en cours d’élaboration en Martinique, au cours de
l’année 1994.
460
ROSIER (Guy), op cit., pp 50 et s.
461
ROSIER (Guy), op cit., pp 50 et s. Idem.

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constitutionnel des 25 et 26 juin 1986462. En second lieu, la cession au franc symbolique, ou


à l’euro symbolique, se présente comme une opération subventionnée en nature, engageant
par ce fait les finances de l’État, et devant par conséquent procéder d’une autorisation
spéciale du Parlement.
Les élus eux-mêmes avaient fait remonter auprès des autorités compétentes le souhait
des occupants sans titre de voir le prix de vente fixé au franc symbolique et qu’il soit tenu
compte de leurs ressources et de leur situation de famille. Ils avaient fait ressortir la nécessité
de concilier la protection des espaces, y compris agricoles, et le développement économique,
dont le tourisme constituait et constitue encore un élément essentiel. Ils avaient émis le
souhait de voir le front de mer aménagé et émis la possibilité que soient édifiés des
équipements hôteliers dans la zone des cinquante pas géométriques. L’idée a été émise de
voir ladite zone abriter d’autres types d’activités que celles exclusivement liées à l’usage de
la mer. Des personnalités hautement qualifiées se prononcèrent également sur le sujet. Des
représentants de groupes socioprofessionnels exprimèrent le souhait d’une réouverture des
délais de reconnaissance de la validité des titres anciens des occupants. L’idée d’un
élargissement des compétences de la Commission fût également émise, ainsi que celle d’une
possibilité de cession aux communes de terrains dépendant de la zone, en vue de la
réalisation de logements sociaux463.
Devant toutes ces problématiques, le professeur LARRIEU a constaté qu’il aurait été
plus efficace d’appliquer le droit commun de la « loi littoral »464. Il avait préconisé le
déclassement de la zone, compte tenu des problèmes redondants et spécifiques qui y sont
attachés : squattérisations, inégalités sociales, mécontentement des occupants, insalubrité, et
autres problématiques foncières465.
Serge LETCHIMY466, de son côté, a attiré l’attention des autorités sur les conditions
d’habitat de type « bidonville » d’une partie de la population467. Il a posé la question d’une
réhabilitation de l’habitat insalubre au sein de quartiers « auto-construits sur des terrains

462
CC n°86-207 DC, 25 et 26 juin 1986, « Loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d’ordre
économique et sociale, dite « Loi portant D. M. O. E. S. et d’habilitation », (Privatisations). AJDA 1986. 575,
note RIVERO. En ligne : www.conseil-constitutionnel.fr/conseilcon.dc/decision-n-86-207-dc-du-26-juin-
1986.8271.html.
463
ROSIER (Guy), L’enracinement créole, op cit., pp 44 et ss.
464
En métropole, il est interdit de construire à l’intérieur de la bande littorale de cent mètres, située en dehors
des espaces urbanisés.
465
LARRIEU (Jacques), « Le changement de statut de la zone des « 50 pas du Roi » dans les D.O.M »., Les
Petites affiches, 12 décembre 1997, n° 149, page 8.
466
À l’époque, M. LETCHIMY (S.) était responsable d’urbanisme à la mairie de Fort-de-France.
467
Cette population a été estimée à 30 % de la population de Fort-de-France.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

appartenant à autrui »468. Il a attiré l’attention sur le fait que les communes qui obtiendraient
des terrains dépendant de la zone des cinquante pas géométriques devraient, compte tenu de
leurs nouvelles responsabilités, prévoir une augmentation des dépenses de viabilisation,
d’assainissement et de gestion du tissu urbain existant et qu’en conséquence, il soit prévu
des mesures d’accompagnement, d’assistance et des compensations financières en leur
faveur. Pour Serge LETCHIMY, le foncier constitue l’un des enjeux fondamentaux du
développement de l’espace urbain dont il appartient aux occupants sans titre d’être les
acteurs469. Il sera examiné en aval, la concrétisation de la pensée « Letchimyienne »470 qui
vise à faire évoluer le statut des occupants sans titre vers un statut de propriétaires, en raison
de la reconnaissance à leur profit d’une sorte de « droit à la Ville »471.
La mission interministérielle avait formulé une série de propositions dans le rapport
ROSIER, relatives à l’aménagement de la zone des cinquante pas géométriques, à la
situation des occupants sans titre et au règlement du foncier472.
Ainsi, concernant l’aménagement de la zone des cinquante pas géométriques, son
maintien dans la domanialité publique est apparu essentiel, eu égard aux impératifs de
protection des espaces naturels de la bande littorale et compte tenu des possibilités de
déclassement offertes par la loi « littoral » et le décret n°89-734 du 13 octobre 1989. Par
ailleurs il avait été préconisé la mise en place d’une gestion différenciée de la zone : les
zones urbaines de la bande littorale, correspondant notamment à la partie du domaine public
maritime artificiel, pourraient être cédées à des tiers (collectivités locales ou autres
organismes d’intérêt public), et les zones naturelles resteraient la propriété de l’État et ne
feraient l’objet d’aucune aliénation. Il avait aussi été suggéré d’incorporer les parties boisées
appartenant à l’État au domaine foncier national et de les remettre en gestion à l’O.N.F. Les
sites naturels à protéger seraient mis à la disposition du Conservatoire du littoral.
Par ailleurs, il avait été proposé d’étendre dans la zone des cinquante pas géométriques
les possibilités prévues par l’article L156-3 alinéa 2 du code de l’urbanisme. Ainsi,
l’affectation initialement prévue à « des services publics, à des activités exigeant la
proximité immédiate de la mer ou à des opérations de RHI », serait élargie à des opérations

468
LETCHIMY (Serge), De l’habitat précaire à la Ville : l’exemple martiniquais, Éditions L’Harmattan, 1992,
149 pages, plus annexes.
469
Cf. L’ouvrage de LETCHIMY (S.), op cit.
470
Expression utilisée par Aimé CÉSAIRE pour faire ressortir la force du courant de pensée de Serge
LETCHIMY.
471
LETCHIMY (S.), op cit. Il le fera à travers la régularisation foncière menée à « Trénelle » et « Volga Plage »,
à Fort-de-France (Martinique).
472
ROSIER (Guy), L’enracinement créole, op cit., pp 46 et s.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

de réaménagement de quartiers, de requalification de centres-bourgs, de réalisation de


logements à caractère social, notamment de types LES ou LLS,473 et à des opérations
d’équipement collectif (commerces, équipements socioculturels, structures artisanales, etc.).
Concernant la situation des occupants sans titre proprement dite, certaines mesures
recommandées préconisaient de procéder aux régularisations foncières en faveur de tous les
occupants sans titre, qu’ils soient installés dans les zones urbaines ou non, et la mise en place
d’une commission qui serait chargée de l’examen des titres non présentés en 1955.
De nombreuses autres propositions ont été faites par le rapport ROSIER, notamment
sur les conditions de cession des terrains aux occupants. Ces propositions concernaient la
possibilité de mise en place d’un système de location-vente pour les occupants à faibles
ressources, la mise en place d’un délai de détention de six après acquisition pour éviter la
spéculation foncière, etc. En sus, il était avancé que les occupants bénéficiaires d’une
autorisation temporaire d’occupation délivrée par les services de la D.D.E.474, ou par la
municipalité, pourraient acquérir la propriété des terrains concernés auprès de la commune
qui les auraient antérieurement reçus à titre gratuit de l’État et aurait procédé à leur
déclassement du domaine public communal475.
La proposition avait été faite de confier la gestion des zones urbaines ou à urbanisation
diffuse à un Établissement public d’aménagement foncier à créer, ou de procéder à leur
transfert gratuit dans le domaine public communal. Ainsi, avait été préconisée la mise en
place d’une procédure de transfert à titre gratuit aux communes, après déclassement du
domaine public de l’État, des parties urbaines de la zone, dans le domaine public
communal476. En contrepartie les communes assureraient la gestion de ces terrains et le
contrôle des occupations, rétrocéderaient le terrain d’assiette des constructions aux
particuliers occupants qui en feraient la demande, avec interdiction pour le nouveau
propriétaire de revendre avant l’expiration d’un délai de six ans, et prise en charge par la
commune de tout contentieux, prise en compte des contestations, frais, revendications de
propriété et dépenses de délimitation477.
Les propositions qui précèdent permirent d’aboutir à un projet de loi axé sur la
protection des zones naturelles, la résorption de la problématique de l’occupation sans titre

473
LES. : logements évolutifs sociaux. LLS. : Logements locatifs sociaux.
474
Actuellement la D.E.A.L
475
ROSIER (Guy), op cit., pp 57 et s.
476
La loi ADOM a préféré un transfert des zones urbaines et d’urbanisation diffuse de la zone au profit de la
région de Guadeloupe et de la collectivité territoriale de Martinique, notamment.
477
ROSIER (Guy), op. cit., pp 60 et s.

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par la cession des terrains occupés au profit des occupants, la mise en place d’une aide
financière exceptionnelle favorisant l’accession à la propriété des occupants, la promotion
d’une politique d’aménagement concerté, l’implantation et le développement d’activités
économiques. En effet, de la teneur des propositions effectuées par les élus, par des
personnalités qualifiées, et par la mission interministérielle qui rédigera un rapport
préconisant un certain nombre de mesures pour améliorer la situation dans la zone des
cinquante pas géométriques, découlera un important chantier législatif et réglementaire qui
débouchera sur la loi du 30 décembre 1996 et les textes subséquents.
Mais avant d’étudier les apports de la loi du 30 décembre 1996, il convient d’accorder
une attention spécifique à la loi du 25 juillet 1994 portant sur les autorisations d’occupation
temporaire (A.O.T.). Sans pour autant résorber l’occupation sans titre Outre-mer, cette loi a
opéré un renforcement des droits de l’occupant sans titre du domaine public, grâce à l’octroi
de droits réels, constituant un outil supplémentaire de régularisation foncière Outre-mer (§2).

§ II. DISPOSITIFS POSTÉRIEURS CONSTITUTIFS DE DROITS


RÉELS SUR LE DOMAINE PUBLIC

Divers assouplissements avaient déjà été apportés aux principes de l’inaliénabilité du


domaine public par la jurisprudence, notamment à travers la question des servitudes dites
« préconstituées », et par divers textes, notamment par la loi du 23 décembre 1985 sur la
communication audiovisuelle. Par ailleurs, l’établissement de servitudes de droit privé sur
le domaine public avait fait son apparition dans le cadre d’opérations immobilières
complexes de division d’espaces en volumes, dont certains affectés au domaine public et
d’autres à des propriétés privées (par exemple, l’opération « Maine-Montparnasse »)478.
Les lois des 5 janvier 1988 et 25 juillet 1994 tempèrent le principe d’interdiction
d’établissement de droits réels sur le domaine public, en vertu duquel les clauses d’un contrat
conférant un droit réel sur le domaine public sont regardées comme nulles.
L’article 13 de la loi du 5 janvier 1988, depuis abrogé par l’article 12 de la loi du 21

478
Il s’était alors avéré nécessaire d’établir « des servitudes habituelles en usage dans les immeubles superposés
ou voisins et nécessaires à l’aménagement ou à l’utilisation des locaux privés construits au-dessus, au-dessous
ou latéralement ». Organisée par l’ordonnance du 4 février 1959, l’opération « Maine-Montparnasse »
constitue la première opération complexe de ce genre. Le processus est simple : il faut d’abord une autorisation
d’établissement des servitudes, suivie d’un déclassement en volumes et en niveaux, et enfin intervient l’énoncé
des servitudes dans le cahier des charges relatif à l’opération.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

décembre 1996 relative à la partie législative du CGCT479, autorise les collectivités locales
et leurs établissements publics à consentir sur leurs domaines public et privé des baux
emphytéotiques pour une durée comprise entre 18 et 99 ans, en vue de l’accomplissement
d’une mission de service public ou en vue de la réalisation d’opérations d’intérêt général.
Une réforme plus large fût opérée par la loi du 25 juillet 1994 relative à la constitution
de droits réels480. Anciennement codifiée aux articles L34-1 à L34-9 du code du domaine de
l’État, et actuellement reprise aux articles L2122-6 et suivants du code général de la propriété
des personnes publiques (CG3P), elle a pour objet de favoriser la constitution de droits réels
sur le domaine public de l’État. Sa promulgation a contribué à élargir les solutions de
régularisation foncière de l’occupation du domaine public outre-mer. À cet effet, le code du
domaine de l’État fût enrichi des articles L34-1 à L34-9 relatifs aux « occupations
constitutives de droits réels »481. Le champ d’application de cette loi est limité au domaine
public artificiel de l’État et de ses établissements publics.
Ainsi, l’AOT permet d’apporter une réponse partielle à la problématique de
l’occupation sans titre du domaine public outre-mer (A). Il s’agit d’une réponse à rapprocher
du bail emphytéotique administratif, touchant aussi le domaine public outre-mer (B).

A. L’AUTORISATION D’OCCUPATION TEMPORAIRE, UNE


RÉPONSE PARTIELLE À L’OCCUPATION SANS TITRE

L’autorisation d’occupation temporaire (AOT), constitue une réponse partielle à


l’occupation sans titre du domaine public outre-mer. La loi de 1994 réalise des apports
antinomiques, car elle vise à renforcer la sécurité de l’investissement, en permettant à
l’occupant de se procurer du crédit par l’hypothèque, en supprimant l’incertitude qui existe
au sujet de la propriété des ouvrages réalisés sur le domaine public. Elle complète le code
du domaine de l’État, et a été suivie de plusieurs décrets d’application, dont un décret du 6

479
Article 12, loi n° 96-142 du 21 février 1996 relative à la partie législative du CGCT, JORF n°47 du 24
février 1996 page 2992.
480
Loi n° 94-631 du 25 juillet 1994 complétant le code du domaine de l'État et relative à la constitution de
droits réels sur le domaine public. NOR : BUDX9400021L.
481
CC, n° 94-346 DC, du 21 juillet 1994 : Dans cette décision, le Conseil constitutionnel énonce que cette
disposition ne porte pas atteinte au principe d’inaliénabilité du domaine public. En conséquence, le titulaire
d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine est titulaire d’un droit réel qui lui confère les
prérogatives et obligations du propriétaire, pour la durée de l’autorisation. Il peut donc consentir des
hypothèques en garantie de ses emprunts.

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mai 1995 qui en précise le mécanisme482.

1) L’AOT constitutive de droits réels, une réponse conforme à la


Constitution

Dans sa décision du 21 juillet 1994,483 le Conseil Constitutionnel a reconnu la


conformité de la loi du 25 juillet 1994 à la Constitution, sauf en son article 1er qui prévoyait
la possibilité d’accorder un nouveau titre constitutif de droit réel à l’expiration d’une
première période de 70 ans ; laquelle disposition fût écartée. Par cette décision, le Conseil
constitutionnel s’est assuré que le dispositif mis en place respecte bien les principes
constitutionnels de protection de la propriété publique et de continuité du service public.
Dans un avis en date du 31 janvier 1995,484 le Conseil d’État a donné la plus large
portée possible au mécanisme des droits réels résultant de la loi de 1994. Cet avis constitue
le pendant, pour la loi de 1994, de l’arrêt « S. A. Sopap-Marignan » rendu par le Conseil
d’État le 25 février 1994485 à propos de la loi du 5 janvier 1988 permettant la clause de
résiliation administrative sur certaines dépendances du domaine public communal486.
La loi de 1994 innove en prévoyant que l’occupation peut avoir une durée de 70 ans
(article L2122-6 du CG3P). La possibilité de renouvellement à l’issue des 70 ans a été
censurée par le Conseil constitutionnel, tel que sus dit, dans sa décision du 21 juillet 1994487.
La durée de 70 ans est un maximum, l’autorisation pouvant être accordée pour une durée
inférieure (permettant toutefois l’amortissement des dépenses effectuées par l’occupant)488.
La réforme de 1994 a pour objectifs fondamentaux de conforter la situation des
occupants domaniaux et de faciliter, par l’attribution de droits réels, le financement de leurs
investissements.
Cette législation introduisait un doute sur la situation des occupants ordinaires,
titulaires d’une autorisation traditionnelle relevant de l’ancien article L28 du code du
domaine de l’État. En effet, ces derniers étaient considérés comme « propriétaires », dans
les limites et pour la durée du titre, des installations réalisées par eux sur le domaine public.

482
Décret n°95-595 du 6 mai 1995 complétant le code du domaine de l'État et relatif à la constitution de droits
réels sur le domaine public. Un décret du 21 juillet 1995 précise les frais d’hypothèque pour la publication des
titres d’occupation du domaine public et des contrats de crédit-bail.
483
CC, n° 94-346 du 21 juillet 1994, AJDA 1994, p. 786, note GONDOUIN.
484
CE, avis du 31 janvier 1995, AJDA 1997, p. 139.
485
CE, 25 février 1994, D. Adm. 1994, n°198.
486
Loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d’amélioration de la décentralisation, publiée au JORF du 06 janvier 1988,
page 208. Cette loi a été complétée par plusieurs textes ultérieurs.
487
CC, n° 94-346 du 21 juillet 1994, AJDA 1994, p. 786, note GONDOUIN.
488
La durée minimale serait à priori de 18 ans, à l’instar de ce qui est prévu pour le bail emphytéotique.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Mais le décret d’application du 6 mai 1995 réserva la disposition de droits réels aux
occupants ayant obtenu une autorisation relevant de la loi de 1994.
Par la mise en œuvre des dispositions de la loi de 1994 susvisée, le titulaire de
l’autorisation d’occupation domaniale, sauf prescription contraire de son titre, dispose d’un
droit réel sur les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier qu’il réalise
pour l’exercice de l’activité autorisée par le titre d’occupation.
Le mécanisme est inversé quand il s’agit d’ouvrages nécessaires à la continuité du
service public. Dans ce cas, le droit réel n’existe que sur décision de l’État. Cela permet de
s’assurer que le renforcement des droits de l’occupant ne présente pas de risque pour le bon
fonctionnement du service public489.
L’occupant bénéficiaire peut être aussi bien une personne privée qu’une personne
publique. Le droit réel constitué peut être créé aussi bien par autorisation unilatérale que par
contrat, y compris par concession de service public.
Le droit réel conféré à l’occupant dans le cadre de la loi de 1994 peut être utilisé pour
la réalisation d’un ouvrage, qui sera ensuite mis à la disposition du service de l’État,
affectataire du domaine, par voie de bail. À cet égard, l’État peut assortir le droit réel, de la
description des éléments de programme correspondant à l’utilisation qu’il veut faire de
l’immeuble. Mais c’est le titulaire de l’autorisation d’occupation domaniale qui détient la
qualité de maître de l’ouvrage. Cette solution a été confirmée par une décision du tribunal
administratif de Strasbourg, « M. RIEGERT c/ Ville de STRASBOURG », du 6 mai 2000490.
Le droit réel dont dispose le titulaire de l’autorisation d’occupation du domaine public
de l’État (AOT), lui confère, pour la durée du titre, les prérogatives et obligations du
propriétaire, sous réserve des aménagements apportés par la loi. Ces prérogatives et
obligations portent sur les ouvrages réalisés et le droit d’occuper le terrain d’assiette (ou les
ouvrages), mais non sur le terrain d’assiette lui-même. Il y a donc dissociation entre la
propriété du sol et celle des ouvrages.
Certaines restrictions demeurent néanmoins. En effet le décret d’application du 6 mai
1995 sus visé impose au bénéficiaire de demander à l’administration une autorisation
constitutive de droits réels491, instituant ainsi un régime d’autorisation supplémentaire.

489
Article L2122. 10 du CG3P.
490
TA, Strasbourg, 06 mai 2000, « M. RIEGERT c/ Ville de STRASBOURG », Req. N° 99-2038. En l’espèce
le Tribunal avait considéré que l’aménagement d’un bar cafétéria se rattachait directement à la réalisation d’une
opération d’intérêt général d’un équipement culturel polyvalent appartenant au domaine public. La Ville de
Strasbourg avait conclu un BEA pour la location de locaux en vue d’y installer un bar cafétéria.
491
Ou « titre constitutif de droit réel ».

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Par ailleurs, dans le cas particulier où l’occupation a pour fondement une concession
de service public, d’outillage public ou d’installations portuaires de plaisance, le décret
énonce que les conditions d’exercice du droit réel doivent être prévues au cahier des charges.
De plus, la création de droit réel n’est possible que sur les dépendances du domaine
public artificiel, le domaine public naturel étant soumis à un impératif de protection.
À la fin de l’occupation, l’occupant peut démolir les installations (article L2122-9 du
CG3P), sauf si leur maintien a été prévu au contrat. Le propriétaire peut donner à bail les
installations réalisées à l’État lui-même qui, de la sorte, peut faire réaliser des ouvrages sans
avoir à les financer. Mais, comme dans le régime du bail emphytéotique, la liberté de céder
et d’hypothéquer est restreinte.
Par les dispositions de la loi de 1994, les ouvrages peuvent être hypothéqués pour
garantir les emprunts contractés par le titulaire de l’AOT, facilitant ainsi leur financement.
Toutefois, l’hypothèque ne peut garantir que des emprunts contractés pour financer la
réalisation, la modification, l’extension, d’ouvrages, de constructions, et d’installations à
caractère immobilier situés dans la dépendance domaniale occupée. L’hypothèque cesse de
plein droit au terme de l’autorisation. Le titulaire de l’autorisation peut également recourir
au crédit-bail, sauf pour financer des installations de service public et des travaux publics.
De plus, il convient de noter que l’autorisation d’occupation domaniale est précaire et
révocable à tout moment dans l’intérêt du domaine occupé, et qu’il n’y a aucun droit à
renouvellement de l’autorisation parvenue à échéance. En effet, la loi du 25 juillet 1994,
pour le domaine artificiel de l’État et de ses Établissements publics, aménage le principe de
précarité des occupations domaniales et règle, avec le décret de 1995, la procédure de retrait
du titre, dans l’intérêt général.

2) L’extension des AOT aux collectivités territoriales

Les collectivités territoriales, pour régulariser l’occupation de leur domaine public,


peuvent en effet délivrer sur leur domaine public des autorisations d’occupation temporaire
(AOT) constitutives de droits réels, en vue de l’accomplissement, pour leur compte, d’une
mission de service public ou en vue de la réalisation d’une opération d’intérêt général
relevant de leur compétence. Les autorisations d’occupations temporaires (AOT) sont
codifiées aux articles L1311-5 à L1311-7 du code général des collectivités territoriales.
Ces articles transposent aux collectivités territoriales le régime des autorisations avec
droits réels prévu pour l’État par la loi du 24 février 1994, mais en y ajoutant la condition
que ces autorisations soient délivrées en vue de l’accomplissement pour le compte de la

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collectivité d’une mission de service public ou d’une opération d’intérêt général. La seule
innovation consiste en ce que l’autorisation avec droit réel peut être délivrée pour occuper
les dépendances de la voirie alors qu’elles ne peuvent faire l’objet d’un bail emphytéotique.
Le but poursuivi est de ne pas remettre en cause les autorisations qui ont été délivrées par
l’État à un moment où celui-ci transfère aux départements des kilomètres de routes
nationales. L’innovation semble donc de portée limitée.
Le titulaire d’une telle autorisation possède un droit réel sur les ouvrages, constructions
et installations à caractère immobilier qu’il réalise pour l’exercice de son activité. Ce droit
réel confère à son titulaire, pour la durée de l’autorisation, et dans les conditions et les limites
fixées par la loi, les prérogatives et les obligations du propriétaire. La durée de l’autorisation
ainsi accordée est fixée en fonction de la nature de l’activité et de celle des ouvrages
autorisés, et du besoin d’amortissement des investissements, compte tenu de leur
importance, sans pouvoir excéder soixante-dix ans492.
Dans ce cadre juridique, le titulaire du droit réel conféré par le titre, sur les ouvrages,
constructions et installations, peut le donner en hypothèque pour garantir les emprunts
contractés par lui en vue de financer la réalisation, la modification ou l’extension des
ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier situés sur la dépendance
domaniale occupée. Cependant, les créanciers chirographaires, autres que ceux dont la
créance est née de l’exécution des travaux mentionnés ci-dessus, ne peuvent pratiquer des
mesures conservatoires ou d’exécution forcée sur lesdits droits et biens. Précision étant ici
faite que les hypothèques sur les droits et biens sus mentionnés s’éteignent au plus tard à
l’expiration des titres d’occupation délivrés.
À l’expiration du titre d’occupation, les ouvrages, constructions et installations de
caractère immobilier existant sur la dépendance domaniale occupée doivent être démolis,
soit par le titulaire de l’autorisation lui-même, soit à ses frais, à moins que l’autorité
compétente ne renonce en tout ou partie à leur démolition ou que leur maintien n’ait été
prévu expressément par le titre d’occupation. Dans ce dernier cas, les réalisations effectuées

492
Les droits réels conférés par le titre, et les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier,
ne peuvent être cédés ou transmis dans le cadre de mutations entre vifs ou de fusion, absorption ou scission de
sociétés, pour la durée de validité du titre restant à courir, y compris dans le cas de réalisation de la sûreté
portant sur lesdits droits et biens, dans les cas prévus par la loi, qu’à une personne agréée par les collectivités
territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics, en vue d’une utilisation compatible avec
l’affectation du domaine public occupé. En outre, le titre d’occupation constitutif de droit réel accordé à une
personne physique peut, lors de son décès, être transmis à son conjoint survivant ou ses héritiers, dans les
conditions prévues par la loi, à condition bien entendu que le bénéficiaire soit présenté à l’agrément de
l’autorité compétente.

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par le titulaire de l’autorisation deviennent de plein droit et gratuitement la propriété des


collectivités territoriales, de leurs groupements ou établissements publics, francs et quittes
de tous privilèges, droits et hypothèques493.
Ces dispositions sont applicables également aux groupements et aux établissements
publics des collectivités territoriales, tant pour leur propre domaine public que pour celui
mis à leur disposition. Elles sont également applicables aux conventions de toute nature
ayant pour effet d’autoriser l’occupation du domaine public.
Lorsque le droit d’occupation du domaine public résulte d’une concession de service
public ou d’outillage public, le cahier des charges précise les conditions particulières
auxquelles il doit être satisfait pour tenir compte des nécessités du service public. De plus,
les constructions concernées peuvent donner lieu à la conclusion de contrats de crédit-bail
comportant des clauses « permettant de préserver les exigences du service public. »
L’autorisation d’occupation temporaire du domaine public est par nature même
purement personnelle, c’est-à-dire intuitu personae, ainsi qu’il ressort de la décision
« Mungo », rendue par le Conseil d’État le 10 mai 1989494. Une décision de la Cour
administrative d’appel de Marseille, « Commune de Saint-Laurent-du-Var », en date du 15
mai 2003, va dans le même sens495. Il en résulte que les droits immobiliers, ouvrages et
constructions ne peuvent être cédés que pour la durée de validité du titre restant à courir et
uniquement à une personne agréée par l’autorité domaniale, en vue d’une utilisation
compatible avec l’affectation du domaine occupé (article L2122-7 CG3P).
Ce système semble devoir concerner les occupations privatives qui réalisent
l’affectation du domaine, la complètent ou y contribuent par des installations dont la
jurisprudence considère généralement, notamment le Conseil d’État, dans un avis du 13 juin
1989496, qu’elles s’intègrent globalement au domaine occupé.
Les modalités de régularisation foncière par mise en œuvre des droits réels résultant
de la loi de 1994 sont à rapprocher des modalités du bail emphytéotique administratif (B).

493
En cas de retrait anticipé de l’autorisation, le titulaire est indemnisé pour le préjudice subi. Ce préjudice doit
être direct, certain, matériel et né de l’éviction anticipée. Les droits des créanciers régulièrement inscrits sont
alors reportés sur l’indemnité.
494
CE 10 mai 1989, Munoz, Drt Adm. 1989, n°336.
495
CAA Marseille, 15 mai 2003, Commune de SAINT-LAURENT-DU-VAR, consultable en ligne :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichjuriadmin.do?idTexte=CÉTATEXT000007580780.
496
CHAMARD-HEIM (Caroline), MELLERAY (Fabrice), NOGUELLOU (Rozen), et YOLKA (Philippe), Les
grandes décisions en droit administratif des biens, Obs. sous CE, Avis 13 juin 1989, n° 345012, 2013, p. 70.

132
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
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B. UNE RÉPONSE À RAPPROCHER DU BAIL EMPHYTÉOTIQUE


ADMINISTRATIF

L’autorisation d’occupation temporaire est à rapprocher du bail emphytéotique


administratif (BEA), constitutif de droits réels sur le domaine public. Le BEA est un contrat
administratif constitutif de la première forme de partenariat public-privé. À l’origine, il s’agit
d’un instrument juridique permettant aux collectivités territoriales de consentir des droits
réels sur leur domaine public, tout en valorisant sur le plan économique ledit domaine public.
Désormais possible sur le domaine public de l’Etat, le BEA est à l’origine du BEAH (bail
emphytéotique administratif hospitalier) et d’autres types de BEA instaurés par le législateur
pour soutenir la valorisation ou le financement d’ouvrages publics. Deux types de BEA
retiennent l’attention.

1) Le BEA constitutif de droits réels de l’article L1311-2 du CGCT

En effet, l’article 13 de la loi du 5 janvier 1988497, depuis abrogé par l’article 12 de la


loi du 21 décembre 1996, tout en rappelant que les biens du domaine public des collectivités
territoriales, de leurs établissements publics et de leurs groupements, sont inaliénables et
imprescriptibles, prévoit, en son point II., qu’un bien immobilier appartenant à une
collectivité territoriale puisse « faire l’objet, en faveur d’une personne privée, d’un bail
emphytéotique prévu à l’article L451-1 du code rural et de la pêche maritime, en vue de
l’accomplissement, pour le compte de la collectivité territoriale, d’une mission de service
public ou en vue de la réalisation d’une opération d’intérêt général relevant de sa
compétence », ainsi que l’édicte le nouvel article L1311-2 du CGCT.
L’alinéa 2 de l’article L1311-2 du CGCT énonce qu’un « […] tel bail peut être conclu
même si le bien sur lequel il porte, en raison notamment de l'affectation du bien résultant
soit du bail ou d'une convention non détachable de ce bail, soit des conditions de la gestion
du bien ou du contrôle par la personne publique de cette gestion, constitue une dépendance
du domaine public, sous réserve que cette dépendance demeure hors du champ d'application
de la contravention de voirie »498.
Le bail emphytéotique administratif (BEA), d’une durée de 18 à 99 ans, peut être

497
Loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation.
498
novembre 2018, énonce à ce propos que : « Un tel bail ne peut avoir pour objet l'exécution de travaux, la
livraison de fournitures, la prestation de services, ou la gestion d'une mission de service public, avec une
contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, pour le compte ou pour les besoins
d'un acheteur ou d'une autorité concédante soumis au code de la commande publique. »

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consentie par une collectivité territoriale, un établissement public des collectivités


territoriales ou un groupement de ces collectivités territoriales, ou un établissement public
de santé, au profit d’un occupant, personne morale de droit privé physique ou morale et,
depuis la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002, au profit de personnes morales de droit public,
qui peuvent entreprendre des travaux de construction sur le domaine public et ensuite les
louer à la collectivité publique propriétaire du terrain.
Le BEA confère des droits réels au preneur, que celui-ci peut sous-louer, hypothéquer,
voir céder, pendant la durée du contrat. Les droits réels en résultant ne peuvent être cédés
qu’avec l’agrément de la collectivité territoriale, à une personne subrogée au preneur dans
les droits et obligations découlant du bail. Les droits réels et les constructions peuvent faire
l’objet de garanties hypothécaires, mais seulement pour la garantie des emprunts contractés
par le preneur pour la réalisation des ouvrages réalisés sur le bien loué. Le contrat de prêt
doit être approuvé par la collectivité. Seuls les créanciers hypothécaires peuvent exercer des
mesures conservatoires ou exécutoires sur les biens loués499.
À l’issue du contrat, la collectivité publique devient propriétaire des biens construits
sur son terrain, sans indemnité au profit du preneur. Toutefois, en cas de retrait de
l’autorisation pour motif d’intérêt public, la collectivité doit indemniser le bénéficiaire500.
Il est ici précisé que, dans un tel bail, la collectivité publique propriétaire ne peut pas
être le maître d’ouvrage et que les travaux effectués ne doivent pas relever du code des
marchés publics, ainsi qu’il ressort de l’article L1311-2 alinéa 3 du CGCT qui dispose que
ce bail « […] ne peut avoir pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures, la
prestation de services, ou la gestion d'une mission de service public, avec une contrepartie
économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, pour le compte ou pour les
besoins d'un acheteur ou d'une autorité concédante soumis au code de la commande
publique. », et qu’à défaut, il doit prévoir les conditions d’occupation du domaine.
Le BEA de valorisation mis en place pour l’Etat et ses établissements publics,
emprunte certaines de ces caractéristiques.

2) Le BEA constitutif de droits réels de l’article L2341-1 du CG3P

Parallèlement, l’article L2341-1 du code de la propriété des personnes publiques501,

499
L1311-2 du CGCT et ss.
500
Idem.
501
Article modifié par l’article 6 de l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des
personnes publiques et par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des
entreprises.

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prévoit qu’un bien immobilier appartenant à l’Etat ou à un établissement public peut faire
l’objet d’un bail emphytéotique prévu à l’article L451-1 du code rural et de la pêche
maritime, en vue de sa restauration, de sa réparation ou de sa mise en valeur. Dans ce cas,
ledit bail constitue un bail emphytéotique administratif (BEA), dénommé « BEA de
valorisation » par la doctrine. Il a été mis en place par la loi du 23 juillet 2010502 relative aux
réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, et codifié à l’article L2141-
1 du CG3P. Il a été étendu aux collectivités territoriales par la loi d'orientation et de
programmation pour la performance de la sécurité intérieure dite « loi LOPPSI II », du 14
mars 2011503. Ce type de BEA permet à la personne publique de concilier la valorisation du
bien par des investisseurs privés et le contrôle public sur le bien, dans le cadre de « montages
partenariaux »504.
Le bail emphytéotique administratif peut être conclu sur une dépendance du domaine
privé ou du domaine public. Il doit avoir pour objet l’exécution de travaux, la livraison de
fournitures, la prestation de services, ou la gestion d’une mission de service public505. Ce
contrat prévoit les conditions de l’occupation du domaine, les modalités de paiement, les
procédés de contrôle de l’activité du preneur par la personne publique, ainsi que les
conditions dans lesquelles les constructions réalisées par le preneur pourront éventuellement
faire l’objet d’un crédit-bail, afin de préserver le service public.
Si le bail emphytéotique administratif porte sur le domaine public, il est soumis à des
conditions particulières : les droits en résultant ne peuvent être cédés qu’à une personne
subrogée dans les droits et obligations du preneur dans le bail et les conventions non
détachables, sauf si les conditions de publicité ou de sélection préalables s’y opposent ; le
tout, avec l’agrément de la personne propriétaire personne publique. Par ailleurs, le droit réel
conféré au preneur et les ouvrages dont il est propriétaire peuvent être hypothéqués, mais
seulement pour garantir les emprunts contractés pour financer les obligations du preneur
résultant du bail. De plus, l’hypothèque doit être approuvée par la personne publique

502
Loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux
services, publiée au JORF n°0169 du 24 juillet 2010 page 13650, texte n° 17.
503
V. aussi loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la
sécurité intérieure, publiée au JORF n°0062 du 15 mars 2011 page 4582, texte n° 2.
504
YOLKA (Philippe), « Les droits réels sur le domaine public (survol d’une décennie) », ADJA du 3 octobre
2016, n° 32/2016, p. 1797. Cf. aussi MAUGÜÉ (Christine) et BACHELIER (Gilles), « Le CGPPP : bilan
d’étape avant de nouvelles évolutions », ADJA du 3 octobre 2016, n° 32/2016, p. 1785.
505
La contrepartie économique du bail, est constituée par un prix ou un droit d’exploitation, pour le compte ou
pour les besoins d’un acheteur soumis à l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés
publics, ou pour le compte ou les besoins d’une autorité concédant soumise à l’ordonnance n° 2016-65 du 29
janvier 2016 relative aux contrats de concession.

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propriétaire, à peine de nullité. En outre, les seuls créanciers autorisés à exercer des mesures
conservatoires ou d’exécution contre les biens immobiliers objet du BEA, sont les créanciers
hypothécaires. À cet égard, le bailleur public peut se substituer dans la charge des emprunts
par résiliation ou modification du bail.
Les conditions particulières sus relatées peuvent aussi, en tout ou partie, être stipulées
dans le cadre d’un bail emphytéotique administratif portant sur le domaine privé de l’Etat.
L’un des intérêts du BEA est qu’il soit stipulé qu’en fin de bail, les constructions et
ouvrages édifiées par le preneur reviennent à la personne publique propriétaire. Le BEA a
donc généralement permis à l’Etat de concilier, régularisation foncière et valorisation
foncière de l’occupation de son domaine, par de personnes privées ou publiques.
Tous les contrats sus mentionnés, qu’ils soient de droit commun ou spécifiques, ont
été mis à contribution par l’Etat pour régulariser l’occupation de son domaine privé, sans
avoir à en céder immédiatement la propriété, et le sont encore à ce jour.
Tout ceci montre bien, par l’application du principe de précarité, la prépondérance des
préoccupations domaniales et le caractère subordonné de la situation faite aux occupants,
particulièrement à ceux qui ne réalisent qu’une occupation compatible, l’administration
devant toujours avoir la disposition de son domaine.
La loi du 25 juillet 1994 élargit les opportunités de régularisation foncière sur le
domaine public de l’État, nonobstant son inaliénabilité et son imprescriptibilité.

CONCLUSION DU CHAPITRE

Malgré la loi « littoral » du 3 janvier 1986, le littoral outre-mer a continué à connaître


une forte urbanisation anarchique. La loi de 1986 n’a pas empêché l’extension des
constructions illégales, ni le grignotage des espaces naturels par les occupations sans titre,
ainsi que l’a constaté un rapport établi, le 21 juillet 2004, par la Délégation à l’Aménagement
du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR)506. Une exceptionnelle croissance
démographique, touristique et économique a été constatée, ainsi qu’un mitage progressif.
Les conséquences de la loi du 3 janvier 1986 ont été parfaitement analysées dans l’étude

506
Rapport d’information n°1740 sur la loi « littoral », dressé par LE GEN (J.), le 21 juillet 2004. La DATAR
est un organisme français créé par décret du 14 février 1963. La Délégation à l’Aménagement du Territoire et
à l’Action Régionale (D.A.T.A.R) est un exemple caractéristique d’administration de mission plutôt que de
gestion. Son originalité réside dans son rôle de coordination et de synthèse. Cet organisme a eu initialement
pour mission, dans le cadre des objectifs généraux définis par le plan, de préparer et de coordonner les éléments
nécessaires aux prises de décisions gouvernementales.

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effectuée par le doyen Jean DUFAU sur la loi « littoral »507.


La législation de 1994 a eu le mérite de démontrer qu’avec la délivrance de droits réels
sur le domaine public, notamment les droits réels de longue durée, il était possible d’assainir
la gestion de l’occupation sans titre dudit domaine. Mais ses dispositions, quoique
participant à la régularisation foncière, n’ont pas été suffisantes.
En effet, une longue évolution historique et une succession de textes contradictoires
expliquent la situation économique, sociale et juridique actuelle de la zone des cinquante pas
géométriques Outre-mer508.
Des mesures de régularisation foncière de l’occupation sans titre du domaine public
outre-mer, et particulièrement de la zone des cinquante pas géométriques, ont marqué
l’évolution historique contradictoire du statut de ladite zone des cinquante pas géométriques,
depuis l’ancien régime, en passant par le décret de 1955 et la « loi littoral » de 1986, sans
oublier les apports du décret de 1994. Leur exposé et leur analyse s’est avéré incontournable,
si l’on veut comprendre et faire évoluer l’occupation sans titre outre-mer.
L’inefficience de ces procédures, a conduit le législateur à mettre en place des
dispositifs de régularisation foncière par cession, par la loi du 30 décembre 1996 relative à
l’aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas
géométriques dans les départements d’outre-mer. Ladite loi, sans modifier à nouveau le
statut de la zone des cinquante pas géométriques, qui demeure dans le domaine public
maritime, constitue un véritable tournant dans le droit positif de la régularisation foncière
outre-mer, car elle favorise une régularisation foncière désormais axée sur le titrement
(Chapitre II).

507
DUFAU (Jean), La loi « littoral » du 3 janvier 1986, la zone des cinquante pas géométriques dans les DOM,
AJDA 20 juin 1990, p. 444.
508
HUCHON (Jean), Rapport n° 113 (1995-1996) fait au nom de la commission des affaires économiques sur
le projet de loi relatif à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas
géométriques dans les Départements d’outre-mer, p. 5.

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CHAPITRE II – UNE RÉGULARISATION


FONCIÈRE DÉSORMAIS AXÉE SUR LE
TITREMENT

À la suite de la mise en œuvre des procédures de régularisation foncière issues du


décret du 30 juin 1955 et de la « loi littoral » du 3 janvier 1986509, et vu la persistance de
l’occupation sans titre outre-mer, la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à
l’aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas
géométriques dans les départements d’Outre-mer510, a mis en place des procédures de
régularisation favorisant l’accès à la propriété foncière des occupants sans titre, sans changer
le statut juridique de ladite zone qui demeure dans le domaine public maritime511. Il s’agit de
véritables aménagements à la règle de l’inaliénabilité de la zone, destinés à régler les
situations d’occupation illégale persistantes.
Les procédures de régularisation foncière issues de cette loi et des textes subséquents,
sont majoritairement orientées vers la cession, au profit des occupants sans titre, du terrain
d’assiette des constructions qu’ils ont édifiées ou fait édifier sur le domaine de l’Etat. Ces
procédures tiennent compte, en grande partie, des recommandations de Guy ROSIER,
Conseiller-maître à la Cour des Comptes, exprimées dans un rapport de septembre 1994 ;
rapport dont la teneur est reprise dans son ouvrage portant sur la zone des cinquante pas
géométriques aux Antilles françaises512. La loi de 1996 a également mis en place une brève
réouverture des délais de vérification des titres anciens par la création d’une seconde
commission de vérification des titres. Les collectivités territoriales sont associées à cette
œuvre de régularisation.
La loi de 1996 s’applique à la Martinique, à la Guadeloupe, à la Guyane et à La
Réunion, c’est-à-dire aux collectivités territoriales appelées « les quatre vieilles »513. Elle est

509
HERVIAUX (Odette) et BIZET (Jean), Rapport d’information sur la « loi littoral », enregistré à la
présidence du Sénat le 21 janvier 2014. Consulté en ligne le 13 novembre 2017 : http://www.senat.fr/rap/r13-
297/r13-2971.pdf.
Cf. aussi : GELARD (Patrice), Rapport d’information portant sur « L’application de la « loi littoral » : pour
une mutualisation de l’aménagement du territoire ». Consulté en ligne le 13 novembre 2017 :
https://www.senat.fr/rap/r03-421/r03-4211.pdf.
510
JORF n°0001 du 1er janvier 1997 page 24.
511
Loi publiée au JORF du 1er janvier 1997.
512
ROSIER (Guy), L’enracinement créole, Chronique de l’extinction du régime colonial aux Antilles
françaises : la zone des cinquante pas géométriques, Éditions L’Harmattan (Paris), 2006, p. 7, 125 pages.
513
En référence à leur ancien statut de plus anciennes colonies françaises.

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le résultat d’un débat politique et d’un compromis entre la primauté du droit de propriété de
l’État, le caractère inaliénable, imprescriptible et insaisissable du domaine public, et le désir
de mettre fin aux occupations sans titre récurrentes du domaine public, particulièrement de
la zone des cinquante pas géométriques. Elle n’a cependant pas vocation à constituer un
véritable droit de la régularisation foncière outre-mer, car son champ d’application est limité
à la zone des cinquante pas géométriques et limité dans le temps.
Parallèlement Mayotte connaît une politique de réforme foncière, sur le fondement de
l’ordonnance n° 92-1069 du 1er octobre 1992 et du décret du 9 décembre 1993 y établissant
le Cadastre. Il s’agissait pour ce territoire de passer d’un droit coutumier musulman
favorisant l’accès à la propriété par « vivification des terres mortes », à un droit foncier
prenant en compte les exigences de sécurité juridique et foncière des sociétés modernes.
Dans ce but, la mise en place du Cadastre pour identification précise des parcelles par des
références cadastrales, le titrement pour identification précise du propriétaire et facilitation
des transmissions successives, et la publicité foncière des transmissions successives par le
biais d’un service de publicité foncière en charge de la publicité foncière et de la
conservation des transmissions514, ce sont révélées des étapes foncières successives
incontournables dans cette collectivité territoriale.
S’agissant de l’île de La Réunion, beaucoup s’accordent à reconnaître, en ce compris
les responsables du service France Domaine de La Réunion515, et le Président du Tribunal
administratif de Saint-Denis de La Réunion et de Mamoudzou de Mayotte516, en place en
2014, que par suite des nombreuses cessions qui y ont eu lieu, il reste à La Réunion peu de
parcelles à régulariser sur le domaine public étatique, mis à part quelques contentieux.
Par l’ampleur de sa réforme, la loi du 30 décembre 1996, dite « loi des cinquante pas
géométriques », a modifié dans sa partie législative, le Livre IV du code du domaine de
l’État, en y insérant des « dispositions spéciales aux Départements d’Outre-mer » dans un
titre IV, et des dispositions spécifiques à la zone des cinquante pas géométriques dans un
chapitre Ier. Ces dispositions figurent désormais à la Ve partie du CG3P. Elles constituent le
socle du régime juridique de régularisation foncière pratiqué dans la zone des cinquante pas

514
Système de droit coutumier musulman permettant à un agriculteur de devenir propriétaire du sol par son
seul défrichement.
515
Entretien accordé par Monsieur Philippe MAUSSIRE, Chef du Service France Domaine de Saint-Denis, à
Saint-Denis de La Réunion, le 22 septembre 2014.
516
LAMBERT (Christian) Président du Tribunal Administratif de Saint-Denis de La Réunion et de Mamoudzou
de Mayotte, entretien accordé à Saint-Denis de La Réunion, le 18 septembre 2014. Étant précisé que ce tribunal
siège aussi à Mayotte et que les juges du TA de Saint-Denis se rendent à Mayotte pour siéger.

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géométriques outre-mer, en dépit des modifications et évolutions dans le temps.


L’article 1er de la loi de 1996 a modifié les articles L88-1 à L88-2 et L89-1 à L89-9 du
code du domaine de l’Etat. La plupart desdits articles ont depuis été abrogés et remplacés
par des articles figurant dans le code général de la propriété des personnes publiques (CG3P
ou CGPPP), dont la partie législative fût instituée par l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril
2006517, entrée en vigueur le 1er juillet 2006. Ce code a été notamment modifié par les
dispositions du décret n° 2014-930 du 19 août 2014, relatif aux livres Ier et II de la cinquième
partie réglementaire du CG3P. Dans son article 3, ce décret abroge en tout ou partie, de
nombreux décrets et dispositions du code du domaine de l’État518. La grande majorité des
dispositions relatives à la propriété des personnes publiques et aux procédures de
régularisation foncière est reprise dans le code général de la propriété des personnes
publiques (CG3P ou CGPPP)519, qui fait désormais figure de code de référence, aux côtés du
code du domaine de l’État, du code des collectivités territoriales (CGCT), du code de
l’urbanisme, du code forestier, du code de l’environnement, du code général des impôts
(CGI) et d’autres codes, témoignant ainsi de dispositifs épars et transversaux.
L’article 2 de la loi du 30 décembre 1996 a introduit l’imprescriptibilité des forêts et
terrains à boiser du domaine de l’État, en Guadeloupe et en Martinique. Cette disposition a
pour effet de protéger ces biens des conséquences de l’occupation sans titre du domaine
privé des personnes publiques. Les nouvelles dispositions du code forestier relatives à
l’Outre-mer sont codifiées à ses articles L271-1 à L277-5. Les bois et forêts des personnes
publiques constituent une catégorie de biens relevant du domaine privé par détermination de
la loi. Ces biens relèvent du régime forestier et du domaine privé520.
L’article 3 de la loi de 1996, relatif à l’aide exceptionnelle accordée par l’État aux
occupants sans titre accédant à la propriété, et à ses conditions d’attribution, concerne
spécialement les cessions mentionnées à l’article L5112-6 du CG3P, modifié par l’article 32
de la loi du 12 juillet 2010521, portant engagement national pour l’environnement.
Les articles 4 à 7 de la loi de 1996 concernent, pour la Guadeloupe et la Martinique,

517
Ordonnance publiée au JORF du 22 avril 2006.
518
Décret n° 87-267 du 14 avril 1987, décret n° 92-46 le 16 janvier 1992, décret n° 96-955 du 31 octobre 1996,
décret n° 2000-225 du 10 mars 2000, décret n° 2000-345 du 18 avril 2000, décret n° 2005-519 du 21 mai 2005,
décret n° 2006-1227 du 4 octobre 2006, notamment l’article 2, décret n° 2007-1507 du 19 octobre 2007, décret
n° 2008-1180 du 14 novembre 2008, décret n° 2011-2076 du 29 décembre 2011.
519
Le code général des collectivité Territoriales demeure à côté du code général de la propriété des personnes
publiques. Le code du domaine de l’État demeure en certaines de ses dispositions.
520
En vertu de l’article L2212.1 du CG3P.
521
Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 , portant engagement national pour l’environnement.

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la création, les missions, les modalités de fonctionnement et les ressources des agences
« pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas
géométriques », dont le rôle d’aménageurs et de responsables de conduite des opérations de
régularisation foncière portant sur la zone des cinquante pas, sera précisé en aval.
Les articles 5 et 7 de la loi de 1996 ont été modifiés par l’article 32 de la loi du 12
juillet 2010 susvisé. L’article 4 de la loi de 1996, procédant à la création des agences des
cinquante pas géométriques, a été modifié par l’article 27 de la « Loi ADOM »522, qui
planifie la fin de vie de ces agences. Les articles 10 et suivants de la loi de 1996 concernent
la modification du code de l’urbanisme s’agissant de l’affectation des zones urbaines et
d’urbanisation diffuse de la zone.
Ainsi, la loi du 30 décembre 1996 a subi de nombreuses modifications, résultant
notamment de la loi du 21 juillet 2003523, de l’ordonnance du 21 avril 2006524, de la loi du 27
mai 2009525, de la loi du 12 juillet 2010, de la loi du 17 octobre 2013526, et de la loi « ADOM »
du 14 octobre 2015. Les modifications continueront tant qu’il ne sera pas mis en œuvre un
véritable droit de la régularisation foncière outre-mer.
La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010527 portant engagement national pour
l’environnement, dite « Grenelle 2 », vient compléter la loi du 30 décembre 1996,

522
Loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015, d’actualisation du droit des Outre-mer.
523
La réforme de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003, résulte d’une loi de programme pour l’outre-mer
prévoyant des mesures en faveur de l’emploi, des mesures fiscales de soutien à l’économie et des dispositions
financières en faveur du logement. Son article V concerne la continuité territoriale et son article VI a trait aux
dispositions relatives à l’actualisation du droit de l’outre-mer. Il s’agissait pour le Gouvernement d’être autorisé
à prendre, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et par ordonnance, les mesures
nécessaires à l’actualisation et l’adaptation du droit de l’outre-mer. Étaient notamment visés les départements
d’outre-mer et Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, les îles
Wallis et Futuna, et les Terres Australes et Antarctiques, dans des domaines bien spécifiques. La Guyane et
Mayotte étaient notamment concernées dans leur droit domanial et foncier. Les projets d’ordonnances pris dans
le cadre de cette loi ont été soumis pour avis, s’agissant de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et
de la Réunion, à leurs conseils généraux et régionaux, et s’agissant de Mayotte, au conseil général de Mayotte.
L’article 38 de la Constitution du 04 octobre 1958, dans sa version modifiée par la loi constitutionnelle n°
2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, prévoit que : « Le
Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre
par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. […]. »
524
Ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006, entrée en vigueur le 1er juillet 2006 (voir son article 13) instituant
la partie législative du CG3P. Ladite ordonnance est ratifiée par l’article 138 I de la loi n° 2009-526 du 12 mai
2009 relative à la simplification, à la clarification du droit et à l’allègement des procédures.
525
La loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 relative au développement économique des outre-mer, a également
modifié la loi de 1996. Elle contient un titre III consacré à la relance de la politique du logement par les
procédures de titrement ; relance dont les modalités de mise en œuvre sont exposées en ses articles 32 à 48
modifiés. L’impact possible de cette loi sur la régularisation foncière sera examiné en aval.
526
Loi n° 2013-922 du 17 octobre 2013 visant à prolonger la durée de vie des agences pour la mise en valeur
des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques et à faciliter la reconstitution des titres de
propriété en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Martin.
527
Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, portant engagement national pour l’environnement.

141
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

puisqu’elle prévoit en son article 32 que dans les départements de la Guadeloupe et de la


Martinique, les établissements publics fonciers régis par l’article L321-1 du code de
l’urbanisme528, peuvent exercer en plus de leurs compétences, les missions des alinéas 1°,
3°, 4° et 5° de l’article 5 de la loi du 30 décembre 1996, dans le cadre de la conduite du
processus de régularisation des occupations sans titre des terrains ressortissant aux espaces
urbains et aux secteurs occupés par une urbanisation diffuse, délimités selon les modalités
prévues aux articles L5112-1 et L5112-2 du CG3P.
Concernant Mayotte, le sort des espaces naturels situés dans la zone des cinquante pas
géométriques est pris en compte par l’article 136 de la loi « Grenelle 2 » qui dispose que la
gestion de ces espaces est assurée par le Conservatoire du littoral, auxquels ils sont affectés
après accord de son conseil d’administration. Il ne s’agit donc plus de remise en gestion.
La loi du 17 octobre 2013529 vient compléter la loi du 30 décembre 1996, car elle vise
« à prolonger la durée de vie des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la
zone dite des cinquante pas géométriques et à faciliter la reconstitution des titres de propriété
en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Martin »530.
Elle prévoit une durée de vie des agences qui ne devait pas excéder le 1er janvier 2016. Cette
durée a été prorogée depuis à plusieurs reprises. Mais la disparition des agences est
programmée par la « loi ADOM » de 2015.
La « loi ADOM », comporte des mesures relatives au développement économique et
social, aux transports, à l’aménagement du territoire, à la fonction publique et aux
collectivités territoriales, en matière de sécurité intérieure et de sûreté aérienne, et des mises
à jour tenant compte des évolutions statutaires de certaines collectivités d’outre-mer. Elle
comporte des dispositions relatives aux « espaces urbains » et aux « secteurs occupés par
une urbanisation diffuse » de la zone des cinquante pas géométriques de Guadeloupe et de
Martinique. Il s’agit de son article 27 portant sur les modalités de gestion et de transfert de
ces espaces et secteurs de la ZPG et sur la disparition programmée des agences.
Ainsi, les textes relatifs à la régularisation foncière outre-mer sont abondants. Leurs
dispositions sont éparpillées dans plusieurs codes (CG3P, CGCT, code de l’urbanisme, code

528
C’est-à-dire ceux que l’État peut créer dans les territoires où les enjeux d’intérêt général en matière
d’aménagement et de développement durables le justifient.
529
Loi n° 2013-922 du 17 octobre 2013 visant à prolonger la durée de vie des agences pour la mise en valeur
des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques et à faciliter la reconstitution des titres de
propriété en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Martin.
530
Saint-Martin est expressément visée par la loi 2013-922 du 17 octobre 2013, pour les mêmes raisons que
sus indiquées : par suite d’un changement de statut institutionnel, la Commune de Saint-Martin est devenue
collectivité de Saint-Martin, régie par l’article 74 de la Constitution.

142
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

forestier, CGI, etc.), l’occupation sans titre et la régularisation foncière constituant un sujet
transversal. Beaucoup de dispositions sont toutefois contenues dans le CG3P qui devient un
code de référence. Cet éparpillement de textes et lois, et leur nature dérogatoire, révèlent
l’urgence de l’instauration d’un véritable droit de la régularisation foncière outre-mer.
Il ressort de l’examen des dispositions principales de la législation de 1996 et des
textes subséquents, textes-phares du droit positif actuel de la régularisation foncière outre-
mer, que le législateur, pour tenter de juguler l’occupation sans titre du domaine public de
l’État, et spécialement de la zone des cinquante pas géométriques, a favorisé la mise en place
de dispositifs de titrement (section I). Un état des lieux de la régularisation foncière de ce
domaine doit toutefois être effectué (Section II).

SECTION I – DISPOSITIFS DE TITREMENT ISSUS DE LA


LOI DU 30 DÉCEMBRE 1996 ET DES TEXTES
SUBSÉQUENTS

Les procédures de régularisation foncière relatives aux terrains illégalement occupés


de la zone des cinquante pas géométriques sont répertoriées dans le code général de la
propriété des personnes publiques (CG3P). Les dispositions qui y sont relatives à l’outre-
mer531 ont fait l’objet de remaniements au gré des modifications législatives et statutaires.
À la date du 20 août 2017, la cinquième partie du CG3P, qui concerne les
« dispositions relatives à l’outre-mer », contient un Livre Ier consacré aux dispositions
particulières à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique, à La Réunion et à Mayotte,
justifiant en partie le choix d’étendre la présente recherche à toutes les collectivités
territoriales relevant de l’article 73 de la Constitution, soumises au principe de l’identité
législative532. Le Livre II du CG3P concerne les dispositions applicables à Saint-Martin, et

531
On ne peut que s’émouvoir de l’emploi du terme « outre-mer » qui désigne un territoire habité, par référence
à la France métropolitaine privilégiant uniquement sa situation politique, au détriment de la référence à la
situation politique et géographique de ce territoire. Le terme collectivités françaises d’Amérique semble plus
approprié. Ce terme est notamment employé par Monsieur Thierry EDOUARD, maître de conférences, dans
son essai intitulé « Les collectivités françaises d’Amérique et la diplomatie territoriale », publié aux éditions
Persée, 2016, Aix-En-Provence, 369 p. Cet ouvrage est préfacé par Monsieur Pierre-Yves CHICOT, Avocat et
Maître des conférences de droit public.
532
L’article L5100-1 du CG3P précise que les dispositions relatives aux quatre premières parties dudit code,
sont applicables de plein droit en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion et à Mayotte, sous
réserve des adaptations prévues.

143
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

le Livre III celles applicables à Saint-Barthélemy, ces deux communes étant devenues des
collectivités d’outre-mer (COM). Le Livre IV du CG3P concerne Saint-Pierre-et-Miquelon,
et le Livre V, la Nouvelle-Calédonie. Le Livre VI du CG3P concerne la Polynésie française
et le Livre VII, les Iles Wallis et Futuna. Ainsi, tout le foncier des territoires situés outre-
mer est pris en compte dans le CG3P qui a une visée centralisatrice, en sus du CGCT, du
code des domaines et d’autres codes (code de l’urbanisme, code des impôts, etc.). Ce
découpage ambitionne de tenir compte des particularités, similitudes et divergences
foncières des collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution, eu égard à leur
histoire, et à leurs pratiques et coutumes foncières.
Pour juguler l’occupation sans titre dans ces collectivités, la loi du 30 décembre 1996
a mis en place divers dispositifs de régularisation foncière dans la zone des cinquante pas
géométriques qui peuvent être répertoriés en deux catégories : les dispositifs de cession ou
titrement, et les dispositifs de reconnaissance ou de validation des droits des tiers.
Il convient de remarquer qu’à la période de son adoption, les dispositifs résultant de la
loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 se sont automatiquement appliqués à Saint-Martin,
alors commune de la Guadeloupe concernée par la zone des 50 pas géométriques533. Ces
dispositifs ne lui sont plus applicables, y compris ceux relatifs aux agences des 50 pas
géométriques, le domaine public de l’Etat ayant été transféré à cette Collectivité d’outre-
mer depuis juillet 2007534. Or, Saint-Martin est fortement concernée par l’occupation sans
titre massive de sa zone des cinquante pas géométriques et la question du titrement y
demeure importante535.
Pour accomplir cette tâche de régularisation foncière, la loi du 30 décembre 1996 met
à contribution divers acteurs, dont le préfet, les collectivités territoriales de droit commun,
et certains professionnels, dont les notaires. Mais surtout, elle procède à la création de deux
établissements publics chargés de la conduite des opérations de cession dans la zone des
cinquante pas géométriques et des opérations d’aménagement en vue des cessions : il s’agit
des « Agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas

533
Saint-Barthélemy n’est pas concerné par la zone des cinquante pas géométriques, n’ayant pas connu cette
institution. Toutefois l’histoire de Saint-Martin démontre qu’elle ne serait pas concernée par les législations
qui ont été prises au XVIIe et XVIIIe siècles concernant la réserve des cinquante pas du Roi, ayant été rattachée
à la France en 1648 et sous occupation des Provinces unies alliés de l’Angleterre au début du XVIII e siècle.
534
Le domaine public maritime de l’Etat a été transféré à ces Collectivités d’outre-mer (COM) par les lois
organiques organisant leur statut d’autonomie. La ZPG de Saint-Martin a été transférée à ladite COM. Saint-
Barthélemy n’est pas concernée par la ZPG.
535
Cf. intervention à l’Assemblée nationale de GIBBS (Daniel), député de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy,
le 02 octobre 2013, à propos de la zone des cinquante pas géométriques.

144
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
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géométriques », dont l’une a été créée en Martinique et l’autre en Guadeloupe, les autres
collectivités n’étant pas concernées.
Pour accomplir sa tâche de reconnaissance des droits des tiers détenus sur la zone des
cinquante pas géométriques, la loi du 30 décembre 1996 a institué une nouvelle commission
de vérification des titres et des droits réels, ayant pour objectif la validation éventuelle des
titres dont se prévalent certains occupants de la zone ; ceci, en complément du travail réalisé
par la commission de 1955. Le législateur de 1996 a donc réintroduit une gestion dérogatoire
de la zone des cinquante pas géométriques, par rapport au droit commun.
La régularisation foncière dans la zone a pris la forme d’une procédure bicéphale avec,
d’un côté des procédures de délivrance de titres de propriété, assortis d’aménagement (§1),
dont l’organe-clé est l’Agence des 50 pas géométriques, appelée à disparaître en 2021, et
d’un autre côté, une nouvelle procédure de vérification ou de reconnaissance de titres sous
l’égide de la seconde Commission de vérification de titres instituée en 1996 (§2).

§ I. PROCÉDURES DE DÉLIVRANCE DE TITRES DE


PROPRIÉTÉ PAR L’ETAT DANS LA ZONE DES 50 PAS
GÉOMÉTRIQUES

La loi du 30 décembre 1996 a permis à l’Etat de procéder à la délivrance de titres de


propriété sur son domaine public par définition imprescriptible et inaliénable. Il s’agit d’un
véritable camouflet apporté par ces procédures aux règles de protection du domaine public,
pour faire face à l’ampleur de l’occupation sans titre de la zone des cinquante pas
géométriques outre-mer. Le législateur de 1996 opère une régularisation foncière par ventes
ou cessions, qualifiée aux présentes de régularisation foncière par titrement. Toutefois,
certaines conditions doivent être respectées pour aboutir à cette délivrance de titres de
propriété.
Préalablement à la vente ou à la cession536, les terrains compris dans la zone des
cinquante pas géométriques doivent faire l’objet d’un déclassement aux fins d’aliénation.
Seules les parcelles répondant à la définition de l’article L5111-1 du CG3P, qui font partie
du domaine public maritime et ne sont plus utiles à la satisfaction des besoins d’intérêt

536
Le terme « cession » est un terme plus large que celui de « vente ». Il vise les cessions à titre onéreux, mais
aussi celles à titre gratuit faites en faveur des communes remplissant certaines conditions.

145
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

public, peuvent être déclassées aux fins de cession. À cet égard, l’article L5111-1 du CG3P
rappelle qu’un terrain dépendant du domaine public maritime est un terrain compris entre la
limite du rivage de la mer et la limite supérieure de la zone des cinquante pas géométriques.
Une fois déclassées, ces parcelles deviennent aliénables et prescriptibles. Le déclassement
intervient selon des conditions fixées par décret pris en Conseil d’État.
Ne sont donc pas concernées par les dispositifs de régularisation foncière applicables
dans la zone des cinquante pas géométriques de 1996, les parcelles appartenant déjà en pleine
propriété à des personnes publiques ou privées pouvant justifier de leurs droits, celles qui
dépendent d’un domaine public autre que maritime, et celles qui sont affectées aux services
publics, même si elles dépendent du domaine privé de l’État. Les terrains domaniaux gérés
par l’Office national des forêts, ne font pas partie de la zone des cinquante pas géométriques,
ainsi qu’il ressort de l’article L5111-4 du CG3P. Il en est de même des parcelles appartenant
déjà à des tiers bénéficiant de droits réels en pleine propriété reconnus : il s’agit des tiers
dont les droits avaient déjà été validés par la première commission de vérification des titres,
des tiers bénéficiant de ventes ou promesses de vente de la part de l’État, et de tiers
bénéficiant de la prescription acquisitive537.
Pour permettre la régularisation foncière par titrement dans la zone des cinquante pas
géométriques, en Guadeloupe et en Martinique, les terrains concernés doivent être
préalablement délimités, après consultation des communes. Le législateur de 1996 a tenu à
procéder à la délimitation des zones concernées par l’occupation sans titre, compte tenu des
leçons du passé. Cette opération de délimitation a également pour but de définir la cessibilité
des terrains. Une distinction est alors faite, en vertu de l’article L5112-1 du CG3P, entre les
zones urbaines, les espaces occupés par une urbanisation diffuse et les espaces naturels, la
présence de constructions éparses ne faisant pas obstacle à l’identification d’un secteur
comme espace naturel538. Cette même action de délimitation est prévue par l’article L5112-
2 du CG3P pour les terrains soustraits artificiellement à l’action du flot et des lais et relais,
qui dépendent du domaine maritime de l’État, mais n’appartiennent pas à la zone des
cinquante pas géométriques. Ceci concerne les terrains formés avant le 1er janvier 1995.
Les espaces urbains, ceux occupés par une urbanisation diffuse et ceux naturels, sont
délimités par l’État au plus tard avant le 1er janvier 2019, par décret pris en Conseil d’État,
ainsi qu’il ressort de l’article L5112-1 du CG3P. Ceux-ci sont destinés à être cédés à titre

537
Article L5113 du CG3P.
538
Article L5112-1 alinéa 3 du CG3P.

146
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

gratuit ou à titre onéreux, alors que les espaces naturels ont vocation à être remis au
Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres (CELRL).
L’article L5112-1 du CG3P précise que la délimitation doit tenir compte de l’état
d’occupation du sol, et des orientations du document stratégique d’aménagement et de mise
en valeur de la zone des cinquante pas géométriques prévu par l’article 27 de la loi
« ADOM » du 14 octobre 2015539. Cette délimitation doit prendre en compte divers
documents d’urbanisme : schéma d’aménagement régional (SAR), schémas directeur (SD),
schéma de cohérence territoriale (SCOT), plan d’occupation des sols (POS), plan local
d’urbanisme (PLU)540, et tout autre document d’urbanisme rendu nécessaire par la loi.
Le législateur exige deux préalables avant toute cession à une personne privée : la
délimitation et la précision des servitudes et usages s’appliquant au terrain à vendre541. Quand
il s’agit de quartiers d’habitat spontané, le législateur exige en outre, la délivrance d’un plan
de bornage extrait de la division parcellaire, qui demeure annexé au titre de propriété délivré.
La protection de l’environnement est prise en compte en Martinique et en Guadeloupe,
par la remise en gestion des espaces naturels délimités, au Conservatoire de l’espace littoral
et des rivages lacustres (CELRL), pour une gestion conforme aux articles L322-1 à L322-
10 du code de l’environnement. Cette disposition est également prévue pour la Guyane et
La Réunion (article L5113-1 du CG3P). Sont exclues de cette remise les parcelles
appartenant en propriété à des personnes privées ou publiques autres que l’État, qui peuvent
justifier de leurs droits, les immeubles dépendant d’un domaine public autre que maritime,
ou du domaine privé de l’État affecté aux services publics, ainsi que les terrains domaniaux
relevant de plein droit du régime forestier.
En conséquence, en dépit du caractère inaliénable et imprescriptible de la zone des
« cinquante pas géométriques », la loi du 30 décembre 1996 prévoit, à titre dérogatoire, la
possibilité de cession de terrains situés dans les espaces urbains et les secteurs occupés par
une urbanisation diffuse de ladite zone, délimités par arrêté préfectoral, au profit de
communes542, d’organismes d’habitats sociaux et de particuliers, personnes physiques ou

539
Loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer.
540
Article L5112-1 alinéas 1 et 2 du CG3P.
541
Article L5112-7 du CG3P.
542
Arrêté N °2013057-0001 portant déclassement de terrains du domaine public maritime en vue de leur
cession sur les communes du CARBET, DIAMANT, FRANÇOIS, ROBERT. Arrêté N °2013070-0011 portant
déclassement de terrains du domaine public maritime en vue de leur cession. Arrêté N °2013092-0012 portant
déclassement de terrains du domaine public maritime en vue de leur cession sur les communes de GRAND'
RIVIERE, ROBERT, TRINITE, etc. Arrêté N °2013092-0013 portant déclassement de terrains du domaine
public maritime en vue de leur cession sur la commune des ANSES D'ARLET, FORT DE FRANCE,
MACOUBA, LORRAIN, etc.

147
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

morales, dans les conditions qui seront ci-après examinées.


Seront examinés les dispositifs de régularisation par cession, applicables (A), avant
l’analyse de l’action spécifique des agences des cinquante pas géométriques (B).

A. DISPOSITIFS DE RÉGULARISATION FONCIÈRE PAR


CESSION OU TITREMENT APPLICABLES

La loi de 1996 et les textes subséquents, prévoient des dispositifs de régularisation


foncière codifiés dans le code général de la propriété des personnes publiques (CG3P).
Certains dispositifs sont applicables à l’ensemble des « quatre vieilles », d’autres ne sont
applicables qu’à la Guadeloupe et à la Martinique, ces deux collectivités ayant une situation
d’occupation foncière très proche. D’autres ne sont applicables qu’à la Guyane, compte tenu
des particularités foncières de cette collectivité. D’autres encore ne sont applicables qu’à
Mayotte, cette dernière collectivité ayant rejoint les collectivités de l’article 73 de la
Constitution récemment, et possédant des particularités foncières complexes.
Certains dispositifs sont stipulés en faveur des personnes morales de droit public et
des organismes d’habitats sociaux, qui poursuivent des objectifs d’intérêt général, alors que
d’autres dispositifs sont stipulés en faveur de personnes privées, physiques ou morales, dans
un simple but de régularisation foncière.

1) Dispositifs de cession en faveur des personnes morales de droit public


et des organismes d’habitats sociaux

Certains collectivités territoriales et organismes d’habitats sociaux peuvent obtenir de


l’État, après déclassement, la cession à leur profit, de terrains dépendant de la zone des
cinquante pas géométriques. L’essentiel de ces dispositifs figurent ci-après.
a) L’article L5111-5 du CG3P prévoit, en faveur des communes de Martinique,
Guadeloupe, Guyane et La Réunion, un dispositif de cession à titre onéreux, de terrains
situés sur leur territoire, susceptibles d’aménagement543. Lesdits terrains doivent être situés
en zone urbaine au titre du Plan d’occupation des sols (POS) ou du Plan local d’urbanisme
(PLU) et doivent avoir préalablement fait l’objet d’une convention de gestion entre les
services de l’État et la commune requérante. Les terrains situés en zone d’urbanisation
diffuse ne sont pas visés par cet article. Le paiement du prix de cession peut être échelonné
ou différé, à la demande de la commune bénéficiaire, mais le délai de paiement ne peut pas

543
Les conditions en sont fixées par décret pris en Conseil d’État.

148
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excéder la date d’achèvement de chaque tranche de travaux ou la date de commercialisation


des terrains, si elle est antérieure.
Les cessions de terrains intervenant dans ce cadre, doivent être légitimées par la
réalisation d’opérations d’aménagement, conformes aux objectifs de l’article L121-48 du
code de l’urbanisme. Ces objectifs sont notamment l’affectation des terrains acquis aux
opérations suivantes : services publics, équipements collectifs, réaménagement de quartiers,
logements à caractère social et résorption de l’habitat insalubre544. Dans les secteurs urbains
sont également pris en compte « l’adaptation, le changement de destination, la réfection, la
reconstruction et l’extension limitée des constructions existantes »545. Ces installations
doivent organiser et préserver l’accès et la libre circulation le long du rivage. Des mesures
compensatoires sont prévues pour le maintien de l’équilibre du milieu marin et terrestre.
b) Un dispositif voisin d’aliénation est prévu par l’article L5114-3 du CG3P pour la
collectivité départementale de Mayotte et les communes de Mayotte. Aux termes dudit
article, les terrains dépendant de la zone des cinquante pas géométriques à Mayotte, situés
dans une zone urbaine au PLU ou au POS de la commune, peuvent être déclassés aux fins
d’utilisation par l’État ou d’aliénation au profit d’une commune ou de la collectivité
départementale de Mayotte, en vue d’une affectation à des services publics, à des activités
exigeant la proximité immédiate de la mer, à des opérations de rénovation des quartiers et à
l’amélioration, l’extension ou la réhabilitation de constructions existantes. Le second alinéa
de cet article étend ce dispositif aux terrains situés en zone à urbaniser, s’ils font l’objet d’un
projet d’aménagement en vue de leur urbanisation.
Si les terrains sont maintenus dans le domaine public, ils peuvent être donnés en
gestion à une commune ou à la collectivité départementale de Mayotte, aux fins de
préservation des sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et
culturel. Sont concernés les sites et paysages sus dits, et plus précisément les plages, îlots,
dunes, milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques, etc., visés à l’article
L121-23 du code de l’urbanisme546. S’y rajoutent les récifs coralliens, les lagons et les
mangroves547.

544
Sous réserve de la préservation des plages, espaces boisés, parcs et jardins publics. Sont également pris en
compte parmi les objectifs d’aménagement poursuivis : l’affectation à des commerces, à des structures
artisanales, à des équipements touristiques et hôteliers, « ainsi que toute activité économique dont la
localisation à proximité de la mer est justifiée par son usage ou par une nécessité économique de desserte par
voie maritime ».
545
Article L121-48 du Code de l’urbanisme, dernier alinéa.
546
La liste des espaces et milieux à préserver est fixée par décret.
547
Article L121-50 du code de l’urbanisme.

149
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c) Par ailleurs, aux termes de l’article L5112-4 du CG3P, l’État peut consentir aux
communes et aux organismes ayant pour l’objet la réalisation d’opérations d’habitat social,
de la Martinique et de la Guadeloupe, la cession gratuite de terrains dépendant de son
domaine public maritime dont fait partie la zone des cinquante pas géométriques, après
déclassement, pour des opérations d’aménagement ou d’habitat social. Ce dispositif
concerne les terrains situés dans les espaces urbains et ceux occupés par une urbanisation
diffuse, préalablement délimités, et n’est applicable ni à la Guyane ni à La Réunion.
Les terrains ainsi cédés gratuitement aux communes doivent avoir pour but la
réalisation d’opérations d’aménagement à des fins d’utilité publique. Ceux cédés
gratuitement aux organismes d’habitat social doivent avoir pour objet la réalisation
d’opérations d’habitat social. Les terrains concernés par ce dispositif sont en principe ceux
libres de toute occupation548.
Compte tenu de leur gratuité, ces cessions font l’objet d’une procédure assimilable à
un droit de retour, car l’article L5112-4 alinéa 4 du CG3P prévoit que, si lesdits terrains
n’ont pas été utilisés aux fins prévues dans un délai de dix ans, ils doivent revenir dans le
patrimoine de l’État, à charge pour ce dernier de rembourser aux bénéficiaires le coût des
aménagements qu’ils auront acquittés549. Il s’agit d’un véritable « droit de retour » au profit
du « donateur », comparable à celui prévu dans le cadre des donations relevant du droit des
libéralités. Car, en dépit de la gratuité, les communes et organismes bénéficiaires, doivent
rembourser à l’Agence des cinquante pas géométriques le coût des aménagements réalisés
et financés par celle-ci sur ces terrains.
S’agissant des communes, le dossier de demande de cession doit comprendre : le
projet descriptif et le programme de l’opération projetée, une copie de la délibération du
conseil municipal550, un plan de situation du terrain, et des extraits du règlement du plan
local d’urbanisme de la commune. Une fois saisi de la demande de cession, le préfet la
transmet à l’Agence des 50 pas géométriques qui donne son avis sur la comptabilité du projet
de cession, notamment avec le programme d’équipement établi par elle. Si l’agence a équipé
le terrain, elle communique au préfet et au directeur des services fiscaux le coût détaillé des

548
Les conditions de cession des terrains occupés sont fixées par décret.
549
Toutefois, avant l’exercice du droit de retour susmentionné, le préfet met le cessionnaire en demeure de
réaliser le programme envisagé ou de l’achever. En cas de mise en demeure demeurée infructueuse, le préfet
prononce le retour de tout ou partie du terrain cédé à titre gratuit dans le patrimoine de l’État, à charge pour
celui-ci de rembourser le coût des aménagements.
550
Ce peut être aussi une copie de la délibération de l’organe délibérant de l’organisme chargé des opérations
d’habitat social sollicitant de l’État l’acquisition du terrain.

150
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aménagements qu’elle a réalisés et financés. Si les terrains concernés par le projet de cession
sont occupés, la liste des occupants est jointe au dossier. Le requérant doit respecter une
procédure d’affichage précisant la désignation des terrains dont la cession est requise et
dressant la liste de leurs occupants. Il doit informer ceux-ci de la possibilité de cession à leur
profit551. L’affichage a notamment pour but de permettre aux occupants dont les noms ne
figurent pas sur la liste de se faire connaître du requérant. L’occupant a deux mois pour se
prononcer sur l’offre. À défaut de réponse dans ce délai, il est réputé avoir accepté l’offre.
Il convient de préciser que l’article 5 de la loi du 30 décembre 1996, modifié par
l’article 32 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, prévoit que les communes et les
établissements de coopération intercommunale compétents en matière d’urbanisme et
d’aménagement, peuvent demander au Préfet de délimiter des quartiers où l’état des
constructions à usage d’habitation et d’activités annexes justifie leur traitement par une
opération publique comportant la division foncière, la démolition, la reconstruction ou
l’amélioration de l’habitat, au bénéfice des personnes qui les occupent ou les donnent à bail
à usage d’habitation principale, ou qui y exercent une activité professionnelle, ainsi que la
réalisation des travaux de voirie et réseaux divers nécessaires à l’aménagement du quartier.
L’article L5112-4 du CG3P est applicable à la réalisation de ces opérations.
d) À Mayotte, un dispositif de cession gratuite similaire est prévu par l’article L5114-
5 du CG3P en faveur des collectivités territoriales et de leurs groupements, et des organismes
d’habitat social552. Ce dispositif a pour objet la réalisation d’opérations d’habitat social. Les
terrains concernés, dépendant du domaine public maritime, doivent avoir été classés par le
représentant de l’État en espaces urbains et d’urbanisation future. Ils peuvent être déclassés,
aux fins de cession aux personnes sus nommées, en vue de la réalisation de constructions ou
d’opérations d’aménagement par les collectivités territoriales concernées553, ou en vue de la
construction par les organismes susmentionnés, de logements subventionnés par l’État.
Sont également autorisés, l’adaptation, le changement de destination, la réfection, la

551
Une offre de relogement doit être adressée aux occupants remplissant les conditions des articles L89-4 et
L89-5 du code du domaine de l’État.
552
Les dispositifs relatifs à Mayotte ont été regroupés avec ceux relatifs aux « quatre vieilles » au Livre Ier de
la Cinquième partie du CG3P (Titre VI).
553
À cet égard, il est précisé à l’article L121-48 du code de l’urbanisme que les terrains susceptibles de
constructions ou d’aménagements par les collectivités territoriales, sont ceux situés dans les parties urbanisées
de la commune ou au droit de ces parties, dès lors qu’ils sont déjà équipés ou occupés, à la date du 29 juillet
2005, concernant Mayotte. Dès lors, ils peuvent être délimités par le PLU aux fins d’affectation à des services
publics, à des équipements collectifs, à des opérations de réaménagement de quartiers, de logement à caractère
social, de résorption de l’habitat insalubre, de commerces, de structures artisanales, d’équipements touristiques
et hôteliers, et de toute activité économique dont la localisation à proximité de la mer est justifiée par l’usage
ou la nécessité économique de desserte par voie maritime.

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reconstruction et l’extension limitée des constructions existantes. Toutefois, des mesures


compensatoires doivent être prévues pour le maintien de l’équilibre du milieu marin et
terrestre. De même, l’accès et la libre circulation le long du rivage doivent être préservés et
organisés par les installations autorisées. Ces dispositions sont applicables sous réserve de
la préservation des plages, des espaces boisés, des parcs, ou des jardins publics.
Les projets d’aménagement visés à l’article L5114-5 du CG3P doivent être
compatibles avec le plan approuvé d’aménagement et de développement durable de Mayotte,
et les différents documents d’urbanisme. Les risques naturels et technologiques connus
doivent être pris en compte. Les conditions de relogement des occupants des constructions
éparses situées dans des secteurs classés en espaces naturels conformément à l’article L5114-
4 du CG3P, doivent être prévues dans le projet d’aménagement.
Parallèlement, l’État bénéficie d’un droit de retour. En cas de non-réalisation du projet
ayant justifié la cession, dans un délai de dix ans à compter de la date de l’acte de cession,
les terrains cédés sont rétrocédés à l’État et réintègrent ainsi le patrimoine étatique, à charge
pour ce dernier de rembourser le coût des aménagements acquittés par les cessionnaires,
minoré du montant des subventions reçues de l’État.
e) Un autre dispositif applicable à Mayotte, permet la réalisation d’opérations
publiques ou de travaux de VRD, en vue de l’amélioration des quartiers dégradés. Il s’agit
du dispositif résultant de l’article L5114-6 du CG3P, qui prévoit que le représentant de l’État,
après avis des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale
compétents en matière de logement ou d’urbanisme, peut délimiter des quartiers situés dans
des zones dépendant du domaine public maritime et inclus dans une zone classée en espaces
urbains et d’urbanisation future, à partir du moment où l’état des constructions à usage
d’habitation et d’activités annexes de ces quartiers justifie leur traitement par une opération
publique. Cette opération publique comprend la division foncière, la démolition, la
reconstruction ou l’amélioration de l’habitat, en faveur des personnes qui occupent ou
donnent à bail à usage de résidence principale les constructions concernées ou y exercent
une activité professionnelle. Est également concernée par ce type d’opérations, la réalisation
des travaux de voiries et réseaux divers (VRD), nécessaires à l’équipement du quartier.
Conformément à l’alinéa 1er de l’article L5114-5 du CG3P, les terrains concernés par
les opérations susdites, peuvent être déclassés aux fins de cession à titre gratuit aux
collectivités territoriales ou à leurs groupements et aux organismes ayant pour objet la
réalisation d’opérations d’habitat social. Étant ici précisé que les articles L5114-7 et L5114-
8 du CG3P, prévoyant la cession à titre onéreuse au profit de personnes physiques ayant fait

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édifier des constructions à usage professionnel554 ou à usage d’habitation555, ne sont pas


applicables aux opérations publiques susmentionnées.
f) D’autres dispositifs sont prévus pour la préservation des espaces naturels de la zone
des cinquante pas géométriques (ZPG). Il s’agit des articles L5112-8 pour la Martinique et
la Guadeloupe, L5113-1 pour la Guyane et La Réunion et, L5114-1 pour Mayotte.
D’après ces articles, dans ces collectivités, les espaces naturels de la ZPG sont
délimités et remis en gestion au Conservateur de l’espace littoral et des rivages lacustres
(CELRL). Ces espaces sont gérés conformément aux articles L322-1 à L322-10 du code de
l’environnement. En cas de refus du CELRL, ces espaces sont confiés en gestion à une
collectivité territoriale concernée ou à un groupement de collectivités territoriales, après
accord du CELRL, au vu d’une convention de gestion obéissant aux modalités de l’article
L2123-2 du CG3P relative à la gestion d’immeubles dépendant du domaine public.
Après avoir étudié les dispositifs applicables aux personnes publiques et organismes
d’habitats sociaux, il y a lieu de s’intéresser aux dispositifs applicables à une autre catégorie
d’occupants sans titre, les personnes privées, dont les plus importants sont examinés.

2) Dispositifs de régularisation foncière prévus en faveur des personnes


physiques et des personnes morales de droit privé

Des dispositifs de régularisation foncière par cession, résultant de la loi du 30


décembre 1996, sont prévues dans le CG3P, au profit des personnes privées, physiques ou
morales. Elles sont ci-après succinctement rappelées.
a) L’article L5112-5 du CG3P prévoit un dispositif de cession à titre onéreux, au profit
des occupants ayant édifié ou fait édifier des constructions à usage professionnel, en
Martinique et en Guadeloupe. Ce dispositif ne s’applique pas à la Guyane et à La Réunion
en raison de problématiques foncières différentes. S’agissant de Mayotte, une procédure
parente est prévue à l’article L5114-8 du CG3P.
Il résulte de l’article L5112-5 du CG3P556, la possibilité pour l’État de déclasser des
terrains situés dans les espaces urbains et secteurs occupés par une urbanisation diffuse du
domaine public maritime557, en vue de leur cession à titre onéreux aux occupants qui, avant

554
Article L5114-8 du CG3P.
555
Article L5114-7 du CG3P.
556
Modifié par les articles 27 et 28 de la loi n°2015-1268 du 14 octobre 2015.
557
Préalablement délimités conformément à l’article L5112-1 relatif à la délimitation de terrains à l’intérieur
de la zone de cinquante pas géométriques et à l’article L5112-2 du CG3P relatif à la délimitation d’espaces à
l’intérieur des terrains soustraits artificiellement à l’action du flot et des lais et relais de la mer.

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le 1er janvier 1995, y ont édifié ou fait édifier des constructions affectées à l’exploitation
d’établissements à usage professionnel ou à leurs ayants droit.
Les demandes de cession sont enfermées dans de stricts délais, car elles doivent être
déposées avant le 1er janvier 2020, sous peine forclusion. Cette nouvelle prorogation illustre
la complexité des opérations de régularisation foncière qui, pour être menées dans de courts
délais, exigent que la personne publique mette en place d’importants moyens matériels et
humains558, à moins d’un changement de législation permettant des cessions groupées ou
collectives dans le même acte. La régularisation foncière est chronophage.
Les occupants concernés sont prioritairement les personnes physiques, les cessions au
profit des personnes morales étant soumises à l’avis préalable de la collectivité territoriale
ou du groupement de collectivités territoriales concerné, enfermé dans un délai de trois mois.
L’examen des modalités financières de cession des terrains occupés à usage
professionnel font ressortir que, par dérogation au droit commun, il n’est pas tenu compte
de la valeur de la construction dans la fixation du prix de cession, le législateur ayant pris le
parti de considérer, en l’espèce, que la construction appartient déjà à l’occupant. Ce faisant,
il renonce à l’application de la théorie de l’accession. Le prix de cession retenu par le
législateur correspond donc à la valeur vénale du terrain nu, déterminé à la date du dépôt de
la demande de cession559. Ce sont les règles applicables à l’aliénation des immeubles du
domaine privé qui s’appliquent. Il n’y a donc pas de dispositif spécial ni d’abattement
s’appliquant aux prix ainsi fixés. Cependant, la superficie cédée ne peut excéder plus de la
moitié de la superficie occupée par l’emprise au sol des bâtiments et installations édifiés
avant le 1er janvier 1995, et dépend des nécessités de l’équipement du secteur en voirie et
réseaux divers. Elle tient compte des conditions de cession des fonds voisins560.
Le législateur a eu le souci de la sécurité des personnes, puisque le dernier alinéa de
l’article L5112-5 du CG3P prévoit qu’aucune cession de terrain ne peut intervenir au profit
de personnes privées, si la construction est située dans une zone exposée à un risque naturel
grave et prévisible mettant en danger des vies humaines.
Ce dispositif est assorti d’un droit de préemption au profit des communes et, à défaut,

558
Formalités antérieures et postérieures plus lourdes que pour les opérations foncières se déroulant dans les
études notariales, compte tenu du fait qu’il s’agit d’auto-construction impliquant des formalités et une
procédure plus lourde en amont, incluant les examens en commission, les différents avis, et les opérations de
bornage notamment.
559
C’est une amélioration par rapport au dispositif antérieur à la loi de 1996.
560
La délimitation des terrains concernés par la cession se fait par décret pris en Conseil d’État, avant le 1 er
janvier 2019, conformément aux articles L5112-1 et L5112-2 du CG3P.

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au profit des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone des cinquante
pas géométriques, en cas de revente des terrains cédés par l’État depuis moins de dix ans.
Dans ce cas, l’acquéreur évincé ou à ses ayants droit, ont droit à une indemnité correspondant
au prix de cession du terrain ayant été cédé en application des articles L5112-5 et L5512-6
du CG3P, augmenté de la valeur du coût des aménagements réalisés par le propriétaire, en
tenant compte de l’évolution du coût de la construction. L’acquéreur doit être informé par le
vendeur du montant de l’indemnité de préemption avant conclusion de la vente, ou de la
promesse de vente ou d’achat. Il est surprenant que ce droit de préemption ne s’exerce
qu’une fois la cession intervenue, pendant un délai de six mois à compter de la date de
l’enregistrement ou de l’accomplissement de la formalité fusionnée de l’acte de cession, et
non préalablement à la cession. Au-delà de la durée de détention de dix ans, les terrains
acquis en vertu des articles L5112-5 et L5112-6 du CG3P peuvent être librement cédés.
b) Un dispositif de cession à titre onéreux, similaire, est prévu pour Mayotte. En effet,
l’article L5114-8 du CG3P prévoit, à Mayotte, un dispositif de cession en faveur des
personnes physiques ayant édifié ou fait édifier des constructions à usage professionnel, à
Mayotte561. Les personnes morales en sont exclues. En vertu de ce dispositif, les personnes
physiques ayant édifié ou fait édifier, avant le 1er janvier 2007, des constructions affectées à
l’exploitation d’établissements à usage professionnel, ou leurs ayants droit, peuvent
bénéficier de l’État, de la cession à titre onéreux à leur profit, après déclassement, de terrains
compris dans les espaces urbains ou des secteurs occupés par une urbanisation future de la
zone des cinquante pas géométriques, et plus généralement de terrains situés dans le domaine
public maritime de l’État, tel que défini à l’article L5114-2 du CG3P. Ces personnes doivent
avoir leur domicile fiscal à Mayotte et être ressortissants d’un État membre de l’Union
européenne562. Le prix de cession est fixé en fonction de la valeur vénale du terrain nu à la
date du dépôt de la demande de cession, et répond aux règles applicables à l’aliénation des
immeubles du domaine privé de l’État. Comme dans le cas précédent, la superficie du terrain
vendu ne doit pas excéder plus de la moitié de la superficie occupée par l’emprise au sol des
constructions édifiées avant le 1er janvier 2007, et dépend des nécessités du secteur en voirie
et réseaux divers et des conditions de cession des fonds voisins.
Ce dispositif est assorti d’un droit de préemption au profit des communes et de la
collectivité départementale de Mayotte. Ce droit ne s’exerce que si la vente porte sur des

561
Il s’agit d’un dispositif parent du dispositif prévu à l’article L5112-5 du CG3P.
562
Ceci pour faire face à l’immigration clandestine à Mayotte.

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terrains cédés par l’État depuis moins de quinze ans. L’acquéreur évincé ou à ses ayants droit
ont droit à une indemnité correspondant au prix de cession du terrain ayant été cédé en
application des articles L5114-7 et L5114-8, augmenté du coût des aménagements réalisés
par le propriétaire, tenant compte de l’évolution du coût de la construction. L’acquéreur doit
être informé du montant de l’indemnité de préemption avant conclusion de la vente, de la
promesse de vente ou de la promesse d’achat563. Après une durée de quinze ans, les terrains
acquis en vertu des articles L5114-7 et L5114-8 du CG3P peuvent être librement cédés.
c) Par ailleurs, le législateur a aussi prévu, dans la cadre de l’article L5112-6 du CG3P,
un dispositif de cession à titre onéreux en faveur des occupants ayant édifié ou fait édifier
des constructions à usage d’habitation, en Guadeloupe et Martinique.
En effet, l’article L5112-6 du CG3P564 prévoit la cession à titre onéreux, de terrains
dépendant du domaine public maritime, délimités à l’intérieure de la zone des cinquante pas
géométriques ou à l’intérieur des terrains soustraits artificiellement à l’action du flot et des
lais et relais de la mer, conformément aux articles L5112-1 et L5112-2 du CG3P, au profit
des personnes qui ont édifié ou fait édifier des constructions à usage d’habitation, avant le
1er janvier 1995, ou de leurs ayants droit, en Guadeloupe et en Martinique565. À défaut
d’identification des personnes susnommées, ces cessions bénéficient aux occupants des
constructions édifiées avant le 1er janvier 1995 et affectées leur habitation. La cession au
profit de personnes morales n’est pas envisagée par cet article, qui prévoit une cession au
profit des « personnes » ayant édifié ou fait édifier des constructions qu’ils habitent ou
donnent en location, à usage d’habitation.
Il est surprenant que le dispositif de cession au profit des personnes ayant édifié des
constructions à usage d’habitation ne figure qu’en troisième position dans le CG3P, après
les dispositions relatives aux communes et aux organismes d’habitats sociaux, et après celles
relatives aux professionnels. Cela démontre que l’occupation sans titre de terrains dépendant
du domaine public maritime ne touche pas seulement les particuliers et les personnes
désireuses de se loger. Elle touche fortement les communes littorales et les personnes

563
Là aussi, il est surprenant que ce droit de préemption ne s’exerce qu’une fois la cession intervenue, pendant
un délai de six mois à compter de la date de l’enregistrement de l’acte de cession, et non pas préalablement à
la cession.
564
Article modifié par les articles 27 et 28 de la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit
des outre-mer.
565
La disposition permettant la régularisation de la situation d’occupants sans titre qui ont édifié ou fait édifier
des constructions à usage d’habitation qu’elles occupent à titre principal ou qu’elles donnent à bail en vue
d’une occupation temporaire, résultait initialement de l’article L89-5 du Code du domaine de l’État, qui a
depuis été abrogé et remplacé notamment par l’article L5112-6 du CG3P.

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physiques de toutes conditions sociales, ayant construit sur la zone des cinquante pas.
Les cessions de l’article L5112-6 du CG3P concernent, à l’instar des autres cessions,
les terrains situés en espaces urbains ou dans les secteurs occupés par une urbanisation
diffuse, à l’intérieur de la zone des cinquante pas géométriques566. Pour leur délimitation, est
pris en compte, conformément à l’article L5112-1 du CG3P, l’état d’occupation des sols
ainsi que les orientations du document stratégique d’aménagement et de mise en valeur de
la zone des cinquante pas géométriques, prévu par l’article 27. IV de la loi n° 2015-1268 du
14 octobre 2015 d’actualisation du droit des Outre-mer, dite « loi ADOM ». Les autres
documents d’urbanisme sont également pris en compte567. De même, conformément à
l’article L5112-2 du CG3P, ces actions de délimitation sont effectuées par l’autorité
administrative compétente, à l’intérieur des terrains soustraits artificiellement à l’action du
flot et des lais et relais de la mer.
Les modalités de la cession sont strictes, puisque les demandes de cession sont
enfermées dans de courts délais et doivent être déposées avant le 1er janvier 2020, sous peine
de forclusion. Mais ce délai avait déjà été reporté plusieurs fois.
Une partie des préoccupations des occupants de la ZPG, concernant le prix de cession,
a été prise en compte dans le cadre de l’article L5112-6 du CG3P, puisque ce prix est
déterminé par rapport à la valeur vénale du terrain nu, selon les règles applicables à
l’aliénation des immeubles du domaine privé. Les constructions y reposant ne sont pas prises
en compte par le législateur pour le calcul du prix, car elles sont présumées appartenir déjà
aux personnes qui les ont édifiées ou fait édifier.
En effet, dans le cadre de ces procédures de régularisation foncière, l’État, propriétaire
du sol, ne vend donc que le terrain d’assiette des constructions, sans faire jouer à son profit
la théorie de l’accession à la propriété prévue à l’article 555 du code civil à charge
d’indemnisation, lorsqu’un tiers construit sur le fonds d’autrui568. Ainsi, la personne publique
renonce à se prévaloir de la théorie de l’accession fondée sur les articles 552 et suivants du
code civil, en considérant les constructions comme appartenant déjà à l’occupant sans titre.
L’article 552 alinéa 1er du code civil dispose en effet que « la propriété du sol emporte
la propriété du dessus et du dessous ». Il pose le principe d’une présomption de propriété au

566
Délimités par décret pris en Conseil d’État avant le 1er janvier 2019, après avis des collectivités territoriales
ou de leurs groupements.
567
SAR, SD, SCOT, POS et PLU.
568
Jurisclasseur civil code, Fasc. unique : Propriété, Droit d’accession sur ce qui s’unit ou s’incorpore aux
choses immobilières. Constructions, plantations et ouvrages, n°s 56 à 87.

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profit du propriétaire du sol569. Or, il résulte d’une jurisprudence constante et ancienne,


comme peut en attester un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation, rendu
le 18 décembre 1967570, qu’il s’agit là d’une présomption simple, susceptible d’être
combattue par la preuve contraire résultant d’un titre ou de la prescription571. L’article 552
du code civil précise en ses deuxième et troisième alinéas, que le propriétaire peut faire au-
dessus du sol toutes les plantations et constructions qu’il juge à propos, « sauf les exceptions
établies au titre « Des servitudes ou services fonciers », et qu’il peut faire au-dessous du sol
toutes les constructions et fouilles qu’il jugera à propos, et « tirer de ces fouilles tous les
produits qu’elles peuvent fournir, sauf les modifications résultant des lois et règlements
relatifs aux mines, et des lois et règlements de police ». C’est donc le propriétaire du sol qui
bénéficie de cette présomption de propriété et non le propriétaire du dessus572. Dans le même
ordre d’idées, un immeuble bâti pendant le mariage, à l’aide de fonds communs, sur un
terrain appartenant en propre à l’un des époux, constitue lui-même un bien propre à l’époux
propriétaire du terrain, sauf récompense par celui-ci au profit de la communauté573.
La cession effectuée dans la cadre de l’article L5112-6 du CG3P, n’intervient pas à
titre gratuit comme l’avaient souhaité certains occupants, ainsi qu’il ressort des travaux
préparatoires de la loi du 30 décembre 1996. Toutefois une aide exceptionnelle à
l’acquisition est mise en place par le législateur. Elle résulte de l’article 3 de la loi du 30
décembre 1996574, et profite exclusivement aux cessions visées à l’article L5112-6 du CG3P.
L’article 3 sus visé énonce que pour bénéficier de l’aide exceptionnelle dans le cadre
des cessions de l’article L5112-6 du CG3P, les constructions à usage d’habitation visées par
cet article doivent être occupées à titre principal, et les personnes qui la sollicitent doivent
remplir des conditions de ressources, d’ancienneté d’occupation et de rapport entre le revenu
et le nombre de membres du foyer fiscal, selon des précisions définies par le décret n° 2000-
1188 du 30 novembre 2000 relatif à l’aide exceptionnelle de l’Etat institué par l’article 3 de
la loi du 30 décembre 1996575.
Ce décret précise les critères de l’octroi de l’aide exceptionnelle à l’acquisition, basée

569
MATHIEU (Michel), Jurisclasseur formulaire notarial, Propriété, fasc. 10.
570
Civ. 1ère, 18 décembre 1967, Dalloz 1968. 244.
571
Civ. 3ème, 12 juillet 2000, JCP 2001. I. 305, n°1, Obs. PERINET-MARQUET. Il s’agit d’une position
jurisprudentielle ancienne.
572
Req. 24 juin 1941, D. A. 1941. 293.
573
Civ. 1ère, 6 juin 1990, Bull. civ. I. n° 134.
574
Article 3 de la loi n°96-1241 du 30 décembre 1996, modifié par l’article 32 de la loi 2010-788 du 12 juillet
2010, portant engagement national pour l’environnement.
575
Décret n° 2000-1188 du 30 novembre 2000 relatif à l'aide exceptionnelle de l’État instituée par l'article 3
de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996, publié au JORF n°283 du 7 décembre 2000 page 19405, texte n°14.

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sur le montant du revenu imposable et l’ancienneté de l’occupation du terrain par le


bénéficiaire576. Il renvoi à des tableaux figurant au rang de ses annexes, précisant les
montants financiers et les pourcentages prévus pour chaque critère577. Cette aide s’applique
dans les limites maximales de 400 mètres carrés578 de terrain et d’un prix de cession plafond
de 24390 euros579.
En pratique, la demande d’aide exceptionnelle est adressée au préfet, en même temps
que la demande de cession du terrain. À l’appui du dossier, doit être fournie une attestation
signée par le maire de la Commune, relative à la date de début d’occupation du terrain. La
décision préfectorale d’octroi de l’aide est prononcée au terme d’un délai de six mois,
accordé au requérant pour accepter la proposition de prix de cession établie par le Directeur
des services fiscaux. L’Agence pour la mise en valeur des espaces urbains ne recevra en
définitive que la somme réellement déboursée par l’acquéreur, c’est-à-dire la différence
entre le prix de cession communiqué par le Directeur des services fiscaux et le montant de
l’aide exceptionnelle de l’État allouée au requérant.
En raison du caractère exceptionnel de l’aide à l’acquisition, fondée sur des critères
sociaux liés aux ressources et à l’ancienneté d’occupation, le montant de l’aide doit être
remboursé à l’État si l’acquéreur bénéficiaire revend le bien immobilier concerné, en tout
ou partie. En effet, en cas de revente totale ou partielle, à titre onéreux, du bien acquis dans
les conditions de l’article L5112-6 du CG3P, réalisée dans un délai de dix ans à compter de

576
Les modalités de calcul de cette aide exceptionnelle à l’acquisition et leur impact sur les prix de cession
sont commentés dans l’ouvrage de ROSIER (Guy), L’enracinement créole, Chronique de l’extinction du
régime colonial aux Antilles françaises : la zone des cinquante pas géométriques, Éditions L’Harmattan
(Paris), 2006, pp. 108 et ss.
577
Les ressources à prendre en compte sont celle de l’avant-dernière année précédant celle de la demande de
cession. Le plafond de revenus varie en fonction du nombre de personnes composant le foyer fiscal : 6860 €
pour 1 personne, 9910 € pour 2 personnes, 11815 € pour 3 personnes, 13720 € pour 4 personnes, 15245 € pour
5 personnes, et 17531 € pour 6 personnes et plus. L’aide exceptionnelle est personnalisée par application au
prix de cession d’un taux déterminé en fonction du revenu imposable et de l’ancienneté d’occupation du terrain.
Le taux de l’aide exceptionnelle est de 50 % si le revenu imposable du bénéficiaire est supérieur ou égal à 70
% du plafond fixé, elle est de 60 % si ce revenu est égal ou supérieur à 40 % tout en étant inférieur à 70%, et
elle est de 80 % pour un revenu imposable inférieur à 40 % du plafond fixé. Ce coefficient est corrigé en
fonction de la date d’occupation du terrain par le bénéficiaire : Il est maintenu à 100 % de la réduction si
l’occupation est antérieur au 1er janvier 1970, réduit à 90 % pour une occupation entre le 1 er janvier 1970 et le
31 décembre 1974, à 80 % pour une occupation entre le 1er janvier 1975 et le 31 décembre 1980, à 70 % pour
une occupation entre le 1er janvier 1981 et le 31 décembre 1984, à 60 % pour une occupation entre le 1er janvier
1985 et le 31 décembre 1989, et à 50 % pour une occupation entre le 1er janvier 1990 et le 31 décembre 1994.
578
Par dérogation la superficie cédée peut atteindre 500 m². En effet, dans le cadre des régularisations foncières
de l’article L5112-6 du CG3P, la superficie cédée ne peut excéder un plafond fixé par décret. Il n’est pas fait
référence ici à la superficie occupée par la construction. La superficie cédée prend en compte les nécessités
d’équipement du secteur en voirie et réseaux divers et les conditions de cession des fonds voisins. Par ailleurs,
la cession du terrain est interdite si la construction est située dans une zone exposée à un risque naturel grave
et prévisible menaçant la vie humaine.
579
Plus le prix au m² est faible plus la superficie cédée sera importante, dans la limite de 400 m².

159
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

la date de l’acte ayant donné lieu à l’attribution de l’aide, le montant de cette aide
exceptionnelle est reversé à l’État. Pour garantir le reversement de l’aide exceptionnelle et
donner sa pleine efficacité à cette règle, le législateur prévoit une hypothèque légale au profit
du Trésor. L’inscription de l’hypothèque légale concernée est requise par le receveur des
impôts du lieu de situation des biens, lors du dépôt aux fins de publicité foncière au Service
de la Publicité Foncière (SPF), du titre de propriété consenti par l’État à l’occupant580. Par
ailleurs, ce même article 3 précise que les formalités de cession par l’État, d’inscription de
l’hypothèque légale et de radiation de celle-ci, ne donnent lieu à aucune indemnité,
perception d’impôts, de droits ou de taxes581. De plus, l’article 3 de la loi de 1996 prévoit
une exonération d’impôts, droits et taxes, dans la mesure où la cession par l’État,
l’inscription ou la radiation de l’hypothèque légale, ne donnent lieu au paiement d’aucune
indemnité, ni à la perception d’impôts, droits ou taxes à cette occasion.
Il convient de rappeler que le droit de préemption prévu pour les cessions des articles
L5112-5 et L5112-6 du CG3P bénéficie aux communes ou aux agences des 50 pas
géométriques, et porte sur les terrains cédés depuis moins de dix ans, ainsi qu’il résulte de
l’article L5112-9 du CG3P582. Ce droit de préemption ne profite pas directement à l’État.
d) Pour Mayotte, un dispositif parent, de cession à titre onéreux, est prévu par l’article
L5114-7 du CG3P en faveur des occupants ayant édifié ou fait édifier des constructions à
usage d’habitation.
En effet, à Mayotte, les personnes physiques ayant édifié ou fait édifier, avant le 1er
janvier 2007, des constructions à usage d’habitation qu’elles occupent à titre principal ou
qu’elles donnent à bail en vue d’une occupation à titre de résidence principale, ou leurs
ayants droit, peuvent obtenir de l’État, la cession à titre onéreux des terrains d’assise de ces
constructions, à condition qu’elles aient leur domicile fiscal à Mayotte et qu’elles soient
ressortissantes d’un État membre de l’Union européenne. À défaut d’identification de ces
personnes, la cession bénéficie aux occupants desdites constructions édifiées avant le 1 er
janvier 2007 et affectées à leur habitation principale. Les terrains concernés par ce dispositif

580
Article 3 alinéa 4 de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996.
581
Article 3 alinéa 5 de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996.
582
Cet article stipule que pendant un délai de six mois à compter de la date de l’enregistrement ou de
l’accomplissement de la formalité fusionnée, les communes et, à défaut, les agences pour la mise en valeur des
espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques peuvent exercer un droit de préemption lors de
la vente de terrains ayant été cédés en application des articles R5112-5 et 5112-6 du CG3P. Pour l’exercice de
ce droit de préemption, les personnes publiques bénéficiaires offrent de verser à l’acquéreur ou à ses ayants
droit une indemnité égale au prix de cession du terrain par l’État, majoré du coût des aménagements réalisés
par le propriétaire. Toute vente, promesse de vente ou promesse d’achat portant sur un tel bien, ne peut être
conclue sans que le futur acquéreur ait été informé par le vendeur du montant de l’indemnité de préemption.

160
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

sont ceux situés dans le domaine public maritime de Mayotte583, classés dans les espaces
urbains et d’urbanisation future. Ces terrains doivent être déclassés en vue de leur cession.
Là aussi, le prix de cession est déterminé selon la valeur vénale du terrain nu, fixé à la
date du dépôt de la demande, en tenant compte des règles applicables à la vente du domaine
privé de l’État. Un dispositif d’aide à l’acquisition est mis en place, lorsque la demande de
cession porte sur un immeuble personnellement occupé à usage d’habitation principale par
le demandeur. Dans ce cas, la cession peut intervenir à un prix inférieur à la valeur vénale
du terrain déterminé par le Service France Domaine. Pour ce faire, le législateur tient compte
de l’ancienneté de l’occupation, des ressources du bénéficiaire et du nombre de personnes
vivant au foyer. Un décret fixe les conditions d’application de la décote qui ne peut être
inférieur à 95 % de la valeur vénale du terrain concerné. La superficie cédée est fonction de
la nécessité d’équipement du secteur en voirie et réseaux divers et des conditions de cession
des fonds voisins. Un arrêté du représentant de l’État fixe la superficie maximale cessible.
En raison de ces conditions financières avantageuses, différentes mesures restrictives
sont prévues en cas de revente du bien acquis dans le cadre de ce dispositif de l’article
L5114-7 ou en cas de mise en location dudit bien. Ces mesures restrictives doivent être
mentionnées dans le contrat de vente signé entre l’État et l’acquéreur.
En effet, compte tenu de l’aide à l’acquisition sus rapportée, le représentant de l’État
dispose d’un droit de priorité, dans le cadre du dispositif de cession de l’article L5114-7 du
CG3P, en cas de revente du bien par l’acquéreur dans les dix ans de la date d’acquisition.
L’acquéreur a une obligation d’information du représentant de l’État dans ce cas.
De même, en raison de l’aide financière sus relatée, l’acquéreur est tenu de rembourser
l’aide à l’acquisition en cas de revente du bien dans un délai de dix ans suivant
l’acquisition584. De même encore, en raison de l’aide financière à l’acquisition accordée dans
le cadre du dispositif de l’article L5114-7 du CG3P, l’acquéreur qui veut donner en location
un bien acquis dans le cadre du dispositif de l’article L5114-7, doit respecter un niveau de
loyer qui ne doit pas dépasser des plafonds fixés par le représentant de l’État.
e) Le législateur de 1996 a prévu également un dispositif de cession à titre onéreux, à

583
Tel qu’il est défini à l’article L5114-2 du CG3P.
584
Ainsi, l’acquéreur qui acquiert un bien à un prix inférieur à la valeur fixée par le Service France Domaine
et le revend dans les dix ans de son acquisition, doit verser à l’Etat une somme réputée représenter la plus-
value qu’il a effectuée et égale à la différence entre le prix de vente et le prix d’acquisition, sans que cette plus-
value puisse excéder l’écart existant entre l’évaluation faite par le Service des Domaines lors de l’acquisition
et le prix d’acquisition lui-même. Pour ce faire, il est tenu compte des montants hors frais d’actes et frais
accessoires (bornage, etc.).

161
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

défaut d’intérêt des communes et organismes d’habitats sociaux.


En effet, parmi les dispositifs de régularisation foncière par cession, figure également
celui de l’article L5112-4-1 du CG3P, applicable à la Guadeloupe et à la Martinique585. Il
s’agit d’un dispositif de cession à titre onéreux, au profit des personnes physiques et morales,
à défaut d’intérêt manifesté par les communes et les organismes d’habitats sociaux. Ce
dispositif n’est pas applicable à la Guyane ni à La Réunion. Un dispositif approchant est
prévu pour Mayotte, à l’article L5114-6 du CG3P.
Le dispositif de l’article L5112-4-1 prévoit la cession par l’État, à titre onéreux, après
déclassement, à des personnes physiques ou morales, des terrains libres de toute occupation,
situés dans les espaces urbains et les secteurs occupés par une urbanisation diffuse, délimités
tel que prévu aux articles L5112-1 et L5112-2 du CG3P. Cette cession ne peut intervenir que
si les acquéreurs potentiels visés à l’article L5112-4 du CG3P, c’est-à-dire les communes et
les organismes ayant pour objet la réalisation d’opérations d’habitat social, n’ont pas
demandé la cession desdits terrains dans le délai de six mois à compter de la mise en demeure
adressée par l’autorité administrative586. Dans ce cas, il n’est prévu aucune procédure d’aide
à l’acquisition, le prix de cession étant fixé conformément aux règles applicables à
l’aliénation des immeubles du domaine privé, sans abattement ou réduction587.
Ces cessions sont permises sous réserve des dispositions de l’article L121-43 du code
de l’urbanisme qui interdit les « constructions et aménagements sur les pentes proches du
littoral quand leur implantation porte atteinte au caractère paysager des mornes ». En outre,
sont préservées les cessions de terrains, même situés dans les espaces urbains ou secteurs
d’urbanisation diffuses sus dits, dès lors qu’ils sont à usage de plages, d’espaces boisés, de
parcs ou de jardins publics (L121-47). Il en est de même des espaces naturels des zones sus
dites, sauf si l’intérêt public justifie une autre affectation. Elles sont permises également sous
réserve également des dispositions de L121-48 du code de l’urbanisme588.
Toutes les cessions dont les procédures sont ci-dessus rappelées ont pour but de

585
Cet article a été modifié par l’article 9 de l’ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015.
586
Article L5112-4-1 du CG3P.
587
Article L5112-4-1 du CG3P.
588
Article L121-48 du Code de l’urbanisme, créé par l’ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015. En
effet cet article prévoit la possibilité d’affectation des secteurs de la zone des cinquante pas géométriques situés
dans les parties urbanisées de la commune ou aux droits de ces parties, à « des services publics, des équipements
collectifs, des opérations de réaménagement de quartiers, de logement à caractère social et de résorption de
l’habitat insalubre, des commerces, des structures artisanales, des équipements touristiques et hôteliers ainsi
que toute activité économique dont la localisation à proximité de la mer est justifiée par son usage ou par une
nécessité économique de desserte par voie maritime ». Cette affectation a lieu sous réserve de la préservation
des espaces naturels : plages, espaces boisés, parcs, jardins publics, etc.

162
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

permettre la régularisation de la situation foncière des occupants sans titre du domaine public
de l’État, quels qu’ils soient : personnes physiques ou morales, personnes de droit public ou
de droit privé. Elles permettent aussi des opérations d’aménagement et des opérations de
réalisation d’habitats sociaux, et revêtent une finalité d’intérêt social ou économique.
Compte tenu de l’ampleur et de la lourdeur des procédures de régularisation foncière,
des structures ont été mises en place par le législateur pour accompagner et accélérer les
procédures de régularisation foncière outre-mer. Ce sont les Agences des 50 Pas
géométriques, qui sont des leviers essentiels de régularisation foncière mis en place par l’État
en Guadeloupe et en Martinique, et dont l’étude est incontournable (B).

B. RÔLE DE LEVIERS DES AGENCES DES 50 PAS


GÉOMÉTRIQUES DANS LA RÉGULARISATION FONCIÈRE

L’article 4 de la loi du 30 décembre 1996589 a créé, dans les collectivités territoriales


de Guadeloupe et de Martinique, les agences des 50 pas géométriques. Cet article a été
modifié par l’article 27 de la loi du 14 octobre 2015590 d’actualisation du droit des outre-mer,
qui organise la disparition programmée de ces établissements publics d’État, en lien avec le
transfert des secteurs urbains et d’urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas
géométriques à la Région Guadeloupe et à la Collectivité territoriale de Martinique.
Selon l’article 4 de la loi de 1996, un établissement public d’État dénommé « Agence
pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques »
est créé à la Guadeloupe et à la Martinique, pour une durée qui ne peut excéder le 1er janvier
2021. À cette échéance les agences seront dissoutes. Leur durée de vie n’a cessé de faire
l’objet de prorogations au fil des ans, donnant l’image de structures transitoires inefficaces.
Mais c’est bien le caractère chronophage des procédures de régularisation foncière qui est
en cause.
La « loi ADOM » de 2015 confirme ce caractère transitoire par le transfert de parties
de la zone tel que sus dit. Il est précisé à l’article 4, qu’un décret en Conseil d’État énonce
les conditions de cette dissolution, et le transfert des biens, droits et obligations des agences,
après concertation entre l’État, les agences et le bénéficiaire du transfert.
Deux pans d’activités caractérisent le travail des agences en Guadeloupe et en

589
Loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996, relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur de la
zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d’outre-mer.
590
Article 27 de la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015.

163
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Martinique : la conduite des opérations de régularisation foncière intervenant sur le domaine


public de l’Etat et l’accompagnement des communes dans les opérations d’aménagement
des quartiers auto-construits concernés.

1) Le double rôle de conduite des opérations de régularisation foncière et


d’aménagement

Les « agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante
pas géométriques », encore appelées « agence des 50 pas géométriques », jouent un rôle
fondamental dans les opérations de régularisation foncière intervenant sur le domaine public
de l’État, en Martinique et en Guadeloupe. Créées initialement pour une durée de dix années,
elles ont le statut d’établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) placés
sous la tutelle des ministres chargés de l’Urbanisme et de l’Outre-mer, et sont conçues pour
être instruments de coopération entre l’État et les communes. Cette collaboration peut faire
l’objet de conventions spécifiques signées entre elles.
L’action des agences des 50 pas géométriques est toutefois limitée aux espaces urbains
et secteurs occupés par une urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas géométriques
et des terrains exondés, en Guadeloupe et en Martinique. Les espaces et secteurs concernés
sont délimités tel que prévu aux articles L5112-1 du CG3P et conformément à l’article
L5112-2 du CG3P pour les terrains exondés591. Exceptionnellement, les agences peuvent
exercer leurs missions dans les zones immédiatement contiguës à ces territoires, après
autorisation du représentant de l’État.
Le rôle prioritaire des agences des 50 pas géométriques instituées en Guadeloupe et en
Martinique est de conduire les procédures de régularisations foncières des occupations sans
titre des terrains situés dans les espaces urbains et les secteurs d’urbanisation diffuse de la
zone des cinquante pas géométriques et des terrains exondés concernés. L’action des agences
est explicitée par une circulaire interministérielle du 25 juillet 2002592.
L’article 5 de la loi de 1996593, énumère les actions des agences dans le processus de
régularisation foncière. Celles-ci assurent l’observation et le suivi de l’état des occupations
des terrains concernés. Elles établissent des programmes d’équipement en voirie et réseaux

591
Terrains soustraits artificiellement à l’action du flot, et des lais et relais.
592
Circulaire UHC/IUH 3/21 no 2002-49 du 25 juillet 2002 relative aux modalités d’intervention des agences
pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone des cinquante pas géométriques des départements de la
Guadeloupe et de la Martinique. NOR : EQUU0210130C.
593
Modifiée par l’article 32 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour
l’environnement.

164
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

divers des terrains concernés par la régularisation foncière et mis gratuitement à leur
disposition par l’État, en concertation avec les Communes concernées. Elles interviennent
activement dans la recherche des occupants sans titre éligibles à la régularisation foncière,
les assistent et accompagnent dans leurs démarches et dans le dépôt et suivi de leurs
demandes de cession594. Elles établissent toutes les formalités et documents nécessaires à la
cession des terrains. Dans les cas où la régularisation foncière de l’occupation sans titre n’est
pas possible par cession, les agences s’occupent de la libération des terrains et du relogement
des occupants.
En effet, les agences incarnent aussi un rôle d’ aménageurs de substitution. Possédant
une haute ingénierie opérationnelle, elles interviennent lorsque les communes ne sont pas en
mesure de réaliser les travaux de voies d’accès, de réseaux d’eau potable et d’assainissement.
Les voies et réseaux divers (VRD) ainsi réalisés par elles, peuvent ensuite être cédés à la
commune sur le territoire de laquelle ils sont situés. Une convention est signée entre l’agence
et la commune. Elle précise le programme d’équipement en VRD des terrains situés dans un
périmètre délimité, prévoit les mesures techniques, juridiques et financières nécessaires, et
les contributions financières respectives de l’agence et de la commune, pour leur réalisation.
Ces dernières dispositions résultent de l’article 5 de la loi du 30 décembre 1996, qui
précise que les agences peuvent être consultées sur la compatibilité entre les projets de
cessions envisagées au titre des articles L5112-4 et L5112-6 du CG3P, et les programmes
d’équipement des terrains en VRD, établis par elles dans le cadre de leur rôle de coordination
avec les collectivités territoriales.
L’initiative des opérations publiques de régularisation foncière appartenant
généralement au propriétaire, dans le cadre des opérations menées dans la zone des cinquante
pas géométriques, elle appartient à l’État actuel propriétaire, mais aussi aux communes ou
aux établissements publics de coopération intercommunale, ainsi qu’il ressort de l’article 5,
alinéa 10, de la loi de 1996. En effet, à la demande de ces personnes publiques compétentes
en matière d’urbanisme et d’aménagement, le préfet peut délimiter des quartiers où l’état

594
À cet égard, voir : TA, Martinique, 07 novembre 2019, jugement n° 1800753, audience du 17 octobre 2019.
Cette décision illustre les difficultés rencontrées lors du bornage des parcelles à céder aux occupants sans titre.
Dans cette affaire, la superficie bornée (2627 m²) excédant le plafond réglementaire (500 m²), le directeur de
l’Agence des 50 pas géométriques de Martinique a refusé, par décision du 18 juin 2018, de transmettre le
dossier au directeur régional des finances publiques de Martinique en vue de l’évaluation du prix de vente ; ce
qui a entraîné une décision implicite de rejet. Mais le tribunal administratif de la Martinique annule ces
décisions et enjoint au préfet de la Martinique de réexaminer la demande du requérant, estimant que l’agence
des 50 pas ne peut se fonder sur les motifs de superficie sans vérifier préalablement si des portions de terrain
étaient inutilisées. Cf. : http://martinique.tribunal-administratif.fr/A-savoir/Communiques/Domaine-public-
cession-de-parcelles-situees-dans-la-zone-des-cinquantes-pas-geometriques.

165
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

des constructions à usage d’habitation et d’activités annexes justifie leur traitement par une
opération publique comportant les actions suivantes : division foncière, démolition,
reconstruction ou amélioration de l’habitat. Ces opérations interviennent au profit des
personnes qui occupent les constructions, qui les donnent à bail à titre de résidence
principale, ou qui y exercent une activité professionnelle. L’opération publique susdite
comporte également la réalisation des travaux de voirie et réseaux divers nécessaires à
l’équipement du quartier. L’alinéa 11 de l’article 5 de la loi du 30 décembre 1996 précise
que l’article L5112-4 du CG3P, prévoyant la cession gratuite par l’État au profit des
communes et organismes ayant pour objet la réalisation d’opérations d’habitat social, après
déclassement, est applicable pour la réalisation des opérations susdites595.
Les communes de Guadeloupe et de Martinique ont largement fait appel au rôle
d’aménageurs des agences des 50 pas géométriques. Toutefois, l’ancien Directeur de
l’Agence des 50 pas de la Martinique a déploré la sous-utilisation qui a été faite par certaines
communes de cette faculté596. Au nombre des travaux réalisés par l’agence des 50 pas de la
Martinique, figurent les travaux de confortement de la falaise réalisés au quartier Texaco à
Fort-de-France, durant la période de novembre à décembre 2015. Ces travaux ont nécessité
le relogement des familles situées dans leur périmètre. Certaines maisons avaient été édifiées
par les occupants sans titre sur le flanc de la falaise, d’autres au bout de la falaise, comme
en suspension dans le vide, d’autres encore juste en-dessous de gros blocs de pierre logés
dans la falaise. Ces travaux de confortement ont été réalisés en vue de la régularisation
foncière de la situation des occupants sans titre de Texaco. Les constructions qui sont
édifiées sur ce site, sont considérées comme étant déjà la propriété des personnes occupantes
qui les ont édifiées ou fait édifier597. Ces travaux ont nécessité notamment la mobilisation du
Fonds européen de développement régional, dit « fonds FEDER ».
Dans le cadre de politiques d’aménagement concertées avec les collectivités locales,
les agences des cinquante pas géométriques constituent des alliés de taille pour les

595
En complément de l’alinéa 10, l’alinéa 12 de l’article 5 stipule qu’il n’y a pas lieu de se référer aux articles
L5112-4-1, L5112-5 alinéa 3, L5112-6 alinéa 4 du CG3P, lesquels prévoient un prix de cession fixé en fonction
de la valeur vénale du terrain nu, fixé en tenant compte des règles applicables aux aliénations du domaine privé,
ni même à l’article L5112-6-1 du CG3P, qui prévoit une participation des bénéficiaires des cessions visées aux
articles L552-4-1, L5112-5 et L5112-6 du CG3P, ne sont pas applicables.
596
Il en est ainsi pour la commune de Fort-de-France (entretien accordé par Monsieur Yves-Michel DAUNAR,
ancien Directeur de l’Agence des 50 Pas géométriques de la Martinique, le 27 juillet 2016).
597
Journal télévisé de la chaîne « Martinique 1ère » du 20 décembre 2015, 19 heures-20 heures.

166
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
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communes, lors des opérations de régularisation foncière598. L’examen de leurs actions


atteste du caractère fondamental et incontournable du rôle des agences qui, en pratique, sont
les interlocuteurs privilégiés de proximité dans les opérations de régularisation foncière dont
les moyens d’action sont conséquents.

2) Les moyens financiers, matériels, et humains, des Agences des 50 pas


géométriques

Pour leur permettre de remplir leur double missions, les agences des 50 pas
géométriques disposent de moyens matériels, humains, logistiques et financiers.
S’agissant de leurs ressources financières, il résulte de l’article 7 de la loi du 30
décembre 1996599, modifié par l’article 32 de la loi du 12 juillet 2010, que les agences des
50 pas géométriques, établissements publics fonciers d’État à caractère industriel et
commercial (EPIC), disposent de six catégories de ressources pour mettre en œuvre leurs
actions.
En vertu de l’article 7.1° de la loi du 30 décembre 1996, elles bénéficient de ressources
provenant des subventions versées par la Communauté européenne, l’État, et les collectivités
territoriales. En vertu de l’article 7.2° de ladite loi, elles bénéficient également des
redevances versées pour l’occupation du domaine public de l’État, au titre des parcelles
dépendant des espaces urbains ou des secteurs occupés par une urbanisation diffuse,
délimités. Selon l’article 7.3° de la loi de 1996, les agences bénéficient également des
produits des cessions intervenues en application des articles L5112-4, L5112-4-1, L5112-5,
et L5112-6 du CG3P, pour la part restant à la charge des bénéficiaires desdites cessions,

598
À titre d’exemple, l’Agence des 50 pas géométriques de Martinique a organisé des études utiles pour la
finalisation de l’aménagement du quartier Volga Plage de Fort-de-France, dans le cadre de l’opération de
régularisation foncière initiée tant par la commune de Fort-de-France sur son domaine communal privé,
parallèlement à celle menée par l’État dans la zone des cinquante pas géométriques, certaines constructions
étant édifiées à cheval sur ces deux propriétés Les études nécessaires à la finalisation de l’aménagement de
quartiers auto-construits comprennent notamment le diagnostic des différents réseaux, l’étude de voies de
désenclavement du quartier et la valorisation des « dents creuses ». L’utilisation des « dents creuses » pour la
création de squares, parkings, places de stationnement et autres ouvrages publics est incontournable, pour
assainir la vie du quartier.
599
L’article 7 de la loi du 30 décembre 1996 a été modifié par l’article 32 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet
2010, portant engagement national pour l’environnement. Cet article dispose que, dans les Collectivités
territoriales que sont la Martinique et la Guadeloupe, lorsque les agences créées à l’article 4 de la loi n° 96-
1241 du 30 décembre 1996, cessent leurs activités, les établissements publics fonciers régis par l’article L321-
1 du code de l’urbanisme peuvent exercer, en sus de leurs compétences, les missions visées à l’article 5 de la
loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996, aux 1°, 3°, 4° et 5°. L’article L321-1 du code de l’urbanisme dispose que
dans les territoires où les enjeux d’intérêt général en matière d’aménagement et de développement durable le
justifient, l’État peut créer des établissements publics fonciers. Leur superposition totale ou partielle avec des
établissements publics fonciers locaux créés avant le 26 juin 2013 est soumise à l’accord des établissements
publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et des communes non-membres de ces derniers dont
le territoire est concerné par la superposition.

167
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

après application, le cas échéant, de l’aide exceptionnelle prévue à l’article 3 de la loi de


1996. Le montant annuel de ces produits est fonction du nombre de cessions de terrains
accordées par le préfet. En vertu de l’article 7.4°, les agences bénéficient également des
produits respectifs de la taxe spéciale d’équipement (TSE), prévue par les articles 1609C et
1609D du code général des Impôts (CGI). L’article 1609C du CGI concerne la taxe spéciale
d’équipement destinée à financer en Guadeloupe, les missions de l’agence, définies à
l’article 5 de la loi du 30 décembre 1996. L’article 1609D du CGI est applicable à la taxe
spéciale d’équipement destinée à financer les missions de l’agence en Martinique. Chaque
année, le conseil d’administration des agences arrête le montant de cette taxe, dans les limites
d’un plafond fixé par la loi de finances. Ce plafond est calculé sur une base représentant un
maximum de 1 % de la somme des taxes foncières, de la taxe d’habitation et de la taxe
professionnelle (remplacée depuis par la contribution économique territoriale - CET)600 des
communes situées dans la zone de compétence de l’Agence. Pour éviter l’augmentation de
la pression fiscale, les communes sont consultées pour l’établissement de ce taux. Sont
exonérés de cette taxe, les organismes d’habitations à loyer modéré (HLM), les sociétés
immobilières d’économie mixte (SEM) créées en application de la loi du 30 avril 1946 (ex.
: la SIMAR en Martinique) et les sociétés d’économie mixte locales, au titre des locaux
d’habitation et des dépendances attribués sous condition de ressources.
Les agences des 50 pas géométriques bénéficient en outre, d’une partie, déterminée
par arrêté, des produits des cessions intervenues en vertu du dernier alinéa de l’article L5111-
4 du CG3P. De plus, en vertu de l’article 7.6°, de la loi de 1996, les agences bénéficient des
produits de la participation prévue à l’article L5112-6-1 du CG3P. Selon cet article, les
bénéficiaires des cessions des articles L5112-4-1, L5112-5 et L5112-6, sont redevables
d’une participation pour le financement de tout ou partie des équipements publics
programmés dans les secteurs concernés de la zone des cinquante pas géométriques601. Cette
participation est recouvrée comme en matière de contributions directes. L’acte de vente

600
La taxe professionnelle (TP), qui est perçue par les communes, les communautés de communes, les
départements et les régions, a été remplacée par la contribution économique territoriale (CET), laquelle se
décompose en deux parts : la cotisation foncière des entreprises (CFE) et la cotisation sur la valeur ajoutée des
entreprises (CVAE). Cette réforme date de la Loi de finance pour 2010 (articles 2, 47, 77, 78 et 99).
601
Les bénéficiaires de l’aide exceptionnelle sont cependant exemptés du versement de cette participation. Le
coût des travaux mis à la charge des bénéficiaires des cessions susdites, ainsi que les délais et modalités de
versement sont fixés par arrêté préfectoral, au vu du programme d’équipement établi pour le secteur. Dans un
souci d’équité, seul est pris en compte le coût ou la fraction proportionnelle du coût des équipements publics à
réaliser pour répondre aux besoins des habitants ou usagers des secteurs concernés. Le montant à payer est
donc égal au produit de cette part, rapportée à la superficie du terrain cédé sur la superficie totale de l’ensemble
des terrains desservis.

168
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

mentionne le montant et les modalités de versement de la participation, si l’arrêté préfectoral


susdit est publié antérieurement à sa signature. En cas de publication de l’arrêté préfectoral
postérieurement à l’acte de vente, le Préfet notifie le montant et les modalités de paiement
de la participation à l’acquéreur. Les sommes reçues par les agences des 50 pas géométriques
au titre de cette participation ne peuvent être affectées par elles que pour le financement des
programmes d’équipements au titre desquels elles ont été perçues602.
S’agissant des moyens humains, l’organisation administrative des agences des 50 pas
géométriques résulte du décret n°98-1081 du 30 novembre 1998, pris pour l'application des
articles 4 à 7 de la loi du 30 décembre 1996. Il découle de l’article 3 dudit décret, modifié
par l’article 7 du décret n°2014-930 du 19 août 2014, que chaque agence est administrée par
un conseil d'administration composé de sept représentants de l’État, six représentants élus
des collectivités locales, deux représentants de l’agence d’urbanisme et d'aménagement
(ADUAM) et deux personnalités nommées par arrêté préfectoral, choisies pour leur
compétence dans le domaine de l’urbanisme et du littoral. Pour les représentants élus des
collectivités locales et ceux de l’ADUAM, des suppléants sont désignés dans les mêmes
conditions. En dehors des représentants de l’État, les mandats des autres membres sont fixés
pour une période de cinq ans renouvelables, sauf expiration de plein droit à l’expiration de
leur mandat électoral ou de leur fonction.
Les représentants de l’État sont : le directeur départemental de l'équipement, le
directeur régional des finances publiques, le directeur départemental de l'agriculture et de la
forêt, le directeur régional de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, le directeur
inter-régional de la mer, le directeur régional de l'environnement et le délégué régional au
tourisme, ou leurs représentants603. Parmi les représentants élus des collectivités locales il y

602
À cet égard, Monsieur Guy ROSIER, énonce que l’Agence de la Martinique a perçu au cours de l’année
2003 la somme de 215.553,00 d’euros correspondant aux quatre années 1999 à 2002, et le produit de la taxe
spéciale d’équipement pour l’année 2003, soit 1,525 millions d’euros. Il précise que l’Agence a demandé que
lui soit versé le produit de l’aide exceptionnelle de l’État et des cessions réalisées au titre de la « loi littoral »
de 1986 (qui revient actuellement à l’État propriétaire des terrains). Cf. ROSIER (Guy), L’enracinement créole,
Chronique de l’extinction du régime colonial aux Antilles françaises : la zone des cinquante pas géométriques,
op. cit., pp. 96 et ss. Cf. aussi les rapports d’activités de l’Agence des 50 pas de Martinique sur le site
https://agence50pas972.org/publications/ pour des chiffres plus récents. Et ceux de la Guadeloupe sur le site :
http://www.ag50pas-guadeloupe.fr/. Les Agences disposeraient d’une enveloppe globale de produits de
cessions de plus de 20 millions d’euros pour celle de la Martinique et de plus de 60 millions d’euros pour celle
de la Guadeloupe, selon des chiffres communiqués par le rapport BOUGRIER (G.), BERSANI (Cath.),
« Rapport sur les cinquante pas géométriques en Guadeloupe et en Martinique », Inspection générale de
l'administration, Conseil général des Ponts et chaussées, février 2004, p. 53 et ss. Consulté le 21 mai 2016 :
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/054000126.pdf. Ces recettes sont liées à
la réalisation des programmes de cession mis en place.
603
De manière à associer tous les leviers décisionnels de l’État intéressés.

169
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

a quatre représentants des communes604, un représentant du conseil régional, un représentant


du conseil général et deux représentants de l'agence d'urbanisme et d'aménagement désignés
par leur conseil d'administration605. Le préfet du département, commissaire du
Gouvernement, le directeur de l’Agence, le contrôleur d’État et l’agent comptable,
participent aux séances du conseil d’administration.
L’article 10 du décret du 30 novembre 1998 précise que le directeur de l’agence des
50 pas géométriques est nommé et limogé après avis du conseil d'administration, par décret
pris sur le rapport des ministres chargés de l'urbanisme et de l'outre-mer. L’article 11 du
décret de 1998 décrit le rôle du directeur de l’agence606. Celui-ci prépare et exécute les
délibérations du conseil d’administration, prépare et présente l'état prévisionnel des recettes
et des dépenses et ses modifications. Il est l’ordonnateur des dépenses et des recettes de
l’agence, gère l'agence et la représente dans tous les actes de la vie civile et particulièrement
dans les actions en justice décidées par le conseil d'administration. Il signe les contrats et
conventions, procède aux aliénations, acquisitions, locations et transferts de valeurs, dans
les limites fixées par le conseil d'administration, procède au recrutement du personnel et a
autorité sur celui-ci, prépare et présente les orientations à moyen terme et le programme
annuel d'intervention de l'agence. Ce programme comprend notamment le programme
d'équipement visé à l'article 5 de la loi du 30 décembre 1996, dont il assure l'exécution et
rend compte chaque année au conseil d'administration. Le directeur prépare également le
règlement intérieur de l’agence et son rapport d’activité. Il peut donner délégation de sa
signature dans les conditions fixées par le conseil d'administration607.
Les agences des 50 pas géométriques n’ont commencé véritablement à exercer leurs
missions qu’au cours de l’année 2001, d’où un retard considérable dans la mise en œuvre de

604
Élus par une assemblée spéciale des maires des communes réunie sur convocation du préfet du département,
à la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour et à la majorité relative au second tour.
605
En Martinique les représentants du conseil régional et du conseil général, sont remplacés par ceux de la
collectivité unique.
606
Le président du conseil d’administration de l’Agence des 50 pas de Martinique est Joachim BOUQUETY.
Le président du conseil d’administration de l’agence des 50 pas géométriques de Guadeloupe est Christian
JEAN-CHARLES, nommé à cette fonction par décret du Président de la République, du 30 octobre 2014. Le
directeur de l’Agence des 50 pas de Martinique est Hervé EMONIDES. La directrice de l’Agence des 50 pas
de Guadeloupe est Myriam ROCH-BERGOPSOM . Le précédent directeur est Yves-Michel DAUNAR jusqu’à
la fin de l’année 2016. Le précédent directeur de l’Agence des 50 pas géométriques de la Guadeloupe était
Monsieur Harry ARNOUX. Cf. : http://www.agence50pas972.org/index.php?page=organigramme. Cf. :
http://www.agence50pas972.org/index.php?page=organigramme.
607
Le directeur est assisté d’une équipe composée d’un comptable, d’un responsable administratif et financier,
de chargés d’opérations, d’instructeurs, d’assistants fonciers, et d’un agent détaché à France Domaine.
L’Observatoire de l’agence est assuré par un responsable des systèmes d’informations géographiques (SIG).
Un service juridique assure au sein de l’agence des 50 pas de la Martinique le suivi des affaires juridiques.

170
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

ce volet d’action de la loi de 1996. La nomination des premiers présidents des agences de la
Martinique et de la Guadeloupe résulte de décrets du 4 mai 2000, et celle de leurs
successeurs, de décrets du 15 mai 2003.
Elles ont été perçues comme étant des structures travaillant pour le compte de l’État,
allant à l’encontre de la décentralisation608. Certains élus craignaient que par le biais des
agences, l’État ne fasse ombrage à l’autonomie administrative des communes, d’autant plus
que le président du conseil d’administration de chaque agence est nommé par décret.
Pourtant, dans le rapport ROSIER, la création des agences était perçue, comme un moyen
de coopération entre l’État et les communes609. Elles ont fait l’objet de critiques de la part
d’élus locaux, notamment en raison de leur vocation d’aménageurs pour le compte de l’État,
des terrains situés dans les zones urbaines ou d’urbanisation diffuse de la zone des cinquante
pas géométriques.
Les Agences de Martinique et de Guadeloupe disposent donc de fonds et moyens
conséquents pour mener à bien leurs missions. Elles et n’hésitent pas à appuyer l’action des
communes pour les opérations d’aménagement des quartiers auto-construits.
Mais après avoir analysé les procédures de régularisation foncière par cession mises
en place par la réforme de 1996 et les textes subséquents, dans les collectivités de l’article
73, et le rôle important des agences des 50 pas géométriques spécifiques à la Guadeloupe et
à la Martinique, il convient de s’attarder sur le deuxième volet de la réforme de 1996.
La procédure de régularisation foncière est bicéphale. Son second volet consiste en la
mise en place par le législateur de 1996 d’une nouvelle procédure de validation des titres
détenus par des tiers sur la zone des 50 pas géométriques (§2).

608
ROSIER (Guy), L’enracinement créole, op cit., pp. 91 et s. Pour les élus locaux, la représentation de l’État
au Conseil d’administration des agences est disproportionnée par rapport à celle des collectivités locales. Les
délégués de ces dernières risquaient alors de voir leur rôle réduit à un aspect purement consultatif. Lors de
l’examen du projet de loi les instituant, la commission permanente de la Guadeloupe avait rejeté le projet de
décret concernant les agences, au motif que leur création constituait une atteinte aux libertés des communes et
un « frein à la décentralisation ». Des remarques similaires avaient été formulées dans l’avis du conseil général
de la Martinique, notamment lors de la discussion parlementaire du projet de loi.
609
Idem. p. 92.

171
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

§ II. NOUVELLE PROCÉDURE DE VALIDATION DES TITRES


DÉTENUS PAR DES TIERS SUR LA ZONE DES 50 PAS
GÉOMÉTRIQUES

Le deuxième volet de la procédure de régularisation foncière de l’occupation sans titre


du domaine public des personnes publiques, mis en place par la loi du 30 décembre 1996 et
les textes subséquents, concerne la nouvelle procédure de vérification ou de reconnaissance
de titres anciens, dont l’organe central est la nouvelle Commission départementale de
vérification des titres instituée en 1996.
Celle-ci constitue une institution originale, chargée de se prononcer sur la validité des
titres de propriété ou de jouissance détenus par des personnes « sur les terrains
précédemment situés sur le domaine de la zone des cinquante pas géométriques »610. Il s’agit
paradoxalement pour l’Etat de reconnaître ou de conforter des droits acquis par des tiers sur
son domaine public réputé inaliénable et imprescriptible.
Une première commission de vérification des titres est instituée par l’article 10 du
décret n°55-885 du 30 juin 1955. Comme indiqué précédemment, les travaux de cette
première commission ont été limités dans le temps par un délai de forclusion d’un an. De
fait, ils se sont révélés inefficients, car de nombreux titres n’ont pu être examinés par ladite
commission, compte tenu de la brièveté du délai de saisine. Cette situation a soulevé de
nombreuses critiques rapportées en amont. Cette première commission concernait les
départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion.
La seconde Commission de vérification des titres est instituée par l’article 1er de la loi
n° 96-1241 du 30 décembre 1996, dans l’objectif de parfaire le travail de la première. Son
champ d’intervention a été élargi, ainsi que la durée de son intervention.
Il convient d’examiner le rôle de cette nouvelle commission qui constitue une
institution judiciaire originale (A), avant d’analyser l’efficience de cette juridiction
d’exception (B).

A. LA COMMISSION DE VÉRIFICATION DES TITRES DE 1996,


UNE INSTITUTION JUDICIAIRE ORIGINALE

L’article 1er de la loi de 1996 a institué la nouvelle commission départementale de

610
Article L5112-3 du code général de la propriété des personnes publiques.

172
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

vérification des titres, dans chacun des départements de la Martinique, de la Guadeloupe611


et de la Guyane612, en créant à cet effet les articles L88-2 et L89-2 du code du domaine de
l’État. Un décret d’application a été adopté le 14 septembre 1998, sous le n° 98-836.
L’instruction des dossiers devant la commission résulte de l’article 1er dudit décret.
Les dispositions des articles concernés ont été reprises dans le code général de la
propriété des personnes publiques, à l’article L5112-3, concernant la Guadeloupe et la
Martinique, et à l’article L5113-2 concernant la Guyane. Les cas de La Réunion et de
Mayotte ont fait l’objet d’un traitement différencié pour les raisons déjà exposées en amont.

1) La vérification des titres non examinés par la première commission

Il résulte de l’article L5112-3 du CG3P, que la Commission de vérification des titres


créée par l’article 1er de la loi de 1996 dans les collectivités territoriales de la Guadeloupe,
de la Martinique et de la Guyane, a pour rôle essentiel d’apprécier la validité de tous les
droits des tiers détenteurs de titres qui n’ont pas examinés par la première commission créée
par l’article 10 du décret du 30 juin 1955. La commission de 1996 apprécie donc la validité
de tous les titres antérieurs à l’entrée en vigueur du décret de 1955 susvisé.
Il s’agit des titres qui établissent des droits de propriété, des droits réels ou de
jouissance sur les terrains précédemment situés dans la zone des cinquante pas géométriques
et dont la détention par la personne privée requérante n’a été contrariée par aucun fait de
possession d’un tiers au 1er janvier 1995. Il peut en être déduit que le titre du requérant ne
doit pas lui-même avoir été évincé, en tout ou partie, par l’occupation dont pourrait se
prévaloir un tiers. Sont tous les droits réels, c’est-à-dire les droits réels principaux que sont
le droit de propriété et ses démembrements (usufruit, nue-propriété, droit d’usage et
d’habitation)613, mais aussi l’emphytéose et les servitudes acquises, et les droits réels
accessoires, qui sont l’accessoire d’un autre droit614.
La vérification des titres effectuée par la Commission de 1996 est également enfermée
dans des délais, certes plus larges qu’en 1955, puisque l’article L5112-3 alinéa 3 du GC3P
énonce que les titres doivent être présentés dans un délai de deux ans à compter de la
constitution de la commission pour être examinés par elle, sous peine de forclusion.
Par ailleurs, la procédure devant la commission est incompatible avec une demande de
cession à titre onéreux, par des personnes privées requérantes, portant sur les mêmes terrains.

611
Article L89-2 alinéa 1er du code du domaine de l’État, depuis abrogé.
612
Article L88-2 du code du domaine de l’État, depuis abrogé.
613
Voir article 544 et suivants du code civil.
614
C’est le cas par exemple des sûretés réelles qui sont l’accessoire d’un droit de créance.

173
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Les requérants devaient attendre que la commission ait statué sur leur demande de validation
de titre, avant de déposer une demande de cession sur le fondement des articles L5112-5 ou
L5112-6 du CG3P. Parallèlement, les personnes privées ayant déposé un dossier de demande
de cession à titre onéreux au titre des articles L5112-5 et L5112-6 du CG3P, devaient
attendre la décision de l’État sur leur demande, avant de saisir la Commission de vérification
des titres en vue d’une validation éventuelle de leur titre. Il semblait plus judicieux de
déposer d’abord une demande de validation de titre devant la commission, cette procédure
étant enfermée dans des délais, avant de solliciter la cession à titre onéreux au titre de l’article
L5112-5 ou L5112-6 du CG3P, en cas d’inaboutissement de la première procédure.
Les dispositions de l’article L5112-3 du CG3P doivent être rapprochées de celles des
articles L5112-5 à L5112-6 dudit code qui prévoient des possibilités de régularisation
foncière par cession à titre onéreux, de terrains situés dans les espaces urbains ou ceux
occupés par une urbanisation diffuse, au profit des occupants ou de leurs ayants-droit, qui
ont édifié ou fait édifier avant le 1er janvier 1995, des constructions à usage professionnel
(article L5112-5 du CG3P), ou à usage d'habitation (article L5112-6 du CG3P).

2) Une procédure innovante, gratuite et sans frais

La procédure de vérification des titres devant la nouvelle commission a fait l’objet


d’adaptations. Elle s’est révélée innovante quant aux modalités d’accès, à l’information du
public, à l’instruction des demandes et à la notification des décisions rendues. Toutefois, la
complexité du contentieux a conduit le législateur de 1996 à maintenir la présence d’un
notaire et d’un représentant de l’administration des domaines au sein de la commission, et à
ajouter la présence d’un représentant de l’administration de l’Équipement, tout en retirant à
ces membres toute voix délibérative615. Par ailleurs, l’instauration de la pratique de
l’intervention volontaire a permis à des tiers d’intervenir dans la procédure de validation
elle-même616. Le reste de la procédure obéit aux règles de droit commun du titre premier du
nouveau code de procédure pénale.
Chaque Commission de vérification des titres instituée à Guadeloupe et à la
Martinique, comprenait des membres de droit et des membres associés617. Un magistrat du

615
Répondant ainsi partiellement à l’incohérence du statut de la première commission.
616
Par exemple, intervention de l’ONF pour les litiges intéressant la forêt domaniale littorale (F. D. L) ;
intervention des Communes et des particuliers ayant des droits à faire valoir, un intérêt à défendre, etc.
617
Les membres de droit étaient nommés par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice et du
ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Cf. article R170-11 du Code du domaine de l’État, depuis
modifié par l’article 2 du décret n° 2000-345 du 18 avril 2000, puis abrogé par l’article 3 du décret n° 2014-
930 du 19 août 2014.

174
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siège en activité ou un magistrat honoraire de l’ordre judiciaire, résidant dans le département


concerné et assurant la présidence de la Commission, était proposé par le premier Président
de la Cour d’appel, après avis de l’assemblée des magistrats du siège de la Cour d’appel,
dans le ressort du département. La Commission comprenait en outre, comme membre de
droit, un magistrat de la chambre régional des comptes des Antilles et de la Guyane, proposé
par le président de ladite chambre, et un membre du corps des tribunaux et cours
administratives d’appel, en activité ou honoraire, résidant dans le département, proposé par
le président du tribunal administratif. Parmi les membres associés aux travaux de la
Commission figurent principalement618 un notaire désigné par le président de la Commission
de vérification des titres, sur présentation de la chambre départementale des notaires et
inscrit sur la liste des notaires du département, un représentant du directeur départemental
de l’équipement, et un représentant du directeur des services fiscaux.
À côté de ces membres prévus par les textes, il y a eu une multitude d’intervenants
volontaires, dont le statut est régi par les articles 328 à 330 du code de procédure civile619.
Les observations d’acteurs concernés620 par l’avenir de la zone ont été prises en compte.
Cela a accentué le caractère ambivalent de la Commission de vérification des titres.
La composition de la Commission de 1996 avait été revue pour réparer les
incohérences et ambiguïtés constatées dans la composition de la Commission de 1955. Mais
ces ambiguïtés originelles ont persisté, au point que le législateur a dû affirmer le caractère
juridictionnel des commissions par la suppression des voix délibératives de leurs membres
associés (notaires, représentants du service des domaines)621.
Par ailleurs, la procédure devant la nouvelle commission de vérification des titres était
gratuite et sans frais. Cette procédure prenait en compte les revenus modestes des occupants
sans titre de la ZPG. Pour les mêmes raisons, la représentation par le biais d’un avocat n’a

618
Article R170-12 du Code du domaine de l’État, depuis modifié par l’article 56 du décret n° 2006-665 du 07
juin 2006, puis abrogé par l’article 3 du décret n° 2014-930 du 19 août 2014.
619
Il résulte des articles 328 à 330 du Code de procédure civile que l’intervention peut être volontaire ou
accessoire. De l’article 329 il résulte que l’intervention est principale quand elle élève une prétention au profit
de celui qui la forme. Dans ce cas, elle n’est recevable que si son auteur a le droit d’agir relativement à cette
prétention. De l’article 330 du Code de procédure civile il ressort que l’intervention est accessoire quand elle
appuie les prétentions d’une partie. Elle n’est recevable que si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses
droits, à soutenir cette partie. Ainsi, l’intervenant à titre accessoire peut se désister unilatéralement de son
intervention.
620
Municipalités, personnes privées, etc.
621
En effet, la Commission de vérification des titres instituée en 1955 était composée, outre d’un magistrat en
activité ou honoraire, de personnes (notaire, chef du service des domaines ou son délégué) n’ayant pas la
formation de magistrat, mais ayant paradoxalement le pouvoir de trancher les litiges. De plus, les particuliers
étaient indirectement représentés par le notaire dont la légitimité était plus fondée sur la compétence que sur
un libre choix démocratique.

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pas été rendue obligatoire. Le requérant pouvait se faire assister par un membre de sa famille.
La Commission de vérification des titres siégeait à la Cour d’appel dans le ressort de laquelle
se situe le département. Toutefois, le président de la commission pouvait décider de tenir ses
audiences au siège du tribunal d’instance ou du tribunal de grande instance du département
dans un souci de rapprochement géographique622. Le secrétariat de la commission était assuré
par le greffe de la Cour d’appel. La Cour d’appel était compétente pour les appels interjetés
à l’encontre des décisions de la Commission de vérification des titres.
Les dispositions des alinéas 4 à 7 de l’ancien article L89-2 du code du domaine de
l’État, relatifs à la composition de la commission et à la juridiction d’appel, n’ont pas été
reprises à l’article L5112-3 du CG3P, le délai légal de forclusion de deux ans étant dépassé.
Aucun dossier ne peut plus être déposé.
Les demandes de vérification de titres étaient d’abord enregistrées, puis
communiquées par le secrétariat de la commission au directeur des services fiscaux et au
préfet623. Cette communication avait pour but de permettre la recherche, dans les archives de
la précédente Commission624, de documents se rapportant le cas échéant aux titres concernés.
Dans le cas où il s’agissait d’un terrain non encore délimité (ce qui est le cas
notamment pour les terrains proches du rivage de la mer), la requête n’était instruite qu’après
délimitation par l’ancienne direction départementale de l’équipement (actuelle DEAL). La
requête était enregistrée pour éviter la forclusion, les titres devant être présentés à la
Commission dans les deux ans de sa constitution. En procédant ainsi, le requérant ne pouvait
se voir opposer la forclusion prévue par l’article L89-2 du Code du domaine de l’État.

622
Pour rappel, les demandes de vérification de titres étaient enregistrées sur un registre spécial, portant
mention du dépôt ou de la réception des titres. Ce registre était tenu à la disposition du public, afin d’informer
les tiers, notamment les occupants de la zone au 1er janvier 1995, de la procédure en cours. Un arrêté préfectoral
précisait les modalités suivant lesquelles les mentions de dépôt ou de réception des titres étaient portées à la
connaissance du public. Les titres concernés étaient, soit déposés au secrétariat de la commission contre
délivrance d’un reçu, soit adressés au dit secrétariat par lettre recommandée avec demande d’avis de réception,
ainsi qu’il ressort de l’article L89-2 alinéas 4 à 7 du code du domaine de l’État, depuis abrogé par l’ordonnance
n°2006-460 du 21 avril 2006. Ces titres et leurs annexes étaient communiqués en quadruple exemplaires, dont
un exemplaire certifié conforme à l’original. Les demandes étaient réparties par le président de la commission
entre les différents magistrats. Le président pouvait tenir seul l’audience, si les parties ne s’y opposaient pas.
La commission ne se réunissait que pour délibérer. Cette procédure visait à écarter les blocages qui pouvaient
éventuellement résulter de l’absence de désignation d’un suppléant pour chacun des trois magistrats. Il était
notamment précisé à l’alinéa 5 de l’article L89-2, que lorsque le notaire exerçait ses fonctions dans une étude
ayant eu à connaître d’un acte relatif aux droits établis par le titre litigieux, il ne pouvait participer aux travaux
de la Commission. Cf. notamment les anciens articles R170-13 et ss. du Code du domaine de l’État.
623
La communication des demandes au Préfet avait pour but d’éviter une instruction parallèle d’une demande
de cession à titre onéreux, formulée par le même occupant, concernant le même terrain.
624
Le secrétariat de la précédente commission était assuré par le service des domaines. Le directeur des services
fiscaux rendait compte à la Commission du résultat des investigations qu’il avait menées et lui communiquait
toutes les pièces en résultant.

176
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Les décisions de la commission étaient susceptibles de recours devant la Cour d’appel.


Ce recours pouvait être présenté par le demandeur, par des tiers, par le préfet ou par le
procureur de la République près le tribunal de grande instance. La représentation par un
avocat était obligatoire au stade de l’appel et devant la Cour de cassation.
Les décisions de la Commission étaient notifiées au requérant ou à son représentant,
et au procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel
la Commission a son siège. Les décisions de validation prononcées par la Commission de
vérification des titres, avaient pour effet de rendre les droits validés, opposables à tous.
Il convient de rappeler que la publication d’un acte au Service de la publicité foncière
(SPF) le rend opposable aux tiers, même si cette opposabilité est relative. Or, le domaine de
l’État étant inaliénable, un titre translatif de droit réel publié sur ce domaine est par définition
même inopposable à l’État. Les propriétés étatiques publiques ne font pas l’objet d’une
publication au Service de la publicité foncière625. Il existe donc un inventaire des immeubles
appartenant à l’État, dressé parallèlement à l’inventaire des biens immobiliers privés effectué
par le Service de la publicité foncière626. Il s’agit du tableau général des propriétés de l’État
géré par le Direction générale des impôts. Mais il n’y a pas d’harmonisation entre les deux
systèmes, et il convient d’y remédier dans la réforme à prévoir.
La majeure partie des titres examinés par la commission était donc, en principe, déjà
opposable aux tiers du fait de leur publication au Service de la publicité foncière. En raison
du caractère relatif de la publicité foncière, le jugement de validation avait pour effet de
consolider l’opposabilité aux tiers dont bénéficiaient déjà les titres ayant fait l’objet d’une
telle publicité foncière, notamment les actes notariés. Les jugements de validation relatifs
aux titres validés qui n’avaient pas déjà été soumis au formalisme de la publicité foncière,
ont fait l’objet de publicité foncière et se sont devenus opposables à l’État et aux tiers. De
surcroît, le jugement de validation a un caractère déclaratif et rétroactif.
Les Commissions de vérification des titres de 1996 instituées en Guadeloupe et en
Martinique, bénéficiaient d’une procédure particulière, remaniée, plus adaptée, mais
demeuraient ambivalentes par leur nature hybride. La Commission de vérification des titres
de la Guyane, était régie par les mêmes dispositions que celles applicables à la Guadeloupe
et à la Martinique. Mais, elle n’était pas concernée par les quatrième et cinquième alinéas de

625
Ancien Bureau des hypothèques.
626
Voir les articles A7 et suivants du Code du domaine de l’État, à propos de l’inventaire des biens de l’État.

177
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

l’article L5112-3 du CG3P627, les articles L5112-5 et L5112-6 n’étant pas applicables à la
Guyane, mais seulement à la Guadeloupe et à la Martinique.
S’agissant de La Réunion, aucune Commission de vérification des titres n’a été créée,
en raison des cessions et vérifications de titres déjà intervenues dans ladite collectivité, en
application des législations antérieures.
Quant à la collectivité départementale de Mayotte, elle n’est pas concernée par la
Commission de vérification des titres créée en 1996, car elle n’est devenue département
français d’outre-mer qu’après le référendum du 29 mars 2009, et fût longtemps régie par le
droit musulman coutumier, fondé sur le respect de la tradition orale.
Cela amène à s’interroger sur la pertinence du pouvoir juridictionnel de la seconde
Commission de vérification des titres (B).

B. LA PERTINENCE DU POUVOIR JURIDICTIONNEL DE LA


COMMISSION DE VÉRIFICATION DES TITRES DE 1996

La question de la pertinence du pouvoir juridictionnel reconnu à la Commission de


vérification des titres de 1996, amène les questions de sa légitimité et de son efficience.
La Commission de vérification des titres était une formation originale et mixte, dont
le caractère juridictionnel a été affirmé par le Conseil d’Etat dans l’arrêt « Sieur
PAJANIANDY », du 13 juin 1975628, rendu à propos de la Commission de 1955.
La légitimité du pouvoir de la Commission de vérification des titres de 1996 a été
rappelée à l’occasion de plusieurs décisions du Conseil constitutionnel, dont celle du 04
février 2011, « M. Jean-Louis de L »629, faisant suite à d’autres décisions de même nature.
Toutefois, s’agissant de son efficience, l’exposé et l’analyse des règles applicables aux
Commissions de vérification des titres démontrent une extension de leur champ de
compétences, car elles étaient habilitées à examiner tous les titres. Cette extension a marqué
la fin d’une jurisprudence restrictive, qui conserve néanmoins certaines limites.

627
Ces alinéas prévoient l’impossibilité pour le requérant de mener, en même temps, la procédure de
vérification des titres et la procédure de cession.
628
Le Conseil d’État a affirmé le caractère juridictionnel de la Commission de vérification des titres de 1955,
dans l’arrêt « Sieur PAJANIANDY », du 13 juin 1975, op. cit.
629
CC, DC n° 2010-96, QPC du 04 février 2011, « M. Jean-Louis de L ». En ligne : http://www.conseil-
constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-
1959/2011/2010-96-qpc/decision-n-2010-96-qpc-du-4-fevrier-2011.52790.html.

178
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

1) La fin d’une jurisprudence restrictive

Contrairement à l’ancienne Commission de vérification des titres de 1955, qui


n’examinait « que les titres », la nouvelle Commission avait pour objectif d’apprécier la
validité de « tous les titres […] établissant les droits de propriété, réels ou de jouissance
[…] », ainsi qu’il résulte de l’article L5112-3 alinéa 2 du CG3P. Elle a donc pris à son
compte non seulement les titres qui avaient été délivrés par l’État lui-même, mais aussi ceux
intervenus entre les personnes privées630, opérant ainsi un revirement jurisprudentiel631.
Le nouveau champ de compétences de la Commission de 1996 et ses travaux,
permettent de constater que le législateur a mis fin à une jurisprudence restrictive de
vérification des titres, en vertu de laquelle les seuls titres opposables à l’État étaient ceux
qu’il avait lui-même délivrés. La nouvelle Commission de vérification des titres, formation
originale et mixte,632 était habilitée à examiner tous les titres, sans distinction de forme
juridique spécifique. Ainsi, les actes notariés, les actes administratifs, les jugements
d’adjudication, les actes sous seing privé et tous autres titres translatifs de droits réels,
pouvaient désormais être soumis à la Commission dans le cadre de la nouvelle procédure.
Sur ce fondement, ont été considérés comme aliénables et prescriptibles, des terrains ayant
fait l’objet d’actes de transfert directement entre personnes privées633. La longue durée de
possession de ces terrains par leurs occupants, remontant dès avant 1955, a été validée, bien
que portant sur le domaine public.
S’agissant des conditions de recevabilité, tous les titres concernés devaient
nécessairement être antérieurs à l’entrée en vigueur du décret du 30 juin 1955, pour être
recevables devant la nouvelle commission départementale de vérification des titres. Les
cessions consenties par l’État lui-même depuis 1955, lui étaient opposables. Tous les titres
devaient respecter les règles de droit commun applicables en matière de recevabilité des
actes devant les juridictions judiciaires, prévues par le code de procédure civile. La
validation des titres antérieurs au décret de 1955 a posé le problème de l’appartenance, à
cette date, de la zone des cinquante pas géométriques au domaine public maritime, laquelle
génère l’application des règles d’imprescriptibilité, d’inaliénabilité et d’insaisissabilité, et

630
Conformément à l’interprétation faite par le professeur LARRIEU, opus cite.
631
En effet, les Commissions de 1955 avaient une pratique différenciée de l’appréciation de la notion de
« titres », ce qui avait nécessité l’intervention de la Cour de Cassation qui avait cantonné la validation aux seuls
titres délivrés par l’État.
632
Le Conseil d’État a affirmé le caractère juridictionnel de la Commission de vérification des titres de 1955,
dans l’arrêt « Sieur PAJANIANDY », du 13 juin 1975, op. cit.
633
Actes de donation, de ventes, de succession, de partage, etc.

179
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

entraîne une extrême précarité des occupations de la zone.


Des problèmes de conflits de compétences entre le juge judiciaire et le juge
administratif sont survenus, en présence de contradiction entre deux législations634. De plus,
par respect du principe de l’autorité de la chose jugée, les titres concernés par les
vérifications de la nouvelle commission étaient ceux qui n’avaient pas déjà été examinés par
l’ancienne commission départementale créée par l’article 10 du décret du 30 juin 1955.
La volonté du législateur se limitait à l’exigence d’un titre, compte tenu de la diversité
historique des titres délivrés dans la zone des cinquante pas géométriques. C’était une
condition essentielle de recevabilité. Cet assouplissement a opéré un revirement dans la
« jurisprudence » de la Commission, de nature à porter atteinte à la protection du domaine
public, car la Commission ne s’est pas prononcée sur la légalité des titres en considération
de leur origine étatique635. Des actes notariés, des actes sous seing privé, et des jugements
d’adjudication ont été déclarés recevables. La Commission a fait prévaloir les droits des
particuliers sur le principe d’inaliénabilité du domaine public636.
Par ailleurs, les titres devaient concerner les terrains dont la détention par le requérant
(personne physique ou morale) n’avait été contrariée par aucun fait de possession d’un tiers
au 1er janvier 1995. Cette précision illustre bien l’admission du jeu de la possession contre
un titre privé. Toutefois, s’agissant de la distinction entre détention et possession, la
formulation employée par le législateur reste ambiguë, quant à la date retenue et aux faits
antérieurs dont il fallait tenir compte. La nécessité d’éviter un phénomène massif de
« squatterisations » postérieures à la publication de la loi, a nécessairement été prise en
compte637. À cet égard, le professeur LARRIEU a souligné que l’esprit de la loi était plutôt
de favoriser l’occupant actuel. La personne disposant d’un titre de propriété, devant
démontrer qu’elle occupe la parcelle par elle-même ou par l’intermédiaire d’un tiers au début
de l’année 1995, ses droits pouvaient être contestés par un véritable possesseur occupant les

634
Ce problème de la double compétence a été soulevé dans le mémoire de BERGERAS (S.), « La Commission
martiniquaise de vérification des titres portant sur la zone des 50 pas géométriques », soutenu le 30 septembre
2002, publié au LC2S (ex-CRPLC).
635
Pour S. BERGERAS, la Commission, en refusant de se prononcer directement sur la légalité administrative
des titres, en regard de leur origine, élimine toute éventualité de conflits entre deux droits contradictoires,
prenant ainsi le risque de valider des actes illégaux, ou des droits plus étendus que ceux initialement conférés
aux occupants par leurs titres. Cf. mémoire de BERGERAS (S.), « La Commission martiniquaise de
vérification des titres portant sur la zone des 50 pas géométriques », opus cit. p. 75.
636
L’éventualité d’un conflit entre deux actes contradictoires est ainsi évitée. Idem.
637
Cette dernière explication semble pertinente, car sur le domaine communal de Volga Plage on rencontre
souvent des phénomènes de « résurrection » de squatters n’ayant pas vécu dans les lieux depuis des décennies,
car il n’y a pas de date butoir pour la prise en compte de l’occupation.

180
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

lieux au 1er janvier 1995638.


La position du Conseil constitutionnel paraît plus limitative que celle de la
Commission, ainsi qu’en témoigne une décision rendue le 04 février 2011639. Cette décision
établit clairement qu’à la Guadeloupe et à la Martinique, seuls les droits résultant des titres
délivrés par l’État ou validés par lui dans la zone des cinquante pas géométriques, lui sont
opposables. En effet, dans sa décision du 04 février 2011, la question prioritaire de
constitutionnalité (QPC) relative à la conformité de l’article L5112-3 du CG3P640, soumettant
à la vérification de la Commission les droits des tiers détenteurs, par rapport aux droits et
libertés garantis par la Constitution, et particulièrement par rapport au droit de propriété,
s’est trouvée posée. Par cette décision, le Conseil constitutionnel déclare l’article L5112-3
du CG3P conforme à la Constitution. En décidant que la validité d’un titre de propriété sur
la zone des cinquante pas géométriques à la Guadeloupe ou à la Martinique exige que ce
titre ait été délivré à l’origine par l’État, le Conseil rappelle les normes applicables sur le
domaine public de l’État, et donc qu’aucun droit de propriété n’a pu être valablement
constitué sur ledit domaine, hormis ceux consentis par son propriétaire, l’État. D’où il ressort
que le texte de l’article L5112-3 du CG3P ne saurait être contraire au droit de propriété,
selon le Conseil constitutionnel641.
Il convient de rappeler que l’article L5112-3 du CG3P, faisait l’objet d’une
interprétation jurisprudentielle qui pouvait être considérée comme étant de nature à porter
atteinte au droit de propriété. Ainsi, dans deux arrêts du 02 février 1965, la Cour de cassation
a jugé que seuls les titres délivrés par l’Etat lui-même, lui étaient opposables642. Cette
jurisprudence a été confirmée par une décision de la troisième chambre civile de la Cour de

638 Voir, LARRIEU (Jean), « Du nouveau à propos des « 50 pas géométriques » dans les Départements
d’Outre-mer, Les Petites Affiches, 6 janvier 1999, n°4, p. 9.
639
CC, DC n° 2010-96, QPC, du 04 février 2011, M. Jean-Louis de L, op. cit.
640
Ancien article L89-2 du code du domaine de l’Etat.
641
CC, DC n° 2010-96, QPC du 04 février 2011, « M. Jean-Louis de L », op. cit. En ligne : https://www.conseil-
constitutionnel.fr/decision/2011/201097QPC.htm. Le moyen évoqué par le requérant comportait trois aspects :
le principe d’inaliénabilité du domaine public n’était pas posé de manière absolue à la date de l’acquisition par
le requérant, la privation de propriété rétroactive entérinée par la loi est intervenue sans juste et préalable
indemnité et enfin, le principe de sécurité juridique s’oppose à ce que des droits anciens régulièrement acquis
au regard du droit normalement applicable à l’époque, soient remis en cause. Le requérant arguait d’une
discrimination entre ceux ayant acquis des biens de personnes pouvant justifier d’une origine étatique de leur
titre et les autres ne le pouvant, mais ayant régulièrement acquis leur bien.
642
Cass, Civ., 3ème, 02 février 1965, arrêts n° 60-11713 et n° 60-12731, Bull. civil, p. 70 et 71. De ces arrêts de
la Cour de cassation, il résulte que : « Attendu qu’en statuant ains, alors qu’aucun des titres allégués n’avait
été délivré par l’Etat, lequel pouvait seul procéder, selon les formes légales, au déclassement d’un terrain
faisant originairement partie du domaine public national et à sa cession à un particulier ou à une collectivité
locale, le jugement attaqué a violé le texte susvisé ».

181
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

cassation du 07 juillet 2004643 mise en œuvre concernant la Commission de vérification des


titres de 1996644. Cette jurisprudence signifie que tous les actes qui ne constatent pas une
aliénation par l’Etat, dès lors qu’il s’agit d’une parcelle située dans la zone des cinquante
pas géométriques, quand bien même il s’agirait d’actes notariés, sont inopposables à l’Etat
et non susceptibles de constituer un droit de propriété opposable à l’Etat. Ce qui règle aussi
la question de l’indemnisation, soulevée au regard de l’article 17 de la DDHC.
Le Conseil constitutionnel va se baser sur ses précédentes décisions pour examiner la
disposition contestée. Dans ces décisions du 6 octobre 2010, « Mmes Isabelle D. et Isabelle
B. » et du 14 octobre 2010645, « Compagnie agricole de la CRAU », le Conseil avait admis
le droit, pour tout justiciable, en posant une QPC, de contester la constitutionnalité de la
portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition.
La question se posait de savoir si la nécessité d’établir un titre délivré par l’Etat n’était pas,
pour l’application de l’article L5112-3 du CG3P, contraire à l’article 17 de la DDHC.
Pour répondre à cette question, le Conseil constitutionnel se base sur l’histoire de la
zone des cinquante pas géométriques depuis le XVIIe siècle646. Il en déduit que
l’interprétation faite par la Cour de cassation de l’article L5112-3 du CG3P n’est contraire à
aucune disposition de la Constitution. Ill relève que depuis 1674, date à laquelle la zone des
cinquante pas a cessé d’appartenir à la Compagnie des Indes occidentales pour tomber dans
le domaine de la Couronne, seul l’Etat était en mesure d’aliéner un bien faisant partie de
cette réserve, notamment sur le fondement des décrets de 1882, 1887 et 1955, pour la
Guadeloupe et la Martinique. Le Conseil constitutionnel relève que le requérant peut même
se référer à l’Édit de Saint-Germain-en-Laye, puisque par le biais de cet édit, Louis XIV a
approuvé les ventes particulières réalisées dans les îles concédées.
Le Conseil constitutionnel conclut que l’article L5112-3, telle qu’interprétée par la
jurisprudence et appliquée au requérant, ne méconnaît pas l’article 17 de la DDHC, en
exigeant que les seuls titres antérieurs au décret du 30 juin 1955, opposables à l’Etat soient

643
Cass, Civ, 3ème, 07 juillet 2004, n° 02-6288, Bull. Civil, p. 131.
644
Cf. Cass, Civ, 3ème, 07 avril 2010, n° 09-14563. Dans cette décision, la Cour de cassation va casser la
décision de la Cour d’appel qui, pour valider et déclarer opposable à l’Etat le titre produit par le requérant,
avait retenu que le transfert de propriété résultait d’un titre émanant de l’autorité judiciaire (procès-verbal
dressé en l’audience des criées du tribunal de Fort-de-France), alors qu’en statuant ainsi, elle n’a pas constaté
que le titre de propriété avait été délivré par l’Etat, seul habilité à « procéder à la cession, à un particulier ou à
une collectivité locale, d’un terrain faisant originairement partie du domaine public » ; et que ce faisant, la
Cour d’appel a violé l’article L5112-3 du CG3P.
645
CC, DC n° 2010-39 QPC du 06 octobre 2010, « Mmes Isabelle D ; et Isabelle B. (Adoption par une
personnelle seule), cons. 2. Voir aussi : CC, DC n° 2010-52 QPC du 14 octobre 2010, « Compagnie agricole
de la Crau (imposition due par une société agricole), cons. 4.
646
Fondement incontournable eu égard à la problématique foncière particulière.

182
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

ceux délivrés ou validés par lui647. De même, pour le Conseil, la loi ne créé aucune
discrimination au détriment des personnes ne pouvant pas justifier de leurs droits tel que sus
dit, et ne remet pas en cause des situations légalement acquises. Les griefs tirés de la
violation de la garantie des droits proclamée par l’article 16 de la DDHC et du principe
d’égalité devant la loi sont donc également écartés648.

2) Les limites à la validation de certains titres par la Commission

En dépit de la souplesse de sa jurisprudence par rapport à celle sus évoquée, la


Commission de vérification ne pouvait valider que des titres ayant trait aux droits réels. Les
titulaires d’un droit personnel649 portant sur la zone des cinquante pas géométriques ne
pouvaient voir ce droit validé. Comme à l’occasion du décret de 1955, seuls les droits réels
furent validés (droit de propriété, droits démembrés, etc.).
En outre, la question de la recevabilité des titres non personnels aux requérants s’est
trouvée posée, le législateur n’ayant pas précisé si les titres soumis à la Commission devaient
être personnels ou non au requérant. Selon la loi du 30 décembre 1996, seuls les titres
antérieurs à 1955 pouvaient être examinés par la Commission. Or, de nombreuses mutations
immobilières étaient intervenues depuis 1955, soit à titre onéreux (par vente, échange, etc.),
soit à titre gratuit (par succession, donation, legs). La question de la validité des droits des
requérants qui disposaient bien d’un titre de propriété antérieur à 1955, mais qui ne leur était
pas propre, se trouvait posée. Dans ces cas, les ayants droit se trouvaient dans l’impossibilité
matérielle de justifier de titres personnels antérieurs à 1955.
Pour répondre à cette situation, la Commission de vérification des titres de la
Martinique a admis de manière limitative la recevabilité de titres non personnels aux
requérants, à condition qu’il s’agisse de biens immobiliers ayant conservé un caractère
familial. La jurisprudence de la Commission admet que l’action en validation du titre est
attachée à la personne du titulaire et transmise à ses ayants-cause universels, à titre universels
ou à titre particulier650, ainsi qu’en atteste une décision inédite rendue par la Commission de

647
CC, DC n° 2010-96, QPC du 04 février 2011, « M. Jean-Louis de L ». En ligne : http://www.conseil-
constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-
1959/2011/2010-96-qpc/decision-n-2010-96-qpc-du-4-fevrier-2011.52790.html.
648
Idem. Voir les commentaires aux Cahiers.
649
Par exemple une tolérance liée à la coutume.
650
BERGERAS (S.), « La Commission martiniquaise de vérification des titres portant sur la zone des 50 pas
géométriques », soutenu le 30 septembre 2002, publié au LC2S, op. cit.

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vérification des titres de la Martinique, le 9 octobre 2001, « Murat, Commune du Robert »651.
Cette décision admet la recevabilité de titres de jouissance et valide des droits de jouissance
sur la zone des cinquante pas géométriques, comme étant des droits réels attachés aux fonds
dominants et pouvant faire l’objet d’une transmission, de manière accessoire.
Cette position rappelle la règle de l’effet relatif, qui se réfère à l’exigence de la
publicité foncière du droit du précédent propriétaire, et ainsi de suite sur une période de
trente ans. Elle devrait avoir été étendue par le législateur aux opérations de régularisation
foncière opérées par la Commission de vérification des titres instaurée en 1996, la législation
sur la publicité foncière de 1955 étant déjà en application à cette date.
Par ailleurs il est important de signaler le respect de l’autorité de la chose jugée par la
Commission de vérification des titres. En effet, les titres reconnus valides par la Commission
de l’article 10 du décret de 1955 n’ont pas été remis en cause. Ainsi, l’article L5111-3 alinéa
2 du CG3P réserve les droits des tiers résultant des titres reconnus valides par la première
commission de vérification des titres instituée par le décret du 30 juin 1955, à la Guadeloupe,
à la Martinique, à la Guyane et à La Réunion. La commission de vérification des titres étant
un organe juridictionnel, l’autorité de la chose jugée s’applique à ses décisions, qui ne
peuvent donc être remises en cause par une décision ou un texte ultérieur.
De même, la Commission n’est pas revenue sur les droits réels cédés par l’Etat entre
la publication du décret de 1955 et le 5 janvier 1986, ainsi qu’en témoigne l’article L5111-
3 alinéa 3 du CG3P qui réserve les droits des tiers résultant des ventes et promesses de vente
consenties par l’Etat lui-même, à la Guadeloupe, à la Martinique, à la Guyane et à La
Réunion, entre la date de la publication du décret du 30 juin 1955 susvisé et celle du 5 janvier
1986, date à laquelle la zone des cinquante pas géométriques est retombée dans le domaine
public de l’Etat. Le cas de Mayotte est réservé, cette collectivité territoriale n’ayant été
intégrée dans la Constitution qu’en 2003, lors de la révision constitutionnelle.
Les droits des tiers résultant de prescriptions acquises à La Réunion à la date du 3
janvier 1986, ont été également pris en compte et reconnus, ainsi qu’il résulte de l’article
L5111-3 alinéa 4 du CG3P, car la zone y était déjà délimitée, contrairement à la Guadeloupe,
à la Martinique et à la Guyane, où les prescriptions acquisitives n’ont donc pas été prises en
compte pour raison de non-délimitation de la zone, le cas de Mayotte étant réservé. Bien
entendu, les biens immobiliers appartenant à des tiers pouvant justifier de leurs droits ou

651
Jugement du 9 octobre 2001, Murat, Commune du Commune du Robert, inédit. Voir mémoire de
BERGERAS (S.), op cit. Affaire à l’occasion de laquelle la Commission de vérification des titres de la
Martinique a assimilé le droit de jouissance à une véritable servitude.

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DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

dépendant d’un autre domaine public, n’étaient pas concernés par les dispositions de
régularisation foncière par délivrance ou validation de titres652.
S’il est admis que l’évolution jurisprudentielle du travail de la Commission se
caractérise par une jurisprudence moins restrictive, et par la consécration d’une souplesse
dans l’examen des titres, ce constat ne vaut pas pour la question des prescriptions
acquisitives, car la Commission limita la recevabilité des titres introuvables à l’existence
d’actes notariés y faisant référence. En outre, peu importait la situation géographique des
droits validés, l’essentiel étant que ces droits portent sur des terrains précédemment situés
sur la zone des cinquante pas géométriques. De même, pour la validation des titres, la loi ne
distinguait pas entre les terrains situés dans les zones naturelles et ceux situés dans les zones
urbanisées. Cette distinction a été faite, à bon escient, pour les procédures de régularisation
foncière par cession, instituées par la loi de 1996.
Néanmoins, et ce fût un obstacle à la finalisation des opérations de régularisation
foncière visées par cette procédure de vérification des titres, seuls les titres présentés dans
un délai de deux ans à compter de la constitution de la nouvelle Commission départementale
de vérification des titres, furent examinés. Ce délai de forclusion a couru du 13 janvier 1999
au 13 janvier 2001653. En conséquence, seules ont été prises en compte les demandes de
vérifications de titres déposées dans ce délai. Il en ressort que des titres de propriété anciens
demeurent encore invalidés à ce jour, pour cause de forclusion.
Les différentes procédures de régularisation foncière par délivrance de titres (cession)
ou par validation de titres anciens (Commission de vérification des titres), ont été conçus
pour permettre de régulariser définitivement l’occupation sans titre outre-mer, de manière
dérogatoire, dans la zone des cinquante pas géométriques. Mais cette occupation sans titre
a-t-elle été jugulée par l’application desdites procédures ?
Un état des lieux de la régularisation foncière dans la zone des cinquante pas
géométriques est essentiel (Section II).

652
Il s’agit notamment des droits attachés aux parcelles appartenant en propriété à des personnes publiques ou
privées pouvant justifier de leurs droits ainsi qu’il résulte de l’article L5111-4, 1° du CG3P, et des immeubles
dépendant d’un autre domaine public, ou d’un domaine privé affecté aux services publics, ainsi qu’il résulte
de l’article L5111-4, 2° du CG3P. Sont aussi concernés, les terrains domaniaux gérés par l’Office national des
forêts (l’ONF) en application de l’article L121-2 du Code forestier, ainsi qu’il résulte de l’article L5111-4-3°
du CG3P.
653
Pour pallier les imperfections de la précédente Commission (délai de forclusion d’un an et absence de
publicité).

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

SECTION II – ÉTAT DES LIEUX DE LA


RÉGULARISATION FONCIÈRE DANS LA ZONE DES
CINQUANTE PAS GÉOMÉTRIQUES

Les procédures de régularisation foncière mises en œuvre dans la zone des cinquante
pas géométriques, en dépit des avancées résultant de la loi « littoral » de 1986, de la loi du
30 décembre 1996 et des textes subséquents, n’ont pas permis de juguler l’occupation sans
titre de ce foncier dépendant du domaine public maritime. Des occupations irrégulières
continuent d’être verbalisées654, et le besoin de gestion de la régularisation foncière par des
instances au plus près de la population s’avère incontournable.
Pour répondre à ces préoccupations, le législateur, par la loi n° 2015-1268 du 14
octobre 2015655 d’actualisation du droit des outre-mer, dite « Loi ADOM », a programmé le
transfert par l’État, des espaces urbains et des secteurs d’urbanisation diffuse de la zone des
cinquante pas géométriques, à la région Guadeloupe et à la Collectivité territoriale
Martinique. L’objectif implicite est, corrélativement, de transférer la régularisation foncière,
la gestion des emprises foncières occupées, et généralement les problématiques foncières
afférentes à ces secteurs, objet de revendications sociales récurrentes, aux collectivités
territoriales.
La complexité de la procédure de régularisation foncière mise en place par l’État avait
déjà été évoquée par le député, Serge LETCHIMY, dans un rapport du 19 septembre 2013656.
Celui-ci a repéré vingt-deux étapes à franchir auprès des administrations par l’occupant sans
titre aspirant à devenir propriétaire.
Les apports législatifs postérieurs à la loi de 1996 ont permis une augmentation du
nombre de dossiers traités. Pour l’atteinte de cet objectif, l’article 5 modifié de la loi de 1996,

654
Affaire du « Roi Mongin », concerne une occupation illégale verbalisée par la DEAL, depuis régularisée
par convention avec l’ONF. Cf. : MEDOUZE (Jean-Luc), France-Antilles Martinique, « Vincent Chery : Il n’y
a pas deux poids, deux mesures », publié le 14 septembre 2013. en ligne :
« https://www.martinique.franceantilles.fr/regions/sud/vincent-chery-il-n-y-a-pas-deux-poids-deux-mesures-
220879.php.
655
Loi publiée au JORF n°0239 du 15 octobre 2015, page 19069, texte n° 2. Décret d’application n° 2015-
1925 du 30 décembre 2015.
656
Cf. LETCHIMY (Serge), rapport enregistré à l’Assemblée nationale le 19 septembre 2013, au nom de la
commission des affaires économiques, sur la proposition de loi, visant à prolonger la durée de vie des agences
pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques et à faciliter la
reconstitution des titres de propriété en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à
Saint-Martin (n°1048). En ligne : http://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports/r1389.asp.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

avait accordé à l’agence des 50 pas géométriques la conduite prioritaire du processus de


régularisation foncière des occupations sans titre des terrains relevant des espaces urbains et
secteurs d’urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas. Cela avait permis de clarifier
les compétences des acteurs de la régularisation foncière. En outre, le législateur avait mis
l’accent sur l’information indispensable du public. Dans le même objectif, l’article 32 de la
loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite
« Loi Grenelle II », avait modifié l’article 4 de la loi de 1996, pour une courte prorogation
de la vie des agences et prévu leur remplacement par des établissements publics fonciers.
Mais tout cela n’a pas suffi à juguler l’occupation sans titre outre-mer, notamment dans les
collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution.
Dans la zone des cinquante pas géométriques, les deux instances auxquelles il convient
de se référer pour l’appréciation du bilan des opérations de régularisation foncière, sont la
Commission de vérification des titres instituées en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane,
et les Agences pour la mise en valeur des cinquante pas géométriques, instituées en
Guadeloupe et en Martinique. Ce constat milite en faveur d’un bilan conjoint pour la
Guadeloupe et la Martinique.
Dans l’océan indien, à La Réunion et à Mayotte, d’autres problématiques foncières se
sont trouvées posées, ainsi qu’il a été expliqué en amont. La Guyane de son côté, eu égard à
son territoire majoritairement couvert de forêts, dont l’Etat français est propriétaire à plus de
90%, mérite un bilan spécifique, qui peut être rapproché de celui de Mayotte.
Il est judicieux d’effectuer le bilan de la régularisation foncière en Guadeloupe et en
Martinique, en raison des similitudes de législations applicables à ces collectivités (§1),
avant de faire le bilan desdites opérations de régularisation foncière en Guyane et dans
l’océan indien, caractérisées par l’omniprésence de règles coutumières (§2).

§ I. BILAN DE LA RÉGULARISATION FONCIÈRE EN


GUADELOUPE ET MARTINIQUE

A la Martinique comme à la Guadeloupe, les occupations sans titre perdurent dans


la zone des cinquante pas géométriques, et les leviers de régularisation foncière mis en place
par la loi du 30 décembre 1996 et les textes subséquents se sont révélés insuffisants pour
remédier à cette problématique. La Guadeloupe et la Martinique ont des histoires très
proches, ainsi qu’il a été relevé en amont, à tel point qu’elles sont appelées « îles-sœurs ».

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La régularisation foncière reste inachevée outre-mer. En témoigne, le bilan des deux


organes-phares de la régularisation foncière à la Martinique et à la Guadeloupe, dans la zone
des cinquante pas géométriques, que sont la Commission de vérification des titres, dont le
travail s’est révélé non exhaustif et dont la structure ambiguë a conduit à bien des
contestations, et les Agences des 50 Pas géométriques (A).
Les Agences pour la mise en valeur des espaces urbains et d’urbanisation diffuse,
voient leur action régularisatrice finalement sanctionnée, puisque le législateur, dans le cadre
de la loi du 14 octobre 2015657 d’actualisation du droit des outre-mer, dite « Loi ADOM »,
prévoit le transfert par l’État, de la gouvernance foncière des espaces urbains et
d’urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas, à la région Guadeloupe et à la
Collectivité territoriale Martinique. Cela conduit à faire le constat d’une disparition
programmée des Agences des 50 pas géométriques (B).

A. RÉGULARISATION FONCIÈRE INACHEVÉE ET TRAVAIL


NON EXHAUSTIF DE LA COMMISSION DE VÉRIFICATION
DES TITRES

L’état des lieux de la régularisation foncière dans lesdites collectivités, démontre que
la régularisation foncière demeure inachevée outre-mer, ainsi qu’en témoigne l’action de ses
deux organes-phares, parmi lesquels figure la Commission de vérification des titres.
Le travail de cette Commission, véritable juridiction d’exception limitée dans le temps,
instaurée par la loi de 1996, en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, a favorisé une
jurisprudence souple voire « libérale », plutôt « arrangeante », mais a généré de nombreuses
contestations, et laissé perdurer de nombreuses zones d’ombre.
L’examen des décisions rendues par la Commission martiniquaise de vérification des
titres révèle une « jurisprudence ambitieuse et favorable aux requérants658 », probablement
par réaction à la jurisprudence de la première Commission. La seconde commission de 1996,
a procédé de manière libérale à une extension des conditions de recevabilité des requêtes.
Elle a interprété de manière limitative l’exclusion des titres postérieurs au décret de 1955, a
assoupli les conditions de fond de la validation, a validé des titres en présence d’une

657
Loi publiée au JORF n° 0239 du 15 octobre 2015, page 19069, texte n° 2. Décret d’application n° 2015-
1925 du 30 décembre 2015.
658
BERGERAS (S.), « La Commission martiniquaise de vérification des titres portant sur la zone des 50 pas
géométriques », mémoire soutenu le 30 septembre 2002, publié au LC2S (ancien CRPLC), pour un examen
plus approfondi de cet aspect.

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imprécision du bornage et, ce faisant, a développé une véritable présomption de détention


au profit des requérants659.

1) Des décisions « arrangeantes » laissant perdurer la question de la


prescription acquisitive dans la zone

À titre d’exemple de la jurisprudence libérale de la Commission, l’affaire Reynal de


Saint-Michel, dont le jugement a été rendu le 6 février 2000, avait déjà été soumise à la
Commission de 1955660. Ce qui pose la question du respect de l’autorité de la chose jugée.
Un autre jugement, rendu le 17 septembre 2001, « Association Diocésaine », atteste
également d’une grande souplesse de la jurisprudence de la Commission de vérification des
titres qui, aux termes de ce jugement, ira jusqu’à valider un titre de propriété ayant disparu,
sur la simple base de documents postérieurs établissant l’existence du titre disparu661.
Pour le professeur Georges VIRASSAMY, le législateur de 1996 s’est trompé sur
l’analyse de la situation à régler et sur les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir662.
Il est intéressant de remarquer que le préfet lui-même a introduit des appels contre
certaines décisions de validation rendues par la Commission de vérification des titres,
concernant des terrains présentant des caractéristiques particulières. Il s’agit notamment
d’îlets, de parcelles gérées par le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres
(CELRL) ou par l’Office national des forêts (ONF), de terrains concernés par des
conventions de gestion passées entre les communes et l’État, de terrains situés en sites
classés ou inscrits en zone d’intérêt écologique, faunistique ou floristique, ou de terrains
situés dans des zones concernées par le schéma d’aménagement Régional663.
À propos d’occupation illégale de zones naturelles à protéger, l’affaire du « Roi
Mongin », mettant en exergue l’occupation illégale de l’îlet Oscar situé sur le territoire de la
commune du François, a fait grand bruit en Martinique. Dans cette affaire, le contrevenant
surnommé le « Roi Mongin » avait été poursuivi par l’État (Office national des forêts) pour
faits d’occupation illégale. Il lui était notamment reproché d’avoir fait édifier, sans titre, des
constructions illégales sur l’îlet Oscar dépendant du domaine public maritime. À cela
s’ajoutaient à son actif, les nombreuses années d’activités de balades touristiques payantes

659
BERGERAS (S.), op. cit.
660
Affaire Reynal de Saint Michel, jugement du 6 février 2000, RG/99/00121, in BERGERAS (S.), idem.
661
Jugement du 17 septembre 2001, Association diocésaine, RG/01/00004, Commune des Trois-îlets, inédit,
cf. BERGERAS (S.), mémoire, op. Cite. p. 74.
662
VIRASSAMY (Georges), « Les particuliers et la réforme du régime des 50 pas géométriques par la loi n°96-
1241 du 30 décembre 1996 », in Mélanges en hommage à Bernard VONGLIS, L’harmattan, Paris, 2000.
663
BERGERAS (S.), op. cit.

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entre le Port du François et l’îlet Oscar. La Cour d’Appel de Fort-de-France, dans un arrêt
du 1er mars 2013664, a condamné le contrevenant à une amende de 50000 euros et à la
démolition des ouvrages dans les six mois, sous peine d’une astreinte de 100 euros par jour
de retard. Ce qui a ému l’opinion publique c’est la présence, par ailleurs, sur les îlets du
François, dont fait partie l’îlet Oscar, de constructions, résidences secondaires et
aménagements de standing, édifiées dans des conditions similaires à celles du « Roi
Mongin », par des occupants qui n’auraient fait l’objet d’aucune contravention ni
poursuite665, et notamment par des occupants « békés ». Les informations publiées à ce sujet
exposent que plusieurs sites de la commune du François, tels que : La Pointe Cerisier,
Frégate, Cap Est, La Pointe Chaudière, situés sur le rivage de la mer, supportent des villas
de grand standing666. Dans le cas du « Roi Mongin », la DEAL a condamné le défaut de
respect de l’environnement667. L’ASSAUPAMAR, association de protection de
l’environnement, n’a pas manqué d’intervenir dans cette affaire, développant une
argumentation essentiellement politique en arguant de l’illégitimité du droit de propriété
dont se réclame l’État français sur les îlets martiniquais668. Encore une fois, la question de la
contestation ou de la remise en cause de la légitimité de l’État sur le domaine public maritime
a refait surface dans la conscience populaire martiniquaise à cette occasion.
À cet égard, il ne peut être passé sous silence les nombreuses opérations de
contestation résultant de l’action de l’ASSAUPAMAR669, notamment pour l’accès au
littoral670. Cette association joue parfois un rôle semblable à une sorte de contrôle de légalité
à posteriori. Il peut être rappelé à ce propos, l’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel
de Paris, le 5 avril 1994, peu avant la réforme de la loi du 30 décembre 1996. Aux termes de
l’arrêt « Commune du Robert, société Romak contre l’ASSAUPAMAR »671, la Cour d’appel
a relevé que le préjudice dont se prévalait l’ASSAUPAMAR était de nature à justifier le
sursis à exécution d’un permis de construire, en raison de la méconnaissance par le permis

664
CA, Fort-de-France, 1er mars 2013, Affaire du « Roi Mongin ». Cf. « France-Antilles Martinique »,
« Toutes les installations du Roi Mongin détruites », Edition du samedi 06 septembre 2014. Consulté en ligne
le 23 août 2016 : http://www.martinique.franceantilles.fr/regions/sud/toutes-les-installations-du-roi-mongin-
detruites-270172.php. Voir aussi : https://www.madinin-art.net/le-roi-mongin-en-greve-de-la-faim/.
665
Cette affaire a notamment été relayée dans le quotidien « France-Antilles Martinique » du 05 mai 2010.
666
Maître Dorval LODEON, conseil de Monsieur MONGIN, a parlé de discrimination.
667
Entretien avec Murièle CIDALISE-MONTAISE, Cadre à la DEAL Martinique, du 08 décembre 2016.
668
CA, Fort-de-France, 1er mars 2013, Affaire du « Roi Mongin », op cit.
669
Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais.
670
France-Antilles, mercredi 16 et jeudi 17 mai 2007, « Les dirigeants de l’ASSAUPAMAR placés en garde à
vue », p. 2 « L’ASSAUPAMAR est-elle allée trop loin ? », par P-H. C.
671
CAA Paris, 5 avril 1994, Commune du Robert, Sté Romak c/ Association pour la sauvegarde du patrimoine
martiniquais (ASSAUPAMAR), AJDA du 20 juin 1994, conclusions MENDRAS (A.), commissaire du
Gouvernement.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

des dispositions de l’article L 156-2 du code de l’urbanisme.


Un protocole d’accord a depuis été signé entre le « Roi Mongin » et les services de
l’État, en application duquel, les installations du contrevenant ont été détruites et remplacées
par des constructions édifiées par l’ONF, plus adaptées, conciliant le respect de
l’environnement et la poursuite de l’activité touristique de l’occupant ; lequel intervient
désormais en tant que concessionnaire d’une partie des installations pour la poursuite de son
activité touristique. Toutefois, ses projets doivent être soumis aux services de l’État avant
toute mise en exécution. La mise en œuvre a débuté en septembre 2014 et le contrevenant
bénéficie désormais d’une concession pour ses activités d’excursion sur l’îlet Oscar672.
Nonobstant l’émotion soulevée par l’affaire du « Roi Mongin » au sein de la
population locale, la problématique de la protection des espaces naturels demeure
incontournable en outre-mer. En effet, aucune des dispositions de régularisation foncière
exposées en amont ne permet de régulariser l’occupation sans titre de personnes installées
dans les espaces naturels à protéger de la zone des cinquante pas géométriques, en dehors
des autorisations d’occupations temporaires (AOT) prévues par l’article L2122-1 du CG3P.
La gestion des espaces naturels de la zone des cinquante pas géométriques est confiée pour
partie au Conservatoire du littoral, pour partie à l’Office national des forêts concernant les
forêts domaniales, le solde des espaces naturels étant directement gérés par la DEAL. Elle
ne relève pas des instances de régularisation foncière instituées ; ce qui montre la volonté du
législateur de protéger ces espaces naturels.
Dans sa thèse intitulée « Gestion responsable du foncier et développement durable
outre-mer, contribution à une approche critique de l’espace martiniquais », Arlette
CONSTANT-PUJAR a mentionné l’adoption de plusieurs arrêtés de biotope permettant la
protection de quarante-huit îlets de la Martinique673. Les arrêtés de protection de biotope,
communément appelés « arrêtés de biotope » contribuent par une procédure simple, à la
protection de l’habitat écologique d’espèces protégées, à la protection de milieux peu
exploités par l’homme, abritant des espèces végétales et/ou animales sauvages protégées.
L’arrêté de protection de biotope a pour objectif de permettre au préfet de fixer par arrêté
toutes les mesures favorisant la conservation des biotopes nécessaires à la pérennisation et

672
« France-Antilles Martinique », Toutes les installations du Roi Mongin détruites », Edition du samedi 06
septembre 2014.
673
CONSTANT-PUJAR (Arlette), « Gestion responsable du foncier et développement durable Outre-mer,
contribution à une approche critique de l’espace martiniquais », Thèse pour le Doctorat en sciences juridiques,
sous la direction du Professeur Antoine DELBLOND, soutenue le 10 mai 2011, à la Faculté de droit et de
sciences économiques de l’Université des Antilles et de la Guyane.

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la survie des espèces protégées, sur tout ou partie du territoire674. Les communes de
Bellefontaine, du Diamant, du François, de Grand’Rivière, du Robert, de Sainte-Anne, de
Sainte-Marie, du Saint-Esprit, de Trinité et des Trois-Îlets font partie des communes
bénéficiant en Martinique, d’arrêtés de protection de biotope675.
En définitive, le bilan de la seconde Commission départementale de vérification des
titres demeure mitigé. La limite temporelle assignée à l’action de régularisation foncière de
cette commission ad hoc (les titres devaient avoir présentés à ladite commission dans le délai
de deux ans suivant la constitution de celle-ci), a conditionné le bilan de la structure.
Par ailleurs, malgré l’instauration de cette seconde commission, la question des
prescriptions acquisitives est demeurée sans réponse. À cet égard, la loi du 30 décembre
1996 s’est montrée peu explicite, car le législateur a omis de préciser si les commissions de
vérification de titres étaient compétentes en la matière. De ce fait, la possibilité pour lesdites
commissions de se prononcer sur le jeu de la prescription acquisitive en matière de titrement
a été exclue d’emblée. La compétence de la Commission s’est donc limitée à l’examen et à
la validation des titres. Les droits valant titre, comme c’est le cas de la prescription
acquisitive, ont été écartés.
Ainsi, la Commission martiniquaise de vérification des titres n’a pu se prononcer sur
les titres immatériels. Elle en a jugé ainsi à plusieurs reprises, dans certaines de ses décisions,
et notamment dans sa décision inédite du 6 février 2001, « Reynal de Saint Michel »676. Ce
fût l’un des aspects les plus restrictifs de sa jurisprudence. Cependant, certains auteurs, tel
que le professeur Jacques LARRIEU677, ont considéré que la Commission de vérification
des titres avait, d’emblée, compétence pour vérifier la validité des prescriptions acquisitives.
Une autre affaire illustre la position ambiguë de la jurisprudence de la Commission de
vérification des titres, concernant l’admission du jeu de la prescription acquisitive dans la
zone des cinquante pas géométriques. Elle a été relayée par le quotidien « France-Antilles
Martinique » du 28 septembre 2015678. Les faits et la procédure sont les suivants : par
décision du 30 décembre 2014679, le tribunal administratif de Fort-de-France a condamné un

674
Documentation sur les APB en Martinique, consultable sur le site de la DEAL En ligne :
http://www.martinique.developpement-durable.gouv.fr/les-apb-de-la-martinique-par-communes-r219.html.
675
Idem.
676
Jugement du 6 février 2001, Reynal de Saint Michel RG/99/00121, Commune, inédit, idem.
677
LARRIEU (Jean), « Du nouveau à propos des « 50 pas géométriques » dans les Départements d’outre-mer,
Les Petites Affiches, 6 janvier 1999, n°4, p. 9.
678
Article du France-Antilles intitulé : « 50 pas : le Conseil d’État botte en touche », paru dans le France-
Antilles du 28 septembre 2015. En ligne : http://www.martinique.franceantilles.fr/actualite/politique/50-pas-
le-conseil-d-État-botte-en-touche-325415.php. Consulté le 28 août 2016.
679
TA, 30 décembre 2014, décision n° 1400514.

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occupant sans titre à une contravention de grande voirie, à la remise en état de la parcelle
sur laquelle il avait effectué des travaux de rénovation d’une construction, et au paiement
d’une amende de 1500 euros, pour occupation illégale du domaine public. L’occupant sans
titre a interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux, laquelle a transmis
au Conseil d’État une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur la
conformité à la Constitution de l’article L5111-3 du code général de la propriété des
personnes publiques (CG3P).
L’intérêt de cette affaire était de se prononcer sur l’admission de la prescription
acquisitive dans la zone des cinquante pas géométriques dans les départements d’outre-mer.
Plus précisément, le requérant a estimé qu’il résulte du CG3P que la zone des 50 pas
géométriques fait partie du domaine de l’État, mais sous réserve des droits des tiers à la date
du 05 janvier 1986. Ces droits résultent de titres reconnus par la Commission de vérification
des titres de 1955, et de ventes ou promesses de vente consenties par l’État entre 1955 et
1986. En présence de cette législation, le requérant a estimé que les dispositions dudit code
excluent les départements d’outre-mer du champ de la prescription acquisitive qui
s’appliquait entre 1955 et 1986 au domaine privé de l’État auquel appartenait alors la zone
des 50 pas géométriques, et que ces dispositions sont contraires à la Constitution.
Dans sa décision du 14 septembre 2015680, en réponse à la demande du requérant, le
Conseil d’État retient qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer devant le Conseil constitutionnel
la question de la conformité à la Constitution de l’article L5111-3 du code général de la
propriété des personnes publiques. En effet, dans son 4ème considérant, il a estimé que
l’absence d’intervention de l’arrêté interministériel devant constituer le point de départ des
prescriptions acquisitives dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane et de la
Martinique, « a conduit à maintenir le caractère imprescriptible de la zone des cinquante pas
géométriques, malgré son rattachement au domaine privé de l’Etat », et que par suite, le
moyen tiré de ce que l’article L5111-3 du CG3P porterait atteinte au droit de propriété
protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, en ce
qu’il exclut lesdits départements du champ d’application de la prescription acquisitive
susceptible de s’exercer pendant la période du 30 juin 1955 au 03 janvier 1986, largement
supérieure à 30 ans, « ne présente pas de caractère sérieux »681. Dans son 5ème considérant,
le Conseil d’Etat a estimé que le fait pour le législateur de réserver les droits des tiers

680
CE, 14 septembre 2015, dossier n° 391245, article L5111-3 du CG3P, inédit au Rec. Lebon.
http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2015-09-14/391245 (consulté en ligne le 28 août 2016).
681
Idem.

193
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

résultant d’éventuelles prescriptions acquisitives seulement pour La Réunion, ne signifie pas


qu’il ait voulu renvoyer à l’autorité réglementaire le soin de fixer les règles de la prescription
acquisitive dans les autres départements, et que le moyen tiré de l’ « atteinte au droit de
propriété en procédant à un tel renvoi ne présente pas non plus de caractère sérieux »682. Le
Conseil d’Etat conclue dans un 6ème considérant que la question prioritaire de
constitutionnalité invoquée n’est pas nouvelle, ne présente pas de caractère sérieux et ne
requiert pas un renvoi devant le Conseil constitutionnel683.

2) Un bilan mitigé laissant perdurer l’occupation sans titre dans la zone

Compte tenu de la jurisprudence de la Commission, il résulte du rapport


« ROSIER »684, qu’en Martinique, à la date du 13 janvier 2001, 601 demandes de
vérifications de titres avaient été enregistrées. En mars 2004, 600 demandes avaient fait
l’objet d’une décision de la Commission. Il y a eu 451 décisions de validation de titres, 55
refus de validation, 80 décisions d’irrecevabilité, 9 désistements, 1 dessaisissement et 4
rattachements à un autre dossier. Il y a eu 101 appels contre les décisions rendues, dont 29
appels émanant du préfet lui-même. 5 appels avaient été examinés à la date du 31 août 2003.
Sur ces 5 appels, 2 décisions favorables ont été infirmées, 2 autres ont été confirmées et une
décision a été déclarée irrecevable. Il a également été enregistré un recours en cassation
contre une décision rendue en faveur de l’État685. À la Guadeloupe, 583 demandes de
vérification de titres ont été enregistrées au 13 janvier 2001. La Commission a prononcé 563
décisions, dont 257 décisions de validation de titres, 274 décisions de rejets. 27 dossiers ont
été déclarés irrecevables. Ces décisions ont fait l’objet de 30 appels, dont un appel provenant
du préfet. En mars 2004, un seul jugement était intervenu 686. En Guyane, 4 demandes
seulement ont été enregistrées, mais non validées, concernant des terrains situés sur la
Commune de Rémire-Montjoly687.
La Commission de vérification des titres n’existait qu’à la Martinique, à la Guadeloupe
et en Guyane. Elle n’a pas été instituée à La Réunion en raison des nombreux titres déjà
délivrés compte tenu de la délimitation antérieurement intervenue. De plus, le jeu de la
prescription acquisitive fût admis à La Réunion. À Mayotte, bien qu’il existe une zone des

682
CE, 14 septembre 2015, n° 391245, op. cit.
683
Idem.
684
ROSIER (Guy), L’enracinement créole, op. cit., pp 89 et s.
685
ROSIER (Guy), L’enracinement créole […], op. cit., p. 89.
686
Chiffres tirés de l’ouvrage de l’ouvrage de ROSIER (Guy), op. cit., p. 90.
687
Idem.

194
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

cinquante pas géométriques, il n’y a pas eu d’instauration de Commission de vérification


des titres, cette collectivité territoriale française étant nouvelle.
Des enseignements ont pu être tirés des travaux de la seconde Commission de
vérification des titres, dont les plus importants sont : l’intérêt du partage d’informations entre
les services administratifs et les juridictions chargés de la régularisation foncière, l’intérêt
de la délimitation préalable, et la nécessité de mettre en place des partenariats entre les
différentes entités (État, services, établissements publics, collectivités locales).
Mais, en raison du bilan susmentionné, et des zones d’ombre de son intervention, la
Commission de vérification des titres a été très controversée, par les particuliers évincés,
mais aussi par une partie de la doctrine et par certaines personnalités politiques688.
L’inconstitutionnalité de l’article L5112-3 du CG3P soumettant les droits des tiers
dans la zone des cinquante pas géométriques à l’examen de la Commission départementale
de vérification des titres, a été soulevée, sans succès, ainsi qu’il a été exposé en amont689.
Dans sa décision du 4 février 2011, « M. Jean-Louis de L », exposée en amont, le
Conseil Constitutionnel s’est prononcé sur la constitutionnalité de la portée effective de
l’interprétation constante conférée à l’article L5112-3 du CG3P par la jurisprudence690. Pour
fonder sa décision, il va se référer à des textes remontant au XVIIe691.

688
ROSIER (Guy), L’enracinement créole […], op. cit., p. 7.
689
Il résulte notamment de l’article L5112-3 du CG3P ce qui suit : « Les droits des tiers détenteurs de titres qui
n'ont pas été examinés par la commission prévue par les dispositions de l’article 10 du décret n° 55-885 du 30
juin 1955 sont appréciés dans les conditions particulières suivantes. La commission départementale de
vérification des titres, créée dans chacun des départements de la Guadeloupe et de la Martinique par le I de
l’article 1erde la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996, apprécie la validité de tous les titres antérieurs à l'entrée
en vigueur de ce décret, établissant les droits de propriété, réels ou de jouissance sur les terrains précédemment
situés sur le domaine de la zone des cinquante pas géométriques dont la détention par la personne privée
requérante n'était contrariée par aucun fait de possession d'un tiers à la date du 1er janvier 1995. Sous peine de
forclusion, seuls les titres présentés dans un délai de deux ans à compter de la constitution de la commission
départementale de vérification des titres sont examinés. »
690
CC, n° 2010-96, QPC, du 04 février 2011, M. Jean-Louis de L En ligne : http://www.conseil-
constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-
1959/2011/2010-96-qpc/decision-n-2010-96-qpc-du-4-fevrier-2011.52790.html. En l’espèce, la Cour de
Cassation, par décision n° 1522 du 30 novembre 2010, avait saisi le Conseil constitutionnel d’une question
prioritaire de constitutionnalité (QPC), à la requête de M. Jean-Louis de L, dans les conditions de l’article 61-
1 de la Constitution. Cette QPC était relative à la conformité de l’article L5112-3 du CG3P aux droits et libertés
que la Constitution garantit.
691
Sa décision sera rendue au vu de l’édit de Saint-Germain-en-Laye de décembre 1674, du décret des 22
novembre 1827 et 1er décembre 1790 relatif aux domaines nationaux, aux échanges et concessions et aux
apanages, de l’ordonnance du 09 février 1827 concernant le gouvernement de la Martinique, de la Guadeloupe
et de ses dépendances, notamment le paragraphe 5 de l’article 34 dudit texte, du décret du 21 mars 1882
supprimant l’inaliénabilité des 50 pas géométriques à la Guadeloupe, rendu applicable à la Martinique par le
décret du 04 juin 1887, du décret du 23 avril 1946 modifiant la législation domaniale à la Martinique, en ce
qui concerne la réserve dite des 50 pas géométriques, du décret n°55-885 du 30 juin 1955, de l’ordonnance n°
58-1067 du 07 novembre 1958 modifiée, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, des arrêts de la

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a pris soin de rappeler le caractère


inviolable et sacré du droit de propriété, tel qu’il est affirmé par l’article 17 de la Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen. Pour lui, un individu ne peut être privé de ce droit que
« lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la
condition d’une juste et préalable indemnité ». Le Conseil constitutionnel a visé
préalablement l’article 2 de ladite Déclaration, consacrant le droit de propriété au nombre
des droits de l’homme. Puis, dans son sixième « considérant », il s’est appuyé sur l’histoire,
au travers des textes anciens sus mentionnés692, pour écarter le grief formulé par le requérant.
Il a observé qu’il ressort de l’édit de Saint-Germain-en-Laye de décembre 1674, du décret
des 22 novembre 1827 et 1er décembre 1790, de l’ordonnance du 09 février 1827, des décrets
des 21 mars 1882 et du décret du 04 juin 1887, que « les terrains situés dans la zone des
cinquante pas géométriques en Guadeloupe et en Martinique n’ont pu être aliénés que par
l’État », à l’exception de « ventes particulières » réalisées antérieurement à l’édit de 1674
susmentionné et validées par cet édit. Le Conseil en a déduit qu’aucun droit de propriété
n’a pu être valablement constitué au profit d’un tiers, « sous réserve des droits résultant
d’une telle cession ou validation par l’État »693. Il en a conclu que, doit être écarté le grief
fondé sur le fait que la disposition contestée serait contraire au droit de propriété garanti par
les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 ; laquelle disposition
contestée énonçait que « les seuls titres opposables à l’État antérieurs à l’entrée en vigueur
du décret du 30 juin 1955 sont ceux délivrés ou validés par lui ». Pour le Conseil les « griefs
tirés de la violation de la garantie des droits proclamés par son article 16 » et ceux tirés de
la violation du principe d’égalité devant la loi, doivent également être écartés 694. Dans son

Cour de cassation n° 60-11713 et n° 62-12731 du 02 février 1965, de la « loi littoral » n° 86-2 du 03 janvier
1986, de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996, du code général de la propriété des personnes publiques, du
règlement du 04 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions
prioritaires de constitutionnalité, et des observations des avocats du requérant et du Premier ministre. Dans
cette affaire, le requérant avait mis en cause l’interprétation faite par la jurisprudence de la Cour de cassation,
aux termes de laquelle « la commission départementale de vérification des titres ne peut valider que les titres
de propriété délivrés à l’origine par l’État ». Le requérant soutenait que cette interprétation était contraire au
droit de propriété, au principe d’égalité et à la sécurité juridique. En effet, il résulte d’arrêts de la 1 ère chambre
civile de la Cour de cassation, du 02 février 1965, pourvoi n° 60-11713 (Bull. Civ. N° 95), visés dans la décision
du Conseil constitutionnel, que « la validité d’un titre de propriété portant sur la zone des cinquante pas
géométriques est subordonnée à la condition que ce titre ait été délivré par l’État, qui seul a pu procéder à la
cession à un tiers d’un terrain en faisant partie ».
692
Édit de Saint-Germain-en-Laye de décembre 1674, décret des 22 novembre 1827 et 1er décembre 1790,
ordonnance du 09 février 1827, décret du 21 mars 1882, décret du 04 juin 1887, du décret du 23 avril 1946, et
décret n°55-885 du 30 juin 1955.
693
CC, n° 2010-96, QPC, du 04 février 2011. En ligne : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-
constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2011/2010-96-qpc/decision-n-
2010-96-qpc-du-4-fevrier-2011.52790.html.
694
Idem.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

septième « considérant », il déclare que l’article L5112-3 du CG3P, relatif à la commission


de vérification des titres, « n’est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution
garantit ». Ce faisant, il va au-delà de la question posée en se prononçant sur la conformité
de l’article L5112-3 du CG3P avec tout « autre droit ou liberté que la Constitution garantit ».
Démonstration faite, le Conseil établit que l’article L5112-3 du code général de la propriété
des personnes publiques est conforme à la Constitution695.
De nombreuses décisions du Tribunal administratif de Fort-de-France, attestent que
l’État, en la personne du Préfet de la Région Martinique, n’hésite pas à présenter des recours
devant le Tribunal administratif, pour occupation illégale de la zone des cinquante pas
géométriques, constitutive de contravention de grande voirie.
Les décisions qui suivent montrent que l’occupation sans titre perdure dans la zone
des cinquante pas géométrique et qu’elle n’est pas seulement le fait de personnes physiques
modestes, mais aussi celui de collectivités territoriales, de personnes morales de droit privé,
et de personnes physiques de condition sociale aisée. La plupart des décisions relatées ci-
après aboutissent à la condamnation de l’occupant sans titre à la démolition de l’ouvrage
construit sur partie de la zone des cinquante pas géométriques, au motif que les occupations
en cause sont illégales et constitutives d’une contravention de grande voirie. Toutefois,
certaines décisions aboutissent à un rejet de la requête introduite par le Préfet.
Ainsi, dans une décision inédite du 13 mars 2008696, le Tribunal administratif de Fort-
de-France a considéré qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de remise
en état du domaine public maritime, présentées par le Préfet de la Martinique, celles-ci étant
devenues sans objet, en raison du fait que la Commune du Lorrain, intimée, avait procédé à
la remise en état des lieux, postérieurement à l’introduction de la requête. Cette dernière a
quand même été condamnée à verser une somme de 100 euros à l’État, en application de
l’article L761-1 du Code de Justice administrative697.

695
CC, n° 2010-96, QPC, du 04 février 2011, op. cit.
696
TA Fort-de-France, 13 mars 2008, « Préfet de la Martinique c/ Commune du Lorrain », décision inédite,
Rapporteur M. CLEMENTE, Commissaire du Gouvernement M. HAUSTANT.
697
L’article L761-1 du Code de Justice administrative prévoit que « Dans toutes les instances, le juge condamne
la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au
titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation
économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations,
dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation ».
En l’espèce, la Commune du Lorrain avait déversé des matériaux de remblai sur la parcelle cadastrée section
D n°17, comprise dans la zone des cinquante pas géométriques et en amont de ladite parcelle. L’État avait donc
introduit une requête devant le Tribunal administratif de Fort-de-France tendant à démontrer que cette
occupation illégale constituait une contravention de grande voirie, telle que prévue par l’ordonnance sur la

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Par ailleurs, dans une décision inédite du 18 avril 2008698, le Tribunal administratif de
Fort-de-France a condamné Madame A. à procéder, sous le contrôle de l’administration, à
la démolition d’une maison d’habitation d’une superficie de 100 m² environ qu’elle a édifiée
sur le domaine public maritime de la Commune de Trinité, lieudit « Cité du Bac », ainsi qu’à
la remise en état des lieux, dans un délai de trois mois à compter de la notification du
jugement. Précision étant apportée dans ladite décision que, passé ce délai, l’État, en
l’occurrence la Direction Départementale de l’équipement de la Martinique, était autorisé à
procéder d’office, aux frais de la défenderesse, aux travaux de remise en état des lieux699.
De même, dans une décision inédite du 18 avril 2008700, le Tribunal administratif de
Fort-de-France a condamné Monsieur P. à procéder, sous le contrôle de l’administration, à
la démolition d’une maison d’habitation d’une superficie de 60 m² environ qu’il a édifiée
sur le domaine public maritime de la Commune de Trinité, lieudit « Pointe Marcussy », ainsi
qu’à la remise en état des lieux, dans un délai de trois mois à compter de la notification du
jugement. Précision étant apportée dans ladite décision que, passé ce délai, l’État, en
l’occurrence la Direction Départementale de l’équipement de la Martinique, était autorisé à
procéder d’office, aux frais du défendeur, aux travaux de remise en état des lieux701.
La Commune de Sainte-Marie en Martinique n’est pas en reste En effet, dans une
décision inédite du 18 avril 2008702, le Tribunal administratif de Fort-de-France a condamné
Monsieur FRANCOIS-ENDELMONT à procéder, sous le contrôle de l’administration, à la
démolition d’une maison d’habitation d’une superficie de 80 m² environ qu’il a édifiée sur

marine d’août 1681, la loi du 29 floréal de l’an 10, la loi n°86-2 du 3 janvier 1986, et son décret d’application
n° 89-734 du 13 octobre 1989, ainsi que les dispositions des articles L86 à L 89-9 et L 28 du Code du domaine
de l’État.
698
TA Fort-de-France, 18 avril 2008, « Préfet de la Région Martinique c/ Madame ALBICY », décision inédite,
Rapporteur M. CLEMENTE, Commissaire du Gouvernement M. HAUSTANT.
699
En l’occurrence, la défenderesse avait entrepris, sans autorisation, la construction d’une maison d’habitation
sur partie d’une parcelle de terrain sise à Trinité, comprise dans la zone des cinquante pas géométriques. Cette
occupation étant illégale, était constitutive d’une contravention de grande voirie, telle que prévue par
l’ordonnance sur la marine d’août 1681, la loi du 29 floréal de l’an 10, la loi n°86-2 du 3 janvier 1986, et son
décret d’application n° 89-734 du 13 octobre 1989, ainsi que les dispositions des articles L86 à L89-9 et L 28
du code du domaine de l’État. Une mise en demeure avait été adressée à l’intéressée en application de l’article
R612-3 du code de justice administrative.
700
TA Fort-de-France, 18 avril 2008, « Préfet de la Martinique c/ M. PRIAN », décision inédite, Rapporteur
M. CLEMENTE, Commissaire du Gouvernement M. HAUSTANT.
701
En l’espèce, ce dernier avait entrepris, sans autorisation, la construction d’une maison d’habitation sur partie
d’une parcelle de terrain sise à Trinité, comprise dans la zone des cinquante pas géométriques. Cette occupation
étant illégale, était constitutive d’une contravention de grande voirie, telle que prévue par l’ordonnance sur la
marine d’août 1681, la loi du 29 floréal de l’an 10, la loi n°86-2 du 3 janvier 1986, et son décret d’application
n° 89-734 du 13 octobre 1989, ainsi que les dispositions des articles L86 à L 89-9 et L 28 du code du domaine
de l’État. Une mise en demeure avait été adressée à l’intéressée en application de l’article R612-3 du code de
justice administrative.
702
TA Fort-de-France, 18 avril 2008, « Préfet de la Martinique c/ M. FRANCOIS-ENDELMONT », décision
inédite, Rapporteur M. CLEMENTE, Commissaire du Gouvernement M. HAUSTANT.

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le domaine public maritime de la Commune de Sainte-Marie, lieudit « Anse Dufour », ainsi


qu’à la remise en état des lieux, dans un délai de trois mois à compter de la notification du
jugement. Précision étant apportée dans ladite décision que, passé ce délai, l’État, en
l’occurrence la Direction Départementale de l’équipement de la Martinique, était autorisé à
procéder d’office, aux frais du défendeur, aux travaux de remise en état des lieux703.
S’agissant de la commune du François en Martinique, les occupations illégales sont
également courantes. Ainsi, dans une décision inédite du 23 octobre 2008704, le Tribunal
administratif de Fort-de-France a condamné Monsieur CORRY à démolir les constructions
réalisées sur le domaine public maritime de la commune du François, lieudit « Pointe
Couchée », ainsi qu’à la remise en état des lieux, dans un délai de deux mois à compter de
la notification du jugement. Précision étant apportée dans ladite décision qu’en cas de
carence de sa part l’administration était autorisée à procéder d’office, aux frais du défendeur,
à la démolition des constructions litigieuses705.
La Commune de Saint-Joseph en Martinique, bien qu’étant majoritairement située à
l’intérieur des terres, connaît aussi des phénomènes d’occupation sans titre. En effet, dans
une décision inédite du 23 octobre 2008706, le Tribunal administratif de Fort-de-France a
condamné Monsieur VERGNAC à démolir les constructions réalisées sur le domaine public
maritime dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Précision
étant apportée dans ladite décision qu’en cas de carence de sa part, l’administration était
autorisée à procéder d’office, aux frais du défendeur, à la démolition des constructions

703
En l’espèce, ce dernier avait entrepris, sans autorisation, la construction d’une maison d’habitation sur partie
d’une parcelle de terrain sise à Sainte-Marie, comprise dans la zone des cinquante pas géométriques. Cette
occupation étant illégale, était constitutive d’une contravention de grande voirie, telle que prévue par
l’ordonnance sur la marine d’août 1681, la loi du 29 floréal de l’an 10, la loi n°86-2 du 3 janvier 1986, et son
décret d’application n° 89-734 du 13 octobre 1989, ainsi que les dispositions des articles L86 à L 89-9 et L 28
du Code du domaine de l’État. Une mise en demeure avait été adressée à l’intéressée en application de l’article
R612-3 du Code de justice administrative.
704
TA Fort-de-France, 23 octobre 2008, « Préfet de la Région Martinique c/ CORRY », décision inédite,
Rapporteur M. J. C. DEMAR, Commissaire du Gouvernement M. HAUSTANT.
705
En l’occurrence, Monsieur CORRY occupait illégalement une partie d’une parcelle dépendant du domaine
public maritime de la zone des cinquante pas géométriques, lieudit « Pointe couchée », sur laquelle il avait fait
édifier une construction à usage d’habitation d’une superficie de 60 mètres carrés environ. Ladite parcelle était
classée en zone 2ND de la zone des cinquante pas géométriques. Ces faits ont été établis par procès-verbal
dûment notifié à l’intéressé. Cette occupation étant illégale, était constitutive d’une contravention de grande
voirie, telle que prévue aux articles L86 à L 89-9 et L 28 du Code du domaine de l’État.
Dans cette décision, le Tribunal administratif rappelle la teneur de l’article L28 du Code du domaine de l’État,
aux termes duquel « Nul ne peut sans autorisation, délivrée par l’autorité compétente, occuper une dépendance
du domaine public naturel ou l’utiliser dans les limites excédent le droit d’usage qui appartient à tous ». Il
rappelle aussi la teneur de l’article 87 du même code qui stipule que « la zone comprise entre la limite du
rivage de la mer et la limite supérieure de la zone dite des 50 pas géométriques définie à l’article L86 du
présent code fait partie du domaine public maritime ».
706
TA Fort-de-France, 23 octobre 2008, « Préfet de la Région Martinique c/ VERGNAC », décision inédite,
Rapporteur M. J. C. DEMAR, Commissaire du Gouvernement M. HAUSTANT.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

litigieuses. En l’occurrence, Monsieur VERGNAC occupait illégalement une partie d’une


parcelle, lieudit « Mansarde Rancé », d’une superficie de 600 mètres carrés environ. Sur
partie de ce terrain, « clôturé et fermé par des chaînes » avaient été édifiés deux cabanons en
brique et en bois, reliés par une terrasse, ladite construction d’une surface totale de 90 mètres
carrés. La superficie totale occupée était d’environ 1200 mètres carrés situés en grande partie
sur la zone des 50 pas géométriques. Le plan d’occupation des sols de ladite Commune
classait la majeure partie de ladite parcelle en zone UM, et une partie en zone 3 NC
(agricole). Le plan local d’urbanisme alors en cours d’élaboration, prévoyait de placer cette
parcelle en zone U6 où les constructions nouvelles sont interdites. En l’espèce, la parcelle
était située en zone ND, zone dans laquelle les constructions à usage d’habitation sont
interdites, et au surplus, la parcelle en cause était en partie classée par arrêté du 16 janvier
1998. De sorte que, nonobstant l’ancienneté de l’occupation, et le fait que l’intéressé soit à
jour de ses obligations fiscales, ou que d’autres occupants aient fait l’objet de traitements
différents, l’irrégularité de l’occupation et la régularité de la contravention de grande voirie,
se sont trouvés avérés et ont été relevés à l’encontre du contrevenant.
Même sur la Commune du Gros-Morne en Martinique, majoritairement située à
l’intérieur des terres, des phénomènes d’occupation sans titre sont constatés au lieudit
« Mansarde Rancée Nord ». En effet, dans une décision inédite du 23 octobre 2008707, le
Tribunal administratif de Fort-de-France a condamné Monsieur JEANNE-ROSE à démolir
les constructions réalisées sur le domaine public maritime dans un délai de deux mois à
compter de la notification du jugement. Précision étant apportée dans ladite décision qu’en
cas de carence de sa part l’administration était autorisée à procéder d’office, aux frais du
défendeur, à la démolition des constructions litigieuses. En l’occurrence, l’occupant
occupait illégalement une partie d’une parcelle de terrain sise au lieudit « Mansarde
Rancé Nord », et qu’il était en cours de construction d’une maison sur une superficie
développée de 40 mètres carrés environ, comme en attestaient les matériaux de construction
(briques et tonneaux) stockés. Ladite parcelle étant en grande partie située sur la zone des
50 pas géométriques et faisait alors l’objet d’un aménagement impliquant l’interdiction de
constructions nouvelles ou de réhabilitations susceptibles d’en compromettre
l’aboutissement.
Au François encore, toujours en Martinique, dans une décision inédite du 23 octobre

707
TA Fort-de-France, 23 octobre 2008, « Préfet de la Région Martinique c/ JEANNE-ROSE » », décision
inédite, Rapporteur M. J. C. DEMAR, Commissaire du Gouvernement M. HAUSTANT.

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2008708, le Tribunal administratif de Fort-de-France a condamné Monsieur CARAMAN à


démolir les constructions réalisées sur le domaine public maritime dans un délai de deux
mois à compter de la notification du jugement. Précision étant apportée dans ladite décision
qu’en cas de carence de sa part l’administration était autorisée à procéder d’office, aux frais
du défendeur, à la démolition des constructions litigieuses. En l’occurrence, Monsieur
CARAMAN occupait illégalement une partie d’une parcelle de terrain sise au lieudit
« Mansarde Rancé Nord ». Il y avait construit un mur de soutènement afin de protéger la
maison de sa famille et la sienne. La parcelle en cause était située en zone UM pour sa grande
majorité, et en zone 3 NC pour le solde. Ce quartier était l’objet d’un aménagement par
l’Agence des 50 pas géométriques, ce qui impliquait l’interdiction de toute construction
nouvelle ou réhabilitation susceptible de compromettre ce projet d’aménagement.
À Rivière Salée, toujours en Martinique, dans une décision inédite du 23 octobre
2008709, le Tribunal administratif de Fort-de-France a condamné Monsieur ZOZIME à
démolir les constructions réalisées sur le domaine public maritime dans un délai de deux
mois à compter de la notification du jugement. Précision étant apportée dans ladite décision
qu’en cas de carence de sa part l’administration était autorisée à procéder d’office, aux frais
du défendeur, à la démolition des constructions litigieuses. En l’occurrence, Monsieur
ZOZIME occupait illégalement une partie d’une parcelle de terrain sise au lieudit « Port
Cohé ». Il y avait réalisé des travaux pour le stationnement de son bateau, et bénéficiait d’une
parcelle d’une superficie totale occupée de 1000 mètres carrés environ, supportant un abri à
bateau d’environ 100 mètres carrés. Un portail métallique de quatre mètres fermait à clef le
terrain clos. En l’espèce, l’occupation s’était réalisée avec l’autorisation de Monsieur
GALLET, gérant de la SARL Marina Port Cohé. Tous ces faits sont demeurés sans influence
sur l’illégalité de l’occupation constituant une contravention de grande voirie.
Dans la Commune du Robert, toujours en Martinique, dans une décision inédite du 23
octobre 2008710, le Tribunal administratif de Fort-de-France a condamné Monsieur
FAGOUR à démolir les constructions réalisées sur le domaine public maritime dans un délai
de deux mois à compter de la notification du jugement. Précision étant apportée dans ladite
décision qu’en cas de carence de sa part l’administration était autorisée à procéder d’office,

708
TA Fort-de-France, 23 octobre 2008, « Préfet de la Région Martinique c/ CARAMAN », décision inédite,
Rapporteur M. J. C. DEMAR, Commissaire du Gouvernement M. HAUSTANT.
709
TA Fort-de-France, 23 octobre 2008, « Préfet de la Région Martinique c/ ZOZIME », décision inédite,
Rapporteur M. J. C. DEMAR, Commissaire du Gouvernement M. HAUSTANT.
710
TA Fort-de-France, 23 octobre 2008, « Préfet de la Région Martinique c/ FAGOUR », décision inédite,
Rapporteur M. J. C. DEMAR, Commissaire du Gouvernement M. HAUSTANT.

201
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

aux frais du défendeur, à la démolition des constructions litigieuses. En


l’occurrence, Monsieur FAGOUR occupait illégalement une partie d’une parcelle de terrain
sise au lieudit « Port Cohé ». Il y avait réalisé des travaux de terrassement pour la réalisation
de trois bassins dans la mangrove, en vue du stationnement de plusieurs bateaux. Des
matériaux divers avaient été entreposés sur la parcelle en cause, d’une superficie de 2500
mètres carrés environ.
Au Diamant, en Martinique, dans une décision inédite du 23 octobre 2008711, le
Tribunal administratif de Fort-de-France a condamné Monsieur AUDEL à démolir la
construction réalisée sur le domaine public maritime dans un délai de deux mois à compter
de la notification du jugement. Précision étant apportée dans ladite décision qu’en cas de
carence de sa part l’administration était autorisée à procéder d’office, aux frais du défendeur,
à la démolition des constructions litigieuses. En l’occurrence, Monsieur AUDEL occupait
illégalement et de façon permanente, une partie du domaine public maritime naturel, située
du côté du Canal de la Taupinière. Il y avait construit deux cabanons. La superficie occupée,
de 20 mètres de large environ sur le domaine public, empêchait le passage au rivage,
constituant ainsi une contravention de grande voirie.
Au Robert, en Martinique, dans une décision inédite du 18 décembre 2008712, le
Tribunal administratif de Fort-de-France a condamné Monsieur ASSIER DE POMPIGNAN
à la démolition du kiosque et de la piscine qu’il avait édifiés sur partie d’une parcelle sise à
Pointe La Rose, au Robert, dépendant du domaine public maritime, dans un délai de six mois
à compter de la notification du jugement. Précision étant apportée dans ladite décision qu’en
cas de carence de sa part, l’administration était autorisée à procéder d’office, aux frais du
défendeur, à la démolition des constructions litigieuses. 713

711
TA Fort-de-France, 23 octobre 2008, « Préfet de la Région Martinique c/ AUDEL», décision inédite,
Commissaire du Gouvernement M. HAUSTANT .
712
TA Fort-de-France, 18 décembre 2008, « Préfet de la Région Martinique c/ ASSIER DE POMPIGNAN »,
décision inédite, Rapporteur M. CLEMENTE, Commissaire du Gouvernement M. HAUSTANT.
713
En l’occurrence, M. ASSIER DE POMPIGNAN a été condamnée pour occupation illégale du domaine
public maritime constitutive d’une contravention de grande voirie. Le Tribunal administratif a considéré le
bien-fondé de la demande de l’État, et rejeté les prétentions de M. ASSIER DE POMPIGNAN. À cet effet, le
Tribunal reprend en détail la teneur des textes fondant sa décision. Il rappelle qu’aux termes de l’article L 86
du code du domaine de l’État : « La réserve domaniale dite des cinquante pas géométriques est constituée par
une bande de terrain … présentant dans les Départements de Guadeloupe, de la Guyane française et de la
Martinique, une largeur de 81,20 mètres, décomptée à partir de la limite du rivage de la mer, tel qu’il a été
délimité en application de la législation et de la réglementation relatives à la délimitation du rivage de la
mer ». Cette décision rappelle aussi les dispositions de l’article L 87 du Code du domaine de l’État, duquel il
résulte que : « La zone comprise entre la limite du rivage de la mer et la limite supérieure de la zone des
cinquante pas géométriques … fait partie du domaine public maritime… ». Le tribunal rappelle également

202
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

À Sainte-Luce, en Martinique, par décision inédite du 18 décembre 2008714, le


Tribunal administratif de Fort-de-France a condamné Madame DANGLADE à démolir la
construction réalisée sur le domaine public maritime, au quartier Beder, dans un délai de
trois mois à compter de la notification du jugement. Précision étant apportée qu’en cas de
carence de sa part, l’administration était autorisée à y procéder d’office, aux frais du
défendeur En l’occurrence, Madame DANGLADE avait procédé à l’édification d’une
construction à usage d’habitation sur une partie du domaine public maritime naturel, et le
Tribunal avait considéré que ce fait était constitutif d’une contravention de grande voirie.
À Rivière-Pilote, en Martinique, par décision inédite du 18 décembre 2008715, le
Tribunal administratif de Fort-de-France a condamné Monsieur SALOMON à démolir la
construction édifiée sur partie du domaine public maritime, au quartier Beder, dans un délai
de six mois à compter de la notification du jugement. Précision étant apportée dans ladite
décision qu’en cas de carence de sa part l’administration était autorisée à y procéder d’office,
aux frais du défendeur En l’occurrence, Monsieur SALOMON avait procédé à l’édification
d’une maison à usage d’habitation sur une partie du domaine public maritime naturel, et le
Tribunal avait considéré que ce fait était constitutif d’une contravention de grande voirie.
À Fort-de-France, en Martinique, à Pointe des Grives, par décision de rejet, inédite, du
6 mai 2009716, le Tribunal administratif de Fort-de-France a débouté le Préfet de la Région

qu’aux termes de l’article 1erdu titre VII du livre IV de l’ordonnance d’août 1681, dont les dispositions ont été
rendues applicables à la Martinique par le décret du 30 juin 1955, « Sera réputé bord et rivage de la mer tout
ce qu’elle couvre et découvre pendant les nouvelles et pleines lunes, et jusqu’où le grand flot de mars se peut
étendre sur les grèves ». Il précise que l’article de ce titre VII fait défense aux personnes de bâtir sur les rivages
de la mer, d’y planter aucun pieu, ni faire aucun ouvrage « qui puissent porter préjudice à la navigation, à
peine de démolition des ouvrages, de confiscation des matériaux et d’amende arbitraire ». Le contenu de
l’article 28 du Code du domaine de l’État est également précisé, et stipule que : « Nul ne peut, sans autorisation
délivrée par l’autorité compétente, occuper une dépendance du domaine public national ou l’utiliser dans des
limites excédant le droit d’usage qui appartient à tous ».
Le Tribunal administratif de Fort-de-France conclut, en l’absence de contestation de l’appartenance de la
parcelle occupée par Monsieur ASSIER DE POMPIGNAN à la zone des cinquante pas géométriques, et en
présence de l’édification par ce dernier d’une piscine et d’un kiosque sur ladite zone, que ces faits constituent
une contravention de grande voirie. De plus, le Tribunal relève que Monsieur ASSIER DE POMPIGNAN ne
justifie d’aucun titre de propriété validé par la Commission de vérification des titres prévues par le décret n°55-
885 du 30 juin 1955, et que le fait que l’administration n’ait pas instruit sa demande fondée sur les dispositions
de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 tendant à la régularisation de son occupation, alors même que la parcelle en
cause n’était pas classée en zone naturelle, n’est pas de nature à empêcher les poursuites.
Il convient d’observer qu’il est relevé que Monsieur ASSIER DE POMPIGNAN occupait paisiblement les
lieux depuis au moins l’année 1972, mais que cette donnée de fait n’a pu faire naître aucun droit de propriété
à son profit, le domaine public maritime étant imprescriptible.
714
TA Fort-de-France, 18 décembre 2008, « Préfet de la Région Martinique c/ DANGLADE », décision inédite,
Rapporteur M. CLEMENTE, Commissaire du Gouvernement M. HAUSTANT.
715
Idem.
716
TA Fort-de-France, 6 mai 2009, « Préfet de la Région Martinique c/ CONFEDERATION GENERALE DES
TRAVAILLEURS MARTINIQUAIS », décision inédite, Rapporteur M. CLEMENTE, Commissaire du
Gouvernement M. HAUSTANT.

203
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Martinique de sa requête tendant à constater l’existence d’une contravention de grande voirie


à l’encontre d’ouvriers agricoles affiliés à la Confédération Générale des travailleurs
martiniquais. Cette décision vise désormais comme fondements textuels, outre les textes déjà
sus mentionnés, également l’article L 2132-27 du CG3P. 717
Une décision de rejet, rendue par le Tribunal administratif de Fort-de-France, à la
même date, aboutit aux mêmes constats et au rejet de la requête formée par le Préfet de la
Région Martinique. Elle concerne des agents de sûreté affiliés à la Centrale syndicale Force
Ouvrière, et l’action a lieu également sur le site de la Pointe des Grives, à Fort-de-France718.
Concernant la commune de Saint-Martin, en Guadeloupe, il est possible de citer cet
arrêt de la Cour d’appel de Fort-de-France en date du 18 janvier 2013719, rendu sur renvoi de
la Cour de Cassation720. La Cour d’appel, après avoir effectué un rappel historique, va
confirmer la décision déférée du 08 septembre 2003 en ce qu’elle a déclaré la demande du
requérant irrecevable. Pour rendre sa décision, la cour relève que la première Commission
de vérification des titres s’était déjà prononcée sur la validité du titre du requérant par
décision du 03 juin 1957, et l’avait déclaré irrecevable comme étant un titre sous seing privé
n’ayant pas été consenti par l’Etat, et que, par ailleurs, ladite décision n’avait pas fait l’objet

717
Il était reproché aux dits ouvriers d’avoir occupé sans autorisation l’enceinte portuaire, et d’avoir entravé
par leur présence, l’accès au terminal de la Pointe des Grives. À cette occasion, le Tribunal administratif
rappelle le contenu de certains articles du Code des ports maritimes, notamment celui de l’article L 331-1 dudit
code, duquel il résulte que : « Sans préjudice des sanctions pénales encourues, toute atteinte à la conservation
du domaine public des ports maritimes constitue une contravention de grande voirie réprimée dans les
conditions prévues au présent chapitre. Il en est de même des manquements aux dispositions du présent titre
et aux règlements d’application pris pour assurer la bonne utilisation du domaine public, tels que les
occupations sans titre ». Le Tribunal rappelle également d’autres dispositions du même Code, notamment
celles déterminant les sanctions prévues. Toutefois, dans un dernier « considérant lapidaire », le Tribunal
administratif de Fort-de-France relève que le procès-verbal de contravention de grande voirie dressé par le
Préfet à l’occasion de l’affaire concernée ne comporte aucune indication sur l’identité des ouvriers agricoles
présents sur place, et que cette carence ne saurait être couverte par l’indication de l’organisation syndicale
« Confédération générale des travailleurs martiniquais », concluant ainsi au rejet de la demande.
718
TA Fort-de-France, 6 mai 2009, « Préfet de la Région Martinique c/ CENTRALE SYNDICALE FORCE
OUVRIERE », décision inédite, Rapporteur M. CLEMENTE, Commissaire du Gouvernement M.
HAUSTANT.
719
CA Fort-de-France, Ch. Civ., 18 janvier 2013, req. n° 09/00067, « X c/ le Service des Domaines de l’Etat ».,
concernant la propriété de l’îlet Tintamarre, de la collectivité d’outre-mer de Saint-Martin.
En ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000027313573.
720
Dans cette affaire, Madame X se prévalant de droits de propriété sur l’îlet Tintamarre dépendant de la zone
des cinquante pas géométriques de la collectivité territoriale d’outre-mer de Saint-Martin, avait saisi la
Commission de vérification des titres qui, par décision du 08 septembre 2003, avait rejeté sa demande de
validation, la déclarant irrecevable, au motif qu’une décision de rejet avait déjà été rendue par la Commission
de 1955, par décision du 03 juin 1957. Le requérant arguait du fait que l’îlet Tintamarre lui appartenait pour
l’avoir acquis par acte sous seing privé et d’un point de vue historique ne pouvait dépendre de la zone des
cinquante pas géométriques. La Cour d’appel de Basse-Terre, par arrêt du 20 novembre 2006, va déclarer
l’appel irrecevable à défaut d’intimé. La Cour de cassation, par décision du 17 avril 2008 a cassé cette décision
en toutes ses dispositions, et renvoyé devant la Cour d’appel de Fort-de-France. Le Service des Domaines de
l’Etat étant appelé comme partie intimée.

204
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

d’un recours dans le délai de recours légal721.


Les décisions rendues dans le cadre de l’occupation sans titre de la zone des cinquante
pas géométriques sont nombreuses, et la cadre de cette thèse ne suffirait pas à les analyser
toutes, car les occupations sans titre perdurent dans la zone et la question de la police de la
conservation du domaine public et de la gouvernance de ce domaine public occupé s’est très
vite trouvée posée.
Mais l’état des lieux de la régularisation foncière dans la zone des cinquante pas,
appelle aussi à se pencher sur l’action des Agences pour la mise en valeur des espaces
urbains et d’urbanisation future de la zone, deuxième organe-phare de ladite régularisation
foncière dans les collectivités de l’article 73 de la Constitution, dont le champ d’application
territorial a été limité à la Guadeloupe et à la Martinique.
Malgré les moyens mis à disposition de ces structures, de nombreuses régularisations
foncières sont en attente de finalisation et les occupations sans titre perdurent. Le travail de
cette structure demeure donc inachevé et la question de son efficacité a été posée. La « loi
ADOM », d’actualisation du droit des outre-mer, du 14 octobre 2015722, semble avoir
répondu à cette question en retirant aux agences la maîtrise foncière des opérations de
régularisation foncière, au profit de la Région de la Guadeloupe et de la Collectivité
territoriale de Martinique, concrétisant ainsi l’idée d’une chronique d’une disparition
programmée des agences des 50 pas géométriques (B).

B. LA DISPARITION PROGRAMMÉE DES AGENCES DES 50


PAS GÉOMÉTRIQUES

Compte tenu de l’important retard enregistré dans l’action des Agences pour la mise
en valeur des espaces urbains et d’urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas
géométriques723, et eu égard aux diverses prorogations successives de leur activité, il y a lieu
de s’interroger sur l’état des lieux de leurs réalisations.

721
CA Fort-de-France, Ch. Civ, 18 janvier 2013, req. n° 09/00067, « X c/ le Service des Domaines de l’Etat ».,
concernant la propriété de l’îlet Tintamarre, de la collectivité d’outre-mer de Saint-Martin.
En ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000027313573.
722
Loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer, publié au JORF n° 0239 du 15
octobre 2015, page 19069, texte n° 2.
723
Le projet opérationnel n’a été adopté qu’au cours de l’année 2003 pour la Martinique.

205
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

1) Des structures efficaces, disposant d’un savoir-faire et de moyens, mais


limitées dans le temps et dans l’espace

L’existence des Agences pour la mise en valeur des espaces urbains et d’urbanisation
diffuse a été enviée à La Réunion et à Mayotte, dans la mesure où il s’agit de structures
foncières dédiées à la régularisation foncière, d’interlocutrices foncières privilégiées,
habilitées par le législateur et sur mesure724. Il est indéniable que les agences sont des
structures qui disposent d’un savoir-faire en matière de régularisation foncière et constituent
le pilier de ces procédures.
Toutefois, l’article 27-III de la loi ADOM du 14 octobre 2015, programme leur
dissolution, et prévoit le transfert de leurs biens, droits et obligations, respectivement au
profit de la région de Guadeloupe et de la Collectivité territoriale de Martinique, après
concertation entre l’État et les collectivités bénéficiaires725. Les conditions de ce transfert
sont déterminées par décret en Conseil d’État. Un bilan de l’activité des activités des agences
doit être transmis aux exécutifs locaux de chacune des deux collectivités territoriales
bénéficiaires, en vue du transfert prévu au plus tard le 1er janvier 2021. « Un rapport
comportant un état des cessions et des enjeux d'aménagement qui y sont liés, une évaluation
des charges liées à ce transfert ainsi qu'un bilan de l'activité de chacune des deux agences
pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone des cinquante pas géométriques »726,
doit être remis par le représentant de l’État, au plus tard le 1er janvier 2020, au président du
conseil régional de la Guadeloupe et de la collectivité territoriale de Martinique, en vue du
transfert des secteurs urbains et occupés par une urbanisation diffuse de la zone des
cinquante pas géométriques aux deux collectivités bénéficiaires prévu à l’article 27-III.
D’abord perçues par les élus locaux comme des instruments au service de l’État, les
Agences des 50 pas géométriques jouent un rôle d’intermédiaires entre les collectivités
territoriales et les services de l’État. En outre, elles ont su communiquer avec les occupants
sans titre à travers les voies médiatiques et publiques de masse (télévision, affiches, ondes,
transports, etc.), en Guadeloupe comme en Martinique ; ce qui a permis une augmentation
importante de leur activité, après les modifications introduites dans la loi de 1996, par
l’article 32 de la loi du 12 juillet 2010. Tout cela ressort du rapport fait au Sénat le 19

724
MAUSSIRE (Philippe), Chef du Service France Domaine à Saint-Denis de La Réunion, lors d’une visite
effectuée au Service France Domaine de Saint-Denis de La Réunion, entretien du 22 septembre 2014.
725
La concertation des « Agences » n’est pas expressément prévue. En ce sens, Hervé EMONIDES, directeur
de l’Agence des 50 Pas de Martinique (entretien du 28 décembre 2018) et Myriam ROCH-BERGOPSOM,
directrice de l’Agence des 50 Pas de Guadeloupe (contribution écrite du 08 août 2019).
726
Article 27-V de la « loi ADOM » du 14 octobre 2015.

206
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

septembre 2013, qui fait état d’un nombre croissant de dossiers déposés annuellement,
s’élevant, pour la Guadeloupe à 590 dossiers en 2002, et 1532 en 2012, et pour la Martinique
à 534 en 2002 et 952 dossiers en 2012727. Par ailleurs, certaines études ont constaté un
chevauchement d’opérateurs, sans compter la complexité du droit domanial, du fait de
l’empilement de dispositifs dérogatoires728.
Si l’on en revient au rapport LETCHIMY présenté au Sénat le 19 septembre 2013, il
fait état d’un bilan mitigé mais d’un « travail remarquable » des agences des 50 pas
géométriques, ainsi que d’un volume de travaux d’aménagement s’élevant à 30 millions
d’euros pour la Martinique seulement729.
Un autre frein à l’efficience de l’activité des Agences des 50 pas géométriques a été
leur durée de vie limitée. Initialement fixée à dix ans, délai au terme duquel il était prévu
qu’un décret pris en Conseil d’État, après avis des conseils généraux de la Martinique et de
la Guadeloupe, déterminerait les conditions de dissolution et de liquidation des biens de
chacune d’elles, cette durée n’a cessé d’être prorogée, notamment à l’initiative de certains
politiques tels, le Sénateur Serge LARCHER et le député Serge LETCHIMY,730 eu égard au
rôle important des agences dans le processus de régularisation foncière.
Ainsi, dans les premiers temps, l’article 52 de la loi de programme pour l’Outre-mer,
n° 2003-660, du 21 juillet 2003, avait porté à quinze ans la durée de vie des Agences et
modifié en ce sens l’article 4 de la loi de 1996. Puis, l’article 32 de la loi n° 2010-788 du 12
juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite « Loi Grenelle II »,
avait modifié l’article 4 de la loi de 1996 pour une courte prorogation de la vie des agences
et prévu leur remplacement par des établissements publics fonciers. Le décret n° 2001-119
du 27 janvier 2011, pris pour l’application de l’article 4 de la loi de 1996, avait à son tour
prorogé la durée de vie des agences pour une durée ne pouvant excéder le 1er janvier 2014.
Cette durée a été prorogée par l’article 4 de la loi du 30 décembre 1996, modifié par l’article
1er de la loi n° 2013-922 du 17 octobre 2013, visant à prolonger la durée de vie des agences

727
LETCHIMY (Serge), Rapport enregistré à l’Assemblée nationale le 19 septembre 2013, fait au nom de la
Commission des Affaires économiques sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à prolonger la
durée de vie des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas
géométriques et à faciliter la reconstitution des titres de propriété en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique,
à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Martin (n°1048).
728
MOHAMED SOILIHI (Thani), rapporteur coordinateur, GUERRIAU (Joël), LARCHER (Serge), PATIENT
(Georges), rapporteurs, Domaines public et privé de l’État outre-mer, 30 propositions pour mettre fin à une
gestion jalouse et stérile », rapport d’information du Sénat n° 538, enregistré à la Présidence du Sénat le 18
juin 2015. Publié en ligne : http://www.senat.fr/rap/r14-538/r14-5381.pdf.
729
LETCHIMY (Serge), Rapport enregistré à l’Assemblée nationale le 19 septembre 2013, op cit.
730
Idem.

207
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

s et à faciliter la reconstitution des titres de propriété en Guadeloupe, en Guyane, en


Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Martin731, laquelle a prorogé la durée de vie
des Agences pour une durée ne pouvant excéder le 1er janvier 2016. Plus récemment, l’article
4 de la loi du 30 décembre 1996, modifié par l’article 27 de la loi n°2015-1258 du 14 octobre
2015 d’actualisation du droit des Outre-mer, sus visée, a prorogé jusqu’au 1er janvier 2021
la durée de vie des Agences des 50 Pas géométriques.
La loi ADOM prévoit également l’adoption d’un document stratégique
d’aménagement et de mise en valeur de la zone des cinquante pas géométriques, au plus tard
le 1er janvier 2018732. L’article 4 alinéa 1er, modifié, de la loi de 1996 prévoit désormais que
l’Agence est créée pour une durée qui ne peut excéder le 1er janvier 2021. L’article 4 modifié
de la loi de 1996 précise que les « Agences des 50 pas géométriques » sont des instruments
de coopération entre l’État et les communes, et qu’elles peuvent établir des conventions
spécifiques avec les collectivités territoriales733.
De plus, la loi de 1996 n’ayant pas abrogé celle de 1986, toute personne justifiant avoir
édifié une construction avant le 3 janvier 1986, a aussi droit à la régularisation foncière de
sa situation, même si la construction concernée est en ruine. Cette disposition serait de
nature, dans la pratique, à mettre une entrave aux plans d’aménagement proposés par
l’Agence des 50 pas géométriques de Martinique, car là où celle-ci pourrait réaliser des
espaces verts, des parkings ou un élargissement de la voirie, il existe des constructions en
ruine dont les propriétaires ont parfaitement le droit de demander la cession à leur profit, en
vertu de la loi « littoral » de 1986734. De même, le souhait d’une régularisation foncière par
la technique du « lotissement à l’envers », consistant à conserver les « poches » de terrains
disponibles pour mettre en place des réseaux et équipements publics (zones de
stationnement, squares, …), à partir de l’existant, a été envisagé735. Tout cela, afin d’apporter
une réponse, certes partielle, au manque d’équipement, aux enclavements existants, à
l’existence de réseaux enchevêtrés, passant parfois sous l’assiette des constructions, et aux

731
Cette loi du 17 octobre 2013 a été publiée au Journal Officiel du 18 octobre 2013. Cf. le site Légifrance.
732
Ce document stratégique n’a toujours pas été adopté, ainsi qu’en témoigne Myriam ROCH-BERGOPSOM
dans sa contribution écrite du 08 août 2019. Il en ressort qu’un projet a été remis par l’Agence des 50 pas
géométriques de Guadeloupe en octobre 2017 à la Région de Guadeloupe et à l’Etat. Parallèlement, il ressort
des propos de Hervé EMONIDES, directeur de l’Agence des 50 pas géométrique de Martinique, que celle-ci
a remis un projet à la CTM en janvier 2019.
733
ALEXANDRE (Rudy), ancien chargé d’opérations à l’Agence des 50 pas géométriques de la Martinique,
lors d’un entretien accordé le 14 mai 2007, faisait remarquer que l’objectif de l’État, avec l’instauration des
agences, était de pouvoir mener une réflexion d’aménagement sur les zones à grande densité de construction.
734
Idem.
735
Ibidem.

208
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

autres problématiques foncières inhérentes aux quartiers populaires « auto-construits »736.


Le rôle fondamental des Agences des cinquante pas géométriques dans tout projet
d’aménagement avant cession, dans les quartiers d’habitat spontané, est mis en exergue737.
En témoigne le cas de la commune de Trois-Rivières, en Guadeloupe, cité dans les médias,
le 23 mai 2017738. En Martinique, les plans d’aménagement et les travaux effectués dans le
quartier Volga Plage à Fort-de-France, ont permis d’accroître la sécurité des habitants face
aux risques naturels (installation de pompes à eau, etc.), constituant une solution durable
face au risque d’inondation739.
Les agences des 50 pas géométriques de Guadeloupe et de Martinique travaillent donc
en partenariat avec les communes côtières. Leurs services, chargés de la régularisation
foncière, sont amenés à repérer les parcelles non occupées et à les geler en vue de la
réalisation d’objectifs d’aménagement des quartiers auto-construits. Un véritable partenariat
entre les Agences et les communes de Martinique et de Guadeloupe, favorisé par des
concertations, est souhaité par la législation de 1996 et initié par lesdites Agences, dont
l’intervention est modulée en fonction des besoins et compétences des communes740.
En Martinique et en Guadeloupe, compte tenu des nombreux empiètements irréguliers
marquant ladite zone, certains auteurs ont constaté que la loi du 30 décembre 1996 a favorisé
le déclassement des zones urbanisées du domaine public, afin de permettre aux communes
de maîtriser leur développement urbain741. Les zones naturelles sont demeurées incorporées

736
« Auto-construit » : terme communément employé pour désigner les constructions édifiées par « coups de
mains » ou sans permis de construire, au mépris des règles du droit de l’urbanisme et de la construction.
737
À titre d’exemple, le projet d’aménagement complémentaire envisagé par l’agence des 50 pas géométriques
de Martinique pour le quartier populaire de Volga Plage tend à terme, sur la base d’un relevé parcellaire
complet, à la remise aux normes des différents réseaux (lesquels devront notamment être enterrés), à la reprise
de la voirie, à l’utilisation optimale des « dents creuses » (espace de terrain vide situé entre deux constructions),
notamment pour du stationnement, des espaces verts, des parkings, etc. Ce projet d’aménagement tend
également à l’identification de terrains à affecter au logement social.
738
Journal télévisé de Martinique 1ère, du 23 mai 2017. Dans le cas concerné, l’Agence des 50 pas de
Guadeloupe a refusé de céder à certains occupants le terrain d’assiette de leurs constructions, au motif d’une
trop grande proximité de la mer, bien qu’elle ait accepté de régulariser, par cession, la situation d’autres
occupants limitrophes. Cette décision a généré une désapprobation, mais serait fondée sur la situation des
terrains au regard du plan de prévention des risques naturels. Il convient de noter que l’Agence des 50 pas
géométriques tient des permanences à destination des administrés dans les mairies des communes côtières.
739
LETCHIMY (Serge), entretien du 1er juin 2007, sur le thème de « la régularisation de la situation des
occupants sans titre » précité.
740
Pour les communes ayant les compétences pour traiter les problèmes d’urbanisme et d’aménagement,
l’intervention de l’Agence des 50 pas géométriques s’est révélée moins urgente. En revanche, pour les
communes disposant de peu de moyens, en situation d’habitat précaire ou dégradé, l’intervention de l’agence
est plus prégnante, car elles interviennent en fonction des besoins et du savoir-faire des communes.
741
PRIET (François), Le nouveau régime de la zone des cinquante pas géométriques dans les Départements
d’outre-mer, RFDA 1997. 1166. Cf. aussi, LARRIEU (Jacques), Le changement de statut de la zone des
cinquante pas du Roi dans les DOM, LPA, 12 décembre 1997, p. 8.

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au domaine public, pour être confiées en gestion au Conservatoire du littoral742.


Mais, que ce soit en qualité d’aménageurs, de financeurs, d’opérationnels ou de
consultants, les Agences des 50 pas géométriques ont joué un rôle stratégique dans les
opérations de régularisation foncière de la situation des occupants sans titre outre-mer.

2) Entre prorogations et incompréhensions locales

Les Agences des 50 pas géométriques ont été régulièrement maintenues, leur mission
de régularisation foncière s’étant révélée plus ardue, chronophage et complexe que l’État et
les pouvoirs publics l’avaient envisagée. De plus, il convient de signaler qu’en raison des
faibles ressources de nombreux occupants sans titre, les prix de vente, en dépit de l’aide à
l’acquisition accordée, sont en pratique payés de manière échelonnée sur plusieurs mois743,
faisant traîner en longueur des situations qui pourraient être régularisées rapidement744.
L’aspect psychologique n’est pas étranger à la lenteur des opérations de régularisation
foncière, beaucoup d’occupants sans titre se considérant comme déjà propriétaires745, tant
des constructions qu’ils ont fait édifier, que du terrain d’assiette de celles-ci, en
méconnaissance du droit de la construction sur sol d’autrui et du droit de propriété reconnu
aux personnes publiques, dont la notion a été précisée en amont.
En pratique les agences ne peuvent jouer le rôle dévolu à un établissement public
foncier ou une agence d’urbanisme, car elles interviennent de manière différenciée, en
fonction de leurs responsabilités. Elles se positionnent en fonction de l’engagement des
communes à effectuer des travaux de normalisation de l’aménagement urbain. Leur degré
d’intervention est donc fonction de l’engagement des communes concernées.
Monsieur DAUNAR, ancien Directeur de l’Agence des cinquante pas géométriques
de la Martinique, a attiré l’attention sur les difficultés rencontrées dans la mise en place des
procédures de régularisation foncière et dans la concertation avec les communes746. Pour
l’ancien directeur de l’agence des 50 pas de la Martinique, l’une des explications du
ralentissement des opérations de régularisation était liée à la circonstance que les dossiers

742
Rapport de l’Assemblée nationale n°2593, du 5 mars 1996, du député JACOB (Y.).
743
Il s’agit souvent de personnes âgées disposant de maigres retraites.
744
Ces faits sont constatés par les Agences mais aussi par les communes comme celle de Fort-de-France.
745
Constats effectués dans le cadre de mes missions.
746
Entretien accordé par Yves-Michel DAUNAR, ancien directeur de l’agence des 50 pas géométriques de la
Martinique, le 27 juillet 2016. A cette occasion, Monsieur DAUNAR rappelle que le rythme des dossiers de
régularisation foncière aurait pâti d’une forme d’incompréhension de la part des occupants sans titre qui, eu
égard aux prorogations successives, ne savaient si l’État mettait définitivement fin ou pas aux opérations de
régularisation frontière menées sur son domaine public. En effet, en 2013, il y a un arrêt complet des dépôts de
dossiers, avec interdiction d’en recevoir de nouveaux, les textes n’ayant pas été mis à jour.

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« faciles » avaient déjà été traités. Les dossiers restants, plus complexes, mettant en cause
des indivisions, des successions, ou révélant des mésententes entre héritiers, étant plus longs
à mener jusqu’à leur terme, c’est-à-dire jusqu’à la signature du titre de propriété. Il existe
donc de très vieux dossiers en instruction à l’Agence. D’autres ralentissements proviennent
de la difficulté à joindre les héritiers qui résidente hors de la collectivité. Par ailleurs,
nombreux sont les occupants qui rencontrent des difficultés pour financer leur acquisition.
Le directeur de l’Agence évoque le chiffre de 10000 dossiers régularisés au titre des
différentes procédures747. Ces dossiers concernent ceux mis en place au titre de la loi 1955,
ceux mis en place au titre de la « loi littoral » de 1986, et ceux mis en place au titre de la loi
de 1996. Ces dossiers représentent environ 10000 dossiers sur 15000. Il resterait encore un
tiers des occupants à régulariser. En termes de superficie, cela représente à peu près 65 %
d’une superficie de 1100 hectares, soit environ 55 % des surfaces situés en zone urbaine.
Les 35 % restant concernent des occupants qui n’ont pas encore déposé leur dossier, et des
emprises d’espaces publics ou de voiries (notamment de voiries communales), qui sont
aujourd’hui encore cadastrées et qui doivent être soustraites du domaine de l’État. Ces
chiffres ne signifient pas que tous les requérants dont les dossiers sont régularisés ou en
cours de régularisation soient déjà titrés748. Il faut rappeler qu’il existe un grand nombre
d’occupants sans titre encore en train de payer leur foncier, en vue de la cession du terrain
d’assiette de leur construction à leur profit. Monsieur DAUNAR a évoqué aussi le cas
d’occupants sans titre se plaignant de la cherté du prix du terrain au mètre carré, ce qui
entraîne une réticence au paiement du prix de vente du foncier occupé. Pour cet ancien
directeur de l’agence des 50 pas de Martinique, opérer une régularisation foncière par la
cession gratuite du foncier illégalement occupé aux occupants, participerait à une forme
d’injustice foncière, eu égard à ceux qui ont dû respecter le Droit à un moment donné. Il
s’agirait d’une forme de légitimation d’un comportement illicite749.
Car, en dépit des procédures de régularisation foncière mises en œuvre, l’occupation
sans titre ne s’est pas arrêtée mais, bien au contraire, s’est poursuivie750. Certaines personnes
continuent à s’installer sur la zone des cinquante pas géométriques, sans obstacles
particuliers. Il existerait un « laisser-faire » de la part de certains exécutifs locaux ; ce qui

747
Par le terme « régularisation », cet ancien Directeur n’entend pas forcément la délivrance d’un titre de
propriété, mais le simple fait de déposer un dossier complet.
748
Entretien accordé par Yves-Michel DAUNAR, ancien directeur de l’agence des 50 pas géométriques de la
Martinique, le 27 juillet 2016, op. cit.
749
Idem.
750
Ibidem.

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serait de nature à fragiliser les finances publiques locales.


Toutefois, il convient de noter qu’il existe une réelle coopération entre les Agences,
les communes et les associations de quartiers, même si elle n’est pas toujours sereine751.
L’agence est un instrument de coopération entre l’État et les collectivités territoriales. La
décision finale de régulariser appartient au préfet en qualité de représentant de l’État, et non
au directeur de l’Agence des 50 pas géométriques. Le service France domaine (Direction de
l’immobilier de l’Etat) rédige les titres de propriété au profit des occupants de la zone.
Deux dispositifs de régularisation foncière coexistent : celui issu de la loi de 1986 et
celui issu de la loi de 1996. Pour la loi de 1986, la décision de régularisation foncière
appartient à une commission dite des cinquante pas géométriques qui a une nature
disciplinaire et non au Préfet, alors que dans le cadre de la loi de 1996, la décision de
régularisation foncière appartient au Préfet. Toutefois, quand l’Agence a récupéré en 2010
les opérations de régularisation foncière, et que ses missions ont été mieux définies, il a été
acté que l’Agence conduit prioritairement le dispositif de régularisation foncière des
occupants sans titre. Deux commissions ont été mises en place, la première, à la demande
du maire de la commune du Robert en Martinique, en place à cette date. Il y a donc une
commission des services de l’État qui instruit les dossiers, et une commission qui a pour
objectif de proposer des avis au Préfet ; lequel a la possibilité de suivre ou non ces avis.
S’agissant des aménagements, selon les chiffres fournis par le directeur de l’Agence
en 2016, celle-ci a fonctionné avec les moyens dont elle dispose et des ressources
réglementées, c’est-à-dire, un montant plafonné à 1.700.000,00 euros pour la taxe
d’équipement, par la loi de finances ; et d’autres recettes provenant de subventions publiques
et des produits des cessions effectuées. Cela constitue globalement un budget de
2.500.000,00 à 2.600.000,00 d’euros environ par an. Avec cela, l’Agence a réussi à réaliser
à peu près 30.000.000,00 d’euros de travaux, en 2016752. De nombreux travaux restent à
réaliser, liés notamment aux problèmes d’insalubrité. L’ampleur de la tâche n’aurait pas été
mesurée par les autorités publiques.

751
De plus, au cours de l’année 2016, des conventions ont été signées entre l’Agence des 50 pas de la
Martinique, les communes et des associations d’occupants sans titre. C’est le cas pour le quartier Volga Plage,
qui a fait l’objet de la signature, en novembre 2016, d’une convention entre l’Agence, le Conseil Citoyen de
Volga Plage et le Maire, visant à geler les cessions jusqu’en juin 2017, de manière à mettre en place, entre
l’État, la population et la Commune, un plan d’aménagement viable, et à déterminer avec précision les parcelles
qui feront l’objet de cessions et celles qui feront l’objet de travaux d’aménagement, d’élargissement de voiries,
d’aires de stationnement, etc. Le tout, afin d’éviter d’avoir à procéder à des expropriations d’occupants sans
titre fraichement titrés.
752
Entretien accordé par Yves-Michel DAUNAR, ancien directeur de l’agence des 50 pas géométriques de la
Martinique, le 27 juillet 2016.

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Par ailleurs, une régularisation foncière à outrance, sans prise en compte des nécessités
de l’aménagement conduirait les communes à devoir racheter au prix du marché des terrains
qu’elles auront vendu à faible prix voire à prix symbolique, en vue de l’aménagement
incontournable des quartiers auto-construits, d’où la nécessité d’une régularisation au cas
par cas753. Se pose également la question du personnel qui détient une expertise, mais aussi
celle de l’insalubrité qui relève de la compétence de l’État demeurant responsable. Il faut
régulariser certes, mais avant tout et dès le départ, prendre des dispositions en termes
d’aménagement, pour éviter tout problème ultérieur754. Les Agence des 50 pas géométriques
sont d’ailleurs amenées à délivrer des avis défavorables à la régularisation foncière
d’occupations de terrains situés en zones à risques forts du Plan de prévention des risques
naturels (PPRN), notamment en zone rouge ou violet. Les régularisations foncières des
occupations situées dans les zones orange du PPRN sont autorisées755.
La question du coût de l’aménagement se pose également. En Martinique, certains
occupants participent au coût de l’aménagement. Dans le cas de la régularisation foncière,
pour céder à l’occupant qui occupe illicitement son terrain, l’État engage des frais de bornage
et des frais pour effectuer des travaux d’équipement. Ce coût est, du moins partiellement,
répercuté sur le prix de vente de ce foncier, eu égard à l’équité. À ce jour, tout ou partie des
frais de bornage sont ajoutés au prix de vente pour former une charge augmentative de celui-
ci. Cependant, les frais d’aménagement ne le sont pas toujours. Or, le développement du
territoire passe par la régularisation foncière comprenant notamment l’aménagement756.
Une partie de ces réflexions, notamment celles en matière d’aménagement et de police
de la zone des cinquante pas géométriques sont partagées par l’actuel directeur de l’Agence
des 50 pas de Martinique, Monsieur Hervé EMONIDES757. Ses préconisations seront
examinées et reprises à l’appui de propositions formulées en seconde partie de la thèse.
L’Agence de la Guadeloupe a un type de fonctionnement similaire à celui de la
Martinique et l’on peut y observer les mêmes ratios et les mêmes problématiques foncières,
de régularisation et d’aménagement, d’après les propos de Madame Myriam ROCH-

753
Entretien accordé par Yves-Michel DAUNAR, le 27 juillet 2016, op cit.
754
Ainsi, il convient d’observer qu’à Volga Plage où certaines parcelles ont été vendues à très bas prix, la
question du coût du rachat ou de l’expropriation de certaines parcelles déjà vendues se pose. D’où la décision
de gel des cessions intervenue sur le quartier Volga Plage à un instant T, le temps de déterminer les parcelles
cessibles, eu égard aux nécessités d’aménagement du quartier.
755
Entretien accordé par Yves-Michel DAUNAR, ancien directeur de l’agence des 50 pas géométriques de la
Martinique, le 27 juillet 2016.
756
Idem.
757
Entretien avec Hervé EMONIDES, directeur de l’Agence des 50 pas géométriques de Martinique, en date
du 28 décembre 2018.

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BERGOPSOM758.
De nombreux rapports ont été établis pour expliquer la nécessité de proroger la durée
de vie des Agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante
pas géométriques de la Guadeloupe et de la Martinique. Ainsi, un rapport sur l’état de la
zone des cinquante pas géométriques en Martinique et en Guadeloupe, a été rédigé en 2004,
par Messieurs Gérard BOUGRIER et Catherine BERSANI759. Ce rapport liste certaines
mesures de nature à éradiquer l’occupation sans titre de ladite zone.
Mais il convient d’ores et déjà de préciser que toute mesure de régularisation foncière
matérielle, doit d’abord prendre en compte l’humain et sa dignité humaine. Toute
régularisation foncière doit emporter une certaine adhésion des populations concernées, sans
laquelle, en dépit des mesures mises en œuvre, elle a vocation à s’émousser dans le temps.
Il y a donc un travail d’information, d’éducation à l’accès à la propriété foncière et aux droits
et obligations d’un propriétaire, de responsabilisation de part et d’autre, du côté du
régularisant comme du régularisé, qui doit s’insérer dans un système de régularisation
foncière fondé sur le titre de propriété écrit et la publicité foncière.
Le rapport BOUGRIER et BERSANI recense les points positifs de la législation de
1996, en faisant ressortir les apports suivants : un constat officiel de l’état d’occupation de
la zone des cinquante pas géométriques distinguant les zones urbaines et d’urbanisation
diffuse et les zones naturelles, la réouverture des délais de validation des titres
d’occupations, notamment pour la Martinique et l’île de Saint-Martin qui n’avaient pu
bénéficier pleinement des effets de la législation de 1955, la mise en place de possibilités de
cessions de parcelles dépendant de la zone des cinquante pas géométriques aux collectivités
territoriales et aux organismes produisant du logement social, la mise en place dans les zones
urbanisées, de procédures de cessions en pleine propriété du terrain d’assiette de leurs
constructions à des particuliers les occupant par eux-mêmes ou les donnant à bail, l’incitation
à la réalisation d’aménagements publics, de travaux de viabilisation et d’assainissement, par
l’intermédiaire des établissements publics d’État (agences des 50 pas géométriques), d’un
commun accord avec les communes.
Ce rapport préconise d’optimiser les effets de la loi de 1996 par l’extension des

758
ROCH-BERGOPSOM (Myriam), Directrice de l’Agence des 50 pas géométriques de Guadeloupe,
contribution écrite du 08 août 2019.
759
BOUGRIER (Gérard), BERSANI (Catherine), « Rapport sur les cinquante pas géométriques en Guadeloupe
et en Martinique », Inspection générale de l'administration, Conseil général des Ponts et chaussées, février
2004, p. 7. Consulté en ligne le 21 mai 2016 : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-
publics/054000126.pdf.

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dispositions relatives aux servitudes de passage perpendiculaires et longitudinales


permettant l’accès au littoral, et la régularisation des exondements. Il préconise la
réaffirmation du positionnement de l’État en tant que propriétaire légal de la zone, pour
mener à terme les trois grands piliers de la loi de 1996 : le processus de cessions, l’action
sur l’urbain dégradé, et la sauvegarde de l’environnement. Les auteurs du rapport
recommandent une amélioration de l’efficacité des services de l’État par le partage de
l’information et la validation de procédures communes760. Ils encouragent une montée en
compétences des Agences des 50 pas géométriques, le développement de partenariats et
l’augmentation des moyens humains, matériels et financiers mis à leur disposition, sous
peine de responsabilité de l’État.
Toutefois, par la « loi ADOM » du 14 octobre 2015, le législateur a choisi,
contrairement aux préconisations du rapport sus relaté, le transfert des zones urbaines et
d’urbanisation diffuse à la Collectivité territoriale de Martinique et à la Région de
Guadeloupe. Ce faisant, il favorise une gouvernance locale de la régularisation foncière
outre-mer, sans toutefois l’assortir des moyens humains, matériels et financiers, ni des
dispositifs, adéquats.
Après avoir fait l’état des lieux de la régularisation foncière dans la zone des cinquante
pas géométriques à la Guadeloupe et à la Martinique, il y a lieu de faire un état des lieux de
la régularisation de l’occupation sans titre en Guyane et dans l’océan indien (§2).

§ II. BILAN DE LA RÉGULARISATION FONCIÈRE EN GUYANE


ET DANS L’OCÉAN INDIEN

En Guyane, à La Réunion, et à Mayotte, les circonstances historiques ont favorisé un


traitement différencié de la zone des cinquante pas géométriques, par rapport aux Antilles.
En Guyane, ce qui interpelle l’observateur, c’est la qualité de gros propriétaire foncier
de l’État, qui possède plus de 90% du foncier guyanais composé majoritairement de forêts

760
Il s’agit notamment de la mise à jour des arrêtés préfectoraux de répartition des zones des cinquante pas
géométriques entre zone naturelles et zones habitées, de la prise en compte du prix du marché foncier au mètre
carré, sans tenir compte de l’évaluation sociale (qui tient compte l’ancienneté d’occupation), lorsque la
superficie cédée est supérieure aux 500 mètres carrés, hors délaissés, requis par le décret du 18 avril 2000. Le
tout, dans le respect des principes d’équité, de régularité et de justice sociale marquant la procédure mise en
place par la législation de 1996. Une plus grande souplesse des services d’urbanisme dans la délivrance des
autorisations d’équipements publics portant sur la zone naturelle de la zone des cinquante pas géométriques
est aussi recommandée.

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dépendant de son domaine privé761. Les préoccupations liées à la zone des cinquante pas
géométriques, dépendant du domaine public maritime de la Guyane, sont en conséquence,
moins prononcées qu’à la Guadeloupe et à la Martinique, en raison de cessions déjà
intervenues. La perte d’une partie des archives du Service de publicité foncière de Guyane
complique toutefois l’apport de la preuve de leur droit de propriété par les occupants qui se
disent propriétaires. Mais, cela joue en faveur desdits occupants et en défaveur de l’Etat.
L’état des lieux de la régularisation foncière à La Réunion a été facilité, ainsi qu’il est
sus dit, par la délimitation, en amont, de la zone des cinquante pas géométriques, à l’occasion
de la création du chemin de fer. Cette délimitation a permis à l’État de rétrocéder une grande
partie du foncier dépendant de la zone des cinquante pas géométriques et a facilité
corrélativement la prescription acquisitive par les occupants sans titre du domaine public
maritime dans ladite collectivité.
Mayotte a connu un parcours différent, ainsi qu’en témoigne son histoire. Elle est
devenue collectivité territoriale départementale de Mayotte depuis peu. L’histoire de la zone
des cinquante pas géométriques à Mayotte a donc connu des procédures différentes, en
raison notamment de l’impact du droit coutumier et local, qui a généré des contradictions au
niveau de la régularisation foncière d’une occupation sans titre, qui ne l’est pas toujours au
regard du droit coutumier Mahorais762.
Tout ceci conduit à affirmer qu’en Guyane et à La Réunion les préoccupations relatives
à l’occupation sans titre de la zone des cinquante pas géométriques sont limitées voire
globalement résorbées (A), alors qu’à Mayotte ressort une volonté de normalisation par
rapport au droit français, cohabitant avec un droit local coutumier omniprésent (B). D’où
des problématiques foncières divergentes de celles de la Guadeloupe et de la Martinique.

A. EN GUYANE ET À LA RÉUNION : UNE OCCUPATION SANS


TITRE DE LA ZONE DES CINQUANTE PAS GÉOMÉTRIQUES
GLOBALEMENT RÉSORBÉE

En Guyane française, la zone des cinquante pas géométriques existe, mais ne constitue
pas le socle de l’occupation sans titre de ce territoire, gangréné par des faits d’immigration
illégale, non pris en compte dans le cadre de la présente étude. L’occupation sans titre en

761
http://www.guyane.gouv.fr/Politiques-publiques/Acces-au-foncier-de-l-Etat/Acces-au-foncier-de-l-Etat.
762
BARTHES (Carole), Effets de la régularisation foncière à Mayotte. Pluralisme, incertitude, jeux d’acteurs
et métissage, P. 99 à 114, in Économie rurale, Agricultures, Alimentations, Territoires. 313-314, Septembre –
décembre 2009, consultable sur le site internet : http://economierurale.revues.org/2376.

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Guyane est fortement liée aux modalités d’occupation des centres-bourgs et de la forêt
guyanaise, dont la propriété constitue la préoccupation majeure de ce territoire français.
À La Réunion, la zone des cinquante pas géométriques a déjà fait l’objet de
nombreuses cessions compte tenu des délimitations intervenues en amont. Des prescriptions
acquisitives ont pu également être régularisées. Tout ceci entraîne un bilan positif de la
régularisation foncière à La Réunion. D’où l’intérêt de distinguer les deux cas.

1) Etat des lieux de la régularisation foncière en Guyane française

La zone des cinquante pas géométriques, bien qu’ayant une existence juridique en
Guyane française, n’existe que sur quelques portions de côte rocheuse ou sur des îlots
rocheux du littoral. Elle a été délimitée en 1982 sur trois zones : la presqu’île de Cayenne,
Kourou et Macouria/Mana763. La Guyane française ne compte en réalité presque plus de zone
des cinquante pas géométriques. L’histoire de cette collectivité territoriale située outre-mer,
a conduit à une gestion de la zone des cinquante pas géométriques différente. L’État français
possède plus de 95 % des terres en Guyane française, dont plus de 90 % sont composées de
forêts. Bien que la population ait plus que triplé depuis 1946, notamment grâce à
l’immigration provenant des Antilles et de la métropole, et grâce à l’excédent naturel, la
Guyane française demeure une collectivité territoriale non surpeuplée. Les deux tiers de sa
population se regroupent au chef-lieu de Cayenne et aux alentours764. Le reste de la
population est massée à Kourou, à Saint-Laurent-du-Maroni et dans les autres bourgs de la
côte. L’intérieur des terres est vide, sauf quelques rares postes administratifs et des villages
d’amérindiens et de noirs sur l’Oyapock et le Maroni. Par ailleurs, l’immigration clandestine
est un fléau en Guyane. Elle concerne notamment des indochinois, des réfugiés haïtiens et
surinamiens.
Il résulte d’un rapport établi sur les 50 pas géométriques naturels des outre-mer, par
Messieurs Denis CLEMENT et Georges-André MORIN, sous l’égide du Ministère de
l’écologie, du développement durable et de l’énergie et du Ministère de l’agriculture, de
l’agroalimentaire et de la forêt, en novembre 2015765, qu’un travail de réactualisation de la

763
CLEMENT (Denis) et MORIN (Georges-André), Les 50 pas géométriques naturels des outre-mer,
Préservation de la biodiversité et maîtrise foncière, Ministère de l’écologie, du développement durable et de
l’énergie et du Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, en novembre 2015, p. 45, 124
page. En ligne : http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/010031-01rapportcle22b331.pdf.
764
Les trois zones les plus occupées de Guyane sont : Cayenne et Rémire-Montjoly qui comptabilisent
ensemble 90000 habitants environ. Puis, il y a la zone de Kourou qui comptabilise 35000 habitants, et enfin le
Nord-Ouest. L’immigration illégale se développe vite en Guyane, avec une forte évolution démographique.
765
CLEMENT (Denis) et MORIN (Georges-André), Les 50 pas géométriques naturels des outre-mer,
Préservation de la biodiversité et maîtrise foncière, op cit.

217
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

zone des cinquante pas géométriques est en cours en Guyane, dans la zone résidentielle de
Cayenne, et qu’en dépit de la disparition des archives de la Conservation des hypothèques
dans les années 1990, de nombreuses cessions ont été faites à des particuliers pendant la
période de 1955 à 1986 ; période pendant laquelle la zone des cinquante pas géométriques a
relevé du domaine privé de l’État.
De plus, ce qui reste de la zone des cinquante pas géométriques, déjà très limitée en
Guyane, a été cédé au Centre national d’études spatiales de Kourou (CNES). Le rapport
susmentionné conclut qu’à ce jour, la zone des cinquante pas géométriques n’est plus une
réalité en Guyane. En conséquence, la gestion administrative du littoral guyanais est
actuellement effectuée par le biais de la « loi littoral » de 1986766.
De son côté, la DEAL de Guyane abonde en ce sens, puisqu’elle précise que le
domaine public guyanais comprend peu d’occupants sans titre767. Elle relève que la plupart
des occupants disposent de titres de propriété délivrés dans les années 1950, ou à défaut,
d’autorisations d’occupation temporaire768. Il sembler qu’à Cayenne il y ait très peu
d’occupants sans titre sur la partie « plage », car les terrains mitoyens du domaine public
maritime ont été cédés à des propriétaires privés.
On peut en déduire qu’à Cayenne il n’y a donc presque plus de zone des cinquante pas
géométriques, la plupart des terrains concernés ayant été cédés. De surcroît, les archives
foncières ayant en partie brûlé, il n’y aurait plus trop de moyens de retrouver l’ensemble des
données cadastrales. De ce fait, il se révèle aussi impossible de refaire l’historique de
l’occupation de la zone, et il n’y aurait peut-être même plus d’intérêt à le faire, car il reste
très peu de terrain appartenant à l’État sur le littoral : on compte environ entre 10000 et
20000 mètres carrés restant sur l’ensemble du littoral guyanais, et 15000 mètres carrés
environ restant au niveau de la zone des cinquante pas géométriques769.
La DEAL de Guyane recense trois types d’occupations de la zone des cinquante pas
géométriques en Guyane. Il y a d’abord l’occupation des terrains construits par l’État pour
y loger ses fonctionnaires. Ces terrains ont depuis été cédés à la Collectivité territoriale de
Guyane. Il y a des occupations de type commercial, faisant l’objet d’autorisations
d’occupation temporaire de type AOT. Et il y a enfin les terrains récupérés par le

766
CLEMENT (Denis) et MORIN (Georges-André), op cit.
767
Entretien du 07 décembre 2016, accordé par Philippe LAUZI, cadre supérieur à la DEAL, sur la
régularisation foncière en Guyane.
768
Idem.
769
Entretien avec le Directeur de France Domaine, à Cayenne, François VILLENEUVE, le 17 novembre 2016.
Service chargé des occupations illicites du domaine de l’Etat.

218
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Conservatoire du littoral. Le cas de Kourou est particulier, car on y retrouve très peu de zone
des cinquante pas géométriques. Par ailleurs au Nord-Ouest de la Guyane, l’État reste encore
propriétaire d’une vingtaine de kilomètres de zone des cinquante pas géométriques faisant
l’objet d’une certaine occupation spontanée. Il n’y aurait pas d’enjeu particulier pour l’État
au niveau des cinquante pas géométriques de la Guyane, car la plupart des occupants sont
déjà titrés ou bénéficiaires d’AOT770.
La mauvaise gestion du foncier guyanais est dénoncée, ainsi que l’incertitude du
travail de certains notaires de Guyane, en raison de l’imprécision de nombreux titres de
propriété, générateur de contentieux. La DEAL dénonce le non-respect par certaines
communes des projets qu’elles ont fait valoir pour exercer leur droit de préemption sur des
terrains appartenant à l’Etat. Certaines communes ont été amenées à procéder à la revente
des terrains ainsi acquis, sans que les projets initialement prévus aient été réalisés771. Tout
cela a entrainé une certaine réticence de l’Etat à céder des superficies trop importantes de
terrains à la Collectivité territoriale de Guyane (CTG), en raison des faits passés de reventes
de terrains à perte, sans que les projets aient vu le jour772. Les risques de spéculation foncière
sont très prononcés s’agissant de la gestion du foncier en Guyane. Pour y faire face, l’idée a
été avancée de mettre en avant des notions telles que l’utilité publique, ou de développer le
référé préfectoral773.
L’Etat aurait un rôle de garde-fou du foncier sur le domaine public en Guyane, d’après
la DEAL, qui intervient en effet sur les projets d’importance portés par l’Etat : opérations
d’intérêt général, occupation du domaine public maritime, enquêtes précédant la délivrance
de titres, etc. Son travail serait plutôt un travail de régulation du foncier, en collaboration
avec les autres intervenants du foncier en Guyane, plus qu’un travail de régularisation
foncière, le volume d’occupation du domaine public maritime étant peu important. Les
enjeux seraient moindres qu’en Martinique ou en Guadeloupe774.
Toutefois, certains souhaits des professionnels publics de la DEAL ont été pris en
compte dans le cadre du schéma d’aménagement régional (SAR) de la Guyane, approuvé

770
Entretien avec François VILLENEUVE, directeur de France Domaine à Cayenne, op. cit.
771
Certains cadres supérieurs de la DEAL préconisent que l’Etat garde la main sur le foncier guyanais, en
raison de son savoir-faire et d’un personnel mieux formé comportant de nombreux cadres. Ce qui ne serait pas
le cas pour certaines communes de Guyane dont le quota de cadres est très limité.
772
Parallèlement la DEAL reconnaît que certaines cessions ont été effectuées par le service France Domaine
de la Guyane, un peu rapidement.
773
Entretien du 07 décembre 2016, accordé par Philippe LAUZI, op. Cite.
774
Idem.

219
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

par décret n° 2016-931 du 6 juillet 2016 pris en Conseil d’Etat775. Ce document de


planification et d’aménagement a pour objectif de « garantir la cohésion sociale et
l’équilibre territorial de la Guyane, en valorisant les identités, les cultures et les savoir-faire
des composantes de l’ensemble du territoire ; en favorisant l’extension des espaces
actuellement urbanisés et le maillage du territoire ; et en garantissant une amélioration du
cadre de vie pour tous »776. Il s’agit également d’améliorer les infrastructures et services, de
créer les conditions d’un développement endogène, de préserver et valoriser
l’environnement et la biodiversité du territoire, et de favoriser l’intégration de la Guyane
dans son environnement régional sud-américain et caribéen ; et tout cela à l’horizon 2030.
Les documents d’urbanisme locaux, tels que les schémas de cohérence territoriale
(SCOT), les plans locaux d’urbanisme (PLU) et les cartes communales, doivent tenir compte
des orientations du SAR dans les trois ans de son approbation, ainsi qu’il résulte des articles
L4433-8 du code général des collectivités territoriales (CGCT) et des articles L131-1 et
L131-7 du code de l’urbanisme.
En raison du contexte susmentionné, les Agences pour la mise en valeur des espaces
urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques n’ont été créées qu’à la Martinique
et à la Guadeloupe.
En Guyane, c’est un établissement public d’État qui a été créé. Il s’agit de
l’Établissement public d’aménagement de la Guyane (EPAG)777, qui a été remplacé par
l’Établissement public foncier et d’aménagement de la Guyane (EPFAG), créé par décret n°
2016-1865 du 23 décembre 2016778, entré en vigueur le 1er janvier 2017. Ce décret a été pris
en application de la loi ADOM n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit
des outre-mer, dont l’article 18 prévoyait la création d’un EPFA en remplacement de l’actuel

775
Décret n° 2016-931 du 6 juillet 2016, publié au journal officiel du 8 juillet 2016. Ce sont les articles L4433-
7 à L4433-24-3 du code général des collectivités territoriales qui confèrent aux conseils régionaux de
Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion et Mayotte, des compétences particulières en matière de
planification et d’aménagement du territoire. Est notamment concernée, l’adoption obligatoire d’un schéma
d’aménagement régional (SAR) dont l’objectif est de fixer les orientations fondamentales en matière de
développement, de mise en valeur du territoire et de protection de l’environnement. Ce SAR vaut également
schéma de mise en valeur de la mer (SMVM) et schéma régional de cohérence écologique (SRCE).
776
Rapport établi par la Collectivité territoriale de Guyane sur le Schéma d’aménagement régional de la
Guyane, consulté en ligne le 8 mai 2018 : https://www.drom-com.fr/medias/shared/sar-guyane-approuve-par-
decret-du-6juillet-2016.pdf.
777
Mission de recherches effectuée en Guyane française, du 15 au 18 novembre 2016. Dans ce cadre, rencontre
avec les cadres dirigeants de l’EPAG de Guyane, depuis devenue EPFAG, à propos des opérations de
régularisation foncière menées en Guyane, notamment sur la commune de Maripasoula. Entretiens accordés
par PIERRE (Patrice) directeur de l’action foncière et secrétaire générale de l’EPAG, et TONY (Christelle),
VIERA (G), cadres dirigeants à l’EPAG. Communications de CHEVALIER (Cyrille), chargé d’opérations.
778
Décret n° 2016-1865 du 23 décembre 2016 relatif à l’Établissement public foncier et d’aménagement de la
Guyane, publié au JORF n° 0300 du 27 décembre 2016, texte n° 95.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

EPAG, par une modification du Code de l’urbanisme.


L’objet de ces établissements publics fonciers et d’aménagement est notamment de se
voir confier, par convention, la mission de passer des contrats de concession et de cession
pour l’aménagement et la mise en valeur agricole des terres domaniales, au nom de l’État.
L’article 18 de la « loi ADOM » s’applique également à Mayotte où la mise en valeur
agricole des terres est ancestrale dans une région marquée par des pratiques coutumières.
Pour remplir ses missions, l’EPFAG dispose de ressources fiscales affectées par la loi,
de dotations, subventions, avances, fonds de concours ou participations apportés par l’Union
européenne, l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les sociétés
nationales et toutes personnes publiques ou privées intéressées. S’y ajoutent les produits des
emprunts, de la vente de biens meubles et immeubles, les revenus nets de ceux-ci, les dons
et legs, les rémunérations de prestations de services et les remboursements d’avances et de
préfinancements consentis, ainsi que les subventions obtenues en lieu et place des
collectivités territoriales, des établissements publics et des sociétés intéressées en exécution
des conventions passés avec eux779.
Les dispositions concernant les établissements publics de l’État en Guyane et à
Mayotte sont répertoriées aux articles L.321-36-1 à L.321-36-6 du code de l’urbanisme. Les
conditions d’application ont été précisées, s’agissant de la Guyane, dans le décret du 23
décembre 2016 susvisé780. Ce décret fixe une représentation paritaire entre l’État et les
collectivités territoriales au sein du conseil d’administration de l’EPFA, et prévoit la reprise
par la nouvelle entité des droits et obligations, ainsi que du personnel de l’EPAG.

2) Etat des lieux de la régularisation foncière à La Réunion

L’histoire de La Réunion, collectivité territoriale située outre-mer, a conduit à une


régularisation foncière plus aboutie. La pratique répandue des concessions et autorisations
d’occupation temporaire (AOT) consenties sur le domaine public depuis de nombreuses
années a facilité la régularisation foncière. De plus, la réalisation du chemin de fer de La
Réunion y a facilité la délimitation de la zone des cinquante pas géométriques.
En effet, des autorisations d’occupation temporaire étaient accordées à La Réunion à
tout particulier souhaitant occuper une dépendance du domaine public national ou l’utiliser

779
Entretiens accordés, le 15 novembre 2106, par PIERRE (Patrice), TONY (Christelle), VIERA (G), cadres
dirigeants à l’EPAG. Communications de CHEVALIER (Cyrille), chargé d’opérations à l’EPAG.
780
Décret n° 2016-1865 du 23 décembre 2016 relatif à l’Établissement public foncier et d’aménagement de la
Guyane, publié au JORF n° 0300 du 27 décembre 2016, texte n° 95. Consulté en ligne le 06 mai 2016e :
https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2016/12/23/LHAL1627949D/jo/texte.

221
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

dans des limites excédant le droit d’usage de tous. L’occupant était dans l’obligation de
solliciter une AOT auprès de l’autorité administrative compétente. Cette autorisation pouvait
revêtir la forme d’un acte unilatéral, sans effet rétroactif, donnant lieu à perception d’une
redevance domaniale au profit de l’État, ou une forme bilatérale, mais dans ce dernier cas,
l’administration y était peu favorable. Étaient concernées par les AOT, les installations peu
importantes, ayant une faible emprise au sol, lorsqu’aucun autre régime juridique n’était
applicable. La durée d’une telle AOT ne pouvait excéder dix ans, sauf renouvellement
exprès. L’AOT pouvait faire l’objet d’un retrait, pour motif d’intérêt général, pour motif
d’intérêt public, ou pour non-respect par l’occupant des prescriptions imposées781.
S’agissant de la délivrance de concessions, il est exact d’affirmer qu’à la Réunion, une
telle pratique a contribué à l’exploitation du service public, contrairement à celle de l’AOT,
mais également à la régularisation foncière « in fine ». En effet, en raison de sa longue durée,
la concession permet au gestionnaire de mieux valoriser le domaine public et d’amortir le
coût des investissements réalisés. Elle pouvait être consentie pour une durée maximale de
trente ans et était assujettie à la taxe domaniale. Son renouvellement s’effectuait par le biais
d’un contrat indépendant du précédent. Le titulaire pouvait sous-traiter tout ou partie de la
concession. Les modalités de fin du contrat de concession obéissaient aux règles ordinaires
en la matière, la concession prenant fin normalement par l’arrivée du terme initialement
prévu, par le retrait ou par le rachat782.
Par ailleurs, la délimitation de la zone des cinquante pas géométriques a été un vecteur
de régularisation foncière. Elle pouvait même être faite à l’initiative d’un particulier, mais
devait être effectuée par géomètre expert chargé de la délimitation783. Pour ce faire, le
géomètre devait se munir d’un extrait des anciens plans de délimitation de la zone des
cinquante pas géométriques établis vers 1876, précisant notamment l’assiette d’emprise de
l’ancien chemin de fer, d’un extrait de la liste des parcelles déjà aliénées et des plans
annexés, conformément au décret du 13 janvier 1922 ; ceci, afin d’identifier les terrains
ayant déjà fait l’objet d’une vente à la suite du décret de 1922, et ceux demeurés dans le
domaine public de l’État. Les documents sus cités sont disponibles auprès de la Direction
départementale de l’équipement, auprès du Service des ports et des bases aériennes

781
FORTIER (Mélanie), La délimitation du domaine public à l’île de la Réunion, mémoire pour l’obtention du
diplôme d’ingénieur de l’École Supérieur des Géomètres et Topographes, soutenu le 30 juin 2005.
782
Le concessionnaire a droit à une indemnité en cas de résiliation ou de modification du contrat avant
l’échéance initialement prévue, contrairement au permissionnaire.
783
FORTIER (Mélanie), La délimitation du domaine public à l’île de la Réunion, p. 51 et s., op cit.

222
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

(S.P.B.A.)784, ou au Centre des Impôts785. Un levé préliminaire était effectué par le géomètre
pour « recaler » l’emprise de la propriété privée par rapport aux limites de la zone des
cinquante pas géométriques et par rapport à l’ancienne ligne de chemin de fer 786. À cette
occasion, les titres de propriété existants faisaient l’objet d’une vérification visant à retracer
l’origine de propriété de la parcelle et à constater un éventuel empiètement du requérant sur
le domaine public.
Il y a eu plusieurs cas de délimitation à La Réunion787. Dans le cas de la délimitation
d’une parcelle privée bordée avec le domaine public par la limite inférieure de la zone des
cinquante pas géométriques, la procédure de délimitation était unilatérale et menée par le
représentant de l’État, le Service des Ports et des Bases Aériennes (S.P.B.A.), et la Direction
Départementale de l’Équipement depuis devenue la DEAL788. En l’occurrence, le géomètre
soumettait à l’approbation du S.P.B.A. le plan de délimitation sur lequel était reportée la
limite issue des plans de 1876. Dans le cas de délimitation d’une parcelle privée bordée avec
une propriété privée par la limite supérieure de la zone des cinquante pas géométriques, c’est
la procédure de bornage de l’article 646 du code civil qui s’appliquait. Cet article dispose
que : « tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës.
Le bornage se fait à frais communs ». À ce propos, une décision rendue par la troisième
Chambre civile de la Cour de Cassation, le 05 mars 1974, avait conclu au rejet de l’action
en bornage, si le juge estimait que les éléments justificatifs produits par le demandeur
n’étaient pas suffisants pour établir sa qualité de propriétaire du terrain à borner, ni la
contiguïté nécessaire à la délimitation des deux fonds789. Le troisième cas est celui de la
délimitation d’une parcelle privée bordée par l’emprise de l’ancien chemin de fer
réunionnais. Dans le cas où l’emprise du Chemin de fer réunionnais appartenait à l’État,
c’est la technique de délimitation unilatérale exposée dans le premier cas qui s’appliquait.
Si l’emprise du Chemin de fer réunionnais avait été aliénée avec une parcelle privée, c’est
la procédure du bornage contradictoire de l’article 646 du code civil qui prévalait. Dans le
cas de délimitation d’une parcelle privée dans la réserve, bordée par une autre dépendance
du domaine public, c’est la procédure de délimitation unilatérale menée par le représentant
de l’État chargé de ce domaine qui prévalait.

784
Sis, 2 rue Évariste de Parny, B. P. 2002, 97821 LE PORT CEDEX.
785
Sis, 1 rue Champ Fleury, 97490 SAINTE CLOTILDE.
786
FORTIER (Mélanie), La délimitation du domaine public à l’île de La Réunion, p. 49 et s. op cit.
787
Idem.
788
Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement.
789
Civ. 3e, Cass., 05 mars 1974, Bull. civ. III, n°100.

223
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Ainsi, les modalités de délimitation de la zone des cinquante pas géométriques à La


Réunion, ont été un facteur d’accélération de la régularisation foncière.
Toutefois, la question des servitudes dans la zone des cinquante pas géométriques de
La Réunion mérite également un examen particulier. Longtemps protégé par la règle de
l’inaliénabilité de la zone des cinquante pas géométriques, le libre accès à la mer a été facilité
entre 1922 et 1986, par la levée de cette règle protectrice du domaine public ; ce qui a permis
la constitution de propriétés privées à l’intérieur même de ladite zone. Pour préserver le droit
d’accès à la mer, il a fallu, sur l’île de La Réunion, procéder à la création de chemins
spécifiques à ce département, perpendiculaires et parallèles au rivage790. À ce jour, ces
chemins ont presque tous disparu par l’effet de l’appropriation des riverains. Seuls quelques-
uns d’entre eux demeurent encore. Il conviendrait d’en réactualiser concrètement l’usage par
les procédés de bornage contradictoires, à la diligence de l’État.
La règle concernant l’institution d’une servitude de passage à La Réunion découle du
décret du 13 janvier 1922, autorisant la vente de parcelles dépendant de la zone des cinquante
pas géométriques et instaurant une servitude de passage pour le Service des Douanes, la
petite pêche et la voie ferrée. Cette servitude devait figurer dans tous les titres de propriété
délivrés par l’État qui devaient préciser son assiette foncière. Mais en pratique, les titres de
propriété sont demeurés imprécis sur cette servitude et parfois ne la prévoyaient pas. Cette
légèreté trouve son explication dans le fait que le législateur n’a voulu établir de servitude
que dans les secteurs où elle était nécessaire pour les tiers et les services publics791. Il
s’agissait d’une servitude légale à laquelle le propriétaire ne pouvait s’opposer dès lors
qu’elle se révélait essentielle à l’intérêt public. Pour être valable, cette servitude devait avoir
fait l’objet d’une enquête publique, soumise à l’avis des services du Génie militaire, de la
Marine, des Douanes et des Ponts et Chaussées, puis avoir été affichée792.
En transférant la zone des cinquante pas géométriques dans le domaine privé de l’État,
le décret du 30 juin 1955 a abrogé expressément les dispositions du décret du 13 janvier
1922, de sorte que, par suite de cette législation, plus aucune servitude de passage ne pouvait
être constituée. Celles qui avaient été établies en conformité avec le décret du 13 janvier

790
Il convient de distinguer la servitude de passage proprement dite, du chemin de pêcheur. Les chemins de
pêcheurs sont perpendiculaires au rivage et situés entre deux propriétés privées. Ils peuvent appartenir à l’État
ou à des particuliers. Quand ils appartiennent à l’État, ils doivent avoir été exclus des fractions de l’ancienne
réserve domaniale aliénées conformément au décret du 13 janvier 1922, et ne doivent pas avoir été prescrits
par des particuliers.
791
FORTIER (Mélanie), La délimitation du domaine public à l’île de La Réunion, p. 49 et s., op cit.
792
Idem.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

1922, avant l’entrée en vigueur du décret de juin 1955, demeurèrent valables793. De nos jours,
les servitudes de passage subsistantes sont celles qui ont été établies pour le Service des
Douanes et la petite pêche. La servitude de passage qui avait été créée pour la voie ferrée
s’est trouvée éteinte depuis le déclassement du chemin de fer, intervenu entre le 27 août
1957 et le 16 juillet 1970. Toutefois, compte tenu des importants désagréments engendrés
par le passage de tiers, certains propriétaires ont tenté d’interdire l’accès à ces servitudes.
Dans ce cas, l’administration est en droit de saisir le juge ou de recourir à l’exécution forcée
pour procéder à la réouverture de ces passages794. Depuis la loi du 3 janvier 1986, les
passages appartenant à l’État relèvent à nouveau du domaine public et à ce titre, la protection
de leur intégrité matérielle relève des contraventions de grande voirie. Les « chemins de
pêcheurs » appartenant à des particuliers, même non entretenus, demeurent leur propriété, et
l’État ne peut pas s’en approprier en tant que bien présumé vacant et sans maitre.
Par ailleurs, à la Réunion, la problématique des revendications de propriété sur la zone
des cinquante pas géométriques s’est trouvée amplifiée par les nombreux changements de
statuts juridiques de ladite zone. Certains occupants n’ont pas hésité à porter le conflit devant
les tribunaux, ainsi qu’en atteste une décision de la Cour administrative d’appel de Bordeaux
en date du 12 avril 2001795. La pénurie des terres, ainsi que leur rareté et par conséquence la
cherté du foncier à La Réunion, n’a pas été de nature à assainir cette situation.
La zone des cinquante pas géométriques demeure imprescriptible, tant qu’elle fait
partie du domaine public maritime. Le décret du 13 janvier 1922, qui avait prévu la
possibilité de cession de certaines parcelles dépendant de ladite zone, n’a pas eu pour effet
de déroger à la règle de l’imprescriptibilité de ladite zone, qui restait dès lors dans le domaine
public. C’est le décret du 30 juin 1955 qui a remis en cause cette imprescriptibilité en plaçant
la zone des cinquante pas géométriques dans le domaine privé de l’État. Ainsi, à La Réunion,
la prescription acquisitive sur les parcelles dépendant de la zone des cinquante pas
géométriques n’a pu commencer à courir qu’à compter de la publication du décret du 30 juin
1955, donc à compter du 2 juillet 1955, et ce, jusqu’à la promulgation de la loi du 3 janvier

793
FORTIER (Mélanie), La délimitation du domaine public à l’île de La Réunion, p. 49 et s., op cit.
794
Idem.
795
CAA, Bordeaux, 12 avril 2001, n° 97BX31400, inédit au Recueil Lebon. Consulté en ligne le 17 novembre
2014 : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000007497097. Dans cette
affaire, le Maire de la Commune de Trois-Bassins, par arrêté du 11 octobre 1993, a retiré un certificat
d’urbanisme positif délivré le 13 août 1993, au motif que le terrain en cause se trouvait sur partie du domaine
public maritime naturel. La CAA de Bordeaux a rejeté la demande du requérant tendant à l’annulation du
jugement rendu le 11 décembre 1996 par le tribunal de grande instance de Saint-Denis de La Réunion, lequel
jugement avait rejeté la demande en annulation de l’arrêté du 11 octobre 1993 introduite par le requérant.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

1986, le 4 janvier 1986, qui a réintégré ladite zone dans le domaine public maritime de l’État.
Cette analyse est confirmée par l’arrêt KICHENIN, rendu par le Conseil d’État le 7
septembre 2001796. Dans cet arrêt inédit, le Conseil d’État a confirmé l’appartenance de
l’emprise du Chemin de Fer Réunionnais au domaine public maritime, au motif que les
portions d’emprise de la voie ferrée, qui n’étaient pas comprises dans les lots mis en
adjudication conformément au décret du 13 janvier 1922, sont demeurées dépendances du
domaine public, jusqu’au décret de déclassement de la branche sud du Chemin de Fer
Réunionnais (C.F.R), en date du 27 août 1957. Or, les époux KICHENIN ne détenaient
aucun acte de vente de l’État résultant du décret du 13 janvier 1922, sur la parcelle litigieuse.
L’autre motivation du Conseil d’Etat est fondée sur le fait que les époux KICHENIN n’ont
pas pu prescrire la portion d’emprise du C.F.R. traversant leur propriété, dans la mesure où
il s’est écoulé moins de trente ans entre le décret de déclassement du C.F.R en date du 27
août 1957, transférant son emprise dans le domaine privé de l’État, et la promulgation de la
loi du 3 janvier 1986 réintégrant la zone des cinquante pas géométriques dans le domaine
public maritime797. S’agissant de la contestation de la limite en front de mer, correspondant
au deuxième volet de la requête des époux KICHENIN, le juge a conforté la décision de la
Cour d’Appel en réaffirmant que la limite inférieure de la zone des cinquante pas
géométriques a été délimitée par référence à l’arrêté gubernatorial de 1876, comme
représentant la limite du rivage de la mer à l’époque où le plan a été établi, soit en 1878798.
Par ailleurs, avant la loi du 3 janvier 1986, les lais et relais de la mer faisaient partie
du domaine privé de l’État et étaient donc susceptibles de faire l’objet d’une prescription
acquisitive. À ce titre, les époux KICHENIN pouvaient prescrire la bande de terrain
comprise entre le rivage de la mer et la limite inférieure de la zone des cinquante pas
géométriques considérée comme lais et relais. Et ce, jusqu’à la promulgation de la loi du 3
janvier 1986 intégrant la zone comprise entre le rivage de la mer et la limite supérieure de la
zone des cinquante pas géométriques dans le domaine public maritime. Sur cette série de

796
CE, 7 septembre 2001, Kichenin, n° 207796, inédit au recueil Lebon. Consulté en ligne le 17 novembre
2018 : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000008070628.
Cité également dans le mémoire de FORTIER (M.), « La délimitation du domaine public à l’île de La
Réunion », présenté le 30 juin 2005, en vue de l’obtention du diplôme d’Ingénieur de l’École Supérieure des
Géomètres et Topographes (ESGT) de Le Mans.
797
Cette décision a été rendue sur une requête en annulation formée par les époux KICHENIN contre un arrêt
de la Cour d’Appel de Bordeaux, qui avait rejeté leur demande. Lesdits époux, propriétaires d’une parcelle sur
la zone des cinquante pas géométriques, revendiquaient un droit de propriété sur un terrain correspondant à
partie de l’emprise de l’ancien Chemin de Fer de la Réunion et contestaient la limite en front de mer.
798
CE, 7 septembre 2001, Kichenin, n° 207796, inédit au recueil Lebon. Consulté en ligne le 17 novembre
2018 : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000008070628.

226
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

motivations, le Conseil d’État a décidé que la propriété des époux KICHENIN avait comme
délimitation, la limite inférieure de la zone des cinquante pas géométriques, sous réserve des
prescriptions éventuellement acquises par les requérants sur les lais et relais de mer799.
À ce jour, de nombreux propriétaires réunionnais sont propriétaires d’une partie de
l’emprise du chemin de fer réunionnais, pour l’avoir acquise avec le lot qui leur a été vendu
par adjudication, en application du décret du 13 janvier 1922. L’État reste à ce jour
propriétaire riverain de l’emprise du chemin de fer Réunionnais incluse dans la zone des
cinquante pas géométriques et non aliénée.
S’agissant des empiètements sur les cinquante pas géométriques à la Réunion, en
l’absence d’autorisation de l’administration (AOT ou concession), d’acquisition auprès de
l’État, ou en l’absence de revendication de propriété, toutes les autres occupations sont
constitutives d’empiètements sur le domaine public maritime et d’appropriations illicites800.
Non loin de La Réunion, dans l’océan indien, Mayotte, devenue la Collectivité
Départementale de Mayotte, est confrontée à la problématique de l’occupation sans titre. Il
s’agit d’une collectivité dont le droit domanial est influencé par le droit coutumier
musulman, ce qui a compliqué les opérations de régularisation foncière (B).

B. À MAYOTTE : UN DROIT DOMANIAL INFLUENCÉ PAR LE


DROIT COUTUMIER

La régularisation foncière est un enjeu fondamental à Mayotte. Dans cette collectivité


territoriale, elle vise notamment à promouvoir le passage du droit coutumier Mahorais, oral,
au droit français civiliste, écrit, fondé sur le droit de propriété individuel. Ce passage se fait
par le recours à un processus de régularisation foncière, depuis plus de dix ans801.
Le foncier à Mayotte est régi par un droit coutumier local non écrit, fondé sur la
propriété collective et l’oralité. La raison de la prédominance de ce droit coutumier doit être
recherchée dans l’histoire de Mayotte, qui a connu un destin différent du reste des Comores
en devenant le cent-unième département français. Mayotte est une collectivité
départementale marquée par des problématiques foncières similaires à celles des autres
collectivités territoriales objet de la présente étude, mais particulières eu égard à l’histoire et

799
CE, 07 septembre 2001, Kichenin, op cit.
800
Articles L2122-1 et s. du CGPPP.
801
LAZERGES (Roland), Mise en œuvre de l’aménagement foncier à Mayotte, Rapport n°12129, 5 novembre
2012, Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), p. 9, 36 pp.

227
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

aux coutumes mahoraises802.

1) Une volonté d’alignement aux prises avec les droits locaux existants

La départementalisation à Mayotte s’accompagne d’une volonté d’alignement par le


législateur, du droit local Mahorais sur le droit commun français. Il convient toutefois de
déplorer le fait que dans ce processus, des terres possédées par des Mahorais depuis de
nombreuses générations (plus de cent cinquante ans), se sont retrouvées appartenir à l’Etat
français et dépendre de son domaine public maritime. En effet, environ 90 % des villages
Mahorais dépendent de la zone des cinquante pas géométriques803. Cela concernerait près de
40 % des familles mahoraises.
L’ordonnance du 12 octobre 1992, relative au code du domaine de l’État et des
collectivités publiques, applicable à la collectivité territoriale de Mayotte804, a défini le
domaine de l’Etat à Mayotte et étendu à ladite collectivité territoriale les règles applicables
à la métropole pour la définition du domaine public ; lequel domaine public comprend
également les biens et droits qui y sont expressément classés par le législateur. Les autres
biens et droits dépendent du domaine privé. Cette ordonnance a été depuis abrogée le 1er
juillet 2006, avec l’entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques
(CG3P ou CGPPP). Il énonce les règles relatives à la constitution et à l’administration du
domaine public et définit la zone des cinquante pas géométriques en des termes identiques à
ceux employés pour les autres collectivités territoriales situées outre-mer.
Le domaine public maritime à Mayotte était géré, sur le plan administratif, par de vieux
textes datant du XIXe siècle, et particulièrement de l’époque où l’archipel des Comores était
une dépendance de Madagascar. La zone des cinquante pas géométriques de Mayotte fait le
tour de l’île et des îlots. Historiquement, la partie côtière est celle où la population s’est

802
Lors de mon déplacement à La Réunion, le Chef du Service France Domaine de la Réunion et le Président
du Tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion ont attiré mon attention sur l’importance de la
régularisation foncière à Mayotte. Le format du voyage, sa durée et ses modalités de son financement, et les
circonstances de l’époque (grève), ne m’ont pas permis d’étendre mon voyage vers Mayotte. Monsieur
MAUSSIRE, Responsable du Service France Domaine à La Réunion, qui a travaillé au Service France
Domaine de Mayotte de 1992 à 2006, et Monsieur LAMBERT, Président du Tribunal administratif de La
Réunion, lequel est également compétent pour le contentieux de Mayotte (les membres du tribunal se déplace
périodiquement vers Mayotte à cet effet), m’ont apporté bon nombre d’éléments qui m’ont permis de cibler les
problématiques foncières liées à l’occupation sans titre à Mayotte. De plus, les éléments à disposition et les
rapports existants sur la question ont été exploités.
803
BERTILE (Wilfrid), Mayotte à l’heure de la départementalisation, éditions « L’Harmattan », Paris, 2012.
Edition numérique, emplacement 983 sur 5247, op. cit.
804
Ordonnance n° 92-1139 du 12 octobre 1992 relative au code du domaine de l’État et des collectivités
publiques, applicable dans la collectivité territoriale de Mayotte, publiée au JORF n°241 du 16 octobre 1992
page 14460.

228
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

installée massivement, le relief de Mayotte étant très accidenté805.


Le système de la vivification des terres mortes, permettait à l’agriculteur Mahorais de
devenir propriétaire du sol par le seul défrichement de celui-ci806. Régies par le droit
coutumier, les successions de droit local étaient réglées par les Cadis qui exerçaient des
activités notariales à Mayotte807. L’Etat, propriétaire par défaut des terres non réclamées,
depuis le traité de 1841, délivrait des autorisations d’occupation temporaires (AOT) pour
encourager l’agriculture commerciale. Wilfrid BERTILE fait le constat d’une situation
historique qui a contribué à l’occupation sans titre à Mayotte. Cet auteur relève des situations
de perte de titres de propriété, d’existence de propriétaires inconnus, voire d’installation de
« clandestins » sur les terres808. Beaucoup de propriétaires coutumiers depuis des décennies
ne disposaient d’aucun titre écrit. Le système du Livre foncier à Mayotte n’exigeait pas le
passage par-devant notaire. La réforme foncière lancée en 1992 et 1993 visait à favoriser
l’instauration d’un Cadastre à Mayotte. Avec la réforme de 1996, l’Etat a mis en place, par
le biais du Centre national d’amélioration des structures et exploitations agricoles
(CNASEA), intégré à l’Agence des services et des paiements (ASP), des procédures de
régularisation foncière par la délivrance de titres de propriété, en se basant sur une
reconnaissance de l’occupation coutumière des terres809.
Wilfrid BERTILE relève cependant que cette attribution de titres de propriété a été
freinée par les problèmes d’indivisions et d’état civil à Mayotte, mais aussi par le statut de
la zone des cinquante pas géométriques que l’Etat a intégré dans son domaine public, la
rendant ainsi imprescriptible et inaliénable, alors même qu’il existait déjà des villages côtiers
dans ladite zone des 50 pas, avant le traité de cession du 25 avril 1841, et qu’en conséquence,
ces villages devraient avoir échappé à cette contrainte810. Or l’Etat, au lieu de favoriser la
remise de titres de propriété dans cette zone, eu égard à l’histoire, s’est contenté de délivrer
des AOT, titres précaires par nature ; ce qui fait que la question foncière reste pendante à
Mayotte811.

805
Entretien en date du 13 janvier 2017, avec Elsa BADROUZAMANI, ancien cadre de la DEAL de Mayotte,
et cadre à la DEAL de Martinique.
806
BERTILE (Wilfrid), Mayotte à l’heure de la départementalisation, éditions « L’Harmattan », Paris, 2012.
Edition numérique, emplacement 3876 et ss sur 5247, op. cit.
807
Idem, emplacement 3878 de l’édition numérique.
808
Mayotte est en proie à une immigration clandestine récurrente et massive.
809
Wilfrid BERTILE relève qu’en 2006 une enquête territoriale a abouti au » recensement de 22047 parcelles
vastes de 3982 hectares et l’identification de leurs occupants ». Cf. Mayotte à l’heure de la
départementalisation, op cit.
810
BERTILE (Wilfrid), Mayotte à l’heure de la départementalisation, éditions « L’Harmattan », Paris, 2012.
Edition numérique, emplacement 3889 et ss sur 5247, op. cit.
811
Idem.

229
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

À ce jour, de nombreuses AOT, titres précaires par définition, n’ont pas été
renouvelées, et des Mahorais se retrouvent occupants sans droit ni titre des mêmes terres qui
appartenaient pourtant à l’origine à leurs aïeux. Certaines constructions reposant sur la ZPG
ont été démolies pour cause d’illégalité foncière. À cet égard, le journal « Le Monde
diplomatique »812, a fait état d’une trahison du traité qui avait été conclu entre la France et
Mayotte en 1841, aux termes duquel il était prévu d’épargner les propriétés traditionnelles.
Les Mahorais dénoncent une attitude opportuniste de l’Etat français qui, pendant des années,
semblait s’être accommodé de ce droit coutumier oral, où chacun sait quelle parcelle
appartient à quelle famille, et qui réclame désormais aux occupants, des titres de propriété
en bonne et due forme813.
Pour les parcelles qui ne dépendent pas de la zone des 50 pas géométriques, les
occupants sont encouragés à s’adresser aux services fiscaux, pour les faire borner et se faire
remettre des titres de propriété rédigés et délivrés par lesdits services fiscaux. L’installation
des notaires à Mayotte ne s’est réalisée qu’aux environs des années 1970 ; ceux-ci ayant pris
la relève des services fiscaux. De fait, les Mahorais n’ont plus le choix et ne peuvent ni
vendre, ni faire de transactions foncières sans un titre de propriété écrit814.
Sur la zone des 50 pas, c’est uniquement l’Etat qui est désormais habilitée à délivrer
des autorisations d’occupation temporaires (AOT), moyennant le paiement d’une redevance
d’occupation par les occupants. Cette situation juridique, inhabituelle pour les occupants de
Mayotte dont les familles occupent le site depuis de nombreuses années, ne favorise pas la
régularisation foncière, car se pose le problème de l’impossibilité pour les Mahorais de
disposer de « leurs » terres, que ce soit à titre gratuit ou à titre onéreux, sans passer par
l’AOT. Toutefois, pour l’obtention d’un prêt pour construire, il est nécessaire de justifier et
de faire une demande d’AOT815.
Il y a eu une sorte de « jonglage » entre les textes applicables à Mayotte et la
reconnaissance du droit traditionnel et des textes anciens qui n’avaient pas été abrogés. Il y

812
CARAYOL (Rémi), Le Monde diplomatique, « À Mayotte, départementalisation à la pelleteuse », article
paru le 20 juillet 2011. En ligne sur le site internet (16/06/2018) : www.migrantsoutremer.org/a-Mayotte-
departementalisation-a.
813
CARAYOL (Rémi), idem.
814
BADROUZAMANI (Elsa), ancien cadre de la DEAL de Mayotte, entretien du 13 janvier 2017, op cit.
815
Entretien en date du 13 janvier 2017, avec Elsa BADROUZAMANI, ancien cadre de la DEAL de Mayotte,
op. cit. Une distinction est faite entre les AOT en zone urbaine, concernant les terrains affectés à l’habitation,
et les AOT en zone naturelle, consenties pour un tout autre usage. Un travail de communication a été effectué
par la DDE de l’époque, en faveur de la régularisation foncière par titre d’occupation de type « autorisation
d’occupation temporaire » (AOT). La phase d’information pour inciter à la régularisation foncière à Mayotte
a été suivie d’une phase de répression, avec certaines souplesses dans l’application des textes qui n’étaient pas
à jour.

230
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

a eu aussi l’arrivée des contraintes administratives, avec prise en compte des documents
d’urbanisme, des risques, et d’une règlementation de plus en plus dense.
Par ailleurs, la régularisation foncière par AOT, a entraîné de grosses difficultés pour
les Mahorais souhaitant faire des actes de disposition. En effet, l’inconvénient de l’AOT est
qu’il ne permet pas de vendre le terrain qui en est l’objet, même s’il permet une régularisation
foncière temporaire. L’AOT ne constitue pas un droit de propriété et ne permet pas la sous-
location. Il était donc difficile d’expliquer au pétitionnaire Mahorais qu’il n’avait pas
totalement tous les droits du propriétaire, car les Mahorais se considèrent comme
propriétaires. Le même problème se posait en cas de transmission. Pour qu’une mère puisse
transmettre sa maison bâtie sur le domaine public maritime (DPM), il fallait annuler son
AOT pour reprendre une AOT au profit de l’héritière. Il y avait urgence à harmoniser le
traitement des dossiers entre les services de l’Etat et ceux de la collectivité de Mayotte. Une
Commission d’harmonisation disait la doctrine. Les dossiers étaient étudiés au cas par cas
pour harmoniser les pratiques, les textes étant obsolètes816.
S’agissant de la régularisation foncière par les collectivités, de l’occupation des
parcelles dépendant de la zone des 50 pas géométriques, il y avait une parution dans la presse
locale, une affiche en mairie et dans les locaux de la collectivité, avant toute régularisation
foncière au profit du particulier. Mais à aucun moment lesdites parcelles n’ont cessé
d’appartenir à l’Etat. L’Etat gérait la régularisation foncière de la zone des 50 pas
géométriques, avec le Bureau de l’action foncière à la DDE (actuelle DEAL), chargé de
satisfaire les demandes d’AOT. Par ailleurs, il existait des parcelles appartenant au domaine
privé de la collectivité, propriétaire en son nom propre, sur lesquelles étaient installées des
administrations de l’Etat817.
Un ancien cadre de la DEAL de Mayotte observe qu’aux environs des années 2010-
2011, seuls les bénéficiaires d’AOT situés en zone urbaine ont pu prétendre devenir
propriétaires818. Sans AOT, pas de régularisation foncière819. Il fallait régulariser par AOT et
payer les redevances avant la régularisation par titre de propriété820.

816
Entretien en date du 13 janvier 2017, avec Elsa BADROUZAMANI, idem.
817
La formule type était : « Je viens, je m’installe et c’est à moi ». Cf. BADROUZAMANI, entretien, op cit.
818
Entretien du 13 janvier 2017, avec Elsa BADROUZAMANI, op cit .
819
Il ne pouvait y avoir d’AOT pour les immigrés clandestins, car ces autorisations ne sont délivrées qu’aux
ressortissants français ou aux personnes résidant légalement sur le territoire. L’occupant sans titre immigré se
fait verbaliser à Mayotte, par le biais d’une procédure qui peut aller jusqu’à l’expulsion, sans possibilité de
régularisation foncière. Il faut distinguer l’immigré de l’occupant sans titre Mahorais dont la famille occupe le
site depuis des décennies.
820
Idem. Cela rappelle la procédure de régularisation foncière mise en place au quartier Trénelle.

231
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Cet historique a généré de nombreux conflits, des échanges ont été effectués pour
régulariser tout cela, mais de nombreuses régularisations restent à réaliser, avec un sentiment
d’abus ressenti par les Mahorais.

2) Une population Mahoraise s’estimant « abusée »

Il est important de ne pas faire de confusion entre les statuts d’occupation des Mahorais
fondés sur le droit oral musulman, le droit cadial et les témoignages, et le statut des occupants
sans titre illégaux. Pour la DEAL, le but de la régularisation foncière à Mayotte n’est pas
d’enlever des droits aux personnes, mais de leur permettre d’avoir un document justifiant et
validant leur occupation821.
Toutefois, les Mahorais se sont estimés abusés, compte tenu de la nécessité de verser
une redevance ou un prix d’acquisition pour régulariser leur situation, en dépit des aides à
l’acquisition prévues. En effet, le prix au mètre carré a été estimé au plus bas pour permettre
d’acquérir, et ceux qui n’avaient pas de moyens pouvaient accéder à d’autres aides. Les
superficies approximatives cédées étaient de 300 mètres carrés à plus de 2500 mètres carrés.
L’essentiel pour l’accédant était de prouver qu’il était bien occupant de la parcelle depuis de
nombreuses années (la preuve testimoniale est admise) et qu’il n’y a pas de contestations sur
cette assertion. D’où l’existence de procédures de bornages publiques (les occupants et les
voisins étaient convoqués, avec parution dans la presse locale). Une enquête était réalisée
préalablement. Il est ici précisé que les cadis n’ont pas de grand rôle sur le foncier, mais
interviennent pour les conflits, les indivisions, à titre de médiation, mais qu’ils ne rédigent
pas d’actes. À ce jour, il reste encore beaucoup d’occupations à régulariser822.
Le droit coutumier applicable à Mayotte s’applique aux Mahorais ayant conservé leur
statut personnel, ainsi que le permet l’article 75 de la Constitution823. Ce statut civil de droit
local est maintenu par la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, qui précise les modalités
de renonciation à ce statut au profit du statut civil de droit commun. Le statut personnel est
un statut de droit civil qui concerne essentiellement les droits de la personne et de la famille
ainsi que les droits patrimoniaux. Les Mahorais ayant conservé leur statut personnel restaient
donc soumis aux règles particulières s’y rapportant824. Les litiges nés de l’application de ce

821
Entretien en date du 13 janvier 2017, avec Elsa BADROUZAMANI, ancien cadre de la DEAL de Mayotte,
et cadre à la DEAL de Martinique, op. cit.
822
Entretien du 13 janvier 2017, avec Elsa BADROUZAMANI, op. cit.
823
Article 75 de la Constitution : « Les citoyens de la République qui n’ont pas le statut civil de droit commun,
seul visé à l’article 34, conservent leur statut personnel tant qu’ils n’y ont pas renoncé ».
824
Polygamie, possibilité de répudiation de la femme par le mari, inégalité du droit successoral par rapport au
sexe, etc.

232
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

droit local relevaient de la compétence du tribunal de Cadi, en premier ressort, du grand Cadi
en appel, et de la Chambre d’annulation musulmane, pour les litiges supérieurs à 305
euros825. Toutefois, la réforme du statut personnel du droit local à Mayotte s’est
progressivement instaurée dans le cadre du projet de départementalisation, pour une mise en
conformité avec les principes dégagés par le Conseil constitutionnel. Et il résulte d’une
décision du Conseil constitutionnel du 17 juillet 2003826 que, bien que le législateur ne puisse
remettre en cause le statut civil de droit local, il peut adopter « des dispositions de nature à
en faire évoluer les règles dans le but de les rendre compatibles avec les principes et droits
constitutionnellement protégés »827. Le juge de droit commun est devenu exclusivement
compétent pour connaître de toutes les affaires relatives à l’application du statut civil de droit
local entre citoyens relevant de ce statut. Ce dernier peut désigner une personne de son choix
pour l’éclairer par consultation, sur des dispositions relevant du droit coutumier828. Une
ordonnance du 03 juin 2010 portant dispositions relatives au statut civil de droit local
applicable à Mayotte et aux juridictions compétentes pour en connaître829 paraît pourtant aller
à l’encontre de l’article 75 de la Constitution. D’après Sophie BLANCHY et Yves
MOATTY, cette ordonnance de 2010 semble donner le « coup de grâce » au statut personnel
de droit local à Mayotte830.
Pour faire face à la situation de crise foncière à Mayotte, des mesures de cession à titre
onéreux ont été autorisées au vu de deux décrets du 09 septembre 2009, l’un pris pour
l’application des articles L5331-6-2 à L5331-6-5 du CG3P et prévoyant les modalités

825
BERINGER (Hugues), JurisClasseur Collectivités territoriales (JCCT), Mayotte, Fasc. 462-48 et ss. Voir
aussi : BERTILE (Wilfrid), Mayotte à l’heure de la départementalisation, éditions « L’Harmattan », Paris,
2012. Edition numérique, emplacement 1490 et ss sur 5247, op. cit.
826
C. Cons., 17 juillet 2003, décision n° 2003-474 DC, Loi programme pour l’outre-mer du 03 juin 2003.
Consulté en ligne le 07 décembre 2016 : https://www.conseil-
constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/commentaires/cahier15/ccc_474dc.pdf.
827
Ce fût fait par plusieurs textes ultérieurs, et notamment par la loi-programme pour l’outre-mer, du 21 juillet
2003, qui a interdit la polygamie aux personnes atteignant l’âge requis pour se marier à compter du 1 er janvier
2005, et prohibé la répudiation unilatérale pour ces personnes. La loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration
et à l’intégration a permis de mettre fin à la pratique du tuteur matrimonial qui représentait la future épouse et
formulait à sa place son consentement, et l’ordonnance du 03 juin 2010 portant dispositions relatives au statut
civil de droit local applicable à Mayotte et aux juridictions compétentes pour en connaître, a aligné l’âge requis
pour se marier, a prohibé la polygamie et la répudiation et a supprimé la justice cadiale.
828
Les requêtes en changement de statut sont en augmentation. Voir : www.outre-mer.gouv.fr/mayotte-histoire.
Consulté le 09 août 2018.
829
Ordonnance n° 2010-590 du 3 juin 2010 portant dispositions relatives au statut civil de droit local applicable
à Mayotte et aux juridictions compétentes pour en connaître.
830
BLANCHY (Sophie) et MOATTY (Yves), Le statut civil de droit local à Mayotte : une imposture ? Droit
et sociétés 2012/1 (n° 80), pp 117-139. En ligne : https://www.cairn.info/revue-droit-et-societe1-2012-1-page-
117.htm#no1.

233
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

procédurales, et le second, pris pour l’application de l’article L5331-6-3 du CG3P831. À cette


occasion, une aide à l’acquisition est accordée aux occupants acquéreurs, pour tenir compte
de l’ancienneté de leur occupation et du revenu net global annuel du ménage832.
Il convient de rappeler que l’article L5331-6-3 du CG3P, depuis devenu l’article
L5114-7 du CG3P833, prévoit que les terrains situés dans les espaces urbains et d’urbanisation
future de la zone des cinquante pas géométriques peuvent être déclassés aux fins de cession
à titre onéreux aux personnes physiques ayant édifié ou fait édifier avant le 1er janvier 2007
des constructions à usage d’habitation qu’elles occupent à titre principal ou qu’elles donnent
à bail en vue d’une occupation principale, ou à leurs ayants droit834. Étant précisé qu’à défaut
d’identification des personnes susnommées, lesdites cessions sont consenties aux occupants
des constructions affectées à leur habitation principale et édifiées avant le 1er janvier 2007.
Diverses exceptions sont prévues. Ce texte valide donc des cessions à un prix inférieur à la
valeur vénale déterminée par le service France Domaine, pour les cessions ayant trait à des
immeubles à usage d’habitation principale occupée personnellement par la personne
physique demandeur. Nonobstant cette aide financière, le prix au mètre carré, même après
décote et abattement fiscal, demeure très élevé, eu égard au revenu annuel moyen
relativement bas d’une famille Mahoraise835.
L’article L5331-6-2 du CG3P, devenu l’article L5114-5 du CG3P836, prévoit les mêmes
possibilités de cession, après déclassement, des terrains situés dans les espaces urbains et
d’urbanisation future de la zone des cinquante pas géométriques, mais au profit des
collectivités territoriales ou de leurs groupements et au profit des organismes ayant pour

831
Décret n° 2009-1104 du 9 septembre 2009 pris pour l’application de l’article L.5331-6-2 à L.5331-6-5 du
code général de la propriété des personnes publiques portant dispositions applicables à Mayotte. JORF n° 0210
du 11 septembre 2009 page 14963 texte n° 8. Décret n° 2009-1105 du 9 septembre 2009 pris pour l’application
de l’article L.5331-6-3 du code général de la propriété des personnes publiques portant dispositions applicables
à Mayotte. JORF n° 0210 du 11 septembre 2009 page 14965 texte n° 9.
832
La valeur du terrain nu subit donc les décotes suivantes, en vertu du décret de 2009 susmentionné : 5% pour
une occupation supérieure à 10 ans, avec une majoration de 5% par tranche supplémentaire de 10 ans. 10 %
pour un revenu net global annuel du ménage inférieur ou égal au montant du salaire minimum
interprofessionnel garanti (SMIG) applicable à Mayotte. 10 % pour un couple marié avec 3 enfants, avec une
majoration de 2% pour chaque personne supplémentaire à charge. Ces différentes décotes peuvent se cumuler
dans la limite de 50 % de la valeur vénale du terrain nu.
833
L’article L5114-7 a été créé par l’article 3 l’ordonnance n° 2016-1255 du 28 septembre 2016, en
remplacement de l’article L5331-6-3 (qui a donc été ainsi transféré).
834
En tout état de cause ces personnes doivent avoir leur domicile fiscal à Mayotte ou être membre d’un Etat
de l’Union européenne.
835
MOHAMED SOILIHI (Thani), rapporteur coordinateur, GUERRIAU (Joël), LARCHER (Serge), PATIENT
(Georges), rapporteurs, « Domaines public et privé de l’État outre-mer, 30 propositions pour mettre fin à une
gestion jalouse et stérile », rapport d’information du Sénat n° 538, enregistré à la Présidence du Sénat le 18
juin 2015. Publié en ligne : http://www.senat.fr/rap/r14-538/r14-5381.pdf.
836
L’article L5114-5 a été créé par l’article 3 l’ordonnance n° 2016-1255 du 28 septembre 2016, en
remplacement de l’article L5331-6-2 (qui a donc été ainsi transféré).

234
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

objet la réalisation d’opérations d’habitat social.


Par ailleurs, plusieurs dispositions de régularisation foncière applicables aux « quatre
vieilles » sont demeurées longtemps inapplicables à Mayotte. Il s’agit du dispositif de la loi
n° 94-631 du 25 juillet 1994837, permettant aux collectivités territoriales d’assortir de droits
réels les autorisations d’occupation du domaine public qu’elles consentent, sous réserve de
la poursuite d’objectifs précis. Ces droits réels confèrent au titulaire de l’autorisation
d’occupation temporaire (AOT) une certaine sécurité foncière. Il en est de même pour le
régime des baux emphytéotiques administratifs (BEA) et celui des baux emphytéotiques
hospitaliers (BEH), qui n’étaient pas applicables à Mayotte. Le régime des mutations
domaniales ou des superpositions d’affectations n’y était pas non plus applicable. Par
ailleurs, le régime des biens sans maître et présumés sans maître était différent à Mayotte.
Lesdits biens reviennent en effet encore à l’État, et non aux communes, les modifications
introduites à l’article 713 du Code civil par la loi n° 2004-809 d 13 août 2004, relative aux
libertés et responsabilités locales, attribuant les biens sans maître aux communes, n’étant pas
applicables à Mayotte.
Un rapport du Sénat établi sur la gestion du domaine public et privé de l’État outre-
mer, énonce que si les collectivités territoriales situées outre-mer connaissent autant de
difficultés foncières, ce serait en partie « en raison de la confrontation entre un système de
propriété validée par la preuve d’un titre écrit, héritier du droit romain, et diverses formes
traditionnelles d’occupations et d’usages »838. Une harmonisation doit être recherchée.
Une réforme prévue au regard du projet d’ordonnance pris pour l’application de
l’article 3 de la loi n° 2013-1029 du 15 novembre 2013 portant diverses dispositions relatives
à l’outre-mer, autorisait notamment le Gouvernement à rapprocher les dispositions
législatives du CG3P applicables à Mayotte, avec le droit commun839. Les rapporteurs du
Sénat avaient préconisé un audit recensant les archaïsmes, pour à y mettre fin par un
rapprochement avec le droit commun. L’application de la législation sur les baux
emphytéotiques et la reconnaissance de droits réels sur le domaine public était souhaitée840.

837
Loi n° 94-631 du 25 juillet 1994 complétant le code du domaine de l’État et relative à la constitution de
droits réels sur le domaine public, NOR : BUDX9400021L En ligne :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=jorftext000000183763.
838
MOHAMED SOILIHI (Thani), rapporteur coordinateur, GUERRIAU (Joël), LARCHER (Serge), PATIENT
(Georges), rapporteurs, « Domaines public et privé de l’État outre-mer, 30 propositions pour mettre fin à une
gestion jalouse et stérile », rapport d’information du Sénat n° 538, enregistré à la Présidence du Sénat le 18
juin 2015. Publié en ligne : http://www.senat.fr/rap/r14-538/r14-5381.pdf.
839
Idem.
840
Ibidem.

235
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Les dispositions prévues aux articles L5114-2 et suivants du CG3P démontrent bien
un alignement des dispositifs de régularisation foncière concernant Mayotte, intervenu
notamment par l’ordonnance n° 2016-1255 du 28 septembre 2016, et par l’article 115 de la
loi n°2017-256 du 28 février 2017841. Cet article concerne les cessions à titre onéreux des
espaces urbains et d’urbanisation future de la zone des cinquante pas géométriques (ZPG),
aux personnes physiques (ou à leurs ayants droit) y ayant fait édifier, avant le 1er janvier
2007, des constructions à usage d’habitation qu’elles occupent ou donnent à bail à titre de
résidence principale. Les modalités et conditions des cessions et régularisations permises sur
la ZPG ont déjà été mentionnées en amont (article L5114-7 du CG3P notamment). L’article
115 de la loi du 28 février 2017 a notamment modifié l’article L5114-7 du CG3P et créé
l’article L5114-1 du CG3P qui instaure un droit de priorité au profit de l’Etat, lorsque
l’acquéreur a acquis son bien dans le cadre de l’article L5114-7 du CG3P et veut le revendre
dans les dix ans de l’acquisition842.
Les dispositions relatives à Mayotte évoluent régulièrement de manière à aligner le
droit mahorais sur le droit commun français, d’où la nécessité d’une mise à jour progressive
des textes cités aux présentes. À Mayotte, la zone des cinquante pas géométriques a fait
l’objet d’opérations de délimitation par arrêté préfectoral n° 200/SG/DSP du 6 août 2002,
portant clôture de la délimitation du domaine public maritime dans l’ensemble de la
Collectivité départementale de Mayotte. S’agissant des délimitations des zones urbaines et
d’urbanisation future, il y a eu un arrêté par Commune843.
Contrairement à ce qui a été fait en Martinique et en Guadeloupe, il n’a pas été créé à
Mayotte d’Agence des 50 pas géométriques. Mais, pour aider à la réforme à Mayotte, le rôle
des établissements publics fonciers et d’aménagement de l’État y est très important,
puisqu’elles peuvent passer, au nom de l’État, des contrats de concession et de cession, pour
l’aménagement et la mise en valeur des terres domaniales, par convention passée avec l’Etat.
Ces établissements publics fonciers sont donc amenés à intervenir dans la zone des cinquante
pas géométriques, pour les cessions éventuelles, de la manière qui aura été convenue par
l’État, s’agissant de son domaine.
S’agissant des zones naturelles de la zone des cinquante pas géométriques de Mayotte,

841
Loi n° 2017-256 du 28 février 2017, de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres
dispositions en matière sociale et économique.
842
À cette occasion, si l’acquisition avait été réalisée à un prix inférieur à la valeur de France domaine,
l’acquéreur est tenu de rembourser à l’Etat une somme égale à la différence entre le prix de vente et le prix
d’acquisition.
843
Mayotte regroupe 17 Communes.

236
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

ceux relevant de la gestion du Conservatoire du littoral sont estimés à 880 hectares, auquel
il faut ajouter 520 hectares de mangrove. Cependant il n’existe pas encore à Mayotte de
« forêt domaniale du littoral ».

CONCLUSION DU CHAPITRE

La gestion de la zone des cinquante pas géométriques par l’Etat français outre-mer est
controversée. En dépit des apports innovants de la législation de 1996 et des textes
subséquents, qui ont permis à de nombreux occupants sans titre de devenir propriétaires du
terrain d’assiette de leurs constructions, les occupations sans titre persistent.
Le rapport d’activités de l’Agence des 50 pas géométriques de Martinique pour l’année
2017844, résultant du Conseil d’administration de l’Agence du 27 février 2018, fait ressortir
un stock de 891 demandes de régularisations foncières au titre de la loi de 1996, non encore
présentées en commission inter services (Commis), parmi lesquels figurent des dossiers
faisant l’objet d’études en cours845, des dossiers en attente de projets d’aménagement846 et
des dossiers compliqués concernés par une succession en cours847 ou survenue en cours de
procédures. Pour le directeur de l’Agence des 50 pas géométriques de Martinique, deux tiers
des occupants seraient propriétaires, tous moyens de régularisation foncière confondus848.
D’après les renseignements fournis par la directrice de l’Agence des 50 pas
géométriques de Guadeloupe, à ce jour, l'Etat a délivré 810 actes de propriétés sur les
secteurs urbanisés et d’urbanisation diffuse de la zone des 50 pas géométriques849.
Mais en dépit de l’aide exceptionnelle financière à l’acquisition et de l’établissement
des actes de vente par les services de l’État850, certains occupants sans titre ne peuvent
toujours pas accéder à la propriété foncière, en raison de leurs faibles ressources
financières851. D’autres se maintiennent volontairement dans les lieux, sans procéder à la

844
Rapport d’activités 2017, du Conseil d’administration de l’Agence des 50 pas géométriques de Martinique,
communiqué par Monsieur Hervé EMONIDES, directeur de l’Agence.
845
290 dossiers pour le quartier de Volga Plage, et 30 dossiers concernant Pointe des Carrières.
846
54 dossiers sur Pointe Thalémont.
847
170 dossiers recensés.
848
Entretien avec Hervé EMONIDES, Directeur de l’Agence des 50 pas géométriques de Martinique, en date
du 28 décembre 2018.
849
ROCH-BERGOPSOM (Myriam), Directrice de l’Agence des 50 pas géométriques de Guadeloupe,
contribution écrite du 08 août 2019.
850
Ces titres de propriété, établis en la forme authentique administrative, permettent aux occupants se portant
acquéreurs de faire l’économie des honoraires de notaire.
851
Il s’agit souvent de personnes retraitées bénéficiant d’une maigre retraite.

237
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

régularisation, se considérant comme déjà propriétaires des lieux852.


En outre, les procédures de régularisation foncière existantes dans la zone des
cinquante pas géométriques sont limitées dans le temps et dans l’espace, ainsi qu’il est
expliqué en amont. La fin des Agences des 50 pas géométriques est programmée par la « loi
ADOM » du 14 octobre 2015. Ces Agences n’intervenaient que sur la Martinique et la
Guadeloupe. Par ailleurs, les délais de dépôt des titres pour vérification, auprès de la
Commission de vérification des titres de 1996, sont écoulés. Seules les décisions ayant fait
l’objet de recours sont restés en traitement au-delà de la date butoir.
De plus, la problématique de l’usucapion au profit de certains occupants sans titre
demeure posée et suscite encore de l’intérêt. La longue durée d’occupation de certains
occupants sans titre pourrait être évoquée par eux pour justifier une régularisation foncière
par usucapion, mais le domaine public ne se prescrit pas, étant inaliénable et imprescriptible.
Cette question est partiellement réglée par la prise en compte par l’Etat d’une ancienneté
d’occupation pour l’octroi de l’aide exceptionnelle à l’acquisition, qui gagnerait à être
généralisée dans toutes les procédures de régularisation foncière par cession outre-mer.
Les critères d’octroi de l’aide exceptionnelle, précisés par le décret du 30 novembre
2000 susmentionné, tiennent compte des ressources de l’acquéreur et de l’ancienneté
d’occupation853. La régularisation foncière permet aux occupants sans titre d’intégrer le
marché de l’immobilier, et d’obtenir toutes formes d’aides publiques au logement et de prêts
pour la remise en l’état de leur construction. À terme, c’est l’insalubrité qui devrait ainsi être
enrayée sur la zone des cinquante pas géométriques.
Même s’il est affirmé que l’aide exceptionnelle à l’acquisition concerne 45 % des

852
On retrouve les mêmes comportements sur le domaine privé communal, notamment lors des opérations de
régularisation foncière menées dans les quartiers de Trénelle et de Volga Plage, à Fort-de-France.
853
Selon ROSIER (Guy), le montant global de l’aide de l’État (pour la Martinique et la Guadeloupe) pourrait
être calculé en tenant compte : du nombre de cessions susceptibles de bénéficier de l’octroi de l’aide, soit 7500,
de la superficie moyenne des terrains cédés qui est d’environ 250 m², du prix moyen au m² qui est de 61 Euros
environ. M. ROSIER retient la formule suivante pour évaluer le coût de l’aide exceptionnelle de l’État pour la
catégorie de la population dont le revenu net imposable est au moins égal à 70% du plafond et bénéficiant
d’une ancienneté fixée entre le 1er janvier 1975 et le 31 décembre 1980 : [7500 (nombre de parcelles) x 250
(superficie moyenne cédée) x 0,15 (15 % représentant la population de la réserve domaniale dont le revenu net
imposable est au moins égal à 70 % du plafond) x 0,50 (taux de l’abattement applicable dans ce cas) x 0,80
(coefficient d’ancienneté)]. Ce qui aboutit à un coût réel 57,33 % pour une valeur de cession de 115 000 Euros
soit 750 000 Francs (7500 x 250 x 400 F). Pour d’autres exemples et pour de plus amples précisions, il convient
de se reporter à l’ouvrage de M. ROSIER, « L’enracinement créole, chronique de l’extinction du régime
colonial aux Antilles : la zone des cinquante pas géométriques », pp 112 et Ss.

238
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

demandeurs854, attestant ainsi de son succès, il n’en demeure pas moins vrai que la question
d’une inégalité de traitement pourrait être évoquée par les occupants du domaine d’autres
personnes publiques, pour lesquelles aucun dispositif légal d’aide à l’acquisition n’a été mis
en place. Une extension, par le législateur, de l’aide à l’acquisition à toutes les opérations de
régularisation foncière menées par les personnes publiques, est souhaitable.
Par ailleurs, il existe aussi un impératif de protection des zones naturelles, car la
régularisation foncière n’a pas pour objectif de céder à tout prix, mais d’abord et surtout
d’assainir l’occupation des domaines public et privé outre-mer. La protection des zones
naturelles et l’optimisation de leur gestion sont essentiels. À cet égard, les fonctions de
l’ONF et du CLRL font parfois double emploi.
En outre, l’émergence d’une critique de la gouvernance foncière de l’État, ainsi qu’il
ressort des rapports du Sénat cités en amont, a conduit le législateur à adopter la « loi
ADOM » du 14 octobre 2015, prévoyant le transfert des secteurs urbains et d’urbanisation
diffuse au profit de la région de Guadeloupe et de la Collectivité territoriale de Martinique.
Mais les modalités de ce transfert demeurent floues, la question du transfert des ressources
et dotations nécessaires n’étant pas clairement établie855. De plus, cette loi semble minimiser
le travail des agences des 50 pas géométriques appelées à disparaître.
De surcroît, de nombreux points demeurent sans réponse. En effet, qu’en est-il des
titres non validés dans les délais légaux sur la zone des cinquante pas géométriques ou des
demandes de régularisation foncière non effectuées dans les délais légaux ? Les occupants
concernés devront probablement obtenir des autorisations d’occupation temporaire de la part
de l’État, ou souscrire des conventions d’occupation temporaires avec la personne publique
propriétaire. C’est le cas pour certaines familles békés ayant construit de somptueuses
demeures sur le littoral en Martinique. Cette problématique concerne tant les titres non
validés par la commission de vérification des titres, que les occupations non régularisées
dans les délais requis. À défaut de régularisation foncière, des procédures visant à
sanctionner les contrevenants devront être diligentées.

854
LETCHIMY (Serge), Rapport enregistré à l’Assemblée nationale le 19 septembre 2013, fait au nom de la
Commission des Affaires économiques sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à prolonger la
durée de vie des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas
géométriques et à faciliter la reconstitution des titres de propriété en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique,
à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Martin (n°1048).
855
Problématique rappelée lors du séminaire intitulé « Séminaire COFECUB-CAPES IBIS », sur le sujet
« Quand le Droit occupe les 50 pas géométriques, Regards croisés Amazonie – Caraïbe », organisé le 13 mars
2019, à l’Université des Antilles, à l’initiative du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), du
Laboratoire Caribéen de sciences sociales (LC2S), du Laboratoire Forces du Droit, et d’autres laboratoires.

239
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

En conséquence, en dépit de certaines avancées de la régularisation foncière positive


dans la zone des cinquante pas géométriques, les développements effectués en amont
conduisent à constater son inefficience partielle, en raison de la persistance de l’occupation
sans titre, et de nombreuses problématiques connexes dont le règlement doit être pris en
compte par la régularisation foncière outre-mer.

CONCLUSION DU TITRE

L’étude de la régularisation foncière de l’occupation sans titre du domaine public, et


particulièrement de la zone des cinquante pas géométriques dans les collectivités territoriales
de l’article 73 de la Constitution, a permis de mettre en exergue dans un premier temps, la
mise en œuvre d’un kaléidoscope de mesures dérogatoires liés à des statuts contradictoires,
dont certains, hérités de l’histoire coloniale, et d’autres, sui generis, résultant des législations
de 1955 et de 1986 spécifiquement mises en œuvre pour tenter de juguler l’occupation sans
titre outre-mer. Devant l’inefficience de ces dispositifs, des mesures de régularisation
foncière ont été mises en œuvre par le législateur, notamment au travers de la loi du 30
décembre 1996, axant la régularisation sur le titrement, dans le cadre d’une régularisation
foncière désormais majoritairement positive. Mais le domaine privé des personnes publiques
n’est pas en reste puisque, lui aussi, fait l’objet d’occupations sans titre.
Ainsi, après avoir examiné la régularisation foncière de l’occupation sans titre du
domaine public, à travers le cas de la zone des cinquante pas géométriques, il convient de
s’intéresser à la régularisation foncière de l’occupation sans titre du domaine privé des
personnes publiques, en proie à des occupations massives, à travers le cas du domaine privé
communal, sur lequel des opérations de régularisation foncière sporadiques sont menées, et
celui du domaine privé de l’Etat, traditionnellement occupé par des populations locales,
notamment en vertu de droits coutumiers (Titre II).

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DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

TITRE II – RÉGULARISATION DE
L’OCCUPATION SANS TITRE DU
DOMAINE PRIVÉ : LES CAS DES
DOMAINES PRIVÉS COMMUNAL ET
ÉTATIQUE

La régularisation foncière mise en œuvre pour juguler l’occupation sans titre du


domaine privé des personnes publiques, relève prioritairement de la volonté du propriétaire,
personne morale de droit public, tant dans sa mise en place, que dans ses modalités, son
organisation et sa conduite, sauf à prendre en compte l’existence de procédures légales
spécifiques de régularisation foncière.
Avant d’exposer ces procédures, il convient de rappeler que les biens des personnes
publiques qui dépendent de leur domaine privé sont susceptibles d’aliénation, de prescription
acquisitive, même s’ils demeurent insaisissables. Ces biens peuvent faire l’objet de
procédures d’expropriation, supporter les servitudes prévues par le code civil, engendrer la
mise en cause de la responsabilité civile des personnes publiques. En outre, ils bénéficient
d’une fiscalité dérogatoire856.
La gestion des biens dépendant du domaine privé de l’État est confiée au Service
France Domaine, alors que celle des biens dépendant du domaine privé des collectivités
territoriales est effectuée par l’assemblée délibérante dont les décisions sont mises en œuvre
par l’exécutif local. Il en est ainsi pour les biens des régions, départements et collectivités
uniques, mais aussi, sur le territoire de ceux-ci, pour les biens des communes et
communautés de communes.
Toutefois, l’aliénation des biens immobiliers dépendant du domaine privé est
réglementée. Elle doit respecter certains principes, dont celui de l’incessibilité des biens des
personnes publiques à un prix inférieur à leur valeur vénale, et celui de l’interdiction des
cessions à titre gratuit ou à l’euro symbolique, sauf exceptions. Car il existe un principe

856
Les biens du domaine privé bénéficient de la prescription quadriennale, concernant les dettes s’y rapportant
et les personnes publiques bénéficient de la procédure du titre exécutoire pour recouvrer leurs créances.

241
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

d’incessibilité à vil prix de la propriété publique et un principe de prohibition des libéralités


portant sur les biens des personnes publiques. Ce principe résulte notamment de la décision
du Conseil constitutionnel, du 26 juin 1986, « Loi autorisant le Gouvernement à prendre
diverses mesures d’ordre économique et sociale », dite « Loi portant D.M.O.E.S. et
d’habilitation », relative aux lois de privatisation857. Cette jurisprudence est fondatrice à cet
égard et a conduit à la mise en place de certaines règles codifiées dans le CG3P. Il en est
ainsi, sauf pour la personne publique à justifier d’un intérêt général et de contreparties
suffisantes858, ainsi qu’en atteste la jurisprudence administrative résultant de la décision
« Commune de Fougerolles », du 03 novembre 1997, confirmée par un arrêt du Conseil
d’Etat, « Commune de Châtillon-sur-Seine », en date du 14 octobre 2015859.
L’occupation sans titre du domaine privé des personnes morales de droit public est un
fait illicite qui, à défaut de décision de régularisation foncière positive, peut faire l’objet
d’une répression relevant de la compétence des tribunaux judiciaires.
Mais, pour contrer l’occupation sans titre de leur domaine privé, en l’absence de
dispositifs légaux spécifiques, certaines collectivités territoriales de proximité, telles les
communes outre-mer, en partant du droit commun des cessions et des règles générales
relatives aux cessions prévues dans le CGCT et dans le CG3P, et en les complétant à l’aide
de dispositions résultant de leurs expériences sur le terrain, ont mis en place des procédures
sui generis de régularisation foncière, dont l’efficacité dépend de l’adhésion des occupants
sans titre. Ceux-ci doivent solliciter la cession, constituer les dossiers de demande de cession,
fournir les différentes pièces justificatives de leur occupation, de son ancienneté, et
éventuellement de leurs qualités d’ayants droit ou d’ayants cause, et payer le prix de vente,
les frais de bornage et les frais de publicité foncière. La régularisation foncière de
l’occupation du domaine privé dépend également des ressources financières disponibles de
part et d’autre. Il s’agit de véritables initiatives locales, mises en place dans certaines
communes outre-mer860.

857
CC n°86-207 DC, 25 et 26 juin 1986, Loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d’ordre
économique et sociale, dite « Loi portant D. M. O. E. S. et d’habilitation », Rec. p. 61, sur les privatisations.
En ligne : www.conseil-constitutionnel.fr/conseilcon.dc/decision-n-86-207-dc-du-26-juin-1986.8271.html.
858
CE, Sect., 3 nov. 1997, Commune de Fougerolles, Rec. 391., AJDA 1997, p. 110, obs. RICHER (L.). Voir
aussi : LONG (M.), WEIL (P.), BRAIBANT (G.), DELVOLVE (P.), GENEVOIS (B.), Les grands arrêts de la
jurisprudence administrative, Éditions Dalloz, 20ème édition, 2015, p. 257, n° 10, et 15ème édition, 2005, p. 280,
n° 44.11.
859
CE 14 octobre 2015, Commune de Châtillon-sur-Seine, Req. n° 37557, Recueil Lebon. En ligne :
www.conseil-État.fr/fr/arianeweb/ce/decisions/2015-10-14/375577.
860
Par exemple, sur le territoire de la commune de Fort-de-France en Martinique et celui de la commune de
Baie Mahault en Guadeloupe.

242
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Parallèlement, à contrario, la régularisation foncière mise en œuvre pour juguler


l’occupation sans titre du domaine privé de l’Etat outre-mer, bénéficie de procédures
spécifiques prévues à cet effet par le législateur, relevant du code général de la propriété des
personnes publiques ; même si ces mesures mériteraient d’être améliorées, voire étendues
aux autres personnes publiques outre-mer.
En règle générale l’atteinte portée aux biens du domaine privé ne peut être réprimée
par des contraventions de grande voirie, mais relève du droit pénal et de la compétence du
juge judiciaire. Ce juge demeure compétent pour ordonner l’expulsion d’une personne
occupant privativement ce domaine privé. À cet égard, le Conseil d’État, dans un arrêt du
12 décembre 2003, « commune du Lamentin », a considéré « qu’il appartient aux tribunaux
judiciaires de connaître d’une requête tendant à l’expulsion d’un occupant sans titre
d’immeubles relevant du domaine privé d’une commune, à moins que le contrat relatif à
l’occupation de ces immeubles puisse, en raison d’une clause exorbitante du droit commun,
être qualifié de contrat public »861. Il résulte d’une jurisprudence établie862, et notamment de
la décision de la troisième chambre civile de la Cour de Cassation, du 20 janvier 2010, que
« l’occupation sans droit ni titre d’un immeuble appartenant à autrui constitue un trouble
manifestement illicite déterminant la compétence du juge des référés »863.
Ainsi, le contentieux des décisions prises par les personnes publiques pour la gestion
de leur domaine privé relève de la compétence du juge judiciaire. Cette compétence concerne
les actions et demandes relatives à l’expulsion de l’occupant sans titre du domaine privé.
Précision étant ici apportée que le juge des référés du Tribunal administratif est incompétent
pour connaître des demandes d’expulsion d’un occupant sans titre bénéficiant d’un contrat
d’occupation relevant du droit public, mais ayant cessé de produire des effets. À cet égard,
le Conseil d’État, statuant au contentieux, dans un arrêt du 10 octobre 2003, énonce dans
son 5ème considérant que : « considérant qu'à la date de l'ordonnance attaquée, le contrat de
location liant le requérant à la Société nationale immobilière avait cessé de produire ses
effets ; qu'il s'ensuit, alors même que ce contrat aurait eu le caractère d'un contrat de droit
public, que le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux était incompétent pour
connaître d'une demande tendant à l'expulsion d'un occupant sans titre du domaine privé ;
que, dès lors, c'est à tort que le juge des référés a retenu la compétence de la juridiction

861
CE, 12 décembre 2003, Commune du Lamentin, BJCL, n°3/04, p. 185.
862
Civ. 1ère, 24 février 1987, Bull. Civ. I., n° 66.
863
Civ. 3e, 20 janvier 2010. Consulté le 03 août 2017 : http://actu.dalloz-etudiant.fr/a-la-une/article/occupation-
sans-titre-competence-du-juge-des-referes/h/80d3cb6ca8c5175eadea3dfbaab74d5b. html.

243
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

administrative ; que l'ordonnance attaquée doit, par suite, être annulée »864.
Par ailleurs, le cas de l’occupation sans titre de la propriété de personnes privées par
des personnes publiques mérite quelques précisions, car il s’agit d’une question relevant de
la compétence du juge judiciaire, mais si elle est le fait d’une personne publique. La
législation sur les emprises irrégulières et les voies de fait est applicable, à défaut de mise
en œuvre de procédures d’expropriation. Il résulte d’un arrêt du Tribunal des Conflits, du 12
mai 1997, « Préfet de police de Paris c/ TGI de Paris », que l’occupation sans titre de
propriétés privées par des personnes morales de droit public sont communément soumises à
la législation sur les emprises et voies de fait, car elles portent atteinte au droit de propriété
sans pouvoir être rattaché à un pouvoir de l’administration865. Ces atteintes relèvent
ordinairement de la compétence du juge judiciaire.
En outre, la personne publique n’est pas autorisée à procéder à l’expulsion de
l’occupant illégal sans avoir préalablement obtenu une décision d’expulsion de la part du
juge judiciaire, et ce, même après avoir averti l’occupant de l’illégalité de sa situation866. La
procédure diffère lorsque l’occupation sans titre du domaine privé des personnes publiques
a trait à un immeuble ou un lieu habité. Il résulte, en effet, de l’article L411-1 du code des
procédures civiles d’exécution, dans sa version modifiée par l’article 89 de la loi n° 2014-
366 du 24 mars 2014, que « sauf disposition spéciale, [...] l’expulsion […] ne peut être
poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation
exécutoire et après signification d’un commandement d’avoir à libérer les locaux ». Il s’agit
d’une forme de protection de l’occupant sans titre, en dépit de l’illégalité de son occupation,
laquelle ne constitue pour autant pas un délit passible de sanctions pénales867. Des délais
pourront être obtenus par l’occupant sans titre pour la libération des lieux. Toutefois, dans
certains cas, l’évacuation des occupants sans titre peut se faire sans décision de justice. Il en
est ainsi en cas de flagrant délit, et sous réserve d’un consensus trouvé dans les 48 heures.
Passé ce délai, une décision de justice est obligatoire868. L’expulsion d’un occupant sans titre
peut également être effectuée sans décision de justice en cas de péril imminent, au vu d’un

864
CE, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 10 octobre 2003, n° 250493, publié au Rec. Lebon. Consulté en
ligne le 26 mai 2017 : https://www.legifrance.gouv.fr.
865
TC, 12 mai 1997, Préfet de police de Paris c/ TGI de Paris, RFDA 1997, p. 522.
866
Article L411-1 du code des procédures civiles d’exécution.
867
Cependant, la dégradation des biens constitue un délit et est donc passible de sanctions pénales.
868
Il en est également ainsi en cas de violation de domicile. Ce dernier cas induit également une condamnation
pénale devant le tribunal correctionnel. Le propriétaire peut, quant à lui, demander l’expulsion de l’occupant
sans titre, après respect d’une procédure définie et d’un délai d’affichage sur les lieux pendant vingt-quatre
heures d’une mise en demeure notifiée par le Préfet.

244
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

arrêté motivé du maire, et en cas de carence du maire, par le préfet.


Lorsque l’occupation sans titre concerne un terrain, les occupants sans titre qui
l’occupent ont des droits, en dépit de l’illégalité de leur situation. Il peut s’agir de « gens du
voyage », ou de gens sans logement ou soumis à une situation d’extrême précarité. Dans les
collectivités territoriales situées outre-mer, la situation concerne aussi des familles aisées,
installées sur la zone des cinquante pas géométriques depuis des générations. Les différences
entre ces situations ont été évoquées dans l’introduction. Dans tous ces cas, le propriétaire
ou la police ne peut expulser sans décision de justice, sauf dans les cas de résidences mobiles
et de troubles à la sécurité, à la salubrité et la tranquillité publique. Les « gens du voyage »
bénéficie d’une législation spéciale prévoyant notamment la mise en place d’aires d’accueil
par les communes, ainsi qu’il a été exposé en amont, dans l’introduction de cette thèse 869.
Dans ce cadre, le code pénal870 a prévu dans son article 322-4-1871, un délit d’installation en
réunion sur un terrain872.
Après avoir relaté la répression s’appliquant à l’occupation sans titre du domaine privé,
il est important de souligner qu’aucune législation n’empêche les personnes publiques
propriétaires de tolérer la présence d’occupants sans titre sur leur domaine privé, pour des
raisons sociales, humanitaires, politiques ou autres, dans le respect des législations en
vigueur, notamment celles portant sur le respect de la dignité de la personne humaine, celles
touchant au droit de propriété d’autrui, et celles relatives à la tranquillité, la sécurité et la
salubrité publique.

869
La loi du 07 novembre 2018 relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations
illicites modifie celle du 05 juillet 2000, clarifie le rôle des personnes publiques et renforce les sanctions contre
les installations illicites.
870
Tel qu’il résulte de sa version en vigueur au 29 janvier 2017, dans son Livre III intitulé « Des crimes et
délits contre les biens ».
871
Article créé par l’article 53 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003, dite « loi sur la sécurité intérieure ».
872
L’article 322-4-1 du Code pénal stipule que « le fait de s'installer en réunion, en vue d'y établir une
habitation, même temporaire, sur un terrain appartenant soit à une commune qui s'est conformée aux
obligations lui incombant en vertu du schéma départemental prévu à l'article 1er de la loi n° 2000-614 du 5
juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ou qui n'est pas inscrite à ce schéma, soit à tout
autre propriétaire autre qu'une commune, sans être en mesure de justifier de son autorisation ou de celle du
titulaire du droit d'usage du terrain, est puni de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende ».
« Lorsque l'installation s'est faite au moyen de véhicules automobiles, il peut être procédé à leur saisie, à
l'exception des véhicules destinés à l'habitation, en vue de leur confiscation par la juridiction pénale ». Ce délit
est constitué dès lors que le terrain appartient à une personne privée et que les faits sont commis en réunion en
vue d’une habitation même temporaire. Si le terrain est communal, le délit est constitué si la commune s’est
soumise aux obligations découlant de la loi du 5 juillet 2000, incitant à l’installation d’aires d’accueils
aménagées. En l’absence de schéma départemental, c’est l’occupation de terrain privé qui, seule, peut être
sanctionnée. En présence d’un tel schéma, les communes de plus de 5000 habitants ayant réalisé les aires
prévues et les communes de moins de 5000 habitants, non inscrites au schéma, bénéficient du « délit
d’installation sans titre sur terrain d’autrui ». Cf notamment la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003, dite « loi sur
la sécurité intérieure ».

245
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Parmi les procédures de régularisation foncière mises en place dans le domaine privé,
dans les collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution, il est intéressant
d’analyser celles mises en place par les collectivités de proximité et particulièrement par
certaines communes d’outre-mer et parallèlement, de s’attarder sur les dispositifs adoptés
par le législateur pour la régularisation de l’occupation du domaine privé de l’Etat dans
lesdites collectivités.
Les procédures de régularisation foncière mises en place par les communes d’outre-
mer sur leur domaine privé, sont largement inspirées de celles mises en place par l’État dans
la zone des cinquante pas géométriques873. Ces procédures communales se caractérisent par
un souci d’égalité de traitement entre la situation des occupants sans titre du domaine privé
communal et celle des occupants sans titre de la zone des cinquante pas géométriques
appartenant à l’État. Elles sont la résultante d’une volonté politique affirmée de
régularisation foncière, par octroi d’un titre de propriété aux occupants sans titre, et de
reconnaissance d’une sorte de « droit à la Ville » à leur profit874. Ces procédures sont nées
d’une recherche de sécurité juridique et foncière, permettant à la population ciblée d’intégrer
le marché foncier légal.
Des procédures de régularisation foncière ont aussi été menées par certaines
communes sur des propriétés appartenant à de personnes privées, afin d’aligner le traitement
des occupants sans titre desdites propriétés sur celui des occupants sans titre du domaine
privé communal. Dans ces cas, certaines communes outre-mer n’ont pas hésité à se porter
acquéreurs de terrains occupés sans titre, directement auprès des familles propriétaires
concernées, afin de les aménager, puis de les rétrocéder aux occupants à moindre coût. Dans
d’autres cas, les communes servent de médiateurs entre les familles propriétaires et les
occupants sans titre de ces propriétés privées875. Tout cela laisse transparaître, de la part de
certains pouvoirs locaux, un désir d’équité sociale et d’égalité de traitement entre les
administrés occupant des terrains soumis à des régimes juridiques différents.
De son côté, le législateur a prévu des procédures de régularisation foncière de
l’occupation du domaine privé de l’Etat, dont il sera question ci-après.

873
Il en est ainsi des procédures de régularisation applicables dans le quartier « Trénelle ». Dans le quartier de
Volga Plage, où le nombre d’occupants sans titre à régulariser est d’environ 300 environ, très peu d’occupants
possèdent un titre d’occupation, contrairement à Trénelle où un effort de régularisation foncière a d’abord été
consenti par la souscription de baux.
874
Cf. l’ouvrage de LETCHIMY (S.), De l’habitat précaire à la Ville : l’exemple martiniquais, Éditions
L’Harmattan, 1992, 149 pp, plus annexes.
875
Ainsi en est-il, par exemple, pour le quartier Cour Campêche, à Fort-de-France.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Les solutions de régularisation foncière doivent prendre en compte la multiplicité des


formes et motifs de l’occupation sans titre, laquelle est le fait de personnes physiques,
souvent de condition sociale modeste, mais parfois de condition sociale moyenne ou
élevée876, de personnes morales de droit privé, dont les organismes d’HLM, de personnes
morales de droit public, dont les communes elles-mêmes. Dans ce dernier cas, l’objectif
poursuivi est majoritairement l’implantation de constructions pour l’exploitation de services
publics et la réalisation d’opérations d’intérêt général (ex. : implantation de services
municipaux, d’équipements publics, d’écoles, de routes, etc.). Il n’est pas rare de constater
l’implantation de bâtiments destinés à l’habitation à loyer modéré (bâtiments de type
H.LM.), par des bailleurs sociaux, sur des terrains appartenant à des communes877. La
multiplicité des formes et motifs d’occupations sans titre doit être prise en compte.
Le domaine privé le plus impacté outre-mer est celui de l’État, et celui des collectivités
territoriales de proximité que sont les départements, et surtout les communes. D’où l’intérêt
d’étudier les initiatives de régularisation foncière de l’occupation sans titre du domaine privé
communal (Chapitre I), avant de considérer les initiatives étatiques (Chapitre II).

876
DANIEL (Justin), Administration locale et clientélisme, thèse, Université de Paris I, 13 décembre 1983.
Certains auteurs ont pu parler de politique clientéliste dans la gestion de l’occupation sans titre dans les
Collectivités locales d’outre-mer.
877
C’est le cas d’immeubles collectifs sis au quartier Canal Alaric à Fort-de-France, dont l’occupation a été
régularisée par cession au profit du bailleur social, par acte authentique.

247
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

CHAPITRE I – INITIATIVES LOCALES DE


RÉGULARISATION FONCIÈRE DE
L’OCCUPATION SANS TITRE DU DOMAINE PRIVÉ
COMMUNAL

Les régularisations foncières sur le domaine privé sont laissées à l’appréciation des
personnes publiques propriétaires concernées, le régime de protection du domaine privé
étant moins protecteur que celui de leur domaine public. En effet, les biens du domaine privé
sont régis selon les règles du droit privé et aliénables et prescriptibles, sauf restrictions
concernant les forêts domaniales et les biens mobiliers, et sous réserve du respect des règles
prévues par le CG3P.
Le territoire des communes outre-mer est particulièrement impacté par les situations
récurrentes d’occupation sans titre, dues parfois à des politiques publiques locales sociales
voire électoralistes. S’agissant de l’occupation sans titre du domaine privé communal, le
conseil municipal est compétent pour délibérer sur la gestion dudit domaine et les opérations
immobilières s’y rapportant878. Le maire exécute les décisions du conseil879.
Toutefois, rien n’est prévu par le législateur pour la régularisation foncière positive
(par titrement), de l’occupation sans titre du domaine privé des collectivités territoriales de
proximité outre-mer, et notamment des communes. Certaines communes ont donc développé
des procédures de régularisation foncière, fondées sur leurs pratiques locales, entérinées par
les conseils municipaux et mises en place à la diligence des exécutifs locaux. Ces procédures
ont pour but premier de favoriser l’octroi d’un titre de propriété ou de jouissance aux
occupants sans titre, corrélativement leur insertion dans le marché foncier local, et la
transmission de leur patrimoine à leurs ayants droit ou ayants cause.
L’objectif est de mettre fin à l’occupation sans titre, de manière définitive880,
prioritairement par l’accession à la propriété de l’occupant qui, en devenant propriétaire,
s’insère dans le circuit foncier normal, et accessoirement par l’octroi d’un titre de jouissance
(baux notamment) à l’occupant sans titre. Ce type de procédure ne permet habituellement
pas aux communes de s’enrichir, mais diminue pour elles le coût de la gestion de leur foncier

878
Article L2241-1 du CGCT.
879
Article L2122-21 du CGCT.
880
Et non temporaire par la délivrance de conventions d’occupations précaires ou de baux de droit commun.

248
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

illégalement occupé, tout en améliorant leur fiscalité foncière881.


Il est utile de rappeler que le champ d’application du domaine privé est plus large que
celui du domaine public, car il comprend tous les biens qui ne relèvent pas du domaine
public, ainsi qu’il résulte de l’article L2211-1 du CG3P. S’y ajoutent les biens dépendant du
domaine privé par détermination de la loi (article L2211-1 du CG3P), notamment les biens
soumis au code forestier (forêts domaniales)882. Font donc partie du domaine privé, les biens
qui ne sont pas affectés à un service public, ni à l’usage du public, ni à l’utilité publique. Les
réserves foncières et les biens immobiliers à usage de bureaux font partie du domaine privé,
sauf ceux formant un tout indivisible avec des biens appartenant au domaine public 883. Les
biens vacants et sans maître en font partie. Font partie également du domaine privé, les biens
qui, nonobstant leur affectation à l’utilité publique, n’ont pas reçu l’aménagement exigé. Les
« biens communaux » figurent dans le domaine privé des communes884.
Les personnes publiques deviennent propriétaires des biens dépendant de leur domaine
privé par voie d’acquisition à titre onéreux ou à titre gratuit (libéralités, successions tombées
en déshérence, biens sans maître), par voie d’échange, d’expropriation, de nationalisation,
ou par l’exercice du droit de préemption prévu par le code de l’urbanisme. La simple
désaffectation suivie du déclassement d’un bien appartenant au domaine public suffit à le
faire tomber dans le domaine privé.
Le régime juridique de mutation des biens dépendant du domaine privé communal est
dominé par l’application des règles du droit privé, sauf exceptions ou règles exorbitantes du
droit commun. Aliénables et prescriptibles, bien qu’insaisissables885, ils peuvent faire l’objet
d’une acquisition par le jeu de la prescription acquisitive (usucapion) et sont délimités
comme les propriétés privées, par bornage tel que prévu par le code civil. Les litiges ayant
trait aux contrats relatifs au domaine privé (ventes, acquisitions, échanges, etc.), relèvent de
la compétence du juge judiciaire. Des règles particulières s’appliquent aux procédures
d’acquisition et des exceptions s’appliquent au régime juridique des biens du domaine privé.
Les collectivités locales de proximité qui veulent faire œuvre de régularisation
foncière, comme les communes, dont le domaine privé est sujet à l’occupation sans titre, se
trouvent dépourvues de cadre légal adapté à la régularisation foncière. Le législateur n’a

881
Les prix de cession pratiqués tiennent compte de l’aide à l’acquisition adoptée par certaines communes.
882
Et les chemins ruraux, qui eux, obéissent à des régimes particuliers.
883
Article L2211-1 alinéa 2 du CG3P.
884
Ce sont ceux « à la propriété ou au produit desquels les habitants d’une ou plusieurs Communes ont un droit
acquis » (article 542 du Code civil).
885
Article L3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques

249
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

prévu, pour ces collectivités, aucun dispositif similaire à celui de la loi du 30 décembre 1996
prévu pour la zone des cinquante pas géométriques, ou à ceux concernant le domaine privé
de l’Etat, dont il sera question en aval. Ces collectivités locales font donc appel aux règles
générales relatives aux cessions et autres contrats, prévues par le code général de la propriété
des personnes publiques (CG3P) et le code général des collectivités territoriales (CGCT).
Mais ces règles, trop générales, sont inadaptées aux problématiques de l’occupation sans
titre et de la régularisation foncière outre-mer. Aussi, certaines communes ont-elles pris la
décision de s’inspirer des dispositions prévues par la loi du 30 décembre 1996 pour la zone
des cinquante pas géométriques, afin de régulariser l’occupation sans titre de leur propriété.
Dans les collectivités territoriales relevant de l’article 73 de la Constitution, l’objectif
n’a pas toujours été de privilégier la régularisation foncière par cession définitive. De
nombreuses procédures palliatives à la cession ont été utilisées dans un premier temps, pour
juguler l’occupation sans titre de leur domaine privé (Section I).
Néanmoins, au vu des procédures de régularisation foncière par titrement mises en
place par l’Etat dans la zone des cinquante pas géométriques, certaines collectivités de
proximité, dont les communes, ont décidé de régulariser l’occupation sans titre de leur
domaine privé, par la mise en place de procédés similaires, par soucis d’égalité de traitement
entre les administrés des différents domaines, de résorption de l’habitat insalubre, et de
bonne gestion foncière ; d’où l’apparition progressive de véritables procédures de cessions
sui generis au profit des occupants de leur domaine privé (Section II).

SECTION I – DES PROCÉDURES ORIGINELLES


ALTERNATIVES À LA CESSION

Bien avant la loi de 1996, certaines collectivités locales de proximité, outre-mer,


confrontées à l’occupation sans titre de leur domaine privé, ont adopté des procédés de
régularisation foncière alternatifs à la cession, afin de conserver la maîtrise foncière de leur
propriété. Ces procédés consistent principalement en des solutions juridiques unilatérales ou
synallagmatiques886 aboutissant, soit à des transferts de droits de jouissance ou de droits

886
Il ressort de l’article 1106 du Code civil modifié par l’article 2 de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février
2016 que : « Le contrat est synallagmatique lorsque les contractants s’obligent réciproquement les uns envers
les autres ». « Il est unilatéral lorsqu’une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres sans
qu’il y ait d’engagement réciproque de celles-ci. » Il y a donc acceptation du contrat de part et d’autre, même
si l’obligation n’est pas réciproque.

250
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

d’usage et d’habitation887, soit à des transferts de droits de superficie888. Toutefois, ces


procédés limités dans le temps, recréent une situation d’occupation sans titre à défaut de
renouvellement tacite ou exprès, ou en cas de caducité des contrats d’appui.
Ces procédés ambitionnent à terme, d’introduire une forme de protection des
occupants sans titre, bien avant la législation sur les obligations résultant du plan de
prévention des risques naturels. Cette législation a mis en exergue certains risques fonciers
pour les occupants sans titre, et impliqué la responsabilité des collectivités locales et des
exécutifs locaux889.
À la Martinique et à la Guadeloupe, le choix initial de traitement de l’occupation
illégale des terrains communaux, par la souscription de contrats de régularisation foncière
temporaires, tels que les baux de droit commun, baux emphytéotiques et autres contrats
similaires, a été privilégié dans les années 1980 et se raréfie au profit des cessions directes890.
À La Réunion, c’est plutôt le système des concessions qui a longtemps prévalu.
Les procédés de régularisation foncière alternatifs, constituent des outils contractuels,
expression d’une volonté politique d’évitement de la cession, ayant prévalu à une époque où
certaines personnes publiques préféraient garder la « mainmise » sur la gestion de leur
domaine privé. Aussi, la régularisation de l’occupation sans titre des terrains privés
communaux s’est-elle d’abord effectuée, et s’effectue-t-elle encore dans de nombreux cas,
par la mise en place de solutions palliatives à la cession. Ces outils de régularisation foncière
temporaires ont constitué les prémices d’une régularisation foncière définitive, par cession,
actuellement en cours dans certaines communes d’outre-mer891. Dans un premier temps la
délivrance de baux et d’autorisations diverses, légitimant l’occupation ou la construction de
manière temporaire, a été exploitée de manière parfois inadaptée, conduisant à des situations
ambiguës et à des résultats inverses de ceux recherchés, l’occupation sans titre renaissant
avec la caducité du contrat.
Parmi les causes de l’emploi massif de procédés palliatifs à la cession, il faut citer le
coût financier important des opérations de régularisation foncière, eu égard aux populations
occupantes concernées, souvent dotées d’un faible niveau de revenus, et eu égard à

887
Par le biais de baux de droit commun et conventions d’occupation précaire notamment.
888
Ou droits assimilés.
889
Cas des terrains situés en zone rouge du PPRN, incessibles.
890
Cas de quartiers comme Trénelle, Volga Plage, Texaco, etc.
891
Communes de Fort-de-France, du Robert, en Martinique, et commune de Baie Mahault en Guadeloupe.

251
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

l’insuffisance des ressources communales, s’agissant de dépenses d’investissement892. Le


manque de moyens financiers, techniques, matériels et humains notamment en termes de
compétences, peut être mis en exergue. Ces mesures palliatives ont toutefois permis à de
nombreux occupants sans titre, non pas d’accéder à la propriété foncière, mais d’accéder à
un statut d’occupant titulaires d’un titre de jouissance893.
À ce jour, grâce à l’évolution des pratiques de régularisation foncière des communes,
qui privilégient désormais des procédures de régularisation par cession ou délivrance de
titres de propriété, de nombreux occupants sans titre sont devenus propriétaires du terrain
d’assiette de leur construction. De telles opérations de régularisation foncière par cession
ont été mises en place dans certaines communes côtières, notamment à Fort-de-France, à
partir des années 2004894. Les premiers titres, reçus en la forme authentique administrative,
ont pu être délivrés aux occupants au cours de l’année 2006895.
Deux catégories de procédés palliatifs à la cession ont été prioritairement utilisées par
les communes, avant la législation de 1996 : ceux préservant la maîtrise foncière de la
personne publique sur son domaine privé (§1), et ceux conférant une option d’achat à
l’occupant sans titre (§2).

§I. PROCÉDÉS PRÉSERVANT LA MAÎTRISE FONCIÈRE DU


PROPRIÉTAIRE PUBLIC

Certaines communes d’outre-mer ont commencé par répondre à l’occupation sans titre
de leur domaine privé en incitant les occupants à régulariser leur occupation par bail ou

892
Notamment les dépenses de bornages, longtemps prises en charge par les communes, avant d’être répercutés
sur les occupants aspirant à la régularisation foncière par cession.
893
Pour parvenir à la maîtrise globale de l’occupation de son domaine privé et procéder à la régularisation
foncière, la Commune de Fort-de-France a fait l’acquisition, auprès de l’Etat, du foncier occupé sans titre par
de nombreuses familles. C’est le cas du domaine communal privé de Volga Plage, qui dépendait originairement
de la zone des cinquante pas géométriques appartenant à l’Etat. En effet, la Commune est devenue propriétaire
des terrains concernés, par acte reçu par le Préfet de la Martinique, le 14 avril 1987, dont une copie authentique
a été publiée et enregistrée à la Conservation des hypothèques de Fort-de-France (Martinique) le 19 octobre
1987, volume 3285, numéro 29. Aux termes de cet acte, l’État a vendu à la commune de Fort-de-France,
diverses parcelles de terre dépendant de la zone des 50 Pas Géométriques, situées au lieudit Volga Plage, d’une
superficie globale de six hectares cinquante-huit ares soixante-treize centiares (06ha 58a 73ca). Ces parcelles
font actuellement l’objet de procédures de régularisation foncière par cession au profit des occupants sans titre
qui y ont fait édifier leur maison d’habitation, voire même des constructions à usage de commerce. Les
occupants de Volga Plage étaient véritablement des occupants sans titre, aucune régularisation par bail ou
autrement n’ayant précédé la régularisation foncière par cession entamée dans ce quartier en 2006.
894
Des quartiers comme Volga Plage, Trénelle, Redoute, etc., sont concernés.
895
Une structure in house, a été mise en place par Serge LETCHIMY, alors Maire de Fort-de-France, dès
l’année 2006, pour l’établissement des titres de propriété.

252
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

certificats d’occupation unilatéraux délivrés par le maire (dans ce dernier cas sans validation
préalable du conseil municipal). C’est le cas de la commune de Fort-de-France qui, au cours
des années 1920, dans des quartiers tels que « Les Terres Sainville », Trénelle, Texaco,
Volga Plage, a utilisé des outils juridiques alternatifs à la cession, tels que des baux et
certificats d’occupation.
Ces contrats et documents administratifs sont soumis aux règles du droit privé et
relèvent ordinairement de la compétence du juge judiciaire. Toutefois, lorsqu’ils contiennent
des clauses exorbitantes du droit commun896, ils relèvent de la compétence du juge
administratif. L’emploi de ces actes juridiques a pour objectif de régulariser l’occupation,
en conférant un titre de jouissance à l’occupant sans titre. Dans ce cadre, les baux de droit
commun et certificats d’occupation, portent majoritairement sur des terrains et contiennent
généralement des clauses autorisant le preneur à construire sa maison d’habitation. Cela a
accentué le caractère ambigu de ce type de régularisation foncière qui, tout en conférant un
droit de jouissance temporaire, autorise l’édification de constructions à usage d’habitation
au profit du preneur, généralement en dehors des cadres légaux adaptés à cet effet.
Des conséquences fiscales s’attachent aux situations évoquées. Ainsi, les taxes
foncières sur la propriété bâtie sont à la charge des occupants sans titre, considérés par la
municipalité et la trésorerie municipale comme étant, dans les faits, propriétaires de leurs
constructions, dès lors qu’un contrat les relie à la personne publique propriétaire897.
Il est intéressant d’analyser les types de baux mis en œuvre pour régulariser
l’occupation sans titre sur le domaine privé communal sans transfert de droit de propriété

896
La clause exorbitante de droit commun est une « clause ayant pour objet de conférer aux parties des droits
ou de mettre à leur charge des obligations, étrangers par leur nature à ceux qui sont susceptibles d’être librement
consentis par quiconque dans le cadre des lois civiles et commerciales ». Cette définition résulte de l’arrêt
« STEIN », du Conseil d’Etat en date du 20 octobre 1950, n° 98459, Lebon 505. Elle a été reprise par les
juridictions judiciaires (voir, civ. 1ère, 20 septembre 2006, n° 04-13. 480), et par le Tribunal des conflits (voir
T. C. 15 novembre 1999, commune de BOURISP, n° 3144, Lebon). Cette notion a été dégagée par le Conseil
d’Etat dans l’arrêt « Société des granits porphyroïdes des Vosges », du 31 juillet 2012, Req. n° 20701,
mentionné dans l’ouvrage de DEVOLVE (P. ), LONG (M. ), WEIL (P. ), BRAIBANT (G. ), GENEVOIS (B.),
Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, 19e édition, Dalloz 2013, n° 25, et Rec. CE, p. 919, Concl.
BLUM, et apparaît pour la première fois dans l’arrêt du Tribunal des conflits du 07 mars 1923, Sieur
IOSSIFOGLU, Req. n° 69930, Rec. CE, p. 222.
Mais dans un arrêt du 13 octobre 2014, le Tribunal des conflits définit la clause exorbitante comme celle « qui,
notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat,
implique, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs » (voir : T. C. 13
octobre 2014, SA AXA France, IARD, Req. n° 3963, AJDA 2014, 2180, Chron. LESSI (J.) et DUTHEILLET
DE LAMOTHE (L. ).
897
Il convient de noter que les articles 551 et suivants du Code civil énoncent entre autres, que le propriétaire
du terrain revêtu de constructions est présumé propriétaire de ces constructions et qu’il en va de même au cas
où les constructions ont été édifiées par un tiers avec des matériaux appartenant à ce dernier. Les conditions
d’applicabilité de ces articles seront étudiées en deuxième partie du mémoire.

253
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

(A), avant de s’intéresser à la pratique des certificats d’occupations et autorisations


d’occupation précaires qui sont des simulacres de régularisation foncière (B).

A. RÉGULARISATION FONCIÈRE SANS TRANSFERT DE


PROPRIÉTÉ PAR LE BIAIS DE BAUX ET ACTES ASSIMILÉS

Les baux de droit commun et actes assimilés, sont largement utilisés par les personnes
publiques outre-mer, notamment par les communes, dans les années 1980 – 1990, pour
régulariser de manière temporaire, l’occupation sans titre de leur domaine privé. Ils le sont
encore à ce jour, en dépit de la lourdeur de leur gestion dénoncée par les comptables publics
de la trésorerie municipale.
Ce sont des procédés de régularisation foncière temporaires, car leur caducité entraîne
très rarement l’expulsion de l’occupant sans titre, et fait renaître la situation d’occupation
sans titre, les constructions étant considérées par les personnes publiques comme appartenant
déjà aux occupants, sauf cas particuliers (zone naturelle à protéger, zone à risques, etc.).

1) Baux de droit commun assorti de clauses hybrides

Les collectivités de proximité utilisent régulièrement le bail de droit commun, résultant


des articles 1713 et suivants du code civil, en donnant parfois à bail le terrain occupé à
l’occupant sans titre, pour régulariser de manière temporaire, l’occupation sans titre de leur
domaine privé.
Toutefois, le bail de droit commun utilisé pour régulariser l’occupation sans titre dans
certaines communes, est souvent assorti de clauses hybrides, telles qu’une clause de
promesse de vente, un pacte de préférence, et autres avant-contrats insérés dans le bail, afin
de poser les prémices d’une régularisation foncière plus pérenne.
Le bail consenti est de droit commun, car il porte sur un terrain dépendant du domaine
privé communal, « sur lequel repose une construction appartenant déjà au preneur »898. Une
clause selon laquelle la construction reposant sur le terrain donné à bail appartient déjà au
preneur est insérée au contrat de bail, et ceci, nonobstant le fait que le terrain appartienne au
bailleur et que le type de contrat utilisé soit par définition même temporaire.
C’est la preuve que le bail intervient à titre de pré-régularisation de l’occupation sans
titre du preneur, la commune reconnaissant expressément le droit de propriété de l’occupant

898
Clause figurant dans de nombreux baux consentis par la commune de Fort-de-France à certains occupants
de son domaine privé, reconnaissant le droit de propriété du preneur sur la construction.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

sur la construction reposant sur le terrain communal. Ce type de contrat de bail entraîne
généralement l’assujettissement du preneur à la taxe foncière sur la propriété bâtie, la
personne publique demeurant redevable de la taxe foncière sur le non-bâti899.
Lorsque le terrain donné à bail ne supporte aucune construction appartenant déjà à
l’occupant, le contrat de bail comporte généralement une clause autorisant le preneur à y
faire édifier sa maison d’habitation, sous réserve de solliciter les autorisations légales en
matière de construction (permis de démolir, permis de construire, et autres autorisations
requises). En général, le preneur fait édifier, ou édifie par lui-même, ou « par coup de
mains »900, sa construction à usage d’habitation ou autre. À cet égard, il est utile de préciser
que le bail de droit commun ne peut pas être employé par la collectivité publique pour mettre
à la charge du preneur l’obligation de construire sur le terrain du bailleur901. Si les
constructions sont édifiées sur le sol d’autrui, à l’insu du propriétaire du sol, l’administration
fiscale considère que le redevable légal de la taxe foncière sur les propriétés bâties est le
propriétaire du sol. Pour ce faire, elle se base sur l’article 555 du code civil902, confirmé par
un arrêt du Conseil d’Etat « Consorts Lebaudy Luzarche d’Azay », du 23 janvier 1954903.
La régularisation foncière de l’occupation sans titre par bail de droit commun, ne
permet pas au preneur de procéder à la vente de sa construction, sans l’accord préalable de
la personne publique propriétaire du terrain. De même, la construction ne peut être
hypothéquée, eu égard au statut de l’immeuble édifié sur le sol d’autrui.
Dans la majorité des cas, la construction édifiée par le preneur préexiste à la

899
Cf. le Bulletin officiel des impôts, en ligne : http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/3895-
PGP.html?identifiant=BOI-IF-TFB-10-20-10-20190110. Il en résulte qu’en cas de construction que « Si la
construction est faite par le locataire pour remplir une obligation volontairement acceptée et si elle doit, à
l'expiration du bail, être abandonnée sans indemnité au propriétaire, ce dernier en a la propriété dès son
édification et doit seul être imposé à la fois pour le sol et pour l'élévation. ». À contrario : « Si la construction
édifiée par le locataire à ses risques et périls doit être enlevée à l'expiration du bail conformément aux
dispositions écrites ou tacites des parties, ou si le propriétaire la retient contre indemnité, elle est considérée
au point de vue juridique comme appartenant à celui qui l'a fait élever, c'est-à-dire au locataire. Le sol et la
construction élevée sur ce sol sont donc la propriété de deux contribuables différents. Dans ce cas, il convient
de répartir la valeur locative de l'immeuble entre le propriétaire de l'élévation et celui du sol et d'établir une
imposition distincte au nom de chacun d'eux au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties. »
900
Procédé consistant pour le constructeur à édifier lui-même sa construction avec l’aide de voisins et/ou
d’amis. Il s’agit d’un système de solidarité social, qui n’est pas rémunéré par des deniers. La rémunération
consiste souvent un système d’aides réciproques.
901
Contrairement au bail à construction et au bail emphytéotique.
902
BOI-IF-TFB-10-20-10-20190110, du 10 janvier 2019, en ligne : http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/3895-
PGP.html. Voir également 1er alinéa de l’article 555 C. civ. : « Lorsque les plantations, constructions et
ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le
droit, sous réserve des dispositions de l'alinéa 4, soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les
enlever. ». Voir aussi : RM n° 4664 , JO du 20 décembre 1993, p. 4606, question Richemont (H.), et la RM du
Ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie, JO Sénat du 27 janvier 2011, p. 203, question écrite
MASSON (JL).
903
Citée dans le BOI du 10 janvier 2019, op. cit.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
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régularisation foncière de son occupation et est considérée par la personne publique comme
appartenant déjà à l’occupant, lors de la cession du terrain d’assiette. Un plan de bornage ou
de délimitation établi par un géomètre-expert agréé, permet l’identification précise de la
superficie déjà occupée par le preneur et donnée à bail904.

2) Autorisations de cession des constructions

Certaines communes se sont largement illustrées par des pratiques de régularisation


foncière temporaires, allant jusqu’à autoriser la cession des constructions édifiées sur leur
domaine, entre occupants. Cela constitue une avancée significative dans la régularisation
foncière de l’occupation sans titre outre-mer. L’autorisation pour l’occupant de vendre sa
construction à un tiers peut être exceptionnellement accordée par la personne publique
propriétaire, sur demande écrite. Dans ce cadre, la régularisation foncière concernant le
terrain d’assiette de la construction, que ce soit par bail ou par cession, intervient au profit
du tiers acquéreur, au vu des documents translatifs de la construction. Ces pratiques de
régularisation sont réajustées sur le plan juridique et progressivement remplacées par des
politiques de cessions pures et simples en pleine propriété.
En cas de cession de la construction reposant sur le sol d’autrui dans le cadre qui vient
d’être analysé, les conventions finalisant ces transferts sont souvent régularisées par actes
sous seing privé contenant certification des signatures des parties et quittancement du prix
de vente, passés directement entre les parties. Toutefois, elles ne respectent pas les formes
requises pour la publicité foncière. Les transferts de constructions par acte authentiques sont
assez exceptionnels, car rares sont les notaires, officiers publics habilités à authentifier les
conventions entre les parties, qui acceptent d’authentifier le transfert de propriété de
constructions édifiées sur le sol d’autrui, sauf accord préalable du propriétaire.
En effet, la responsabilité juridique du notaire peut être mise en cause si l’acquéreur
n’arrive pas à obtenir de la personne publique, par la suite, la cession du terrain d’assiette de
la construction, d’où l’importance de l’accord écrit préalable de la personne publique
propriétaire. De plus, il s’est révélé judicieux pour certaines personnes publiques d’insérer
dans les baux consentis, des pactes de préférence ou des promesses de vente905.
Bien que le régime juridique du bail de droit commun permette aux parties de convenir
librement de sa durée, il est généralement conclu pour une durée de trois ans, renouvelables.

904
En pratique, il arrive que de simples plans de la superficie occupée sont dressés, ce qui rend incontournable
l’établissement de plans de bornage dans la procédure de cession.
905
C’est le cas à Fort-de-France, dans des quartiers tels que Trénelle. Des baux de droit commun contiennent
des promesses de vente et des pactes de préférence.

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Très usité par certaines communes, le bail de droit commun, peut être considéré comme une
forme de « contrat social »906 entre la commune et ses occupants, tant il est modelé pour
conférer à ces derniers un titre de jouissance et une forme de reconnaissance politique de
leur droit sur la propriété foncière. Par le biais du bail de droit commun, certaines communes
peuvent régulariser à moindre coût la situation d’occupants sans titre de leur domaine privé,
moyennant le paiement d’un loyer annuel très modique. Ce loyer est fonction de la superficie
du terrain occupé et de son positionnement par rapport à l’artère principale du quartier.
Bien que ce mode de régularisation foncière temporaire soit très largement utilisé par
les communes, il comporte un inconvénient important, car en cas de non-renouvellement des
baux concernés pour quelque raison que ce soit, par suite de décès, de mésentente familiale,
ou pour toute autre raison, en cas de caducité du bail, ou en cas de nullité, les occupants se
trouvent replacés dans une situation d’occupation sans titre, et d’illégalité foncière.
Le bail de droit commun constitue donc un instrument de régularisation qui demeure
temporaire et imparfait, en raison des motifs de nullité et des inconvénients de ce type de
contrat pour une régularisation foncière définitive907.
Ceci revient à constater que l’occupation sans titre du domaine privé des personnes
publiques outre-mer n’est pas une situation figée, mais mouvante, au gré des circonstances
entourant la vie de ses occupants.

3) Baux d’habitation et baux à usage mixte

En dehors du bail de droit commun, le bail d’habitation et le bail à usage mixte


d’habitation et professionnel sont peu utilisés par les collectivités locales outre-mer pour la

906
LETCHIMY (Serge), « De l’habitat précaire à la ville : l’exemple martiniquais », op cit.
907
Lorsque le contrat de bail est conclu pour une durée déterminée le contrat cesse à l’arrivée du terme. Mais
si le bailleur n’adresse pas de congé à l’arrivée du terme, le contrat de bail est reconduit tacitement. En cas de
délai maximal de jouissance convenu, le contrat de bail cesse à l’arrivée du terme, mais également après congé
délivré par l’une des parties pendant cette durée. Si le contrat est expressément prorogé, il prend fin à l’arrivée
du terme convenu. En cas de tacite reconduction, si le locataire reste dans les lieux à l’arrivée du terme, sans
opposition du bailleur, un nouveau contrat, à durée indéterminée cette fois, se forme, dans les mêmes conditions
que le bail initial. Pour éviter cette reconduction tacite, le bailleur doit délivrer un congé en respectant le délai
de préavis. Le congé peut également être notifié par le bailleur avec offre de renouvellement du contrat, à de
nouvelles conditions. Si le contrat de bail est à durée indéterminée, il cesse lors du congé délivré par l’un des
cocontractants, respectant un délai de préavis conforme aux usages locaux. Il convient de préciser que les baux
à perpétuité, indéfiniment renouvelables et reconductibles, transmissibles aux héritiers, sont nuls. Cette nullité
peut être évoquée pendant 30 ans à compter de la signature du contrat. Par contre, est valable le contrat de bail
conclu pour la durée de vie du locataire et de ses ayants droit, et prévoyant à cet effet un droit au renouvellement
du contrat, et qui cesse au décès desdits héritiers, la durée du bail étant déterminée. Cf. CA, Paris, 14 novembre
2013, Pôle 4, 3ème Ch., n° d’inscription au répertoire général : 11/21436. Cf. également Cass., 3ème ch. Civile,
30 novembre 1983, pourvoi n° 82-13223, publié au Bulletin et sur le site Legifrance. Cet arrêt de rejet, conclut
à la validation du bail conclu pour la durée de vie du locataire et de ses enfants. Selon cette décision, justifie
légalement sa décision, la Cour d’appel qui retient exactement que le bail ayant pour terme le décès des
locataires ou de leurs enfants, ne peut être considéré comme perpétuel.

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régularisation de l’occupation sans titre de leur domaine privé, dans la mesure où les
constructions édifiées sur le sol sont souvent considérées par ces personnes publiques
comme appartenant déjà à l’occupant. À défaut, elles sont susceptibles de faire l’objet d’une
injonction de démolition. De plus, le régime des baux d’habitation et à usage mixte est
complexe et tributaires de nombreux paramètres908 et de dispositions législatives strictes, que
le cadre de l’occupation sans titre respecte peu.
Jean-Luc AUBERT a pointé du doigt l’instabilité du droit en la matière, conduisant à
une forme d’insécurité juridique909, en raison des nombreuses lois venues réformer le régime
des baux d’habitation, et laissant peu de place à la liberté contractuelle. En effet, plusieurs
réformes ont précédé la loi du 6 juillet 1989, notamment la loi n° 82-526 du 22 juin 1982
dite « loi QUILLOT » et la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 dite « loi
MEHAIGNERIE ». La plupart des baux à usage d’habitation relèvent de la loi « BESSON »
n° 89-462 du 6 juillet 1989910, exclusion faite des locations meublées, logements de fonction,
locations saisonnières, et des logements relevant de la loi du 1er septembre 1948 dont le
champ d’application est réduit. La loi de 1989 a été réformée par la loi de mobilisation pour
le logement et la lutte contre l’exclusion, du 25 mars 2009911, dite « Loi BOUTIN », laquelle
impose l’indication de la surface habitable. Ella a été profondément remaniée par la loi n°
2014-366 du 24 mars 2014912 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite
« loi ALUR », contenant plusieurs dispositions visant à lutter contre l’habitat indigne.
Ce type de bail reste toutefois très peu utilisé par les communes et autres personnes
publiques, les constructions reposant sur leur domaine privé, édifiées par les occupants, étant
considérées par les personnes publiques propriétaires du terrain, comme étant la propriété
desdits occupants. Lesquelles personnes publiques renoncent à la théorie de l’accession pour
faciliter la régularisation foncière.
Mais, il convient de s’intéresser aux pratiques de régularisation foncière par des
procédés plus précaires, dont font partie les certifications d’occupation et les conventions
d’occupation précaire (B).

908
Date de la construction, localisation de la construction, description du logement, de ses annexes, aides
financières accordées, âge de l’occupant, surface habitable, etc.
909
AUBERT (Jean-Luc.) La location d’habitation. Loi du 6 juillet 1989. S. 1990, n°2.
910
Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, tendant à améliorer les rapports locatifs et modifiant la loi du 23 décembre
1986, NOR : EQUX8910174L.
911
Loi n° 2009-323 du 25 mars 2009, relative de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion,
publiée au JORF n° 0073 du 27 mars 2009 p. 5408, texte n° 1.
912
Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, publiée au JORF n° 0072 du 26 mars 2014 p. 5809, texte n° 1.

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B. PRATIQUE DES CERTIFICATS D’OCCUPATION ET


AUTORISATIONS D’OCCUPATION PRÉCAIRE

Pour permettre aux occupants sans titre de leur domaine privé de procéder à la
réparation de leur logement, d’édifier ou d’achever leur construction, des certificats
d’occupations et autorisations d’urbanisme diverses sont délivrés par certaines communes,
en attendant la mise en place de procédés de régularisation foncière plus efficaces, par bail
ou par cession au profit de l’occupant. Par ailleurs, des autorisations d’occupation temporaire
ou des conventions d’occupation temporaire sont aussi délivrées par les personnes publiques.

1) Certificats d’occupation précaires et autorisations d’urbanisme

Les certificats d’occupation sont surtout perçus comme des documents d’attente,
préalables à l’établissement d’un titre de jouissance (bail) ou d’un titre de propriété au profit
de l’occupant sans titre. Ils sont généralement délivrés pour permettre aux occupants sans
titre d’effectuer différentes démarches administratives913. Il s’agit notamment de leur
permettre de déposer auprès des services d’urbanisme ou techniques des mairies, des
demandes d’autorisation d’effectuer des travaux sur leurs constructions914.
Quant aux autorisations d’urbanisme proprement dites, elles n’ont pas pour objectif de
régulariser l’occupation, mais plutôt de sécuriser l’édification de la construction par le
respect de règles et autorisations d’urbanisme, rares dans les situations d’occupation sans
titre. Déclarations d’effectuer des travaux et permis de construire, assortis de certificats de
conformité, sont autant de documents d’urbanisme qui viennent toutefois conforter
l’occupation. Ils constituent indirectement des justificatifs d’occupation dont les occupants
peuvent se prévaloir pour attester de leur occupation et de la connaissance de cette
occupation par la personne publique propriétaire.
Il peut être constaté dans certaines communes, la délivrance de véritables permis de
construire par les services d’urbanisme, sur la base de simples certificats d’occupation. Ces
certificats d’occupation, alliés aux délivrances d’autorisations d’effectuer des travaux ou aux
permis de construire délivrés, confortent dans les faits les droits des occupants sans titre sur
la construction. Les autorisations d’urbanisme et d’effectuer des travaux, délivrées par les
services de la collectivité territoriale dont le domaine privé est occupé sans titre, peuvent

913
Installation de l’eau, de l’électricité, dépôts de dossiers auprès des organismes sociaux et d’amélioration de
l’habitat éventuellement.
914
C’est le cas de la commune de Fort-de-France qui, dans certains cas, a procédé à la délivrance de tels
documents concernant l’occupation sans titre de son domaine privé à Volga Plage » ou « Trénelle ».

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être regardées, dans une certaine mesure, comme une sorte de titre d’occupation ou de
jouissance. Elles démontrent une grande tolérance de la part des communes vis-à-vis de
l’occupation sans titre de leur domaine privé, voire même la reconnaissance implicite ou
explicite par lesdites collectivités de proximité d’un droit de propriété de l’occupant sur les
constructions, préfigurant l’existence d’une sorte de droit de superficie consenti de facto.
La délivrance de certificats d’occupation et documents d’urbanisme, est de nature à
entraîner des conséquences juridiques insoupçonnées, dont certaines sont sus relatées, pour
des collectivités locales simplement désireuses de permettre aux occupants sans titre de se
loger décemment915 et de sortir de la marginalité. Il devient alors plus difficile pour la
personne publique de refuser la régularisation foncière par bail ou par cession, même lorsque
les conditions n’en sont pas remplies (zones naturels, zones à risques). Ces documents
donnent une sorte de titre d’occupation concernant la construction, voire un droit de
superficie informel, même si ces titres d’occupation peuvent être remis en cause par la suite
par la collectivité locale concernée pour des raisons liées notamment à la sécurité, à
l’aménagement, à la prévention contre les risques naturels et technologiques.
C’est donc également sur la base de ce type de documents, alliés aux autres procédés
de régularisation temporaires, que certains quartiers populaires ont pu prendre forme916. La
pénurie de logements sociaux n’est pas étrangère à la délivrance de ce type de documents
par les communes. Cette attitude est basée notamment sur une forme de soutien social et de
solidarité vis-à-vis d’une population souvent confrontée à des conditions de vie difficiles.
Mais, c’est tout le contentieux de la construction sur le sol d’autrui qui est ici pressenti.
En définitive, le bilan des différentes solutions intermédiaires ci-dessus exposées,
révèle une inadaptation sur le long terme, des procédés de régularisation foncière
temporaires employés, car ceux-ci ne font que repousser la régularisation foncière définitive
et la rendre plus délicate. Étant ici précisé que lorsque ces procédés temporaires arrivent à
terme, ils ne sont pas forcément renouvelés, replaçant ainsi l’occupant dans une situation
d’illégalité foncière, à défaut de renouvellement expresse ou tacite.

915
La SIMAR, propriétaire foncier d’une partie du domaine privé de Volga Plage, refuse la délivrance de
certificats d’occupation aux occupants sans titre, pour diverses raisons, parmi lesquelles celles évoquées dans
la présente étude ne sont peut-être pas étrangères.
916
Cf. à propos de la tentative avortée de la Ville de Fort-de-France de créer des lotissements communaux en
bonne et due forme, l’ouvrage de LETCHIMY (S.), De l’habitat précaire à la Ville : l’exemple martiniquais,
Éditions L’Harmattan, 1992, 149 pp, plus annexes.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

2) Autorisations et conventions d’occupations précaires

Moins lourdes à mettre en place qu’une véritable procédure de régularisation foncière


par cession ou même par bail de droit commun, les autorisations d’occupation précaires
peuvent être vues comme des actes unilatéraux accordant à l’occupant sans titre une
régularisation temporaire qu’il faudra renégocier tôt ou tard. Ces autorisations se distinguent
des simples certificats d’occupation précaires qui ne font que constater une situation de fait.
Elles peuvent prendre la forme de conventions d’occupation temporaire ou précaire.
Les autorisations d’occupations précaires portant sur le domaine privé constituent le
pendant des autorisations d’occupation temporaire (AOT) permises sur le domaine public
des collectivités territoriales, et codifiées aux articles L1311-5 à L1311-7 du code général
des collectivités territoriales, relatées en amont.
Les conventions d’occupations temporaires du domaine privé constituent
généralement des contrats de droit privé, sauf si elles contiennent des clauses exorbitantes
du droit commun. Leur particularité résulte dans leur précarité qui permet à la collectivité
propriétaire de récupérer le bien immobilier à tout moment, pour motif d’intérêt général 917.
Mais si les locaux concernés satisfont aux dispositions de l’article L145-1 du code de
commerce, ils sont soumis au statut des baux commerciaux de plein droit.
Il résulte de l’article 4 de la loi du 18 juin 2014918 que, quelle que soit sa durée, la
convention d’occupation précaire se caractérise par le fait que « […] l’occupation des lieux
n’est autorisée qu’à raison de circonstances particulières indépendantes de la volonté des
parties ». Ces circonstances s’apprécient au moment de la signature de la convention et
doivent être objectives919.
La précarité de la convention réside donc dans cet aléa, et dans la modicité de la
redevance qui en découle, en raison de la fragilité du droit de jouissance de l’occupant. La
précarité de l’occupation réside dans sa fragilité, et non dans le fait qu’elle soit à durée
déterminée ou indéterminée. La convention est placée hors du champ d’application du statut
du bail commercial920, mais y est soumis si elle vise à en détourner l’application. Ce type de
contrats est très peu pratiqué sur le domaine privé des communes et collectivités locales en
général, car sa proximité avec le bail dérogatoire fait peser sur elle un véritable risque de

917
Cass. Civ. 3ème, 16 avril 1970, n°68-14387.
918
Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, publiée
au JORF n°0140 du 19 juin 2014 page 10105, texte n° 1.
919
Indépendantes de la volonté des parties.
920
Cf. article L.145-5-1 Code de commerce.

261
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

requalification en un tel bail, dont la durée ne doit pas être supérieure à trois ans921. Car au-
delà de trois ans, le statut du bail commercial, véritable « propriété commerciale » dont la
durée minimale est de neuf ans, s’applique. Mieux encore, certains occupants, alors dans la
précarité sociale, arguent d’un accord verbal de la part de certains exécutifs locaux les
invitant à s’installer sur le domaine privé, en raison de leur situation sociale922.
Dans l’ouvrage « De l’habitat précaire à la Ville : l’exemple martiniquais », Serge
LETCHIMY explique très bien ce processus d’appropriation des terrains, et de reproduction
de l’appropriation, donnant naissance à l’immobilier populaire. Il y explique l’importance
prise par ces quartiers populaires et cite, à côté des quartiers populaires de Fort-de-France,
ceux de Santo Domingo, de Port-au-Prince, de RIO et d’ailleurs923. Des schémas y retracent
les étapes de l’appropriation qui passent de l’état de survie, à la fixation, puis à la
reproduction924.
Par ailleurs, les collectivités territoriales de proximité procèdent également à la
régularisation foncière de l’occupation sans titre de leur domaine privé, par des procédés
concédant une partie de la maîtrise foncière dudit domaine aux occupants, démontrant ainsi
leur volonté de régularisation foncière (§2).

§ II. PROCÉDÉS CONCÉDANT PARTIELLEMENT LA


MAÎTRISE FONCIÈRE DU DOMAINE PRIVÉ AUX OCCUPANTS

Pour optimiser la régularisation foncière de l’occupation sans titre de leur domaine


privé, sans transfert immédiat de la propriété, certaines communes d’outre-mer adoptent de
véritables contrats de location-vente et location-accession925. D’autres préfèrent insérer dans
le corps des baux de droit commun consentis, des promesses de vente, pactes de préférence,
et autres clauses créatrices de droits926, pour échapper à la rigidité des deux contrats cités.

921
Il a été utilisé à Mayotte pour régularisation l’occupation traditionnelle du domaine public maritime par les
Mahorais y habitant depuis de nombreuses générations. Il est aussi utilisé aux Antilles mais de manière plus
ciblée.
922
Par exemple, certains occupants sans titre n’hésitent pas à rapporter avec fierté qu’Aimé CESAIRE, sensible
à la souffrance du peuple, les avait invités à s’installer sur le domaine privé communal.
923
LETCHIMY (Serge), De l’habitat précaire à la Ville : l’exemple martiniquais, Éditions L’Harmattan, 1992,
149 pp, plus annexes, pp 17 et Ss.
924
Idem. Pp. 40 et Ss.
925
Cas de la commune du Robert en Martinique.
926
C’est le cas pour la commune de Fort-de-France, qui a inséré des clauses de « promesse de vente » et des
« pactes de préférence » au profit du preneur, dans les baux consentis dans les quartiers d’habitat spontané

262
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Ces clauses engagent la personne publique propriétaire, et créent des droits réels au bénéfice
du preneur, transmissibles à ses ayants droit ou ayants cause.
Par ailleurs, le domaine privé des personnes publiques, notamment des communes,
n’est pas seulement occupé par des constructions à usage d’habitation. Des constructions à
usage commercial, où se trouvent exploitées, par exemple, des épiceries de quartiers,
reposent sur des terrains communaux927. Les terrains d’assiette de ces constructions à usage
commercial, font l’objet de régularisations foncières temporaires, par le biais de baux de
droit commun assortis de loyers plus élevés, ou par le biais de baux commerciaux.
Le statut du bail commercial offre à l’occupant des garanties de stabilité, notamment
en raison de la « propriété commerciale » qu’il induit, d’où la rareté de son application dans
la cadre de la régularisation foncière.
Il est par conséquent essentiel d’analyser les modalités de régularisation foncière
assorties d’une option d’achat ou d’une promesse de vente (A), avant de s’attarder sur celles
assorties d’un quasi-droit de propriété (B).

A. MODALITÉS ASSORTIES D’UNE OPTION D’ACHAT OU


PROMESSE DE VENTE AU PROFIT DE L’OCCUPANT

Pour parvenir à la régularisation de l’occupation sans titre de leur domaine privé,


certaines collectivités de droit commun, et particulièrement certaines communes outre-mer,
ont utilisé et utilisent encore des modalités de régularisation foncière transitoires, consistant
en des baux de droit commun assorties de promesses de vente, de pactes de préférences, ou
en des contrats de location-vente ou encore de location-accession.

1) Utilisation de baux de droit commun avec promesse de vente ou pacte


de préférence

Le procédé de régularisation foncière par contrat de bail de droit commun, assorti


d’une promesse de vente, semble se rapprocher de la location-accession, mais constitue, en
réalité, la simple juxtaposition de deux contrats : un bail de droit commun consenti sur trois
ans, renouvelable par tacite reconduction, déjà étudié en amont, et une promesse de vente au
profit du preneur. En effet, la location-accession obéit à des conditions strictes ainsi qu’il
sera constaté en aval. La promesse de vente ainsi insérée dans le bail constitue une véritable

(Trénelle par exemple) ou dans certaines zones d’aménagement concerté (ZAC) créées pour répondre au besoin
de relogement d’occupants (Zac de Chateauboeuf, en Martinique).
927
Cas des quartiers Trénelle, Volga Plage, à Fort-de-France.

263
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

promesse de vente créant des droits et obligations au profit des parties et engageant le
promettant, personne publique, de la même manière qu’un vendeur particulier. Les droits
résultant de cette promesse de vente sont transmissible aux ayants droit ou ayants cause du
bénéficiaire.
Par ailleurs, le procédé voisin de régularisation foncière par contrat de bail assorti d’un
pacte de préférence au profit du preneur, permet à l’occupant, en cas de cession du terrain
par le propriétaire, d’être prioritaire par rapport à d’autres acquéreurs, le vendeur devant
nécessaire purger ce pacte de préférence avant toute cession à un tiers acquéreur. Si rien
n’est stipulé dans le contrat, ce pacte de préférence est transmis aux ayants droit.
Ces clauses, dont la durée est souvent calquée sur celle du contrat de bail principal, se
trouvent renouvelées expressément ou tacitement en même temps que les baux qui les
renferment928. En outre, en cas de décès des occupants titulaires de baux, lesdits baux sont,
selon les cas, soit transférés, soit renouvelés, au profit des héritiers et ayants cause, ce qui
entraîne une gestion très lourde sur le long terme pour les services concernés929.
Toutefois, l’examen de la pratique de certaines communes, monte que l’insertion de
promesses de vente et de pactes de préférence dans les contrats de bail demeure
insuffisamment encadrée sur le plan juridique. Souvent, la promesse de vente insérée dans
ces contrats baux ne comporte ni date de réalisation pour la levée de l’option, ni clause
pénale, ni aucune précision sur une éventuelle indemnité d’immobilisation, ni conditions
suspensives. En outre, la question du prix de cession reste fréquemment en suspens dans ces
contrats. Lorsque le prix est déterminable (par exemple par référence à l’estimation du
service France domaine), les risques sont restreints930.
La personne morale de droit public se retrouve ainsi liée, sans aucun garde-fou pour
le cas où elle ne serait pas en mesure de vendre pour raison d’urbanisme, de risques naturels
ou technologiques, ou autres raisons habituellement soumises à condition suspensive ou
résolutoire. L’occupant peut ainsi contraindre la personne publique à vendre, même après de
nombreuses années, voire même exiger le paiement de dommages-intérêts, sauf pour la
personne publique à évoquer des causes de nullité du contrat. D’un autre côté, aucune

928
Voir les observations formulées ci-dessus.
929
C’est le cas pour la commune de Fort-de-France, et notamment pour les services ayant en charge la gestion
du domaine privé communal, mais aussi pour les trésoriers principaux qui sont confrontés à ces contrats et à
la gestion lourde qu’elles impliquent.
930
Dans certains cas il est fait référence au prix du marché ou au prix tel qu’il sera déterminé par le service
France Domaine. Mais parfois, la promesse de vente porte sur un bien dont le prix de vente n’est pas fixé ou
déterminable au moment où elle est consentie, ce qui crée une forme d’insécurité.

264
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

condition suspensive n’est insérée au profit de l’occupant. Mais en pratique, les personnes
publiques n’obligent pas l’occupant à acquérir.
Parallèlement, l’insertion d’un pacte de préférence non publié au service de la publicité
peut comporter des risques, le bail étant généralement établi sous seing privé par les
communes, nonobstant le fait qu’il comporte une clause de pacte de préférence. Or, pour
être opposable aux tiers, le pacte de préférence doit faire l’objet d’une publicité foncière. À
défaut, il n’est valable qu’entre les parties, et vis-à-vis de ceux auxquels il a été notifié.
Cette pratique de l’insertion de clauses de promesse de vente et de pacte de préférence
dans les baux, est créatrice de droits réels pour l’occupant et ses ayants droit. Il en résulte en
effet qu’en cas de décès de l’occupant initial, les droits résultant de toute promesse de vente
ou de pacte de préférence sont transmissibles à ses ayants droit ou ayants cause. L’acte de
notoriété après décès est alors sollicité, lors de la levée de l’option par les ayants droit.
L’insertion de promesses de vente dans les baux, bien que créatrice de droits réels,
peut être source de confusion pour certains occupants sans titre qui considèrent que les loyers
versés pendant des décennies constituent le paiement du prix d’acquisition, alors qu’en fait,
il ne s’agit que de la rémunération de la jouissance du bien.
Promesses de vente et pactes de préférence constituent de véritables droits réels
concédés par la personne publique aux occupants de son domaine privé, et qui doivent être
exécutés ou à défaut, être purgés en cas de vente à un tiers. Il s’agit donc de véritables droits
dont le bénéfice revient aux ayants droit du preneur en cas de décès, ou à ses ayants cause.
Cette situation exige la production incontournable d’un acte de notoriété après décès pour
identification des héritiers. Dans ce cas, la cession du bien, objet de la promesse de vente,
intervient au profit des ayants droit du preneur, en proportion de leurs droits dans la
succession de leur auteur, ou aux ayants cause du preneur (tiers acquéreurs, etc.).
Le bail avec clause de promesse de vente ou pacte de préférence, pratiqué par certaines
collectivités de manière quasi sui generis, doit être distingué de la location-accession et de
la location-vente qui sont des procédés encadrés par la loi, mieux adaptés à la régularisation
et dont l’utilisation est constatée dans le cadre de la régularisation foncière par certaines
communes931.

2) Mobilisation de la location-vente et location-accession

Certaines personnes publiques régularisent l’occupation de leur domaine privé, au

931
Cas de la commune du Robert, en Martinique.

265
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

moyen de contrats intitulés indifféremment « location-vente » ou « location-accession »932.


Or, le contrat de location-vente prévoit un transfert de propriété automatique, à
l’expiration de la période de jouissance assortie de versements destinés à être imputés sur le
prix de vente933. Il se différencie du contrat de location-accession essentiellement en ce que
le contractant n’a pas, à la différence de l’accédant, à manifester sa volonté d’acquérir. Il n’y
a pas de levée de l’option mais accord ferme des deux parties sur le transfert de propriété,
assorti de modalités de paiement du prix et d’un différé du transfert de propriété qui ne
constitue pas une location-accession934.
De son côté, la location-vente est à rapprocher de la location avec promesse de vente
qui se différencie également de la location-accession, car il y a dualité de contrats
simplement accolés, chacun gardant son individualité : d’une part une location soumise au
régime des baux d’habitation et d’autre part une promesse unilatérale de vente. Dans la
location avec promesse de vente, les versements effectués correspondent aux loyers sans
imputation possible sur le prix de vente. Ces catégories de contrats ne doivent pas être
confondues avec la vente moyennant un prix payable à tempérament.
La location-accession est utilisée par les communes de manière très parcimonieuse, en
raison de son cadre très strict. De plus, elle ne s’applique qu’aux immeubles à usage
d’habitation ou à usage mixte, professionnel et d’habitation. Elle pourrait être utilisée dans
le cadre de la vente de logements locatifs sociaux (LLS) ou, éventuellement, dans le cadre
de logements évolutifs sociaux (LES). Mais elle ne peut pas être utilisée pour la location de
terrains nus, les constructions édifiées sur lesdits terrains étant considérés, par les personnes
publiques propriétaires du sol, comme étant déjà la propriété de l’acquéreur (seul le terrain
d’assiette est vendu). Ce procédé a cependant été utilisé par certaines communes, dont celle
du Robert en Martinique, pour faciliter la régularisation foncière. Toutefois son dénouement,
qui intervient des années après, n’est pas toujours maîtrisé au niveau communal.
Instauré par la loi n°84-595 du 12 juillet 1984, le contrat de location-accession à la
propriété immobilière est un contrat par lequel un vendeur s’engage envers un accédant à la
propriété à lui transférer, par la manifestation ultérieure de sa volonté exprimée par lettre

932
La commune de Fort-de-France en Martinique, qui a pratiqué un système juridique de location-vente,
portant sur des logements évolutifs sociaux (L.E.S.), en permettant aux occupants de verser le prix de vente
sur quinze ans. Toutefois, dans les cas examinés, les actes n’avaient pas été publiés au service de la publicité
foncière. Les montants versés ont intégralement servi au paiement des prix de vente, parce qu’il s’agissait de
logements livrés inachevés (cas de régularisations foncières au quartier Châteauboeuf).
933
Jurisclasseur Formulaire Notarial, n° 17, Location-Accession, Fasc. 10, I, B, 57.
934
Jurisclasseur Formulaire Notarial, n° 17, Location-Accession, Fasc. 10 à 30.

266
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

recommandée avec demande d’avis de réception, et après une période de jouissance à titre
onéreux, la propriété de tout ou partie d’un immeuble, moyennant le paiement fractionné ou
différé du prix de vente et le versement d’une redevance jusqu’à la date de la levée d’option.
La redevance étant la contrepartie du droit de l’accédant à la jouissance du logement et de
son droit personnel au transfert de la propriété du bien935.
Il s’agit d’une transposition de la pratique antérieure de la location avec promesse de
vente, placée par la loi de 1984 dans un cadre législatif déterminé, dans un but de protection
de l’accédant, lorsque le contrat porte sur un immeuble à usage d’habitation ou professionnel
et d’habitation. Le projet de loi a abouti au mécanisme particulier et limité de la location-
accession. Cette loi revêt un caractère d’ordre public, ainsi qu’il ressort, tant de la doctrine
dominante936, que de la jurisprudence de la Cour de cassation qui sanctionne par la nullité
les manquements à l’article 4 de la loi ; lequel article impose la conclusion du contrat par
acte authentique937.
Pour qu’il y ait location-accession, il faut qu’il y ait un contrat authentique (c’est-à-
dire un accord de volontés constaté par un officier public), une période de jouissance
préalable dont la durée est indiquée dans le contrat (les parties peuvent convenir d’une
occupation par une tierce personne), l’engagement du vendeur qui revêt un caractère
définitif. Il faut en outre que l’accédant bénéficie d’une option qui est de l’essence même du
contrat de location-accession. Il pourra, soit lever l’option et se porter acquéreur, soit ne pas
lever l’option et ne jamais devenir propriétaire de l’immeuble objet du contrat. Le caractère
authentique du contrat est d’ordre public938. Le contrat de location-accession doit être publié
au bureau des hypothèques, tant pour son opposabilité aux tiers, que parce qu’il emporte
restriction au droit de disposer939.
Le volet financier du contrat est essentiel, car l’objectif de la loi est de permettre à la
personne souhaitant acquérir un logement, de l’occuper avant son acquisition, tout en se
constituant un apport personnel par des versements allant au-delà de la contrepartie de la
jouissance dudit logement ; lesquels versements seront imputés, en partie, en cas d’exercice
de l’option, sur le prix de vente. Des versements sont donc effectués pendant le déroulement

935
Cette définition résulte de l’article 1er de la loi de 1984 précitée.
936
AUBY (Jean-Bernard) et PERINET-MARQUET (Hugues), Droit de l’urbanisme et de la construction, 5ème
édition, n° 1721.
937
Cass. 3ème civ. 13 décembre 2000, JCP G, 2001, IV, 1267.
938
Jurisclasseur Formulaire Notarial, n° 17, Location-Accession, Fasc. 10, 2.
939
Il convient de préciser qu’à côté de la location-accession, il peut y avoir des contrats de location-vente ou
des contrats de location avec promesse de vente qui ne relèvent pas de la loi du 12 juillet 1984.

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du contrat, au titre de la jouissance de l’immeuble et en même temps au titre de son


acquisition éventuelle. La redevance est également la contrepartie du droit personnel de
l’accédant au transfert de la propriété du bien. L’immeuble à acquérir doit être à usage
d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel, d’où l’inapplicabilité de la loi
aux autres hypothèses940. L’article 5 de la loi énumère les mentions obligatoires devant
figurer au contrat941.
Peu de collectivités sont en mesure de respecter de manière stricte, les modalités
juridiques des contrats de location-vente et de location-accession, en raison d’un manque de
maîtrise de ces outils juridiques. En conséquence, de plus en plus, les collectivités publiques
n’hésitent pas à faire appel à des compétences juridiques notariales au sein de leurs services,
ou à des avocats et juristes, pour la rédaction de leurs contrats et conventions.
Par ailleurs, il convient de s’intéresser aux modalités de régularisation foncière
assorties d’un quasi-droit de propriété au profit de l’occupant (B).

B. MODALITÉS ASSORTIES D’UN QUASI-DROIT DE PROPRIÉTÉ


AU PROFIT DE L’OCCUPANT

Les personnes publiques sont parfois amenées à consentir des baux commerciaux pour
régulariser l’occupation sans titre de leur domaine privé. Elles sont également parfois
amenées à consentir des baux translatifs de droits réels, en vue de régularisation foncière,
mais plus souvent en vue de l’optimisation de l’occupation de leur domaine privé942.

1) « Quasi-droit de propriété » du bail commercial

Le bail commercial devrait être peu utilisé en pratique pour régulariser l’occupation
sans titre du foncier des personnes publiques, car il suppose la mise à disposition de locaux
à usage commercial par la personne publique propriétaire au profit de l’occupant, et confère

940
Le contrat de location-accession peut être précédé d’un contrat préliminaire. En outre, tous versements avant
la signature du contrat de location-accession sont interdits, tant en vertu de l’article 22 de la loi, qu’au titre de
l’article L 271-2 du Code de la construction et de l’Habitation, pendant le délai de réflexion de l’article L 271-
1 du même code. Le projet de contrat doit être notifié à l’accédant au moins un mois avant la signature du
contrat authentique.
941
Parmi ces mentions, il y a lieu de citer : la description de l’immeuble, l’indication du prix de vente,
l’intention ou non de recourir à un prêt, la date d’entrée en jouissance, les conditions de réalisation anticipée,
les modalités d’imputation de la redevance sur le prix de vente, les modalités de calcul des restitutions et
indemnités, la garantie de remboursement du vendeur, les charges incombant à l’accédant, l’absence de
maintien de plein droit dans les lieux, et les références des contrats d’assurances souscrits dans le cadre de la
construction de l’immeuble.
942
Au quartier Volga Plage à Fort-de-France, ou au quartier Trénelle, il existe des commerces exploités dans
des constructions reposant sur des parcelles relevant du domaine privé de la commune de Fort-de-France.

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un véritable droit de propriété commercial à son bénéficiaire. Or, les personnes publiques
refusent de faire jouer la théorie de l’accession à leur profit, en vue de faciliter la
régularisation foncière ultérieure, à moindre coût, au profit de l’occupant.
Toutefois, certains occupants sans titre exercent de fait une activité professionnelle sur
le domaine privé communal, dans des locaux qu’ils ont édifiés ou fait édifier. Or,
l’occupation sans titre outre-mer porte généralement sur le terrain d’assiette des
constructions, celles-ci, fussent-elles à usage commercial, ayant été édifiées généralement
par l’occupant sans titre lui-même. Afin de régulariser leur situation, les personnes publiques
leur consentent donc parfois des baux commerciaux aux occupants sans titre de leur domaine
privé, quitte à procéder à une régularisation foncière par cession ultérieurement.
Le statut des baux commerciaux est réglementé par le décret du 30 septembre 1953
qui s’applique aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels est exploité un fonds de
commerce, aux baux des immeubles ou locaux accessoires à l’exploitation du fonds de
commerce et aux baux de terrains nus sur lesquels reposent des constructions à usage
commercial, industriel ou artisanal. Dans ce cadre, la personne publique peut généralement
consentir un bail commercial à un particulier, à une association, à une société, ou même à
une collectivité, dès lors que le bien donné à bail commercial relève de son domaine privé
et que le preneur est propriétaire du fonds de commerce qu’il exploite (par création,
acquisition, ou prise en location-gérance). À ce titre, le preneur doit être inscrit au registre
du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers.
Les modalités de la régularisation foncière dans le cadre d’un bail commercial sont
librement négociables entre les parties, aucun texte ne prévoyant le recours à l’adjudication
publique par la personne publique. Toutefois, l’opération doit être autorisée par le Conseil
municipal et la délibération autorisant la location doit être transmise au Préfet dans le cadre
du contrôle de légalité943. En principe en cas de litige, c’est le juge judiciaire qui est
compétent. Mais par dérogation, c’est le Tribunal de grande instance du lieu de situation de
l’immeuble donné à bail commercial qui est compétent en la matière, en vertu du décret de
1953 sus énoncé, et non le Tribunal d’instance. En vertu du principe de liberté de la preuve
en matière commerciale, l’existence ou le contenu dudit bail se prouve par tous moyens.

943
Le bail commercial est ensuite régularisé par l’exécutif. La consultation de France Domaine est obligatoire
pour tous les baux, à partir de 24000 euros annuels, charges comprises, mais le montant du loyer est laissé à la
libre volonté des parties. La révision triennale du loyer est possible et peut être indexée sur l’indice de référence
des loyers ou encore l’indice du coût de la construction, publiés par l’INSEE. La révision de la valeur locative
peut également être envisagée (en cas de modification dans les caractéristiques du local, dans les obligations
des parties, etc.).

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Le principal avantage du bail commercial est sa stabilité, car c’est un bail qui est conclu
pour une durée de neuf ans au minimum, du moins vis-à-vis du bailleur, le preneur pouvant
mettre fin audit bail à l’expiration de chaque période triennale944. Étant ici précisé que la
sous-location totale ou partielle est interdite dans le cadre du bail commercial, sauf
stipulation contraire prévue au contrat de bail ou accord du bailleur.
Le bail commercial peut se prolonger par tacite reconduction, en l’absence de la
manifestation de la volonté des parties. S’il totalise une durée de plus de douze ans, il doit
être publié au Service de la publicité foncière. Le preneur bénéficie d’un droit au
renouvellement du bail commercial, dont le non-respect se traduit pour le bailleur par le
versement d’une indemnité d’éviction, d’où l’emploi du terme « propriété commerciale »
pour caractériser le droit du preneur. Cette donnée doit être prise en compte par les personnes
publiques pour éviter tout surcoût financier non maîtrisé945.
Cet outil juridique a cependant été peu réquisitionné par les personnes publiques, et
particulièrement par les communes, pour la régularisation de l’occupation sans titre de leur
domaine privé, en raison de la « propriété commerciale » qu’il confère au preneur.
Cela amène à s’interroger sur la régularisation foncière par le biais de baux translatifs
de droits réels.

2) Baux de longue durée translatifs de droits réels

D’autres solutions contractuelles alternatives à la cession pure et simple ont été


utilisées par les personnes publiques désireuses d’assainir l’occupation de leur domaine
privé. Ces pratiques méritent toutefois d’être encadrés et sécurisés, afin de permettre aux
personnes publiques de diversifier les modalités de l’offre de régularisation foncière, pour
s’adapter aux situations des occupants qui n’ont pas toujours les moyens d’acquérir.
Parmi tous les baux de longue durée translatifs de droits réels sur le domaine privé des
personnes publiques, trois catégories attirent l’attention.
Il s’agit en premier lieu du bail emphytéotique de droit commun, régi par les articles
L451-1 et suivants du code rural. Il peut bénéficier à toute personne physique ou morale, de

944
Il peut toutefois être mis fin au bail commercial sur accord des deux parties au contrat, par l’exercice d’une
clause résolutoire prévue au contrat, ou en cas de faute du preneur.
945
La personne publique doit également faire attention à l’activité exercée dans les lieux loués, le preneur
devant se conformer aux stipulations du contrat concernant la spécialité. Une déspécialisation partielle,
requérant l’autorisation du bailleur dans les deux mois de sa formulation, ou une déspécialisation plénière
emportant changement d’activité et requérant l’agrément du bailleur, avec éventuellement révision du loyer,
est possible. S’agissant de l’activité, la personne publique serait fondée à privilégier les activités non
polluantes, favorisant le développement durable et la protection de l’environnement.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
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droit privé ou de droit public. C’est un contrat translatif de droits réels, dont la durée varie
entre 18 et 99 ans946. Habituellement utilisés pour permettre à des opérateurs de développer
des activités privées sur des biens dont la collectivité n’a plus l’utilité, le bail emphytéotique
a été utilisé massivement par certaines communes initialement, pour sécuriser à long terme
l’occupation de certains occupants de leur domaine privé947. Cependant, beaucoup de ces
baux sont arrivés à expiration, la règle étant qu’en fin de bail, les constructions reviennent
aux bailleur sans indemnité si rien n’est prévu au contrat948.
Un autre contrat de longue durée est rarement utilisé pour régulariser l’occupation
du domaine privé des collectivités locales outre-mer. Il s’agit du bail à construction, dont les
modalités sont prévues aux articles L251-1 et suivants du code de la construction et de
l’habitation (CCH). Il peut être consenti à toute personne physique ou morale, de droit public
ou de droit privé. Il comporte une obligation de construire. Mais l’intérêt principal de ce
contrat constitutif de droits réels au profit du bénéficiaire, est que la règle selon laquelle les
constructions reviennent au bailleur, personne publique, en fin de bail, sans indemnisation,
n’est pas d’ordre public. Les parties peuvent prévoir des sorties différentes949.
Un troisième contrat intéressant, est constitué par le bail à réhabilitation, dont les
modalités sont prévues aux articles L252-1 et suivants du CCH. Ce bail ne peut être consenti
qu’à un organisme HLM, une société d’économie mixte, une collectivité territoriale ou un
organisme contribuant au logement social, et comporte une obligation de construire. Sachant
que ces personnes morales sont elles-mêmes parfois occupants sans titre du domaine privé
communal, il est facile de comprendre l’intérêt de ce type de contrats translatifs de droits
réels pour la régularisation de leur situation foncière, en dehors de la cession pure et simple.
En définitive, les procédés de régularisation foncière non translatifs de propriété, ou
au mieux translatifs de droits réels temporaires, ont été priorisés avant la réforme de 1996,
et la pratique de baux assortis de promesses de vente demeure essentielle dans certaines
communes comme celle de Fort-de-France.

946
À ce titre, il doit être publié au Service de la publicité foncière.
947
S’agissant de la commune de Fort-de-France, certains de ces dossiers sont en attente de solutions, car les
occupants des baux arrivés à échéance, se retrouvent sans titre, en présence d’un titre de jouissance caduque,
et n’entendent pas payer pour une construction qu’ils ont eux-mêmes édifiée ou fait édifier. Des propositions
de sortie de bail de longue durée seront formulées en seconde partie de cette thèse.
948
Cette situation va à l’encontre des procédures des régularisation foncière, qui privilégient la cession du
terrain seul, le propriétaire public reconnaissant généralement le droit de propriété de l’acquéreur sur la
construction.
949
Les parties peuvent notamment prévoir que les constructions reviendront au preneur, dans la mesure où le
bailleur aura pris l’engagement de céder son terrain au dit preneur en fin de bail. Il peut y avoir aussi
démembrement de propriété en fin de bail, ou encore des droits respectifs sur les constructions existantes et
celles édifiées, ou encore une remise du terrain nu libéré de toute construction.

271
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Dès lors, pour plusieurs raisons déjà explicitées en amont, dont celles sus mentionnées,
beaucoup d’occupants sans titre se considèrent comme légitimés dans leur occupation. Ils
ont développé un savoir-faire, un savoir-vivre et certaines valeurs sociales et
communautaires, attachés aux quartiers auto-construits950.
Ainsi, tous les procédés susmentionnés ont pour but procéder à une régularisation
foncière immédiate, mais temporaire, voire précaire, tout en évitant une perte de maîtrise
foncière apparente de leurs domaines public et privé par les personnes publiques ; d’où le
choix de l’évitement des procédures de cession directe constaté dans un premier temps.
De plus, l’Etat et les collectivités locales de proximité comme les communes, ont fait
le choix d’une régularisation foncière sur site (in situ), chaque fois que la situation de la
parcelle au regard des règles d’urbanisme et du plan de prévention des risques naturels
(PPRN) le permet.
Mais, à partir des années 1990, et particulièrement après la réforme de 1996, les
collectivités territoriales, à l’instar de l’Etat, favorisent une régularisation foncière par
cession pure et simple des terrains occupés au profit des occupants sans titre, par la mise en
place de véritables procédures de titrement sui generis (Section II).

SECTION II – DES PROCÉDURES SUI GENERIS DE


TITREMENT

Postérieurement à 1996, certaines collectivités locales outre-mer, particulièrement des


communes, ont mis en place, pour la régularisation définitive de l’occupation sans titre de
leur domaine privé, parallèlement aux procédures de régularisation foncière de l’État dans
la zone des cinquante pas géométriques, des procédures qui pourraient être qualifiées de
« sui generis », issues de « leur propre genre », car étant votées par leur organe délibérant
sans base légale spécifique.
De plus, en Martinique, avant comme après 1996, certaines personnes publiques (Etat,
département, notamment) ont fait le choix de rétrocéder des terrains privés occupés aux

950
L’observation de l’évolution sociale des ayants droit des occupants initiaux, à travers les opérations de
régularisation foncière, démontre bien que ces valeurs sont effectives, car beaucoup d’entre eux sont à ce jours,
médecins, professeurs, professionnels libéraux, et ont effectué des études supérieures.

272
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

communes, à charge pour celles-ci de régulariser la situation foncière de leurs occupants951 ;


ce qui a aussi encouragé la mise en place de procédures sui generis par ces communes.
Les procédures de régularisation employées par les communes pour régulariser
l’occupation sans titre de leur domaine privé, biens que fondées sur les procédures légales
de cessions établies par le CGCT et le CG3P pour toutes les collectivités territoriales,
comportent des dispositions novatrices sans base légale ou réglementaire spécifique. Car,
contrairement à ce qui est prévu pour la zone des cinquante pas géométriques outre-mer, et
contrairement à la situation du domaine privé de l’Etat en Guyane et à Mayotte, pour la
gestion duquel certains dispositifs spéciaux sont prévus, aucune procédure spécifique dédiée
à la régularisation foncière, n’a été entérinée par le législateur pour encadrer la régularisation
menée par les départements, les régions, les collectivités uniques, les communes, et
généralement les collectivités territoriales de proximité, sur leur domaine privé. Il n’existe
pas de texte spécifique consacré à la régularisation foncière de l’occupation sans titre de la
propriété des collectivités locales (communes, départements, régions, collectivités uniques),
en dépit du caractère spécial et prégnant de cette problématique.
Pour faire face à ce vide législatif, certaines communes ont décidé de « faire du droit »,
en faisant voter par leurs conseils municipaux de véritables procédures de régularisation
foncière, inspirées de celles de l’Etat dans la zone des cinquante pas géométriques, de la
pratique notariale, et des pratiques des occupants sans titre eux-mêmes. Ces caractéristiques
en constituent les forces et les faiblesses.
Nées d’une réflexion politique sur la gestion de l’occupation du domaine communal
privé outre-mer, certaines de ces procédures sont vraisemblablement inspirées de celles
mises en place par l’État dans la zone des cinquante pas géométriques, dont elles reprennent
de nombreuses caractéristiques952. Elles expriment une volonté politique et administrative de
régularisation foncière au profit des occupants sans titre, fondée sur la reconnaissance d’une
légitimité de l’égal accès de tous au droit de propriété953.

951
En Martinique, l’Etat comme le département, ont eu l’occasion de céder du foncier occupé sans titre à la
commune de Fort-de-France, à l’euro symbolique, à charge pour celle-ci de le rétrocéder, après aménagement,
aux occupants sans titre qui y ont fait édifier leurs constructions.
952
Cela a favorisé la mise en œuvre de procédures de régularisation foncière par cession dans de nombreux
quartiers de Fort-de-France, dès la mandature d’Aimé CESAIRE et de Serge LETCHIMY. Ces opérations sont
encore en cours.
953
Lors du journal télévisé diffusé le 22 janvier 2016, le syndicaliste Eli DOMOTA a fait observer qu’en 1848,
après l’abolition de l’esclavage, il n’y avait pas eu de véritable réparation de la part de l’État français envers
les anciens esclaves. Il rappelle l’appropriation par les colons des terres alors occupées par des autochtones, au
nom de l’État français, et le dédommagement que les propriétaires de plantations avaient reçu de l’Etat français

273
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Pour la mise en œuvre de procédures de régularisation foncière par vente ou cession,


les collectivités territoriales concernées, et particulièrement les communes, ne sont pas tout
à fait démunies, puisqu’il existe les procédures générales de cession dans le code général des
collectivités territoriales (CGCT) et le code général de la propriété des personnes publiques
(CG3P), pour tous types de ventes en général.
Toutefois, ces procédures sont applicables à la vente en général, et sont donc peu
adaptées à la régularisation foncière qui exige des modalités, procédures et précautions
spécifiques, la qualité l’acquéreur, ses moyens de financements, sa juridique, et bien d’autres
paramètres devant être pris en compte.
Certaines communes adjoignent donc aux procédures générales de cession du CGCT
et du CG3P, des outils fonciers inspirés de la loi du 30 décembre 1996 (s’appliquant aux
terrains de la zone des cinquante pas géométriques), dont les dispositifs sont adaptées par
elles pour être appliquées aux terrains dépendant de leur domaine privé. Ces procédures de
régularisation foncière communales utilisent également des mesures complètement
novatrices, tirées de la pratique notariale et de l’expérience des gestionnaires de biens
communaux. Il est important de constater également que ces procédures de régularisation
foncière valident aussi, soit inévitablement, soit par choix, des pratiques foncières mises en
place par les occupants sans titre eux-mêmes.
L’octroi d’un droit de propriété aux occupants sans titre qui remplissent certaines
conditions issues des procédures sus mentionnées, constitue un enjeu majeur pour la
politique foncière locale des collectivités territoriales situées outre-mer. Les exemples de
mise en œuvre de ces politiques locales sont de plus en plus fréquents.
En définitive, l’observation des procédures de régularisation foncière mises en œuvre
par les collectivités locales outre-mer et particulièrement par les communes, montre que
celles-ci s’inspirent des procédures de régularisation mises en place par l’Etat sur son
domaine public, ainsi que de règles novatrices, pour l’élaboration de véritables procédures
sui generis destinées à régulariser l’occupation sans titre de leur domaine privé (§1), mais
que, toutefois, ces procédures sui generis manquent de base légale et sont susceptibles de
générer du contentieux (§2).

lors de l’abolition de l’esclavage. Il relève que les anciens esclaves, de leur côté, n’avaient bénéficié d’aucune
attribution de terres. Une requête a été déposée par Eli DOMOTA et l’association « COSE » afin d’obtenir
réparation, notamment par une redistribution des terres outre-mer. Cf. aussi la pensée « Letchimyienne ».

274
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

§ I. DES PROCÉDURES DE RÉGULARISATION FONCIÈRE PAR


CESSION INSPIRÉES DE CELLES DE L’ETAT

À l’origine de la mise en place de toute procédure de régularisation foncière, se trouve


une volonté politique, mise en œuvre par des moyens et outils qui doivent être adaptés. À la
Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion, les personnes publiques ont utilisé des
procédés de régularisation par cession relativement proches. En Guyane et à Mayotte, la
présence de règles coutumières a contribué à rapprocher les techniques de régularisation
foncière de l’occupation du domaine privé de ces collectivités.
Plus que l’accès au bien immobilier lui-même, d’ailleurs bien souvent déjà en
possession de l’occupant sans titre, c’est l’accès au droit de propriété et donc au statut de
propriétaire, qui constitue le point central des opérations de régularisation foncière dans les
collectivités de l’article 73 de la Constitution et généralement dans les collectivités outre-
mer. L’octroi d’un droit de propriété permet à l’occupant sans titre de sortir d’un statut
précaire et illégal, pour accéder à un statut de propriétaire responsable, soumis à des droits
et obligations, et d’entrer ainsi dans la légalité foncière et le marché foncier légal.
À cet effet, les personnes morales de droit public utilisent, s’agissant de leur domaine
privé, les règles relatives aux cessions inclues dans le code général des collectivités
territoriales (CGCT), celles du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P),
celles inspirées des procédures de régularisation foncière initiées par l’État dans la zone des
cinquante pas géométriques, celles inspirées du droit et de la pratique notariale, celles
provenant de leurs propres pratiques foncières, et celles provenant de la pratique des
occupants sans titre eux-mêmes.
La mise en place de procédures de régularisation foncière concernant l’occupation du
domaine privé, est facilitée par le fait que ces biens sont librement aliénables et
prescriptibles954. Toutefois, les immeubles du domaine privé qui sont affectés à un service
public sont inaliénables en l’absence de désaffectation955. Par ailleurs, certaines formes

954
Cass. 3ème civ. 12 janvier 1982, D. 1982, jurisprudence, p. 577.
955
Toutefois, voir la réforme introduite par l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relatif à la propriété
des personnes publiques, qui apporte des modifications essentielles dans les procédures d’occupation privative
du domaine public (procédures de sélection, obligations de publicité préalable, etc.), et des assouplissements
appréciables dans les procédures de déclassement et de ventes de biens domaniaux.

275
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

d’aliénations sont interdites comme il a été vu en amont956.


Il est essentiel d’examiner les particularités des procédures sui generis de
régularisation foncière par cession, de l’occupation sans titre du domaine privé communal
(A), avant de présenter des exemples concrets de mise en œuvre desdites procédures (B).

A. PROCÉDURES SUI GENERIS DE RÉGULARISATION


FONCIÈRE PAR CESSION DU DOMAINE PRIVÉ COMMUNAL

Pour les collectivités territoriales, en l’absence de procédures de régularisation


foncière spécifiques, ce sont les règles de cession résultant du résultant du CGCT et du CG3P
qui sont mises en œuvre, alliée à celles de droit commun957. Ces règles ne prennent en compte
ni l’ancienneté d’occupation, ni l’aide exceptionnelle à l’acquisition, ni les clauses anti-
spéculatives et autres adaptations résultant des procédures de régularisations foncières
spécifiques applicables aux occupants de la zone des cinquante pas géométriques.
Toutefois, compte tenu de l’inadaptation de ces procédures générales de cession aux
réalités de la régularisation foncière, des procédures particulières de régularisation foncière
sont mises en place par certaines communes, permettant de mieux adapter leurs procédures
aux réalités locales958. Ces procédures obéissent aux règles juridiques ordinaires et de droit
applicables en matière de cession, prévues dans le CGCT et le CG3P, et aux règles mises en
place et votées par l’organe délibérant de la collectivité concernée. Mais en l’absence de
dispositif spécifique de régularisation foncière prévu par le législateur, ces procédures
s’inspirent des procédures applicables dans le domaine public de l’Etat, du droit et de la
pratique notariale, des pratiques foncières communales, et des pratiques des occupants sans

956
Il s’agit notamment des aliénations à titre gratuit, car il existe un principe général interdisant aux personnes
publiques de faire des libéralités. Plus encore, les personnes publiques ne peuvent céder leurs biens à un prix
inférieur à leur valeur vénale. Ceci est confirmé par une décision rendue par le Conseil constitutionnel le 26
juin 1986, aux termes duquel le Conseil affirme dans un 58ème considérant : « que la Constitution s'oppose à
ce que des biens ou des entreprises faisant partie de patrimoines publics soient cédés à des personnes
poursuivant des fins d'intérêt privé pour des prix inférieurs à leur valeur ; que cette règle découle du principe
d'égalité invoqué par les députés auteurs de la saisine ; qu'elle ne trouve pas moins un fondement dans les
dispositions de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789 relatives au droit de propriété et à la protection
qui lui est due ; que cette protection ne concerne pas seulement la propriété privée des particuliers mais aussi,
à un titre égal, la propriété de l'État et des autres personnes publiques ». Cf. : CC n° 86-207 DC du 26 juin
1986, « Loi autorisant le gouvernement à prendre diverses mesures d’ordre économique et social ». Il existe
cependant des aménagements à cette règle.
957
MURAT (Sylvie), Jurisclasseur formulaire notarial, Vente d’immeuble, personnes morales de droit public,
fascicule n°370.
958
À Fort-de-France en Martinique, sont concernés les quartiers de Trénelle, Volga Plage, Redoute Haut et Bas
Maternité, Texaco, Rive Droite Levassor, Sainte-Thérèse, Chateauboeuf, etc.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

titre eux-mêmes959. Il est donc intéressant d’exposer les étapes de ces procédures de
régularisation foncière sui generis.

1) Délibération adoptant la décision de régularisation foncière par


cession

Il résulte des articles L2241-1, L3213-2, L4221-4, L5211-37 et L5722-3 du CGCT,


que toute cession d'immeubles ou de droits réels immobiliers par les collectivités
territoriales, donne lieu à une délibération motivée de leur organe délibérant, portant sur les
conditions et caractéristiques essentielles de la vente. Cette délibération doit être prise au vu
de l'avis du directeur départemental des Services fiscaux960.
Mais dans la pratique, une première délibération, dite « délibération-cadre », de
l’organe délibérant de la collectivité territoriale, pose le principe de l’opération de
régularisation foncière dans les quartiers et secteurs concernés. Cette délibération961, expose
le contexte général de l’opération, l’objectif visé et les différentes étapes de la procédure
mise en place. Elle adopte le principe de la cession dans le secteur concerné, autorise la
consultation du service des domaines et, dans certains cas, fixe les modalités de l’aide à
l’acquisition éventuellement mise en place962. Elle autorise la délimitation et le bornage des
assiettes foncières occupées. La délibération-cadre lance l’opération de régularisation
foncière dans le cadre de cessions groupées963, et informe les populations concernées.
Pour accélérer les procédures de régularisation foncière, les collectivités territoriales,
dont notamment les communes, font progressivement le choix de l’acte authentique reçu en
la forme administrative, pour la rédaction du titre de propriété à délivrer aux occupants sans
titre. Ce choix permet un moindre coût de la régularisation pour l’occupant.
Par ailleurs, les observatoires fiscaux mis en place par les collectivités territoriales,
constituent des outils qui facilitent le recensement des occupants du domaine privé des
communes et permettent la mise en place de procédures de taxation foncières différenciées.
Ainsi, l’impôt foncier sur le non bâti est réclamé au propriétaire du terrain, et l’impôt foncier
sur le bâti (construction) est réclamé à l’occupant, ce qui est vecteur de justice fiscale.
De plus, pour faciliter la régularisation foncière, le service du Cadastre réclame un

959
Dont beaucoup se considèrent comme propriétaires de leur construction, alors même qu’ils ont construit sur
le domaine privé communal.
960
Autorité compétente de l'État pour l’avis de valeur vénale requis.
961
Souvent prise par quartier ou lieudit.
962
Et ses motivations.
963
La délibération de l’assemblée délibérante concerne plusieurs familles et prévoit des modalités de cessions
plus avantageuses que celle d’une cession diffuse. Mais les cessions ne se font pas dans le même acte.

277
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

écrit pour faire figurer la construction au nom de l’occupant et non au nom de la commune,
sur le relevé de propriété bâti, le relevé de propriété non bâti demeurant au nom de la
collectivité propriétaire du terrain. En pratique l’observatoire fiscal964, permet d’optimiser
les ressources fiscales, dans un contexte de baisse des dotations de l’État en faveur des
collectivités. Ce moyen permet de « booster » la fiscalité locale. Il effectue aussi un travail
d’analyse fiscale de type rétrospectif, analytique et anticipatif, pour améliorer la gestion des
ressources fiscales965 . Un travail d’optimisation fiscale est effectué par la recherche d’une
certaine équité des administrés devant la charge fiscale966. L’analyste fiscal de l’observatoire
fiscal est membre de la commission communale ou intercommunale des impôts directs.
Le travail de terrain effectué par l’observatoire fiscal constitue un outil appréciable
dans le cadre de la régularisation foncière, car les données récoltées permettent de mieux
identifier la situation d’occupation du domaine des collectivités territoriales. Les
observatoires fiscaux permettent ainsi le recensement des occupants sans titre et l’évaluation
approximatif du nombre d’occupations à régulariser. Le repérage des individus et familles
concernées se fait également lors des réunions et permanences tenues par les collectivités
procédant à la régularisation foncière. Mais dans nombre de cas, l’occupant se fait connaître
spontanément, par courrier adressé à l’exécutif territorial (maire, président de région, de
département ou exécutif de la collectivité unique), sollicitant la régularisation de sa situation.
La délibération autorisant l’opération et fixant ses modalités n’intervient qu’une fois
connus l’identité de l’acquéreur, la superficie à céder et le prix de vente.

2) Choix délibéré de l’acte authentique en la forme administrative

Le choix prioritaire de l’acte authentique en la forme administrative, pour la rédaction


des titres de propriété délivrés aux occupants, a pour but d’accélérer et de faciliter la
régularisation foncière par les communes, tout en leur laissant la maîtrise de l’opération
jusqu’à sa clôture. Mais surtout, ce choix constitue déjà une forme d’aide à l’acquisition
attribuée aux occupants sans titre, ayant un fondement légal. L’acte authentique notarié
demeure toutefois la règle si l’occupant le désire, ou si la collectivité territoriale fait ce choix.

964
Service généralement mis en place au sein d’une collectivité afin d’effectuer un suivi des produits fiscaux
encaissés par ladite collectivité.
965
Analyse prenant en compte certains critères : redevables de l’impôt, bénéficiaires des abattements, nature,
montant et durée des exonérations, taux et assiette de l’impôt, types d’activités à protéger et soutenir, etc. Ce
travail permet de dresser un état des lieux de la charge fiscale, et de prévoir l’impact d’éventuelles évolutions
des taux, abattements, exonérations et autres, en matière de fiscalité locale.
966
Il s’effectue en collaboration avec les élus et les administratifs, et débouche sur une remontée des anomalies
auprès des services fiscaux pour prise en compte.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Reçu par l’exécutif de la collectivité territoriale agissant en sa qualité d’officier public,


tel que prévu à l’article L1311-13 du CGCT, l’acte authentique administratif permet la
rédaction et la délivrance de titres de propriété, aux occupants sans titre, à moindre coût. Ces
derniers conservent à leur charge, le prix de cession du terrain, les frais de bornage, et les
frais de publicité foncière de leur titre propriété au Service de la publicité foncière. Les
collectivités territoriales optent pour la rédaction des titres de propriété en la forme
authentique administrative chaque fois que cela est possible, en vue d’une l’aliénation à
moindre coût au profit des occupants967. Cette procédure est plus rapide, la compétence
notariale ou rédactionnelle étant « in house ». Ces actes sont dénommés « actes authentiques
administratifs » ou « actes administratifs reçus en la forme authentique ».
Ce choix968 est mis en exergue dans le cadre de la mise en place de procédures de
régularisation foncière par cession calquées sur celles de l’Etat969. Le choix de l’acte
authentique administratif est parfaitement légale, puisqu’il s’appuie sur les dispositions du
CG3P et du CGCT. En effet, le maire a la possibilité de recevoir et d’authentifier en la forme
administrative les actes auxquels la commune est partie, et ce, tant en vertu de l’article
L1311-5 et 6 du CGCT, qu’en vertu de l’article 98-III de la loi n°82-213 du 2 mars 1982,
habilitant notamment les maires à dresser en la forme administrative des actes authentiques
portant sur des droits immobiliers, présentant un intérêt direct pour la collectivité. Un maire
peut donc décider de choisir la forme administrative pour passer un acte, lorsque la commune
acquiert ou vend pour son propre compte un terrain ou autre bien immobilier, que celui-ci
soit situé sur le territoire communal ou sur celui d’une autre commune, à condition que cet
acte réponde aux exigences des décrets des 4 janvier et 14 octobre 1955 régissant la publicité
foncière970. Il en est de même pour les autres exécutifs locaux.
Cependant, il existe des cas particuliers où il est préférable, voire nécessaire, de
recourir à l’acte notarié. Il en est ainsi, lorsqu’une des parties souhaite passer par un notaire,
ou lorsqu’il y contestation ou difficulté sur l’origine de propriété du bien objet de la vente,
ou encore en cas d’insuffisance des moyens dont dispose la personne publique pour vérifier
la conformité des clauses du contrat par rapport aux conditions du marché ou pour s’assurer

967
Dans le cas de cession par acte administratif, l’occupant acquéreur économise les frais de notaire
(émoluments, honoraires, etc.). Il ne paie que la taxe de publicité foncière ou les droits d’enregistrement, le
salaire du conservateur, le prix et une partie des frais de bornage intervenant en augmentation du prix.
968
Avant cela, peu utilisée par les exécutifs locaux.
969
Dont le Service France Domaine rédige les titres de propriété à délivrer aux occupants.
970
Cf. MURAT (Sylvie), Jurisclasseur formulaire notarial, Vente d’immeuble, personnes morales de droit
public, fascicule n°370.

279
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
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de la régularité juridique du contrat. En outre, l’établissement d’un acte authentique en la


forme administrative, est générateur de responsabilité pour l’élu.
Mais pour la constitution d’hypothèque, le recours à l’acte authentique administratif
doit être écarté. En effet, dans un avis du 26 juin 1975971, le Conseil d’État considère que,
pour la constitution d’hypothèque, le recours à l’acte administratif ayant valeur d’acte
authentique est illégal. En l’occurrence, l’article 2127 du code civil énonçant que
l’hypothèque ne peut être consentie que par un acte passé en la forme authentique, obligerait
les autorités publiques qui désirent constituer une hypothèque à leur profit, à recourir au
ministère d’un notaire, bien que les actes administratifs passés par elles aient le caractère
authentique972. Par ailleurs, l’avis rendu par le Conseil d’État, le 26 juin 1975, permet
d’affirmer que l’acte notarié est obligatoire en matière de donation, s’agissant d’un cas où le
code civil vise expressément un acte notarié973.
Lorsque l’exécutif territorial intervient comme autorité authentifiant l’acte passé en la
forme administrative, et non comme représentant de la collectivité dont il est l’exécutif, le
pouvoir qu’il exerce à cette occasion ne peut être délégué, car le pouvoir d’authentifier un
acte accordé à un officier ministériel ou public constitue une délégation de la puissance
publique accordée à titre personnel. La subdélégation de ce pouvoir est donc impossible par
l’exécutif local agissant en tant qu’officier public. En conséquence, s’il ne peut ou ne
souhaite pas authentifier lui-même l’acte, celui-ci devra être établi par un notaire974.
Lorsque l’exécutif territorial intervient comme pouvoir authentificateur de l’acte, cette
intervention a pour fondement légal l’article L1311-13 du code général des collectivités
territoriales975. En application de cette disposition, il importe que l'organe délibérant de la
collectivité, partie à l'acte, désigne par délibération, un adjoint pour signer cet acte en même

971
Avis cité dans une réponse ministérielle du ministre de l’Intérieur, publiée au J.O. du Sénat du 31 mars 1988,
p. 441, à une question écrite n° 05799 du 03 avril 1987.
972
C’est sur le fondement de l’article 2127 du code civil qu’il semble possible d’affirmer l’exigence d’un acte
notarié pour l’établissement des actes contenant mainlevée d’inscriptions hypothécaires.
973
Réponse ministérielle n° 5799, publiée au JO Sénat du 31 mars 1988, p. 441.
974
Cette interprétation résulte d’une réponse ministérielle publiée au JOAN du 19 décembre 1988 p. 3748.
975
Duquel il résulte, que : « Les maires, les présidents des conseils départementaux et les présidents des
conseils régionaux, les présidents des établissements publics rattachés à une collectivité territoriale ou
regroupant ces collectivités et les présidents des syndicats mixtes sont habilités à recevoir et à authentifier, en
vue de leur publication au fichier immobilier, les actes concernant les droits réels immobiliers ainsi que les
baux, passés en la forme administrative par ces collectivités et établissements publics. »
« Lorsqu'il est fait application de la procédure de réception et d'authentification des actes mentionnée au
premier alinéa, la collectivité territoriale ou l'établissement public partie à l'acte est représenté, lors de la
signature de l'acte, par un adjoint ou un vice-président dans l'ordre de leur nomination. »
Cet article L1311-13 du CGCT, a été modifié par l’article 1er de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013, opérant
modification du Code électoral, et relative à l’élection des conseillers Départementaux, municipaux, et
communautaires.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

temps que le cocontractant, et en présence de l'autorité administrative habilitée à procéder à


l'authentification, en conformité avec le second alinéa de l’article L1311-13 du CGCT sus
relaté, qui propose de retenir « l’ordre de leur nomination » pour le représentant de la
collectivité concernée.

3) Délimitation des occupations et bornage des surfaces concernées

Toute opération de régularisation foncière nécessite la délimitation préalable de


l’assiette foncière occupée par chaque occupant, en vue de la fixation du prix de vente et de
la cession elle-même. Avant toute cession, la surface occupée par l’occupant, futur
acquéreur, doit faire l’objet d’un bornage par un géomètre-expert. L’opération de bornage
se fait en présence du géomètre, de l’occupant et d’un représentant de la personne publique
propriétaire. Il en résulte un document d’arpentage (procès-verbal de délimitation et plan
cadastral informatisé assorti au document d’arpentage)976, signé par la personne publique,
puis enregistré au Cadastre et numéroté, avant d’être publié au Service de la publicité
foncière du lieu de situation du terrain. En effet, conformément à l’article 25 du décret du
30 avril 1955977, tout changement de limite d’un terrain, par suite de division, lotissement,
ou partage, doit faire l’objet d’un document d’arpentage établi par géomètre-expert, à la
diligence des parties et à leurs frais ; ledit document doit être certifié par elles978.
Un plan de bornage précisant les limites, servitudes et bornes de la propriété à céder à
l’occupant979, et si possible, un procès-verbal de bornage signé par l’occupant, les occupants
limitrophes et la personne publique propriétaire, doivent être établis par le géomètre et joints
à l’acte de vente constituant le titre de propriété de l’occupant.
Il arrive que certaines communes soient contraintes de ralentir les processus de
régularisation foncière, voire d’y surseoir, faute de trésorerie suffisante pour réaliser les
bornages. La prise en charge des frais de bornage par l’accédant permet aux procédures de
régularisation foncière de se poursuivre, indépendamment de l’état des finances de la
collectivité propriétaire980.

976
Le document d’arpentage porte délimitation, nouvel agencement ou division de propriété. Il identifie les
nouvelles parcelles, leur identification au Cadastre par mise à jour du plan cadastral et leur publicité foncière.
977
Décret n° 55-471 du 30 octobre 1955 relatif à la rénovation et à la conservation du cadastre.
978
Cf. Décret du 30 octobre 1955 susmentionné. Voir aussi : http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/5251-PGP.
979
L’expérience a montré que les bornes à l’aide de clous sont mieux à même de faire foi, avec les plans de
bornage, en cas de litiges, les marques de peinture étant inopérantes.
980
Ainsi, les futurs accédants saisissent leur géomètre, choisi parmi les géomètres agréés par la collectivité
territoriale, et le payent directement, pour faire borner la superficie qu’ils occupent, en présence d’un ou
plusieurs agents de la collectivité concernée. Le document d’arpentage est soumis à la validation de la personne
publique propriétaire.

281
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Si la collectivité territoriale veut garder la maîtrise du bornage, même en l’absence de


trésorerie suffisante, la solution de l’avance des frais par les futurs acquéreurs, avant bornage
effectif, reste problématique, car les fonds versés ne peuvent être affectés à ces opérations
en raison du respect des grands principes budgétaires et particulièrement du principe
d’universalité du budget qui exige que l’ensemble des recettes couvre l’ensemble des
dépenses, ce qui entraîne l’application de deux règles : celle de la non-compensation des
dépenses avec les recettes et celle de la non-affectation d’une recette à une dépense
déterminée. Il conviendrait dans ces cas, d’examiner la possibilité de prévoir des dérogations
dans le cadre des procédures de régularisation foncière ; dérogations qui seraient fondées sur
la possibilité de mettre en place des comptes spéciaux, des comptes d’affectation spéciale
ou des budgets annexes ; lesquelles procédures n’ont pas la faveur des comptables publics.
L’Etat a contourné cette problématique par la création d’agences des 50 pas
géométriques, bénéficiaires de fonds dédiés981.
Les frais de bornage étant mis à la charge de l’acquéreur, la solution la plus simple
consiste à laisser au futur acquéreur le libre choix de son géomètre, auprès duquel il
s’acquittera des frais de bornage, à condition que le propriétaire public soit appelé au bornage
et garde un pouvoir de contrôle et de modification concernant les bornages réalisés sur son
domaine privé. Toutefois, ce système implique l’intervention de plusieurs géomètres sur les
mêmes secteurs, et ne permet pas à la collectivité d’avoir une vue d’ensemble et une maîtrise
foncière complète des opérations de régularisation foncière. L’emploi d’un géomètre de
formation, agréé par le Cadastre, afin d’établir des bornages « in house », est la solution
choisie par certaines communes, pour accélérer les procédures, effectuer des bornages
d’ensemble, et garder la mainmise sur l’opération de régularisation foncière982.
Les conditions matérielles et financières du bornage des terrains occupés, varient
d’une collectivité à l’autre. Il serait bon que le législateur fixe des modalités spécifiques de
réalisation et de financement des bornages par les collectivités locales, dans le cadre des
opérations de régularisation foncière, car sans bornages réguliers voir massifs, aucune
régularisation foncière d’envergure n’est possible.
Une autre disposition légale doit être prise en compte dans les procédures de
régularisation foncière par cession. Il s’agit de l’avis de valeur vénale rendue par la Direction
de l’immobilier de l’Etat. Mais celui-ci est localement « corrigé » par l’aide à l’acquisition,

981
Les ressources des agences sont principalement prévues à l’article 7 de la loi du 30 décembre 1996.
982
Une participation peut être demandée aux futurs acquéreurs.

282
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pour l’obtention du prix de vente définitif. Ce qui pose la question de l’extension, par
certaines communes, de facto, des règles de l’aide à l’acquisition pratiquée par l’Etat dans
la zone des 50 pas géométriques, aux opérations de régularisation foncière portant sur leur
domaine privé, nonobstant l’absence de législation spécifique le leur permettant.

4) Avis de valeur vénale, extension locale de l’aide à l’acquisition et calcul


du prix de vente

Dans le cadre des procédures de cession, les ventes d’immeubles et de droits réels
immobiliers principaux (droit de propriété, nue-propriété, usufruit, droit d’usage et
d’habitation, servitudes) effectuées par les communes de plus de 2000 habitants, les
départements, les régions et autres collectivités territoriales de droit commun983, doivent
obligatoirement faire l’objet d’une délibération motivée de leur organe délibérant, prise au
vu de l’avis du directeur des Services fiscaux. Cet avis détermine la valeur vénale du bien,
telle qu’elle résulte du jeu du marché. À défaut de réponse dans le délai d’un mois, l’organe
délibérant de la personne publique peut valablement délibérer sur l’opération. Par ailleurs,
la collectivité n’est pas tenue de réaliser la vente au plus offrant984.
La Direction de l’immobilier de l’Etat985 joue un rôle très important dans les opérations
de régularisation foncière initiées par les collectivités territoriales, leurs groupements et de
leurs établissements publics, car c’est à partir de ses avis qu’est fixée la valeur vénale des
terrains à rétrocéder aux occupants986. Cette structure est obligatoirement et préalablement
consultée, avant toute cession du terrain d’assiette des constructions au profit des occupants,
en vertu de l’article L1311-9 du CGCT, et avant toute entente amiable. Cette disposition ne
concerne que les opérations immobilières relatives au domaine privé des collectivités
territoriales, les biens du domaine public desdites collectivités, de leurs établissements
publics et de leurs groupements, étant inaliénables et imprescriptibles (articles L3111-1 du
CG3P et L1311-1 du CGCT alinéa 1er).
La consultation préalable du Service France Domaine est applicable pour toutes les

983
Ces règles s’appliquent également à leurs Établissements publics, aux Établissements publics de coopération
intercommunale, aux Syndicats mixtes, aux Établissements publics fonciers, … etc.
984
CE, 12 juin 1987, Commune Costas, Droit Adm. 1987, comm. n°413.
985
Le service France Domaine de la Direction générale des finances publiques a été remplacé par la Direction
de l’immobilier de l’État, créée par décret n° 2016-1234 du 19 septembre 2016, entré en vigueur le 22
septembre 2016, modifiant celui n° 2008-310 du 03 avril 2008 relatif à la direction générale des finances
publiques et portant création d'une direction de l'immobilier de l'État. La Direction de l’immobilier de l’État
conserve l’intégralité des missions liées à la politique immobilière de l’État (PIE), à la gestion et à l’évaluation
domaniales. Elle a en charge la gouvernance de la PIE et le pilotage de l’instance.
986
DELIANCOURT (Samuel), Droit domanial, éditions du Papyrus (Paris), 2012, p. 401 et ss. 459 pages.

283
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

cessions par l’ensemble des collectivités et établissements publics et pour les communes de
plus de 2000 habitants987. Contrairement aux acquisitions amiables et opérations assimilées,
qui ne sont soumises, en vertu de l’article L1311-10 du CGCT, à l’avis préalable du service
des Domaines988 que si elles portent sur des biens dont la valeur est égale ou supérieure à un
montant fixé par l’autorité administrative compétente989, les cessions, les ventes
d’immeubles et de droits réels immobiliers sont soumises à l’avis préalable du service des
domaines sur la valeur vénale des biens à vendre, quel que soit le montant de la transaction,
à l’exception des cessions engagées par les communes de moins de 2000 habitants. Cette
obligation résulte de l’article L3221-1 du CG3P, et des articles suivants du CGCT : article
L4221-4 pour la région, article L3213-2 pour le département, article L3241-1 pour la
commune, article L5211-37 pour les établissements publics commerciaux et industriels, et
article L5722-33 pour le syndicat mixte ouvert990.
Ces formalités de consultation de la direction de l’immobilier de l’Etat sont
substantielles, ainsi que l’illustre un arrêt du Conseil d’Etat rendu le 22 février 1995,
« Commune de Ville-La-Grand », aux termes duquel le Conseil a jugé irrégulière une
décision d’aliéner prise en méconnaissance de cette obligation de consultation préalable991.
Le risque est l’annulation de la vente, avec toutes les conséquences fiscales que cela entraîne.
Toutefois, bien que la sollicitation préalable de l’avis de la Direction de l’immobilier
de l’Etat soit obligatoire, les personnes publiques ne sont pas liées par l’avis rendu. Elles
peuvent passer outre et convenir d’un autre prix. Mais, lorsque le prix retenu est
manifestement trop faible ou trop élevé par rapport à l’avis de la Direction de l’immobilier
de l’Etat, les risques de recours sont avérés.
L’ensemble de ces règles résultent du CGCT, du CG3P, et d’autres dispositions
légales, dont la loi MURCEF n°2001-1168 du 11 décembre 2001992, le décret n°86-455 du
14 mars 1986 relatif à la suppression des commissions des opérations immobilières et de

987
Circulaire de la Préfecture des Hautes Alpes, Direction des libertés publiques et des Collectivités locales,
en date du 11 mars 2009, consultable sur le site « hautes-alpes.gouv.fr ».
988
Quelle que soit la taille de la collectivité concernée.
989
Seuil de consultation fixé, depuis le 1er janvier 2017, au montant 180.000,00 euros hors taxes. Ce montant
était auparavant de 75000 euros. Il a été relevé par arrêté du 05 décembre 2016, qui relève également le seuil
de consultation pour les opérations de locations (24000 euros au lieu de 12000 euros).
990
Sont plus précisément concernées par cette mesure, les ventes d’immeubles de gré à gré, les ventes à terme,
les ventes d’immeubles à construire, les locations ventes, les adjudications volontaires, les ventes volontaires
aux enchères publiques, les cessions de droits indivis d’immeubles ou parties d’immeubles, les promesses de
vente valant vente dès la levée de l’option, les échanges, les apports en société d’immeubles ou de droits réels
immobiliers, les baux à construction, les baux à réhabilitation, les baux emphytéotiques administratifs consentis
sur le domaine public.
991
CE, 22 février 1995, « Commune de Ville-La-Grand », Dr. adm. 1995, n° 233.
992
Portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, notamment en son article 23.

284
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l’architecture et aux modalités de consultation du service des domaines, l’arrêté du 17


décembre 2001 relatif aux opérations immobilières poursuivies par les collectivités et
organismes publics993, et le décret n° 2016-1234 du 19 septembre 2016.
Malgré toutes ces dispositions légales relatives à la fixation du prix de vente par les
collectivités territoriales, aucun texte ne prévoit l’extension de l’aide à l’acquisition
applicable aux procédures de l’Etat, aux procédures de régularisation foncière menées par
les collectivités territoriales de proximité dans leur domaine privé994.
Face à ce vide juridique, et conscientes des efforts consentis par les occupants sans
titres pour la mise en valeur et la viabilisation des terrains d’assiette de leur construction,
certaines communes995, ont tenu à mettre en place un dispositif d’aide à l’acquisition,
s’inspirant fortement de celui applicable par l’État pour les cessions intervenant dans la zone
des cinquante pas géométriques. Dans ce cas, l’aide à l’acquisition se manifeste par
l’instauration d’abattements pratiqués sur le prix de vente, visant à en modérer le montant et
à faciliter la régularisation de sa situation pour l’occupant. Le prix de vente est fixé par
référence à la valeur vénale du terrain établie par la direction de l’immobilier de l’Etat. Ce
prix, calculé à partir d’une valeur au mètre carré, fait ensuite l’objet d’abattements qui
tiennent généralement compte de deux critères essentiels : le revenu imposable de
l’acquéreur et l’ancienneté de son occupation. Le conseil municipal se prononce sur le prix
de cession définitif, au vu de l’évaluation rendue préalablement par la Direction de
l’immobilier de l’Etat.
En sus du prix de cession, tel qu’il résulte après application de l’aide à l’acquisition le
futur acquéreur doit verser une participation correspondant à tout ou une partie des frais de
bornage et de délimitation du terrain occupé. Les frais de publication de l’acte de vente au
Service de la publicité foncière996, sont également à la charge de l’acquéreur. Le titre de
propriété est établi gracieusement par acte authentique administratif, au profit de l’occupant,
qui n’a donc rien à verser au titre de la rémunération de la prestation de rédaction d’acte,

993
Circulaire de la Préfecture des Hautes Alpes, Direction des libertés publiques et des Collectivités locales,
en date du 11 mars 2009, consultable sur le site « hautes-alpes.gouv.fr ».
994
Cette observation concerne également les autres collectivités territoriales de proximité et reste valable à la
date du 25 avril 2019.
995
C’est le cas des dispositifs mis en place par la commune de Fort-de-France pour la régularisation foncière
à Trénelle et Volga Plage. Les occupants font part de la façon dont ils ont créé le quartier et viabilisé le sol, en
transportant, souvent à dos d’homme, du sable, des pierres, et autres matériaux, pour densifier le sol et le rendre
constructible. La municipalité a, de son côté, fait des efforts, notamment à Volga Plage, par la mise en place
d’une pompe à eau. Mais, ce sont les occupants sans titre eux-mêmes qui ont viabilisé ces parcelles à l’origine
marécageuses (ex. : Volga Plage), ou boisées (ex. : Trénelle), défiant ainsi les éléments naturels.
996
Ex-Bureau des hypothèques.

285
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

contrairement à l’hypothèse d’une rédaction par acte notarié.


Pour le calcul de l’aide exceptionnelle, il est intéressant de citer le cas de Fort-de-
France qui s’inspire du dispositif de l’Etat et applique au prix de vente un taux de réduction
déterminé en fonction du revenu net imposable et de l’ancienneté d’occupation997.
Toutefois, l’application communale du dispositif d’aide exceptionnelle peut conduire
à un prix très bas998, d’où la fixation d’un prix de vente-plancher ou d’un pourcentage-socle999
pour éviter que le jeu des abattements n’aboutisse à une cession gratuite du domaine privé,
en contradiction avec la législation en vigueur. Dans d’autres cas, certaines familles ne
pouvant bénéficier de l’aide exceptionnelle à l’acquisition, bénéficient d’un abattement
forfaitaire sur le prix d’acquisition1000. En outre, des règles anti-spéculatives sont prévues.
Étant précisé que pour la détermination de l’abattement pour ancienneté d’occupation, toutes
les preuves et tous les commencements de preuve sont admis1001.
Malgré ce dispositif d’aide exceptionnelle, certains occupants sans titre éprouvent des
difficultés à procéder au paiement du prix de cession et des frais accessoires1002. Face à ces
situations, les collectivités territoriales de proximité tentent de répondre à la problématique

997
Ce taux est généralement de 50 % pour un revenu net imposable égal ou supérieur à 70 % d’un plafond fixé
en fonction du nombre de personnes composant le foyer fiscal. Il est de 60 % pour un revenu net imposable
égal ou supérieur à 40 % du plafond ; et il est de 80 % pour un revenu net imposable inférieur à 40 % du
plafond997. Étant ici précisé que pour la détermination de l’abattement fondé sur le revenu imposable, il est
tenu compte de l’avis d’imposition des revenus de l’année N-2. Le résultat ainsi obtenu est corrigé par
l’application d’un coefficient lié à l’ancienneté de l’occupation. Plus l’occupation est récente, plus le
coefficient est faible. Ce coefficient est donc dégressif Ce coefficient est de 100 % pour une ancienneté
antérieur au 1er janvier 1970 ; de 90 % pour une ancienneté située entre le 1 er janvier 1970 et le 31 décembre
1974 ; de 80 % pour une ancienneté située entre le 1er janvier 1975 et le 31 décembre 1979 ; de 70 % pour une
ancienneté fixée entre le 1er janvier 1980 et le 31 décembre 1984 ; de 60 % pour une ancienneté entre le 1 er
janvier 1985 et le 31 décembre 1989 ; et de 50 % pour une ancienneté située entre le 1 er janvier 1990 et le 31
décembre 1994. Le taux le plus bas appliqué est de 50 % pour une occupation située entre le 1 er janvier 1990
et le 31 décembre 1994. Il est nul pour une occupation postérieure.
998
Car si pour l’Etat, l’application du deuxième paramètre de l’ancienneté d’occupation est corrective, et
indicative de la quotité à retenir sur le premier taux calculé en fonction du revenu imposable, pour certaines
opérations communales, le taux relatif à l’ancienneté d’occupation constitue un second abattement sur le solde
restant après le premier abattement.
999
20 % du prix initial pour l’Etat.
1000
Abattement généralement fixé à 20 % du prix de vente.
1001
Ainsi, sont admis tous documents officiels, factures d’acquisition de matériaux de construction, et autres,
datés, mentionnant les noms, prénoms et adresses de l’occupant sans titre. Les services ont eu l’occasion
d’accepter, à titre de preuve d’ancienneté d’occupation, la copie intégrale de l’acte de naissance d’un enfant,
né à Volga Plage. Sur ledit acte de naissance, il était porté que la mère demeurait à l’adresse de Volga Plage, à
la date de naissance de l’enfant.
1002
Les raisons recensées sont notamment : l’âge avancé de certains occupants qui n’ont pour vivre que leur
maigre retraite, le sentiment pour certains d’être indubitablement attachés à leur terre sans que rien ne puisse
les en déloger qu’ils en fassent ou non l’acquisition, les difficultés inhérentes à la situation familiale de certains
acquéreurs (divorce, séparation de biens, décès de l’occupant initial entraînant une transmission des droits
détenus sur la construction édifiée par succession, etc.), le caractère politique prononcé des opérations de
régularisation foncière (le pouvoir des urnes donne à certains occupants une forme de légitimité à demeurer
dans le statu quo), et bien d’autres considérations.

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de l’occupation sans titre de leur domaine, en adaptant les solutions juridiques1003, et en


offrant un accompagnement et une assistance juridiques aux occupants attributaires.
Par ailleurs, bien que les acquisitions faites par les communes1004 ne donnent lieu à
aucune perception au profit du Trésor Public, comme étant exonérées de la taxe de publicité
foncière, des droits d’enregistrement et des droits de timbre, en vertu de l’article 1042 du
code général des impôts (CGI), les droits sont en revanche exigibles sur les aliénations
d’immeubles consenties par lesdites collectivités. En conséquence, la taxe de publicité
foncière, les droits d’enregistrement et la contribution à la sécurité immobilière demeurent
à la charge des occupants acquéreurs qui en sont les redevables légaux1005. Cependant, les
frais et émoluments de notaire sont économisés par les bénéficiaires des cessions consenties
par actes authentiques administratifs.
Le calcul du prix dans le cadre des opérations de régularisation foncière s’effectue, au
vu de l’avis délivré par la Direction de l’immobilier de l’Etat. L’aide exceptionnelle à
l’acquisition, lorsqu’elle a été décidée en amont par l’organe délibérant de la collectivité, est
appliquée sur le prix total de base déterminé au mètre carré, au vu de l’avis des Domaines.
Au prix total sont donc appliqués différents abattements tenant compte du revenu imposable
de l’accédant à la propriété et de l’ancienneté de son occupation, au vu des justificatifs
fournis1006 ; selon une pratique inspirée de celle mise en place par l’État dans la zone des
cinquante pas géométriques.
Au prix de vente définitif, après application de l’aide exceptionnelle à l’acquisition,
s’ajoutent, en tout ou partie, les frais de bornage de la parcelle. Il en résulte un prix de vente,
charges augmentatives incluses1007. En raison de la modicité des prix de vente, eu égard aux
abattements pratiqués, ou compte tenu du coût élevé des procédures de régularisation
foncière, il est fréquent que les personnes publiques locales, mettent à la charge de
l’accédant, tout ou partie des frais de bornage, à l’instar de l’Etat.
Une fois les formalités préalables ci-dessus effectuées, la délibération fixant les

1003
Cf. Annexe : tableau des règles juridiques applicables à chaque situation de fait rencontrée.
1004
Cette règle concerne en réalité toutes les collectivités territoriales.
1005
Ces frais de publication de l’acte au Bureau des Hypothèques demeurent modérés car ils ont comme assiette
le prix de vente calculé tel que sus dit.
1006
Avis d’impôt sur le revenu de l’année N-2 et justificatifs d’ancienneté d’occupation (actes sous seing privé
ou actes authentiques concernant la construction, factures de matériaux de construction, contrat de construction
de maison individuelle, attestations des voisins, justificatifs de paiement de la taxe foncière sur le bâti, relevé
de propriété cadastrale pour la construction, etc. S’y ajoutent les baux (même caduques), certificats
d’occupation, baux emphytéotiques, etc., quand une régularisation foncière par bail avait été entamée.
1007
Lorsque l’acquéreur paie spontanément les frais de bornage (par exemple, pour faciliter l’aboutissement
de son dossier d’acquisition). En effet, bien que les frais de bornage soient généralement imputables aux
vendeurs, ils peuvent être mis à la charge de l’acquéreur, par convention tacite ou expresse.

287
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charges et conditions de la vente peut être prise.

5) Délibération fixant les conditions, modalités et caractéristiques de la


vente :

La délibération fixant les charges et conditions de la vente permet la régularisation par


cession et la signature de l’acte de vente par la personne publique au profit de l’occupant
sans titre. En effet, s’agissant des communes de plus de 2000 habitants, en vertu de l’article
L2241-1 alinéa 3 du CGCT, une délibération motivée de cession est prise par le conseil
municipal, fixant les conditions, modalités et caractéristiques essentielles de la vente (prix,
charges et conditions de la vente), au vu de l’estimation des domaines 1008, et autorisant la
signature de l’acte de vente par le maire ou tout délégataire. La même délibération peut
concerner plusieurs occupants1009.
Une telle délibération, est-elle de nature à conférer un droit acquis à son bénéficiaire
ou faut-il attendre l’acte authentique de vente pour que le droit soit acquis ? Les délibérations
des assemblées locales autorisant la cession d'immeubles du domaine privé, sont des actes
administratifs créateurs de droits, dès lors que la chose, le prix, ainsi que l'identité de
l'acquéreur sont déterminés et que leur exécution ne se trouve subordonnée à aucune
condition suspensive ou résolutoire1010 ; c’est le cas en matière de régularisation foncière.
En outre, nonobstant le fait qu’une délibération définitive puisse faire l'objet d'un
retrait, il résulte des principes dégagés par le Conseil d’État dans sa décision « TERNON »
du 26 oct. 20011011, qu’une collectivité ne peut retirer une décision individuelle explicite
créatrice de droits, si elle est légale. De même, elle ne peut retirer une décision illégale, que
dans le délai de quatre mois suivant son adoption. De plus, la question de savoir si une
collectivité peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, légale, mais
non suivie d’exécution depuis plus d’un an, a été résolue par une décision de la Cour
administrative d’appel de Marseille, du 24 janvier 20121012. Cette juridiction a jugé qu'une
délibération autorisant, sans fixer le délai pour la passation de l'acte de vente, la cession d'un

1008
Le tout, selon les modalités prévues aux articles L1311-9 à L1311-12 du CGCT. Cf. en ce sens, une réponse
ministérielle publiée au J O. du 23 novembre 2010, page 12929, en réponse à une question publiée au J.O. du
05 octobre 2010, page 10736.
1009
Les municipalités conçoivent généralement des tableaux mentionnant, pour chaque occupant, son identité,
les références cadastrales de la parcelle occupée, le prix et les modalités de la cession (simple, en indivision,
en démembrement, etc.). Ce tableau est inséré dans le corps de la délibération.
1010
CE, 8 janvier 1982, n° 21510 ; CAA Nancy, 5 août 2010, n° 09NC01137 ; CAA Bordeaux, 10 mai 2012,
n° 11BX01264.
1011
CE, 26 octobre 2001, n° 197018.
1012
CAA Marseille, 24 janvier 2012n° 10MA01232.

288
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

terrain à un particulier, n'était créatrice de droit au profit de l'intéressé que sous la condition
que la vente soit réalisée dans un délai raisonnable1013.
Par ailleurs, le maire ne peut refuser d'exécuter de sa propre initiative une décision
prise par le conseil municipal, car cette inexécution interviendrait en méconnaissance des
dispositions de l'article L2122-21 du CGCT. Il s’agirait d’un refus d’exécution, passible d’un
recours pour excès de pouvoir de la part du bénéficiaire lésé1014.
Les juridictions compétentes pour juger de la légalité des délibérations relatives aux
cessions immobilières, sont les tribunaux judiciaires. À cet égard, le Tribunal des Conflits,
dans sa décision du 24 octobre 19941015, a posé le principe selon lequel « les litiges
concernant la gestion du domaine privé des collectivités locales relèvent de la compétence
des tribunaux judiciaires »1016. Toutefois, le juge administratif peut être compétent, si l'acte
(délibération, décision) affecte le périmètre ou la consistance du domaine privé, et dans le
cas où la convention litigieuse comporte une ou plusieurs clauses exorbitantes du droit
commun1017. La délibération qui annule celle autorisant la vente du domaine privé de la
commune, doit donc être regardée comme affectant le périmètre du domaine privé de ladite
commune et comme relevant, par conséquent, de la compétence de la juridiction
administrative1018.
Avec la loi MURCEF du 11 décembre 20011019, certaines formalités antérieures ont
été supprimées1020. Par ailleurs, les collectivités locales de plus de 3500 habitants et leurs
établissements publics, doivent inscrire tous les ans les cessions d’immeubles ou de droits
réels immobiliers, sur un tableau qui demeure annexé au compte administratif de la
collectivité ou de l’établissement public. En outre, les communes de plus de 2000 habitants
et leurs établissements publics notamment, sont tenus d’établir un bilan annuel des cessions

1013
CAA Marseille, 24 janvier 2012, n° 10MA01232. En l’espèce, a été jugée légale « une délibération par
laquelle le conseil municipal a annulé une précédente délibération, antérieure de 9 années, autorisant la vente
d'une parcelle du domaine privé à un particulier, au comportement au demeurant fautif ».
1014
Réponse ministérielle publiée au JO du 26/11/2013, page 12419.
1015
TC, 24 octobre 1994, n° 02922, Rec. Lebon.
1016
Dans cet arrêt, le Tribunal des Conflits considère que « la contestation, par une personne privée, de l'acte
(délibération ou décision du maire), par lequel une commune (ou son représentant), gestionnaire du domaine
privé, initie avec cette personne, conduit ou termine une relation contractuelle, quelle qu'en soit la forme, dont
l'objet est la valorisation ou la protection de ce domaine et qui n'affecte ni son périmètre ni sa consistance, ne
met en cause que des rapports de droit privé et relève, à ce titre, de la compétence du juge judiciaire ; qu'il en
va de même de la contestation concernant des actes s'inscrivant dans un rapport de voisinage ».
1017
Réponse ministérielle publiée au JO du 26/11/2013, page 12419, sur le lien suivant :
http://www2.assemblee-nationale.fr/questions/detail/14/QE/23917.
1018
CAA Marseille, 24 janvier 2012, n° 10MA01232.
1019
Loi MURCEF n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, notamment ses articles 23 et Ss.
1020
Notamment celle du visa du directeur des services fiscaux, qui était obligatoire pour la publication de l’acte
au bureau des hypothèques (actuel Service de la publicité foncière).

289
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

et acquisitions, qui demeure annexé à leur compte administratif, et qui doit faire l’objet d’une
délibération de l’assemblée de la collectivité intéressée.
Une fois la délibération prise et exécutoire1021, un courrier de notification du prix de
vente et des frais accessoires est adressé par la collectivité territoriale aux occupants
attributaires en exécution de ladite délibération. Ceux-ci, en cas d’acceptation, doivent
prendre l’attache d’un notaire pour la rédaction de leur titre de propriété. À défaut, la
collectivité peut procéder à la rédaction du titre de propriété par acte authentique reçu en la
forme administrative. En définitive, les occupants attributaires ont le choix entre deux
options : la régularisation par acte authentique administratif ou celle par acte authentique
notarié (plus coûteuse).

6) Rédaction de l’acte de vente en la forme authentique administrative ou


notariée et publicité foncière

En cas de régularisation foncière par acte authentique notarié, le dossier est transmis
au notaire choisi par l’administré. Le notaire procède à la rédaction du titre de propriété,
après avoir effectué les formalités préalables à la vente. Il effectue également les formalités
postérieures à la signature de l’acte de vente, notamment la formalité de publicité foncière
du titre de propriété auprès du service de la publicité foncière. L’exécutif de la collectivité
intervient comme représentant de la personne publique, venderesse.
En cas de régularisation par acte authentique reçu en la forme administrative, solution
moins coûteuse pour l’acquéreur, l’exécutif de la collectivité territoriale, intervient en qualité
d’officier public, en vertu de l’article L1311-13 du CGCT.
Cet article énonce que : « les maires, les présidents des conseils généraux et les
présidents des conseils régionaux, les présidents des établissements publics rattachés à une
collectivité territoriale ou regroupant ces collectivités, et les présidents des syndicats mixtes
sont habilités à recevoir et à authentifier, en vue de leur publication au fichier immobilier,
les actes concernant les droits réels immobiliers ainsi que les baux, passés en la forme
administrative par ces Collectivités et établissements publics » ; et que « lorsqu’il est fait
application de la procédure de réception et d’authentification des actes, mentionnée au
premier alinéa de l’article L1311-13 susmentionné, la collectivité territoriale ou
l’établissement public partie à l’acte, est représenté, lors de la signature de l’acte, par un
adjoint ou un vice-président dans l’ordre de leur nomination »1022.

1021
Par transmission ou télétransmission au Préfet pour l’exercice du contrôle de la légalité.
1022
La délibération prise par l’organe délibérant apporte cette précision.

290
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

L’acte reçu en la forme authentique administrative, est établi gracieusement par


l’administration territoriale concernée, les collectivités locales ne se faisant pas rémunérer
pour leurs services rédactionnels1023. Il s’agit véritablement d’une forme de service
assimilable à un service public non obligatoire, délivré aux administrés. Ceux-ci n’ont en
définitive à payer que le coût des formalités de publicité foncière de l’acte de vente à leur
profit, auprès du Service de Publicité Foncière du lieu de situation de l’immeuble, et
éventuellement, le coût des frais de bornage du terrain d’assiette de leur construction. Les
exécutifs locaux ne peuvent intervenir pour authentification, que si la collectivité locale est
partie à l’acte. Dans le cas inverse, il y a nécessité de rediriger les occupants vers les notaires.
Le recours à d’autres professionnels du droit (notaires, juges, mandataires judiciaires, etc.)
peut s’avérer nécessaire, pour l’obtention des actes de notoriété après décès, des
autorisations d’acquérir sollicitées auprès des juges de tutelles, etc. Les formalités
antérieures et postérieures à la signature de l’acte sont effectuées par le service chargé de la
rédaction des actes1024.
Il convient ici de rappeler que tout acte translatif d’un droit réel immobilier doit faire
l’objet d’une publication au bureau des hypothèques, devenu service de la publicité
foncière1025. Les titres de propriété délivrés aux occupants sans titre, dans le cadre des
procédures de régularisation foncière, sont établis en la forme authentique notariée ou
administrative et sont dûment publiés au service de la publicité foncière aux fins
d’opposabilité aux tiers1026. Une fois la publicité foncière effectuée, la copie authentique de
l’acte de vente, revêtue de la mention de publicité foncière, est remise à l’occupant désormais
titré, contre décharge. La minute (l’original) de l’acte de vente est obligatoire conservée aux
archives de l’officier public.

1023
Dans la pratique, les collectivités font appel à des diplômés notaires ou des personnes ayant des
compétences en matière notariale, pour la rédaction des actes authentiques en la forme administrative.
1024
Parmi les formalités antérieures figurent : la demande de renseignements sommaires urgents hors
formalités auprès du service de la publicité foncière, les diagnostics éventuels, les demandes de pièces
complémentaires nécessaires à la rédaction de l’acte (actes d’état-civil, notoriété après décès, justificatifs
complémentaires, etc. ), la rédaction et l’envoi des procurations pour les acquéreurs situés hors du territoire,
l’assistance et l’accompagnement juridiques des occupants attributaires, notamment en présence d’acquéreurs
incapables majeurs (aide à la rédaction de requêtes adressées au juge des tutelles pour autoriser l’acquisition
par le majeur sous tutelle, procurations adressé au curateur, etc.) et autres formalités.
1025
Le service de la publicité foncière, directement géré par l’État, a été créé le 1er janvier 2013, par suite de la
réorganisation de la conservation des hypothèques. Le régime actuel de publicité découle du décret n° 55-22
du 04 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, et du décret n° 44-1350 du 14 octobre 1955 pris
par l’application du décret du 04 janvier 1955 sus visé.
1026
En Alsace-Moselle, dans les trois Départements, Bas-Rhin, Haut-Rhin et Moselle, c’est statut local fondé
sur l’existence d’un Livre Foncier qui est applicable. Ainsi, le rôle joué par le Service de la publicité foncière
y est assuré par le système du Livre Foncier.

291
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Dès lors, l’occupant ayant acquis le statut de propriétaire, entre dans un processus
immobilier légal, avec les droits bénéficiant à tout propriétaire foncier et les obligations lui
incombant. Il peut disposer de son bien, le donner en garantie d’un prêt immobilier, le
vendre, en faire donation à ses présomptifs héritiers, organiser le règlement anticipé de sa
succession, apporter ledit bien en société, et biens d’autres actes de propriétaire. En
définitive, il devient un propriétaire foncier responsable au sens du droit français.
Figurent ci-après des cas d’expérimentations de pratiques de régularisation foncière
dans le domaine privé de collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution (B).

B. EXPÉRIMENTATIONS PRATIQUES DE RÉGULARISATIONS


FONCIÈRES DANS LE DOMAINE PRIVÉ COMMUNAL

Des situations d’occupation sans titre s’observent un peu partout dans les villes de la
Caraïbe, en Guyane et dans l’océan indien. De nombreux élus locaux et responsables
politiques cherchent une solution durable à cette problématique foncière. En Guadeloupe
comme en Martinique et à Mayotte, l’occupation sans titre concerne la zone des cinquante
pas géométriques, le domaine privé des collectivités publiques, et la propriété des personnes
privées. À La Réunion et en Guyane, le domaine privé des personnes publiques reste très
concerné, à la suite des régularisations foncières déjà intervenues.
L’expérimentation de pratiques de régularisation foncière, par la rétrocession au profit
des occupants sans titre dans les quartiers auto-construits de Fort-de-France, des terrains sur
lesquels ils ont édifié ou fait édifier leur maison d’habitation, constitue une innovation dans
la Caraïbe, ainsi que l’a fait remarquer Serge LETCHIMY dans son ouvrage intitulé « De
l’habitat précaire à la Ville : l’exemple martiniquais »1027. Le député Serge LETCHIMY a
contribué à l’instauration de procédures de régularisation foncière sui generis dans la
commune de Fort-de-France1028. Il s’agit pour lui, de la mise en place d’un véritable « droit
à la ville » au bénéfice des occupants du domaine privé communal1029, au travers de théories
humanistes et d’idéologies politiques, mises en action.
Les expérimentations ci-après méritent d’être ici rapportées.

1027
LETCHIMY (Serge), « De l’habitat précaire à la Ville : l’exemple martiniquais », Éditions L’harmattan,
Paris, 1992, 149 pages.
1028
De nombreux quartiers de Fort-de-France en Martinique sont concernés par ces procédure : Trénelle,
Volage Plage, Redoute, Rive Droite Levassor, Taxaco, etc.
1029
Idem. Serge LETCHIMY, député de la Martinique, est ancien Maire de Fort-de-France et ancien Président
de la Région Martinique

292
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

1) Expérimentation dans les quartiers populaires de Fort-de-France

La commune de Fort-de-France apparaît comme innovante pour la mise en place de


procédures de régularisation adaptées de l’occupation de son domaine privé. D’après les
enquêtes déjà réalisées par la commune, environ un peu plus de la moitié des terrains
communaux seraient occupés sans titre par une population non officiellement répertoriée par
les services municipaux, un peu moins de la moitié ayant déjà fait l’objet d’une
régularisation foncière par contrat de bail. Serge LETCHIMY dénombre 23000 occupants
illégalement installés à Fort-de-France dans la marginalité et illégalité1030. À la fin de l’année
2005 on enregistrait environ 974 baux consentis par la commune aux occupants sans titre1031.
Lesquels baux sont destinés à être remplacés au fur à mesure par des titres de propriété au
profit des occupants.
Pour juguler l’occupation sans titre de son domaine privé, après avoir mis en place des
procédures de régularisation foncière par l’octroi de baux, la commune de Fort-de-France a
lancé aux environs des années 2000, des procédures de régularisation foncière par cession
en privilégiant la délivrance d’un véritable titre de propriété aux occupants. La rédaction de
ces titres de propriété a d’abord été confiée aux notaires. Mais, eu égard au peu de titres de
propriété délivrés, la commune a pris la décision de recruter en son sein les compétences
nécessaires à la rédaction des titres de propriété « in house », en la forme authentique
administrative. À cet effet, la commune de Fort-de-France a mis en place plusieurs services
dédiés à la régularisation foncière. Elle a mis en place des procédures d’aide exceptionnelle
à l’acquisition, par l’application d’abattements tenant compte du revenu imposable de
l’accédant et de l’ancienneté de son occupation, tel qu’il est expliqué ci-dessus, en amont.
Le dispositif d’aide est validé par l’organe délibérant, en l’absence de texte législatif
spécifique prévoyant un tel dispositif d’aide pour les communes. Le contrôle de légalité,
effectué par la télétransmission de la délibération communale au préfet, n’a pas mis en
évidence cette caractéristique.
Les procédures de régularisation foncière mises en place par la commune de Fort-de-
France sur son domaine privé comportent, préalablement à toute cession, une phase de

1030
LETCHIMY (Serge), « De l’habitat précaire à la Ville : op. cit., p. 12, 149 pp.
1031
PALCY LOUIS-SIDNEY (Marguerite), PALCY LOUIS-SIDNEY (Marguerite), « La régularisation de la
situation des occupants sans titre du domaine de l’État et des collectivités locales : le cas de Fort-de-France ».
Mémoire soutenu le 25 juin 2007, op cit. p. 148, 234 pp.

293
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

consultations, de planification et d’investigations1032. La décision d’acquérir ou d’aliéner un


immeuble étant du ressort du conseil municipal, l’opération doit être prévue au budget. Une
délibération sur le principe de cession aux occupants est ordinairement adoptée et constitue
le point de départ de la procédure de régularisation foncière1033.
La phase d’instruction des dossiers comprend la constitution des dossiers, et le bornage
des parcelles occupées. À cette occasion, les requérants fournissent diverses pièces
nécessaires à l’étude de leur dossier1034. Une phase d’accompagnement juridique des familles
est parallèlement aménagée1035.
La phase de bornage permet l’identification précise de la parcelle occupée. À cet effet,
le géomètre dresse les plans de division et de bornage, en accord avec les occupants, et en
présence d’un technicien de la Ville, pour éviter tout conflit de bornage et de voisinage. Pour
éviter tout contentieux, un plan parcellaire est établi, faisant apparaître notamment toutes les
servitudes d’accès et, dans la mesure du possible, le lieu d’implantation et de passage des
réseaux et canalisations diverses. Un plan de bornage, matérialisant les bornes, est dressé
pour chaque parcelle à céder, en vue d’être annexé à l’acte de vente. 1036.
La délibération autorisant la cession se prononce sur la forme de l’aliénation (de gré à
gré ou par adjudication, notariée ou administrative)1037, le prix, les modalités, conditions et
caractéristiques essentielles de la vente1038.

1032
Consultation des services chargés de l’urbanisme et de la planification, des services chargés de
l’administration du domaine privé communal, et d’autres services internes, en vue de l’obtention
d’informations précises sur la cessibilité des terrains en cause, leur constructibilité, le statut d’occupation des
parcelles, les servitudes et contraintes d’urbanisme applicables, etc. Des secteurs d’intervention prioritaires
sont délimités, à partir des zones réputées immédiatement cessibles.
1033
Des permanences sont mises en place dans les quartiers concernés, afin de permettre aux administrés de
s’informer. Ceux-ci peuvent aussi se renseigner directement auprès des services concernés.
1034
Documents justificatifs : de leur identité (pièces d’état civil), de leur ancienneté d’occupation (factures,
anciens courriers, actes sous seing privés, copie intégrale d’acte de naissance comportant l’adresse de
l’occupant, …), de leur revenu imposable (avant-dernier avis d’imposition à l’impôt sur le revenu), de la
désignation de la parcelle occupée (extrait de plan et matrice cadastrale, …), de la construction édifiée ou
acquise, et tous documents utiles (Actes sous signatures privées, anciennes factures, etc.).
1035
Les dossiers complexes sont examinés au cas par cas. Des pièces complémentaires peuvent être sollicités
(notoriété après décès, courriers de désistement des ayant-droits ou ayants-cause non intéressés par
l’acquisition du terrain, …). Des modalités juridiques d’acquisition plus adaptées peuvent être proposées.
1036
Pour une meilleure efficacité, une application directe du document d’arpentage est sollicitée par le géomètre
au service du cadastre, suivie d’une publication au service de la publicité foncière, préalablement à toute
cession, de manière à permettre l’identification des terrains à vendre et prévenir tout litige de ce chef.
1037
Dans le cas d’une cession par acte notarié, le dossier est adressé directement au notaire choisi par
l’occupant. L’acte authentique en la forme administrative constitue une opportunité légale pour la ville et pour
l’occupant, mais ne peut pas être imposé à dernier.
1038
La notification du prix de vente intervient après validation de la cession par délibération ou sous réserve
de la validation de la cession par délibération du conseil municipal. Un cahier des charges peut éventuellement
être établi et publié au service de publicité foncière, concernant les terrains situés dans tel ou tel secteur, après
enquête préalable préconisée par l’exécutif local.

294
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Une fois le paiement du prix effectué par les occupants-acquéreurs, les titres de
propriété au profit des occupants sont rédigés par les services compétents, au vu de la
délibération du conseil municipal autorisant la cession, sur la base de documents d’arpentage
en rectification de limites1039, de plans parcellaires établis par secteurs, de plans de bornage
individuels des terrains à céder, et au vu de l’origine de propriété de la commune, et des
quittances des paiements préalablement effectués par les occupants auprès de la Trésorerie
principale1040. Le projet d’acte est remis au futur acquéreur pour observations. La signature
de l’acte intervient après accomplissement des formalités préalables, sur présentation des
quittances et déclarations de recettes délivrées tant par la trésorerie municipale1041, que par
le service de la publicité foncière. Le maire, agissant en qualité d’officier public, confère
l’authenticité à l’acte de vente rédigé en la forme administrative, conformément à l’article
L1311-13 du CGCT. Un adjoint, dans l’ordre de sa nomination, représente la commune.
L’acte de vente est ensuite publié au service de la publicité foncière (SPF)1042. Le coût
de la publicité foncière est supporté par l’occupant-acquéreur, même dans l’hypothèse où
l’acte authentique est reçu en la forme administrative1043. En conséquence, la taxe de publicité
foncière, les droits d’enregistrement, et le salaire du conservateur, demeurent à la charge des

1039
Il n’est pas fait mention de lotissement dans le présent cadre, les opérations de régularisation foncière
n’étant, en général, pas constitutives d’un lotissement. Trois éléments essentiels militent en faveur de cette
thèse : la quasi-totalité des bâtiments implantés sur le domaine communal privé sont achevés depuis plus de
dix ans, l’intention d’implanter un bâtiment est une condition essentielle du lotissement, or les parcelles
vendues sont déjà construites, et en troisième lieu, certains occupants ont bénéficié d’autorisations de construire
et d’effectuer des travaux. C’est la raison pour laquelle le géomètre a établi des documents d’arpentage en
rectification de limites directement publiés au bureau des hypothèques.
1040
Des formalités préalables classiques en matière de cession sont aussi effectuées (demande de renseignement
hypothécaire hors formalités, demande de certificat d’urbanisme, demande de renseignements sommaires
urgents hors formalités, données du plan de prévention des risques naturels, …etc.).
1041
Le titre de recette contient quittance du prix de vente et des charges augmentatives et demeure annexé à
l’acte de vente, à défaut d’intervention du trésorier municipal à l’acte.
1042
Institution administrative et fiscale dépendant de la direction générale des finances publiques (DGFIP), et
chargé de recenser et publier l’ensemble des informations sur les biens immobiliers et leurs propriétaires,
permettant ainsi de garantir la sécurité des transactions immobilières et leur opposabilité aux tiers par la
procédure de publication. Toute personne concernée, et tout tiers, peuvent obtenir du SPF des éléments sur un
immeuble, sur la situation juridique d’un bien immobilier et son propriétaire. Il y a en général, un service de
publicité foncière par Département ; soit un total de 354 services. À l’occasion de la réorganisation de la
conservation des hypothèques, l’institution ancienne que représentait le conservateur des hypothèques a été
supprimée. Son statut, et donc son salaire (0,10 % de la valeur des biens mentionnée dans l’acte), ont été
supprimés. Toutefois, le montant de 0,10 %, correspondant à l’ancien salaire du conservateur des hypothèques,
a été réaffecté à une taxe perçue par l’État, dénommée « contribution à la sécurité immobilière ».
1043
Car, si les acquisitions faites par les communes et collectivités territoriales en général, ne donnent lieu à
aucune perception au profit du Trésor Public, comme étant exonérées de taxe de publicité foncière, de droits
d’enregistrement et de droit de timbre, en vertu de l’article 1042 du Code général des impôts (CGI), il en est
autrement concernant les aliénations d’immeubles consenties par lesdites collectivités locales, qui génèrent
quand même des droits de mutation à titre onéreux à la charge des acquéreurs.

295
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

occupants-acquéreurs1044. Cependant, les frais et émoluments de notaire sont économisés par


les administrés bénéficiaires des cessions consenties en la forme authentique administrative.
À moins que la commune et la collectivité unique ou la région, selon les cas, ne renoncent à
la part qui leur revient dans le montant de la taxe de publicité foncière1045.
En outre, les communes effectuent parfois des opérations publiques de remises de titres
de propriété, afin d’inciter les occupants sans titre à régulariser leur situation1046. Ces
opérations, effectuées solennellement, constituent une sorte de vitrine des interventions des
personnes publiques locales.
En définitive, le dispositif global d’aide à l’acquisition mis en place par la commune
de Fort-de-France comprend : une aide exceptionnelle à l’acquisition s’inspirant de celle de
l’Etat, la délivrance des titres de propriété sous la forme d’actes authentiques administratifs
permettant de faire l’économie des frais de notaire, et la délivrance dans certains cas de
conseils juridiques adaptés. Malgré cela, certains occupants rencontrent certaines difficultés
à procéder au paiement du prix de vente ou à procéder à la signature de leur titre1047.
La régularisation foncière menée à Fort-de-France rencontre un certain succès auprès
des occupants sans titre, ainsi qu’en témoignent les articles publiés dans le quotidien
« France-Antilles »1048. Depuis le début des opérations de régularisation foncière sur le
domaine privé de la commune de Fort-de-France, jusqu’en août 2019, près d’un millier de
titres de propriété ont pu être délivrés sur ledit domaine communal1049. À Fort-de-France,
tous les quartiers populaires sont concernés, et notamment ceux suivants : Trénelle, Volga
Plage, Texaco, Châteauboeuf, Montgéralde, Redoute Haut Maternité, Redoute Bas
Maternité, etc. Le cas de certains de ces quartiers mérite d’être relaté.
a) Régularisation foncière au quartier Volga Plage :

1044
Ces frais de publication de l’acte au Bureau des Hypothèques demeurent modérés car ils ont comme assiette
le prix de vente calculé tel que sus dit.
1045
Par exemple pour une taxe de publicité foncière totale de 5,80665 % assise sur le prix de vente, charges
augmentatives incluses, la part revenant à la CTM (pour la Martinique) ou à la région est de 4,50 %, la part
communale est de 1,20 % et les frais d’assiette et de recouvrement (revenant à l’Etat) s’élèvent à 2,37 % de la
part régionale (c’est-à-dire 2,37 % des 4,50 %).
1046
Un article paru dans le journal « France-Antilles » du 9 mai 2007, témoigne de la satisfaction des occupants
sans titre devenus enfin propriétaires.
1047
Les raisons recensées sont hétéroclites : âge avancé de certains occupants qui n’ont pour vivre que leur
maigre retraite, sentiment pour certains d’être indubitablement attachés à leur terre sans que rien ne puisse les
en déloger, qu’ils en fassent ou non l’acquisition, difficultés inhérentes à la situation familiale de certains
acquéreurs (divorce, séparation de biens, etc.), voire refus d’acquérir, et autres raisons. Face à ces situations,
des solutions juridiques sont adaptées à chaque cas d’espèce, mais cela n’est pas toujours suffisant.
1048
ABATUCI (M.), « Fort-de-France – Cession de terrains communaux – Quinze familles de Volga Plage
accèdent à la propriété », France-Antilles, article paru le 09 mai 2007.
1049
Chiffres tirés de mon expérience personnelle en tant que responsable du service « Rédaction d’actes et
Assistance Juridique » au sein de la commune de Fort-de-France.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

L’examen des procédures de régularisation foncières menées à Volga Plage, quartier


populaire emblématique de Fort-de-France, est assez représentatif des procédures mises en
place par les communes outre-mer1050. Les opérations de régularisation foncière menées dans
ce quartier revêtent une importance fondamentale, s’agissant d’un quartier populaire
méritant d’être revalorisé. Nul n’y va sans avoir quelque chose à y faire. La dimension
sociale, le peu de ressources dont bénéficient de nombreux occupants de ces quartiers, et la
connaissance particulière par les politiques de ce type de quartiers, font de la régularisation
de la situation des occupants, un défi pour la municipalité et pour les occupants. Ces
occupants ont souvent participé à la naissance et à la création desdits quartiers, et à la
viabilisation des terrains, en transformant, de leurs mains, des terrains marécageux à
l’origine, en terrains constructibles. Ainsi, pour bon nombre d’occupants sans titre de Volga
Plage1051, l’accès à la propriété foncière et au droit de propriété, à moindre coût, constitue
une forme de réparation d’une injustice sociale, compte tenu de leur investissement
personnel dans la naissance du quartier et la viabilisation de son territoire1052.
La procédure de régularisation foncière menée à Volga Plage a débuté par l’acquisition
par le commune de Fort-de-France, des mains de l’État, de diverses parcelles de terrain
dépendant de la réserve domaniale dite « zone des 50 pas géométriques », situées sur le
territoire de la commune, lieudit Volga Plage, d’une superficie globale de six hectares
cinquante-huit ares soixante-treize centiares (06ha 58a 73ca), aux termes d’un acte reçu par
le Préfet de la Martinique, le 14 avril 19871053. Il est précisé dans l’acte d’acquisition que les
terrains étaient déjà occupés par des constructions appartenant à des particuliers et que
l’opération s’inscrit dans une politique de rénovation de ce quartier insalubre. Le
représentant de l’État déclare au dit acte, que les terrains concernés n’ont fait l’objet

1050
PALCY LOUIS-SIDNEY (Marguerite), « La régularisation de la situation des occupants sans titre du
domaine de l’État et des collectivités locales : le cas de Fort-de-France ». Mémoire soutenu le 25 juin 2007,
sous la direction de M. Henry HAUSTANT, Conseiller au du Tribunal administratif de Fort-de-France, présenté
dans le cadre du Master 2 Recherches en Droit Public Fondamental, à l’Université des Antilles et de la Guyane.
1051
Le domaine communal de Volga Plage se caractérise par une urbanisation anarchique développée dans les
années 1950, sans sécurité juridique et foncière. Certains occupants disposaient de certificats d’occupation
délivrés par les services municipaux, eu égard à la construction qu’ils ont fait édifier, ou dans le cadre
d’opérations de réhabilitation de leur logement, ou le cas échéant dans les cas de ventes sous seing privé des
constructions qu’ils ont fait édifier1051, mais l’occupation sans aucun titre y demeurait le cas le plus répandu.
1052
Cf. en annexe un modèle d’acte de régularisation foncière par acte authentique reçu en la forme
administrative. Précision étant ici faite que les actes de régularisation sont régulièrement remaniés en fonction
des données nouvelles et des difficultés révélées par certaines situations de fait.
1053
Publié et enregistré au Service de la publicité foncière de Fort-de-France, le 19 octobre 1987, volume 3285,
numéro 29. L’acquisition a eu lieu à l’époque moyennant le prix principal de cent quatre-vingt mille francs
(180.000,00 FRF), soit une contre-valeur de vingt-sept mille quatre cent quarante euros et quatre-vingt-deux
cents (27. 440,82 €).

297
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

d’aucune location ou autorisation d’occupation. Il s’agissait donc d’occupations sans titre.


L’objectif de la commune de Fort-de-France était de répondre aux demandes de
régularisation de la part des occupants et à l’exigence de sortir ces occupants de la précarité
juridique et foncière. Car, une fois devenus propriétaires, les anciens occupants sans titre
peuvent accomplir tous les actes d’un propriétaire1054. La décision politique de régularisation
foncière à Volga Plage fut officialisée par délibérations prises par le conseil municipal1055.
Par ailleurs, pour le calcul de l’aide exceptionnelle pratiquée pour la régularisation
foncière à Volga Plage, il est appliqué au prix de vente un taux de réduction déterminé en
fonction du revenu net imposable1056. Un prix de vente plancher a été retenu par le conseil
municipal pour toute cession de terrain à Volga Plage, afin d’éviter que l’opération
n’aboutisse à une cession gratuite, par le jeu de l’aide à l’acquisition. Une délibération du 21
septembre 2006 a accordé aux familles ne pouvant bénéficier de l’aide exceptionnelle, un
abattement forfaitaire de 20 % sur le prix d’acquisition, tout en tenant compte de l’ancienneté

1054
Réhabiliter leur construction, disposer de leur bien à titre onéreux (par vente, échange, …), ou à titre gratuit
(par donation, donation-partage, partage, …), y compris sur la base de règlements de copropriété avec états
descriptifs de division, pour les biens acquis en indivision.
1055
Une délibération du 26 octobre 2004, exécutoire, valide le principe de cession du domaine communal privé
de Volga Plage au profit des occupants, après identification des terrains à céder, et sollicitation des Services
fiscaux pour l’estimation des terrains. Il s’agit aussi de permettre, après étude et programmation, la réalisation
des travaux de bornage des parcelles, avant les ventes. Des secteurs d’intervention prioritaires furent délimités
pour l’intervention du géomètre chargé de procéder aux opérations de délimitation et de bornage, avant cession.
D’autres délibérations furent ensuite entérinées. Une délibération du 25 juillet 2006, autorisa la vente au profit
des occupants, au prix de cession à douze euros le mètre carré, au vu de l’évaluation du directeur des Services
Fiscaux, et entérina un dispositif d’aide à l’acquisition visant à faciliter l’accession à la propriété des occupants
sans titres à revenus modestes. Enfin, la délibération de cession, fixant les conditions et caractéristiques
essentielles de la vente, fût adoptée une fois le bornage réalisé par le géomètre et le dossier entièrement
constitué. Cette délibération, destinée à être annexée à l’acte de vente, précise l’identité de l’acquéreur, la
désignation du terrain objet de la vente, le prix de cession de la parcelle occupée (déduction faite de l’aide à
l’acquisition attribuée sous forme d’abattements), le montant des frais accessoires mis à la charge de
l’acquéreur par le vendeur (par exemple les frais de bornage), et les caractéristiques essentielles de la vente.
En général, dans le cadre des ventes ayant pour objet principal la régularisation de la situation des occupants
sans titre, seul le terrain d’assiette de la construction est vendu, la Commune considérant que la construction
appartient déjà à l’acquéreur.
1056
Ce taux est de 50 % pour un revenu net imposable égal ou supérieur à 70 % d’un plafond fixé en fonction
du nombre de personnes composant le foyer fiscal. Il est de 60 % pour un revenu net imposable égal ou
supérieur à 40 % du plafond ; et il est de 80 % pour un revenu net imposable inférieur à 40 % du plafond. Pour
la détermination de l’abattement fondé sur le revenu imposable, il est tenu compte de l’avis d’imposition des
revenus de l’année N-2. Le résultat ainsi obtenu est corrigé par l’application d’un coefficient lié à l’ancienneté
de l’occupation. Ainsi, pour une personne qui a commencé à occuper avant le 1 er janvier 1970, le coefficient
appliqué sur le solde restant après application de l’abattement lié au revenu net imposable, est de 100 %. Plus
l’occupation est récente, plus le coefficient est faible. Ce coefficient est donc dégressif. Le taux le plus bas
appliqué est de 50 % pour une occupation débutante entre le 1er janvier 1990 et le 31 décembre 1994. Il est nul
pour une occupation postérieure. Ce coefficient est de 100 % pour une ancienneté antérieur au 1er janvier 1970 ;
de 90 % pour une ancienneté située entre le 1 er janvier 1970 et le 31 décembre 1974 ; de 80 % pour une
ancienneté située entre le 1er janvier 1975 et le 31 décembre 1979 ; de 70 % pour une ancienneté fixée entre le
1er janvier 1980 et le 31 décembre 1984 ; de 60 % pour une ancienneté entre le 1 er janvier 1985 et le 31
décembre 1989 ; et de 50 % pour une ancienneté située entre le 1er janvier 1990 et le 31 décembre 1994.

298
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

de leur occupation1057.
Pour faciliter l’opération et la rendre moins onéreuse pour les accédants à la propriété,
la commune, à l’instar de l’Etat dans les zones urbaines de la zone des cinquante pas
géométriques, a renoncé à son droit d’accession sur les constructions en considérant que
celles-ci appartiennent déjà aux occupants ; de la sorte, seuls les terrains d’assiette des
constructions sont vendus, le coût de la construction n’est pas pris en compte. Celle-ci est
considérée étant la propriété de l’occupant, par la personne publique, qui renonce ainsi à son
droit d’accession1058.
Au prix de vente s’ajoutent les frais de bornage contractuellement mis à la charge de
l’acquéreur, et constituant une charge augmentative du prix de vente1059. Les frais de
publication du titre de propriété au Service de la publicité foncière du lieu de situation de
l’immeuble sont également dus par les occupants-acquéreurs1060.
Dans une meilleure optique de cession, il aurait été préférable de prévoir également un
cahier des charges des cessions, ayant pour objectif de fixer les charges et conditions des
ventes à intervenir sur le quartier ou le secteur concerné, et surtout de déterminer les
servitudes de droit privé applicables aux parcelles à vendre. Une copie de ce cahier des
charges serait annexée à l’acte de vente, et ses règles auraient valeur contractuelle entre les
parties. Mais l’établissement de ce document requérait que soit au préalable effectué un
travail d’enquête de terrain pour repérer le lieu de passage et d’implantation des réseaux et
canalisations diverses (pour permettre la constitution, dans les actes de cessions, des
servitudes de passage et d’implantation des divers réseaux et canalisations), etc. Des
enquêtes avaient été effectuées sur le terrain, mais aucune n’était abouti à cet effet1061.
Par ailleurs, pour permettre un plus grand nombre de régularisations foncières, la

1057
Pour la détermination de l’ancienneté d’occupation, compte tenu de la difficulté que rencontrent certains
occupants à en justifier, toutes les preuves et tous les commencements de preuve sont admis. Ainsi, sont admis
tous documents officiels, factures d’acquisition de matériaux de construction, et autres documents justificatifs.
Les services chargés de la régularisation foncière ont eu l’occasion de prendre en compte, à titre de preuve
d’ancienneté d’occupation, la copie intégrale de l’acte de naissance d’un enfant dont les parents résidaient à
Volga Plage à sa naissance.
1058
Seul le terrain d’assiette des constructions étant vendu, le calcul du prix de vente ne prendra donc en compte
que la valeur du terrain.
1059
Cette somme varie en fonction du montant négocié avec le Géomètre-expert.
1060
Ces frais consistent dans le versement de droits d’enregistrement, ou d’une taxe de publicité foncière d’un
montant total de 5,80665% du prix de vente, auquel il y a lieu d’ajouter la contribution à la sécurité immobilière
(CSI) s’élevant à 0,10 % du prix. Soit une taxe Départementale de 4, 50 %, une taxe communale de 1,20 %, et
des frais d’assiette calculés sur le premier terme de 2,37 % ; soit un total de 5,80665 %. Le minimum de
perception est de 25 euros. La CSI remplace l’ancien salaire du Conservateur des hypothèques, cette fonction
ayant été réformée. Le minimum de perception est ici de 15 euros.
1061
En effet, le géomètre, lors du bornage des parcelles, a rencontré des obstacles au repérage de l’ensemble
des réseaux et canalisations. Cette mission avait été relayée à la société ODYSSI.

299
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

commune de Fort-de-France s’est également portée acquéreur de terrains appartenant à la


SIMAR, à Volga Plage, en vue de leur rétrocession aux occupants.
b) Régularisation foncière au quartier Trénelle :
Nombre d’individus s’interrogent sur le caractère dangereux ou pas du quartier
populaire de « Trénelle », situé à flanc de colline, sur les hauteurs de la Ville de Fort-de-
France. Il est quasiment impossible de ne pas remarquer, en débarquant dans la baie de Fort-
de-France, ce quartier atypique, situé sur les hauteurs de la « ville-capitale », avec ses
maisons aux architectures disparates, aux couleurs variées, scintillant de mille feux la nuit,
et au sein duquel, pourtant, bien peu de personnes s’aventurent sans y être nées ou invitées.
En effet, le quartier Trénelle est situé, au regard du plan de prévention des risques
naturels (PPRN), pour partie en zone jaune, pour partie en zone orange, et pour partie en
zone rouge (non cessible) du PPRN1062. Ce zonage a évolué après la révision du PPRN
intervenue par arrêté préfectoral n° 2013364-0024 du 30 décembre 2013, demeuré annexé
au plan local d’urbanisme par arrêté municipal n° 0507 du 25 mars 2014. Ces considérations
ont conduit la commune à effectuer certaines études dans le quartier pour déterminer l’état
de fiabilité du sol, la situation du quartier par rapport aux risques naturels, et les travaux
d’aménagement qui s’imposent. Le tout, dans le but de déterminer les terrains cessibles.
Les terrains dépendant du domaine communal privé de Trénelle, appartiennent à la
commune de Fort-de-France pour les avoir acquis aux termes de divers actes antérieurs au
1er janvier 1956, date avant laquelle la publicité foncière n’était pas obligatoire, et
notamment suivant acte authentique établi en la forme administrative, par le Maire de la
commune de Fort-de-France, le 23 juin 1920. Aux termes de cet acte, la commune avait
acquis de la Société Anonyme du Faubourg Thébaudière, une propriété dépendant du
domaine des Terres Sainville ou Faubourg Thébaudière1063.
Aux termes d’un autre acte, reçu en la forme authentique administrative par le Préfet
de la Martinique, le 18 janvier 19851064, la commune de Fort-de-France a acquis des mains
de l’État, une propriété dépendant du domaine militaire de Desaix, au lieudit « Morne
Desaix », figurant au Cadastre, à la section AV, numéro 164, d’une superficie de 4500

1062
Données fournies par le Service Risques Majeurs de la Ville de Fort-de-France.
1063
Cet acte a été enregistré gratis à Fort-de-France, le 16 septembre 1920, folio 62, case 6 à 10, puis transcrit
littéralement au bureau des hypothèques de Fort-de-France (Sud), le 18 novembre suivant, volume 691, n° 1,
avec inscription d’office au volume 251, n° 200. Un original dudit acte est demeuré annexé à un acte de dépôt
dressé par Maître SAINT-CYR Louis, ancien notaire à Fort-de-France, le 2 décembre 1920, qui a été enregistré
puis transcrit le 8 du même mois, au bureau des hypothèques de Fort-de-France (Sud), volume 691, n° 64. Cf.
en annexe une copie de ce titre de propriété.
1064
Acte publié à la conservation des hypothèques de Fort-de-France, le 2 avril 1985, volume 2142, n° 12.

300
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

mètres carrés. L’acte de vente précisait que le terrain était occupé sans titre par divers
riverains qui y avaient édifié des constructions, et que la commune en faisait son affaire
personnelle. En vue de cette vente une procédure de déclassement du bien avait
préalablement été opérée par l’État, compte tenu du faible intérêt que représentait cette
propriété pour l’autorité militaire et compte tenu de la situation sociale des occupants. La
commune de Fort-de-France a fait son affaire de la rétrocession dudit terrain, après
morcellement, aux occupants. Ladite propriété, avant son déclassement, dépendait du Fort
Desaix, faisant partie du domaine public national depuis plus de quarante ans.
L’opération de régularisation foncière entreprise par la commune de Fort-de-France à
Trénelle s’effectue prioritairement par voie de cession au profit des occupants du domaine
communal privé, du terrain d’assiette des constructions qu’ils ont édifiées ou fait édifier, sur
le modèle de l’opération de cession en cours au quartier Volga Plage, sauf particularités.
Pour une mise en œuvre efficace de l’opération de régularisation foncière, plusieurs
phases d’intervention ont été programmées1065. Compte tenu de la morphologie urbaine du
secteur et de l’exposition du site aux aléas et risques naturels, la Direction de la planification
et de l’urbanisme de la commune de Fort-de-France a été saisie pour avis sur la procédure
de régularisation enclenchée pour chaque îlot ou terrain, réputé cessible.
Par délibération du 21 septembre 2006, exécutoire, le principe de cession du domaine
communal privé de Trénelle aux occupants a été adopté par le conseil municipal, qui a validé
le début des opérations de bornage des parcelles et la saisine du directeur des Services
fiscaux pour l’estimation des terrains1066. Par délibération subséquente, exécutoire, le conseil
municipal a autorisé la cession des terrains d’assiette de leurs constructions, au profit des
occupants du domaine communal privé de Trénelle, sans faire jouer la théorie de l’accession
à son profit.
Par cette délibération, le conseil municipal a validé un dispositif d’aide à l’accession
à la propriété foncière, au profit des occupants dudit domaine, et a décidé d’accorder aux
futurs acquéreurs présumés propriétaires des constructions, dès lors que ces constructions
sont occupées à titre d’habitation principale, une aide exceptionnelle à l’acquisition, en
fonction des situations observées. Tout comme l’aide exceptionnelle mise en place par l’État

1065
En fonction de l’étendue et de la densité du bâti, de la multiplicité des statuts d’occupation, des contraintes
liées aux risques naturels majeurs, des aménagements prévus dans le cadre de la R.H.I. (Résorption de l’habitat
insalubre), etc.
1066
Par avis du 29 septembre 2006, le Directeur des Services fiscaux a estimé la valeur vénale globale de
terrains dépendant du domaine communal privé de Trénelle, en tenant compte d’un prix fixé au mètre carré, en
fonction de l’accessibilité des îlots de constructions, de leur densité et du niveau d’équipements publics.

301
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

dans la zone des cinquante pas géométriques, cette aide exceptionnelle est prioritairement
fondée sur le niveau de leur revenu, et sur la prise en compte de l’anciennement de leur
occupation. La particularité introduite est que cette aide est accordée prioritairement aux
occupants qui avaient préalablement fait l’effort d’une régularisation foncière par
souscription d’un bail avec la commune, et qui, n’avaient pas d’arriérés restant dus sur le
paiement de leurs loyers1067.
Il est ici rappelé que le dispositif d’aide et les abattements sont motivés par le caractère
social des opérations de régularisation foncière en cause, et par des données de fait et de
notoriété publique, desquelles il résulte que la viabilisation des parcelles de terrain
concernées par les opérations de régularisation foncière, a été notoirement réalisée grâce à
l’aide des occupants, qui se sont investis tant financièrement que physiquement dans cette
entreprise. Ceci aboutit à plus-value pour la personne publique propriétaire, qui bénéficie
dès lors de terrains en partie constructibles, en dépit de certaines contraintes d’urbanisme,
sauf à tenir compte des règles applicables en matière de risques naturels et technologiques.
Le tout, sous réserve des risques de contentieux qui seront ci-après examinés.

2) Cas de quartiers populaires de Guadeloupe

Les régularisations foncières menées dans le domaine privé communal en Guadeloupe,


sont similaires à celles sus mentionnées, hors le dispositif d’aide exceptionnel à l’acquisition.
a) Régularisation foncière à Baie Mahault, en Guadeloupe :
Les enjeux de la régularisation foncière des occupations du domaine privé de la
Commune de Baie Mahault en Guadeloupe, sont triples1068. Il s’agit en premier, de permettre

1067
Pour les occupants remplissant ces conditions, mais ne pouvant bénéficier de l’aide exceptionnelle à
l’acquisition en raison d’un dépassement du plafond de revenu, la commune avait décidé de leur octroyer une
aide à l’acquisition prenant la forme d’un abattement forfaitaire de 30 % sur le prix d’acquisition, auquel vient
s’ajouter l’abattement pour ancienneté d’occupation susmentionnée. Pour les propriétaires de constructions
non occupées à titre d’habitation principale, mais titulaires de baux et à jour du paiement de leurs loyers, une
aide à l’acquisition prenant la forme d’une réduction forfaitaire de 20 % sur le prix d’acquisition, leur est
accordée, à laquelle vient s’ajouter l’abattement pour ancienneté d’occupation sus indiquée. De plus, pour
éviter que par le truchement de l’aide à l’acquisition foncière sus énoncée, les cessions n’aboutissent à des
donations, il a été décidé de retenir un prix-plancher de cent cinquante euros, chaque fois que le calcul du prix
aboutit à un montant inférieur à ce montant. Enfin, en sus du prix de vente, s’ajoutent, pour chaque accédant à
la propriété foncière dans le cadre des opérations de régularisation foncière, les frais de bornage et les frais de
publicité foncière de l’acte d’acquisition (titre de propriété de l’occupant) au Service de la publicité foncière
compétent. Par ailleurs, le choix de l’acte authentique en la forme administratif permet de réduire le coût de la
régularisation foncière pour chacun des occupants sans titre souhaitant accéder à la propriété foncière du terrain
d’assiette de sa construction, les actes de vente étant alors régularisés par le Maire, en sa qualité d’officier
public, ainsi que la loi le permet. Lors des conseils municipaux, les cessions sont validées par délibération, au
fur et à mesure des bornages et constitutions de dossiers, reprenant de manière exhaustive, dans une liste, toutes
les informations concernant la parcelle cédée, l’acquéreur et le prix de vente.
1068
Cas exposé par Patrick RILCY, Directeur de l’urbanisme, lors du séminaire « INTERDOM » qui a eu lieu
en Martinique, le 12 novembre 2008.

302
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

l’accession à la propriété foncière par les occupants. Il s’agit également pour la commune
d’alléger sa charge fiscale en allégeant son patrimoine foncier, s’agissant de biens dont elle
n’a pas l’utilité directe. Il s’agit enfin, sur le plan urbain, de réintroduire un peu de normes
urbaines en aménageant les « lotissements sauvages » ou irréguliers et en luttant contre la
dégradation du cadre de vie local. Ces procédures de régularisation foncière menées à Baie
Mahault permettent aussi de régulariser le statut de la voirie communale, par la mise à jour
du classement des voies cadastrées dans le domaine routier, et par la prise en compte des
voies nouvellement créées ou intégrées au domaine routier dans le calcul du Fonds
d’investissement routier (FIR).
Pour connaître les conditions de la régularisation foncière à Baie Mahault, il convient
de se référer à une délibération adoptée par la commune, le 8 mars 2005, définissant un plan
de valorisation et de cession1069. Cette délibération met en exergue la nécessité de réaliser
préalablement un état des lieux du foncier communal concerné par les occupations, et de
définir une stratégie communale dans le cadre d’un plan de revalorisation et de cession des
terrains communaux occupés. La nécessité de mettre en place un cahier des charges des
marchés à passer pour aboutir aux objectifs du plan est également mentionnée.
S’agissant de l’état des lieux, il s’agissait d’abord de recenser et collecter les titres
représentatifs du domaine communal occupé, d’évaluer les différents secteurs
géographiques concernés par les occupations, et d’établir « une cartographie précise du
phénomène en subdivisant les secteurs en îlots opérationnels »1070. Un affinement de la
connaissance des occupants et des biens occupés a été réalisé en établissant des grilles
permettant l’identification des occupants et des terrains occupés, et l’établissement de listes
par secteurs répartis en îlots opérationnels. Un diagnostic de l’administration communale a
ensuite été fait, par la collecte et l’analyse de tous les actes relatifs aux modalités
d’administration du domaine privé communal, à travers l’analyse de délibérations, titres de
propriétés, contrats de location, contrats et avant-contrats, en la forme authentique ou sous
seing privé, en la forme notariée ou administrative.
L’objectif du plan de valorisation et de cession du domaine occupé, était de proposer
un mode opératoire administratif et juridique, pour parvenir à la régularisation foncière de
chaque îlot opérationnel. Il s’agissait d’étudier l’opportunité d’une régularisation en interne
(prestations « in house ») en fonction des ressources et compétences disponibles au sein de

1069
Cas exposé par Patrick RILCY, Directeur de l’urbanisme, lors du séminaire « INTERDOM » qui a eu lieu
en Martinique, le 12 novembre 2008.
1070
Idem.

303
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

la commune, ou en externe (par l’intermédiaire de marchés publics de services et de travaux)


pour chaque secteur opérationnel. Une analyse des modalités techniques d’accès à la
propriété foncière, en interaction avec le droit de l’urbanisme et de l’aménagement a été
également effectuée. Des cahiers des charge d’enquête et de procédures conformes aux
objectifs du plan de valorisation et de cession du domaine occupé, étaient prévus, avec une
possibilité de réalisation par le biais de marchés publics ou en interne.
La régularisation foncière du « lotissement » communal de Trioncelle-Longville, à
Baie Mahault, concerne un « lotissement » de 10 hectares environ, occupé par près de 200
occupants sans titre qui y ont édifié ou fait édifier des constructions illégales. L’équipement
public est inachevé et hors norme compte tenu de la situation d’auto-construction. Par
délibération du 18 octobre 2005, le conseil municipal de Baie Mahault a approuvé le principe
de régularisation foncière par vente des parcelles à l’ensemble des occupants du quartier de
Trioncelle-Longville, et autorisé le maire à lancer une consultation pour le montage des
dossiers individuels de régularisation. Ces dossiers comportent l’identification des biens et
des personnes, le résultat de l’enquête sociale, et la recherche de financement. Une fois
validés par le conseil municipal, ces dossiers sont transmis au notaire chargé de la rédaction
de l’acte de vente.
Plusieurs marchés publics ont été lancés : un marché pour la régularisation foncière
proprement dite, un marché de géomètre et un marché de maîtrise d’œuvre pour les voies et
réseaux divers (VRD). L’objectif de l’opération de régularisation foncière du lotissement
communal de Trioncelle-Longville était d’aboutir à une maîtrise du foncier, par
l’identification de ses occupants et la régularisation de leur situation d’occupation1071.
Le coût foncier de l’opération de régularisation foncière à Trioncelle-Longville
s’établit à 4.000.000,00 d’euros concernant les dépenses, soit 1.000.000,00 d’euros pour la
maîtrise foncière et 3.000.000,00 d’euros pour les travaux de VRD1072. S’agissant des recettes
attendues, elles s’élèvent à 2.000.000,00 d’euros. Ce qui laisse entrevoir un déficit de

1071
Pour ce faire, un dossier d’autorisation de lotir a été monté (sorte de lotissement à l’envers), au vu d’une
division cadastrale effectuée par le géomètre missionné par la ville. Une garantie d’achèvement des travaux a
également été prévue dans le cadre de cette procédure. Des modalités de fixation des prix de vente ont été
mises en œuvre, avant d’arriver à la vente.
1072
S’agissant des travaux de VRD, les voies communales dépendant du domaine public communal, doivent
être distinguées des chemins ruraux dépendant du domaine privé communal. La voie communale doit avoir été
classée dans le domaine public par délibération du conseil municipal (un classement par l’ordonnance du 07
janvier 1959 existe également) et doit être affectée à la circulation générale (voir l’article L141-1 du code de
la Voirie routière). Quant au chemin rural, il s’agit d’un chemin affecté à l’usage du public, appartenant à la
commune, mais non classé dans la catégorie des voies communales (voir article L161-1 du code rural).

304
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

2.000.000,00 d’euros à la charge de la commune de Baie Mahault1073. À l’occasion de


l’opération de régularisation foncière du quartier Trioncelle-Longville à Baie Mahault, cent
cinq (105) kilomètres de voirie ont été classés dans le domaine public routier communal par
délibération du 18 décembre 20071074.
En comparant cette opération de régularisation foncière à celles menées à Fort-de-
France, en Martinique, il est possible de constater que dans un cas (Fort-de-France), il n’y a
pas eu de procédure de création de lotissement, les terrains d’assiette des constructions étant
simplement délimitées pour correspondre aux superficies réellement occupées, tandis que
dans l’autre cas (Guadeloupe), il y a création d’un lotissement (à l’envers). Or pour qu’il y
ait lotissement, il faut une division de terrain en vue de l’implantation de bâtiments1075.
b) Régularisation foncière au quartier La Caféière en Guadeloupe :
Le cas du quartier La Caféière de la commune du Lamentin, en Guadeloupe, est
également à citer. La procédure revêt plusieurs des caractéristiques citées en amont. Ce qui
est intéressant dans le cadre de cette opération de régularisation, c’est l’intervention d’un
collectif de défense mobile dénommé « La voix des sans voix », qui n’a pas hésité à bloquer
l’accès à la mairie du Lamentin, en Guadeloupe, pour contester le prix de vente de dix
hectares de terrains1076.
Par ailleurs, à La Réunion, des régularisations foncières sont également menées sur le
domaine privé communal.

3) Régularisations foncière sur le domaine privé de La Réunion

Le domaine communal privé de La Réunion est également impacté par une occupation
sans titre. À l’instar de la Martinique et de la Guadeloupe, La Réunion est une collectivité
insulaire caractérisée par une forte densité de population1077.
Il convient de rappeler qu’à La Réunion, les dispositions particulières du décret du 13

1073
Cas exposé par Patrick RILCY, Directeur de l’urbanisme, lors du séminaire « INTERDOM » qui a eu lieu
en Martinique, le 12 novembre 2008.
1074
Idem.
1075
Dans certains quartiers de Fort-de-France, il y a eu création de zones d’aménagement concertées, mais les
attributaires concernés n’étaient pas des occupants sans titre, mais des familles ayant fait l’objet d’un
relogement dans des logements évolutifs sociaux (LES).
1076
Ce collectif contestait la pratique d’un prix de vente de 49 euros le mètre carré pour le bâti et de 89 euros
le mètre carré pour le non-bâti pratiqué par la SEMAG, alors que ladite société aurait acquis lesdits terrains de
la municipalité à un prix dérisoire (7 euros le m².) Cf. MONTANA (Julie), communiqué du Groupe Agence
Presse Media Caraïbes, publié sur le site internet consulté le 17 avril 2015 :
www.maximini.com/fr/news/Guadeloupe/societe-social/des-mécontents-de-la-régularisation-foncière-a-
cafeiere-21424.htlm.
1077
La Réunion compte 808250 habitants dont près de 88 %, soit 711974 habitants, sont installés sur la zone
littorale, et 24 communes dont 19 sont situées sur le littoral réunionnais.

305
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

janvier 1922 ont permis aux occupants de la zone des cinquante pas géométriques de faire
valoir massivement des titres, notamment par le jeu de la prescription acquisitive. Cela
explique qu’il y a eu peu de cessions dudit domaine aux communes, pour des opérations de
régularisation foncière, et peu d’opérations de régularisation portant sur le domaine privé1078.
En effet, des terrains dépendant de la zone des cinquante pas géométriques peuvent
être déclassés aux fins de cession aux communes, et se trouvent dès lors dépendre du
domaine privé des communes qui en deviennent propriétaires. Les communes peuvent alors
mettre en place des opérations de régularisation foncière au profit de leurs occupants, sur ce
domaine privé.
Le Président du Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, Christian
LAMBERT a confirmé qu’il y a peu d’affaires pendantes devant les tribunaux, s’agissant du
domaine public de l’État, et qu’il faut se tourner vers les communes, s’agissant des
opérations de régularisation foncière menées par elles dans leur domaine privé1079.
a) Cas de la régularisation foncière menée à Saint-Paul de La Réunion.
Au cours de l’année 2015, des procédures de régularisation foncière ont été mises en
place par la municipalité de la commune de Saint-Paul1080, au profit des occupants sans titre.
Elles ont concerné près de 380 familles saint-pauloises, occupant sans titre des parcelles
dépendant du domaine communal privé de la Commune de Saint-Paul. Les procédures de
régularisation foncière mises en place par la commune leur permettent de faire l’acquisition
du terrain d’assiette de leur construction et de devenir ainsi légalement propriétaires du
foncier qu’elles occupent depuis des décennies (plus de 30 ans en moyenne)1081. La mise en
œuvre de ces procédures de régularisation exige que soient préalablement des travaux de
mises aux normes de divers réseaux (eau potable, assainissement, voiries)1082.
Pour mener à bien ce projet de régularisation foncière, la Ville de Saint-Paul a
missionné la Société d’Économie Mixte d’aménagement, de développement, d’équipement

1078
Alors qu’à la Guadeloupe et à la Martinique, l’arrêté portant clôture des opérations de délimitation, prévu
par le décret n°55-885 du 30 juin 1955, qui devait constituer le point de départ pour faire valoir toute
prescription acquisitive sur la zone des cinquante pas géométriques à la Martinique et à la Guadeloupe, n’a
jamais été publié.
1079
Entretien avec le Président du Tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion et de Mamoudzou de
Mayotte, en date du 18 septembre 2014, lors de mon passage à Saint-Denis.
1080
La commune de Saint-Paul constitue l’une des plus grandes communes de France, et couvre 21128 hectares
de superficie dans la tranche ouest du cône volcanique formant l’île de La Réunion, en plein sud-ouest de
l’océan indien.
1081
Cf. un article publié le 17 avril 2015, « Régularisation de la situation des occupants sans titre », consultable
sur le site internet : www.mairie-saintpaul.fr/spip.php?article1405.
1082
La première tranche du chantier concerne les familles de la Saline, des secteurs Montée Panon et Mourvaye.

306
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

de la Réunion, par abréviation la SEMADER1083. Le rôle de la SEMADER1084 consiste à se


charger principalement de l’opération de viabilisation et de la cession des terrains
communaux dans les secteurs en cause1085. D’autres tranches de travaux de viabilisation sont
mises en œuvre dans le cadre de cette opération. L’attention est attirée sur l’importance de
la concertation dans le cadre de ce projet de régularisation foncière1086.
Les exemples de régularisation foncière dans le domaine privé de Guyane et de
Mayotte obéissent à des préoccupations différentes.

4) Régularisations foncière sur le domaine privé de la Guyane et de


Mayotte

Le domaine privé de la Guyane est détenu à plus de 95 % par l’Etat. Le législateur y a


prévu des procédures de régularisation foncière qui seront examinées en aval.
Le domaine privé de Mayotte, obéit également à une législation particulière, compte
tenu de la coexistence du droit musulman, du droit coutumier non écrit et du droit civiliste
français écrit, depuis la départementalisation de Mayotte. Les procédures de régularisation
foncière qui y sont applicables seront également examinées en aval.
L’exposé et l’analyse des procédures de régularisation foncière mises en place par les
collectivités territoriales outre-mer, notamment les communes, pour juguler l’occupation
sans titre de leur domaine privé, démontrent que ces procédures, par les particularités et les
règles sui generis qu’elles mettent en œuvre, comportent des risques de contentieux, qu’il
convient d’analyser (§2).

1083
Pour la municipalité, cette opération constitue une nouvelle illustration du « combat contre l’exclusion et
en faveur de l’intégration sociale des familles saint-pauloises ».
1084
Dont le Directeur, Joël Personne (en 2015), loue l’implication de la Ville dans l’opération en cause.
1085
Cette opération est financée par le bailleur social au moyen d’un prêt d’un montant de 13.500.000,00 euros,
pour le remboursement duquel la SEMADER bénéficie d’une garantie d’emprunt de la commune de Saint-
Paul à hauteur de 10 800 000 euros. Il s’agit d’une opération coûteuse, pour la réalisation de laquelle la
commune de Saint-Paul a mis en place un financement global de 25 000 000 d’euros, et accordé sa caution
solidaire à la SEMADER, en garantie du prêt envisagé par celle auprès de l’Agence Française de
Développement. Il est d’ailleurs précisé dans cet article, que le Directeur des outre-mer de l’AFD, Fabrice
RICHY, « salut le courage politique du Maire et de son équipe ».
1086
Cf. l’article publié le 17 avril 2015, « Régularisation de la situation des occupants sans titre », consultable
sur le site internet : www.mairie-saintpauLfr/spip.php?article1405, op. cit. Le planning suivant a été validé
pour l’opération : début des travaux au premier semestre de l’année 2017, axés sur les quartiers « La Croix » à
Bois-de-Nèfles, et « Pavé Morel » sur Bellemène. Sont concernés, en 2018, les occupants de « Villèle » à Saint-
Gilles-Hauts et de « Tamarin » à Saint-Gilles-Bains, et en 2019, les occupants du secteur « Moivoigna ». Au
total près de 380 familles, occupants sans titre, pourront bénéficier d’un titre de propriété, en régularisation de
leur situation foncière.

307
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

§ II. DES PROCÉDURES SUSCEPTIBLES DE GÉNÉRER DU


CONTENTIEUX

L’objectif n’est pas de recenser tous les risques de contentieux pré-opérationnels et


post-opérationnels ou contractuels, liés aux opérations de régularisation foncière et aux
contrats signés à ces occasions, car la liste serait bien trop longue. Les risques de contentieux
inhérents aux opérations et aux contrats, couramment rencontrés, seront donc laissés de côté.
Seront pris en compte, pour leur intérêt particulier pour la présente recherche, les
risques spécifiques à la régularisation foncière et aux procédures et règles sui generis mises
en place à cette occasion.
Certains de ces risques sont examinés ci-après, mais la liste n’est pas exhaustive. La
question du défaut de base légale de l’aide exceptionnelle à l’acquisition pratiquée par les
communes mérite d’être analysée (A), à côté d’autres problématiques procédurales liées à
aux pratiques de régularisation foncière de certaines communes (B).

A. DÉFAUT DE BASE LÉGALE SUFFISANTE DE L’AIDE À


L’ACQUISITION PRATIQUÉE PAR CERTAINES COMMUNES
OUTRE-MER

Le défaut de base légale de l’aide exceptionnelle à l’acquisition pratiquée par certaines


communes outre-mer1087, révèle une violation de la hiérarchie des normes et à terme, une
rupture de l’égalité entre les accédants à la propriété foncière1088.
Ainsi qu’il a été expliqué en amont, aucun texte législatif ni réglementaire ne prévoit
d’extension de l’aide exceptionnelle à l’acquisition actuellement mise en œuvre par l’Etat
pour la régularisation foncière de la situation de certains occupants sans titre de la zone des
cinquante pas géométriques, aux procédures de régularisation foncière initiées par les
communes dans leur domaine privé.
Face à ce vide juridique, certaines communes ont mis en place des dispositifs d’aide à
l’acquisition, inspirées de celles pratiqués par l’Etat dans la zone des cinquante pas
géométriques, mais en allant plus loin dans le cumul des abattements. De plus, certains

1087
Bien que ladite aide soit entérinée par leur conseil municipal.
1088
Certains ayant droit à l’aide exceptionnelle et d’autres pas, en l’absence de dispositif législatif adopté par
le législateur pour les collectivités territoriales.

308
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

dispositifs d’aide à l’acquisition consistent en des abattements purs et simples1089, lorsque le


premier dispositif tenant compte du revenu imposable du futur acquéreur n’est pas
applicable, pour cause de dépassement du plafond.
Or, dans un Etat de droit, le droit s’impose aux gouvernés, à l’administration et aux
gouvernants. En effet, trois caractéristiques qualifient l’Etat de droit : le respect des droits
de l’Homme, l’existence de juges indépendants et aptes à sanctionner toute violation de la
hiérarchie des normes, et la présence d’une hiérarchie des normes qui constitue un ensemble
cohérent de règles juridiques au sommet duquel se trouve la Déclaration des droits de
l’Homme et du citoyen1090. La soumission au principe de légalité est l’obligation faite à
l’administration de respecter le droit tel qu’il est ordonné par le principe de hiérarchie des
normes. Il convient de rappeler que les sources de la légalité sont, par ordre décroissant, les
sources de valeur constitutionnelle1091, les traités1092, les lois, les principes généraux du droit
(PGD), et enfin les décisions juridictionnelles, les règles jurisprudentielles, et les actes
édictés unilatéralement par l’administration elle-même. Ainsi, ces dernières viennent en
dernier lieu. Il en résulte que tout acte administratif unilatéral ou tout contrat violant une
source prioritaire et mieux placée dans la hiérarchie des normes, est illégal et susceptible
d’être annulé par le juge administratif. De ce fait, le principe de légalité est encore appelé
« principe de juridicité » ou « principe de régularité »1093.
Or, le prix de cession fixé par certaines communes outre-mer1094, pour la cession de
leur domaine privé1095, à l’occasion des opérations de régularisation foncière, fait l’objet
d’abattements tenant compte du revenu imposable et/ou de l’ancienneté d’occupation, dont
l’application, sans base légale suffisante, aboutit à un prix de cession inférieur à la valeur
vénale du bien, voire symbolique ; et cela, sans qu’il y ait en amont un texte de loi ou un
texte réglementaire validant cette possibilité pour les communes. Bien entendu, il y a une
délibération de l’administration communale, mais elle n’est fondée sur aucune disposition

1089
Abattement de 20 à 30 %, sans prise en compte du revenu imposable.
1090
LEBRETON (Gilles), Droit administratif général, Éditions Dalloz, 8e édition, 2015. Éditions du Kindle,
emplacement 763 sur 12516.
1091
Il s’agit de : la Constitution du 4 octobre 1958, la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26
août 1789 et le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, la Charte de l’environnement de 2004, les
principes dégagés par le Conseil constitutionnel, et les décisions rendues par le Conseil constitutionnel.
1092
Parmi les traités, il faut citer : la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des
libertés fondamentales, adoptée le 4 novembre 1950 par le Conseil de l’Europe, et le Traité de Rome du 25
mars 1957 instituant la CEE (Communauté Économique Européenne), modifié par le Traité de l’Union
européenne.
1093
LEBRETON (Gilles), idem. Emplacement 788 sur 12516.
1094
Notamment par la commune de Fort-de-France, à l’occasion de la régularisation foncière de l’occupation
de son domaine privé, dans des quartiers tels que : Trénelle, Volga Plage, etc.
1095
Cas de certaines communes, comme la commune de Fort-de-France, pour la cession de son domaine privé.

309
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

légale ou réglementaire en faveur des communes et collectivités territoriales.


Le manque de base légale spécifique à l’aide exceptionnelle à l’acquisition pratiquée
par certaines collectivités locales outre-mer, accentué par une inégalité de traitement entre
les différents quartiers (aides à l’acquisition différentes), et entre les acquéreurs (montants
et critères différents), génère un fort risque de contentieux pour rupture de l’égalité, voire
même pour excès de pouvoir1096. Il en est ainsi, nonobstant le fait que cette aide
exceptionnelle puisse être justifiée par l’intérêt général de la régularisation foncière, et
qu’elle mérite d’être entérinée par le législateur en faveur des collectivités territoriales.
Ainsi, l’aide exceptionnelle à l’acquisition pratiquée par les communes outre-mer
entraîne avec elle des risques de contentieux pour rupture de l’égalité ou excès de pouvoir,
sur deux points : celui lié au défaut de base légale et celui lié à l’interdiction des cessions
des biens appartenant à une personne publique à un prix inférieur à sa valeur vénale.

1) Le risque de contentieux lié au défaut de base légale suffisante

Les cessions tenant compte de dispositifs spéciaux d’aide à l’acquisition non validés
par une disposition législative ou réglementaire préalable, encourent-elles la nullité ? La
réponse à ces questions est encombrante, car il existe bien une disposition légale similaire,
validant l’application d’une aide exceptionnelle au profit des occupants de la zone des
cinquante pas géométriques prévue que pour la régularisation foncière menée par l’Etat.
Aucune disposition ne prévoit l’extension de cette mesure d’aide exceptionnelle à la
régularisation foncière menée dans le domaine des collectivités territoriales de proximité. Si
pour l’Etat, une loi (celle du 30 décembre 1996) fonde l’application de l’aide exceptionnelle
à l’acquisition, pour les communes et autres collectivités locales qui ont décidé d’adopter
des dispositifs approchants, il n’existe à priori, aucun fondement légal à cela, mais une
jurisprudence qui semble ménager une possibilité, sous réserve d’intérêt général et de
contreparties suffisante1097.
Or, ainsi qu’il a été sus dit, l’aide exceptionnelle pratiquée par certaines communes
outre-mer est inspirée de celle pratiquée par l’Etat dans la zone des cinquante pas
géométriques. Les dispositifs d’aide appliqués par les communes sont votés par leur
assemblée délibérante, mais, en définitive, ne trouvent de légitimité et de fondement légal ni
dans les dispositions du code général des collectivités territoriales (CGCT), ni dans celles

1096
Création jurisprudentielle, consistant en un recours en annulation d’un acte administratif, pour illégalité,
formulé devant le juge administratif. Cette procédure requiert toutefois que les conditions de recevabilité soient
remplies et que l’opération en cause relève des cas d’ouverture.
1097
CE, Sect., 3 nov. 1997, Commune de Fougerolles, Rec. 391., AJDA 1997, p. 110, obs. RICHER (L.).

310
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

du code général de la propriété des personnes publiques relatives aux collectivités locales
(CG3P), ni dans un texte particulier, mais dans la jurisprudence « Commune de
Fougerolles »1098 et ses suites1099, dont il sera question en aval.
Il s’agit donc de dispositions sui generis, fondées sur une recherche d’égalité1100
juridique entre les administrés occupant la zone des cinquante pas géométriques (qui eux,
bénéficient d’une aide exceptionnelle prévue par la loi du 30 décembre 1996), et ceux
occupant le domaine privé des collectivités locales. À cet égard, il est possible de parler de
rupture de l’égalité entre les occupants du domaine public de l’Etat et ceux du domaine privé
des communes. Il est également possible de parler de rupture d’égalité entre les administrés
de domaines privés différents, certaines communes validant de telles aides exceptionnelles,
là où d’autres n’y songent même pas1101. Mais de plus, les méthodes de calcul ne sont pas
unanimes et peuvent varier d’un quartier à l’autre et d’un domaine à l’autre1102. En effet, on
peut déplorer des dispositifs d’aide à l’acquisition différents, selon les collectivités, selon les
communes, et jusque selon les quartiers ; ce qui peut contribuer à créer une inégalité entre
les administrés d’une même collectivité locale, sans réelle plus-value1103.
Il est donc impératif que le législateur valide l’aide exceptionnelle à l’acquisition pour
toute personne publique désirant régulariser l’occupation sans titre de son domaine public
ou privé, eu égard à l’intérêt général de ces opérations.
La question de l’aide à l’acquisition pratiquée par certaines communes outre-mer, pose
la problématique des risques contentieux liés à la pratique d’un prix symbolique ou inférieur
à la valeur vénale du bien.

1098
CE, Sect., 3 nov. 1997, Commune de Fougerolles, Rec. 391., AJDA 1997, p. 110, obs. RICHER (L.).
1099
CE 14 octobre 2015, Commune de Châtillon-sur-Seine, Req. n° 375577, Rec. Lebon.
1100
Le principe d’égalité est un « principe juridique fondamental, garanti tant par des actes internationaux que
par la Constitution (DDHC, art. 1er et art. 1 du dispositif de la Constitution de 1958), en vertu duquel tous les
citoyens dans la même situation bénéficient des mêmes droits et sont soumis aux mêmes obligations, sans
considération de leur origine ou de leurs croyances. S’imposant au législateur et aux autorités exécutives, ce
principe est à l’origine d’une importante jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat ». Voir
le « Lexique des termes juridiques », édition Dalloz, édition 2017-2018, p. 455, op. cit.
1101
Cas entre les communes de Martinique.
1102
Cas entre certains quartiers de Fort-de-France. L’aide exceptionnelle pratiquée par l’Etat est moins large
que celle pratiquée par certaines communes.
1103
Dans certains quartiers, les abattements sont similaires à ceux pratiqués par l’Etat avec les mêmes modes
de calcul. Dans d’autres quartiers, les abattements tiennent compte du revenu et de l’ancienneté d’occupation.
Dans certains quartiers, les occupants n’ayant pas souscrit de baux sont pénalisés par rapport à ceux ayant
souscrit des baux, qui voient leur effort de régularisation foncière ainsi récompensé. En appliquant cette aide à
l’acquisition, la commune de Fort-de-France tient compte de l’investissement physique et financier des
occupants dans la viabilisation des terres communales (dont certains étaient des marécages à l’origine).

311
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

2) Les risques de contentieux liés à un prix de vente symbolique ou


inférieur à la valeur vénale

Lorsque l’application de l’aide exceptionnelle à l’acquisition par certaines communes,


aboutit à la fixation d’un prix de vente inférieur à la valeur vénale du bien immobilier, telle
qu’elle a été évaluée par l’avis rendu par la direction de l’immobilier de l’Etat (DIE), voire
à un prix symbolique (prix-plancher), et que de surcroît, il n’existe, en dehors de la
délibération de la collectivité territoriale, aucun texte législatif ou réglementaire validant la
pratique d’un tel prix inférieur ou symbolique, la collectivité à l’origine de telles pratiques,
nonobstant le fait qu’elles soient motivées par des critères sociaux, tombe sous le coup des
dispositions juridiques interdisant aux collectivités de céder leurs biens immobiliers à l’euro
symbolique ou à un prix inférieur à leur valeur vénale.
Ces dispositions sont fondées sur le principe de l’interdiction faite aux personnes
publiques de faire des libéralités aux particuliers. Ce principe est encadré par la loi et la
jurisprudence qui définissent de manière stricte les régimes d’aides. S’agissant de la loi, le
CGCT définit les régimes d’aides existants et la personne publique compétente pour sa mise
en œuvre. L’article L1511-3 du CGCT donne compétence à la commune pour l’attribution
d’aides à l’immobilier d’entreprise. Les articles L2251-1, L3231-1 et L4253-1 du CGCT
donnent compétence aux communes, départements et régions, pour l’octroi de garanties
d’emprunt. L’article L4211-1 du CGCT donne compétence à la région pour l’attribution
d’aides aux entreprises en difficulté.
Pour l’Etat, des dérogations à ce principe sont permises, puisqu’il peut céder des
terrains à un prix inférieur à leur valeur vénale pour la construction de logements comprenant
des logements sociaux, ou encore céder gratuitement des terrains de son domaine privé aux
communes pour y édifier des monuments aux morts1104. La loi du 30 décembre 1996 permet
aussi à l’Etat, dans le cadre de la régularisation foncière outre-mer, de mettre en œuvre des
dispositifs d’aide exceptionnelle à l’acquisition au profit des occupants sans titre de la zone
des cinquante pas géométriques1105. Ces dispositifs d’aide exceptionnelle ne sont pas
applicables aux occupants sans titre du domaine privé des communes, pourtant concernées
par la régularisation foncière. Ladite loi permet également à l’Etat de céder des terrains aux
communes et aux organismes d’habitats sociaux, notamment en vue de l’aménagement et de
la construction de logements sociaux, tel qu’il a été expliqué dans le Titre I de la présente

1104
Article L3212-1 du CG3P ou CG3P.
1105
Article 3 de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996.

312
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

partie de la thèse. Mais aucun texte ne prévoit la régularisation foncière à prix inférieur à la
valeur vénale du bien ou à prix symbolique, telle que pratiquée par certaines communes
outre-mer1106.
D’origine prétorienne, le principe de l’interdiction faite aux personnes publiques de
faire des libéralités aux particuliers a été formulé par la jurisprudence administrative, dans
l’arrêt de principe rendu par le Conseil d’Etat, le 17 mars 1893, « Compagnie des chemins
de fer du nord et de l’est »1107. Il interdit les cessions gratuites ou à l’euro symbolique, des
biens relevant du domaine privé1108. Il a été inclus dans le bloc de constitutionnalité, par le
Conseil constitutionnel, dans sa décision du 26 juin 1986, relative aux privatisations1109. Le
considérant 58 de cet arrêt dispose en effet que : « La Constitution s’opposer à ce que des
biens ou des entreprises faisant partie de patrimoines publics soient cédés à des personnes
poursuivant des fins d’intérêt privé pour des prix inférieurs à leur valeur »1110.
Un prix trop faible va donc à l’encontre de la règle selon laquelle il est interdit à une
personne publique de vendre un bien à un prix inférieur à sa valeur vénale. Un arrêt du
Conseil d’Etat, « Ville de Lourdes », du 08 février 1999, énonce qu’un prix manifestement
trop faible est constitutif d’une erreur manifeste d’appréciation et vicie la décision de vendre
l’immeuble1111. Plus encore, dans sa décision du 25 septembre 2009, le Conseil d’Etat
considère que « la vente consentie à un prix très inférieur à l’estimation du service des
domaines, dont elle a jugé par une appréciation souveraine qu’il correspondait à la valeur
vénale de l’immeuble, avait été illégalement décidée »1112. Le Conseil d’Etat a réaffirmé
l’interdiction des libéralités dans un arrêt du 22 juin 2012, « Chambre de commerce et
d’industrie de Montpellier »1113.
Il existe cependant des exceptions à cette rigueur. En effet, la vente à un prix inférieur
à la valeur ou symbolique peut être envisagée, s’il est justifié par des motifs d’intérêt général
et comporte des contreparties suffisantes. Il en a été jugé ainsi dans l’arrêt « Commune de

1106
Ex. : régularisation foncière menée dans certains quartiers de Fort-de-France : Volga Plage, Trénelle, etc.
1107
CE, 17 mars 1893, Chemins de fer de l'est, D. 1894, p. 119, concl. Romieu.
1108
Les biens du domaine public sont inaliénables.
1109
CC n°86-207 DC, 25 et 26 juin 1986, « Loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d’ordre
économique et sociale », dite « Loi portant D. M. O. E. S. et d’habilitation », Rec. p. 61, sur les privatisations.
En ligne : www.conseil-constitutionnel.fr/conseilcon.dc/decision-n-86-207-dc-du-26-juin-1986.8271.html.
1110
CC, 26 juin 1986, op. cite.
1111
CE, 8 février 1999, Ville de Lourdes, Req. n° 168043.
1112
CE, 25 septembre 2009, commune Courtenay, Req. n° 298918.
1113
CE, 22 juin 2012, n° 348676, « Chambre de commerce et d’industrie de Montpellier », Rec. Lebon. Arrêt
rendu à propos d’une indemnité manifestement disproportionnée à verser par la personne publique en cas de
non-renouvellement d’une convention de mise à disposition de sapeurs-pompiers. Publié sur le site Legifrance.
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000026052830.

313
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Fougerolles », rendu par le Conseil d’Etat le 03 novembre 1997 1114. En revanche, le Conseil
d’Etat, dans son arrêt du 25 septembre 1999, « Commune de Courtenay », a jugé illégale la
cession d’un bien communal à un prix inférieur de 30 % par rapport à la valeur vénale du
bien1115. Dans un arrêt du même jour, « Commune de Mer »1116, le Conseil d’Etat a validé la
cession d’un bien immobilier à un prix inférieur à sa valeur vénale, au profit de deux
associations, eu égard à l’intérêt communal, et à la contribution à l’insertion des personnes
étrangères à la commune, opérée par lesdites associations. Dans l’arrêt « Commune
Bourisp », rendu le 28 février 2007, le Conseil d’Etat a validé une vente à un prix inférieur
à la valeur vénale du bien, comportant des contreparties suffisantes1117.
La jurisprudence « Commune de Fougerolles » du 03 novembre 1997 a récemment été
confirmée par un arrêt du Conseil d’Etat, du 14 octobre 2015, « Commune de Châtillon-sur-
Seine »1118. Dans cet arrêt, la Cour a décrit les modalités de contrôle du prix par le juge, qui
doit établir les motifs d’intérêt général, identifier les contreparties que comporte la cession
et leur effectivité (nature des contreparties et obligations à la charge de l’acquéreur), puis
déterminer leur « caractère suffisant par une appréciation souveraine »1119.
De plus, l’interdiction des libéralités n’est pas étendue aux cessions d’immeubles entre
personnes publiques. Cela ressort d’un arrêt du Conseil constitutionnel en date du 03
décembre 2009, « Loi relative à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses
dispositions relatives au transfert »1120, qui a admis la constitutionnalité de la cession de biens
publics entre personnes publiques à des prix inférieurs à leur valeur vénale. Par cette

1114
CE, Sect., 3 nov. 1997, Commune de Fougerolles, req. n° 169473, Rec. 391., AJDA 1997, p. 110,
observations RICHER (L.), Dans cet arrêt, la contrepartie du prix symbolique était constituée par l’intérêt
général et la création d’emplois par l’entreprise bénéficiaire. Voir aussi : LONG (M.), WEIL (P.), BRAIBANT
(G.), DELVOLVE (P.), GENEVOIS (B.), Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, Éditions
Dalloz, 20ème édition, 2015, p. 257, n° 10 et 15ème édition, 2005, p. 280, n° 44.11.
1115
CE, 8e et 3e ss-sect., 25 septembre 2009, Commune de Courtenay , n° 298918, Lebon.
1116
CE, 25 septembre 2009, 8ème et 3ème s-s réunies, Commune de Mer, Req. n° 310208. Publié sur
Legifrance : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000021345392.
1117
CE, 28 février 2007, 8e et 3e ss-sect., Commune Bourisp, Req. n° 279948. En ligne :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000018005410. À cet égard, le
Conseil d’Etat énonce que : « Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux
juges du fond que les terrains en cause, d'une superficie de 4 000 hectares, engendraient […] une charge
fiscale excessive pour une commune de 87 habitants […]que cette cession a comporté des contreparties […];
que, dans ces conditions, la cour a pu, dans les circonstances de l'espèce, sans commettre d'erreur de droit ni
dénaturer les faits, juger, par un arrêt suffisamment motivé, que la vente n'était pas entachée d'illégalité du
seul fait qu'elle était intervenue à un prix inférieur aux estimations faites par les services administratifs de la
valeur de ces terrains, d'ailleurs difficile à évaluer ».
1118
CE 14 octobre 2015, Commune de Chatillon-sur-Seine , Req. N° 37557, Recueil Lebon. En ligne :
www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/ce/decisions/2015-10-14/375577.
1119
Idem.
1120
CC, Déc. n° 209-594, 03 décembre 2009, « Loi relative à la régulation des transports ferroviaires et portant
diverses dispositions relatives au transfert », Recueil, p. 200, publié sur : https://www.conseil-
constitutionnel.fr/decision/2009/2009594DC.htm.

314
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

décision, le Conseil constitutionnel va cependant à l’encontre de l’arrêt du Conseil d’Etat


« Commune de Bourisp »1121 qui soumet les cessions entre personnes publiques au respect
de l’intérêt général et d’une contrepartie pour admettre la légalité de la « libéralité »1122.
En conséquence de ce qui est sus dit, le risque encouru existe, même s’il semble infime.
En effet, l’aide à l’acquisition pratiquée par ces collectivités de droit commun, peut se
justifier et sembler entrer dans le cadre des exceptions prônées par la jurisprudence du
Conseil d’Etat « commune de Fougerolles »1123, confirmée par l’arrêt « commune de
Chatillon-sur-Seine »1124, à savoir : un intérêt général et des contreparties suffisantes. Car la
pratique d’un prix inférieur à la valeur vénale, voire d’un prix symbolique, par certaines
communes outre-mer, trouve vraisemblablement sa motivation dans le caractère social de la
régularisation foncière pratiquée par lesdites communes, et dans des contreparties suffisantes
résultant de données de fait et de notoriété publique, desquelles il résulte que la viabilisation
des parcelles de terrain des quartiers auto-construits, est généralement due en grande partie
à l’aide des occupants, eu égard à leur investissement personnel et financier ; d’où une plus-
value considérable pour la collectivité1125. De plus, la gestion de ce foncier occupé est très
lourde, voire onéreuse, pour la collectivité qui perçoit dans la régularisation foncière
l’opportunité de responsabiliser la population occupante par l’accès au statut de propriétaire.
Il ne peut donc être nié que la régularisation foncière relève de l’intérêt général, et que
les contreparties peuvent être recherchées dans l’assainissement de l’occupation du foncier
public local, dans l’augmentation des recettes fiscales locales liée à l’élargissement de
l’assiette foncière taxable (taxes foncières notamment), dans les économies de gestion du
foncier local occupé, réalisées par les collectivités concernées, et dans l’optimisation de la
gestion de leur domaine privé, en temps et en coût. En outre, demeure une volonté politique
locale d’aligner le traitement des occupants sans titre du domaine privé des communes, avec
celui des occupants sans titre de la zone des cinquante pas géométriques.
Le risque est cependant réel, car en cas de libéralités illégales, la personne publique
risque l’annulation des contrats de vente concernés, sans préjudice des autres recours, dont
ceux en indemnisation par toute personne y ayant intérêt.

1121
CE, 28 février 2007, commune Bourisp, Req. n° 279948.
1122
Idem.
1123
CE, Sect., 3 nov. 1997, Commune de Fougerolles, Rec. 391., AJDA 1997, p. 110, obs. RICHER (L.).
1124
CE 14 octobre 2015, Commune de Châtillon-sur-Seine, Req. n° 375577, Rec. Lebon.
1125
Dans certains quartiers tels que Trénelle et Volga Plage à Fort-de-France, des terrains inconstructibles sont
devenus des terrains en partie constructibles, en dépit de certaines contraintes d’urbanisme, sauf à tenir compte
des règles applicables en matière de risques naturels et technologiques.

315
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Par ailleurs, à contrario, si la collectivité publique vend à un prix trop élevé par rapport
à l’estimation du service des domaines, elle encourt également des risques contentieux1126.
En effet, le déséquilibre des prestations qui en résulte entre le vendeur et l’acquéreur peut
être dénoncé par ce dernier. Nonobstant le fait que l’action en rescision pour lésion ne soit
admise par le code civil que pour le vendeur et le copartageant, le caractère excessif du prix
de vente peut être condamné par la jurisprudence, eu égard au déséquilibre des prestations
réciproques entre les parties, sur le fondement de la théorie générale des vices du
consentement1127.
En définitive, la validation par le législateur d’un dispositif de régularisation foncière,
comportant une aide exceptionnelle à l’acquisition à critères multiples, tenant compte du
revenu de l’occupant, de son ancienneté d’occupation, et de l’effort de régularisation
foncière fourni en amont, applicable à tous les occupants sans titre de quelque domaine,
collectivité ou quartier que ce soit, est souhaitable. Il est essentiel de donner une base légale
à l’aide à l’acquisition pratiquée par les collectivités locales de proximité, et d’unifier les
fondements de l’octroi de l’aide à l’acquisition, en privilégiant un mode de calcul et des
critères juridiques objectifs. Cette aide à l’acquisition aboutit à un prix de vente inférieur à
la valeur vénale du bien ou à un prix symbolique, justifié par des impératifs d’intérêt général
et des contreparties suffisantes, qu’il est nécessaire pour le législateur d’encadrer par des
dispositions spécifiques étendues aux communes et autres collectivités locales situées outre-
mer, afin qu’elle constitue un outil de régularisation foncière efficient.
En réalité, c’est l’harmonisation des procédures de régularisation foncière elles-
mêmes, entre l’Etat et les collectivités locales, qui devrait être recherchée.
D’autres problématiques procédurales liées aux pratiques de régularisation foncière de
personnes publiques locales, méritent un examen plus approfondi (B).

1126
La notion de juste prix, doit être prise en compte. En outre, si l’acquéreur estime avoir payé le bien
beaucoup trop cher, il pourra toujours avoir recours à la théorie générale des vices du consentement, à condition
d’en établir l’existence. À cet égard, l’acquéreur dispose d’un délai de deux ans pour intenter l’action en
garantie, à compter de la découverte du vice caché (si l’avis du service des domaines est annexé à l’acte de
vente en cause, le point de départ du délai sus dit est la date de l’acte). Sur ce fondement, l’acquéreur peut
obtenir, en vertu de l’article 1644 du code civil, l’annulation de la vente ou la diminution du prix de vente (par
restitution d’une partie du prix).
1127
Au vu des articles 1641 et s. du code civil.

316
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

B. AUTRES PROBLÉMATIQUES PROCÉDURALES LOCALES


LIÉES À LA RÉGULARISATION FONCIÈRE

Les personnes publiques locales essaient, au travers des décisions de leur organe
délibérant, et par tous les moyens mis à leur disposition, de juguler au mieux l’occupation
sans titre de leur domaine privé. Mais certaines des dispositions novatrices résultant des
procédures de régularisation foncière mises en place par certaines communes outre-mer, sont
susceptibles de générer du contentieux.
Les procédures d’aliénation de partie du domaine privé communal obéissent aux
dispositions du CGCT, du CG3P ou CGPPP, et pour les dispositions non prévues par la loi
ou les règlements, s’appuient sur des délibérations prises par leur organe délibérant, sans
base légale, tel que sus dit. En outre, la problématique de l’aménagement des quartiers auto-
construits demeure une nécessité absolue.
Pour faciliter la régularisation foncière, les personnes publiques renoncent à faire jouer
à leur profit la théorie de l’accession à la propriété, nonobstant l’illégalité de l’occupation
sans titre1128, préférant considérer que la construction appartient à l’occupant sans titre.

1) Aspects divers de la renonciation au bénéfice de l’accession

Par rendre moins onéreuse l’opération de régularisation foncière, seuls les terrains
d’assiette des constructions sont vendus au profit des occupants sans titre, la plupart des
collectivités locales de proximité (communes, départements, régions) situées outre-mer,
considérant que la construction reposant sur leur domaine privé appartient déjà à l’occupant,
et renonçant ainsi à appliquer la théorie de l’accession à leur profit.
Or, il résulte des dispositions des articles 551, 552, 553 et 555 du Code civil que le
propriétaire d’un terrain revêtu d’une construction, est présumé propriétaire de cette
construction1129, qu’il en va ainsi, même au cas où la construction a été édifiée par un tiers
avec des matériaux appartenant à ce dernier1130 et, que cette présomption est une conséquence
logique du mécanisme de l’accession qui s’opère de plein droit, sauf convention contraire1131.
En conséquence, il résulte de l’application stricte de ces dispositions juridiques que les
personnes publiques sont présumées propriétaires des constructions reposant sur les

1128
Certains occupants sans titre, au moment de l’acquisition, ont déjà fait l’effort de régulariser leur situation
foncière illégale, par bail. D’autres refusent toute signature de contrat de bail. Il en est ainsi dans certains
quartiers de Fort-de-France, tel que Trénelle ou Volga Plage.
1129
Articles 552 et 553 du code civil.
1130
Article 555 du code civil.
1131
Articles 551 et 552 du code civil.

317
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

parcelles de terre dont elles sont propriétaires, sauf convention contraire.


Néanmoins, en cas d’existence d’un lien juridique entre la personne publique et la
personne qui a édifié les constructions avec les matériaux lui appartenant, le jeu de
l’accession à la propriété des constructions peut être différé, voire écarté.
Ainsi, en cas d’existence d’un bail consenti par le propriétaire du terrain, si le bail ne
contient aucune stipulation relative aux constructions, l’article 555 du code civil a vocation
à s’appliquer. L’accession est différée et reportée à la fin de la location, mais pendant le bail
le locataire demeure propriétaire des constructions et bénéficie d’un droit de superficie
temporaire. Dans ce cas, le jeu de l’accession intervient en fin de bail. En revanche, si le bail
contient des stipulations conventionnelles relatives au sort des constructions édifiées par le
tiers avec des matériaux lui appartenant, il peut être dérogé aux dispositions de l’article 555
du code civil par convention des parties, celles-ci n’étant pas d’ordre public. Les parties
auront donc pu valablement convenir dans le contrat du sort des constructions. C’est
cependant au tiers ayant construit de rapporter la preuve de l’existence d’une telle
convention. Le bailleur peut aussi renoncer définitivement dans le bail au jeu de l’accession
qui ne se produit alors ni immédiatement ni en fin de bail. Dans ce cas, les constructions
édifiées par le preneur demeurent alors la propriété de ce dernier. Le preneur se trouve alors
investi d’un droit de superficie à vocation perpétuelle1132. En cas d’autorisation de construire,
sans précision sur le sort des constructions, c’est l’article 555 du code civil qui s’applique.
Ainsi, le constructeur peut également fonder son droit à la propriété de la construction
sur les termes de la convention passée avec le propriétaire du terrain, contenant renonciation
à l’accession par ce dernier. Par ailleurs, le juste titre ou le jeu de la prescription acquisitive
peuvent combattre la présomption de propriété.
En conséquence, la règle selon laquelle la propriété du sol emporte la propriété du
dessus et du dessous, édictée par l’article 552 du code civil, est une simple présomption de
propriété qui cède devant la preuve contraire, comme le confirment plusieurs arrêts rendus
par la Cour de Cassation1133. Il peut donc être dérogé à ce principe. De plus, l’article 553 du
code civil reconnaît expressément les imbrications de propriétés, à quelque niveau que ce
soit1134. Il peut donc y avoir dissociation entre la propriété du sol et celle des constructions,

1132
Par ailleurs, l’article 553 du code civil offre des possibilités intéressantes, notamment en matière de cession
de volumes ou de droit de superficie.
1133
Cf. Cass., 3èmeciv., 26 mai 1992, JCP 1992 Ed. G, IV, 2140 ; op. cit.
1134
Cf. Les développements consacrés à la cession de volumes et au droit de superficie, en première partie de
cette étude.

318
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

voire imbrication de propriétés1135.


Cette renonciation par les collectivités territoriales de proximité au bénéfice de la
théorie de l’accession, a pour objectif de diminuer le coût de l’acquisition du foncier pour
les occupants sans titre, la valeur de la construction n’étant pas prise en compte. En effet, la
démarche juridique habituellement pratiquée consiste pour le vendeur à se réclamer de la
théorie de l’accession et à céder le terrain et la construction au profit de l’occupant, en
contrepartie d’une indemnité à verser à l’occupant constructeur. Ainsi, le prix de cession est
stipulé payable en partie comptant, et en partie par compensation avec la somme due par le
vendeur à l’acquéreur au titre de l’indemnité à verser pour la construction. Toutefois cette
pratique est difficilement applicable aux personnes publiques, notamment en raison de la
règle de non-compensation des recettes et des dépenses en matière budgétaire. En outre,
cette pratique oblige l’occupant sans titre à débourser un prix initial élevé, car tenant compte
de l’entière propriété bâtie, ce qui risquerait de décourager l’accession à la propriété des
occupants. Par ailleurs, cette méthode pourrait entraîner un rejet de la part des occupants
sans titre qui se considèrent comme propriétaires de leur construction, voire même du terrain
d’assiette de celle-ci.
Une autre problématique des opérations de régularisation foncière consiste en la juste
détermination des acquéreurs, l’inverse étant susceptible de générer du contentieux.

2) Nécessité d’une juste détermination de la qualité des acquéreurs

La régularisation foncière intervient au profit des personnes ayant édifié ou fait édifier
leur construction sur le domaine public ou privé selon le cas, présumées propriétaires des
constructions, ou à défaut, en cas de décès de ces occupants initiaux, au profit de leurs
héritiers ou ayants cause. Un exposé préalable est établi dans l’acte de vente, afin d’expliquer
les règles juridiques mises en œuvre pour la détermination de l’acquéreur.
Toutefois, en cas de décès des occupants initiaux, certaines administrations se

1135
Telle est la position qu’a choisi d’adopter la commune de Fort-de-France, afin de diminuer le coût financier
de l’opération d’acquisition pour l’occupant. Ce faisant, elle s’aligne sur la position adoptée par l’Etat dans la
zone des cinquante pas géométriques. En effet, la commune de Fort-de-France considère que les constructions
reposant sur des terrains dépendant de son domaine privé, sont présumées appartenir déjà aux occupants pour
les avoir édifiées ou fait édifier, à leurs risques et périls et sous leur entière responsabilité. Ce choix est entériné
dans les décisions prises par le conseil municipal au titre de la régularisation foncière. Elle a donc pris le parti
de renoncer au jeu de l’accession à son profit, préférant faciliter les opérations de régularisation foncière. En
conséquence, en pratique, dans de pareils cas, la vente n’intervient que sur le terrain d’assiette des
constructions. Ainsi, pour éviter d’augmenter le coût fiscal de l’opération, il est devenu courant d’indiquer dans
les actes notariés que, sur le terrain objet de la vente repose une construction appartenant déjà à l’acquéreur
pour l’avoir fait édifier de ses deniers personnels au cours de telle année, avec l’autorisation du vendeur. Cf.
un modèle de titre de propriété, concernant les régularisations foncières par acte authentique administratif.

319
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

contentent d’un certificat d’hérédité délivré par les services de l’état-civil, là où il y aurait
lieu de solliciter un acte de notoriété après décès, préalablement établi par un notaire1136. Une
simple attestation dévolutive établie par un notaire est aussi en mesure d’établir la qualité
des héritiers.
Le certificat d’hérédité que certains ayants droit produisent n’est pas suffisamment
fiable. Il résulte d’une réponse ministérielle en date du 1er février 2005, que les certificats
d’hérédité ne font pas partie des documents dont l’existence est prévue par la loi. Il s’agit
d’une simple pratique administrative. Ces certificats n’étant valables que si les créanciers
intéressés s’en contentent sans exiger d’acte authentique1137. Établis de manière
discrétionnaire par le maire sur la foi des héritiers1138, ils sont plus facilement susceptibles de
contenir des erreurs et omissions d’héritiers. Ils sont parfois exigés pour le déblocage de
sommes d’argent en banque, mais sont de plus en plus délaissés par les banques au profit de
l’acte de notoriété, plus fiable1139.
L’acte de notoriété fait foi jusqu’à preuve du contraire, ainsi qu’il résulte de l’article
730-3 du code civil. « Celui qui s’en prévaut est présumé avoir des droits héréditaires dans
la proportion qui s’y troue indiquée »1140. Mais le contenu de l’acte de notoriété ne comporte
pas nécessairement en lui-même acceptation de la succession (article 730-3 alinéa 2 du code
civil). L’article 730-4 du code civil énonce d’ailleurs que « les héritiers désignés dans l'acte
de notoriété ou leur mandataire commun sont réputés, à l'égard des tiers détenteurs de biens
de la succession, avoir la libre disposition de ces biens et, s'il s'agit de fonds, la libre
disposition de ceux-ci dans la proportion indiquée à l'acte »1141.
Par ailleurs, en cas de ventes sous seing privé des constructions illégalement édifiées,

1136
L’article 730-1 du code civil, ci-après littéralement rapporté, a entériné la pratique notariale faisant de l’acte
de notoriété le premier acte authentique permettant de connaître la qualité des héritiers :
« La preuve de la qualité d'héritier peut résulter d'un acte de notoriété dressé par un notaire, à la demande d'un
ou plusieurs ayants droit.
L'acte de notoriété doit viser l'acte de décès de la personne dont la succession est ouverte et faire mention des
pièces justificatives qui ont pu être produites, tels les actes de l'état civil et, éventuellement, les documents qui
concernent l'existence de libéralités à cause de mort pouvant avoir une incidence sur la dévolution successorale.
Il contient l'affirmation, signée du ou des ayants droit auteurs de la demande, qu'ils ont vocation, seuls ou avec
d'autres qu'ils désignent, à recueillir tout ou partie de la succession du défunt.
Toute personne dont les dires paraîtraient utiles peut être appelée à l'acte.
Il est fait mention de l'existence de l'acte de notoriété en marge de l'acte de décès. »
1137
Rép. Min. n° 52502, justice : JOAN Q, 1er février 2005, p. 1138.
1138
Cf. l’article : « Certificat d’hérédité délivré par le maire : validité, contenu, force probante », JCP N, I, 27
mai 2005, n° 21.
1139
Pour toutes ces raisons, beaucoup de mairies ne le délivrent plus.
1140
Article 730-3 al. 2 du code civil.
1141
Des sanctions sont prévues par l’article 730-5 du code civil, en cas de mauvaise et d’inexactitude portée
sciemment dans l’acte de notoriété ; sans préjudice des dommages et intérêts.

320
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il est difficile de s’assurer de la réalité de la vente et du paiement du prix de vente. Il est


alors demandé à l’occupant acquéreur, chaque fois que c’est possible, de produire une
quittance écrite de la part du vendeur de la construction1142. L’idéal serait que ces ventes de
constructions soient établies par les notaires, mais en présence de constructions édifiées sur
le sol d’autrui cette solution est génératrice de responsabilités pour ces professionnels, et de
coûts supplémentaires pour les occupants.

3) Effet inattendu de la régularisation par bail emphytéotique et actes


assimilés

Certaines régularisations foncières sont effectuées par le bais de baux emphytéotiques.


Ces contrats de longue durée, constitutifs de droits réels, présentent des effets inattendus en
termes de régularisation foncière, à leur terme. En cas d’existence d’un bail emphytéotique
régularisé entre la personne publique propriétaire et l’occupant, on ne peut plus parler
d’occupant sans titre, de même que dans le cas d’un bail simple régularisé entre l’occupant
et le propriétaire1143, car il s’agit des formes de régularisations foncières temporaires, dont il
a été question en amont. Toutefois, lorsque ces titres temporaires arrivent à expiration ou
deviennent caduques sans avoir été renouvelés, l’occupation sans titre renaît.
Cependant ces solutions peuvent entraîner des effets inattendus, lorsque la personne
publique décide d’aller jusqu’au bout de sa logique de régularisation foncière en décidant de
céder les terrains en cause à l’occupant.
Le bail emphytéotique de droit commun est régi par les articles L451-1 à L451-13 du
Code rural et de la pêche maritime. Il est légalement établi par acte authentique (notarié ou
administratif), et soumis à publicité foncière. Dans le cas du bail emphytéotique, c’est la
législation applicable à ce type de contrat qui fait barrage, et toute la question est de savoir
comment la contourner, dans le cas d’une régularisation foncière subséquente par cession du
terrain d’assiette des constructions. En effet la législation sur les baux emphytéotiques
prévoit que les constructions reviennent au bailleur en fin de bail ; avec ou sans
indemnisation du preneur selon ce qui est prévu au contrat. Cela signifie qu’en cas de
régularisation foncière par cession, la personne publique devrait vendre aux occupants

1142
Notamment lorsque l’acquéreur a perdu la trace du vendeur depuis de nombreuses années.
1143
Ces contrats ont été mis en place par certaines communes, dont celle de Fort-de-France, notamment au
quartier Trénelle, pour faire face aux phénomènes d’occupations sans titre. Ils constituent l’une des premières
tentatives de régularisation foncière, par bail, instituées par ladite commune pour assainir la situation juridique
de l’occupation sans titre de son domaine privé.

321
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
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bénéficiaires de baux emphytéotiques arrivés à expiration, le terrain d’assiette de la


construction et la construction elle-même.
L’un des points forts des opérations de régularisation foncière, c’est de considérer que
les constructions appartiennent déjà aux occupants, ainsi qu’il en a été décidé par certaines
communes qui, pour ce faire, ont renoncé au jeu de l’accession à la propriété résultant des
articles 551 et suivants du code civil, dans le cadre délibérations prises par leur conseil
municipal, pour régulariser l’occupation de leur domaine privé.
Or, en vertu de la législation relative au bail emphytéotique, les constructions édifiées
et les travaux et aménagement effectués par le preneur, restent sa propriété pendant toute la
durée du bail emphytéotique. Mais il résulte des dispositions de l’article L 451-7, alinéa 2,
du Code rural, qu’en fin de bail, le bailleur devient propriétaire des constructions et profite
des améliorations. Si rien n’est prévu au contrat, lesdites constructions et améliorations
reviennent au bailleur, sans indemnités1144.
Pour éviter une partie des inconvénients du bail emphytéotique dans le cadre de la
procédure de régularisation par cession définitive au profit de l’occupant, des solutions sont
activement recherchées par les services juridiques des communes1145.
Dans le cas où le terrain objet du bail emphytéotique doit faire l’objet d’une cession
au profit du preneur, tout dépend de savoir si ledit bail emphytéotique est arrivé à terme ou
pas. S’il est arrivé à terme, le jeu de l’accession à la propriété a d’ores et déjà eu lieu, et le
propriétaire ne peut que céder le terrain et la construction dont il est devenu propriétaire en
exécution du bail emphytéotique arrivé à terme. En cas de cession du terrain en cours de bail
emphytéotique, les opportunités juridiques sont plus larges. Les parties peuvent décider de
mettre fin, par anticipation, au bail emphytéotique, d’un commun accord entre elles, en vue
de la cession par le bailleur du bien concerné au profit du preneur.
Ainsi, lorsque la cession intervenant en cours de bail, avant la durée minimale de 18
ans exigée par la loi pour que le bail soit qualifié de bail emphytéotique, la disqualification
du bail emphytéotique en bail de droit commun est communément admise, par la

1144
Le bail emphytéotique est généralement consenti et accepté pour une durée supérieure à dix-huit années
entières et consécutives, moyennant le versement par le preneur, d’une redevance annuelle modique. Cette
modicité est motivée par la considération qu’en fin de bail, les constructions reviennent au bailleur. La
redevance est révisable en fonction de l’indice de référence des loyers publié par l’INSEE. Il est habituellement
stipulé dans un tel bail que celui-ci ne peut se proroger par tacite reconduction, et qu’à l’expiration du bail, le
preneur ou ses ayants-droit, ne pourront se prévaloir d’un quelconque droit au maintien dans les lieux ou de
renouvellement. Il y est en outre généralement précisé que le preneur profite du droit d’accession pendant toute
la durée du bail, mais qu’en fin de bail, quelle que soit la cause de fin du bail, à sa sortie, le preneur devra
restituer les lieux en bon état.
1145
Cas de la commune de Fort-de-France notamment.

322
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

jurisprudence1146. En conséquence, les parties peuvent considérer qu’il y a lieu de constater


la disqualification du bail emphytéotique en bail de droit commun. Dans ce cas, les
constructions et améliorations faites par le preneur restent lui appartenir, la personne
publique propriétaire reconnaissant la propriété du preneur sur lesdites constructions, sauf
indemnisation éventuelle du manque à gagner pour le propriétaire bailleur. La cession par le
bailleur, au profit du preneur, du terrain d’assiette de sa construction, entraînera extinction
du bail par confusion sur la tête du preneur de ses qualités de preneur et de propriétaire.
En définitive, il y a donc discordance entre le jeu de la législation sur le bail
emphytéotique, qui prévaut, et les pratiques de régularisation foncière entérinées par
certaines communes.
Par ailleurs, la question du cahier des charges de cessions des terrains se pose.

4) Quid d’un cahier des charges de cession ?

La question de la nécessité ou pas d’un cahier des charges de cessions des terrains dans
les quartiers auto-construits, se pose. Car, ainsi que la loi le permet, un cahier des charges
de cession, fixant les droits et obligations de la commune, d’une part, et des acquéreurs des
différentes, d’autre part, peut être régularisé avant l’acte de vente d’un bien immobilier
dépendant du domaine privé communal1147.
Toutefois, de tels documents sont de moins en moins régularisés par les communes
lors des cessions, car elles retardent la vente, qui est valable même en l’absence de
l’établissement d’un tel cahier des charges. Pourtant, l’établissement d’un tel document
présente un intérêt certain dans les opérations de régularisation foncière, car il permet d’être
fixé sur l’origine de propriété de la totalité des terrains concernés, ainsi que sur la situation
des servitudes et réseaux, les clauses anti-spéculatives et autres charges et obligations. Mais
il exige des enquêtes et un gros travail d’anticipation en amont ; ce qui retarde pour certains
quartiers l’instant de la cession, alors même que les occupants sont déjà en attente.

1146
C. Cass., 3ème ch. Civile, 14 novembre 2002, pourvoi n° 01-13904, Bull. 2002.III, n° 223, p. 191. Dans cet
arrêt, la Cour de cassation a précisé que, viole les articles L. 451-1 et L. 451-5 du Code rural, la cour d'appel
qui, pour qualifier les contrats liant les parties de baux emphytéotiques, retient que le caractère emphytéotique
ne peut être écarté par l'effet de la clause de résiliation en faveur du bailleur en cas de non-paiement du loyer,
la précarité imposée à l'emphytéote ayant son origine dans son propre fait, alors qu'une clause de résolution de
plein droit confère à la jouissance du preneur une précarité incompatible avec la constitution d'un droit réel.
1147
Ce fût le cas à Fort-de-France, pour la régularisation par cession, des terrains dépendant du domaine
communal privé de Trénelle. Un tel acte a été reçu en la forme authentique administrative par le maire de ladite
commune, en sa qualité d’officier public, le 15 décembre 2009, et publié au service de la publicité foncière. Ce
cahier des charges de cession s’applique aux terrains cessibles du quartier « Trénelle » concernés par
l’opération de régularisation. Ses règles ont valeur contractuelle entre les parties. La signature de l’acte de
vente entraîne de plein droit adhésion par l’acquéreur à ses dispositions.

323
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Le problème de la longueur de la procédure se pose également concernant


l’aménagement des quartiers faisant l’objet de procédures de régularisation foncière.

5) Nécessité incontournable de l’aménagement des quartiers auto-


construits

Les acteurs publics fonciers souhaitent régulariser vite, par la cession du terrain
d’assiette des constructions au profit des occupants initiaux qui ont édifié ou fait édifier les
constructions, ou au profit de leurs ayants droit ou ayants cause.
Cela pose un problème au regard de la consistance et du rythme des aménagements,
lents et longs à mettre en œuvre, mais pourtant incontournables dans les quartiers auto-
construits. De plus, de nombreuses communes n’ont pas les moyens d’effectuer un
aménagement desdits quartiers. Par ailleurs, l’aménagement peut impliquer la nécessité
d’exproprier, acte juridique pénible à poser dans un contexte politique. Ainsi, l’accès à la
propriété est encouragé, mais l’aménagement préalable et incontournable, qui demeure
coûteux, est parfois réduit au minimum, notamment en raison des constructions déjà
existantes dans cette configuration.
Or, il serait souhaitable que l’aménagement intervienne avant le lancement des
opérations de cession dans les quartiers auto-construits afin d’éviter les régularisations
foncières « cache-misère » et les expropriations après cession1148. Cela milite en faveur de
l’établissement un cahier des charges des cessions de terrains, afin de mieux cerner les
obligations qui s’imposeront aux futurs acquéreurs, et les différentes servitudes applicables,
ainsi que les règles de vie dans le quartier1149.
Mais le coût de l’aménagement et celui connexe du relogement, pour les personnes
qui seront expropriées ou déplacées, demeurent élevés, d’où la tentation d’un aménagement
minimaliste. Les agences des 50 Pas géométriques de la Guadeloupe et de la Martinique ont
la possibilité d’effectuer des aménagements sur des secteurs à cheval entre la zone des
cinquante pas géométriques et le domaine privé communal, à charge pour les communes
concernées de contribuer à ces aménagements, et sous réserve des concertations en amont.
a) L’attraction d’un aménagement minimaliste et ses dangers :

1148
Dans le quartier Volga Plage, à Fort-de-France, les régularisations foncières ont été gelées au cours de
l’année 2017, le temps de la détermination, en lien avec l’Agence des 50 Pas géométriques de la Martinique,
des parcelles qui seront ou non impactées par les aménagements incontournables, afin d’éviter des
expropriations après cession.
1149
Mais la régularisation d’un tel document n’est pas toujours souhaitée par les cocontractants, car il enferme
les collectivités et les futurs propriétaires dans des contraintes, notamment en raison de l’existence de clauses
anti-spéculatives.

324
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
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Le coût élevé de l’aménagement des quartiers auto-construits, est de nature à conduire


certains propriétaires publics à procéder à des régularisations foncières par cessions, dans
des conditions d’aménagement minimaliste. Ce fait est prégnant dans le domaine privé
occupé de certains propriétaires publics, marqué par le caractère auto-construit de certains
quartiers et la pression de collectifs d’habitants. Ces caractéristiques conduisent parfois les
personnes publiques, l’Etat comme les communes, à rétrocéder avec un aménagement
parfois insuffisant1150. Or, sans aménagement, ou en présence d’un aménagement défectueux,
la régularisation foncière par cession est vaine, voire dégradante. D’où l’intérêt de ne pas
négliger l’aménagement et de faire appel aux agences et établissements publics fonciers
d’aménagement, compétents en matière d’aménagement et de régularisation foncière.
b) Aménagement et bornage des superficies occupées :
Dans les cas de constructions reposant sur le domaine des personnes publiques outre-
mer, le service du cadastre attribue des références cadastrales à l’emprise de chaque
construction, pour identifier la construction édifiée initialement par l’occupant et à titre de
base fiscale1151. Le relevé de propriété bâtie indique le nom de l’occupant, et le relevé de
propriété non bâti, la dénomination de la personne publique propriétaire du terrain d’assiette.
Mais cela ne signifie pas que la parcelle occupée a été bornée. Le bornage s’impose
car les superficies cadastrales ne correspondant pas nécessairement aux superficies bornées.
De plus, les différentes extensions n’ont souvent pas été prises en compte ; d’où de
nombreux conflits de voisinage et une « photographie cadastrale » inexacte. Tout cela
confirme l’obligation du bornage avant régularisation foncière par cession1152.
Généralement un géomètre-expert est saisi par la personne publique propriétaire pour
effectuer le bornage des superficies occupées. Le choix du géomètre se fait par le biais d’une
procédure de mise en concurrence relevant des marchés publics. Les parcelles occupées sont
bornées au fur et à mesure des opérations de régularisation foncière, soit au cas par cas, soit
par la technique du « rouleau compresseur »1153.

1150
Cas du quartier Volga Plage, où, en dépit des aménagements effectués par la Ville et de ceux proposés par
l’Agence des 50 pas géométriques de la Martinique, l’aménagement du quartier demeure insuffisant. Les
cessions dans ces quartiers ont été gelées en 2017 et 2018 pour parvenir à une entente sur le niveau
d’aménagement incontournable souhaitable.
1151
Mais en cas d’agrandissement de la maison, les superficies cadastrales considérées comme occupées ne
sont pas toujours mises à jour par le service du Cadastre, faute de moyens suffisants et de plan de bornage.
1152
Cette phase peut durer plusieurs mois.
1153
Dans le premier cas, les procédures de bornage sont ciblées, mais cela ne facilite pas les opérations
d’aménagement. De plus, cela ne garantit pas l’acquisition effective par les occupants concernés (qui peuvent
toujours se rétracter). Dans le second cas, celui de la technique du « rouleau compresseur », tous les bornages

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Lorsque la réalisation du bornage est mise à la charge de l’occupant, celui-ci a le choix


de son géomètre. La personne publique a toutefois intérêt à désigner plusieurs géomètres
référents auprès desquels les futurs acquéreurs devront déposer leur demande, afin d’éviter
les incohérences. La personne publique est conviée lors des opérations de bornage, pour
contrôle des opérations. Cette technique est moins coûteuse pour la collectivité.
Les limites de l’occupation sont établies par le géomètre, avec la pose de bornes et
l’établissement d’un procès-verbal de bornage. Un plan parcellaire, une copie du document
d’arpentage et un plan de bornage sont fournis au propriétaire public. Une application directe
du document d’arpentage au cadastre, avec publication au service de la publicité foncière
(SPF), sécurise le bornage. Le procès-verbal et le plan de bornage sont annexés au titre de
propriété remis à l’occupant.
Le bornage est une phase importante dans les opérations de régularisation foncière car,
mal effectué, il est source de conflits et de contentieux pré et post-opérationnel.

CONCLUSION DU CHAPITRE

Bien que l’objectif premier des opérations de régularisation foncière outre-mer soit de
résorber l’occupation sans titre, il s’agit aussi d’apporter une protection à l’occupant sans
titre, contre la précarité juridique et foncière et contre les risques naturels. La question de la
responsabilité des personnes publiques propriétaires reste donc posée. Il leur appartient de
trouver les solutions pérennes leur permettant d’aboutir à une résorption complète de
l’occupation sans titre outre-mer, eu égard à l’illicéité et à l’insécurité de l’occupation sans
titre outre-mer, en préservant leur droit de propriété, tout en protégeant l’occupant personne
physique, contre la précarité juridique et foncière.
Par ailleurs, les personnes publiques doivent accorder une attention accrue au mode de
régularisation foncière choisi, car il n’est pas rare que des titres d’occupation parviennent à
expiration (baux, baux emphytéotiques ou autres titres d’occupation), recréant ainsi une
situation d’occupation sans titre, et générant pour la personne publique la lourde gestion
d’une ribambelle de baux hétéroclites.

d’un secteur concerné sont réalisés une fois pour toutes ; ce qui facilite l’aménagement du secteur et la
préservation de servitudes et voies d’accès. Mais cette technique peut générer un coût plus important pour la
collectivité, avec un risque de procédures non abouties, pour les occupants sans titre qui ne répondraient pas à
la proposition de cession à leur profit. Pour les communes en ayant les moyens matériels et/ou financiers pour
faire des bornages de masse. Par cette technique, les parcelles sont bornées par secteurs comprenant plusieurs
parcelles. C’est moins coûteux que le bornage individuel, et permet de purger une partie des conflits de
voisinage, en amont.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

En outre, les constructions abandonnées, inoccupées, ou dont les occupants sont


décédés, sans manifestation de leurs héritiers ou ayants droit, font parfois l’objet
d’occupations sauvages par d’autres personnes, contribuant à complexifier l’occupation sans
titre des domaines public et privé des collectivités territoriales situées outre-mer.
Aussi, les procédures de régularisation foncière doivent-elles viser à augmenter le
nombre de régularisations foncières par délivrance d’un titre de propriété, tout en ménageant
l’environnement par la protection des espaces naturels, et en préservant le développement
économique des collectivités locales outre-mer, au travers de règles juridiques pérennes et
adaptées.
Après avoir étudié la régularisation foncière mise en place par les collectivités locales
de proximité et spécialement par les communes outre-mer, pour juguler l’occupation sans
titre de leur domaine privé, il convient d’examiner les procédures particulières mises en
place par le législateur pour faire face à l’occupation sans titre du domaine privé de l’Etat
outre-mer (Chapitre II).

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CHAPITRE II – RÉGULARISATION FONCIÈRE


D’ORIGINE LÉGISLATIVE DE L’OCCUPATION DU
DOMAINE PRIVÉ DE L’ÉTAT

Les personnes publiques gèrent les biens de leur domaine privé librement, selon les
règles qui leur sont applicables1154, car lesdits biens sont aliénables et prescriptibles, même
s’ils demeurent insaisissables. Elles peuvent donc, de leur propre initiative, mettre en place
toutes procédures de régularisation foncière, par bail, cession, ou autrement, qu’elles jugent
à propos, dans le respect de la hiérarchie des normes, du principe de légalité, et des règles
spécifiques prévues pour chacune d’elles en matière de cession.
Pour l’Etat, il convient de se référer aux dispositions résultant des articles R3211-1 et
suivants du code général de la propriété des personnes publiques qui énoncent les
particularités, charges et obligations à respecter lors des cessions qu’il consent.
Toutefois, pour régulariser l’occupation du domaine privé de l’État outre-mer, le
législateur a mis en place diverses procédures spécifiques favorisant le titrement ou la
valorisation foncière1155. Ces procédures sont notamment répertoriées dans le code général
de la propriété des personnes publiques (CG3P)1156 et dans le code du domaine de l’Etat.
La définition du domaine privé s’inscrit à contrario de celle du domaine public1157. Il
comprend donc les biens qui ne font pas partie du domaine public1158. Sont aussi concernés
les réserves foncières, les biens immobiliers à usage de bureaux, les chemins ruraux, et les
bois et forêts relevant du régime forestier (article L2212-1 du CG3P).
Une catégorie de biens suscite toutefois un traitement plus protecteur de la part du
législateur, alors même qu’elle dépend du domaine privé des personnes publiques. Il s’agit
des bois et forêts relevant du régime forestier et faisant partie du domaine privé des
personnes publiques1159, par détermination de la loi, ainsi qu’il ressort de l’article L2212-1

1154
Article L2221-1 du CG3P et article 537 alinéa 2 du code civil.
1155
En sus des procédures de régularisation foncière touchant le domaine public de l’Etat, particulièrement la
zone des cinquante pas géométriques.
1156
Les différents livres du code du domaine de l’Etat ont été abrogés par les articles 3 à 19 du décret n° 2011-
1612 du 22 novembre 2011, sauf pour les COM, les TAAF, et la Nouvelle-Calédonie. Le cas de Mayotte, est
réservé car il est désormais harmonisé avec celui des collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution
dont il relève désormais.
1157
Le domaine privé est la règle et le domaine public l’exception.
1158
Article L2211-1 du CG3P.
1159
Consulté en ligne le 29 août 2017 : https://www.legifrance.gouv.fr.

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du CG3P. Cette catégorie n’est pas anodine puisque la propriété de l’Etat en Guyane est
majoritairement composée de forêts.
Ceux-ci sont imprescriptibles, tant en Guadeloupe (article L271-1 du code forestier),
qu’en Martinique (article L273-1 du code forestier). Le fait d’occuper sans titre les biens
relevant du régime forestier est puni d’une amende1160, sans préjudice de la confiscation des
installations, récoltes et outils1161. Le fait pour une personne de résider sans titre de location
sur un terrain relevant du régime forestier ou de s’y installer temporairement sans
autorisation, est passible d’expulsion immédiate et d’amende1162.
À la Réunion, les bois et forêts sont imprescriptibles et inaliénables (article L274-1 du
code forestier). Leur occupation sans titre est punie d’une amende tel que sus dit, et le fait
d’y résider sans titre ou de s’y installer temporairement est passible d’expulsion immédiate
et d’amende (article L274-5 du code forestier). À Mayotte également, les bois et forêts sont
imprescriptibles et inaliénables (article L275-2 du code forestier)1163.
Il est ici précisé que la mise en œuvre des procédures de régularisation foncière portant
sur le domaine de l’Etat, est finalisée par les préfets qui reçoivent les actes passés en la forme
administrative par l’Etat, en assurent la conservation et leur confèrent l’authenticité, en vue
de leur publication au fichier immobilier1164.
Les procédures de régularisation foncière résultant du droit positif, attestent de la mise
en place progressive par le législateur, de dispositifs favorisant le titrement et la valorisation
foncière, dans le domaine privé de l’Etat (Section I). Mais cette régularisation foncière
rencontre des obstacles qu’il convient d’identifier (Section II).

1160
3750 euros par hectare détruit.
1161
Cela est valable pour la Guadeloupe (article L271-3 du code forestier), pour la Guyane (article L272-9 du
code forestier), et pour la Martinique (article L273-3 du code forestier).
1162
Ainsi qu’il résulte de l’article L271-5 du code forestier pour la Guadeloupe, de l’article L272-11 dudit code
pour la Guyane et de l’article L273-5 de ce code pour la Martinique
1163
La violation de cette règle est soumise aux mêmes sanctions que celles susmentionnées. Cf. le statut des
bois et forêts de Mayotte. En ligne (29 août 2017) :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idSectionTA=LEGISCTA000025247867&cidTexte=LEGITE
XT000025244092&dateTexte=20170829.
1164
Cf. articles L2222-1 et L2222-2 du CG3P. Cette caractéristique rend moins coûteuse la régularisation
foncière pour l’occupant et confère la maîtrise de celle-ci à la personne publique propriétaire. Les autorités des
établissements publics d’Etat, peuvent également être habilitées, par leurs statuts, à recevoir et signer des actes
en la forme administrative, à leur conférer l’authenticité en vue de leur publicité foncière, et à en assurer la
conservation.

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SECTION I – UNE RÉGULARISATION FAVORISANT LE


TITREMENT OU LA VALORISATION DU DOMAINE
PRIVÉ DE L’ÉTAT OUTRE-MER

Dans le domaine privé de l’Etat, s’agissant d’un domaine aliénable et prescriptible, la


régularisation foncière amiable prévaut. En effet, les immeubles dépendant du domaine privé
de l’Etat, qui ne sont plus utiles à un service civil ou militaire de l’Etat ou à un établissement
public d’Etat, peuvent être cédés dans des conditions fixées par décret en conseil d’Etat1165.
Dans le domaine privé, la régularisation foncière passe généralement par la
contractualisation et les procédés de droit commun synallagmatiques prévalent, sous réserve
des dispositions générales relatives aux modalités de cession à titre onéreux des immeubles
de l’Etat, résultant notamment des articles R3211-1 et suivants du CG3P.
Les contrats mis en œuvre sont généralement de droit privé, sauf lorsque des critères
spécifiques, dont l’existence de clauses exorbitantes de droit commun, militent en faveur
d’une qualification de contrats administratifs1166.
Pour favoriser la mise en œuvre de la régularisation foncière sur son domaine privé,
en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte, l’Etat a opéré par des
procédés de droit commun et des procédures amiables ordinaires, applicables au domaine
privé de l’Etat en général. Ainsi, l’occupation sans titre des biens dépendant du domaine
privé de l’Etat a pu notamment être régularisée par cession à titre onéreux1167, et autres
procédés de droit commun. La vente amiable, l’échange, les baux de longue durée
(emphytéotique, bail emphytéotique administratif, etc.), et concessions, sont les cadres
juridiques de droit commun utilisés pour assainir l’occupation du domaine privé de l’Etat
outre-mer comme ailleurs1168.
Mais il existe des procédures particulières, spéciales, prévues dans le code général de

1165
Cf. articles L3211-1 à L3211-12 du CG3P ou du CGPPP.
1166
TC, 16 janvier 1967, « Société du vélodrome du Parc des Princes », n° 1895, Rec. Lebon, p. 652. Cet arrêt
fait ressortir qu’une seule clause exorbitante du droit commun est suffisante pour valider le caractère
administratif du contrat.
1167
Ce fut le cas lorsque la zone des cinquante pas géométriques a rejoint le domaine privé de l’Etat en vertu
du décret du 30 juin 1955, jusqu’à la « loi littoral » du 03 janvier 1986. Les cessions et concessions consenties
par l’Etat durant cette période ont été validées par les juridictions.
1168
Il est rappelé l’interdiction pour les personnes publiques de faire des donations de biens dépendant de leur
patrimoine privé ou des cessions à un prix inférieur à leur valeur vénale, sauf à tenir compte des préconisations
jurisprudentielles déjà expliquées en amont. Cf. : CE, Sect., 3 nov. 1997, « Commune de Fougerolles », Rec.
391., AJDA 1997, p. 110, obs. RICHER (L.).

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la propriété des personnes publiques (CG3P ou CGPPP) et dans le code du domaine de l’Etat.
Des modalités spécifiques de cession ou de mise à disposition sont prévues par le
législateur1169, pour une mise en œuvre dans le domaine privé de l’Etat, quand le bénéficiaire
poursuit certains buts, dont l’aménagement ou la production de logements sociaux. Dans ces
cas, la cession du terrain pour une valeur inférieure à sa valeur vénale, voire la cession
gratuite du bien, est envisagée par les textes (voir par exemple l’article L3211-1 du CG3P).
En Guyane, collectivité territoriale dans laquelle l’État possède un important domaine
privé forestier, le législateur prévoit des possibilités de concessions et de cessions,
notamment aux agriculteurs pour l’aménagement et la mise en valeur agricole des terres
domaniales, ainsi qu’aux collectivités territoriales, à leurs groupements et établissements
publics, et à des communautés d’habitants. Des dispositifs de régularisation foncière prenant
en compte certains aspects du droit coutumier et des spécificités locales sont observés. Il
s’agit notamment de l’instauration de zones de droits d’usage collectifs (ZDUC) en Guyane.
Le cas de Mayotte peut être rapproché, avec certaines particularités, de celui de la
Guyane, d’où l’intérêt d’en faire une étude parallèle. Toutefois, s’agissant de la Guyane, les
articles L272-1 et suivants du code forestier organisent des procédures de cessions et de
concessions spécifiques1170. À Mayotte, comme à La Réunion, a été observée la mise en
place de concessions, dans un premier temps, pour régulariser l’occupation coutumière.
Il convient donc de distinguer les dispositifs de régularisation foncière de l’occupation
du domaine privé de l’Etat, par des dispositifs généraux, de droit commun ou spéciaux,
applicables dans l’ensemble des collectivités territoriales, y compris outre-mer (§1), des
dispositifs régularisation foncière spécifiques à la Guyane et à Mayotte (§2), collectivités où
l’Etat possède une part très importante du foncier.

§ I. DISPOSITIFS GÉNÉRAUX DE RÉGULARISATION


FONCIÈRE APPLICABLES AU DOMAINE PRIVÉ DE L’ETAT

La plupart des procédés de régularisation ci-après exposés ont pour objectif de


favoriser la mise en valeur par cession, location ou autrement, du domaine privé de l’Etat.

1169
Article L3211-7 du CG3P, modifié notamment par l’article 14 de la loi n°2017-256 du 28 février 2017
relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économiques.
1170
Statut des bois et forêts de la Guyane. Consulté en ligne (29 août 2017) :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idSectionTA=LEGISCTA000025247914&cidTexte=LEGITE
XT000025244092&dateTexte=20170829.

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Ils peuvent également avoir pour effet le transfert de la gestion dudit domaine à une autre
personne publique ou à une personne privée, avant cession.
Les procédés de régularisation foncière par cession immédiate et définitive de partie
du domaine privé de l’Etat outre-mer, utilisent les dispositifs de droit commun applicables
en France en pareille matière (vente, échanges, …), et ont notamment pour but de favoriser
la poursuite d’objectifs sociaux, l’accroissement du nombre de logements sociaux,
l’aménagement ou la mise en valeur agricole ou collective des terres.
Les procédés de régularisation foncière temporaires pratiqués dans le domaine privé
de l’Etat outre-mer, utilisent les dispositifs de droit commun applicables en France (baux
ordinaires et baux de longue durée, concessions, …). Ils ont notamment pour objectif de
permettre à l’Etat de satisfaire la demande des différents types de requérants, ou ses propres
besoins, tout en conservant une certaine maîtrise foncière de sa propriété.
De nouveaux contrats de droit commun poursuivent des objectifs similaires, en
favorisant l’accession à une forme de propriété temporaire par les populations à revenus
modestes ou intermédiaires. Il en est ainsi par exemple du bail réel immobilier (BRILO)
institué par l’ordonnance n° 2014-159 du 20 février 2014 relatif au logement
intermédiaire1171. Ces dispositifs, véritables alternatives au droit de propriété, sont mis en
place par les personnes publiques ou privées, pour favoriser l’introduction du concept de
droit de propriété temporaire en France et outre-mer.
Toutes ces procédures favorisent des formes de partenariats public-privé pour le
financement de logements sociaux, de constructions, d’aménagements, et le développement
économique. Ils peuvent avoir pour visée de déléguer la gestion du domaine privé de l’Etat
à des collectivités de proximité, à leurs établissements publics ou à des personnes privées.
En conséquence, les dispositifs généraux de droit commun que sont la vente,
l’échange, l’apport, la mise à disposition, les baux emphytéotiques, les autres baux de longue
durée, et généralement les contrats de droit commun, sont largement mis à contribution par
l’Etat pour la régularisation de l’occupation de son domaine privé outre-mer. En témoignent
les cessions et régularisations foncières opérées par l’Etat dans la zone des cinquante pas

1171
Articles L254-1 à L254-9 du code de la construction et de l’habitation. Grâce à ces contrats, les accédants
deviendront propriétaires des constructions pour une durée de 18 à 99 ans. Par ce contrat, le propriétaire du
terrain conclut un bail réel immobilier avec le preneur à bail qui édifiera la construction. Ce dernier mettra
ensuite la construction en location ou cédera ses droits de preneurs, comme dans une copropriété. Il est encore
possible de citer le cas du bail réel solidaire (BRS) institué par l’ordonnance n° 2016-985 du 20 juillet 2016,
mais dans lequel le bailleur est un organisme foncier solidaire. L’ordonnance de du 20 février 2014 a été
complété par le décret n° 2016-855 du 27 juin 2016, relatif au bail réel immobilier.

332
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

géométriques, pendant la période où celle-ci avait intégré le domaine privé de l’Etat par
l’effet du décret du 30 juin 1955, jusqu’à la « loi littoral » du 3 janvier 1986.
Comme certaines communes outre-mer, l’Etat a privilégié dans un premier temps la
régularisation foncière par des procédés palliatifs à la cession, d’où l’intérêt de leur analyse
(A). Mais, le propos n’est pas de faire ici l’exposé ou l’analyse des dispositifs de
régularisation foncière définitifs de droit commun que sont la vente, l’échange, l’apport,
portant sur le domaine privé de l’Etat, lesquels obéissent aux règles de droit commun
applicables en la matière, même s’ils obéissent parallèlement aux règles particulières
applicables aux cessions consenties par l’Etat. Néanmoins, certains dispositifs de
régularisation par cession, spécifiques, feront l’objet d’une analyse plus détaillée (B).

A. ALTERNATIVES À LA CESSION DANS LE DOMAINE PRIVÉ


DE L’ETAT

Les procédés palliatifs à la cession mis en œuvre par l’Etat pour réguler l’occupation
de son domaine privé, éludent ou reportent le transfert de propriété, conservant ainsi à l’Etat
la maîtrise foncière sur son domaine. Il s’agit plus de procédés de gestion du domaine privé
étatique, soit par l’Etat lui-même (locations et baux en la forme administrative1172,
notamment), soit par des tiers (conventions de gestion, contrats de gérance, concessions, …).
Certains de ces procédé sont examinés ci-après. Il s’agit de la convention d’occupation
précaire, de la concession de l’article L3211-10 du code général de la propriété des personnes
publiques, de la convention de gestion et du bail emphytéotique. Mais cette liste n’est pas
exhaustive. La gestion du domaine privé de l’Etat relève de la Direction de l’immobilier de
l’Etat1173.

1) La convention d’occupation précaire délivrée sur le domaine privé

La convention d’occupation précaire est l’un des contrats utilisés par les personnes
publiques pour gérer l’occupation de leur domaine privé. Toutefois, ce type de contrat peut
basculer dans le statut des baux commerciaux1174, si l’occupant exploite un commerce sur le

1172
Voir articles L2222-1 et ss du CG3P.
1173
Service France Domaine.
1174
L’article L145-2, I, 4° du code de commerce dispose que les dispositions de son chapitre V sur le bail
commercial, s’appliquent également : (…) « 4° Sous réserve des dispositions de l'article L. 145-26 aux baux
des locaux ou immeubles appartenant à l'Etat, aux collectivités territoriales et aux établissements publics,
dans le cas où ces locaux ou immeubles satisfont aux dispositions de l'article L. 145-1 ou aux 1° et 2° ci-

333
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

domaine privé. En effet, si les critères des articles L145-1 et L145-2 du code du commerce
sont réunis, cette soumission au statut des baux commerciaux s’opère de plein droit.
Le contenu de la convention d’occupation précaire relève de la liberté contractuelle,
mais ce contrat doit respecter certains critères pour qu’il soit qualifié de précaire. En effet la
convention doit être précaire1175, c’est-à-dire soumise à un aléa1176 qui rend précaire le droit
de l’occupant. En outre la redevance doit être modique eu égard à cet aléa1177. La passation
d’une telle convention doit être motivée par des circonstances exceptionnelles et sa durée,
quelle qu’elle soit, doit trouver son terme dans des circonstances autres que la seule volonté
des parties. Elle doit donc être précaire et révocable à tout moment. À l’issue du contrat,
l’occupation devient sans droit ni titre.
La convention d’occupation précaire été utilisée par les personnes publiques (Etat,
établissements publics, et collectivités territoriales), notamment pour gérer de manière
temporaire l’occupation de leur domaine privé. Il en est ainsi également dans les collectivités
territoriales de l’article 73 de la Constitution, dans le cadre des réformes foncières.
La convention d’occupation précaire du domaine privé d’une personne publique est en
principe un contrat de droit privé. Son contentieux relève de la compétence des juridictions
judiciaires. Toutefois, lorsqu’elle contient des clauses exorbitantes du droit commun1178,
ladite convention peut être requalifiée en contrat administratif et, à ce titre, relever de la
compétence des tribunaux administratifs. Mais la doctrine constate la réduction de telles
clauses dans les développements jurisprudentiels récents1179.

dessus ». Et l’article L145-1 du code de commerce dispose que : « I. - Les dispositions du présent chapitre
s'appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne,
soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef
d'une entreprise immatriculée au répertoire des métiers, accomplissant ou non des actes de commerce, et en
outre : (…) Aux baux des terrains nus sur lesquels ont été édifiées - soit avant, soit après le bail - des
constructions à usage commercial, industriel ou artisanal, à condition que ces constructions aient été élevées
ou exploitées avec le consentement exprès du propriétaire. »
1175
Cass. Civ. 3ème, 13 mai 1997, n° 95-16735. Peu importe que la durée soit déterminée ou indéterminée, si la
convention reste précaire.
1176
Événement dont la date de réalisation est incertaine.
1177
CA Bordeaux, 19 mars 1992, n° 91-5679. Dans cette affaire la Cour d’appel a considéré comme modique
une redevance correspondant à la moitié du loyer.
1178
CE, 31 juillet 1912, n° 30701, « Société des granits porphyroïdes des Vosges ». Cet arrêt a consacré
implicitement la notion de clause exorbitante du droit commun. Laquelle notion peut être définie comme «
ayant pour objet de conférer aux parties des droits ou de mettre à leur charge des obligations étrangers par
leur nature à ceux qui sont susceptibles d’être librement consentis par quiconque dans le cadre des lois civiles
et commerciales ».
1179
YOLKA (Philippe), « Une peau de chagrin : la clause exorbitante dans les contrats d’occupation du
domaine privé », La semaine juridique, administrations et collectivités territoriales, n° 19, 05 mai 2008, 2117.

334
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

2) La concession de l’article L3211-10 du CG3P concernant les


exondements

En vertu de l’article L3211-10 du CG3P l’Etat peut consentir des concessions


translatives de propriété, portant sur des exondements réalisés avant le 03 janvier 1986, hors
d’une concession régulièrement accordée. Cette concession a pour effet de transférer
légalement à son bénéficiaire la propriété des terrains définitivement sortis des eaux. Les
conditions d’instruction et de délivrance de ces concessions translatives de propriété sont
fixées par décret pris en Conseil d’Etat.
Il convient de rappeler que le procédé de la concession en général, a beaucoup été
utilisé par l’Etat pour la régularisation de l’occupation sans titre de son domaine public un
peu partout dans les collectivités territoriales situées outre-mer1180. Cette technique de
régularisation foncière a généralement précédé la régularisation par cession, après
déclassement du domaine public qui intègre alors le domaine privé.
En effet, les concessions immobilières ont été beaucoup été utilisées par l’Etat pour
régulariser l’occupation de son domaine, pendant la période de la colonisation. Ce type de
contrat très utilisé pour la gestion du domaine public, peut l’être aussi sur le domaine privé
des personnes publiques, dans des circonstances telles que définies ci-dessus. Certaines
concessions sont translatives de propriété. C’est le cas pour les alluvions dont la propriété
peut être transférée par concession.
Le contrat de concession immobilière est défini comme étant un contrat par lequel le
propriétaire d’un immeuble en attribue la jouissance, contre rémunération annuelle, pendant
une période d’au moins vingt années, à un preneur qui peut y faire édifier des constructions
et apporter tous aménagements de son choix. À l’expiration du contrat, le propriétaire doit
indemniser le concessionnaire pour les constructions réalisées1181. Ces contrats se
rapprochent des baux à construction, du droit de superficie et de l’emphytéose. On peut situer
l’origine des premières concessions de terres, à la période des Compagnies coloniales, où le
statut des terres était fluctuant.
L’exemple de La Réunion peut être utilisé pour expliquer l’impact des concessions
dans la gestion de l’occupation des terres coloniales à l’origine, et comme procédé de

CA, Fort-de-France, 1er mars 2013, Affaire du « Roi Mongin ».


1180

Cette définition résulte de l’ouvrage de GUINCHARD (Serge) et DEBARD (Thierry), sous la direction de,
1181

Lexique des termes juridiques, 2017-2018, Éditions Dalloz, Paris, 2017, p. 252.

335
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

régularisation foncière par la suite1182. En effet, les concessions ont été largement utilisées
sur l’île de La Réunion, étant assimilables à bien des égards au droit de propriété 1183, d’où
l’intérêt d’en faire l’exposé.
En effet, lors de la prise de possession de l’île de La Réunion (ancienne île de
« Mascarin »), le Roi s’est trouvé investi de tous les droits de propriété, seigneurie et justice,
l’île étant jusqu’alors déserte1184. Ces droits furent transférés à la Compagnie des Indes
Orientales, en août 1664, lors de la cession de l’île à cette Compagnie, même si la
personnalité morale des colonies n’était pas encore reconnue sous l’Ancien Régime, sauf
concernant les terres qui ont fait l’objet de concessions ou d’usucapion1185. Seuls les
bâtiments militaires, les ouvrages de défense et les « biens vacants et sans maître »
demeurèrent dans le domaine de l’État1186. Avec la départementalisation intervenue en 1946,
les biens de l’ancien domaine colonial ont été répartis entre l’État, le département, et les
communes. Un décret du 6 novembre 1947 avait prévu que ce partage serait diligenté par le

1182
L’île de La Réunion a été découverte pour la première fois par des navigateurs au début du 16ème siècle, et
particulièrement par l’amiral portugais Pedro de MASCARENHAS, le 9 février 1513. C’est la raison pour
laquelle, dans un premier temps, l’île de la Réunion recevra le nom de « Mascarin ». Elle était jusqu’alors
déserte. L’expression « Mascareignes » désigne encore l’archipel composé de La Réunion, de Maurice et de
Rodrigues. Délaissée pendant quelques temps en raison de son éloignement de la « route des Indes » et du fait
qu’elle était dépourvue de port naturel, les armes royales y furent plantées en 1642 à la Baie de Saint-Paul, par
le Sieur de PRONIS, alors Gouverneur de l’île de Madagascar. Après une nouvelle prise de possession en 1649,
à l’endroit dénommé « La Possession » par un certain Capitaine Le BOURG, l’île prend alors le nom d’île
« Bourbon » en respect à la famille royale. En novembre 1663, après les révoltes de Madagascar, Louis PAYEN
et plusieurs Malgaches débarquèrent à l’île Bourbon en vue de son peuplement. Puis viendront les colons
officiels. En août 1664, l’île de Bourbon est alors concédée par le Roi à la Compagnie des Indes Orientales,
qui cessera d’ailleurs toute activité vers 1769. À partir de 1664, cette colonie prospèrera alors grâce à
l’esclavage, et les gouverneurs s’y succèderont. L’île sera réappropriée au nom du Roi de France en août 1764.
L’île de Bourbon est renommée « île de La Réunion », le 19 mars 1793 par la Convention, à la suite de la
Révolution française. L’abolition de l’esclavage y fût proclamée le 4 février 1794, mais fût massivement rejetée
par les colons. La traite négrière y perdurera donc encore jusqu’en 1848, année de l’abolition définitive de
l’esclavage dans cette île. Il n’est pas inutile de rappeler, pour une meilleure compréhension de l’histoire et du
statut de La Réunion, qu’elle fût dénommée « île Bonaparte » le 26 septembre 1806, avant de tomber aux mains
des Anglais en juillet 1810, qui lui redonnèrent le nom de « Bourbon ». Le 6 avril 1815, l’île fût rétrocédée à
nouveau à la France et définitivement désignée sous le nom « île de La Réunion » en 1848.
L’île de La Réunion s’est vu conférer le statut de Département par la loi du 19 mars 1946. Elle reçût le statut
de Région monodépartementale en 1973. Certains de ces propos sont tirés de l’ouvrage de Daniel
VAXELAIRE, « Le Grand livre de l’histoire de La Réunion », publié en 1999, p. 45, consulté lors de mon
séjour à La Réunion en septembre 2014. Et d’autres, de l’ouvrage de FORTIER (M.), La délimitation du
domaine public à l’île de la Réunion, p. 43 et s.
1183
FORTIER (M.), La délimitation du domaine public à l’île de la Réunion, p. 43 et s. Mémoire de travail de
fin d’études en vue de l’obtention du Diplôme D’Ingénieur de l’École Supérieure des Géomètres et
Topographes (ESGT), soutenu le 30 juin 2005, sous la direction du Professeur CLERGEOT (M).
1184
Contrairement aux Antilles qui étaient déjà occupés lors de leur découverte par les colons.
1185
En 1674, quand le Roi racheta l’île de Bourbon, le domaine colonial retrouva son statut initial de domaine
royal. Mais, par suite de la reconnaissance de la personnalité morale de la colonie par l’ordonnance du 26
janvier 1825, la quasi-totalité du domaine royal fût remis en toute propriété à la colonie, le 17 août 1825, hormis
tout ce qui avait déjà été explicitement et expressément concédé.
1186
DE NANTEUIL (Delabarre), Législation de l’île Bourbon, (1844), p. 500. In FORTIER (M.), La
délimitation du domaine public à l’île de la Réunion, op. cit.

336
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Préfet, après un inventaire des biens, suivi d’un projet de répartition qui serait soumis à l’avis
du Conseil Général. Puis le dossier devait être transmis au Ministre des Finances qui en
arrêterait la nouvelle affectation avant le 31 décembre 19471187. Cette démarche n’a pu avoir
lieu en raison du désaccord survenu entre l’État et le département sur la répartition desdits
biens. En conséquence, le Conseil d’État fût contraint de modifier ce texte par un décret du
30 mars 19481188, et la date de répartition fût reportée au 30 juin 1948. Un arrêté
interministériel du 30 juin 19481189régla la succession de l’ancien domaine colonial. En vertu
de cet arrêté, l’État devint propriétaire des terrains en bordure de mer notamment. Les
immeubles dépendant du domaine public restèrent publics, et ceux dépendant du domaine
privé restèrent soumis au régime de la domanialité privée1190.
On peut situer l’origine des premières concessions de terres, à la période où la
Compagnie des Indes Orientales est devenue propriétaire de l’île. En effet, ladite
Compagnie, une fois propriétaire, a vendu des droits à cultiver aux colons, dans un premier
temps. Mais, quoique dépourvus de droit de propriété, ceux-ci ont échangé entre eux les
terres mises en valeur et leurs constructions. De nombreux colons sont ainsi devenus
exploitants agricoles, sans autorisation officielle. Peu après son arrivée à La Réunion en
1689, le Gouverneur VAUBOULON tentera de régulariser les situations antérieures par
l’octroi de concessions aux colons à partir de 1690, pour améliorer les ressources agricoles
de la colonie. Ainsi, les colons deviennent propriétaires de leurs terres à titre gratuit, mais
en contrepartie doivent les valoriser, sous peine de se voir retirer les concessions accordées.
Les concessions furent délimitées avec le domaine colonial par les repères naturels
que sont le bord de la mer, les ravines, et le sommet des montagnes1191. Les propriétaires
concernés ont été contraints par la suite de renoncer à une partie de leur propriété, en
concédant au profit du domaine public une bande de terrain de 81,20 mètres1192. Quant aux
ravines délimitant longitudinalement les concessions, leur définition a posé des difficultés
d’interprétation dans la pratique. La troisième limite naturelle des concessions de terres est

1187
Décret n°47-2222 du 6 novembre 1947, publié au J.O. du 21 novembre 1947, p. 11519.
1188
Décret n°48-559 du 30 mars 1948, publié au J. O. du 31 mars 1948, p. 3087.
1189
Cet arrêté interministériel fût publié au J. O. du 6 juillet 1948, p. 6549.
1190
Le département conserva la propriété des biens qui appartenaient auparavant à la Colonie, donc une grande
partie des terres situées au cœur de l’île.
1191
FORTIER (Mélanie), La délimitation du domaine public à l’île de la Réunion, mémoire de fin d’études
pour l’obtention du diplôme d’ingénieur de l’École Supérieur des Géomètres et Topographes, soutenu le 30
juin 2005, p. 45 et s. Ces termes ont donné lieu à des difficultés d’interprétation. En effet, l’expression « bord
de la mer » ou « battant des lames » était très imprécise, d’où une certaine difficulté d’interprétation lors de
l’établissement de la zone des cinquante pas géométriques. Évidemment, les premiers actes de concession ne
mentionnent pas cette zone, car ils sont antérieurs à son institution.
1192
1 pied du Roi = 0,3248 m, dont un pas géométrique = 1,624 m. Cf. notamment FORTIER (M.) op. cite.

337
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

constituée par le « sommet des montagnes », dont la définition restait imprécise et peu utile
pour la délimitation efficace des concessions1193. Plusieurs thèses se sont opposées en
fonction des intérêts propres de chacun1194. Un arrêt de règlement du Conseil Supérieur de
Bourbon, en date du 18 août 1728, posa le principe selon lequel « Toute ravine dans les
hauts qui coulera et ne sera pas cultivable dans son fond sera sensée et réputée sommet des
montagnes, aux terres qui, du bord de la mer, monteront vers elles »1195. L’administration
quant à elle fit une différence entre le terme « sommet des montagnes » et le terme « sommet
de la montagne1196. Le but de cette distinction pour l’administration, était de se réserver les
quelques terres restantes, car la plupart des actes de concessions mentionnent le terme
« sommet de la montagne ».
Le Tribunal de Saint-Denis, par jugement du 05 mai 1856, mettra définitivement fin
au débat en concluant que le « sommet des montagnes » est celui vu de la mer, sans qu’il y
ait à faire une distinction entre le terme au singulier ou au pluriel, confirmant ainsi l’approche
d’un ancien administrateur, M. THOMAS, qui soutenait que le « sommet des montagnes »
est la crête la plus haute vue de la mer1197. Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la Cour
d’Appel de Bordeaux, du 19 juin 1867, et a fait « jurisprudence »1198. Quant à la délimitation
de la ligne domaniale représentant le sommet des montagnes, elle est prévue par l’arrêté du
25 février 1874, et s’opère souvent sans référence au titre de propriété et à la
jurisprudence1199.
Ainsi, la délimitation est souvent effectuée à l’amiable, en présence de propriétaires

1193
Ce terme a fait l’objet d’un conflit opposant pendant des années les concessionnaires de terres et
l’administration. L’enjeu était de connaître l’étendue réelle des concessions, et ce qu’il reste à concéder.
1194
MAS (Jean), Droit de propriété et paysage rural de l’Ile de Bourbon, 1971, p. 125 à 138, cité dans FORTIER
(M.), La délimitation du domaine public à l’Ile de La Réunion, op. cit.
1195
Archives Départementales de La Réunion, C° 20. D’après une interprétation extensive, la limite serait le
rempart extérieur des cirques. Mais ce texte n’était pas satisfaisant. Les concessionnaires revendiquèrent un
droit de propriété jusqu’au « sommet de la montagne la plus élevée de l’île en son milieu où toutes les
concessions se réunissent en un point », c’est-à-dire au niveau des Pitons des Neiges.
1196
Arrêt du Conseil du Contentieux Administratif du 2 août 1853, cité dans : FORTIER (M.), La délimitation
du domaine public à l’île de la Réunion, mémoire soutenu le 30 juin 2005, p. 45 et s. op cit. ». Le premier
terme désignerait le Piton des Neiges qui est le point culminant de l’île, tandis que le second terme se
rapporterait plutôt à une crête intermédiaire comme celle du « Grand Bernard » ou celle de la « Roche Écrite ».
Précision : La juridiction administrative de premier ressort était confiée aux Conseils du Contentieux
administratif, dans les pays relevant du ministère des colonies. Il s’agit d’une juridiction administrative dont la
compétence s’étendait au territoire de toute la colonie, et dont les décisions étaient susceptibles de recours
devant le Conseil d’Etat. Cf. Les caractères essentiels de la juridiction administrative coloniale, Manioc.org,
réseau des bibliothèques, Ville de Pointe-à-Pitre. La juridiction coloniale y est comparée avec la juridiction
similaire métropolitaine (les conseils de préfecture). Consultée en ligne, le 20 février 2017 :
http://www.manioc.org/gsdl/collect/patrimon/archives/PAP11123.dir/PAP11123.pdf.
1197
DE NANTEUIL (Delabarre), Législation de l’île de Bourbon, Tome I, 1844, p. 500.
1198
DE NANTEUIL (Delabarre), op cit.
1199
Par exemple, la frontière tracée dans les Hauts de Saint-Paul est plus basse que la véritable limite telle
qu’elle est définie par le sommet du Maïdo vu de la mer. Exemple tiré de FORTIER (M.), p. 44. Op. cit.

338
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

qui se résignent bien souvent à abandonner la partie haute de leurs concessions au bénéfice
de l’intérêt général. Généralement la colonie prenait possession de l’intérieur de l’île,
refusant toute concession dans les hauts plateaux.
En résumé, les concessions de terre sur l’île de La Réunion ont, à l’origine, permis aux
colons de devenir propriétaires de leurs terres à titre gratuit, en contrepartie d’une obligation
de valorisation mise à leur charge, sous peine de retrait des concessions accordées. Ces
concessions pouvaient être assimilées à de véritables ou quasi-titres de propriété.
Mais pour en revenir aux concessions de l’article L3211-10 du CG3P concernant les
exondements, elles font référence à une ancienne pratique résultant de l’ancien article L64
du code du domaine de l’Etat, qui permettait au concessionnaire de soustraire à l’action des
eaux des emprises (exondements), aux fins de déclassement et de cession par l’Etat. Ces
procédures ont été utilisées pour la construction de marinas et d’immeubles privés, et pour
l’aménagement de polders agricoles. La « loi littoral » de 1986 a mis fin à de telles pratiques.
Désormais, les concessions d’endigage translatives de propriété n’ont plus cours. Seuls les
exondements anciens peuvent être régularisés par la procédure de l’article L3211-10 du
CG3P. Les procédures d’endigage doivent désormais respecter l’article 27 de la « loi
littoral », repris à l’article L321-6 du code de l’environnement.

3) La convention de gestion de l’article L2222-10 du CG3P

Par la convention de gestion, l’Etat confie aux collectivités territoriales qui occupent
son domaine privé, la gestion de biens dépendant de son domaine. Cette convention est
d’ailleurs nécessaire avant la formalisation de toute cession ultérieure1200.
En effet, il résulte de l’article L2222-10 du CG3P que la gestion d’immeubles
dépendant du domaine privé de l’Etat peut être confiée à des collectivités territoriales ou à
des établissements publics, et même à des sociétés d’aménagement foncier et
d’établissement rural (SAFER) ou à des associations ou fondations reconnues d’utilité
publique, si leurs statuts les habilitent à accomplir de telles missions, en vue de la mise en
valeur du patrimoine national, de sa conservation ou de sa protection.
Les conditions et la durée de la gestion du domaine privé concerné sont prévues par la
convention passée par l’Etat. Cette convention peut même habiliter le gestionnaire à
accorder des autorisations d’occupation ou à consentir des locations pour une durée

1200
Entretien du 22 novembre 2013 avec Bernard PUICHAUD, Chef de la Division « Missions Domaniales »
auprès du Service France Domaine, à Fort-de-France, Martinique, et avec Yolaine DEROCHE, chargée de la
rédaction des actes au dit service.

339
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

n’excédant pas dix-huit ans. Elle peut également autoriser le gestionnaire à encaisser
directement à son profit les produits de l’immeuble, sous réserve d’en supporter les charges
correspondantes de quelque nature qu’elles soient. La convention de gestion ne stipule pas
l’exigibilité d’une redevance domaniale, mais peut exiger le reversement périodique par le
gestionnaire, au profit de l’Etat, d’une partie des produits de la gestion.
En fin de gestion, le gestionnaire ne peut prétendre à aucune indemnité pour les
améliorations apportées.
Les conditions et modalités applicables à la convention de gestion, notamment les
catégories d’immeubles concernées, les rapports financiers entre l’Etat et le gestionnaire,
etc., sont fixées par décret en Conseil d’Etat.
La convention de gestion précède souvent la cession par l’Etat du foncier concerné, au
profit de la collectivité territoriale, qui dès lors, récupère la charge de la régularisation
foncière du domaine transféré.

4) Le bail emphytéotique administratif de l’article L2341-1 du CG3P

Bien que rien n’empêche l’Etat d’employer le bail emphytéotique administratif (BEA)
pour de la régularisation foncière dans un contexte de valorisation de son domaine privé, il
en est fait ici mention à titre purement supplétif, car ce type de bail contribue plutôt à
valoriser le domaine privé de l’Etat dans le cadre de partenariat public-privé.
Applicable au domaine des collectivités territoriales, il a été étendu au domaine de
l’Etat par une loi du 23 juillet 20101201. En vertu de l’article L2341-1 du CG3P issu de l’article
11 de la loi du 23 juillet 2010, un bien immobilier appartenant à l’Etat ou à un établissement
public mentionné au onzième alinéa de l’article L710-1 du code de commerce1202, au premier
alinéa de l’article 5-1 du code de l’artisanat1203 ou à l’article L510-1 du code rural et de la
pêche maritime1204, peut faire l’objet d’un bail emphytéotique prévu à l’article L451-1 dudit
code rural, en vue de sa restauration, de sa réparation ou de sa mise en valeur, dans le cadre
d’un bail emphytéotique administratif.
Ce bail qui porte sur le domaine privé peut être conclu sur le domaine public. Les
conditions et modalités de ce bail, qui se rapprochent du BEA des collectivités territoriales
étudié aux présentes, sont précisées à l’article L2341-1 du CG3P et à l’article L451-1 du

1201
Loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux
services.
1202
Établissements du réseau des chambres de commerce et d’industrie.
1203
Chambres des métiers et de l’artisanat.
1204
Chambres d’agriculture.

340
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

code rural.
Mais, la régularisation foncière de l’occupation du domaine privé de l’Etat, passe
également par des dispositifs de cession spécifiques par cession, dont les particularités
méritent d’être examinées (B).

B. DISPOSITIFS SPÉCIFIQUES DE RÉGULARISATION PAR


CESSION DU FONCIER PRIVÉ DE L’ETAT

L’Etat peut régulariser l’occupation sans titre de son domaine privé, par les procédés
de droit commun que sont la vente, l’échange, l’apport, car les biens du domaine privé étant
aliénables et prescriptibles, sous réserve du respect de modalités spécifiques aux aliénations
consenties par l’Etat.
En effet, l’article L3211-1 du CG3P autorise l’Etat à disposer des immeubles
dépendant de son domaine privé, qui ne sont plus utiles au service civil ou militaire. Les
ventes concernées sont réalisées dans les conditions fixées par décret pris en Conseil d’Etat.
L’Etat peut conditionner la cession à l’exécution par l’acquéreur de mesures et travaux
nécessaires à l’élimination de pollutions pyrotechniques ou autres. Dans ce cas, le coût de la
dépollution s’impute sur le prix de vente. Ce coût est déterminé par un organisme expert
choisi d’un commun accord entre l’Etat et l’acquéreur.
Les aliénations consenties par l’Etat sont soumises à des procédures et dispositions
particulières, résultant des articles R3211-1 et suivants du CG3P. Elles sont consenties avec
publicité et mise en concurrence, soit par adjudication, soit à l’amiable, et au vu d’un cahier
des charges type fixant les conditions générales des aliénations et déterminant les modalités
de publicité préalable aux adjudications1205.
L’adjudication publique est autorisée par le préfet sur avis du directeur des finances
publiques qui fixe la mise à prix1206. La cession amiable est annoncée par le préfet. Elle fait
l’objet d’un avis dans un journal d’annonces légales, local, national ou international ou dans
une publication spécialisée dans le secteur de l’immobilier, ou encore par la voie

1205
Cf. article R3211-2 du CG3P.
1206
Voir article R3211-3 du CG3P.

341
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

électronique1207. L’avis de cession comprend des indications essentielles pour la vente1208. La


sélection des acquéreurs se fait en tenant compte des conditions financières proposées et des
garanties de bonne fin et de solvabilité1209.
La cession des biens du domaine privé de l’Etat est consentie par le préfet, en sa qualité
d’officier public, au prix convenu entre les parties, mais selon les modalités retenues par le
directeur départemental des finances publiques1210. Dans les cas de cessions amiables sans
appel à concurrence, l’avis de la commission pour la transparence et la qualité des opérations
immobilières de l’Etat est préalablement recueilli, avant l’autorisation du ministre chargé du
domaine1211. Les cas dans lesquels la cession amiable est possible sont énumérés à l’article
R3211-7 du CG3P.
Toutefois, à côté de ces procédures ordinaires, soumises à des modalités de mise en
œuvre spécifiques, le législateur a prévu des dispositifs spéciaux de régularisation foncière
par cession du domaine privé de l’Etat, codifiées dans le code général de la propriété des
personnes publiques (CG3P ou CGPPP), et pouvant constituer de véritables outils de
régularisation foncière par cession, même s’ils ne sont pas tous spécifiques à l’outre-mer.

1) Dispositif de cessions de terrains à un prix inférieur en faveur du


logement social

Il existe à l’article L3211-7 du CG3P des dispositions spécifiques permettant


l’aliénation par l’État de terrains de son domaine privé, à un prix inférieur à leur valeur
vénale, lorsque ces terrains, bâtis ou non bâtis, sont destinés à la réalisation de programmes
comportant essentiellement des logements, dont une partie est réalisée en logement social.
Pour la part du programme destinée aux logements sociaux, la décote sur le prix de
vente peut atteindre 100 % de la valeur vénale du terrain. Elle est fixée en fonction de la
catégorie à laquelle appartiennent les logements prévus. Toutefois cette décote ne peut
excéder 50 % pour les logements financés à l’aide de prêts locatifs sociaux et pour les
logements en accession à la propriété bénéficiant d’un dispositif spécifique. Le tout, à

1207
Voir article R3211-4 du CG3P. Cf. aussi le site des cessions immobilières de l’Etat :
https://www2.economie.gouv.fr/cessions/rechercher/multi?bien_type%5B1%5D=1&region=&departement=9
2&bien_etranger=non&superficie_min=&superficie_max=&op=Rechercher&form_build_id=form-
lda24pLZCTtld9DAzPeiA_I_Im7o9nUhrPuWRKzPYC0&form_id=formulaire_rech_multi.
1208
Article R3211-4 du CG3P : localisation et caractéristiques essentielles de l’immeuble, adresse de
consultation du cahier des charges, modalités de présentation des offres par les acquéreurs potentiels, modalités
de visites.
1209
Article R3211-5 du CG3P.
1210
Il résulte de l’article R311-6 du CG3P que lorsque la valeur de l’immeuble excède un montant fixé par
arrêté du ministre chargé du domaine, la cession est autorisée par ce dernier.
1211
Article R3211-6 alinéa 3 du CG3P.

342
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l’exception des logements en accession à la propriété en Guadeloupe, en Guyane, en


Martinique et à La Réunion, bénéficiant déjà d’une aide destinée aux personnes physiques à
faibles revenus, pour financer l’acquisition de logements évolutifs sociaux.
Pour les communes n’ayant pas fait l’objet d’un constat de carence en logements
sociaux, une décote est possible pour la part du programme relative aux équipements publics
destinés en tout ou partie aux occupants de ces logements. L’avantage financier résultant de
la décote ainsi obtenue, est exclusivement et en totalité répercuté sur le prix de revient des
logements locatifs sociaux (LLS). La décote est également répercutée sur le prix de cession
des logements en accession à la propriété bénéficiant de certains dispositifs mentionnés aux
VIII de l’article L3211-7 du CG3P1212.

2) Dispositif dérogatoire de cession de bois et forêts

Les bois et forêts font l’objet d’une protection particulière et leur aliénation ne peut
intervenir qu’en vertu d’une loi.
Toutefois, l’article L3211-5 deuxième alinéa du CG3P prévoit que les bois et forêts
peuvent, par dérogation à ce qui est sus dit, être vendus par l’Etat, dans les conditions fixées
par décret en Conseil d’Etat, s’ils ont une superficie inférieure à 150 hectares, et qu’ils ne
sont pas nécessaires au maintien et à la protection des terrains en montagne, ni à la
régularisation du régime des eaux, à la protection de la qualité des eaux, à l’équilibre
biologique d’une région, ou au bien-être de sa population. En troisième condition, il faut que
les produits tirés de leur gestion soient inférieurs aux charges liées à leur gestion.

1212
Le VIII de l’article L3211-7 du CG3P stipule ce qui suit :
« VIII. – Pour l'application du présent article, sont assimilés aux logements locatifs mentionnés aux 3° et 5° de
l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation :
1° Les structures d'hébergement temporaire ou d'urgence bénéficiant d'une aide de l'Etat ;
2° Les aires permanentes d'accueil des gens du voyage mentionnées au II de l’article 1 er la loi n° 2000-614 du
5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ;
3° Les logements-foyers dénommés résidences sociales, conventionnés dans les conditions définies au 5° de
l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que les places des centres d'hébergement et
de réinsertion sociale mentionnées à l’article L345-1 du code de l'action sociale et des familles ;
4° Les résidences de logement pour étudiants, dès lors qu'elles font l'objet d'une convention définie à l’article
L353-1 du code de la construction et de l'habitation ;
5° Les logements en accession à la propriété en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion qui
bénéficient d'une aide destinée aux personnes physiques à faibles revenus, pour financer l'acquisition de
logements évolutifs sociaux.
Outre les logements locatifs sociaux et assimilés mentionnés aux alinéas précédents, sont pris en compte pour
le calcul de la décote prévue au présent article :
a) Les logements occupés par des titulaires de contrats de location-accession mentionnés au 6° de l'article L.
351-2 du même code ;
b) Les logements faisant l'objet d'une opération d'accession dans les conditions définies au dixième alinéa de
l'article L. 411-2 dudit code ;
c) Les logements faisant l'objet d'un contrat de bail réel solidaire en application du chapitre V du titre V du
livre II du même code. »

343
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Cette disposition ne s’applique pas aux bois et forêts compris dans le périmètre d’une
déclaration d’utilité publique (DUP).

3) Cessions en faveur de l’aménagement et de la production de logements


sociaux

L’article L3211-6 du CG3P dispose que l’Etat peut céder à l’amiable des immeubles
bâtis ou non bâtis faisant partie de son domaine privé, en vue de la réalisation d’opérations
d’aménagement ou de construction, ainsi que pour les cessions réalisées dans les conditions
de l’article L3211-7 du CG3P sus relaté, qui vise la production de logements sociaux.
L’aménagement et le logement social sont au centre des préoccupations de l’Etat.

4) Dispositif en faveur de programmes de construction de logements


sociaux

L’article L5151-1 du CG3P concerne la Martinique, la Guadeloupe, La Réunion et


Mayotte, excepté la Guyane qui bénéficie d’autres dispositifs. Un décret en Conseil d’Etat
en précise les conditions d’application. L’alinéa premier de cet article prévoit que l’Etat peut,
dans ces collectivités, procéder à l’aliénation de terrains de son domaine privé, à un prix
inférieur à la valeur vénale, par l’application d’une décote correspondant à 100 % de la
valeur vénale du terrain, lorsque les terrains concernés doivent être destinés à la réalisation
de programmes de construction comportant essentiellement des logements, dont 50 % au
moins de logements sociaux1213. L’avantage résultant de cette décote est exclusivement et en
totalité répercuté sur le prix de revient des logements locatifs sociaux (LLS) réalisés sur le
terrain aliéné (article L5151-1 al. 2).
Parallèlement, l’Etat peut aussi, dans les collectivités concernées, procéder à
l’aliénation de terrains de son domaine privé, à un prix inférieur à la valeur vénale, par
l’application d’une décote correspondant à 100 % de la valeur vénale du terrain, lorsque les
terrains concernés doivent être destinés à l’aménagement d’équipements collectifs (article
L5151-1 al. 3).
Dans les deux cas, en cas de non-réalisation du programme de logements locatifs
sociaux ou de l’aménagement d’équipements collectifs, dans un délai de cinq ans à compter
de l’aliénation, l’acte d’aliénation doit prévoir la résolution de la vente, sans indemnité pour
l’acquéreur, ainsi que le montant des indemnités contractuelles applicables1214.

1213
Telle que cette définition figure à l’article 87 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation
pour la cohésion sociale.
1214
Article L5151-1, alinéa 4 du CG3P.

344
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Par ailleurs, s’agissant du domaine privé de la Guyane française et de Mayotte, des


dispositifs spéciaux sont mis en œuvre par le législateur, pour permettre le développement
et l’aménagement de ces collectivités, caractérisés par un droit coutumier omniprésent (§2).

§ II. DISPOSITIFS DE RÉGULARISATION FONCIÈRE


SPÉCIFIQUES À LA GUYANE ET À MAYOTTE

L’important domaine privé de l’Etat en Guyane française, a incité le législateur à


prévoir des procédures de régularisation foncière par cession, et des procédures de gestion
de cette importante propriété foncière. Les dispositifs spécifiques prévus concernent
particulièrement les terres agricoles et les forêts guyanaises, qui représentent une grande
partie du foncier de l’Etat. Mais des dispositifs sont également prévus pour la gestion des
parties urbanisées de Guyane.
En Guyane française, l’articulation entre le droit de propriété coutumière et le système
législatif national a favorisé la détention par l’État français de plus de 95 % des terres. Cette
collectivité territoriale située au Nord-Est de l’Amérique du Sud, entre le Surinam et le
Brésil, d’une superficie de 83533 kilomètres carrés, représente un sixième de la superficie
de la France1215. La Guyane française est une société pluriculturelle1216 dans laquelle chaque
groupe a gardé ses spécificités culturelles et ses traditions, surtout en milieu rural où le «
Grand Man » et le « Capitaine » ont conservé tout leur pouvoir1217.
La Guyane est devenue collectivité unique 1218, par la loi organique n° 2011-883 du 27

1215
Elle est limitée au Nord par la côte plate et marécageuse, au Sud par la frontière avec le Brésil, matérialisée
par la ligne de partage des eaux avec le Bassin de l’Amazone, à l’Est par le fleuve Oyapock situé entre la
Guyane et le Brésil et à l’Ouest par le fleuve Maroni séparant la Guyane du Surinam. Son chef-lieu, Cayenne,
est situé à 7072 kilomètres de Paris et à 1500 kilomètres de Fort-de-France. Le relief guyanais est composé de
terres dites « terres basses » et « terres hautes ». Les principales villes de la Guyane française sont : Cayenne,
chef-lieu de la Guyane, qui comptabilise 58004 habitants, Saint-Laurent-du-Maroni comptant 33707 habitants,
Matoury dont la population s’élève à 24583 habitants, et enfin Kourou totalisant une population de 23813
habitants. Voir : http://www.outre-mer.gouv.fr/guyane-geographie-population.
1216
La population guyanaise, comptant près de 230000 habitants, est caractérisée par la présence de Créoles
guyanais représentant environ 40% de la population, d’Amérindiens répartis en six ethnies (les Arawaks, les
Palikus, les Galibis, les Wayanas ou Roucouyennes, les Oyampis ou Wayampis et les Emerillons) et
représentant environ 4500 personnes, de Noirs marrons (les Saramacas, les Bonis ou Aluqus, les Djukas)
représentant environ 4000 personnes, de H’mongs arrivés en 1877, regroupés sur les communes de Cacao et
de Javouhey, et représentant environ 2000 personnes, de Métropolitains représentant environ 12% de la
population, et d’autres populations (Chinois, Libanais, Brésiliens, Haïtiens, Surinamiens) représentant environ
40 % de la population de la Guyane française.
1217
Voir : http://adventices-conseil.fr/resources/guyane.pdf, op. cit.
1218
Exerçant les compétences dévolues aux départements d’outre-mer et aux régions d’outre-mer.

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juillet 2011 et la loi n° 2011-884 du 27 juillet 20111219. Des adaptations, tenant compte de
ses caractéristiques et contraintes particulières, peuvent donc être prévues s’agissant de
l’application des lois et règlements.
De son côté, Mayotte a fait l’objet de nombreuses réformes, pour conformer son droit
local coutumier omniprésent au droit commun français, ainsi qu’il a été exposé en amont.
La collectivité départementale de Mayotte est devenue le 101ème département français à la
date de la première réunion suivant le renouvellement de son assemblée délibérante, le 31
mars 2011, après avoir hérité d’un statut politique mouvementé, et subi plus d’un siècle et
demi de colonisation. Cette transformation statutaire a suscité la mise en œuvre de processus
visant à aligner le système juridique existant, de type coutumier, sur le droit commun
français. Ces processus visent la régularisation foncière, l’enregistrement au Cadastre des
terrains et de leurs propriétaires, le zonage de l’espace et de son occupation, la mise en place
de règles d’urbanisme, sans oublier l’adaptation des mécanismes du code rural, dont le statut
du fermage, pour la pérennité des installations et la fiabilité des loyers pratiqués. Ces efforts
étaient censés contribuer à la mise en valeur des terres, à leur désenclavement, et à leur
équipement, pour un meilleur développement d’une production agricole endogène1220.
Si quelques dispositifs de régularisation foncière sont destinés à favoriser
l’aménagement et la production de logements sociaux, la plupart d’entre eux ont trait aux
concessions et cessions pour l’aménagement et la mise en valeur agricole des terres
domaniales en Guyane (A).
À Mayotte, les dispositifs mis en place ont majoritairement pour but de conformer le
droit local coutumier de Mayotte au droit commun français (B).

A. DISPOSITIFS PARTICULIERS APPLICABLES AU DOMAINE


PRIVÉ DE L’ETAT EN GUYANE

Les dispositifs particuliers applicables au domaine privé de l’Etat en Guyane résultent


du code général de la propriété des personnes publiques et visent l’aménagement et la mise

1219
À la suite des élections territoriales qui se sont déroulées les 06 et 13 décembre 2015, organisées
parallèlement aux élections régionales. Le régime législatif et réglementaire applicable à la collectivité unique
de la Guyane est celui de l’article 73 de la Constitution, au même titre que la Guadeloupe, la Martinique, La
Réunion et Mayotte, depuis le 31 mars 2011. Ce régime entraîne l’application de plein droit des lois et
règlements, dans les collectivités en dépendant.
1220
LAZERGES (Roland), Mise en œuvre de l’aménagement foncier à Mayotte, Rapport 12129 du 5 novembre
2012, du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, sollicité par le Ministère de
l’Agriculture, de l’agro-alimentaire et de la forêt.

346
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en valeur agricole des terres domaniales. Parmi ces dispositifs, ceux suivants peuvent être
examinés

1) Dispositif relatif aux zones de droits d’usage collectifs (ZDUC)

Longtemps codifié à l’article R170-56 du code du domaine de l’Etat, ce dispositif est


actuellement codifié à l’article R5143-1 du CG3P. Cet article prévoit que le préfet peut
prendre un arrêté pour constater l’existence, sur les terrains domaniaux de la Guyane, de
droits d’usage collectifs, au profit des communautés d’habitants qui tirent traditionnellement
leurs moyens de subsistance de la forêt. Il ne s’agit pas de la reconnaissance d’un droit de
propriété, mais plutôt d’un simple droit d’usage1221.
L’article R5143-1 du CG3P précise que ce droit d’usage est consenti pour la pratique
de la chasse, de la pêche, et de manière générale pour l’exercice de toute activité nécessaire
à la subsistance de la communauté. Il n’est pas mentionné la possibilité de faire du commerce
ou d’entreprendre des activités économiques.
L’arrêté préfectoral est pris sur avis du directeur régional des finances publiques pour
constater la création de la ZDUC, ainsi que pour constater la fin de ce droit d’usage 1222. Il
mentionne la situation des biens, la consistance et la superficie des terrains, l’identité et la
composition de la communauté d’habitants bénéficiaire et la nature des droits d’usage dont
l’exercice est reconnu1223.

2) Dispositif de cessions gratuites en faveur des terres agricoles

En vertu de l’article L5141-1 du CG3P, les terres dépendant du domaine privé de l’État
en Guyane peuvent, en vue de leur mise en valeur agricole et de la réalisation de travaux
d’aménagement rural, faire l’objet de cessions gratuites, à l’expiration de concessions en vue
de la culture ou de l’élevage consenties dans les conditions fixées par décret en Conseil
d’État. Des cessions gratuites peuvent également être consenties aux titulaires de baux
emphytéotiques à vocation agricole, et aux agriculteurs installés.
L’article L5141-1 du CG3P stipule également que des conventions peuvent être

1221
Sorte de droit d’usage et d’habitation bien inférieur au droit d’usufruit lui-même qui est plus élargi (permet
de jouir du bien, d’en percevoir les fruits, et de le louer pour en percevoir les revenus).
1222
L’arrêté préfectoral est publié au recueil des actes administratifs de la Préfecture, mais pas au service de la
publicité foncière.
1223
Cf. article R5143-1, alinéa 2 du CG3P.

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passées avec l’établissement public mentionné à l’article L5141-6 du CG3P1224, en vue de


concessions et cessions gratuites au bénéfice de cet organisme.
L’article L5141-2 du CG3P précise que les cessions gratuites de terres agricoles
prévues au 1° de l’article L5141-1 peuvent être consenties aux titulaires des concessions
accordées par l’État en vue de la culture et de l’élevage, qui ont satisfait à conditions fixées
par décret pris en Conseil d’État. Le concessionnaire doit s’engager à conserver l’usage
agricole des terres cédées pendant trente ans à compter de la date du transfert de propriété ;
laquelle période est réduite de la durée effective de la période probatoire1225.
En vertu de l’article L5141-3 du CG3P, à compter du 6 janvier 2006, hormis les
exceptions prévues, les cessions gratuites de terres à usage agricole, mentionnées au 2° de
l’article L5141-1 du CG3P, pourront être consenties aux titulaires de baux emphytéotiques
à vocation agricole depuis plus de dix ans. Le cessionnaire doit s’engager à maintenir l’usage
agricole des biens cédés pendant trente ans à compter du jour du transfert de propriété ; ladite
période de trente ans étant diminuée de la période de mise en valeur antérieure.
S’agissant des cessions gratuites de terres mentionnées au 3° de l’article L5141-1,
visant les agriculteurs installés, l’article L5141-4 du CG3P mentionne qu’elles peuvent être
consenties à des personnes se livrant à une activité essentiellement agricole qui, depuis leur
installation, antérieure à la date du 4 septembre 2008, et pendant une période de cinq ans au
moins, ont réalisé l’aménagement et la mise en valeur de terres mises à leur disposition par
l’État, les ont exploitées directement à des fins exclusivement agricoles, et s’engagent à les
maintenir à cet usage pendant trente ans à compter de la date du transfert de propriété. Cet
article poursuit que les mêmes personnes qui exploitent ces terres sans titre régulier, doivent
présenter une demande avant le 31 décembre 2016, pour pouvoir bénéficier des dispositions
sus énoncées, dans les mêmes conditions.
Il est également précisé à l’article L5141-4, alinéa 2 du CG3P, que lorsque la demande
est présentée par une personne morale, dont l’objet est essentiellement agricole, son capital

1224
Il résulte de l’article L5146-1 du CG3P ce qui suit : « Lorsqu'il est créé en application du chapitre Ier du
titre II du livre III du code de l'urbanisme un établissement public d'aménagement, celui-ci peut se voir confier
par convention la passation, au nom de l'Etat, des contrats de concession et cession mentionnées à l'article L.
5141-1. L'établissement public d'aménagement mentionné à l'alinéa précédent peut, pour réaliser des travaux
d'aménagement rural, bénéficier par convention avec l'Etat de concessions et de cessions gratuites de terres,
selon les mêmes procédures que les personnes physiques. Cette convention définit les conditions et les
modalités de concession ou de vente des terres qui ont fait l'objet des travaux d'aménagement. »
1225
L’alinéa troisième de cet article précise qu’à compter du 6 janvier 2006, les dispositions de l’article L5142-
2 ne sont pas applicables dans les zones identifiées pour l’intérêt de leur patrimoine naturel, dans le cadre de
l’inventaire prévu à l’article L5141-5 du code de l’environnement, ou dans les terres faisant l’objet de mesures
de protection fixées aux articles L331-1 et suivants, L341-1 et suivants, et L411-2 et suivants dudit code.

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doit être détenu à plus de 50 % par des personnes physiques remplissant à titre individuel les
conditions résultant de l’article L5141-5, 1°, 2° et 3°. L’usage agricole du bien cédé doit être
maintenu pendant trente ans.
L’article L5141-5. I du CG3P précise les conditions de cession prévues au 3° de
l’article L5141-1 dudit code, concernant les cessions à titre gratuit de terres à usage agricole.
Ainsi, ces cessions gratuites peuvent être consenties aux agriculteurs et aux personnes
morales mentionnées au second alinéa de l’article L5141-4 du CG3P détenant des titres
d’occupation autres que des concessions.
L’article L5141-5. II du CG3P énumère les conditions que doivent remplir les
personnes physiques pour bénéficier de la cession à titre gratuit. Outre les conditions de
nationalité1226, ces personnes doivent justifier de leur installation antérieurement à la date du
4 septembre 2008, avoir exercé pendant cinq ans depuis leur installation (antérieure au 4
septembre 2008), la profession d’agriculteur à titre principal, et avoir exploité
personnellement les terres objet de la demande de cession 1227. À ces conditions s’ajoute
l’engagement de conserver l’usage agricole du bien cédé pendant trente ans. Les personnes
morales doivent remplir les conditions précisées à l’article L5141-4 du CG3P1228.
De plus, en vertu de l’article L5141-6 du CG3P, l’Etat peut confier à des
établissements publics d’aménagement créés en application du chapitre Ier du titre II du livre
III du Code de l’urbanisme, par convention, la passation, en son nom, de contrats des
concessions et de cession, mentionnés à l’article L5141-1 du CG3P. Ces modalités seront
examinées plus précisément en aval.
En outre, les articles L5142-1 à L5142-2 du CG3P font référence aux concessions et
cessions d’immeubles domaniaux à des collectivités territoriales et à l’établissement public
d’aménagement en Guyane. Leurs dispositions figurent ci-après.

3) Dispositif de concessions gratuites applicables aux terrains


domaniaux

En vertu de l’article L5142-1 du CG3P, en Guyane, les immeubles domaniaux compris

1226
Ces personnes physiques doivent être de nationalité française ou ressortissant d’un État membre de l’Union
européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen de la Confédération Suisse,
ou être titulaire d’une carte de résident.
1227
Selon cet article, est réputée exploitation personnelle, celle faite par le demandeur qui exploite les terres
avec sa famille ou par l’intermédiaire d’un ouvrier placé sous sa direction et à ses frais.
1228
Cet article prévoit que l’objet de la personne morale doit être essentiellement agricole et que son capital
doit être détenu à plus de 50 % par des personnes physiques remplissant à titre individuel les conditions
résultant de l’article L5141-5, 1°, 2° et 3°.

349
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

dans un plan d’occupation des sols opposable aux tiers, un plan d’urbanisme approuvé ou
un document d’urbanisme en tenant lieu, peuvent faire l’objet de concessions gratuites au
profit des collectivités territoriales et de leurs groupements, lorsqu’ils sont destinés à être
affectés à l’aménagement d’équipements collectifs, à la construction de logements à
vocation très sociale et locatifs aidés, ou à des services ou usages publics.
Ces mêmes immeubles domaniaux peuvent faire l’objet de cessions gratuites aux
titulaires des concessions sus énoncés.
Des cessions gratuites sont prévues par le quatrième alinéa de l’article L5142-1 du
CG3P, au profit des collectivités territoriales et au profit de leurs groupements, ou au profit
d’un établissement public d’aménagement créé en application du chapitre Ier du titre II du
livre III du Code de l’urbanisme, en vue de constituer sur le territoire d’une commune, des
réserves foncières, dans les conditions précisées aux articles L221-1 et L221-2 du Code de
l’urbanisme, à condition que ces biens soient libres de toute occupation ou ne soient pas
confiés en gestion à des tiers. Dans ce cadre, il y a une superficie maximale à ne pas
dépasser1229. Si ces cessions gratuites sont consenties à un acquéreur autre que la commune,
il doit y avoir accord préalable de la commune de situation des immeubles domaniaux cédés.
Le cinquième alinéa de l’article L5142-1 du CG3P, prévoit la possibilité de cession
gratuite au profit des collectivités territoriales et de leurs groupements, d’immeubles
dépendant du domaine privé de l’État, dont l’expropriation a été déclarée d’utilité publique,
en vue de réaliser l’un des objectifs mentionnés au 1°) dudit article, c’est-à-dire pour la
construction de LTS1230 ou de LLA1231, ou pour des services publics.
Toutefois, les cessions et concessions prévues à l’article L5142-1 du CG3P, peuvent
être concernées par des prescriptions particulières visant à protéger l’environnement, et dont
le non-respect par les cocontractants peut entraîner l’abrogation de l’acte de concession ou
de cession par le représentant de l’État dans le Département1232.
D’autres dispositions sont prévues à l’article L5142-2 du CG3P concernant les forêts
en Guyane. Elles sont ci-après rapportées.

1229
La superficie globale cédée, en une ou plusieurs fois, ne peut excéder, sur chaque commune, une superficie
de référence égale à dix fois la superficie des parties agglomérées de la commune de situation des immeubles
cédés, pour chaque période de dix années à compter de la date de la première cession gratuite.
1230
Logements très sociaux.
1231
Logements locatifs aidés.
1232
Des cessions gratuites peuvent également être consenties au profit du port maritime de Guyane pour des
missions de service public.

350
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

4) Dispositif de cessions gratuites de forêts relevant du domaine privé de


la Guyane

Ce dispositif résulte de l’article L5142-2 du CG3P et est applicable aux terrains


domaniaux. Cette disposition est présentement brièvement rappelée, en raison de la place
importante occupée par les forêts en Guyane, et compte tenu du « rôle social ou
environnemental que ces forêts jouent sur le plan local ». Ainsi, les forêts dépendant du
domaine privé de l’État et relevant du régime forestier en application de l’article L172-2 du
Code forestier, peuvent faire l’objet de cessions gratuites au profit des collectivités
territoriales sur le territoire desquelles elles sont situées. Dans ce cas, la collectivité
territoriale bénéficiaire de la cession, est substituée à l’État, dans l’ensemble de ses droits et
obligations à l’égard des tiers, et notamment « des droits des communautés d’habitants qui
tirent traditionnellement leurs moyens de subsistance de la forêt ; droits reconnus en
application de l’article L5143-1 du CG3P ou en application de l’article L172-4 du Code
forestier ». Des dispositions spécifiques existent au profit de ces communautés d’habitants.

5) Cessions et concessions gratuites en faveur des communautés


d’habitants

L’article L5143-1 du CG3P énonce que les immeubles domaniaux dépendant du


domaine privé de l’État, peuvent être cédés ou concédés gratuitement, à des personnes
morales en vue de leur utilisation par les communautés d’habitants, qui tirent
traditionnellement leurs moyens de subsistance de la forêt. Ce texte fera l’objet d’une
analyse plus approfondie en aval.

6) Cessions gratuites de terrains supportant des constructions à usage


d’habitation

Les articles L5144-1 et suivants du CG3P, prévoit la possibilité pour l’État, de céder
à titre gratuit, à des personnes physiques, dans les conditions qu’il fixe, des terrains situés à
l’intérieur de zones délimitées par l’autorité administrative, après consultation des
communes, et en tenant compte tant des documents d’urbanisme en vigueur, que de l’état
effectif d’occupation des sols.
Pour bénéficier de ces cessions gratuites, les personnes physiques doivent occuper, à
la date du 4 septembre 1998, sur les terrains mentionnés, des constructions principalement
affectées à leur habitation. Elles ne doivent pas être déjà, directement ou par personnes
interposées, propriétaires d’un bien immobilier ou titulaires d’un droit réel immobilier, à

351
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

moins que ce droit n’entre pas dans le champ d’application des dispositions de l’article L611-
17 du code minier. En outre, elles doivent leur domicile fiscal en Guyane, à la date de la
demande de cession, et être à la date de la demande de cession, être ressortissant d’un État
membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique
européen, ou de la Confédération Suisse, ou être titulaire d’une carte de résident.
Dans le cadre examiné, la cession gratuite ne peut porter que sur un seul terrain, dont
la superficie est limitée par décret. À l’issue de cette procédure, le terrain acquis ne peut
faire l’objet d’une aliénation volontaire pendant une durée de quinze ans à compter de son
acquisition, à peine de nullité de la cession1233.
Par ailleurs, l’article L5145-1 du CG3P prévoit un droit de retour au profit de l’État,
pour les terrains ayant fait l’objet d’une cession gratuite en vertu des dispositions des articles
L5141-1, L5142-1, et L5143-1, lorsqu’ils ne sont pas utilisés conformément à l’objet qui
avait justifié leur cession gratuite. Dans ce cas, ils reviennent gratuitement dans le patrimoine
de l’État, sauf si le concessionnaire est autorisé à en conserver la propriété contre le paiement
d’un prix correspondant à la valeur vénale desdits biens. Cette disposition s’applique
également aux cessions de forêts dépendant du domaine privé de l’État, consenties en
application de l’article L4142-2 du CG3P. Ainsi, la gratuité des cessions sus relatées est
remise en cause si les biens ne sont pas utilisés conformément à leur objet.
La collectivité de Mayotte est pareillement concernée par des dispositifs spéciaux, en
raison de l’impact de son droit coutumier sur les modalités de régularisation foncière mises
en place sur son territoire (B). Certains de ces dispositifs méritent d’être rapportés.

B. DISPOSITIFS DE RÉGULARISATION APPLICABLES AU


DOMAINE PRIVÉ DE L’ETAT À MAYOTTE

La plupart des dispositifs relatifs à Mayotte ont été intégrés par l’ordonnance du 28
septembre 2016 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes
publiques relatives à l’outre-mer1234. Certains d’entre eux sont ci-après relatés en raison de
leur impact sur la régularisation foncière de l’occupation du domaine privé à Mayotte.
Outre le dispositif général de l’article L5151-1 du CG3P en faveur du logement social,
plusieurs autres dispositions sont applicables au domaine privé de l’Etat à Mayotte.

1233
Article L5144-3 du CG3P.
1234
Ordonnance n° 2016-1255 du 28 septembre 2016, modifiant les dispositions du code général de la propriété
des personnes publiques relatives à l’outre-mer, publié au JORF n°0227 du 29 septembre 2016, texte n° 14.

352
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

1) Concessions et baux emphytéotiques gratuits au profit de personnes


physiques

En effet, les terres dépendant du domaine privé à Mayotte peuvent faire l’objet de
concessions ou de baux emphytéotiques au profit de personnes physiques, en vue de leur
mise en valeur agricole, particulièrement en vue de la culture et de l’élevage, conformément
à l’article L5163-10 du CG3P1235. Dans ce cadre, les concessions sont consenties à titre
gratuit.
Pour éviter de mettre à disposition des terres sur lesquelles d’autres individus peuvent
avoir à faire valoir des droits, l’article L5163-10 du CG3P prévoit qu’un délai de six mois
est accordé à toute personnes intéressées, pour faire valoir leur titre d’occupation, et
particulièrement les droits individuels ou collectifs n’ayant pas fait l’objet d’une
transcription. Ce délai court à compter de l’accomplissement de la dernière mesure de
publicité exigée à l’occasion de la demande de concession ou de location. Ce délai est court
et ne saurait avoir d’autre conséquence que de déposséder à court terme les personnes qui
n’ont pas eu le temps de faire valoir leurs droits individuels ou collectifs non transcrits.

2) Cessions gratuites de terres à usage agricole au profit de personnes


physiques

Par ailleurs, des cessions gratuites de terres dépendant du domaine privé de Mayotte
peuvent être consenties au profit de personnes physiques, en vue de leur mise en valeur
agricole1236. Ces cessions gratuites peuvent être consenties au profit de titulaires de
concessions, qui ont déjà réalisé leur programme de mise en valeur, à l’issue de la période
probatoire de cinq ans, prorogeable une fois. Le concessionnaire doit s’engager à maintenir
l’usage agricole pendant trente ans à compter de la date du transfert de propriété.
Elles peuvent également être consenties au profit d’exploitants qui ont réalisé une mise
en valeur des terres dont ils ont la jouissance, depuis au moins cinq ans à compter du 1er
juillet 1993. Les conditions de mise en valeur des terres susmentionnée, sont établies selon
des critères fixés par arrêté du représentant de l’Etat. Les juridictions judiciaires sont
compétentes en cas de litige.
Dans ces cas, comme précédemment relaté, l’article L5164 du CG3P précise qu’un
délai de six mois à compter de l’accomplissement de la dernière mesure de publicité exigée

1235
Voir l’article L5163-10 du CG3P.
1236
En vertu de l’article L5164 du CG3P.

353
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

à l’occasion de la demande de cession, est accordé à toutes personnes intéressées, pour faire
valoir leur titre d’occupation, et particulièrement les droits individuels ou collectifs n’ayant
pas fait l’objet d’une transcription. Les mêmes effets sont applicables aux mêmes causes.

3) Concessions gratuites aux communes en vue de l’aménagement et du


service public

En vertu de l’article L5163-11 du CG3P, des immeubles du domaine privé de l’Etat et


du département de Mayotte, compris dans un plan d’occupation des sols (POS) opposable
ou dans un plan local d’urbanisme (PLU) approuvé, peuvent faire l’objet de concessions
gratuites au profit des communes, qui les destine à l’aménagement d’équipements collectifs,
ou à des services ou usages publics.

4) Cessions gratuites aux communes en vue de l’aménagement et du


service public

En vertu de l’article L5164-5 du CG3P, les immeubles du domaine privé de l’Etat et


de la Collectivité départementale de Mayotte, compris dans un plan d’occupation des sols
(POS) opposable ou dans un plan local d’urbanisme (PLU) approuvé, peuvent faire l’objet
de cessions gratuites au profit des communes, qui les destine à l’aménagement
d’équipements collectifs, ou à des services ou usages publics.
Peuvent également être cédées aux communes gratuitement, les immeubles
susmentionnés dont l’expropriation a été déclarée d’utilité publique, en vue de
l’aménagement d’équipements collectifs ou de l’affectation à des services ou usages publics.
À défaut d’utilisation conformément à leur objet, des biens cédés gratuitement
conformément aux articles L5164-3 et L5164-5 du CG3P, lesdits biens reviennent dans le
patrimoine de la personne publique propriétaire, à moins que le cessionnaire ne soit autorisé
à en conserver la propriété contre paiement du prix de vente correspondant à la valeur vénale.
Mais, en dépit des différents dispositifs mis en place par le législateur pour favoriser
la régularisation foncière de l’occupation du domaine privé de l’Etat dans les collectivités
territoriales de l’article 73 de la Constitution, de nombreux obstacles à ladite régularisation
sont mis en exergue. Il est donc essentiel d’examiner les obstacles à la régularisation foncière
sur le domaine privé étatique (Section II).

354
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

SECTION II – DES OBSTACLES À LA RÉGULARISATION


FONCIÈRE DE L’OCCUPATION DU DOMAINE PRIVÉ
ÉTATIQUE

Nonobstant les procédures de régularisation foncière sur le domaine privé de l’Etat,


dans les collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution, plusieurs obstacles
demeurent, liés notamment aux modalités de gestion par l’Etat de son foncier, outre-mer. En
effet, la propriété comme la gestion de son foncier par l’Etat, ainsi que son omnipotence en
qualité de propriétaire foncier outre-mer, sont régulièrement remises en cause1237.
La « loi ADOM » du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer1238 apporte
une réponse partielle à cette problématique, puisqu’une partie du foncier de la zone des
cinquante pas géométriques, appartenant à l’Etat, particulièrement les zones urbaines et
d’urbanisation diffuse, sera transférée en pleine propriété à la région de Guadeloupe et à la
collectivité territoriale de Martinique.
Toutefois, cette réponse partielle, n’a trait qu’à la gouvernance foncière de l’Etat,
d’une partie de son domaine public. Elle ne touche ni le solde du domaine public de l’Etat,
ni son domaine privé qui demeure encore imposant outre-mer, notamment en Guyane. Par
ailleurs, ni les procédures ni les moyens de régularisation foncière ne sont véritablement
adaptés à l’outre-mer, bien qu’ils soient multiples, car certaines insuffisances demeurent.
Par ailleurs, la régularisation foncière par substitution du droit commun français au
droit coutumier, et aux pratiques locales, notamment à Mayotte, plutôt que par compromis
entre le droit commun et le droit local1239, peut être discutée. Cette situation entraîne souvent
un rejet de la régularisation foncière par la population locale, alors même qu’elle présente
des vertus, dont l’une d’entre elles est la publicité foncière des droits fonciers des occupants.
Contrairement à l’effet recherché, cette population craint la perte des valeurs coutumières,
et avec elle, la perte de leurs droits traditionnels, au profit d’un droit commun qui fragilise
les valeurs foncières des populations concernées.

1237
Cf. MOHAMED SOILIHI (Thani), rapporteur coordinateur, GUERRIAU (Joël), LARCHER (Serge),
PATIENT (Georges), rapporteurs, « Domaines public et privé de l’État outre-mer, 30 propositions pour mettre
fin à une gestion jalouse et stérile », rapport d’information du Sénat n° 538, enregistré à la Présidence du Sénat
le 18 juin 2015. Publié en ligne : http://www.senat.fr/rap/r14-538/r14-5381.pdf.
1238
Loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer, publiée au JORF n°0239 du
15 octobre 2015 page 19069, texte n°2.
1239
Déjà ancré dans les mentalités.

355
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Ainsi, l’Etat apparaît comme un propriétaire foncier omnipotent et contesté outre-mer,


dans sa propriété et sa gestion (§1), avec une logique de gestion et de régularisation foncière
par substitution, plutôt que par compromis (§2).

§ I. L’ETAT, UN PROPRIÉTAIRE FONCIER OMNIPOTENT ET


CONTESTÉ OUTRE-MER ?

L’État français est un propriétaire foncier traditionnellement omniprésent dans les


anciennes colonies d’outre-mer et ce, malgré les vagues de décentralisation survenues depuis
1982. Mais, on observe une montée en puissance des collectivités territoriales, auxquelles
l’État n’hésite plus à transférer certains pouvoirs fonciers et financiers. Un processus de
transfert de gouvernance foncière a commencé avec la « loi ADOM » de 2015, concernant
la zone des cinquante pas géométriques, et gagnerait à être amplifié outre-mer.
Mais il ne s’agit pas de transférer une coquille vide, sans les moyens financiers qui s’y
rapportent. Il est impératif que soient également transférées les recettes permettant de faire
face aux nouvelles compétences implicitement transmises.
Les domaines public et privé de l’État sont très importants outre-mer, compte tenu des
événements historiques ayant marqué l’histoire de chacune des collectivités concernées,
caractérisées par un passé colonial marqué par l’esclavage. Ce patrimoine de l’État est à tel
point conséquent que, dans un rapport du Sénat portant sur le domaine public et le domaine
privé de l’État outre-mer, enregistré le 18 juin 2015, Messieurs MOHAMED SOILIHI,
GUERRIAU, LARCHER, et PATIENT, rapporteurs au Sénat, ont parlé de « l’impossible
tour du propriétaire »1240. Les constats effectués par ce rapport sont édifiants. Le « poids
historique d’un État propriétaire » est évoqué par cette étude qui met en exergue une carence
dans l’inventaire et l’identification des biens appartenant à l’État, en raison d’un cadastre
peu fiable1241. Ce rapport signale l’existence de biens soumis à des régimes juridiques
exorbitants du droit commun, une gestion sans pilotage aux moyens restreints, et
l’impossibilité d’un diagnostic global du domaine de l’État, en raison de son hétérogénéité
et de la multiplicité des types de propriétés et régimes juridiques y afférents1242.

1240
« Domaines public et privé de l’État outre-mer, 30 propositions pour mettre fin à une gestion jalouse et
stérile », rapport d’information du Sénat n° 538, op. cit.
1241
Idem.
1242
Ibidem.

356
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Le constat d’une quasi-confiscation par l’Etat du foncier non bâti outre-mer (A) est
couplé avec celui d’une « gestion stérile » par l’Etat de son foncier outre-mer (B).

A. LA QUASI-CONFISCATION PAR L’ETAT DU FONCIER NON


BÂTI OUTRE-MER

L’étendue du domaine de l’État dans les collectivités territoriales outre-mer en général,


résulte de l’intégration dans son domaine de deux catégories de biens immobiliers
fondamentales pour les sociétés ultramarines : les forêts qui sont majoritairement situées à
l’intérieur des terres, et le domaine public maritime, comprenant la bande littorale, sur
laquelle est installée une grande partie de la population, des activités économiques et des
équipements.

1) Une quasi-confiscation attestée par des chiffres

Sous réserve des effets de la loi ADOM de 2015, le domaine de l’État outre-mer
représente 95,2 % de la superficie de la Guyane Française, 37,5 % de la superficie de La
Réunion, et 13,5 % de la superficie de la Martinique1243. Mais sa composition varie en
fonction des collectivités concernées.
Les chiffres et indications résultant du rapport du Sénat sont parlants1244. Ainsi, en
Martinique le domaine de l’État est plus abondant dans le Nord et comprend : la Montagne
Pelée, les Pitons du Carbet et le Morne Jacob, l’Aéroport, la Forêt domaniale, l’Étang des
Salines, ainsi que tout le littoral côtier. À La Réunion, le domaine de l’État est composé
majoritairement de terrains forestiers obéissant à des régimes juridiques divers. En Guyane,
l’État est propriétaire de forêts qui couvrent plus de 8 millions d’hectares, représentant
environ 95 % (95,2 %) du territoire de la Guyane, correspondant à la quasi-totalité du
domaine de cette contrée1245. En Guyane les collectivités territoriales ne possèdent à contrario
que 0,3 % de la surface foncière. Quant aux personnes privées, elles n’en possèdent en

1243
MOHAMED SOILIHI (Thani), rapporteur coordinateur, GUERRIAU (Joël), LARCHER (Serge),
PATIENT (Georges), rapporteurs, « Domaines public et privé de l’État outre-mer, 30 propositions pour mettre
fin à une gestion jalouse et stérile », op. cit.
1244
« Domaines public et privé de l’État outre-mer, 30 propositions pour mettre fin à une gestion jalouse et
stérile », op. cit.
1245
Ainsi, plus la couverture forestière de la collectivité est importante et plus le domaine de l’État aura
tendance à être étendu (cas de la Guyane).

357
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Guyane, que 1,4 %1246. Seules les communes de faible superficie, appartiennent
majoritairement à des propriétaires privés. C’est le cas de la commune de Cayenne (2874
m²) qui appartient à des privés à concurrence de 42,94 % et à des collectivités à concurrence
de 18,51 %. C’est également le cas de la commune de Matoury (14342 m²), qui appartient à
des privés à concurrence de 60,56 % et à des collectivités à concurrence de 11,61 %1247.
Cette situation de prédominance du droit de propriété de l’État sur la quasi-totalité du
territoire guyanais n’a pas échappé à la population ni à la classe politique guyanaises1248. Le
parc immobilier bâti occupé par l’État et ses opérateurs, outre-mer, n’est pas en reste,
puisqu’il représenterait 3,7 millions de mètres carrés de surface utile brute (SUB), soit 3%
du parc immobilier bâti global environ1249.
En Guadeloupe, sur une surface utile brute totale de 802.312,57 mètres carrés, l’État
possède 367.715,40 mètres carrés, affectés à des bureaux, du logement et d’autres activités ;
soit près de 46 % du foncier bâti. Les propriétaires opérateurs possèdent 16.480,00 mètres
carrés, et les propriétaires collectivités territoriales, 29.568,15 mètres, soit très peu à eux
deux. Les propriétaires autres, en ce compris les personnes privées, en possèdent
388.548,90/802.312,57 mètres carrés ; soit environ 48 % de cette surface brute1250.
En Martinique, sur une surface utile brute totale de 785.912,13 mètres carrés, l’État
possède 685.415,05 mètres carrés, affecté à des bureaux, du logement, et d’autres activités ;
soit un peu plus de 87 % de ce foncier bâti. Les propriétaires opérateurs possèdent 26.397,00
mètres carrés, et les propriétaires collectivités territoriales 22.949,30 ; soit très peu à eux
deux. Les propriétaires autres, en ce compris les personnes privées, en possèdent

1246
Ainsi, la commune de Saint-Élie, de plus de 58 hectares (583119 m²), appartient en totalité (100 %) à l’État
français. La commune de Maripasoula, en Guyane française, d’une superficie de plus de 186 hectares (1866502
m²), appartient dans sa quasi-totalité (99,67 %) à l’État français. Les communes de Mana (659407 m²), de
Saint-Laurent (430706 m²), et d’Apatou (215916 m²), en Guyane française, appartiennent à l’État également
dans leur quasi-totalité (plus de 93,00 %).
1247
Données tirées du Rapport d’information du Sénat, intitulé « Domaines public et privé de l’État outre-mer,
30 propositions pour mettre fin à une gestion jalouse et stérile ». Rapport n° 538, enregistré à la Présidence du
Sénat le 18 juin 2015. Op. cit.
1248
Voir : Guyane 1ère, « « La gestion foncière par l’État en outre-mer », article publié le 23 juin 2015, consulté
le 19 août 2016 sur le site : http://la1ere.francetvinfo.fr/guyane/2015/06/23/la-gestion-fonciere-par-l-État-en-
outre-mer-266539.html. Cet article dénonce une « mainmise de l’État sur la terre qui bloquerait, selon les
politiques, le développement économique dans les Régions d’outre-mer ». Cet article présente la détention par
l’État de 95 % du patrimoine foncier guyanais comme « un trésor sur lequel l’État règne presque sans partage ».
Il expose la colère des acteurs du bâtiment en crise, et dénonce le fait que les collectivités locales soient, au
regard de cette situation, dépourvues de réserve foncière, d’où une incapacité pour celles à développer leur
territoire. Cet article fait également référence au rapport d’information du Sénat qui évoque une « gestion
jalouse et stérile du domaine foncier par l’État », et le fait que « l’État fait tout pour ne pas payer les taxes dont
il devrait s’acquitter sur ce territoire », alors même que la forêt guyanaise produit des revenus.
1249
En tenant compte des propriétés situées en France et à l’étranger. Il s’agit de propriétés bâties affectées aux
services de l’État, notamment à l’hébergement d’activités de bureau et à des logements de fonctions.
1250
MOHAMED SOILIHI (Thani), op. cit.

358
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

50.150,78/785.912,13 mètres carrés ; soit bien moins de 10 % de cette surface utile brute.
Ces chiffres interpellent1251.
S’agissant de la Guyane, sur une surface utile brute totale de 726.826,20 mètres carrés,
l’État possède 543.459,12 mètres carrés, affectés à des bureaux, du logement, et d’autres
activités, soit un peu plus de 74 % de ce foncier bâti. Les propriétaires opérateurs possèdent
47.395, 00 mètres carrés et les propriétaires collectivités territoriales 21.978,82 mètres
carrés, soit peu à eux deux. Les propriétaires autres, en ce compris les personnes privées, en
possèdent 113.993,26/726.826,20 mètres carrés ; soit un peu plus de 15 % de cette surface
utile brute ; ce qui interpelle également1252.
À La Réunion, en 2014, sur une surface utile brute totale de 626.820,17 mètres carrés,
l’État possède 466.356,19 affectés à des bureaux, du logement et d’autres activités ; soit un
peu plus de 74 % du foncier bâti. Les propriétaires opérateurs possèdent 25.299,90 mètres
carrés, et les propriétaires collectivités territoriales 54.141,01 mètres carrés. Les
propriétaires autres, en ce compris les personnes privées, en possèdent 81.023,07/626.820,17
mètres carrés ; soit un peu moins de 13 % de cette surface utile brute ; ce qui interpelle1253.
Le cas de Mayotte, département français depuis l’année 2011, est aussi parlant. En
effet, sur une surface utile brute totale de 141.246,54 mètres, l’État possède 121.527,00
mètres carrés affectés à des bureaux, du logement, et d’autres activités ; soit un peu plus de
86 % de ce foncier bâti. Les propriétaires opérateurs possèdent 255,00 mètres carrés de ce
foncier, et les propriétaires collectivités territoriales 2.520,00 mètres carrés. Les propriétaires
autres, en ce compris les personnes privées, en possèdent 16.944,54/141.246,54 mètres
carrés ; soit moins de 12 % de cette surface brute ; ce qui interpelle le lecteur1254.
Ces données sont tirées du tableau de « Répartition du parc immobilier global par
département/territoire et par type de composant (surface utile brute – SUB - par propriétaire
en m²) au 31.12. 2014 », provenant du Service France Domaine. Elles ont le mérite de
démontrer que l’État français possède la propriété de plus de 74 % du parc immobilier bâti
outre-mer, sauf en Guadeloupe où sa part se limite à près de 46%.

1251
MOHAMED SOILIHI (Thani), rapporteur coordinateur, GUERRIAU (Joël), LARCHER (Serge),
PATIENT (Georges), rapporteurs, « Domaines public et privé de l’État outre-mer, 30 propositions pour mettre
fin à une gestion jalouse et stérile », op. cit.
1252
Idem.
1253
Ibidem.
1254
Passim.

359
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

2) Les collectivités territoriales, parentes pauvres du foncier outre-mer

Quant aux collectivités territoriales propriétaires, elles sont les parentes pauvres de la
propriété immobilière bâtie et non bâtie outre-mer, probablement faute de ressources et de
dépenses d’investissements, ou encore faute de transferts de biens suffisants assortis aux
transferts de compétences par l’Etat. Bien au contraire, de nombreuses collectivités locales
outre-mer, dont des communes, se défont d’une partie de leur patrimoine bâti pour faire face
à leurs dépenses de fonctionnement et à leurs dettes.
Le cas de Saint-Martin mérite d’être souligné, car l’État n’y possède aucun parc
immobilier bâti. Ce dernier est réparti entre les collectivités territoriales propriétaires et les
autres propriétaires. Quant à Saint-Barthélemy, sur une surface utile brute de 7.340,00 m²,
l’État n’en possède que 795, la majeure partie de ce foncier appartenant à des propriétaires
autres (personnes privées notamment). Les collectivités territoriales n’en possèdent que 375
m². Les opérateurs fonciers n’en possèdent ni à Saint-Martin, ni à Saint-Barthélemy1255.
La surface utile brute totale du parc immobilier dont l’État est propriétaire outre-mer
(en ce compris Wallis et Futuna, la Polynésie Française, la Nouvelle-Calédonie, et l’île de
Clipperton), est de 2.714. 673,84 / 3.761.846,32 mètres carrés ; soit plus de 72 %. Lorsque
tous ces chiffres sont comparés au total applicable en France et à l’étranger, on constate que
la surface utile brute totale du parc immobilier dont l’État est propriétaire en France et à
l’étranger, représente 78.538.567,42 m²/102.715.113,80 m² ; soit plus de 76 %1256.
Ces constats conduisent à conclure que le parc immobilier bâti dont l’État est
propriétaire dans son ensemble (outre-mer, France, étranger), est globalement supérieur à 72
%. Il ne s’agirait donc pas d’une donnée spécifique à l’outre-mer. Cela signifie également
que les données chiffrées portant sur le foncier bâti sont insuffisantes pour avoir une vision
nette de la puissance foncière de l’État outre-mer et que les données historiques et
circonstancielles doivent être prises en compte, de mêmes que les données chiffrées portant
sur la propriété non bâtie de l’Etat outre-mer.
Toutefois, la situation du foncier non bâti appartenant à l’Etat outre-mer interpelle. Ce
foncier non bâti, composé notamment du domaine public maritime, dont la zone des
cinquante pas géométriques1257, des bois et forêts faisant partie du domaine privé de l’Etat,

1255
Cf. rapport du sénat, « Domaines public et privé de l’État outre-mer, 30 propositions pour mettre fin à une
gestion jalouse et stérile », op. cit.
1256
Idem.
1257
Centralisant une grande partie de l’occupation sans titre du domaine public de l’Etat concerné par la
régularisation foncière.

360
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

fait de l’État un « acteur pivot » de la politique foncière outre-mer, avec lequel les
collectivités territoriales sont obligées de composer. Et cela, tant au titre de son domaine
public, que de son domaine privé, l’Etat étant propriétaire du littoral et des espaces naturels,
dont les forêts.
De cette situation il ressort qu’aucune politique d’aménagement, d’urbanisme, de
développement économique, environnemental ou autre, ne saurait se faire par les
collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution, sans l’État, qui apparaît
comme une puissance foncière et régularisatrice omnipotente.
Mais à côté de cette puissance foncière, la gestion foncière de l’Etat, outre-mer, est
également à prendre en considération (B).

B. UNE GESTION « STÉRILE » PAR L’ÉTAT DE SON FONCIER ?

La possession par l’État de larges portions du foncier des collectivités territoriales


situées outre-mer, rend difficile la mise en place de véritables mutations économiques,
politiques et sociales1258.

1) La quasi-tutelle foncière de l’Etat

La situation de puissance foncière de l’Etat, ci-dessus décrite, est de nature à empêcher


la préservation d’une véritable dignité pour les populations locales, qui semblent placées
sous la tutelle foncière de l’État. Tout ceci entrave les avancées d’une véritable régularisation
foncière pérenne.
Le rapport d’information du Sénat, en date du 18 juin 2015, évoque une « gestion
jalouse et stérile du domaine foncier par l’État », et fait mention de la nécessité pour l’État
de « desserrer son étreinte domaniale pour libérer le développement des territoires », afin de
permettre la mise en place, à moyen terme ou à long terme, de politiques urbaines,
économiques, et d’équipements1259.1260.
Le souhait de transfert d’une partie du foncier de l’Etat aux collectivités territoriales

1258
Dans la commune du Robert en Martinique, l’arrêté de délimitation pris, a fixé une limite supérieure à plus
de 200 mètres du rivage vers l’intérieur des terres. De plus, les remblais effectués le long des côtes, ont permis
de gagner de l’espace sur la mer et ont ainsi accru la superficie de la zone des cinquante pas géométriques,
accroissant de fait l’emprise foncière de l’Etat.
1259
Cf. MOHAMED SOILIHI (Thani), rapporteur coordinateur, GUERRIAU (Joël), LARCHER (Serge),
PATIENT (Georges), rapporteurs, « Domaines public et privé de l’État outre-mer, 30 propositions pour mettre
fin à une gestion jalouse et stérile », rapport d’information du Sénat n° 538, enregistré à la Présidence du Sénat
le 18 juin 2015. Publié en ligne : http://www.senat.fr/rap/r14-538/r14-5381.pdf.
1260
Idem, p. 22 et s.

361
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

situées outre-mer, fût en partie satisfait avec le transfert par l’Etat à la collectivité territoriale
de Martinique et à la région de Guadeloupe des secteurs urbains et d’urbanisation future de
la zone des cinquante pas géométriques, dans le cadre de la loi ADOM de 2015, tel que le
préconisait le rapport du 18 juin 2015 sus relaté. Mais ce transfert est fait, sans transfert des
moyens juridiques, financiers et humains nécessaires à la gestion de ces secteurs.
La régularisation de l’état d’occupation et l’aménagement de la zone des cinquante pas
géométriques sont pourtant essentiels pour le développement économique et politique des
collectivités territoriales situées outre-mer pour lesquelles elle constitue un atout majeur. La
politique de l’habitat, l’essor touristique, ainsi que le développement durable, à travers le
développement de la biodiversité, sont tributaires des modalités de gestion de cette zone.
Par ailleurs les forêts font partie du domaine privé de l’État, or, ils constituent une
grande part du foncier outre-mer. À La Réunion, 97% du domaine de l’État1261 est constitué
de forêts situées à l’intérieur des terres. L’État serait propriétaire, d’après les chiffres fournis
par la Préfecture de La Réunion, de 940 kilomètres carrés, sur une superficie totale de 2510
km² constituant la superficie de La Réunion1262.
Les auteurs du rapport de 2015 parlent d’une domanialité résiduelle dans les
collectivités à statut d’autonomie, dans le sens où l’autonomie d’une collectivité d’outre-mer
« peut se lire directement dans la description des biens restant la propriété de l’État. »1263

2) Une gestion dérogatoire et divisée

La gestion par l’Etat de son domaine outre-mer, met en application de grands principes
du droit des biens, mais aussi des mesures exorbitantes et des dispositifs dérogatoires. Les
difficultés rencontrées par l’État dans la gestion de son foncier outre-mer, sont discernables
à travers les mesures antinomiques s’y appliquant.
Il y a donc un « éparpillement » du droit applicable au domaine de l’Etat, et cela ne
favorise pas la « compréhension, la maîtrise et la transposition de solutions pertinentes, y

1261
Lequel domaine représente 37,5 % de la superficie de La Réunion.
1262
Le domaine public de l’État à La Réunion est composé, des domaines aéronautique, portuaire et militaire,
mais aussi du domaine public maritime qui comprend le domaine public naturel de l’État (qui comprend 250
km de côtes) et la zone des cinquante pas géométriques (bande littorale d’une largeur de 81,20 à 600 mètres
selon l’endroit du rivage et d’une superficie de 20 km² hors forêt). Ledit domaine comprend également le
domaine public fluvial (représentant environ 1800 km de linéaire). Quant au domaine privé de l’État à La
Réunion, il comprend : les ravines sèches, d’une superficie de 1700 kilomètres de linéaire, le domaine forestier
littoral situé dans la zone des cinquante pas géométriques accusant une superficie 4 kilomètres carrés, les forêts
départementales domaniales représentant environ 915 kilomètres carrés, les bâtiments tertiaires occupés par
les services, soit une surface de 154000 mètres carrés, et les logements, soit 159000 mètres carrés. Chiffres
résultant du rapport du Sénat op. cit. , sous réserve des imprécisions du Cadastre.
1263
Est cité le cas de Saint-Pierre-et-Miquelon qui ne comporte pas de zone des cinquante pas géométriques.

362
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

compris au sein des services de l’État »1264.


Le « régime juridique morcelé, complexe et fluctuant » de la zone des cinquante pas,
et des nombreuses occupations sans titre qui la caractérisent, est pointé du doigt1265. Ainsi,
en Guadeloupe et à La Réunion existent des parcs nationaux soumis à des normes spéciales ;
ce qui n’existe pas dans d’autres collectivités territoriales outre-mer. De même en est-il de
l’existence de l’agence de l’État pour la gestion de la zone dite des cinquante pas
géométriques en Martinique et en Guadeloupe, contrairement à ce qui se passe dans les
autres collectivités outre-mer.
Les fondements mêmes de ces dérogations dans le droit des biens outre-mer, posent
certains problèmes, dans la mesure où il est malaisé de déterminer si elles sont dues à des
circonstances géographiques, à des spécificités humaines ou à l’histoire. Il semble également
impossible de dire si elles résultent d’une claire volonté de l’État ou du hasard d’une gestion
légère. Certains auteurs vont même jusqu’à s’interroger sur la réalité de l’affectation de
certains biens du domaine public de l’État à un service public ou à l’usage du public,
conformément au critère de l’article L21111-1 du CG3P. Ces biens semblent plutôt, à leurs
dires, utilisés comme « levier d’intervention » dans le cadre de politiques nationales, d’où le
souhait pour certains d’un rapprochement avec le droit commun1266.
Les bois et forêts des personnes publique relèvent du régime forestier et font partie du
domaine privé des personnes publiques, ainsi qu’en atteste l’article L2212-1 du CG3P. Cette
solution est confirmée par la jurisprudence « ONF/Abamonte et Caisse primaire
d’assurances maladie de la Haute Saône » du Conseil d’État1267. Toutefois, la faiblesse des
forêts communales, et l’existence en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, de forêts
« départementaux-domaniales », appartenant de manière démembrée, en nue-propriété au
Conseil général (actuellement collectivité unique en Martinique), et en usufruit à l’État, est
de nature à poser des problèmes de gestion, car cette situation limite les prérogatives des
collectivités territoriales situées outre-mer. Ces collectivités se trouvent, de facto, privées de
la gouvernance forestière et de ressources qu’elles pourraient tirer de l’exploitation forestière
de leur territoire. C’est l’exemple d’une gestion divisée.
Il convient de rappeler que le régime de domanialité des forêts outre-mer découle du

1264
MOHAMED SOILIHI (Thani), GUERRIAU (Joël), LARCHER (Serge), PATIENT (Georges), rapporteurs,
op. cit.
1265
Idem.
1266
Ibidem.
1267
CE, 28 novembre 1975, ONF/Abamonte et Caisse primaire d’assurances maladie de la Haute Saône. En
ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.

363
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

décret du 6 novembre 19471268. Il en résulte que l’État bénéficie de la jouissance à titre


gracieux des biens de la colonie qui ont été transférées au Conseil général. Il en est ainsi
notamment en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane. Le service de la publicité
foncière1269 n’est pas toujours au fait de cette répartition, et il arrive que des biens du
département figurent encore au nom de l’État. Mais cette répartition est toutefois sujette à
négociation. Ainsi en Guyane le conseil général a pu récupérer le bâtiment des Archives. En
Guadeloupe, le département a pu récupérer de nombreux biens. En Martinique, le
département a pu récupérer certains biens, notamment l’Ex-Palais de Justice de Fort-de-
France, mis à disposition de la commune de Fort-de-France, dans le cadre d’une convention
Etat-Département-Commune en cours d’exécution1270.
Tout cela permet de mesurer l’importance du droit de propriété de l’Etat sur le foncier
outre-mer, l’ampleur de son domaine privé constitué notamment de bois et forêts1271, et le
caractère divisé de sa gestion domaniale.
Mais ces points ne sont pas les seuls éléments qui interpellent. La logique de
substitution plutôt que de compromis, mise en avant par l’Etat dans sa gestion du foncier
outre-mer, est de nature à générer des résistances à la régularisation foncière (§ 2).

§ II. L’ETAT, UNE LOGIQUE DE SUBSTITUTION PLUTÔT


QUE DE COMPROMIS ?

Les principes républicains fondant la Constitution française1272, font l’objet


d’aménagements très limités dans les territoires français situés outre-mer. Les institutions
républicaines constituent un frein au principe de reconnaissance de droits culturels,
territoriaux et politiques spécifiques des peuples autochtones, tels qu’ils sont énoncés dans
la « United Nations Déclaration on the Rights of Indigenous Peoples » (UNDRIP)1273.

1268
Décret n°47-2222 du 6 novembre 1947, fixant les modalités de répartition des biens des anciennes colonies,
entre l’État, les départements et les communes outre-mer.
1269
Ancienne Conservation des hypothèques.
1270
À l’occasion de la remise par l’État de biens dont il avait la disposition, un procès-verbal de remise est
signé entre les parties.
1271
En Guyane, cette situation est un handicap de taille pour le développement de la collectivité territoriale.
1272
Tels que l’unicité du peuple français et du territoire français, le français comme langue exclusive de la
nation française.
1273
The « United Nations Declaration on the Rights of Indigenous Peoples » was adopted par the general
assembly on Thursday, 13 September 2007, by a majority of 144 states in favor. Cf.
https://www.un.org/development/desa/indigenouspeoples/declaration-on-the-rights-of-indigenous-
peoples.html. Consulté en ligne le 02 février 2018.

364
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Il convient de rappeler qu’à l’occasion de la constitution du domaine foncier de l’État


en Guyane, lors de la colonisation, la France avait affirmé sa souveraineté sur les propriétés
occupées par les Amérindiens qui se sont trouvés par ce fait historique, dépossédés de leurs
terres. Un simple droit de jouissance leur fût reconnu sur le domaine de l’État. D’abord
domaine de la Couronne, ces propriétés devinrent domaine de la Nation à la suite de la
révolution française. L’ordonnance du 17 août 1825 attribua à la Colonie toutes les
propriétés coloniales, sauf les bâtiments militaires1274. Un transfert de propriété du domaine
de l’État au profit de la Colonie, autre personne morale de droit public distincte de l’État,
eut lieu. Ce statut fut reconnu par le décret du 23 décembre 1878 qui institua le Conseil
général1275. Les ordonnances royales du 26 janvier et du 07 août 1825 attestent de la propriété
de l’Etat sur les biens de la colonie, mais c’est par décret du 15 novembre 1898 que l’État
français déclare être propriétaire de tous les biens domaniaux de la Colonie de Guyane1276.
Les actions de confortement de ce droit de propriété étatique furent mises en place à travers
les procédures de biens vacants et sans maître, les successions en déshérence, l’appropriation
des terrains non revendiqués ou dont la revendication était rejetée. Ainsi, la quasi-totalité
des terres du territoire guyanais se trouva appartenir à l’État1277.
Vers la fin des années 1970, à l’occasion de cessions de terrains intervenues dans des
zones traditionnellement occupées par les Amérindiens, ces derniers exprimèrent des
revendications tendant à faire reconnaître les droits des communautés traditionnelles sur le
domaine de l’État. La République étant une et indivisible, la Constitution française ne
pouvait faire droit à des revendications foncières de nature ethnique. Des zones de droits
d’usage collectifs (ZDUC) qui furent créées par le législateur1278, avec d’autres moyens de
mise à disposition (concessions, baux emphytéotiques, etc.).

1274
À rapprocher avec MAGUET (Edgard), Recueil Général de jurisprudence, de doctrine, et de législation
coloniales et maritimes, La Tribune des Colonies et des Protectorats, Deuxième partie, Doctrine et économie
politique coloniale, « Sur la question du domaine aux colonies », Le Penant (1928), pp 5-9, revcoleurop,
https://revcoleurop-intg.inist.fr/item/1360. Url du pdf : https://www.nakala.fr/nakala/data/11280/f0dfadf3. Ce
document rappelle le peu d’importance accordé au domaine des Antilles et de La Réunion, en 1825.
1275
Cf. : LIMOUZINEAU (Madeleine), POULIQUEN (Monique) conservateurs, révisé par POIZAT (Gilles),
Archives nationales, Ministère des Colonies, Série géographique Guyane, 1793-1946, GUY 1-179, 108 pp. En
ligne : http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/ark:/61561/rn919rll.
1276
GUILARD (Joanny), « La propriété des terres et le statut des forêts », p. 95, 219 pp. III partie, Chapitre
III-4 -s., Au service des forêts tropicales, AgroParisTech, 2014 (Nancy). En ligne :
https://infodoc.agroparistech.fr/styles/agroparistech_portail/ebooks/JGuillard/III-4-Partie3-chapitre4-s.pdf.
1277
Voir aussi : Bulletin officiel de la Guyane française, année 1901, Cayenne, Imprimerie du Gouvernement,
1902, Manioc.org, Bibliothèque Alexandre Franconie, Conseil général de la Guyane, pp. 4, 17, 238 et 373. En
ligne : http://www.manioc.org/gsdl/collect/patrimon/tmp/FRA11236.html.
1278
Article R5143-1 du code de la propriété des personnes publiques (CG3P ou CGPPP), ancien article R170-
56 du code du domaine de l’Etat.

365
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Quant à Mayotte, elle se caractérise par un droit oral, basé sur la parole donnée et la
confiance. Or, le droit commun français ne véhicule plus ces valeurs. En droit français c’est
l’écrit et la publicité foncière pour son opposabilité aux tiers, qui prédominent1279.
En définitive, la régularisation foncière mise en œuvre par l’Etat dans son domaine
privé, peut s’apparenter à une régularisation foncière substitutionnelle1280, qui s’opère par
substitution avec les coutumes et les usages locaux, avec quelques actions de compromis, à
travers les ZDUC, cessions et concessions. Mais l’Etat demeure encore propriétaire de près
de 95 % du foncier privé guyanais. Cette régularisation foncière gagnerait pourtant à être
fondée sur un droit foncier issu d’accords amiables entre l’Etat et les représentants des
populations locales, afin de mieux prendre en compte les coutumes locales, et de procéder à
une meilleure répartition du foncier privé guyanais.
Cette dernière option serait de nature à accélérer la régularisation foncière et à juguler
l’occupation sans titre outre-mer, par une prise en compte des coutumes et pratiques locales,
au travers d’accords amiables, vecteurs de sauvegarde de la dignité humaine.
À cet égard, dans le domaine privé de l’Etat outre-mer, deux bilans méritent en
conséquence une attention particulière. Il s’agit du bilan des pratiques de régularisation
foncière de l’occupation du domaine privé de l’Etat en Guyane (A), et à Mayotte (B) ;
collectivités confrontées à des problématiques coutumières.

A. BILAN DES PRATIQUES DE RÉGULARISATION FONCIÈRE


SUR LE DOMAINE PRIVÉ DE GUYANE

La question foncière en Guyane est spécifique, car l’État y possède la quasi-totalité


des terres pour des raisons historiques.
Il convient de rappeler qu’en Guyane française, il existe un très fort contraste entre la
zone côtière qui regroupe les trois quarts de la population et les communes de l’intérieur qui
sont peu peuplées. La plupart de ces communes vivent de l’octroi de mer et des dotations de
l’État, mais n’ont pas de ressources propres. La portée réelle de la décentralisation pour les
communes de l’intérieur de la Guyane demeure posée. Par ailleurs, un certain nombre de
limites apparaissent dans le développement de la coopération régionale. La Guyane française

1279
Un ancien cadre de la DEAL de Mayotte faisait d’ailleurs remarquer à bon escient que le droit Mahorais
était un droit oral, fondé sur le respect de la parole donnée. Entretien en date du 13 janvier 2017, avec Madame
BADROUZAMANI, ancien cadre de la DEAL de Mayotte, et cadre à la DEAL de Martinique. La formule type
était : « Je viens, je m’installe et c’est à moi ».
1280
Relatif à la substitution.

366
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

étant une région ultrapériphérique (RUP) de l’Union européenne, perçoit, à ce titre, des
financements européens qui sont redistribués par l’État et la collectivité unique1281.
Les Amérindiens et les Bushinenge, communautés traditionnelles, occupants légitimes
des terres guyanaises, dotés de systèmes de valeurs différents du système civiliste de la
propriété privée, s’organisent progressivement pour que soit reconnue leur légitimité
foncière. L’Etat français a amorcé des solutions de compromis par la création de ZDUC, et
par l’octroi de concessions et cessions aux communautés d’habitants, répondant à certaines
conditions.

1) ZDUC ou zones de droits d’usage collectifs

Les problématiques de l’autochtonie en Guyane méritent d’être mis en exergue, car


l’on observe que la reconnaissance de droits fonciers collectifs, ainsi que celle d’institutions
autochtones tels que les chefs coutumiers, constituent deux objectifs fondamentaux
revendiqués par les organisations autochtones locales.
À ce propos, le rapport du CNRS sur les zones de droits d’usage collectifs (ZDUC) en
Guyane, mentionne que sur les vingt-sept (27) zones comprenant des ZDUC, des
concessions et des cessions collectives, seules trois (3) d’entre elles ont été sollicitées par
des communautés maronnes, les autres ayant été sollicitée par des communautés
amérindiennes1282.
La conception d’un droit de propriété collectif, et non individualiste comme l’est le
système civiliste français a, peu à peu, contribué à déposséder les peuples autochtones de
leurs terres. Au cours des années 1980, on a assisté à des revendications des Amérindiens à
propos du foncier en Guyane. Ces revendications ont permis l’instauration de zones de droits
d’usage collectifs (ZDUC), dont il a été fait mention ci-dessus, dans les années 1990. Ces
zones ont été instaurées « au profit de communautés d’habitants tirant traditionnellement
leurs moyens de subsistance de la forêt »1283. En 2014, on dénombrait quinze ZDUC, neuf
concessions et trois cessions collectives, par arrêtés préfectoraux1284. Il est intéressant

1281
La problématique de l’intégration des collectivités territoriales situées outre-mer dans les régions voisines
se pose également pour elle. Il y a un problème de coopération régionale avec les petites et grandes Antilles, le
Brésil, le Surinam, etc., et une prévalence des modèles standard américains dans certaines îles voisines. Des
dispositifs politiques ont été adoptés, facilitant cette coopération dans la Caraïbe. En effet, la dimension
internationale des outre-mer s’est accrue en partie, grâce aux compétences conférées aux collectivités
territoriales par la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer (LOOM).
1282
DAVY (Damien), FILOCHE (Geoffroy), coordinateurs scientifiques, « Zones de droits d’usage collectifs,
concessions et cessions en Guyane française : bilan et perspectives 25 ans après », avril 2014, Cayenne, p. 13,
166 pp. Rapport du CNRS, Observatoire Hommes / Milieux Oyapock, de l’Institut Écologie et Environnement.
1283
Article R170-56 et suivant du code du domaine de l’Etat.
1284
DAVY (Damien), FILOCHE (Geoffroy), op. cit., p. 13.

367
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

d’observer que peu de communautés maronnes en ont fait la demande, en raison du rapport
à la terre qui est fondé sur la légitimité plus que sur le titre d’occupation.
L’existence sur les terrains domaniaux de la Guyane, de droits d’usage collectifs, pour
la pratique de la chasse, de la pêche, et en général, pour l’exercice de toute activité nécessaire
à la subsistance de communautés tirant traditionnellement leurs moyens de subsistance de la
forêt, est entérinée par l’article R170-56 du code du domaine de l’Etat1285. Cet article a depuis
été abrogé par l’article 3 du décret du 19 août 20141286, et est actuellement codifié à l’article
R5143-1 du CG3P. L’exercice de ces droits ne doivent pas aboutir à la recherche et à
l’exploitation de substances minières, ni porter atteinte à la nature, aux espèces animales et
à la protection de l’environnement. Les arrêtés concernés sont publiés au Bulletin des actes
administratifs de la Guyane1287.
Mais les ZDUC ne sont pas les seuls outils de régularisation foncière de l’occupation
du domaine privé de l’Etat. Le bilan des concessions accordées aux communautés
d’habitants est souhaitable.

2) Concessions et cessions accordées aux communautés d’habitants

En vertu des articles R5143-3 et suivants du CG3P1288, des concessions de terrains


domaniaux, à titre gratuit peuvent être accordées à des communautés d’habitants constituées
en associations ou en sociétés, en vue de la culture, de l’élevage, ou de l’habitat de ses
membres. Les communautés visées, sont celles tirant traditionnellement leurs moyens de
subsistance de la forêt.
La concession ainsi accordée est de durée limitée, renouvelable. Elle est publiée au

1285
Et à l’article L.272-4 du code forestier qui stipule qu’aucun droit d’usage collectif ne peut être concédé en
dehors de ceux préexistants.
1286
Décret n° 2014-930 du 19 août 2014 relatif aux livres Ier et II de la cinquième partie réglementaire du code
général de la propriété des personnes publiques et modifiant ce code et divers textes réglementaires.
1287
Voir : VILLENEUVE (Bertrand), « Apatou : 40 ans et un festival. Les traces du marronage », publié le 8
août 2016 sur le site de « Guyane 1ere ». En ligne : https://la1ere.francetvinfo.fr/guyane/apatou-40-ans-et-un-
festival-les-traces-du-marronnage-386657.html. Dans cet article, Bertrand VILLENEUVE, expose le cas du
village d’Apatou en Guyane, devenu la Commune Bushinenge d’Apatou en 1976. Il a été créé en 1886, par le
capitaine Joseph Apatou, au Nord-Est de la Guyane sur le fleuve du Maroni, à la suite d’une concession
collective attribuée par l’État français, représenté par la colonie, pour la création d’un village. Cette concession
avait été attribuée pour la communauté, et non à l’usage de propriétés individuelles. Ces terrains ont donc été
attribués aux familles et ont été administrés par trois chefs coutumiers et capitaines, venant à la suite de Joseph
Apatou, selon la coutume. De leur côté, ces trois capitaines ont à leur tour procédé à quelques attributions
foncières à des familles souhaitant cultiver ces terres pour leurs besoins. L’attributaire est ainsi à son tour
habilité à répartir partie des terres ainsi attribuées au sein de sa propre famille, selon le modèle traditionnel
matriarcal. De ces attributions successives vont naître peu à peu des attributions plus personnelles. À ce stade
des attributions, le rôle des chefs coutumiers devient alors un rôle de médiateurs. Toutefois, il convient de
rappeler que les parcelles d’origine demeurent la propriété de l’Etat. Voir VILLENEUVE (Bertrand),
« Apatou : 40 ans et un festival, les traces du marronage »,
1288
Ancien article R170-58 du code du domaine de l’Etat.

368
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Bulletin des actes administratifs de la Guyane. Elle peut faire l’objet d’un retrait total ou
partiel, en cas de changement de résidence de ses membres, si ceux-ci n’habitent plus dans
la zone concernée, en cas de dissolution de la société ou de l’association, ou lorsque la
personne morale n’a plus la capacité de remplir ses obligations ou exerce des activités
contraires à ce qui est prévu dans l’acte de concession1289.
L’article R5143-5 du CG3P1290, prévoit une possibilité de cession à titre gratuit des
terrains objet de la concession, sur demande formulée par l’association ou la société
concessionnaire, avant l’expiration de la concession et selon les modalités qui y sont
prévues, en vue de faire de la culture, de l’élevage ou à usage d’habitation de ses membres.
Dans ce cas, le transfert de propriété a lieu, sous la condition résolutoire que les bénéficiaires
maintiennent leur résidence effective dans la zone, ainsi que la destination prévue à l’acte
de cession, pendant un délai de dix ans. L’acte de cession précise les délais et conditions de
rétrocession passé ce délai de dix ans. La dissolution de l’association ou de la société
cessionnaire dans un délai de dix ans à compter de la date de l’acte de cession, entraîne la
résolution de plein droit de la cession consentie1291.
Les modalités financières des opérations susdites sont fixées par le directeur des
services fiscaux. Le bornage des terrains concernés est établi par le demandeur, à ses frais.
De même, les frais d’établissement, d’expédition, de publication et de transcription de l’acte
de concession ou de cession, sont à la charge exclusive des concessionnaires ou des
cessionnaires. Si les demandes portent sur des terrains gérés par l’Office national des forêts
(ONF), les actes ne sont pris qu’après avis du représentant de l’ONF, lequel avis est réputé
acquis dans les deux mois de la saisine.
Les actes de concessions, cessions, baux emphytéotiques, baux agricoles, conventions
sus mentionnées, ainsi que les reconnaissances de droits d’usages mentionnées à l’article
R5143-1 (ZDUC), mettent fin à la gestion de l’ONF sur les biens concernés, en vertu de
l’article R5145-3 du CG3P1292. Toutefois, en vertu de l’article R5145-4 du CG3P, les

1289
La concession est accordée pour une durée de cinq années, renouvelable. Au-delà d’une durée de dix ans,
la concession peut être cédée par transfert foncier gratuit aux communautés traditionnelles qui en font la
demande et qui se sont constituées en associations.
1290
Ancien article R170-60 du code du domaine de l’Etat.
1291
Les demandes de ZDUC, de concessions et de cessions sont soumises à l’avis d’une commission, présidée
par le préfet (qui a voix prépondérante), et composée du maire de la commune sur le territoire de laquelle se
trouvent les terrains concernés, de quatre personnalités qualifiées choisies par le préfet et de deux membres
appartenant aux organes de direction de la société ou de l’association demanderesse.
1292
Articles R5143-1 et ss, issus du décret n° 2014-930 du 19 août 2014 relatif aux livres Ier et II de la
cinquième partie réglementaire du CG3P ou CGPPP modifiant le code du domaine de l’Etat et d’autres textes
réglementaires.

369
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

concessions et baux emphytéotiques à vocation agricole, ne peuvent faire obstacle à


l’exécution par l’Etat d’opérations tendant à la recherche et à l’exploitation de substances
minières, ni à l’exécution de travaux d’aménagement ou d’équipement collectif. En cas de
trouble de jouissance résultant de ces recherches et exploitation, l’Etat n’a pas à indemniser
le bénéficiaire de ces baux et concessions. Ces dispositions doivent figurer dans les actes de
concessions et les baux, à peine de nullité de l’acte1293.

3) Cessions et concessions pour la mise en valeur de terres agricoles

Issues de l’article L91-1 du code du domaine de l’Etat1294, et codifiées aux articles


L5141-1 à L5141-5 du CG3P, les dispositions relatives aux cessions et concessions de
terrains agricoles permettent l’aménagement et la mise en valeur desdits terrains. Leurs
modalités de mise en œuvre et d’attribution ont été explicitées en amont1295.
En définitive, c’est sous la notion de droits d’usages ancestraux et de droit des
populations à la défense de la conservation de leurs modes de vie traditionnels, que furent
reconnus les droits des Amérindiens à la terre. La notion de zone de droits d’usage collectifs
(ZDUC) fût introduite par décret du 14 avril 1987. Il est regrettable que la ZDUC ne permette
pas l’exercice d’activités agricoles ni l’habitat, ni la mise en place de petites activités
économiques.
Mayotte se trouve confrontée à des problématiques se rapprochant de celles de la
Guyane, en raison de la présence de règles coutumières, d’où l’intérêt de faire le bilan des
pratiques de régularisations foncières dans le domaine privé de Mayotte (B).

B. BILAN DES PRATIQUES DE RÉGULARISATION FONCIÈRE


SUR LE DOMAINE PRIVÉ DE MAYOTTE

La régularisation foncière à Mayotte visait à généraliser les droits de propriété


individuels. Mais, le bilan de l’intervention publique a révélé une difficulté à faire évoluer
le système des droits coutumiers.

1) Le droit commun français, une vraie contrainte pour les Mahorais

À Mayotte, le droit commun a été une vraie contrainte et un vrai changement culturel.

1293
Cf. article R5145-4 alinéa 2 du CG3P.
1294
Abrogé par l’article 7 de l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006, relative à la partie législative du code
général de la propriété des personnes publiques.
1295
Ces dispositifs sont explicités aux paragraphe 70 figurant en amont.

370
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Il n’est pas certain que les Mahorais aient souhaité la primauté du droit commun sur leur
droit coutumier, dans la mesure où beaucoup d’entre eux ne comprennent toujours pas
pourquoi payer un terrain qu’ils ont toujours occupé1296. Mais il n’était pas possible de
maintenir un système de transcription orale, dans une société française régie par la preuve
écrite et la publicité foncière, pour l’opposabilité aux tiers. Les textes ont tardé, ce qui a
rendu difficile la régularisation foncière en ce sens1297.
Il convient de rappeler qu’à Mayotte, contrairement au droit commun français, la
transmission des biens fonciers est traditionnellement matrilinéaire1298. Cette situation est
due à la condition musulmane polygame de Mayotte. Le conseil de famille joue un grand
rôle dans les attributions et les partages. Les transactions se déroulent traditionnellement
entre les personnes qui souhaitent vendre ou donner une parcelle, en présence d’un témoin.
Le Cadi n’intervient pas à ce stade, il ne rédige pas d’acte et n’a pas de grand rôle sur le
foncier, mais intervient dans les conflits, les indivisions et à titre de médiation1299.
Lorsque dans les années 1990, avec le développement de la population et les besoins
d’emprise foncière de l’Etat, il a fallu passer d’une propriété coutumière fondée sur une
utilisation du sol de bonne foi, à une propriété individuelle fondée sur le droit civil français,
de nombreux obstacles, liés aux difficultés d’adaptations sont apparus, en dépit des
législations intervenues1300. À cet effet l’ordonnance du 1er octobre 1992 a permis
l’établissement d’un Cadastre à Mayotte1301. Puis, en 1995, une mission de régularisation
foncière globale a été confiée au Centre national pour l’aménagement des structures des
exploitations agricoles (CNASEA), devenue depuis 1998, l’opérateur foncier de la
Collectivité départementale de Mayotte (CDM). Son rôle est de régulariser l’occupation
coutumière, la CDM étant présumé propriétaire des propriétés non titrées, mais aussi

1296
Entretien du 13 janvier 2017, avec Elsa BADROUZAMANI, ancien cadre de la DEAL de Mayotte, op. cit.
1297
Le travail de la DDE (actuelle DEAL) de Mayotte était basé sur d’anciens textes. Le DPM à Mayotte sur
le plan administratif était géré par des textes anciens datant du XIXe siècle ; époque où l’archipel des Comores
étant une dépendance de Madagascar.
1298
BERINGER (Hugues), JurisClasseur Collectivités territoriales (JCCT), Mayotte, Fasc. 462-41 et ss. La
transmission matrilinéaire se fait de mère en fille, les hommes n’héritant pas. Ils ont l’obligation de satisfaire
aux besoins de la famille. L’homme n’hérite qu’en l’absence de fille. Ce statut personnel est une combinaison
du droit musulman (favorisant la transmission patrilinéaire) et des coutumes africaines et malgaches (favorisant
la transmission matrilinéaire). Voir aussi le site : http://www.outre-mer.gouv.fr/.
1299
BERTILE (Wilfrid), Mayotte à l’heure de la départementalisation, Ed. L’Harmattan, Paris, 2012. Edition
numérique, emplacements 1501 et s. sur 5247.
1300
LAZERGES (Roland), Mise en œuvre de l’aménagement foncier à Mayotte, Rapport n° 12129, 5 novembre
2012, Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), p. 10 et s., 36 pp.
1301
Le Cadastre couvre la majeure partie du territoire mahorais et désigne les occupants coutumiers et
juridiques. Mais les propriétaires désignés sur le relevé de propriété cadastrale ne sont pas forcément titrés.

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d’exercer le droit de préemption pour la constitution de réserves foncières1302.


Les régularisations foncières à Mayotte ont été limitées jusqu’en 2004. Environ 1000
titres de propriété furent distribués entre 1998 et 2004, ce qui fut considéré comme
insuffisant eu égard à l’ampleur des régularisations foncières attendues1303. Pour faciliter et
accélérer ces régularisations, il a été instauré une exonération des droits d’enregistrement,
des frais de publicité et des frais de bornage, à la charge du propriétaire coutumier. Par
ailleurs, certains villages ont été exclus du processus de régularisation foncière, en raison du
nombre très élevé d’ayants-droit en indivision. En outre, le relevé de l’ensemble des
parcelles concernées par la régularisation foncière (environ 23000 en 2006), et
l’identification de l’ensemble des propriétaires coutumiers, ont été achevés en 2006, à grands
renforts d’hommes et de matériels. Le tiers des parcelles a été titré1304.
Le cadre de la régularisation foncière à Mayotte relève d’un système dualiste sur le
plan juridique, et d’un système pluraliste sur le plan institutionnel et dans le cadre des
recours, de sorte que les pratiques foncières locales sont en mesure d’emprunter aux
nouvelles normes de l’État tout en se maintenant dans les logiques sociales du territoire. Les
acteurs fonciers peuvent être amenés à prendre en compte les dispositions du droit positif
par préférence aux principes coutumiers, lorsqu’elles vont dans le sens de leurs logiques
d’action. On dénote donc des logiques d’actions individuelles qui utilisent les avantages du
droit positif ou du droit coutumier en fonction des circonstances1305.
L’immatriculation foncière peine cependant à se généraliser. Carole BARTHES
observe que de nombreuses pratiques tendent à se développer en marge de la règlementation
officielle. Le droit positif ne remplace pas le droit coutumier comme les pouvoirs publics
l’escomptaient, mais vient s’y superposer1306. L’intervention publique est perçue, non pas
comme substitutif au cadre normatif et institutionnel local existant, mais comme additionnel
à ce cadre. Il est vu comme instituant un référentiel auquel les individus ont la faculté, et non
l’obligation, de faire appel. On assiste à une complexification du droit Mahorais et non à la
simplification légitimement attendue de l’instauration d’un système de droits modernes,

1302
D’importants crédits financiers avaient été alloués à cette période. Mais le bilan d’une convention
pluriannuelle, signée le 5 juillet 2007 entre l’ASP et le Département de Mayotte, montre un bilan très mitigé
en faveur de l’agriculture.
1303
BARTHES (Carole), « Effets de la régularisation foncière à Mayotte. Pluralisme, incertitude, jeux d’acteurs
et métissage », p.112 et suivants, et p. 15 du PDF, in Économie rurale, Agricultures, Alimentations, Territoires.
313-314, Septembre – décembre 2009, consultable sur le site internet : http://economierurale.revues.org/2376.
1304
BARTHES (Carole), « Effets de la régularisation foncière à Mayotte, op. cit., p. 15 du PDF.
1305
BARTHES (Carole), idem, p. 99 à 114.
1306
Ibidem.

372
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

sensé se substituer au système de droits locaux1307.


Ce processus de mise aux normes accéléré s’applique à tous les secteurs socio-
économiques, dans une logique de substitution, là où aurait dû prévaloir une solution du
compromis avec l’existant, et mieux encore, des accords amiables tenant compte de
l’existant dans le processus de régularisation foncière.
Compte tenu de la préexistence d’un droit coutumier à Mayotte, l’enjeu de la réforme
foncière s’est révélé multiple. Consistant en un alignement pur et simple, juridique et
réglementaire sur le droit commun, la réforme foncière comprend en définitive : la
régularisation foncière proprement dite, l’enregistrement des parcelles concernées au
Cadastre, le zonage et la réglementation de l’occupation de l’espace, la mise en place
d’instruments juridiques du code rural français, notamment le statut du fermage. Tout cela
participe à la mise en valeur des terres1308.
Pour Roland LAZERGES, le droit coutumier mahorais, non formalisé par des écrits,
reconnaît la propriété collective à usage familial. Dans ce cadre les divisions et cessions se
font en l’absence d’enregistrement, par le biais notamment des Cadis1309. La régularisation
foncière à Mayotte consiste en la création de titres d’occupation et de propriété, après
constats matériels et confirmation de droits réels, fondés sur des bases coutumières, reprises
par des textes coloniaux de portée générale1310.
La problématique de la régularisation foncière à Mayotte obéit à un système foncier
dualiste combinant un régime foncier coutumier et un régime foncier fondé sur la notion de
propriété prévalant en droit français1311. Il est intéressant de s’interroger sur les différentes
étapes qui ont conduit à la réforme foncière de 1996. Le système foncier applicable à
Mayotte combine en effet depuis près d’un siècle, ces deux régimes fonciers.
Le régime foncier coutumier est fondé sur la possession de fait, reconnue localement
par la communauté d’appartenance, en fonction du lignage et du village. Il est régi par le
droit coutumier préislamique et par le droit écrit musulman ; d’où la coexistence de plusieurs
instances d’arbitrage : le sage du village et le cadi. La propriété coutumière est fondée sur

1307
Ce phénomène est identique dans certains pays du continent africain qui ont voulu remplacer une logique
de gestion foncière ancienne par une autre logique de gestion plus moderne.
1308
La réforme foncière a également concerné la mise en place d’une société d’aménagement foncier et
d’établissement rural (SAFER).
1309
LAZERGES (Roland), Mise en œuvre de l’aménagement foncier à Mayotte, Rapport n° 12129, 5 novembre
2012, Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), p. 9, 36 pp.
1310
Idem, p. 9, 36 pp.
1311
BARTHES (Carole), Effets de la régularisation foncière à Mayotte. Pluralisme, incertitude, jeux d’acteurs
et métissage, p. 99 à 114, op. cit.

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l’antériorité de l’occupation par les ancêtres, ou sur la mise en valeur des terres vacantes
sans maître constituant une sorte de vivification des terres mortes. Dans ce système
coutumier, c’est l’indivision qui régit fréquemment la possession de la terre ; laquelle peut
appartenir nominativement à un ou plusieurs parents, et possède une destination familiale.
Le titulaire du droit de propriété coutumier est un ayant droit principal désigné comme chef
des terres, mais il a l’obligation d’affecter ou d’attribuer à ses descendants des parcelles qui
font ensuite l’objet d’une utilisation individuelle définitive ou non, en fonction de
l’importance du patrimoine foncier. Le titulaire coutumier conserve les terres et a autorité
sur lesdits fonds de terre pendant sa vie durant. Il est d’usage d’employer le terme de
« propriétaire coutumier », mais il serait plus adéquat de parler de système foncier
traditionnel ou local1312. Le propriétaire coutumier, chef des terres, contrôle donc la
répartition des droits d’usage et à seul pouvoir d’aliéner les terres. Dans ce cas, l’aliénation
n’a lieu qu’en cas d’urgence et dans le lignage1313. La gestion coutumière semble garantir à
tous un accès au foncier et une meilleure adaptation aux besoins et capacités de chacun.
Le régime foncier d’essence civiliste est fondé sur la propriété privée des sols et repose
sur l’attribution de titres de propriété par l’État. Le système de la propriété privée a été
importée par le gouvernement français au bénéfice des planteurs. À l’époque de la
colonisation agricole, en 1843, il s’agissait pour le gouvernement français de légitimer les
appropriations voire les confiscations de terres à Mayotte, dans le cadre de l’économie de
plantation1314. C’est par la notion de « domaine » que l’État français devint propriétaire
éminent de la quasi-totalité du territoire à Mayotte, et dans bien d’autres « colonies de
plantation »1315. Toutefois, des concessions furent attribuées à titre temporaire, et des
réserves indigènes (périmètres fonciers à usage collectif) furent allouées aux villages pour
la culture vivrière ; ce qui a permis la libération de terres et le contrôle des indigènes. Le
régime de l’immatriculation des terres a permis aux colons d’accéder au foncier, en

1312
BARTHES (Carole), « Effets de la régularisation foncière à Mayotte, idem.
1313
Idem.
1314
C’est le cas de la Société des Comores créée à Paris en 1845. Elle bénéficiera de 3000 hectares de
concessions à Kawéni et à Dembéni. De nombreux planteurs se voient concédés ainsi de grands domaines.
Cf. : BERTILE (Wilfrid), Mayotte à l’heure de la départementalisation, éditions L’Harmattan, Paris, 2012.
Edition numérique, emplacements 719 et s. sur 5247.
1315
BARTHES (Carole), « Effets de la régularisation foncière à Mayotte. Op cit. Il convient de rappeler que
l’économie de plantation a été à la base de la traite négrière et du système esclavagiste instauré dans les
anciennes colonies françaises. Cette économie de plantation débute par l’exploitation de la canne à sucre, puis
du coprah, du café, de la vanille et des plantes à parfum. La mise en valeur agricole des terres par les colons
est restée très limitée et n’a pas généré l’économie de comptoir escomptée. Une économie d’autosubsistance a
perduré à Mayotte, même si certains producteurs locaux ont intégré dans leurs systèmes de production certaines
cultures d’exportation.

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sécurisant juridiquement de façon quasi exclusive, définitive et inattaquable, leur propriété


foncière. En pratique les attributions étaient faites sur plans et les mutations étaient inscrites
au registre des hypothèques de la Conservation foncière. Le système du Livre foncier a
ensuite permis d’assurer l’existence juridique des terrains immatriculés. Les réserves
indigènes furent de même titrées1316.

2) Dérives et pratiques de clientélisme foncières

La pratique foncière à Mayotte généra de nombreuses dérives. La bureaucratie


spécialisée dans l’attribution et la reconnaissance des titres de propriété, très peu contrôlée
dans le processus d’attribution foncière, disposait d’un pouvoir discrétionnaire ; ce qui a
suscité des pratiques de clientélisme dans le cadre foncier moderne. Les administrateurs et
les notables locaux ont profité du système foncier au détriment des propriétaires
coutumiers1317. En réalité, très peu de Mahorais maîtrisaient ou connaissaient la procédure
d’immatriculation, à part quelques individus proches des réseaux administratifs et politiques
ayant un accès privilégié à l’information. Pour beaucoup de Mahorais, les Services centraux,
situés à Tananarive, étaient trop éloignés, et la procédure trop complexe et ou onéreuse. De
plus, l’immatriculation des terres était alors une procédure facultative, en dehors des cas
d’aliénation, de concession ou de location de terrains domaniaux. Beaucoup de Mahorais
n’avaient pas perçu l’intérêt de ces immatriculations foncières, d’autant plus que le principe
musulman de vivification des terres était toujours appliqué par une majorité d’entre eux pour
légitimer l’accession à la propriété ; légitimation qui, quoiqu’étant étrangère à la norme
légale, avait comme qualité essentielle d’être effective et dominante, du fait de l’absence de
contrôle effectif de la part de l’administration qui n’avait ni les moyens, ni intérêt à
contrecarrer les contrevenants, et du fait de l’ancrage de cette forme de légitimation dans les
pratiques foncières locales. Ainsi, la reconnaissance par la communauté de la propriété
coutumière était suffisante pour les Mahorais pour garantir leurs droits fonciers.
Ainsi, la procédure d’immatriculation foncière est restée très limitée et s’est trouvée
réduite aux grandes propriétés coloniales. Par exemple, en 1949, cette procédure concernait
57 titres de propriété pour 1933 hectares1318. C’est la loi d’autonomie interne qui va accélérer

1316
BARTHES (Carole), idem, p. 101, p. 5 du PDF, note de bas de page n° 10.
1317
BARTHES (Carole), « Effets de la régularisation foncière à Mayotte. Pluralisme, incertitude, jeux d’acteurs
et métissage », op cit. URL : http://journals.openedition.org/economierurale/2376 ; DOI :
10.4000/economierurale.2376, p. 101 et ss, et pp. 4 et ss du PDF, paragraphe 11, op. cit.
1318
Idem, pp. 102 et ss, pp. 5 et ss du PDF, § 11 et 12, op. cit.

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le processus en 19611319. De même, à la suite de la crise des cultures d’exportation, jusque


dans les années 1980, le démantèlement progressif des plantations permettra également
l’accession limitée à la propriété privée de fonctionnaires, salariés et anciens ouvriers1320.
Ce tableau fait ressortir à priori une disjonction entre le système foncier fondé sur le
droit positif porté par l’Administration et mobilisé par une minorité d’individus (colons,
élites locales, etc.), de première part, et le système foncier coutumier qui régule et légitime
les pratiques d’une majorité de Mahorais, de seconde part. Mais l’analyse des termes montre
qu’en réalité, une telle disjonction n’existe pas dans les sphères du droit coutumier et du
droit positif.
En 1996, lorsque la nouvelle politique foncière est mise en place, elle a comme objectif
la constitution d’une propriété foncière transparente, enregistrée et régulée. Cette politique
foncière intervient dans un contexte où la croissance démographique et économique risque
de faire pression sur la ressource foncière. Pour les autorités politiques, une telle réforme est
nécessaire au développement de Mayotte et à son agriculture. Pour elles, l’absence
d’immatriculation systématique des terres et l’absence corrélativement d’enregistrement des
mutations foncières sont de nature à fausser la connaissance de l’état de la propriété et de
l’occupation des terrains. Ceci empêche une bonne gestion des emprises foncières
nécessaires aux équipements et services publics. Cette donnée contrevient à une bonne
maîtrise du développement des ressources fiscales de la collectivité. De même, la
juxtaposition des différentes sources de droits sus mentionnées est considérée comme étant
potentiellement conflictuelle. Le système coutumier est jugé comme étant inapproprié pour
permettre un investissement productif et le développement du marché foncier local.
La réforme foncière de 1996 avait tout d’abord pour objectif de régulariser l’usage du
foncier et de l’inscrire dans le droit positif. Il s’agissait ensuite de contrôler le marché
foncier, puis de mettre en place des instruments facilitant la gestion des besoins fonciers des
politiques d’aménagement du territoire. Pour cela, divers outils ont été mis en place dont la
régularisation de l’occupation coutumière sur le foncier non titré présumé appartenir au
domaine privé de la collectivité. L’objectif était d’intégrer la propriété coutumière dans le
droit positif par une formalisation complète et systématique des droits fonciers sur les terres ;
le tout, sous réserve des droits existants des occupants sur le « présumé domanial »1321.
Dans la pratique, il existe un décalage entre l’identification des parcelles selon les

1319
BARTHES (Carole), , pp. 102 et ss, pp. 5 et ss du PDF, § 11 et 12, op. cit.
1320
BARTHES (Carole), pp. 102 et ss, paragraphe 15, et pp. 5 et ss du PDF, op. cit.
1321
Idem.

376
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

techniques du droit positif et l’identité des propriétaires reconnues par l’administration,


d’une part, l’occupation effective des parcelles concernées et l’identité des propriétaires telle
qu’elle est reconnue par la communauté, d’autre part1322.
Dans de nombreuses familles, le patrimoine foncier englobe les terres relevant de
diverses formes d’appropriations1323. Ces droits sont toutefois reconnus dans leur légitimité
du fait de l’absence de conflit ou de la reconnaissance sociale locale, en raison de leur mise
en valeur par l’occupant ou de l’existence de toute autre stratégie foncière d’utilisation des
sols, et enfin en raison de l’exploitation de longue date caractérisée par une occupation
trentenaire ou une mise en valeur personnelle de dix ans, évaluée par la plantation d’arbres ;
le tout, afin d’éviter les réflexes opportunistes. Il s’agit de trois critères de reconnaissance
de la légitimité des droits fonciers des occupants.
En procédant à la transcription des droits fonciers coutumiers sur un registre, le but est
de généraliser les titres de propriété privée. Lors de cette formalité, le propriétaire coutumier
ne paie que les frais liés au bornage du terrain et à l’enregistrement de son titre de propriété.
Corrélativement, la mise en place d’un Cadastre a pour but de permettre l’identification de
l’ensemble des propriétaires : ceux reconnus par l’État, et ceux coutumiers. Le système du
Cadastre a également pour objectif de connaître l’état d’occupation réelle des terrains et vise
à constituer une base potentielle de taxation foncière. Dans le système foncier français, les
titres de propriété sont rendus opposables aux tiers par la publicité foncière, le premier titre
publié fait foi, même s’il est postérieur. La sécurité foncière tire sa source de ce
fonctionnement.
Le bilan des assises foncières des 25 et 26 novembre 2009 à Mayotte montre l’urgence
d’achever la régularisation foncière pour favoriser la fiscalité locale dès 2014. Créée par
l’ordonnance du 31 mai 20121324, l’ASP1325 a un rôle d’opérateur foncier et de SAFER ; ce

1322
En effet, de nombreux propriétaires coutumiers cultivent des parcelles qui n’ont pas fait l’objet d’une
immatriculation et qui sont donc présumées domaniales. Ils sont alors considérés comme « présumés
propriétaires » par l’administration à certaines conditions. D’autres valorisent des terrains qui ont fait l’objet
d’une immatriculation, dont ils peuvent être considérés comme propriétaires en raison de l’existence d’un titre
établi au nom de leur ancêtre (sous réserve du règlement de la succession de cet ancêtre), ou dont ils sont
locataires auprès de la collectivité. Dans ce dernier cas, les locataires puis leurs descendants après eux, se
considèrent comme propriétaires, la location étant perçue comme une forme d’acquisition.
1323
Propriété coutumière au sens strict, location assimilée à la propriété par les occupants, appropriation de fait
de terres appartenant en droit à la collectivité ou à un particulier.
1324
Ordonnance n°2012-789 du 31 mai 2012 portant extension du code rural et de la pêche maritime (CRPM).
1325
Agence de services et de paiement mentionnée à l'article L. 313-1, exerçant, à Mayotte, les missions
confiées aux sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) en application du titre IV du
présent livre, et en particulier l'exercice du droit de préemption ; ceci en vertu de l’article L182-25 du CRPM.

377
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

qui implique un financement lourd1326.


À Mayotte, la réforme foncière et la régularisation foncière ont rendu
l’immatriculation et l’inscription de droits réels transmis ou constitués sur le foncier,
obligatoires pour les personnes physiques et morales, mais l’absence de prise en compte
concrète par le législateur de ses interactions avec le droit coutumier préexistant a
complexifié les processus de régularisation foncière.

CONCLUSION DU CHAPITRE

La régularisation foncière repose sur des interactions entre les pouvoirs publics, les
acteurs locaux, et les occupants sans titre eux-mêmes. Il s’agit d’un processus qui met en
avant la capacité des acteurs locaux et des populations à s’approprier les institutions. La
faculté d’adaptation du système foncier local est visible à travers les pratiques foncières
d’appropriation et de sécurisation mises en place, démontrant ainsi que les individus ne sont
pas des récepteurs passifs d’institutions nouvelles, mais sont en mesure de se les
réapproprier, pour en construire de nouvelles.
Ainsi, la régularisation foncière opérée, n’a pas permis de mettre définitivement fin à
l’occupation sans titre outre-mer, malgré l’importance des moyens mis en œuvre. Elle a
toutefois mis en lumière les pratiques foncières coutumières et celles sui generis pouvant
être mises à profit.
Les raisons et justifications de cet inaboutissement de la régularisation foncière ont été
analysées en amont et ont démontré la nécessité de la mise en place de procédures de
régularisation foncière plus homogènes, plus pérennes et plus adaptées aux réalités locales,
dans le respect de la dignité de la personne humaine et des droits coutumiers préexistants.
Certains auteurs ont dénoncé l’omnipotence du droit de propriété de l’État sur le
domaine public outre-mer, par rapport à celui des collectivités territoriales, mentionnant une
gestion « jalouse et stérile »1327. Cela pourrait conduire à déduire, qu’en définitive, le droit
positif de la régularisation foncière applicable au domaine public et privé, ainsi qu’à la
propriété privée, tel qu’il existe actuellement, est le droit du « vainqueur historique ». Mais,
il s’agirait d’avantage d’une gestion autoritaire, à moyens inégaux.

1326
LAZERGES (Roland), Mise en œuvre de l’aménagement foncier à Mayotte, Rapport n° 12129, 5 novembre
2012, Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), pp. 11 et s.
1327
CHARMARD-HEIM (C.), in MOHAMED SOILIHI (Thani), rapporteur coordinateur, GUERRIAU (Joël),
LARCHER (Serge), PATIENT (Georges), rapporteurs, « Domaines public et privé de l’État outre-mer, 30
propositions pour mettre fin à une gestion jalouse et stérile », rapport d’information du Sénat n° 538, enregistré
à la Présidence du Sénat le 18 juin 2015. Publié en ligne : http://www.senat.fr/rap/r14-538/r14-5381.pdf.

378
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

CONCLUSION DU TITRE

L’étude de la régularisation foncière de l’occupation sans titre du domaine privé dans


les collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution, et particulièrement du domaine
privé communal, à titre d’exemple, et du domaine privé de l’Etat, a permis d’opposer les
initiatives locales de régularisation foncière opérées dans les collectivités de droit commun
et particulièrement dans les communes, à la régularisation foncière d’origine législative
opérée sur le domaine privé de l’Etat. L’étude des formes prises par la régularisation foncière
de l’occupation sans titre du domaine privé des collectivités de droit commun,
particulièrement du domaine privé communal, a mis en exergue des procédures originelles
alternatives à la cession, puis des procédures contemporaines sui generis axées sur la cession
et inspirées de celles de l’Etat. Parallèlement, l’étude des dispositifs de régularisation
foncière de l’occupation du domaine privé de l’Etat a mis en exergue des procédures
favorisant le titrement ou la valorisation du domaine privé de l’Etat outre-mer, en mettant
l’accent sur les dispositifs particuliers spécifiques à la Guyane et à Mayotte.
Toutefois, l’analyse desdites procédures a permis de constater que celles sui generis
de titrement mises en place dans le domaine privé local, notamment communal, sont
susceptibles de générer du contentieux, en raison de leur défaut de base légale suffisante et
d’une carence de leur encadrement légal. D’un autre côté, l’analyse des procédures mises en
place dans le domaine privé de l’Etat a révélé des obstacles à la régularisation foncière, l’Etat
y apparaissant, notamment en Guyane, en propriétaire foncier omnipotent et contesté outre-
mer, pratiquant une logique de substitution plutôt de compromis, notamment à Mayotte.

379
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE : UNE RÉGULARISATION


FONCIÈRE INACHEVÉE, À MOYENS INÉGAUX, LAISSANT PERDURER
L’OCCUPATION SANS TITRE OUTRE-MER

Le choix d’une politique de régularisation foncière positive, bien qu’ayant permis à de


nombreux occupants sans titre d’accéder au statut de propriétaire, n’a pas empêché la
persistance de l’occupation sans titre dans les collectivités territoriales situées outre-mer
relevant de l’article 73 de la Constitution.
Les procédures mises en œuvre demeurent inachevées, tant d’un point de vue
quantitatif1328, car de nombreuses occupations sans titre sont encore en attente de
régularisation, que d’un point de vue qualitatif dans la mesure où de nombreuses procédures
mises en œuvre sont limitées dans le temps, dans l’espace et présentent des carences. Il existe
des obstacles tant juridiques que politiques et pratiques aux opérations de régularisation
foncière. Ainsi, au Brésil, où la régularisation foncière a été instituée comme programme
national, Rafael SOARES GONÇALVES fait des constats alarmants : peu de titres de
propriété ont été délivrés1329. À Rio de Janeiro par exemple, seuls 1779 titres ont été
enregistrés au cadastre par des actions indirectes. Seuls 31 titres ont été directement accordés
par le programme, dont aucun n’a été formalisé par acte notarié1330.
Dans la zone des cinquante pas géométriques, la législation issue de la loi du 30
décembre 1996 a permis de procéder à des régularisations foncières, mais de nombreux titres
restent encore à délivrer, des dossiers de régularisation foncière restent encore en suspens
pour cause d’indivision ou en raison d’obstacles divers, et certains occupants sans titre, non
régularisables, demeurent en attente de relogement.
Ainsi, l’Etat a procédé à la délivrance de huit cent dix (810) actes de propriété dans les
parties urbanisées et d’urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas géométriques de
Guadeloupe1331. Le directeur de l’agence des 50 pas géométriques de Martinique énonce que
pour un volume de 15000 occupations sans titre en Martinique, environ 10000 ont été
régularisées sous une forme ou une autre, au titre de plusieurs législations différentes, et

1328
C’est la préoccupation la plus importante du politique.
1329
Cf. SOARES GONÇALVES (Rafael), « Quelles régularisations foncières pour les villes brésiliennes ?
Défis et obstacles », Métropolitiques, 9 mai 2016. URL : https://www.metropolitiques.eu/Quelle-
regularisation-foncière.html.
1330
Cf. SOARES GONÇALVES (Rafael), Favelas de Rio de Janeiro, Historia e Direito, Rio de Janeiro :
Editors Pallas, 2013, p. 378, cité dans : SOARES GONÇALVES (R.), « Quelles régularisations foncières pour
les villes brésiliennes ? Défis et obstacles », Métropolitiques, op. cit.
1331
Contribution écrite de Myriam ROCH-BERGOPSOM, Directrice de l’Agence des 50 pas géométriques de
Guadeloupe, du 08 août 2019.

380
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

environ 5000 restent à régulariser1332. Les deux tiers des occupants seraient donc propriétaires
du sol, tous moyens de régularisation foncière confondus. Or, il reste beaucoup à faire en
termes d’équipements. Le rapport d’activité 2017 de l’Agence de 50 pas géométriques de
Martinique, mentionne un total de mille quarante-cinq titres (1045) titres1333 émis pour les
années 2010 à 2017, dont cent quatre-vingt-un (181) au titre de la « loi littoral » de 1986, et
864 au titre de la loi du 30 décembre 19961334.
Dans le domaine privé des communes, l’exemple de la commune de Fort-de-France,
qui peut apparaître comme pionnière en la matière, peut être cité. À ce jour, près de mille
(1000) titres de propriété (actes) ont été délivrés par la commune de Fort-de-France aux
occupants de son domaine privé communal, entre 1998 et la date des présentes, sur environ
trois mille titres à délivrer1335.
Mais de nouvelles occupations sans titre voient régulièrement le jour1336. D’où, le
constat d’une régularisation foncière inachevée et inefficiente.
L’examen des procédures de régularisation foncière a démontré une volonté politique
de favoriser l’accession à la propriété foncière des occupants sans titre, par la délivrance à
leur profit ou au profit de leurs ayants droit ou ayants cause, par l’État et les communes
notamment, d’un titre de propriété, le statut de propriétaire étant plus protecteur.
Toutefois, les critères retenus, les conditions exigées, ainsi que les limites temporelles
et juridiques de ces opérations de régularisation foncière, en ont fait des opérations, certes
nécessaires, mais parfois soumises à une forme d’opportunisme politique. De plus, cette
volonté politique de régularisation foncière n’est pas suffisante, pour certaines communes
disposant de peu de moyens juridiques, matériels et humains.
En outre, toute situation d’occupation illégale n’est pas bonne à régulariser, et dans
certains cas1337, les autorités procèdent à des opérations de démolitions massives1338. À

1332
Entretien avec Hervé EMONIDES, directeur de l’Agence des 50 pas Martinique, du 28 décembre 2018.
1333
Sans autre précision.
1334
Cf. tableau chiffré des régularisations foncières figurant dans le rapport d’activités 2017 de l’Agence des
50 pas géométriques de Martinique. En ligne : https://agence50pas972.org/publications/.
1335
Chiffres recueillis dans le cadre la régularisation foncière menée par la commune de Fort-de-France dans
son domaine privé. Le service rédaction d’actes et assistance juridique assure la rédaction et le suivi des
signatures des titres de propriété.
1336
Constats fait par les agences des 50 pas géométriques, et dans le cadre de mes missions en tant que
responsable du service rédaction d’actes et assistance juridique de la Ville de Fort-de-France, en charge de la
rédaction des titres de propriété délivrés par la commune aux occupants de son domaine privé.
1337
Pour raison de protection de l’environnement, ou en présence de risques naturels ou technologiques.
1338
Ex. : Journal télévisé de Martinique 1ère du 15 septembre 2016 : évacuation en Guyane, avec destruction
de constructions illégales. Toutes les personnes n’ont pas pu être recensées. Certaines familles feront l’objet
d’un relogement à titre transitoire. D’autres, celles installées en totale illégalité : seront seulement évacuées
sans autre forme de relogement. Ces terrains étaient vraisemblablement situés en zone dangereuse.

381
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

contrario, certaines occupations sans titre peuvent être « de bonne foi »1339, notamment
lorsque c’est le propriétaire lui-même qui a encouragé l’occupation1340, ou en conformité
avec les coutumes ou le droit local, comme c’est le cas en Guyane et à Mayotte notamment.
Dans ces cas, la régularisation foncière par délivrance d’un titre de propriété est rendue plus
complexe1341, quand bien même elle serait nécessaire. Nombre de procédures de
régularisation foncière n’ont pas produit les résultats escomptés.
À propos de la zone des cinquante pas géométriques, son caractère archaïque et
anachronique est pointé du doigt. À cet égard, le professeur Jacques LARRIEU, fait
remarquer que « les siècles ont passé, mais l’institution subsiste encore » dans ces régions,
« alors que le souvenir de la piraterie s’y est effacé depuis longtemps »1342. Bien que la
référence du professeur LARRIEU à « nos colonies d’Amérique » soit une expression qui
serait de nature à interpeller certains chercheurs outre-mer, la question de l’opportunité de
conserver ou pas la zone des cinquante pas géométriques outre-mer se pose véritablement.
Concernant la Martinique et la Guadeloupe, le professeur LARRIEU avait déjà fait
remarquer que la domanialité publique de la zone est devenue une fiction1343.
L’Etat a répondu partiellement à ces problématiques, par la « loi ADOM » du 14
octobre 2015, qui prévoit le transfert à la collectivité territoriale de Martinique et à la région
de Guadeloupe des parties urbaines et des secteurs occupés par une urbanisation diffuse de
la zone des cinquante pas géométriques. Ce faisant, il confère aux dites collectivités la
gouvernance foncière de ces secteurs, mais aussi la responsabilité de leur régularisation
foncière, sans tous les moyens financiers, juridiques et humains y afférents1344.
En définitive, les procédures de régularisation foncière instituées dans les collectivités
territoriales de l’article 73 de la Constitution, se révèlent bien souvent inadaptées aux
spécificités locales. L’application du principe de l’identité législative a montré en la matière
ses limites, car ce qui est valable pour La Réunion, ne l’est pas forcément pour la Guadeloupe
et la Martinique, et encore moins pour la Guyane dotée de spécificités foncières liées à sa

1339
MATHIEU (Michel), Jurisclasseur formulaire notarial, Propriété, fasc. 10. En réalité, « la bonne ou
mauvaise foi du constructeur n’a d’incidence qu’en cas de suppression des constructions ».
1340
Cas des premières occupations à Trénelle encouragées par Aimé CESAIRE, alors maire de Fort-de-France,
pour des raisons sociales.
1341
Ainsi, à Mayotte, le risque maximum est alors celui d’une régularisation foncière par titrement qui vienne
accorder des droits réels opposables à une personne qui, en droit local, ne serait pas le véritable bénéficiaire.
Ce serait le cas de certains français se portant acquéreur de vastes propriétés foncières à Mayotte.
1342
LARRIEU (Jacques), Le changement de statut de la zone des « 50 pas du Roi » dans les D.O.M., Les
Petites affiches, 12 décembre 1997, n° 149, page 8, ID : PA199712128.
1343
LARRIEU (J.), Le changement de statut de la zone des « 50 pas du Roi » dans les D.O.M., op cit.
1344
Avis partagé par les directeurs des agences des 50 pas géométriques.

382
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population multiculturelle, et pour Mayotte caractérisée par un droit local musulman. Ces
deux dernières collectivités, marquées par les pratiques coutumières d’un droit de propriété
collectif1345, élaborent des pratiques qui combinent des contraintes institutionnelles nouvelles
avec les anciennes coutumes ou pratiques qui divergent du système civiliste de la propriété
individuelle.
En outre, les procédures de régularisation foncière proposées par l’Etat et les
collectivités territoriales de proximité ne sont pas toujours négociées entre les parties. Elles
résultent, pour le domaine de l’Etat, de règles mises en place par le législateur, qui peuvent,
à tort ou à raison, aboutir à déposséder un individu ou une famille de titres de propriété
détenus depuis de nombreuses décennies. Ces règles peuvent aussi contrevenir à des
pratiques ancestrales, ou encore laisser peu de place aux accords amiables avec les
communautés d’habitants, qui revendiquent la légitimité de leur occupation.
Les procédures de régularisation foncière obéissent également, s’agissant du domaine
privé communal ou de celui des collectivités territoriales en général, à des règles mises en
place par décisions de leurs organes délibérants, fixant unilatéralement les conditions de la
régularisation de tel ou tel quartier, et créant parfois des inégalités de traitement.
En effet, le droit positif révèle, aux côtés des procédures de régularisation foncière
mises en place par l’Etat dans la zone des cinquante pas géométriques, des procédures
voisines, mises en place par certaines communes outre-mer. Toutefois certaines d’entre elles
n’ont pas les moyens d’une régularisation foncière sur leur domaine privé. En outre, lesdites
collectivités locales de proximité se trouvent confrontées à un manque de moyens humains,
financiers et législatifs, en l’absence de dispositifs spéciaux prévus.
Tous ces constats révèlent un kaléidoscope de mesures différenciées, voire
contradictoires ou discrétionnaires, entraînant à terme une rupture de l’égalité de traitement
entre les occupants de domaines différents. Ils donnent la vision d’une régularisation
foncière à moyen inégaux tant vis-à-vis des personnes publiques qui les mettent en œuvre,
que vis-à-vis des occupants sans titre eux-mêmes.
Néanmoins, toutes les réflexions effectuées en amont, démontrent que la régularisation
foncière par titrement outre-mer n’est pas la légitimation d’une atteinte portée au droit de
propriété des personnes publiques outre-mer. Son bien-fondé est démontré dans les
développements qui précèdent. Toutefois, s’agissant de sa légitimité juridique, il est essentiel
de constater que les moyens de la régularisation foncière sont inégaux, d’une collectivité à

1345
Dont la valeur n’est pas moindre.

383
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

l’autre, d’une personne publique à l’autre et, eu égard aux constats effectués en amont,
inappropriés pour répondre de manière définitive à l’objectif du législateur de juguler
l’occupation sans titre outre-mer.
Il est donc nécessaire de passer d’une régularisation foncière à moyens inégaux,
compte tenu de ce qui sus dit, à une régularisation foncière d’intérêt public. Cette dernière
ferait l’objet d’un encadrement juridique fondé sur le respect de la dignité de la personne
humaine et de ses corollaires que sont le droit au logement et à un habitat digne, et sur le
respect de la hiérarchie des normes, et d’autres principe juridiques éprouvés, tout en
favorisant une gouvernance locale de la régularisation foncière, par l’instauration d’un
véritable droit adapté.
Le défi serait d’ériger, pour les collectivités territoriales de l’article 73 de la
Constitution, un cadre juridique commun et homogène de régularisation foncière, tenant
néanmoins compte des spécificités locales. Même s’il est évident que le statut juridique des
collectivités territoriales outre-mer est amené à évoluer au fil du temps, le résultat de toute
recherche sur l’occupation sans titre et la régularisation foncière est constitutif d’une plus-
value, s’il favorise la recherche de réponses pérennes.
L’émergence d’une régularisation foncière d’intérêt public, fondée notamment sur le
respect du droit à la dignité de la personne humaine, constitue une limite nécessaire et
acceptable au droit de propriété. Cela sera mis en œuvre notamment, par un encadrement
des procédures de régularisation foncière amiables, une adaptation de la trop lourde
procédure d’expropriation à la régularisation foncière eu égard à l’utilité publique de
certaines opérations, un ajustement du droit aux réalités locales outre-mer, la promotion
d’une gouvernance foncière locale, et en définitif, par la mise en place d’un véritable droit
de la régularisation foncière outre-mer.
Il y a donc une exigence à passer d’une régularisation foncière à moyens inégaux, à un
véritable droit de la régularisation foncière d’intérêt public outre-mer (Deuxième Partie)

384
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
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DEUXIÈME PARTIE :
D’UNE RÉGULARISATION
FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX
À UNE RÉGULARISATION
FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC

D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Nécessaire et légitime, la régularisation foncière positive outre-mer ne saurait toutefois


légitimer la violation du droit de propriété des personnes publiques outre-mer. Les
développements qui précèdent démontrent qu’elle est fondée sur l’intérêt général, l’ordre
public et la sauvegarde de la dignité humaine. Il convient de passer d’une régularisation
foncière à moyens inégaux, à une régularisation foncière d’intérêt public.
La régularisation foncière outre-mer peut être qualifiée de régularisation foncière à
plusieurs vitesses ou à moyens inégaux, quand elle met en œuvre des traitements inégaux,
des dispositifs juridiques1346 et moyens inégaux, entre des personnes publiques qui devraient
être traitées de manière égale et bénéficier de moyens d’actions égaux, similaires ou
équivalents, pour juguler l’occupation sans titre de leurs domaines public et privé, au sein
de la République française.
De même que les collectivités territoriales outre-mer sont à géométrie variables1347, la
régularisation foncière est à géométrie variable, compte tenu des spécificités propres à
chacune d’entre elles, dont certaines ont été exposées ci-dessus1348. Toutefois, elle ne doit
pas être à moyens inégaux, dans la mesure où il s’agit d’une problématique d’intérêt public.
En droit, le terme « géométrie variable » évoque à la fois un traitement différencié qui
peut être tout à fait objectif en fonction des particularismes locaux, mais peut aussi évoquer
un traitement « à la carte » eu égard aux inégalités et disparités, ou un traitement à plusieurs
vitesses faisant référence à des moyens inégaux pour faire face à une situation donnée.
Dans le cadre de la régularisation foncière outre-mer, il est plus approprié de dire que
celle-ci est à outils ou moyens inégaux. En effet, ces moyens divergent selon les personnes
publiques qui en sont à l’origine (disparités de budgets, de moyens, défaut de base légale
pour les procédures mises en place par certaines d’entre elles, etc.), d’une personne publique
à l’autre, d’une commune à l’autre, d’un quartier à l’autre, et des décisions du législateur lui-
même, qui prévoit des dispositifs spéciaux pour l’une1349, alors que d’autres personnes
publiques sont confrontées à l’absence de dispositif législatif spécial1350. Cette situation

1346
Ou l’absence de dispositifs juridiques adaptés.
1347
MELIN-SOUCRAMANIEN (Ferdinand), Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 35, Dossier :
« La Constitution et l’outre-mer, Les Collectivités territoriales régies par l’article 73, avril 2012. En ligne :
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/nouveaux-cahiers-du-conseil/cahier-n-
35/les-collectivites-territoriales-regies-par-l-article-73.105479.html
1348
Le terme « géométrie variable » fait référence à un mode différencié (dans un sens objectif), à un traitement
« à la carte » (dans un sens plus subjectif péjoratif), ou un mode « à plusieurs vitesses ». Une Europe à
géométrie variable est une Europe où le mode d’intégration est différencié, justifiant une séparation permanente
entre un groupe d’États membres intégrés et des ensembles moins développés et intégrés. Cf. :
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/europe-a-geometrie-variable-a-la-carte-a-plusieurs-vitesses.
1349
L’Etat pour la régularisation foncière de l’occupation de la zone des cinquante pas géométriques.
1350
Les collectivités territoriales de droit commun, et particulièrement les communes outre-mer.

386
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

entraîne des inégalités de traitement entre les occupants sans titre d’une même collectivité
ou de collectivités différentes, et mérite d’être rectifiée.
Pour régulariser l’occupation dans les collectivités de l’article 73 de la Constitution,
la multiplication de procédures hétéroclites n’est donc pas opérante et n’a pas donné tous les
résultats escomptés. L’État n’a pas jugulé l’occupation sans titre dans la zone des cinquante
pas géométriques, en dépit des atouts et avancées1351. De plus, les procédures mises en place
par le législateur pour juguler cette occupation sans titre du domaine de l’Etat, ne sont pas
toujours adaptées aux réalités locales1352.
Parallèlement, les autres personnes publiques locales (notamment les communes), sont
loin des résultats attendus1353, malgré un nombre croissant de titres délivrés1354. Les
procédures mises en place dans le domaine privé des collectivités territoriales varient dans
leurs conditions de mise en œuvre, selon les quartiers, les communes concernées et les
politiques priorisées. Elles relèvent d’un kaléidoscope de mesures multifactorielles et
politiques. Leur opportunité dépend des moyens financiers, juridiques et humains des
personnes publiques locales, et de circonstances de fait inhérentes aux occupants1355, et des
priorités politiques.
Les personnes publiques outre-mer, ne cessent de rechercher les moyens d’accélérer
leurs procédures de régularisation foncière, afin d’éradiquer l’occupation sans titre, qu’elles
ont souvent laissé elles-mêmes s’installer pour des raisons sociales ou/et politiques. De
nombreuses procédures de régularisation foncière relèvent d’une volonté quasi-
discrétionnaire des personnes publiques1356.
Le droit positif et les rappels historiques permettent de constater que l’occupation sans

1351
À la date du 08 décembre 2016, Murièle CIDALISE-MONTAISE, cadre à la DEAL de Martinique à cette
date, fait état d’un volume de 400 dossiers environ traités par an, mais non aboutis. Elle dénombre un volume
de 13000 à 15000 occupants sans titre dans la zone des 50 pas géométriques. Près de 60 % des dossiers ont été
analysés en commissions, mais il y a un volume très faible de cessions abouties à la date sus dite. Les
commissions sont au nombre de trois par mois, au moins, soit deux commissions techniques et une commission
interservices. Madame CIDALISE-MONTAISE évoque des cas de refus d’acquérir pour les raisons suivantes :
erreur sur la personne devant acquérir, problèmes d’indivision, personnes ayant construit dans des zones à très
forts risques littoraux (zones rouges). Elle a également constaté l’existence de prescriptions trentenaires sur le
domaine privé de l’Etat.
1352
Par exemple, seuls les titres présentés dans les courts délais requis ont pu être examinés par la commission
de vérification des titres.
1353
La commune de Fort-de-France dénombre environ 3000 occupants à régulariser (voir France-Antilles
Martinique du 23 décembre 2017). Certaines de ces parcelles ont déjà fait l’objet d’une régularisation foncière
temporaire par bail, et doivent faire l’objet d’une régularisation foncière définitive par cession à titre onéreux.
1354
La régularisation foncière menée sur la commune de Fort-de-France a déjà permis la délivrance de près
d’un millier de titres de propriété.
1355
Indivision, mésentente, défaut de paiement du prix de cession, même faible, etc.
1356
Régularisation foncière menée sur tel quartier plutôt que tel autre, en raison de considérations à dominantes
politiques.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

titre outre-mer constitue, du moins en partie, une séquelle de la colonisation et de ses


suites1357. Comme toute séquelle, elle met du temps à se résorber, et les moyens pour la
juguler doivent être adaptés à ce constat. Ce constat concerne toutes les couches des sociétés
postcoloniales d’outre-mer puisque l’occupation sans titre est le fait de personnes de toutes
origines sociales, de collectivités locales, et même de l’Etat. On serait tenté de dire que
l’occupation sans titre constituerait une forme de réminiscence du système colonial1358. Mais
cette analyse requiert des recherches plus ciblées. Cette situation, renforcée par l’auto-
viabilisation des quartiers occupés, conduit certains occupants à solliciter une diminution
drastique du prix de vente ou à revendiquer la cession gratuite du foncier occupé.
Dans la même dynamique de pensée, on observe que l’occupation sans titre constitue
l’un des symptômes d’un défaut de réparation suffisante du traumatisme lié au système
colonial. L’occupation sans titre outre-mer apparaîtrait alors comme une forme
d’autoréparation inaboutie. La régularisation foncière apparaîtrait alors comme une forme
de réparation indirecte de la part des pouvoirs locaux. Certains évoquent des réparations en
argent, en redistribution de terres, ou sous d’autres formes1359. Mais cette thématique exige
une recherche approfondie et distincte qui n’est pas abordée dans le cadre de la présente
thèse1360.
Comme indiqué précédemment, les personnes publiques consentent assez facilement
à la régularisation foncière positive, en dépit de l’atteinte portée à leur droit de propriété par
l’occupation sans titre. La régularisation va plus loin qu’une simple réparation
administrative, juridique et foncière. Il y a parallèlement un accompagnement des familles,
une « éducation à la propriété foncière », et une forme de reconnaissance d’un « droit à la
terre » ou d’un « droit à la ville », en dépit de l’illégalité foncière. Elle a une visée sociale et
humaniste, puisqu’elle englobe la lutte contre l’habitat indigne et insalubre, et est vectrice
du droit à un logement décent, tout en contribuant à la dignité de la personne humaine.
Les développements effectués en amont démontrent qu’il est donc nécessaire de passer
d’une régularisation foncière à moyens inégaux à une régularisation d’intérêt public.
L’intérêt public est l’un des critères qui permet aux communes de faire jouer la clause de

1357
Les mouvements de revendications de terres et de réparations s’affirment de plus en plus. C’est le cas du
MIR (Mouvement international pour les réparations) qui s’exprime outre-mer, dans l’hexagone et ailleurs sous
forme d’associations de type « loi 1901 » (MIR France, MIR Martinique, MIR Guadeloupe).
1358
Cela explique pourquoi certains occupants refusent de régulariser leur situation, préférant laisser perdurer
une occupation sans titre qu’ils estiment légitime.
1359
C’est le cas du MIR (Mouvement international pour les réparations).
1360
Une requête a été déposée par Eli DOMOTA et l’association « COSE » afin d’obtenir réparation,
notamment par une redistribution des terres.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

compétence générale pour mettre en place des politiques publiques adaptées.


L’intérêt public est une notion large en lien avec la notion de bien commun, de bien
public, d’intérêt général et d’utilité publique. Elle n’est pas définie dans le lexique des termes
juridiques1361, mais de nombreux auteurs y font référence au titre de l’intérêt général 1362qui
est la justification de l’intervention publique et de ses modalités exorbitantes d’intervention.
L’intérêt public est défini par Gérard CORNU comme étant l’intérêt général1363, c’est-à-dire
ce qui est le bien public, l’avantage de tous. Ce même auteur renvoie au terme d’utilité
publique. De son côté Pierre MOOR définit l’intérêt public comme étant un principe qui
sous-tend l’action de l’administration puisque l’intérêt public est une condition nécessaire à
toute intervention de la collectivité1364. Il s’oppose aux intérêts privés. Cet auteur rappelle
que dans la pratique, la présence d’un intérêt public suffisant est opératoire dans l’examen
de la restriction d’un droit fondamental1365. Par ailleurs, le juge des référés se réfère à la
notion d’intérêt public consistant à assurer « la sécurité des étudiants […] », pour éviter la
suspension d’une circulaire1366, démontrant l’étendue de cette notion de bien commun et de
l’urgence qu’elle sous-tend.
La notion d’ « intérêt public local » est exprimée à l’article L2121-29 du CGCT, qui
énonce dans son premier alinéa que « le conseil municipal règle par ses délibérations les
affaires de la commune », et dans son dernier alinéa que « le conseil municipal émet des
vœux sur tous les objets d’intérêt local ». Les communes peuvent donc conduire les
politiques publiques qu’elles jugent conformes à « l’intérêt public local ».
L’utilité publique est la qualité reconnue à une institution ou à une opération, en
considération de l’intérêt qui s’y attache pour le bien public, par une déclaration officielle
de l’autorité publique, et qui entraîne l’application d’un régime juridique plus ou moins

1361
Lexique des termes juridiques, op cit., Edition 2017-2018.
1362
Voir CHRETIEN (Patrice), CHIFFLOT (Nicolas) et TOURBE (Maxime), Droit administratif, Dalloz Sirey
(Paris), 16e édition, 2018-2019, emplacement 17271 sur 41642 de l’édition numérique. L’auteur y relate la
position de la jurisprudence (CE, ass., 26 juin 1965, Société du vélodrome du Parc des Princes ; RDP
1965.1185) qui confirme que les clauses exorbitantes de droit commun expriment la présence de l’intérêt
général dans une convention, dans la mesure où leur insertion se justifie par des préoccupations d’intérêt public,
étrangères aux personnes privées qui contractent entre elles.
1363
CORNU (Gérard), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Éditions PUF, 2007, p. 506. Il est
étonnant de constater qu’aucune définition de ce terme n’est proposée par le « Lexique des termes juridiques ».
1364
MOOR (Pierre), « Chapitre IV. Intérêts publics et intérêts privés », dans : , Pour une théorie micropolitique
du droit. sous la direction de Moor Pierre. Paris cedex 14, Presses Universitaires de France, « Les voies du
droit », 2005, p. 83-115. URL : https://www.cairn.info/pour-une-theorie-microp2130543688-page-83.htm.
1365
Idem. C’est le cas du droit de propriété.
1366
CE, ord., 2 juin 2017, Association SOS Éducation, Association Promotion et Défense des étudiants, n°
410562, AJDA 2017.1619, note GLINIASTY (J.), cité dans CHRETIEN (P.) et ss, op cit.,

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

exorbitant du droit commun1367. Dans cette acception, c’est surtout en matière


d’expropriation qu’il est utilisé1368.
Mais surtout, l’intérêt public ajoute au droit public ce que l’intérêt général fonde en
droit privé, et au droit en général. L’intérêt public est à l’origine des grands services publics
et tend à remplacer l’utilité publique. L’intérêt public sous-tend le principe d’égalité, puisque
l’article 1er de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 énonce que : « Les
hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent
être fondées que sur l'utilité commune ». L’article 6 de la DDHC, qui dispose que « la loi
doit être la même pour tous », fait partie du bloc de constitutionnalité depuis la décision du
Conseil constitutionnel du 16 juillet 19711369. Le Conseil d’Etat de son côté, reconnaît le
principe d’égalité comme « principe général du droit »1370. Issu du Contrat social de Jean-
Jacques Rousseau, le principe d’égalité est un droit fondamental qui identifie l’Homme, et
qui constitue une manifestation voire un substitut de la dignité de la personne humaine dont
la consécration1371 est tardive1372. Laquelle égalité ne peut être rompue que pour l’utilité
commune ou l’intérêt public.
Se pose la question de l’intérêt public comme limite au droit de propriété, et comme
fondement à un objectif d’égalité : l’égalité des moyens de régularisation foncière entre les
différentes personnes publiques, par la mise en place par le législateur, de dispositifs de
régularisation foncière similaires ou équivalent, à disposition des collectivités territoriales et
notamment des communes, départements et régions, et non pas seulement au profit de l’Etat.
La question de l’égalité de traitement entre les administrés se trouvant dans une

1367
Ainsi, l’absence en besoin de logements dans une commune, peut être regardée comme faisant perdre à une
opération de lotissement son caractère d’utilité publique. Cf. CE, 17 décembre 1980, 18403, Préfet de Saône-
et-Loire, 6/2SSR : https://www.doctrine.fr/d/CE/1980/CEW:FR:CESSR:1980:18403.19801217. En l’espèce,
le Conseil d’Etat a considéré que la création d’un lotissement de trois maisons individuelles dans la commune
de Marly-sous-Issy, ne pouvait être regardée comme répondant à un but d’utilité publique, et que le ministre
de l’intérieur n’était pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif
de Dijon a annulé l’arrêté préfectoral du 20 février 1978 déclarant d’utilité publique l’acquisition des terrains
concernés par la commune. Par cet arrêt, le Conseil d’Etat a annulé par voie de conséquence, l’arrêté préfectoral
prononçant la cessibilité des parcelles.
1368
CORNU (Gérard), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Éditions PUF, 2007, p. 949.
1369
CC n° 71-44 DC, 16 juillet 1971, « Liberté d’association », D. 1974. 83, Chron. HAMON ; AJDA 1971.
537, note RIVERO. Le Conseil constitutionnel s’est érigé en protecteur des droits et libertés des citoyens et en
garant de l’État de droit depuis cette décision fondatrice. En effet, cette décision consacre la valeur
constitutionnelle du préambule de la Constitution de 1958, qui renvoie au préambule de la Constitution de
1946 et à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
1370
CE, section, 09 mars 1951, « Société des concerts du conservatoire », Rec. Lebon, p. 151.
1371
CC n° 94-343/344 DC, 27 juillet 1994, « Bioéthique ».
1372
LEVADE (Anne), « Discrimination positive et principe d'égalité en droit français », Pouvoirs, 2004/4 (n°
111), p. 55-71. DOI : 10.3917/pouv.111.0055. URL : https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2004-4-page-
55.htm.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

situation juridique identique, se pose également, ainsi que celle de l’adaptation des règles
juridiques aux particularités locales, car selon le Conseil constitutionnel, « le principe
d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations
différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que,
dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet
de la loi qui l’établit »1373.
Il en résulte que la régularisation foncière outre-mer, constitue une opération d’intérêt
public, voire d’utilité ou de nécessité publique, lorsque certaines conditions sont remplies.
Dans ce cas, il est primordial de ne pas l’abandonner à l’arbitraire ni à la volonté
discrétionnaire du propriétaire.
Il est donc nécessaire pour le législateur, d’encadrer les procédures de régularisation
foncière amiables, de mettre en place une procédure d’urgence de déclaration d’utilité
publique de régularisation foncière, enfermée dans de courts délais en cas de blocage
inadapté, notamment lorsque la dignité de la personne humaine est menacée, tout en
favorisant une gouvernance foncière locale des domaines public et privé occupés, ainsi que
la protection de l’environnement ; tout cela au motif de l’intérêt public.
En définitive, c’est la mise en place d’un véritable droit de la régularisation foncière
outre-mer, en tant que branche du droit administratif des biens, qui est souhaitable.
Le constituant et le législateur prévoient des règles protectrices de l’intérêt général ou
de l’intérêt public dans le cadre du droit administratif des biens1374.
C’est dans ce but, allié à celui de protection des deniers publics, que l’article 34 de la
Constitution prévoit que c’est la loi qui fixe les règles de « transferts de propriété
d’entreprises du secteur public au secteur privé ». Ainsi, le Conseil constitutionnel, dans sa
décision du 26 juin 1986, à l’occasion de la loi autorisant la privatisation d’entreprises
publiques par l’Etat, rappelle la nécessité de protéger la propriété publique comme privée,
notamment par l’interdiction de libéralités avec des deniers publics, en raison du principe
d’égalité entre les citoyens1375. Dans le même but, les aliénations à titre gratuit ou à un prix
inférieur à la valeur vénale du bien sont interdites, sauf but d’intérêt général1376.

1373
CC n° 96-380 DC, 23 juillet 1996, « Loi relative à l'entreprise nationale France Télécom ». 9ème considérant.
1374
GODFRIN (Philippe) et DEGOFFE (Michel), Droit administratif des biens, éditions Sirey Dalloz (Paris)
p. 3, n° 30, 11ème édition, 2015.
1375
CC, 26 juin 1986, n° 86207, loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d’ordre économique
et social, op. cit.
1376
Article 95 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale, JO 19
janvier 2005, p. 864. Il s’agissait de terrains destinés à la réalisation de programmes de constructions
comportant du logement social.

391
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

De même, l’article 1er du Protocole additionnel numéro 1 à la Convention européenne


de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH) énonce dans
son second alinéa que ses dispositions protectrices du droit de propriété « ne portent pas
atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent
nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour
assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes ».
La mise en place d’une régularisation foncière d’intérêt public (Titre I), permettrait au
législateur d’encadrer juridiquement la régularisation foncière amiable, de faciliter au besoin
la déclaration d’utilité publique de la régularisation foncière en cas de carence des
propriétaires, dans le cadre de l’émergence d’un véritable droit de la régularisation foncière
outre-mer (Titre II).

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

TITRE I – POUR UNE RECONNAISSANCE


DE L’INTÉRET PUBLIC DE LA
RÉGULARISATION FONCIÈRE
OUTRE-MER

La reconnaissance de l’intérêt public de la régularisation foncière, outre-mer, est


nécessaire pour juguler l’occupation sans titre, de manière durable. Elle n’a pas pour objectif
de légaliser l’illégalité foncière, mais de faciliter voir de légitimer la régularisation foncière
lorsqu’elle revêt un caractère d’intérêt public. Cette notion permettrait au législateur de
mettre en place des dispositifs d’ordre public, pérennes et plus adaptés.
D’ailleurs, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme semble
amener une appréciation de l’intérêt général sensible aux politiques étatiques
environnementales. Dans ce cadre, l’occupation par une personne privée du domaine public
pourrait bénéficier du principe du respect de la propriété posé par l’article 1er du Protocole
additionnel, tenant lieu de « régime européen du respect de la propriété ». L’arrêt
SPORRONG et LÖNNORTH du 23 septembre 19821377 contient trois normes1378 distinctes
protectrices du propriétaire confinant à une réécriture de l’article 1er du Protocole 11379.
Dans les configurations exposées en amont, c’est la régularisation foncière par
maintien sur site, en elle-même, qui revêt le caractère d’intérêt public et qui permet de
préserver l’ordre public, la dignité humaine, la tranquillité publique, et d’autres droits
fondamentaux. L’intérêt public vient donc justifier l’octroi de la régularisation foncière par
cession, par bail ou autrement, lorsque sont en jeu les droits fondamentaux ci-dessus
énoncés. Toutefois, la régularisation de l’occupation par maintien sur site, peut être refusée

1377
CEDH, 23 septembre 1982, Sporrong et Lönnorth c. Suède, série A, n° 52, GACEDH n° 65. Cité dan
LLORENS (F.), ci-après.
1378
La première norme énonce le principe du respect de la propriété, la seconde soumet la privation de propriété
à des conditions, et la troisième norme reconnaît aux États le pouvoir de réglementer l’usage des biens
conformément à l’intérêt général et en mettant en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires à cette fin.
1379
LLORENS (François), ODENT (Brunon) et LAVIALLE (Christian), « Les titres d’occupation de la « zone
des cinquante pas géométriques » : le droit français au droit de la Convention européenne des droits de
l’homme », RFDA, « Biens et travaux », novembre-décembre 2012, pp. 1168 à 1171.

393
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

pour motif d’intérêt général, ainsi qu’en atteste l’étude de la jurisprudence1380.


De ces constats, découlent les réformes nécessaires. Celles-ci consistent notamment à
encadrer juridiquement les procédures de régularisation foncière amiables diverses menées
dans les domaines privés des personnes publiques (différentes d’une personne publique à
l’autre, selon leurs moyens juridiques, financiers, et humains). Il s’agit également d’adapter
les procédures d’expropriation à la reconnaissance d’une régularisation foncière d’utilité
publique, en cas de carence de la volonté du propriétaire lésé. Il s’agit aussi de mieux adapter
les procédures aux réalités locales, et de favoriser la gouvernance foncière locale, sans mettre
un frein à l’aménagement. En définitive, il s’agit de mettre en place un véritable droit de la
régularisation foncière outre-mer, axé sur la dignité humaine et financière, par la mise en
place d’un cadre légal pérenne, commun à toutes les procédures de régularisation foncière
répondant à des critères similaires, et vecteur de sécurité juridique et foncière.
La consultation de l’index alphabétique du spicilège « Les grands arrêts de la
jurisprudence administrative »1381, classe ensemble les notions d’intérêt général et d’intérêt
public ; ce qui conduit à penser qu’elles ont le même sens en droit administratif. Ainsi, ces
deux notions renvoient notamment à l’arrêt « Pariset » du 26 novembre 18751382, dans lequel
le Conseil d’Etat relève l’absence d’intérêt public ou un intérêt public étranger à l’objectif
poursuivi par la loi, pour qualifier le détournement de pouvoir. L’importance de l’intérêt
public pour justifier le pouvoir de l’administration ou du législateur est incontestable.
La notion d’intérêt public se rapproche de celle d’utilité publique, employée dans le
cadre de l’expropriation. Dans l’arrêt de principe « Ministère de l’équipement et du logement
contre Fédération de défense des personnes concernées par le projet Ville Nouvelle Est », le
Conseil d’Etat énonce, à propos de l’utilité publique de l’opération, que : « Considérant
qu’une opération ne peut être légalement déclarée d’utilité publique que si les atteintes à la
propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d’ordre social qu’elle

1380
Le motif d’intérêt général est mis en avant par l’administration pour motiver le refus d’autorisation
d’occupation du domaine public : CE, 25 novembre 1931, Guigo-Barthélémy, Lebon 1020 (maintien de l’ordre
public et de la tranquillité publique), CAA Nancy, 30 avril 1992, Amoros, Req, n° 91NC00017, Lebon T. 959.
1381
LONG (Marceau), WEIL (Prosper), BRAIBANT (Guy), DELVOLVE (Pierre), GENEVOIS (Bruno), Les
grands arrêts de la jurisprudence administrative, Éditions Dalloz (Paris), 20ème édition, 2015, 989 pp.
1382
CE, 26 novembre 1875, « Pariset », Rec. 934. Cf. aussi : LONG (Marceau), WEIL (Prosper), BRAIBANT
(Guy), DELVOLVE (Pierre), GENEVOIS (Bruno), Les grands arrêts de la jurisprudence administrative,
Éditions Dalloz, 20ème édition, 2015, n° 4, p. 27 et suivants. En l’espèce, les arrêtés préfectoraux furent annulés
par le Conseil d’Etat, pour détournement de pouvoir (autre cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir).
En effet, le détournement de pouvoir est reconnu par la jurisprudence dans trois cas : si l’acte administratif est
étranger à tout intérêt public, si l’acte administratif est pris dans un intérêt public qui n’est pas celui pour lequel
les pouvoirs nécessaires pour prendre l’acte ont été conférés à son auteur, et s’il y a détournement de procédure
(à une autre fin que celle poursuivie par la loi.

394
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente »1383. Ce faisant, il
introduit la notion de bilan « coût-avantages » qui sera étudiée en aval, et qui atteste que les
mesures adoptées doivent être adaptées et plus favorables que le statu quo. L’avantage
conféré par la mesure doit être supérieur à ses inconvénients.
L’intérêt général ou public est donc le fondement et le but de l’action de
l’administration, mais aussi sa limite1384. Les notions d’intérêt public, d’intérêt général et
d’utilité publique, constituent des instruments efficaces de protection des droits
fondamentaux, dont elles fixent également les limites, et sont les fondements du droit public.
Le législateur a l’obligation de justifier son action par la poursuite d’un objectif d’intérêt
général et celle d’apprécier cet intérêt général1385. La fonction protectrice de l’intérêt général
trouve ses limites dans le refus de critiquer la pertinence des objectifs du législateur, et dans
l’obligation de contrôler la proportionnalité entre la finalité et les moyens mis en œuvre1386.
Mais, si l’admission du caractère d’intérêt public d’une opération ne semble pas poser
de problème1387, sa mise en œuvre effective dans les procédures de régularisation foncière
outre-mer reste à promouvoir et sous-entend des modifications procédurales et des
dispositifs législatifs plus adaptés, pour répondre aux objectifs visés. Ainsi qu’il est
démontré dans l’analyse du droit positif effectuée en première partie, les procédures de
régularisation foncière prévues par le législateur dans le domaine de l’Etat sont encadrées
mais parfois inadaptées aux réalités locales et enfermées dans le temps et dans l’espace.
Celles mises en place par certaines communes outre-mer souffrent, pour certaines d’entre
elles, d’un défaut de moyens de régularisation foncière efficients. En effet, nombre de

1383
CE, Ass., 28 mai 1971, « Ville nouvelle Est », JCP 1971.II.16873, note HOMONT, Rec. Lebon p. 409. Cf.
aussi : LONG (Marceau), WEIL (Prosper), BRAIBANT (Guy), DELVOLVE (Pierre), GENEVOIS (Bruno),
Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, Éditions Dalloz, 15ème édition, 2005, n° 88, p. 599 et ss.
1384
RANGEON (François), « L’idéologie de l’intérêt général », Economica, 1986, p. 21 et s., 245 pp. Voir
aussi MERLAND (Guillaume), « L'intérêt général, instrument efficace de protection des droits fondamentaux
? », Cahiers du conseil constitutionnel n° 16 (prix de thèse 2003) - juin 2004. En ligne : https://www.conseil-
constitutionnel.fr/node/2211/pdf.
1385
MERLAND (Guillaume), « L'intérêt général, instrument efficace de protection des droits fondamentaux
? », Cahiers du conseil constitutionnel n° 16 (prix de thèse 2003), juin 2004. https://www.conseil-
constitutionnel.fr/node/2211/pdf.
1386
CHÉROT (Jean-Yves), « Les formulations d'objectifs dans le contrôle de constitutionnalité des lois en
France », RRJ, 1989, n° 4, p. 898, in MERLAND (Guillaume), « L'intérêt général, instrument efficace de
protection des droits fondamentaux ? », Cahiers du conseil constitutionnel n° 16 (prix de thèse 2003) – op. cit.
1387
CE, Ass., 28 mai 1971, Ville nouvelle Est, JCP 1971.II.16873, note HOMONT. Cette décision, intervenue
en matière d’expropriation, tranche un conflit entre un intérêt public et des intérêts privés, pour valider une
opération d’utilité publique. En l’espèce, il s’agissait d’un projet de création d’un complexe universitaire et
d’une ville nouvelle, qui entraînait la démolition d’un nombre d’habitations ; démolitions qui auraient pu être
évitées par un tracé différent de l’autoroute. Le Conseil d’Etat a rejeté le recours de l’association de défense
des personnes concernées et reconnu l’utilité publique de l’opération projetée, en estimant que « compte tenu
de l’importance de l’ensemble du projet, la circonstance que son exécution implique que disparaissent une
centaine de maisons d’habitation n’est pas de nature à retirer à l’opération son caractère d’utilité publique ».

395
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

collectivités territoriales ne disposent pas des moyens humains, financiers, techniques ou


même législatifs à cet effet, raison d’un défaut de base légale suffisante1388.
L’intérêt public serait de nature à motiver la mise en place de dispositifs de
régularisation foncière pérennes, spéciaux et dérogatoires du droit commun, applicables à
toutes les situations de même nature, quelle que soit la personne publique propriétaire (Etat,
communes, départements, régions, collectivités uniques, communautés de communes, …).
De plus, la reconnaissance de l’intérêt public de l’action de régularisation foncière de
l’occupation sans titre de la propriété des personnes publiques, ne va pas à l’encontre de la
reconnaissance d’un véritable droit de propriété à leur profit, ni à l’encontre de la protection
de ce droit. Même dans l’hypothèse d’un bien commun à tous, il y aurait lieu de sanctionner
l’appropriation privative du domaine hors les cas prévus par la loi et les conventions1389.
La controverse sur la reconnaissance ou pas d’un droit de propriété au profit des
personnes publiques est depuis longtemps dépassée. Il est vrai qu’en l’absence de
reconnaissance d’un tel droit, l’infraction d’atteinte à ce droit n’existe plus. Mais la
jurisprudence et la doctrine ont définitivement entériné la reconnaissance d’un droit de
propriété au profit des personnes publiques sur les biens dépendant de leur domaine privé et
de leur domaine public, pour faciliter la protection desdits domaines. Il suffit de se référer
aux ouvrages du droit administratif des biens1390, et particulièrement aux spicilèges1391 ou
recueils que sont « les grandes décisions du droit administratif des biens »1392 et « les grandes
décisions du Conseil constitutionnel »1393, pour avoir une claire vision de l’état de la doctrine
et de la jurisprudence à ce sujet.
L’existence d’un droit de propriété des personnes publiques sur les biens de leur
domaine public a toutefois suscité de nombreuses controverses, en raison de leur affectation

1388
Beaucoup de communes en Martinique sont concernées, dont la commune du Robert, celle de Fort-de-
France, celle de Schoelcher, etc.
1389
En effet, les utilisations privatives de dépendances du domaine public sont possibles (cas des concessions
funéraires, des places de halles et marchés, …). Elles peuvent également être consenties par la personne
publique elle-même pour valoriser son domaine, si elle n’empêche pas l’utilisation principale dudit domaine.
1390
GAUDEMET (Yves), Traité de droit administratif, Droit administratif des biens, tome 2, Éditions LG.D.J.,
Lextenso éditions, 14ème édition, année 2011, 687 p. ; MORAND-DEVILLER (Jacqueline), Droit administratif
des biens, Éditions Montchrestien, Lextenso éditions, 9ème édition, 2016, 884 pp.
1391
Au sens du dictionnaire Larousse, un spicilège est un « recueil de morceaux choisis, de documents variés,
d’observations ». Cf. le site internet : www.laroussefr/dictionnaires/francais.
1392
CHAMARD-HEIM (Caroline), MELLERAY (Fabrice), NOGUELLOU (Rozen), et YOLKA (Philippe),
Les grandes décisions du droit administratif des biens, Éditions Dalloz, Paris, 3ème édition, 2018, 1010 pp.
1393
GAÏA (Patrick), GHEVONTIAN (Richard), MELIN-SOUCRAMANIEN (Ferdinand), OLIVA (Éric) et
ROUX (André), Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, Éditions Dalloz, 19ème édition, Paris, 2018,
1025 pp. Ouvrage créé par FAVOREU (Louis) et PHILIP (Loïc), Les grandes décisions du Conseil
constitutionnel, Éditions Dalloz, 13ème édition, Paris, 2005, 1065 pp.

396
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

à l’usage du public, à priori incompatible avec l’exercice des attributs attachés au droit de
propriété. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, l’idée que les biens du domaine public étaient
insusceptibles de faire l’objet d’un droit de propriété, par leur nature ou leur affectation, a
subsisté dans la doctrine1394. Le doyen HAURIOU tranche la question dans ses
commentaires sur l’arrêt « Piccioli »1395. Il se réfère alors à la notion de personnalité
juridique, relevant du droit privé, pour affirmer l’idée d’une propriété administrative1396. La
jurisprudence « Piccioli » entérine la reconnaissance par le juge administratif du droit de
propriété d’une personne publique, en l’occurrence l’Etat, sur des biens dépendant de son
domaine public1397.
La controverse doctrinale relative au droit de propriété des personnes publiques sur les
biens de leur domaine public est liée à la nature même du droit de propriété qui, dans sa
conception civiliste, fait référence à l’usus, au fructus et à l’abusus1398. Or, pour les biens
dépendant du domaine public, l’usus et le fructus relèvent de l’affectation à l’usage public,
alors que l’abusus est frappé par le principe d’inaliénabilité. D’où le postulat d’une
« incompatibilité entre (droit de) propriété et domaine public »1399.

1394
CHAMARD-HEIM (Caroline), MELLERAY (Fabrice), NOGUELLOU (Rozen), et YOLKA (Philippe),
Les grandes décisions du droit administratif des biens, Éditions Dalloz, Paris, 2013, p. 7. op. cit.
1395
CE, 17 janvier 1923, « Ministre des travaux publics et gouvernement général de l’Algérie / Sieurs
PICCIOLI », Req n° 69886 et 77666, Lebon 44. Commentaires in : CHAMARD-HEIM (Caroline),
MELLERAY (Fabrice), NOGUELLOU (Rozen), et YOLKA (Philippe), Les grandes décisions du droit
administratif des biens, Éditions Dalloz, Paris, 2013, pp 4 et s. La question se posait de savoir si la législation
sur les épaves était applicable au cas d’espèce, ou si l’on devait au contraire considérer l’État comme
propriétaire, ce qui permettrait d’écarter ladite législation. Cette décision avait été rendue à propos du statut du
charbon découvert dans le Port d’Oran, lors de travaux effectués sur des terrains appartenant à l’État. Dans le
cas de la reconnaissance de l’application de la législation sur les épaves, l’indemnisation prévue par un arrêté
du 29 novembre 1919 du Conseil de Préfecture du Département d’Oran, à la charge de l’Algérie, au profit des
sieurs PICCIOLI, serait alors due. Dans le cas inverse, il ne saurait être qualifié d’épave un bien qui serait
extrait d’un terrain appartenant à l’État. Pour motiver sa réponse, rejeter le recours du ministre des travaux
publics et annuler l’arrêté susmentionné, le Conseil d’État va se référer à la fois aux dispositions du contrat qui
liait les parties et à la nature du terrain en cause, en « considérant que, d’après l’article 25 du cahier des clauses
et conditions générales applicable à l’entreprise des sieurs PICCIOLI, l’administration se réserve les objets
de toute nature qui pourraient se trouver dans les fouilles et démolitions faites dans les terrains appartenant à
l’État, sauf indemnité à qui de droit », et en « considérant qu’il résulte de l’instruction que le charbon … a été
extrait des déblais effectués au cours des travaux (…) exécutés dans le Port d’Oran, c’est-à-dire dans des
terrains appartenant à l’État ; qu’il était donc, aux termes de la disposition contractuelle ci-dessus rappelée,
réservé en totalité à l’administration… ».
1396
HAURIOU (Maurice), Précis de droit administratif et de droit public, 11ème édition, Sirey Dalloz (Paris),
1925. Cité dans : CHAMARD-HEIM (Caroline), MELLERAY (Fabrice), NOGUELLOU (Rozen), et YOLKA
(Philippe), Les grandes décisions du droit administratif des biens, Éditions Dalloz, Paris, 2013, pp. 7 et s.
1397
CE 17 janvier 1923, Ministre des travaux publics et gouvernement général de l’Algérie / Sieurs PICCIOLI,
Req. n° 69886 et 77666, Lebon 44 ; et S. 1925, III. 17, Note HAURIOU.
1398
Article 544 du Code civil : « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus
absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »
1399
CHAMARD-HEIM (Caroline), MELLERAY (Fabrice), NOGUELLOU (Rozen), et YOLKA (Philippe),
Les grandes décisions du droit administratif des biens, Éditions Dalloz, Paris, 2013, p. 6 et ss.

397
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

L’origine de cette incompatibilité semble remonter, d’après certains auteurs1400, à la


thèse du simple pouvoir d’administration (et non de disposition) du Roi sur les biens
dépendant de la Couronne ; thèse destinée à limiter les prérogatives du Roi sur lesdits biens.
En effet, sous l’Ancien Régime, les « biens de la Couronne » sont déclarés inaliénables et
imprescriptibles par l’Édit de Moulins de 1566, afin d’éviter leur dilapidation par le
Monarque. À la Révolution française, la notion de « domaine de la Couronne » est remplacée
par celle de « propriété nationale », le Roi n’étant plus souverain. À cet égard, le professeur
Jean-Baptiste-Victor PROUDHON propose de distinguer entre les biens du domaine public,
protégés par la règle de l’inaliénabilité et de l’imprescriptibilité en raison de leur utilité
publique, et ceux relevant du domaine national1401. Ses idées ont été reprises par la doctrine
ayant mis en œuvre le régime de la domanialité publique. L‘œuvre doctrinale des années
1930, attribuable notamment au professeur PROUDHON susnommé et au doyen
FOUCART1402, conduit à une analyse dualiste de la propriété des personnes publiques, et à
terme, à la distinction substantielle entre domaine public et domaine privé.
De la personnalité morale des personnes publiques, découle les attributs de ce statut,
en ce compris le droit de propriété. Dans son commentaire de la décision « Piccioli » du 17
janvier 1923, Philip YOLKA rappelle que la jurisprudence des deux ordres a, dans plusieurs
décisions antérieures1403, reconnu la propriété du domaine public, de même que le
législateur1404. Le principe d’un droit de propriété des personnes publiques sur leurs biens ne
pose donc plus de problème.

1400
LEFEVRE DE LA PLANCHE, Mémoires sur les matières domaniales ou Traité du domaine, « Chez
Desaint et Saillant » (Paris), cité dans : CHAMARD-HEIM (Caroline), MELLERAY (Fabrice),
NOGUELLOU (Rozen), et YOLKA (Philippe), Les grandes décisions du droit administratif des biens, Éditions
Dalloz, Paris, 2013, p.6. Voir aussi en ligne :
https://books.google.com/books?id=RuZnhEYen0UC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary
_r&cad=0#v=onepage&q&f=false.
1401
PROUDHON (Jean-Baptiste-Victor), Traité du domaine Public ou De la distinction des biens considérés
principalement par rapport au domaine public, T. II, Éditions « Chez Victor LAGIER, libraire-éditeur »
(Dijon), 1833-1834. Consulté en ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5789175r/f6.item.texteImage.
Voir aussi : GODFRIN (Philippe) et DEGOFFE (Michel), Droit administratif des biens, Éditions Sirey Dalloz
(Paris), 10è édition, 2012.
1402
VERPEAUX (Michel), « Proudhon et la théorie du domaine public », in CIXe Congrès national des
sociétés savantes, t. 2, Dijon, série Histoire Moderne, 1984, p. 113, cité dans : CHAMARD-HEIM (Caroline),
MELLERAY (Fabrice), NOGUELLOU (Rozen), et YOLKA (Philippe), Les grandes décisions du droit
administratif des biens, Éditions Dalloz, Paris, 2013, p. 6.
1403
CE, 21 juillet 1870, « Ville de Châlons-sur-Marne », Leb. 938 ; CE, 7 mai 1909, Chemins de fer du Nord,
D. 1911. III, 30 ; CE, 24 février 1911, JACQUEMIN, S. 1912. III, 73 ; Cass. Req. 8 novembre
1909, « VERNES c/ VERDES et A. », S. 1912, I, 521.
1404
CHARMARD-HEIM (C.), MELLERAY (F.), NOGUELLOU (R) et YOLKA (Ph.), Les grandes décisions
du droit administratif des biens, Éditions Dalloz, Paris, 2013, pp. 8 et s. op. cit. Philippe YOLKA cite le cas de
la constitution de la propriété en Algérie, qui intègre également le domaine public. Il rappelle que le droit de
propriété des personnes publiques sur les biens du domaine public n’est plus contesté, et que les décisions de
l’ordre administratif, de l’ordre judiciaire, et du Conseil constitutionnel, y renvoient systématiquement.

398
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Mais le droit positif reste incertain sur la nature privée ou publique de ce droit de
propriété. La question de la domanialité publique, justifiée par l’affectation publique ou par
la loi, et celle de la propriété, demeurent toutefois dissociées. La codification effectuée en
2006, souhaitée par la doctrine et la jurisprudence1405, a permis l’adoption d’un code
applicable à la propriété de toutes les personnes publiques1406. Ce code reste neutre, et ne
permet pas de trancher en faveur de la nature « privée » du droit de propriété des personnes
publiques, malgré le constat d’assouplissements et une application marginaliste du régime
du domaine public. La conception « propriétariste », fondée sur une propriété privée du
domaine privé et du domaine public, tend à « privatiser » la propriété des personnes
publiques, alors que la conception « domanialiste » qui fonde une propriété publique du
domaine privé et du domaine public, tend à la « publiciser »1407. Le droit positif ne tranche

1405
Qui aspiraient à une codification d’ensemble plutôt qu’à des solutions au coup par coup.
1406
Jusqu’à l’ordonnance n°2006-460 du 21 avril 2006 sur le code de la propriété des personnes publiques, le
droit de la domanialité publique est resté un droit à fondement essentiellement jurisprudentiel et doctrinal. On
peut bien sûr citer le code du domaine de l’État et le code général des collectivités territoriales (CGCT), mais
ces codes ne s’appliquent qu’aux catégories de personnes publiques qu’ils visent. On peut citer également
l’article 538 du code civil qui a utilisé le terme « domaine public » pour désigner tous les biens qui ne sont pas
susceptibles d’appropriation par les particuliers. Mais cet article a depuis fait l’objet d’une abrogation par
l’ordonnance du 21 avril 2006, article 7-II, à compter du 1er juillet 2006. C’est le législateur qui, par la loi n°
2003-591 du 2 juillet 2003, a habilité le gouvernement à simplifier le droit, sur le fondement de l’article 38 de
la Constitution de 1958. Le gouvernement a ainsi été habilité à procéder à la refonte du droit de la domanialité
publique, par voie d’ordonnance, de manière à réformer les « dispositions relatives à la définition, à
l’administration, à la protection et au contentieux du domaine public et du domaine privé, mobilier comme
immobilier de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics ». Cette loi d’habilitation a été
jugée conforme à la Constitution par une décision du Conseil constitutionnel du 26 juin 2003 (DC n°2003-473,
CC 26 juin 2003, Loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit), qui a rappelé à cette occasion que
l’habilitation accordée au gouvernement ne pouvait aller jusqu’à « priver de garanties légales les exigences
constitutionnelles qui s’attachent à la protection du domaine public ». Étant ici précisé que les « exigences
constitutionnelles » visées par le Conseil concernent l’existence et la « continuité des services publics » auquel
le domaine public est affecté, ainsi que les « droits et libertés des personnes à l’usage desquelles il est affecté ».
1407
YOLKA (Philippe), La propriété des dépendances du domaine public, commentaire de la décision CE 17
janvier 1923, Ministre des travaux publics et gouverneur général de l’Algérie c/ Sieurs PICCIOLI, in
CHAMARD-HEIM (Caroline), MELLERAY (Fabrice), NOGUELLOU (Rozen), et YOLKA (Philippe), Les
grandes décisions du droit administratif des biens, Éditions Dalloz, Paris, 2013, p. 14 et s. En effet, la thèse
défendant la propriété privée des biens du domaine public, fait valoir que le droit de propriété des personnes
publiques ne change pas de nature sous prétexte qu’il s’applique aux biens du domaine public (soumis tout de
même au régime de la domanialité publique liée à leur affectation) ou à ceux du domaine privé. C’est le même
droit qui demeure, quoiqu’il en soit, une propriété privée. Philip YOLKA cite à titre d’exemple le droit
Allemand ou les systèmes anglo-saxons, dans lesquels la propriété privée de tous les biens publics prévaut,
ceux dépendant du domaine public étant simplement grevés d’une servitude d’usage public. Il rappelle
toutefois que ce sont des systèmes qui ne connaissent pas la distinction entre le domaine public et le domaine
privé. Il rappelle aussi la logique de la « théorie de l’État », tournée vers l’exercice de compétences fondées
sur l’intérêt public. À contrario, la thèse défendant la propriété publique des biens dépendant du domaine
public, fait valoir un droit de propriété des personnes publiques identique s’agissant des biens du domaine
public ou du domaine privé, mais avec une coloration publique, la qualité des personnes publiques et l’intérêt
public justifiant certaines prérogatives et spécificités. Ainsi, les auteurs défendant cette théorie font ressortir le
fait que dans le domaine public comme dans le domaine privé, sont applicables des principes, tel celui de
l’insaisissabilité et de l’incessibilité des biens en dessous de leur valeur vénale (CE, 3 nov. 1997, Commune de

399
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

pas, mais reflète une réalité qui tend à assimiler le domaine privé à la propriété privée1408, et
parallèlement à exclure l’application de l’article 544 du code civil au domaine public1409. De
ces considérations découle la protection de la propriété des personnes publiques.
À cet égard, le Conseil constitutionnel se réfère, non pas aux prérogatives de puissance
publique ou à contrario à l’article 544 du Code civil, mais à la Déclaration des droits de
l’Homme et du citoyen du 26 août 1789 (DDHC), de portée universelle, dont la valeur
constitutionnelle a été reconnue par le Conseil par décision du 16 juillet 1971 sur la liberté
d’association1410, confirmée par décision du 27 décembre 19731411, consacrant l’intégration
de la DDHC au « bloc de constitutionnalité », en raison de son appartenance au préambule
de la Constitution de 1958. Cette attitude du Conseil constitutionnel est observée dans sa
décision des 25 et 26 juin 1986 « Loi de privatisation »1412, et dans celle du 16 janvier 1982
« Loi de nationalisation »1413.
Certains auteurs parlent de « constitutionnalisation indirecte » du domaine public1414.
Le Conseil constitutionnel ne fait pas ressortir l’existence du domaine public
directement de la Constitution, mais se préoccupe que soit conférée aux droits et principes
constitutionnels, dans le nouveau code, la même protection que celle accordée par le
« régime juridique spécifique de la domanialité publique »1415. Il fait spécialement référence
aux critères de la domanialité publique que sont l’affectation au service public ou à l’usage
du public. Le régime exorbitant de droit commun dont bénéficient les biens affectés au
service public ou à l’usage du public, a pour effet d’assurer la permanence de l’affectation
publique. Dans une décision du 23 juillet 1996, « Entreprise nationale France Telecom »1416,

Fougerolles, AJDA 1997, p. 110, obs. RICHER (L.), qui frappent tous les biens des personnes morales de droit
public (CC n°86-207, 25 et 26 juin 1986, Loi portant D.M.O.E.S. et d’habilitation, Rec. p. 61, sur les
privatisations).
1408
Voir : CE, 03 juin 1998, Commune de SAINT-PALAIS SUR MER, Lebon T. 773.
1409
Cf. CAA, Bordeaux, 09 mars 2006, Commune de TOULOUSE, JCP A, 2006, p.969, Concl. CHEMIN.
1410
CC, n°71-44 DC, 16 juillet 1971, « Liberté d’association », consultable sur le site du Conseil
constitutionnel : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-
par-date/decisions-depuis-1959/1971/71-44-dc/decision-n-71-44-dc-du-16-juillet-1971.7217.html.
1411
CC, n° 73-51 DC, 27 décembre 1973, consultable sur le site : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-
constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis1959/1973/73-51-dc/decision-n-73-51-
dc-du-27-decembre-1973.7368.html.
1412
CC n°86-207, 25 et 26 juin 1986, « Loi portant D.M.OE.S. et d’habilitation » (privatisations), Rec. p. 61.
1413
CC n°81-132 DC du 16 janvier 1982, « Loi de nationalisation », et n°82-139 du 11 février 1982,
FAVOREU (Louis) et PHILIP (Loïc), GD, 13ème édition, 2005, n°28.
1414
FATOME (E.), A propos des bases constitutionnelles du droit du domaine public, AJDA, 2003. 1192, in :
GAUDEMET (Yves), « Le Conseil constitutionnel et le droit administratif », Nouveaux Cahiers du Conseil
constitutionnel, octobre 2012, en ligne : https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-
constitutionnel/constitution-et-biens-publics.
1415
GODFRIN (Philippe) et DEGOFFE (Michel), Droit administratif des biens, Ed. Sirey (Paris), p. 3, n°8,
11è éd., 2015.
1416
CC, 23 juillet 1996, Entreprise nationale France Telecom, AJDA 1996, 696, obs. SCHRAMECK (O.).

400
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

le Conseil constitutionnel reconnaît la garantie de continuité du service public en présence


de biens affectés mais n’appartenant plus au domaine public. Dans sa décision du 26 juin
20031417, le Conseil constitutionnel souligne l’importance de la protection du droit de
propriété, reconnue par l’article 17 de la Déclaration de 1789, à la propriété publique comme
à celle privée1418 ; protection qui ne doit pas être affectée par la réforme de la domanialité
publique.
Le Conseil d’État semble s’être rapproché d’une nature publique du droit de propriété
des personnes publiques sur les biens dépendant de leur domaine public, comme en témoigne
sa décision du 23 mai 2007, « Département des Landes et autres », sur l’absence de
protection conventionnelle de la propriété publique1419. Dans cette décision le Conseil d’Etat
énonce que l’article 1er du Protocole additionnel n°1 à la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH), ne peut être
invoqué par les personnes publiques pour la protection de leurs intérêts patrimoniaux1420.
Mais en définitive, l’impératif de valorisation du domaine public, et la
« conventionnalisation »1421 croissante des relations entre les personnes publiques et privées,
observée dans la pratique professionnelle des administrations d’État et territoriales, favorise
de plus en plus la thèse de la nature hybride, voire par instants privée, du droit de propriété
des personnes publiques sur leurs biens. Cette évolution facilite la mise en place de
procédures de régularisation foncière, de contrats de partenariats public-privé, et de procédés
résultant d’un mariage droit public-droit privé en général1422.
Ainsi, les développements ci-dessus démontrent la réalité incontournable du droit des
personnes publiques, et la raison d’être de sa protection par le législateur, par la doctrine et
par la jurisprudence, en dépit des controverses. L’occupation sans titre de la propriété des
personnes publiques outre-mer, constitue une atteinte à leur droit de propriété et doit être
réparée ou indemnisée, tout comme l’est l’atteinte à la propriété des personnes privées.
Les développements qui précèdent démontrent que l’intérêt public, caractérisant dans
les faits la régularisation foncière outre-mer, ne s’oppose pas à la reconnaissance et à la

1417
CC 26 juin 2003, DC n°2003-473, « Loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit ». En ligne :
http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2003/2003-473-dc/decision-n-2003-473-dc-du-26-juin-
2003.861.html.
1418
CC 26 juin 2003, DC n°2003-473, idem.
1419
CE, 23 mai 2007, Département des Landes et autres, Req. n° 288378, AJDA 2007, 1050, Obs.
MONTECLER (DE), et JCP A. 2007, n° 23, p. 4, obs. ROUAULT, et n° 26 p. 27, concl. DE SILVA.
1420
CE, 23 mai 2007, Département des Landes et autres, idem.
1421
Terme expliquant la montée de la liberté contractuelle dans des situations jusqu’alors dominées par la loi.
1422
Baux de longue durée avec transfert de droits réels, contrats de partenariat public – privé, etc.

401
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

protection du droit de propriété des personnes publiques. Les procédures de régularisation


foncière mises en œuvre dans les collectivités territoriales de l’article 73 ne constituent pas
un déni apporté à la reconnaissance et à la protection du droit de propriété de ces personnes
publiques sur leurs domaines public et privé, mais bien le signe tangible d’une prise en
compte par lesdites personnes publiques, de l’intérêt public de la régularisation foncière pour
juguler l’occupation sans titre de leur propriété.
Le respect du caractère fondamental du droit de propriété, exige que les procédures de
régularisation foncière revêtent prioritairement un caractère amiable, et privilégie l’initiative
des propriétaires. Mais la régularisation foncière ne doit pas être abandonnée à la discrétion
du politique, et encore moins à l’opportunisme ou à l’arbitraire, compte tenu de son caractère
d’intérêt public, voire d’utilité publique.
Il relève donc de la responsabilité du législateur de proposer aux personnes publiques
les moyens législatifs, réglementaires, matériels, financiers et humains, pour parvenir à la
résorption de l’occupation sans titre de leur territoire, par la mise en œuvre d’une
régularisation foncière efficiente et respectueuse de la dignité humaine ; d’où l’urgence de
la reconnaissance de l’intérêt public de la régularisation foncière outre-mer.
Cette démarche conduit à une nécessaire réforme des procédures de régularisation
foncière dans le domaine privé des collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution,
par un meilleur encadrement juridique et une prise en compte effective de l’intérêt public
voire de l’utilité publique de la régularisation foncière outre-mer (Chapitre I), et à une
meilleure adaptation des procédures aux réalités locales, dans le cadre d’une répartition plus
efficiente de la maîtrise foncière, dans le domaine privé de l’État (Chapitre II).

402
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

CHAPITRE I – DANS LE DOMAINE PRIVÉ DES


COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : UNE
RÉFORME D’INTÉRÊT PUBLIC

Le droit de propriété est un droit inviolable et sacré1423, l’initiative de la régularisation


foncière doit prioritairement émaner du propriétaire lésé, personne publique ou privée. En
conséquence, la régularisation foncière de l’occupation sans titre du domaine privé des
collectivités locales outre-mer résulte d’une négociation amiable entre le propriétaire et
l’occupant, concrétisée par un contrat de transfert de propriété ou de jouissance, ou par une
autorisation d’occupation unilatérale. En pratique, il s’agit d’un contrat de vente, de bail, de
bail emphytéotique, un transfert de droit d’usage et d’habitation, ou de tout autre transfert
de droits réels, établi pour régulariser l’occupation, mais comportant peu de marge de
négociation pour l’occupant1424.
Toutefois, le bilan effectué et les risques de contentieux identifiés en première partie,
démontrent qu’un encadrement juridique plus strict des modalités de régularisation foncière
amiables est nécessaire, en raison de l’intérêt public de ces opérations qui, dans la pratique,
obéissent à des modalités variables d’une personne publique à l’autre, d’une commune à
l’autre, voire d’un secteur à l’autre1425. Il s’agit de protéger à la fois le propriétaire lésé et
l’occupant sans titre candidat à la régularisation foncière.
Le droit du propriétaire lésé est protégé pour lui-même, mais aussi pour les libertés
fondamentales qu’il sous-tend. Pour le professeur LIBCHABER1426 comme pour le
professeur RIVERO1427, le droit de propriété constitue un prolongement de la personne1428.
Cette définition, difficile à appliquer à une personne publique, explique toutefois la nécessité
pour le propriétaire public lésé d’être prioritairement l’auteur de la régularisation foncière,

1423
Article 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789.
1424
Ce qui fait parfois penser au contrat d’adhésion, dont les clauses sont peu négociables.
1425
Voir délibérations concernant les régularisations foncières menées dans les communes.
1426
LIBCHABER (Remy), La propriété, droit fondamental, in CABRILLAC (Rémy), FRISON-ROCHE
(Marie-Anne), REVET (Thierry) (Dir.), Libertés et droits fondamentaux, 12e édition, Dalloz, 2006, p. 659 et
Ss. Op. cit.
1427
RIVERO (Jean), Les libertés publiques, t. 1, Les droits de l’homme, P. U. F., 2e éd., 1978, pp 115 s. cité
dans : RANGEON (François), Droits-libertés et droits-créances : les contradictions du préambule de la
constitution de 1946, article consulté le 14 juin 2017 sur le site internet : https://www.u-picardie.fr/curapp-
revues/root/37/francois_rangeon.pdf_4a083159afa30/francois_rangeon.pdf, op. cit.
1428
Pour eux le droit de propriété est une prolongation de la personne humaine et une représentation des fruits
de son travail et de ses talents, que l’individu a le droit légitime de s’approprier.

403
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soit par lui-même ou par l’intermédiaire d’un de ses établissements publics, soit de sa propre
initiative ou de celle du législateur, en raison de l’illégalité de l’occupation sans titre.
La décision de régularisation foncière doit aussi prendre en compte une protection
objective des occupants eux-mêmes, car l’occupation sans titre ne justifie pas l’absence de
sécurité juridique et foncière. En ce sens, la régularisation foncière constitue une politique
publique foncière, car elle concerne une option d’utilisation des sols et de protection des
populations. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les outils juridiques de cette politique
foncière prennent en compte plusieurs branches du droit1429.
L’octroi d’un titre de propriété à l’occupant sans titre est donc un enjeu fondamental,
quand rien ne s’oppose à la cession, car il constitue un facteur puissant de sécurité juridique
et foncière, consenti par le propriétaire à l’occupant, face à la précarité foncière. Il répond à
l’objectif du législateur, comme celui de la personne publique dont la propriété est occupée
sans titre, de faire cesser l’occupation illégale, de manière durable.
En conséquence, en raison de cette politique publique foncière, les solutions de
régularisation foncière doivent résulter d’une mise en commun des compétences dévolues
par la loi à chaque niveau d’administration1430. Dans les collectivités territoriales de l’article
73 de la Constitution, plusieurs acteurs institutionnels interviennent avec des niveaux de
compétences différents. Toutefois, la notion d’intérêt public local doit être respectueuse de
l’initiative privée, régie par la liberté du commerce et de l’industrie.
L’État français, important propriétaire foncier outre-mer, est largement concerné par
les opérations de régularisation foncière dans les collectivités de l’article 73. Sa stratégie
politique et foncière doit tenir compte de cette omnipotence foncière et de la nécessité de la
partager1431. Les communes, départements, régions et collectivités uniques d’outre-mer, ainsi
que les établissements publics, communautés de communes, et autres institutions1432, sont
aussi les acteurs incontournables d’une régularisation foncière efficiente.
Il convient de préciser que le statut dérogatoire des départements, régions et
collectivités uniques d’outre-mer les éloigne un peu du modèle commun, dans la mesure où

1429
Droit administratif des biens, droit administratif, droit immobilier, droit civil, droit de l’urbanisme, droit
fiscal, droit constitutionnel, etc.
1430
Pas question pour une commune de se référer à un intérêt public relevant d’un niveau national ou
international par exemple. Cf. http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/collectivites-
territoriales/competences-collectivites-territoriales/qu-est-ce-que-interet-public-local.html. Consulté en ligne
le 04 Février 2018.
1431
Cf. loi du 14 octobre 2015 dite « Loi ADOM ».
1432
Dont les agences des 50 pas géométriques en Guadeloupe et en Martinique pour la zone des cinquante pas
géométriques, etc.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

« les lois et règlements peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et
contraintes particulières de ces collectivités ». Toutefois, depuis la loi « NOTRe » du 7 août
20151433, la clause générale de compétences n’est reconnue qu’aux communes. Celle-ci leur
permet d’intervenir sur la base d’un intérêt public local à agir. C’est donc à la notion de
compétences partagées, qu’il faut se référer pour les départements, régions et les collectivités
uniques créées en remplacement des entités précédentes, compte tenu du principe de
spécialisation desdites collectivités1434.
Les procédures amiables de régularisation foncière de l’occupation sans titre du
domaine privé dans les collectivités territoriales relevant de l’article 73 de la Constitution,
ont été exposées et analysées en amont. Étant ici rappelé que les terrains dépendant du
domaine public qui ne sont plus affectés à la satisfaction d’un service public ou à l’usage
direct du public, peuvent toujours être désaffectés et déclassés, afin d’intégrer ledit domaine
privé en vue de procédures de régularisation foncière1435. La régularisation foncière de
l’occupation sans titre du domaine privé dans lesdites collectivités, obéit aux règles de la
liberté contractuelle et revêt les caractéristiques de la négociation amiable, en vertu de
laquelle chacun est libre de contracter ou non, de choisir son cocontractant et de déterminer
le contenu et la forme du contrat, dans les limites fixées par la loi et sous réserve du respect
de l’ordre public1436.
Ces procédures de régularisation foncière sont en conséquence fondées sur la volonté
souveraine, voire discrétionnaire1437 du propriétaire lésé ; volonté que celui-ci n’a pas à

1433
Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, publiée au
JORF n° 0182 du 8 août 2015 page 1370, texte n° 1.
1434
La mise en œuvre de l’intérêt public local à agir, en dépit de sa complexité, est facilitée par le principe de
spécialisation inhérent aux départements et aux régions.
1435
Article L2141-1 du CGPP. À titre d’exemple, voir l’arrêté du 08 août 2018, portant déclaration d’inutilité,
déclassement du domaine public de l’Etat et remise au service local du Domaine d’une partie d’une parcelle
située à Tulle (Corrèze), publié au JORF n° 0203 du 04 septembre 2018, texte n° 20.
1436
Articles 1101 et 1102 du code civil, issus de la réforme du droit des obligations, opérée par l’ordonnance
n° 2016-131 du 10 février 2016 (article 2), et consacrant le principe de la liberté contractuelle. Le nouvel article
1101 dispose en effet que : « Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes, destiné à
créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. ». L’article 1102 du code civil dispose que : « Chacun
est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la
forme du contrat dans les limites fixées par la loi ». « La liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux
règles qui intéressent l’ordre public ».
1437
Le dictionnaire de l’Académie française définit le terme « discrétionnaire » en Droit, comme étant « ce qui
est laissé à la discrétion de quelqu’un » ou « qui confère à quelqu’un le pouvoir de décider ». Il définit le
pouvoir discrétionnaire comme étant « la faculté donnée à un magistrat, à un administrateur, d’apprécier
librement, dans les cas non prévus par la loi, l’opportunité d’une décision. ». Par extension, il s’agit d’un
« pouvoir illimité qui n’est soumis à aucun contrôle ».

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motiver1438. Parfois, les modalités de cette régularisation foncière sont imposées par le
propriétaire qui n’accepte alors de régulariser qu’à ses propres conditions, l’occupant étant
libre d’adhérer ou non1439. De plus, même en cas d’existence d’une atteinte avérée à la dignité
de la personne humaine ou en présence d’une utilité publique manifeste de la régularisation
foncière, celle-ci ne peut avoir lieu sans le consentement du propriétaire lésé. À contrario,
les procédures de régularisation foncière positives1440 ne peuvent être imposées à l’occupant
sans titre, qui demeure libre d’acquérir ou pas1441.
Il y a donc un intérêt avéré à développer une régularisation foncière d’intérêt public,
reposant sur un encadrement juridique strict des procédures applicables dans le domaine
privé des collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution.
La mise en place d’une telle régularisation foncière passe également par la possibilité
pour les personnes publiques de mettre en place des procédures d’expropriation accélérées
et revisitées, pour l’intégration dans leur patrimoine privé de propriétés foncières occupées
par des occupants sans titre qui y ont fait édifier leur maison d’habitation, lorsque les
négociations avec les propriétaires concernés (propriétaires privés, ou même propriétaires
publics), n’ont pu aboutir, en raison de carences ou de situations de blocages, qui ne peuvent
aboutir à un dénouement1442 en dehors des procédures de contraintes, quand l’intérêt public,
voire l’utilité publique, est en cause1443.
Il est donc important de reconnaître l’intérêt public de la régularisation foncière, afin
de permettre son optimisation, par les apports d’un encadrement juridique strict des
procédures de régularisation foncière amiables (section I). Par ailleurs, l’intérêt public induit
aussi la nécessité d’adapter la procédure d’expropriation à la régularisation foncière,

1438
BRAUDO (Serge), Conseiller honoraire à la Cour d’Appel de Versailles, définit le pouvoir souverain,
comme étant le pouvoir qui permet à une juridiction d’apprécier une circonstance de fait qui échappe au
contrôle de la Cour de cassation (Cass. 1ère ch. Civ., 12 juillet 2017, pouvoir n° 17-11840. Légifrance). Il précise
qu’un tel pouvoir devient discrétionnaire quant de surcroît le juge n’a pas à motiver son jugement. Ainsi, pour
Serge BRAUDO, le terme discrétionnaire caractérise une décision à propos des motifs de laquelle celui qui la
prend dispose d’un pouvoir qui lui appartient en propre sans qu’il ait à subir le contrôle d’une autorité. Cf.:
https://www.dictionnaire-juridique.com/definition/pouvoir-souverain.php.
1439
Ce qui évoque le contrat d’adhésion.
1440
Par délivrance d’un titre de propriété ou de jouissance.
1441
Certains occupants refusent d’acquérir, tout en se maintenant illégalement dans les lieux, bloquant ainsi le
processus de régularisation foncière.
1442
Ou dont le dénouement ne peut être espéré dans des délais raisonnables.
1443
Il peut s’agir d’oppositions réitérées du propriétaire public ou privé aux demandes d’acquisitions à titre
onéreux formulées par les occupants sans titre de sa propriété, alors même que ladite propriété serait cessible
et mitée par de nombreuses constructions édifiées sans titre par des personnes de conditions modestes, rendant
improbable la récupération dudit bien par le propriétaire. Il peut aussi s’agir, concernant les propriétaires privés,
de problèmes d’indivisions successorales ayant pour conséquence l’abandon manifeste par eux de propriétés
occupées sans titre. Il peut s’agir également de blocages des procédures de régularisation foncière, pour des
raisons arbitraires, contraires à l’intérêt public, voire à l’ordre public.

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lorsqu’elle revêt un caractère d’utilité publique (section II).

SECTION I – RENFORCEMENT DU CADRE JURIDIQUE


DES PROCÉDURES DE RÉGULARISATION FONCIÈRE
AMIABLES

L’étude du droit positif applicable à la régularisation foncière outre-mer, a fait ressortir


une grande disparité dans le traitement des demandes de régularisation, dans les modalités
de fixation du prix de vente et dans les conditions de la régularisation foncière, d’où l’intérêt
d’encadrer juridiquement les procédures qui y sont liée.
Pour juguler l’occupation sans titre outre-mer, la volonté d’éradication rapide de la
part des personnes publiques est nécessaire mais insuffisante, car tout processus de
régularisation foncière exige une rencontre de volontés convergentes entre propriétaires et
occupants, et non pas seulement une volonté politique unilatérale. Si l’initiative des
propriétaires lésés, publics ou privés, est incontournable, eu égard à la protection et au
respect de leur droit de propriété1444, l’adhésion voire la concertation des populations
concernées, est nécessaire sous peine d’inefficience et de blocage des procédures1445.
Certaines communes vont jusqu’à jouer un rôle de médiation entre les propriétaires privés
lésés et les occupants sans titre, parallèlement à l’action menée sur leur propre domaine1446.
Ainsi, l’accord amiable entre propriétaires lésés et occupants sans titre constitue un
puissant levier d’aboutissement des procédures de régularisation foncière. En l’absence
d’accord, on a pu constater la multiplication de collectifs constitués entre les occupants sans
titre, formant une force de pression face aux pouvoirs étatiques et locaux1447. Cela participe
à une bonne gouvernance des opérations de régularisation foncière, puisque celle-ci implique
des acteurs multiples. Bon nombre de communes ont eu à faire face à des collectifs

1444
Article 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.
1445
V. France-Antilles Martinique du 22 avril 2009, « Des occupants sans titre qui veulent se faire entendre ».
En l’espèce, il s’agissait d’agriculteurs, occupants du quartier Mansarde dans la commune du Robert en
Martinique, qui réclamaient que leur occupation sans titre soit régularisée par bail, en contrepartie du versement
d’un loyer.
1446
Cas de la Ville de Fort-de-France, intervenant comme médiatrice dans l’occupation sans titre du quartier
« Cour Campêche ». En outre, des permanences sont mises en place dans les quartiers pour rapprocher
l’administration des populations.
1447
C’est le cas du collectif « Bô Kannal », du collectif Pointe des Carrières, ou encore du Collectif du quartier
Volga Plage à Fort-de-France.

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d’occupants sans titre, bien décidés à se faire entendre1448.


Sans aller jusqu’à déclarer systématiquement l’utilité publique de la régularisation
foncière, qui ne serait qu’une solution de dernier recours, il est possible de développer une
procédure de régularisation foncière d’intérêt public, concrétisée notamment par un
encadrement juridique des procédures. Les constats effectués ci-dessus, les risques
contentieux et fonciers mis en exergue, s’agissant notamment de la régularisation de
l’occupation du domaine privé communal, ont démontré la nécessité de cet encadrement.
Inéluctable, la mise en place d’une procédure de régularisation foncière d’intérêt
public, constituerait une limite acceptable au droit de propriété des personnes publiques. Elle
serait dotée d’un cadre juridique plus adapté et plus sécuritaire, et constituerait une base
légale de régularisation foncière amiable, applicable à toutes les personnes publiques locales
qui souhaiteraient procéder à des régularisations foncières sur leur domaine privé. Ainsi, le
risque de clientélisme ou d’une régularisation foncière « à la carte », toujours omniprésent
dans certaines collectivités territoriales de proximité, serait ainsi maîtrisé1449.
La nécessité du développement d’une régularisation foncière d’intérêt public
bénéficiant d’un encadrement juridique strict des procédures est avérée, pour les procédures
de cessions amiables (§1), et pour les procédures alternatives à la cession (§2).

§ I. CADRE DES PROCÉDURES DE RÉGULARISATION


FONCIÈRE AMIABLES

L’encadrement juridique des procédures de régularisation foncière amiables ne vise


pas à reprendre les procédures de cessions ou autres qui sont déjà prévues par le code général
de la propriété des personnes publiques (CG3P ou CGPPP)1450 et par le code général des

1448
L’enjeu de l’intervention de ces associations de type loi 1901, ou de fait, est prioritairement la collecte
d’informations par les occupants et la maîtrise sur le devenir de leur quartier. Il s’agit pour ces collectifs de
connaître les projets précis prévus, les secteurs impactés, les aménagements et structures envisagés, les
expropriations et relogements prévus, etc. Il s’agit aussi pour eux de participer aux modes opératoires, et d’être
co-auteurs de la régularisation foncière et non spectateurs. Des structures et permanences sont mises en place
pour faciliter le montage des dossiers, l’accompagnement juridique et administratif des occupants concernés,
et les informer sur les différentes aides juridiques, financières et matérielles. Collectif du quartier Volga Plage
à Fort-de-France ou Collectif du quartier Bô Kannal à Fort-de-France.
1449
Cf. DANIEL (Justin), Administration locale et clientélisme, thèse, Université de Paris I, 13 décembre 1983.
Certains auteurs ont pu parler de politique clientéliste dans la gestion de l’occupation sans titre dans les
Collectivités locales d’outre-mer. La diminution du coût de la gestion du foncier ainsi occupé est avancée par
certaines communes, et c’est un fait avéré.
1450
Articles L2241-1 et L2122-21 du CGCT.

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collectivités territoriales (CGCT)1451.


Il s’agit plutôt pour le législateur de mettre en place des procédures de régularisation
foncière spécifiques, par cession ou autrement, dédiées à la régularisation foncière, par les
personnes publiques locales. L’objectif est de fournir aux communes, départements, régions
et collectivités uniques, outre-mer, des dispositifs, procédures et outils juridiques adaptés à
la régularisation foncière, et de leur éviter d’avoir à mettre en place des dispositifs sans base
légale suffisante.
Il s’agit aussi, lorsque c’est possible, d’étendre certains dispositifs, notamment ceux
de l’Etat concernant l’aide exceptionnelle à l’acquisition mise en place pour les occupants
de la zone des cinquante pas géométriques, de manière qu’ils soient accessibles aux
occupants de la propriété des personnes publiques locales, également confrontées à la
problématique de l’occupation sans titre de leur domaine privé1452.
Car les collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution n’ont pas les moyens
que l’Etat, pour faire face à l’occupation sans titre de leur propriété. Ces moyens se déclinent
en moyens juridiques, financiers, humains et matériels.
On ne peut que parler de régularisation foncière à moyens inégaux lorsque, par
exemple, le dispositif légal d’aide à l’acquisition bénéficie aux occupants sans titre de la
propriété de l’Etat outre-mer, et pas aux occupants sans titre de la propriété des communes,
départements, régions et collectivités uniques outre-mer. Cette situation introduit des
disparités, discriminations et inégalités de traitement, à situation égale, entre les occupants
sans titre d’un même territoire, voire d’un même quartier1453. Il en est également ainsi
lorsque, par exemple, telle personne publique peut financer la régularisation foncière sur son
territoire et que telle autre n’en a pas les moyens juridiques, financiers et humains. De même,
lorsque l’opportunité de la régularisation est reconnue par telle personne publique, et non
par telle autre, alors qu’il s’agit d’une même zone géographique. Ainsi se présentent des cas
où des occupants sans titre d’un quartier sont régularisés, alors que ceux de la propriété
limitrophe appartenant à une autre personne publique, restent dans l’illégalité foncière1454.

1451
Articles L3112-1 à L3112-4 du CG3P (dérogations domaine public), et articles L3211-1 à L3211-16 du
CG3P (domaine de l’Etat, des collectivités territoriales et de leurs groupements).
1452
Particulièrement les communes, mais aussi les départements, régions et collectivités uniques.
1453
Le dispositif légal d’aide à l’acquisition a été validé par le législateur pour les occupants de la zone des 50
pas géométriques appartenant à l’Etat, dont certains secteurs sont en cours de transfert à certaines collectivités
territoriales (région de Guadeloupe, CTM pour la Martinique). Les occupants d’un même quartier sont soumis
à des dispositifs différents selon qu’ils ont bâti sur le domaine de l’Etat ou sur celui de la commune.
1454
Cas de certaines constructions à cheval sur la zone des 50 pas géométriques et le domaine privé communal.
Il est impératif dans ces cas d’obtenir l’accord du second propriétaire avant de régulariser l’occupation.

409
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À titre d’exemple, les procédures de régularisation foncière mises en place dans la


zone des cinquante pas géométriques par l’Etat pour régulariser l’occupation sans titre de
son domaine public, en Martinique et en Guadeloupe, bénéficient de moyens et dispositifs
juridiques, financiers et humains, dont ne bénéficient pas celles mises en place par les
communes pour la régularisation de l’occupation sans titre de leur domaine privé1455.
Parallèlement, certaines communes peuvent régulariser, là où d’autres n’en ont pas les
moyens juridiques, humains, et ou/financiers1456.
Pour régulariser définitivement l’occupation sans titre outre-mer, le procédé de la
cession amiable, régularisée par contrat de vente signé entre les parties, dont le contentieux
relève du juge judiciaire, est le moyen juridique ordinaire de base. À la procédure de cession
amiable, viennent s’ajouter les règles spécifiques aux décisions prises par les collectivités
locales, résultant du CGCT et du CG3P. Pour le reste de la procédure, chaque personne
publique locale procède à sa manière, selon ses moyens. Certaines d’entre elles n’hésitent
pas à faire œuvre novatrice pour pallier les carences du législateur en matière de
régularisation foncière, aucun dispositif spécifique de résorption de l’occupation sans titre
n’étant prévu dans le CGCT et le CG3P pour permettre aux communes et autres collectivités
locales de régulariser l’occupation sans titre de leur domaine1457. Mais il demeure patent que
les procédures de régularisation foncière sont à géométrie variable, voire à moyens inégaux.
Si des procédures à géométrie variable peuvent se justifier, l’inégalité des moyens de
régularisation foncière, entre l’Etat et les collectivités territoriales de proximité, et entre ces
dernières elles-mêmes, est difficilement justifiable. D’autant plus qu’il s’agit d’occupants
répondant à des situations similaires d’occupation 1458.
La mise en place, par le législateur, de dispositifs juridiques et procédures de
régularisation foncière adaptés, constitués par un socle de règles juridiques communes, pour

1455
Ainsi, il n’est pas rare qu’un occupant sans titre, dont la construction se trouve à cheval sur la propriété de
deux personnes publiques différentes (la zone des cinquante pas géométriques pour l’Etat et le domaine privé
communal par exemple), se retrouve avec deux titres de propriété discordants et des prix de cession calculés
selon des critères discordants. Pour l’acquisition du terrain d’assiette de sa construction, l’occupant acquéreur
peut se retrouver en possession d’un titre de propriété à son nom propre dans un cas et au nom de l’indivision
dans l’autre cas. Cela peut être également un actant une acquisition en démembrement de propriété pour la
partie de terrain reposant sur le domaine privé communal et, pour la partie de terrain reposant sur la zone des
cinquante pas géométriques, avec un titre de propriété actant une acquisition en indivision pure et simple.
1456
C’est le cas de la commune de Fort-de-France en Martinique, qui disposent de moyens et outils plus
importants que ceux mis en place par les petites communes. Mais en définitive, les communes notamment,
petites ou grandes, sont souvent confrontées à un défaut de moyens, particulièrement juridiques.
1457
Les dispositifs de la loi du 30 décembre 1996 concernent l’occupation sans titre de la zone des 50 pas
géométriques appartenant à l’Etat, dont certains secteurs sont en cours de transfert aux collectivités territoriales.
1458
En Martinique, la commune de Fort-de-France a pu mettre plusieurs dispositifs d’aide à l’acquisition. Ce
qui n’est pas le cas pour d’autres communes, où les régularisations foncières peinent à se mettre en place.

410
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

la régularisation foncière de la situation des occupants sans titre, dans les collectivités
territoriales de l’article 73 de la Constitution, alliée à l’instauration de mesures de
concertation entre les propriétaires publics et privés concernés, s’impose. Et cela, eu égard
à l’intérêt public de la régularisation foncière, dans le cadre du respect de la dignité de la
personne humaine.
Ce socle de règles juridiques communes doit viser l’encadrement de la décision de
régularisation foncière elle-même (A), et les caractéristiques et conditions essentielles de la
régularisation (B), sans pour autant porter atteinte à la liberté contractuelle des parties.

A. ENCADREMENT DE LA DÉCISION DE RÉGULARISATION


FONCIÈRE AMIABLE

L’encadrement de la décision de régularisation foncière est primordiale, car c’est


d’elle que découle la suite de la procédure. La décision de régularisation foncière prise par
la personne publique a pour objectif d’autoriser la cession ou le bail, l’autorisation
d’occupation, ou autre, du terrain d’assiette sur lequel reposent les constructions édifiées
sans titre sur sa propriété, ayant pour effet la régularisation de l’occupation.
Pour l’Etat cette décision intervient au profit des occupants initiaux ou de leurs ayants
droit. Pour les communes, départements, régions, et collectivités uniques, elle intervient au
profit des propriétaires des constructions ou de leurs ayant droit ou ayants cause1459. Ces
formulations valident le choix d’une renonciation à la théorie de l’accession résultant de
l’article 552 du code civil, par les personnes publiques, afin de faciliter l’accession à la
propriété des occupants. Dès lors, les possibilités d’optimisation de la régularisation foncière
partent de ce principe, sauf exceptions.
Les points suivants doivent d’être encadrés, pour permettre aux personnes publiques
de bénéficier d’une sécurité juridique dans leurs opérations de régularisation foncière.

1) Décision et respect de la hiérarchie des normes

L’encadrement juridique de la décision de régularisation foncière prise par les organes


délibérants des collectivités locales est nécessaire. Car elle ne peut aboutir à la validation de
dispositifs contraires à la loi, à la jurisprudence et à la doctrine, sauf dispositif expressément
prévu par le législateur. La décision de régularisation foncière, et les modalités de cession
qu’elle contient, doivent être adoptées dans le respect de la hiérarchie des normes et du

1459
Cf. délibérations de régularisation foncière de la commune de Fort-de-France.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

principe d’égalité.
Or, la mise en place de dispositifs d’aides exceptionnelles à l’acquisition par certaines
communes, sans base légale suffisante, peut contribuer à aboutir à de tels résultats. Les
décisions des organes délibérants des collectivités territoriales doivent respecter la norme
supérieure. La cession à l’euro symbolique et l’application d’abattements sur le prix de
vente, contribuent à une cession à un prix largement inférieur à la valeur vénale du bien 1460,
voire à une cession gratuite ou à l’euro symbolique, sont contraires à la loi et à la
jurisprudence, ainsi qu’il a été expliqué en première partie de la thèse1461.
En effet, en vertu du principe d’incessibilité à vil prix de la propriété publique et du
principe de prohibition des libéralités portant sur les biens des personnes publiques1462,
codifiés dans le CG3P, les dispositifs aboutissant à un prix de cession inférieur à la valeur
vénale du bien ou à un prix de vente symbolique confinant à la gratuité, sont interdits. Pour
contourner ces principes, la personne publique doit justifier d’un intérêt général et de
contreparties suffisantes1463, ainsi qu’en atteste la jurisprudence résultant de la décision
« Commune de Fougerolles », du 03 novembre 1997, confirmée par le Conseil d’Etat, dans
son arrêt « Commune de Châtillon-sur-Seine », du 14 octobre 20151464.
En définitive, l’occupant sans titre de la zone des cinquante pas géométriques a droit
à une régularisation foncière dont les conditions sont clairement énoncées dans le code
général de la propriété des personnes publiques. Il peut s’en prévaloir, s’il en remplit les
conditions. Il peut introduire toute action en justice sur cette base, en cas de non-respect de
ses droits. Il a droit à une aide à l’acquisition dans certains cas bien déterminés, et le mode
de calcul de cette aide est le même pour tous et opposable à tous. De même, dans le domaine
privé de l’État, notamment en Guyane française et à Mayotte, certaines procédures sont
prévues et encadrées par le code général de la propriété des personnes publiques, alors que
d’autres sont tout simplement dénaturées pour répondre à la demande d’associations

1460
Dispositifs de régularisation foncière mis en place par la commune de Fort-de-France dans certains
quartiers de son domaine privé : Trénelle, Volga Plage, etc.
1461
Cf. Partie I, Titre II, Chapitre I, Section II, Paragraphe II, sur les risques procéduraux liés à cette
problématique.
1462
CC n°86-207 DC, 25 et 26 juin 1986, Loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d’ordre
économique et sociale, dite « Loi portant D. M. O. E. S. et d’habilitation », Rec. p. 61, sur les privatisations.
En ligne : www.conseil-constitutionnel.fr/conseilcon.dc/decision-n-86-207-dc-du-26-juin-1986.8271.html.
1463
CE, Sect., 3 nov. 1997, Commune de Fougerolles, Rec. 391., AJDA 1997, p. 110, obs. RICHER (L.). Voir
aussi : LONG (M.), WEIL (P.), BRAIBANT (G.), DELVOLVE (P.), GENEVOIS (B.), Les grands arrêts de la
jurisprudence administrative, Éditions Dalloz, 20ème édition, 2015, p. 257, n°10.
1464
CE 14 octobre 2015, Commune de Châtillon-sur-Seine, Req. n° 37557, Recueil Lebon. En ligne :
www.conseil-État.fr/fr/arianeweb/ce/decisions/2015-10-14/375577.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

constituées entre les occupants pour l’obtention de terres à des conditions avantageuses1465.
L’occupant sans titre du domaine privé communal outre-mer, ou d’autres collectivités
locales, qui souhaite régulariser sa situation foncière, est placé dans un cadre juridique moins
avantageux. La décision de régularisation foncière est laissée à l’initiative des collectivités
territoriales de proximité, et peut ne jamais intervenir, en dépit de l’intérêt public avéré.
Or, s’il est normal que la décision de régularisation foncière relève du pouvoir de la
personne publique propriétaire, l’absence d’adoption d’une telle décision de régularisation,
en cas de troubles à l’ordre public ou d’intérêt public avéré, ou en cas de régularisation
foncière dans des conditions similaires par d’autres personnes publiques, serait de nature à
créer une rupture de l’égalité entre les occupants sans titre placés dans des situations
similaires. En effet, certaines situations d’occupation illégale sont de nature à créer des
troubles à l’ordre public, et l’occupation sans titre en fait partie. Le pouvoir discrétionnaire
de régularisation du propriétaire foncier, s’exerce, domaine par domaine, quartier par
quartier, secteur par secteur, générant ainsi des inégalités de traitement entre les occupants,
pouvant aboutir, à terme, à des conflits et contentieux.
De plus, même en l’absence d’arbitraire, une décision de régularisation foncière peut
être adoptée par une commune pour tel quartier, et non pour tel autre, présentant pourtant
des caractéristiques d’occupation similaires, faute de moyens financiers et matériels. Cette
attitude peut être notamment imputable à l’absence de moyens financiers permettant
l’aménagement des quartiers, souvent auto-construits, à l’absence de compétences intra-
communales permettant la mise en œuvre de projets de régularisation foncière1466.
Par ailleurs, il ne peut être demandé aux collectivités territoriales d’espérer une non-
condamnation par la jurisprudence, au vu de jurisprudences plus tolérantes. La jurisprudence
« Commune de Fougerolles » du 03 novembre 19971467, confirmée par l’arrêt du Conseil
d’Etat, du 14 octobre 2015, « Commune de Châtillon-sur-Seine »1468, apporte une tolérance
au principe d’interdiction, au vu d’un intérêt général et des contreparties suffisantes. Mais,

1465
Entretien accordé par le Directeur de France Domaine, à Cayenne (Guyane française), François
VILLENEUVE, le 17 novembre 2016. François VILLENEUVE, mentionne la mise en place d’associations
d’occupants pour l’obtention de la cession par l’État de nombreux hectares de terrains. Pour lui, les procédures
prévues par le Code général de la propriété des personnes publiques ne sont pas adaptées à la situation du
foncier guyanais et aux pratiques en cours.
1466
Certaines communes contactent la commune de Fort-de-France pour connaître les modalités mises en
œuvre et bénéficier de son savoir-faire, mais sans le personnel adéquat, ces communes se retrouvent
confrontées à une multiplication des risques fonciers et contractuels de la régularisation foncière.
1467
CE, Sect., 3 nov. 1997, Commune de Fougerolles, Rec. 391., AJDA 1997, p. 110, obs. RICHER (L.).
1468
CE 14 octobre 2015, Commune de Chatillon-sur-Seine , Req. N° 37557, Recueil Lebon. En ligne :
www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/ce/decisions/2015-10-14/375577.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

il est indispensable que des dispositifs d’aides à l’acquisition soient entérinés par le
législateur pour les collectivités locales (communes, départements, régions et collectivités
uniques), comme cela a été fait pour l’Etat s’agissant de la régularisation foncière menée
dans la zone des cinquante pas géométriques1469.
Rien n’empêche l’adoption de mesures sui generis, à condition qu’elles soient
respectueuses de la hiérarchie des normes, caractérisant tout Etat de droit. De plus, le respect
du principe d’égalité milite en faveur de moyens de régularisation foncière égaux pour toutes
les personnes publiques, et de dispositifs de régularisation foncière applicables à tous les
occupants se trouvant dans des situations d’occupation similaires.
Il est donc nécessaire d’aligner la situation des occupants sans titre du domaine privé
des collectivités territoriales sur celle de ceux occupant la zone des cinquante pas
géométriques, en établissant des conditions de régularisation foncière strictes, validées et
entérinées par le législateur, reproduites dans le code général de la propriété des personnes
publiques (CG3P) et dans le code général des collectivités territoriales (CGCT), afin que
tout occupant puisse se prévaloir, s’il en remplit les conditions, en ce compris devant la
justice, en cas de non-respect des procédures, de tous avantages et dispositifs financiers,
juridiques et techniques afférents à sa situation.

2) Choix de l’acquéreur ou du bénéficiaire et risque de contentieux.

Le choix de l’acquéreur dans les procédures de régularisation foncière doit être


juridiquement encadré. Car la tentation est grande pour le propriétaire public de céder au
premier venu, pour accélérer la régularisation foncière. Mais, pour éviter une montée en
force du contentieux à ce sujet, il convient de mettre en place des procédures strictes et
identiques de détermination de la qualité de l’accédant. Le tableau demeuré ci-annexé
reprend de manière schématique les différentes situations rencontrées et les solutions
juridiques adaptées1470. Pour prévenir le contentieux afférent à la question de la détermination
de l’acquéreur, les personnes publiques propriétaires procèdent généralement à la
régularisation soit au profit de l’occupant initial ayant édifié ou fait édifier sa construction
sur leur domaine, soit à défaut, au profit des ayants-droit ou ayants-cause de l’occupant

1469
Cf. Article 7 de la loi du 30 décembre 1996, validant les dispositifs d’aide à l’acquisition mis en place par
l’Etat dans la zone 50 pas géométriques, à Fort-de-France (Texaco, Volga Plage, …), au Robert, et
généralement dans les communes côtières de Martinique et de Guadeloupe. Toutefois, les occupants sans titre
du domaine privé communal, départemental, ou régional, ne peuvent en bénéficier ; ce qui crée une rupture de
l’égalité entre occupants placés dans une même situation foncière. D’où la tentation de certaines communes
d’étendre ces dispositifs d’aide à l’acquisition aux occupants de leur domaine privé.
1470
Voir tableau non exhaustif des situations de régularisation foncière, ci-annexé.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

initial1471. Mais, ces critères ne sont pas suffisants, les justificatifs fournis n’étant pas
toujours concluants, et la détermination des héritiers n’étant pas toujours effectuée avec la
sécurité juridique adéquate.
Pour connaître la qualité des héritiers de l’occupant initial, les services de l’État se
contentent d’un certificat d’hérédité1472. Or cet acte ne présente pas de sécurité juridique
suffisante à cet effet. Il s’agit d’une simple pratique administrative qui n’est fondée sur aucun
texte1473, et qui fait encourir un risque de résolution du contrat de vente par le juge judiciaire,
sans préjudice des dommages et intérêts éventuels à verser1474.
C’est l’acte de notoriété après décès, établi par un notaire, qui est le mieux à même
d’attester de la qualité des héritiers de l’occupant initial1475. L’article 730-1 du code civil
énonce que la preuve de la qualité d’héritier peut résulter de l’acte de notoriété établi par un
notaire, à la demande d’un ou de plusieurs ayant-droits1476. L’acte de notoriété permet
d’établir la dévolution successorale du défunt, en précisant, après vérification par cet officier
public, l’identité des héritiers et les proportions dans lesquels ils héritent1477. Cet acte est
nécessaire pour le règlement de la succession du de cujus, pour les transferts de tous droits
mobiliers et immobiliers dépendant de la succession, pour la perception des fonds en
dépendant, et généralement pour tous actes de succession1478. C’est en général l’acte qui
ouvre la succession. Il précède l’établissement de l’attestation immobilière après décès 1479.
D’ailleurs, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 20 décembre 2007 relative à la
simplification du droit1480, les actes de notoriété établis à compter du 22 décembre 2007

1471
Les preuves d’édification de la construction doivent être communiquées, ainsi que les justificatifs du
paiement de la taxe foncière.
1472
Entretien accordé par Bernard PUICHAUD, chef de la division « Missions Domaniales » auprès du Service
France Domaine, assisté de Yolaine DEROCHE, alors chargée de la rédaction des actes authentiques en la
forme administrative, le 22 novembre 2013.
1473
Il est établi par l’officier d’état-civil sur simple déclaration des personnes, dans des conditions peu strictes.
1474
Lorsque l’État opère une cession de terrain en faveur d’un ayant-droit au vu d’un certificat d’hérédité, alors
que le défunt a désigné un légataire universel par testament, l’acte établi est susceptible de faire l’objet d’une
action en nullité de la part de l’ayant droit évincé.
1475
Article 730-1 du Code civil, modifié par l’article 9 de la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007.
1476
S’il est vrai que le terme « peut » est utilisé de préférence au terme « doit », il n’en demeure pas moins vrai
qu’à ce jour l’acte de notoriété est le document le plus fiable pour attester de la qualité des héritiers.
1477
Certes, les affirmations faites dans l’acte de notoriété, notamment par les ayants droit et les témoins, sont
faites jusqu’à preuve contraire. Mais, à ce jour, l’acte de notoriété est l’acte authentique le plus fiable pour
attester de la qualité des héritiers.
1478
Perception de capitaux-décès, transfert de carte grise au nom de l’ayant droit, etc.
1479
Laquelle constate le transfert des biens et droits immobiliers dépendant de la succession du défunt.
1480
Loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit et circulaire CIV/03/08 ; loi
entrée en vigueur le 22 décembre 2007, et publiée au JORF du

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

doivent être publiés en marge des actes de décès dressés ou transcrits1481.


L’article 730-1 alinéa 2 du code civil rappelle que l’acte de notoriété est établi au vu
de l’acte de décès du défunt et de certaines pièces justificatives1482. Le Fichier central des
dispositions de dernières volontés (FCDDV)1483, est consulté par le notaire à cette occasion.
Le Maire n’est pas en mesure d’établir un acte de notoriété après décès. Peut-être que le
législateur devrait-il envisager d’élargir cette compétence aux maires. L’article 730-1 alinéa
3 du code civil mentionne que l’acte de notoriété contient l’affirmation du ou des ayants-
droit qu’ils ont vocation à recueillir la succession du défunt en tout ou partie. Cette
affirmation est signée par les ayants-droit.
L’intervention du notaire est rendue obligatoire lorsque des biens immobiliers et des
droits réels immobiliers sont transmis. Or, la plupart des procédures de régularisation
foncière mises en œuvre, porte sur le terrain d’assiette des constructions, les personnes
publiques propriétaires renonçant généralement à se prévaloir de la théorie de l’accession1484.
Elles renoncent ainsi à se prévaloir de la théorie de l’accession à la propriété desdites
constructions. En conséquence, la construction reste appartenir à l’occupant initial et, en cas
de décès, à ses ayants droit, d’où la nécessité de l’acte de notoriété après décès.
Depuis la réforme opérée par l’article 9 de la loi du 20 décembre 20071485, les notaires
ont une compétence exclusive pour l’établissement des actes de notoriété. La faculté qui
avait été donnée aux greffiers en chef des tribunaux d’instance d’établir lesdits actes a été
supprimée par ladite loi1486. Sur ce dernier point, il aurait été plus judicieux que le législateur
conserve la possibilité d’un recours aux greffiers en chefs, pour les personnes disposant de
faibles ressources. Cela permettrait aux occupants sans titre de condition sociale modeste,
de disposer de ce recours1487. Une autre piste consisterait pour le législateur à habiliter les

1481
En pratique les notaires qui ont établi l’acte de notoriété adressent un avis de mention (modèle 1) à l’officier
d’état-civil qui a dressé l’acte de décès. La mention suivante est portée en marge de l’acte de décès : « Acte de
notoriété établi le … par Maître …, notaire à … » Cette mention est datée et signée par l’officie d’état-civil,
qui mentionne également le lieu. La mention de l’acte de notoriété est également reportée sur les registres de
l’état-civil du lieu de résidence de la personne décédée.
1482
Actes de l’état-civil, documents attestant de l’existence ou non de libéralités et dispositions à cause de
mort ; lesquels peuvent avoir une incidence sur la dévolution successorale.
1483
Le FCDDV est situé à Venelles et centralise toutes les dispositions de dernières volontés.
1484
Cf. les articles 551, 552, 553, 554 et 555 du code civil.
1485
Les greffiers ne sont plus susceptibles d’être saisis à cet effet depuis la réforme opérée par la loi n° 2007-
1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit (article 9).
1486
La réponse ministérielle n° 18555 publiée au JO du 21 octobre 2008, page 9072 n’est pas de nature à
changer cette donnée, le faible coût de l’acte de notoriété en dépit de sa complexité croissante, étant justifié
par le ministère de la Justice par la considération qu’il intervient dans le cadre d’une faible succession.
1487
Il arrive que plusieurs actes de notoriété soient nécessaires pour établir la dévolution successorale des
occupants initiaux. Les procédures peuvent se trouver retardées en raison de cela. Le rétablissement de la
compétence des greffiers en chefs dans des cas limités peut s’avérer judicieux.

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maires à délivrer de tels actes de notoriétés, lorsque la dévolution successorale est simple1488.
Quoiqu’il en soit, l’acte de notoriété constitue le document le plus fiable pour établir
la dévolution successorale de l’occupant sans titre initial. Même s’il fait foi jusqu’à preuve
contraire, celui qui s’en prévaut est présumé avoir des droits héréditaires dans la proportion
qui y est précisée1489, et avoir la libre disposition des biens de succession vis-à-vis des tiers
détenteurs, dans la proportion précisée à l’acte1490. Des pénalités de recel successoral et des
dommages et intérêts sont encourus par celui qui se prévaut à tort d’un acte de notoriété1491.
D’autres actes sont présentés pour la détermination de la qualité de l’acquéreur, tels
que les ventes de constructions par actes notariés ou par actes sous seing privé contenant
légalisation de signatures, et autres actes justificatifs. Ces documents sont mentionnés en
première partie de l’exposé et ne sont pas toujours probants, d’où la nécessité de lister avec
précision, du plus probant ou moins probant, la liste des justificatifs pouvant être présentés
en vue d’une régularisation foncière.

3) Personnalité physique ou morale de l’acquéreur ou du bénéficiaire

Les procédures de régularisation foncière en cours privilégient la cession au profit de


l’occupant personne physique. Or, la décision de ne pas limiter la régularisation foncière aux
personnes physiques constituerait un élément d’accélération des procédures de résorption de
l’occupation sans titre outre-mer. La régularisation doit être rendue possible au profit d’une
personne physique ou morale, mais de manière encadrée. Il serait donc judicieux d’ouvrir
les procédures de régularisation aux sociétés de types familiales, telles que les sociétés
civiles immobilières (SCI) familiales constituées entre membres d’une même famille.
En effet, en cas de conflits familiaux ou de mésententes familiales, la constitution
d’une SCI familiale, qui se porterait acquéreur du terrain d’assiette de la construction, serait
une solution alternative intéressante, préférable à la cession en indivision pure et simple.
Elle serait de nature à résorber certains litiges liés aux acquisitions en indivision.
Dans les cas d’une régularisation foncière au profit de professionnels, il semble

1488
Une autre voie serait de permettre aux communes d’embaucher des diplômés notaires qui seraient alors
exceptionnellement habilités à délivrer de tels actes, sous le contrôle de la chambre des notaires, nonobstant le
numerus clausus organisant la profession de notaire. Cela faciliterait les procédures de régularisation foncière.
En effet, l’établissement d’un acte de notoriété requiert des compétences spécifiques en matière notariale
(notamment en présence de règles de dévolution successorale légale complexe ou testamentaire, en présence
d’un testament, d’une donation entre époux au dernier vivant, etc.). Dans ces cas, l’hypothèse acceptable serait
de limiter l’intervention aux dévolutions simples (descendantes et ascendantes sans libéralités).
1489
Article 730-3 du code civil.
1490
Article 730-4 du code civil.
1491
Articles 730-5 et 778 du code civil.

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nécessaire de concevoir l’idée d’une régularisation au profit d’une société commerciale,


quitte à n’accorder aucune aide à l’acquisition et à pratiquer la cession au prix fort.

4) Pratiques de désistement.

Les pratiques de désistement en matière de régularisation foncière doivent être


encadrées par le législateur. Se désister pour l’acquisition d’un bien, n’est pas renoncer à la
succession de son auteur. La renonciation à succession se fait au greffe du tribunal du lieu
d’ouverture de la succession ou par devant notaire1492. Elle concerne toute la succession.
L’option conditionnelle ou à terme est nulle1493. Le désistement ne vaut que pour le bien qu’il
précise, laissant intact les droits du désistant sur le reste de la succession. Il doit contenir la
certification matérielle de la signature du désistant.
La pratique des désistements mérite d’être mieux encadrée juridiquement dans le cadre
des procédures de régularisation foncière, sans pour autant conduire à un blocage des
procédures. Les désistements délivrés par les ayants droit qui ne souhaitent pas se porter
acquéreurs du terrain d’assiette de la construction édifiée par leur auteur, doivent respecter
certaines précautions, en sus de la certification matérielle de signatures. Leur rédaction doit
être formulée le plus simplement possible, sans risque d’être assimilée à un testament1494 ou
à une donation1495 ; lesquels obéissent à des règles particulières et ont des effets spécifiques.
Les désistements peuvent consister en de simples attestations ou courriers, aux termes
desquels l’ayant droit non intéressé par l’acquisition déclare ne pas vouloir se porter
acquéreur du terrain d’assiette de la construction édifiée par son auteur, et ne pas s’opposer
à ce que la cession ait lieu au profit du ou des cohéritiers restant. Si la construction reposant
sur le terrain est de valeur nulle ou faible, le désistant peut également se désister de ses droits
sur la construction et déclarer ne pas vouloir être inquiété ni recherché pour quelque cause
que ce soit à ce sujet, notamment concernant les dettes foncières et fiscales y afférentes. Si
la construction a de la valeur, le désistement a généralement lieu en contrepartie d’une
indemnisation versée par l’ayant droit acquéreur, aux ayants droit non-acquéreurs, au vu
d’un acte de vente de droits réels immobiliers (droits résultant de la construction et des

1492
Article 804 du code civil. De plus, l’héritier qui a renoncé est sensé n’avoir jamais été héritier (article 805).
1493
Article 768 alinéa 2 du code civil.
1494
Le testament prend effet et s’exécute au décès. Cf. article 895 du code civil : « Le testament est un acte par
lequel le testateur dispose, pour le temps où il n'existera plus, de tout ou partie de ses biens ou de ses droits et
qu'il peut révoquer. »
1495
La donation a lieu par devant notaire, sous peine de nullité. Cf. article 931 du code civil : « Tous actes
portant donation entre vifs seront passés devant notaires dans la forme ordinaire des contrats ; et il en restera
minute, sous peine de nullité. »

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

éventuels avant-contrats qui ont pu être régularisés en amont entre les parties), établi par un
notaire1496, ou par acte sous seing privé établi en plusieurs exemplaires entre les parties, avec
quittancement du prix de vente et légalisation des signatures1497.
Certains héritiers veulent se désister au profit de leur auteur survivant. Cette pratique
aboutit à augmenter les frais de règlement de succession au décès du conjoint survivant, et à
privilégier le transfert du bien au profit des héritiers du conjoint survivant, en cas d’héritiers
issus de plusieurs lits. En outre, il n’y a aucune certitude que le conjoint survivant conservera
le bien dans son patrimoine aux fins de rétrocession par succession au profit des héritiers qui
s’étaient préalablement désistés en sa faveur. Étant propriétaire dudit bien, rien ne l’empêche
d’en disposer comme bon lui semble le moment venu, sauf restriction insérée dans le courrier
de désistement. C’est donc la solution inverse qu’il faut préconiser.
Mais il s’agit d’une solution toujours délicate à mettre en œuvre, d’où l’intérêt que
peut revêtir l’encadrement des caractéristiques et conditions particulières de régularisation
foncière (B).

B. ENCADREMENT DES CARACTÉRISTIQUES ET CONDITIONS


DE RÉGULARISATION FONCIÈRE

L’encadrement juridique des caractéristiques et conditions de la régularisation


foncière est essentielle. Par les termes «caractéristiques et conditions », il faut entendre
celles de la régularisation foncière par octroi d’un titre de propriété, d’un titre de jouissance,
ou d’un droit d’usage et d’habitation. Toutefois, les aspects qui interpellent dans le cadre
présent, ont trait particulièrement à la détermination de l’acquéreur (ou du bénéficiaire), à la
désignation du bien à céder en consistance et en superficie (d’où la nécessité du bornage de
la parcelle à vendre), à la fixation du prix de vente, des modalités de paiement, et des charges
et conditions particulières du contrat. Tous ces aspects ne seront pas étudiés ici, car ils
relèvent du droit commun des contrats et obligations. Certains points ont fait l’objet de
développements en amont. D’autres méritent un développement ou un rappel particulier.

1) Détermination de l’acquéreur ou du bénéficiaire

Il convient de se référer aux développements effectués plus avant, concernant les

1496
Dans ces cas, les notaires rencontrent des difficultés à faire publier au service de la publicité foncière, des
actes de cessions de constructions reposant sur le terrain d’autrui. Ces actes font généralement l’objet de refus
de la part du service de la publicité foncière. Les actes concernés sont alors simplement enregistrés ; ce qui
présente une garantie moins intéressante pour l’acquéreur qui, dès lors, se rabat sur l’acte sous seing privé.
1497
Par une mairie, un commissariat de police, un notaire.

419
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
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particularités liées à la détermination de l’acquéreur dans le cadre des procédures de


régularisation foncière1498.

2) Légalisation des mesures d’aides à l’acquisition et clause générale de


compétence

Ainsi qu’il a été expliqué en amont, les cessions à un prix inférieur à la valeur vénale
du bien, à l’euro symbolique ou à titre gratuit sont interdites. À moins que la personne
publique puisse justifier d’un intérêt général et de contreparties suffisantes1499. Seules sont
permises à des collectivités territoriales, les aides à l’investissement immobilier et à la
location d’immeubles, accordées aux entreprises1500, sous forme de rabais sur le prix de vente
ou sur le montant de la location de biens immobiliers.
Or, dans le cadre de ses procédures de régularisation foncière, l’Etat peut consentir
aux particuliers des cessions bénéficiant des dispositifs d’aide à l’acquisition mises en place
par le législateur dans le cadre de l’article 7 de la loi du 30 décembre 1996. De même, il peut
consentir aux communes et organismes d’habitats sociaux des cessions gratuites ou des
cessions moyennant un prix payable de manière échelonnée1501.
L’extension par certaines communes, avec aménagements, des dispositifs d’aides
prévus pour l’Etat, aux candidats à la régularisation foncière de leur domaine privé, pose la
question du défaut de base légale de cette extension1502, dont l’objectif est notamment le
traitement égalitaire entre les occupants sans titre de domaines appartenant à deux personnes
publiques différentes, sans oublier l’ordre public.
À cet égard, il convient de rappeler qu’en vertu de leur clause de compétence générale,
découlant du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, et
énoncé à l’article L2121-29 du CGCT1503, les communes peuvent conduire les politiques

1498
Un tableau retraçant succinctement les différentes situations juridiques rencontrées et les solutions et pièces
qui leur sont applicables, demeure ci-annexé.
1499
CE, Sect., 3 nov. 1997, Commune de Fougerolles, Rec. 391., AJDA 1997, p. 110, obs. RICHER (L.). Voir
aussi : LONG (M.), WEIL (P.), BRAIBANT (G.), DELVOLVE (P.), GENEVOIS (B.), Les grands arrêts de la
jurisprudence administrative, Éditions Dalloz, 20ème édition, 2015, p. 257, n° 10, et 15ème édition, 2005, p. 280,
n° 44.11. Arrêt confirmé par, CE 14 octobre 2015, Commune de Châtillon-sur-Seine, Req. n° 37557, Recueil
Lebon.
1500
En application des articles R1511-4 et suivants du CGCT.
1501
Cf. par exemple, l’article L5111-5 du CG3P, ou encore article L5112-4 du CG3P.
1502
Cette question a été étudiée en amont.
1503
L’article L2121-29 du CGCT énonce : « Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la
commune. Il donne son avis toutes les fois où cet avis est requis par les lois et règlements, ou qu’il est demandé
par le représentant de l’Etat dans le département. Lorsque le conseil municipal, à ce régulièrement requis,
refuse ou néglige de donner avis, il peut être passé outre. Le conseil municipal émet des vœux sur tous les
objets d’intérêt local. » (issu de la loi n° 96-142 du 21 février 1996, relative à la partie législative du CGCT.

420
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
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publiques qu’elles jugent conformes aux « affaires locales » ou à « l’intérêt public


local »1504. Sous réserve de ne pas empiéter sur les missions des autres collectivités, ni sur
les compétences de la société civile, particulièrement en matière économique, le conseil
municipal délimite ce qui ressort ou non de sa compétence en fonction de ses orientations
générales1505. Il peut donc créer un service public local ou une activité d’intérêt communal
en fonction de ses moyens.
Toutefois, la notion d’intérêt communal justifiant l’intervention communale est
difficile à cerner. Il existe une abondante jurisprudence en la matière1506. Elle démontre que
la commune peut participer au financement d’une activité qu’elle estime d’intérêt public1507.
C’est probablement dans ce cadre qu’il conviendrait de classer les mesures sui generis
de régularisation foncière mises en place par les communes outre-mer1508. Cet intérêt public
local, respectueux de l’initiative privée, permet aux communes outre-mer d’intervenir, dans
le cadre des procédures de régularisation foncière qu’elles mettent en place, en cas de
carence de l’initiative privée et/ou de l’action de l’Etat, dans le cadre d’une adaptation des
normes aux circonstances, mais sous réserve du respect des normes juridiques supérieures.
En effet, le professeur Pascal JAN invite à relativiser l’importance effective de la
clause générale de compétence, pour des raisons juridiques et pratiques1509. Ainsi, la
compétence d’agir n’équivaut pas à la liberté d’agir, en raison de trois contraintes. En
premier lieu les collectivités territoriales doivent exercer leurs compétences (bloc de
compétences ou clause générale de compétence), dans le respect de la légalité et donc de la
hiérarchie des normes. En second lieu leur intervention sur la base de la clause générale de
compétences est soumise à l’existence d’un intérêt public local ou « intérêt local » dont la
notion est contrôlée par la jurisprudence tel que sus dit. En troisième lieu, ladite clause

1504
Depuis la loi NOTRe du 07 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, seules
les communes ont conservé cette capacité d’intervention générale.
1505
OBERDORFF (Henri), Les institutions administratives, éditions Dalloz (Paris), Sirey Université, 2010,
pp. 191 et s. n°s 273.
1506
CE, 29 mars 1901, Casanova, GACE, p. 51, concernant la création d’un poste de médecin communal ; et
CE, 04 mars 1910, Thérond, GACE, p. 131, concernant la capture de chiens errants, donc ayant trait à l’hygiène
et à la sécurité de la population.
1507
Voir CE, 07 juillet 2004, commune de Celoux, Coll. Terr. 2004 n° 197, note MOREAU (J.), cité dans
OBERDORFF (Henri), op. cit. Dans cet arrêt, le financement par la commune d’un voyage de découverte à la
Guadeloupe, offert aux enfants de la commune et à leurs accompagnateurs, pour fédérer l’esprit communal et
favoriser l’ouverture vers l’extérieur, a été considéré par le conseil d’Etat comme relevant de l’intérêt public
communal.
1508
Cf. VERPEAUX (Michel), RIMBAULT (Christine) et WASERMAN (Franck), Les collectivités
territoriales et la décentralisation, collection « Découvertes de la vie publique », 11e édition, septembre 2018,
La documentation française, Emplacements 1898 et ss sur 4416.
1509
JAN (Pascal), Institutions administratives, collection « Objectif Droit, cours », 4ème édition, juin 2011, n°
444, pp. 259 et ss., 346 pp.

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générale de compétence n’habilite la collectivité bénéficiaire à intervenir dans un domaine


d’intérêt local, que si les matières concernées ne relèvent pas d’attributions comprises dans
le champ des compétences exclusives d’autres personnes publiques, en ce compris l’Etat.
Par ailleurs sur le plan pratique, l’auteur dénonce le manque de moyens, notamment
financiers, nécessaires à l’exercice effectif de la clause générale de compétences ; d’autant
plus que l’article L1111-4 du CGCT impose aux collectivités le financement prioritaire des
projets ayant trait aux domaines de compétences qui leurs sont dévolus par la loi1510.
Ainsi, pour éviter toute extension ou développement normatif local arbitraire, il est
souhaitable que le législateur entérine ou étende les dispositifs d’aide à l’acquisition, au
profit des collectivités territoriales outre-mer, comme outils de régularisation foncière, de
manière à leur conférer des moyens aussi efficaces que ceux de l’Etat pour régulariser
l’occupation sans titre de leur foncier, à situations égales. Il s’agit d’une modalité
d’application du principe d’égalité.
L’extension du dispositif d’aide exceptionnelle à l’acquisition, à toutes les procédures
de régularisation foncière, qu’elles soient le fait de l’Etat ou de personnes publiques locales
(communes, départements, régions, collectivité uniques), et qu’elles interviennent dans la
zone des cinquante pas géométriques, sur le domaine privé étatique, ou sur le domaine des
personnes publiques locales, permettrait aux collectivités territoriales de bénéficier de ce
mécanisme, sans encourir de risques de recours pour défaut de base légale suffisante ou
atteinte au principe de légalité, toujours possibles en dépit de la jurisprudence « commune
de Fougerolles »1511, et sans avoir à « tirailler » les règles de droit.
En sus de l’aide à l’acquisition, une procédure d’échelonnement des paiements
pourrait être mise en place en faveur de certains occupants sans titre. En effet, nonobstant
l’aide à l’acquisition consentie par les personnes publiques propriétaires, les difficultés
d’acquittement du prix de cession demeurent pour certains occupants. Cela a été confirmé
par le chef de la division « Missions Domaniales » auprès du Service France Domaine en
Martinique1512. Les mêmes difficultés apparaissent dans le cadre des régularisations foncières
menées par certaines communes1513. Afin de résoudre ce problème, l’État accorde un délai
de deux ans aux occupants acquéreurs, à compter de la notification du prix de vente, pour

1510
JAN (Pascal), Institutions administratives, n° 444, op cit.
1511
CE, Sect., 3 nov. 1997, Commune de Fougerolles, Rec. 391., AJDA 1997, p. 110, obs. RICHER (L.).
1512
Entretien accordé par Bernard PUICHAUD, chef de la division « Missions Domaniales » auprès du Service
France Domaine, assisté de Yolaine DEROCHE, alors chargée de la rédaction des actes authentiques en la
forme administrative, le 22 novembre 2013.
1513
Des dizaines de cessions sont bloquées, faute de paiement du prix de vente.

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procéder au paiement du prix. Mais dans la pratique, les occupants sans titre paient au gré
de leur possibilité et l’acte de vente est régularisé in fine, après entier paiement du prix par
l’acquéreur. Cette situation allonge considérablement les délais de paiement et de
régularisation foncière1514. Plus encore, certains occupants sans titre prennent le risque de ne
pas payer, sachant qu’il sera difficile à la personne publique de procéder à leur expulsion,
d’un point de vue politique.
L’aide à l’acquisition au profit des occupants sans titre n’est pas toujours suffisante, et
certains d’entre eux se retrouvent quand même hors du système. Le même problème se
rencontre lors des opérations de régularisation foncière de l’occupation du domaine privé
des personnes publiques locales (communes, régions, départements, collectivités uniques).
La mise en place d’une procédure de paiements échelonnés auprès des trésoreries
municipales notamment, et en accord avec ceux-ci, serait judicieuse1515. Il serait bon que le
législateur intervienne pour légiférer à ce sujet.
Par ailleurs la mise en place d’un système similaire à celui de l’aide juridictionnelle
pourrait être adaptée à la régularisation foncière outre-mer, compte tenu de son caractère
d’intérêt public. À cet égard, il serait intéressant de se référer à la procédure de l’aide
juridictionnelle mise en place par l’État pour les justiciables confrontés à un manque de
ressources financières dans le cadre d’une procédure judiciaire. Elle peut être totale ou
partielle et couvre les frais judiciaires. Elle tient compte des ressources du demandeur. Un
système similaire pourrait être envisagée pour tenter d’apporter une réponse à la
problématique financière, greffée sur celle de l’occupation sans titre.
Mais de telles mesures d’aide à l’acquisition impliquent que le sort des biens ainsi
acquis soit contrôlé de manière à éviter l’opportunisme de la spéculation foncière.

3) Opportunité des mesures anti-spéculatives

Les mesures anti-spéculatives font débat dans la pratique, car elles sont impopulaires
auprès des occupants et des exécutifs locaux1516. Toutefois, elles constituent la légitimation
de l’application des dispositifs d’aide à l’acquisition qui, sans cela, aboutiraient à une autre
forme de rupture d’égalité entre les administrés. De plus, l’absence de clause anti-spéculative
pourrait conduire la jurisprudence à assimiler certaines procédures d’aides exceptionnelles

1514
Entretien accordé par Bernard PUICHAUD, le 22 novembre 2013, op. cit.
1515
Certains trésoriers n’y sont cependant pas favorables, compte tenu des contraintes de tenue de la
comptabilité publique. Mais en pratique, les paiements échelonnés sont acceptés par le trésorier municipal au
cas par cas. Aucune convention n’a pour l’heure été signée entre les comptables publics et les exécutifs locaux.
1516
Constatations faites à l’occasion des opérations de régularisation foncière menées à Fort-de-France.

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à de l’enrichissement sans cause, à défaut de base légale.


Les clauses anti-spéculatives sont licites, car fondées sur l’article 1134 du code civil
affirmant le principe de la liberté contractuelle. Elles pourraient constituer l’une des
modalités de la vente d’un bien immobilier à un prix inférieur à sa valeur vénale1517, mais
gagneraient à être mieux adaptées. Il est légitime d’assortir certaines opérations de
régularisation foncière, de mesures anti-spéculatives, visant à interdire la rétrocession
immédiate du bien, à un prix très élevé dans de courts délais.
La clause interdisant la rétrocession du bien acquis à faible coût, dans le cadre de
procédures de régularisation foncière, avant l’écoulement d’un certain délai (un an ou deux
ans par exemple)1518, sauf dérogation expresse accordée, est constitutive d’une mesure anti-
spéculative1519. Celle-ci pourrait aussi consister dans le remboursement en tout ou partie de
l’aide à l’acquisition, comme l’État le pratique déjà dans les procédures de régularisation
foncière de la zone des cinquante pas géométriques1520. En pratique ce procédé se révèle peu
dissuasif, la plus-value étant souvent largement suffisante pour compenser le remboursement
du faible coût payé par l’occupant pour la régularisation foncière de sa situation. Le montant
du remboursement de l’aide à l’acquisition n’est pas dissuasif1521.
Les clauses anti-spéculatives instituant un contrôle sur le prix, ou sur la faculté de
rachat, lors de la cession du bien par l’acquéreur sont également envisageables. Parmi elles,
la clause d’agrément du prix est éthique. Elle consiste pour l’acquéreur à prendre
l’engagement, en cas de revente du bien acquis dans un délai fixé contractuellement,
d’obtenir l’accord du vendeur initial sur le prix de cession.
L’introduction d’un pacte de préférence au profit du vendeur en cas de cession par
l’acquéreur, est constitutive d’une clause anti-spéculative. Ce droit s’exercerait selon des
modalités prévues au contrat. Toutefois cette clause n’est intéressante que si la personne
publique bénéficiaire du pacte peut se prévaloir du prix de cession initial augmenté du taux
d’érosion monétaire. Toutefois, il y aurait lieu d’ajouter en sus du prix du terrain, le prix de

1517
CAA de Nantes, 3ème ch., 30 juin 2000, n° 00NT00040, « Commune de La Guyonnière », inédit au recueil
Lebon, en ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000007528745.
1518
C’est le cas des procédures de régularisation foncière menées dans le quartier « Trénelle » à Fort-de-France.
Mais cette mesure demeure impopulaire et n’a donc pas été étendue aux autres quartiers.
1519
Cette interdiction d’aliéner doit être limitée dans le temps et ne doit pas s’étendre aux donations, aux
successions et autres dispositions à titre gratuit.
1520
Entretien du 1er juin 2007, avec Elisabeth LEONIDAS, alors chargée de la mission « Régularisation de la
situation des occupants sans titre ». La procédure de guichet unique mise en place par la ville de Fort-de-
France, permet d’accompagner les acquéreurs concernés par la procédure de cession mise en œuvre par l’État.
1521
Il devrait plutôt correspondre à une quote-part de la plus-value réalisée par l’occupant spéculateur, égale
par exemple à 51 % de la plus-value engrangée sur la vente du terrain (hors coût de la construction, non compris
dans le prix de vente pratiqué lors de la régularisation foncière).

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la construction généralement non pris en compte lors de la régularisation foncière ; ce qui


alourdirait le prix de rétrocession.
La faculté d’introduire un droit de préemption conventionnel au profit du vendeur, ou
prévu par la loi, faisant obligation à l’acquéreur d’informer le vendeur en cas de mise en
vente du bien acquis, est constitutive d’une clause anti-spéculative. Par ce biais, le vendeur
initial aurait la faculté de se substituer au tiers acquéreur, dans des conditions déterminées
au contrat de vente, ou dans les conditions légales s’il s’agit d’un droit de préemption légal.
En général, ce droit est limité dans le temps (pour une période de cinq à dix ans)1522.
Par le biais du droit de préemption ou par l’exercice du pacte de préférence, l’État
(CTM ou région en 2021 pour la zone des cinquante pas géométriques), de même que les
collectivités locales de proximité, et les autres personnes publiques, pourront se substituer à
l’acquéreur et récupérer le bien vendu à la suite d’une procédure de régularisation foncière,
pour le réattribuer à des occupants sans titre, en cas d’obligation de relogement.
Une autre clause anti-spéculative, la vente à réméré ou faculté de réméré ou de rachat,
est une stipulation aux termes de laquelle le vendeur se réserve le droit de reprendre la chose
vendue moyennant la restitution du prix principal et le remboursement des frais et loyaux
coûts de la vente1523. Cette clause est en général stipulée pour une durée maximale de cinq
ans. Dans ce type de clause, l’initiative de la cession appartient au vendeur. Pour plus
d’efficacité, la clause de réméré est généralement assortie d’un pacte de préférence de même
durée. Ainsi, l’acquéreur est propriétaire de la chose vendue, sous la condition que son droit
de propriété ne soit pas résolu par l’exercice du droit de réméré. L’exercice d’un tel droit
produit l’effet d’une clause résolutoire et replace les parties dans le même état que celui dans
lequel elles se trouvaient avant la vente. Le vendeur reprend donc l’immeuble dans l’état
dans lequel il serait s’il n’avait pas quitté son patrimoine. Il supporte les moins-values et
profite des plus-values apportées à l’immeuble et qui ne sont pas du fait de l’acquéreur. Ce
dispositif revêt un intérêt limité en matière de régularisation foncière, car il fragilise le
processus de régularisation.
D’autres clauses anti-spéculatives peuvent être stipulées eu égard à la liberté
contractuelle. Certaines ont pour effet de limiter la liberté de l’acquéreur concernant

1522
Le droit de préemption dont bénéficie l’État, en matière de régularisation foncière dans la zone des
cinquante pas géométriques, à titre de disposition anti-spéculative, se rapproche de cette solution. Mais, tel
qu’il est appliqué, ce droit de préemption revêt peu d’intérêt, car il intervient après la vente du bien. Un droit
de préemption classique, qu’il y aurait lieu de purger avant la vente du bien, avec possibilité pour la personne
publique propriétaire de faire une contre-proposition de prix de vente serait plus adéquat.
1523
Cf. les articles 1659 et 1673 du Code civil.

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l’affectation du bien (ex. : obligation d’occuper le bien à titre de résidence principale,


interdiction de louer, …)1524. D’autres mériteraient d’être mieux exploitées dans le cadre des
processus de régularisation foncière en cours dans les collectivités territoriales situées outre-
mer1525. Les clauses anti-spéculatives ont en général pour objectif de limiter la liberté de
disposer de l’acquéreur, en contrepartie de l’aide accordée, et de l’empêcher de réaliser une
plus-value au détriment de la personne publique venderesse. Il peut s’agir aussi de garantir
un toit à l’acquéreur de condition modeste, et in fine, d’obtenir le remboursement de l’aide
accordée si l’acquéreur ne respecte pas les clauses du contrat. Pour être pleinement efficaces,
ces clauses devront être intégrées à l’acte et publiées au service de la publicité foncière.
Parmi les autres caractéristiques et conditions de la vente, l’adoption de modalités
facilitant la sortie de l’indivision, dès le stade de la procédure de régularisation foncière,
serait aussi souhaitable.

4) Oppositions et omissions de signature

Dans le cadre d’une procédure de régularisation foncière, le refus d’un ou plusieurs


héritiers de procéder à la signature de l’acte de cession, accompagné d’un refus corrélatif de
désistement, crée une situation de blocage volontaire. Les courriers et la médiation ne sont
souvent d’aucun recours. Les ayants droit désirant régulariser leur situation foncière, sont
alors tenus de passer par le ministère d’un avocat. Ce dernier a la possibilité de demander au
juge, par requête, la désignation d’un mandataire qui signera l’acte aux lieu et place de
l’héritier défaillant, dans les conditions prévues à l’article 837 du Code civil1526.
Toutefois, lorsque la personne publique est seule propriétaire du terrain d’assiette de
la construction, comme c’est le cas dans la plupart des opérations de régularisation foncière,

1524
Au sujet des clauses anti-spéculatives, l’ancien maire de la commune de Fort-de-France, Serge
LETCHIMY, faisait observer que l’introduction d’un dispositif tendant à limiter la spéculation foncière n’est
pas la meilleure solution dans le cadre de la régularisation de la situation des occupants sans titre, et serait
plutôt source d’une certaine injustice. Il motive sa pensée par la considération que l’introduction d’une clause
limitant la cession, dans un titre de propriété accordé à quelqu’un qui occupe les lieux depuis 30, 40, voire 50
ans ou plus, ne serait pas souhaitable, sauf dans les cas des logements évolutifs sociaux (L.E.S.), eu égard à
l’ancienneté de l’occupation. Cf. entretien avec le député-maire Serge LETCHIMY, du 1er juin 2007, précité.
1525
Une clause anti-spéculative, interdisant ou limitant la rétrocession des biens acquis grâce au dispositif
d’aide à l’acquisition, avant l’écoulement d’un délai de deux ans à compter de la date de signature de l’acte de
vente, a été introduite pour la cession des terrains du quartier Trénelle à Fort-de-France.
1526
Des requêtes ont déjà été introduites par la Ville de Fort-de-France sur cette base, dans le cadre des
opérations de régularisation foncière. L’article 837 du code civil stipule que : « Si un indivisaire est défaillant,
sans qu’il soit néanmoins dans l’un des cas prévus à l’article 836, il peut, à la diligence d’un copartageant,
être mis en demeure, par acte extrajudiciaire, de se faire représenter au partage amiable ». « Faute pour cet
indivisaire d’avoir constitué mandataire dans les trois mois de la mise en demeure, un copartageant peut
demander au juge de désigner toute personne qualifiée qui représentera le défaillant jusqu’à la réalisation
complète du partage. Cette personne ne peut consentir au partage qu’avec l’autorisation du juge ».

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en cas de persistance du refus de signature de l’acte de vente par un héritier, elle peut
procéder à la vente du terrain au profit des seuls indivisaires qui désirent acquérir1527. Dans
ce cas, il est judicieux de préciser dans l’acte de vente que les indivisaires acquéreurs feront
leur affaire personnelle de l’indemnisation de l’indivisaire défaillant, compte tenu de ses
droits sur la construction reposant sur ledit terrain. Il conviendra aussi de préciser dans l’acte
de vente, qu’ils devront saisir un notaire pour sortir de l’indivision et procéder au partage
par licitation ou autrement.

5) Apport de la loi Letchimy sur l’indivision en matière de régularisation


foncière.

La loi « Letchimy » du 27 décembre 2018 sur l’indivision outre-mer1528 est prévue


pour faciliter le règlement des successions bloquées par des indivisions outre-mer, et
constitue un levier d’accélération des opérations de régularisation foncière outre-mer. En
effet, elle vise « à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du
logement en outre-mer »1529.
Toutefois son apport est limité s’agissant du cadre strict de la régularisation foncière.
En effet, la loi du 27 décembre 2018 dite "Loi Letchimy sur l'indivision", ne s'applique pas
en l'état aux opérations de régularisation foncière, car elle suppose une indivision. Or,
lorsque la personne publique propriétaire vend un terrain dépendant de son domaine privé à
des ayants droits d'occupants initiaux qui y ont fait édifier leur construction, le terrain
appartient en totalité à la collectivité locale propriétaire, et non aux héritiers.
En revanche, la "Loi Letchimy sur l'indivision" peut trouver à s'appliquer s'agissant de
la construction reposant sur le terrain d'assiette, si la collectivité publique propriétaire a
renoncé à son droit d'accession1530, par décision de son assemblée délibérante. Dans le cas de
construction en indivision reposant sur le terrain d'autrui, la procédure prévue par les articles
1 et suivants de la loi Letchimy, pourrait être mise en œuvre par les ayants droit souhaitant
se porter acquéreurs, à l’encontre des ayants droits récalcitrants, concernant seulement la
construction leur appartenant. Pour cela, les héritiers devront passer par le ministère d’un

1527
Éventuellement au vu d’un rapport des services concernés dûment motivé, et au vu des justificatifs apportés
par les familles, des relances et sollicitations effectuées, notamment par courrier recommandé avec accusé de
réception, invitant le défaillant à procéder à la signature de l’acte de vente.
1528
Loi n° 2018-1244 du 27 décembre 2018 visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer
la politique du logement en outre-mer, publiée au JORF n°0300 du 28 décembre 2018, texte n° 1.
1529
La loi Letchimy sur l’indivision est issue d’une proposition de loi déposée le 19 janvier 2018, et enregistrée
à la présidence de l’Assemblée nationale le 04 avril 2018, sous le n° 850. En ligne le 11 avril 2018 :
http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/alt/sortie_indivision_successorale_outre-mer.
1530
Théorie de l'accession des articles 552 et s. du C. civ.

427
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

notaire, qui devra respecter toutes les formalités prévues dans la loi Letchimy, au vu de
l’accord préalable écrit de la personne publique propriétaire1531.
La « loi Letchimy » sur l’indivision s’applique aux successions ouvertes depuis plus
de dix ans, ce qui limite son champ d’application. Elle constitue néanmoins une avancée
incontournable pour la sortie de l’indivision successorale outre-mer.
Mais d’autres modalités permettent d’apporter une solution au moins partielle à
l’indivision, dans le cadre des procédures de régularisation foncière. Les cessions en
démembrement de propriété en font partie.

6) Cessions en démembrement de propriété et autres modalités

L’occupant initial ou ses ayants droit, n’étant pas propriétaires du terrain d’assiette de
leur construction, il convient pour les personnes publiques régularisatrices, de favoriser,
lorsque c’est possible, la sortie de l’indivision et le règlement anticipé des successions, d’un
commun accord entre les parties. Cela permet d’enrichir la régularisation foncière de
dispositifs de gestion de patrimoine prenant en compte des montages juridiques empruntés
au droit privé.
Les montages juridiques optimisateurs de la régularisation foncière par cession,
permettent de favoriser une cession en démembrement de propriété plutôt qu’en indivision,
notamment en privilégiant la cession de l’usufruit à l’ascendant survivant et la cession de la
nue-propriété aux ayants droit de l’ascendant prédécédé1532. Dans ce cas, le conjoint
survivant acquiert le terrain en usufruit, et les héritiers en nue-propriété. Au décès du
conjoint survivant, la pleine propriété du terrain revient aux nus-propriétaires, sans qu’il soit
nécessaire de saisir un notaire pour constater la réunion de l’usufruit à la nue-propriété ;
l’usufruit s’éteignant automatiquement au décès de l’usufruitier. Toutefois, cette solution ne
vaut que si les deux conjoints occupants initiaux n’ont que des héritiers communs. Elle est
déconseillée lorsqu’il existe des enfants de plusieurs lits, car mal appliquée, elle pourrait
aboutir à une répartition inégale des biens, voire à déshériter les enfants du conjoint survivant
non issus du conjoint prédécédé1533. Ce montage peut être affiné, par la prise en compte d’un

1531
Dans un tel cadre, l’exécutif territorial, bien qu'agissant en qualité d'officier public pour la régularisation
des actes de vente des terrains (d'assiette des constructions) dépendant de son domaine privé, ne peut intervenir
pour régulariser un acte quand elle n'est pas l'une des parties à l'acte. Sa faculté d'authentification ne concerne
que les actes qui concernent la collectivité (en tant que vendeur, acquéreur ou autre).
1532
Cf. le tableau figurant à l’article 669 du code général des impôts, déterminant la valeur de l’usufruit et de
la nue-propriété en fonction de l’âge de l’usufruitier. Cf. le bulletin officiel des impôts référencé : BOI-ENR-
DMTG-10-40-10-50-20131223.
1533
Solution utilisée, après accord des héritiers ou sur leur demande, au vu d’un acte de notoriété après décès,
dans le cadre de successions non conflictuelles avec des enfants sont issus du même lit.

428
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

droit d’usage et d’habitation1534 au lieu de l’usufruit.


Cette solution juridique est intéressante, efficiente et moins coûteuse car elle permet
le règlement anticipé de la succession du conjoint survivant à moindre coût, surtout si le bien
concerné est le seul patrimoine de la famille concernée.
Par ailleurs, une valorisation des différentes strates de la propriété (sous-sol, tréfonds,
superficie, sol, lots de copropriété, lots volumes, …) peut également être mise en œuvre par
les personnes publiques, qui peuvent s’appuyer à cet effet sur les compétences d’un géomètre
agréé, d’un notaire et d’un personnel ayant des compétences juridiques et notariales.
En outre, lorsque la régularisation foncière est réalisée au profit de concubins, des
acquisitions croisées entre concubins1535 peuvent être mises en œuvre, lors de la cession du
terrain d’assiette de la construction par la personne publique propriétaire. L’achat en
démembrement croisé, possible lors des opérations de régularisation foncière, permet à l’un
des concubins d’acheter l’usufruit de la moitié du terrain et la nue-propriété de l’autre moitié
du bien à acquérir, l’autre concubin procédant inversement. De sorte qu’au décès de l’un,
l’autre garde l’usufruit du tout, puisqu’il demeure bénéficiaire de l’usufruit qu’il a acquis sur
une moitié du bien, alors que sur l’autre moitié acquise en nue-propriété, l’usufruit du
concubin décédé se réunit automatiquement à la nue-propriété acquise par le survivant qui
dispose alors de l’usufruit de l’entier bien, et de la moitié en pleine propriété.
Cet exposé a permis de démontrer que la régularisation foncière constitue une branche
du droit des biens à part entière, qui peut être optimisée par des procédures de droit privé (et
de droit fiscal) qu’il n’est pas possible d’ignorer dans la pratique.
Mais la régularisation foncière ne consiste pas seulement en des procédures de cession.
Des procédés alternatifs à la cession demeurent, quand la cession immédiate n’est pas
envisageable. Ces procédés alternatifs doivent être encadrés juridiquement (§2).

1534
En vertu de l’article 762 bis du CGI, la valeur du droit d’usage et d’habitation représente 60 % de la valeur
de l’usufruit déterminé en fonction du barème de l’article 669 du CGI.
1535
La clause d’accroissement ou « pacte tontinier », peut également être utilisée pour l’acquisition par des
concubins, mais requiert les compétences d’un notaire. Elle permet au survivant d’un couple de concubins de
conserver leur logement commun, les biens en faisant l’objet étant transférés au bénéficiaire de la clause
d’accroissement, sans qu’ils aient à transiter par la masse successorale. L’article 754-4 du CGI enlève son
intérêt à ce type de contrat, puisqu’elle soumet au droit de donations les pactes tontiniers. Il comporte cependant
une exception qui maintient l’intérêt dudit contrat lorsqu’il concerne l’habitation principale commune de deux
acquéreurs dans la limite de 76000 euros.

429
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§ II. CADRE DES PROCÉDURES AMIABLES ALTERNATIVES À


LA CESSION

Les procédés alternatifs à la cession mis en place par les personnes publiques outre-
mer, dans le but de régulariser l’occupation sans titre de leur propriété, ont été exposées en
première partie de la thèse. Le cas le plus parlant est celui de la régularisation de l’occupation
sans titre du domaine privé par des procédés temporaires palliatifs à la cession, parmi
lesquels figurent les baux et contrats de longue durée. Il ne s’agit donc pas ici de reprendre
l’étude de ces procédés palliatifs, mais seulement de tenter d’apporter une réponse aux
limites et faiblesses de certains procédés de régularisation foncière temporaires1536.
En effet, dans les procédures de régularisation foncière par cession mises en place, la
personne publique renonce à faire jouer à son profit la théorie de l’accession, et reconnait
expressément le droit de propriété de l’occupant sur sa construction. Or, dans le cadre des
baux emphytéotiques, l’accession à la propriété des constructions en fin de bail au profit du
bailleur (la personne publique) est de l’essence même de ce contrat. Lorsque le bail
emphytéotique arrive à échéance, le transfert de propriété des constructions a d’ores et déjà
eu lieu au profit de la personne publique propriétaire-bailleur. Dès lors, celle-ci ne peut, dans
le cadre d’une régularisation foncière par cession, que procéder à la cession de l’entière
propriété bâtie. Ce résultat est contraire à l’objectif recherché dans le cadre des procédures
de régularisation foncière actuellement mises en œuvre, car trop coûteux pour l’occupant et
inconcevable pour ce dernier qui se considère comme propriétaire de sa construction, en
dépit des termes du contrat1537.
Il est donc essentiel de se pencher sur cette question qui constitue un véritable
problème dans le cadre des procédures de régularisation foncière actuelles. Il convient de
rechercher et proposer des solutions de sortie acceptables pour les deux parties, l’occupant
sans titre, refusant de payer le prix d’une construction qu’il a lui-même édifiée ou fait édifier,
et la personne publique ne souhaitant pas lui réclamer un tel prix1538.
Par ailleurs, d’autres procédés alternatifs à la cession existent, et pourraient être mieux
valorisés dans le cadre des procédures de régularisation foncière, comme paliers à

1536
Biens des communes se trouvent confrontées aux effets de contrats de baux emphytéotiques aux termes
desquels elles sont devenues propriétaires des constructions du preneur, alors même qu’elles souhaitent
régulariser la cession du foncier occupé en ne cédant à l’occupant que le terrain d’assiette des constructions.
1537
Il y a une dimension d’information en amont.
1538
Paradoxalement, la pratique démontrer que les parties n’anticipent pas ce dénouement. La longue durée de
ce bail peut être à l’origine de la non-prise en compte de ces effets.

430
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l’accession à la propriété.
Il y a donc lieu d’aménager les modalités des baux et contrats de longue durée, de
manière dérogatoire, afin que leur sortie soit compatible avec les procédures de
régularisation foncière mises en œuvre et ne créent pas de rupture de l’égalité entre les
occupants sans titre d’une même collectivité territoriale (A). Et, parallèlement, d’encourager,
lorsque la cession ne peut avoir lieu dans l’immédiat, d’autre procédés alternatifs, tels que
la cession de droits de superficie et autres procédés similaires, comme paliers vers un droit
de propriété plus entier (B).

A. L’AMÉNAGEMENT EFFICIENT DES BAUX ET CONTRATS


CONSTITUTIFS DE DROITS RÉELS

Les baux de longue durée confèrent à l’occupant sans titre, preneur, des droits réels
pour une durée minimale de 18 ans. Mais la question de la sortie de ces contrats demeure
préoccupante dans le cadre de la régularisation foncière par cession. En l’état, ces contrats
sont inadaptés à la régularisation définitive de la situation de personnes physiques privées,
en raison de leurs modalités de sortie conférant la propriété des constructions au bailleur.
Les modalités du bail emphytéotique de droit commun notamment, méritent d’être mieux
adaptées à la régularisation foncière.

1) Bail emphytéotique de droit commun, une sortie de bail à élargir

Dans le cadre des procédures de régularisation foncière, la sortie des baux


emphytéotique mérite d’être revue, soit de manière dérogatoire, pour des baux
emphytéotiques anciens régularisés dans ce cadre, soit de manière plus pérenne, selon la
volonté du législateur.
D’origine ancienne et déjà connu du droit romain, le bail emphytéotique de droit
commun a été utilisé en France, sous l’ancien régime, puis à la suite de la révolution de 1789,
mais oublié dans le code civil de 1804. La loi du 25 juin 1902 sur le bail emphytéotique, l’a
réhabilité, et ses dispositions ont été insérées dans le code rural, aux articles L451-1 à L451-
13, bien qu’elles soient applicables à tous les immeubles, y compris aux immeubles urbains
ou à destination industrielle ou commerciale1539. Cela explique cette inadaptation des baux
emphytéotiques à de nombreuses procédures.
Toutefois, il s’agit d’un véritable outil de gestion de leur patrimoine, utilisé par de

1539
Cf. MOREAU (Jean-Pierre), Jurisclasseur formulaire notarial, bail emphytéotique, fascicule 10.

431
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nombreuses communes, comme outil de régularisation foncière de l’occupation sans titre de


leur domaine privé1540. Nonobstant l’intérêt de cet outil juridique, il se révèle inadapté
lorsqu’il s’agit de régularisation foncière par cession du terrain d’assiette des constructions.
Car, en fin de bail emphytéotique, les constructions reviennent au bailleur, ce qui constitue
un effet inverse à celui recherché par les personnes publiques régularisatrices et par les
acquéreurs.
L’article L451-1 du code rural explique que le bail emphytéotique de droit commun
« confère au preneur un droit réel susceptible d’hypothèque ». Ce droit peut être cédé et saisi.
Le bail « peut être consenti pour plus de dix-huit années et ne peut dépasser quatre-vingt-
dix-neuf ans ; il ne peut se prolonger par tacite reconduction ». La troisième chambre civile
de la Cour de cassation considère que la faculté de libre cession constitue l’une des
caractéristiques majeures du bail emphytéotique. Elle l’a affirmé dans un arrêt du 28
novembre 19721541, et confirmé par un arrêt du 10 avril 19911542. L’emphytéose se caractérise
donc par sa longue durée et par le démembrement de propriété qu’il opère, en conférant au
preneur « emphytéote » un droit réel immobilier sur le fonds loué. La convention impose
souvent à l’emphytéote l’obligation de faire des améliorations ou des constructions que le
propriétaire fera siennes en fin de bail, sans bourse délier. En contrepartie, le montant de la
redevance demeure faible1543. Les litiges relatifs aux baux emphytéotiques relèvent
normalement de la compétence du tribunal de grande instance.
Dans la mesure où le bail emphytéotique confère au preneur un droit réel immobilier
et est conclu pour une longue durée1544, il doit être publié au Service de la publicité foncière
du lieu de situation de l’immeuble loué1545. Il supporte à cette occasion la taxe de publicité
foncière sur le montant cumulé des redevances prévues pour toute sa durée, en vertu de

1540
La ville de Fort-de-France a utilisé ce procédé à cette fin, au profit de particuliers, notamment pour
régulariser l’occupation sans titre au quartier « Trénelle ».
1541
Cass, 3ème civ. 28 novembre 1972, Defrénois 1973, art. 30293, p. 456, obs. SOULEAU (H.).
1542
Cass, 3ème civ. 10 avril 1991, D. 1992, p. 375, note LE MASSON (J-M).
1543
Cette redevance est aussi appelée « canon emphytéotique ». La redevance dudit bail, souvent modique,
peut être fixée en argent ou en denrées. Dans le premier cas, il peut être indexé sur l’indice du coût de la
construction, publié par l’INSEE. À défaut de paiement de deux années consécutives, le bailleur est autorisé,
après une sommation restée sans effet, à faire prononcer en justice la résolution de l’emphytéose. Il en est de
même en cas d’inexécution des conditions du contrat ou de détériorations graves commises par le preneur.
1544
Dix-huit (18) ans et plus.
1545
Cf. JCPN, bail emphytéotique, fascicule 10. Cependant, pour être admis à la formalité de publicité foncière,
qui rend la convention opposable aux tiers, le bail emphytéotique doit avoir été conclu par acte notarié ou par
acte sous signatures privées déposé en l’étude d’un notaire avec reconnaissance d’écriture et de signatures. Il
peut être aussi conclu par acte authentique reçu en la forme administrative. La convention est soumise à la taxe
de publicité foncière et aux droits d’enregistrement aux taux prévus par la loi. Cette publication a lieu
conformément à l’article 28-1° a et b du décret n°55-22 du 4 janvier 1955 sur la publicité foncière.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

l’article 689 du code général des impôts1546.


À l’expiration du contrat, le bailleur devient propriétaire des améliorations et
constructions effectuées sur son terrain pendant la location, sans versement d’aucune
indemnité1547. Mais rien n’empêche les parties de stipuler que le bailleur pourra, en fin de
contrat, soit conserver les améliorations apportées au fonds à charge d’indemniser
l’emphytéote, soit demander la restitution du terrain nu1548. De plus, le preneur est tenu à
toutes les contributions et charges afférentes au terrain loué, car il bénéficie d’un droit réel
immobilier qu’il peut hypothéquer, céder librement, ou sous-louer, en cours de bail. Ce droit
peut faire l’objet de saisie immobilière.
Or, lorsque la régularisation foncière s’effectue par cession du terrain au profit de
l’occupant déjà considéré comme propriétaire des constructions, le bail emphytéotique se
révèle peu adapté et alourdit le coût de l’opération pour la personne publique elle-même et
pour l’occupant, pour les raisons sus dites. Le fait que la construction revienne à la personne
publique bailleresse en fin de bail emphytéotique, est contraire au résultat recherché par elle
dans le cadre des opérations de régularisation foncière, et se révèle coûteux. Bien au
contraire, dans le cadre des opérations de régularisation foncière outre-mer, les personnes
publiques renoncent au jeu de la théorie de l’accession, pour reconnaître le droit de propriété
des occupants sur les constructions qu’ils ont édifiées ou fait édifier, afin que ceux-ci n’aient
à payer que le prix du terrain1549.
Des solutions de repli peuvent être trouvées dans les failles de la mise en œuvre du
bail emphytéotique en amont, mais ne peuvent remplacer l’intervention du législateur.
En effet, le bail emphytéotique, compte tenu de sa longue durée, doit être publié au
Service de la publicité foncière pour être opposable aux tiers ; à défaut de publicité foncière,
le contrat est inopposable aux tiers. Toutefois, l’absence d’accomplissement de cette
formalité de publicité foncière du bail emphytéotique, laisse aux parties une certaine
souplesse, ledit contrat n’étant pas opposable aux tiers dans ce cas. Une solution de

1546
Cf. Bulletin officiel des finances publiques du 06 octobre 2014, consulté le 18 mai 2018 :
http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/267-PGP.html.
1547
Et sans que les conditions de l’article 555 al. 4 du Code civil puissent s’appliquer, ainsi qu’il en a été jugé
dans une décision de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation en date du 16 avril 1970.
1548
Il convient de préciser que les opérations de régularisation foncière par cession portent généralement sur
le terrain d’assiette des constructions et non sur la construction elle-même, réputée appartenir à l’acquéreur ;
ceci pour diminuer le coût de la régularisation par cession pour l’occupant. Le sort des constructions en fin de
bail emphytéotique tel qu’exposé, induit une cession portant sur le terrain et les constructions ; ce qui n’est pas
le résultat recherché par la personne publique procédant à la régularisation foncière.
1549
C’est le cas de l’Etat, pour les régularisations foncières conduites en Guadeloupe et en Martinique dans la
zone des cinquante pas géométriques. C’est aussi le cas des communes outre-mer.

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régularisation foncière par cession du seul terrain d’assiette des constructions peut dès lors
être trouvée dans cet oubli, d’un commun accord entre les parties, ledit contrat n’étant
valable qu’entre elles. Ce que les parties ont fait, elles peuvent le défaire, sous réserve de
tout rééquilibre financier de l’opération.
Par ailleurs les règles de la compensation peuvent être prises en compte. Ainsi,
l’application des baux emphytéotiques aux opérations de régularisation foncière par
certaines collectivités de proximité a généré des situations pathologiques, compte tenu de
l’effet de ces contrats. En effet, dans ce type de contrat, tout est fait pour avantager le bailleur
en fin de bail, du fait du long délai supporté par ce dernier eu égard à l’immobilisation de
son bien immobilier. L’occupant qui souhaite acquérir le bien qui lui avait été précédemment
donné à bail emphytéotique, doit en payer le prix total, comprenant le prix du terrain et celui
des constructions ; à moins qu’une compensation puisse être réalisée entre le prix de vente
et une dette de l’occupant vis-à-vis du propriétaire bailleur. Or, si cette solution est
facilement envisageable dans le cadre d’un bail de droit commun, elle est difficile à mettre
en œuvre dans le cadre du bail emphytéotique, qui prévoit justement que les constructions
reviennent au bailleur en fin de bail1550. Les grosses réparations effectuées par le preneur
entre la date de fin du bail emphytéotique et la date de cession et les impôts fonciers versés
durant ce temps, peuvent toutefois être prises en compte, avec l’aval du trésorier public.
Par ailleurs, il convient d’observer que le bail emphytéotique parvient à expiration,
sans possibilité de renouvellement tacite. Dans bien des cas, le preneur se retrouve alors déjà
dans la position d’un occupant sans titre, si aucun contrat ne vient régir à nouveau ses
relations avec le bailleur1551, propriétaire du sol.
Mais, lorsque la cession par le bailleur au preneur intervient en cours de bail
emphytéotique, s’avère-t-elle moins coûteuse ? En effet, les parties peuvent décider d’un
commun accord entre elles, de mettre fin, par anticipation, au bail emphytéotique, en vue de
la cession du bien concerné par le bailleur au profit du preneur. Dans ce cas, en vertu de la
législation relative au bail emphytéotique, les constructions édifiées et les travaux et
aménagement effectués par le preneur, restent sa propriété pendant toute la durée du bail
emphytéotique. Dès lors, la cession en cours de bail par le bailleur, au profit du preneur, du
terrain d’assiette de sa construction, en cours de bail, entraînera extinction du bail, par
confusion sur la tête du preneur de ses qualités d’emphytéote et de propriétaire, sous réserve

1550
Les dispositions de l’article L.451-7, alinéa 2, du Code rural, prévoient qu’en fin de bail, le bailleur devient
propriétaire des constructions et profite des améliorations, sans indemnités, si rien n’est prévu au contrat.
1551
Le plus souvent une commune ou l’Etat.

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de ce qui est dit ci-après.


Lorsque la cession intervient en cours de bail emphytéotique de manière anticipée,
après l’écoulement de la durée minimale de dix-huit ans, exigée par la loi pour que le bail
revête le caractère d’un bail emphytéotique, il faut se référer à la jurisprudence qui déclare
qu’en pareil cas, la résiliation amiable fait naître au profit du bailleur le complément de
loyers correspondant à la valeur des constructions édifiées par le preneur et devant revenir
au bailleur. L’arrêt « Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/ Mme Juliette
M. », rendu par le Conseil d’Etat, le 11 avril 2008, en est l’illustration1552.
Cette solution jurisprudentielle est applicable, même lorsque la cession intervient en
cours de bail, avant la durée minimale de dix-huit ans exigée par la loi pour que le bail soit
qualifié de bail emphytéotique. En effet, il résulte du 2ème considérant de l’arrêt du Conseil
d’Etat sus relaté, portant sur un contrat proche, le bail à construction, « qu’en vertu des
articles 33 bis et 33 ter du code général des impôts, lorsque le prix d’un bail à construction
consiste, en tout ou partie en la remise gratuite d’immeubles en fin de bail, la valeur de ces
derniers, calculée d’après leur prix de revient, constitue un revenu foncier perçu par le
bailleur à la fin du bail ; que, dans le cas où le bailleur vend le terrain au preneur avant le
terme du bail, l’acte de vente produit, au regard de la loi fiscale en matière de revenus
fonciers, les mêmes effets qu’une résiliation amiable tacite du bail et doit être regardé
comme faisant naître au bénéfice du bailleur le complément des loyers correspondant à la
valeur des constructions édifiées par le preneur qui lui reviennent en fin de bail ; que par
suite, en jugeant qu'au motif que le bail à construction avait pris fin, en application des
articles 1234 et 1300 du code civil, par la confusion, en la personne de la SCI Les Sablières
de Chassieu, des qualités de preneur et d'acquéreur, les bailleurs ne pouvaient être imposés
à raison du complément de loyer correspondant à la valeur des constructions édifiées par
le preneur, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit1553 ». Par
suite, l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon a été annulé.
Toutefois, si la cession intervient avant l’écoulement de la durée de dix-huit ans
requise par la loi, d’un commun accord entre elles, les parties peuvent convenir de
disqualifier le bail en bail de droit commun, et de procéder à un simple réajustement des
loyers, de manière rétroactive, en fonction de ce qui est pratiqué par la commune vis-à-vis

1552
C. E., 11 avril 2008, n° 287967, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/ Mme Juliette M.,
2ème considérant. RAJF, consulté en ligne le 19 mai 2018 : http://www.rajf.org/spip.php?article2882.
1553
CE, 11 avril 2008, n° 287967, op. cit. Le Conseil poursuit : « […] que dès lors, et sans qu'il soit besoin
d'examiner les autres moyens du pourvoi, le ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie est fondé à
demander l'annulation de l'arrêt du 13 octobre 2005. »

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d’autres occupants du secteur. Dans ce cadre, les constructions et améliorations faites par le
preneur restent lui appartenir ; et la commune propriétaire du sol peut alors décider de
procéder à la cession du terrain seul au profit de l’occupant preneur. Cette solution ne serait
envisageable que d’un commun accord entre les parties, s’il n’y a pas de litige sur le droit
de propriété du preneur sur les constructions et s’il n’y a pas de créancier lésé1554. Tout cela,
sans préjudice des éventuelles taxes complémentaires qui pourraient être réclamées par la
direction générale des impôts, au vu de la jurisprudence susmentionnée.
Par ailleurs, dans le cadre de la régularisation foncière par cession, les parties peuvent
se trouver dans l’obligation de constater la disqualification du bail emphytéotique en bail de
droit commun, quand un élément essentiel du bail emphytéotique fait défaut. Il en est ainsi
notamment lorsque le contrat de bail emphytéotique contient une clause de résolution de
plein droit, clause par définition même incompatible avec un tel type de bail1555.
Ce devoir de disqualification du bail emphytéotique résulte notamment d’un arrêt de
cassation du 14 novembre 20021556, aux termes duquel ladite Cour a précisé que, ne pouvait
pas être qualifié de bail emphytéotique, indépendamment de la qualification retenue par les
parties, le bail contenant une clause de résiliation de plein droit en cas de non-paiement du
loyer, et cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 31 mai 2001 par la Cour
d’appel de Toulouse. La Cour de cassation avait estimé que ce type de clauses crée une
précarité incompatible avec la reconnaissance d’un droit réel.
Les incidences sont financièrement lourdes pour le bailleur puisque l’on retombe dans
le cadre du bail de droit commun, au sein duquel les grosses réparations sont à la charge du
propriétaire, et non plus à la charge du preneur comme dans le cadre du bail emphytéotique.
Mais cette circonstance favorise la régularisation foncière par cession pure et simple du seul
terrain d’assiette de la construction au profit de l’occupant, avec renonciation par la personne
publique propriétaire du jeu de la théorie de l’accession. Cette solution est même recherchée
par les personnes publiques qui veulent pouvoir régulariser dans les mêmes conditions pour
tous les occupants d’un même secteur1557.
L’ensemble des solutions de repli ci-dessus énoncées ne peuvent remplacer
l’intervention du législateur. Celui-ci peut intervenir de manière ponctuelle et dérogatoire,

1554
Dans ce cas celui-ci pourrait évoquer le bénéfice de l’action paulienne si cette disqualification est abusive.
1555
Cass. Civ. 3e, 14 novembre 2002, n° 01-13904, Bulletin 2002, III, n° 223, p. 191.
1556
Idem.
1557
À Fort-de-France, des baux emphytéotiques ont été consentis à certains occupants, pour sécuriser leur
occupation et leur permettre de bénéficier de prêts hypothécaires. Mais la sortie de ces baux est moins bien
maîtrisée, les constructions revenant au bailleur en fin de bail emphytéotique.

436
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

dans le cadre d’une régularisation foncière d’intérêt public, pour autoriser la cession au profit
du preneur à un prix moins pénalisant, ou de manière, pour élargir les modalités de sortie
des baux emphytéotiques.
Par ailleurs, l’article 13 de la loi du 5 janvier 1988 relative à l’amélioration de la
décentralisation, comporte des règles particulières aux baux emphytéotiques consentis sur
des immeubles appartenant à une collectivité territoriale1558. Encore appelé bail
emphytéotique administratif, le BEA élargit aux collectivités territoriales l’outil juridique,
toutefois peu adapté à la régularisation foncière au profit de particuliers.

2) Inadaptation du bail emphytéotique administratif ou BEA

En dépit d’un principe de prohibition des droits réels sur le domaine public, la loi du
5 janvier 1988 dite « d’amélioration de la décentralisation », a apporté une exception au dit
principe en autorisant les collectivités locales à conclure des baux emphytéotiques sur leur
domaine public. Cette nouveauté était destinée à mettre fin à une jurisprudence restrictive
du Conseil d’État, illustrée par l’arrêt « Association EUROLAT », du 6 mai 19851559. Elle
ne confère cependant pas une totale liberté aux collectivités locales.
L’article 13 de ladite loi, reprise aujourd’hui aux articles L1311-2 et L1311-3 du code
général des collectivités territoriales (CGCT), réaffirme solennellement le principe de
l’inaliénabilité du domaine public et précise que l’occupation du domaine public ne donne
aucun droit réel à l’occupant. Toutefois, cet article apporte une exception à ce principe en
permettant la conclusion d’un bail emphytéotique de l’article L451-1 du code rural, sur un
bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale, même si ce bien constitue une
dépendance du domaine public. Jusqu’en 2002, le preneur ne pouvait être qu’une personne
privée. Mais l’article 3 de la loi du 29 août 2002 sur la sécurité intérieure a supprimé cette
restriction, le preneur pouvant désormais être une personne publique.
Le texte vise tous les baux emphytéotiques, dès lors qu’ils portent sur une opération
de service public ou d’intérêt général. Peu importe donc que le bien relève du domaine public
ou du domaine privé de la collectivité publique. Cependant, sur le domaine public, un bail
emphytéotique ne répondant pas aux conditions susmentionnées est illégal1560. Il est
important d’observer qu’en revanche, sur un bien du domaine privé, il reste possible de
conclure des baux emphytéotiques de droit commun, ainsi qu’il a été indiqué plus haut.

1558
Loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d’amélioration de la décentralisation, JORF du 6 janvier 1988 page 208.
1559
CE, 6 mai 1985, Assoc. EUROLAT Crédit Foncier de France, RFDA 1986, p. 21, Concl. GENEVOIS.
1560
Par exemple si l’opération n’est pas d’intérêt général.

437
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Peuvent faire l’objet d’un bail emphytéotique, toutes les dépendances du domaine
public, à l’exception de la voirie. À ce propos, le tribunal des conflits, dans un arrêt du 17
octobre 1988, « commune de Saint-Germain-des-Bois », a précisé que les parkings sont des
accessoires de la voirie et ne peuvent faire l’objet d’un bail emphytéotique1561.
Il résulte de l’article L1311-2 du CGCT que le bail emphytéotique peut être conclu par
la collectivité locale « en vue d’une mission de service public ou en vue de la réalisation
d’une opération d’intérêt général relevant de sa compétence ou liée aux besoins de la justice,
de la police ou de la gendarmerie nationales ainsi que d’un établissement public de santé ou
une structure de coopération sanitaire dotée de la personnalité morale publique ». Il s’agissait
de faire face à des besoins urgents de services publics à dimension nationale. Ce système
coexiste avec les contrats de partenariat prévus par l’ordonnance 2004-559 du 17 juin 2004.
L’article L1311-2 susmentionné renvoie à l’article L451-1 du code rural énonçant que
« le bail emphytéotique des biens immobiliers confère au preneur un droit réel susceptible
d’hypothèque ; ce droit peut être cédé et saisi dans les formes prescrites pour la saisie
immobilière. Ce bail doit être consenti pour plus de dix-huit années et ne pas dépasser quatre-
vingt-dix-neuf ans. Il ne peut se proroger par tacite reconduction ». Cependant l’article
L1311-3 dudit code prévoit aussi que « les litiges relatifs à ces baux sont de la compétence
des tribunaux administratifs », ce qui entraîne l’application du droit public. Le droit réel,
dans ce cas, obéirait à un régime mixte dont le contenu serait mal défini. À tel point que les
praticiens se demandent s’il est réellement un bail emphytéotique1562.
De plus, en raison des conditions particulières définies par la loi et les règles de droit
public applicables, le bail emphytéotique de la loi de 1988 n’est ni librement cessible, ni
susceptible d’être hypothéqué librement. En effet, l’article L1311-3 du CGCT prévoit que
« les droits résultant du bail ne peuvent être cédés, avec l’agrément de la collectivité
territoriale, qu’à la personne subrogée au preneur ». De plus, en cas de saisie du droit réel
par le prêteur et de transfert de ce droit à un tiers enchérisseur, l’intervention de la collectivité
est nécessaire, introduisant ainsi un élément d’incertitude. Le législateur prévoit que le droit
réel conféré au preneur ainsi que les ouvrages dont il est propriétaire, sont susceptibles
d’hypothèque mais seulement pour garantir des emprunts contractés par lui pour le
financement de la réalisation ou l’amélioration des ouvrages portant sur le bien donné à bail.
En définitive, le BEA présente le caractère d’un contrat administratif, en raison de la

1561
TC 17 octobre 1988, Commune Saint-Germain-des-Bois, D. 1989, 173, note PRETOT.
1562
Cf. MOREAU (Jean-Pierre), Jurisclasseur formulaire notarial, bail emphytéotique, fascicule 10.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

faculté de résiliation unilatérale laissée au bailleur, ce qui affaiblit le droit réel concédé. La
jurisprudence va dans le sens du législateur, ainsi qu’il résulte de l’arrêt « Société SOFAP
MARIGNAN » du 25 février 1994, aux termes duquel le Conseil d’État a admis que la
présence d’une clause de résiliation unilatérale, n’était pas incompatible avec la qualification
de bail emphytéotique1563.
Le bail emphytéotique peut être utilisé pour réaliser une simple opération immobilière
dans l’intérêt local ou, depuis la loi du 29 août 2002 d’orientation et de programmation pour
la sécurité intérieure1564, dans l’intérêt de l’État pour les besoins de la justice, de la police, ou
de la gendarmerie nationale, mais cela seulement jusqu’en 2007. En association avec une
convention non détachable, de type délégation de service public, le bail emphytéotique sert
aussi à confier à une personne l’exécution d’un service public.
En 2010 est né le bail emphytéotique administratif de valorisation dont le but est de
permettre la restauration, la réparation et la mise en valeur de biens immobiliers appartenant
à l’Etat et aux établissements publics consulaires1565. Il permet auxdites personnes publiques
d’obtenir un financement tout en conservant le contrôle de ces biens.
En définitive, le régime du bail emphytéotique administratif est inadapté pour une
régularisation d’occupation par un particulier, mais pourrait trouver une utilité pour une
occupation sans titre du domaine d’une personne publique par une autre personne publique,
dans les cas spécifiques mettant en œuvre un service public ou une opération d’intérêt
général au sens traditionnel du terme.

3) Option du bail à construction pour une sortie de bail facilitée

Contrairement au bail emphytéotique, l’avantage du bail à construction en matière de


régularisation foncière, c’est que la sortie de ce bail est multiple et permet d’envisager
plusieurs combinaisons possibles, notamment l’acquisition de la propriété du terrain en fin
de bail par le preneur qui conserve donc finalement le terrain et les constructions, ou la
propriété des constructions existantes au preneur et retour des constructions nouvelles au

1563
CE, sect. 25 février 1994, Soc. SOFAP MARIGNAN, Req. N° 144641 145406, D. 1994, 510, concl.
ARRIGHI DE CASANOVA, commissaire du gouvernement. Les dispositions de l’article 13 de la loi de 1988
n’excluent pas que le BEA soit utilisé pour la réalisation d’un ouvrage mis à disposition de la collectivité
publique elle-même. En l’espèce il s’agissait d’un bail emphytéotique mettant, pendant soixante-cinq ans, des
terrains appartenant à la commune de Lille, au profit de la société Sofap Marignan, chargée de la réalisation
d’un bâtiment comprenant des locaux destinés pour partie à l’extension de l’hôtel de Ville (lesquels locaux
seraient loués à la commune pendant la durée du contrat) et pour partie à loger des bureaux privés, l’ensemble
du bâtiment devant revenir à la Ville en fin de bail.
1564
Articles L1311-4-1 CGCT.
1565
Loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux
services, NOR : ECEX0913300L.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

bailleur avant la fin du bail, propriété des constructions existantes au bailleur, etc.
En dépit de cet avantage, le bail à construction est peu utilisé par les collectivités
territoriales pour la régularisation de l’occupation sans titre de leur propriété, car il comporte
une obligation de construire et un loyer qui peut être conséquent.
Ce bail est régi par la loi n° 64-1247 du 16 décembre 1964, modifiée, codifiée aux
articles L251-1 à L251-9 et R 251-1 à R 251-3 du code de la construction et de l’habitation
(CCH). Il s’agit d’un contrat par lequel le preneur s’engage, à titre principal, à édifier des
constructions sur le terrain du bailleur et à les conserver en bon état d’entretien pendant toute
la durée du bail. Ce texte n’étant pas d’ordre public, il importe de déterminer les éléments
sans lesquels il n’y aurait pas bail à construction.
Le premier trait fondamental du bail à construction est l’obligation de construire. Un
jugement du tribunal de grande instance de Marseille, du 26 mars 1973, indique qu’il n’y a
pas bail à construction si le contrat ne précise pas la nature et l’importance des constructions
à réaliser1566. Le preneur a aussi l’obligation d’entretenir les constructions. En l’absence
d’obligation de construire, la jurisprudence disqualifie le bail à construction en bail
emphytéotique, ainsi qu’il ressort d’un arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation
du 08 septembre 20161567. Malgré les points communs existant avec le bail emphytéotique
(droit réel immobilier, longue durée), l’obligation de construire n’existe pas dans le bail
emphytéotique, non plus que celle d’entretien. De plus, le loyer peut être très modéré dans
le bail emphytéotique, la construction revenant au bailleur en fin de bail.
Le second trait fondamental dudit bail est le loyer. Le bail à construction doit
comporter un loyer réel, substantiel, qui peut prendre diverses formes, mais ne peut pas être
symbolique. Ainsi, la Cour administrative d’appel de Paris, dans un arrêt du 19 décembre
1989, a jugé qu’à défaut de loyer stipulé dans un bail à construction, l’administration à
laquelle un avenant ultérieur au bail n’était pas opposable, était en droit, pour déterminer la
base de la taxe due par la société requérante, de retenir la valeur du droit consenti par celle-
ci au preneur1568. Le loyer en nature est possible1569 et le loyer en espèces peut être stipulé
autrement que de manière périodique. Depuis la loi n°79-17 du 3 janvier 1979, l’indexation
du loyer est libre. Elle peut être annuelle et basée sur un indice autre que celui du coût de la
construction. La Cour de cassation considère que le bail à construction comportant un prix

1566
TGI Marseille, 26 mars 1973, BRUNDU c/ GALANO, JCP N 1970, Prat. 4721-3.
1567
C. Cass. 3ème ch. Civ., 08 septembre 2016, Pourvoi n ° 15-21381 15-22374, Légifrance.
1568
CAA Paris, 3ème ch., 19 déc. 1989, JCP N 1990, II, p. 260.
1569
Par exemple par la remise d’immeubles ou de fractions d’immeubles.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

dérisoire ou vil est nul pour défaut de cause1570.


La durée du bail à construction est comprise entre 18 et 99 ans et les litiges sont de la
compétence du tribunal de grande instance. La reconduction tacite du bail à construction
n’est pas possible, mais rien n’empêche les parties de proroger le bail à son expiration.
Le bail à construction confère au preneur un droit réel immobilier, en conséquence, il
doit être publié au Service de la publicité foncière pour être opposable aux tiers. Ce bail doit
être enregistré dans le délai d’un mois à compter de sa signature et est soumis à un droit
d’enregistrement calculé sur le montant cumulé des redevances annuelles.
Le droit du preneur peut être hypothéqué ou saisi. La valeur du droit du preneur est
distincte de celle des constructions. Le droit réel conféré au preneur a une valeur propre qui
s’évalue en fonction de sa durée et de l’importance des constructions. Les hypothèques nées
du chef du preneur s’éteignent en fin de bail. La résiliation du bail à construction intervient
pour toutes les raisons que connaît le droit commun. Le preneur est tenu de toutes les
charges, taxes et impôts relatifs tant aux constructions qu’au terrain1571, sauf à tenir compte
de l’impact de la réforme de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) opérée par l’article 16 de
loi de finances rectificative pour 20101572 visant à assurer la mise en conformité du dispositif
national de TVA immobilière avec la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006
relative au système commun de TVA.
Quant au sort des immeubles dans le cadre du bail à construction, il est multiple. Ainsi,
les parties peuvent convenir de leurs droits respectifs de propriété sur les constructions
existantes et sur les constructions édifiées. À défaut d’une telle convention, le bailleur en
devient propriétaire en fin de bail et profite des améliorations (article L251-2 du CCH). En
réalité, le texte autorise toutes les combinaisons imaginables : retour des immeubles au
bailleur avec ou sans indemnité, acquisition de la propriété du terrain en fin de bail par le
preneur qui conserve donc finalement le terrain et les constructions, retour partiel des
immeubles au bailleur (avec éventuellement naissance d’une copropriété), propriété des
constructions existantes au preneur et retour des constructions nouvelles au bailleur avant la
fin du bail, propriété des constructions existantes au bailleur et de sa surélévation au preneur
ou l’inverse, construction conjointe pour les deux parties. En cela il est très intéressant pour
la régularisation foncière. Mais le montant du loyer est important et les effets fiscaux des

1570
C. Cass. 3ème ch. Civ. 21 septembre 2011, Pourvoi n° 10-21900, Légifrance.
1571
Cf. STEMMER (Bernard), Jurisclasseur formulaire notarial, bail à construction, fascicule n° 110.
1572
Loi n° 2010-237 du 09 mars 2010, publiée au JO du 10 mars 2010, redéfinissant les règles applicables en
matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) aux opérations immobilières à compter du 11 mars 2010. Voir aussi
l’instruction de la Direction générale des finances publiques du 15 mars 2010, n° 3 A–3–10.

441
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

combinaisons de fin de bail sont difficiles à prévoir.


D’autres procédés alternatifs de régularisation foncière peuvent être utilisés dans les
collectivités territoriales situées outre-mer, pour régulariser l’occupation sans titre de leur
propriété. Il s’agit des contrats de cession de droits réels, quand la cession en toute propriété
n’est pas possible ou souhaitable (B).

B. L’ENCOURAGEMENT DES CESSIONS DE DROITS RÉELS

La personne publique peut régulariser l’occupation sans titre de son domaine privé par
la cession de droits réels démembrés constituant partie de son droit de propriété. Il s’agit de
droits réels démembrés ou dissociés, ainsi cédés, soit pour conserver une certaine mainmise
sur une partie du bien, soit pour répondre à une demande de régularisation foncière quand la
cession immédiate de la pleine propriété n’est pas possible ou souhaitable. Les baux
emphytéotiques sus mentionnés entrent dans ce cadre, mais ne sont pas les seuls contrats
possibles. Les cessions de droits de superficie, de lots de volumes, et les cessions précédées
d’une période de location doivent être facilités par le législateur.

1) Cession de droit de superficie, une régularisation alternative à


considérer

Le droit de superficie est un moyen de régularisation foncière de l’occupation sans


titre. Il s’agit d’un droit réel portant sur les constructions, arbres et plantations, conféré par
le propriétaire du sol à un tiers, en l’occurrence à l’occupant ayant construit. C’est un droit
de propriété limité à la surface du sol et à ce qui y est bâti ou planté. Il ne s’agit pas d’un
d’usufruit, car le superficiaire détient un véritable droit de propriété sur les constructions
édifiées sur le terrain d’autrui. Ce droit est susceptible d’hypothèque et peut faire l’objet
d’une saisie immobilière. Dans cette situation, il y a ici coexistence de deux droits de
propriété : l’un portant sur le sol c’est-à-dire sur le tréfonds, et l’autre portant sur la superficie
c’est-à-dire sur tout ce qui dépasse du sol1573.
Le droit de superficie est un droit réel immobilier. Son titulaire bénéficie de toutes les
prérogatives du propriétaire. Il peut céder son droit à titre gratuit ou à titre onéreux,
l’hypothéquer, le donner en garantie, en jouir et en percevoir les fruits. Il peut également
procéder au démembrement de son droit de propriété sur la superficie et distinguer la nue-
propriété de l’usufruit du bien. Il peut céder l’un ou l’autre de ces éléments démembrés. Il

1573
Cf. JCPN, propriété, fascicule 10.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

devient, par le droit de superficie, propriétaire non seulement des immeubles existant sur le
terrain, mais aussi des accroissements et améliorations dudit bien (c’est-à-dire
principalement des immeubles qu’il édifie), détenant là un véritable droit d’accession1574.
Le droit de superficie doit être conféré par acte authentique et faire l’objet d’une
publication au Service de la publicité foncière pour être opposable aux tiers et pour la validité
de toute inscription hypothécaire. Le droit de superficie peut être établi à titre gratuit ou à
titre onéreux. Par convention, le propriétaire garde la propriété du tréfonds, mais cède ses
droits sur les constructions reposant et plantations reposant sur le sol. En contrepartie, le
« superficiaire » a l’obligation de payer le prix stipulé au contrat, qui peut être stipulé
payable à terme, comptant, à tempérament, sous forme de rente, …etc. Le « superficiaire »
a l’obligation de payer le prix et le tréfoncier l’obligation de ne pas nuire au « superficiaire »
dans la jouissance et dans l’exercice de ses droits.
La convention est assujettie aux droits d’enregistrement, à la taxe de publicité foncière
ou à la TVA selon les particularités du dossier et le mode de cession (à titre gratuit ou
onéreux). Les impôts fonciers grevant la superficie sont à la charge du « superficiaire ».
Ceux relatifs au sous-sol sont à la charge du propriétaire. Une distinction est faite et une
imposition distincte est établie pour le propriétaire du bâti et le propriétaire du non bâti1575.
Le droit de superficie trouve de nombreuses applications dans d’autres contrats,
comme la cession de volumes (laquelle permet de construire en volumes), mais aussi à
travers les procédés de régularisation intermédiaires sus relatés que sont le bail à
construction, le bail emphytéotique, etc. Toutefois, dans ces derniers cas, les constructions
reviennent au bailleur en fin de bail, sauf dans le bail à construction où il peut être convenu
différemment. Il serait souhaitable que le législateur aménage des possibilités de sorties
différentes en fin de bail emphytéotique, de manière à permettre au preneur de conserver le
bien en fin de bail, moyennant le paiement d’une redevance plus élevée.
La Cour de cassation a reconnu depuis longtemps la validité du droit de superficie et
estimé que « le droit de superficie forme un droit de propriété distinct et séparé de celle du
fond » dans un arrêt de la chambre des requêtes, du 5 novembre 18661576. Dans sa décision
du 25 mars 1992, la Cour de cassation a rappelé que ce droit « porte exclusivement sur les
constructions, bois, (…) qui font l’objet du contrat sur lequel il a été stipulé »1577.

1574
Cf. « De l’habitat précaire à la ville : l’exemple martiniquais », op. cit. , pp. 124 et s.
1575
Cette situation rappelle le système d’imposition mis en place par la Trésorerie municipale concernant les
quartiers faisant l’objet d’occupation (ex. : Trénelle et Volga Plage), même en l’absence de droit de superficie.
1576
Cf. JCPN, propriété, fascicule 10.
1577
Cass. 3ème civ. 25 mars 1992, D. 1992, inf. rap. p. 143.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
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Ce procédé juridique demeure un bon moyen de régularisation foncière, mais la


cession pure et simple demeure préférable chaque fois qu’elle possible, de manière à libérer
la personne publique propriétaire de toutes obligations, y compris fiscales, sur le bien.
Deux autres procédés alternatifs à la cession, seront examinés ci-après.

2) Location-vente et location-accession des moyens alternatifs proches.

Ces deux types de contrats alternatifs ont déjà été exposés en première partie de la
thèse. Ils présentent des atouts comme modes alternatifs de régularisation foncière, avec un
procédé reportant la cession à court terme, le temps du règlement du prix de vente.
Toutefois, leurs modalités juridiques de mise en œuvre, et leur suivi, devrait être mieux
maîtrisé par les collectivités publiques en faisant usage, car ces deux contrats sont souvent
confondus à tort, voire fusionnés dans la pratique des collectivités, contrairement à l’objectif
recherché par le législateur.

3) Vente avec prix payable à tempérament, une alternative évitée

D’un abord séducteur, la vente avec prix payable à tempérament a été écartée par de
certaines communes, car elle opère un transfert de propriété au profit de l’occupant avant
même que le prix de vente n’ait été soldé.
La vente à tempérament est un contrat par lequel le vendeur vend à l’acquéreur, ce qui
est accepté par ce dernier, un bien, dont le prix de vente est payable à tempérament, de
manière échelonnée en plusieurs fois, sur plusieurs mois voire plusieurs années. Dans cette
hypothèse, une garantie hypothécaire (privilège du vendeur et conservation du bénéfice de
l’action résolutoire) doit être prise au profit de la collectivité venderesse, sur le bien vendu,
qui demeurera affecté en garantie de paiement du prix de vente. Une clause de résolution de
plein droit est insérée dans l’acte, afin que le vendeur n’ait pas à saisir le juge pour la
résolution de la vente1578.
Malgré la simplicité du processus, les communes sont réticentes à mettre en œuvre la
vente à tempérament1579. En effet, il y a un risque très élevé de défaut de paiement des termes
de prix de vente convenus, alors même que la transmission du droit de propriété serait déjà
intervenue, en présence d’acquéreurs disposant de faibles ressources. Les personnes
publiques se trouveraient dans l’obligation d’actionner la garantie hypothécaire et de faire
jouer la clause résolutoire de plein droit ; ce qui est inenvisageable sur le plan politique.

1578
La délivrance par l’officier public (notaire), d’une simple copie exécutoire, suffit pour saisir l’huissier.
1579
Certaines communes la pratiquent, à titre d’aide à l’acquisition.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

De plus, convenir d’un différé du transfert de propriété, après paiement du dernier


terme du prix de vente, est également inintéressant car, dans ce cas, c’est l’acquéreur qui se
retrouverait dans une position de faiblesse, vis-à-vis d’un vendeur qui serait payé, alors
même que le transfert de propriété ne serait pas encore intervenu. Certains notaires refusent,
à bon escient, de pratiquer la clause de transfert de propriété différé.

4) La vente de lots de volume, une pratique complexe à développer

La division en volumes permet une régularisation foncière sur mesure. Ce procédé,


peu utilisé dans les collectivités territoriales situées outre-mer, gagnerait à trouver sa place
parmi les procédés de régularisation foncière, les constructions étant souvent imbriquées les
unes aux autres. La division en lots de volumes est plus coûteuse qu’un bornage classique,
même s’il permet de réaliser des lots sur mesure, correspondant à la réalité de l’occupation.
La division en volumes est une technique juridique consistant à diviser la propriété
d’un immeuble en fractions distinctes, sur le plan horizontal comme sur le plan vertical, à
des niveaux différents, qui peuvent se situer au-dessus comme en dessous du sol naturel,
chaque fraction s’inscrivant, respectivement, dans l’emprise de volumes définis
géométriquement, en trois dimensions, par référence à des plans, des coupes, des côtes, sans
qu’il existe de parties communes entre ces différentes fractions. Il s’agit donc de la division
de la propriété d’un immeuble par fractions ou lots en toute propriété, c’est-à-dire en
propriété exclusivement divise, à la différence de la division en copropriété1580.
La division en lots de copropriété, différente de la division en volumes, comportant
chacun des parties privatives et des parties communes est, pour le Conseil d’État,
incompatible avec le régime de la domanialité publique et les caractères des ouvrages
publics, de sorte que les locaux acquis en copropriété par une collectivité publique pour les
besoins du service public, n’appartiennent pas au domaine public et ne peuvent être
regardées comme constituant un ouvrage public, ainsi qu’il ressort d’un arrêt du Conseil
d’État en date du 11 février 19941581.
La division en volumes est une création de la pratique qui a été utilisée pour la mise
en œuvre de grandes opérations d’urbanisme, comme celle de La Défense, à Paris. Ce type
de division est fondé sur une notion de dissociation de propriété qui trouve une filiation dans
la notion de « superficie », c’est-à-dire la dissociation entre la propriété du dessus du sol

1580
SIZAIRE (Daniel), J-C formulaire notarial, ouvrage n° 10, Fasc. 10, « Division en volumes » .
Pour les formules, voir : DESTAME (Claude), J-C formulaire notarial, 10, Fasc. 522, « Division en volumes ».
1581
CE, 11 février 1994, D. 1994, p. 493, obs. DAVIGNON.

445
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

(superficie) et celle du dessous (tréfonds). De cette division en propriété au-dessus et au-


dessous du sol naturel, on est passé à une division à différents niveaux définis par rapport au
niveau du sol naturel mais dissocié de celui-ci et à une conception évolutive et dynamique
de la propriété, jusqu’à une acceptation de sa division en espaces immatériels définis en trois
dimensions. Il s’agit d’une division de la propriété dans sa troisième dimension1582.
La division en volumes trouve son fondement dans les articles 552 et 553 du Code
civil. L’article 552 dispose que la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du
dessous. Mais il s’agit là d’une simple présomption qui cède devant la preuve contraire, ainsi
qu’il résulte de plusieurs arrêts de la Cour de cassation et notamment d’un arrêt du 26 mai
19921583. Il peut être dérogé à ce principe, de sorte que l’on peut être propriétaire de
constructions édifiées sur un terrain appartenant à autrui. Quant à l’article 553 du Code civil,
il reconnaît expressément des imbrications de propriété à quelque niveau que ce soit.
L’aliénation d’un lot en volumes peut être réalisée sous quelque forme que ce soit, à
titre gratuit ou à titre onéreux. L’état descriptif de division en volumes (EDDV) identifie les
lots volumes, facilitant ainsi la transmission desdits lots volumes. La majeure partie de la
doctrine reconnaît le caractère réel et immobilier du droit de construire du propriétaire de
volume lorsque le volume n’est pas construit1584. Ceci est important notamment sur le plan
de la constitution d’hypothèque.
Cette technique peut se révéler très intéressante pour la régularisation de la situation
des occupants sans titre, car elle pourrait permettre, là où il y incompatibilité de principe
entre domaine public et domaine privé, outre la réalisation de vastes opérations d’urbanisme,
la régularisation de certains types d’occupations par la cession de volumes, qui pourra faire
l’objet de propriété privée, et la résolution de certains problèmes liés aux servitudes1585.
La réalisation de vastes opérations d’urbanisme a abouti à la systématisation de la
division en volumes, au-dessus et en dessous de dalles servant à la circulation publique.
Ainsi les dissociations entre propriété publique et privée sont couramment pratiquées. Elles
consistent, après avoir établi un état descriptif de division en volumes, à déclasser un ou

1582
SIZAIRE (Daniel), J-C formulaire notarial, op cit., Fasc. 10.
1583
Cass., 3èmeciv., 26 mai 1992, JCP 1992, éd. G, IV, 2140.
1584
SIZAIRE (Daniel), J-C formulaire notarial, ouvrage n° 10, Fasc. 10, « Division en volumes » .
1585
Il est important de noter que le passage de voies publiques et la coexistence d’établissements publics avec
des locaux privés, a été rendue possible par l’utilisation de la technique de la division en volumes au-dessus et
en dessous de dalles (cas du complexe de La Défense), ou par segmentation du tréfonds (en cas de passage de
voies ferroviaires souterraines).

446
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

plusieurs volumes correspondant à une partie du domaine public1586 À l’inverse, une partie
d’un tréfonds dépendant d’une propriété privée peut être expropriée pour permettre le
passage d’une voie ferrée en infrastructure. Ou encore, une partie d’un bâtiment utilisé à
usage d’école publique, sera dissociée de la propriété privée du surplus de bâtiment.
Dans le cas des servitudes, on peut avoir des constructions constituant des propriétés
privées, relevant du droit privé, mais prenant appui sur des tréfonds ou des ouvrages relevant
du domaine public1587. La jurisprudence administrative a toujours considéré qu’aucune
servitude ne peut être valablement instituée sur le domaine public, ainsi qu’il résulte
notamment d’un arrêt du Conseil d’État en date du 8 mars 18601588. Cette jurisprudence a été
confirmée par une décision du Tribunal des conflits, en date du 28 avril 19801589. Dans le
cadre de l’opération « Maine-Montparnasse », le problème a été résolu par une ordonnance
n°59-237 du 4 février 19591590. La question de la compatibilité de la division en volumes
avec l’exclusion ou la restriction de la constitution de servitudes à la charge du domaine
public est délicate et complexe1591.
Les opérations de régularisation foncière sont, dans les faits, soumises à une forme
d’opportunisme juridique, car leur mise en place dépend concrètement de la volonté du
propriétaire, personne publique (État, départements, régions, collectivités uniques,
communes) ou personne privée. Or, si pour l’État, les procédures sont encadrées au travers
de lois spécifiques, telle que la loi du 30 décembre 1996, applicable à la zone des cinquante
pas géométriques, même si elles demeurent limitées dans le temps et dans l’espace, en
revanche, pour les communes, départements, régions, collectivités uniques, et propriétaires
privés, la mise en place de procédures de régularisation foncière demeure discrétionnaire, et
dépend de leur seule volonté, aucun texte ne prévoyant de telles procédures à leur encontre.
Sans oublier les conséquences d’une absence de fondement légal de certaines de
dispositions1592, susceptibles de générer du contentieux, cette situation est de nature à générer

1586
Par exemple le volume en élévation au-dessus du domaine ferroviaire, comme dans l’opération Maine-
Montparnasse.
1587
L’édification et l’utilisation des constructions en élévation vont impliquer des servitudes diverses, non
seulement d’appui, mais aussi d’implantation, de canalisation, de branchement, d’accès. Or le principe
d’inaliénabilité du domaine public est incompatible avec la notion même de servitude qui pourtant constitue
un élément juridique essentiel de la division en volumes.
1588
CE, 08 mars 1860, Rec. CE, p. 196, cité dans : J-C formulaire notarial, n° 10, Fasc. 10, « Division en
volumes », p. 12.
1589
TC, 28 avril 1980, AJDA 1980, p. 667.
1590
Ord. n° 59-237 du 4 février 1959, Aménagement de la gare du Maine à Paris : utilisation de certaines
dépendances du domaine public ferroviaire en gare du Maine à Paris, JORF du 7 février 1959 p. 1691.
1591
Pour approfondir : SIZAIRE (Daniel), J-C formulaire notarial, n° 10, Fasc. 10, « Division en volumes ».
1592
Aide exceptionnelle à l’acquisition sous ses diverses formes.

447
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

une inégalité de traitement entre les occupants sans titre du domaine public de l’Etat
(notamment ceux de la zone des cinquante pas géométriques) et ceux du domaine privé des
collectivités locales et des personnes privées, outre-mer. D’où la nécessité, ainsi qu’il a été
vu en amont, de procéder à un encadrement juridique de la régularisation foncière amiable.
Toutefois, en cas de carence de la volonté du propriétaire du sol face à l’occupation
sans titre outre-mer, quand l’ordre public est en péril ou quand la dignité de la personne
humaine est menacée, il peut être intéressant de mettre en place une procédure
d’expropriation fondée sur une déclaration d’utilité publique de la régularisation foncière,
pour permettre l’aboutissement de procédures de régularisation foncière d’intérêt public.
D’où la nécessité d’étudier la pertinence d’une déclaration d’utilité public de la
régularisation foncière en cas de carence de la volonté du propriétaire (Section II).

SECTION II – UTILITÉ PUBLIQUE DE LA


RÉGULARISATION FONCIÈRE, FAUTE DE VOLONTÉ DU
PROPRIÉTAIRE

L’expulsion est rarement la solution juridique adoptée face à l’occupation sans titre
dans les secteurs urbains et d’urbanisation diffuse1593, eu égard à l’ordre public, à la
problématique du logement et à la portée politique des opérations en cause.
Il est indéniable qu’en raison de l’impératif de protection du droit de propriété, toute
procédure de régularisation foncière doit prioritairement relever de la négociation amiable1594
et de l’initiative des personnes publiques ou privées dont la propriété est illégalement
occupée, même s’il est essentiel qu’elles soient encadrées pour éviter l’arbitraire et les
inégalités de traitement.
Mais, en cas de carence de la volonté du propriétaire, la problématique du devoir de
régularisation foncière se trouve posée dans certains cas mettant en cause la dignité de la
personne humaine, l’intérêt public, l’ordre public, le droit à un logement décent, et d’autres
problématiques humaines et sociales. Dès lors, doit-on régulariser en dépit de la volonté du

1593
L’expulsion est plus facilement mise en œuvre dans les espaces naturels de la zone des cinquante pas
géométriques. Mais l’affaire du « Roi Mongin » démontre que, même dans ce cas, l’administration ne peut pas
faire l’impasse sur certaines considérations d’ordre politique et de tranquillité publique.
1594
C’est le cas de certains terrains situés sur le territoire de la commune de Fort-de-France, appartenant à des
familles en indivision, ou à l’État, mais que la commune de Fort-de-France a acquis, pour procéder ensuite à
la régularisation foncière, étant désormais propriétaire. Exemple : le quartier de Volga Plage.

448
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

propriétaire ? Pourrait-il y avoir une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique
de régularisation foncière, fondée sur la dignité de la personne humaine et ses corollaires ?
La dignité de la personne humaine est une notion d’intérêt public, qui permet de
prendre des mesures, par-delà la volonté des individus, pour la protection des individus en
tant qu’humains. En conséquence, en cas de carence de la volonté du propriétaire, personne
publique ou privée, à défaut d’initiatives, et en présence d’un intérêt public avéré, d’une
nécessité d’ordre public, et particulièrement d’une menace à la dignité de la personne
humaine (droit à un logement digne, droit à un logement décent, et autres corollaires du droit
à la dignité humaine), une solution alternative doit être trouvée.
La déclaration d’utilité publique de régularisation foncière, conduisant à
l’expropriation pour cause d’utilité publique, permettrait l’intervention d’une personne
publique (par exemple, celle sur le territoire de laquelle se trouvent les occupants sans titre
concernés), par l’appropriation forcée des terrains occupés sans titre, dans le but de mettre
en œuvre une opération de régularisation foncière d’utilité publique.
Une telle intervention, doit être adaptée dans son contenu et dans ses délais. La carence
peut provenir de l’impossibilité de l’initiative privée en présence d’une mésentente au sein
d’une indivision successorale1595. Par la mise en place de procédures d’expropriation pour
cause d’utilité publique aux fins de régularisation foncière1596, les personnes publiques à
l’initiative de telles opérations pourront devenir elles-mêmes propriétaires des biens
illégalement occupés, acquérant ainsi la maîtrise foncière nécessaire à la réalisation
d’opérations de régularisation foncière d’intérêt public.
Le Conseil d’Etat, dans un arrêt d’assemblée du 31 mai 2006, « Ordre des avocats au
barreau de paris »1597, avait déjà eu l’occasion d’admettre une telle intervention publique, en
matière de logements, à partir du moment où la personne publique agit dans la limite de ses
compétences et justifie d’un intérêt public, résultant notamment de la carence de l’initiative
privée. Une telle intervention ne doit pas non plus fausser le jeu de la libre concurrence. Le

1595
Avec le projet de loi « Letchimy » sur la sortie de l’indivision, il sera possible pour les coïndivisaires de
sortir de l’indivision sans que l’unanimité soit requise. Toutefois, il faut prendre garde à ce que cette loi ne
constitue pas en elle-même une voie de dépossession pour de nombreux propriétaires indivis ; d’où la nécessité
de l’encadrer, de la limiter dans le temps, et de prévoir au moins une majorité des deux tiers des indivisaires
(51 %, c’est trop peu).
1596
L’expropriation doit être comparée à la nationalisation, eu égard à l’atteinte portée au droit de propriété.
Toutefois la nationalisation, quoiqu’étant un procédé d’acquisition forcée également, est très rarement mise en
œuvre par l’État, car elle relève de la décision du législateur qui décide également de sa procédure, et vise par
son objet tout le patrimoine d’une entreprise (ses biens meubles et immeubles). Le but recherché peut être la
sanction d’une entreprise et non pas systématiquement l’utilité publique.
1597
CE, Ass., 31 mai 2006, « Ordre des avocats au barreau de Paris », RFDA 2006.1048, note CASAS (D.),
JCP A 2006, n° 1133, note LINDITCH (F.).

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

constat de l’utilité publique de la régularisation foncière, dans le cadre d’une procédure


d’expropriation d’urgence, adaptée et enfermée dans des délais raisonnables, moyennant une
juste et préalable indemnisation du propriétaire, doit être recherché.
La solution de la régularisation foncière d’utilité publique, peut se fonder sur la
décision « Lois de nationalisation » du Conseil constitutionnel, des 16 janvier 1982 et 11
février 19821598. Elle envisage une autre voie de régularisation foncière, encadrée et
efficiente, lorsque l’accord amiable fait défaut, ou en cas de carence de l’initiative privée ou
publique. Son champ d’application concernerait la propriété de personnes privées, et le
domaine privé de personnes publiques, à partir du moment où lesdites personnes feraient
preuve de carences de procédures de régularisation foncière positives ou négatives (ainsi en
cas de risques majeurs), alors que serait en cause l’ordre public ou la dignité de la personne
humaine.
L’adaptation de la notion d’utilité publique de la régularisation foncière dans le cadre
d’une procédure d’expropriation d’urgence semble incontournable, car elle constitue une
limite acceptable au droit de propriété, ainsi qu’il découle de la jurisprudence « Lois de
nationalisations » des 16 janvier et 11 février 1982 sus relatée1599. Cette notion d’utilité
publique, parce qu’elle est vérifiable par la jurisprudence, permettrait de prévenir certains
contentieux post-contractuels et post-opérationnels inhérents aux procédures de
régularisation foncière. Toutefois, cette procédure devra être rigoureusement définie afin
d’éviter tout risque d’aggravation de la violation du droit de propriété d’autrui que constitue
l’occupation sans titre.
La solution de l’utilité publique est gracieusement offerte par l’article 17 de la
Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789, duquel il résulte que :
« La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque
la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une
juste et préalable indemnité ». Cette solution est également fondée sur l’article 545 du Code
civil, duquel il résulte que : « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour
cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ». La déclaration de
1789 emploie le terme de « nécessité publique », remplacé par le Code civil de 1804, par le
terme « utilité publique » plus large. La solution de l’utilité publique résulte également de la

1598
Déc. n° 81-132 DC du 16 janvier 1982 et n° 82-139 du 11 février 1982, D. 1983. 169, note HAMON (L).
Cf. aussi : FAVOREU (Louis) et PHILIP (Loïc), Les grandes décisions du Conseil Constitutionnel, 13e édition,
Dalloz, 2005, n° 28, p. 424 et s.
1599
Déc. n° 81-132 DC du 16 janvier 1982 et n° 82-139 du 11 février 1982, op. cit.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

jurisprudence du Conseil constitutionnel, spécialement de la décision « loi de


nationalisation » des 16 janvier et 11 février 1982, comme susmentionné1600.
Au niveau européen aussi, l’article 1er du Protocole n° 1 de la Convention européenne
des droits de l’Homme, dispose que : « Toute personne physique ou morale a droit au respect
de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans
les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international »1601.
Ainsi, les textes et la jurisprudence posent les fondements d’une atteinte acceptable au
droit de propriété, pour cause de nécessité publique ou d’utilité publique, moyennant une
juste et préalable indemnisation ; lequel droit de propriété constitue un droit « naturel et
imprescriptible de l’homme » selon les termes mêmes de l’article 2 de la DDHC.
Il est vrai que les procédures d’expropriation ordinaires sont peu utilisées dans les
collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution, pour accélérer les opérations de
régularisation foncière, car elles sont longues, chronophages, coûteuses, et impopulaires sur
le plan politique. Toutefois, bien adaptées, elles pourraient retrouver leur utilité.
En effet, « l’expropriation est une procédure par laquelle une personne publique
impose à un propriétaire la cession d’un droit […] immobilier, dans un but d’utilité publique,
moyennant le paiement d’une juste et préalable indemnité »1602. Cependant, la procédure
d’expropriation, demeure un mode d’acquisition forcée, qui porte atteinte au droit de
propriété. Son emploi doit donc demeurer exceptionnel, car sa mise en œuvre relève de
l’exercice d’une prérogative de puissance publique.
Il ne sera pas question, dans la présente étude, de l’expropriation indirecte ou de fait,
en vertu de laquelle l’expropriation serait invoquée chaque fois qu’une personne publique
occupe illégalement un immeuble pour l’implantation d’un ouvrage public.
L’adage : « l’ouvrage public mal planté ne se démolit pas », quoiqu’ayant entériné dans le
passé des pratiques abusives de la part de l’administration, a depuis été battue en brèche par
une nouvelle pratique du juge de l’expropriation, tendant à mettre en place une procédure
régulière d’expropriation1603, ou à ordonner la démolition de l’ouvrage. Ainsi, une personne

1600
CC n°81-132 DC du 16 janvier 1982, Loi de nationalisation, et n°82-139 du 11 février 1982, FAVOREU
(Louis) et PHILIP (Loïc), GD, 13ème édition, 2005, n°28. Cf. également CHAMARD-HEIM (Caroline),
MELLERAY (Fabrice), NOGUELLOU (Rozen), et YOLKA (Philippe), Les grandes décisions du droit
administratif des biens, Grands arrêts, Éditions Dalloz, 2013, n° 20.
1601
Convention signée à Rome le 04 novembre 1950 et entrée en vigueur le 03 septembre 1953.
1602
GODFRIN (Philippe), DEGOFFE (Michel), Droit administratif des biens, Domaine, travaux,
expropriation, Université, 10e Edition, 2012, paragraphe 475, Emplacements du Kindle 9399-9401, Edition
Sirey. Édition du Kindle.
1603
CE, 3 mai 1972, Société des Établissements Charles Testut, AJDA 1973, 143, note HOMONT.

451
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

publique peut être un occupant sans titre, mais dispose de moyens légaux à sa disposition
pour régulariser sa situation.
Il sera question de la mise en œuvre d’une expropriation pour cause d’utilité publique
aux fins de régularisation foncière, enfermée dans de courts délais. Elle sera exercée par la
personne publique, à l’encontre de propriétaires publics ou privés, en vue de la régularisation
de la situation d’occupants sans titre, en se fondant sur le constat de l’utilité publique de
l’opération de régularisation foncière et de la carence du propriétaire. Cette utilité publique
peut directement résulter de l’acte administratif déclaratif d’intérêt général1604 qu’est la
déclaration d’utilité publique (DUP)1605.
Tout ce qui est ci-dessus expliqué appuie la thèse selon laquelle le but de régularisation
foncière, dont l’utilité publique peut difficilement être remise en cause en certaines
circonstances, est éligible aux procédures d’expropriation d’urgence. Il faut donc une
adaptation de la procédure d’expropriation à la régularisation foncière (§1), mais aussi un
ajustement des deux phases de l’expropriation à la régularisation foncière (§2).

§ I. UNE PROCÉDURE D’EXPROPRIATION ADAPTÉE À LA


RÉGULARISATION FONCIÈRE

La justification de l’utilisation de procédures d’expropriation pour des opérations de


nécessité publique ou d’utilité publique provient des révolutionnaires eux-mêmes. Puis le
législateur, à travers des lois successives, a facilité l’expropriation, alors même que celle-ci
constitue une atteinte au droit de propriété. La nécessité publique est avancée par la DDHC,
alors que l’utilité publique est retenue par l’article 545 du Code civil.
Mais le droit de propriété n’a pas toujours été aussi protégé en France. Sans remonter
jusqu’aux débuts de la colonisation, entérinant des pratiques d’appropriation exercées par
l’État sur des territoires « découverts », nonobstant l’existence de primo-occupants
(autochtones, etc.), il convient de remarquer que sous l’ancien régime, caractérisé par le droit
féodal, le domaine éminent appartenait au Roi et le domaine utile aux particuliers. Le Roi
pouvait donc réclamer ce dernier sans verser de dédommagement, réunissant ainsi entre ses

1604
TRAORE (Seydou), Lextenso, « Contribution à l’étude de l’acte déclaratif d’intérêt général », in RDP
2015, n° 6, p. 1533.
1605
Elle n’a plus nécessairement à résulter d’une loi (notion d’utilité publique légalement constatée).

452
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

mains le « domaine éminent » et le « domaine utile »1606.


À la révolution française, les droits de l’Homme ont occupé une place fondamentale
et le droit de propriété s’est inscrit en tant que droit naturel de l’Homme. C’est ainsi que la
Déclaration des droits de l’Homme énonce en son article 17 que la propriété est « un droit
inviolable et sacré », et que son article 2 place le droit de propriété en seconde position, juste
après la liberté et avant la sûreté et la résistance à l’oppression. Avec l’introduction par
l’article 545 du code civil de la notion d’utilité publique, plus souple, la protection du
propriétaire a été renforcée par la loi du 8 mars 18101607, instituant deux phases dans la
procédure d’expropriation : la phase administrative consacrée aux actes préparatoires et la
phase judiciaire confiée aux juridictions de l’ordre judiciaire qui assurent le transfert de
propriété et procèdent à la fixation des indemnités d’expropriation. Après moult tentatives
légales infructueuses, visant à simplifier et accélérer la procédure d’expropriation,
notamment par un décret-loi du 8 août 19351608, l’ordonnance du 23 octobre 1958, base
référente de l’expropriation prise en vertu de l’article 92 de la Constitution de 1958, a permis
une accélération des procédures d’expropriation et des avancées dans la détermination de
l’indemnité, l’unicité et l’adaptation des procédures1609.
Les règles relatives à l’expropriation sont réunies dans le code de l’expropriation pour
cause d’utilité publique et y sont détaillées. La question de l’adaptation de la procédure
d’expropriation aux procédures de régularisation foncière, afin qu’elles soient en mesure de
contribuer à la résorption de l’occupation sans titre outre-mer, mérite d’être étudiée. Ce n’est
pas la première fois, dans l’histoire de l’expropriation, qu’il est question de rénover et
d’adapter les procédures. Les personnes publiques ont toujours déploré l’extrême lenteur de
la procédure d’expropriation, qui comporte deux phases et de nombreuses procédures
spéciales ; lenteur toutefois justifiée par la gravité des effets de l’expropriation.
Ainsi, le code de l’expropriation a fait l’objet d’une refonte par l’ordonnance n° 2014-
1345 du 6 novembre 2014 pour la partie législative, et pour la partie réglementaire, sur le

1606
AUBY (Jean-Marie), BON (Pierre), AUBY (Jean-Bernard) et TERNEYRE (Philippe), Droit administratif
des biens, n° 618, emplacement 12242, éditions Dalloz, 7ème édition, 2016, consulté : édition numérique Kindle.
Il suffisait au Roi d’exercer son droit de retrait par le biais de « lettres patentes ». Cf. aussi : AUBY (J-M),
BON (P.) et AUBY (J-B), Droit Administratif des Biens, Domaine public et privé, travaux et ouvrages publics,
expropriation, coll. « Droit public, Science politique », Éditions Dalloz (Paris), 4ème Edition, 2003, pp 51 et s.
1607
Idem. La loi du 08 mars 1810 sur l’expropriation a été à l’origine de la compétence du juge judiciaire, lors
d’une phase judiciaire, pour le transfert de propriété et l’indemnisation.
1608
Ce texte avait institué une commission arbitrale d’évaluation, qui n’a pas donné les résultats escomptés.
1609
GODFRIN (Philippe), DEGOFFE (Michel), Droit administratif des biens. Domaine, travaux,
expropriation, Université, Edition Sirey, paragraphes 489 et 490, Emplacement 9557 de l’e-book. Édition du
Kindle.

453
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

fondement de l’ordonnance n°2014-1635 du 26 décembre 2014. Le nouveau code de


l’expropriation, entré en vigueur le 1er janvier 2015, tient compte du développement du droit
de l’environnement et contient un livre VI comportant des dispositions relatives à l’outre-
mer, mais consacrées spécifiquement à Mayotte, à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, et à
Saint-Pierre-Et-Miquelon.
Outre le code de l’expropriation, les règles de l’expropriation s’appuient également
sur la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, qui protège le droit de
propriété, sans pour autant rejeter l’expropriation pour cause d’utilité publique et la prise en
compte de l’intérêt général. Il résulte de l’article 1er, alinéa 1, du premier protocole
additionnel n° 1 à ladite convention que « toute personne physique ou morale a droit au
respect de ses biens », et que « nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité
publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit
international ». À cet égard, la Cour européenne des droits de l’homme consacre le principe
d’un juste équilibre entre la préservation de l’intérêt général de la communauté et la
sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu dans le cadre du respect de ses biens, ainsi
qu’il ressort d’un arrêt du 23 septembre 1982, « Spörrong et Lönnroth c/Suède »1610.
Les opérations de régularisation foncière visant à résorber l’occupation sans titre outre-
mer, pourraient être accélérées par une adaptation de la procédure d’expropriation pour
cause d’utilité publique, particulièrement en cas d’obstacles ou de carences de l’initiative
privée ou publique. Par ce biais serait favorisée une maîtrise de l’aménagement et de
l’équipement de quartiers auto-construits, dont le territoire appartient pour partie à des
propriétaires privés et pour partie à des propriétaires publics.
L’expropriation peut d’ores et déjà être utilisée dans le cadre de procédures de
régularisation foncière. Toutefois, ses conditions de mise en œuvre, ses longs délais, et son
impopularité politique, en font un instrument juridique lourd, peu utilisé et qui exige des
adaptations. L’idée consiste à adapter les procédures d’expropriation au rythme de la
régularisation foncière, de manière à raccourcir les délais et favoriser la maîtrise foncière
par la personne publique, pour faciliter la résorption de l’occupation sans titre outre-mer. Il
s’agit de déterminer les critères de l’utilité publique à valoriser dans le rapport d’enquête

1610
Arrêt cité dans : HOSTIOU (René), « Le droit de l’expropriation et les exigences de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales », RFDA 2007, p. 1175.
Cf. aussi, CARSS-FRISK (M.), « Le droit de propriété, un guide pour la mise en œuvre de l’article 1 du
Protocole n° 1 à la Convention européenne des Droits de l’Homme », Précis sur les droits de l’Homme n° 4,
Direction générale des droits de l’Homme, Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2003, n° 9 et ss. 47 pp. En ligne :
http://www.coe.int/human_rights.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

préalable, les modalités d’indemnisation des propriétaires et de rétrocession des terrains aux
occupants sans titre, et les modalités de raccourcissement des délais de procédures.
Ainsi, l’adaptation de la procédure d’expropriation à la régularisation foncière prend
en compte l’extension du critère fondamental de l’utilité publique (A), et une juste et
préalable indemnisation contrôlée par la méthode du « bilan coût-avantages » (B).

A. UTILITÉ PUBLIQUE DE LA RÉSORPTION DE L’OCCUPATION


SANS TITRE OUTRE-MER

Les biens concernés par la régularisation foncière, sont ceux, occupés sans titre,
dépendant de la zone des cinquante pas géométrique, situés en zone urbaine et d’urbanisation
future (sous réserve de déclassement), et ceux dépendant du domaine privé de l’État, des
départements, régions, collectivités, communes, et autres personnes publiques
(établissements publiques, communautés de communes, etc.). Sont exceptés les biens du
domaine public insusceptibles d’expropriation. Les biens relevant de la propriété des
personnes privées sont également concernés, aux fins de régularisation foncière. En effet, il
n’est pas rare de constater qu’une propriété occupée sans titre appartienne pour partie à
l’Etat, pour partie à la commune, ou au département, et pour partie à des personnes
privées1611. Il serait alors inefficient, inéquitable, voire source de troubles à l’ordre public,
de régulariser les occupants sans titre du domaine public et privé des personnes publiques,
et de laisser de côté les occupants sans titre de la propriété contiguë appartenant à des
personnes privées, notamment à des indivisions successorales. Ainsi, bien que l’objet de la
thèse ne concerne que la propriété des personnes publiques, il touche nécessairement à la
propriété des personnes privées, occupées sans titre.
En conséquence, en cas de carence de la volonté du propriétaire lésé ou de blocages,
lors de procédures de régularisation foncière d’intérêt public, il convient de trouver une
solution permettant l’aboutissement desdites procédures. L’extension de la notion d’utilité
publique à la régularisation foncière et l’adaptation des règles de l’expropriation et de ses
modalité à la régularisation foncière d’intérêt public s’avère nécessaire.
L’article 17 de la DDHC pose les principes fondamentaux du droit de l’expropriation
et l’article 545 du Code civil en assouplit les conditions. Dans ses décisions des 16 janvier

1611
C’est le cas du quartier Volga Plage à Fort-de-France qui appartient pour partie à l’Etat, pour partie à la
commune qui a acquis certaines parcelles occupées de l’Etat, des années auparavant, et pour partie à la SIMAR
(qui a depuis vendu ses parcelles à la Ville).

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
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et 11 février 19821612, le Conseil constitutionnel considère les nationalisations comme étant


d’intérêt général, relevant de la notion de « nécessité publique légalement constatée ». Il est
donc permis d’en déduire que la régularisation de l’occupation sans titre des domaines public
et privé des personnes publiques outre-mer, constitue une nécessité publique ou une utilité
publique, qui mérite d’être légalement constatée, tant ces situations d’occupation sont de
nature à troubler la paix sociale et à heurter le droit à la dignité de la personne humaine1613.
Dans son contenu, l’article 17 de la DDHC donne la mesure de l’importance du droit
de propriété, mais en indique la limite qu’est l’utilité publique. Il s’agit d’un mode opératoire
d’un exercice responsable de ce droit de propriété ; lequel n’exprime toute sa valeur que
lorsqu’il est sensible aux nécessités d’intérêt public. À défaut, il ne refléterait que le droit du
plus fort. La notion d’utilité publique permet de prendre en compte la dimension humaine
du droit de propriété et, appliquée à la régularisation foncière, peut devenir une source
d’efficience de ses procédures.

1) Un outil efficient de régularisation foncière à disposition des


propriétaires publics

L’expropriation constitue une prérogative exorbitante du droit commun, mise à la


disposition des personnes publiques, pour des opérations d’utilité publique. Les procédures
d’expropriation portent principalement sur l’acquisition de biens immobiliers1614.
La régularisation foncière devrait être considérée comme une opération d’utilité
publique lorsque certaines conditions sont en présence : carence du propriétaire, atteinte à la
dignité humaine, notamment. Il est donc normal d’envisager des modalités de régularisation
foncière intégrant le foncier privé occupé sans titre, lorsque l’utilité publique est en cause1615.
En cas de carence ou d’obstruction d’un propriétaire, personne publique ou privée, à
la régularisation foncière, la mise en place de la procédure d’expropriation d’utilité publique
pour débloquer et accélérer la régularisation, se justifierait en dernier recours. Mais les

1612
CC n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, Loi de nationalisation, et n° 82-139 du 11 février 1982, FAVOREU
(Louis) et PHILIP (Loïc), GD, 13ème édition, 2005, n° 28. Cf. également CHAMARD-HEIM (Caroline),
MELLERAY (Fabrice), NOGUELLOU (Rozen), et YOLKA (Philippe), Les grandes décisions du droit
administratif des biens (GDDAB), Grands arrêts, Éditions Dalloz, 2013, n° 20.
1613
S’agissant le plus souvent de situations accompagnées d’une auto-construction et d’un risque d’insalubrité.
1614
Le sol et le sous-sol d’une propriété, peuvent également être expropriés. Tous les droits réels immobiliers,
démembrés ou non, peuvent faire l’objet d’une expropriation : la pleine propriété, l’usufruit, la nue-propriété,
le droit d’usage et d’habitation, les servitudes.
1615
Et par souci d’égalité de traitement des administrés d’un même secteur ou quartier. Cas du quartier Volga
Plage à Fort-de-France. Pour accélérer la procédure de régularisation foncière de ce quartier, la commune de
Fort-de-France a acquis une partie des terrains du quartier des mains de l’État dans les années 1980, et une
partie du foncier des mains de la SIMAR dans au cours de l’année 2009, par acte authentique administratif.

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personnes publiques résistent à l’utilisation de la procédure d’expropriation en raison de sa


lourdeur, de son coût, de la longueur de ses procédures, et de son impopularité politique.
L’allègement de la procédure d’expropriation et son adaptation à la régularisation foncière
est donc à envisager, en présence d’un intérêt public avéré.
La question est de savoir si les acteurs des procédures de régularisation foncière sont
habilités à mettre en place des procédures d’expropriation. Si l’on se réfère au droit de
l’expropriation, le détenteur du pouvoir d’exproprier n’est pas forcément l’expropriant. Dans
les collectivités territoriales outre-mer et en France en général, c’est l’État seul qui possède
le pouvoir d’exproprier, l’expropriation aboutissant à une cession forcée de ses biens par une
personne publique ou privée. La déclaration d’utilité publique est prononcée par décret pris
en Conseil d’État, par arrêté ministériel ou par arrêté préfectoral. Toutefois, l’expropriant
est bien la personne qui met en œuvre la procédure d’expropriation ou la déclenche. Il s’agit
donc des collectivités territoriales dans la limite de leur territoire. Sont concernées les
personnes publiques en général (communes, départements, régions, collectivités uniques),
et leurs établissements publics dans la limite de leur spécialité1616, ainsi que certaines
personnes privées. Un arrêt du Conseil d’État du 17 janvier 1973, « Ancelle », va jusqu’à
reconnaître le droit d’exproprier à une Caisse régionale de Sécurité Sociale, et à tous
organismes privés chargés d’un service public1617.
Mais les personnes bénéficiaires des opérations de régularisation foncière menées dans
le cadre de procédures amiables, pourront-elles bénéficier des terrains occupés, à la suite de
la procédure d’expropriation, compte tenu du cadre strict de ladite procédure ? Rien
n’empêche la personne publique auteur de la régularisation foncière et expropriante,
d’exproprier pour son propre compte, aux fins d’aménagement, avant rétrocession aux
occupants sans titres. Ce type d’opérations se rapproche du cas d’expropriations intervenues
aux fins de création par la commune de lotissements communaux. Ce type d’opérations a pu
être considéré comme d’utilité publique en cas de carence de logements1618.
Par ailleurs, il convient de rappeler que si, en règle générale, l’expropriant est
également le bénéficiaire de l’expropriation1619, il n’est pas interdit par la loi à l’expropriant

1616
CE, Assemblée, 17 mars 1972, Ministre de la santé publique c/Levesque, Rec. 230 ; AJDA 1973. 329, note
HEYMANN. Toute personne morale de droit public peut exproprier.
1617
CE, 17 janvier 1973, Rec. 38 ; AJDA 1973, chron. CABANES et LEGER
1618
CE, 24 juillet 1987, Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation c/ Époux DENIS, Lebon 281, Dalloz
1990, Somm. 23, obs. BON (P.). Dans cette affaire, le Conseil d’Etat avait considéré que l’opération projetée
ne répondait pas à un besoin de logement et ne présentait donc pas un caractère d’utilité publique. En l’espèce,
une petite commune de 370 habitants dans laquelle il y avait de surcroît des logements vides.
1619
CE, 10 mai 1985, Chambre de Commerce et d’industrie d’Annecy et de la Haute-Savoie, Rec. 659 et 660.

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d’exproprier au bénéficier d’un tiers bénéficiaire, lequel peut être aussi bien une personne
publique qu’une personne privée1620. La jurisprudence en la matière est ancienne1621. Le
législateur a également entériné cette option à plusieurs reprises au travers de lois
spéciales1622. Le bien acquis par la procédure de l’expropriation peut donc être rétrocédé par
l’expropriant à un tiers bénéficiaire poursuivant une fin d’utilité générale. Dans son arrêt du
1er avril 1977, « Dame Grignard », le Conseil d’Etat confirme que le bénéficiaire de la
rétrocession peut même être une autre personne publique distincte de l’expropriant 1623. Il
existe de nombreux autres exemples qui démontrent que le bénéficiaire de l’expropriation
n’est plus forcément une personne publique.
Mais, la régularisation foncière revêt une utilité publique avérée en certaines
circonstances qu’il est intéressant d’examiner.

2) La régularisation foncière relève de l’utilité publique en présence de


certaines circonstances

Au vu des développements ci-dessus, l’expropriation peut parfaitement être menée par


l’État ou par une collectivité territoriale, une commune, ou un établissement public, en vue
d’un aménagement, puis d’une rétrocession des biens expropriés, après aménagement, à des
occupants sans titre, dans un but d’utilité public et d’ordre public, au nom de la dignité
humaine et de ses corollaires, dont notamment le droit au logement digne.
Au vu des développements effectués ci-dessus, la régularisation foncière apparaît
comme relevant de la nécessité publique, et au moins, de l’utilité publique, quand certaines
circonstances sont en cause (atteinte à la dignité de la personne humaine, droit au logement,
ordre public, …)1624.
De plus, la notion d’utilité publique est interprétée de manière de plus en plus extensive
par le législateur1625, comme par la jurisprudence, dans des cas qui sont assez éloignées de
l’utilité publique. Ainsi en est-il dans l’arrêt « Farges » du Conseil d’Etat, du 14 février

1620
GODFRIN (Philippe), DEGOFFE (Michel), Droit administratif des biens. Domaine, travaux,
expropriation, Université, Edition Sirey, paragraphe 497, emplacement 9676 de l’édition du Kindle.
1621
CE, 17 juillet 1950, Cazentre et Castex, Rec. 774. À propos de la rétrocession à une entreprise œuvrant en
matière de défense nationale.
1622
La loi du 16 décembre 1964 relative au bail à construction prévoit cette possibilité pour des terrains cédés
ensuite en location à des personnes privées pour l’édification d’immeubles. Citée dans GODFRIN (Philippe),
DEGOFFE (Michel), Droit administratif des biens. Domaine, travaux, expropriation, op. Cite.
1623
CE, section, 1er avril 1977, Dame Grignard, Rec. 174.
1624
Il peut être fait application de la technique du lotissement à l’envers, consistant à aménager et recréer les
équipements d’un lotissement dans des quartiers auto-construits.
1625
La loi du 15 février 1902 autorisa l’expropriation pour cause d’insalubrité publique. Le Code de
l’urbanisme permet l’expropriation par exemple pour constitution de réserves foncières. Voir GODFRIN
(Philippe), DEGOFFE (Michel), Droit administratif des biens. Domaine, travaux, expropriation, op. cit.

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19231626. D’autres cas se rapprochent de celles de la régularisation foncière. C’est le cas de


la loi BARNIER du 2 février 1995 relative à la protection de l’environnement, qui permet
l’expropriation de sites dangereux pour des raisons liées à la sécurité des populations1627. Par
ailleurs, l’utilité publique du but poursuivi par la personne publique n’a pas nécessairement
besoin d’être légalement constatée. La jurisprudence « Farges » susmentionnée reconnaît
qu’il ne s’agit pas d’un motif d’illégalité de la procédure d’expropriation1628.
Par ailleurs, le législateur est passé du terme « nécessité publique » à celui « d’utilité
publique », consentant ainsi à l’extension du champ de l’expropriation par la notion d’utilité
publique. Cette procédure qui, à l’origine, était utilisée pour la constitution du domaine
public et la construction d’ouvrages publics1629, a vu son champ d’application s’étendre
progressivement. Ainsi, le législateur, par la loi d’orientation foncière du 30 décembre 1967,
permet l’expropriation pour la constitution de réserves foncières en vue de l’extension d’une
agglomération. De même la jurisprudence, à l’occasion des recours pour excès de pouvoir
formulés contre l’acte déclarant l’utilité publique, a validé une conception très extensive de
la notion d’utilité publique, légitimant le recours à l’expropriation et aux opérations annexes,
dès lors que l’opération en cause avait trait à la satisfaction de besoins de service public ou
de l’intérêt général, ou se trouvait prévue par la loi. Le contrôle du juge est dans ce cas,
réduit. Dans l’arrêt, « Ville de Sochaux », du 21 juillet 1971, le Conseil d’Etat a légitimé le
recours à l’expropriation et jugé que l’intérêt privé n’était pas exclusif de l’intérêt général
du projet, et que l’intérêt financier n’en était pas déterminant1630.
Toutes ces validations législatives et jurisprudentielles laissent à penser que la
reconnaissance de l’utilité publique des opérations de régularisation foncière est largement
concevable, sous réserve d’adaptation de la procédure, notamment par une réduction des
délais. Toutefois, l’utilité publique d’une opération de régularisation foncière devra prendre
en compte les méthodes de contrôle dégagées par le juge administratif. Celui-ci considérera :
la finalité d’intérêt général de l’opération, l’absence de voies parallèles permettant de réaliser
l’opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation, le respect du

1626
CE, 14 février 1923, Farges, Rec. 144. Recours à l’expropriation pour un terrain de sport. Il n’est pas
nécessaire qu’il y ait une disposition législative expresse.
1627
Loi publiée au JO du 3 février 1995, p. 1840. Dispositions codifiées dans le Code de l’Environnement,
Titre VI consacré à la prévention des risques naturels, annexé à l’ordonnance n° 2000-914 du 18 septembre
2000.
1628
CE, 14 février 1923, Farges, Rec. 144, op. cit.
1629
DAVID BEAUREGARD-BERTHIER (Odile de), Droit administratif des biens, Collection « Fac-
Universités », Mémentos LMD, 13ème édition 2017-2018, Issy-les-Moulineaux, Gualino Éditeur, Lextenso
Éditions. p. 215.
1630
CE, 20 juillet 1971, Ville de SOCHAUX, Rec. Lebon 561, AJDA 1972.227, note HOMONT.

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principe de précaution, et l’étude du bilan « coût – avantages » de l’opération (B).

B. CONTRÔLE DU BILAN « COÛT-AVANTAGES » DE LA


DÉCLARATION D’UTILITÉ PUBLIQUE DE LA
RÉGULARISATION

La théorie du bilan coût-avantages se révélera essentielle pour permettre au juge


administratif de contrôler l’utilité publique d’un projet de régularisation foncière. Elle a été
consacrée par le Conseil d’Etat dans l’arrêt de principe « Ville Nouvelle Est », du 28 mai
19711631. Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat contrôle l’utilité publique de l’opération en
énonçant, dans un considérant de principe qu’« une opération ne peut être déclarée d’utilité
publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les
inconvénients d’ordre social qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt
qu’elle présente ».
La théorie du bilan « coûts-avantages » parait adaptée à la régularisation foncière
d’intérêt public, car elle se définit par une contrôle « in concreto », tout en permettant
d’anticiper la protection du propriétaire et de l’occupant sans titre.

1) Un contrôle « in concreto »

Dans le cas de la régularisation foncière, l’intérêt public se concrétise à travers les


notions d’ordre public, de tranquillité publique, de respect de la dignité humaine, de droit au
logement, et autres critères similaires liés à l’ordre public, à la protection de libertés
individuelles, et à la sécurité juridique et foncière. Mais ses inconvénients, notamment
l’atteinte à la propriété des propriétaires expropriés, ne devront pas être supérieurs à ses
avantages. À l’échelle du coût de l’opération d’expropriation, il est nécessaire de considérer
que l’atteinte à la propriété privée elle-même constitue un coût moral, à laquelle s’ajoutent
le coût financier et le coût social de l’opération. Si le bilan est défavorable, il n’y a aucun
intérêt à mener l’opération d’expropriation. L’utilité publique de l’expropriation en vue de
la régularisation foncière n’est reconnue que si les avantages sont supérieurs aux
inconvénients qui doivent demeurer raisonnables1632.

1631
CE, Ass., 28 mai 1971, « Ville nouvelle Est », JCP 1971.II.16873, note HOMONT, Rec. Lebon p. 409. En
l’espèce, la circonstance qu’il soit nécessaire de détruire une centaine de maisons pour la réalisation du projet
n’était pas de nature à retirer à l’opération son caractère d’utilité publique.
1632
CE, 6 / 2 SSR, du 25 novembre 1988, n° 74232, publié au Recueil Lebon. Cet exemple illustre une atteinte
excessive à la propriété privée, et donc l’absence d’utilité publique. En ligne :

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Le juge administratif joue le rôle de garde-fou, puisque l’administration anticipe ce


bilan en consultant la section des travaux du Conseil d’Etat pour vérifier l’utilité publique
d’un projet en amont1633. Le juge contrôle que l’expropriation envisagée est justifiée par sa
finalité, non plus « in abstracto », c’est-à-dire en elle-même, mais « in concreto », en tenant
compte des avantages et des inconvénients du projet, en ce compris ses répercussions sur
l’environnement, la propriété privée, et sur d’autres intérêts publics1634. Le juge recherche le
bilan coût-avantages de l’opération, et vérifie ainsi que les avantages sont supérieurs au coût
de l’expropriation.
Pour le professeur Odile de DAVID BEAUREGARD-BERTHIER, c’est une logique
d’économie de moyens qui pousse le juge administratif à affiner son contrôle sur la nécessité
publique de l’opération d’expropriation, à vérifier l’existence d’un besoin d’intérêt public,
et à mettre en œuvre le contrôle du bilan de l’opération1635. L’arrêt « MALARDEL », du 29
juin 1979, illustre bien ce positionnement jurisprudentiel1636. Dans certaines affaires, le juge
administratif va jusqu’à comparer deux projets d’expropriation différents1637. Il confirme sa
vision large du coût de l’expropriation dans une formule tirée de l’arrêt d’assemblée du
Conseil d’Etat, du 20 octobre 1972, « SCI Sainte-Marie de l’Assomption », en
déclarant qu’une « opération ne peut légitimement être déclarée d’utilité publique que si les
atteintes à la propriété privée, le coût financier, et éventuellement, les inconvénients d’ordre
social et les atteintes à d’autres intérêts publics qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu
égard à l’intérêt qu’elle présente »1638.
D’autres critères fondamentaux de l’utilité publique, dont l’expropriant qui prend
l’initiative d’une procédure d’expropriation d’utilité publique aux fins de régularisation
foncière, devrait tenir compte en amont, doivent être respectées. Il en est ainsi de la finalité

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000007
766713&fastReqId=495651217&fastPos=4.
1633
CE, 28 mai 1971, « Ville-Nouvelle-Est », Rec. Lebon, p. 409. En ligne : http://www.conseil-
etat.fr/Decisions-Avis-Publications/Decisions/Les-decisions-les-plus-importantes-du-Conseil-d-Etat/28-mai-
1971-Ville-Nouvelle-Est.
1634
CE, Ass., 20 octobre 1972, SCI Sainte-Marie de l’Assomption, Req. n° 78829, Rec. Lebon. P. 657, Concl.
MORISOT, et AJDA 1972, p. 576, Chron. CABANES (P.) et LEGER (D.).
1635
DAVID BEAUREGARD-BERTHIER (Odile de), Droit administratif des biens, Gualino éditeur, Lextenso
éditions 2017, 13ème édition, collection « Fac-Universités », p. 218, 1), 255 pp. du livre électronique (lgdj.fr).
1636
CE, sect., 29 juin 1979, Malardel, Rec. 294, Concl. DONDOUX, RDP 1980, 1167, note M. WALINE. En
l’espèce, la commune de SCEAUX sera autorisée à exproprier un terrain contigu pour l’agrandissement de
l’hôtel de Ville, alors même qu’il possède un terrain adéquat plus loin.
1637
CE, 28 mars 2011, Collectif contre les nuisances du TGV de Chasseneuil-du-Poitou et de Migné-
Auxances, Req. n° 330256, AJDA 2011. 2417, note XENOU.
1638
CE, Ass., 20 octobre 1972, SCI Sainte-Marie de l’Assomption, op cit. En l’occurrence le juge a tranché en
faveur de l’intérêt de la santé publique, au détriment de l’intérêt de la circulation publique, en présence de
confrontation de deux types d’intérêts publics différents.

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d’intérêt général de l’opération, de l’absence de voies parallèles permettant de réaliser


l’opération dans des conditions équivalentes, sans recourir à l’expropriation, et du respect
du principe de précaution ; lesquels critères doivent être mis en exergue.
Par ailleurs, la Charte de l’environnement constitue l’un des fondements textuels du
contrôle de l’utilité publique opéré par le Conseil d’Etat. Ainsi, l’opération d’expropriation
projetée doit respecter le principe de précaution consacré par l’article 5 de ladite Charte. Le
Conseil d’Etat l’a confirmé dans un arrêt d’assemblée du 12 avril 2013, « Association
coordination interrégionale STOP THT »1639. Pour ce faire, le juge s’assure que l’application
du principe de précaution est justifiée, contrôle la réalité des procédures d’évaluation des
risques mises en œuvre, ainsi que l’absence d’erreur manifeste d’appréciation dans le dosage
des mesures de précaution requises.

2) Un contrôle d’opportunité

La procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique de régularisation foncière


doit aussi prendre en compte l’opportunité de la régularisation foncière, par anticipation,
pour une juste protection du propriétaire et de l’occupant sans titre.
Toutes ces données entrent en ligne de compte dans l’appréciation du bilan coût-
avantages qui devrait être mis en place pour la déclaration d’utilité publique d’une procédure
d’expropriation aux fins de régularisation foncière. Pour René CHAPUS, le contrôle exercé
par le juge administratif sur l’utilité publique d’une opération d’expropriation est aussi un
contrôle d’opportunité1640, lequel constitue un élément du contrôle de la légalité.
En définitive, la procédure d’expropriation doit être adaptée à la régularisation
foncière tel que sus dit, mais en contrepartie, la personne publique expropriante doit elle-
même anticiper le contrôle du juge administratif, notamment en favorisant un juste équilibre
entre la protection du droit de propriété et celle des occupants sans titre.
Ainsi l’opération doit être justifiée, ne doit pas pouvoir être évitée, et ne doit pas porter
une atteinte disproportionnée à la propriété expropriée eu égard à l’objectif poursuivi1641.

1639
CE, Ass., 12 avril 2013, « Association coordination interrégionale Stop THT et autres », Req. n° 342409,
JCP A 2013, act. 369. En l’espèce, il s’agissait d’un projet de réalisation d’un ligne électrique aérienne à très
haute tension. Cf. https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000027300300.
1640
DAVID BEAUREGARD-BERTHIER (Odile de), Droit administratif des biens, collection « Fac-
Universités », Mémentos LMD, 13ème édition 2017-2018, Gualino éditeur, Lextenso éditions, P. 221.
1641
Ainsi, rien n’empêche qu’elle soit reconnue pour des opérations de régularisation foncière où l’ordre public,
la dignité de la personne humaine et le droit au logement sont en cause. Les professeurs GODFRIN et
DEGOFFE font remarquer qu’en 1804 l’utilité publique était appréciée de manière très restrictive et limitée
aux travaux publics et à l’accroissement du domaine public. Depuis le XXe siècle, la notion d’utilité publique

462
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Mais en pratique, il faut envisager la réduction de la durée des phases de la procédure


d’expropriation pour l’adapter à la régularisation foncière d’utilité publique ; réduction sans
laquelle cette procédure serait d’intérêt moindre pour la régularisation foncière (§2).

§ II. DÉLAIS DE L’EXPROPRIATION AUX FINS DE


RÉGULARISATION FONCIÈRE

Pour résorber l’occupation sans titre dans les collectivités territoriales de l’article 73
de la Constitution, les procédures de régularisation foncière doivent nécessairement
mobiliser les procédures d’expropriation pour cause d’utilité publique, car la régularisation
foncière constitue elle-même une opération d’utilité publique1642, quand elle poursuit
certains buts, dont le respect de la dignité de la personne humaine, du droit au logement, de
l’ordre public, des principes de sécurité juridique et foncière, et d’autres objectifs relevant
des droits fondamentaux des individus.
Dans la procédure d’expropriation, la phase administrative permet aux autorités
administratives de préparer l’expropriation et les documents qui permettent de parvenir à la
déclaration d’utilité publique. Quant aux autorités judiciaires, elles ont un rôle de protection
des propriétaires évincés, de contrôle de l’utilité publique de l’opération selon les méthodes
et procédures sus relatées, de transfert de la propriété au profit de l’expropriant, et de fixation
d’une juste indemnisation des propriétaires et occupants. Ces deux phases sont essentielles.
Toutefois, adapter les deux phases de l’expropriation à la régularisation foncière est
possible, et ce ne serait pas la première fois que le législateur se pencherait sur une spécificité
sociale, dans la mesure où il existe déjà des procédures d’expropriation d’urgence, voire
d’extrême urgence.
Certes le respect des deux phases de l’expropriation est une garantie du respect des
droits du propriétaire. Ainsi, le propriétaire exproprié bénéficie des garanties résultant de la

s’est étendue, soit en vertu de la loi, soit en vertu de la jurisprudence (cf. GODFRIN (P.), DEGOFFE (M.),
Droit administratif des biens, op. cit. ). Ainsi la « loi Barnier » du 02 février 1995, relative à l’environnement,
permet d’exproprier les sites dangereux et permet l’indemnisation des propriétaires pour dépossession d’un
immeuble dès lors dépourvu de valeur marchande eu égard au risque majeur. Ce texte est codifié à l’article
L561-1 du code de l’environnement (Prévention des risques majeurs). Quant à la jurisprudence, elle admet le
recours à l’expropriation pour un terrain de sport (CE, 14 février 1923, « Farges », Rec. 144) ou pour
l’agrandissement d’une colonie de vacances (CE, 29 juillet 1932, Roch, Rec. 824).
1642
Laquelle notion, insérée par l’article 545 du code civil, est moins stricte que celle de nécessité publique
exprimée par l’article 17 de la Constitution. Pour GODFRIN et DEGOFFE, la notion d’utilité affaiblit celle de
nécessité publique. Cf. GODFRIN (Philippe), DEGOFFE (Michel), Droit administratif des biens. Domaine,
travaux, expropriation, paragraphe 471, Emplacement 11780 et s., Université, Sirey 2018, édition du Kindle.

463
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Constitution, de la législation nationale et européenne, et de la jurisprudence, auxquelles


s’ajoutent les garanties résultant de la procédure d’expropriation elle-même.
La phase administrative, préparatoire, ouvre sur la déclaration de l’utilité publique de
l’opération et valide le choix de la technique juridique de l’expropriation pour la réaliser.
L’utilité publique est prononcée par une autorité de l’État, généralement le Préfet. Mais une
bonne préparation de la phase administrative accélère la validation par les autorités de l’État
du choix de l’expropriation pour réaliser l’opération envisagée.
La phase judiciaire est également très importante, le rôle du juge judiciaire, protecteur
des libertés fondamentales, n’étant plus à démontrer en matière d’expropriation. Il est le juge
de l’expropriation, juridiction judiciaire spécialisée, dont la mission est de prononcer le
transfert de propriété et de fixer le montant de l’indemnité d’expropriation. Il dispose d’une
compétence de principe concernant le transfert de propriété et la réparation des préjudices
directs causés par l’expropriation1643. À défaut d’accord entre les parties sur le montant des
indemnités d’expropriation, il en fixe le montant et répond des litiges relatifs à ses décisions,
sauf cas particuliers1644.
Ces deux phases de l’expropriation, importantes, justifiées, et garantes du respect des
droits du propriétaire peuvent être adaptées à la régularisation foncière d’intérêt public (A).
Le législateur a déjà eu l’occasion d’adapter les procédures d’expropriation à l’urgence ou à
la spécificité de certaines opérations, ainsi qu’en témoignent les procédures d’urgence ou
spécifiques extensibles à la régularisation foncière d’intérêt public (B).

A. ADAPTATION DES PHASES DE L’EXPROPRIATION À LA


RÉGULARISTION FONCIÈRE D’UTILITE PUBLIQUE

Les phases administrative et judiciaire de l’expropriation sont des garanties pour la


protection des droits des propriétaires expropriés. Elles sont garantes du respect du droit de
propriété. Elles sont précédées de la délibération de l’autorité expropriante. Mais elles
peuvent toutefois être adaptées à l’urgence des procédures de régularisation foncière
d’intérêt public. Autrefois successives et génératrices de longs délais, elles peuvent
désormais être menées simultanément, pour accélérer les procédures1645.

1643
GODFRIN (Philippe), DEGOFFE (Michel), Droit administratif des biens, op cit., paragraphe 471,
Emplacement 13131 sur 24894 de l’e-book, Université, Sirey 2018, édition du Kindle.
1644
Dommages liés aux travaux publics effectués sur le bien exproprié, contestations sur la superficie du terrain
ou sur l’identité du propriétaire, etc.
1645
MORAND-DEVILLER (Jacqueline), Droit administratif des biens, collection « Cours », LGDJ Lextenso
éditions, 9e édition, 2016, Issy-les-Moulineaux, p. 488 et Ss.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

1) Une possible réduction de la phase administrative aux fins de


régularisation foncière

La phase administrative peut être réduite dans le cadre d’une expropriation d’utilité
publique aux fins de régularisation foncière, compte tenu du travail d’investigation qui est
déjà nécessairement fait en amont de ce type de procédure. La procédure d’expropriation, à
condition d’être ajustée, semble particulièrement adaptée à la régularisation foncière, en cas
de défaillance de la volonté du propriétaire, car elle permet à la personne publique
expropriante, d’agir de manière globale et non au coup par coup, et de favoriser
l’aménagement et l’installation d’infrastructures dans les quartiers d’habitats spontanés1646.
Les étapes de la phase administrative peuvent être accélérées dans le cadre de la
régularisation foncière, car certaines de ses composantes sont le plus souvent déjà mises en
œuvre en amont. Il s’agit des étapes suivantes : la constitution du dossier, l’enquête
préalable, l’adoption de la déclaration d’utilité publique, l’enquête parcellaire, et l’adoption
de l’arrêté de cessibilité. Ces opérations sont quasi similaires à celles mises en œuvre dans
une opération de régularisation foncière, sauf concernant la déclaration d’utilité publique et
l’arrêté de cessibilité.
a) Une constitution de dossier proche de celle de la régularisation foncière
La constitution du dossier prévu par l’article R112-4 du code de l’expropriation,
normal ou allégé, permet à la personne publique expropriante de présenter son projet et de
le justifier. Il est adressé au préfet du département de situation de l’opération pour être
soumis à l’enquête. Son contenu allégé est proche de celui d’un dossier de régularisation
foncière.
Le dossier normal comporte la notice explicative détaillant l’objet de l’opération et les
raisons qui l’ont motivée, en prenant en compte son insertion dans l’environnement. Il
comprend un plan de situation, un plan général des travaux d’aménagement prévus, et
mentionne les caractéristiques principales des ouvrages, l’évaluation sommaire des dépenses
permettant de s’assurer du caractère d’utilité publique des travaux, et une étude d’impact si
les travaux sont susceptibles de porter atteinte à l’environnement.
Le dossier allégé comprend la notice explicative, le plan de situation, le périmètre
délimitant les immeubles à exproprier, et l’estimation des acquisitions à réaliser par la

1646
Cour Campêche, à Fort-de-France. Les terrains occupés sans titre dans ce quartier appartiennent pour partie
à la Commune et pour partie à une indivision. La question de la mise en œuvre d’une procédure d’expropriation
ou de biens vacants sans maître, si les conditions en sont remplies, se pose.

465
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

direction de l’immobilier de l’Etat. Ce type de dossiers concerne les opérations


d’expropriation ayant pour objet l’acquisition d’immeubles ou la réalisation d’importantes
opérations d’aménagement ou d’urbanisme pour lesquelles l’acquisition préalable
d’immeubles est nécessaire. Or, ces étapes sont automatiquement respectées dans le cadre
de la mise en œuvre normale d’une procédure de régularisation foncière. C’est un élément
de réduction des délais des procédures d’expropriation aux fins de régularisation foncière.
Au vu de ce qui est dit, l’expropriation pour cause d’utilité publique aux fins de
régularisation foncière entrerait bien dans le second cas, car il s’agirait d’acquérir des
immeubles pour les aménager et organiser la rétrocession des terrains concernés à leurs
occupants, après aménagement. Dans ce cas, il conviendra de prévoir une compensation
entre le montant de l’indemnité à verser à l’occupant en raison de la construction et le coût
de la rétrocession1647.
b) L’enquête préalable peut être préparée en amont pour en atténuer la durée :
L’enquête de droit commun est régie par les articles R111-1 et suivants du code de
l’expropriation et menée par un commissaire enquêteur ou, pour les projets plus importants,
par une commission d’enquête dont les membres sont désignés par le tribunal
administratif1648. À l’issue de l’enquête, le registre est clos et les conclusions motivées,
favorables ou défavorables au projet, sont rédigées par le commissaire enquêteur qui a trente
jours pour transmettre le dossier au président du tribunal administratif et à l’autorité
expropriante. Une procédure d’enquête spécifique est prévue pour les projets susceptibles
de porter atteinte à l’environnement, listés à l’article R123-1 du code de l’environnement.
L’enquête préalable est ouverte à l’initiative du préfet du département après
appréciation de la légalité et de l’opportunité de l’expropriation, à l’expiration du délai de
deux mois suivant la saisine de la Commission nationale du débat public, en l’absence de
décision d’organiser ce débat. Cette enquête peut être ouverte à la date de publication du
bilan du débat public ou à l’expiration du délai imparti à la commission pour publier ce bilan,
conformément à l’article L121-12 du code de l’environnement. Le compte rendu et le bilan
du débat public doivent être tenus à disposition du commissaire enquêteur et joints au dossier
d’enquête.
Lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à l’environnement par leur

1647
En effet, la procédure d’expropriation prévoit l’indemnisation des occupants, à défaut de leur relogement.
1648
L’enquête dure quinze jours et consiste à recueillir sur un registre les observations et suggestions des
personnes intéressées.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

nature, leur consistance ou le caractère des zones concernées1649, l’enquête publique préalable
pourra être réalisée rapidement en cas d’expropriation aux fins de régularisation foncière,
car ces opérations font l’objet, en amont, d’enquêtes, études et relevés parcellaires,
disponibles et prêts à être utilisés pour la DUP. Ce foisonnement de documents préparatifs
pourrait permettre d’accélérer les procédures d’expropriation qui seraient décidées dans ce
cas. Il en est de même des procédures de concertation préalables qui sont menées en amont
des opérations de régularisation foncière.
Dans certains cas il n’y a pas d’enquête préalable. C’est le cas en matière
d’expropriation d’immeubles insalubres et de bidonvilles. Le caractère d’urgence et d’utilité
publique de telles opérations ne fait aucun doute1650. Certaines procédures de régularisation
foncière négatives1651 pourraient relever de ce volet, quand elles portent sur des immeubles
insalubres ou s’apparentant à des bidonvilles. Dans ces cas il y aurait nécessité de
relogement.
c) La déclaration d’utilité publique (DUP) appliquée à la régularisation foncière :
L’utilité publique d’un projet d’expropriation est prononcée par le premier ministre, le
ministre ou le préfet. Dans la plupart des cas, elle intervient par arrêté préfectoral, sauf
particularités1652, par le biais d’une déclaration d’utilité publique (DUP). Elle autorise
l’acquisition des immeubles concernés par l’expropriation. Si un projet ou une opération
risque d’affecter l’environnement, l’adoption d’une déclaration de projet est obligatoire,
depuis la loi relative à la démocratie de proximité. La DUP tient lieu de déclaration de projet
pour l’Etat agissant en qualité d’expropriant. Pour les collectivités publiques, la DUP
n’intervient qu’après adoption de la déclaration de projet. La DUP peut être particulièrement
utile pour la régularisation de l’occupation sans titre de terrains illégalement occupés, pour
des terrains dépendant de successions en indivision, non réglées ou conflictuelles. Il en est
de même s’agissant de terrains situés sur le territoire de l’expropriant, mais appartenant à
d’autres personnes publiques, en présence d’une carence de volonté de régularisation
foncière, due notamment à une absence de moyens, alors même que l’ordre public ou la

1649
Loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de
l’environnement, publiée au JO du 13 juillet p. 2156.
1650
La loi du 12 juillet 2010, portant engagement national pour l’environnement, apporte un élément de
simplification des champs d’intervention respectifs des deux types d’enquêtes. L’enquête du code de
l’environnement s’applique aux projets susceptibles d’affecter celui-ci ; lesquels projets sont listés à l’article
L123-2 dudit code. L’enquête prévue par l’article L11-1 du Code de l’expropriation s’applique aux opérations
d’utilité publique qui n’entrent pas dans le champ d’application du code de l’environnement.
1651
Procédures de régularisation foncière s’opérant non pas par le titrement, mais au contraire par le
relogement.
1652
Le décret en Conseil d’Etat n’est requis qu’à titre exceptionnel, depuis la loi du 27 février 2002.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

dignité de la personne humaine serait en cause.


La DUP est un acte spécifique et sui generis1653 signé dans le délai d’un an à compter
de la clôture de l’enquête préalable. Le non-respect de ce délai est sanctionné par la caducité
de l’enquête. La DUP précise le périmètre des terrains à exproprier et le délai à l’expiration
duquel l’expropriation devra avoir été réalisée, sous peine de sa caducité. Elle produit des
effets contraignants vis-à-vis du propriétaire du bien exproprié et de l’autorité expropriante.
Pendant sa durée de validité, le propriétaire ne peut apporter d’amélioration au bien. Après
l’écoulement d’un délai d’un an à compter de la DUP, le propriétaire peut mettre
l’administration en demeure de procéder à l’acquisition, dans les deux ans à compter de sa
demande. L’article L241-1 du code de l’expropriation lui reconnaît également un droit de
délaissement. En outre, au bout de cinq ans, si le bien n’a pas reçu la destination prévue,
l’ancien propriétaire peut en demander la rétrocession en vertu de l’article L421-1 du code
de l’expropriation, pendant un délai de trente ans à compter de l’ordonnance d’expropriation.
La DUP est susceptible d’engager la responsabilité de l’expropriant dans les cas ci-
dessus exposés et dans l’hypothèse où il renoncerait à l’expropriation. Dans ce dernier cas,
la responsabilité sans faute de l’administration peut être engagée pour rupture de l’égalité
devant les charges publiques. À ce sujet, le Conseil d’Etat, dans un arrêt de section du 23
décembre 1970, « EDF c/ FARSAT »1654, n’hésite pas à qualifier le renoncement de
l’administration, de préjudice anormal et spécial.
La DUP n’empêche pas la négociation amiable. Les parties pourraient donc convenir
d’une régularisation foncière amiable, même en cas de DUP, si les conditions d’une telle
régularisation sont réunies.
c) L’enquête parcellaire, une étape spontanée de toute procédure de régularisation :
En matière d’expropriation, l’enquête parcellaire détermine les biens à exproprier, les
propriétaires et les ayants-droit éventuels. Elle est ouverte par arrêté préfectoral, et peut être
effectuée en même temps que l’enquête préalable susmentionnée (article R131-14 du code
de l’expropriation). Une enquête parcellaire est spontanément réalisée dans le cadre de toute
procédure de régularisation foncière ; ce qui contribuerait à l’accélération de la procédure
d’expropriation.
d) L’arrêté de cessibilité appliqué à la régularisation foncière :
L’arrêté de cessibilité constitue la dernière étape de la phase administrative, et

1653
La DUP n’est ni un acte individuel, ni un acte réglementaire : voir CE, Ass., 14 février 1975, Époux
MERLIN, Req. n° 93132, Rec. Lebon p. 110, ADJA 1975.229, Chron. FRANC et BOYON.
1654
CE, sect., 23 décembre 1970, « EDF c/ FARSAT », JCP. 1971.II, 16820, note BEAUGREVE.

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intervient par arrêté préfectoral non motivé qui déclare cessible les propriétés ou parties de
propriété à exproprier. Il s’agit d’une décision individuelle, qui doit être notifiée à ses
destinataires, et qui peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir dans les deux mois
de sa notification.
La phase administrative de l’expropriation prend fin par la transmission de la
déclaration d’utilité publique (DUP), de l’arrêté de cessibilité et du dossier au juge de
l’expropriation, dans un délai de six mois à compter de la date de l’arrêté de cessibilité. Elle
a été brièvement rappelée pour évaluer la durée de l’expropriation. Le législateur pourrait
intervenir, pour mettre en place une procédure d’urgence dans le cadre des opérations de
régularisation foncière d’intérêt public.
Il convient maintenant de s’attarder sur la phase judiciaire de la procédure, qui
constitue la garantie de la sauvegarde des droits du propriétaire.

2) Une phase judiciaire peut compressible, mais cumulable et négociable

Le législateur permet désormais que les deux phases de l’expropriation soient menées
simultanément. Cependant la phase judiciaire est peu compressible. Mais rien n’empêche
les parties (expropriant et exproprié) de basculer sur un accord amiable et de s’entendre sur
les modalités et le montant de l’indemnité à verser. Cet accord amiable (accord négociable)
a les mêmes effets juridiques que l’ordonnance d’expropriation et permet d’éviter la lourdeur
de la procédure.
Le juge judiciaire rend une ordonnance d’expropriation dont le principal effet est de
transférer le droit de propriété sur l’immeuble exproprié au profit de l’autorité expropriante,
et corrélativement d’éteindre les droits réels et personnels grevant ledit bien. Ces
dispositions, codifiées à l’article L222-2 du code de l’expropriation, ont été jugées
conformes à la Constitution par une décision du Conseil constitutionnel du 20 septembre
2013, « SCI de la Perrière Neuve et autres » », rendue à l’occasion d’une QPC1655.
Le juge judiciaire a une compétence liée, c’est-à-dire que dès lors que les formalités

1655
CC n° 2013-342, QPC du 20 septembre 2013, SCI de la Perrière Neuve et autres. En ligne :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2013/2013342QPC.htm. Dans cette affaire la Cour de
cassation a renvoyé au Conseil constitutionnel, par arrêt n° 1025 du 04 juillet 2013, une QPC posée par les SCI
de la Perrière Neuve et du Traineau d’Or, portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution
garantit du premier alinéa de l’article L12-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique qui dispose
que : « l’ordonnance d’expropriation éteint, par elle-même et à sa date, tous droits réels ou personnels
existants sur les immeubles expropriés ». Le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 septembre sus dite,
a déclaré l’alinéa susvisé conforme à la Constitution. Voir en ligne : https://www.conseil-
constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/decisions/2013342qpc/ccc_342qpc.pdf.
Voir aussi GILBERT (Simon), « La constitutionnalité des garanties d’indemnisation de l’emphytéote en cas
d’expropriation », AJDA, 16 décembre 2013, n° 43, p. 2495 à 2498.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

prévues à l’article L221-1 du code de l’expropriation ont été respectées, il est tenu de
prononcer le transfert de propriété dans les huit jours de sa saisine.
La fixation de l’indemnité d’expropriation obéit à des règles de forme et de fonds.
L’expropriant doit notifier aux propriétaires, nus propriétaires et usufruitiers expropriés,
l’avis d’ouverture d’enquête, ou la déclaration d’utilité publique, ou l’arrêté de cessibilité,
ou l’ordonnance d’expropriation, tel que prévu par les articles L311-1 et R311-1 et suivants
du code de l’expropriation1656. En cas de désaccord entre les parties, le juge de l’expropriation
du lieu dans le ressort duquel se trouve le bien exproprié peut être saisi par la partie la plus
diligente, si l’enquête préalable a été ouverte et si l’ordonnance d’expropriation est
intervenue1657.
À cet égard, il est intéressant de mentionner l’arrêt du 24 avril 2003 « Yvon c/France »,
aux termes duquel la Cour européenne des droits de l’Homme a considéré que le
commissaire du gouvernement était une partie à l’instance de fixation des indemnités, car
garantissant le bon emploi des deniers publics. Compte tenu de sa position dominante dans
la procédure et de son influence sur l’action du juge, la CEDH y a vu un déséquilibre
incompatible avec le principe d’égalité des armes et a conclu à la violation de l’article 6 § 1
de la convention européenne des droits de l’Homme1658. Le décret du 13 mai 2005 a corrigé
ce déséquilibre et les conditions d’intervention et de nomination du commissaire du
gouvernement. Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 03 septembre 2007, « Association de
sauvegarde du droit de propriété », a jugé ses dispositions conformes aux exigences de la
Convention européenne1659.
Toutefois, il convient d’observer que dans le cadre de la déclaration d’utilité publique

1656
L’exproprié dispose d’un mois à compter de la notification pour faire connaître à l’expropriant les
bénéficiaires de droits réels ou personnels sur le terrain, parmi lesquels figurent les occupants avec ou sans
titre, n’ayant fait l’objet d’aucune mise en demeure de quitter les lieux. À partir de l’ouverture de l’enquête
préalable et dès lors que les parcelles concernées sont déterminables, l’expropriant, après avis de la Direction
de l’immobilier de l’Etat, doit notifier aux intéressés le montant des offres. Depuis le décret du 13 mai 2005,
les expropriés disposent d’un mois pour faire connaître leurs prétentions.
1657
Après échange de mémoires entre les parties, le juge se transporte sur les lieux pour apprécier l’état et la
situation du bien à exproprier. Son jugement intervient, après la tenue d’une audience publique au cours de
laquelle sont entendus les représentants des parties et le commissaire du gouvernement (le directeur des
finances publiques du département), dont les conclusions doivent contenir une évaluation motivée des
indemnités. Le juge ne peut fixer une indemnité supérieure à celle demandée par le propriétaire évincé, ni
inférieure à celle proposée par l’expropriant ou le commissaire du gouvernement.
1658
CEDH, 24 avril 2003, Req. n° 44962/98, Yvon c/ France, Revue de jurisprudence et des conclusions fiscales
(RJF) 8-9/2003, n° 1074. Cité dans MASCLET DE BARBARIN (Marie), « Du principe de l’égalité des armes
à l’égalité des droits des parties en matière fiscale », Revue de la Recherche Juridique - Droit prospectif, Presses
Universitaires d’Aix-Marseille, 2005, pp.1449-1461, HAL Id : hal-01229084.
1659
CE, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 03 septembre 2007, n° 282385, « Association de sauvegarde du
droit de propriété », Recueil Lebon, « Association de sauvegarde du droit de propriété ». En ligne :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000018007174.

470
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

d’une opération de régularisation foncière, les délais et le montant de l’indemnité


d’expropriation à verser par la personne publique expropriante ne doivent pas décourager la
résorption de l’occupation sans titre. Si les délais sont trop longs et le montant des indemnités
trop lourd, les personnes publiques pourraient être incitées à délaisser ce type de procédures
qui pourtant, dans certains cas, serait le plus adéquat1660.
L’indemnité d’expropriation n’a pas seulement pour objectif de dédommager
l’expropriant, eu égard à la valeur du bien exproprié. Son objectif est, d’après l’article L321-
1 du code de l’expropriation, la réparation du préjudice direct, certain et matériel. Sont donc
pris en compte pour sa détermination, la valeur vénale du bien exproprié, et les indemnités
accessoires (dont l’indemnité de remploi et de dépréciation du surplus). La perte de loyers
peut être prise en compte. Le préjudice moral n’est pas indemnisé. L’indemnité de remploi
couvre les frais que l’exproprié aura à supporter pour l’acquisition d’un bien de même
nature ; soit environ 25 % de l’indemnité principale. L’indemnité de dépréciation du surplus
compense la moins-value apportée à l’immeuble par une expropriation partielle. Le principe
est celui d’une indemnisation en espèces. Dans certains cas, l’expropriant peut réduire le
montant des indemnités à verser en offrant à l’occupant ayant la qualité de commerçant,
d’industriel ou d’artisan, un local équivalent que ce dernier ne peut refuser, en vertu de
l’article L322-12 du code de l’expropriation.
Pour limiter le coût financier de telles procédures dans le cadre de la régularisation
foncière, il pourrait être envisagé d’étendre cette disposition relative au relogement, aux
occupants à usage d’habitation ou mixte, quant aux solutions d’indemnisation dans le cadre
de l’expropriation. Une autre solution consisterait à mettre en place, par convention entre les
parties, dans le cadre de la régularisation foncière d’utilité publique, un système de
compensation entre l’occupant futur acquéreur et l’expropriant. Étant ici précisé que
l’évaluation des biens expropriés se fait à la date de l’ordonnance d’expropriation, sans tenir
compte des améliorations postérieures. Le juge peut tenir compte des accords amiables
intervenus sur des biens identiques, des mutations récentes, des évaluations administratives
définitives, des déclarations des contribuables. Par ailleurs, il résulte de l’article L321-5 du
code de l’expropriation, qu’en cas de plus-value apportée au solde de la propriété, celle-ci
se déduit de l’indemnité d’expropriation.
L’une des garanties de la procédure d’expropriation résulte dans la disposition

C’est le cas de certaines communes outre-mer, notamment de la commune de Fort-de-France en Martinique.


1660

Sont en cause les trop longs délais de la procédure d’expropriation.

471
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

subordonnant l’entrée en possession des biens par l’expropriant au paiement de l’indemnité


à l’exproprié ou au moins sa consignation. L’entrée en possession n’intervient donc qu’après
paiement ou consignation. Une fois le paiement ou la consignation intervenue, l’exproprié
doit libérer les lieux dans le délai d’un mois, sous peine d’expulsion au-delà de ce délai. En
effet, l’article 17 de la DDHC exige une juste et préalable indemnisation, et le Conseil
constitutionnel est très ferme à ce sujet. Il limite donc les cas de prise de possession anticipée
sans versement effectif d’indemnité. De tels cas sont soumis à l’autorisation du juge. Ainsi,
le Conseil constitutionnel, dans un arrêt du 13 février 2015, « Société Ferme Larrea EARL »,
il a été jugé que le préjudice résultant de l’absence de perception de l’intégralité de
l’indemnité d’expropriation lors de la prise de possession du bien, doit être réparé, quand
l’indemnité définitivement arrêtée est supérieure à celle du juge de première instance1661.
Toutefois, la régularisation foncière, s’accommode mal de procédures longues et
coûteuses. Il est essentiel que les délais de l’expropriation pour cause d’utilité publique lui
soient adaptés, tout en réservant une place à la concertation et à la négociation. Il est donc
nécessaire d’envisager l’extension des procédures d’urgence et/ou d’extrême urgence à la
régularisation foncière d’utilité publique (B).

B. EXTENSION POSSIBLE DES PROCÉDURES D’URGENCE OU


SPÉCIFIQUES À LA RÉGULARISATION FONCIÈRE

Les deux phases de l’expropriation, garantes du respect des droits du propriétaire


peuvent être adaptées à l’urgence de la régularisation foncière outre-mer, comme en
témoignent les procédures d’urgence évoquées ci-après. La lourde procédure de
l’expropriation et les longs délais qu’elle génère, sont dissuasifs pour les personnes
publiques, d’où son emploi limité en matière de régularisation foncière. Il a été observé en
amont que les phases administrative et judiciaire peuvent être réduites compte tenu des
mesures opérationnelles figurant nécessairement dans toute procédure de régularisation
foncière.
Une accélération et une simplification de la procédure est souhaitable pour la mise en
place de procédures d’expropriation fondées sur l’utilité publique de la régularisation
foncière. Ce positionnement n’équivaut pas à écarter les aménagements requis par l’urgence
ou la nature des opérations en cause. Il existe des procédures d’urgence voire d’extrême

CC, 13 février 2015, n° 2014-451 QPC, « Société Ferme Larrea EARL ». En ligne : https://www.conseil-
1661

constitutionnel.fr/decision/2015/2014451QPC.htm (consulté le 30 juin 2017)

472
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urgence dont l’exemple pourrait être adapté à la régularisation foncière. La procédure


d’expropriation a été adaptée à bien des domaines particuliers par certains textes et a fait
l’objet de nombreuses réformes, dont celle entrée en vigueur en 2015. Elle peut donc être
adaptée au domaine particulier de la régularisation foncière qui requiert parfois des solutions
d’urgence.
Le cadre de l’expropriation pour cause d'insalubrité publique, bénéficiant d’une
procédure spéciale d’expropriation mise en place par le législateur peut, par exemple, faire
l’objet d’une adaptation au titre de la procédure d’expropriation aux fins de régularisation
foncière. Les deux sujets peuvent être rapprochés, compte tenu de leur rôle important dans
la résorption de l’insalubrité et le relogement.
Dans la procédure d’expropriation, il existe déjà une procédure d’urgence et une
procédure d’extrême urgence qui mériteraient d’être expressément étendues aux cas
d’expropriation pour cause d’utilité en vue de la régularisation foncière.

1) L’adaptation des procédures d’urgence et d’extrême urgence à la


régularisation foncière

Les procédures d’urgence et d’extrême urgence résultent de l’ordonnance du 23


octobre 19581662 qui avait déjà permis l’accélération et la simplification de la procédure
d’expropriation, par la mise en place, aux côtés de la procédure de droit commun, d’une
procédure d’urgence1663.
La procédure d’urgence résulte des articles L232-1 à L232-2, et R232-1 et suivants du
Code de l’expropriation. Les professeurs GODFRIN et DEGOFFE rappellent que
l’administration est seule juge de l’opportunité de ces procédures qui ne sont pas fondées
sur la nature des biens à exproprier1664. Dans cette procédure les délais sont abrégés par
rapport à la procédure normale. La déclaration d’utilité publique doit mentionner l’urgence.
La prise de possession par l’autorité expropriante, du bien exproprié, est plus rapide. En
outre, le contrôle juridictionnel est limité1665. Le juge peut fixer une indemnité provisionnelle
qui sera payée ou consignée pour permettre à l’expropriant d’entrer en possession du bien,
même en l’absence de précisions suffisantes. Sa décision est susceptible de faire directement

1662
Base de l’expropriation prise en vertu de l’article 92 de la Constitution de 1958 et qui a permis d’accélérer,
de modifier et d’encadrer les procédures d’expropriation.
1663
Articles L 232-1, L232-2 et R.232-1 et s. du code de l’expropriation.
1664
GODFRIN (Philippe), DEGOFFE (Michel), Droit administratif des biens. Domaine, travaux,
expropriation, Université, Edition Sirey, paragraphe 520, Emplacement édition du Kindle 10110 et ss.
1665
Le juge judiciaire vérifie l’accomplissement des formalités légales.

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l’objet d’un recours en cassation (pas d’appel). La décision du juge sur l’indemnité définitive
d’expropriation n’interviendra qu’un mois après la prise de possession du bien et est
susceptible d’appel devant la Cour d’appel, eu égard à la disparition de l’urgence.
Cette procédure a interpelé la Cour de cassation, notamment sur la fixation
« provisoire » de l’indemnité d’expropriation. Celle-ci a donc soumis la question au Conseil
constitutionnel, par une décision du 20 juin 2013, « Société du Bois de la Justice c/ société
Eiffage rail express »1666. Dans une décision du 13 septembre 2013, « Société Invest Hôtels
Saint Dizier et autre »1667, le Conseil constitutionnel a rejeté le recours au motif que le double
degré de juridiction n’a pas valeur constitutionnelle et qu’il n’y avait pas non plus atteinte
au droit de propriété, l’exproprié devant obtenir réparation complète du préjudice subi au
terme de la procédure1668.
La procédure d’urgence peut être adaptée à la procédure de régularisation foncière
d’utilité publique, car elle est axée sur l’accélération des délais de la procédure, sans priver
le propriétaire exproprié du droit à une juste indemnisation eu égard à son droit de propriété.
En revanche, la procédure d’extrême urgence est prévue pour des cas limitativement
énumérés1669, notamment pour des travaux intéressant la défense nationale, la construction
de voies (autoroutes, voies rapides, …). L’intérêt de cette procédure réside dans le fait
qu’elle peut être utilisée à titre temporaire pour des opérations spécifiques1670. Elle
s’applique au foncier bâti ou non bâti. Elle est utilisée par l’Etat en présence de rareté du
foncier pour des opérations impopulaires. Cette procédure doit être autorisée par décret pris
sur avis conforme du Conseil d’Etat. Dans ce type d’expropriation, la prise de possession est
rapide. L’expropriant à l’obligation de verser ou de consigner une somme égale à
l’évaluation du service France domaine ou à l’offre de l’expropriant. L’administration doit
cependant poursuivre selon le droit commun, dès la prise de possession1671.
Cette procédure a fait l’objet de réticences, dans la mesure où le versement de
l’indemnité intervient après la prise de possession par l’administration et non préalablement
comme l’exige l’article 17 de la DDHC. De plus, le juge judiciaire n’intervient pas au stade

1666
C. Cass., Civ. 3ème, 20 juin 2013, « Société du Bois de la Justice c/ société Eiffage rail express », Req. n°
13-40.015.
1667
CC, n° 2013-338/339, QPC du 13 septembre 2013, « Société Invest Hôtels Saint Dizier et autre ». En ligne :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2013/2013338_339QPC.htm.
1668
Idem.
1669
Articles L521-1 à L521-8 du code de l’expropriation.
1670
Construction du Stade de France à Saint-Denis.
1671
GODFRIN (Philippe), DEGOFFE (Michel), Droit administratif des biens. Domaine, travaux,
expropriation, paragraphe 582 et suivants, Université, édition Sirey 2018, édition du Kindle.

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du versement et de la consignation, en dépit de son rôle de protecteur du droit de propriété.


Interpellée sur cette question, le Conseil constitutionnel a estimé que l’article L522-4
du code de l’expropriation ne fait pas obstacle à l’intervention du juge judiciaire mais la
retarde seulement, et qu’ainsi, n’est pas « méconnue l’importance des attributions conférées
à l’autorité judiciaire en matière de protection de la propriété immobilière par les principes
fondamentaux de la République »1672. Le Conseil relève que l’octroi d’une simple provision
n’est pas dommageable si ce « mécanisme répond à des motifs impérieux d’intérêt général
et est assorti de la garantie des droits des propriétaires ». De plus, l’indemnité provisionnelle
est suivie d’une indemnité dont la fixation est effectuée par le juge judiciaire.
La question est de savoir si la procédure d’extrême urgence pourrait être mise en œuvre
dans le cadre d’une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique aux fins de
régularisation foncière. La réponse penche vers la négative car, contrairement à la procédure
d’urgence, la procédure d’extrême urgence vise des travaux exceptionnels et des cas où sont
en cause des risques naturels. Le Conseil constitutionnel rappelle qu’elle est « réservée à la
réalisation de grands ouvrages publics d’intérêt national »1673.
Mais il est judicieux maintenant de s’intéresser aux procédures d’expropriation
prévues pour certaines opérations spécifiques, afin de vérifier leur possible extension à la
régularisation foncière d’utilité publique, et dans le cas contraire, les adaptations possibles.

2) L’extension possible des procédures spécifiques, à la régularisation


foncière

Il existe divers aménagements des procédures d’expropriation, pour répondre à


l’urgence ou à l’extrême urgence tel que sus dit, ou pour réparer les conséquences
dommageables des procédures d’expropriation. Des opérations d’utilité publique font ainsi
l’objet de dispositifs spécifiques, constituant ainsi la preuve que l’expropriation peut
s’adapter à la nécessité ou à l’utilité publique de la régularisation foncière, moyennant
certains aménagements.
En effet, il existe aussi des procédures spéciales mises en place par le législateur dans
certains cas. Il s’agit de l’expropriation en vue de la résorption de l’habitat insalubre, et de
l’expropriation pour risques majeurs naturels. Ces domaines sont souvent connexes à la

1672
CC n° 89-256 DC, du 25 juillet 1989 (JO 28 juillet 1989, p. 9501), RFDA 1989. Voir BON (P.), « Le statut
constitutionnel du droit de propriété » : à propos de la décision du Conseil constitutionnel du 25 juillet 1989
sur l’expropriation d’extrême urgence », RFDA 1990.1008, p. 1011.
1673
CC n° 89-256 DC, du 25 juillet 1989, idem. À propos de la loi n° 89-550 du 2 août 1989 portant dispositions
diverses en matière d’urbanisme et d’agglomérations nouvelles (JO 28 juillet 1989, p. 9959).

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régularisation foncière, même s’ils sont distincts.


a) L’expropriation en vue de la résorption de l’habitat insalubre
La résorption de l’habitat insalubre bénéficie, pour sa mise en œuvre, d’une procédure
spéciale d’expropriation mise en place par le législateur, par la loi du 10 juillet 1970 dite
« loi Vivien »1674. Ce dispositif contribue à faciliter la suppression de l’habitat insalubre1675
et est codifié aux articles L511-1 et suivants du code de l’expropriation, sous le titre
« Expropriation des immeubles insalubres ou menaçant ruine ». Dans ce type de procédures,
le propriétaire est revêtu par la loi d’une forme de responsabilité dans la survenue de
l’insalubrité, et donc d’une protection moindre.
Par ailleurs cette loi crée un « périmètre d’insalubrité »1676. Sont donc visés par cette
expropriation non seulement les immeubles ayant fait l’objet d’une interdiction d’habiter ou
d’une déclaration d’insalubrité et les terrains utilisés en « bidonvilles », mais également les
terrains contigus ou voisins aux « bidonvilles » destinés à la réalisation d’opérations d’utilité
publique, et les immeubles bâtis ou non bâtis dont l’expropriation est nécessaire à la
démolition d’immeubles insalubres ou à l’aménagement du périmètre.
En raison de son objectif (résorption de l’insalubrité), cette procédure est simplifiée et
plus rapide. Ainsi, l’arrêté préfectoral est pris sans enquête préalable et vaut à la fois
déclaration d’utilité publique et arrêté de cessibilité. Il fixe l’indemnité provisionnelle1677,
prévoit les modalités de relogement des occupants et fixe la date de prise de possession des
biens expropriés1678.
Le Conseil constitutionnel a jugé cette prise de possession anticipée non contraire au
droit de propriété garanti par la Constitution car « le tempérament apporté à la règle du
caractère préalable de l’indemnisation répond à des motifs impérieux d’intérêt général »1679.
Par ailleurs cette procédure permet la collaboration de l’exproprié qui s’engage alors à
« procéder lui-même à la suppression des immeubles insalubres, à la remise en état des sols
et au relogement des occupants », dans un délai de douze mois, prorogeable pour la même
durée, sous peine de prise de possession effective à l’issue de ce délai. En outre, cette

1674
Loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l’habitat insalubre.
1675
Articles 13 et suivants relatifs à l’expropriation, abrogées par l’article 6 de l’ordonnance n° 2014-1345 du
6 novembre 2014 relative à la partie législative du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.
1676
GODFRIN (Philippe), DEGOFFE (Michel), Droit administratif des biens. Domaine, travaux,
expropriation, paragraphe 585 et suivants, Université, édition Sirey 2018, édition du Kindle.
1677
Au vu de l’expertise du service France Domaine.
1678
Au moins deux mois après la date de publication de l’arrêté et de toute manière après paiement ou
consignation de l’indemnité provisionnelle.
1679
CC, n° 2010-26 QPC du 17 septembre 2010, SARL L’Office central d’accession au logement (immeubles
insalubres), JCP, 4 juillet 2011, p. 1337, HUYGHE (M.).

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procédure met en place des règles d’indemnisation excluant la valorisation des immeubles
insalubres. Seul le prix du terrain nu est pris en compte, déduction faite du coût de la
démolition des habitations insalubres. Selon une partie la doctrine, cette loi a été peu
appliquée, en raison de sa sévérité1680.
Toutefois on pourrait en retenir, pour faciliter la régularisation foncière, la simplicité
et les courts délais (DUP et arrêté de cessibilité conjoints). De même la participation de
l’exproprié à la procédure peut être intéressante à prendre en compte. Ainsi, celui-ci pourrait
collaborer en s’engageant à revendre le terrain d’assiette aux occupants qui y ont fait édifier
des constructions à usage d’habitation (droit au logement), à un coût validé par l’arrêté
préfectoral (coût du terrain évalué par la Direction de l’immobilier, ancien service Fiance
Domaine, auquel s’ajouteraient les frais de bornage et frais accessoires).
b) L’expropriation en raison de risques majeurs :
Par cette procédure spéciale, l’Etat, expropriant, se rend propriétaire d’immeubles dont
il n’a pas besoin, moyennant une indemnité supérieure à la valeur vénale de l’immeuble
exproprié (s’agissant d’immeubles exposés à un risque majeur). Cette procédure
d’expropriation spéciale pour risques majeurs, a été mise en place par la loi du 02 février
19951681. Alors que le Conseil d’Etat avait préconisé la mise en place d’une police spéciale
visant à ordonner l’évacuation définitive des bâtiments édifiés dans une zone dangereuse et
leur destruction, moyennant indemnisation, le législateur préféra adopter cette procédure
d’expropriation spéciale, dérogatoire de celle de droit commun.
Les cas concernés sont strictement énumérés par le code de l’expropriation : risques
prévisibles de mouvements de terrains, d’avalanches, de crues torrentielles menaçant
gravement les vies humaines, dont la prévention1682 est plus coûteuse que l’indemnité
d’expropriation, ainsi qu’il résulte de l’article L561-1 du code de l’environnement. Les
cyclones et les séismes ne sont pas pris en compte. Ces procédures sont donc applicables à
des zones géographiques peu étendues. La mise en œuvre de cette procédure n’est pas aisée
car il y une incertitude quant à la date de survenue du risque et au coût des travaux de
protection. Le contrôle exercé par le Conseil d’Etat n’est pas suffisant pour limiter la mise

1680
GODFRIN (Philippe), DEGOFFE (Michel), Droit administratif des biens. Domaine, travaux,
expropriation, paragraphe 585 et suivants, Université, édition Sirey 2018, édition du Kindle. Cet auteur cite un
exemple d’application à un immeuble du Xe arrondissement de Paris paru dans Le Monde du 5 août 2000.
1681
Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement. NOR :
ENVX9400049L.
1682
Moyens de sauvegarde et de protection des populations.

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en œuvre de ce type de procédures1683. Pour l’indemnisation l’existence du risque n’est pas


prise en compte, afin de permettre à l’exproprié d’acquérir un immeuble similaire. Ce
dispositif est assorti d’une mesure anti-spéculative supprimant l’indemnité ou la réduisant
en cas de fraude.
Toutefois, le dispositif ci-dessus mentionné semble difficilement adaptable à la
régularisation foncière, sauf en cas de risque majeurs, tel que sus dit.

CONCLUSION DU CHAPITRE

Les développements ci-dessus démontrent que la régularisation foncière revêt un


caractère d’intérêt général, d’intérêt public, voire d’utilité publique, qui peut être prise en
compte, pour la mise en place d’une procédure spécifique d’expropriation, en cas de carence
de la volonté du propriétaire, lorsque l’occupation sans titre porte atteinte à l’ordre public, à
la dignité de la personne humaine, au droit au logement, ou à d’autres droits fondamentaux.
Peuvent être pris en compte pour l’appréciation de ces critères, les aspects suivants :
construction à usage de résidence principale, faibles ressources de l’occupant, précarité
juridique, foncière et financière, atteinte à la dignité de la personne humaine, et autres
critères similaires. Les terrains concernés doivent être cessibles et ne pas être situés dans des
zones à forts risques naturels.
Dans le cadre d’une régularisation foncière d’utilité publique, il ne s’agit pas de
contester la primauté du droit de propriété, dont le caractère sacré a été affirmé par l’article
17 de la DDHC, mais plutôt d’apporter des limites acceptables au droit de propriété, au nom,
notamment « du respect du principe à valeur constitutionnelle » de la « sauvegarde de la
dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation »1684.
Le déroulement de la procédure d’expropriation peut être adapté à la régularisation
foncière, car la plupart des documents et plans exigés, sont déjà réalisés dans ce cadre.
L’objectif est d’accélérer les procédures de régularisation foncière et de les rendre plus
efficientes, en permettant à la personne publique qui procède aux opérations de
régularisation foncière, de suppléer la défaillance du propriétaire (personne publique ou
personne privée) dont le domaine ou la propriété est occupée sans titre, et de procéder au

1683
HOSTIOU (René), « A propos de l’expropriation pour cause de risque naturel », AJDI 1999.766 (CE, sect.,
7 avril 1999, Association Vivre et rester au Pays et autres, Req. n° 189263, inédit au recueil Lebon).
1684
CC, n° 98-403 DC du 29 juillet 1998, Loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, 3ème
considérant. En ligne : http://www.conseil-constitutionneLfr/conseil-constitutionnel/francais/les-
decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/1998/98-403-dc/decision-n-98-403-dc-du-29-juillet-
1998.11768.html.

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déblocage d’opérations de régularisation foncière ayant une utilité publique. Il s’agit aussi
de favoriser l’aménagement et l’installation d’infrastructures dans des quartiers d’habitat
spontané, par la maîtrise foncière des terrains concernés.
La solution d’une adaptation des procédures d’expropriation à la régularisation
foncière, vise le domaine privé et la propriété privée des personnes publiques et privées. Le
domaine public n’est pas concerné.
Par ailleurs, s’agissant du domaine privé de l’Etat, le législateur a prévu de nombreuses
procédures tenant déjà compte de l’intérêt public. Mais dans la zone des cinquante pas
géométriques comme dans le domaine privé de l’Etat, la question de l’emprise foncière
dominante de l’Etat dans les collectivités de l’article 73 de la Constitution, interpelle. D’où
l’urgence d’une meilleure répartition entre l’Etat et les collectivités territoriales de l’article
73 de la Constitution, de la maîtrise foncière outre-mer (Chapitre II).

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CHAPITRE II – RÉGULARISATION DANS LE


DOMAINE DE L’ÉTAT : UNE MEILLEURE
RÉPARTITION DE LA MAITRISE FONCIÈRE
OUTRE-MER

La question d’une meilleure répartition de la maîtrise foncière outre-mer est


directement liée à celle de la régularisation foncière. Elle fait partie d’une meilleure
répartition des moyens et outils légaux et financiers de la régularisation foncière. Il est
rappelé que la gestion par l’Etat de son domaine privé est qualifiée de « gestion jalouse »
dans un rapport d’information du Sénat, enregistré le 18 juin 20151685, nonobstant certaines
dispositions translatives de droits réels favorables à l’occupant1686.
À cet égard, Jacques CHEVALLIER rappelle que la gouvernance est un outil de
légitimation des pouvoirs en place et un moteur de changement politique. C’est une forme
d’inflexion des formes traditionnelles de l’autorité1687. Le rapport du Sénat sur
l’aménagement du territoire fait par Messieurs Hervé MAUREY et Louis-Jean de
NICOLAŸ, rappelle le rôle primordial des collectivités territoriales « sans le concours
desquelles plus aucune intervention locale n’est désormais possible ou acceptable »1688.
La régularisation foncière menée par l’Etat pour juguler l’occupation sans titre de son
domaine, particulièrement dans la zone des cinquante pas géométriques, revêt déjà les
caractéristiques d’une régularisation foncière d’intérêt public, ainsi qu’en témoignent les

1685
MOHAMED SOILIHI (Thani), rapporteur coordinateur, GUERRIAU (Joël), LARCHER (Serge),
PATIENT (Georges), rapporteurs, « Domaines public et privé de l’État outre-mer, 30 propositions pour mettre
fin à une gestion jalouse et stérile », rapport d’information du Sénat n° 538, enregistré à la Présidence du Sénat
le 18 juin 2015. Publié en ligne : http://www.senat.fr/rap/r14-538/r14-5381.pdf.
1686
Néanmoins, tout laisse à penser que les amérindiens de Guyane et les noirs marrons Bushinenge sont, aux
« yeux » de l’Etat, des occupants sans titre, puisqu’ils doivent solliciter de cette personne publique des
concessions et cessions des terrains sur lesquels ils vivent (chasse, pêche, habitation, etc.).
1687
CHEVALLIER (Jacques), « La gouvernance et le droit », Mélanges Paul Amselek, Bruyant, pp. 189-207,
2005. Dans cet article, le Professeur CHEVALLIER relève que les travaux précurseurs de Paul AMSELEK
laissaient entrevoir une réceptivité particulière des juristes à la notion de gouvernance, comme tendance
d’évolution de la technique juridique. Il constate qu’au contraire, la science juridique est l’une des rares
sciences sociales peu ouverte à cette question, alors même qu’à contrario, elle est ouverte à celle de
« régulation » (droit régulateur et dispositif d’encadrement des conduites, conduisant au maintien d’un
équilibre d’ensemble) consubstantiellement liée à celle de gouvernance. Pour lui, régulation et gouvernance
forment un couple indissociable.
1688
MAUREY (Hervé) et de NICOLAY (Louis-Jean), sénateurs, Rapport d’information du Sénat n° 565, fait
au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, par le groupe de travail
sur « L’aménagement du territoire », enregistré à la Présidence du Sénat le 31 mai 2017, p. 44 et ss. En ligne :
http://www.senat.fr/rap/r16-565/r16-5654.html.

480
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

procédures mises en place par la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996. Toutefois, le caractère
temporaire des mesures applicables à la zone des cinquante pas géométriques dépendant de
son domaine public maritime, et parallèlement les modalités de gestion par l’Etat de son
domaine privé important outre-mer, conduisent à affirmer qu’il s’agit d’une régularisation
foncière qui gagnerait à mieux s’adapter aux réalités locales.
À la lumière de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de
1789, qui qualifie la propriété de « droit inviolable et sacré », dont nul ne peut être privé,
« si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous
la condition d’une juste et préalable indemnité », la régularisation foncière positive, opérée
par l’Etat dans la zone des cinquante pas géométriques, constitue une limite d’intérêt public
au droit de propriété, voulue ou permise par le législateur, à certaines conditions.
L’occupation sans titre y fait déjà l’objet, après déclassement préalable, de procédures de
régularisation foncière dérogatoires, relevant de la loi du 30 décembre 1996 et des textes
subséquents, pouvant être assimilées à des procédures d’intérêt public, car portant sur un
domaine public réputé imprescriptible et inaliénable.
Toutefois cette régularisation foncière mérite d’être optimisée et pérennisée, tant dans
sa mise en œuvre que dans sa gestion juridique et foncière. Les pratiques de régularisation
foncière des communes et autres personnes publiques locales méritent d’être encadrées et
optimisées tel que sus dit1689. Mais ce sont plus généralement les pratiques foncières de l’Etat,
concernant à la fois ses domaines public et privé, qui devront être renouvelées et améliorées,
pour un assainissement de l’occupation sans titre outre-mer, par la prise en compte d’autres
sources de droits comme la coutume et les usages locaux, et par l’instauration d’une
gouvernance foncière locale.
Une régularisation foncière amiable mal maîtrisée ou soumise à la maîtrise foncière
d’un État trop présent, peut être source de contentieux et d’inégalités de traitements. À cet
égard, le transfert à la collectivité territoriale de Martinique et à la région de Guadeloupe, de
certaines parties du foncier de la zone des cinquante pas géométriques, prévu à l’article 27
de la « loi ADOM » du 14 octobre 20151690, ne devrait résoudre que partiellement la
problématique foncière de l’occupation sans titre outre-mer. Dans ce cadre, la problématique
de l’aménagement des secteurs concernés reste cruciale.
Il a déjà été démontré en amont que nonobstant l’atteinte au droit de propriété que

Cf. chapitre I, partie II, de la thèse.


1689

Article 27 de la loi n° 2015-1268 d’actualisation du droit des outre-mer du 14 octobre 2015, publiée au
1690

JORF n° 0239 du 15 octobre 2015 page 19069.

481
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

constitue l’occupation sans titre outre-mer, la régularisation foncière en constitue une limite
nécessaire, qui trouve son fondement dans le caractère d’intérêt public voire d’utilité
publique, que revêtent les opérations de régularisation foncière dans les collectivités
territoriales de l’article 73 de la Constitution. Ces considérations vont dans le sens de la
jurisprudence, puisque, dans sa décision du 25 juillet 1989, « TGV Nord »1691, le Conseil
constitutionnel admet des limites au droit de propriété pourtant rigoureusement protégé par
la DDHC, au nom de l’intérêt général. Ces limitations participent à la modernisation du droit
de propriété1692.
Toutefois, il y a urgence à faire entrer une forme « d’humanisme juridique »1693 fondé
sur des critères juridiques rigoureux, sur l’égale dignité des hommes entre eux, dans le cadre
d’un droit de la régularisation foncière d’intérêt public, préservant la protection des
occupants sans titre de bonne foi, l’adaptation aux réalités locales et le partage de la
gouvernance foncière locale.
Cette gouvernance foncière locale est un élément de renfort et d’efficience des
procédures de régularisation foncière menées sur les territoires concernés, ainsi que l’a perçu
le législateur au travers de la « loi ADOM » du 14 octobre 2015. Toutefois, ladite
gouvernance locale ne peut être pleinement efficiente sans prise en compte de la résorption
de la problématique de l’aménagement outre-mer1694. La question de la dévolution aux
instances locales de la maitrise foncière de la régularisation foncière, induite par le transfert
des secteurs urbains et d’urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas géométriques à
la région de Guadeloupe et à la Collectivité territoriale de Martinique, reste posée. C’est
toute la question du développement des collectivités territoriales de l’article 73 de la
Constitution qui est ici sous-entendue.
Il est donc incontournable d’examiner la question de la gouvernance foncière locale
de la régularisation foncière (Section I), avant d’aborder la problématique des stratégies

1691
CC n° 89-256 DC, 25 juillet 1989, Loi portant dispositions diverses en matière d’urbanisme et
d’agglomérations nouvelles (TGV Nord), RFDA 1989, 1009, Note BON.
1692
CHAMARD-HEIM (Caroline), MELLERAY (Fabrice), NOGUELLOU (Rozen), et YOLKA (Philippe),
Les grandes décisions du droit administratif des biens, Grands arrêts, Éditions Dalloz, 2013, n° 19. La décision
« TGV Nord » rappelle que le préambule de la Constitution de 1958 a « réaffirmé la valeur constitutionnelle
du droit de propriété » et que le droit de propriété est un « droit que la Constitution garantit ». Sa violation peut
être invoquée dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Cette protection
constitutionnelle est accordée à la propriété privée comme à la propriété publique des personnes publiques.
1693
PAVIA (Marie-Luce.), « La découverte de la dignité de la personne humaine », in « La dignité de la
personne humaine », sous la direction de PAVIA (Marie-Luce) et REVET (Thierry), Éditions Economica, Paris,
version numérique (2012), emplacement 82 sur 4459 de l’édition numérique.
1694
Problématique dont le caractère crucial a été rappelé par Hervé EMONIDES, actuel directeur de l’Agence
des 50 pas géométriques de la Martinique.

482
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

d’aménagement des secteurs à régulariser outre-mer (Section II).

SECTION I – GOUVERNANCE FONCIÈRE LOCALE ET


RÉGULARISATION FONCIÈRE

La question de la gouvernance foncière locale de la zone des cinquante pas


géométriques n’est pas nouvelle. Elle a déjà été évoquée dans certains rapports, notamment
dans le rapport du Sénat portant sur les domaines public et privé de l’État outre-mer 1695.
Elle implique une plus grande responsabilité des collectivités territoriales situées outre-mer
dans la gestion des affaires foncières locales, et particulièrement dans la résorption de
l’occupation sans titre, alliée à une plus grande maîtrise foncière.
Dans le rapport « LISE-TAMAYA »1696, l’accent est mis sur la nécessité d’accroître
les responsabilités locales au service du développement des collectivités de l’article 73 de la
Constitution, par de nouvelles responsabilités en matière économique et sociale et par
l’instauration d’instruments plus performants d’aménagement du territoire. La question du
transfert de la zone des cinquante pas géométriques et des agences elles-mêmes, vers les
collectivités locales, y a largement envisagée, et la région, compte tenu de son rôle
économique, est pressentie comme ayant vocation à gérer ces agences et problématiques1697.
La question de la confiscation par l’Etat des terres en Guyane est aussi évoquée dans ce
rapport, avec une solution de transfert de terres de l’Etat vers d’autres propriétaires
(agriculteurs, particuliers, collectivités locales) par des procédés plus courts. La question sur
l’autonomie financière y est également abordée.
Ces constats permettent de constater que les objectifs d’une gouvernance foncière
locale de la zone des cinquante pas géométriques et de la régularisation foncière sont des
préoccupations anciennes, relevées dans le rapport « LISE-TAMAYA », dont certaines

1695
MOHAMED SOILIHI (Thani), rapporteur coordinateur, GUERRIAU (Joël), LARCHER (Serge),
PATIENT (Georges), rapporteurs, « Domaines public et privé de l’État outre-mer, 30 propositions pour mettre
fin à une gestion jalouse et stérile », rapport d’information du Sénat n° 538, enregistré à la Présidence du Sénat
le 18 juin 2015. Publié en ligne : http://www.senat.fr/rap/r14-538/r14-5381.pdf.
1696
LISE (Claude), alors sénateur de la Martinique, et TAMAYA (Michel) alors député de La Réunion, « Les
départements d’outre-mer aujourd’hui : la voie de la responsabilité », rapport à Monsieur le premier ministre,
publié en 1999, 207 pp. Ce rapport répond à une mission gouvernementale confiée par le gouvernement
socialiste à deux parlementaires le 10 décembre1998. Il a été remis au gouvernement le 24 juin 1999.
1697
Qui deviendraient alors des établissements publics locaux (qui n’ont plus de compétence d’aménagement).

483
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

préconisations ont fait l’objet de prises en compte1698.


Pour le professeur Antoine DELBLOND, une collectivité territoriale autonome
conforte sa légitimité, chaque fois qu’elle se révèle plus efficace que l’Etat dans
l’administration du territoire et des hommes. Il en est ainsi de la gestion locale autonome de
la propriété des personnes publiques1699. Or, certains responsables locaux s’accordent à
penser que la gestion par l’Etat de la problématique de l’occupation sans titre de la zone des
cinquante pas géométriques est jalouse, insuffisante, voire inadaptée1700. Car, la zone des
cinquante pas géométriques, comme de nombreux quartiers populaires, présente des
problématiques d’insalubrité et un manque d’équipements de base, qui la confinent à une
situation de quasi-sous-développement1701.
La finalité de l’autonomie locale, consiste en une administration plus proche des
usagers et mieux adaptée pour régler des affaires d’intérêt local, précisait le professeur
Antoine DELBLOND, lors d’un colloque sur l’autonomie locale, à propos de l’autonomie
dans la propriété des personnes publiques outre-mer1702. Or, dans les collectivités territoriales
régies par l’article 73 de la Constitution1703 l’État conserve une grande partie de la propriété
des biens immobiliers, qui dépendent de son domaine public ou privé, selon leur nature, leur
affectation et leur utilité publique. À ce sujet, le rapport du Sénat enregistré le 18 juin 2015,
portant sur les domaines public et privé de l’Etat outre-mer1704, fait ressortir la nécessité d’un
inventaire exhaustif des propriétés incorporées aux dits domaines. Ce rapport mentionne

1698
Collectivités uniques (au lieu et place de la région et du département), Loi ADOM du 14 octobre 2015, et
d’autres dispositifs législatifs antérieurs.
1699
DELBLOND (Antoine), « Autonomie dans la propriété des personnes publiques outre-mer », in
LARCHER (S.), « Un kaléidoscope de l’autonomie locale : théorie, pratique institutionnelle et déclinaisons
ultramarines », rapport d’information du Sénat n° 452, fait au nom de la délégation sénatoriale à l’outre-mer,
comportant les actes du colloque organisé le 10 avril 2014, p. 121.
1700
Cf. MOHAMED SOILIHI (Thani), rapporteur coordinateur, GUERRIAU (Joël), LARCHER (Serge),
PATIENT (Georges), rapporteurs, « Domaines public et privé de l’État outre-mer, 30 propositions pour mettre
fin à une gestion jalouse et stérile », rapport d’information du Sénat n° 538, enregistré à la Présidence du Sénat
le 18 juin 2015. Publié en ligne : http://www.senat.fr/rap/r14-538/r14-5381.pdf.
En ce sens, Hervé EMONIDES, directeur de l’agence des 50 pas Martinique (entretien du 28 décembre 2018).
1701
Entretien avec Hervé EMONIDES, directeur de l’Agence des 50 pas Martinique, du 28 décembre 2018.
1702
DELBLOND (Antoine), Autonomie dans la propriété des personnes publiques outre-mer, in LARCHER
(S.), op. cit.
1703
Cinq collectivités territoriales situées outre-mer sont régies par l’article 73 de la Constitution. Il s’agit des
« quatre vieilles » (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion), auxquelles s’ajoute, depuis le 31 mars
2011, Mayotte. Elles sont régies par le principe d’assimilation et d’identité législative. Cf. MELIN-
SOUCRAMANIEN (Ferdinand), Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 35, Dossier : « La
Constitution et l’outre-mer, les Collectivités territoriales régies par l’article 73, avril 2012. En ligne :
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/nouveaux-cahiers-du-conseil/cahier-n-
35/les-collectivites-territoriales-regies-par-l-article-73.105479.html.
1704
MOHAMED SOILIHI (Thani), rapporteur coordinateur, GUERRIAU (Joël), LARCHER (Serge),
PATIENT (G.), rapporteurs, « Domaines public et privé de l’État outre-mer, 30 propositions pour mettre fin à
une gestion jalouse et stérile », op. cit.

484
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

également la nécessité de « mettre fin à une gestion jalouse et stérile » de l’État outre-
mer1705. Pour les rédacteurs de ce rapport, la question foncière dans les outre-mer constitue
« l’un des verrous majeurs du développement économique et social des territoires »1706.
L’attention est attirée sur la relation étroite existant entre les problématiques du
logement, des transports, des équipements collectifs, du soutien aux entreprises et à
l’agriculture, et d’autres problématiques foncières prégnantes outre-mer. La résorption des
problèmes liés à la question foncière est conditionnée par la disponibilité du foncier et son
aménagement outre-mer1707.
L’option qui a été retenue par le législateur en 2015 en matière de gouvernance
foncière de la zone des cinquante pas géométriques, a été entérinée à l’article 27 de la loi
d’actualisation du droit des outre-mer, du 14 octobre 2015, dite « loi ADOM », s’agissant
de la Guadeloupe et de la Martinique1708. Toutefois, la gouvernance foncière locale de la
zone des cinquante pas géométriques implique un transfert de la responsabilité de la
régularisation foncière de l’occupation sans titre de ladite zone aux collectivités concernées.
La priorisation d’une gouvernance foncière locale constitue une réponse politique
incontournable à la résorption de l’occupation sans titre outre-mer, mais conduit toutefois à
un transfert de la responsabilité juridique de la régularisation foncière (§1) et de la police de
l’occupation sans titre outre-mer (§2) sans les moyens adaptés pour y faire face.

§ I. TRANSFERT DE LA RESPONSABILITÉ JURIDIQUE ET


FINANCIÈRE DE LA RÉGULARISATION FONCIÈRE

Tout transfert de compétences entraîne le transfert de la responsabilité juridique,


opérationnelle, financière du service public ou de l’activité transférée, et en conséquence,
des moyens matériels, humains et financiers nécessaires à son exécution 1709. Il s’agit d’un
principe constitutionnel formulé à l’article 72-2 alinéa 4 de la Constitution, tel qu’il résulte

1705
MOHAMED SOILIHI (Thani), rapporteur coordinateur, GUERRIAU (Joël), LARCHER (Serge),
PATIENT (G.), rapporteurs, idem.
1706
Ibidem, p. 11.
1707
Passim.
1708
Article 27 de la loi n° 2015-1268 d’actualisation du droit des outre-mer du 14 octobre 2015, publiée au
JORF n° 0239 du 15 octobre 2015 page 19069.
1709
Ainsi, le transfert de la compétence « éducation » entraîne le transfert du foncier, des bâtiments, du
personnel, affectés, mais également des dotations nécessaires au fonctionnement de ce service public. Il n’en
n’est pas ainsi pour la régularisation foncière, bien qu’il y ait des points de similitudes. Une intervention du
législateur à ce sujet est souhaitable.

485
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

de la réforme de 20031710. En effet, aux termes de cet article « tout transfert de compétences
entre l’Etat et les collectivités territoriales, s’accompagne de l’attribution de ressources
équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de
compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités
territoriales, est accompagnée de ressources déterminées par la loi ».
Le transfert des secteurs urbains et d’urbanisation future de la zone des cinquante pas
géométriques prévu par la « loi ADOM » du 14 octobre 2015, n’est pas neutre, puisqu’il
s’agit des zones majoritairement occupées sans titre. Dès lors, il y a transfert de la
responsabilité juridique, opérationnelle et financière de la régularisation foncière des
occupants desdits secteurs ; sans oublier la responsabilité de l’aménagement.
Mais peut-on vraiment parler d’un transfert de compétences à ce propos ? Nonobstant
la circonstance que la régularisation foncière exige un faisceau de compétences, le transfert
de parties de la zone des cinquante pas géométriques ne serait pas directement un transfert
de compétences au sens strict du terme, mais plutôt un transfert de biens immobiliers,
induisant un transfert de responsabilités : celui de l’entretien et de la police de ces secteurs,
et par conséquent, celui de la responsabilité de la régularisation foncière de la situation des
occupants sans titre de la propriété transférée. Ce transfert a donc pour effet une extension
de compétences des collectivités bénéficiaires et une augmentation des dépenses desdits
collectivités. Il y a donc, in fine, un transfert de compétences consécutif à un transfert
foncier, conduisant à penser qu’il devrait normalement déboucher sur un transfert des
ressources nécessaires à la réalisation des obligations en découlant.
La résorption des problématiques foncières locales et régionales aux Antilles et outre-
mer en général, milite dans le sens d’un renforcement de la gouvernance et de la maîtrise
foncière des collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution. Une partie de la
doctrine et certains élus locaux militent en ce sens1711, et la « loi ADOM » en est le résultat1712.

1710
Cf. https://www.collectivites-locales.gouv.fr/financement-des-transferts-competences.
1711
LETCHIMY (Serge), rapport enregistré à l’Assemblée nationale le 19 septembre 2013, au nom de la
commission des affaires économiques, sur la proposition de loi, visant à prolonger la durée de vie des agences
pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques et à faciliter la
reconstitution des titres de propriété en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à
Saint-Martin (n°1048). Cf. également : BAIETTO-BEYSSON (Sabine), BONNAL (Philippe), COLIN (Jean)
et ANGEL (Noémie), Rapport relatif aux problématiques foncières et au rôle des différents opérateurs aux
Antilles, rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable, et de l’Inspection
générale de l’administration, établi en novembre 2013, consultable sur le site :
http://www.interieur.gouv.fr/publications/rapports-de-l-iga.
1712
Voir intervention de Serge ETCHIMY, député martiniquais, le 04 juin 2019, à l’assemblée nationale, lors
des « Questions au gouvernement », à propos du non-respect de la « loi littoral », notamment s’agissant de la

486
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Dans son essai consacré aux collectivités françaises d’Amérique et à la diplomatie


territoriale, Thierry EDOUARD va dans le même sens lorsqu’il évoque l’importance de
considérer les collectivités territoriales comme acteurs du nouveau droit de la coopération
internationale de portée régionale, et la nécessité de l’émergence d’une gouvernance locale
de l’action internationale1713.
L’occupation sans titre est une problématique locale outre-mer qui génère des tensions
sociales et politiques récurrentes, et qui requiert un traitement adapté aux réalités locales. Il
est donc essentiel que sa gestion soit assurée par des collectivités à stature locale, dont la
montée en compétences institutionnelles et techniques doit être favorisée, dans la zone des
cinquante pas géométriques et dans le domaine public et privé outre-mer en général1714.
Dans le rapport du Sénat portant les domaines public et privé de l’Etat outre-mer, il
est dit que « la question domaniale est d’ordre fondamentalement politique, (…), puisqu’elle
touche les conditions d’exercice de la souveraineté, l’usage des prérogatives propres de la
puissance publique et l’organisation du service public »1715. L’État y est considéré comme un
acteur pivot de la politique foncière outre-mer, en raison de sa possession du littoral et des
forêts1716. De fait, il est un acteur foncier incontournable, un propriétaire foncier décisif, et
une puissance publique régularisatrice, en raison de l’important domaine foncier public et
privé dont il est propriétaire. En demeurant propriétaire majoritaire, l’État est censé s’assurer
qu’aucune politique foncière, d’aménagement, d’urbanisme ou environnementale ne saurait
être menée outre-mer sans son concours.
Mais en vertu de la loi ADOM de 2015, le législateur, sous l’insistance de certains élus
locaux1717, a fait le choix d’une gouvernance locale de certaines parties de la zone des
cinquante pas géométriques, en vue de la mise en œuvre d’instruments juridiques plus
performants, et notamment pour accélérer les procédures de régularisation foncière outre-
mer et confier la gestion de ces problématiques foncières aux collectivités locales. Mais,

servitude de passage sur le littoral et s’agissant par ailleurs des transferts de l’article 27 de la « loi ADOM »,
non encore appliqués. La ministre des outre-mer a invité chacun à prendre leurs responsabilités, rappelant que
la gestion de la zone des 50 pas géométriques devrait être confiée aux collectivités locales.
1713
EDOUARD (Thierry), Les collectivités françaises d’Amérique et la diplomatie territoriale, Essai, éditions
Persée, 2016, Aix-En-Provence, 369 p. Ouvrage préfacé par CHICOT (Pierre-Yves).
1714
Voir les propos d’Annick GIRARDIN, ministre des outre-mer, lors de la séance des « questions au
gouvernement », du 04 juin 2019, après l’intervention du député Serge LETCHIMY, sur les carences de l’Etat
dans la gestion de la zone des cinquante pas géométriques.
1715
MOHAMED SOILIHI (Thani), rapporteur coordinateur, GUERRIAU (Joël), LARCHER (Serge),
PATIENT (Georges), rapporteurs, « Domaines public et privé de l’État outre-mer, 30 propositions pour mettre
fin à une gestion jalouse et stérile », rapport d’information du Sénat n° 538, enregistré à la Présidence du Sénat
le 18 juin 2015. Publié en ligne : http://www.senat.fr/rap/r14-538/r14-5381.pdf. op cit.
1716
Idem.
1717
Il s’agit notamment des députés Serge LETCHIMY et Victorin LUREL.

487
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

sans le transfert des moyens financiers, matériels et humains adaptés, ce choix risque de
n’avoir pour effet que de reporter la responsabilité et la résorption de l’occupation sans titre
du littoral, sur les autorités locales bénéficiaires.
En transférant une partie de son foncier public à la région de la Guadeloupe et à la
collectivité territoriale de Martinique, l’État a procédé à une redistribution partielle de la
gouvernance foncière au sein de la zone des cinquante pas géométriques, manifestant ainsi
son désir d’un meilleur partage des responsabilités foncières locales, en associant
directement les autorités locales régionales à la régularisation foncière.
Ce faisant, l’Etat exprime son choix de rapprocher des instances locales, le règlement
de la problématique foncière de l’occupation sans titre outre-mer, et la régularisation
foncière qui revêt un caractère d’intérêt public local à bien des égards (A). Mais, l’efficience
de ce choix mérite d’être examinée au regard de l’existence de gouvernances locales
parallèles de proximité (B).

A. CHOIX D’UNE GOUVERNANCE FONCIÈRE LOCALE POUR


UNE PROBLÉMATIQUE D’INTÉRÊT PUBLIC LOCAL

Le professeur Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN a eu l’occasion de préciser, dans


un dossier consacré à la Constitution et l’outre-mer, qu’« il ne faut pas négliger l'importance
d'une forme de prise de conscience de la classe politique, à gauche comme à droite, sur la
nécessité de penser à nouveau le lien entre la France et ce qui reste de son ancien empire
colonial »1718. L’aménagement de ce nouveau lien entre la France et les collectivités
territoriales de l’article 73 de la Constitution, passe par un réaménagement et une
redistribution de la gouvernance foncière outre-mer (moins d’Etat et plus d’initiatives
locales), eu égard aux problématiques foncières d’occupation sans titre qui y persistent.
Des préconisations avaient déjà eu lieu en ce sens, et des réalisations sont observées,
sans pour autant que soit constatée une amélioration notable de la question de la gouvernance
foncière locale de la problématique de la régularisation foncière outre-mer.

1) Préconisations en matière de gouvernance foncière locale

Le rapport sur les problématiques foncières et le rôle des opérateurs aux Antilles, établi

1718
MELIN-SOUCRAMANIEN (Ferdinand), Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n°35, Dossier : La
Constitution et l’outre-mer, Avril 2012. En ligne : http://www.conseil-constitutionneLfr/conseil-
constitutionnel/francais/nouveaux-cahiers-du-conseil/cahier-n-35/les-collectivites-territoriales-regies-par-l-
article-73. 105479. html.

488
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

par l’Inspection générale de l’administration (IGA) et le Conseil général de l’environnement


et du développement durable (CGEDD), en novembre 20131719, avait pour objectif de mettre
à jour des solutions en faveur d’une stratégie foncière, utilisant les structures déjà existantes,
sur quatre axes fondamentaux : les besoins en logement, les projets des collectivités locales,
la pérennisation des missions de régularisation foncière et d’aménagement de la zone
littorale assurée par les agences des cinquante pas, et la reconstitution des titres de propriété.
Les solutions proposées par ce rapport abordent des questions foncières essentielles
aux Antilles et favorisent une gouvernance foncière locale. Mais il est regrettable qu’elles
aient été limitées par des visières imposées préalablement par les pouvoirs publics1720.
La première visière consiste à englober plusieurs problématiques foncières différentes,
bien que découlant l’une de l’autre, en une seule et même problématique. Le besoin en
logements, les projets des collectivités locales, la pérennisation des missions de
régularisation foncière et d’aménagement de la zone littorale assurées par les agences et la
mise en place d’un service d’ingénierie pour la reconstitution des titres de propriété, sont des
problématiques foncières distinctes, bien qu’interdépendantes, nécessitant des approches
différentes, et des moyens et solutions adaptés. Associer ces problématiques peut sembler
faciliter leur traitement et en limiter les dépenses. Cependant, bien que certaines
problématiques puissent être couplées (régularisation foncière, aménagement, logement),
l’ensemble ne peut l’être sans se révéler à terme complexe, inopérationnel, et peu favorable
à l’émergence de solutions adaptées.
La deuxième visière imposée par la mission est l’ordre donné de prendre en compte
les « structures déjà existantes »1721. Même si, à posteriori, les solutions proposées en
viennent à se référer aux structures préexistantes, il paraît évident qu’il ne faut pas limiter la
réflexion aux structures existantes. Il faut au contraire étudier toutes les solutions possibles,
à partir des structures existantes, mais aussi des éventuelles structures nouvelles dont la
création peut être nécessaire. Car la situation foncière des collectivités locales outre-mer
milite en faveur de solutions nouvelles, tenant compte davantage des particularismes locaux.
Le rapport de l’IGA préconisait le transfert de la propriété de la zone urbanisée et semi-

1719
BAIETTO-BEYSSON (Sabine), BONNAL (Philippe), COLIN (Jean) et ANGEL (Noémie), Rapport relatif
aux problématiques foncières et au rôle des différents opérateurs aux Antilles, rapport du Conseil général de
l’environnement et du développement durable, et de l’Inspection générale de l’administration, établi en
novembre 2013. En ligne : http://www.interieur.gouv.fr/publications/rapports-de-l-iga.
1720
Rapport sur ordre du ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, et du ministre des Outre-mer.
1721
BAIETTO-BEYSSON (Sabine), BONNAL (Philippe), COLIN (Jean) et ANGEL (Noémie), Rapport relatif
aux problématiques foncières et au rôle des différents opérateurs aux Antilles, op. cit.

489
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

urbanisée des cinquante pas géométriques, à titre gratuit, aux établissements publics de
coopération intercommunale (EPCI), ou à défaut, au conseil régional de Guadeloupe et à la
collectivité unique de Martinique, avec conventionnement obligatoire avec les
intercommunalités. Il prônait en outre la cession gratuite aux occupants répondant à des
critères de ressources, des terrains d’assiette de leurs résidences principales, avec comme
mesure anti-spéculative, le reversement du prix du terrain en cas de revente ultérieure. Il
prévoyait également de mettre à jour le plan de prévention des risques, en fonction de la
gravité des risques et en tenant compte des mesures de prévention possibles. Il conseillait de
missionner le conseil supérieur du notariat et l’ordre des géomètres experts pour
l’amélioration des procédures de titrement, en accord avec la Chancellerie. Enfin, ce rapport
recommandait la création d’un groupement d’intérêt public (GIP), dans chaque région, qui
serait dédié à l’établissement ou à la reconstitution des titres de propriété, au regard de la
qualité de l’information disponible et de la sécurisation des conditions de l’usucapion.
L’objectif principal de ce rapport était de contribuer à faire « disparaître une séquelle
du système colonial, dans une démarche d’alignement sur le droit commun et de
décentralisation »1722, tout en contribuant à la question du besoin en logement outre-mer. Il
posait la question de la légitimité du maintien de la zone des cinquante pas géométriques
dans le domaine public de l’État, les anciennes justifications de son instauration n’ayant plus
cours, et ladite zone constituant une réminiscence de la colonisation.
Les développements qui suivent montrent que la prise en compte de ces préconisations
par le législateur est demeurée partielle.

2) Réalisations, modalités et interrogations

Une partie des préconisations du rapport de l’IGA a été prise en compte par la « loi
ADOM » de 2015, notamment par le biais du transfert de la gouvernance foncière des parties
urbaines et d’urbanisation diffuse de la zone à certaines collectivités territoriales.
Toutefois, la reconquête des centres-bourgs pour favoriser le logement, préconisée par
le rapport sus dit, ne passe pas seulement par la délivrance de titres de propriété, mais
également par l’aménagement et l’équipement, qui représentent des engagements
financièrement lourds1723. Cet avis est partagé par Monsieur Hervé EMONIDES, directeur
de l’agence des 50 pas géométriques de Martinique, qui rappelle l’importance cruciale de la

1722
BAIETTO-BEYSSON (Sabine), BONNAL (Philippe), COLIN (Jean) et ANGEL (Noémie), idem.
1723
Ibidem.

490
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

problématique de l’aménagement et de ses moyens1724.


À cet égard, le rapport de l’IGA évoque la question de l’ingénierie foncière, et celle
d’actions foncières conséquentes comme « constituant un préalable à la conduite
d’opérations d’aménagement visant à revaloriser […] des quartiers délaissés »1725. Il
rappelle le rôle important des schémas d’aménagement régionaux, permettant d’adapter la
« loi littoral » aux spécificités des départements d’outre-mer1726.
Le rapport du Sénat portant sur les domaines public et privé de l’Etat outre-mer
préconise aussi des solutions contribuant à mettre fin à la gestion qualifiée de « jalouse et
stérile de l’Etat ». Il fait état des dispositions des articles L5111-5 et suivants du CG3P, pour
exprimer l’idée d’une disqualification de la zone des cinquante pas géométriques en tant que
dépendance du domaine public1727. Ce rapport s’interroge sur l’opportunité d’un maintien
de cette zone dans le domaine de l’État, et évoque l’intérêt de l’octroi de la propriété dudit
bien à une collectivité territoriale outre-mer, même non dotée du statut d’autonomie1728. En
définitive, il préconise une distinction entre le sort des espaces naturels sensibles, qui
pourraient demeurer dans le domaine public moyennant des aménagements indispensables,
ou relever du régime exorbitant du droit forestier, et le sort des espaces urbanisés qui
gagneraient à relever du régime des biens privés, après une période transitoire de
régularisation des occupations sans titre.
Le législateur a, en partie, suivi ces préconisations, puisqu’il consent au transfert de
parties de la zone des cinquante pas géométriques, à la Région, pour la Guadeloupe, et à la
Collectivité territoriale de Martinique (CTM), pour la Martinique, tout en maintenant le
régime de protection des espaces naturels. Tirant les leçons des constats effectués ci-dessus,
le législateur, par la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-
mer, dite « loi ADOM »1729, valide le transfert des secteurs urbains et occupés par une
urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas géométriques, aux collectivités susdites,
plus représentatives de l’ensemble des collectivités situées sur son territoire.

1724
Entretien avec Hervé EMONIDES, directeur de l’agence des 50 pas Martinique, du 28 décembre 2018.
1725
BAIETTO-BEYSSON (Sabine[…],op. cit.
1726
Le SAR devrait être mieux utilisé par les politiques pour répondre aux problématiques des servitudes à
préserver le long du littoral, même en présence de constructions ou de propriétaires privés installés sur le
littoral. Il convient de se référer à l’actualité (conflits entre l’Assaupamar et des propriétaires de terrains situés
au bord du littoral à « Fonds Larion »), pour se laisser convaincre de cette nécessité.
1727
Rapport d’information du Sénat n° 538, « Domaines public et privé de l’État outre-mer, 30 propositions
pour mettre fin à une gestion jalouse et stérile », op cit.
1728
Idem, p. 35 et s.
1729
La loi n°2015-1258 du 14 octobre 2015, d’actualisation du droit des outre-mer, publié au J. O. Lien
internet : ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2015/10/14/OMEX1505701L/jo/texte.

491
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Il s’agit d’une réponse locale apportée par le législateur pour tenter de résorber
l’atteinte à la propriété des personnes publiques que constitue l’occupation sans titre outre-
mer. À cet effet, l’article 27 de la « Loi ADOM » modifie l’article 4 de la loi du 30 décembre
1996 et planifie la fin de vie des agences des 50 pas géométriques. Ainsi, l’article 27, I, de
la loi ADOM prévoit qu’« un décret en Conseil d'Etat précise les conditions de la dissolution
de ces agences et prononce, le cas échéant, le transfert des biens, droits et obligations des
agences après concertation entre les agences, l'Etat et le bénéficiaire. »1730 À cet effet, les
agences sont tenues de réaliser un bilan de leur activité, à remettre au représentant de l’Etat,
au plus tard le 1er janvier 2020, en vue d’un transfert au plus tard le 1er janvier 2021. Le
représentant de l’État est chargé de transmettre au président des deux collectivités
bénéficiaires, le rapport sur l’état des cessions, les enjeux d’aménagement, l’évaluation des
charges de transfert et le bilan de l’activité des agences.
L’objectif affiché par le législateur est de confier la gouvernance de la régularisation
foncière sur partie de son domaine public, à certaines collectivités territoriales de proximité
outre-mer, en leur attribuant la maîtrise foncière des secteurs concernés et des opérations de
régularisation qui y sont menées. Toutefois, la question se pose de savoir s’il n’y a pas une
volonté de l’État de s’absoudre, en tant que propriétaire, de la lourde responsabilité de la
mission de régularisation foncière en cours sur son domaine public, notamment en raison
des tensions locales déjà existantes1731 et du coût exorbitant que représente une telle
opération. Les développements ci-dessus éclairent cette problématique.
Avec la disparition des agences des 50 pas géométriques programmée par la « loi
ADOM » de 2015, c’est aussi la problématique de la disparition de la zone des cinquante
pas géométriques elle-même, vestige de la colonisation, déjà évoquée en amont, qui est mise
en exergue. Le législateur a préféré un transfert de gouvernance territoriale foncière, au lieu
d’une disparition pure et simple de ladite zone par intégration dans le domaine privé des
collectivités bénéficiaires. Les parties naturelles de la zone ont été réparties entre l’Office
national des forêts (ONF) qui gère les « forêts domaniales du littoral » (FDL) créées entre
les années 1970 et 1980, et le Conservatoire du littoral (CDL) qui gère les autres espaces
naturels de la zone, selon les modalités expliquées en amont.
Le transfert programmé par la loi de 2015, est prévu en pleine propriété et à titre
gratuit, dans le domaine public du Conseil régional de la Guadeloupe, par arrêté du

Article 27, I, 2° de la loi ADOM.


1730

Les nombreuses actions des collectifs de quartiers spontanément mis en place par les occupants sans titre
1731

peuvent témoigner de ces tensions locales.

492
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

représentant de l’État, sauf les emprises affectées par l’État à l’exercice de ses missions. Ce
transfert a lieu à charge pour ladite collectivité de se substituer à l’État dans l’ensemble des
droits et obligations afférents aux biens ainsi transférés. Il en est de même des espaces
urbains et des secteurs occupés par une urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas
géométriques de la Martinique, dont le transfert est prévu en pleine propriété et à titre gratuit
dans le domaine public de la collectivité territoriale de Martinique (CTM), dans les mêmes
conditions que pour la Guadeloupe. Il s’agit bien d’un transfert de droits et d’obligations.
S’agissant des espaces transférés, l’article 27.IV de la loi du 14 octobre 2015
d’actualisation du droit des outre-mer prévoit qu’un « document stratégique d’aménagement
et de mise en valeur de la zone des cinquante pas géométriques » soit adopté, d’une part par
l’État et le Conseil régional de la Guadeloupe, et d’autre part par l’État et la Collectivité
territoriale de Martinique (CTM). Pour chaque territoire, ce document devait être adopté en
concertation avec les collectivités territoriales concernées, au plus tard le 1er janvier 2018, en
vue du transfert prévu au III dudit article1732. Myriam ROCH-BERGOPSOM précise que
l’agence s’est proposée pour initier l’élaboration de ce document, qui a fait l’objet de
réserves de la part de la Région de Guadeloupe, et qui, à la date d’août 2019, n’avait toujours
pas été adopté par l’Etat, dont les services sont présents au conseil d’administration de
l’agence1733. Cet article prévoit un transfert, au plus tard le 1er janvier 2021, après consultation
des collectivités territoriales concernées. Le directeur de l’agence des 50 pas géométriques
de Martinique1734 rappelle qu’une fois ce document stratégique approuvé par les deux
collectivités territoriales bénéficiaires, il sera difficile de négocier les modalités du transfert
de manière équilibrée avec l’Etat1735. La directrice de l’agence des 50 pas géométriques
abonde en ce sens, puisqu’elle rappelait, en août 2019, que le décret en Conseil d’Etat actant
la délimitation des espaces urbains et d’urbanisation diffuse, et les espaces naturels, n’avait
toujours pas été pris, et qu’en dépit de la disparition programmée des agences, aucun plan
social n’était prévu1736.

1732
Ces délais n’ont pas été respectés.
1733
Contribution écrite de Myriam ROCH-BERGOPSOM, directrice de l’agence des 50 pas géométriques de
Guadeloupe, du 8 août 2019.
1734
Entretien avec Hervé EMONIDES, Directeur de l’agence des 50 pas géométriques de Martinique, du 28
décembre 2018. Ce dernier rappelle que le document stratégique a été approuvé par la région de Guadeloupe
fin 2018, et transmis au ministère de l’Outre-mer et au ministère de la Cohésion des territoires. L’examen de
celui de la Martinique, par la CTM, était prévu en janvier 2019. Ce document pose des problèmes et évoque
des pistes, mais ne décrit pas solutions et ne prend pas de décisions fermes.
1735
Entretien avec Hervé EMONIDES, en date du 28 décembre 2018, op. cit.
1736
Contribution écrite de Myriam ROCH-BERGOPSOM, directrice de l’agence des 50 pas géométriques de
Guadeloupe, du 8 août 2019.

493
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Les modalités du transfert sont prévues par l’article 27 de la loi ADOM qui prévoit un
transfert à titre gratuit. En effet, concernant la Guadeloupe, le transfert a lieu à titre gratuit
et ne donne lieu ni au versement de la contribution prévue à l’article 879 du Code général
des impôts (CGI), ni à la perception d’impôts, de droits ou de taxes de quelque nature que
ce soit. En contrepartie, à la date du transfert, la région de Guadeloupe est substituée à l’État
dans l’ensemble des droits et obligations afférents aux biens ainsi transférés, pour l’exercice
des compétences foncières associées à ces biens. Elle est pareillement substituée à l’État
pour l’exercice de « la faculté mentionnée au huitième alinéa de l’article 5 de la loi n° 96-
1241 du 30 décembre 1996 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur de
la zone des cinquante pas géométriques dans les Départements d’outre-mer ». Laquelle
faculté consiste en la possibilité, « à titre secondaire », de réaliser les travaux de voies
d’accès, de réseaux d’eau potable et d’assainissement, lorsque les communes n’en assurent
pas la conduite. Cet alinéa précise que, « dans ce cas, les voies et réseaux divers peuvent
être cédées à la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés ». Une convention passée
avec la commune précise le programme d’équipement en voies et réseaux divers des terrains
situés dans un périmètre délimité1737. Elle prévoit également « les mesures techniques,
juridiques et financières nécessaires pour rendre les opérations de cessions et d’équipement
possibles » et détermine les contributions financières inhérentes à l’agence et à la commune
pour la réalisation des opérations prévues1738.
Les dispositions applicables à la Martinique sont similaires à celles prévues pour la
Guadeloupe. Les espaces sus dits sont transférés en pleine propriété dans le domaine public
de la collectivité territoriale de Martinique (CTM), par arrêté du représentant de l’État. Mais,
bien que cela ne soit pas précisé pour la Martinique, il semble évident que sont exclus de ce
transfert les emprises affectées par l’État à l’exercice de ses missions. Les modalités de ce
transfert sont identiques à ce qui est prévu pour la Guadeloupe, déjà exposées.
La loi ADOM du 14 octobre 2015 prévoit un rapport contenant l’état des cessions et
des enjeux d’aménagement qui y sont liés, une évaluation des charges liées au transfert, et
le bilan de l’activité de chacune des deux agences, à remettre par le représentant de l’État,
au plus tard le 1er janvier 2020, au président du Conseil régional de la Guadeloupe et au

1737
Ce périmètre qui, dans la loi du 30 décembre 1996, était délimité par l’Agence des 50 pas géométriques,
devrait être, à priori, délimité par la personne publique disposant de la faculté énoncée, en l’occurrence la
région de la Guadeloupe.
1738
Article 5 alinéa 8 de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à l’aménagement, la protection et la
mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les Départements d’outre-mer. Consulté le
25 juillet 2016 sur le site legifrance.gouv.fr.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

président de la Collectivité territoriale de Martinique, en vue du transfert prévu au III de


l’article 27 de ladite loi1739.
Mais la loi ADOM est donc bien loin de régler la question de l’occupation sans titre
dans les collectivités de l’article 73 car, bien que constituant un apport déterminant, ses
dispositions en matière de gouvernance foncière locale et de régularisation foncière ne
s’appliquent qu’aux secteurs urbains et d’urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas
géométriques. Or, l’occupation sans titre concerne le domaine public mais aussi le domaine
privé des collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution.
La loi du 14 octobre 2015 comporte également des mesures relatives à la maîtrise
foncière et à l’aménagement, qui intéressent plus particulièrement l’objet de la présente
recherche, constituant ses articles 18 à 291740. Toutefois, seuls les articles 27 à 29, insérés
dans une section III, traitent précisément des agences des cinquante pas géométriques.
L’article 27, I, apporte une modification de l’article 4 de la loi n° 96-1241 du 30 décembre
1996, dont l’alinéa 1er prévoit désormais que l’établissement public dénommé « Agence pour
la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques » est
créé pour une durée qui ne peut excéder le 1er janvier 2021. Cet alinéa prévoit la dissolution
des agences et précise les conditions de cette dissolution programmée1741.
Mais, à propos des moyens transférés, les directeurs des deux agences font le constat
d’un transfert de la problématique de l’occupation sans titre et de sa régularisation aux
acteurs locaux, sans transferts de moyens1742. En effet, la loi ADOM ne mentionne pas
expressément le transfert au profit des collectivités bénéficiaires, des moyens financiers et
autres dévolus aux agences. Il en est de même pour les dispositifs juridiques. D’autres
problématiques sont soulevées par les directeurs d’agences, dont celui de l’aménagement
qui fait l’objet d’une étude plus détaillée en aval, et celui des titres de propriété délivrés dont

1739
Article 27. V de la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer
1740
Cette loi comporte d’autres dispositions d’actualisation du droit des outre-mer dans plusieurs domaines. Il
existe des mesures diverses relatives à l’économie, concernant les observatoires des marges, prix et revenus,
la continuité territoriale, de dispositions sociales, de mesures relatives à l’emploi à Mayotte, de dispositions
relatives à l’attractivité économique des territoires ultramarins, et de dispositions monétaires et financières.
1741
Ces conditions ainsi que le prononcé du transfert des biens, droits et obligations des agences, seront fixés
par décret pris en Conseil d’État, après concertation entre lesdites agences, l’État et les bénéficiaires du
transfert.
1742
Contribution écrite de Myriam ROCH-BERGOPSOM, et entretien avec Hervé EMONIDES, op cit.
Myriam ROCH-BERGOPSOM précise que les compétences et moyens ont été transférées aux
intercommunalités et que les communes restent les interlocuteurs sur le terrain, sans moyens ni stratégie.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

l’initiative de la publicité foncière a été laissée aux bénéficiaires1743.


En définitive, le transfert prévu par la loi ADOM au profit des collectivités régionales,
témoigne d’une montée en compétences des collectivités locales face à la problématique de
l’occupation sans titre et de la régularisation foncière outre-mer, et cette initiative ne peut
qu’être saluée, étant attendue par la classe politique. Mais ce transfert nécessite d’être assorti
des moyens juridiques, financiers, humains et matériels adéquats, sans lesquels il ne pourra
s’agir que d’un transfert de responsabilités sans moyens tangibles.
Toutefois, la coopération entre les collectivités bénéficiant du transfert et les
communes et autres collectivités de proximité, reste posée, s’agissant de gouvernances
locales parallèles, voire concurrentes, dont le rôle demeure primordial auprès des
populations locales (B).

B. APPORTS D’UNE GOUVERNANCE LOCALE PARTAGÉE

Une gouvernance locale partagée introduit un mode de pilotage reposant sur la


coopération de plusieurs acteurs, plutôt que sur l’unilatéralité des décisions d’un acteur1744.
Elle est adaptée à la régularisation foncière qui suppose une gestion conjointe du foncier
social par les collectivités locales outre-mer. Elle constitue une technique juridique
favorisant l’élaboration de modes de décisions parallèles ou collectifs, impliquant divers
acteurs fonciers locaux. C’est un outil de décision coopératif qui doit être mis en place.

1) Vertus d’une gouvernance partagée de la régularisation foncière

Pour le professeur Jacques CHEVALLIER, la gouvernance se caractérise par des


« formes horizontales d’interaction entre acteurs qui ont des intérêts contradictoires mais qui
sont suffisamment indépendants les uns des autres pour qu’aucun d’eux ne puisse imposer
une solution à lui seul, tout en étant suffisamment interdépendants pour qu’ils soient tous
perdants si aucune solution n’était trouvée »1745. C’est de ce type de gouvernance dont a
besoin l’outre-mer, afin qu’elle ne soit pas l’occasion de la monopolisation d’une solution

1743
Lors de l’entretien du 28 décembre 2018, Herve EMONIDES, directeur de l’agence de Martinique, a
mentionné l’existence de titres erronés, non publiés, de doubles cessions, de titres validés mais non publiés
dont cette situation se révèle après cession à un tiers. Saint-Martin serait confrontée à cette problématique et
les notaires saisis auraient suspendu l’établissement des titres pour ces raisons. Il s’agit de situations foncières
complexes dont le transfert aux collectivités régionales interpelle. Hervé EMONIDES, évoque un défaut de
vision de la gouvernance des 50 pas géométriques.
1744
Réflexion inspirée de CHEVALLIER (Jacques), « La gouvernance et le droit », Mélanges Paul Amselek,
Bruyant, pp. 189-207, 2005, op. cit.
1745
SCHMITTER (Philip) cité dans CHEVALLIER (Jacques), « La gouvernance et le droit », Mélanges Paul
Amselek, Bruyant, pp. 189-207, 2005, op. cit.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

par une personne publique, mais au contraire l’occasion de la mise en commun de solutions
communes par plusieurs publiques concernées. Il s’agit de rechercher des solutions
publiques de type consensuel.
De plus, il ne s’agit pas de substituer une personne publique à une autre pour obtenir
des résultats pérennes. Les différents rapports produits en vue de tenter de résorber
l’occupation sans titre outre-mer, proposent pour la plupart d’entre eux, la dévolution de
certains secteurs de la zone des cinquante pas géométriques à telle ou telle personne
publique. Il serait plus judicieux, pour les personnes publiques outre-mer, de converger leurs
compétences, par le biais d’une gouvernance partagée de la problématique de régularisation
foncière, dans l’objectif de mettre en place des solutions communes et des décisions
conjointes, afin de résorber l’occupation sans titre outre-mer de manière pérenne. Cette
gouvernance procédurale partagée pourrait être prévue et organisée par le législateur.
Certains rapports préconisaient le transfert de certaines parties de la zone aux
communes, aux établissements publics de coopération intercommunales (EPCI), ou autres
structures locales. Le rapport BAIETTO-BEYSSON, de novembre 20131746, préconisait un
transfert gratuit de la zone aux collectivités locales outre-mer, compte tenu de la complexité
de la gestion de la zone, soumise à un régime dérogatoire du droit commun. Il conclut que
l’appartenance de la zone au domaine public maritime n’a pas contribué à la protection du
littoral. Pour les auteurs de ce rapport, il semblait peu probable que les agences d’Etat
puissent remplir leurs missions (aménagement et cessions-régularisations aux occupants)
dans les délais requis, en dépit des avancées constatées1747. Ces constats constituent un
élément déterminant dans le changement de gouvernance entériné par le législateur1748.
Il a été question, au regard de l’article 32 de la loi Grenelle II du 12 juillet 20101749, de
confier les missions des Agences des 50 pas géométriques à des établissements publics
fonciers d’Etat (EPFE). Toutefois, en présence d’établissements publics fonciers locaux
(EPLF) créés en Martinique et en Guadeloupe, la création de ces EPFE est devenue
superflue. Les EPFL étaient pressentis pour récupérer les missions des agences des 50 pas
géométriques, mais ces établissements publics fonciers ont depuis perdu leur compétence en

1746
BAIETTO-BEYSSON (Sabine), BONNAL (Philippe), COLIN (Jean) et ANGEL (Noémie), Rapport relatif
aux problématiques foncières et au rôle des différents opérateurs aux Antilles, rapport du Conseil général de
l’environnement et du développement durable, et de l’Inspection générale de l’administration, établi en
novembre 2013, consultable sur le site : http://www.interieur.gouv.fr/publications/rapports-de-l-iga.
1747
BAIETTO-BEYSSON (Sabine), BONNAL (Philippe), COLIN (Jean) et ANGEL (Noémie), op. cit.
1748
Idem.
1749
Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite « loi « Grenelle
II », NOR : DEVX0822225L (Légifrance).

497
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

matière d’aménagement. En conséquence, la création de Sociétés publiques locales (SPL), a


été envisagée pour une répartition des compétences des agendes entre les EPFL (pour la
partie mission de régularisation foncière) et la SPL (pour la partie aménagement), avec
parallèlement, un transfert de la zone des cinquante pas géométriques aux régions.
Toutefois, les EPFL ne sont pas représentatifs de la totalité des collectivités, d’où le
un intérêt mitigé pour cette option1750. En outre, ils ne peuvent pas établir de programmes
d’équipement en voirie et réseaux divers, concernant des terrains relevant des espaces
urbains et des secteurs occupés par une urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas
géométriques, mis gratuitement à la disposition des communes par l’État. L’article 5 alinéa
2 de la loi du 30 décembre 1996 est, en effet, excepté par l’article 32 de la loi du 12 juillet
2010. En définitive, l’option « EPF » n’était plus envisageable à la suite de l’abrogation du
« I » de l’article 32 de la loi Grenelle II, portant engagement national pour l’environnement,
par l’article 5 de l’ordonnance n° 2011-1068 du 08 septembre 2011, retirant tout fondement
juridique au choix exclusif de l’établissement public foncier pour la régularisation foncière
de l’occupation sans titre1751.
La piste de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) a été
évoquée, compte tenu du caractère incontournable de l’intercommunalité, ayant contribué à
l’expansion de ce type de structures. Les auteurs du rapport sur les problématiques foncières
et le rôle des différents opérateurs aux Antilles, ont eu une nette préférence pour le choix de
la structure de l’EPCI, comme récipiendaire du transfert direct et à titre gratuit du foncier
urbanisé de la zone des cinquante pas géométriques, l’ensemble des communes étant pris en
compte dans ce type de structures1752. Cette hypothèse ne concernait ni les zones naturelles
de la zone des cinquante pas géométriques, ni les espaces nécessaires à la protection du
littoral, compte tenu de la nécessaire protection de l’environnement et du patrimoine naturel.
L’EPCI est une forme moderne et dynamique de gestion des services publics et de
l’intérêt général, permettant de pousser au maximum la mutualisation des moyens des
collectivités. Il a généralement plus de moyens que les communes membres. Toutefois, bien
qu’il soit possible d’observer que les exécutifs locaux perdent du pouvoir au profit des EPCI,
la population en général a toujours le réflexe de s’adresser aux collectivités locales de droit

1750
BAIETTO-BEYSSON (Sabine), BONNAL (Philippe), COLIN (Jean) et ANGEL (Noémie), op. cit.
1751
Ordonnance relative aux établissements publics fonciers, aux établissements publics d’aménagement de
l’État et à l’Agence foncière et technique de la région parisienne.
1752
Cf. BAIETTO-BEYSSON (Sabine), BONNAL (Philippe), COLIN (Jean) et ANGEL (Noémie), Rapport
relatif aux problématiques foncières et au rôle des différents opérateurs aux Antilles, op. cit.
http://www.interieur.gouv.fr/publications/rapports-de-l-iga.

498
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

commun : communes, départements, régions, collectivités uniques. De plus, la régularisation


foncière exige des décisions et des résultats à courts termes en matière de maîtrise foncière,
de cessions, d’aménagements et de relogements. La question de la lourdeur de gestion des
EPCI peut être un frein. Dans une réponse ministérielle du 05 février 2015, le ministre de la
Décentralisation et de la fonction publique attire l’attention sur la nécessité de respecter les
formalités de transfert, notamment de publicité foncière, même si celles-ci rallongent les
délais du transfert1753.
Dans le rapport de Guy ROSIER1754. il avait été proposé de confier la gestion des
secteurs urbains et d’urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas géométriques à un
établissement public d’aménagement foncier (EPAF) à créer ou de procéder à leur transfert
gratuit dans le domaine public communal. L’objectif de Guy ROSIER était de proposer une
solution consistant à confier à un seul organisme, disposant de marges de manœuvres
administratives et financières, le traitement de l’ensemble des problèmes fonciers de la zone.
Il s’agissait aussi de libérer progressivement le foncier des zones urbaines et de lutter contre
la spéculation immobilière locale. Dans cette optique, la mise en place de cet EPAF serait
de courte durée et son action serait réalisée en coopération avec les communes concernées,
appelées à bénéficier du transfert gratuit de foncier relevant des espaces urbanisés ou
d’urbanisation diffuse. En effet, il préconisait la mise en place d’une procédure de transfert
à titre gratuit aux communes, après déclassement du domaine public de l’État, des parties
urbaines de la zone, dans le domaine public communal, dans le cadre d’un règlement de
cession-gestion entre l’Etat et les communes. En contrepartie les communes assureraient la
gestion directe des terrains et particulièrement le contrôle des occupations régulières ou
irrégulières, et auraient la charge de rétrocéder aux particuliers occupants qui en feraient la
demande, le terrain d’assiette des bâtiments en place. Ces transferts seraient assortis de
clauses dérogatoires, dont : l’interdiction de rétrocession par le nouveau propriétaire avant
expiration d’un délai de six ans, le respect des prescriptions imposées pour les installations
touristiques, artisanales et industrielles, la prise en charge par la commune de tout
contentieux ou litige formé à l’encontre de l’Etat à l’occasion de ces transferts à titre gratuit,

1753
Réponse du Ministère de la décentralisation et de la fonction publique publiée dans le JO Sénat du 05
février 2015, page 257. Réponse à la question écrite n° 11924 publiée dans le JO Sénat du 05 juin 2014, page
1288. Réponse rendue à propos des formalités de publicité dans le cadre des fusions de EPCI. Néanmoins dans
ce cadre, le coût de la fusion demeure exonéré du paiement de taxes ou de droits, en vertu des articles L 5211-
41-3 du CGCT précité et 1042 A du code général des impôts.
https://www.senat.fr/questions/base/2014/qSEQ140611924.html.
1754
ROSIER (Guy), L’enracinement créole, Chronique de l’extinction du régime colonial aux Antilles
françaises : la zone des cinquante pas géométriques, Éditions L’Harmattan (Paris), 2006, p. 59 et ss, 125 p.

499
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

et la prise en charge par la commune des contestations de superficie, frais, revendications de


propriété et dépenses de délimitation1755.
Toutes les propositions du rapport ROSIER avaient été faites dans le cadre d’une
mission1756 mise en place avant la loi de 1996, dans un but de protection de l’environnement
et de promotion du développement économique et social des communes outre-mer. D’autres
propositions avaient été faites par des rapports postérieurs1757, dont la teneur a été
partiellement exposée en amont. Avec la loi du 30 décembre 1996, le législateur a créé les
agences des 50 pas géométriques, établissements publics d’Etat, dont la disparition est
programmée par la loi ADOM, et dont l’examen et les travaux ont été examinés en amont.
Par ailleurs, s’agissant de la forêt domaniale du littoral (FDL), concentrant de plus en
plus d’occupations sans titre1758, la police de la conservation de ce domaine réparti entre
l’ONF et le CDL, mérite d’être mutualisée entre les deux instances.

2) Une coopération nécessaire avec les communes et intercommunalités

La loi ADOM du 14 octobre 2015 sus relatée, retient le niveau de gouvernance


foncière locale régionale. Entre la gouvernance communale privilégiant une collectivité plus
proche des populations, et la gouvernance régionale, dotée de plus de moyens financiers,
intervenant comme arbitre, le législateur a choisi le niveau régional.
Mais ce choix ne devrait pas empêcher une coopération avec les communes, qui sont
des collectivités territoriales de proximité. En vertu de leur clause de compétence générale,
reprise à l’article L2121-29 du CGCT, elles peuvent conduire les politiques publiques
qu’elles jugent conformes aux « affaires locales » ou à « l’intérêt public local »1759.

1755
ROSIER (Guy), L’enracinement créole, Chronique de l’extinction du régime colonial aux Antilles
françaises : la zone des cinquante pas géométriques, Éditions L’Harmattan (Paris), 2006, p. 60 et ss, 125 p.
1756
Cette mission, qui s’est rendue aux Antilles, était composée des représentants des ministères du Budget, de
l’Équipement, de l’Environnement et du Conservatoire du littoral. Elle était conduite par Monsieur ROSIER,
Conseiller maître à la Cour des Comptes.
1757
Cf. MOHAMED SOILIHI (Thani), rapporteur coordinateur, GUERRIAU (Joël), LARCHER (Serge),
PATIENT (Georges), rapporteurs, « Domaines public et privé de l’État outre-mer, 30 propositions pour mettre
fin à une gestion jalouse et stérile », rapport d’information du Sénat n° 538, enregistré à la Présidence du Sénat
le 18 juin 2015. Publié en ligne : http://www.senat.fr/rap/r14-538/r14-5381.pdf.
Et, BAIETTO-BEYSSON (Sabine), BONNAL (Philippe), COLIN (Jean) et ANGEL (Noémie), Rapport relatif
aux problématiques foncières et au rôle des différents opérateurs aux Antilles, op. cit.
1758
Environ 550 occupations illicites étaient répertoriées en 2013 dans la zone naturelle de la ZPG. Cf. :
LETCHIMY (Serge), Rapport n°1048 enregistré à l’Assemblée nationale le 19 septembre 2013, « visant à
prolonger la durée de vie des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante
pas géométriques et à faciliter la reconstitution des titres de propriété en Guadeloupe, en Guyane, en
Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Martin ».
1759
Depuis la loi NOTRe du 07 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, seules
les communes ont conservé cette capacité d’intervention générale, qui ne nécessite pas que leurs attributions
soient fixées par une loi.

500
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Les communes devraient pouvoir continuer à bénéficier du transfert de parties urbaines


et d’urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas géométriques, pour des opérations
précises, en vertu des différents dispositifs de cession déjà prévus en leur faveur, à condition
que ces mesures soient maintenues, soit à la charge de l’Etat, avant transfert, soit à la charge
des nouveaux propriétaires, après transfert.
Il s’agit notamment du dispositif de l’article L5111-5 du CG3P qui prévoit, en faveur
des communes de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de La Réunion, un
dispositif de cession à titre onéreux, pour des opérations d’aménagement. Cet article ne
s’étend pas à Mayotte, pour lequel un dispositif similaire est prévu à l’article L5114-3 du
CG3P, pour la collectivité départementale de Mayotte et les communes.
Il s’agit aussi de l’article L5112-4 du CG3P qui prévoit un dispositif de cessions
gratuites au profit des communes et des organismes d’habitats sociaux, de la Martinique et
de la Guadeloupe, pour des opérations d’aménagement ou d’habitat social. Un dispositif
approchant est prévu pour Mayotte, par l’article L5114-5 du CG3P1760.
Par ailleurs, il n’est pas interdit une forme de partenariat entre les collectivités
communales et régionales, et entre les collectivités de proximité et les propriétaires privés
dont la propriété est impactée par l’occupation sans titre.
L’objectif de la recherche n’est pas de promouvoir une évolution institutionnelle et
politique à travers le truchement de la régularisation foncière et de la protection des
occupants sans titre, mais de contribuer à la mise en place de solutions juridiques adaptées à
la régularisation foncière de l’occupation sans titre outre-mer, en reconnaissant son caractère
d’intérêt public, et en combinant les outils de la décentralisation, les outils contractuels, et
un encadrement législatif nécessaire, sur le fondement du respect de la dignité humaine.
Cette considération amène à la prise en considération incontournable d’une gestion
locale partagée de la problématique de régularisation foncière et, indirectement, de la
protection des occupants sans titre. Elle induit nécessairement une forme de concertation
pour la question de l’occupation sans titre, entre les communes sur les territoires desquelles
sont situés les terrains dévolus par l’Etat à la CTM et à la Région (zone des 50 pas) et lesdites
collectivités, bénéficiaires du transfert.
Cette concertation pourrait être contractualisée ou conventionnée, dans le cadre d’une
procéduralisation ou d’une juridicisation des procédures, pour la fixation d’objectifs

Suivi par l’article L5114-6 du CG3P, qui permet la réalisation d’opérations publiques ou de travaux de
1760

VRD, en vue de l’amélioration des quartiers dégradés à Mayotte.

501
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

communs de régularisation foncière1761. Cette solution devrait être transposable aux futures
relations entre les communes et les personnes publiques propriétaires des zones
régularisables de la zone des cinquante pas. La commune devrait avoir voix concertative
obligatoire dans toute opération de régularisation foncière menée sur son territoire, qu’elle
soit ou non propriétaire des terrains concernés ; concertation qui serait formalisée par écrit.
Les conventions de gestion conclues entre l’Etat et les communes pour la gestion de
certaines zones sont opposables aux nouveaux bénéficiaires du transfert de parties de la zone.
Elles mériteraient d’être améliorées par le processus de judiciarisation des procédures
susmentionné, qui fait une large place au compromis plutôt qu’à la substitution.
Par ailleurs, la carence d’une des parties, notamment pour raison d’arbitraire politique
ou autre, devrait pouvoir être sanctionnée, soit par la mise en œuvre d’opérations et travaux
aux frais et à la charge des personnes publiques concernées, soit par simple astreinte dont le
coût serait affecté au financement de la régularisation foncière, avec en dernier remède, le
recours au juge administratif dans le cadre d’un processus de judiciarisation encadré des
procédures.
Une régularisation foncière d’intérêt public ne se manifeste pas seulement, dans le
domaine public de l’Etat, par une nécessaire montée en puissance d’une gouvernance
foncière locale outre-mer ; laquelle induit elle-même un transfert de la responsabilité
juridique de la gestion de l’occupation sans titre outre-mer. Elle se manifeste également, par
un transfert de la police de l’occupation sans titre outre-mer, sans lequel ces réformes
seraient vides de sens (§2).

§ II. TRANSFERT DE LA RESPONSABILITÉ DE LA POLICE DE


L’OCCUPATION SANS TITRE OUTRE-MER

Conséquence induite par les caractéristiques résultant de l’article 27 de la loi ADOM,


la responsabilité de la police de l’occupation sans titre ne doit pas être escamotée. En effet,
l’article 27 sus dit énonce un transfert des espaces urbains et secteurs occupés par une
urbanisation diffuse de la zone, en pleine propriété et à titre gratuit, par arrêté du représentant
de l’Etat, dans le domaine public du conseil régional de la Guadeloupe1762 et dans le domaine

1761
Cf. CHEVALLIER (Jacques), « La gouvernance et le droit », Mélanges Paul Amselek, Bruyant, pp. 189-
207, 2005, op. cit.
1762
Article 27.III.1°) de la loi ADOM du 14 octobre 2015.

502
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

public de la collectivité territoriale de Martinique1763. En contrepartie, la collectivité


territoriale bénéficiaire est substituée à l’Etat dans l’ensemble des droits et obligations
afférents aux biens transférés. Elle est également substituée à l’Etat pour l’exercice des
compétences foncières associés à ces biens, et pour l’exercice de la faculté figurant à l’article
5, aliéna 8, de la loi de 1996.
Tout cela induit-il expressément que les collectivités territoriales bénéficiaires
disposeront des mêmes moyens d’actions financiers et procéduraux que l’Etat pour
empêcher et réprimer les nouvelles occupations sans titre des espaces urbains et des secteurs
occupés par urbanisation diffuse, après avoir régularisé les occupations sans titre existantes ?
De plus, les moyens humains, juridiques et financiers dont disposeront les collectivités
locales bénéficiaires après transfert, sont-ils suffisants pour répondre à l’objectif du
législateur de juguler l’occupation sans titre outre-mer, et notamment l’éventualité
d’occupations sans titre nouvelles ? Ou au contraire, les règles sus exposées, signifient-elles
que les collectivités territoriales bénéficiaires devront faire face à une responsabilité accrue,
alliée à un vide juridique, qui les repositionneront dans la mise en place de pratiques sui
generis sans base légale adaptée ?
La loi ADOM est peu explicite à ce sujet. Il convient donc d’étudier les effets possibles
de la loi ADOM sur le transfert des dispositifs de gestion de l’occupation sans titre aux
collectivités territoriales bénéficiaires (A). Il faudra aussi examiner l’introduction possible
d’un processus de judiciarisation pérenne des procédures de régularisation foncière (B).

A. TRANSFERT DES DISPOSITIFS DE GESTION DE


L’OCCUPATION SANS TITRE DU DOMAINE PUBLIC AUX
COLLECTIVITÉS TERRITORIALES BÉNÉFICIAIRES ?

Le transfert de gouvernance foncière prévu par la loi ADOM au profit des collectivités
territoriales bénéficiaires ne précise ni les modalités, ni les moyens qui seront mis en place
pour le rendre effectif. L’ampleur des conséquences prévisibles, si aucune mesure n’est
prise, a alerté les directeurs des agences des 50 pas de la Martinique1764 et de Guadeloupe1765.
Ceux-ci appréhendent une gestion inefficiente des secteurs transférés par les nouveaux

1763
Article 27.III.2°) de la loi ADOM du 14 octobre 2015.
1764
Entretien accordé par Hervé EMONIDES, directeur de l’Agence des 50 pas de la Martinique, le 28
décembre 2018.
1765
Contribution écrite de Myriam ROCH-BERGOPSOM, Directrice de l’Agence des 50 pas géométriques de
Guadeloupe, du 08 août 2019.

503
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

bénéficiaires. Monsieur EMONIDES appréhende notamment que ladite gestion ne relève


d’emblée des règles du CGCT au lieu de relever des règles éprouvées du CG3P applicables
à une gestion par l’Etat1766.
Cet avis mérite d’être partagé car toutes les compétences transférées par l’Etat doivent
s’accompagner parallèlement du transfert des ressources consacrées par l’Etat à l’exercice
desdites compétences. Cette règle a été érigée en principe constitutionnel, dans le cadre de
l’article 72-2 de la Constitution, ci-après littéralement cité : « Tout transfert de compétences
entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources
équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de
compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités
territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi »1767.
Mais, l’autonomie de gestion n’est pas contraire à la mise à disposition de ressources
législatives et procédurales. Certes, l’article 72-2 ci-dessus visé fait prioritairement référence
à l’autonomie financière des collectivités. Les ressources concernées sont financières, mais
ne doivent pas se limiter à cet aspect. En effet, la notion de ressources doit s’étendre aux
ressources procédurales et aux dispositifs législatifs existants, permettant la mise en œuvre
efficiente de la compétence transférée. Le transfert de gouvernance foncière locale, sur les
secteurs concernés de la zone des cinquante pas géométriques, doit s’accompagner
nécessairement du transfert de tous les dispositifs financiers, procéduraux, législatifs ou
autres, nécessaires à sa mise en œuvre efficiente. Car, l’occupation sans titre existante doit
être résorbée, et les occupations sans titre nouvelles doivent être anticipées, pour parvenir à
juguler l’illégalité foncière outre-mer. Cette illégalité foncière favorise elle-même des
situations de sous-équipement des secteurs concernés outre-mer1768.
En outre, au regard du cadre juridique applicable, contrairement aux biens du domaine
privé, les biens du domaine public ne s’acquièrent pas par des procédés à titre onéreux ou
gratuit. Ils relèvent du domaine public en raison de leur situation naturelle qui les conduit à
être affectés à l’usage direct du public ou en raison de leur affectation à un service public et,
dans ce cas, font l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions du

1766
Entretien avec Hervé EMONIDES, directeur de l’Agence des 50 pas de Martinique, du 28 décembre 2018.
1767
Article 72-2 de la Constitution, issu de la réforme institutionnelle de mars 2003.
1768
Cas des quartiers Volga Plage et Texaco, à Fort-de-France. Il convient de rappeler que ces quartiers
possèdent une partie de leur territoire située dans la zone des cinquante pas géométriques, et une autre partie
située sur dans le domaine privé communal ; voire même, pour Volga Plage, une partie qui appartenait à la
SIMAR.

504
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
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service1769. C’est la raison pour laquelle l’article L2111-3 du CG3P dispose que tout acte de
classement ou d’incorporation d’un bien dans le domaine public ne fait que constater
l’appartenance de ce bien au dit domaine1770. Le domaine public est donc un domaine
résiduel1771, dont fait partie « la zone bordant le littoral, définie à l’article L5111-1 du CG3P
dans les départements de Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion »1772.
Tirant les conséquences de ce qui est dit ci-dessus, la gestion des secteurs urbains et
d’urbanisation de la zone des cinquante pas géométriques, en cours de transfert par l’Etat à
la région de Guadeloupe et à la collectivité unique de Martinique relèvera-t-elle du CGCT
ou du CG3P ?1773 De plus, lesdits secteurs, pourront-ils bénéficier des mêmes règles de
protection et de gestion que ceux dont bénéficient l’Etat pour leur gestion ?
La règle selon laquelle les biens du domaine public sont inaliénables et
imprescriptibles, quelle que soit la personne publique en cause, en vertu de l’article L3111-
1 du CG3P, et insaisissables en vertu de l’article L2311-1 du CG3P, constitue une première
forme de protection essentielle dont bénéficie le domaine public des personnes publiques.
Elle participe à la police administrative des secteurs de la zone des cinquante pas
géométriques, dont le transfert est prévu par l’Etat dans le domaine public de la région de
Guadeloupe et de la collectivité territoriale de Martinique. Par ailleurs, l’article L3112-2 du
CG3P dispose que les biens des personnes publiques qui dépendent de leur domaine public
peuvent être cédées à l’amiable entre elles, sans déclassement préalable, lorsqu’ils sont
destinés à l’exercice des compétences de la personne publique acquéreuse et sont destinés à

1769
Article L2111-1 du CG3P. Sauf pour les biens indissociables, qui en constituant les accessoires.
1770
La personne publique ne peut pas « créer » du domaine public. C’est un fait qui est constaté. Sauf s’agissant
des biens dépendant du domaine public par détermination de la loi.
1771
Il comprend notamment le domaine public naturel maritime (DPM) et fluvial (DPF). Il comprend aussi le
domaine public routier (DPR), ferroviaire, aéronautique, et hertzien (Articles L2111-14 à L2111-17 du CG3P).
Le domaine public maritime artificiel est défini à l’article L2111-6 du CG3P et comprend les ouvrages ou
installations des personnes publiques destinés à assurer la sécurité et la navigation maritime, ainsi que les biens
immobiliers appartenant à des personnes publiques concourant au fonctionnement d’ensemble des ports
maritimes, y compris le sol et le sous-sol des plans d’eau individualisables. Le domaine public fluvial artificiel
est défini par les articles L2111-7 du CG3P (canaux et plans, ouvrages ou installations, biens immobiliers, etc.,
appartenant à une personne publique et concourant au fonctionnement du domaine public fluvial). Le domaine
public naturel fluvial (DPF) comprend, les cours d’eau et lacs appartenant à l’Etat, à ses établissements publics,
aux collectivités territoriales ou à leurs groupements, et classés dans le DPF. Il s’agit des cours d’eau et lacs
domaniaux.
1772
Selon l’article L2111-4 du CG3P, font également partie du domaine public naturel : le sol et le sous-sol de
la mer, le sol et le sous-sol des étangs salés, les lais et relais de la mer qui faisaient partie du domaine privé de
l’Etat à la date du 1er décembre 1963 ou constitués depuis le 1er décembre 1963. Pour la Guadeloupe, la Guyane,
la Martinique et La Réunion, c’est la date du 3 janvier 1986 qui est prise en compte (« loi littoral »). Font
encore partie du domaine public naturel, les terrains réservés à la satisfaction de besoins d’intérêt public d’ordre
maritime, balnéaire ou touristiques et qui ont été acquis par l’Etat. Les terrains soustraits artificiellement à
l’action du flot demeurent dans le domaine public, sauf dispositions contraires résultant d’actes de concession
translatifs de propriété.
1773
Entretien avec Hervé EMONIDES, directeur de l’Agence des 50 pas de la Martinique, 28 décembre 2018.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
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relever de leur domaine public. L’article 27 de la loi ADOM semble s’être positionné dans
ce cadre, puisque les secteurs concernés de la zone des cinquante pas géométriques
intégreront le domaine public des collectivités publiques bénéficiaires. Ce texte suppose que
le travail des agences soit largement avancé.
D’autres mesures de protection essentielles participent à la police administrative et
devront être strictement appliquées par les collectivités bénéficiaires du transfert dans le
cadre de la loi ADOM. Il s’agit notamment de la règle selon laquelle nul ne peut, sans
disposer d’un titre l’y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d’une personne
publique, ou l’utiliser dans des limites dépassant le droit d’usage appartenant à tous1774.
Par ailleurs, il convient de rappeler que les articles L3111-2 à L3111-4 du CG3P
permettent aux collectivités territoriales, à leurs groupements et à leurs établissements
publics de conclure sur leur domaine public des baux emphytéotiques administratifs en vue
de la réalisation d’une opération d’intérêt général relevant de leur compétence 1775.
Parallèlement, les articles L3111-5 à L3115-8 du CG3P leur permettent de délivrer, sur leur
domaine public artificiel, des autorisations d’occupation constitutives de droits réels dans
certaines conditions, pour la réalisation d’opérations d’intérêt général relevant de leur
compétence. En outre, des promesses de vente peuvent être signées sur un bien relevant du
domaine public dans les conditions prévues aux articles L3112-4 et suivants du CG3P.
Toutes ces dispositions participent à la prévention de l’occupation sans titre outre-mer.
En outre, il faut se référer aux articles L2132-2 et suivants du CG3P s’agissant du socle
de la protection du domaine public maritime. Les atteintes à l’intégrité ou à l’utilisation du
domaine public1776, ou à une servitude administrative, constituent des contraventions de
grande voirie, relevant de la police de la conservation du domaine public. Ces contraventions
sont établies en vue de la répression des manquements aux textes ayant pour objet la
protection de l’intégrité ou de l’utilisation du domaine public, ou d’une servitude
administrative, tel que sus dit. En vertu de l’article L2132-3 du CG3P, la construction sur le
domaine public maritime, l’aménagement ou la réalisation d’ouvrage sur ledit domaine,
encourt comme sanctions : la démolition de l’ouvrage, la confiscation des matériaux et une
amende. L’article L2132-4 du CG3P continue en prévoyant la saisie des matériaux de
construction en vue de leur destruction, sur autorisation administrative et après établissement

1774
Dans le cas contraire, l’infraction est constituée, quelle que soit la personne en cause, sauf autorisations
d’occupation précaires et révocables délivrées moyennant le paiement de redevances et soumises à mesures de
sélection et de publicité préalables en cas d’exploitation économique. Cf. articles L2122.1 et s. CG3P.
1775
Ou de l’affectation à une association cultuelle d’un édifice du culte ouvert au public.
1776
Autre que le domaine public routier.

506
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

d’un procès-verbal d’état des lieux, lorsque des installations et constructions non autorisées
sont en cours de réalisation sur la zone des cinquante pas géométriques. Les atteintes aux
servitudes établies au profit du domaine public maritime sont des contraventions de grande
voirie réprimées par voie administrative1777. Les sanctions sont, la démolition des
constructions à la diligence et aux frais des contrevenants, et l’amende.
Or, sachant que le domaine public maritime appartient à l’Etat, le transfert des secteurs
urbains et occupés par une urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas géométriques à
la région de Guadeloupe et à la collectivité unique de Martinique, suscite la question du
maintien des mesures de protection, de police de conservation sus dites, sous peine
d’inefficience des objectifs de la loi ADOM. La formulation employée par la loi ADOM
n’en présume pas. Or, toutes les dispositions protectrices sus énoncées, devraient demeurer
applicables aux secteurs visés de la zone des cinquante pas géométriques, dans le cadre de
leur transfert aux personnes publiques locales concernées.
Une alternative pourrait être trouvée dans le déclassement préalable desdits secteurs
avant transfert, afin d’éviter la question du statut de leur protection en tant que bien
dépendant du domaine public de la collectivité territoriale (et non plus du DPM de l’Etat)1778.
Le bien ne fait plus partie du domaine public à compter de l’intervention de l’acte de
déclassement, sauf dérogations prévues par l’ordonnance du 19 avril 2017 pour le domaine
public artificiel1779.
Dès lors que le bien dépend du domaine privé de la collectivité territoriale, sa gestion,
son utilisation, sa protection et sa cession (actes de disposition) relèvent du régime juridique
applicable aux biens du domaine privé, et des dispositions spécifiques prévues en cas par le
CG3P et le CGCT.
Par ailleurs, sachant que le domaine public maritime appartient à l’Etat et que des
dispositions particulières sont prévues pour la zone des cinquante pas géométriques au Livre

1777
Les infractions sont constatées par des officiers et agents de police judiciaire, par des fonctionnaires
assermentés et par des officiers de la marine nationale, conformément à la loi n° 87-954 du 27 novembre 1987
relative à la visibilité des amers, des feux et des phares et au champ de vue des centres de surveillance de la
navigation maritime.
1778
Il convient de rappeler que le déclassement des biens d’une personne publique, en ce compris les
collectivités territoriales, qui ne sont plus affectés à un service public ou à l’usage direct du public, se fait par
le biais d’un acte administratif constatant son déclassement.
1779
Article 9 de l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017, relative à la propriété des personnes publiques et
la récente réforme de la commande publique vont dans le sens d’une meilleure réglementation domaniale, par
la mise en place de procédures de sélection de candidats et par la possibilité de conclusion de promesses de
vente sous condition suspensive de déclassement, ou par la possibilité de déclassement anticipé avec report de
la désaffectation. La régularisation foncière de l’occupation sans titre outre-mer, bénéficie par ricochet de ces
réformes.

507
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Ier de la Cinquième partie du CG3P relatif aux dispositions spécifiques aux départements
d’outre-mer, et aux articles L5111-1 et suivants du CG3P, la question se pose de leur
extension au profit des collectivités territoriales, bénéficiaires du transfert des secteurs
urbains et occupés par une urbanisation diffuse de ladite zone.
Il s’agit plus particulièrement du transfert des dispositions particulières prévues aux
articles L5111-5, L5112-4, L5112-4-1, L5112-5, L5112-6, L5112-6-1, du CG3P, au profit
des collectivités territoriales bénéficiaires du transfert prévu par l’article 27 de la loi ADOM.
Ces dispositions, issues d’une lente maturation politique et juridique, permettent la
régularisation foncière de l’occupation sans titre des secteurs concernés, ainsi qu’il a été
exposé en amont, en première partie de la présente étude1780.
Par ailleurs, l’article L5112-6-1 du CG3P prévoit une participation financière des
acquéreurs susdits aux équipements publics programmés dans les secteurs concernés, dont
le produit est versé aux agences des 50 pas de la Guadeloupe et de la Martinique, sauf pour
les bénéficiaires de l’aide exceptionnelle prévue à l’article 3 de la loi du 30 décembre
19961781. Les produits de cette participation financière seront vraisemblablement transférés
aux collectivités territoriales bénéficiaires du transfert (région de Guadeloupe et CTM), mais
cette disposition n’est pas clairement précisée à l’article 27-V de la loi ADOM . Car, rien
n’est dit dans la loi ADOM à propos de la transposition des dispositions du Livre Ier de la
cinquième partie du CG3P relatives à l’outre-mer, lors de la remise en gestion des secteurs
concernés aux collectivités territoriales concernées.
Pour la Directrice de l’Agence des 50 pas de Guadeloupe, Myriam ROCH-
BERGOPSOM, la loi est claire sur le fait que le transfert se fait sans transfert de moyens 1782.
Pour le directeur de l’Agence des 50 pas géométriques de Martinique, Hervé EMONIDES,

1780
Ainsi, l’article L5111-5 du CG3P permet à une commune d’obtenir après déclassement la cession à titre
onéreux à son profit, de terrains de la zone des cinquante pas géométriques, classés en zone urbaine par le POS
ou le PLU pour la réalisation d’opérations d’aménagement. L’article L5112-4 du CG3P permet la cession
gratuite au profit des communes et des organismes ayant pour objet la réalisation d’opérations d’habitat social,
en vue de la réalisation d’opérations d’aménagement à des fins d’utilité publique ou d’opérations d’habitat
social, ou d’activités relevant de l’article L365-1 du code de la construction et de l’habitation. L’article L5112-
4-1 du CG3P permet la cession à titre onéreux à des personnes physiques ou morales dès lors que les acquéreurs
potentiels de l’article L5112-4 du CG3P n’ont pas demandé la cession. L’article L5112-5 du CG3P permet la
cession de terrains situés dans les espaces urbains et secteurs occupés par une urbanisation diffuse, à titre
onéreux, aux occupants (ou à leurs ayants droit), qui ont édifié ou fait édifier avant le 1 er janvier 1995, des
constructions affectées à l’exploitation d’établissements à usage professionnel. L’article L5112-6, prévoit dans
les mêmes secteurs, la cession de terrains, à titre onéreux, aux occupants (ou à leurs ayants droit), qui ont édifié
ou fait édifier avant le 1er janvier 1995, des constructions affectées à usage d’habitation.
1781
Dont le dispositif est largement commenté en amont.
1782
Contribution écrite de Myriam ROCH-BERGOPSOM, Directrice de l’Agence des 50 pas géométriques de
Guadeloupe, du 08 août 2019.

508
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

il conviendrait de prendre des mesures législatives pour que ces textes soient transposables
lors du transfert de gestion1783. À défaut, le risque est de voir les zones transférées relever du
droit commun prévu pour le domaine des collectivités territoriales dans le CGCT et le
CG3P ; lesquelles règles ne font pas appel aux dispositifs particuliers prévus au Livre Ier de
la cinquième partie du CG3P, plus adaptés1784. Le directeur de l’agence des 50 pas
géométriques de la Martinique mentionne un chiffre d’environ six cents (600) occupations
nouvelles depuis la loi n°96-1241 du 30 décembre 19961785 et une moyenne annuelle de cent
(100) nouvelles occupations illicites, tolérées. Il préconise la mise en place d’une véritable
police de la protection du domaine public en cause1786.
Par ailleurs, rien n’est précisé par la loi ADOM à propos du transfert du dispositif
d’aide exceptionnelle prévu par l’article 3 de la loi du 30 décembre 1996, aux cessions qui
seraient consenties par les collectivités territoriales bénéficiaires du transfert. Il est
souhaitable que des dispositifs réglementaires complémentaires viennent préciser ce point.
Les questions soulevées en amont doivent faire l’objet de propositions claires dans le
cadre du document stratégique d’aménagement et de mise en valeur prévu par l’article 27-
IV de la loi ADOM, et dans le cadre du rapport prévu à l’article 27-V de ladite loi. Ces
propositions devront être validées dans le cadre du décret en Conseil d’Etat à intervenir,
précisant les conditions de dissolution des agences et prononçant, le cas échéant, le transfert
de leurs biens droits et obligations, après concertation entre l’Etat, les agences et les
bénéficiaires, en vertu de l’article 27-I-2° de la loi ADOM. Le tout, à moins que toutes les
occupations sans titre actuelles soient régularisées avant transfert ; ce qui semble illusoire1787.
Il convient de noter que les transferts prévus par la loi ADOM ne concernent que les
collectivités territoriales au sein desquelles une agence des 50 pas géométriques a été créée
(Guadeloupe et Martinique). Rien n’est prévu par exemple pour Mayotte, où il existe une
zone des cinquante pas géométriques, et dont la régularisation foncière de l’occupation est
en cours par l’Etat. Un ajustement devrait pouvoir intervenir à cet égard. Par ailleurs, La
Réunion n’a plus de problématique foncière cruciale liée à la gestion de sa zone des
cinquante pas géométriques eu égard aux cessions déjà intervenues. Mais en Guyane, la

1783
Entretien avec Hervé EMONIDES, directeur de l’Agence des 50 pas Martinique, du 28 décembre 2018.
1784
Idem.
1785
Par différenciation entre la BD-Topo de 2000 et le Cadastre ou la BD-Topo de 2016.
1786
Les agents assermentés de la DEAL sont en mesure de constater ces occupations illicites. Le directeur de
l’agence des 50 pas mentionne une non-finalisation des procédures de libération des lieux, en dépit des procès-
verbaux dressés par lesdits agents. Ceci laisse place à un certain sentiment d’impunité.
1787
Eu égard aux chiffres communiqués par les directeurs des agences des 50 pas géométriques.

509
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

situation d’occupation du domaine privé notamment forestier, interpelle.


À la suite des développements qui précèdent, la question de l’introduction d’un
processus de judiciarisation pérenne, se pose, car elle pourrait contribuer à la police de
l’occupation sans titre outre-mer (B).

B. INTRODUCTION D’UN PROCESSUS DE JUDICIARISATION


ET DE MÉDIATION PÉRENNES ?

L’introduction d’un processus de judiciarisation pour optimiser la résorption de


l’occupation sans titre outre-mer semble incontournable, dans le respect de la protection des
droits des propriétaires lésés et des occupants eux-mêmes. Il est nécessaire de redonner à
l’impartialité des décisions juridictionnelles toute sa place dans la mise en œuvre des
opérations de régularisation foncière, dans le domaine public comme dans le domaine privé.
En effet, il résulte des dispositifs analysés en première partie, que des titres de
propriété anciens restent invalidés à ce jour, pour cause de forclusion. Dans ces cas, c’est
l’expiration d’un délai fixé par voie réglementaire qui provoque la perte définitive du droit
de propriété, contrairement à ce qui est prévu par le législateur pour le droit de propriété en
général. Une telle procédure a abouti, non pas à valider, mais à invalider le droit de propriété
de tiers, par la simple expiration d’une période de forclusion, alors qu’à La Réunion, la
validation des titres dans la zone des cinquante pas géométriques a été automatique.
À cet égard, deux principaux reproches ont été adressés par la doctrine et par les élus
locaux, quant aux modalités de fonctionnement de la commission de vérification des titres
instituée en 1955. D’une part, la brièveté des délais de saisine de la commission a été relevée
et, d’autre part, l’obligation de soumettre la totalité des titres à une vérification. Ces deux
caractéristiques en ont fait une instance contestée1788. Mais la jurisprudence avait entériné
cette procédure, notamment par l’arrêt « PAJANIANDY » analysé en amont1789.
Il convient de rappeler que la commission de 1996 a pratiqué une jurisprudence moins
restrictive de vérification des titres, étant habilitée à examiner tous les titres, sans distinction
de forme juridique spécifique. Pour être recevables, les titres examinés par cette seconde
commission devaient être antérieurs à l’entrée en vigueur du décret du 30 juin 1955 et ne

1788
ROSIER (Guy), L’enracinement créole, Chronique de l’extinction du régime colonial aux Antilles
françaises : la zone des cinquante pas géométriques, Éditions L’Harmattan (Paris), 2006, p. 23 et s., 125 p.
1789
CE, 13 juin 1975, PAJANIANDY, Leb. 350 ; D. 1977, I, 74, note BIDERGARAY. Le Conseil d’État a
affirmé le caractère juridictionnel de la Commission de vérification des titres de 1955, dans l’arrêt « Sieur
Pajaniandy », du 13 juin 1975, op. cit.

510
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

pas avoir déjà été examinés par l’ancienne commission. Mais les cessions consenties par
l’État lui-même depuis 1955, lui étaient forcément opposables. Mais, compte tenu du délai
de forclusion de deux ans qui a couru du 13 janvier 1999 au 13 janvier 20011790, de nombreux
titres restent encore non vérifiés.
En conséquence, la question de la pérennisation ou de la mise en place d’un processus
de vérification de droit commun, des titres anciens, est souhaitable. Ce processus peut
consister en la mise en place d’un processus de judiciarisation, qui aurait pour avantage de
mettre fin à la caducité automatique des titres anciens des occupants déclarés forclos, sans
que leur titre de propriété ait été préalablement examiné, et de faciliter, par le même biais,
la régularisation foncière1791. L’instauration d’un processus de judiciarisation de droit
commun contribuant au contrôle juridique des titres de propriété anciens, en dépit de la
forclusion intervenue, et généralement pour tout conflit relatif à l’occupation sans titre,
mérite d’être étudiée. Ce processus de judiciarisation de droit commun, serait de nature à
réintroduire un équilibre entre les occupants dont les titres ont été validés et ceux ayant été
déclarés forclos pour la même catégorie de titres.
Par ailleurs, pour les titres non validés par la commission mais reçus par un notaire, se
pose la question de l’indemnisation des requérants déboutés. La présence d’un officier
public, tenu d’un devoir de conseil et investi d’un pouvoir d’authentification, devrait
constituer une sécurité supplémentaire pour le requérant. Or, cela n’a pas été considéré sous
cet angle par la commission instituée. À défaut de reconnaissance d’un tel titre de propriété
authentique ou à défaut d’une compensation par la possibilité pour le requérant d’obtenir la
rétrocession du terrain concerné, avec une décote sur le prix de vente, une indemnisation des

1790
Pour pallier les insuffisances de la première Commission (délai de forclusion d’un an et pas de publicité).
1791
Il est possible de citer le cas de Madame X, propriétaire d’un bien situé dans une zone limitrophe de celle
objet de la régularisation foncière menée à Volga Place, qui découvre, à l’occasion de la vente de sa propriété
et sur la diligence de l’agent immobilier chargé de la vente, que ses grands-parents avaient acquis en bonne et
due forme un terrain de 100 mètres carrés des mains d’un lotisseur, aux environs de l’année 1960, avant la
délimitation de la zone des cinquante pas géométriques. Son titre avait été publié au Bureau des hypothèques.
Souhaitant vendre, elle découvre qu’elle se retrouve en partie sur la propriété privée du vendeur initial et en
partie sur la zone des cinquante pas géométriques, eu égard au tracé figurant sur le plan cadastral (le Cadastre
a été institué en Martinique aux environs de l’année 1972). Madame X, se retrouve alors, pour partie de sa
propriété, occupant sans titre de la zone des 50 pas géométriques faisant partie du domaine public maritime et
doit solliciter la cession auprès de l’Etat à son profit. Fort heureusement, la commune de Fort-de-France s’était
rendue propriétaire d’une partie de la zone des 50 pas géométriques en 1987. La requérante a donc pris l’attache
du Maire pour régularisation de sa situation foncière, par acquisition. Elle sera vraisemblablement obligée de
repayer le prix de cession déjà acquitté par ses grands-parents. Il convient de préciser que depuis l’acquisition
originelle par ces derniers, les formalités de publicité foncière ont systématiquement été effectuées. Ceci est
un exemple de la bonne foi d’une personne qui se retrouve occupant sans titre sans l’avoir voulu, d’où la
nécessité de mettre en place une procédure pérenne de vérification des titres de propriété anciens par les
tribunaux.

511
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

requérants concernés pourrait être mise partiellement à la charge de la Caisse de garantie des
notaires et partiellement à la charge de l’Etat.
La judiciarisation ou juridictionnalisation est la propension à recourir au juge pour la
résolution de litiges ou le contrôle de situations qui pourraient être réglées sans son
intervention1792. Le recours aux tribunaux est alors privilégié pour trancher des litiges qui
pourraient l’être par accord amiable ou médiation. Il ne s’agit pas d’éviter la médiation ni
l’accord amiable, dont les avantages sont mis en avant, mais de favoriser l’impartialité des
procédures de reconnaissance des titres, lorsque cela s’avère nécessaire, au besoin par le
recours au juge, défenseur des libertés individuelles. Certes, le recours au juge est utilisé par
certains occupants sans titre cherchant à faire reconnaître leur longue durée de possession
au travers de la prescription acquisitive1793. Mais ce recours au juge n’est pas expressément
envisagé dans une procédure de régularisation foncière qui doit demeurer impartiale.
Pour le sociologue Laurent MUCCHIELLI, la judiciarisation consiste à recourir à la
justice pour résoudre les litiges, mais demeure d’une efficience contestable dans le cadre de
relations interpersonnelles1794. Mais s’il est indéniable qu’une judiciarisation à outrance peut
conduire à une perte de compétence transactionnelle, dans le cadre de la régularisation
foncière intervenant entre personnes publiques et personnes physiques ou morales de droit
privé, elle peut être un facteur de paix sociale et d’impartialité procédurale.
En définitive, à la Guadeloupe et à la Martinique, des titres de propriété ont été
invalidés par forclusion, sans même que leur teneur juridique ait été examinée, aboutissant
ainsi à déposséder de nombreux individus de leurs droits réels, par le simple jeu d’une
condition de délai, durcissant les modalités d’acquisition du droit de propriété. Sur la légalité
douteuse de cette condition de délai, des observations ont été émises dans les
développements qui précèdent. Cette situation participe aux raisons pour laquelle la mise en
place d’un système pérenne de vérification et de contrôle des titres de propriété par un juge
est compréhensible, voire incontournable. Ce juge pourrait être le juge des référés en cas
d’urgence, et le juge judiciaire s’agissant de la protection des libertés individuelles. De plus,
les personnes publiques comme privées, ont de plus en plus recours au juge dans les

1792
GUINCHARD (Serge) et DEBARD (Thierry), sous la direction de, Lexique des termes juridiques, 2017-
2018, Éditions Dalloz, Paris, 2017, p. 642.
1793
CA Fort-de-France, ch. civ., 25 avr. 2017, n° 15/00735. En ligne : https://www.doctrine.fr/d/CA/Fort-de-
France/2017/CF1730F37408CE4390466.
1794
MUCCHIELLI (Laurent), « Une société plus violente ? Une analyse socio-historique des violences
interpersonnelles en France, des années 1970 à nos jours », Déviance et sociétés, 2008/2 (Vol. 32), p. 115 à
147. Consulté en ligne le 16 juin 2018, DOI : 10.3917/ds.322.0115. URL : https://www.cairn.info/revue-
deviance-et-societe-2008-2-page-115.htm.

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domaines de la vie économique, sociale et politique1795, contribuant à la mise en œuvre d’un


mouvement de « judiciarisation » caractérisé.
La judiciarisation est aussi perçue comme une intervention croissante des juges dans
le contrôle de la régularité des actes de certaines autorités (élus, administrateurs, chefs
d’entreprise, etc.)1796. Les exemples de cette judiciarisation progressive ne manquent pas.
Ainsi en est-il de la place donnée au Conseil constitutionnel dans le processus législatif, avec
l’instauration de la « Question Prioritaire de Constitutionnalité » (QPC) par la loi
constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve
République1797. Cette loi a introduit dans la Constitution de 1958, un article numéro 61-1,
permettant une procédure de contrôle de constitutionnalité à posteriori, sur des lois déjà
promulguées1798. Cette pratique a permis d’anticiper des causes de nullité et des recours, ou
inversement de conforter en amont des dispositions législatives.
Une judiciarisation des procédures de régularisation foncière participerait tant à une
forme de démocratie foncière, qu’à l’amélioration des procédures. La nécessité de prévenir
l’occupation sans titre et parallèlement d'accroître la protection des occupants sans titre et
des propriétaires, requiert des solutions, financements et moyens adaptés, dont la
judiciarisation peut faire partie.
En dépit de ces réflexions, il convient d’observer qu’une partie de la population locale
outre-mer accepte de vivre dans l’illégalité foncière, malgré les inconvénients qui en
découlent. Bon nombre d’entre eux se comportent d’ailleurs en propriétaires de parcelles
appartenant à autrui (État, collectivités territoriales, particuliers). Il ne s’agit pas seulement
de problématiques de logements ou autres. Cette situation conduit à se pose la question de
la réparation des séquelles de la colonisation, qui réapparaît en filigrane dans les procédures
de régularisation foncière. Mais la présente thèse n’est pas le lieu de ce débat1799. L’origine

1795
Mission de recherches « Droit et justice », Les enjeux de la déjudiciarisation, Appel à projets, consultable
sur le site www.gip-recherche-justice.fr/events/les-enjeux-de-la-dejudiciarisation/.
1796
Définitions proposées sur le site internet larousse.fr.
1797
Loi constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République,
consultable sur le site legifrance.gouv.fr, les autres textes législatifs et réglementaires, version au 3 juillet 2015.
1798
Article 61-1 de la Constitution de 1958, inséré par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, dont les
modalités de mise en œuvre sont précisées dans l’ordonnance n° 58-1067 du 07 novembre 1958 portant Loi
organique sur le Conseil constitutionnel, modifié par la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009.
Laquelle loi a fait l’objet de réserves de la part du Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2009-595 DC du
03 décembre 2009. Cet article 61-1 de la Constitution de 1958 énonce désormais que : « Lorsque, à l’occasion
d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux
droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil Constitutionnel peut être saisi de cette question sur
renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de Cassation, qui se prononce dans un délai déterminé ». « Une loi
organique détermine les conditions d’application du présent article ».
1799
L’association « COSE » cherche à obtenir réparation, notamment par une redistribution des terres.

513
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
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de l’occupation sans titre dans les collectivités territoriales outre-mer, dont un état a été
effectué en première partie de thèse, démontre qu’il doit en être tenu compte pour mettre en
œuvre des réponses durables et efficaces à cette problématique foncière. Pour contribuer à
cela, une obligation légale de mise en œuvre de solutions anticipatives de l’occupation sans
titre, devrait être mise à la charge des collectivités locales1800, de la même manière qu’il existe
pour les collectivités locales l’obligation de contribuer à la production de logements
sociaux1801.
Inversement, une déjudiciarisation des procédures peut être efficace. En effet la
déjudiciarisation de certaines procédures est perçue par certains auteurs, comme pouvant
être une solution d’anticipation des conflits1802. Dans le cadre de la régularisation foncière,
cette solution de déjudiciarisation est mise en œuvre à travers la médiation et les conventions
amiables, notamment. En effet, en tenant compte de l’état de débordement du service public
de la Justice, de la nécessité de réduire les dépenses publiques, et de la longueur des
procédures qui peuvent durer de nombreuses années, émerge l’idée, en France et en Europe,
de favoriser inversement les processus de déjudiciarisation, pouvant aboutir à un recentrage
du juge sur ses missions de justice1803. Les outils de la déjudiciarisation sont assez divers et
englobent des modes alternatifs de règlement des litiges. La médiation en fait partie et est
utilisée par certaines communes pour faciliter les procédures de régularisation foncière de
l’occupation sans tire de leur propriété privée1804.
La déjudiciarisation est source de gain de temps et d’argent, et constitue un moyen
incontournable de modernisation de la justice. Certains parlent d’alignement de la procédure
française sur celle de pays voisins1805.
Dans le cadre de la régularisation foncière, il convient d’opérer une juste utilisation
des deux processus : judiciarisation et déjudiciarisation. En conséquence, la judiciarisation
des procédures de régularisation foncière serait circonscrite aux cas où se trouve en jeu le

1800
L’attitude clientéliste de certaines collectivité a favorisé le développement de l’occupation sans titre.
1801
Cette obligation devrait pouvoir être sanctionnée par la loi et par la jurisprudence.
1802
Pour Laurent MUCCHIELLI, la judiciarisation, consistant à recourir à la justice pour résoudre les conflits,
litiges et différends, lorsqu’elle est utilisée à outrance, peut avoir un effet pervers et réduire les capacités de
régulation « des conflits inter-individuels dans les micro-communautés sociales ». Cf. : MUCCHIELLI
(Laurent), « Une société plus violente ? Une analyse socio-historique des violences interpersonnelles en
France, des années 1970 à nos jours », Déviance et sociétés, 2008/2 (Vol. 32), p. 115 à 147. Consulté en ligne
le 16 juin 2018, DOI : 10.3917/ds.322.0115.URL : https://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2008-2-
page-115.htm.
1803
L’objectif de déjudiciarisation a été officiellement reconnu par les pouvoirs publics, notamment à travers
la révision générale des politiques publiques (RGPP) lancée en 2007.
1804
Cas de la commune de Fort-de-France pour les quartiers Cour campêche, Volga plage, etc.
1805
Cf. ouvrage paru sous la direction de BOSKOVIC (O.), La déjudiciarisation, Collection Droit privé &
Sciences criminelles, Éditions Mare et Martin, 2012, 478 pp.

514
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

respect des droits et libertés fondamentaux, alors que la déjudiciarisation serait réservée à
tout ce qui a trait à la négociation amiable, à la concertation, à l’information et à l’assistance
dans les relations entre propriétaires lésés et occupants sans titre. Par cette voie, la
judiciarisation des procédures participerait à l’expression du respect du droit à la dignité
humaine et constituerait une voie d’anticipation de nouvelles occupations sans titre.
Par ailleurs, aux côtés de la judiciarisation, la juridicisation des procédures apparaît
également souhaitable, ainsi qu’il a été développé en amont. Le professeur Jacques
CHEVALLIER qualifie de processus de juridicisation, une gouvernance foncière partagée,
faisant l’objet d’une conventionnalisation des solutions, entre différents acteurs
concernés1806.
Ces réflexions conduisent à observer qu’il faut laisser une place importante à la
médiation et à la concertation lors de la régularisation de la situation des occupants sans titre
outre-mer, tout en redonnant une place au rôle du juge dans les cas complexes. Entre
judiciarisation et déjudiciarisation, tout est question d’adéquation et d’adaptation.
Mais toute gouvernance foncière locale débouche, de manière incontournable, sur la
prise en compte de l’aménagement. Ainsi se pose la question des stratégies d’aménagement
en matière de régularisation foncière outre-mer (Section II).

SECTION II – STRATÉGIES D’AMÉNAGEMENT ET


RÉGULARISATION FONCIÈRE

Les quartiers auto-construits présentent la particularité d’être faiblement desservis en


voirie et réseaux divers (VRD). Les constructions sont souvent contiguës, laissant peu
d’espace pour la traversée des réseaux d’eau potable, d’assainissement, et la voirie. Pis
encore, les dispositifs d’assainissement, parfois mis en place par les occupants sans titre eux-
mêmes, passent parfois sous l’assiette de constructions existantes. Aussi, lors des opérations
de régularisation foncière, les personnes publiques propriétaires doivent financer
l’aménagement des quartiers et réserver des parcelles1807 pour procéder à l’aménagement et
à l’équipement desdits quartiers.
Parallèlement, les quartiers de grand standing faisant l’objet d’une occupation sans

1806
CHEVALLIER (Jacques), La gouvernance et le droit, Mélanges Paul Amselek, Bruyant, pp. 189-207, 2005.
1807
« Dents creuses » ou parcelles normales.

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titre, comme celui de « Cap Est » au François, souffrent aussi d’un défaut d’aménagement
en voirie et réseaux divers (assainissement, eau potable, etc.)1808. Certes, des dispositifs
d’assainissement individuels y sont mis en place, mais leur efficacité est limitée et n’englobe
pas un aménagement global du quartier. Il s’agit souvent de quartiers littoraux, dont
l’aménagement doit respecter les objectifs de développement durable préconisés par le
législateur1809.
Cela démontre que le processus de régularisation foncière ne comprend seulement la
délivrance de titres de propriété ou de jouissance, mais qu’elle comprend également
l’aménagement et l’équipement des quartiers auto-construits. En conséquence, la personne
publique qui régularise l’occupation sans titre de son domaine, doit être en mesure de
répondre à plusieurs aspects de la régularisation foncière. Elle doit être en mesure de
régulariser l’occupation sans titre de sa propriété, de manière positive (par l’octroi d’un réel),
ou de manière négative (par le relogement voire l’expulsion) lorsque la cession de droits
réels n’est pas possible1810. Elle doit être en mesure de procéder à l’aménagement et à
l’équipement des secteurs à régulariser. Et elle doit être enfin en mesure d’assurer la police
dudit domaine, pour contrer de nouvelles occupations sans titre.
Le transfert prévu par la « loi ADOM » du 14 octobre 2015 est constitutif d’un
transfert de gestion concernant les secteurs à régulariser, et en définitive, d’un transfert de
compétences. Il doit donc être assorti des moyens et ressources nécessaires à cet effet. Dès
lors, la question des stratégies d’aménagement desdits secteurs se pose, en raison du coût et
de la responsabilité de l’aménagement, dans le cadre de la régularisation foncière.
À l’occasion d’une question posée par le député Serge LETCHIMY à l’assemblée
nationale, lors des « Questions au gouvernement », le 04 juin 2019, ce dernier a mis en cause
les « carences inadmissibles de l’Etat », s’agissant du respect de la libre circulation sur le
littoral1811. Il a rappelé la non-réalisation des transferts de la « loi ADOM ». En réponse, la

1808
Entretien avec Hervé EMONIDES, Directeur de l’Agence des 50 Pas de Martinique, op. cit. Pour lui,
derrière la problématique de l’occupation sans titre se cache un problème d’équipement et de sous-
développement, car la plupart des quartiers auto-construits rencontrent un problème d’équipement anarchique.
Il cite de nombreux quartiers auto-construits de Martinique, tels ceux de Volga Plage, Pointe la Vierge, Fonds
populaire, etc. à Fort-de-France, Pointe Chaudière au Vauclin, et même le quartier Cap-Est au François. Ce
dernier quartier, pourtant de grand standing, est caractérisé par une situation de sous-équipement et comporte
des installations individuelles non conformes aux normes.
1809
Les forums BOD’LANME, organisés par l’agence des 50 pas géométriques Martinique, retracent une partie
des problématiques soulevées.
1810
Dans certains cas, le relogement est inévitable, notamment en présence des risques majeurs.
1811
Intervention de Serge LETCHIMY à l’assemblée nationale lors des « Questions au gouvernement » du 04
juin 2019, après les événements intervenus au quartier « Désert » dit « Fond Larion », à Sainte-Luce, à la suite

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Ministre des Outre-mer a mis en cause la responsabilité des collectivités locales outre-mer,
et leur carence depuis quatre ans1812. Or, la question du transfert de la gouvernance foncière
de certains secteurs de la zone des 50 pas géométriques aux collectivités territoriales
concernées, pose différentes problématiques, dont celle de l’aménagement et de son coût.
Nonobstant le coût dissuasif de l’aménagement pour les exécutifs locaux, toute
gouvernance foncière locale, induit une responsabilité dans l’aménagement des zones à
régulariser. Bien qu’étant enfermé dans des délais et conditions stricts, le transfert prévu par
l’article 27 de la « loi ADOM » soulève la question de la responsabilité de l’aménagement
des secteurs transférés, du coût de cet aménagement et de ses redevables. C’est toute la
question des moyens de l’aménagement et de la police du domaine qui est ici posée1813.
Il convient d’être vigilant afin que la régularisation de la situation des occupants sans
titre, par la délivrance d’un titre de propriété ou de jouissance à leur profit n’aboutisse en
aucun cas, ni à une régularisation foncière au rabais, ni à la légitimation ou à la légalisation
de la misère ou de l’insalubrité. Il est donc très important que soit pris en compte
l’aménagement des secteurs urbains et d’urbanisation diffuse concernés par le transfert.
Ces constats conduisent à affirmer, au-delà des considérations politiques, la nécessité
que prime une culture de projet, permettant de mettre fin à l’occupation sans titre outre-mer.
Il s’agit pour les personnes publiques de se concerter sur un projet en faveur du
développement et de l’aménagement du territoire. En conséquence doivent être programmés,
le financement de l’aménagement, la promotion de structures permettant l’aménagement, la
négociation et la concertation entre les acteurs économiques et politiques, et avec les
occupants sans titre, dont l’adhésion au projet est facilitatrice de procédure.
L’aménagement urbain, sans lequel il n’y a pas de possibilité de développement
économique de l’outre-mer, est incontournable. En conséquence, toute démarche de
régularisation foncière induit une reconnaissance, par les décideurs, de la dignité de la
personne humaine de l’occupant sans titre, dont la régularisation de la situation constitue un
facteur incontournable du développement économique, urbain et social, outre-mer.

de l’intervention sur le site, de militants de l’ASSAUPAMAR, visant à faire respecter le libre passage sur le
littoral. Des discussions sont en cours entre les propriétaires, et les autorités locales (maire notamment) et
étatiques (préfet) pour tenter de trouver un compromis.
1812
Propos repris dans le quotidien local « FA Martinique - France Antilles » du 04 juin 2019, Serge
LETCHIMY dénonce un profond malaise sur la question foncière en Martinique ». Lors de cette intervention,
le député mentionne une zone devenue une « zone de privatisation plus ou moins abusive », et une situation
aggravée par l’érosion, qui pourrait être génératrice de « troubles à l’ordre public » (voir l’article consulté le
05 juin 2019). https://www.martinique.franceantilles.fr/actualite/videos/serge-letchimy-denonce-un-profond-
malaise-sur-la-question-fonciere-en-martinique-523962.php.
1813
Elle est illustrée dans l’affaire dite de « Fonds Larion », ci-dessus exposée.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Des stratégies d’aménagement doivent être développées par les personnes publiques
régularisatrices dans les zones à régulariser, d’où la nécessité de s’interroger sur la place des
établissements fonciers dans l’aménagement des secteurs à régulariser outre-mer (§1), avant
de s’interroger sur la place d’une alliance régions, collectivités uniques et intercommunalités
dans l’aménagement des secteurs à régulariser outre-mer (§2).

§ I. EFFET LEVIER DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS


FONCIERS

Le rôle possible des établissements publics fonciers dans la régularisation foncière


outre-mer mérite d’être examiné. Les établissements publics fonciers sont des personnes
morales de droit public disposant d’une autonomie financière. Ils sont rattachés à une
personne publique (Etat, région, département, collectivité unique, commune), pour remplir
une mission spéciale d’intérêt général, qui peut être la gestion d’un service public
administratif (EPA) ou d’un service public industriel et commercial (EPIC).
Les établissements publics fonciers (EPF) collaborent à l’action publique en
remplissant un objet spécifique foncier puisque leur mission principale est l’acquisition et le
portage du foncier, le conseil, l’ingénierie et l’expertise technique au profit des collectivités.
Les établissements publics fonciers d’Etat (EPF d’Etat ou EPFE), sont régis par les
articles L321-1 et suivants du code de l’urbanisme1814. Ce sont des EPIC créés par décret pris
en Conseil d’Etat et placés sous la tutelle du ministre de l’Urbanisme. Leur financement est
assuré par la taxe spéciale d’équipement (TSE), les emprunts et les produits des cessions de
terrains acquis en amont1815. Leur action est soumise à convention avec les collectivités et les
établissements publics d’aménagement. L’article L321-1 alinéa 5 du Code de l’urbanisme
précise leurs missions qui semblent étroites : « les établissements publics fonciers sont
compétents pour réaliser toutes acquisitions foncières et immobilières dans le cadre de
projets conduits par les personnes publiques et pour réaliser ou faire réaliser toutes les
actions de nature à faciliter l'utilisation et l'aménagement ultérieur, au sens de l'article
L300-1, des biens fonciers ou immobiliers acquis. »

1814
Modifiés par l’article 102 de la loi du 27 janvier 2017. Cf. loi 2017-86 du 27 janvier 2017, relative à
l’égalité et à la citoyenneté, elle-même modifiée par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution
du logement, de l’aménagement et du numérique.
1815
Cf. : http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/les-etablissements-publics-fonciers-epf.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Les établissements publics fonciers locaux (EPFL) sont des EPIC, régis par l’article
L324-1 du code de l’urbanisme, dotés donc de la personnalité juridique et de l’autonomie
financière, et créés à l’initiative d’établissements publics de coopération intercommunale
(EPCI)1816 et des communes non-membres d’une EPCI1817. Instaurés par la loi d’orientation
pour la ville du 13 juillet 1991, ils sont compétents pour toute acquisition foncière ou
immobilière en vue de la constitution de réserves foncières ou de la réalisation d’actions ou
d’opérations d’aménagement au sens de l’article L300-1 du code de l’urbanisme. L’EPFL
peut conseiller la commune en matière d’aménagement, effectuer des opérations pré-
opérationnelles, et intervenir en amont des opérations d’aménagement. Toutefois, il ne peut
en aucun cas être un aménageur ou un promoteur, en raison de son statut.
Les établissements publics d’aménagement (EPA) sont des établissements publics
industriels et commerciaux, placés sous l’autorité de l’Etat. « Aménageurs de l’Etat »1818, ils
ont pour objet l’aménagement et le développement durable de certains territoires présentant
un intérêt national1819. Leur vocation est de réaliser des opérations d’aménagement pour le
compte de l’Etat, d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public. Il existe
quatorze établissements publics d’aménagement (EPA) dont deux établissements publics
fonciers d’aménagement (EPFA) : celui de Guyane et celui de Mayotte1820.
De tels EPFA n’existent pas en Guadeloupe et en Martinique, les missions
d’aménagement et de développement ayant été confiées par le législateur, dans lesdites
collectivités, aux agences des 50 pas géométriques appelées à disparaître (article 27 de la loi
ADOM). À cet égard, les moyens et attributions des agences des 50 pas géométriques se
rapprochent de ceux de certains établissements publics fonciers d’aménagement1821. Elles ont
pour vocation la régularisation foncière et les programmes d’équipements des secteurs
concernés en voies d’accès, canalisations d’eau et assainissement. Mais elles ne disposent
pas du statut et des moyens financiers propres aux aménageurs1822. En tant qu’agences elles

1816
Il s’agit d’EPCI compétents en matière de schéma de cohérence territoriale (SCOT), de réalisation de zones
d’aménagement concertées (ZAC) et de programme local de l’habitation (PLH).
1817
Par arrêté du préfet de région, au vu des délibérations des entités publiques mentionnées.
1818
Créés par l’Etat par décret en Conseil d’Etat.
1819
Cf. http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/Les-etablissements-publics-d.
1820
Cf. http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/Les-etablissements-publics-d?id_courant=3582.
1821
Les agences sont des établissements publics d’Etat à caractère industriel et commercial (EPIC) placés sous
la tutelle des ministres chargés de l’Urbanisme et de l’Outre-mer. Chaque agence est gérée par un conseil
d’administration composé de représentants de l’Etat, d’élus et de personnalités qualifiées.
1822
Cf. MOHAMED SOILIHI (Thani), rapporteur coordinateur, GUERRIAU (Joël), LARCHER (Serge),
PATIENT (Georges), rapporteurs, « Domaines public et privé de l’État outre-mer, 30 propositions pour mettre
fin à une gestion jalouse et stérile », rapport d’information du Sénat n° 538, enregistré à la Présidence du Sénat
le 18 juin 2015. Publié en ligne : http://www.senat.fr/rap/r14-538/r14-5381.pdf.

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ont la vocation des « administrations de missions » spécialisées et limitées dans le temps,


capables de répondre à des besoins spécifiques, mais dont la fin est programmée1823.
Le rapport sur les problématiques foncières et le rôle des différents opérateurs aux
Antilles1824 constate la caducité de l’hypothèse d’une transmission des attributions et moyens
des agences des 50 pas géométriques à des établissements publics fonciers d’État (EPF). Un
tel transfert aux établissements publics fonciers locaux (EPFL) n’est pas non plus retenu par
le législateur, ces établissements ne rassemblant pas toutes les collectivités et ne pouvant
plus cumuler les compétences d’ingénierie foncière et d’aménagement. En définitive, le
législateur choisit l’échelon régional, en privilégiant un transfert des zones U et UD de la
zone des cinquante pas géométriques (ZPG)1825 à la région s’agissant de la Guadeloupe et à
la collectivité unique s’agissant de la Martinique.
Avec la disparition programmée des Agences des 50 pas, la responsabilité de
l’aménagement des secteurs urbains et d’urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas
géométriques outre-mer revient l’échelon régional qui en supportera le coût. Les agences
disposaient des fonds, compétences, ingénieries et outils nécessaires à l’aménagement
desdits secteurs. À cet égard, les directeurs des agences des 50 pas géométriques alertent sur
l’importance cruciale de la problématique des travaux d’aménagement et d’équipement
nécessaires pour le développement économique des zones littorales outre-mer1826. Pour
Hervé EMONIDES, la maîtrise d’ouvrage des travaux de voirie et réseaux divers (VRD)
vise à rattraper le non-équipement des zones d’habitat anarchiques du littoral outre-mer,
notamment s’agissant des dispositifs d’assainissement1827. L’agence des 50 pas de la
Guadeloupe exprime les mêmes préoccupations dans le document stratégique qu’elle a remis
conformément à l’article 27 de la loi ADOM. Les directeurs des agences des 50 pas attirent
l’attention sur les enjeux stratégiques, notamment financiers, de la problématique de

1823
Par la loi « ADOM » n° 2015-1268 du 14 octobre 2015. Voir aussi : https://www.vie-
publique.fr/decouverte-institutions/institutions/administration/organisation/structures-administratives/que-
sont-agences.html.
1824
Cf. BAIETTO-BEYSSON (Sabine), BONNAL (Philippe), COLIN (Jean) et ANGEL (Noémie), Rapport
relatif aux problématiques foncières et au rôle des différents opérateurs aux Antilles, rapport du Conseil général
de l’environnement et du développement durable, et de l’Inspection générale de l’administration, établi en
novembre 2013, consultable sur le site : http://www.interieur.gouv.fr/publications/rapports-de-l-iga.
1825
Zone des cinquante pas géométriques.
1826
Entretien avec Hervé EMONIDES, directeur de l’Agence des 50 pas Martinique, du 28 décembre 2018.
Contribution écrite de Myriam ROCH-BERGOPSOM, Directrice de l’Agence des 50 pas géométriques de
Guadeloupe, du 08 août 2019.
1827
Entretien avec Hervé EMONIDES, directeur de l’Agence des 50 pas Martinique, du 28 décembre 2018.

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l’aménagement outre-mer1828. Ainsi, en vertu de l’article L5112-4 du CG3P, la rétrocession


des équipements réalisés par les agences, est soumise à l’article L5112-4 du CG3P qui
prévoit le remboursement du coût desdits aménagements par les communes bénéficiaires.
Le directeur de l’agence des 50 pas de Martinique suggère donc une modification de l’article
L5112-4 avant le transfert prévu par la loi ADOM, les communes n’ayant pas les moyens de
faire face à ce remboursement1829.
Cet exemple démontre qu’il est important de déterminer, avant tout transfert des
secteurs concernés de la ZPG, les responsabilités1830, outils et structures d’aide à
l’aménagement. L’Etat, lors du transfert de ces secteurs, compte tenu de cette problématique
d’aménagement, devrait transférer les outils financiers nécessaires à l’aménagement 1831, et
convenir des modalités de l’aménagement avant le transfert.
La question de l’aménagement est aussi liée à celle de la gestion des risques naturels
et technologiques. Les travaux d’aménagement réalisés par les agences des 50 pas
géométriques permettent de diminuer le risque et de prévoir un zonage favorisant les
cessions1832. Cet aspect sera plus amplement étudié en aval. Mais comme le faisait remarquer
le rapport de l’IGA, un plan d’indemnisation et de relogement devrait être mis en œuvre sur
les terrains présentant un risque grave et non prévisible, dans le cadre de la loi du 23 juin
2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte
contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer, dite « loi
Letchimy »1833.
S’agissant de la réalisation de l’aménagement par les collectivités bénéficiaires, il
importe d’examiner quels outils peuvent être mis à contribution pour faciliter
l’aménagement et alléger leur coût. Dans ce cadre, le rôle des EPF mérite d’être examiné.

1828
L’agence de Martinique a conduit, dans le cadre de conventions, des opérations d’aménagement avec les
communes ; lesquelles opérations ont mobilisé près de trente millions d’euros, selon Hervé EMONIDES.
Celui-ci rappelle qu’en vertu de l’article L5112-4 du CG3P, la rétrocession desdits équipements aux
collectivités concernées est conditionnée par l’article L5112-4 du CG3P qui prévoit le remboursement du coût
de ces aménagements par les communes bénéficiaires du dispositif de cession gratuite prévu par cet article. Or,
les communes n’ont pas les ressources suffisantes pour faire face à ces remboursements. De plus, lesdites
communes relèvent que les ressources de l’agence étant issues des contributions locales, ce dispositif revient
à faire supporter deux fois la charge desdits équipements aux administré
1829
Entretien avec Hervé EMONIDES, directeur de l’Agence des 50 pas Martinique, du 28 décembre 2018.
1830
Se référer au contenu des paragraphes 1 et 2 de la précédente section.
1831
Cf. « Séminaire COFECUB-CAPES IBIS », « Quand le Droit occupe les 50 pas géométriques, Regards
croisés Amazonie – Caraïbe », organisé le 13 mars 2019, à l’Université des Antilles, op. cit.
1832
Un bien situé en zone jaune ou orange du plan de prévention des risques naturels (PPRN) est régularisable
par cession ; ce qui n’est pas le cas pour un bien situé en zone rouge du PPRN, compte tenu des risques
importants.
1833
Loi n° 2011-725 du 23 juin 2011.

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Ceux-ci ont un rôle de « portage » de terrains ». Il s’agit pour lesdits établissements publics
d’acquérir des terrains destinés à être aménagés pour des projets de construction de
logements, ou en vue de la réalisation de nouveaux quartiers ou d’équipements publics.
Pendant la période de portage, l’EPF assure les obligations liées à la possession et la gestion
du foncier acquis, notamment son gardiennage. Des opérations de pré-aménagement de ce
foncier peuvent être engagées par l’EPF (dépollution, démolition, etc.). Le terrain est ensuite
revendu par l’EPF à la collectivité concernée ou à son opérateur.
Les articles L321-1 et suivants du code de l’urbanisme1834, définissent les missions des
établissements fonciers comme consistant à mettre en place des stratégies foncières, visant
à mobiliser du foncier et à favoriser le développement durable et la lutte contre l’étalement
urbain. Ces stratégies foncières continuent aussi à la réalisation de logements
majoritairement sociaux, en tenant compte des programmes locaux d’habitat. Ils contribuent
au développement de l’activité économique, à la politique de protection contre les risques
naturels et technologiques et à la préservation des espaces agricoles et naturels. Les
établissements publics fonciers jouent un rôle d’ingénierie foncière et de portage foncier,
incontournable1835. L’heure est au regroupement des EPF, afin de relancer la construction de
logements et d’accompagner de grands projets1836.
Pour les raisons sus dites, les établissements publics fonciers (EPF) sont des structures
à prendre en compte dans le cadre de la régularisation foncière. Ils interviennent
parallèlement pour favoriser le logement et l’aménagement sur un territoire. Il existe sur le
territoire français dix établissements publics fonciers d’Etat (EPFE)1837, vingt-trois
établissements publics fonciers locaux (EPFL), en comptant ceux de la Martinique, de la
Guadeloupe et de La Réunion, et seulement deux établissements publics fonciers
d’aménagement (EPFA) qui sont, celui de la Guyane et celui de Mayotte, en raison de la
nécessité d’aménagement et de développement économique accrue de ces collectivités1838.
Bien que les agences des 50 pas géométriques de Martinique et de Guadeloupe aient

1834
Modifiés par l’ordonnance du 8 septembre 2011 et complétés par la loi du 24 mars 2014 dite « Loi ALUR ».
1835
Parmi les acteurs du foncier que sont les ministères de la cohésion territoriale, du logement, de l’écologie,
de l’agriculture, des finances, du développement durable, le Service des Domaines, et les collectivités locales
elles-mêmes.
1836
C’est le cas de l’EPF Île de France (EPFIF) qui regroupe depuis 2016, les EPF des Hauts-de-Seine, du Val-
d’Oise et des Yvelines.
1837
La tutelle des établissements publics fonciers d’Etat est assurée par le Ministère de la cohésion des
territoires.
1838
Chiffres publiés sur le site du Ministère de la cohésion des territoires qui effectue également une
présentation de l’action des établissements fonciers en faveur du logement : www.cohesion-
territoires.gouv.fr/les-etablissements-publics-fonciers-epf. Consulté le 17 juillet 2018.

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les compétences d’aménagement, il s’agit d’établissement publics d’Etat, à caractère


industriel et commercial (EPIC), créés par l’Etat et dont la disparition est programmée.
Les articles L321-1 et suivants du Code de l’urbanisme, résultant notamment de
l’ordonnance n° 2011-1068 du 08 septembre 2011, modifiés par plusieurs lois subséquentes,
dont celle du 27 janvier 2017, déterminent le cadre juridique, les compétences et le
fonctionnement des établissements publics fonciers d’Etat (EPFE), en permettant à l’Etat
d’avoir un rôle d’orientation des activités des EPF, par la participation à leurs conseils
d’administration et par la communication de ses orientations au sein de documents
pluriannuels communiqués en amont. Centrés sur le portage foncier, les missions des EPF
d’Etat sont établies aux articles L321-1 à L321-13 et R321-1 à R321-22 du code de
l’urbanisme.
La question de l’aménagement s’avère cruciale en cas de disparition des agences des
50 pas géométriques. Il pourrait être envisagé, soit de maintenir les agences en tant
qu’aménageurs, mais ce n’est pas l’objet de la loi ADOM de 2015, soit de prévoir en amont
les modalités de réalisation et de financement de la mission aménagement. Dans ce cadre,
l’action des EPF peut s’avérer intéressante. Ces acteurs fonciers deviennent incontournables
en matière d’aménagement et pourraient inspirer les nouveaux gestionnaires des secteurs
urbains et d’urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas géométriques, dans le cadre
de stratégies d’aménagement par conventionnement1839.
Le législateur a mis en place des outils spécifiques dans deux collectivités territoriales
situées outre-mer, afin d’en favoriser l’aménagement et le développement. Il s’agit de
l’EPFA de Guyane et de l’EPFA de Mayotte, dont l’étude de la potentialité d’aménagement
s’avère incontournable (TT). De tels établissements publics fonciers d’aménagement
n’existent pas en Martinique et en Guadeloupe, qui bénéficient des compétences des agences
des 50 pas géométriques qui y jouent un rôle similaire déjà étudié en amont, et de l’ingénierie
d’établissements publics fonciers locaux (EPFL), dont les apports possibles en matière de
régularisation foncière méritent d’être étudiés (SS).

1839
À cet égard, il ressort de l’article L321-1 dernier alinéa du Code de l’urbanisme, que « l'action des
établissements publics fonciers pour le compte de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs groupements
ou d'un autre établissement public s'inscrit dans le cadre de conventions ».

523
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

A. LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS FONCIERS LOCAUX DE


MARTINIQUE, DE GUADELOUPE ET DE LA RÉUNION : DES
FACILITATEURS DE PROCÉDURES

Bien que leur dimension d’aménagement ait été supprimée, les établissements publics
fonciers locaux (EPFL) peuvent être d’excellents appuis pour les collectivités territoriales
de l’article 73 de la Constitution, en raison de leur ingénierie foncière et de leurs
compétences en matière pré-opérationnelle. L’exposé de leurs compétences et champs
d’intervention démontre que les EPFL peuvent devenir d’excellents facilitateurs de
procédures de régularisation foncière.

1) Les EPFL disposent de moyens pouvant faciliter la régularisation


foncière

Le rôle et la contribution des établissements publics fonciers (EPFL) de Martinique,


Guadeloupe et La Réunion méritent d’être examinés, bien qu’ils ne soient pas des
aménageurs. Toutefois, le champ d’action de l’EPFL de Martinique1840 et de l’EPFL de
Guadeloupe ne touche pas aux compétences des agences des cinquante pas géométriques.
L’actualité des EPFL démontre une montée en puissance de l’intervention de ces
établissements publics dans les collectivités locales d’outre-mer1841, d’où la pertinence de
leur étude comme moyen de gestion foncière, souple et pratique, mis aux mains des
personnes publiques locales.
Le champ d’intervention des EPFL dans le domaine privé englobe l’ingénierie et le
conseil à travers la stratégie foncière, l’expertise de valeur et l’acquisition à travers les
procédures de négociation amiable, de préemption et d’expropriation, ainsi que la gestion à
travers la location, la dépollution et la démolition. Une phase de rétrocession est

1840
Créé par arrêté préfectoral du 06 juin 2011, l’EPFL de la Martinique est structuré autour d’un Conseil
d’administration composé des représentants de la CACEM (Communauté d’agglomération du Centre de la
Martinique), de la CAESM (Communauté d’agglomération de l’Espace Sud de la Martinique), du Cap Nord
(Communauté d’agglomération du Pays Nord Martinique, et de la CTM (Collectivité territoriale de
Martinique). Son Directeur est Ivan SOBESKY. L’EPFL de la Martinique est un outil d’ingénierie,
d’acquisition et de portage foncier, dont la mission consiste à assister les maîtres d’ouvrage publics et les
collectivités dans leurs acquisitions foncières et immobilières. À ce titre, il conseille, négocie, préempte, ou
exproprie. Pendant la phase du portage, il assure la gestion du bien immobilier. En fin de portage, il procède à
la rétrocession du bien immobilier à la collectivité ; le tout, moyennant un remboursement par annuité ou en
fin de portage. Ses champs d’intervention sont : le logement, l’équipement public et collectif, le développement
économique, et la réserve foncière. V. site internet : epf-martinique.com/epf-martinique.
1841
Se référer aux travaux du colloque intitulé : « La question foncière en Martinique : enjeux et défis », dont
un résumé est paru au « France-Antilles » du mercredi 29 avril 2015, sous le titre « Le foncier au cœur de la
réflexion ».

524
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

programmée, comprenant le remboursement des sommes investies, soit par annuité, soit en
fin de portage immobilier.
En 2012, un EPFL a été créé à la Martinique, et un autre à la Guadeloupe. Celui créé
à La Réunion, l’a été dix ans plus tôt, en 2002. Les EPFL de Martinique et de Guadeloupe,
à vocation départementale ou régionale, couvrent entre 50 et 75 % de la population, alors
que celui créé à La Réunion couvre plus de 75% de la population. En France, au 1 er janvier
2013, il est dénombré vingt-deux (22) EPFL, en ce compris ceux de Martinique, de
Guadeloupe et de La Réunion1842. Depuis la « loi NOTRe », seules les communes ont
conservé la clause de compétence générale leur permettant de prendre en charge toute affaire
d’intérêt local. Mais la nécessité d’une simplification de la gestion de l’État et des
collectivités territoriales, dans le cadre de la décentralisation, est à l’ordre du jour1843. La
problématique de la régularisation foncière et de la protection des occupants sans titre dans
les collectivités territoriales, n’échappe pas à cet impératif.
L’EPFL possède une grande autonomie juridique et financière, et constitue un outil
juridique qui peut être mis à contribution pour accompagner des projets de régularisation
foncière et de protection des occupants sans titre dans les régions, départements et
collectivités uniques situées outre-mer. Toutefois, leur point faible demeure leur manque de
compétences en matière d’aménagement, donnée incontournable dans les opérations de
régularisation foncière. Mais cette faiblesse peut être compensée soit par la superposition
d’un établissement public foncier d’aménagement (EPFA), soit par transformation des
agences des 50 pas, soit par substitution. Cela conduit à un travail de négociation et de
décision collégiale, par conventionnement avec l’EPFA, qui en contrepartie injectera une

1842
Cf. http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/les-etablissements-publics-fonciers-epf.
1843
Un rapide coup d’œil aux actualités du vendredi 05 août 2016, a mis en avant l’information suivante : « Le
quartier de La Défense change de propriétaire ». Un titre accrocheur qui invite à se plonger dans la lecture de
cet article de « La Tribune.fr », qui en réalité parle de décentralisation. Cet article mentionne un projet de loi
de transfert, par l’État aux collectivités locales, de la gestion du premier quartier d’affaires d’Europe, le quartier
de La Défense (située dans les Hauts-de-Seine). Il y est précisé que la gestion de La Défense sera transférée
aux collectivités locales en vertu d’une disposition du 03 août 2016, adoptée en Conseil des ministres, dans le
cadre du « projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain ». En vertu de ce texte, le
gouvernement serait habilité à légiférer par ordonnance pour la création d’un établissement public local,
associant l’État et les collectivités territoriales. L’État, qui jusqu’alors administrait ledit quartier d’affaires, se
retrouverait en minorité au sein de nouvel établissement public local. Cet établissement public local se
substituerait à l’actuel établissement public d’aménagement de La Défense Seine Arches (Epadesa) 1843 et à
l’actuel l’établissement public de gestion du quartier d’affaires de La Défense (EPGD). Cette initiative a été
saluée par les collectivités territoriales concernées, et notamment par la Région Île-de-France en la personne
de sa présidente, en tant que nouvelle gouvernance, propre à faire du quartier d’affaires de La Défense un
« véritable atout » s’agissant des quartiers d’affaires internationaux. Cette initiative a été saluée comme étant
une simplification « dans la gestion des Collectivités locales ». Cf. : http://www.latribune.fr/regions/ile-de-
france/le-quartier-de-la-defense-change-de-proprietaire (consulté le 05 août 2016).

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

partie de ses ressources financières dans les opérations d’aménagement.


Par ailleurs, dans ses missions, l’EPFL est vécu comme une entité moins proche des
populations locales, et donc plus à même de mettre œuvre les procédures impopulaires que
sont l’exercice du droit de préemption sur délégation des communes, ou l’exercice de
l’expropriation. Ce type d’outil serait beaucoup plus adapté que les sociétés d’économie
mixtes (SEM) très largement plébiscitées par le passé.
L’Établissement public foncier local permet une stratégie foncière publique en vue de
la réalisation d’un projet de territoire, que les solutions mises en place jusqu’à ce jour n’ont
pas réussi à faire émerger. Le foncier constitue l’enjeu de toute opération d’aménagement et
de développement du territoire. L’évolution urbaine, les besoins croissants en logements et
constructions, la nécessité de valorisation des territoires, conduisent à mettre en œuvre des
politiques foncières et des outils de développement plus adaptés aux réalités locales, par une
mutualisation des moyens. L’EPFL constitue l’un des outils de cette mutualisation1844.
L’EPFL est une personne morale de droit public rattachée à une collectivité territoriale
décentralisée. Il est créée par arrêté préfectoral, pris au vu des délibérations concordantes
des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des communes qui ne
sont pas membres d’une EPCI1845. Le périmètre d’intervention de l’établissement foncier
local dépend des demandes d’adhésion des communes et EPCI intéressés par l’outil foncier.
La création de l’EPFL, étant fondée sur la demande des collectivités, son périmètre fait
l’objet d’extensions géographiques au fur et à mesure des demandes d’adhésion. Peuvent
demander à adhérer à un EPFL, les EPCI compétents, les communes non-membres d’une
EPCI, les départements, régions, et collectivités uniques. Les organismes HLM ne peuvent
pas adhérer à un EPFL, mais peuvent seulement être des partenaires extérieurs. Les EPFL
peuvent être communaux, départementaux ou régionaux, et présentent de ce fait une grande
hétérogénéité. Ils peuvent être à caractère interrégional, interdépartemental ou
intercommunal. Ils permettent de gérer une ou plusieurs activités sans procéder à la création

1844
En comparaison avec les agences qui présentent généralement un statut juridique source de confusions, car
sous cette appellation figurent des entités hétéroclites (groupements d’intérêt économique (GIP),
établissements publics, associations, etc.), l’outil juridique que constitue l’établissement public foncier local
permet une souplesse d’adaptation aux besoins de la gestion administrative locale.
1845
L’initiative de la création de l’EPFL appartient aux établissements publics de coopération intercommunale
(EPCI) qui peuvent créer un EPFL, qui sont aussi compétents en matière de Schéma de compétence territoriale
(SCOT), de réalisation de zone d’aménagement concertée (ZAC), et de Programme local de l’habitat (PLH),
et aux communes, qui ne sont pas membres d’un établissement public de coopération intercommunale.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

de nouvelles collectivités territoriales1846. Ce sont des outils de l’action foncière au service


des politiques publiques1847.
L’EPFL est une catégorie d’établissement public à caractère industriel et commercial
(EPIC), instauré depuis la loi d’orientation pour la Ville (LOV) du 13 juillet 19911848. La loi
de Solidarité et de renouvellement urbain (Loi SRU) de 20001849 a facilité et assouplit ses
modalités de création, de gestion, de financement, et de fonctionnement, notamment en
permettant aux régions et aux départements d’adhérer à de telles structures, et en permettant
aux EPFL d’intervenir pour le compte de toutes personnes morales de droit public. Le statut
des EPFL a été adapté par un décret n°2011-696 du 20 juin 2011 modifiant la partie
réglementaire du code de l’urbanisme1850. Pour mener à bien leurs actions, les EPF disposent
de la taxe spéciale d’équipement1851, à laquelle s’ajoutent les produits des cessions et de ses
interventions, et les emprunts1852.
Les EPFL sont créés en considération d’enjeux d’intérêt général en matière
d’aménagement et de développement durable1853. La régularisation foncière peut constituer
l’un de ces enjeux. Leur rôle fondamental consiste à mettre en œuvre des stratégies foncières
en vue de mobiliser du foncier, de favoriser le développement durable et la lutte contre
l’étalement urbain, en vue de contribuer à la réalisation de logements, notamment sociaux,
tout en tenant compte des priorités définies par les programmes locaux d’habitat1854. L’alinéa
3 de l’article L324-1 du Code de l’urbanisme précise que les EPFL peuvent contribuer au

1846
Ils ont pour mission d’assister les collectivités dans leurs acquisitions foncières, assurent le portage et la
gestion du foncier, et exercent des missions de conseil et d’assistance auprès desdites collectivités. Ils ont un
rôle déterminant sur le marché local foncier. Créés à l’initiative des collectivités territoriales et relevant de leur
compétence, ils sont des outils d’action foncière à l’échelon intercommunal. Les EPFL ont un rôle de
« portage » au niveau local et d’accompagnement de la collectivité concernée dans la définition de son projet
et l’optimisation de son foncier. Ils ont une compétence reconnue en ingénierie foncière, ce qui en fait des
conseillers fonciers incontournables pour les collectivités locales dotées de peu de moyens financiers et/ou
techniques. Les EPFL constituent des outils de production de logements neufs dans les secteurs tendus où la
production de logements est insuffisante.
1847
En Corse, le rôle de l’EPF est assumé par l’Office foncier de la collectivité territoriale de Corse.
1848
Cf. Loi d'orientation pour la ville n° 91-662 du 13 juillet 1991, publiée au JORF n°0167 du 19 juillet 1991
page 9521.
1849
Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
1850
La loi ALUR, loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové. NOR :
ETLX1313501L, particulièrement en ses articles 146 et 147, a apporté des modifications à certains articles du
code de l’urbanisme afin de favoriser la production de logements tout en préservant les sols d’une urbanisation
galopante et en respectant des enjeux de transition écologique des territoires.
1851
Taxe prélevée dans la limite de 20 euros par habitant.
1852
En 2016, la taxe spéciale d’équipement rapportait 426 millions d’euros au profit des EPF d’Etat et le produit
des ventes s’élevait à 454 millions d’euros. Consulter : www.cohesion-territoires.gouv.fr/les-etablissements-
publics-fonciers-epf.
1853
Cela résulte de l’article L324-1 du Code de l’urbanisme, modifié par l’article 146 de la loi n°2014-366 du
24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.
1854
Article L324-1 alinéa 2 du C. Urb.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

développement des activités économiques, à la politique de protection contre les risques


naturels et technologiques, et à titre subsidiaire, par le biais de conventions, à la protection
des espaces naturels et agricoles en coopération avec la Société d’aménagement foncier et
d’établissement rural (SAFER) et les autres organismes chargés de la préservation des
espaces1855. En outre, les établissements publics fonciers locaux peuvent, à l’intérieur des
périmètres déterminés en application de l’article L143-1 du code de l’urbanisme, en
coopération avec la SAFER, et après information des communes et des établissements
publics de coopération intercommunale concernés, procéder aux acquisitions foncières
nécessaires à la protection d’espaces agricoles et naturels périurbains, en exerçant le cas
échéant le droit de préemption prévu à l’article L142-31856 du code de l’urbanisme, à la
demande et au nom du département, ou le droit de préemption prévu par le point 9° de
l’article L143-21857 du code rural et de la pêche maritime, en dehors des zones de préemption

1855
L’article L324-1 alinéa 4 du code de l’urbanisme précise la nature juridique des EPFL, en énonçant que les
établissements publics fonciers créés en application du chapitre IV du Titre II du Livre III de la Partie législative
du code de l’urbanisme, lequel livre est consacré à l’aménagement foncier, revêtent la qualification juridique
d’établissements publics locaux à caractère industriel et commercial (EPLIC). À ce titre, ils sont compétents
pour accomplir toute acquisition foncière ou immobilière, en vue de la constitution de réserves foncières, en
application des articles L221-1 et L221-2 du Code de l’urbanisme, ou en vue de la réalisation d’actions ou
d’opérations d’aménagement au sens de l’article L300-1 dudit code, pour leur propre compte, pour le compte
de leurs membres, ou de toute personne publique. L’article L300-1 du code de l’urbanisme précise que les
actions ou opérations d’aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale
de l’habitat, d’organiser le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques, de favoriser le
développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, ou des locaux de recherche
ou d’enseignement supérieur, de lutter contre l’insalubrité et l’habitat indigne ou dangereux, de permettre le
renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces
naturels. Étant précisé, que l’aménagement entendu au sens dudit article comprend et du Livre III tout entier,
comprend l’ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération
intercommunale, accomplis dans le cadre de leurs compétences. Lesquels actes visent, d’une part à conduire
ou à autoriser des actions ou des opérations définies à l’alinéa 1 er de l’article L300-1 du code de l’urbanisme,
et d’autre part, à assurer l’harmonisation de ces actions ou de ces opérations.
1856
En effet, l’article L142-3 du Code de l’urbanisme prévoit la possibilité pour le Conseil général de créer des
zones de préemption, pour la mise en œuvre de la politique prévue à l’article L142-1 dudit Code, qui prévoit
que le Département est compétent pour élaborer et mettre en œuvre une politique de protection, de gestion et
d’ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non, afin de préserver la qualité des sites, des
paysages, des milieux naturels et des champs naturels d’expansion des crues, et afin d’assurer la sauvegarde
des habitats naturels selon les principes d’harmonisation de l’article L110 du Code de l’urbanisme. Cette
politique de protection, de gestion et d’ouverture au public doit être compatible avec les orientations des
schémas de cohérence territoriale et des chartes intercommunales de développement et d’aménagement, ou
avec les directives territoriales d’aménagement de l’article L111-1-1 du Code de l’urbanisme, ou à défaut de
directive territoriale d’aménagement, avec les lois d’aménagement et d’urbanisme prévues au même article.
1857
Il convient de noter que l’exercice du droit de préemption prévu à l’article L143-2 du Code rural et de la
pêche maritime a pour objectifs : l’installation, la réinstallation ou le maintien des agriculteurs, la consolidation
d’exploitations et l’amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes, la préservation de
l’équilibre des exploitations lorsqu’il est compromis par l’emprise de travaux d’intérêt public, la sauvegarde
du caractère familial de l’exploitation, la lutte contre la spéculation foncière, la conservation d’exploitations
fiables existantes lorsqu’elle est compromise par la cession séparée des terres et des bâtiments d’habitation ou
d’exploitation, la mise en valeur et la protection de la forêt, ainsi que l’amélioration des structures sylvicoles
dans le cadre de conventions passées avec l’État, la protection de l’environnement par la mise en œuvre de
pratiques agricoles adaptées, la protection et la mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

des espaces naturels et sensibles.


Les EPFL interviennent sur le territoire des communes ou des établissements de
coopération intercommunale qui en sont membres et, exceptionnellement, à l’extérieur de
ce territoire pour des acquisitions nécessaires à des actions ou opérations menées à l’intérieur
de celui-ci1858. Ils peuvent mettre en œuvre l’exercice du droit de préemption dans le cadre
de conventions passées avec le représentant de l’État dans le Département, en application de
l’article 210-1 du Code de l’urbanisme1859. Ils peuvent exercer par délégation de leurs
titulaires, les droits de préemption et de priorité définis par le code de l’urbanisme, dans les
cas et conditions prévus. Ils peuvent également agir par voie d’expropriation. Ils peuvent
agir dans le cadre des emplacements réservés prévus aux articles L123-1-5 et L123-2 du
code de l’urbanisme et, à la demande de leurs collectivités, gérer les procédures de
délaissement prévues aux articles L230-1 à L230-6 du code de l’urbanisme.
Toutefois, aucune opération ne peut être réalisée par un EPFL sans l’avis favorable de
la commune sur le territoire de laquelle l’opération est prévue1860, sauf dans le cas de
l’exercice du droit de préemption par voie de convention avec l’État comme prévu au
6èmealinéa de l’article L324-1 dudit code. L’avis favorable est réputé obtenu après
écoulement d’un délai de deux mois à compter de la saisine de la commune.
L’EPFL est donc en mesure d’apporter aux collectivités locales, un appui opérationnel
dans le processus d’acquisition, de portage, de gestion, puis de cession, des biens
immobiliers acquis. Un programme pluriannuel d’intervention (PPI) fixé par le conseil
d’administration de l’EPFL, en collaboration avec les collectivités membres, permet de
convenir, pour une période de 3 à 5 ans, les moyens d’actions de l’EPFL, les activités et les
méthodes à privilégier, en fonction d’enjeux prioritaires spécifiques à leur périmètre
d’intervention. Les politiques foncières déterminées par les personnes morales de droit
public que sont l’État, les régions et les répartements, sont prises en compte. La mise en
œuvre de l’EPFL comme outil foncier comporte l’obligation pour la collectivité locale
demanderesse de racheter les terrains à l’issue du portage, ce qui constitue un point positif
dans le maintien d’une forme de gestion saine et autonome de cet outil de gestion foncière.
En conséquence, le champ d’intervention de l’EPFL est très large, d’où son succès

1858
Article L324-1 alinéa 5 du Code de l’urbanisme.
1859
Article L324-1 du Code de l’urbanisme.
1860
Article L324-1 du Code de l’urbanisme dernier alinéa.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

dans la gestion des affaires publiques1861. Les biens immobiliers acquis sont conservés par
l’EPFL pendant une durée déterminée par convention de portage immobilier1862 ; durée
pendant laquelle l’EPFL assure la gestion desdits biens immobiliers jusqu’à leur rétrocession
à la collectivité qui en a sollicité l’acquisition.
Toutefois, l’attention est attirée sur le fait que l’EPFL n’est pas un aménageur, du fait
de son statut juridique, ni même un promoteur foncier ; et cela constitue un bémol dans son
intérêt pour la régularisation foncière. Il peut cependant conseiller les communes sur les
procédures d’aménagement à mettre en œuvre ou réaliser des études pré-opérationnelles
pour leur compte ; ce qui peut être intéressant dans le cadre d’une procédure de régularisation
foncière. En effet, les EPFL interviennent en accompagnement des collectivités locales, aux
côtés des agences d’urbanisme, des sociétés d’économie mixtes, et des CAUE, en matière
d’élaboration de stratégies foncières, de veille juridique et foncière, de production d’études
de faisabilité, de conseils sur le choix d’opérateurs fonciers ou de procédure
d’aménagements, d’élaboration de stratégies foncières au travers des documents
d’urbanisme que sont les SCOT, le PLU, et le PHL, etc.).
L’Établissement public foncier local présente donc de nombreux intérêts tout à fait
compatibles et adaptés aux procédures de régularisation foncière. Son premier intérêt, en la
matière, serait de renforcer la gouvernance foncière locale territorial assurée par les
collectivités locales d’outre-mer. Un second intérêt, serait de permettre le renforcement du
financement d’opérations de régularisation foncière par des sources de financements
multiples, grâce à une démultiplication des financements en raison de l’effet levier généré

1861
L’EPFL intervient notamment en matière de création de logements, avec un souci de mixité sociale. Il
intervient aussi dans le cadre du développement des zones d’activités économiques, de la protection des espaces
agricoles, naturels, périurbains, et aussi dans le cadre de la préservation des espaces naturels, et de la prise en
compte des risques naturels. Les acquisitions immobilières sont effectuées par l’EPFL à sa propre initiative,
mais aussi pour le compte des collectivités locales ou d’autres personnes morales de droit public. Pour cela,
l’EPFL a recours ordinairement à la négociation amiable qui permet d’agir par anticipation et à moindre coût.
Mais, ainsi qu’il a été sus dit, l’EPFL peut aussi avoir recours à l’exercice du droit de préemption qui lui est
parfois délégué par les collectivités locales, ou par la procédure d’expropriation si l’opération a fait l’objet
d’une déclaration d’utilité publique (DUP).
1862
La durée du portage immobilier varie en fonction des objectifs de l’acquisition. Une acquisition sollicitée
d’une EPFL pour saisir une opportunité foncière fera l’objet d’un portage immobilier étalé sur une courte durée
(d’un à quatre ans), alors qu’une acquisition effectuée dans le cadre de la mise en œuvre d’un projet immobilier
d’ensemble ou d’opérations complexes, fera l’objet d’un portage immobilier plus long (entre quatre et huit ans,
voire même quinze ans. La convention de gestion passée entre l’EPFL et la collectivité locale requérante doit
se prononcer sur la durée du portage, sur les modalités de gestion du bien à acquérir, notamment s’agissant des
recettes de loyers et des dépenses de travaux, le remboursement des frais financiers, le prix de la revente du
bien, et le remboursement des frais de gestion et des frais annexes, et sur bien d’autres aspects.

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par le montant de la TSE1863, par le biais d’une fiscalité affectée, pérenne, et aisément
mobilisable, et par une mutualisation des ressources des collectivités locales adhérentes1864.
D’où la nécessité de favoriser la mobilisation des EPFL, comme partenaires des
collectivités territoriales dans le cadre des opérations de régularisation foncière, à une
échelle suffisamment large (comprenant les communes, communautés de communes,
régions, collectivités uniques, et autres collectivités locales), pour avoir le plein effet attendu
au niveau des ressources, mais aussi en termes de population concernée, de superficie, de
fiscalité, et autres paramètres. L’aménagement, bien que demeurant à la charge des
collectivités, pourra être anticipé par l’ingénierie, les travaux et études préparatoires, et les
acquisitions nécessaires à cet effet, réalisés par les EPFL.
L’EPFL constitue un excellent exemple de stratégie foncière partagée entre les
collectivités locales membres, ainsi qu’il ressort de l’étude publiée par la Direction Générale
de l’Aménagement, du Logement et de la Nature, sur les établissements publics fonciers
locaux1865, notamment à travers le Programme pluriannuel d’intervention (PPI), qui favorise
pour l’EPFL et ses membres, des projets intercommunaux, ainsi que des choix tenant compte
des objectifs fixés par les documents d’urbanisme.
Un autre point fort de l’EPFL est la possibilité pour lui de négocier directement avec
les propriétaires fonciers, ce qui est un atout-clé dans les procédures de régularisation
foncière. En effet, les phénomènes d’occupation sans titre ne visent pas seulement le
domaine public et le domaine privé des personnes morales de droit public, mais également
les propriétés privées de personnes privées. Et, à ce titre, bon nombre de collectivités locales
de proximité, n’ont pas d’autres alternatives que de se proposer comme médiateurs entre les
occupants sans titre et les propriétaires privés pour parvenir la régularisation foncière de ces
situations d’occupations à des conditions acceptables pour tous, avec en sus la problématique
de l’aménagement. En ce sens, l’EPFL constitue un outil de médiation et de mutualisation.
Les agences des 50 pas géométriques de Guadeloupe et de Martinique, ont joué un rôle
fondamental dans la régularisation foncière et dans l’aménagement de la zone des cinquante

1863
2 à 5 fois le montant des recettes fiscales. Cf. Direction de l’Aménagement, du Logement et de la Nature,
Les outils de l’action foncière au service des politiques publiques, Connaître les acteurs fonciers, Les
Établissements publics fonciers locaux (EPFL), Fiche B2, Juin 2013, CERTU, CETE Nord Picardie.
Sur le site http://www.outil2amenagement.certu.developpement-durable.gouv.fr
1864
Ressources financières, mais aussi ressources techniques, renforçant ainsi les capacités des collectivités.
1865
Direction de l’Aménagement, du Logement et de la Nature, Les outils de l’action foncière au service des
politiques publiques, Connaître les acteurs fonciers, Les Établissements publics fonciers locaux (EPFL), Fiche
B2, Juin 2013, CERTU, CETE Nord Picardie.
Sur le site http://www.outil2amenagement.certu.developpement-durable.gouv.fr, op. cit.

531
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

pas géométriques outre-mer. L’échelon régional bénéficiaire du transfert en cours de certains


secteurs de la ZPG n’ont pas (encore) le savoir-faire, les compétences et la connaissance du
terrain nécessaires au traitement de la problématique de l’occupation sans titre de ladite zone.
Une mise à disposition des moyens humains, juridiques et matériels des agences au profit
des collectivités territoriales bénéficiaires s’avère nécessaire. Elle peut prendre la forme de
la création d’un bureau dédié, au sein des collectivités territoriales concernées, qui
reprendrait les outils de l’agence ainsi que son personnel. Il peut aussi s’agir d’un maintien
ou d’une transformation des agences des 50 pas géométriques en établissements publics
fonciers d’aménagement ou en établissements publics fonciers locaux, en accompagnement
des collectivités récipiendaires.

2) L’exemple des EPFL de Martinique, Guadeloupe et La Réunion

L’Établissement public foncier local de la Martinique, dénommée « EPFL


Martinique » est un exemple d’ingénierie foncière utile à la régularisation foncière, mais n’a
pas la compétence d’aménagement. L’EPFL de Martinique est un établissement public à
caractère industriel et commercial, créé par arrêté préfectoral du 06 juin 2011, dont l’objet
statutaire est « l’administration publique (tutelle) des activités économiques »1866. Cet EPFL,
opérationnel depuis le 15 novembre 2012, est composé des trois Établissements publics de
coopération intercommunale (EPCI) que sont la CACEM (Communauté d’agglomération du
Centre de la Martinique), la CAESM (Communauté d’agglomération de l’Espace Sud
Martinique), et la CAP Nord (Communauté d’agglomération du Pays Nord Martinique) 1867,
et aussi de la « Collectivité territoriale de Martinique » (CTM)1868. Par l’adhésion de la
CCNM devenue CAP Nord, l’EPFL Martinique a vu son périmètre d’intervention s’élargir
sur tout le territoire de la Martinique, ce qui constitue un atout incontournable pour les

1866
Le siège de l’EPFL Martinique est situé à DUCOS (97224) rue Zizine et des Étages.
1867
La Communauté d’agglomération du Pays Nord Martinique (CAP Nord) s’est substituée à la Communauté
d’agglomération des Communes du Nord de la Martinique (CCNM). L’adhésion de la CCNM à l’EPFL de la
Martinique est intervenue par délibération de la communauté des Communes en date du 13 décembre 2013,
validant son adhésion et instituant la Taxe Spéciale d’équipement sur son territoire. Par délibération n° 13-30
du 18 décembre suivant, le Conseil d’administration de l’EPFL Martinique a procédé à la modification des
statuts dudit établissement public aux fins d’entérinement de cette adhésion. Cette délibération a été transmise
pour contrôle de légalité aux services de la Sous-Préfecture du Marin (Martinique). La CCNM s’est
transformée en Communauté d’agglomération du Pays Nord Martinique (CAP Nord), à compter du 1 er janvier
2014, exerçant de fait la compétence ZAC. Le Conseil communautaire de la CACEM, dans sa séance du 05
février 2014, a approuvé l’extension du périmètre d’intervention de l’EPFL de la Martinique, entériné
l’adhésion de la Communauté d’agglomération CAP Nord Martinique à l’Établissement public foncier Local
de la Martinique, et approuvé le projet de statuts modifiés de l’EPFL
1868
Un extrait du procès-verbal des délibérations du Conseil communautaire de la CACEM, en date du 05
février 2014, revient notamment sur les modalités de création de l’EPFL Martinique.

532
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

actions foncières à mener.


Il est surprenant de constater que l’EPFL Martinique possède très peu de moyens
humains, d’après les documents publiés1869, de plus, son objet mérite d’être plus ouvert, pour
contribuer aux opérations de régularisation foncière qui, à terme, favorisent le
développement économique des collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution.
L’EPF Martinique est un outil d’ingénierie, d’acquisition et de portage foncier. Cet
établissement public foncier de la Martinique a pour mission d’assister les maîtres
d’ouvrages publics et les collectivités dans les acquisitions foncières. De ce fait, il intervient
en amont, pour conseiller la collectivité lors de la mise en œuvre de documents de
planification et de procédures d’acquisition adéquates. À la phase d’acquisition du terrain,
l’EPF Martinique négocie, préempte et exproprie au besoin. Pendant la phase de portage du
foncier, l’EPF gère les biens, en cas de location, démolition ou dépollution. Il assure la
rétrocession du terrain à la collectivité, qui le rembourse par annuités ou en fin de portage1870.
L’EPF Martinique joue un rôle fondamental en matière d’équipement et
d’aménagement du territoire martiniquais et a axé son intervention sur le logement,
l’équipement public et collectif, le développement économique et les réserves foncières. Il
bénéficie de la taxe spéciale d’équipement calculée sur une base de 10 euros par habitant en
Martinique, d’une dotation au démarrage et d’un prélèvement solidarité et renouvellement
urbain (SRU)1871.
L’EPF Martinique intervient dans de nombreuses communes pour des opérations
relevant de sa politique de l’habitat, des opérations d’aménagement et d’équipement
collectifs, de développement économique ou de constitution de réserves foncières1872. Il peut
être appelé à jouer un rôle d’aide à l’aménagement dans le cadre des régularisations
foncières. Cette aide peut consister en l’acquisition de fonciers privés occupés, pour
rétrocession subséquente à la commune, en vue d’opérations de régularisation foncière.
Lors d’un colloque sur les enjeux et défis de la question foncière en Martinique,
organisé à l’initiative de l’Établissement public foncier local de la Martinique, qui s’est tenu
le 29 avril 2015, l’attention a été attirée sur l’importance de l’EPFL comme outil

1869
Epf-martinique.com/epf-martinique.
1870
Epf-martinique.com/epf-martinique.
1871
En 2013, l’EPF Martinique a bénéficié d’un budget de sept millions d’euros.
1872
Ainsi, dans la commune du Carbet, l’EPF Martinique a acquis des « dents creuses » et des parcelles
supportant des constructions vétustes et abandonnées, dans le cadre d’un programme de revitalisation du
centre-bourg, ayant fait l’objet d’une convention d’action foncière avec l’Etat. De même dans la commune des
Anses d’Arlet, l’EPF Martinique a été sollicité pour un programme d’aménagement et d’équipement
comprenant un projet de logements, la réimplantation d’une école et la réalisation d’un plateau sportif.

533
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

incontournable dans l’aménagement du territoire. Le rôle de l’EPFL Martinique consiste


particulièrement à mobiliser du foncier pour le mettre à la disposition des sociétés d’HLM,
des communes, de la collectivité territoriale de Martinique1873. L’EPFL permet aux
collectivités locales d’opérer une mutualisation des ressources financières et techniques, afin
de faciliter la réalisation d’opérations foncières et d’acquisitions1874. La finalité de ces
opérations foncières est de favoriser la production de logements sociaux et le développement
de l’hôtellerie et du transport, véritables enjeux politiques de développement des
collectivités d’outre-mer1875.
Outre l’EPFL Martinique, il existe à ce jour vingt-deux établissements publics fonciers
en France, parmi lesquels figurent l’EPFL de la Guadeloupe qui a été nouvellement créé, et
l’EPFL de la Réunion, plus ancien. Ils représentent 3700 Communes et 11 millions de
personnes1876. La collectivité territoriale de Martinique dispose d’un territoire exigu (110
km2), sujet à une pression foncière très importante. Elle est victime de son insularité et
exposée à de nombreux risques majeurs1877, outre les problématiques d’aménagement du
territoire1878. Tous ces éléments militent pour la mise en place d’un outil de gestion du foncier
local permettant le traitement des problématiques du foncier dans les Collectivités locales
d’outre-mer.
L’EPF Guadeloupe et l’EPF de La Réunion, sont des établissements publics fonciers
locaux qui répondent aux mêmes objectifs que précédemment cités en matière de politique
foncière. L’EPF de Guadeloupe, créé par arrêté préfectoral du 10 mai 2013, est un
établissement public à caractère industriel et commercial, auquel de nombreuses communes
de Guadeloupe ont adhéré. Il accompagne les communes dans la définition et la mise en
œuvre de leur politique foncière. Il a pour objectif de lutter contre l’étalement urbain,

1873
Cf. L’article « Le foncier au cœur de la réflexion », publié dans le journal local « France-Antilles », du 29
avril 2015.
1874
Idem.
1875
Ibidem.
1876
Cf. L’article « Le foncier au cœur de la réflexion », publié dans le journal local « France-Antilles », du 29
avril 2015. Monsieur Luc CLEMENTE, Président de l’EPFL Martinique a confirmé que ce type d’outil de
gestion du foncier permet aux communes moins expérimentées d’éviter de commettre des erreurs et facilite
l’échange de bons procédés. Pour l’EPFL Martinique, un plan pluriannuel d’investissement a été mis en place
pour un volume de dépenses de 35 millions d’euros. Plusieurs hectares de terrain ont par ailleurs été
mobilisés1876. Ex-hôtel Kalenda aux Trois-îlets et à la Pointe Cherry au Diamant, cité dans l’article « Le foncier
au cœur de la réflexion », publié dans le journal local « France-Antilles », du 29 avril 2015.
1877
Cf. le Plan de prévention des risques majeurs (PPR), auquel renvoie l’article « Le foncier au cœur de la
réflexion », publié dans le journal local « France-Antilles », du 29 avril 2015.
1878
Cf. les Plans locaux d’urbanisme (PLU) et les schémas de cohérence territoriale (SCOT), auquel renvoie
l’article « Le foncier au cœur de la réflexion », publié dans le journal local « France-Antilles », du 29 avril
2015.

534
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

d’optimiser l’utilisation du foncier urbain et de revitaliser les centres-bourgs par l’aide à


l’aménagement des « dents creuses »1879. L’EPF de Guadeloupe réalise des acquisitions pour
la constitution de réserves foncières et pour la réalisation d’opérations d’aménagement pour
le compte de ses membres, des personnes publiques en général et pour son propre compte.
Il participe aussi à la protection des espaces naturels et agricoles péri-urbains et facilite
l’information et l’accompagnement des communes dans le cadre de l’élaboration de leur
stratégie foncière1880.
Par ailleurs, plus ancienne que l’EPF de Guadeloupe, l’ « EPF Réunion » a été créé
par arrêté du 16 septembre 2002. En font partie le conseil général, le conseil régional, et
toutes les communautés d’agglomération de La Réunion. Il s’agit d’un établissement public
local à caractère industriel et commercial régis par les articles L324-1 du code de
l’urbanisme. L’EPF de La Réunion réalise des acquisitions foncières et immobilières pour
le compte de ses membres et de toute personne publique, pour la constitution de réserves
foncière, et la réalisation d’opérations d’aménagement1881. Il s’agit d’autant de buts
compatibles et favorables à la régularisation foncière.
L’EPF Réunion intervient dans le cadre d’un programme d’intervention pluriannuel
(PIF) définissant les orientations, les objectifs, les méthodes et les moyens à mettre en œuvre
par l’EPF pour la réalisation de ses interventions. Le PIF tient compte du schéma
d’aménagement régional (SAR) et des orientations des autres documents de planification
(SCOT, schémas directeurs, etc.). Il dispose également, à l’instar de l’EPF Martinique et de
l’EPF Guadeloupe, d’une délégation de l’exercice du droit de préemption sur le territoire de
tout ou partie de la commune concernée et de la possibilité de mettre en œuvre toute
procédure d’expropriation nécessaire. Il dispose aussi d’outils d’optimisation de ses actions
foncières, notamment ceux élaborés par l’Agence pour l’observation de La Réunion,

1879
Espace laissé vacant entre deux habitations dans les quartiers auto-construits. Or, il apparaît que dans les
quartiers auto-construits, les dents creuses doivent être reconquises par les communes pour des opérations
d’équipement et d’aménagement publics, facilitant la vie de quartier.
1880
Un programme pluriannuel (sur cinq ans en général) fixe le cadre technique et opérationnel et un
programme d’intervention foncière (PIF) fixe le cadre d’intervention de l’EPF pour quatre ans. Chaque
acquisition fait l’objet d’une convention de portage, et est soumise à l’obtention de l’avis de valeur vénale de
France Domaine. Voir le site internet : www.guadeloupe.developpement-durable.gouv.fr.
1881
Parmi les actions de l’EPF Réunion on peut citer : la mise en œuvre de projets urbains, d’une politique
locale de l’habitat, le développement d’activités économiques, le développement du tourisme et des loisirs, la
réalisation d’équipements collectifs, la lutte contre l’insalubrité, le renouvellement urbain, la sauvegarde et la
mise en valeur du patrimoine bâti et non bâti et des espaces naturels. Voir le site internet : www.epf-
réunion.com/epfreunion/.

535
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

l’aménagement et l’habitat (AGORAH)1882.


L’EPF Réunion dispose de ressources financières constituées d’une trésorerie initiale
à laquelle s’ajoutent les recettes des cessions incluant les frais de portage foncier, la taxe
spéciale d’équipement, les ressources inscrites au titre de la loi SRU, les recettes de gestion
(frais d’ingénierie foncière et produits financiers) et les emprunts. La plupart des acquisitions
réalisées par l’EPF Réunion concerne des terrains destinés à du logement social. Toutes les
communes de La Réunion bénéficient des actions de l’EPF Réunion (Saint-Denis, Sainte-
Suzanne, Saint-André, L’entre-Deux, Saint-Leu, Saint-Paul, etc.).
En conséquence, en dépit de leur champ d’intervention limité, les EPFL peuvent
apporter leur contribution à l’aménagement des secteurs à régulariser. À cet égard, les EPF
d’Etat peuvent se superposer totalement ou partiellement à ces EPFL pour une action
conjuguée dans les collectivités où « les enjeux d’intérêt général en matière d’aménagement
et de développement durable le justifient »1883. Dans ce cadre, pour les EPFL créées avant le
26 juin 2013, l’accord des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité
propre et des communes non-membres de ces derniers est nécessaire et réputé acquis à
l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la saisine1884.
Il résulte en effet de l’article L321-1 du Code de l’urbanisme, que les établissements
publics fonciers d’État peuvent se superposer totalement ou partiellement aux établissements
fonciers locaux créés avant le 26 juin 2013, mais dans ce cas, cela requiert l’accord préalable
des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et des
communes, dont le territoire est concerné par la superposition, mais qui ne sont pas membres
desdits établissements publics. L’accord est réputé acquis à l’expiration d’un délai de trois
mois à compter de leur saisine. En conséquence l’action des EPFA pourraient venir en
renfort à celle des EPFL, qui elles, ne peuvent pas mener d’opérations d’aménagement.
Toutefois, cette solution peut sembler inadaptée compte tenu de l’intérêt d’une
dimension locale de la gouvernance foncière de l’occupation sans titre outre-mer. La
question de la résurgence d’EPFL avec des compétences élargies à l’aménagement se pose.
Car, en définitive, avec les transferts prévus par la loi ADOM de 2015, la question de
l’aménagement et des outils dédiés à l’aménagement devient incontournable et des solutions

1882
Il s’agit d’une agence d’urbanisme créée sous la forme d’une association régie par la loi du 1 er juillet 1901.
Les outils d’optimisation sont : l’observatoire permanent des transactions foncières et immobilières, l’état des
zones d’urbanisation futures, l’inventaire des terrains vacants en centre-ville, l’inventaire des réserves foncières
des communes et des bailleurs sociaux.
1883
Article L321-1 du Code de l’urbanisme.
1884
Idem.

536
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

durables doivent être trouvées. Dans ce cadre, les apports d’outils tels que les EPFL doivent
être mis à contribution. De plus, la pertinence d’une transformation des agences des 50 pas
géométriques, en établissements publics fonciers d’aménagement d’Etat, comme c’est le cas
pour l’EPFAG de Guyane et l’EPFA de Mayotte, se superposant aux EPFL et venant en
appui d’ingénierie aux collectivités territoriales bénéficiaires du transfert prévu par la loi
ADOM, mérite d’être étudiée.
Les EPFA de Guyane et de Mayotte ont la particularité d’être les seuls deux
établissements publics fonciers d’aménagement en France. Ils remplissent également les
missions des SAFER1885. Ils ont un rôle essentiel en matière d’aménagement, ce qui conduit
à s’interroger sur leur possible extension à la Guadeloupe et à la Martinique, en superposition
avec les établissements publics fonciers locaux qui sont des facilitateurs de procédures (B).

B. LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS D’AMÉNAGEMENT DE LA


GUYANE ET DE MAYOTTE : DES LEVIERS EXTENSIBLES
OUTRE-MER ?

L’établissement public foncier d’aménagement (EPFA) est un outil permettant à l’Etat


de faire face aux problématiques de cession et d’aménagement outre-mer. Il a été mis en
place par l’Etat en Guyane et à Mayotte, collectivités locales accusant un certain retard de
développement économique.
En effet, l’article 18 de la loi n°2015-1268 du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit
des outre-mer, portant modification de l’article L321-36-1 du code de l’urbanisme, prévoit
la création d’un établissement public foncier et d’aménagement en Guyane et à Mayotte1886.
Ces établissements publics fonciers et d’aménagement de l’État ont pour mission principale,
au sens de l’article L321-29 du code de l’urbanisme, de conduire toute action de nature à
favoriser l’aménagement, le renouvellement et le développement urbains et durables du
territoire. À ce titre, ils sont compétents pour réaliser toutes interventions foncières ou toutes
opérations immobilières, toutes actions ou opérations d’aménagement, pour leur propre
compte ou, par convention, pour le compte de l’État, des collectivités territoriales, des
établissements publics ou personnes publiques ou privées concernées. Ils sont en mesure de
réaliser tous bâtiments et ouvrages en qualité de mandataires, au sens de l’article 3 de la loi

Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural.


1885

« Après consultation des conseils régionaux, des conseils départementaux, des établissements publics de
1886

coopération intercommunale à fiscalité propre compétents en matière de plan local d’urbanisme, ainsi que des
conseils municipaux ». Ces avis sont réputés acquis dans les trois mois de leur notification par le Préfet.

537
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

du 12 juillet 1985 sur la maîtrise d’ouvrage public. Ils ont bien d’autres fonctions, parmi
lesquelles figure la possibilité de faire, à titre secondaire, des acquisitions foncières
d’espaces naturels, agricoles ou forestiers dont la préservation doit être assurée, afin de
favoriser la protection de l’environnement et sa mise en valeur. Ces établissements publics
fonciers et d’aménagement peuvent agir par voie d’expropriation, de préemption ou exercer
des droits de priorité, dans les conditions prévues par les textes.
Plus précisément les établissements publics fonciers et d’aménagement de l’État à
Mayotte et en Guyane ont la responsabilité d’établir un projet stratégique et opérationnel
ainsi qu’un programme pluriannuel d’intervention, qui doivent être approuvés par leur
conseil d’administration1887. Ils disposent de ressources propres provenant de « toute
ressource fiscale affectée » par la loi, de dotations, subventions, avances, fonds de concours
ou participations apportées par l’Union européenne, l’État, les collectivités territoriales,
leurs établissements publics, les sociétés nationales et toutes personnes publiques ou privées
intéressées, des produits des emprunts qu’ils sont autorisés à contracter, des subventions
obtenues en lieu et place des personnes susnommées, du produit de la vente de biens meubles
et immeubles leur appartenant, ainsi que de leurs revenus nets, dons et legs, rémunérations
des prestations de services et des remboursements d’avances et préfinancements divers
consentis. Le rôle important joué par les EPFA de Guyane et de Mayotte dans
l’aménagement, montre que lesdits établissements publics fonciers sont incontournables
dans la stratégie d’aménagement des quartiers auto-construits outre-mer.

1) L’EPFA de Guyane, un outil d’aménagement performant

La Guyane ne possède pas d’établissement public foncier local, ni d’agence des 50 pas
géométriques, mais possède un établissement public foncier d’État (EPFA) dénommé EPAG
ou EPFAG, réformé récemment, qui a pour périmètre d’intervention la totalité du territoire
de la Guyane Française. L’Établissement public d’aménagement de la Guyane (EPAG) a été
créé en 1996. Il dispose de prérogatives d’actions foncières importantes. Depuis le 1er janvier
2017, l’EPAG de Guyane est devenu l’EPFA de Guyane1888, établissement public foncier
d’aménagement de la Guyane, créé par décret du 23 décembre 20161889.

1887
Lequel conseil d’administration est composé en nombre égal, d’une part de représentants de l’État, et
d’autre part de représentants locaux : représentants du conseil régional et du conseil départemental, et de
représentants des Communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.
Précision étant ici faite que l’établissement public est administré par un directeur général.
1888
Cf. https://www.epfag.fr/spip.php?rubrique25.
1889
Décret n° 2016-1865 du 23 décembre 2016 relatif à l'Établissement public foncier et d'aménagement de la
Guyane, publié au JORF n° 0300 du 27 décembre 2016, texte n° 95.

538
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

L’EPFA de la Guyane prend fermement position en faveur de la régularisation foncière


de la situation des occupants sans titre de la Guyane, par des procédures de cession1890.
En effet, l’État étant propriétaire de plus de 90 % des terres en Guyane française, cette
situation foncière mérite une refonte complète, car elle n’a plus la légitimité qui l’avait
fondée originellement. La raison de protection de l’environnement et du patrimoine
Guyanais ne suffit pas à justifier cela. Une ordonnance du 2 septembre 19981891 permet la
régularisation de l’occupation des agriculteurs et des personnes physiques occupant des
constructions à usage d’habitation, mais les procédures existantes ne sont pas suffisantes.
Les dispositions résultant de l’article L91-1 du Code du domaine, faisant application de ces
cas de cession du domaine privé de l’Etat, déjà étudié en amont, sont « applicables aux
personnes morales dont l'objet est essentiellement agricole et dont plus de 50 % du capital
social est détenu par des personnes physiques répondant aux conditions requises pour
bénéficier à titre individuel de ces dispositions »1892. Le CG3P, dans son titre IV, aux articles
5141-1 et suivants, prévoit une série de procédures de cessions et concessions applicables
au domaine privé de l’État en Guyane, dont les dispositifs ont déjà été étudiés en amont,
mais l’Etat y demeure omnipotent.
À cet égard, le cas de Maripasoula, mérite d’être exposé. Ainsi que l’expose Patrice
PIERRE1893, alors Secrétaire général et directeur de l’action foncière, l’EPAG (actuel
EPFAG) dans le cadre de ses missions de portage foncier, a été sollicité en 2013, par la
Commune de Maripasoula pour un accompagnement de stratégie foncière afin de faire face
notamment à la question des occupations foncières sans titre dans le Bourg de Maripasoula.
Dans ce cadre, une convention d’assistance en ingénierie foncière a été signée entre l’EPAG
et ladite commune. Une procédure de sécurisation des immeubles édifiés sans titre a été mise
ne place par la commune. L’EPAG a proposé un projet de régularisation des occupants sans
titre du foncier communal, au sein de huit périmètres prioritaires situés en Zone U et AU du
PLU. À cet effet, l’EPAG de Guyane a proposé une méthodologie, adoptée en 2015 par la

1890
Cette réalité est devenue évidente lors d’une mission de recherches que j’ai effectuée en Guyane française,
en novembre 2016 (du 15 au 18 novembre 2016). À cette occasion j’ai pu rencontrer les cadres dirigeants de
l’EPAG de Guyane, depuis devenue EPFA, qui m’ont fourni bon nombre de renseignements sur les opérations
de régularisation foncière menées en Guyane, notamment sur la commune de Maripasoula. Entretiens accordés
par PIERRE (Patrice), et TONY (Christelle), VIERA (G), cadres dirigeants de l’EPAG. Communications de
CHEVALIER (Cyrille), chargé d’opérations et de développement urbain.
1891
Ordonnance n° 98-777 du 2 septembre 1998 portant dispositions particulières aux cessions à titre gratuit
des terres appartenant au domaine privé de l'Etat en Guyane et modifiant le code du domaine de l'Etat (partie
Législative).
1892
Article L91-1 du Code du domaine de l’Etat, modifié par l’ordonnance n° 98-777 du 02 septembre 1998.
1893
Opération et méthodologie exposée par Patrice PIERRE, dans sa contribution écrite du 18 novembre 2016.

539
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

commune de Maripasoula. En 2016 la Commune de Maripasoula et l’EPAG ont signé une


convention de coopération entre personnes publiques. Dans ce cadre, l’EPAG a une mission
d’assistance foncière globale, en qualité d’établissement public foncier, en mettant à
disposition de la commune ses moyens d’ingénierie interne1894. Les résultats mettent en
évidence 202 occupations foncières. Ce recensement a été l’occasion d’informer la
population de la régularisation foncière initiée.
Un plan guide d’aménagement permettant de redéfinir la structure des nouvelles
emprises publiques et de les intégrer au cadastre est prévu, avec poursuite de l’enquête
foncière étendue aux six autres périmètres concernés par l’opération de régularisation
foncière de masse. Après établissement du projet de parcellaire et du bornage, les premières
cessions étaient programmées pour 2018, par le biais d’actes administratifs1895.
La commune de Maripasoula fait l’objet d’une occupation sans titre quasi-généralisée
de son territoire. On se trouve en présence d’un foncier communal non structuré. Il n’y a
quasiment pas de marché foncier légal à Maripasoula, peu d’espaces publics définis, et
aucune réserve foncière communale. L’objectif de l’EPFA de Guyane est d’arriver à une
maîtrise de ce foncier communal occupé sans titre, par la mise en œuvre des orientations du
projet communal et par la légalisation de l’occupation. Le projet communal vise à favoriser
le développement des équipements publics, à faciliter la création de logements, et à
redynamiser l’offre économique. Dans la réalisation de ses objectifs fonciers, la commune
de Maripasoula a rencontré des difficultés à mettre en œuvre ces procédures foncières
complexes, à mobiliser des compétences diversifiées, à définir une stratégie cohérente
d’aménagement de son territoire, et à informer le public concerné. L’accompagnement par
l’EPFA de Guyane s’est révélé incontournable.
Dans le cas de Maripasoula, l’EPFA de Guyane est intervenu dans le cadre des
missions autorisées par ses statuts, et dans le cadre de l’orientation du projet d’intervention
2014-2020, par le biais de compétences internes disponibles. Son intervention a contribué à
préparer les réserves foncières dans les zones d’urbanisation future, et à mettre en place un

1894
L’intervention est prévue exclusivement sur le foncier communal et porte sur les parcelles du secteur 1 :
les quartiers Sacapou (périmètre 1) et La Montagne (périmètre 2), soit près de 27 hectares. La Commune et
l’EPAG ont signé une convention de groupement de commandes pour la réalisation d’un plan-guide
d’aménagement précisant les conditions d’aménagement et de développement du centre-bourg de Maripasoula
à l’échéance du PLU, soit l’horizon 2025. Une enquête foncière et socio bâti a été réalisé.
1895
Contribution écrite de Patrice PIERRE, Secrétaire générale de l’EPAG, du 18 novembre 2016. Étant ici
précisé que quatre volets coexistent : le projet de développement territorial, le volet technique et foncier,
l’accompagnement social et le volet juridique et administratif.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

marché immobilier légal1896.


La méthodologie de régularisation foncière envisagée par l’EPAG de Guyane pour
l’opération Maripasoula, comprend quatre volets d’intervention1897 : le volet du projet de
développement territorial1898, le volet technique et foncier1899, le volet accompagnement
social des occupants sans titre, qui est très important et souvent négligé dans beaucoup
d’opérations de régularisation foncière1900, et le volet administratif et juridique,
fondamental1901. La rédaction de l’acte de vente, et l’introduction par ce biais, du bien et de
l’occupant dans le marché foncier légal, constitue un point important de la régularisation
foncière, car elle permet à terme la régulation du marché.
La question de la gouvernance du projet de régularisation foncière à Maripasoula, est
intéressante. Ce projet est piloté par la commune de Maripasoula et par l’EPFA de Guyane.
La commune prend en charge le pilotage politique1902 de l’opération de régularisation
foncière, et l’EPAG de Guyane prend en charge son pilotage opérationnel1903.
S’agissant du cadre juridique d’intervention de l’EPFA de Guyane, trois cadres

1896
Dans le cas de la régularisation foncière à Maripasoula, une convention de coopération a été conclue entre
la Ville et l’EPFA. Les étapes préparatoires suivantes ont été observées. Il y a eu d’abord adoption du plan local
d’urbanisme (PLU) de Maripasoula par délibération du 26 juin 2013. Ensuite il y a eu adoption d’un principe
de sécurisation foncière par délibération du 03 décembre 2014. La méthodologie générale de régularisation des
occupants sans titre de propriété foncière a été adoptée par délibération du 03 juin 2015. L’approbation du
lancement opérationnel de sécurisation foncière a eu lieu par délibération du 21 janvier 2016. Puis, par
délibération du conseil d’administration de l’EPAG de Guyane, en date du 30 mars 2016, est intervenue
l’approbation de la convention de coopération public-public. La signature de ladite convention a eu lieu le 1 er
avril 2016. Le projet de régularisation foncière à Maripasoula a fait l’objet de délimitation de secteurs
d’intervention, afin d’en faciliter la réalisation
1897
Document remis par l’EPAG – Agence de Saint-Laurent du Maroni (entretien du 15 novembre 2016).
1898
Il s’agit de l’identification des secteurs à régulariser, de la définition du plan guide pour l’aménagement du
bourg, et des emprises des nouveaux équipements et des futures voies publiques, de la recherche de
financement, et des consultations.
1899
Il comprend l’établissement d’un état des lieux précis, la consultation du géomètre, les travaux
topographiques, la redéfinition des emprises existantes, l’établissement d’un projet parcellaire, la réalisation
des différents bornages, et la régularisation des cessions au profit des occupants sans titre.
1900
Il s’agit notamment de la réalisation d’un recensement exhaustif des occupants sans titre, du développement
d’actions de concertation collectives et individuelles, de la mise en place d’une procédure de paiement adaptée
au contexte social des accédants, disposant souvent de peu de moyens financiers et d’une faible capacité
d’endettement. Ce volet social comprend aussi la mise en place de solutions visant à limiter le phénomène
d’accaparement du foncier libre.
1901
Il comprend la détermination des conditions de la régularisation foncière, la fixation de la liste des pièces
nécessaires à la régularisation foncière, la détermination du prix de cession du foncier à régulariser, la rédaction
de l’acte de vente, la prévision des alternatives à la cession, et le traitement des anciennes cessions foncières
déjà entamées, pour harmonisation.
1902
Le pilotage politique, à la charge de la commune, comprend la fixation des objectifs de régularisation
foncière, la définition des orientations stratégiques à prendre en compte et la validation des solutions proposées
et élaborées, notamment par décisions du conseil municipal.
1903
Le pilotage opérationnel par l’EPFA de Guyane, comprend l’estimation des moyens et leur mise en œuvre,
le suivi des objectifs, le suivi de la mise en œuvre des décisions prises et les propositions d’ajustement des
solutions mises en œuvre. Autant d’interventions qui se situent sur le volet opérationnel de la régularisation
foncière.

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d’interventions sont privilégiés, par le biais de conventions et d’études. La convention de


coopération public-public, consistant en la mise à disposition de moyens d’ingénierie interne
de l’EPAG pour la régularisation foncière. La convention de groupement de commandes,
consistant en l’achat de biens et prestations présentant un intérêt commun dans le cadre d’un
plan guide d’aménagement. Et les études et prestations externes consistant en l’achat de
prestations présentant un intérêt strict pour la régularisation foncière (opérations de bornage,
de levé topographique, etc.). L’opération de Maripasoula, découpée en deux tranches, a été
financée, pour la première tranche, dans le cadre d’une convention de coopération public-
public. La commune a financé 80 % des dépenses liées à l’opération et l’EPAG de Guyane
a financé 20 %, sur un total de 851.815,00 euros1904. Des fonds européens ont été pris en
compte par le biais du FRAFU1905.
Un comité de pilotage (COPIL) de l’opération de régularisation foncière de
Maripasoula a été mis en place1906. Ce COPIL de Maripasoula est une structure décisionnelle
qui a pour rôle de valider les choix stratégiques effectués, le programme d’actions et les
étapes essentielles du projet. Il a pour rôle de décider des modalités de fonctionnement et de
gestion du projet, d’assurer la communication autour du projet et le lien avec les
institutionnels. Il a également pour objectif de surveiller le bon déroulement du projet et
d’assurer le travail préparatoire et la remontée d’informations à l’assemblée délibérante.
Aux côtés du COPIL, un comité technique (COTECH) assure le suivi de l’opération
de régularisation foncière et organise la présentation des travaux en comité de pilotage. Le
COTECH assure également le bon déroulement de la mise en œuvre du projet. Il procède à
la définition des objectifs du chef du projet et met en place les outils de rapport du projet.
Enfin, il compare les indicateurs de résultats avec les objectifs fixés et propose des actions

1904
Dans le cadre de la convention de groupements de commandes, le financement a eu lieu à hauteur de 10
%, soit 5.000,00 euros, par la commune, à hauteur de 10 % soit 5.000,00 euros par l’EPAG, et à hauteur du
surplus, soit 80 %, soit 40.000,00 euros, par le FRAFU, soit un coût total de 50.000,00 euros. Les études et
prestations externes sont financées à 100 % par la commune, soit un montant de 480.233,00 euros. Soit un coût
total, pour la régularisation foncière sur la commune de Maripasoula, d’un million cent soixante-six mille six
cent quatre-vingt-cinq euros (1.166.685,00 €) ; ce qui représente un coût conséquent mais nécessaire.
1905
Fonds régional d’aménagement foncier et urbain (FRAFU), créé par l’article L340-2 du code de
l’urbanisme au titre des dispositions particulières aux départements d’outre-mer. Constituant un outil instruit
par la DEAL, ce fonds coordonne les interventions financières de l’Etat des collectivités territoriales, et de
l’Union européenne, pour financer la constitution de réserves foncières et la réalisation d’équipements
nécessaires à l’aménagement d’espaces urbains ou d’urbanisation future.
1906
Ce comité est composé de membres de la commune de Maripasoula (maire, directeur général des services,
élus délégués à l’aménagement et aux affaires foncières, responsable du service urbanisme, foncier,
aménagement et développement (UFAD) et chargés de mission urbanisme et revitalisation centre-bourg), de
membres de l’EPAG devenu EPFA de Guyane (directeur général, responsable ASLM, chargé d’opérations), de
membres de la Sous-préfecture (sous-préfet ou son représentant), de membres de la DRFIP (directeur général
ou son représentant), et de membres de la DEAL (directeur général ou son représentant).

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correctives nécessaires au programme arrêté par le COPIL et l’assemblée délibérante1907.


La régularisation foncière lancée à Maripasoula été couplée avec un projet de
revitalisation du centre bourg, lancé par le Ministère du logement, de l’égalité des territoires
et de la ruralité, en 2015. Maripasoula est sortie lauréate de l’appel à manifestation d’intérêt
« revitalisation des centres bourgs », qui a pour objectif de recréer, maintenir ou développer
une centralité nécessaire aux territoires ruraux, tout en limitant l’extension d’urbanisation à
la périphérie du bourg. Ce programme de revitalisation de centre bourg, lancé en même
temps que le programme de régularisation foncière de Maripasoula, est piloté par l’agence
nationale de l’habitat (ANAH), le conseil général de l’égalité des territoires (CGET), la
direction générale aménagement du logement et de la nature (DGALN), et le centre d’études
et d’expertises sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement
(CEREMA)1908.
Il convient de noter, à ce stade, que la cession proprement dite aux occupants ne
constitue qu’un volet de l’opération de régularisation foncière qui a pour objectif, dans ce
cas, la réorganisation de la vie des quartiers concernés et de tout l’espace foncier de la
commune de Maripasoula qui est, à elle seule, un secteur occupé sans titre. Plus précisément,
les instances de pilotage de l’opération de régularisation foncière à Maripasoula sont : le
COPIL, le COTECH, la commission UHATDEF, la commission « marchés » et le conseil
municipal.
Il convient d’observer que les opérations, constituant les différents volets, sont menées
quasiment simultanément, sauf l’opération de cession proprement dite aux occupants, qui ne
peut intervenir strictement qu’après la fin des travaux de bornage. Donc, sans bornages, pas
de cessions concrètes possibles. Un synoptique de l’opération de régularisation foncière de
masse des occupants sans titre de Maripasoula a été établi par l’EPAG (devenu EPFA de

1907
Les membres du COTECH de Maripasoula sont plutôt des techniciens que des politiques. Font partie du
COTECH de Maripasoula : la commune de Maripasoula (élu délégué à l’aménagement, DGS, responsable
UFAD, chargé de mission urbanisme, et chef de projet revitalisation Centre-bourg), l’EPAG (responsable
ASLM et chargé d’opération), la DRFIP (service du cadastre), la DEAL (unité urbanisme, unité Habitat), et
tout élu ou technicien concerné par le sujet.
1908
S’agissant de la régularisation foncière elle-même à Maripasoula, un rétro planning prévisionnel de type
« Gant », a été adopté. Les opérations ont été planifiées sur trois ans, entre 2016 et 2019 et ont été découpées
en cinq volets : un volet projet de développement territorial, un volet technique et foncier, un volet pour
l’accompagnement social, un volet administratif et juridique, et un volet instances de pilotage. Il convient de
remarquer que ce rétro planning tient compte également de l’opération de revitalisation du centre bourg, pour
économie de moyens.

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Guyane), et fait ressortir différentes étapes planifiées sur dix-huit mois environ1909.
Cet exemple démontre la force d’intervention que peut représenter un établissement
public d’aménagement, comme l’EPFAG. La Mairie de Cayenne et le Service France
Domaine, sont les autres acteurs de cette opération. L’intérêt de l’exposé de cette action de
l’EPFA de Guyane est de démontrer que l’intervention de ce type d’établissement public,
couplée avec celle d’autres acteurs du foncier, est essentielle pour l’aménagement et la
régularisation foncière outre-mer.
De plus, en vertu de l’article L5141-6 du CG3P, l’établissement public
d’aménagement peut bénéficier par convention avec l’État, de concessions ou de cessions
gratuite de terres, pour réaliser des travaux d’aménagement rural, selon les mêmes
procédures que celles applicables aux personnes physiques. Les conditions et modalités de
la concession ou de la vente des terres ayant fait l’objet des travaux d’aménagement, sont
définies au sein de cette convention.
Par ailleurs, il convient de se pencher sur le rôle de l’EPFA de Mayotte.

2) L’EPFA de Mayotte, un levier de régularisation foncière à évaluer

Mayotte dispose également d’un EPFA, chargé de l’aménagement de son territoire.


L’établissement public foncier d’aménagement de Mayotte (EPFA de Mayotte)1910, est un
nouvel outil d’aménagement créé par décret n° 2017-341 du 15 mars 2017. Il était attendu
depuis la loi d’actualisation du droit de l’outre-mer de 2015, eu égard à son rôle primordial
pour la production de logements et la gestion du foncier local1911.
La mission de régularisation foncière à Mayotte était précédemment assurée par le
Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA),
qui s’était vu confier, depuis 1995, une mission de régularisation foncière globale,

1909
La première période de six mois prévoit, en validation politique, le déclassement du domaine public, et la
validation des modalités de régularisation foncière par la commission foncière et le conseil municipal. En
travaux communs sont prévus, l’élaboration du plan guide d’aménagement (existence de levés précis récents,
repérage des emprises réelles et projets de réserves foncières), les enquêtes (diagnostic social, diagnostic bâti
et enquête parcellaire) et les ateliers (modes de régularisation, conditions de vente, prix cession). La deuxième
étape, de sept mois, prévoit la délimitation des entreprises publiques, l’enregistrement au cadastre, la
constitution des dossiers individuels de régularisation foncière et l’obtention de l’avis de la commission
foncière. La troisième, d’une durée de cinq mois, prévoit simultanément, le classement dans le domaine public
(procédure juridique) et le bornage du parcellaire (par le géomètre-expert). Elle prévoit également l’obtention
de l’avis de France Domaine, la délibération de cession du conseil municipal, et enfin, en dernier lieu, la
rédaction des actes de vente. En cas d’alternatifs à la cession, la rédaction des baux emphytéotiques et autres
intervient également à ce stade.
1910
Cf. https://www.epfam.fr/, site en construction.
1911
En effet, les prévisions annuelles sont évaluées à 2200 logements par an à Mayotte d’ici 2030, et l’EPF de
Mayotte pourrait assurer la production de 20 % des logements attendus.

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comprenant l’enquête de terrain, la levée des parcelles, la constitution des dossiers, et la


saisine de la commission du patrimoine foncier de la collectivité. La collectivité validait les
dossiers en commission, faisait réaliser les bornages et délivrait les titres de propriété1912. Le
CNASEA avait pour mission de régulariser l’occupation coutumière et de constituer des
réserves foncières, par l’acquisition amiable, et au besoin en utilisant le droit de préemption.
Cette réforme foncière, d’un coût financier élevé, avait notamment pour objectif l’adaptation
aux réglementations métropolitaines.
La Guyane et Mayotte disposent donc d’outils de gestion et d’aménagement
appréciables pour la gestion de la zone des cinquante pas géométriques. L’EPFA de Mayotte
(EPFAM), est placé sous la tutelle du ministre chargé de l’urbanisme. Son rôle est
notamment d’acheter les terrains pour les aménager et les rétrocéder ensuite aux
promoteurs1913.
Compte tenu de l’exiguïté du territoire de Mayotte et de l’ampleur des réformes à
accomplir, le législateur a regroupé au sein de l’EPFAM les missions d’un établissement
public foncier, d’un établissement public d’aménagement et d’une SAFER1914. Ces aspects
de l’EPFAM lui permettent d’être un acteur-clé de la régularisation foncière à Mayotte.
L’EPFAM fait aussi figure de société d’aménagement foncier et d’établissement rural
(SAFER) pour favoriser l’installation, le maintien et la consolidation d’exploitations
agricoles ou forestières, maintenir la diversité du territoire et la protection des espaces
naturels et contribuer au développement des territoires ruraux. Avec une population très
jeune et un taux de logements insalubres de 70 %1915, l’EPFAM constitue un outil
d’accompagnement incontournable d’aménagement et de développement économique des
secteurs à régulariser à Mayotte.
Cet exposé démontre la pertinence de ces outils d’aménagement pour tout l’outre-mer.

1912
LAZERGES (Roland), Mise en œuvre de l’aménagement foncier à Mayotte, Rapport n° 12129 du 5
novembre 2012, Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), p. 9.
1913
Des documents de gestion ont déjà été réalisés à Mayotte. Il s’agit notamment du plan d’aménagement et
de développement durable (PADD) de 2009. Un schéma d’aménagement régional (SAR) comportant plusieurs
volets, dont un « schéma de mise en valeur de la mer » et un « schéma de cohérence écologique », a été élaboré
sous l’égide du conseil départemental de Mayotte.
1914
En effet, l’établissement public foncier réalise pour son compte, pour le compte de l’Etat, des collectivités
territoriales, des personnes publiques ou privées, toute intervention foncière (acquisition, portage, garde, …)
et notamment le portage foncier. L’établissement public d’aménagement réalise pour son compte, ou pour celui
de l’Etat, des collectivités territoriales, et des personnes publiques ou privées, toute action ou opération
d’aménagement, ou favorisant l’aménagement, le renouvellement urbain, et le développement économique du
territoire. Il peut, en qualité de mandataire, réaliser tout ouvrage de bâtiment ou d’infrastructure.
1915
GIROMETTI (Laurent), Les établissements publics fonciers d’Etat, Ministère du logement et de l’habitat
durable, janvier 2018. En ligne : http://www.epfif.fr/wp-content/uploads/2019/07/les-etablissements-publics-
fonciers-d-etat-partenaires-fonciers-de-vos-projets.pdf.

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En effet, ces deux modèles d’établissements publics fonciers d’aménagement, qui


constituent les seuls de ce type en France, gagneraient à être étendus aux autres collectivités
territoriales. Compte tenu de la disparition programmée des agences des 50 Pas
géométriques, il serait judicieux de prévoir l’extension de ces outils d’aménagement aux
autres collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution, par transformation des
agences existantes ou par substitution
Toutefois, compte tenu de la nécessité de favoriser une gouvernance foncière locale
en matière de régularisation foncière outre-mer, la question de la création d’établissements
publics fonciers d’aménagement qui ne soient pas d’Etat mais locaux, se trouve à nouveau
posée, compte tenu du retrait de cette compétence aux EPFL. La question de la sécurisation
de ce type d’outils doit donc corrélativement être envisagée.
Mais en définitive, sans l’intercommunalité, toute tentative d’aménagement serait
vaine. L’alliance régions ou collectivités uniques et EPCI, dans l’aménagement des secteurs
à régulariser outre-mer, semble répondre à la nécessité d’une mutualisation des moyens e
l’aménagement dans les secteurs auto-construits dans les collectivités territoriales de
l’article 73 de la Constitution (§2).

§ II. IMPACT D’UNE ALLIANCE ENTRE LES RÉGIONS ET


INTERCOMMUNALITÉS EN MATIÈRE D’AMÉNAGEMENT

Le rôle d’une alliance entre les régions, collectivités uniques et les intercommunalités,
dans la régularisation foncière outre-mer doit être pris en compte. Cette alliance semble
inévitable pour résorber l’occupation sans titre qui demeure un frein au développement
économique de l’outre-mer.
Laisser à l’Etat la responsabilité et le coût de l’aménagement, en qualité de propriétaire
foncier, dans le cadre de la loi ADOM de 2015, ne résout pas la question de l’aménagement
des secteurs urbains et d’urbanisation diffuse transférés et des stratégies à mettre en place.
Car toute gouvernance foncière locale implique la capacité à prendre des décisions et mettre
en place des stratégies en matière de gestion foncière locale et d’aménagement. Une
réflexion sincère, autonome et innovante doit être menée.
Le rapport établi par Hervé MAUREY et Louis-Jean de NICOLAY (L-J) portant sur

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l’aménagement du territoire1916, rappelle que l’échelon régional1917 est le mieux à même


d’assurer la coordination entre les acteurs locaux, pour une stratégie d’aménagement
cohérente et homogène.
À cet égard, l’article L4221-1 du CGCT1918, résultant de l’article 1er de la loi du 07 août
2015, dite « loi NOTRe »1919, renforce les compétences des régions au profit de
l’aménagement du territoire et de son développement économique. Ces compétences, alliées
à la gestion des aides et subventions, sont des atouts de nature à leur permettre de promouvoir
le développement et l’aménagement des territoires, en ce compris ceux des plus petites
communes, en lien avec les intercommunalités. Des outils comme le schéma régional de
développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII), le schéma
régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires
(SRADDET), permettent aux régions1920 d’être des acteurs décisifs de l’aménagement, avec
le soutien de l’Etat au travers des contrats de plan Etat-Région (CPER)1921. Le SRADDET1922

1916
MAUREY (Hervé) et de NICOLAY (Louis-Jean), sénateurs, Rapport d’information du Sénat n° 565, fait
au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, par le groupe de travail
sur « L’aménagement du territoire », p. 44 enregistré à la Présidence du Sénat le 31 mai 2017. En ligne :
http://www.senat.fr/rap/r16-565/r16-5654.html . p. 44 et s., op. cit.
1917
Cf. loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et
départementales et modifiant le calendrier électoral, renforçant l’échelon régional.
1918
Article LL4221-1 du CGCT : « Le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région dans
les domaines de compétences que la loi lui attribue. Il a compétence pour promouvoir le développement
économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région, le soutien à l'accès au logement et à
l'amélioration de l'habitat, le soutien à la politique de la ville et à la rénovation urbaine et le soutien aux
politiques d'éducation et l'aménagement et l'égalité de ses territoires, ainsi que pour assurer la préservation de
son identité et la promotion des langues régionales, dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des
attributions des départements et des communes. Il peut engager des actions complémentaires de celles de l'Etat,
des autres collectivités territoriales et des établissements publics situés dans la région, dans les domaines et les
conditions fixés par les lois déterminant la répartition des compétences entre l'Etat, les communes, les
départements et les régions. Un conseil régional ou, par délibérations concordantes, plusieurs conseils
régionaux peuvent présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou
réglementaires, en vigueur ou en cours d'élaboration, concernant les compétences, l'organisation et le
fonctionnement d'une, de plusieurs ou de l'ensemble des régions. Les propositions adoptées par les conseils
régionaux en application du quatrième alinéa du présent article sont transmises par les présidents de conseil
régional au Premier ministre et au représentant de l'Etat dans les régions concernées. »
1919
Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « Loi
NOTRe » ; NOR : RDFX1412429L.
1920
Et aux collectivités uniques ; lesquelles ont à la fois les compétences de région et du département.
1921
Le contrat de plan Etat-Région (CPER) constitue un document de programmation et de financement
pluriannuel (sur six ans), d’importants projets d’aménagement du territoire, résultant d’engagements prix entre
ces deux personnes publiques. Initialement créés par la loi du 29 juillet 1982, portant réforme de la
planification, ces contrats prévoient la répartition du financement de projets d’aménagement entre les entités
publiques partenaires.
1922
Le SRADDET, dont l’adoption est prévue avant le 28 juillet 2019, regroupe le schéma régional des
infrastructures de transport (SRIT), celui de l’intermodalité (SRI), celui du climat, de l’air et de l’énergie
(SRCAE), celui de la cohérence écologique (SRCE) et le plan régional de prévention et de gestion des déchets
(PRPGD) ; ce faisant, il rationalise la planification régionale. Il est pensé pour rationaliser la planification
régionale.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

est perçu comme le nouveau plan de la région, réalisé en accord avec les autres collectivités
territoriales. Il est un outil phare de la loi NOTRe1923.
La « loi ADOM » du 14 octobre 2015, en prévoyant le transfert des secteurs urbains
et d’urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas géométriques à la région de
Guadeloupe et à la collectivité unique de Martinique, confirme le positionnement de la
collectivité régionale comme niveau décisif de mise en œuvre de politiques coordonnées de
développement des territoires, et la volonté de l’Etat de substituer à la concurrence ambiante,
la mise en œuvre d’une coopération entre les collectivités et les différents acteurs de
l’aménagement du foncier1924.
Toutefois, s’il appartient aux collectivités régionales d’être les acteurs responsables de
l’élaboration des stratégies d’aménagement des territoires, les intercommunalités
apparaissent comme des acteurs de proximité au service de l’aménagement des secteurs à
régulariser outre-mer (A). Par ailleurs, d’autres outils juridiques innovants en matière
d’aménagement des secteurs à régulariser doivent être envisagés (B).

A. LES INTERCOMMUNALITÉS, DES ACTEURS DE PROXIMITÉ


AU SERVICE DE L’AMÉNAGEMENT DU FONCIER À
RÉGULARISER OUTRE-MER

La loi NOTRe du 07 août 2015, portant nouvelle organisation territoriale de la


République, a donné une dimension obligatoire aux intercommunalités 1925, qui apparaissent
désormais comme des aménageurs de proximité. Il s’agit pour les communes désirant
coopérer entre elles, de se regrouper au sein d’établissements publics de coopération

1923
MAUREY (Hervé) et de NICOLAY (Louis-Jean), sénateurs, Rapport d’information du Sénat n° 565, par
le groupe de travail sur « L’aménagement du territoire », op. cit. , p. 46.
1924
La Région est considérée comme « fer de lance d’une gestion interterritoriale des atouts et des difficultés »
Cf. MAUREY (H. et de NICOLAY (L-J) op. cit. Ce rapport prévoit une évaluation périodique pour s’assurer
de l’opérationnalité de cette vision et de l’effectivité du soutien financier au bloc communal.
1925
La loi du 22 mars 1890 sur les syndicats de communes, a été à l’origine de la première forme de coopération
intercommunale avec la création d’un SIVU (syndicat intercommunal à vocation unique). La loi n° 66-1069
du 31 décembre 1966 a permis la création de communautés urbaines. La loi n° 92-125 du 06 février 1992, dite
« Loi JOXE », relative à l’administration territoriale de la République a permis la création de communautés de
communes et de communautés de villes. Celle n° 99-586 du 12 juillet 1999 dite « Loi CHEVENEMENT », a
renforcé et simplifié la coopération intercommunale. Puis celle n° 2004-809 du 13 août 2004, relative aux
libertés et responsabilités locales, a simplifié et amélioré le fonctionnement de la coopération intercommunale.
La loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales, a rendu obligatoire
l’appartenance à un EPCI à compter du 1er juillet 2013. La loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation
de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM », a modifié le paysage
de l’intercommunalité par le biais des « Métropoles ». La « Loi NOTRe » du 07 août 2015 a élargi les seuils
et compétences obligatoires des EPCI, tout en laissant une place au « bloc communal ».

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intercommunale (EPCI), dont elles constituent la force.

1) Une action conjuguée au niveau local

Dès lors, la question est de savoir si les collectivités récipiendaires vont assumer seules
l’aménagement des zones en cours de transfert, à régulariser, ou s’il peut être envisagé un
transfert de la compétence d’aménagement desdites zones, voire de la régularisation foncière
elle-même, aux intercommunalités qui regroupent la plupart des communes ?
Malgré la nette préférence de certains rapporteurs pour le choix de la structure
intercommunale, l’ensemble des communes y étant pris en compte1926, il serait illusoire de
croire que le transfert à telle personne publique locale plutôt qu’à telle autre résoudrait les
problématiques foncières évoquées. En définitive, plutôt que le transfert à une personne
publique déterminée, c’est d’une gouvernance foncière locale partagée qu’il doit désormais
être question, au sens décrit par Jacques CHEVALLIER1927. Il faut entendre par là une forme
de juridicisation des procédures, vectrice de solutions communes et efficientes.
En effet, l’action conjuguée des régions, collectivités uniques et intercommunalités
paraît incontournable en matière d’aménagement du territoire outre-mer. Avec leurs moyens,
leurs compétences, et leur légitimité locale1928, ces personnes publiques peuvent être des
acteurs privilégiés de l’aménagement dans le cadre de la régularisation foncière outre-mer.
L’échelon local où elles se situent les places en position stratégique pour l’aménagement et
le développement cohérent des secteurs à régulariser.
Il convient de rappeler que dans le cadre de la libre administration des collectivités
territoriales et de l’application du principe de libre administration, l’article L1111-9 du
CGCT, issu de la loi MAPTAM du 27 janvier 20141929, a favorisé la notion de « collectivités
territoriales chefs de file ». Dans cette optique, la région est chargée d’organiser en tant que
chef de file, les modalités de l’action commune des collectivités territoriales et de leurs
établissements publics pour l’exercice de plusieurs compétences, et notamment celles
relatives à l’aménagement et au développement du territoire, à la protection de la biodiversité
et à au développement économique1930. Toutefois, s’agissant de la mise en œuvre des

1926
BAIETTO-BEYSSON (Sabine), BONNAL (Philippe), COLIN (Jean) et ANGEL (Noémie), Rapport relatif
aux problématiques foncières et au rôle des différents opérateurs aux Antilles, op. cit.
http://www.interieur.gouv.fr/publications/rapports-de-l-iga.
1927
Réflexion inspirée de CHEVALLIER (J.), « La gouvernance et le droit », Mélanges Paul Amselek, Bruyant,
pp. 189-207, 2005, op. cit.
1928
Par le biais d’élus locaux.
1929
Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des
métropoles, dite « loi MAPTAM » ; NOR : RDFX1306287L.
1930
Cf. article L111-9, II du CGCT modifié par la loi MAPTAM.

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compétences relatives à l’action sociale, au développement social, à la résorption de la


précarité énergétique, à l’autonomie des personnes et à la solidarité des territoires, c’est le
département qui en est chargé de l’organisation en qualité de chef de file 1931. Bien entendu,
s’agissant des collectivités uniques, comme la Collectivité territoriale de Martinique ou
encore celle de Guyane, l’organisation des modalités de l’action commune des collectivités
territoriales et de leurs établissements publics leur revient pour l’exercice des compétences
relevant de la région et du département.
Concernant les communes et établissements publics de coopération intercommunale à
fiscalité propre, la région intervient en tant que chef de file pour organiser les modalités de
l’action commune des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, pour
l’exercice de certaines compétences, particulièrement en ce qui nous intéresse, en matière
d’aménagement de l’espace, de mobilité durable, et de développement local. Sans oublier
l’organisation des services publics de proximité1932.
Les modalités de l’action commune des collectivités territoriales et de leurs
groupements pour l’exercice des compétences susdites sont organisées dans le cadre de la
convention territoriale d’exercice concerté, et les projets concernés peuvent bénéficier de
subventions d’investissement ou de fonctionnement provenant de la région, du département
ou de la collectivité unique1933.
Ainsi, l’action concertée des collectivités territoriales, et notamment de la région et
des intercommunalités, est prévue et organisée par le législateur.

2) Une action communale performante et renforcée par


l’intercommunalité

Mais l’échelon communal est devenu un échelon de proximité décisif, dont la force
d’action se déploie à travers les EPCI, qui favorisent l’aide entre les communes. Car la loi
NOTRe du 07 août 2015, rappelle que seules les communes disposent de la clause générale
de compétence, contrairement aux autres collectivités locales. Il peut s’agir d’une
intercommunalité de gestion, de type « associatif », sans fiscalité propre1934, ou d’une
intercommunalité de projet, de type « fédératif », disposant d’une fiscalité propre1935. De
plus, l’intercommunalité implique le développement d’une coopération qui serait facilitée

1931
Article L111-9, III du CGCT.
1932
Article L111-9, IV du CGCT.
1933
Cf. article L111-9 du CGCT modifié par la loi MAPTAM.
1934
Qui fonctionne avec les contributions des communes membres, fixées par les statuts.
1935
Disposant de ses propres recettes fiscales.

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par l’élaboration les documents de planification locale que sont les SCOT et les PLUi1936.
La loi NOTRe a contribué à la mise en place d’une carte intercommunale, constituée
d’EPCI de plus grandes tailles, dont la responsabilité dans l’aménagement de leur territoire
est facilitée par les moyens plus importants dont bénéficient les établissements publics de
coopération intercommunale à fiscalité propre. L’intercommunalité1937 apparaît comme
l’échelon de proximité décisif de l’aménagement du territoire, et « de plus grandes
intercommunalités ont non seulement les moyens mais également la responsabilité
d’aménager leur territoire »1938.
En outre, les intercommunalités permettent une coopération « à géométrie variable »
et une prise en charge des spécificités des territoires. Les nouvelles intercommunalités
permettent d’assurer un maillage équilibré du territoire, notamment en termes d’équipements
de proximité1939. À ces effets, les documents de planification locale que sont les SCOT et les
PLUi sont essentiels pour un diagnostic et une réflexion partagée1940.
Avec ses moyens, l’intercommunalité pourrait donner aux communes l’opportunité
d’intervenir auprès des collectivités régionales et uniques, pour une gouvernance foncière
locale partagée plus efficiente de la régularisation foncière. À travers elle, les communes
peuvent participer et conserver une certaine maîtrise de l’aménagement de leur territoire.
Leur intervention est incontournable. Car, en elles-mêmes, les intercommunalités sont
dépourvues du statut de collectivité territoriale. Elles doivent s’appuyer sur les communes,
dont elles tirent leur légitimité, pour mettre en œuvre leur responsabilité en matière
d’aménagement.
Les communes outre-mer sont nécessairement associées aux problématiques
d’aménagement de leur territoire. Par le biais des intercommunalités, elles constituent des
« forces de frappe », dont pourront difficilement se passer les régions et collectivités uniques
outre-mer. Ainsi, les communes assurent plus de trois quarts des dépenses d’équipement du
bloc communal ; lequel est le premier investisseur public1941. La solidarité et la coopération

1936
Plan local d’urbanisme intercommunal.
1937
Communautés de communes, communautés d’agglomérations, et communautés urbaines. Ces
intercommunalités sont de plus grand taille (nombre de population et nombre de communes) et sont désormais
au nombre 1266. Cf. MAUREY (H.) et de NICOLAY (L-J op. cit.
1938
Cf. MAUREY (Hervé) et de NICOLAY (Louis-Jean), op. cit. Ceux-ci considèrent la Région comme « fer
de lance d’une gestion interterritoriale des atouts et des difficultés) », op. cit. , p. 47.
1939
Idem, p. 48. En sus des transferts imposés par le législateur.
1940
Ibidem.
1941
MAUREY (Hervé) et de NICOLAY (Louis-Jean), sénateurs, Rapport d’information du Sénat n° 565, sur
« L’aménagement du territoire », p. 44 enregistré à la Présidence du Sénat le 31 mai 2017. En ligne :
http://www.senat.fr/rap/r16-565/r16-5654.html . p. 49 et ss, op. cit. Avec 29,7 milliards d’euros de dépenses
publiques en 2015, ce rapport considère que le bloc communal en France est le premier investisseur public.

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intercommunales se développent, notamment au moyen des fonds de concours permettant


de répartir les ressources entre les communes1942.
Compte tenu des disparités existant entre les communes outre-mer, dont la quasi-
totalité sont concernées par des problématiques d’occupation sans titre, et donc à fortiori
d’aménagement, la solidarité et la coopération intercommunales constituent des ressources
et opportunités d’aménagement efficientes à travers le renforcement de l’action des
intercommunalités (communes de communes, communautés d’agglomérations,
communautés urbaines).
Des actions concertées et de coopération entre les régions, les collectivités uniques et
les intercommunalités s’avèrent nécessaires, eu égard à la problématique d’aménagement
qui se pose dans les collectivités de l’article 73 de la Constitution. Dans le cadre des
transferts prévus par la « loi ADOM », il conviendra d’associer les intercommunalités à la
gouvernance foncière locale de la régularisation foncière et aux problématiques
d’aménagement qu’elle induit.
Les outils de coopération intercommunales et inter-collectivités territoriales existent
et certaines de leurs modalités ont déjà été mises en exergue. Mais il convient de s’intéresser
plus singulièrement aux outils juridiques contractuels de l’aménagement des secteurs à
régulariser outre-mer (B).

B. LES OUTILS JURIDIQUES CONTRACTUELS DE


L’AMÉNAGEMENT DES SECTEURS À RÉGULARISER

Certains outils institutionnels de la coopération intercommunales et inter-collectivités


territoriales ont été mis en exergue dans les développements qui précèdent. Les outils de
partenariats public-privé, les contrats et les techniques innovantes d’ingénierie du privé
doivent être sollicités par les collectivités locales pour faire face au défi de l’aménagement
outre-mer.

1) Contractualisation, conférences, et conventions

De nouveaux outils de gouvernance territoriale sont régulièrement mises en œuvre par


le législateur. Parmi ceux-ci, la Conférence territoriale de l’action publique (CTAP)1943 est
prévue pour faciliter un exercice concerté des compétences des collectivités territoriales, de

1942
MAUREY (Hervé) et de NICOLAY (Louis-Jean), idem.
1943
Article L1111-9-1 du CGCT.

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leurs groupements et établissements publics. Elle facilite la conduite de politiques publiques.


Elle est présidée par le Président du conseil régional et est composés des présidents dudit
conseil régional, des conseils départementaux, des EPCI de plus de 30000 habitants, et des
représentants des EPCI de moins de 30000 habitants et de chaque catégorie de communes.
Le préfet de région y participe à sa demande ou de droit pour certaines questions1944.
Par ailleurs, dans le cadre de la CTAP, les collectivités territoriales chef de file doivent
élaborer des conventions territoriales d’exercice concerté (CTEC)1945 d’une compétence,
régularisées entre les collectivités territoriales, dans un objectif de rationalisation,
d’évitement de financements croisés et de fixation des modalités de leur action commune1946.
Un autre outil de gouvernance foncière locale peut être trouvé dans les Pôles
d’équilibre territoriaux et ruraux (PETR)1947, qui sont des établissements publics créés par la
loi MAPTAM, relevant des dispositions spécifiques des articles L5741-1 à L5741-5 du
CGCT et de l’article 79, II et III de la loi MAPTAM susmentionnée. Une réponse
ministérielle du 11 mai 2017 dit que les PETR sont soumis aux dispositions applicables aux
syndicats mixtes fermés énoncées aux articles L5211-1 et suivants du CGCT, par renvoi de
l’article L5241-1 dudit code, dès lors que ces dispositions ne méconnaissent pas les articles
L5741-1 à L5741-5 sus visés1948. Les PETR sont constitués d’au moins deux EPCI à fiscalité
propre, dans un périmètre d’un seul tenant. Il s’agit d’un outil de coopération entre EPCI,
sur les territoires situés hors métropoles. Ce sont des outils de gouvernance territoriale qui
constituent des reparties institutionnelles, face à l’existence de pôles métropolitains.
L’aménagement efficient des zones à régulariser passe également par l’adoption de
méthodes contractuelles, mieux à même de fédérer les différentes personnes publiques
autour d’un programme d’aménagement commun, adapté aux spécificités locales.
Les régions, collectivités uniques et intercommunalités étant les interlocuteurs
privilégiés de l’aménagement du territoire1949, des instruments juridiques souples et adaptés
doivent être mis en place pour concrétiser les solutions retenues. Dans ce cadre, la

1944
Celles portant sur la demande de délégation d’une compétence de l’Etat.
1945
Instaurées par l’article L.1111-9-1 alinéa V du CGCT.
1946
Cf. : https://www.lagazettedescommunes.com/533723/la-convention-territoriale-dexercice-concerte-
nouvel-outil-organisationnel/.
1947
La Conférence des maires réunit les maires des communes situées dans le périmètre d’un PETR. La
Conférence se réunit une fois par an et est consultée sur les projets de territoire.
1948
Cf. Question écrite n° 25432 de M. MASSON (J-L), publiée au JO Sénat du 16 mars 2017, p. 1063 et
Réponse du Ministre de l’Intérieur publiée au JO Sénat du 11 mai 2017, p. 1836 :
https://www.senat.fr/questions/base/2017/qSEQ170325432.html.
1949
MAUREY (Hervé) et de NICOLAY (Louis-Jean), sénateurs, Rapport d’information du Sénat n° 565, p. 44
et ss, op. cit.

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contractualisation des relations, empruntant aux méthodes des partenariats public-public et


public-privé, apparaît comme un mode opératoire à privilégier aux côtés d’autres outils de
coopération, en faveur de l’aménagement.
L’utilisation du procédé du contrat comme instrument moderne de l’action publique,
créateur de politiques communes et favorisant une approche pluraliste des questions locales,
permet d’aller plus loin que les simples enjeux financiers auxquels ont été réduit les contrats
de plan Etat – régions1950. Une approche contractuelle, en lien avec la décentralisation,
permet de favoriser l’aménagement, d’articuler les ressources disponibles avec les besoins
et objectifs des acteurs fonciers signataires et de tenir compte de la fragilité de certains
territoires1951. Le contrat négocié entre les personnes publiques (acteurs institutionnels, Etat,
collectivités territoriales, …), les acteurs de la société civile (entreprises privées et
associations actives, notamment), autour d’une « responsabilité territoriale commune », doit
être privilégié, aux lieu et place d’un document de planification défini et dirigé par un acteur
unique1952. La technique contractuelle permet ainsi d’associer tous les acteurs fonciers de
l’aménagement et de mobiliser les différentes ressources financières nécessaires.
Il convient donc de « faire de la contractualisation, la méthode centrale
d’aménagement du territoire pour permettre une adaptation des politiques publiques et de
leurs ressources aux besoins de chaque territoire »1953. Cela implique de faire ressortir la
réalité des contributions notamment financières, les responsabilités et obligations
contractuelles de chacune des parties, et de prévoir des modalités de suivi, de contrôle et
d’évaluation des actions publiques menées.
Dans le même sens, pour Jacques CHEVALLIER1954, la contractualisation implique
des relations juridiques fondées sur un accord de volontés et suppose la prise en compte de
la coopération d’acteurs autonomes, et non l’unilatéralité et la contrainte. La
contractualisation privilégie un processus de négociation en vue d’une action commune. À
travers l’essor de « règles publiques négociées » peut s’amorcer un mouvement de
juridicisation de la gouvernance foncière locale.
Par ailleurs l’attention est attirée sur la nécessité de ne pas brider les initiatives locales

1950
MAUREY (Hervé) et de NICOLAY (Louis-Jean), p. 44 et ss, op. cit.
1951
MAUREY (Hervé) et de NICOLAY (Louis-Jean), sénateurs, Rapport d’information du Sénat n° 565, p.
51 et ss, op. cit.
1952
Idem.
1953
Ibidem, p. 52.
1954
CHEVALLIER (Jacques), « La gouvernance et le droit », Mélanges Paul AMSELEK, Bruyant, pp. 189-
207, 2005, op. cit.

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en matière d’aménagement du territoire, et de ne pas pénaliser les rapports entre partenaires


institutionnels et économiques, par des dispositifs normatifs trop complexes1955.
Mais d’autres outils peuvent s’avérer intéressants à mettre en œuvre.

2) Le cas de sociétés publiques locales d’aménagement (SPLA)

En effet, les sociétés publiques locales d’aménagement (SPLA) ont l’avantage d’être
compétentes pour réaliser toute opération d’aménagement pour leurs actionnaires, sur leur
territoire. Ce dispositif a été créé par l’article 20 de la loi du 13 juillet 20061956, qui a autorisé
les collectivités territoriales et leurs groupements à prendre des participations dans les SPLA.
Codifié à l’article L327-1 du code de l’urbanisme, et à l’article L1531-1 du CGCT, ce
dispositif a été pérennisé par la loi du 28 mai 2010 qui a élargi son champ de compétences1957.
Cet outil juridique a été créé pour permettre aux collectivités territoriales de se
dispenser des règles de publicité et de mise en concurrence pour la dévolution de certains
contrats de marchés publics ou de concessions d’aménagement, lorsque le cocontractant est
considéré comme un prolongement de la personne publique elle-même1958.
Il a été préconisé dans certains rapports, dont le rapport BAIETTO-BEYSSON,
BONNAL, COLIN et ANGEL1959. Son intérêt serait de permettre à la collectivité
bénéficiaire du transfert des zones U et UD de la ZPG d’en confier la mission
d’aménagement à une SPLA.
Ces sociétés revêtent la forme de sociétés anonymes composées de deux actionnaires.
Elles sont compétentes pour réaliser les opérations d’aménagement relevant de l’article
L300-1 du code de l’urbanisme. Elles peuvent également, en application des articles L221-
1 et L221-2 du code de l’urbanisme, effectuer des études préalables, procéder à toutes
acquisitions ou cessions d’immeubles dans le cadre desdits articles, procéder à toute
opération de construction et de réhabilitation immobilière en vue de l’aménagement,
procéder à toute acquisition ou cessions de baux commerciaux, de fonds de commerce ou de
fonds artisanaux dans les conditions du code de l’urbanisme, exercer par délégation les droits

1955
LAMBERT (Alain), cité dans MAUREY (Hervé) et de NICOLAY (Louis-Jean), sénateurs, Rapport
d’information du Sénat n° 565, sur l’aménagement du territoire, p. 52.
1956
Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 relative à l’engagement national pour le logement.
1957
Loi n° 2010-559 du 28 mai 2010 relative au développement des sociétés publiques locales.
1958
Il s’agissait de mettre fin à une jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes sur les
limites du « in house ». Cf. https://www.collectivites-locales.gouv.fr/societes-publiques-locales-et-societes-
publiques-locales-damenagement. Consulté le 25 janvier 2019.
1959
Cf. BAIETTO-BEYSSON (Sabine), BONNAL (Philippe), COLIN (Jean) et ANGEL (Noémie), Rapport
relatif aux problématiques foncières et au rôle des différents opérateurs aux Antilles, rapport du Conseil général
de l’environnement et du développement durable, et de l’Inspection générale de l’administration, établi en
novembre 2013, consultable sur le site : http://www.interieur.gouv.fr/publications/rapports-de-l-iga.

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de préemption et de priorité, et agir par la voie de l’expropriation, dans le cadre des


conditions fixées par conventions conclues par leurs membres1960.
Toutes les modalités, contribuent à favoriser l’émergence de modes d’actions
privilégiant les partenariats publics-privés, et à faire de la contractualisation un instrument
privilégié de la gouvernance foncière locale partagée.

CONCLUSION DU CHAPITRE

La régularisation foncière outre-mer revêt les caractères d’une régularisation d’intérêt


public qui requiert une gouvernance foncière locale partagée et un aménagement
indispensable. La résorption de l’occupation sans titre par les collectivités territoriales outre-
mer exige la mise en place d’outils fonciers pouvant agir tant sur le plan local que sur un
plan plus général, par l’aménagement des quartiers auto-construits et la mobilisation d’un
véritable financement, dont il sera question en aval.
Mais l’enthousiasme pour une gouvernance foncière locale ne doit pas faire perdre de
vue la nécessité de considérer que la régularisation foncière constitue une préoccupation qui
doit demeurer d’intérêt public national. À ce titre, elle devrait bénéficier de leviers financiers
tant au niveau local qu’au niveau national, notamment par le biais de programmes nationaux
de régularisation foncière pouvant bénéficier de fonds de financement et d’équipement.

CONCLUSION DU TITRE

La reconnaissance de l’intérêt public de la régularisation foncière outre-mer est


primordiale pour la mise en œuvre d’une régularisation foncière à moyens égaux.
Dans le domaine privé des collectivités territoriales, cette reconnaissance passe par
une réforme d’intérêt public, visant d’une part, à un renforcement du cadre juridique des
procédures de régularisation foncière amiables tant de cession qu’alternatives à la cession,
et d’autre part, à la déclaration d’utilité publique de la régularisation foncière en cas de
carence de la volonté du propriétaire, en présence d’un intérêt public avéré. Dans ce dernier
cas, la procédure d’expropriation serait adaptée dans ses phases et délais, et contrôlée,
notamment par la méthode du « bilan coûts-avantages ».
Dans le domaine de l’Etat, cette reconnaissance de l’intérêt public requiert une
meilleure répartition de la maîtrise foncière outre-mer. Toute cela conduit à examiner la

1960
Pour aller plus loin, se référer aux articles L1531-1 du CGCT et L327-1 du C. Urb. (Code de l’urbanisme).

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problématique de la gouvernance foncière locale du foncier occupé outre-mer, et notamment


celle de la régularisation foncière d’intérêt public local. Cela pose la question du transfert de
la responsabilité juridique et financière de la régularisation foncière et de ses moyens
matériels, juridiques et financiers. Cela induit la question du transfert de la responsabilité de
la police de l’occupation sans titre outre-mer et de ses moyens et dispositifs, aux
bénéficiaires du transfert de gouvernance foncière. D’où la nécessité d’une gouvernance
foncière locale partagée. Mais c’est également, toute la question du transfert induit du coût
de l’aménagement qui se trouve posée dans toute opération de transfert de foncier
illégalement occupé et de régularisation foncière, d’où la nécessité d’envisager des stratégies
d’aménagement dans le cadre d’un transfert de gouvernance foncière. Dans ce cadre, l’effet
levier des établissements publics fonciers dans chacune des collectivités territoriales de
l’article 73 de la Constitution, ne peut être ignoré, de même que l’impact d’une alliance
nécessaire entre les régions et intercommunalités en matière d’aménagement. Des outils
juridiques contractuels de l’aménagement des secteurs à régulariser sont évoqués.
Les développements effectués en amont conduisent à considérer que, dans le cadre
d’une régularisation foncière d’intérêt public outre-mer, ce sont les règles même de cette
régularisation foncière, portant tant sur le domaine public que sur le domaine privé occupé
outre-mer, qu’il faut réformer, réhabiliter, harmoniser et pérenniser, et qu’il est impératif
d’évoluer vers un véritable droit de la régularisation foncière outre-mer (Titre II).

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

TITRE II – ÉMERGENCE D’UN


VÉRITABLE DROIT DE LA
RÉGULARISATION FONCIÈRE OUTRE-
MER

L’étude du droit positif et des pratiques de régularisation foncière incitent à favoriser


l’émergence d’un véritable droit de la régularisation foncière outre-mer, à l’appui de l’action
des collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution. Elle a permis de faire le
constat de l’inégalité des moyens de régularisation existants, entre les personnes publiques
et entre les territoires, pour répondre de manière définitive à l’objectif du législateur de
juguler l’occupation sans titre outre1961.
Cette étude a aussi permis d’aboutir à la conclusion que la régularisation foncière par
titrement outre-mer n’est pas la légitimation d’une atteinte portée au droit de propriété des
personnes publiques outre-mer, et qu’il y a une certaine urgence à passer d’une régularisation
foncière à moyens inégaux à une régularisation foncière d’intérêt public dans les collectivités
territoriales de l’article 73 de la Constitution.
Ces constats et conclusions, et la reconnaissance de l’intérêt public de la régularisation
foncière d’intérêt dans les collectivités territoriales situées outre-mer, font la démonstration
de la nécessité de mettre en place un véritable droit de la régularisation foncière outre-mer,
adapté et pérenne, s’appuyant sur les réflexions de spécialistes, juristes, et politiques1962.
Certes, les collectivités territoriales peuvent, depuis la réforme constitutionnelle
opérée par la loi organique du 1er août de 2003, « déroger à titre expérimental et pour un
objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent

1961
Les développements qui précèdent démontrent l’existence d’un kaléidoscope de mesures contradictoires,
parfois arbitraires, voire discrétionnaires. En outre, certaines communes outre-mer peinent à mettre en œuvre
les procédures de régularisation foncière, faute de moyens financiers. Les communes de Case-Pilote, Le
Lamentin, Le Robert, n’hésitent pas à se référer à ce qui est fait par la commune de Fort-de-France en matière
de régularisation foncière. Mais leurs moyens ne leur permettent pas nécessairement une régularisation foncière
de l’envergure de celle de Fort-de-France. Laquelle éprouve elle-même quelques peines à financer ces
opérations qui sont pourtant incontournables. D’où la nécessité d’une réforme du financement de la
régularisation foncière outre-mer ;
1962
Voir notamment la position de Hervé EMONIDES, directeur de l’agence des 50 pas de Martinique, qui
préconise une transposition de la législation aux secteurs U et UD de la ZPG au profit des collectivités
territoriales.

558
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

l’exercice de leurs compétences »1963. Mais, c’est d’une véritable réforme législative ou
réglementaire, constitutive d’un véritable droit de la régularisation foncière, applicable en
toute sécurité à toute situation similaire, dont l’outre-mer a besoin.
La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme semble y être
favorable. A cet égard, l’arrêt SPORRONG et LÖNNORTH, du 23 septembre 19821964,
énonce trois normes qui favorisent l’intervention du législateur. La première norme énonce
le principe du respect de la propriété, la seconde soumet la privation de propriété à des
conditions, et la troisième norme reconnaît aux États le pouvoir de réglementer l’usage des
biens conformément à l’intérêt général et en mettant en vigueur les lois qu’ils jugent
nécessaires à cette fin1965. De surcroît, cette jurisprudence européenne accorde une grande
place à la protection de l’environnement et du littoral par le rattachement de cette protection
au service de l’intérêt général1966. La question de l’occupation de la zone des cinquante pas
géométriques peut y trouver un recours apaisant, en dépit de la précarité de la situation des
occupants de ladite zone.
Dans le domaine privé des collectivités territoriales outre-mer, émerge la nécessité
d’un encadrement juridique des procédures amiables et d’une adaptation de l’expropriation
d’utilité publique à la régularisation foncière outre-mer, dans le cadre d’une régularisation
foncière d’intérêt public, permettant de juguler l’occupation sans titre outre-mer. Dans le
domaine de l’Etat s’est fait jour la nécessité de la montée en puissance d’une gouvernance
foncière locale de la régularisation foncière, initialisée au niveau local par la loi ADOM, et
par l’utilisation de plus en plus répandue d’outils juridiques fonciers, tels les établissements
publics fonciers, en appui aux opérations de régularisation foncière.
Ce n’est pas la première que l’adaptation du droit aux réalités locales et à l’action
publique est sollicitée. Ainsi, le rapport « LISE-TAMAYA »1967, préconisait déjà une
adaptation du droit à l’efficacité de l’action publique et un desserrement de l’étreinte
concentratrice de l’Etat dans le cadre d’un vrai partenariat avec les collectivités locales.
Ainsi, une nécessaire reconnaissance des sources locales de droits réels, assortie d’une

1963
Cf. les articles LO 1113-1 à LO 1113-7 du CGCT.
1964
CEDH, 23 septembre 1982, Sporrong et Lönnorth c. Suède, série A, n° 52, GACEDH n° 65. Cité dan
LLORENS (F.), op cit.
1965
LLORENS (François), ODENT (Brunon) et LAVIALLE (Christian), « Les titres d’occupation de la « zone
des cinquante pas géométriques » : le droit français au droit de la Convention européenne des droits de
l’homme », RFDA, « Biens et travaux », novembre-décembre 2012, p. 1170.
1966
Idem.
1967
LISE (Claude), alors sénateur de la Martinique, et TAMAYA (Michel) alors député de La Réunion, « Les
départements d’outre-mer aujourd’hui : la voie de la responsabilité », rapport à Monsieur le premier ministre,
publié en 1999, 207 pp, remis au gouvernement le 24 juin 1999.

559
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

gouvernance locale dotée des moyens juridiques et financiers nécessaires à son plein
exercice, sont de nature à apporter légitimité et dignité à la régularisation foncière outre-mer.
À cet effet, il convient de favoriser l’émergence d’un véritable droit de la
régularisation foncière outre-mer, à axer sur la dignité humaine et financière (Chapitre I) et
à asseoir sur un corpus juridique dédié à la régularisation foncière outre-mer (Chapitre II).

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

CHAPITRE I – UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE


À AXER SUR LA DIGNITÉ HUMAINE ET
FINANCIÈRE

Avec la mondialisation des problématiques humaines et nonobstant la protection du


droit de propriété, il est impératif de se préoccuper de la situation des occupants sans titre.
En conséquence, il importe de faire ressortir le levier principal de la régularisation
foncière qui se trouve dans la dignité humaine menacée. En effet, toute action de
régularisation foncière doit répondre aux questions préoccupantes de la reconnaissance de
la dignité de la personne humaine, du droit au logement, de l’amélioration de l’habitat
insalubre, de l’aménagement, de la réhabilitation des équipements publics, du « droit à la
Ville » pour tous, et en fin de compte, correspondre à une forme de « promotion à la
citoyenneté » foncière1968, étendue au bénéfice des catégories sociales de la population.
Cette reconnaissance s’effectue par la régularisation foncière et prioritairement au
moyen de la délivrance d’un titre de propriété ou d’un titre de jouissance au profit de
l’occupant sans titre. Il en résulte la nécessité d’un encadrement des procédures de
régularisation foncière par un corpus juridique dédié, adapté et pérenne. À cela s’ajoute la
prise en compte incontournable de la dignité de la personne humaine. Mais tout cela serait
illusoire sans moyens financiers, humains et d’ingénierie technique dédiés.
En ces temps de pénurie foncière, il y a une véritable nécessité à mettre en exergue,
par des procédures de régularisation foncière à moyens égaux ou équivalents pour toutes les
personnes publiques, la régularisation de la situation des occupants sans titre et
parallèlement, leur protection, sur la base de fondements juridiques objectifs et protecteurs
des droits des propriétaires. À défaut, c’est un droit foncier révolutionnaire, du moins du
point de vue des occupants sans titre aspirants à la propriété, qui finira par s’imposer

1968
AITEC, Association Internationale de Techniciens, Experts et Chercheurs, Occupation et régularisation
foncière au regard des droits au logement et à la ville. Article publié le 05 mars 2007, sur le site « aitec. reseau-
ipam.org.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

progressivement1969.
Le bien-fondé de la régularisation foncière mise en place dans le domaine public
comme dans le domaine privé des collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution,
est démontré en amont. Son caractère d’intérêt public, voire d’utilité publique a été mis en
exergue, démontrant qu’il ne s’agit pas de légaliser l’illégalité foncière, mais qu’il y a une
légitimité dans la régularisation foncière. Il s’agit d’une utilité publique, dont l’un des
fondements essentiels est la sauvegarde de la dignité de la personne humaine, à laquelle
s’ajoute l’un de ses corolaires, le droit à un logement décent.
À la recherche de la protection du droit de propriété, de la dignité de la personne
humaine et du droit au logement, s’ajoute la dignité financière sans laquelle les collectivités
locales ne sauraient concrétiser de manière efficiente les premiers objectifs au travers de la
régularisation foncière. Les concepts de dignité humaine et de dignité financière locale se
trouvent liés, en vue de l’efficience de la régularisation foncière outre-mer.
Le respect de la dignité de la personne humaine et de ses corollaires, dans le cadre des
procédures de régularisation foncière, constitue une limite acceptable au droit de propriété
(Section I). Laquelle dignité humaine est indissociable de la dignité financière, appliquée
aux opérations de régularisation foncière (Section II).

SECTION I – LA DIGNITÉ HUMAINE, LIMITE AU DROIT


DE PROPRIÉTÉ

Dans son article consacré à « la notion de dignité humaine dans la sauvegarde des
droits fondamentaux de détenus », Emine Eylem AKSOY rappelle une citation de Blaise
PASCAL énonçant que « le droit sans dignité n’est que médiocrité, la dignité sans droit n’est
que déraison »1970. Pour cet auteur, la notion de dignité humaine revêt plusieurs dimensions,
dont une partie relève de l’individu et l’autre des valeurs de la société. Ainsi une personne
humaine peut garder sa dignité fondamentale, mais connaître des conditions de vie

1969
Les collectifs de quartiers jouent un rôle fondamental dans les procédures de régularisation foncière. Les
politiques ne peuvent plus agir sans eux.
1970
ASKOY (Emine Eylem), « la notion de dignité humaine dans la sauvegarde des droits fondamentaux de
détenus », citée dans CANCADO TRINDADE (Antonio Augusto) et BARROS LEAL (César) coordinateurs,
Le respect de la dignité humaine, IV Cours brésilien interdisciplinaire en droits de l’Homme, Fortaleza, 2015.
En ligne : http://ibdh.org.br/wp-content/uploads/2016/10/2015c-book.pdf.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

indécentes contraires au principe d’humanité. C’est sa dignité éthique qui est en cause1971.
Par comparaison ou extension, il est possible d’affirmer que, s’agissant des occupants
sans titre, vivant dans des logements indignes ou indécents, ce n’est pas leur dignité
fondamentale ou inhérente qui est remise en cause. Ce sont leurs « conditions de vie
indécentes » et opposées à l’humanité, qui menacent leur dignité humaine, dans de
nombreux cas. Il en résulte un lien fondamental entre la régularisation foncière et
l’aménagement incontournable des quartiers auto-construits, dont il a été question en amont.
Mais, l’optimisation des procédures de régularisation foncière, par la mise en exergue
de l’intérêt public, du respect de la dignité humaine menacée et du droit au logement,
constitue un impératif de sécurité publique, qui ne doit pas céder devant le clientélisme
politique. Le respect de la dignité de la personne humaine présente un intérêt certain en
matière de régularisation foncière. Il est mis en avant dans un but, tant de protection des
occupants sans titre que de protection du droit des propriétaires lésés.
En conséquence, le respect de la dignité humaine appliqué à la régularisation foncière
permet de faire une distinction entre les cas où la régularisation foncière positive, par cession
ou autrement, s’impose, et ceux où ladite régularisation est accessoire voire exclue1972. À cet
égard, il a parfois pu être constaté un véritable « bras de fer » entre les propriétaires publics
et privés et les occupants sans titre ; ceux-ci se considérant généralement comme
propriétaires réels ou éthiques du foncier occupé1973.
La notion de respect de la dignité humaine menacée pourrait fonder, en vue d’objectifs
sociaux ou rapprochés, le droit à la régularisation foncière positive1974. Il a déjà été fait appel
à la notion de dignité de la personne humaine pour faire respecter des droits fondamentaux.
La régularisation foncière n’est pas un droit fondamental, mais lorsqu’elle revêt un caractère
d’intérêt public voire d’utilité publique, qu’elle touche l’ordre public, et que sont en jeu des
problématiques de logement indécent ou indigne, sans oublier l’aménagement, elle touche
aux droits fondamentaux.

1971
Idem, p. 49.
1972
La régularisation foncière par cession n’est pas envisageable dans les zones à forts risques et dans les zones
naturelles à protéger. Dans ces cas, le relogement s’impose.
1973
Les occupants sans titre ont fréquemment investi leur force de travail, parvenant généralement à faire de
parcelles inconstructibles de véritables terrains à bâtir ayant une valeur marchande. Par ailleurs, il s’agit
souvent de populations à faibles ressources, dont la construction, fréquemment édifiée par « coups de mains »,
constitue le seul patrimoine. Par « coups de mains » : expression utilisée pour décrire l’édification d’une
construction, par entraide, avec l’aide solidaire de la force physique de la famille, des voisins, de tiers.
1974
C’est-à-dire par attribution ou octroi d’un titre de propriété, de jouissance, ou d’un autre type de droit réel
démembré (droit d’usage et d’habitation, droit de superficie, etc.). Et ceci, par opposition à la régularisation
foncière négative qui consiste à régulariser l’occupation sans titre par sanction (contravention de grande voirie,
expulsion, etc.).

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
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À cet égard, le principe du respect de la dignité humaine, érigé en objectif social à


valeur constitutionnelle, fonde le droit à un logement décent 1975. La notion de « droit à un
logement décent » a été mise en avant en matière de logement et d’habitat, et
particulièrement pour l’instauration d’un « droit au logement opposable (DALO) » institué
par la loi du 05 mars 20071976. Toutefois, la notion de dignité de la personne humaine était
déjà présente dans la loi du 21 juillet 19941977, énonçant les caractéristiques des logements
d’urgence. La problématique du droit au logement confère un caractère inévitable à la mise
en œuvre de procédures de régularisation foncière pérennes.
Dans le même état d’esprit, il est possible de se référer au respect de la dignité de la
personne humaine, comme fondement juridique objectif des opérations de régularisation
foncière et de protection des occupants sans titre, face au droit de propriété. Ce concept ne
serait pris en compte que lorsque la dignité de la personne humaine est menacée, et
permettrait d’optimiser la protection de l’occupant sans titre par l’utilisation de procédés de
régularisation foncière, de relogement et d’aide à l’acquisition plus adaptés. Il s’agirait
d’assainir, de pérenniser et rééquilibrer ces opérations.
La prise en compte de la dignité de la personne humaine allié à l’intérêt public de la
régularisation foncière est un levier permettant de substituer à l’opportunisme politique un
fondement juridique strict éprouvé par la doctrine et la jurisprudence. En effet, la
régularisation foncière n’est pas une activité économique, et la sauvegarde de la dignité de
la personne humaine doit primer sur la rentabilité, d’ailleurs quasi inexistante, de ces
opérations, qui visent à optimiser la gestion du foncier occupé sans titre.
L’occupation sans titre outre-mer, comme en France métropolitaine, pose un problème
humain et pas seulement juridique et économique. Le professeur LARRIEU avait déjà fait
observer cela dans son article consacré au changement de statut de la zone des cinquante pas
géométriques1978. La notion d’intérêt public doit être couplée celle du respect de la dignité de
la personne humaine. Ces deux notions doivent constituer les garde-fous de la régularisation
foncière outre-mer.
La protection de la dignité de la personne humaine constitue un fondement juridique

1975
Cf. décision n° 94-359 DC, 19 janvier 1995, « Loi relative à la diversité de l’habitat ». En ligne :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1995/94359DC.htm.
1976
Cf. loi n° 2007-290 du 05 mars 2007, instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures
en faveur de la cohésion sociale. NOR : SOCX0600231L.
1977
Cf. loi n° 94-624 du 21 juillet 1994, relative à l’habitat. NOR : LOGX9400039L.
1978
LARRIEU (Jacques), Le changement de statut de la zone des « 50 pas du Roi » dans les D.O.M., Les
Petites affiches, 12 décembre 1997, n° 149, page 8, ID : PA199712128. En ligne : https://www-lextenso-fRbu-
services.univ-antilles.fr/lextenso/ud/urn%3APA199712128.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

objectif, mesurable et éthique, permettant d’assainir les opérations de régularisation foncière


(§1). Ce fondement permet d’apporter une protection adaptée aux occupants sans titre,
notamment à travers l’une de ses déclinaisons qu’est le droit au logement (§2).

§ I. LA DIGNITÉ HUMAINE : FONDEMENT DE LA


RÉGULARISATION

Le respect du droit à la dignité de la personne humaine menacée constitue une limite


nécessaire au droit de propriété, car elle apporte un fondement éthique à l’action de
régularisation foncière. Il y a une nécessité de prendre en compte la dimension de l’être dans
les procédures de régularisation foncière, particulièrement par la notion de dignité de la
personne humaine et son corollaire, le droit au logement. Cette notion de dignité humaine
est introductrice d’une sécurité éthique et morale, dans la sphère de la régularisation
foncière. Elle constitue une limite naturelle au droit de propriété.
La notion d’habitat indigne ou indécent génère des interventions juridiques
différenciées, par le biais de procédures multiples prévues par le législateur1979, dont la
présente étude n’est pas le lieu d’exposition1980. Toutefois, le logement indigne ou non décent
est aussi défini comme étant un habitat précaire ou informel contraire à la dignité de la
personne humaine. En ce sens, la lutte contre l’habitat indigne ou non décent est
indissociable d’une régularisation foncière bien exercée. À cet égard, l’article 34 de la loi du
24 mars 2014 pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », modifie
l’article 1er de la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement1981. Il y
insère un article 1er-1 qui définit l’habitat indigne et informel, ainsi qu’il suit littéralement :
« Constituent un habitat indigne les locaux ou les installations utilisés aux fins
d'habitation et impropres par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l'état, ou celui
du bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes pouvant
porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé. »
« Sont constitutifs d'un habitat informel les locaux ou les installations à usage
d'habitation édifiés majoritairement sans droit ni titre sur le terrain d'assiette, dénués

1979
Cf. : loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové dite « Loi ALUR ».
1980
Par exemple : décret n° 2016-1790 du 19 décembre 2016 relatif aux régimes de déclaration et d'autorisation
préalable de mise en location, pris en application de la loi « ALUR ».
1981
Cf. Loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement (site Légifrance).

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d'alimentation en eau potable ou de réseaux de collecte des eaux usées et des eaux pluviales,
ou de voiries ou d'équipements collectifs propres à en assurer la desserte, la salubrité et la
sécurité dans des conditions satisfaisantes. »1982
Cette définition, notamment à l’alinéa deux, replace bien la problématique de l’habitat
indigne et informel dans le cadre de l’occupation sans titre. À ce titre, elle justifie l’intérêt
apportée à la résorption de l’habitat non décent, indigne ou informel, dans le cadre de la
régularisation foncière.
Le droit à la dignité de la personne humaine, renforcé par le droit au logement ou par
le droit à un habitat digne, peut se manifester dans le cadre des procédures de régularisation
foncière, par la reconnaissance au profit d’occupants sans titre de certains secteurs, d’un
droit à la régularisation foncière. Ainsi, fonder le processus de régularisation foncière sur le
respect de la dignité de la personne humaine, revient à distinguer les cas où ladite
régularisation doit demeurer optionnelle, de ceux où elle devient un devoir, même si elle ne
s’opère pas nécessairement par le titrement. À cet égard, il convient de rappeler que si
l’octroi d’un simple bail ou d’un droit de jouissance peut parfois suffire à court terme pour
régulariser l’occupation sans titre1983, arrivé à son terme et non renouvelé, il réactive une
situation d’occupation sans titre non souhaitable. Il importe donc de favoriser une
régularisation foncière par cession ou titrement, chaque fois qu’elle est possible, même si le
relogement peut parfois s’avérer nécessaire1984.
Il est incontestable que le droit de propriété fait partie des droits et libertés
fondamentales constitutionnellement garantis. Mais il n’en demeure pas moins vrai que ce
droit, pour qu’il exprime sa pleine valeur, doit être en mesure de supporter certaines limites
strictement encadrées à son exercice. En conséquence, pour améliorer la régularisation
foncière, il est primordial de privilégier l’humain dans sa dignité. Ainsi, il existe un principe
de conciliation de l’exercice du droit de propriété avec des objectifs d’intérêt général. À cet
égard, le Conseil constitutionnel a eu l’occasion d’énoncer que, si certaines atteintes au droit
de propriété sont contraires à la Constitution1985, il en existe d’autres qui ne constituent pas
des atteintes manifestement disproportionnées au droit de propriété1986. Cela démontre bien

1982
Article 1er-1 Loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement.
1983
Comme ce fût le cas pour certains quartiers de Fort-de-France.
1984
Risques naturels élevés. Zones naturelles à protéger.
1985
C.C., décision n° 2015-524 QPC, 2 mars 2016, Considérants 3 et 20. En ligne : https://www.conseil-
constitutionnel.fr/decision/2016/2015524QPC.htm.
1986
C.C., décision n° 2015-727 DC du 21 janvier 2016, Considérants 13 et 18 à 21. En ligne :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2016/2015727DC.htm.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

que l’exercice du droit de propriété doit être conciliée avec l’ordre public, la nécessité ou
l’utilité publique, l’intérêt général, et les principes ou objectifs de valeur constitutionnelle,
dont le principe de dignité de la personne humaine et son corollaire, le droit au logement.
Il ne s’agit pas de retirer au propriétaire la protection que lui confère le droit de
propriété, mais d’accepter de prendre en compte la primauté de la dignité de la personne
humaine (A) à travers des procédures de régularisation foncière mieux encadrées et l’accès
à la propriété foncière (B).

A. UNE PRIMAUTÉ RECONNUE PAR LA LOI, LA DOCTRINE ET


LA JURISPRUDENCE

La primauté de la dignité de la personne humaine a été reconnue par la loi, la doctrine


et la jurisprudence à travers des dispositifs multiples et notions diverses et particulièrement
à travers la notion d’habitat digne. Cette notion recouvre elle-même celles de droit à un
logement décent, ou digne, et de lutte contre l’habitat insalubre. En témoigne le décret du 30
janvier 2002, codifié à l’article 1179 du code civil, qui définit les caractéristiques d’un
logement décent1987. Tous ces dispositifs visent d’avantage le logement lui-même et les
conditions de sa mise en location, que l’occupation de terrains sur lesquels des personnes
ont fait édifier, sans titre, des logements.
Toutefois, la primauté de la personne humaine et le droit à un logement décent ou
digne, revêtent une importance capitale, dans le cadre de la régularisation foncière, qu’elle
soit positive par la délivrance d’un titre de propriété ou de jouissance, ou négative par des
procédures d’expulsion quand elles sont suivies de relogement. La responsabilité de la
personne publique qui opère cette régularisation doit être encadrée, afin d’éviter les
régularisations foncières cache-misères1988.
L’importance du droit de propriété a été confirmée par le Conseil constitutionnel,
notamment dans sa décision du 26 juin 2003, « Loi habilitant le Gouvernement à simplifier
le Droit », aux termes de laquelle le Conseil a réaffirmé la protection de ce droit de propriété

1987
Décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour
l'application de l'article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au
renouvellement urbains. Ainsi, le logement décent doit assurer la sécurité physique et la santé des locataires. Il
doit comporter des éléments d’équipements et de confort adaptés, et respecter des impératifs de superficie et
de hauteur sous plafond.
1988
Une régularisation foncière cache-misère est à mon sens, une régularisation qui aboutit à l’octroi d’un titre
de propriété ou de jouissance au profit de l’occupant, tout le maintenant dans un habitat insalubre ou indigne,
ou non desservi par des équipements publics.

567
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

reconnu par l’article 17 de la Déclaration de 1789, tant concernant la propriété publique que
celle privée1989. Mais l’article 16 du Code civil dispose que « la loi assure la primauté de la
personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantie le respect de l’être humain
dès le commencement de la vie »1990. Ces deux droits fondamentaux doivent être conciliés
dans le dessein d’un « droit » de la régularisation foncière.

1) Une préoccupation mondiale qui justifie la régularisation foncière

Le respect de la dignité de la personne humaine et du droit à un logement digne ou


décent doit constituer, au nom de l’intérêt public, l’un des fondements primordiaux des
opérations de régularisation foncière. Par son essence supra-individualiste, la dignité de la
personne humaine rejoint les notions d’intérêt public et d’utilité publique que sous-tend la
régularisation foncière. Pour Bernard EDELMAN, la dignité de la personne humaine est le
« concept juridique désignant ce qu’il y a d’humain dans l’Homme »1991. Pour Marie-Luce
PAVIA et Thierry REVET, elle est une notion inhérente à la famille humaine, qui permet de
condamner tout ce qui « tend à déshumaniser l’homme » ou à « l’exclure de la communauté
des humains »1992. Or, les opérations de régularisation foncière doivent prendre en compte
ces aspects, car l’occupation sans titre favorise la construction informelle et indigne. La
régularisation foncière doit devenir l’occasion de préserver la dignité de la personne humaine
par la résorption parallèle de ces problématiques, auxquelles s’adjoignent celles liées aux
pénuries d’aménagement et d’équipements dans les quartiers à régulariser.
Il s’agit d’une préoccupation mondiale et globale, puisque la Charte des Nations Unies
du 26 juin 19451993, fait référence dans son préambule à « la dignité et la valeur de la dignité
de la personne humaine ». Il y a eu d’autres textes fondamentaux, comme la Déclaration de

1989
DC n°2003-473, CC 26 juin 2003, Loi habilitant le Gouvernement à simplifier le Droit. Consulté sur
internet le 17 mai 2017 : http://www.conseil-constitutionneLfr/decision/2003/2003-473-dc/decision-n-2003-
473-dc-du-26-juin-2003.861.html. Il convient de rappeler que, dans ce contexte, le législateur, par la loi n°
2003-591 du 2 juillet 2003, avait habilité le gouvernement à simplifier le droit, sur le fondement de l’article 38
de la Constitution de 1958.
1990
Code civil, éditions Dalloz, Paris, 2015, 114e édition numérique.
1991
EDELMAN (Bernard), note sous le jugement du TGI de Paris, 1 er février 1995, publiée au Recueil
Dalloz/Sirey, 1995, 39ème Cahier, p. 572, cité dans l’ouvrage numérique de PAVIA (Marie-Luce) et REVET
(Thierry), op. cit.
1992
PAVIA (Marie-Luce) et REVET (Thierry), sous la direction de, La dignité de la personne humaine, Éditions
Economica, Collection Études juridiques, ouvrage numérique, emplacement 149 sur 4459 de l’ouvrage
numérique. Les circonstances particulières (atrocités du nazisme) ont conduit à la mise en place de l’infraction
imprescriptible, le « crime contre l’humanité », qui intervient en violation du droit pénal international et dont
la répression relève du Tribunal pénal international (TPI), dans le cadre d’une loi du genre humain.
Des textes fondamentaux, comme la Déclaration de Moscou du 30 octobre 1943, ou la Charte des Nations
Unies du 26 juin 1945, signée à San Francisco, sont caractéristiques de cette période.
1993
Cf. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/justice-penale-internationale/nuremberg-rome.shtml.
Consulté le 20 mai 2017.

568
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Moscou, du 30 octobre 1943, intervenue deux ans avant, mais également l’Accord de
Londres, du 8 août 19451994. À cet égard, Stephan GLASER fait remarquer que le droit
international sera progressivement incorporé dans les systèmes supranationaux et nationaux
européens pour les unifier1995. Le concept de dignité de la personne humaine a trouvé à
s’appliquer prioritairement dans le cadre de la protection contre l’esclavage, la
discrimination raciale, en matière pénale et médicale1996. La Loi fondamentale pour la
République fédérale d’Allemagne1997, adoptée le 8 mai 1949 et entrée en vigueur le 23 mai
1949, offre un exemple de protection particulière accordée aux libertés fondamentales, par
réaction au nazisme, et particulièrement à la dignité de la personne humaine qui est perçue
comme intangible et devant être respectée et protégée par les pouvoirs publics1998.
De même, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, dans son
préambule, à l’alinéa 1er, énonce que « (…) la reconnaissance de la dignité inhérente à tous
les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le
fondement de la paix dans le monde ». L’article 1er de ladite Déclaration énonce que « tous
les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits »1999. La Déclaration
internationale sur les données génétiques humaines du 16 octobre 2003, énonce dans son
article 1er, qu’elle a pour objectifs « d’assurer le respect de la dignité humaine et la protection
des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la collecte, le traitement,
l’utilisation et la conservation des données génétiques humaines […] »2000. En outre, l’article
2 de la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme du 19 octobre 2005,

1994
Cet accord de Londres de 1945 est la principale source juridique sur laquelle se basent les tribunaux
internationaux de Nuremberg et de Tokyo pour asseoir leur compétence. Ce contexte international va contribuer
à donner une certaine suprématie au droit international par rapport aux droits nationaux, après la période de
l’après-guerre, pour tendre vers une certaine unification du droit en matière de refus de l’exclusion et de la
dégradation de l’humain dans l’homme, au nom de la dignité de la personne humaine.
1995
GLASER (Stefan), Droit international pénal conventionnel, Bruxelles, BRUYLANT, 1970, t. 1, p. 169 et
s. cité dans PAVIA (Marie-Luce) et REVET (Thierry), La dignité de la personne humaine, Éditions Economica,
Collection Études juridiques , emplacements 158 et 512 sur 4459 de l’ouvrage numérique.
1996
Cette application est facilitée, par exemple en Allemagne, par l’applicabilité directe du droit européen des
droits de l’Homme et des normes communautaires.
1997
Grundgesetzfür die Bundes republik Deutschland, GG, Loi fondamentale pour la République fédérale
d’Allemagne, publiée au Journal Officiel fédéral, p. 1., BGBL III 100-1.
1998
Dans son article 1er, ladite loi affirme que : « La dignité de l’être humain est intangible. Tous les pouvoirs
publics ont l’obligation de la respecter et de la protéger », et que « le peuple allemand reconnaît à l’être humain
des droits inviolables et inaliénables comme fondement de toute communauté humaine, de la paix et de la
justice dans le monde. » En ligne :
https://www.bundesregierung.de/resource/blob/998616/388674/8ebe168c59975c69406341a69612f94c/loi-
fondamentale-data.pdf?download=1.
1999
Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, consultable sur le site internet :
http://www.textes.justice.gouv.fr/textes-fondamentaux-10086/droits-de-lhomme-et-libertes-fondamentales-
10087/declaration-universelle-des-droits-de-lhomme-de-1948-11038.html
2000
Déclaration internationale sur les données génétiques humaines du 16 octobre 2003. En ligne :
http://portal.unesco.org/fr/ev.php.URL_ID=17720&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

énonce que « la présente Déclaration a pour objectifs : […] (c) de contribuer au respect de
la dignité humaine et de protéger les droits de l’homme, en assurant le respect de la vie des
êtres humains, et les libertés fondamentales, d’une manière compatible avec le droit
international des droits de l’homme »2001.
Cette préoccupation primordiale du respect de la dignité de la personne humaine est
aussi très prégnante à l’échelon européen, puisqu’elle est visée par l’article 3 de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
du 04 novembre 1950, telle qu’elle a été amendée par les Protocoles n° 11 et n° 14. Lequel
article 3 stipule que « nul ne peut être soumis à torture ni à des peines ou des traitements
inhumains ou dégradants »2002. Parallèlement, en matière de biomédecine, l'article 1er de la
Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine (Convention d'Oviedo de 1997), fait
référence à la protection, par ladite convention, de l'être humain dans sa dignité et son
identité2003. La sauvegarde de la dignité de la personne humaine est également garantie par
l’article 1er de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne2004.
Les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), chargée de la
Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, y font
également référence. Dans l’affaire « Kudla contre Pologne », la Cour n’a pas manqué de

2001
Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l'homme du 19 octobre 2005, consultable sur :
http://portal.unesco.org/fr/ev.phpURL_ID=31058&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html.
2002
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, consultée le
28 avril 2016, sur le site : http://www.echrcoe.int/documents/conventionfra.pdf.
Parallèlement l’article 14 de ladite Convention prohibe toute discrimination fondée sur le sexe, la race, la
couleur, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance, ou toute autre situation. Cet article sert de
fondement à la jurisprudence européenne en la matière. Voir : CEDH, 23 juillet 1968, Affaire linguistique belge,
Affaire numéro 1474, 1677, 1691/62, 1769, 1994/63, et 2126/64, affaire « relative à certains aspects du régime
linguistique de l’enseignement en Belgique », consultée le 20 mai 2017 sur le site :
http://www.revuegeneraledudroit.eu/blog/decisions/cedh-23-juillet-1968-affaire-linguistique-belge-affaire-
numero-1474-1677-169162-1769-199463-et-212664/. Voir aussi : CEDH, 07 juillet 1987, arrêt Soering, à
propos du refus par la Cour d’extrader le requérant vers les États-Unis, en raison d’un risque réel de traitement
inhumain ou dégradant, ou torture extrême dépassant le seuil fixé par l’article 3. En l’espèce, le requérant
risquait de se voir appliquer la peine de mort, et de subir une longue période d’attente dans le couloir de la
mort. Consulté le 20 mai 2017, sur le site : http://www.justice.gouv.fr/art_pix/sessionId=791950.pdf.
2003
Convention consultée sur le site internet : https://rm. coe.
int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=090000168007cf99
2004
La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne constitue une déclaration des principaux droits
politiques et sociaux, adoptée par le Conseil européen de Nice en décembre 2000. Elle n’est pas juridiquement
obligatoire, mais possède une portée juridique certaine dans la mesure où elle est utilisée par la Cour
européenne au titre des principes généraux du droit dont elle assure le respect. Selon le Lexique des termes
juridiques des éditions Dalloz, publié sous la direction de Serge GUINCHARD et de Thierry DEBARD, cette
charte a été incorporée en 2004 au traité établissant une Constitution pour l’Europe (partie II), lui donnant une
valeur juridique. Ce traité n’est pas entré en vigueur. Le traité de Lisbonne y renvoie, mais lui donne valeur
juridique contraignante. La charte comprend une partie consacrée à la dignité de la personne humaine.

570
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

faire référence à des "conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine"2005.


De même, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), devenue Cour de
Justice de l’Union Européenne (CJUE)2006, se réfère également à la dignité de la personne
humaine, notamment avec l’arrêt « Omega Spiehlhallen » du 14 octobre 20042007.

2) Sur le plan national, une composante de l’ordre public légitimant la


régularisation foncière

En droit français, le principe du respect de la dignité de la personne humaine est


consacré dans l'ordre interne par le législateur, la jurisprudence et la doctrine. Cette
consécration témoigne de son importance fondamentale et de l’impossibilité de faire
l’impasse sur cette notion, l’humain étant au cœur des procédures de régularisation foncière.
En effet, même si la Constitution de 19462008 ne vise pas expressément la dignité de la
personne humaine, elle y fait référence2009. Le principe de dignité de la personne humaine
n’a eu de véritable portée positive dans le droit français qu’à compter de la loi du 26
décembre 1964, tendant à constater l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité ; lequel
constitue le plus grave degré de fait d’exclusion de l’humain dans l’homme2010.
De son côté, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 16 juillet 1971 sur la liberté
d’association2011, réaffirme les droits inaliénables et sacrés reconnus à tout être humain, dans

2005
CEDH, 26 octobre 2000, Requête n° 0210/96, Affaire Kudla contre Pologne. En ligne :
https://www.doctrine.fr/d/CEDH/HFJUD/GRANDCHAMBER/2000/CEDH001-63471. Site consulté le 28
avril 2016.
2006
Il s’agissait des conditions de détention des prisonniers. Par suite de l’entrée en vigueur du Traité de
Lisbonne, le 1er décembre 2009, la Communauté européenne est devenue l’Union européenne dotée de la
personnalité juridique ; laquelle Union européenne a repris les compétences dévolues auparavant à la
Communauté européenne.
2007
CJCE, 14 octobre 2004, Omega Spiehlhallen, n° 36/02. Le Comité des droits de l’homme des nations unies,
avec sa décision du 26 juillet 2002, Manuel Wackenheim c. France, Communication No. 854/1999, U.N. Doc.
CCPR/C/75/D/854/1999 (2002), emploie cette notion pour des finalités différentes. En ligne :
http://hrlibrary.umn.edu/hrcommittee/French/jurisprudence/854-1999.html.
2008
Pourtant adoptée dans la période proche qui a suivi la seconde guerre mondiale.
2009
« Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de
dégrader la personne humaine (…) ».
2010
Loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964, consultée le 20 mai 2017 sur le site :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000684761.
2011
Cf. CC, 16 juillet 1971, n° 71-44 DC, D. 1974. 83, Chron. HAMON ; AJDA 1971. 537, note RIVERO.
C’est en effet la décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971 sur la liberté d’association, rendue à
propos de la loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat
d’association, qui a donné tout son sens à la notion de PFRLR Les juges de la rue Montpensier proclament que
la liberté d’association constitue un PFRLR et qu’en tant que tel, appartient au bloc de constitutionnalité. Pour
déclarer non constitutionnelle une disposition législative, le Conseil constitutionnel va se fonder pour la
première fois sur le Préambule de la Constitution de 1958, lequel fait référence à la Déclaration de 1789,
confirmée par le Préambule de la Constitution de 1946. À ce bloc de constitutionnalité, il ajoute par la loi
constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005, publiée au JO du 2 mars 2005, la Charte de l’environnement

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

la droite ligne de la Déclaration de 1789, des principes fondamentaux reconnus par les lois
de la République (PFRLR), et des principes politiques, économiques et sociaux
particulièrement nécessaires à notre temps (PPNT)2012.
De même, la Cour de Cassation prend en compte le principe de dignité de la personne
humaine, notamment dans l’Affaire « Barbie », du 20 décembre 1985, en droit pénal, par la
notion de crime de contre l’humanité2013.
Toutefois, c’est la décision rendue par le Conseil constitutionnel à l’occasion du
contrôle de constitutionnalité des lois de bioéthique, qui marque un tournant dans la portée
du principe du respect de la dignité de la personne humaine en France. À l’issue de ce
contrôle, l’adoption de la loi du 29 juillet 19942014, opère une protection de la dignité de la
personne humaine. En effet, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 27 juillet 19942015
rendue à propos du contrôle de la conformité des lois dites de « bioéthique » du 29 juillet
19942016, affirme explicitement « [… ]que la sauvegarde de la dignité de la personne
humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation est un principe à valeur

de 2004. La formule suivante est désormais employée par le Conseil constitutionnel : « Le peuple français
proclame solennellement son attachement aux droits de l’Homme et aux principes de la souveraineté nationale
tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution
de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004 ». Il convient ici de
rappeler que trois conditions sont nécessaires pour la reconnaissance d’un PFRLR
Il résulte de la décision du Conseil constitutionnel du 14 janvier 1999, n° 98-407 DC, § 9, que pour être
fondamental le principe doit énoncer une règle suffisamment importante, ayant un degré suffisant de généralité,
et intéressant des domaines essentiels pour la vie de la nation (libertés fondamentales, souveraineté nationale,
organisation des pouvoirs publics). Il résulte de la décision du Conseil constitutionnel du 23 janvier 1987, n°
86-224 DC, § 15, que pour être un PFRLR, le principe doit avoir une base textuelle, dans une ou plusieurs lois
intervenues sous un régime républicain antérieur à 1946. Il résulte enfin d’une décision du Conseil
constitutionnel du 20 juillet 1988, n° 88-244 DC, § 12, que pour être un PFRLR, le principe doit avoir fait
l’objet d’une application continue, sans dérogation. Parmi les PFRLR on peut citer notamment, concernant la
présente étude, la compétence judiciaire en matière de protection de la propriété immobilière privée, affirmée
par une décision du Conseil constitutionnel du 25 juillet 1989, n°89-256 DC § 23.
2012
En effet, les PPNT constituent l’une des composantes du bloc de constitutionnalité portant principalement
sur les droits des travailleurs et les droits sociaux. Ils sont mentionnés dans le préambule de la Constitution de
1946, et ont été intégrés dans le bloc de constitutionalité par une décision du Conseil constitutionnel du 15
janvier 175, relative à l’interruption volontaire de grossesse, consacrant à cette occasion le droit à la santé.
2013
C. Cass. 20 décembre 1985, Affaire Barbie, Consultée le 20 mai 2016 sur le site :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.
do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007064048&fastReqId=626383377&fastPos=1.
2014
Loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain, valide l’interdiction de pratiques
contraires à la dignité de la personne humaine. NOR : JUSX9400024L. Site legifrance.gouv.fr.
2015
CC, 27 juillet 1994, n° 94-343/344 DC, D. 1995, 237, note MATHIEU Bernard. Également en ligne (vu le
11 mai 2016) sur le site http://www.conseil-constitutionneLfr/conseil-constitutionnel/francais/les-
decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/1994/94-343/344-dc/decision-n-94-343-344-dc-du-27-juillet-
1994.10566.html.
2016
Loi relative au respect du corps humain et de la loi relative au don et à l’utilisation des éléments et produits
du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, dénommées « lois
bioéthiques ».

572
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

constitutionnelle »2017. Les principes à valeur constitutionnelle sont supérieurs aux objectifs
à valeur constitutionnelle dont l’ambiguïté sur le contenu générique et les conditions
d’existence a été évoquée par une partie de la doctrine2018. Ainsi, le concept de dignité de la
personne humaine est inséré dans le « bloc de constitutionnalité » comme principe à valeur
constitutionnelle2019. L’expression « toute forme d’asservissement et de dégradation »
permet la prise en compte de différentes situations pouvant y être rattachées, et constitue le
fondement de droits tels que le droit à l’accès à un logement décent, ou la résorption de
l’habitat précaire, notamment par le biais de la régularisation foncière et d’une forme de
protection des occupants sans titre.
La prise en compte du droit à la dignité de la personne humaine dans le droit positif
français se traduit par l’introduction, depuis 1994, de références explicites à ce droit, dans
divers codes (code civil, code de la Santé publique, code pénal). Il y était déjà fait référence

2017
Il s’agit plus particulièrement de principes à valeur constitutionnelle contenus dans la Déclaration des droits
de l’Homme et du citoyen, dans le préambule de la Constitution de 1946 et dans la Charte de l’Environnement.
Véritables créations de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, les principes à valeur constitutionnelle sont
régulièrement consacrés par les juges de la rue Montpensier. Le principe du respect de la dignité humaine
relève de la décision du Constitutionnel du 27 juillet 1994, susmentionnée. Ils se diffèrent des objectifs de
valeur constitutionnelle, qui font leur apparition dans une décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 1982
(n° 82-141 DC, Communication audiovisuelle, Rec. P. 48) dans laquelle le Conseil affirme que : « il appartient
au législateur de concilier (…) l’exigence de la liberté de communication telle qu’elle résulte de l’article 11 de
la Déclaration des droits de l’homme, avec … les objectifs de valeur constitutionnelle que sont la sauvegarde
de l’ordre public, le respect de la liberté d’autrui et la préservation du caractère pluraliste des courants
d’expression socioculturels ». Ces objectifs à valeur constitutionnelle semblent à la fois protéger et limiter les
droits fondamentaux, ainsi que le rappelle Monsieur GENEVOIS Bruno. La doctrine a pu dénoter une
ambivalence dans le contenu générique des objectifs à valeur constitutionnelle, mais également dans l’absence
de définition jurisprudentielle des conditions d’existence de ces objectifs.
Cf. aussi : note MATHIEU (Bernard), D. 1995. 237, 1621.
2018
MOLFESSIS (Nicolas), « La dimension constitutionnelle des libertés et droits fondamentaux », in
CABRILLAC (Rémy), FRISON-ROCHE (Marie-Anne), REVET (Thierry) Dir., Libertés et droits
fondamentaux, Paris, Dalloz, 11e éd., 2005, p. 83.
2019
En France, la constitutionnalisation du principe de sauvegarde de la dignité humaine par la décision du 27
juillet 1994, « Lois bioéthiques », sera le point de départ d’une jurisprudence abondante, dans le même sens,
des juridictions de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif, qui se sont emparés du principe de la dignité
humaine. Sont en cause, la protection contre la dégradation du corps humain, et la protection contre la
dégradation de la condition sociale de la personne humaine. Tout ceci va dans le sens d’une mise en valeur
d’une régularisation foncière d’utilité publique, sur le fondement de la dignité de la personne humaine.
L'arrêt rendu le 27 juillet 1994, à propos du contrôle de la conformité des lois dites de « bioéthique » du 29
juillet 1994, octroie une pleine valeur constitutionnelle au « principe de sauvegarde de la dignité de la personne
humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation » ; et cinq autres principes y reçoivent une
validation constitutionnelle. Dans un considérant portant « sur l'ensemble des dispositions des lois soumises à
l'examen du Conseil constitutionnel », ce dernier a affirmé que « considérant que lesdites lois énoncent un
ensemble de principes au nombre desquels figurent la primauté de la personne humaine, le respect de l'être
humain dès le commencement de la vie, l'inviolabilité, l'intégrité et l'absence de caractère patrimonial du corps
humain, ainsi que l'intégrité de l'espèce humaine ; que les principes ainsi affirmés tendent à assurer le respect
du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ».

573
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

dans le code pénal de 19922020, dans la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de
communication2021, et dans la loi du 21 juillet 19942022, relative à l’habitat2023. Certains
auteurs2024, parlent de pénétration de l’ordre juridique français, par le principe de dignité de
la personne humaine, de manière fragmentée, mais non moins efficace, tel « un miroir qui
se serait brisé »2025.
La juridiction judiciaire fait sienne la notion de dignité de la personne humaine, ainsi
qu’il ressort d’une décision de la Cour d’Appel de Paris, du 28 mai 1996, rendue dans
l’affaire « Société Benetton Group Spa/Association Aides fédération nationale »2026. De son
côté, la première chambre civile de la Cour de cassation, fait référence à la dignité humaine
dans une décision du 20 février 20012027, comme limite à la liberté de communication et
d’information. Dans l’affaire « Préfet ERIGNAC », la première chambre civile de la Cour
de cassation, dans une décision du 20 décembre 2000, reconnaît que « […], la cour d’appel
a pu juger, dès lors que cette image était attentatoire à la dignité de la personne humaine,
qu’une telle publication était illicite, sa décision se trouvant ainsi légalement justifiée au
regard des exigences, tant de l’article 10 de la Convention européenne, que de l’article 16

2020
Il s’agissait alors du nouveau code pénal résultant des lois numéros 92-683, 92-684, 92-685 et 92-686, du
22 juillet 1992, portant réforme des dispositions du Code pénal, entrées en vigueur le 1 er mars 1994. En ligne :
https://www.legifrance.gouv.fr.
2021
Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (Loi Léotard). En ligne :
https://www.legifrance.gouv.fr.
2022
Loi n° 94-624 du 21 juillet 1994 relative à l'habitat, consultée sur le site internet :
https://www.legifrance.gouv.fr, le 10 mai 2016.
2023
Le nombre de références à la dignité de la personne humaine dans la loi se sont multipliées, et à ce jour,
plus d’une cinquantaine de textes législatifs y font référence.
2024
COSSALTER (Philippe), « La dignité humaine en droit public français, l’ultime recours », Revue générale
du droit, Études et réflexions 2014, numéro 4, consultable sur le site http://www.revuegeneraledudroit.eu/wp-
content/uploads/ER20144.pdf, au 22 février 2016.
2025
Idem.
2026
CA, Paris, 1ère ch., Section A, 28 mai 1996, 95/12571, Société Benetton Group Spa/Association Aides
fédération nationale. Cf. site internet : http://actu.dalloz-etudiant.fr/fileadmin/actualites/pdfs/04.
2017/CAParisBenetton.pdf. Consulté le 20 mai 2017. Dans cette affaire, le juge judiciaire a conclu que la
société a « utilisé une symbolique de stigmatisation dégradante pour la dignité des personnes atteintes de
manière implacable en leur chair et en leur être, de nature à provoquer à leur détriment un phénomène de rejet
ou de l’accentuer ». Cette décision a eu lieu sur appel interjeté par la société Benetton Group Spa et la société
United Colors of Benetton Communications, contre la décision du Tribunal de grande instance de Paris du 1 er
février 1995, « X et autres C/ Société Benetton ».
2027
C. Cass. Civ. 1ère, 20 février 2001. Cette décision énonce que : « (…) la liberté de communication des
informations autorise la publication d’images des personnes impliquées dans un événement, sous la seule
réserve du respect de la dignité de la personne humaine ». Il s’agissait en l’espèce d’un recours formulé par
l’une des victimes de l’attentat survenu à Paris, à la station Saint-Michel du RER, le 25 juillet 1995. En l’espèce,
la Cour de cassation avait cassé l’arrêt rendu le 30 décembre 1998 par la Cour d’appel de Paris, au motif que
la publication de la photographie en cause, était dépourvue de recherche de sensationnel et ne portait pas
atteinte à la dignité de la personne représentée. Décision consultée le 11 mai 2016 sur le site internet :
https://www.legifrance.gouv.fr.

574
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

du Code civil »2028.


La juridiction administrative consacre l’utilisation de la notion de dignité de la
personne humaine, avec deux arrêts de l’assemblée du contentieux du Conseil d’État, en date
du 27 octobre 1995, « Commune de Morsang-sur-Orge », aux termes desquels le Conseil
d’État considère que le respect de la dignité de la personne humaine doit être vu comme une
composante de l’ordre public2029. Cette affaire intervient à propos de l’interdiction par des
arrêtés municipaux de spectacles dits de « lancer de nain », comme étant une atteinte à la
dignité de la personne humaine. Dans ce cas, la personne privée (en ce compris les droits
qu’elle détient sur son corps) s’efface devant la personne humaine qu’il convient de
protéger2030. Le Conseil d’État, par cet arrêt, décide que « le respect de la personne humaine »
est une « composante de l’ordre public et que l’autorité investie du pouvoir de police
municipale pouvait, même en l’absence de circonstances particulières, interdire une
attraction qui y portait atteinte »2031.
Cette analyse va dans le sens d’une prise en compte du respect de la dignité humaine
dans le cadre d’un droit de la régularisation foncière. Car, à côté de la notion de logement
décent et digne, conduisant à une protection de la personne de l’occupant sans titre, elle
introduit la notion de protection dans un objectif d’ordre public, qui conduit à protéger
l’occupant sans titre malgré lui, en tant que personne humaine, quand bien même cette
personne refuserait que sa situation soit régularisée2032.
Le Conseil d’État considère donc le principe de la dignité de la personne humaine
comme un concept absolu, car pour lui, la dignité de la personne humaine peut se trouver
atteinte, même en cas de consentement de l'intéressé, qui de ce fait, ne peut porter atteinte à

2028
C. Cass. Civ. 1ère, 20 décembre 2000, Préfet ERIGNAC. Décision consultée le 11 mai 2016 sur le site
internet : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte-JURITEXT000007042067&dateTexte-.
Étant ici rappelé que l’article 16 du code civil énonce que : « La loi assure la primauté de la personne, interdit
toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie »
2029
CE, Ass. 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge, in LONG (Marceau), WEIL (Prosper),
BRAIBANT (Guy), DELVOLVE (Pierre), GENEVOIS (Bruno), Les grands arrêts de la jurisprudence
administrative, Éditions Dalloz, 15ème édition, 2005, p. 737, n° 102. Cf. aussi : Rec. Lebon, p. 372. En ligne :
http://www.conseil-État.fr/Decisions-Avis-Publications/Decisions/Les-decisions-les-plus-importantes-du-
Conseil-d-État/27-octobre-1995-Commune-de-Morsang-sur-Orge.
2030
Dans cette affaire, le maire de la Commune de Morsang-sur-Orge avait interdit des spectacles de « lancer
de nains », en vertu de l’article L131-2 du Code des communes, dont les dispositions visent à garantir la
sécurité publique. Cependant, l’objectif de l’officier public était de préserver en l’espèce le respect de la dignité
de la personne humaine. Le Conseil d’État va abonder en ce sens, puisqu’il reconnaîtra, dans le cadre de cette
affaire, que le respect de la dignité de la personne humaine est une composante de l’ordre public.
2031
CE, Ass. 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge, Rec. Lebon, p. 372. En l’espèce, l’attraction
visée devait être regardée comme « portant atteinte, par son objet même, à la dignité de la personne humaine.
Son interdiction était légale, même en l’absence de circonstances particulières ».
2032
Certains occupants sans titre refusent d’être régularisés pour des motifs divers (politiques, personnels, de
méconnaissance des règles de droit, ou autres motifs).

575
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

sa propre dignité. Le Conseil d'État affirme cette caractéristique dans sa décision du 27


octobre 1995 sus relatée, qui confère le rang de "principes généraux du droit" (PGD) au
principe du respect de la dignité humaine2033. Pour le Conseil d’État, la dignité de la personne
humaine est une composante de l’ordre public qu’il incombe aux autorités investies du
pouvoir de police de faire respecter2034. C’est dans ce but qu’est intervenue la loi du 05 juillet
2000, depuis modifiée par la loi du 07 novembre 2018 relative à l’accueil des gens du voyage
et à la lutte contre les installations illicites2035.
Cette position du Conseil d’État constitue une marge de manœuvre importante pour
les collectivités locales situées outre-mer, en ce qui concerne les procédures de régularisation
foncière et donc de protection des occupants sans titre, lesdites occupations, sans titre et
illicites pouvant soit constituer des troubles à l’ordre public2036, soit être révélateurs de
situations mettant en cause la dignité de la personne humaine ou le droit à un logement
décent2037, qu’il convient de résorber.
De ce rappel législatif, jurisprudentiel et doctrinal, il résulte que le respect de la dignité

2033
CE, 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge, in LONG (Marceau), WEIL (Prosper), BRAIBANT
(Guy), DELVOLVE (Pierre), GENEVOIS (Bruno), Les grands arrêts de la jurisprudence administrative,
Éditions Dalloz, 15ème édition, 2005, p. 737, n° 102.
2034
GUINCHARD (Serge), DEBARD (Thierry), sous la direction de, Lexique des termes juridiques, Edition
Dalloz, Paris, 25ème édition, 2017-2018, p. 398, 1177 pp. Pour illustrer la montée de la prise en compte de la
dignité de la personne humaine dans l’ordre administratif, un arrêt du Tribunal administratif de Lyon, a
prononcé l’illégalité d’une décision préfectorale, au vu de l’article 27 bis de l’ordonnance du 02 novembre
1945, interdisant qu’un étranger puisse être éloigné à destination d’un pays, s’il établit notamment qu’il y serait
exposé à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales. En l’espèce, il s’agissait de soustraire des fillettes à la pratique de
l’excision dans le pays de destination. Cf. TA de Lyon, n° 9600127, 12 juin 1996, cité dans GUINCHARD et
DEBARD.
2035
Loi n° 2018-957 du 7 novembre 2018 relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les
installations illicites, publiée au JORF n° 0258 du 8 novembre 2018, texte n° 1. Cette loi clarifie le rôle des
personnes publiques en la matière et renforce les sanctions contre les installations illicites.
2036
L’exemple de l’article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 mérite d’être cité, nonobstant le fait que la
situation des gens du voyage ne soit pas l’objet de cette étude. En effet, cette loi a instauré des droits et des
devoirs tant pour les gens du voyage que pour les communes de plus de 5000 habitants et les établissements
de coopération intercommunale. Ceux-ci ont l’obligation de créer des aires d’accueil pour les gens du voyage ;
laquelle obligation figure dans le Schéma départemental d’accueil des gens du voyage. En retour, ils disposent
de pouvoirs renforcés contre le stationnement illicite. Il s’agit de la mise en place d’une procédure
administrative d’expulsion, corrélative à leur obligation de création d’aires d’accueil. Le but de cette loi est de
permettre aux élus de mieux gérer les atteintes à l’ordre public que constituent ces occupations illicites, tout
en respectant la liberté constitutionnelle d’aller et de venir de tout citoyen français. Cf. YANG-PAYA (My-
Kim) et DUBOIS-SPAENLE (Claire-Marie), « L’occupation irrégulière des terrains appartenant au domaine
privé des personnes publiques », Actes pratiques et ingénierie immobilière, Revue Trimestrielle LexisNexis
Jurisclasseur, Juillet-Août-Septembre 2013.
2037
Cf. : YANG-PAYA (My-Kim) et DUBOIS-SPAENLE (Claire-Marie), « L’occupation irrégulière des
terrains appartenant au domaine privé des personnes publiques », Actes pratiques et ingénierie immobilière,
Revue Trimestrielle LexisNexis Jurisclasseur, Juillet-Août-Septembre 2013. À cet égard, l’occupation illicite
de terrains relevant du domaine privé, par des personnes ne pouvant être qualifiées de gens du voyage, eu égard
à la nature de leur habitation de type traditionnel, non mobile, relève de la compétence du juge judiciaire, le
Tribunal de grande instance du lieu de situation du campement illicite étant compétent.

576
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

de la personne humaine est substantiel, et que toutes situations tendant à dégrader l’humain,
parmi lesquelles figurent l’occupation sans titre dans des conditions d’habitat indigne ou
dégradé, ou le défaut de logement décent, participent à l’atteinte au respect de la dignité de
la personne humaine et menacent cette dignité. De telles situations sont de nature à justifier
la mise en place de mesures de régularisation foncière et d’aménagement, par les personnes
publiques, de manière encadrée, pour raison d’intérêt public voire d’utilité publique.
Cette consécration du respect de la dignité de la personne humaine, entérine la
nécessité de sa prise en compte dans le cadre d’une régularisation foncière efficiente. Ainsi,
la protection du droit de propriété, particulièrement immobilière, s’efface devant la
sauvegarde de la dignité de la personne humaine, qui en constitue une limite acceptable.
Mais en matière de régularisation foncière, l’accès à la propriété foncière, constitue lui-
même un outil de régularisation vecteur de dignité humaine (B).

B. L’ACCÈS À LA PROPRIÉTÉ FONCIÈRE, VECTEUR DE


DIGNITÉ HUMAINE

L’accès à la propriété foncière contribue à la dignité de la personne humaine. Il est


privilégié par les collectivités locales situées Outre-mer, dans le cadre des opérations de
régularisation foncière menées sur leur territoire. Lorsque la régularisation foncière aboutit
à l’octroi d’un titre de propriété ou de jouissance à l’occupant sans titre, il est alors possible
d’employer l’expression de régularisation foncière positive. Dans ce cas elle aboutit à
l’insertion de l’occupant dans le marché immobilier local.

1) Une légalité foncière vectrice de dignité humaine

L’occupant sans titre recouvre une dignité du fait de son nouveau statut de propriétaire,
ou de locataire, car il passe de l’illégalité à la légalité juridique et foncière. Il passe d’un
statut de spoliateur foncier sans droit ni titre, à un statut de propriétaire foncier, habilité à
interagir avec les autres individus et agents du marché immobilier. Il retrouve une dignité
humaine à travers la régularisation juridique de sa situation foncière, par la possession d’un
titre de propriété ou de jouissance, lui donnant droit à un logement décent et à la propriété
du terrain d’assiette de son logement. Il est soustrait à la précarité juridique et foncière, par

577
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

la détention d’un titre2038.


En conséquence, en affirmant que le droit de propriété doit être tributaire de la
sauvegarde du droit à la dignité de la personne humaine, il ne s’agit pas de nier ce droit de
propriété, mais de lui permettre d’exprimer toute sa noblesse ; laquelle passe nécessairement
par la limite de l’intérêt public, dont la dignité humaine menacée est l’une des composantes.
Cette conception trouve un écho particulier dans les collectivités territoriales de
l’article 73 de la Constitution, qui sont des sociétés post-esclavagistes dans lesquelles il est
généralement admis qu’à la suite de l’abolition de l’esclavage, certains individus ont pris
possession de la zone des cinquante pas géométriques, sensée « appartenir à tout le
monde »2039. Le même mouvement aurait eu lieu, à la suite de l’exode rural 2040. C’est la
notion juridique même de « propriétaire » qui serait remise en cause, par les occupants sans
titre outre-mer, qui se considèrent comme « propriétaires » eux-mêmes, par la prise de
possession de secteurs de la zone des cinquante pas géométriques.
Toutefois, comme alternative à cette conception, et pour illustrer l’importance de
l’accès à la propriété foncière comme vecteur de dignité de la personne humaine, il est
intéressant d’exposer un aspect de la thèse de Christine CHIVALLON, qui remet en question
l’interprétation classique du phénomène d’accession à la propriété paysanne à la Martinique,
et met en lumière une accession normale à la propriété foncière, qui ne résulte pas d’une
occupation sans titre. Cette interprétation classique prône notamment la thèse que le
développement de la petite propriété paysanne après l’abolition de l’esclavage, résulte
principalement d’une occupation sans titre. Pour Christine CHIVALLON2041, des données
fiables permettent de se représenter une toute autre situation, où les nouveaux libres accèdent
à la terre sur des bases non incertaines et sont pleinement actifs dans la prise en charge de
leur destin collectif, l’accès à la propriété foncière rendant possible la mise en œuvre d’une
économie d’autosuffisance. Il s’agit d’une paysannerie autonome par rapport à la plantation,
dont le fonctionnement de l’économie vivrière s’appuie sur des principes inhérents à la
gestion du patrimoine. Il y aurait une réticence pour les Antilles françaises à reconnaître le

2038
Cette situation de propriétaire permet à l’occupant d’avoir accès au crédit immobilier, de donner son bien
en garantie hypothécaire à un établissement de crédit, pour obtenir le financement des travaux de réhabilitation
de sa construction, et de sortir de la précarité foncière, de l’habitat précaire, indigne et indécent. Ce statut
permet également à l’occupant de transmettre ses biens à ses ayants droits, d’effectuer tout partage anticipé de
succession, et d’en disposer avec les prérogatives de tout propriétaire.
2039
LETCHIMY (Serge), De l’habitat précaire à la Ville : l’exemple martiniquais, Éditions L’Harmattan, 1992,
149 pp, plus annexes.
2040
Idem.
2041
CHIVALLON (Christine), Espace et identité à la Martinique. Paysannerie des mornes et reconquête
collective (1840 – 1960), Paris, CNRS-Éditions, 298 p.

578
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

rôle historique de la paysannerie à l’abolition, en termes de résistances et d’alternatives au


système de la plantation2042.
Dans la même vision, concernant la Guadeloupe, Georges Latévi LAWSON-BODY
expose le cas de l’espace vivrier des Grands-Fonds, en mentionnant l’expérience des
affranchis et libres de couleur qui ont pu accéder à la terre et réussir leur naissance à la
socialité, au milieu du XIXe siècle, dans un contexte où abolitionnistes et planteurs
s’accordaient sur le principe de limiter l’accès des nouveaux libres à la terre, afin d’empêcher
la formation d’une paysannerie libre2043.
À ce propos Léo ELISABETH regrette que les historiens aient pris l’habitude de ne
retenir que la liberté individuelle, s’agissant de la question foncière aux Antilles. Ceux-ci
ont involontairement occulté cette question et « en particulier le débat sur l’accession
immédiate et massive ou progressive et individuelle à la propriété ». Il prône l’idée de
l’émergence d’une paysannerie dont la structuration, dans la plupart des cas, maintient une
certaine dépendance entre grande et petite propriété2044.

2) Une régularisation foncière qui doit faire de l’humain une fin et non
un moyen politique

L’histoire coloniale des collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution,


éclaire sur la diversité des occupations sans titre outre-mer. Nombre de ces occupations sans
titre sont le fait de personnes modestes et portent sur l’emprise de quelques mètres carrés de
terrain environ2045. D’autres sont le fait de grandes familles békés et disposent comme
emprise foncière plusieurs centaines de mètres carrés, voire d’hectares. Les personnes
publiques elles-mêmes sont également concernées par l’occupation sans titre, portant
notamment sur les territoires des centres-bourgs des communes littorales2046.
La régularisation foncière de situations d’occupation sans titre aussi diverses, doit faire
émerger des réponses adaptées, d’une situation à l’autre, selon qu’il s’agit d’une occupation
de confort ou d’une occupation d’utilité publique, au-delà de toute préoccupation

2042
GEODE Caraïbe, sous la direction de BURAC (Maurice), La question de la terre, dans les colonies et
départements français d’Amérique, 1848-1998, « Paysannerie et patrimoine foncier à la Martinique », Éditions
KARTHALA, Paris, 2000, p. 17 et ss. 440 p.
2043
BURAC (Maurice), La question de la terre, dans les colonies et départements français d’Amérique, 1848-
1998, « L’établissement de la paysannerie en Guadeloupe », op cit., p. 37 et s. 440 p.
2044
Idem., « Les abolitionnistes français et la question foncière », P. 73 et Ss.
2045
Au quartier Trénelle, en Martinique, il y a des régularisations foncières qui portent sur des superficies d’une
trentaine de mètres carrés.
2046
Territoires dépendant souvent de la zone des cinquante pas géométriques et où sont édifiés, parfois sans
titre : l’hôtel de Ville, les marchés, et autres bâtiments publics.

579
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

clientéliste2047.
En droit public comme en droit civil, la dignité de la personne humaine peut être
définie comme « la valeur infinie de la personne humaine, qui commande de la traiter
toujours d’abord comme une fin, et jamais comme un simple moyen »2048. Dès lors, elle est
l’attribut fondamental de la personne humaine, qui la fonde à la fois comme sujet moral et
sujet de droit. L’intégration du droit à la dignité humaine par le Conseil constitutionnel a
contraint la doctrine à s’intéresser à ce principe fédérateur2049.
Il convient d’observer que l’esclavage2050, qui a longtemps été pratiqué dans les
anciennes colonies européennes, est fondé sur la négation d’une part de l’humanité des
esclaves, visant à justifier le commerce triangulaire2051. Il est attentatoire à la dignité de la
personne humaine. Est-ce suffisant pour y trouver l’explication partielle de la persistance du
fait d’occupation sans titre outre-mer ? Celle-ci serait alors perçue comme une forme de
revendication du « droit à la terre » ou de droit à la Ville2052. Cela rejoint la revendication du
« droit à la Ville » exprimée par Serge LETCHIMY2053. La présente étude, bien qu’elle
induise un questionnement légitime, ne saurait constituer le lieu d’une telle allégation, dont
l’étude approfondie de la question relève de spécialistes. Mais l’occupation sans titre de la

2047
Cf. DANIEL (Justin), Administration locale et clientélisme, thèse, Université de Paris I, 13 décembre 1983.
2048
GUINCHARD (Serge), DEBARD (Thierry), sous la direction de, Lexique des termes juridiques, Éditions
Dalloz, Paris, 22e édition, 2014-2015. Ouvrage numérique réalisé par SCM. Toulouse.
2049
Cf. ZITOUNI (Françoise), « Le Conseil constitutionnel et le logement des plus démunis », Les Petites
Affiches, 12 janvier 1996, n° 6 ; et LUCHAIRE (François), « Le constitutionnel et l’assistance médicale à la
procréation », RDP, 1994, pp. 1647-1658. La doctrine s’est maintes fois interrogée sur la dignité de la personne
humaine. La question principale étant de savoir si le droit à la dignité humaine constitue un droit fédérateur de
tous les autres droits de l’Homme.
2050
Cf. la définition de l’esclavage donnée sur le site Larousse.fr : « Fait pour un groupe social d'être soumis à
un régime économique et politique qui le prive de toute liberté, le contraint à exercer les fonctions économiques
les plus pénibles sans autre contrepartie que le logement et la nourriture ». « État, condition d'esclave ». « État,
condition de ceux qui sont sous une domination tyrannique ; asservissement, servitude : Tenir un peuple en
esclavage ». Cf. : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/esclavage.
2051
Cf. la définition du commerce triangulaire donnée sur le site Larousse.fr : « Système d'échange entre
l'Europe, les côtes africaines et l'Amérique, portant essentiellement sur le transport des esclaves et des denrées
tropicales ». « Ce commerce prit de l'ampleur au XVIII e siècle avec l'essor de l'économie de plantation. De
Londres, Bristol et Liverpool, de Bordeaux, Nantes ou La Rochelle partaient des navires qui allaient échanger
le long du golfe de Guinée des armes ou de la pacotille contre des esclaves (le « bois d'ébène »). Plusieurs
millions d'Africains furent entassés dans les cales des bateaux négriers, pour être vendus aux Antilles ou aux
Amériques, où ils travaillaient dans les plantations de canne à sucre, de café, de tabac et de coton. Ces produits
primaires étaient ensuite exportés vers l'Europe. » Définition consultée le 11 avril sur le site :
http://www.larousse.fr/archives/economie/page/48.
2052
Soit au même titre que les premiers colons, soit en raison du travail fourni par des générations successives
d’occupants sans titre, pour la mise en valeur de ces terres. Le « droit à la terre » et à « l’accès au foncier », est
un « enjeu majeur déclencheur de révoltes », ainsi que le démontrent de nombreux auteurs. Il en est ainsi de
David HARVEY, Professeur d’anthropologie et de géographie au Graduate Center de l’Université de la Ville
de New York, dans son ouvrage intitulé « Le capitalisme contre le droit à la Ville », Néolibéralisme,
urbanisation, résistances, publié aux Éditions Amsterdam, 2011, 94 pp.
2053
Terme employé par Serge LETCHIMY dans son ouvrage : LETCHIMY (S.), De l’habitat précaire à la
Ville : l’exemple martiniquais, Éditions L’Harmattan, 1992, 149 pp, plus annexes, opus cit.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

zone des cinquante pas géométriques appartenant à l’État, n’est pas anodine. De même,
l’occupation sans titre du domaine privé communal, notamment de zones initialement
difficiles d’accès au premier abord, comme le quartier de Trénelle à Fort-de-France, ou de
terrains initialement inhabitables2054, ne doit pas laisser indifférent.
Dans la plupart des cas, l’occupant sans titre se considère comme spontanément
propriétaire de sa construction édifiée sur les terrains illégalement occupés, voire desdits
terrains eux-mêmes, surtout s’il s’agit de terrains appartenant à une personne publique. Cela
conduit nécessairement à considérer que l’évolution historique des collectivités territoriales
outre-mer, a eu un impact sur la perception de la notion de propriété foncière outre-mer2055,
et sur la manière d’habiter le sol.
Tous ces développements amènent la question du logement intimement liée à
l’occupation sans titre outre-mer. Aussi, parmi les différentes déclinaisons du respect de la
dignité humaine, il est nécessaire de favoriser le droit à un logement digne ou décent dans le
cadre des opérations de régularisation foncière outre-mer (§2).

§ II. LE DROIT AU LOGEMENT DIGNE ET DÉCENT PROTÉGÉ


PAR LA REGULARISATION FONCIÈRE

Le droit au logement digne ou décent est l’une des déclinaisons du principe de dignité
de la personne humaine. Il trouve un écho particulier dans le cadre de la régularisation
foncière outre-mer et ce, même si plusieurs droits incontournables trouvent également leur
source dans le principe de dignité de la personne humaine2056. Le droit au logement constitue
sous ses différentes formes (droit à un logement décent, droit opposable au logement, droit
à un logement digne, droit à un habitat digne), une limite au droit de propriété, tant pour le
législateur, que pour la doctrine et la jurisprudence, car il participe au droit à la dignité de la
personne humaine. Il doit donc être préservé dans toute opération de régularisation foncière.
Le droit au logement figure dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme du

2054
Mais qui le sont devenus par les actions de viabilisation menées par les occupants sans titre eux-mêmes.
2055
L’occupation sans titre de terrains appartenant à des familles privées, dans une moindre proportion,
interpelle à ce titre également.
2056
CC, 27 juillet 1994, n° 94-343/344 DC. Décision consultée le 11 mai 2016 sur le site http://www.conseil-
constitutionneLfr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-
1959/1994/94-343/344-dc/decision-n-94-343-344-dc-du-27-juillet-1994. 10566.html. Il s’agit notamment du
principe de la primauté de la personne humaine, du principe du respect de l'être humain dès le commencement
de la vie, de l’inviolabilité, de l'intégrité et l’absence de caractère patrimonial du corps humain, et de l’intégrité
de l'espèce humaine.

581
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

10 décembre 1948, au titre du droit à un niveau de vie suffisant. Il s’exprime à l’article 25


de ce texte qui déclare que « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer
sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment par l’alimentation, l’habillement,
le logement, (…]». Les travaux préparatoires à la rédaction de la Déclaration universelle
citent le droit au logement comme étant indispensable à la protection de la santé2057. Ce droit
participe, par sa nature même, au droit à un niveau de vie suffisant. Ainsi, la loi du 6 juillet
1989 relative aux baux d’habitation mentionne le droit au logement comme droit
fondamental. L’article 27 alinéa 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant, du 26
janvier 1990, compte le droit au logement pour une mesure essentielle, que les États doivent
adopter. La « Loi Besson » n° 90-449 du 31 mai 1990 le consacre comme droit autonome,
détaché des rapports locatifs2058.
Le droit au logement digne constitue l’un des objectifs des opérations de régularisation
foncière menées par les personnes publiques outre-mer, sur leur domaine public et privé. Il
s’agit pour elles, non pas de cautionner l’illégalité, mais de contribuer à la résorption du
« mal-logement » par un logement digne et décent, facilité par une régularisation foncière
axée sur l’accession à la propriété foncière. Car l’habitat indigne ou indécent, sous toutes ses
formes, constitue une atteinte à la dignité humaine. À cet égard, l’ordonnance n° 2005-1566
du 15 février 20052059, relative à la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux, rappelle
l’article 122 de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale2060.
Dans son article intitulé « Normalisation de l’habitat »2061, paru en 2011, Chantal
IORIO rappelle la nécessité de consacrer l’opposabilité du droit au logement. Il en fût ainsi

2057
FIERENS (Jacques), Le droit à un logement décent, in « Les droits économiques, sociaux et culturels dans
la Constitution », Actes du colloque tenu à l’Université libre de Bruxelles, les 21 et 22 décembre 1994,
Bruylant, Bruxelles, p. 232.
2058
Cf. Loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement (site Légifrance). Ladite
loi prévoit, en son article 1er que « garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour
l’ensemble de la nation ». « Toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, en raison
notamment de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la
collectivité, dans les conditions fixées par la présente loi, pour accéder à un logement décent et indépendant
ou s’y maintenir »
2059
Ordonnance n° 2005-1566 du 15 décembre 2005 relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux,
LOI n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000608925.
2060
Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, consultée le 11 mai 2016
sur le site internet : https://www.legifrance.gouv.fr. L’article 122 de ladite loi autorise le Gouvernement « […]
à prendre, par ordonnances, les mesures nécessaires à la lutte contre les différentes formes d’habitat que l’on
peut qualifier « d’indignes », car contraires à la dignité humaine, dont le traitement relève des pouvoirs de
police administrative exercés par les maires et les préfets, et que sont les logements insalubres, les immeubles
menaçant ruine et les établissements d’hébergement dangereux ».
2061
IORIO (Chantal), Normalisation de l’habitat, Techniques & Culture, 56, 2011, 166-177, mis en ligne le 05
septembre 2014, consulté le 04 mars 2015. Cf.: http://tc.revues.org.bu-services.martinique.univ-ag.
fr:5000/5774.

582
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

par la loi n°2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant
diverses mesures en faveur de la cohésion sociale2062. L’article 300-1 du CCH, issu de la loi
du 05 mars 20072063, énonce que « le droit à un logement décent et indépendant, mentionné
à l’article 1er de la loi n °90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au
logement, est garanti par l’État à toute personne qui, résidant sur le territoire français de
façon régulière et dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, n’est pas en
mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir ». Il poursuit dans son second
alinéa que « ce droit s’exerce par un recours amiable puis, le cas échéant, par un recours
contentieux dans les conditions et selon les modalités fixées par le présent article et les
articles L441-2-3 et L441-2-3-1. » Il résulte en outre de l’article L301-1, I. du CCH que « la
politique d’aide au logement a pour objet de favoriser la satisfaction des besoins de
logements, de promouvoir la décence du logement, la qualité de l’habitat, l’habitat durable
et l’accessibilité aux personnes handicapées, d’améliorer l’habitat existant et de prendre en
charge une partie des dépenses de logement en tenant compte de la situation de famille et
des ressources des occupants. Elle doit tendre à favoriser une offre de logements qui, par son
importance, son insertion urbaine, sa diversité de statut d’occupation et de répartition
spatiale, soit de nature à assurer la liberté de choix pour tout personne de son mode
d’habitation2064 ».
Le professeur IORIO semble s’étonner de la référence à la dignité humaine faite par
la Conseil constitutionnel, dans sa décision du 19 janvier 1995 sus relatée, donnant une
effectivité au logement en le qualifiant « d’objectif à valeur constitutionnelle », pour ce qui
est du droit au logement2065. Mais il fait ensuite remarquer que « ce principe de dignité
humaine a vocation à regrouper tous les droits sociaux comme l’avait remarqué François
LUCHAIRE […] et le droit au logement contribue au développement de la personnalité
humaine »2066, et que, par son caractère opposable, le droit au logement place la protection

2062
Les dispositions de cette loi se retrouvent dans le Livre III du Code de la construction et de l’habitation
(CCH), consacré aux « Aides diverses à la construction d’habitations et à l’amélioration de l’habitat – Aide
personnalisée au logement », dans un Titre préliminaire intitulé « Dispositions générales relatives aux
politiques d’habitat », et sont relatées au Chapitre préliminaire « Droit au logement ».
2063
Loi n°2007-290 du 5 mars 2007, publié au JORF du 6 mars 2007.
2064
Le II. - de l’article L300-1 fait référence à l’aide de la Collectivité en ce sens : « Toute personne ou famille
éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l’inadaptation de ses ressources ou de ses
conditions d’existence, a droit à une aide de la Collectivité pour accéder à un logement décent et indépendant
ou s’y maintenir ». Ces dispositions sont compatibles avec les objectifs de régularisation foncière.
2065
IORIO (Chantal), Normalisation de l’habitat, Techniques & Culture, 56, 2011, 166-177, mis en ligne le 05
septembre 2014, consulté le 04 mars 2015. URL: http://tc.revues.org.bu-services.martinique.univ-ag.fr
:5000/5774.
2066
IORIO (Chantal), Normalisation de l’habitat, Techniques & Culture, 56, 2011, 166-177, op. cit.

583
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

de l’humain, comme l’humain lui-même, au cœur même des politiques de l’habitat.


Au niveau européen, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme
(CEDH)2067, garantit le droit au respect du domicile, et prohibe toute ingérence injustifiée
des États, tout en mettant à la charge des États, des obligations positives pour assurer la
jouissance effective du droit au respect du domicile, comme d’autres droits garantis 2068.
L’article 1er de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne2069 proclame
le caractère inviolable de la dignité humaine, qui doit être respecté et protégé, et qui est
l’expression d’une justice sociale que les pouvoirs publics doivent avoir à cœur de protéger.
Ladite Charte, depuis le Traité de Lisbonne, constitue un texte contraignant sur lequel la
Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) et les tribunaux nationaux peuvent s’appuyer
pour le respect des droits fondamentaux.
L’ancienne Cour européenne, dans un arrêt du 19 décembre 1989, « MELLACHER et
autres contre l’Autriche », mentionne la place centrale occupée par le logement dans les
politiques sociales et économiques des sociétés modernes2070. Dans le même ordre, la
Constitution belge2071, contient l’affirmation du droit au logement au titre des droits
économiques, permettant à chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine2072.
La cour de cassation rappelle néanmoins dans sa jurisprudence, notamment dans un

2067
Convention de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales, présentée à la signature à Rome
le 4 novembre 1950 et entrée en vigueur en 1953. C’est le premier instrument rendant contraignants certains
des droits énoncés dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Il a été amendé et enrichi depuis
son adoption. Cf. https://www.echr.coe.int/Pages/home.aspx?p=basictexts&c=fre.
2068
Toutefois cet article ne saurait servir de fondement à un droit subjectif. Ainsi, dans le cas d’une personne
handicapée, cet article 8 ne saurait servir de fondement à « une obligation positive pour les autorités de fournir
un appartement spécifique ». Cf. Req. N°36448/97, Note d’information n° 6, mai 1999, p. 13.
2069
La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 07 décembre 2000, adoptée le 12 décembre
2007 à Strasbourg, reçoit une valeur juridiquement contraignante, grâce au Traité de Lisbonne entré en vigueur
le 1er décembre 2009. Le Traité de Lisbonne révise l’article 6 du Traité de l’Union européenne (TUE) qui
considère désormais la Charte comme ayant la même valeur juridique que les traités. Cet article 6 organise
également l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH).
Cf. : http://www.europarl.europa.eu/charter/pdf/text_fr.pdf.
2070
Cf. Rev. Trim. Drt H., 1990, p. 381, note FLAUSS (Jean-François), « Liberté contractuelle et contrôle des
loyers à l’aune de la Convention européenne des droits de l’Homme ». La Cour européenne en avait tiré la
conséquence que « dans la mise en œuvre de telles politiques, le législateur doit jouir d’une grande latitude
pour se prononcer tant sur l’existence d’un problème d’intérêt public appelant une réglementation que sur le
choix des modalités d’application de cette dernière ». Elle a rappelé son respect pour « la manière dont le
législateur conçoit les impératifs d’intérêt général, sauf si son jugement se révèle manifestement dépourvu de
base raisonnable »
2071
Constitution modifiée à cet effet, le 31 janvier 1994.
2072
L’article 23 de la Constitution belge est, à ce titre, rédigé ainsi qu’il suit : « Chacun a le droit de mener une
vie conforme à la dignité humaine ». Le droit à un logement décent, constitue l’un des droits économiques,
sociaux et culturel, garantis par la loi et le décret, et qui permettent l’exercice du droit de chacun de mener une
vie conforme à la dignité humaine. Ces dispositions visent pratiquement à mettre en place un droit de
réquisition des immeubles abandonnés depuis plus de six mois, pour les mettre à disposition de personnes sans-
abris. Ces dispositions n’ont pratiquement pas reçu d’applications pratiques, faute de volonté politique, de
moyens financiers et de précisions juridiques.

584
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

arrêt du 21 décembre 20172073, que « l’occupation sans droit ni titre du bien d’autrui
constitue un trouble manifestement illicite » nonobstant la protection dont bénéficie
l’occupant aux droits consacrés par l’article 8 de la Convention européenne des droits de
l’homme2074.
La position du Conseil constitutionnel en matière de droit au logement, peut être
interprétée dans le sens d’une légitimation d’une régularisation foncière positive d’intérêt
public, contribuant à un logement décent, à condition que le droit de propriété ne soit pas
dénaturé ou vidé de son sens. Le Conseil constitutionnel lui-même affirme le droit au
logement comme étant un principe qui découle de celui de la dignité humaine, dans sa
décision du 19 janvier 19952075, rendue à propos de la loi relative à la diversité de
l’habitat2076, et une limite conditionnée au droit de propriété, dans sa décision du 29 juillet
19982077, dont les conclusions pourraient être retenues en matière de régularisation foncière.
Le droit au logement digne et décent doit être considéré comme un prolongement du
respect de la dignité de la personne humaine par un contenu concret conféré à la
régularisation foncière (A) et un levier d’action au profit des collectivités territoriales (B).

A. UN CONTENU CONCRET CONFÉRÉ À LA RÉGULARISATION


FONCIÈRE

D’après Pierre LAMBERT2078, dans toute société démocratique, le juge national


devrait pouvoir dépasser le clivage théorique de la primauté du droit fondamental classique
de propriété, contre tout droit fondé sur le principe du respect de la dignité humaine, érigé
en objectif social de valeur constitutionnelle en France, tel que le droit à un logement décent,
ou vice-versa, pour refuser notamment que des locaux d’habitation restent inhabités « selon
le bon vouloir du propriétaire »2079. Il s’agit d’une position doctrinale qui vise à concrétiser

2073
Cass., 3e Ch. Civ., 21 décembre 2017, pourvoi n° 16-25469, Bull. Cass.
2074
En l’espèce, la position de la Cour d’appel a été censurée par la Cour de cassation, au visa de l’article 849,
alinéa 1er du code de procédure civile. La Cour d’appel avait considéré qu’il n’y avait pas lieu à référé au motif
qu’une mesure d’expulsion aurait eu pour effet de placer les occupants dans une plus grande précarité compte
tenu des circonstances de l’espèce, ce qui aurait caractérisé une atteinte plus importante au droit au respect du
domicile de ces derniers que le refus de cette mesure au droit de propriété du demandeur. Cf.
https://www.dalloz-actualite.fr/flash/refere-l-occupation-sans-droit-ni-titre-du-bien-d-autrui-constitue-un-
trouble-manifestement-il#.XIpNkBornmo.
2075
CC, 19 janvier 1995, Décision n°94-359 DC, sur la « Loi relative à la diversité de l’habitat ». Décision
consultée le 11 mai 2016 : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1995/94359DC.htm.
2076
Loi n°95-74 du 21 janvier 1995 relative à la diversité de l’habitat, JO du 21 janvier 1995, p. 1166.
2077
CC, 29 juillet 1998, Décision n° 98-403 DC, sur la « Loi d'orientation relative à la lutte contre les
exclusions », cf. : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1998/98403DC.htm.
2078
LAMBERT (Pierre), Le droit de l’Homme à un logement décent, Rev. Trim. DR H., 2001, pp 47 à 54.
2079
Idem.

585
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

le droit au logement, fondé sur le principe de respect de la dignité humaine, dans des
situations difficilement acceptables sur le plan éthique2080. C’est aussi l’un des objectifs de
la régularisation foncière outre-mer.

1) Le régularisation foncière vectrice de production de logements


réhabilités

La régularisation foncière est l’un des moyens les plus efficaces pour produire du
logement social. Le séminaire de Mexico émet l’idée selon laquelle la régularisation foncière
est une forme de production foncière, qui ne concerne pas seulement la sécurité foncière,
mais aussi l’amélioration de l’habitat, la réhabilitation des équipements, et le développement
de services, et autres aspects2081. Il parle notamment de « promotion de la citoyenneté », de
consécration d’un droit à la ville au profit des populations démunies. Ces opérations de
régularisation foncière constitueraient, d’après les conclusions dudit séminaire, « les seules
manières concrètes de produire des logements au bénéficie des plus démunis »2082.
Cette acception valide la régularisation foncière comme forme de production de
logement pour les plus démunis. Elle met en avant le lien primordial entre la personne
humaine, sa dignité et le droit au logement. En ce sens, elle établit un lien avec la conception
du Conseil constitutionnel qui affirme que le droit au logement est un principe qui découle
de celui de la dignité humaine, dans sa décision du 19 janvier 19952083, rendue à propos de
la loi relative à la diversité de l’habitat2084. Dans cette décision, le Conseil considère que le
droit à un logement décent constitue, pour toute personne, un objectif constitutionnel
prolongeant et renforçant le principe de la dignité de la personne humaine, et ce, en dehors
même de toute comparaison avec d’autres droits fondamentaux comme le droit de
propriété2085.
Mais ce positionnement n’a pas mis fin au « mal logement ». Chacun connaît les
actions récurrentes et médiatisées de l’Abbé Pierre en faveur de la protection et du logement

2080
Problématique des locaux vides, alors qu’une frange de la population demeure sans logement.
2081
AITEC, Association Internationale de Techniciens, Experts et Chercheurs, Occupation et régularisation
foncière au regard des droits au logement et à la ville. Article publié le 05 mars 2007, sur le site « aitec.reseau-
ipam.org.
2082
Idem.
2083
CC, 19 janvier 1995, Décision n°94-359 DC, sur la « Loi relative à la diversité de l’habitat ». Décision
consultée le 11 mai 2016 : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1995/94359DC.htm.
2084
Loi n°95-74 du 21 janvier 1995 relative à la diversité de l’habitat, JO du 21 janvier 1995, p. 1166.
2085
CC, 19 janvier 1995, op. cit. : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1995/94359DC.htm. Le
Conseil lie le principe et l’objectif dans une formule aux termes de laquelle il énonce qu’il résulte « […] du
Préambule de la Constitution de 1946 que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute
forme de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle […] qu’il résulte de ces principes que la
possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent est un objectif de valeur constitutionnelle »

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

des personnes défavorisées parmi lesquels figurent des occupants sans titre. Ce dernier a
souhaité la création d’un haut comité pour le logement des personnes défavorisées.
Ainsi, il ressort des échanges intervenus lors du séminaire international de Mexico que
« la régularisation de l’habitat donne un contenu concret au droit à un logement décent, à
travers un processus qui inclut des méthodes permettant de reconnaître l’occupation (au sens
d’occupation du sol en dehors des procédures légalement organisées) et de légitimer l’accès
des habitants au crédit et aux services »2086.
De ce séminaire il résulte que les programmes de régularisation foncière doivent être
considérés comme constituant des méthodes de réhabilitation et de production de l’habitat,
et des techniques de production foncière et d’aménagement de l’espace foncier. Ces
échanges valident la conception que la diversité des pratiques foncières des habitants,
engendre un caractère innovant des programmes de régularisation foncière, et que les
programmes de régularisation foncière trouvent majoritairement leur justification dans le
fait que les « exclus » n’ont pas d’autres moyens de se loger, qu’en fondant des
« établissements irréguliers », dans le sens d’occupations irrégulières2087.

2) Le lieu d’une conciliation effective par la régularisation foncière

La régularisation foncière doit donc être le lieu d’une conciliation effective de la


dignité humaine, du droit à un logement digne et du respect du droit de propriété.
La difficile conciliation entre d’une part, le principe de valeur constitutionnelle que
constitue la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de
dégradation, l’objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute
personne de disposer d’un logement décent, et d’autre part, le droit de propriété proclamé
par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, ses
attributs essentiels, tel le droit de disposer, et le principe d’égalité devant les charges
publiques prôné par l’article 13 de la DDHC, a donné lieu à une décision du Conseil

2086
L’AITEC a pour objectif de réfléchir aux fondements politiques et philosophiques des pratiques
scientifiques, techniques et professionnelles. Elle a participé au séminaire international de Mexico qui s’est
déroulé du 24 au 26 février 1993, sur le thème de « l’accès des pauvres au sol urbain : nouvelles approches en
matière de politiques de régularisation foncière dans les pays en voie de développement ». La déclaration de
l’AITEC propose au débat public des positions sur des questions fondamentales abordées lors du séminaire
international de Mexico, notamment celle des « droits au logement et à la Ville ».
2087
La question des raisons pour lesquelles une partie de la population a été contrainte et continue à habiter
dans l’illégalité foncière suscite des approches multiples, dont certaines ont déjà exposées aux présentes. Les
conclusions du séminaire de Mexico révèlent que les procédures de régularisation foncière résultent souvent
d’une forme de négociation entre les habitants et les décideurs économiques et politiques. Il s’agirait d’une
forme de résolution des conflits reconnaissant l’autre dans sa spécificité.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

constitutionnel en date du 29 juillet 19982088, dont les conclusions peuvent être partiellement
reprises en matière de régularisation foncière. Cette décision est intervenue à l’occasion de
la loi n°98-657 du 29 juillet 1998, relative à la lutte contre les exclusions ; loi dont le Conseil
constitutionnel invalida en partie les dispositions2089.
Dans sa décision du 29 juillet 1998 susmentionnée, le Conseil constitutionnel a rappelé
qu’il résulte du Préambule de la Constitution de 1946 que « la sauvegarde de la dignité de
la personne humaine contre toute forme de dégradation est un principe de valeur
constitutionnelle » et que « la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement
décent est un objectif de valeur constitutionnelle ». Le Conseil fait bien la distinction entre
les termes « principe de valeur constitutionnelle » et « objectif de valeur constitutionnelle ».
Il rappelle préalablement l’importance du droit de propriété, et notamment le contenu
de l’article 2 de la DDHC qui proclame que : « Le but de toute association politique est la
conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la
propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ». Il poursuit en rappelant le contenu de
l’article 17 de la DDHC. Puis il fait une transition vers l’article 34 de la Constitution de
1958, en rappelant « qu’aux termes du seizième alinéa de l’article 34 de la Constitution, la
loi détermine les principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des
obligations civiles et commerciales ». Le tout, avant d’énoncer que « s’il appartient au
législateur de mettre en œuvre l’objectif de valeur constitutionnelle que constitue la
possibilité pour toute personne de posséder un logement décent, et s’il lui est loisible, à cette
fin, d’apporter au droit de propriété les limitations qu’il estime nécessaires, c’est à la
condition que celles-ci n’aient un caractère de gravité tel que le sens et la portée de ce droit
en soient dénaturés ». Il conclut en disant que « doit aussi être sauvegardée la liberté
individuelle »2090.
Les constitutionnalistes considèrent qu’« il n’y a pas de droit fondamental au
logement, protégé par un principe ou une règle à valeur constitutionnelle »2091. Mais, c’est
dans le respect deux ordres d’exigences constitutionnelles susmentionnées, que l’accès

2088
CC, 29 juillet 1998, Décision n° 98-403 DC, sur la « Loi d'orientation relative à la lutte contre les
exclusions », cf. : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1998/98403DC.htm.
2089
Le Conseil constitutionnel a été saisi de la constitutionnalité de cette loi par 98 députés. Étaient en cause
l’article 51 de ladite loi instaurant une taxe sur les locaux vacants, l’article 52 relatif aux réquisitions de locaux
vacants, l’article 107 relative à la saisie immobilière, l’article 119 relative aux concours de la force publique
en matière d’expulsion, et l’article 152 restaurant un Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale.
Les trois derniers articles (107, 119 et 152) ont été invalidés par le Conseil constitutionnel.
2090
CC, 29 juillet 1998, op. cit. Cf. aussi : Dalloz, 13 mai 1999, J. p. 269, note SABETE (W.).
2091
FAVOREU (Louis), Droit constitutionnel, Dalloz, Paris, 1998, p. 863.

588
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

effectif au logement fût affirmé. Ainsi, le juge admet la limitation qu’est la sauvegarde du
respect de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation et le droit à
un logement décent, au droit de propriété, à la condition qu’il ne dénature pas ledit droit de
propriété. Cette considération peut être appliquée à la régularisation foncière, dont l’objectif
d’intérêt public, est partiellement similaire (protection de la dignité humaine contre toute
forme de dégradation et préserver du droit à un logement décent), à travers l’objectif premier
qu’est la résorption de l’occupation sans titre.
Mais la cohabitation entre droit de propriété et droit au logement n’est pas toujours
évidente. Ainsi, dans une décision du 30 septembre 20112092, « Consorts M. et autres », le
Conseil constitutionnel déclare conforme à la Constitution, l’article 544 du Code civil2093.
En l’espèce, le Conseil constitutionnel avait été saisi, le 30 juin 20112094, par la troisième
chambre civile de la Cour de cassation, d’une question prioritaire de constitutionnalité
(QPC), portant sur les dispositions de l’article 544 du Code civil2095. Dans sa décision du 30
septembre 20112096, il a répondu positivement à cette question. En l’espèce, les requérants
ont fait ressortir que la technique de la QPC, a pour objectif de contrôler la constitutionnalité
des dispositions législatives par rapport à la Constitution, mais également de contrôler la
portée effective de ces dispositions législatives, notamment à travers l’interprétation qui en
est faite par les tribunaux. Or, en matière de droit de propriété, il se trouve que la

2092
C.C. Décision n° 2011-169 QPC du 30 septembre 2011, Consorts M. et autres, à propos du droit de
propriété. Cf. : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2011/2011169QPC.htm.
2093
Article 544 C. civ. : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue,
pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois et par les règlements ».
2094
C. Cass., n° 997 et 998 du 30 juin 2011, cités dans décision n° 2011-169 QPC du 30 septembre 2011. Cette
saisine a eu lieu dans le cadre d’une procédure de référé introduite par la Communauté d’agglomération de
Cergy-Pontoise et par la Communauté d’agglomération de Val-de-France, devant le juge des référés près le
Tribunal de Grande Instance (TGI) de Pontoise, tendant à l’expulsion d’occupants sans droit ni titre de terrains
leur appartenant. Cette QPC a été portée devant la Cour de cassation, par cinq personnes menacées d’expulsion
par la Communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise, et vingt-et-une autres pareillement menacées
d’expulsion par la Communauté d’agglomération de Val-de-France. Par deux ordonnances des 23 et 25 mars
2011, le TGI de Pontoise a interrogé la Cour de cassation sur cette QPC.
2095
La QPC soulevée devant le juge des référés par les défenderesses menacées d’expulsion, consistait en une
affirmation ainsi formulée : « les dispositions de l’article 544 du code civil, telles qu’interprétées de façon
constante par la Cour de cassation, portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et
notamment au principe à valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité contre toute forme
d’asservissement ou de dégradation, au droit de mener une vie familiale normale et à l’objectif de valeur
constitutionnelle que constitue le droit au logement ». Cette technique de l’affirmation, en présence d’une QPC,
vise à influencer la décision du juge. La Cour de cassation a renvoyé cette QPC devant le Conseil
constitutionnel, par les deux arrêts sus dits, en reconnaissant que la disposition concernée est applicable au
litige, s’agissant « d’occupants de la propriété d’autrui », mais en la reformulant sous la forme d’une question.
Elle a pris soin de préciser que le Conseil ne s’était pas encore prononcé sur la conformité de l’article 544 du
Code civil par rapport à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision, arguant du caractère
sérieux de cette QPC eu égard aux principes constitutionnels concernés. ».
2096
C.C. Décision n° 2011-169 QPC du 30 septembre 2011, Consorts M. et autres, op. cite.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

jurisprudence de la Cour de cassation consacre son caractère absolu, et caractérise comme


étant un trouble manifestement illicite, l’occupation sans titre d’un terrain ou d’un immeuble
appartenant à autrui, justifiant ainsi la possibilité pour le juge des référés d’y mettre fin par
les dispositions de l’article 809 alinéa 1er du CPC2097. Selon les requérants, cette
jurisprudence de la Cour de cassation constitue une atteinte au principe constitutionnel « de
sauvegarde de la personne contre toute forme de dégradation » consacré par le Préambule
de la Constitution de 1946, au « droit de mener une vie familiale normale », et au « droit au
logement », objectif de valeur constitutionnelle. S’agissant de cet objectif de valeur
constitutionnelle, les requérants soulignent que l’application de l’article 544 du Code civil,
telle qu’elle est pratiquée par la Cour de cassation, conduit à l’évacuation d’occupants sans
titre2098 à toute époque de l’année, dans l’urgence, au mépris de la prise en considération « de
la situation personnelle ou familiale, de personnes défavorisées, et ne disposant pas d’un
logement décent ». Pour affirmer cela, les requérants dans l’affaire en cause se sont référés
à une décision du Conseil constitutionnel n° 2011-625 DC du 10 mars 20112099. Mais, dans
le cadre de la décision du 30 septembre 2011, les faits n’étaient pas les mêmes, mais les
termes de la décision sus relatée ont été évoqués par les requérants pour demander au juge

2097
À l’occasion des décisions de la Cour de cassation du 30 juin 2011, l’avocat général avait conclu au non-
renvoi de l’affaire devant le Conseil constitutionnel, estimant que ce n’était pas la constitutionnalité de l’article
544 du Code civil qui était en question, mais celle de l’article 809 du Code de procédure civile (CPC), qui
permet au Président, « même en présence d’une contestation sérieuse », de « prescrire en référé les mesures
conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire
cesser un trouble manifestement illicite ». Pour l’avocat général, ce constat rend la QPC « manifestement
irrecevable ». Pour justifier sa position, l’avocat général s’était fondé sur un arrêt de cassation rendu par la
troisième chambre civile de la Cour de cassation, le 20 janvier 2010, Société d’HLM France habitation (n° 08-
16. 088, Bull. n° 19), annulant, au vu des articles 809 alinéa 1 er du Code de procédure civile et 544 du Code
civil, un arrêt de la Cour d’appel de Versailles, rendu le 16 avril 2008. Pour la troisième chambre civile de la
Cour de cassation, « l’occupation sans droit ni titre d’un immeuble appartenant à autrui constitue un trouble
manifestement illicite au sens de l’article 809, alinéa 1 er, du Code de procédure civile ». Dans cette affaire, la
Cour d’Appel de Versailles avait constaté que « les personnes physiques assignées justifiaient toutes être, du
fait de leurs difficultés de logement, dans une situation précaire et indigne. Elle reconnaissait l’atteinte au droit
de propriété que constitue l’occupation sans droit ni titre de l’aire de jeux, mais ne reconnaissait pas le trouble
manifestement illicite obligeant le juge des référés à ordonner des mesures pour y mettre fin. La Cour d’appel
rappelle que seul le juge du fond (et non le juge des référés) est compétent pour opérer un contrôle de
proportionnalité entre les droits respectifs en cause. Elle n’hésite pas à affaiblir le droit de propriété au profit
du droit à un logement décent. La décision de la Cour d’appel est sanctionnée par la Cour de cassation qui
rétablit en l’espèce la supériorité de la protection du droit de propriété, en mettant l’accent sur le caractère de
l’occupation sans droit ni titre, qui est constitutive d’un trouble manifestement illicite au regard de l’article 809
alinéa 1er du CPC. Elle en conclut que la Cour d’appel n’avait pas tiré les conséquences légales de ses propres
constatations, et a violé les articles 809 alinéa 1er du CPC et 544 du code civil. Mais la brèche dans la suprématie
du droit de propriété a bel et bien été réalisée par la cour d’Appel de Versailles, fragilisant ainsi le droit de
propriété au profit du droit à un logement décent.
2098
Cette jurisprudence concerne notamment les personnes vivant dans des résidences mobiles.
2099
Décision n° 2011-625 du 10 mars 2011, « Loi d’orientation et de programmation pour la performance de
la sécurité intérieure », citée dans le « dossier documentaire » relatif à la décision n° 2011-169 QPC. p.
2.https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/decisions/2011169qpc/doc.pdf

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constitutionnel d’examiner le traitement judiciaire de la procédure d’expulsion ordonnée par


le juge à la demande du propriétaire. Pour le Conseil constitutionnel, « en posant une
question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la
constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante
confère à la disposition législative contestée ». Dans ces cas, le Conseil constitutionnel avait
été saisi d’une question portant sur une ou des dispositions législatives telles qu’interprétées
en elles-mêmes par la juridiction administrative ou judiciaire. Il en a été ainsi pour la
question prioritaire de constitutionnalité, rendue le 04 février 2011, « M. Jean-Louis », à
propos de la Zone des 50 pas géométriques2100.
S’agissant de la constitutionnalité de l’article 544 du Code civil par rapport à la
Constitution, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 30 septembre 2011, l’a déclaré
conforme à la Constitution, en rappelant que cet article, qui porte définition du droit de
propriété, « ne méconnaît par lui-même aucun droit ou liberté garantit par la Constitution de
1958 » et « n’est pas en lui-même contraire aux droits et libertés » garantis par la
Constitution, « puisqu’il rappelle un principe constitutionnel proclamé par les articles 2 et
17 de la Déclaration de 1789 ». Le Conseil constitutionnel aura préalablement pris soin,
avant de faire cette affirmation, de rappeler l’ensemble des considérants « de principe » de
sa décision du 29 juillet 19982101, rappelant la nature constitutionnelle du droit de propriété,
l’ « objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de
disposer d’un logement décent », et de rappeler la compétence du législateur dans la mise en
œuvre de cet objectif de valeur constitutionnelle, au besoin en apportant au droit de propriété
les limitations qu’il estime nécessaires.
Par ailleurs, s’agissant de la conformité aux droits et libertés garantis par la
Constitution, de l’article 809 du CPC, qui définit les pouvoirs du juge des référés, le Conseil
constitutionnel s’estime incompétent pour se prononcer sur cette question. En conséquence,
la question de savoir si l’occupation d’un terrain sans droit ni titre constitue toujours un
trouble manifestement illicite au sens de l’article 809 alinéa 1er du CPC, de nature à toujours
donner lieu à une expulsion d’urgence, n’a pas été tranchée par le Conseil constitutionnel

2100
CC. DC n° 2010-96 QPC du 4 février 2011, Jean-Louis L. En ligne : http://www.conseil-
constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-
1959/2011/2010-96-qpc/decision-n-2010-96-qpc-du-4-fevrier-2011. 52790. html.
2101
CC Décision n° 98-403 DC du 29 juillet 1998, « Loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions »,
cf. : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1998/98403DC.htm.

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qui s’est estimé incompétent en la matière2102.


Toutes ces décisions démontrent le difficile mais nécessaire équilibre qu’il doit y avoir
entre la protection du droit de propriété et la mise en œuvre du droit à un logement décent,
objectif de valeur constitutionnel ; lequel droit constitue une limite au dit droit de propriété,
dans le cadre de la sauvegarde de la dignité de la personne humaine, principe à valeur
constitutionnelle.
La prise en compte de ces notions dans le cadre de la régularisation foncière, vise à
consolider les procédures par la mise en place ou l’amélioration d’outils juridiques et
réglementaires, aptes à faire cesser l’occupation sans titre outre-mer, tout en assurant la
protection de l’occupant sans titre en tant que personne humaine digne et la protection du
droit de propriété.
La protection du droit de propriété des personnes publiques comme privées constitue
un impératif constitutionnel, maintes fois rappelé, et à ce titre, toute réforme foncière doit
être fondée sur le respect du droit de propriété. Toutefois, face au risque de négation de
l’humain dans l’homme, le droit à la dignité de la personne humaine constitue l’un des droits
les plus protégés du XXIe siècle, comme en témoignent les développements qui précèdent.
Il connaît un regain d’actualité, parmi les droits de la personne humaine, devant les inégalités
criantes de nos sociétés modernes, notamment à travers le droit à un logement décent ou
digne. Ce droit au logement constitue un levier d’action au profit des collectivités
territoriales (B).

B. UN LEVIER D’ACTION AU PROFIT DES COLLECTIVITÉS


TERRITORIALES

La régularisation foncière doit permettre aux personnes publiques d’utiliser ses


procédures et modalités pour favoriser l’accès des occupants à un logement digne et décent.
Elle est un vecteur incontournable de production de logements décents. Les programmes de
régularisation foncière constituent des outils politiques et sociaux spécifiques, dont la mise
en œuvre doit profiter surtout aux plus démunis. Pour cette raison, ils sont régulièrement mis
en œuvre par les personnes publiques pour tenter de répondre à la demande de logement et
aux demandes des administrés. Tout cela contribue à faire de la régularisation foncière une
nécessité publique.

2102
Décision n°2011-169 QPC du 30 septembre 2011, Consorts M. et autres, à propos de la définition du droit
de propriété, op. cite.

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La régularisation foncière fait ressortir l’intérêt primordial qu’il y a d’accéder à


propriété du sol, et à la sécurité foncière. Elle trouve en partie son bien-fondé dans la
reconnaissance de la « légitimité de l’accès au sol pour tous »2103. Le respect de la dignité de
la personne humaine et du droit au logement digne constitue un levier d’action au profit des
collectivités territoriales, car ceux-ci se justifient comme limites acceptables au droit de
propriété, tout en permettant au législateur d’acquiescer à l’adoption de mesures
dérogatoires, voire sui generis, de régularisation foncière, sous réserve de ne pas dénaturer
le droit de propriété.
L’accès à la propriété du sol et à la sécurité foncière constituent des axes primordiaux
de régularisation foncière. Il est admis de parler de « légitimité de l’accès au sol pour
tous »2104, même si la mise en œuvre des procédures ne débouche pas systématiquement sur
la délivrance d’un titre de propriété, en raison de l’illégalité de l’occupation sans titre, des
risques naturels et fonciers, et du caractère dérogatoire de ces procédures.
Pourvoyeuse de logements, la régularisation foncière peut avoir pour effet pervers de
valider à posteriori des occupations illégales et d’auto-constructions2105. C’est en prévision
de cela qu’elle doit faire l’objet d’un encadrement strict, afin de ne pas contribuer à la
légitimation d’occupations illégales, à l’émergence de politiques de type clientéliste, ou à
l’érection d’ « usurpateurs » fonciers en « paisibles usagers fonciers » voire en « paisibles
propriétaires » fonciers2106.
Par ailleurs, quoique les opérations de régularisation foncière concernent
majoritairement les ménages à faibles ou moyens revenus, elles peuvent aussi concerner,
selon les quartiers2107, des individus disposant d’importants capitaux. L’accession à la
propriété pour tous prend ici sa pleine mesure, car elle concerne les couches sociales les plus
démunis, les classes moyennes et, de manière plus marginale, les classes à fort revenus. La
régularisation foncière constitue un facteur de rapprochement entre individus de classes
sociales différentes ; ce qui conduit à se poser la question de la réalité objective ou politique

2103
L’association internationale des techniciens, experts et chercheurs, AITEC, qui constitue un réseau de
citoyens et de professionnels produisant des analyses et propositions, précise que cette légitimité n’implique
pas nécessairement dans la pratique le droit d’occuper toute terre ; ceci, en raison des inégalités économiques
existantes. Cf. : « Occupation et régularisation foncière au regard des droits au logement et à la ville », 05 mars
2007 ; déclaration de l’AITEC dite de Mexico, des 09 juin 1995 et 09 mars 1995. En ligne : http://aitec.reseau-
ipam.org/spip.php?article54.
2104
Cf. : « Occupation et régularisation foncière au regard des droits au logement et à la ville », 05 mars 2007 ;
déclaration de l’AITEC dite de Mexico, des 09 juin 1995 et 09 mars 1995, op. cit.
2105
Au mépris du respect des règles d’urbanisme (absence de permis de construire, absence de déclaration
préalable de travaux, etc.).
2106
Termes employés par l’AITEC. En ligne : http://aitec.reseau-ipam.org/spip.php?article54.
2107
Exemple, le quartier « Cap Est », dans la commune du FRANCOIS (Martinique).

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des classes sociales2108.


Compte tenu des développements qui précèdent, la décision de régularisation foncière,
face au droit de propriété, droit fondamental protégé, doit prendre en compte, comme critères
fondamentaux d’un droit à la régularisation foncière, outre l’intérêt ou l’utilité publique, la
dignité de la personne humaine et son corollaire, le droit à un logement digne. À cet effet,
plusieurs cas peuvent être analysés, sans que cela soit exhaustif.

1) Premier cas : un droit à la régularisation foncière conditionné

Prenons le cas d’une personne qui occupe sans titre, ou en vertu d’un titre de jouissance
périmé, une parcelle de terrain, dépendant du domaine privé de la personne publique, sur
laquelle elle a fait édifier sa construction (à usage d’habitation) depuis de nombreuses
années, sans opposition de la part du propriétaire du terrain. Si cette personne ne dispose
d’aucun autre logement que la construction illégalement édifiée sur le terrain d’autrui, et si
elle se trouve placée dans une situation de précarité foncière, aggravée par de faibles
ressources, ne faut-il pas considérer que cet occupant sans titre se trouve dans une situation
dans laquelle la dignité de sa personne en tant qu’être humain, est menacée ?
Dans un tel cas, le droit à la régularisation foncière devrait être acquis pour un tel
occupant sans titre, de préférence par le biais d’une procédure de titrement, si le terrain est
cessible. Ce droit peut également s’effectuer par le biais d’une procédure de relogement, si
le propriétaire du terrain ne veut pas ou ne peut pas le céder. Le tout, sauf application de la
procédure d’expropriation relatée en amont2109. Il s’agirait d’une forme de droit à
régularisation foncière plus coercitif et contraignant pour le propriétaire foncier.
À défaut, pourrait naître un droit à relogement au profit de l’occupant sans titre, auquel
le propriétaire, personne publique, devrait contribuer, avec le concours de l’État et d’autres
collectivités locales. À cette procédure s’ajouteraient les dispositifs d’aide à l’acquisition,
mis en place par le législateur.

2) Second cas : Un devoir de régularisation foncière conditionné

Lorsque la personne occupe sans titre un terrain dépendant de la zone des cinquante

2108
Cf. LENOIR (Rémi), « Espace social et classes sociales chez Pierre BOURDIEU », Sociétés &
Représentations, 2004/1 (n° 17), p. 385-396. DOI : 10.3917/sr.017.0385. URL : https://www.cairn.info/revue-
societes-et-representations-2004-1-page-385.htm. Pour Pierre BOURDIEU, la conception que l’on a des
classes sociales dépend de la position que l’on occupe dans la structure des classes. La conception empirique,
objective, qui la représentation du savant, conçoit les classes en termes de condition, alors que la conception
politique ou militante, plus volontariste, conçoit les classes en termes de conscience de classe.
2109
Cf. en amont, p. 429 et ss.

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pas géométriques, situé en secteur urbain ou d’urbanisation future, et répondant aux


caractéristiques actuelles de régularisation foncière mises en place par l’Etat, deux cas
doivent être distingués.
Si l’occupant ne dispose d’aucun autre logement que la construction illégalement
édifiée sur le terrain d’autrui, depuis de nombreuses années, et s’il se trouve dans une
situation de précarité foncière, aggravée par de faibles ressources, il peut être considéré que
cet occupant sans titre se trouve dans une situation dans laquelle la dignité de sa personne
humaine est menacée. La solution du devoir de régularisation foncière par titrement ou
relogement, développée en amont, devrait pouvoir être prise en compte. À cela s’ajouteraient
les dispositifs d’aide à l’acquisition, mis en place par le législateur.
Dans les autres cas2110, l’opportunité et la décision de régularisation foncière, que ce
soit par titrement ou autrement, resterait appartenir au propriétaire personne publique, qui
fixerait lui-même les conditions de la régularisation foncière, disposant pleinement des
prérogatives de tout propriétaire foncier.
Néanmoins, toutes les fois où les conditions d’une possible régularisation foncière
seraient mises en exergue2111, même en l’absence de faibles ressources de l’occupant sans
titre, une forme régularisation foncière moins coercitive, mais présente à chaque fois que les
circonstances et les conditions le permettent, serait envisageable, selon la volonté et à la
diligence du propriétaire. Le tout, moyennant le paiement du prix de vente et la prise en
charge des frais de bornage par l’occupant sans titre.
Bien entendu, si le législateur a prévu des procédures spécifiques de régularisation
foncière, celles-ci prévalent.

3) Troisième cas : une option de régularisation foncière discrétionnaire

Lorsque la dignité de la personne humaine n’est aucunement atteinte ou menacée,


s’agissant d’une simple occupation du terrain d’autrui, de mauvaise foi, sans autres
circonstances particulières, dans ce cas, il n’existerait aucun droit à la régularisation
foncière. Dans un tel cas, la régularisation foncière relève de la libre négociation entre les
parties, et le propriétaire foncier peut décider de régulariser ou non. Il s’agirait d’une option
de régularisation foncière, positive (par cession d’un droit de propriété ou de jouissance), ou
négative (par expulsion), laissée à l’initiative du propriétaire, et sujet à négociation, au prix

Par exemple : résidence secondaire, ressources suffisantes, construction édifiée depuis peu, etc.
2110

Par exemple, un foncier occupé sans titre par un ensemble de familles occupant les lieux depuis de
2111

nombreuses années, et y ayant fait édifier leurs constructions, sans opposition de la part du propriétaire.

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et conditions du marché foncier, sans aide financière à l’acquisition.

4) Dans tous les cas, un accompagnement juridique et social nécessaire

Les trois cas ci-dessus exposés ne sont pas exhaustifs. Ils méritent d’être couplés avec
le caractère d’intérêt public de la régularisation foncière. Ils viennent compléter les
conditions de mise en œuvre d’une régularisation foncière mieux adaptée, sur le fondement
du droit au respect de la dignité de la personne humaine et du droit à un logement décent.
Par ailleurs, il est dommageable que des procédures de régularisation foncière par
titrement, soient régulièrement mises en place par les personnes publiques sur leur domaine
public ou privé, sans accompagnement obligatoire pour des procédures de réhabilitation des
constructions, d’aide à l’acquisition et d’aides au relogement.
Les procédures d’aides à l’acquisition doivent être pérennisées et les dispositifs de ces
aides doivent être expressément étendues par le législateur à toutes les personnes publiques
qui procèdent à des opérations de régularisation foncière, afin de leur donner des moyens
égaux de régularisation foncière.
Des procédures d’aide à la réhabilitation des constructions, de mise aux normes des
immeubles et d’aménagement, devraient être menées parallèlement aux procédures de
régularisation foncière par cession ou titrement, avec l’aide d’organismes dédiés, pour éviter
que lesdites procédures de régularisation ne deviennent, en définitive, des procédures
camouflant la misère et la précarité par l’attribution d’un titre de propriété ou de
jouissance2112.
Parallèlement une aide financière ou matérielle au relogement devrait pouvoir être
accordée à certains occupants situés dans des zones à risques, et pour lesquels aucune
régularisation foncière par cession ou location n’est possible, sauf lorsque la personne
publique a diligenté des procédures visant à empêcher l’occupation des sites concernés.
Dans tous les cas, le développement des aides à la réhabilitation des constructions, à
l’acquisition ou au relogement est nécessaire en matière de régularisation foncière.
Pour l’heure, beaucoup des dispositifs d’aides et d’indemnisation ne s’appliquent
qu’aux opérations d’aménagements et d’équipements publics et notamment en cas de

2112
Parfois, alors que le titre de propriété a déjà été délivré, les visites sur le terrain peuvent révéler la
persistance de situations de précarité foncière, d’habitat indigne et d’irrespect de la dignité de la personne
humaine flagrantes, faute de moyens financiers alloués à cet effet, aux personnes publiques opérant les
régularisations foncières.

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procédures de résorption de l’habitat insalubre (RHI)2113. Dans ce cadre, les régularisations


foncières par relogement bénéficient de ces législations permettant une aide financière en
présence d’une construction à usage d’habitation, ou à usage professionnel, ou en cas
d’expropriation, au profit d’occupants sans titre, répondant à certains critères.
Il serait intéressant que ces aides financières soient étendues aux procédures de
relogement intervenant dans le cadre de la régularisation foncière pure et simple, lorsque la
dignité de l’occupant se trouve menacée, en raison de ses faibles ressources notamment. En
outre, des aides à réhabilitation de la construction ou au relogement doivent être prévues,
sous conditions, dans le cadre des procédures de régularisation foncière.
Face à ces propositions, fondées sur la dignité humaine, certains pourraient évoquer
l’hypothèse d’un véritable « décès du droit de propriété »2114. Mais, il convient d’admettre
que ces propositions, qui ne sont pas exhaustives, vont dans le sens d’une régularisation
foncière plus adaptée aux réalités locales, et fondée sur le respect de la dignité de la personne
humaine et le droit à un logement décent, tout en préservant l’exercice de leur droit de
propriété par les personnes publiques et privées, dès lors que celles-ci deviennent actrices de
la régularisation foncière, dotées de moyens de régularisation foncière égaux, par le
truchement de dispositifs légaux et de financements dédiés.
Du droit de propriété au droit à la dignité humaine, la question se pose inévitablement
de la valeur de l’un par rapport à l’autre, des circonstances pouvant amener à la prééminence
de l’un sur l’autre, dans le droit positif français. Mais, d’une manière ou d’une autre, la prise
en compte du droit à la dignité humaine et de son corollaire, le droit à un logement décent,
devient incontournable. Mais la dignité humaine sans dignité financière des collectivités
territoriales outre-mer serait inefficiente (Section II).

SECTION II – LA DIGNITÉ, MOTIF DES OUTILS


FINANCIERS DÉDIÉS À LA RÉGULARISATION
FONCIÈRE OUTRE-MER

Qu’elle soit d’intérêt public avéré ou d’utilité publique dans le cadre de procédures

2113
Cf. Loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat
informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer.
2114
PAULIAT (Hélène), L’objectif constitutionnel de droit à un logement décent, vers le constat de décès du
droit de propriété, Dalloz 1995, Chr., 283.

597
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

d’expropriation adaptées, spécifiques ou urgentes, la régularisation foncière est


caractéristique de la mise en place d’un budget d’investissement et non de fonctionnement.
Cela pose le problème de la pérennisation de ce budget, des modalités de financement de la
régularisation foncière outre-mer, et de l’opportunité d’un financement de la régularisation
foncière par des fonds européens. La question d’un financement dédié aux opérations de
régularisation foncière se pose.
Par ailleurs, concernant le transfert des secteurs urbains (U) et d’urbanisation diffuse
(UD) de la zone des cinquante pas géométriques prévu par la loi ADOM, ainsi qu’il a été
exposé en amont, il est essentiel de déterminer à qui incombera le coût de l’aménagement
desdits secteurs, et les modalités de cet aménagement. Certes, il s’agit certes pour l’Etat de
transférer plus de responsabilités aux collectivités territoriales outre-mer, par le transfert de
la gouvernance foncière de ces secteurs aux collectivités territoriales. Mais il s’agit aussi de
transférer aux dites collectivités les différents problèmes de la zone, car l’aménagement des
secteurs concernés est inachevé et revêt un caractère indispensable. Ces considérations
conduisent à se poser la question de la responsabilité du financement de cet aménagement
déjà explicitée en amont. C’est donc la question de l’autonomie financière des collectivités
régularisatrices, au travers de fonds dédiés, qui est ici appréhendée.
L’autonomie financière est indissociable de la régularisation foncière, car sans moyens
financiers, il ne peut y avoir de régularisation foncière efficiente. Sans moyens financiers
spécifiquement affectés aux procédures de régularisation foncière, la résorption complète de
l’occupation sans titre risque de demeurer un vœu pieu, pour beaucoup de collectivités
territoriales situées outre-mer. On ne peut pas vraiment parler d’une régularisation foncière
fondée sur le respect de la dignité de la personne humaine et le droit au logement décent,
sans amener la question de moyens financiers adaptés. Cela rejoint la question de
l’autonomie financière des collectivités territoriales outre-mer.
Élément juridique du principe constitutionnel de libre administration des collectivités
territoriales, l’autonomie financière a été introduite dans la Constitution lors de la réforme
du 28 mars 20032115, par le biais de l’article 72-2. L’autonomie financière des collectivités
territoriales était déjà garantie par le Conseil constitutionnel, ainsi qu’en atteste sa décision
du 28 décembre 2000. Par cette décision, le Conseil s’était assuré que les règles posées par
le législateur n’avaient eu « pour effet ni de restreindre la part (des) recettes ni de diminuer

Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République,


2115

parue au JORF du 29 mars 2003.

598
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

les ressources globales des collectivités concernées au point d’entraver leur libre
administration »2116. De surcroît, l’article 9 de la Charte européenne de l’autonomie locale
adoptée en 1985 et ratifié par la France en 2007, mentionne que « les collectivités locales
ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres
suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l’’exercice de leurs compétences. »
Eu égard à leur personnalité morale, les recettes et ressources propres des collectivités
territoriales doivent leur permettre de faire face à leurs dépenses de fonctionnement comme
d’investissement. Ces recettes et dépenses sont regroupées au sein de leur budget, qui doit
être approuvé et équilibré, afin de leur permettre de faire face à leurs missions. C’est toute
la question de l’égalité des moyens législatifs, réglementaires, mais aussi matériels et
financiers de la régularisation foncière qui se pose à travers celle de l’autonomie financière
des collectivités territoriales, liée à la gouvernance foncière territoriale.
Le transfert de la gouvernance foncière des secteurs urbains et d’urbanisation diffuse
opéré par la loi ADOM du 14 octobre 2015, est l’occasion de s’interroger sur le contenu
effectif de l’autonomie financière des collectivités territoriales de l’article 73 de la
Constitution, sans laquelle le transfert de gouvernance foncière à leur profit serait inefficient,
eu égard à l’enjeu de la régularisation foncière dans ces collectivités (§1). Il invite également
à envisager la possibilité de moyens financiers dédiés à la régularisation foncière (§2).

§ I. AUTONOMIE FINANCIÈRE POUR UNE GOUVERNANCE


LOCALE DE LA RÉGULARISATION FONCIÈRE ?

Tout transfert de gouvernance foncière, que ce soit concernant le domaine public ou


le domaine privé des collectivités territoriales outre-mer, engendre le transfert des
problématiques foncières qui y sont liées : occupations sans titre, régularisation foncière,
urbanisme, aménagement, équipements, développement économique, protection des zones
naturelles, développement durable ; sans que cette liste soit exhaustive. La gouvernance
foncière outre-mer est liée à la prise en charge et à la responsabilité de la résorption de
l’occupation sans titre et de la mise en œuvre des procédures de régularisation foncière.
Or, les collectivités territoriales outre-mer sont titulaires d’un patrimoine pour leur
permettre de faire face à leurs missions. Leurs ressources sont composées des produits de la

2116
CC, 28 décembre 2000, n° 2000-442 DC, Loi de finances pour 2001. En ligne : https://www.conseil-
constitutionnel.fr/decision/2000/2000442DC.htm.

599
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

fiscalité directe et indirecte et de produits provenant de la réalisation des biens immobiliers


dont elles sont propriétaires, ainsi que des redevances et loyers perçus pour les prestations
qu’elles fournissent dans le cadre de l’exécution de leurs missions. Par ailleurs, les
collectivités territoriales outre-mer peuvent bénéficier de fonds européens dans certains cas.
Ce postulat étant admis, il ne peut qu’être constaté le manque de moyens financiers
suffisants mis à la disposition des collectivités territoriales outre-mer pour faire face à la
problématique de l’occupation sans titre outre-mer. Il conviendrait de renforcer les moyens
financiers des collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution, par l’adjonction de
nouvelles modalités de financements dédiées à la régularisation foncière outre-mer, dont
l’intérêt public, voire l’utilité publique, a été démontré en amont.
S’agissant de la régularisation foncière menée dans la zone des cinquante pas
géométriques outre-mer, l’article 27-I-2° de la loi du 14 octobre 2015, dite loi ADOM,
énonce qu’un décret en Conseil d’Etat précise les conditions de la dissolution des agences
des 50 pas géométriques et « prononce, le cas échéant, le transfert des biens, droits et
obligations des agences, après concertation entre les agences, l’Etat et le bénéficiaire. » À
l’énoncé de ce texte, il est possible d’en déduire que les collectivités territoriales concernées
soient également bénéficiaires des droits et obligations des agences, mais aussi de leurs
biens, y compris financiers, après concertation. Mais cet aspect soulève des difficultés car
les modalités du transfert ne sont pas déterminées et le transfert des ressources financières
des agences aux collectivités bénéficiaires n’est pas clairement prévu par les textes. Hervé
EMONIDES, directeur de l’agence des 50 pas géométriques de Martinique2117 et Myriam
ROCH-BERGOPSOM, directrice de l’agence des 50 pas géométriques de Guadeloupe,
abondent en ce sens2118.
Le transfert voire la création de nouvelles ressources et dotations dédiées à la
régularisation foncière de l’occupation sans titre outre-mer, dans la zone des cinquante pas
géométriques, comme dans le domaine privé outre-mer, semble devoir s’imposer, en raison
de l’insuffisance de ressources dédiées à la régularisation foncière (A) et de l’endettement
croissant des collectivités territoriales (B).

Entretien avec Hervé EMONIDES, directeur de l’Agence des 50 pas Martinique, du 28 décembre 2018.
2117

Contribution écrite de Myriam ROCH-BERGOPSOM, Directrice de l’Agence des 50 pas géométriques de


2118

Guadeloupe, en date du 08 août 2019.

600
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

A. UNE INSUFFISANCE DE RESSOURCES LOCALES DÉDIÉES À


LA RÉGULARISATION FONCIÈRE

Le contenu des ressources des collectivités territoriales est rappelé par l’article 72-2
de la Constitution. Celles-ci bénéficient, et peuvent disposer librement, de tout ou partie du
produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l’assiette et le
taux, dans le cadre de certaines limites. Les collectivités territoriales disposent également
des recettes fiscales et ressources qui leur sont propres et qui représentent une part très
importante de leurs ressources financières. L’article 72-2 prévoit également des dispositifs
de péréquation favorisant l’égalité entre les collectivités territoriales.

1) Des collectivités territoriales bénéficiant de ressources propres

Les articles LO1114-1 à LO1114-4 du CGCT définissent les ressources permettant


aux collectivités territoriales de bénéficier de l’autonomie financière. Ces collectivités sont
les communes, les départements, dont le département de Mayotte2119, les régions et la
collectivité territoriale de Corse, auxquelles sont assimilées les collectivités de l’article 74
de la Constitution2120, les collectivités uniques à statut particulier issues de la fusion des
départements et régions, et les collectivités mentionnées au dernier alinéa de l’article 73 de
la Constitution2121.
Pour qu’il y ait autonomie financière des collectivités locales, il résulte de l’article 72-
2 de la Constitution, introduit par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, que « les recettes
fiscales et les autres ressources des Collectivités territoriales représentent, pour chaque
catégorie de Collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources » . En
effet, l’augmentation des dotations de l’État dans les budgets locaux menace cette autonomie
financière des collectivités locales. Les ressources propres des collectivités territoriales
sont constituées du produit des impositions de toutes natures, dont la loi autorise à fixer
l’assiette, le taux ou le tarif, ou dont elle détermine par collectivité, le taux ou une part locale
d’assiette. À cela s’ajoutent les redevances pour services rendus, les produits du domaine,
les participations d’urbanisme, les produits financiers, et des dons et legs. Et, pour les
communes, les ressources propres des établissements publics de coopération

2119
La collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et les collectivités à statut particulier issues de la
fusion d'une ou plusieurs communes et d'un département, sont aussi concernées par le 2° de l’article LO1114-
1 du CGCT.
2120
Autres que celles mentionnées au 2°.
2121
Article LO1114-1 du CGCT modifié par la LOI organique n°2010-1486 du 7 décembre 2010, art. 1.

601
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

intercommunale (EPCI), à l’exclusion des emprunts2122.


La loi organique du 29 juillet 20042123 fixe et définit la notion de ressources des
collectivités territoriales auxquelles il convient de rapporter leurs ressources propres afin de
déterminer leur degré d’autonomie. Cette loi a fixé un minimum, pour leur part déterminante
afin de déterminer leur l’autonomie financière. Elle a introduit dans le CGCT un chapitre IV
composé des articles LO1114-1 à LO1114-4, sur l’autonomie financière des collectivités. Il
résulte spécialement de l’article LO1114-3 que « pour chaque catégorie de collectivités, la
part des ressources propres est calculée en rapportant le montant de ces dernières à celui
de la totalité de leurs ressources, à l'exclusion des emprunts, des ressources correspondant
au financement de compétences transférées à titre expérimental ou mises en œuvre par
délégation et des transferts financiers entre collectivités d'une même catégorie »2124 . Ainsi,
pour les communes, la masse des ressources propres est « augmentée du montant de la
totalité des ressources dont bénéficient les établissements publics de coopération
intercommunale, à l'exclusion des emprunts, des ressources correspondant au financement
de compétences transférées à titre expérimental ou mises en œuvre par délégation. Cette
masse est minorée du montant des transferts financiers entre communes et établissements
publics de coopération intercommunale »2125.
Dans sa décision du 29 juillet 20042126, le Conseil constitutionnel a reconnu une
conformité partielle de la loi organique du 29 juillet 2004 sus relatée à la Constitution. Il a
condamné la première des deux conditions prévues par l’article 4 de ladite loi, en raison de
son caractère tautologique, et de son non-respect du principe de clarté de la loi et de
l’exigence de précision requis par l’article 72-2 de la part du législateur organique. La
première des conditions exigeait que la part déterminante des ressources garantisse « la libre
administration des collectivités territoriale relevant de cette catégorie, compte tenu des
compétences qui leur sont confiées » et elle a été jugée contraire à la Constitution. La
seconde condition de l’article 4 de la loi organique fixait un seuil minimal correspondant au
niveau constaté au titre de l’année 2003. Celle-ci a été regardée comme suffisante à satisfaire

2122
Cf. article LO1114-3 du CGCT.
2123
Loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 prise en application de l'article 72-2 de la Constitution relative
à l'autonomie financière des collectivités territoriales, publiée au JORF n°175 du 30 juillet 2004 page 13561,
texte n° 1.
2124
Article 4 de la loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004.
2125
Étant ici précisé que : « Pour chaque catégorie, la part des ressources propres ne peut être inférieure au
niveau constaté au titre de l'année 2003. »
2126
CC, n° 2004-500 DC, du 29 juillet 2004, Loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités
territoriales ». En ligne : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2004/2004500DC.htm.

602
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

l’obligation faite à la loi organique, par le troisième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution,
en ce qui concerne la part déterminante2127.

2) Insuffisantes pour faire face à la régularisation foncière

La loi prévoit aussi les ressources provenant des transferts de compétences entre l’Etat
et les collectivités territoriales. Ces ressources doivent être équivalentes à celles qui
permettaient à l’Etat d’exercer lesdites compétences. L’article 72-2 de la Constitution
précise que « toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence
d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources
déterminées par la loi. »
Cet article renvoi à l’ambiguïté de la « loi ADOM », s’agissant des conditions du
transfert par l’Etat au profit de la région de Guadeloupe et de la Collectivité territoriale de
Martinique, des secteurs urbains et d’urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas
géométriques. Si l’on s’en tient à la rédaction équivoque de l’article 27. I.2° de la loi ADOM,
les ressources des agences des 50 pas géométriques, devraient être dévolues à la région
Guadeloupe et à la Collectivité territoriale de Martinique, mais cela n’est pas clairement
énoncé par le texte, ainsi qu’il est dit ci-dessus. À cet égard, le directeur de l’agence des 50
pas de Martinique, déplore le manque de clarté des dispositions de l’article 27 de la loi
ADOM, s’agissant des transferts de ressources tant matérielles, financières que
réglementaires, entre l’Etat et les collectivités territoriales2128.
Les directeurs de l’agence des 50 pas géométriques, ont mis en évidence la
problématique de la responsabilité et du coût de l’aménagement et de l’équipement des
secteurs urbains et d’urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas géométriques, en
cours de transfert2129.
Or, s’il est incontestable que la loi ADOM ne transfert pas directement des
compétences mais des parties du domaine public de l’Etat aux collectivités territoriales
bénéficiaires, il est également incontestable que les secteurs concernés sont d’une part,
occupés par des occupants sans titre dont il convient de régulariser la situation foncière et

2127
CC, n° 2004-500 DC, du 29 juillet 2004, « Loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités
territoriales ». En ligne : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2004/2004500DC.htm. Cf. aussi le
dossier documentaire lié à cette décision et relatif à la loi organique prise pour l’application de l’article 72-2
de la Constitution relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales. En ligne :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/decisions/2004500dc/doc.pdf.
2128
Entretien avec Hervé EMONIDES, directeur de l’Agence des 50 pas Martinique, du 28 décembre 2018.
Voir aussi : « Séminaire COFECUB-CAPES IBIS », « Quand le Droit occupe les 50 pas géométriques,
Regards croisés Amazonie – Caraïbe », organisé le 13 mars 2019, à l’Université des Antilles, op. cit.
2129
Entretien avec Hervé EMONIDES, directeur de l’Agence des 50 pas Martinique, du 28 décembre 2018.

603
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

que, d’autre part, ils nécessitent d’être aménagés. Le coût financier élevé de ces obligations,
eu égard à la pratique, conduit à les assimiler à un transfert de compétences, sans transfert
financier adapté, dans la mesure où la régularisation foncière et l’aménagement de secteurs
entiers, constituent des compétences foncières requérant un lourd budget.
La question du financement de la régularisation foncière et des importants travaux
d’aménagement et d’équipements, demeure cruciale. L’urgence de la résolution de cette
problématique foncière a été rappelée par le bilan des directeurs des agences des 50 pas
géométriques, dans le cadre du transfert prévu par la loi ADOM2130.
Car, en dépit de leurs ressources, les collectivités territoriales sont de plus en plus
confrontées à des situations d’endettement chroniques, qui pénalisent une avancée rapide et
efficience des opérations de régularisation foncière et d’aménagement (B).

B. UN ENDETTEMENT LOCAL PÉNALISANT POUR LA


RÉGULARISATION FONCIÈRE

Les chiffres disponibles démontrent qu’en dépit de l’augmentation de la masse


budgétaire des collectivités territoriales, leur endettement ne fait que s’accroître, notamment
avec les transferts de compétences suivis de transferts de ressources insuffisants. Il est vrai
que les dernières données démontrent une amélioration de la situation des finances
locales2131. Mais les dépenses d’investissement ont continué à croître dans le secteur
communal2132.
La régularisation foncière, et tout ce qu’elle implique nécessairement (aménagements,
équipements, mobilisations de compétences, de savoirs et d’ingénierie foncière), représente
un coût financier que les collectivités territoriales ne doivent pas être seules à supporter. Il
est important qu’il y ait une réforme fiscale prévoyant la mobilisation et/ou l’émergence
d’une fiscalité affectée ou dédiée à la régularisation foncière, laquelle est d’intérêt public et

2130
Entretien avec Hervé EMONIDES, directeur de l’Agence des 50 pas Martinique, du 28 décembre 2018, et
contribution écrite de Myriam ROCH-BERGOPSOM, Directrice de l’Agence des 50 pas géométriques de
Guadeloupe, en date du 08 août 2019.
2131
TESSIER (Pascale), « Les collectivités nettement contributrices à la baisse du déficit national », La Gazette
des communes, article publié le 18 juillet 2019. En ligne :
https://www.lagazettedescommunes.com/631459/les-collectivites-nettement-contributrices-a-la-baisse-du-
deficit-national/. Pour l’année 2018, les dépenses de fonctionnement des collectivités locales ont ralenti et se
sont stabilisés (+ 0,2 %, après + 2,0 %). Elles se sont adaptées à la baisse des subventions.
2132
Plus 5,2 %. Cf. : TESSIER (Pascale), « Les collectivités nettement contributrices à la baisse du déficit
national », La Gazette des communes, article publié le 18 juillet 2019, op. cit.

604
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pourvoyeuse de développement économique, social et durable2133.

1) Une masse budgétaire importante

La masse budgétaire bénéficiant aux collectivités locales a fortement augmenté,


passant de 87,5 milliards d’euros en 1990, à 233,4 milliards d’euros en 20142134. Le produit
des impôts directs locaux est passé de 28 milliards d’euros en 1990, pour atteindre 73,2
milliards d’euros en 2010, puis 79,2 milliards d’euros en 2015, favorisé par une forte hausse
de la fiscalité des ménages2135. À ces impôts locaux se rajoutent les transferts financiers de
dotations en provenance de l’État, à des fins de compensation, lesquels ont représenté 6,5
milliards d’euros en 1990, 14,5 milliards d’euros en 2011 et 13,9 milliards d’euros en 2016.
L’ensemble des transferts financiers de l’État aux collectivités locales s’est élevé à 100,1
milliards d’euros en 20162136. Ces transferts financiers de l’État en faveur des collectivités
territoriales regroupent les concours de l’État auxdites collectivités (dotations globales de
fonctionnement, dotations d’équipement, fonds de compensation pour la TVA ou FCTVA,
dotations de compensation, et une partie du produit des amendes de police relative à la
circulation routière), les dégrèvements d’impôts locaux et les subventions spécifiques
versées par les ministères, ainsi que les produits de la fiscalité transférée.
Nonobstant le caractère impressionnant de ces chiffres, les exécutifs territoriaux ne
cessent de dénoncer des transferts de compétences non accompagnés des produits financiers
y afférents, ou de ressources suffisantes à leur exercice2137.
Composante du principe constitutionnel de libre administration des collectivités
territoriales, introduite dans la Constitution, en 2003 tel que sus dit, l’autonomie financière
est actuellement mesurée par le coefficient d’autonomie, nouvel outil statistique qui permet
de calculer le rapport existant entre les ressources propres de la collectivité locale et le total
de ses ressources, hors emprunts ; lequel ne doit pas descendre sous la barre du niveau des

2133
« Un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations
futures de répondre aux leurs. » (Commission « BRUNTLAND », ou rapport de la Commission mondiale sur
l’environnement et le développement). En ligne :
2134
Chiffres tirés d’un article publié sur le site internet : http://www.vie-publique.fr/decouverte-
institutions/finances-publiques/collectivites-territoriales/ressources/comment-ont-evolue-ressources-locales-
depuis-20-ans.html.
2135
La réforme sur la taxe d’habitation, en cours, entraîne de facto, une diminution de ces produits.
2136
Chiffres tirés d’un article publié sur le site internet : http://www.vie-publique.fr/decouverte-
institutions/finances-publiques/collectivites-territoriales/ressources/comment-ont-evolue-ressources-locales-
depuis-20-ans.html.
2137
ZIGNANI (Gabriel), Transfert de compétences, quelles mesures pour accompagner les communes ? », La
Gazette des communes, des départements et des régions, article publié le 12 mars 2018. En ligne :
https://www.lagazettedescommunes.com/553829/transfert-de-competences-quelles-mesures-pour-
accompagner-les-communes/.

605
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

ressources observé en 2003.


Cette autonomie est corrigée par un système de péréquation qui a été érigé en objectif
de valeur constitutionnelle, lors de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. L’article
72-2 de la Constitution stipule en effet que : « La loi prévoit des dispositifs de péréquation
destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ». Cette péréquation peut
s’opérer sous la forme horizontale par une redistribution d’une partie des ressources des
collectivités les plus riches (notamment celles qui totalisent le plus de CET) au profit des
collectivités défavorisées. Cette péréquation peut également être verticale, en ce qu’il s’agit
d’une dotation globale de fonctionnement versée par l’État aux collectivités. En 2016, 74,3
% des transferts financiers réalisés par l’État au profit des collectivités territoriales ont relevé
de la péréquation verticale. Mais l’objectif est de favoriser la montée en puissance de la
péréquation horizontale, véritable outil de solidarité entre les collectivités locales,
notamment à travers le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et
communales (FPIC). En 2016 il a atteint le seuil du milliard d’euros, soit un peu moins de
10 % de la péréquation totale2138. À l’échelon régional, c’est le fonds de péréquation de la
CVAE2139 qui joue ce rôle de correcteur d’inégalités.
Les communes, établissements publics de coopération intercommunale (EPCI),
départements et collectivités uniques votent librement les taux des quatre taxes directes que
sont la taxe d’habitation (TH), la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFB), la taxe
foncière sur les propriétés non bâties (TFNB) et la contribution foncière des entreprises
(CFE) remplaçant de la taxe professionnelle ; le tout, en se basant sur les bases
d’imposition2140 fixées par les directions des services fiscaux. Toutefois, il existe une limite
à ne pas dépasser en matière de hausse d’impôts locaux, fixée à 2,5 fois la moyenne nationale
ou départementale de l’année précédente pour la taxe d’habitation (TH) et les taxes foncières
(TF), et à 2 fois la moyenne nationale de l’année précédente constatée dans les communes
et les EPCI, pour la contribution foncière des entreprises (CFE). La variation des taux est
elle-même encadrée puisqu’elle peut être proportionnelle et toucher de manière identique
les quatre taxes, ou être différenciée et se cantonner librement à la TH et à la TF sur les

2138
Chiffres tirés d’un article publié sur le site internet : http://www.vie-publique.fr/decouverte-
institutions/finances-publiques/collectivites-territoriales/ressources/qu-est-ce-que-perequation.html.
2139
Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. La CVAE constitue, avec la cotisation foncière des
entreprises (CFE), la contribution économique territoriale (CET). Cf. : https://www.service-
public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F23546.
2140
Valeurs locatives des propriétés bâties et non bâties.

606
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

propriétés bâties2141.
Les produits de la fiscalité directe revenant aux collectivités locales proviennent de la
taxe d’habitation2142, laquelle est payée par les particuliers et les entreprises, de la taxe
foncière sur les propriétés bâties, payée par les propriétaires de ces biens, de la taxe sur le
foncier non bâti, payée par les propriétaires de terrains, et enfin de la contribution
économique territoriale (CET) payée par les entreprises aux lieu et place de la taxe
professionnelle supprimée en 20102143. À cela il convient d’ajouter d’autres taxes, dont la
taxe d’enlèvement des ordures ménagères. Il est ici précisé que la contribution économique
territoriale est constituée de la cotisation foncière des entreprises (CFE) qui profite aux
seules communes et à leurs groupements, et de la cotisation sur la valeur ajoutée des
entreprises (CVAE) qui est partagée entre les communes (25%), les régions (25%) et les
départements (50%). La fiscalité économique locale représenterait 26,1% de milliards
d’euros en 20162144. Les collectivités uniques regroupant les compétences de la région et du
département, cumuleraient donc 75% de la CVAE ; d’où l’intérêt d’un transfert de la
gouvernance de la régularisation foncière aux dites collectivités uniques.
S’agissant des recettes des collectivités locales, leur provenant de la fiscalité directe et
indirecte, elles sont évaluées à 128,5 milliards d’euros en 2014, soit pour la fiscalité locale
directe la somme de 75,9 milliards d’euros pour la même année ; soit environ 60 % des
recettes fiscales2145. Les produits provenant aux collectivités locales de la fiscalité indirecte
sont conjoncturels et constitués des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), de la part
locale de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TIPCE), de la
taxe sur les cartes grises, de celle sur l’électricité, et de la taxe différentielle sur les véhicules
de société à moteur. Ces produits représentaient en 2014 un montant de 52,6 milliards
d’euros2146. Étant ici précisé que, s’agissant des DMTO, certaines collectivités peuvent
renoncer en tout ou partie à la part leur revenant dans ces droits.
Mais le rôle de l’État reste important en dépit de l’autonomie des collectivités

2141
http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/finances-publiques/collectivites-territoriales.
2142
Dont la réforme est en cours et dont la disparition est programmée par la majorité en place.
2143
Le produit de la fiscalité économique mise en place en remplacement de la taxe professionnelle (CET,
IFER, TASCOM), est beaucoup moins élevé que celui de l’ancienne taxe professionnelle (dont l’État était
d’ailleurs le principal contribuable par compensation). Cf.http://www.vie-publique.fr/decouverte-
institutions/finances-publiques/collectivites-territoriales/ressources/quelles-sont-ressources-fiscales-
collectivites.html.
2144
Pourcentages année 2016, publiés sur le site : http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/finances-
publiques/collectivites-territoriales/ressources/quelles-sont-ressources-fiscales-collectivites.html.
2145
Idem.
2146
Ibidem.

607
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
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territoriales, celui-ci jouant le rôle de financier contribuant au budget desdites collectivités,


de collecteur d’impôts pour la nation et de garant des recettes qu’il comble au besoin, ainsi
que d’autorité de péréquation entre les collectivités. Les dotations que l’État verse aux
collectivités sont destinées à financer leur fonctionnement courant et les accroissements de
charges résultant des transferts de compétences, à favoriser l’investissement, et à compenser
les exonérations et dégrèvements d’impôts consentis par le législateur. En 2016, la dotation
globale de fonctionnement (DGF) a représenté 33,2 milliards d’euros (en baisse)2147.

2) Un endettement persistant

Nonobstant toutes ces ressources, beaucoup de collectivités territoriales sont


endettées. Ainsi, pour compléter leurs ressources, les collectivités territoriales ont une
autonomie d’emprunt ; lequel emprunt doit demeurer une ressource temporaire affectée aux
investissements, dont le principal, inscrit au budget, doit nécessairement être couvert par des
recettes d’investissement. Quant au service des intérêts, il demeure une dépense de
fonctionnement. En 2014, les dettes des collectivités s’élevaient à 141,6 milliards d’euros.
L’importance de l’annuité de remboursement de la dette (en capital et intérêts) par rapport
aux recettes de fonctionnement était de 10,4 % pour les communes, de 6% pour les
départements et 11,7 % pour les régions2148.
Toutefois l’endettement des collectivités territoriales et celui de l’État sont
interdépendants, dans le cadre des contraintes de la gestion européenne. L’ensemble des
administrations publiques (APU) sont tenues, dans le cadre de l’euro, à des objectifs de
réduction du déficit et de l’endettement publics. Un traité sur la stabilité, la coordination et
la gouvernance (TSCG) entre 25 États membres de l’Europe a été signé le 2 mars 2012. Ce
traité, non signé par le Royaume-Uni, ni par la République Tchèque, impose à ses signataires
la fixation d’un plan pluriannuel de retour à l’équilibre, afin d’atteindre un déficit structurel
inférieur à 0,5% du PIB à moyen terme. Cet objectif s’impose à l’État lui-même et à
l’ensemble des APU, d’où une certaine interdépendance entre les finances de l’État et celles
des collectivités territoriales. Cela a conduit à la mise en place d’un nouvel indicateur :
l’objectif d’évolution des dépenses locales (ODEDEL), par la loi de programmation des
finances publiques pour les années 2014-2019.
Les collectivités territoriales peuvent augmenter leurs ressources en ayant librement

2147
Chiffres publiés sur le site : http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/finances-
publiques/collectivites-territoriales/ressources/pourquoi-État-fait-il-dotations-aux-collectivites.html.
2148
Chiffres publiés sur le site : http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/finances-
publiques/collectivites-territoriales/ressources/pourquoi-État-fait-il-dotations-aux-collectivites.html.

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recours à l’emprunt dans les conditions de droit commun, depuis la loi de décentralisation
du 2 mars 1982 qui en a libéralisé l’accès. Elles ne sont donc plus obligées d’avoir l’accord
préalable du préfet. Elles peuvent ainsi emprunter auprès de la Caisse des Dépôts et
Consignations (CDC), et de toute autre banque (Caisse d’Épargne, Crédit Agricole, Crédit
Mutuel, …). Elles ont accès à des prêts à taux fixes et annuités constantes et à des prêts à
taux variables indexés sur des marchés obligataires ou monétaires, le recours à l’emprunt
obligataire restant minoritaire, tout en étant facilité depuis 2015, par l’Agence France Locale
(AFL). Toutefois les collectivités territoriales peuvent être exposées à des risques financiers
provenant d’emprunts à taux variables non maîtrisables par les finances locales2149. En 2013,
un article L1611. 3-1 a été introduit dans le CGCT afin de restreindre les caractéristiques
des produits auxquels les collectivités territoriales peuvent souscrire.
Le décret du 28 août 20142150, vient assainir les conditions d’emprunt des collectivités
territoriales, de leurs groupements et des services départementaux d’incendie et de secours.
Codifié aux articles R1611-33 à R1611-34 du CGCT, il encadre les modalités d’indexation
des emprunts à taux variable, qui doivent désormais respecter des conditions de prévisibilité
et de simplicité définies par décret pris en Conseil d’État. Il n’est pas inutile de rappeler au
besoin le rôle joué par le Comité des finances locales (CFL) qui est un organisme créé par
une loi du 3 janvier 1979, dont le rôle est de défendre les intérêts financiers des collectivités
territoriales et de les concilier avec ceux de l’État2151.
Toutefois, en dépit de l’arsenal financier important ci-dessus exposé, les collectivités
territoriales situées outre-mer disposent de moyens matériels, humains et financiers
insuffisants pour la mise en place, de manière efficiente et durable, de véritables procédures
de régularisation foncière, d’aménagement et d’équipement, outre-mer. Les ressources
provenant des opérations de régularisation foncière elles-mêmes sont insuffisantes et
difficilement mobilisables par les personnes publiques, compte tenu des règles de la
comptabilité publique2152. Ainsi la règle de la non-compensation des dépenses et des recettes

2149
« Emprunts toxiques ».
2150
Décret n°2014-984 du 28 août 2014 relatif à l’encadrement des conditions d’emprunt des collectivités
territoriales, de leurs groupements et des services départementaux d’incendie et de secours.
2151
Ce comité est composé de 32 élus et de 11 représentants de l’État. Il a en outre un pouvoir de décision et
de contrôle dans la répartition des concours financiers de l’État, un rôle de consultation dans le cadre de
l’adoption de textes réglementaires et législatifs ayant une incidence financière sur les collectivités territoriales,
et un rôle d’instance de concertation et de proposition à propos des réformes impactant les collectivités
territoriales. Il intervient en outre lors de l’examen de la loi de finances de l’État.
2152
Les grands principes budgétaires applicables aux budgets locaux sont au nombre de cinq : le principe
d’annualité, la règle de l’équilibre réel entre les recettes et les dépenses, le principe d’unité, le principe

609
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et la règle de la non-affectation d’une recette à une dépense déterminée, qui sont des
composantes du principe d’universalité, selon laquelle l’ensemble des recettes couvre
l’ensemble des dépenses, paralysent les moyens d’actions des collectivités territoriales qui
ne peuvent remobiliser des recettes perçues dans le cadre d’opérations de régularisation
foncière pour financer lesdites opérations2153.
L’intérêt de ressources multiples et d’un financement affecté à la régularisation
foncière outre-mer et à l’aménagement, vecteurs de développement économique et social,
demeure prégnant (§2).

§ II. MOYENS FINANCIERS DÉDIÉS À LA RÉGULARISATION


FONCIÈRE OUTRE-MER ?

L’autonomie financière est liée à la forme de l’Etat qui, en France, est unitaire, fondée
sur la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, et décentralisée. L’autonomie
financière des collectivités s’inscrit dans un tel Etat et participe aux moyens financiers des
compétences dévolues aux collectivités territoriales. Cette question est importante car depuis
2012, la France doit rendre compte à l’Union européenne de sa comptabilité nationale, en
raison des contraintes budgétaires européennes2154.
L’autonomie financière n’est pas l’autonomie fiscale, la première étant la capacité
pour les collectivités territoriales à assurer leurs dépenses et à collecter les ressources qui
leur permettent d’y faire face, et la seconde étant la capacité pour lesdites collectivités à
trouver elles-mêmes les recettes fiscales et à fixer les taux. Les collectivités territoriales
n’ont pas d’autonomie fiscale mais disposent d’une autonomie financière. Une décision du

d’universalité et le principe de spécialité des dépenses. Les budgets locaux font l’objet d’un contrôle budgétaire
par le préfet et la chambre régionale des comptes (CRC). Pour l’Etat, il faut mentionner également le principe
de sincérité résultant de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001. Quoiqu’étant
essentielles en matière budgétaire, ces principes ne comportent pas moins, par leur rigidité, des difficultés de
gestion budgétaire, notamment un manque de souplesse dans la mobilisation des ressources disponibles.
2153
Par exemple, les sommes versées par les administrés acquéreurs à la collectivité publique, au titre du
remboursement à celle-ci, des frais de bornage des parcelles qu’ils occupent, en vue de la cession à leur profit,
ne peuvent être affectées par ladite collectivité à l’établissement de nouveaux bornages, en raison de la règle
de la non-affectation des recettes aux dépenses. Certaines collectivités qui ont peu de ressources financières,
aimeraient bien pouvoir réinjecter ce produit spécifique dans la réalisation d’autres bornages.
2154
DELBLOND (Antoine), « L’autonomie financière des collectivités territoriales, ressources et dépenses de
la collectivité, quelle marge de manœuvre, pour quels projets », conférence-débat organisée le jeudi 21 juin
2018, par la Laboratoire Caribéen des Sciences Sociales (LC2S), à la Faculté de Droit et d’Économie du
Campus de SCHOELCHER, dans le cadre des « Jeudis de l’Université ».

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Conseil constitutionnel du 04 décembre 20092155 confirme qu’aucun principe constitutionnel


ne permet de dire qu’il y a une autonomie fiscale des collectivités territoriales, car la création
de l’impôt est de la compétence exclusive de l’Etat central2156.
En conséquence, les personnes publiques outre-mer, sont-elles condamnées à ne pas
pouvoir mener à bien les missions de régularisation foncière qu’elles s’arrogent, faute de
moyens ? De plus, les nouveaux transferts prévus par le législateur ne sont-ils pas des
transferts déguisés de compétences non assortis des moyens de leur exercice ?
Pour le directeur de l’agence des 50 pas de Martinique, les enjeux de la régularisation
foncière de la zone des cinquante pas géométriques sont de trois ordres2157 : la régularisation
foncière de l’occupation sans titre elle-même2158, l’exercice d’une police minimale du
domaine2159 et la maîtrise d’ouvrage des travaux de voies et réseaux divers visant à rattraper
le manque d’équipement des zones d’habitat spontané du littoral. Pour ce professionnel de
l’ingénierie foncière, ces enjeux militent en faveur de la mise en place de ressources stables,
mobilisables sur plusieurs années, en sus du produit des cessions proprement dit.
Les ressources actuelles des agences sont prévues à l’article 7 de la loi du 30 décembre
1996. Elles sont principalement constituées du produit des redevances d’occupation, du
produit des cessions représentant entre un million et un million cinq cent mille euros (1 à 1,5
millions d’€), et de la TSE2160 représentant un million cinq cent mille euros (1,5 millions
d’€)2161. Ces ressources permettent aux agences de gérer le domaine public à régulariser et
d’organiser la régularisation foncière de l’occupation dudit domaine. Or, le transfert de
l’ensemble de ces moyens de financement n’est pas explicitement prévu par la loi ADOM.
Il est simplement prévu qu’un décret en Conseil d’Etat précise après concertation, les
conditions de transfert des biens, droits et obligations des agences. Or, l’agence est
propriétaire de son siège et dépositaire de fonds propres2162.

2155
Décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, considérant « qu’il ne résulte ni de l’article 72-2 de la
Constitution ni d’aucune autre disposition constitutionnelle que les collectivités territoriales bénéficient d’une
autonomie fiscale ». Cf. aussi : https://www.cairn.info/revue-nouveaux-cahiers-conseil-constitutionnel-2011-
4-page-55.htm#re37no37.
2156
Idem.
2157
Propos recueillis lors de l’entretien avec Hervé EMONIDES, directeur de l’Agence des 50 pas Martinique,
du 28 décembre 2018.
2158
En Martinique il y a un quota initial de 15000 occupations antérieures à la loi de 1996, pour une moyenne
annuelle de traitement des dossiers de 400 sur les huit années précédentes (cf. entretien du 28 décembre 2018
sus relaté, avec le directeur de l’Agence des 50 Pas géométriques de Martinique).
2159
Hervé EMONIDES relève, depuis 2000, plus de 600 occupations illicites nouvelles en Martinique.
2160
Taxe prévue par les articles 1609 C et D du CGI.
2161
Chiffres fournis par Hervé EMONIDES.
2162
Propos recueillis lors de l’entretien avec Hervé EMONIDES, directeur de l’Agence des 50 pas Martinique,
du 28 décembre 2018.

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Par ailleurs, la question des créances de l’agence se pose également, car certains
occupants payent leur prix de vente par paiements fractionnés2163. Le service France domaine
reste ainsi en attente d’un montant de six millions d’euros (6 millions d’€) de prix de vente
et charges augmentatives à recouvrer. Or, dans le cadre des procédures mises en œuvre, les
diligences concernant le dépôt des dossiers de régularisation foncière et les paiements sont
laissées à l’initiative des occupants qui, sans contraintes particulières, sont enclins à laisser
perdurer cette situation, eu égard à leurs faibles ressources. Le directeur de l’agence
préconise des contraintes particulières les amenant à régulariser leur situation foncière,
assurant ainsi l’apurement de ce passif.
Ainsi, la nécessité du transfert de l’intégralité des ressources de la gestion des secteurs
urbains et d’urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas géométriques (ZPG), au profit
de la région de Guadeloupe et de la collectivité territoriale de Martinique, dans le cadre du
transfert auxdites collectivités locales bénéficiaires, des secteurs urbains et d’urbanisation
diffuse de ladite zone, s’impose.
De surcroît, cette problématique n’est pas limitée à la zone des cinquante pas
géométriques puisque par analogie, les enjeux de la régularisation foncière du domaine privé
ou public des personnes publiques (Etat, communes, départements, régions, collectivités
uniques), présentent de nombreuses similarités. Or, ainsi qu’il a été ci-dessus expliqué, les
moyens financiers et humains de la régularisation foncière sont inégaux d’une personne
publique à l’autre, d’un domaine à l’autre, d’un quartier à l’autre.
Lorsque la régularisation foncière a lieu pour assainir l’occupation du domaine privé
d’une personne publique et à son initiative, la responsabilité de l’aménagement incombe à
cette personne publique. Le coût de cet aménagement peut éventuellement être supporté en
partie par les occupants et être intégré au moins partiellement dans le coût de cession. Mais
cela reste insuffisant. La mission de régularisation foncière, eu égard à son caractère d’intérêt
public démontré, doit disposer d’un financement qui lui soit propre ; financement sans lequel
elle ne pourrait être menée à terme de manière efficiente.
Tout ceci conduit à s’interroger sur les subtilités du principe de compensation (A), qui
devrait permettre aux collectivités territoriales de disposer de plus de ressources, et sur les
préconisations financières pour la mise en œuvre d’un financement affecté à la régularisation
foncière outre-mer (B).

2163
Entretien avec Hervé EMONIDES, directeur de l’Agence des 50 pas Martinique, du 28 décembre 2018.

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A. SUBTILITÉS DU PRINCIPE DE COMPENSATION DANS LE


CADRE DE LA RÉGULARISATION FONCIÈRE

Les dépenses liées à la régularisation foncière (relevés de situations foncières,


enquêtes, bornages, dépenses de communications, recrutements de compétences dédiées,
prestations, prise en charge de frais de mise en place des procédures, dépenses
d’aménagement, et autres dépenses d’ingénierie foncière), constituent des dépenses
d’investissement, auxquelles le budget de fonctionnement des collectivités territoriales ne
permet pas d’emblée de faire face.
Il est donc nécessaire de prévoir une compensation financières aux transferts de foncier
assortis de transfert de compétences, un transfert des dispositifs législatifs existants, et un
financement dédié à la régularisation foncière.

1) Nécessité d’une compensation financière aux transferts de parties de


la zone

Hormis le cas de l’existence de financements dédiés, prévus par les textes, notamment
en matière d’aménagement, de RHI, et autres points similaires, les dépenses de
régularisation foncière sont généralement financées par le biais des ressources propres des
personnes publiques, et notamment par le biais des produits des investissements réalisés par
les personnes publiques : produits de la vente de biens immobiliers notamment, mais aussi
contribution ou prise en charge des frais de bornage par les futurs acquéreurs.
Dans le rapport ROSIER mentionné en première partie de cette étude 2164, la
proposition avait été faite de confier la gestion des zones urbaines ou d’urbanisation diffuse
à un établissement public d’aménagement foncier à créer, ou de procéder à leur transfert
gratuit dans le domaine public communal. Il avait préconisé la mise en place d’une procédure
de transfert à titre gratuit aux communes, après déclassement du domaine public de l’État,
des parties urbaines de la zone. En contrepartie les communes assureraient la gestion de ces
terrains et le contrôle des occupations, rétrocéderaient le terrain d’assiette des constructions
aux particuliers occupants qui en feraient la demande, avec interdiction pour le nouveau
propriétaire de vendre avant l’expiration d’un délai de six ans, prise en charge par la
commune de tout contentieux, et prise en compte des contestations, frais, revendications de
propriété et dépenses de délimitation.
Le choix d’une gouvernance par la collectivité unique ou régionale opéré par la loi

2164
ROSIER (Guy), L’enracinement créole, op cit.

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ADOM semble être lié en partie, aux moyens financiers et leviers plus conséquents dont
dispose l’échelon régional. Toutefois, la garantie d’autonomie financière des collectivités
territoriales prévue à l’article 72-2 de la Constitution est renforcée par l’article 72-2 alinéa 4
de la Constitution qui dispose que : « Tout transfert de compétences entre l'Etat et les
collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles
qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant
pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée
de ressources déterminées par la loi. »2165.
En matière de compensation, c’est le coût historique qui est pris en compte et non une
compensation réévaluée du coût d’exercice des charges transférée. Ainsi, la compensation
financière est intégrale, concomitante, garantie, contrôlée, et conforme à l’objectif
d’autonomie financière inscrit dans la Constitution2166. Cette règle du coût historique est
attestée par le Conseil constitutionnel dans deux décisions des 18 et 29 décembre 2003 2167 ;
mais représente un manque à gagner pour les collectivités bénéficiaires, l’écart de charges
augmentant au fil des ans.
Dans le cadre d’un transfert de compétences résultant clairement d’une loi, le droit à
compensation intégral est garanti au coût historique, en vertu des articles 72-2 de la
Constitution et L1614-1 du CGCT. Dans le cadre d’une création de compétences, le droit à
compensation n’est garanti que si cette compétence présente un caractère obligatoire. Le
transfert de ressources est déterminé par le législateur, dont le pouvoir d’appréciation ne doit
pas porter atteinte au principe de libre administration2168. De même, dans le cadre d’une
extension de compétences par la loi, le droit à compensation n’est garanti que si cette
extension présente un caractère obligatoire. Dans ce cas, le transfert de ressources est
déterminé par le législateur qui en apprécie le niveau sans dénaturer le principe de libre
administration des collectivités territoriales, en vertu des articles sus dits2169.
La qualification juridique du transfert prévu par la loi ADOM, permet de constater

2165
Il s’agit de la mise en œuvre du principe de neutralité budgétaire, érigé en principe constitutionnel, lors de
la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, dans le cadre de l’article 72-2 de la Constitution.
2166
Cf. : https://www.collectivites-locales.gouv.fr/principes-generaux-compensation-financiere-des-
competences-decentralisees.
2167
CC n° 2003-487 DC du 18 décembre 2003. En ligne : https://www.conseil-
constitutionnel.fr/decision/2003/2003487DC.htm. CC n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003, en ligne :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2003/2003489DC.htm.
2168
CC n° 2008-569 DC du 7 août 2008. En ligne : https://www.conseil-
constitutionnel.fr/decision/2008/2008569DC.htm.
2169
Voir : CC n°2004-509 DC du 13 janvier 2005 et n°2010-109 QPC du 25 mars 2011, en matière de protection
de l’enfance.

614
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qu’il s’agit d’un transfert de foncier (donc de ressources foncières), occupé sans titre (donc
avec charge de régularisation foncière et d’aménagement). En conséquence, la ressource est
partielle, et doit être complétée par une compensation dont le niveau doit être adapté par le
législateur, sans porter atteinte au principe de libre administration des collectivités
territoriales concernées. Il s’agit donc bien d’une extension de compétence, au titre du
transfert de la gouvernance foncière de parties de la zone des cinquante pas géométriques.
Mais il ne s’agit pas seulement de prendre en compte une compensation financière.

2) Nécessité d’un transfert des dispositifs de régularisation foncière

En effet, le transfert des dispositifs même de régularisation foncière en cours doit être
organisé, même s’il nécessite d’être amélioré. Cet aspect a été étudié en amont, dans le cadre
de la nécessité de la mise en place d’une police locale de l’occupation sans titre outre-mer
et de transfert des dispositifs de régularisation foncière déjà existants au profit de l’Etat.
Car, la résorption efficace de l’occupation sans titre dans les collectivités de l’article
73 de la Constitution est nécessairement subordonnée à la mise en place de modalités
strictes. Pour cela, la décision de régularisation foncière et les procédures et mesures mises
en œuvre, doivent se fonder sur des outils juridiques consacrés par la loi, la doctrine, et la
jurisprudence, de manière à engendrer une sécurité juridique et foncière et à faciliter la mise
en place d’un processus de contrôle par la jurisprudence. D’où la nécessité d’adapter les
moyens juridiques, financiers et institutionnels dédiés à la régularisation foncière et à la
protection des occupants sans titre.
À cet égard, le directeur de l’agence des 50 pas géométriques de Martinique attire
l’attention sur une difficulté résultant de la rédaction de l’article L5112-4 du CG3P, qui
devrait être modifiée avant le transfert prévu par la loi ADOM. Car, les ressources des
communes ne leur permettent pas d’honorer le montant des équipements et aménagement
réalisés par l’Agence des 50 pas géométriques, à leur rétrocéder à titre onéreux2170.
En effet, compte tenu du rôle de l’agence en matière d’opérations d’aménagement, au
vu de conventions passées avec les communes, le montant immobilisé dans les comptes de
l’Agence des 50 pas géométriques de Martinique, à ce titre, est de 30 millions d’euros. La
rétrocession de ces équipements à la commune, telle que prévue par les conventions, est
conditionnée par le quatrième alinéa de l’article L5112-4 du CG3P. En conséquence, les

2170
Ainsi, à défaut de modification de l’article L5112-4 du CG3P, avant janvier 2021, les communes n’étant
pas en mesure d’acquitter les montants prévus dans les deux ans, les agences demeureront encore propriétaires
et gardiens desdits équipements qui figureront encore dans leur patrimoine. Cf. entretien du 28 décembre 2018
avec Hervé EMONIDES.

615
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

communes devront, lors de la remise des aménagements, s’acquitter du prix de ces


aménagements réalisés par les agences. Or, non seulement les communes n’ont pas ces
ressources, mais de surcroît, certaines d’entre elles considèrent que les ressources des
agences, issues des contributions locales, contribuent à faire supporter deux fois la charge
desdits équipements à leurs administrés. Il importe donc que le législateur précise ce point.
Par ailleurs, dans toutes les opérations de régularisation foncière, pour garantir leur
efficience et leur efficacité et mettre fin à l’occupation sans titre outre-mer, il est primordial
de trouver des fonds pour faciliter le bornage, l'aménagement et l’équipement des zones à
régulariser, la résorption de l’habitat insalubre et la mobilisation des compétences adéquates
(géomètres, notaires ou compétences notariales, ingénierie foncière, chargés opérations,
etc.). Il est donc primordial de mettre en place un financement affecté à la régularisation
foncière outre-mer (B).

B. UN FINANCEMENT DÉDIÉ À LA RÉGULARISATION


FONCIÈRE OUTRE-MER

Les développements qui précèdent démontrent partiellement que le financement local


de la régularisation foncière doit être revu et s’inspirer de celle des Agences des cinquante
pas géométriques en cours de disparition. Des ressources identiques à celles des Agences
devraient être mises en place pour la régularisation foncière de l’occupation sans titre des
domaines public et privé des personnes morales de droit public outre-mer.

1) Affectation de produits et ressources à la régularisation foncière

Les produits des cessions et prestations, perçus dans le cadre de la régularisation


foncière, devraient prioritairement être réaffectés à la poursuite des opérations de
régularisation, en dépit de la règle budgétaire de non-compensation des dépenses et des
recettes et de non-affectation d’une recette à une dépense déterminée, assurée par le respect
du principe d’universalité des dépenses.
Lors de la conférence-débat sur « l’autonomie financière des collectivités territoriales,
ressources et dépenses de la collectivité, quelle marge de manœuvre, pour quels projets »2171,
le professeur Antoine DELBLOND a préconisé des mesures qui pourraient élargir la marge
de manœuvre des collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution en matière de

2171
DELBLOND (Antoine), « L’autonomie financière des collectivités territoriales, ressources et dépenses de
la collectivité, quelle marge de manœuvre, pour quels projets », op. cit.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

financement de la régularisation foncière. Il a proposé de donner une définition plus


transparente du principe de l’autonomie financière, en raison de l’existence de fausses
ressources propres. Il a également suggéré de renforcer la notion d’autonomie financière,
qui doit représenter non pas une part déterminante, mais une part prépondérante dans les
ressources des collectivités territoriales, ainsi que le préconisent des associations de petites
villes. Il a aussi proposé de constitutionnaliser l’autonomie fiscale, notamment par le
renforcement du pouvoir de fixation des taux d’imposition par les collectivités territoriales.
D’après le professeur DELBLOND, la responsabilité ne doit pas rebuter les élus, le
plus haut niveau de responsabilité étant en définitive celui de la responsabilité fiscale. À cet
égard, il propose de réfléchir à un projet de contribution territoriale à développer outre-mer,
à titre expérimental, et de confier la responsabilité de cette réflexion aux élus. Cette
contribution viendrait par exemple en remplacement de la taxe d’habitation. La mise en place
de mécanismes d’évaluation des politiques publiques locales indépendantes est souhaitable.
De plus, une aide spéciale au financement des opérations de régularisation foncière en
faveur des communes pourrait être mise place, car beaucoup d’entre elles n’ont pas les
moyens de financer la régularisation foncière sur leur propre domaine privé communal.
Par ailleurs, l’aide exceptionnelle à l’acquisition, accordée par l’Etat, en faveur des
occupants sans titre de la zone des cinquante pas géométriques, désireux de régulariser leur
situation foncière, devrait être étendue par le législateur à toutes les opérations de
régularisation opérées par les personnes publiques, lorsque le futur acquéreur répond aux
conditions fixées pour en bénéficier. Cette aide prend en compte le niveau du revenu
imposable de l’occupant-accédant et l’anciennement de son occupation, grâce à un jeu
d’abattements dont le mécanisme a été analysé en première partie de cette étude. Elle serait
ainsi applicable à toutes les communes et collectivités territoriales de proximité, s’engageant
dans des procédures de régularisation foncière.
D’autres sources de financements divers peuvent être évoquées. Ainsi, dans le cadre
des procédures de titrement favorisées par le notariat français auprès de certains pays
d’Afrique, d’Asie, ou en Haïti, des instruments de financement sont mis en place. Ces
financements proviennent du Fonds européen de développement (FED), de l’Instrument
européen pour la démocratie et les droits de l’Homme (IEDDH), de la Banque mondiale, du
Millenium Challenge Account (MCA), de l’Aide française au développement français

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

(AFD), et du Programme des Nations Unies pour le développement 2172. Ils pourraient être
adaptés pour être plus régulièrement mobilisés en France.
Par ailleurs, les propositions de la Cour des comptes relatives aux aides de l'État à
l'accession à la propriété, pourraient s’appliquer, dans la mesure du possible, aux occupants
sans titre désireux de régulariser leur situation d’occupation foncière. En effet, dans
un rapport publié le 30 novembre 20162173, la Cour des comptes s'intéresse aux quatre
principales aides de l'État pour les primo-accédants : l'aide personnelle au logement pour
l'accession (APL-accession), le prêt d'accession sociale (PAS), le prêt à taux zéro renforcé
(PTZ+) et le prêt social de location-accession (PSLA). Certains de ces dispositifs pourraient
être adaptés aux primo-accédants à la propriété foncière dans le cadre des opérations de
régularisation foncière.

2) Sans complication fiscale ni accentuation des inégalités

Toutes ces mesures ne doivent pas contribuer à compliquer les finances locales. À cet
égard, le rapport du Sénat sur l’aménagement2174, dénonce une multiplication de dispositifs
composés de dotations, fonds, garanties, compensations, et mécanismes de péréquation, qui
n’ont eu d’autres effets que de rendre incompréhensibles et illisibles les finances locales et
l’articulation entre elles.
Ce même rapport condamne les inégalités que cette multiplication de dispositifs a
engendré entre les collectivités territoriales. Des dispositifs comme le Fonds national
d’aménagement et de développement du territoire (FNADT), la Dotation d’équipement des
territoires ruraux (DETR), le Fonds de soutien à l’investissement local (FSIL), les
subventions des départements et des régions et la réserve parlementaire, n’ont fait
qu’accentuer les inégalités et la compétition entre les collectivités territoriales2175.
Une vision budgétaire cohérente de l’aménagement du territoire est souhaitable, afin
de ne pas masquer le désengagement de l’Etat2176. Ce même rapport du Sénat sur
l’aménagement préconise également une stabilisation de la fiscalité locale, par la
compensation des pertes de recettes résultant des réformes fiscales ; lesquelles avantagent

2172
Le notaire au service de la sécurité foncière dans le monde. Site officiel des notaires de France. En ligne :
https://www.notaires.fr/fr/le-notaire-au-service-de-la-sécurité-foncière-dans-le-monde (30 septembre 2016).
2173
Sources : C. comptes, publications, 30 novembre 2016, LexisNexis SA.
2174
MAUREY (Hervé) et de NICOLAY (Louis-Jean), sénateurs, Rapport d’information du Sénat n° 565, sur
« L’aménagement du territoire », p. 53 et suivants ; op. cit.
2175
Idem, p. 53 et suivants ; op. cit.
2176
Les collectivités locales réalisent 70 % de l’investissement public local, et les communes plus
particulièrement, deux tiers de cet investissement. Cf. :

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
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plutôt les grosses collectivités. La multiplication des mécanismes de péréquation s’avère


insuffisante. Une réforme des mécanismes de péréquation financière en faveur de
l’aménagement du territoire, est souhaitable. Un meilleur partage des ressources fiscales
entre l’Etat et les collectivités territoriales devrait être envisagé2177.
En définitive, la régularisation foncière étant une préoccupation d’intérêt public
national, elle doit pouvoir bénéficier de leviers financiers et fiscaux locaux, mais aussi de
programmes nationaux de régularisation pouvant bénéficier de fonds de financement et
d’équipement adaptés. Le transfert des secteurs urbains et d’urbanisation diffuse de la zone
des cinquante pas à la région de Guadeloupe et à la collectivité territoriale de Martinique
doit s’accompagner de moyens financiers adaptés.
La régularisation foncière opérée outre-mer, doit être reconnue d’intérêt public local
et à ce titre, recueillir les soutiens financiers, juridiques, matériels et humains nécessaires à
sa mise en œuvre, surtout dans les communes disposant de peu de moyens.
Par ailleurs, les établissements publics de coopération intercommunale pourraient
également jouer un rôle déterminant à ce stade, en servant d’appuis financiers, d’ingénierie
foncière et logistique, aux communes disposant de faibles moyens.
Un financement partagé des opérations de régularisation foncière entre l’État et les
collectivités territoriales outre-mer devrait pouvoir être mis en place, par le biais d’un plan
de financement de ces opérations, avec la nécessité de budgétiser les opérations qui en
découlent : aménagement, programmations de bornages, etc. Une convention de co-
financement pourrait être mise en œuvre, en précisant les montants à provenir des personnes
publiques concernées, et en tenant compte tous les modes de financement, y compris par des
fonds européens.
L’idée d’un financement de la régularisation foncière outre-mer, de manière collégiale,
par l’Etat, et les communes, régions, départements, et collectivités uniques, est inévitable,
s’agissant de missions transversales, d’intérêt public.

CONCLUSION DU CHAPITRE

La régularisation foncière ne peut faire l’impasse sur le respect du droit de propriété,


nonobstant son caractère d’intérêt public, axé sur la résorption de l’occupation sans titre
outre-mer. Toutefois, elle peut devenir un droit, quand ses opérations sont d’intérêt public

2177
MAUREY (Hervé) et de NICOLAY (Louis-Jean), Rapport d’information du Sénat n° 565, sur
« L’aménagement du territoire », p. 49 et ss, op. cit. En ligne : http://www.senat.fr/rap/r16-565/r16-5654.html.

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voire d’utilité publique, et que, de surcroît, sont en cause, la sauvegarde de la dignité de la


personne humaine et son corollaire, le droit au logement décent.
La gouvernance foncière locale des opérations de régularisation foncière est une
évolution nécessaire, qui passe également par la dignité financière des collectivités
territoriales chargées de la mise en œuvre des opérations de régularisation foncière sur leur
territoire. Car pour régulariser et résorber l’occupation sans titre outre-mer, des moyens
juridiques, financiers, matériels et humains adaptés doivent être mobilisés voir dédiés.
Allié à l’intérêt public de la régularisation foncière, le respect de la dignité de la
personne humaine pourrait constituer l’un des fondements juridiques principaux de la
décision de régularisation foncière prise par les personnes publiques. Bien qu’il se rattache
à un principe juridique qui serait « dénué de toute signification objective »2178, il n’en
demeure pas moins plausible que, dans le contexte présent, il contribue à conférer un contenu
juridique et éthique à l’intérêt public de la régularisation foncière ; et ce, d’autant plus que
le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de s’y référer dans des domaines similaires2179.
En conséquence, le droit au logement décent, tout comme le droit au respect de la
dignité humaine, constituent une limite acceptable au droit de propriété, droit fondamental
sacralisé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de
1789, qui déclare que la propriété est « un droit inviolable et sacré ».
Par ailleurs, la question d’une sanction du défaut de mise en œuvre d’opérations de
régularisation foncière peut également être avancée, tant vis-à-vis de l’Etat, que vis-à-vis
des collectivités territoriales elles-mêmes, lorsque ces opérations sont d’utilité publique, que
sont en jeu la sauvegarde de la dignité de la personne humaine et son corollaire, le droit au
logement, et qu’il est nécessaire que soient mobilisés par la personne publique, les moyens
législatifs, administratifs, matériels et humains adéquats. Les modalités de cette sanction
pourraient être définies par le législateur. Il pourrait s’agir d’amendes ou d’obligations
diverses, comme c’est le cas pour l’absence de production de logement social2180.

2178
LE POURHIET (Anne-Marie), Que restera-t-il des droits de l’Homme et du citoyen ?, publié le 29 avril
2005, en ligne : https://www.observatoiredeleurope.com/Que-restera-t-il-des-droits-de-l-Homme-et-du-
Citoyen-de-1789_a172.html.
2179
Cf. décision n° 94-359 DC, 19 janvier 1995, « Loi relative à la diversité de l’habitat ». En ligne :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1995/94359DC.htm.
2180
Les lois n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement
et au renforcement des obligations de production de logement social, dite « loi DUFLOT », et n° 2014-366 du
24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », ont alourdi les sanctions
prononcées par les préfets à l’encontre des communes carencées en production de logements sociaux.

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Tout ce qui est exposé en amont, milite en faveur d’un véritable droit de la
régularisation foncière outre-mer, à ériger sur un corpus juridique dédié, adapté aux réalités
locales (Chapitre II).

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CHAPITRE II – UN DROIT DE LA
RÉGULARISATION FONCIÈRE SUI GENERIS
DANS UN CORPUS JURIDIQUE DÉDIÉ

Les développements précédents ont démontré la nécessité de mettre en place dans les
collectivités territoriales situées outre-mer, un véritable droit de la régularisation foncière à
ériger sur un corpus juridique dédié à cet effet. Une reconnaissance par le législateur d’une
régularisation foncière d’intérêt public, bénéficiant de dispositifs juridiques, législatifs et
budgétaires dédiés, est souhaitable.
Il s’agit, au regard des constats, analyses et réflexions développés aux présentes, de
considérer l’intérêt public, l’utilité publique, la dignité de la personne humaine, le droit au
logement qui constitue l’un de ses corollaires, la dignité financière des personnes publiques
outre-mer ; autant d’éléments qui militent en faveur d’un véritable droit de la régularisation
foncière, homogène et pérenne, outre-mer.
Mieux encore, l’examen des procédures de régularisation foncière a démontré que les
coutumes et usages locaux sont systématiquement primés par le droit commun français, basé
sur la primauté de l’individu sur le groupe, sur la preuve écrite et la publicité foncière. Ce
système civiliste a largement fait ses preuves, s’agissant de la protection de la propriété
foncière. Mais il mérite d’être mieux adapté aux réalités locales de l’outre-mer, par la prise
en compte de certains usages, coutumes et procédés locaux, dans les processus de
régularisation foncière, par le droit commun français.
Le législateur français a déjà eu l’occasion de reconnaître l’existence de droits
coutumiers pour la mise en place d’outils et institutions juridiques, ainsi qu’en témoigne
l’exemple de la Nouvelle-Calédonie2181. En effet, après les revendications foncières des
années 1970, une vaste réforme foncière a permis une redistribution des terres en Nouvelle-
Calédonie, à travers l’Agence de développement rural et d’aménagement foncier (ADRAF),
créée en 1988. En 2010, cette institution avait acquis plus de 800 hectares de terres et en
avait redistribué 3629 à quatorze Groupements de droit particulier local (GDPL) et deux

2181
En effet, il faut reconnaître que depuis peu, un travail de reconnaissance des droits coutumiers a été mis en
œuvre par les autorités françaises, notamment en Nouvelle-Calédonie. Après les accords de Matignon survenus
en 1988, la France a accordé une reconnaissance à la coutume qui caractérise la vie traditionnelle Kanak, à
travers la construction du Centre culturel Tjibaou, mais aussi par la reconnaissance d’un droit coutumier lié au
foncier. L’accord de Nouméa de 1998 a réaffirmé le lien entre le peuple Kanak et la terre.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Collectivités. 17033 hectares de terres restent encore en réserve dans ses stocks2182. On a
assisté dès lors, à la mise en place de nouveaux outils et institutions juridiques, comme le
Sénat Coutumier, institution novatrice relevant du système traditionnel Kanak. Sur la scène
internationale, c’est la reconnaissance de savoirs ancestraux et d’un patrimoine collectif bio-
culturel Kanak qui est envisagée2183.
Afin de promouvoir une égalité des moyens juridiques et financiers de régularisation
foncière entre les personnes publiques, et entre les occupants sans titre, dans les collectivités
territoriales de l’article 73 de la Constitution, il y a lieu d’adapter ou de concevoir une
législation et de règles juridiques procédurales homogènes et pérennes, mettant en place des
instruments juridiques et financiers adaptés aux réalités locales et à l’urgence de la
régularisation foncière outre-mer. Certains de ces instruments ont été explicités en amont.
D’autres le seront en aval ;
Mais il faut retourner aux sources, et particulièrement au principe de l’égalité qui fonde
l’action administrative en France pour comprendre la nécessité de moyens égaux de
régularisation foncière à destination des personnes publiques propriétaires, mais aussi des
occupants sans titre eux-mêmes. Cette action administrative est soumise au principe de
légalité, car elle a pour raison d’être la satisfaction des besoins des administrés, ainsi que le
rappelle le professeur Gilles LEBRETON2184. Elle a pour missions le bon fonctionnement
des services publics et l’exercice de la police administrative. Elle justifie l’utilisation par
l’administration des procédés exorbitants du droit commun que sont l’acte administratif
unilatéral et le contrat administratif2185. En contrepartie de ces procédés exorbitants, l’action
de l’administration se conforme à trois exigences constitutives de l’État de droit : le respect
de l’idéologie des droits de l’Homme, la soumission au principe de légalité, et le contrôle de
son action par des juges indépendants2186.
La mission de régularisation foncière n’échappe pas à ces exigences. La qualification
de la nature de cette mission est nécessaire, car elle conditionne les procédés de
régularisation foncière et de protection des occupants sans titre qui pourront être mis en
œuvre. S’agit-il d’une mission d’intérêt général, de service public, ou de police

2182
LAFARGUE (Régis), magistrat, Le droit coutumier en Nouvelle-Calédonie, Maison de la Nouvelle-
Calédonie, 2012, Paris. En ligne : www.mncparis.fr/uploads/le-droit-coutumier-en-nouvelle-caledonie2.pdf.
2183
LAFARGUE (Régis), op. cit.
2184
LEBRETON (Gilles), Droit administratif général, Éditions Dalloz, 8ème édition, 2015, Paris, document
numérique édité par www.edtiions-dalloz.fr, paragraphe n° 19 et s.
2185
Idem.
2186
Ibidem, paragraphe n° 356 et s.

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administrative ? Bien qu’elle ne constitue pas un service public socle, la régularisation


foncière outre-mer relève vraisemblablement d’une nature hybride, combinant certains de
ces trois aspects, comme les constats effectués en amont le rappellent. L’intérêt général y est
incontestable et les mesures de police administrative y sont certainement applicables.
Par ailleurs, il est nécessaire d’identifier les procédés de l’action administrative qui
seront mis en œuvre pour l’exécution de la mission de régularisation foncière. Devra-t-on
privilégier l’acte administratif unilatéral ou, au contraire, le contrat administratif, dont le
régime est plus souple ? Bien que le procédé contractuel et la négociation amiable doivent
être privilégiés, il est nécessaire de prévoir une utilisation combinée des deux procédés, voire
d’autres procédés parallèles, en fonction des étapes de la régularisation foncière, qui doit
être menée dans le respect des règles fondamentales du droit administratif des biens.
C’est dans ce cadre juridique hybride que doit se mettre en place un vrai droit de la
régularisation foncière outre-mer pérenne, prenant en compte le droit civil, le droit de
l’urbanisme, le droit de l’expropriation, le droit fiscal, le droit immobilier, et bien d’autres
branches du droit, ainsi que certains procédés, coutumes et particularismes locaux. La
régularisation foncière de l’occupation sans titre de la propriété des personnes publiques
outre-mer, est par nature un sujet transversal.
En conséquence, pour améliorer et optimiser la régularisation de l’occupation sans titre
du domaine public et du domaine privé des personnes publiques outre-mer, il est primordial
de favoriser la légalisation de procédures de régularisation foncière dédiées, reconnaissant
les particularismes locaux (section I), et l’adoption d’un corpus juridique pérenne, vecteur
de sécurité foncière et juridique (section II).

SECTION I – LÉGALISATION DE RÉGULARISATIONS


DÉDIÉES AU VU DES SPÉCIFICITÉS LOCALES

L’adoption d’un ou de plusieurs cadres légaux dédiés, reconnaissant des procédés,


coutumes et particularismes locaux, dans les procédures de régularisation foncière, a pour
effet de favoriser leur efficience et leur acceptation par la population locale.
En effet, les aliénations effectuées par les personnes publiques, sont soumises à une
procédure spéciale identique pour toutes2187. Cette procédure générale et globale s’applique

2187
GODFRIN (Ph.) et DEGOFFE (M.), Droit administratif des biens, éd. SIREY, p. 3, n° 30, 11è éd., 2015.

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tout naturellement à la régularisation foncière, en l’absence de procédure dédiée ; ce qui est


le cas pour les régularisations foncières intervenant en dehors de la zone des cinquante pas
géométriques. Certaines communes cherchent à innover tel qu’expliqué en amont, mais
généralement c’est le cadre général froid et inadapté, qui s’applique aux opérations de
régularisation foncière.
Ainsi, la vente des biens de l’Etat nécessite l’intervention du service France Domaine,
actuellement Direction de l’immobilier de l’Etat, et doit être opérée soit par adjudication,
soit à l’amiable, avec mise en concurrence préalable2188. La vente des biens des collectivités
territoriales obéit à un schéma procédural strict. Elle fait l’objet d’une décision de l’organe
délibérant, mise en œuvre par l’exécutif territorial2189. La commune doit solliciter l’avis
préalable du directeur départemental des finances publiques, et le conseil municipal délibère
au vu de cet avis. Contrairement à l’Etat, les collectivités territoriales ne sont pas tenues à
publicité et mise en concurrence préalables, s’agissant des ventes d’immeubles dépendant
de leur domaine2190. L’exécutif territorial procède à la signature des actes préalablement
autorisés par l’organe délibérant. S’il s’agit d’un acte authentique dressé en la forme
administrative, l’exécutif territorial agit en tant qu’officier public et endosse la responsabilité
d’un officier public, en sus de celle d’un exécutif local. Étant précisé que lorsqu’il intervient
en tant qu’officier public, c’est un adjoint2191, qui intervient à l’acte pour représenter la
collectivité publique.
Or, il est possible de prévoir une procédure dédiée, commune et stricte de
régularisation foncière, applicable pour résorber l’occupation sans titre du domaine de l’Etat
et des collectivités territoriales, incorporant certains procédés, coutumes et pratiques locales.
Elle intégrerait la procédure propre au type d’acte mis en œuvre, mais également une
procédure propre à la régularisation foncière elle-même, pour éviter tout arbitraire juridique
et politique. Il en sera plus amplement question en aval.
De plus, les collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution bénéficient de
trois procédés leur permettant de participer à l’élaboration de règles sur leur territoire :
l’adaptation, l’habilitation et l’expérimentation, qui peuvent être mis à contribution pour
juguler l’occupation sans titre outre-mer. En effet, la France, bien qu’étant un État unitaire
où prévalent les principes d’égalité des citoyens et d’indivisibilité de la République, a vu sa

2188
Article R3211-1 et s. du CG3P.
2189
Maire, président du conseil général, président du conseil régional, président de la collectivité unique.
2190
CAA Marseille, 25 février 2010, Commune de Rognes, n° 07MA03620, AJDA 2010. 1200, concl. DIEU.
2191
Dans l’ordre des nominations.

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pratique de décentralisation administrative corrigée par plusieurs réformes, dont la révision


constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la
République2192, et celle opérée par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de
modernisation des institutions. Ainsi, l’article 73 de la Constitution de 1958 prévoit que les
lois applicables dans les collectivités qu’elle régit sont susceptibles de faire l’objet de
« mesures d’adaptation nécessitées par leur situation particulière ». Cette disposition est de
nature à permettre des adaptations du droit commun aux réalités et usages locaux, par
l’adoption de dispositions juridiques particulières en faveur de la régularisation foncière de
l’occupation sans titre du domaine public et privé outre-mer.
Toutefois, certains auteurs retiennent l’interprétation restrictive faite par le Conseil
constitutionnel de l’ancienne rédaction de cet article2193. En effet, le Conseil constitutionnel
admettait seulement un « aménagement limité » des compétences des départements et
régions d’outre-mer, et prenait soin de vérifier l’adéquation entre les mesures d’adaptations
et la situation particulière visée à l’article 732194. Cette position découle notamment d’une
décision du Conseil constitutionnel, en date du 25 juillet 1984, « Compétences des Régions
de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion »2195.
Mais, après les révisions constitutionnelles de 2003 et de 2008, une nouvelle rédaction
de l’article 73 de la Constitution, tout en maintenant le principe d’identité normative et

2192
Loi constitutionnelle n°2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République,
publiée au JO de la République du 29 mars 2003. Il convient de rappeler que ce texte modifier l’article 1 er de
la Constitution, en ce qu’il dispose désormais que « l’organisation de la République est décentralisée ». Dans
l’article 39 de la Constitution la primeur est donnée au Sénat concernant l’examen des modifications relatives
à l’organisation des Collectivités territoriales. Ainsi, tout projet de loi relatif à cette matière ou « relatifs aux
instances représentatives des français établis hors de France sont soumis en premier lieu au Sénat ». Un des
apports fondamentaux de la révision constitutionnelle de 2003 fût d’avoir inscrit les Régions, les Collectivités
à statut particulier et les Collectivités d’outre-mer aux côtés des Communes et des Départements, dans la
Constitution. Cet article 72 prévoit, à travers le principe de subsidiarité, que les Collectivités territoriales ont
vocation à prendre et exercer des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon. Il
prévoit aussi l’expérimentation, dans la mesure où les Collectivités territoriales et leurs groupements peuvent
déroger à titre expérimental et pour un objet et une durée limitée, lorsque la loi ou le règlement le prévoit. En
outre, il ne peut avoir de tutelle d’une Collectivité sur une autre, mais l’une d’entre elles peut organiser les
modalités de leur action Commune. En outre, ce même article 72 de la Constitution prévoit un droit de pétition
pour les électeurs de chaque Collectivité territoriale. Des référendums locaux et consultations peuvent être
organisés. Par ailleurs, cette loi reconnaît l’autonomie financière des Collectivités territoriales, en leur assurant
des ressources propres et en accompagnant tout transfert de compétences de ressources financières. Des
mesures de péréquation financière sont également prévues pour corriger les inégalités de ressources entre les
Collectivités.
2193
THIELLAY (Jean-Philippe), Le droit des outre-mer, Éditions Dalloz 2007, p. 45 et s. 166 pp.
2194
MELIN-SOUCRAMANIEN (Ferdinand), Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n°35, Dossier : La
Constitution et l’outre-mer, Avril 2012. En ligne : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-
constitutionnel/francais/nouveaux-cahiers-du-conseil/cahier-n-35/les-collectivites-territoriales-regies-par-l-
article-73.105479.html.
2195
CC, 25 juillet 1984, « Compétences des Régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La
Réunion », Req., p. 48, Considérant 5.

626
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

l’application de plein droit des lois et règlements, prévoit que lesdits lois et règlements « […]
peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières
de ces collectivités. Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités dans les
matières où s’exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées, selon le cas, par la
loi ou le règlement ». La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 élargit donc le champ
d’application des mesures d’adaptation, qui concernent désormais les lois et règlements.
Le Conseil constitutionnel contrôle toutefois les motifs des adaptations, même si la
notion de « caractéristiques et contraintes particulières » sus énoncée, élargit le cadre de
l’adaptation. Ainsi, par une décision du 12 août 2004, « Loi relative aux libertés et
responsabilités locales », le Conseil constitutionnel censure l’article 203 de ladite loi2196.
La « Loi ADOM » de 2015, en transférant la gouvernance foncière de certains secteurs
de la zone des cinquante pas géométriques à certaines collectivités territoriales, a permis le
transfert des responsabilités locales liées à la problématique foncière de l’occupation sans
titre sur ladite zone. Ce transfert de gouvernance foncière locale nécessite l’extension, la
légalisation ou la mise en place par le législateur, de dispositifs juridiques de régularisation
foncière dédiés, prenant notamment en compte les coutumes, usages et particularismes
locaux, pour obtenir son plein effet.
La mise en œuvre de procédures de régularisation foncière dédiés, prenant en compte
les coutumes, usages et particularismes locaux (§1) et les pratiques et procédés parallèles
(§2) s’avère nécessaire.

§ I. PRISE EN COMPTE DES COUTUMES ET


PARTICULARISMES LOCAUX

La primauté du système civiliste du droit de propriété français sur les coutumes, usages
et particularismes locaux, quoique protectrice des droits des individus du fait de la preuve
écrite et de la publicité foncière, peut se révéler pénalisante pour les populations autochtones

2196
CC, DC n° 2004-503 DC, du 12 août 2004, Rec., p. 144 ; RFDA 2004. 1150, note B. FAURE ; D. 2005.
1133. Cité également dans l’article du professeur MELIN-SOUCRAMANIEN (Ferdinand), op. cit. En effet,
dans le « considérant » n° 18, le Conseil constitutionnel a énoncé que : « […] les écarts existant entre les
besoins de personnels techniciens, ouvriers et de service des collèges et lycées et les effectifs réels de ces
personnels sont plus importants dans certaines académies de métropole qu'ils ne le sont dans certaines
académies d'outre-mer ; que ces écarts ne constituent donc pas, au sens de l'article 73 de la Constitution, des
«caractéristiques et contraintes particulières» de nature à différer l'entrée en vigueur de la loi dans les
Départements et Régions d'outre-mer. »

627
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

ou locales, occupant le domaine des collectivités territoriales outre-mer. En effet, des


occupations sans titre peuvent être « de bonne foi », lorsqu’elles sont en conformité avec les
coutumes ou le droit local2197, rendant la procédure de régularisation foncière par délivrance
d’un titre de propriété plus complexe2198.
En France comme dans de nombreux pays de droit latin, le droit de propriété appartient
à celui qui dispose d’un titre de propriété écrit. Mais si l’on remonte à la situation du primo-
occupant outre-mer, le droit de propriété appartient originellement à celui qui a occupé le
premier, à celui qui a mis en valeur les terres, ou à celui qui s’est déclaré propriétaire en
premier. Quelle que soit la solution privilégiée, et sans aller jusqu’à justifier l’occupation
sans titre outre-mer, il est manifeste que les autochtones et primo-occupants ont une place
légitime, fondée en équité et par la coutume, à défaut d’être fondée en droit écrit, dans le
processus historique d’appropriation des sols outre-mer.
En raison d’une histoire coloniale, mettant en lumière une appropriation des sols par
les colons, sur fonds de commerce triangulaire et d’économie de plantation, l’occupation
sans titre outre-mer revêt une caractéristique particulière qui la différencie d’autres formes
d’occupations sans titre constatées en France métropolitaine et ailleurs. Dès lors se pose de
manière plus cruciale, la problématique de la nécessité de prendre en compte la sauvegarde
la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation, dans les faits
d’occupation sans titre outre-mer, notamment par la prise en compte et la reconnaissance de
certains usages, coutumes et particularismes locaux.
À La Réunion, l’occupation sans titre de la zone des cinquante pas géométriques a fait
l’objet d’une régularisation foncière efficiente, eu égard à son histoire2199, de sorte que cette
problématique y est moins prégnante. Aux Antilles, en Guyane et à Mayotte, il y a une
constance observée dans la stagnation des opérations de régularisation foncière, beaucoup
d’occupants sans titre se considérant comme déjà propriétaires des lieux, soit par
l’application du droit local coutumier (exemple Mahorais), soit par l’application d’usages
locaux collectifs (exemple guyanais), soit par le biais de pratiques locales (exemple
antillais). De fait, certains occupants sans titre refusent d’avoir à payer ce qu’ils considèrent
comme leur appartenant déjà.
Il y a donc une certaine urgence et légitimité à prendre en compte ce droit local de fait,

2197
Cas des Amérindiens et des Bushinenge en Guyane française, et cas de certains mahorais.
2198
Le risque est d’accorder des droits réels opposables à une personne qui, en droit local, n’est pas le véritable
propriétaire.
2199
Bornages préexistants en raison du CFR (Chemin de fer réunionnais) et des nombreuses concessions. Cf.
développements en amont.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

par l’intégration, au moins partielle, de certains usages, particularismes et pratiques locaux,


dans le droit commun français, dans le cadre d’un droit de la régularisation foncière
spécifique à l’outre-mer, notamment aux collectivités territoriales de l’article 73 de la
Constitution. Mais il est toutefois essentiel d’encadrer tout processus arbitraire d’accession
à la propriété foncière, afin d’éviter les atteintes à la propriété d’autrui.
Les incohérences entre droit commun français et droit coutumier se rencontrent
particulièrement en Guyane et à Mayotte, où le droit coutumier est omniprésent. La situation
de l’occupation foncière sans titre en Guyane et à Mayotte diffère sensiblement de celle
constatée aux Antilles et à La Réunion, en raison l’existence historique d’une propriété
coutumière omniprésente2200. En Guyane française il y a une abondance de terres et de
richesses qui constituent la propriété de l’Etat et qui « font le lit des occupations sans
titre »2201. Alors qu’à Mayotte se révèle la nécessité d’un compromis entre droits coutumiers
et droit commun français. Ces caractéristiques font tout l’intérêt de leur étude, et conduisent
au souhait d’une meilleure répartition du domaine privé en Guyane française (A), et à une
meilleure articulation entre droit coutumier et droit commun à Mayotte (B)

A. EN GUYANE FRANÇAISE : L’ENJEU D’UNE MEILLEURE


RÉPARTITION DU DOMAINE PRIVÉ

Serge MAN LAM FOUCK et Apollinaire ANAKESA observent que, de 1676 à 1946,
depuis la colonisation, les espaces naturels furent considérés en Guyane française comme
des obstacles au développement de la Guyane2202. La période postérieure à 1946 fût marquée
par la lutte pour l’assimilation2203. Ils relèvent en outre, que trois catégories de population
composent la société guyanaise : les amérindiens, qui ont toujours été présents sur ce
territoire, les créoles, qui ont connu le système esclavagiste et luttent pour l’assimilation
qu’ils considèrent comme une forme de décolonisation, et les Bushinenge, qui sont ces
hommes et ces femmes qui ont rompu avec la vie esclavagiste du Surinam pour créer les
sociétés maronnes (Bushinenge), composant l’un des hauts lieux de la diversité culturelle

2200
MOOMOU (Jean) et les membres de l’APFOM, sous la direction de, Sociétés maronnes des Amériques,
Mémoires, patrimoines, identité et histoire, du XVIIe siècle au XXe siècle, Actes du colloque Saint-Laurent
du Maroni, Guyane française (18-23 novembre 2013), Éditions Ibis Rouge.
2201
Entretien avec le Directeur de France Domaine, à Cayenne, François VILLENEUVE, le 17 novembre 2016.
2202
MAN LAM FOUCK (Serge), ANAKESA (Apollinaire), Nouvelle histoire de la Guyane, Ibis Rouge
Éditions, Matoury Cedex, Guyane française, 2013, 384 pp.
2203
MAN LAM FOUCK (Serge), ANAKESA (Apollinaire), Nouvelle histoire de la Guyane, Ibis Rouge
Éditions, Matoury Cedex, Guyane française, 2013, 384 pp

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

guyanaise2204. À ces populations viennent s’ajouter la population issue de l’immigration


illégale2205. Les représentants déconcentrés de l’Etat français2206 ont également une place
normative au sein de ce territoire.

1) Des droits de propriété coutumiers à prendre en compte

Un état de la situation de l’occupation sans titre en Guyane française, et des différentes


possibilités de régularisations foncières offertes par le droit positif français dans le domaine
privé de l’Etat en Guyane, a été dressé en première partie de cette recherche. Mais la
description ci-dessus effectuée permet de comprendre les différentes modalités et formes
d’occupation sans titre de ce territoire, certaines occupations sans titre n’ayant pas cette
qualification lato sensu, même si juridiquement ces populations sont sans titre écrit.
Le droit local appliqué par les autochtones guyanais, particulièrement les amérindiens
et les descendants des « noirs marrons »2207, est considéré comme étranger à la notion de droit
de propriété de droit commun français. Ce droit local met en lumière un droit de propriété
coutumier, fondé sur la valeur de la parole donnée.
Au Suriname, la loi de la République du Suriname précise, à propos des populations
autochtones et des descendants de marrons, « Pas de titre, pas de terre »2208. Il s’agit
clairement d’une non-reconnaissance des droits fonciers desdites populations. Les terres
appartiennent à l’Etat du Suriname, si ces populations ne peuvent prouver leurs qualités de
propriétaires. Ces populations ne sont donc pas les propriétaires légaux des terres qu’ils
possèdent depuis des siècles, parce qu’ils n’ont pas de titre de propriété. Or, les peuples
autochtones sont les premiers habitants du Suriname, et les descendants des marrons fondent
leurs revendications sur les traités de paix conclus, notamment ceux signés avec les Aucanais

2204
MAN LAM FOUCK (Serge), ANAKESA (Apollinaire), idem.
2205
Bien que la population ait plus que triplé depuis 1946, grâce à l'immigration des Antilles et de la métropole
et à l'excédent naturel, la Guyane n'est pas surpeuplée. Les deux tiers de la population se regroupent au chef-
lieu Cayenne et aux alentours, le reste des habitants à Kourou, Saint-Laurent-du-Maroni et dans les autres
bourgs de la côte. L’intérieur est relativement peu peuplé : quelques postes administratifs et villages
amérindiens et de noirs sur l'Oyapock et le Maroni. Récemment se sont installés quelques centaines de réfugiés
indochinois et, surtout, des réfugiés haïtiens et surinamiens, dont l'intégration pose quelques problèmes.
2206
Préfet, sous-préfets, personnels des administrations déconcentrées.
2207
Généralement appelés Bushinenge, mais en réalité population composée de Saamaka, de Aluku.
2208
VAN VELTHUIZEN (Tania), « Les relations entre la non-reconnaissance des droits fonciers des
populations autochtones et des descendants des marrons et les activités économiques du gouvernement du
Suriname dans leurs habitats et les instruments internationaux », in MOOMOU (Jean) sous la direction de, et
membres de l’APFOM, Sociétés marronnes des Amériques - Mémoires, patrimoines, identités et histoire du
XVIIe au XXe siècles, Ed. Ibis Rouge, colloque pluridisciplinaire à Saint-Laurent-du-Maroni (18-23 novembre
2013), p. 531 et s. L’APFOM désigne l’ »Association des populations des fleuves Oyapock – Maroni ». Étant
ici précisé que Saint-Laurent-du-Maroni est peuplé de descendants de noirs Marrons du Surinam considérés
comme des étrangers.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

en 17602209.
Du côté de la Guyane française, l’histoire de la colonisation à la possession par l’Etat
français de plus de 95 % des terres de cette contrée. La pratique de « l’Inini », est un système
« politico-administratif » qui permet, de 1930 à 1969, une forme d’appropriation de la
Guyane par la France. Il consiste, pour l’Etat français, à « rencontrer et attirer les tribus pour
fixer les frontières ». Les tribus amérindiennes et les populations marronnes sont confrontées
à un triple choix : « refuser, accepter ou négocier » avec ce nouvel occupant2210.
D’après les constats effectués par l’un des représentants de la direction de
l’environnement, de l’aménagement et du logement de Guyane (DEAL)2211, il reste très peu
d’occupants sans titre installés sur le domaine public en Guyane française2212. La plupart des
occupants bénéficient de titres de propriété sur des terrains acquis à compter des années
1950, en bordure de mer, et les autres bénéficient d’autorisations d’occupation temporaire
(AOT). Ainsi, très peu de foncier compose la zone de cinquante pas géométriques de la
Guyane française. Par ailleurs, les terrains mitoyens du domaine public maritime ont été
cédés à des propriétaires privés. En conséquence, il existe trois zones massivement occupées
en Guyane française : la zone de Cayenne et Rémire-Montjoly avec une population de 90000
habitants environ, la zone de Kourou qui compte 35000 habitants environ, et la zone Nord-
Ouest où l’immigration illégale se développe très rapidement, avec une forte évolution
démographique2213.
De plus, s’agissant des titres de propriété détenus par les occupants de la zone des
cinquante pas géométriques de Guyane, le directeur du Service « France domaine » à
Cayenne2214 précise qu’une partie des archives de la Guyane française a brûlé, rendant
impossible une reconstitution fidèle de l’histoire du foncier privé guyanais2215, et difficile la

2209
VAN VELTHUIZEN (Tania), idem, p. 533.
2210
THABOUILLOT (Gérard), « Amérindiens et Noirs Marrons au temps de l’Inini : la contribution politique
des tribus de frontières à la construction de la Guyane française contemporaine (1930 – 1969) », in MOOMOU
(Jean) sous la direction de, et membres de l’APFOM, Sociétés marronnes des Amériques - Mémoires,
patrimoines, identités et histoire du XVIIe au XXe siècles, Ed. Ibis Rouge, colloque pluridisciplinaire à Saint-
Laurent-du-Maroni (18-23 novembre 2013), p. 437 et s.
2211
Entretien du 07 décembre 2016, accordé par Philippe LAUZI, cadre supérieur à la DEAL, sur la
régularisation foncière en Guyane.
2212
Entretien du 07 décembre 2016, accordé par Philippe LAUZI, op cit.
2213
Entretien du 07 décembre 2016, accordé par Philippe LAUZI, op cit. Idem.
2214
Entretien avec le Directeur de France Domaine, à Cayenne, François VILLENEUVE, le 17 novembre 2016.
2215
Il reste la possibilité de parfaire les recherches au Service de la publicité foncière, en faisant des réquisitions
de fiches d’immeuble ou de fiches de propriétaire. Mais les copies d’actes obtenues auprès du Service de
publicité foncière de la Guyane, ne sont pas d’une grande clarté, bien qu’elles remontent parfois jusqu’à l’année
1830. Les transcriptions d’avant 1956 seraient peu fiables et n’ont rien à voir avec les fichiers modernes qui
sont certifiées par le Conservateur. Mais, aucune trace de l’arrêté de 1996 régularisant les personnes privées,
n’a été retrouvé. À cela s’ajoute une grande imprécision des données cadastrales en Guyane.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

reconstitution de l’ensemble du Cadastre. Par ailleurs, le travail des notaires en matière de


régularisation foncière en Guyane a fait l’objet de certaines critiques, compte tenu de
nombreux recours en lien avec l’imprécision de certains titres de propriété2216.
De ce point de vue, trois types d’occupations apparaissent en Guyane2217. Il y a d’abord
l’occupation de terrains construits par l’Etat pour loger ses fonctionnaires. Ces terrains ont
depuis été cédés à la collectivité territoriale de Guyane (CTG). Il existe aussi des occupations
de type « commercial », régularisées par des AOT. Et enfin, l’occupation de terrains
récupérés par le Conservatoire du littoral2218. Par ailleurs, de nombreuses personnes privées,
souvent des notables, sont détentrices de dizaines voire des centaines d’hectares en
Guyane2219. Certaines décisions du Conseil d’Etat retracent un contentieux uniquement sur
le littoral guyanais, aux termes duquel des personnes privées ont eu gain de cause, après
avoir attaqué la décision de l’Etat de céder gratuitement à la commune2220.
Il n’y aurait donc plus d’enjeu particulier de régularisation foncière pour l’Etat dans la
zone des cinquante pas géométriques de Guyane, la plupart des occupants étant déjà titrés
ou à défaut, bénéficiant d’AOT2221. C’est vraisemblablement la raison pour laquelle une
Agence des 50 pas géométriques n’a jamais été instaurée en Guyane. En revanche,
l’établissement public foncier d’aménagement de Guyane (EPFAG) y joue un rôle très actif,
ainsi qu’il est dit en amont.
Le législateur a mis en place, en Guyane française, ainsi qu’il a déjà été expliqué en
amont, des zones de droits collectifs (ZDUC), dans ce territoire où l’Etat français est
propriétaire de plus de 95% du foncier. D’autres procédures d’accession à un titre de
jouissance ou de propriété, notamment concernant les terrains agricoles, ont été exposés en
amont, mais peu d’agriculteurs sont propriétaires de leurs terres en Guyane. La création de
l’EPAG a contribué à une forme de régularisation foncière par cession dont les résultats sont
en cours2222. Mais à ce jour, l’Etat français demeure majoritairement propriétaire du territoire

2216
Entretien avec François VILLENEUVE, le 17 novembre 2016, op. cit.
2217
Idem.
2218
François VILLENEUVE observe qu’il reste très peu de terrains (hors bois et forêts). Cela équivaut à une
superficie située entre 10000 et 20000 mètres carrés sur le littoral, et environ 15000 mètres carrés pour les
cinquante pas géométriques. À Kourou, il reste très peu de zone des 50 pas géométriques. Au Nord-Ouest, la
zone des 50 pas géométriques représente environ une vingtaine de kilomètres, faisant l’objet d’une certaine
occupation spontanée.
2219
Entretien avec François VILLENEUVE, France Domaine, à Cayenne, le 17 novembre 2016, op cit.
2220
Idem.
2221
D’après les dires de Philippe LAUZY, Cadre supérieur à la DEAL.
2222
En 2000, trois agriculteurs sur quatre exploitent leurs terres sans titre foncier. Une majorité demeure sans
titre pour des raisons juridiques exposées. En effet, les articles 539 et 713 du code civil disposent que les biens

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

de la Guyane française, composé en majorité de forêts. Des actions de rétrocessions doivent


être effectués par l’Etat français pour répondre partiellement à la nécessité de reconnaissance
des droits fonciers et locaux des populations autochtones et marronnes.

2) Une meilleure gestion et répartition de la maîtrise foncière à favoriser

L’abondance de terres et richesses naturelles en Guyane française, dont plus de 90 %


appartient à l’Etat français, « fait le lit des occupations sans titre »2223. Face à cette
omnipotence foncière de l’Etat français, les populations amérindiennes et marronnes
(Bushinenge, Saamaka, Aluku) de la Guyane mettent au centre de leurs revendications la
reconnaissance de leur légitimité sur les terres qu’ils occupent2224.
De leur côté les collectivités locales outre-mer demandent plus de maîtrise foncière de
leur territoire. Ainsi, la Collectivité territoriale de Guyane (CTG) est demanderesse de
rétrocessions de terrains. Les demandes adressées à l’Etat se multiplient, pour des projets
qui gagneraient à être axés sur l’utilité publique, en lien avec le SAR de Guyane2225.
Par ailleurs, les occupants du domaine de l’Etat établissent un rapport particulier au
droit2226. Lorsqu’un occupant sans titre dépose un dossier de demande de régularisation
foncière auprès de France Domaine en Guyane, il se considère comme quasi-propriétaire,
car il y a un enjeu social, politique, économique, très important. De son côté, l’Etat n’a pas
les moyens de gérer son domaine privé, ni d’en assurer la police de la conservation auprès
de chaque occupant sans titre. L’ONF intervient parfois pour verbaliser, mais de manière
insuffisante. En pratique, l’Etat se retrouve parfois dans la même situation qu’un propriétaire
privé, et ne peut procéder à l’expulsion des gens, faute de moyens2227.
Ainsi, l’exposé qui est fait de la situation d’occupation sans titre en Guyane et des
formes de régularisation foncière qui y sont conduites, fait ressortir la nécessité de la prise

sans maître sont propriété de l’Etat. La création de l’EPAG contribue à la régularisation foncière depuis 2001.
Cf. une étude de l’IEDOM, Institut d’Émission des Départements d’Outre-mer, « Le foncier agricole en
Guyane », Note expresse, numéro 26, août 2004. En ligne : www.iedom.fr.
2223
Expression employée par François VILLENEUVE, directeur de France Domaine en Guyane.
2224
Rapport du CNRS, Observatoire Hommes / Milieux Oyapock, de l’Institut Écologie et Environnement,
DAVY (Damien), FILOCHE (Geoffroy), coordinateurs scientifiques, « Zones de droits d’usage collectifs,
concessions et cessions en Guyane française : bilan et perspectives 25 ans après », avril 2014, Cayenne, p. 13,
166 pp.
2225
Entretien avec le Directeur de France Domaine, François VILLENEUVE, le 17 novembre 2016, op cit.
2226
Idem. « La plupart des gens veulent du terrain, gratuit et sans contrainte ».
2227
VILLENEUVE (François), entretien du 17 novembre 2016 : « Le transfert d’une partie du foncier de la
Guyane au profit de la Collectivité territoriale de Guyane (CTG), va dans le « sens de l’histoire », d’après ce
haut cadre, et beaucoup de textes sont d’inspiration coloniale, à visée réparatrice. Par ailleurs, le domaine privé
de l’Etat en Guyane, quoiqu’important, est plutôt de faible valeur s’agissant de forêts et de zones parfois
inaccessibles. »

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

en compte efficiente des droits coutumiers et usages locaux ; laquelle passe par une
répartition plus équitable du domaine privé guyanais entre les différentes couches de la
population, et entre l’Etat et les collectivités territoriales, dans le cadre de procédures de
régularisation foncière dédiées. Cela ressort des évaluations de représentants de la DEAL et
de la Direction de l’immobilier de l’Etat en Guyane2228.
L’interrogation des différents intervenants incontournables de la régularisation
foncière en Guyane française démontre qu’il n’y a pas de vraie prise en compte des droits
spécifiques et des droits coutumiers. Toutefois, l’existence de la réserve naturelle de
l’Amana qui concentre des Amérindiens est un exemple de prise en compte de la propriété
coutumière à encourager2229. Il s’agit d’une zone naturelle protégée, bénéficiant d’un droit
coutumier. Elle s’étend sur 14800 hectares et se situe entre les communes de MANA et
d’AWALA YALIMAPO2230.
L’urgence d’une meilleure répartition de la maîtrise foncière en Guyane est illustrée
par les revendications régulières des populations locales outre-mer2231. Ainsi, en 2017, lors
du mouvement social qui a ébranlé la Guyane française, le gouvernement français a pris des
engagements concernant le foncier, dans le cadre de l’accord de Guyane du 21 avril 20172232.
Il s’agit de l’engagement de cession gratuite de quatre cent mille hectares (400000 ha) aux
peuples autochtones de Guyane, et celui de la cession gratuite de deux cent cinquante mille
hectares (250000 ha) aux communes et à la Collectivité territoriale de Guyane.
S’agissant de l’engagement pris d’attribuer une superficie de 400000 hectares de
terres, représentant moins de 5 % du territoire guyanais, aux peuples autochtones dans le
cadre de l’accord de Guyane du 21 avril 2017, plus de deux ans après la signature de l’accord
de Guyane, la rétrocession envisagée n’avait toujours pas eu lieu. Seraient en cause la
complexité et l’ampleur de la tâche2233. À cet égard, le Conseil général de l’agriculture et de

2228
Ancien Service France Domaine.
2229
Entretien du 07 décembre 2016, accordé par Philippe LAUZI, cadre de la DEAL de Guyane.
2230
Cette initiative contribue au développement durable. Voir : https://www.guyane-
amazonie.fr/nature/PNACTG973V5001IX/detail/mana/reserve-naturelle-de-l-amana. Toutefois, à son sens, la
question de la prise en compte des droits coutumiers est complexe et mériterait plus d’équité.
2231
Voir : « Guyane : la restitution des terres aux Amérindiens à la peine ». Article publié le 14 mars 2019 et
consulté en ligne sur le site : https://la1ere.francetvinfo.fr/guyane-restitution-terres-aux-amerindiens-peine-
689764.html. En Guyane française, les « peuples premiers » demandent la « restitution des terres » à titre de
réparation des méfaits de la colonisation et pour leur permettre de préserver leurs coutumes et mode de vie en
lien avec la nature.
2232
L’accord de Guyane a été cosigné le 21 avril 2017 par le préfet, le collectif « Pou Lagwuyann Dékolé », la
Collectivité territoriale de Guyane, l’association des maires et les quatre parlementaires de la Guyane. Il a été
complété par une convention du 23 octobre 2017 contenant des engagements respectifs entre l’Etat et la CTG.
2233
Idem.

634
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

l’aménagement des espaces ruraux en Guyane française (CGAAR)2234, a organisé une


mission en décembre 2017, dont l’une des préoccupations était la question du transfert du
foncier et celle de la mise en œuvre d’une SAFER en Guyane. L’accord de Cayenne du 02
avril 2017 et l’accord pour la Guyane, du 21 avril 2017, concernant la rétrocession de
400.000,00 hectares de terres aux populations autochtones amérindiennes et Bushinenge,
constituent une étape importante dans l’aboutissement de ces revendications en Guyane
française. À la suite de la signature de l’accord de Guyane2235, le Grand conseil coutumier
des populations amérindiennes et Bushinenge (GCCPAB) a été mis en place2236. Il travaille
en partenariat avec les services de l’Etat pour la définition des modalités juridiques de la
rétrocession et l’identification du périmètre concerné par bassin de population2237.
La cession des 400.000,00 hectares prévue par l’Etat, doit s’accompagner d’opérations
préalables habituelles parmi lesquelles figurent notamment : la localisation et le désignation
exacte des terres concernés par la cession, selon les règles de la publicité foncière et la
fixation de la valeur desdits terrains par la Direction de l’immobilier de l’Etat. Le régime
juridique de ce transfert devra s’harmoniser avec les régimes fonciers préexistants en
Guyane française2238. Il est prévu que les terres soient gérées par un établissement public
local dont la création est prévu par la loi sur l’égalité réelle Outre-mer (EROM)2239. Une
gestion transitoire par une association ad hoc a été suggérée, mais nécessiterait une étude
juridique préalable et des adaptations législatives2240. À ces mesures juridiques de gestion
s’ajoute le souhait des communautés amérindiennes de bénéficier d’une exonération de la
taxe foncière sur ce patrimoine transmis. Les différentes collectivités et personnes publiques
locales devront être associées à cette action d’envergure.
Près de 760000 hectares de terres, soit 9 % du territoire guyanais ont déjà été mis à
disposition des communautés et associations d’habitants tirant traditionnellement leurs
moyens de subsistance de la forêt, sous forme de ZDUC, de concessions décennales

2234
Présidé par le Ministre en charge de l’agriculture, le CGAAR assure des missions d’expertise, de conseils,
d’évaluation, d’audit, d’inspection, et participe à la conception de lois.
2235
Accord de Guyane du 21 avril 2017, paru au JORF du 02 mai 2017.
2236
La désignation de ses membres a été effectuée le 09 juin 2018. La mission interministérielle sur le transfert
de ce foncier a rendu ses conclusions. Cf. Réponse du Ministère des outre-mer, publiée dans le JO Sénat du 31
janvier 2019, p. 583, sur la situation des peuples autochtones de Guyane. Réponse à la Question écrite n° 07564
de BENBASSA (Esther), publiée dans le JO Sénat du 1 er novembre 2018, p. 5540.
2237
Réponse du Ministère des outre-mer, publiée dans le JO Sénat du 31 janvier 2019, p. 583, op cit.
2238
« Loi littoral », législations sur les ZDUC, les aires protégées et le parc national.
2239
Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres
dispositions en matière sociale et économique, publiée au JORF n° 0051 du 1er mars 2017, texte n° 1.
2240
« Cession gratuite de 400000 ha de terres aux communautés amérindiennes », article mis à jour le 18
décembre 2018, consulté en ligne le 20 décembre 2019 : https://transparenceoutremer-guyane.gouv.fr/cession-
gratuite-de-400-000-ha-de-terres-aux-communautes-amerindiennes/.

635
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

renouvelables et de cessions collectives. Mais dans la plupart des cas, les communautés sus
dites ne sont pas propriétaires des terres (sur lesquelles elles exercent des droits d’usage
collectifs : chasse, pêche, édification de constructions). Elles ne souhaitent donc pas que le
gouvernement français décompte des 400000 hectares à rétrocéder les terres ainsi mises à
disposition2241.
Parallèlement, l’Etat français s’est engagé, dans l’accord de Guyane signé en avril
2017, à réaliser une cession gratuite de 250000 hectares de foncier relevant de son domaine
privé à la Collectivité territoriale de Guyane (CTG) et aux communes.
À cet égard, la Cour des comptes, dans un document délibéré le 19 juin 2019, en
application des articles L143-1 et R143-11 du code des juridictions financières, a émis des
observations définitives2242. Elle rappelle l’omnipotence foncière de l’Etat en Guyane et les
demandes récurrentes de foncier provenant de la collectivité territoriale, désormais à hauteur
de 100000 hectares, complétées par la demande de foncier des maires, formulée en mars
2017 ; lesquels souhaitent obtenir 150000 hectares pour leurs communes2243. Dans sa
recommandation numéro 6, la Cour des comptes met l’accent sur la nécessité de
l’identification des besoins, la mise en œuvre d’une procédure transparente, et « d’un
dispositif partenarial de surveillance et de préservation foncière (DGOM, DGFiP, préfecture
de Guyane) », dans le cadre de l’adoption d’une méthode de dévolution du foncier2244.
Les questions relatives aux modalités juridiques (localisation, zonage, bornage,
clauses particulières), financières (coût de la cession, frais de bornage, …) et fiscales
(incidences éventuelle en termes de taxes foncières notamment), des cessions gratuites
envisagées, et celle de la programmation effective des cessions prévues, demeurent
déterminantes. À cet égard, les intérêts de la Collectivité territoriale de Guyane, des
communes et des communautés d’habitants de Guyane, se rejoignent face à l’Etat, dans le
cadre de cette problématique foncière2245.

2241
Jean-Philippe CHAMBRIER, membre du Grand conseil coutumier des populations amérindiennes et
Bushinenge de Guyane, redoute le non-renouvellement des concessions déjà accordées. Cf. l’article :
« Guyane : la restitution des terres aux Amérindiens à la peine », op cit.
2242
« La mise en œuvre des clauses financières du plan d’urgence Guyane », Observations définitives adoptées
par la Cour des comptes (réunie en formation interjuridictions), par délibération du 19 juin 2019, référence
S2019-1667, 88 pp.
2243
Idem. Ces demandes auraient notamment pour objectif, selon la CTG, l’aide foncière à la construction
d’établissements scolaires.
2244
« La mise en œuvre des clauses financières du plan d’urgence Guyane », document du 19 juin 2019,
référence S2019-1667, recommandation n° 6, pp. 24 à 26.
2245
À titre d’exemple, l’association des maires de Guyane a rendu publique, dans la presse locale, une motion
faisant valoir certains points et sollicitant des conditions de cession identiques pour les collectivités et les

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Par ailleurs, il convient de préciser qu’il n’y a pas en Guyane, comme à la Martinique
et à la Guadeloupe, beaucoup d’installations et de maisons en bord de mer. Il y a quelques
squats à Macouria, et des maisons installées de Cayenne jusqu’à Rémire (communes
résidentielles). Mais le rôle de la DEAL en Guyane française, est plus un rôle de régulation
foncière que de régularisation foncière, en raison du faible volume d’occupations sans titre
du domaine public maritime guyanais2246. La DEAL de Guyane intervient sur les projets
d’importance portés par l’Etat : opérations d’intérêt général, occupations du domaine public
maritime fluvial, travail d’enquêtes préalables à la délivrance de titres de propriété, etc. Elle
travaille en collaboration avec tous les autres intervenants publics.
Pendant la période où il a été possible de régulariser les occupants installés dans la
zone des 50 pas géométriques de Guyane, il y a peu de prétendants, de sorte qu’il a été décidé
de faire une sorte de régularisation massive générique2247. Un arrêté préfectoral a été pris, et
tous les privés installés dans les 50 pas géométriques, à cette date, ont été régularisés. Mais
les biens publics, sont demeurés dans la zone des 50 pas géométriques. En conséquence, en
1996, ce fût une régularisation foncière globale pour les personnes privées installées dans la
zone des 50 pas géométriques2248.
Par ailleurs, il convient de rappeler que la gestion de son domaine privé par l’Etat en
Guyane est pointée du droit, comme étant une gestion un peu stérile2249. Cette analyse rejoint
ainsi, en partie, celle faite par le rapport d’information du Sénat du 18 juin 20152250. On
observe une contestation de la légitimité de l’Etat, en tant que propriétaire foncier, dans
l’imaginaire collectif guyanais2251. En témoignent les problèmes rencontrés au niveau des
archives du Bureau des hypothèques de la Guyane, dont une partie a brûlé. Ainsi
l’occupation sans titre vaut presque titre en Guyane, concernant les terrains de l’Etat2252.
Les pratiques de régularisation foncière laissent apparaître quelques dérives dans les

peuples autochtones. Cf. : Franceinfo, THEBIA (Marie-Claude), « L’inquiétude des maires suite à la cession
annoncée de 250000 hectares de terres dans le cadre de l’Accord de Guyane », article de publié le 07 août 2019
sur le site : https://la1ere.francetvinfo.fr/guyane/foncier-inquietude-maires-suite-cession-annoncee-250-000-
hectares-terres-cadre-accord-guyane-736886.html.
2246
Entretien du 07 décembre 2016, accordé par Philippe LAUZI, op. cite.
2247
Entretien avec le Directeur de France Domaine, à Cayenne, François VILLENEUVE, le 17 novembre 2016.
2248
Entretien avec François VILLENEUVE, op. cite.
2249
Idem.
2250
CHARMARD-HEIM (Caroline), in MOHAMED SOILIHI (Thani), rapporteur coordinateur, GUERRIAU
(Joël), LARCHER (Serge), PATIENT (Georges), rapporteurs, « Domaines public et privé de l’État outre-mer,
30 propositions pour mettre fin à une gestion jalouse et stérile », rapport d’information du Sénat n° 538,
enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2015. Publié en ligne : http://www.senat.fr/rap/r14-538/r14-
5381.pdf.
2251
Entretien avec François VILLENEUVE, Directeur de France Domaine, du 17 novembre 2016, op cit.
2252
Idem.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

tentatives de récupération de foncier par les acteurs de la Guyane. S’agissant des cessions
par l’Etat, en pratique l’offre porte assez largement sur des cessions gratuites en matière
agricole, aux collectivités, y compris à la Collectivité territoriale de Guyane (CTG), à
condition qu’il y ait de véritables projets à l’appui. Quant aux autochtones, ils constituent
entre eux des associations ayant un droit d’usufruit, pour se porter acquéreurs de terrains2253.
S’agissant des cessions gratuites aux agriculteurs, le type de gestion qui existait au début de
la colonisation, basé sur la délivrance de nombreuses concessions, est demeuré. L’emploi
massif de baux emphytéotiques et de concessions agricoles portant sur plusieurs hectares,
au profit de personnes qui ne sont pas toujours de véritables agriculteurs2254, pour l’obtention
d’un bail emphytéotique portant sur plusieurs hectares de terres, allant de cinq hectares à
plus de cent hectares, est dénoncée2255. À l’issue d’un délai de dix ans, si les bénéficiaires ont
mis en valeur le terrain attribué par bail emphytéotique, ils ont droit à la cession gratuite des
cent hectares ; ce qui constitue une surface très importante. Le tout, pour une redevance
modique de 250 à 300 € l’année, à verser par des agriculteurs qui deviendront, en définitive,
propriétaires par cession gratuite2256. Lorsque les baux arrivent à échéance, certains
occupants restent toujours en place ; ce qui relance les situations d’occupations sans titre2257.
S’agissant des Amérindiens, ceux-ci peuvent se constituer en associations « loi 1901 »
pour demander à bénéficier de ZDUC (zones de droits d’usages collectifs), et des
concessions et cessions collectives. Ces contrats portent sur près de 40000 hectares. Il peut
s’agir des membres d’une même famille. Il s’agit d’une catégorie de la population qui
n’adhère pas au système juridique de la propriété privée, et dont la civilisation valorise le
partage, l’habitat collectif2258. Mais les ZDUC et les concessions semblent être des procédés
juridiques inadaptés pour certains qui proposent d’en étendre le champ aux petites activités
économiques, afin de promouvoir le développement2259. La commune d’Awala-Yalimapo,
dont le territoire est gouverné par des chefs coutumiers et par la municipalité, constitue un

2253
Entretien avec François VILLENEUVE, Directeur de France Domaine, du 17 novembre 2016.
2254
Des personnes très jeunes, déposent des dossiers auprès de la DAF (direction de l’agriculture et de la forêt).
2255
VILLENEUVE (François), entretien du 17 novembre 2016.
2256
Idem.
2257
Entretien avec François VILLENEUVE, ibidem. Pour ce haut cadre, dans l’imaginaire collectif de certains
guyanais, la valeur de la terre est relative. L’occupant sans titre considèrera qu’il peut s’installer n’importe où,
et qu’en définitive, France Domaine régularisera, à plus ou moins long terme cela démontre bien une gestion
un peu anarchique du foncier de l’Etat en Guyane. Il y a un rapport à la propriété un peu particulier, qui laisse
à penser que l’occupation sans titre est presque légitimée en Guyane française. Les limites de propriété sont
hasardeuses. Les actes notariés sont peu précis.
2258
Entretien avec François VILLENEUVE, op. cite.
2259
En Guyane, la norme, c’est deux hectares. Des associations foncières loi 1901 sont constituées en
Guyane2259. Un mouvement indépendantiste s’est revendiqué - économie collaborative : émancipation : la terre
aux guyanais.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

exemple de compromis entre deux cultures, et des systèmes juridiques fondés sur le droit
coutumier et le droit romano-civiliste2260.
Une professionnalisation de la régularisation foncière est souhaitée par certains
responsables du service France Domaine en Guyane française, avec instauration de
conditions et règles juridiques strictes2261. La pratique de l’association ne serait pas le cadre
juridique adapté. Les procédures de régularisation foncière actuellement prévues par le
CG3P seraient partiellement inadaptées à la Guyane2262.
Un autre type d’occupation sans titre est dénoncé en Guyane : celle des immigrés
clandestins, qui construisent illégalement. L’arrivée massive de centaines de personnes, pose
de toute évidence des problèmes d’aménagement, de politique foncière et de financement.
La Collectivité territoriale de Guyane réclame à l’Etat près de 100000 hectares, aux
fins d'études, notamment en matière de SIG, pour repérage des zones d'habitations sur la
Guyane. C'est le grand chantier en Guyane, et ce sont les terres et les richesses naturelles qui
font le lit des occupations sans titre.
Une meilleure prise en compte des institutions coutumières est souhaitable, au besoin
par la transformation de droits coutumiers en droit de propriété à la demande des
autochtones, sous réserve du respect de l’environnement et de la préservation de la forêt
amazonienne. Il y a nécessité d’une meilleure articulation entre le droit coutumier et le droit
commun a français, prémices d’une meilleure gestion foncière.
Par ailleurs, le cas de Mayotte, constitue un autre exemple de la nécessité d’un
compromis entre les deux systèmes fonciers (B) qui doivent être complémentaires au lieu de
s’opposer.

2260
DAVY (Damien), FILOCHE (Geoffroy), coordinateurs scientifiques, « Zones de droits d’usage collectifs,
concessions et cessions en Guyane française : bilan et perspectives 25 ans après » ; rapport du CNRS,
Observatoire Hommes / Milieux Oyapock, de l’Institut Écologie et Environnement, avril 2014, Cayenne, p.
95 et s., 166 pp.
2261
Règles rappelées dans des formulaires de demandes actuellement utilisés : formulaires de demande de
foncier (cession à titre onéreux, à titre gratuit ou bail commercial) ; formulaire de demande de foncier agricole
en vue de créer ou d’étendre une exploitation.
2262
Pour François VILLENEUVE, directeur du service France Domaine en Guyane, il y a une forme de
comportement comparable à la « quête de l’or », mais appliqué à la terre. Beaucoup de gens usent de
subterfuges pour obtenir des titres de propriété, sans pour autant être sur place. Pour ce professionnel de France
Domaine, les procédures prévues par le CG3P pour les terres agricoles semblent adéquates, mais celles prévues
pour les habitations sont inadaptées. Les critères ne sont pas remplis. Et les terres sollicitées par de nombreux
guyanais fonctionnent se calculent par hectares. Les 2500 m2 prévus par la loi sont dérisoires. Des associations
de type SCIA sont créés. Mais ces modalités sont inadaptées. Elles regroupent parfois plus de 160 occupants
sans titre qui se partageront les hectares obtenus par la SCIA par la suite. Il faudrait adapter la législation en
vigueur.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

B. À MAYOTTE : UN SYSTÈME DE PROTECTION FONCIÈRE


DUAL À VALORISER

La logique de substitution voudrait que soit substitué aux usages et coutumes locaux
un droit commun français vecteur de sécurité juridique et foncière en matière de
régularisation foncière. Mais les choix ne sont pas aussi simples, car ils exigent une prise en
compte et un compromis entre les droits coutumiers et le droit commun. Autrement, les
autochtones vivent cela comme une tentative de dépossession de leur patrimoine foncier
ancestral et mettent en œuvre des logiques de sécurisation foncière fondées sur l’occupation,
soit parallèlement, soit à la place de la régularisation foncière par titrement.
La collectivité départementale de Mayotte a eu la compétence de régularisation
foncière sur tout le territoire et avait créé un service particulier de régularisation foncière
dont le but était de reconnaître le droit local. Une personne reconnue par un certain nombre
de témoins pouvait obtenir un droit de propriété sur la parcelle, mais en dehors des 50 pas
géométriques2263. Les services de la collectivité étaient chargés de transférer le droit de
propriété de la collectivité au profit de ces personnes. Toutes les parcelles n’ayant pas de
titre étaient censés appartenir par défaut à la collectivité, et dépendre du domaine public par
défaut2264. Ce type de transfert par défaut, est à distinguer des parcelles appartenant en propre
à la collectivité, dont elle est devenue propriétaire par les moyens ordinaires2265.

1) Dérives de la régularisation par le droit commun en zones rurale et


urbaine

La mission de régularisation foncière du Centre national pour l’aménagement des


structures des exploitations agricoles (CNASEA), en 1995, avait pour objectif de régulariser
l’occupation coutumière et de constituer des réserves foncières. Mais son objectif principal
était l’adaptation aux réglementations métropolitaines.
S’agissant du procédé de régularisation foncière par substitution, Carole BARTHES
observe que le processus de mise aux normes accéléré de l’Etat, à Mayotte, s’applique à tous
les secteurs socio-économiques, dans une logique de substitution, là où la solution du

2263
Entretien en date du 13 janvier 2017, avec Elsa BADROUZAMANI, ancien cadre de la DEAL de Mayotte,
et cadre à la DEAL de Martinique.
2264
Il fallait désigner une administration pour transférer la propriété. C’est la collectivité de Mayotte qui en a
été récipiendaire. Avant ce transfert vers la collectivité, c’était l’Etat qui devenait propriétaire par défaut.
2265
Entretien en date du 13 janvier 2017, avec Elsa BADROUZAMANI, op cit.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

compromis serait plus pertinente pour composer avec l’existant2266.


Le législateur a pris en compte partiellement cette donnée dans la législation de 1996,
à propos de la Guadeloupe et de la Martinique notamment, par le biais de l’ancienneté
d’occupation. Ce critère pourrait devenir, avec d’autres, un critère-phare et fiable de
compromis entre droit coutumier et droit commun français.
La mise en place de procédures de régularisation foncière à Mayotte a entraîné un
conflit entre plusieurs sources de légitimité juridique : le droit coutumier dont le garant est
le chef du village, le droit musulman ou droit cadial dont le garant est le cadi, et le droit
positif français2267. La standardisation du droit positif a conduit à une déstabilisation du droit
coutumier, en enlevant de manière directe toute légitimité aux pratiques d’appropriation et
de sécurisation foncières déjà existantes à Mayotte. Il en est ressorti une incertitude sur le
statut juridique des terres à Mayotte, qui a conduit les acteurs concernés à utiliser la pluralité
des normes et des instances de régularisation existantes, afin de consolider et défendre leurs
droits fonciers existants ou pour en acquérir d’autres, par priorité à la régularisation.
Des pratiques d’appropriation opportunistes se sont donc développées, s’appuyant à la
fois sur le droit positif et sur le droit coutumier2268. Certains Mahorais ne détenant qu’un droit
d’usage délégué sur les terres, en vertu de la coutume, ont mobilisé le droit positif en vue de
l’obtention d’un droit de propriété. En adoptant les principes promus pour les opérations de
régularisation foncière, ces occupants de longue date font valoir vis-à-vis de
l’Administration, des qualités de propriétaire légitime de parcelles dont ils ne sont pas
propriétaires en vertu du droit Mahorais. Parallèlement, les véritables propriétaires, qui leur
avaient délégué des droits, ou leurs descendants, revendiquent la propriété coutumière de
ces terrains. En conséquence, les deux catégories d’individus se considèrent comme
propriétaires de parcelles, la première, en vertu des principes applicables aux opérations de
régularisation foncière, la seconde, en vertu de la coutume Mahoraise2269. Dans d’autres cas,
des ayants-droit s’approprient une parcelle plus grande que celle dont ils pourraient

2266
BARTHES (Carole), Effets de la régularisation foncière à Mayotte. Pluralisme, incertitude, jeux d’acteurs
et métissage, P. 99 à 114, in Économie rurale, Agricultures, Alimentations, Territoires. 313-314, Septembre –
décembre 2009, consultable sur le site internet : http://economierurale.revues.org/2376.
2267
L’interférence entre ces trois sources de droits, peut être illustrée et démontrée à travers un exemple évoqué
par Carole BARTHES2267 : le conflit de « Tréléni ». Cet exemple illustre bien le conflit entre la justice
cadiale2267 et le droit commun français, à l’occasion de la réforme de 1996 ; suivie d’autres réformes.
2268
L’utilisation de ces pratiques dépend du niveau d’information des individus, notamment concernant la
procédure d’immatriculation foncière.
2269
Réflexions issues de l’article de BARTHES (Carole), Effets de la régularisation foncière à Mayotte.
Pluralisme, incertitude, jeux d’acteurs et métissage, P. 99 à 114, in Économie rurale, Agricultures,
Alimentations, Territoires. 313-314, Septembre – décembre 2009, consultable sur le site internet :
http://economierurale.revues.org/2376.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

légitimement se prévaloir en vertu de leur héritage, par la pratique de la mise en valeur des
terres, l’Administration délivrant des titres de propriété sur cette base2270.
Toutes ces pratiques offensives ont donné naissance à des conflits, difficiles à
solutionner, mobilisant diverses sources de droit ou de légitimité : le Cadi, la gendarmerie,
et le sage du village. En conséquence, les conflits et concurrences entre acteurs, en vue de
l’appropriation des terres, se sont multipliés, dans un contexte de pluralité normative et
institutionnelle non contrôlée, générant des incertitudes. Ces conflits trouvent leurs sources
dans la pluralité des instances de régularisation foncière, plus que dans la disparition
progressive de ces instances ou dans la rareté des terres.
La recrudescence des conflits fonciers à Mayotte est liée à la systématisation du
recours au droit commun. Ces conflits démontrent une remise en cause des droits locaux,
plus qu’une absence de sécurité desdits droits, qui se retrouvent déstabilisés dans leur
légitimité par la réforme foncière2271. Les conflits fonciers persistant à Mayotte ne
démontrent pas spécifiquement un besoin de changement institutionnel. Ils sont l’expression
de contradictions potentielles entre le droit local et le droit positif ; contradictions que les
acteurs mettent à profit dans les stratégies d’affirmation ou de défense de leurs droits. Ils ne
sont paradoxalement pas révélateurs d’une nécessité d’immatriculation foncière, et ce,
malgré une forte pression foncière apparente, une insertion progressive de l’agriculture dans
les circuits commerciaux et une individualisation des droits fonciers.
En définitive l’immatriculation foncière reste réduite et la réforme foncière ne semble
pas l’activer en zone rurale. Très peu de titres de propriété ont été remis à leurs bénéficiaires
à la suite de la procédure de régularisation foncière conduite dans les villages2272.
Inversement, en zone urbaine, la mise en place du régime de la propriété privée a
généré un nombre croissant d’immatriculations, avec un pic dans les années 19902273. On a
pu observer corrélativement une diminution progressive des superficies moyennes des
parcelles titrées. En 1998, plus de la moitié des terrains privés figurant au nom d’un
particulier accusait une surface inférieure à un hectare. La plupart des actes soumis à
l’enregistrement concernent de petites surfaces destinées à l’habitat. La raison peut être

2270
BARTHES (Carole), Effets de la régularisation foncière à Mayotte […],idem.
2271
Les Mahorais mobilisent simultanément, au cas par cas, et de manière opportuniste, les normes, instances
d’arbitrage, et formes de légitimité issues du droit coutumier ou du droit positif.
2272
BARTHES (Carole), Effets de la régularisation foncière à Mayotte. Pluralisme, incertitude, jeux d’acteurs
et métissage, P. 99 à 114, in Économie rurale, Agricultures, Alimentations, Territoires. 313-314, Septembre –
décembre 2009 : Varia. http://economierurale.revues.org/2376#bodyftn2.
2273
Idem.

642
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

trouvée dans l’exigence d’un titre de propriété pour toute demande de permis de construire
ou pour toute demande permettant de bénéficier d’un programme d’habitat social2274.
En revanche, en zone agricole les propriétaires coutumiers ne procèdent guère à
l’immatriculation de leur terrain, que ce soit en zone agricole hors cadre ou dans le cadre de
la régularisation foncière, car l’administration n’avait jamais exigé auparavant des Mahorais
qu’ils justifient d’un titre de propriété. De plus les propriétaires coutumiers justifient de
garanties suffisantes pour justifier de leur statut de propriétaire vis-à-vis de leur
communauté. Ainsi, plus encore que le titre de propriété, c’est « l’inscription dans la
communauté » qui constitue l’élément fondamental de la sécurisation de l’accès aux
ressources foncières2275.
D’autres facteurs, dont la longueur des procédures d’immatriculation, leur complexité,
leur coût, ainsi que l’absence de maîtrise de ces procédures par les Mahorais, sont de nature
à décourager leur recours à la régularisation foncière. En outre ils ont encore largement
recours aux autorités coutumières, malgré leur fragilisation par l’intervention publique.

2) Droit coutumier et droit commun : un même objectif de protection


foncière

En définitive, en raison du pluralisme légal et institutionnel et d’un droit positif qui se


présente comme supérieur, les Mahorais mobilisent des formes multiples de sécurisation de
leurs droits fonciers, selon qu’ils entendent faire valoir leurs droits vis-à-vis de la
communauté, de l’administration ou d’étrangers. Ils reconnaissent volontiers la nécessité
d’être en possession d’un titre de propriété leur conférant une totale sécurité, ce qui les incite
à faire immatriculer leurs terres. Mais, paradoxalement, cette volonté de possession d’un
titre de propriété constitue une démarche qui vise plus à les protéger des risques de
dépossession provenant de l’administration et des étrangers, éléments extérieurs à la
communauté de connaissances, auxquels s’ajoutent des opportunistes influents2276.
Ainsi, l’objectif des Mahorais est de se protéger des effets pervers possibles de la
législation métropolitaine, plutôt que de sécuriser des droits susceptibles d’être remis en

2274
BARTHES (Carole), Effets de la régularisation foncière à Mayotte. Pluralisme, incertitude, jeux d’acteurs
et métissage, op cit.
2275
BARTHES (Carole), pp. 99 à 114, op cit.
2276
Idem. Carole BARTHES démontre que la régularisation foncière à Mayotte engendre de nouveaux rapports
fonciers qui se traduisent, non pas dans l’acceptation passive par les Mahorais de l’intervention publique, mais
dans la mise en place par ceux-ci de nouvelles stratégies foncières. Ces stratégies mettent à profit la pluralité
des ressources normatives et de pouvoirs, pour une utilisation de la réforme et des autres sources de légitimité
et de pouvoir, au profit des intérêts et objectifs particuliers de chacun des acteurs.

643
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

cause localement ; et ce d’autant plus que les organismes de développement considèrent


souvent les terres inoccupées comme vacantes et sans propriétaires, ignorant ainsi de
manière volontaire ou pas, les droits existants des Mahorais. En définitive, les Mahorais
cherchent à se doter d’un titre de propriété pour protéger leurs droits fonciers préexistants.
Mais dans la plupart des cas, l’immatriculation n’est pas indubitablement retenue, car son
coût est prohibitif, en comparaison avec les risques de spoliation foncière encourus.
Toutefois, pour de nombreux Mahorais, la sécurisation par la seule inscription dans la
communauté n’est plus suffisante, d’où leurs pratiques tendant à consolider leurs droits
coutumiers sur le foncier non titré, face à des revendications pouvant se réclamer du droit
positif. La sécurisation passe ainsi par la création de pratiques d’arrangements, notamment
par des appels à témoin, ou la signature d’écrits, tels que sus dit, qui constituent des formes
d’interactions particulières de la loi avec les institutions locales ; mais aussi par la
modification des modalités d’application du droit coutumier2277.
Il demeure qu’à Mayotte, la législation est imprécise et incomplète et que les droits
engendrés par la réforme foncière sont ambigus ; ce qui entraîne, pour les différents acteurs
fonciers, une grande marge d’interprétation. En raison du pluralisme juridique inhérent à
chaque institution, l’autorité compétente et les normes et règles applicables sont variables.
Les normes et règles applicables en la matière sont perçues comme non absolues, laissant la
place à des négociations et actions. L’individu candidat à la régularisation foncière peut jouer
sur plusieurs registres de normes et multiplier ainsi ses chances de résultat.
Toutefois, le système foncier Mahorais met à jour une capacité à générer, même de
manière provisoire, des solutions locales concrètes, au cas par cas, de compromis ou non.
Carole BARTHES parle de pratiques foncières effectives plurielles, ancrées dans la
modernité, mais aussi dans la coutume, dans le formel, mais aussi dans l’informel ; à cheval
sur toutes ces catégories2278. Ces pratiques foncières sont mouvantes, car les acteurs fonciers
évoluent dans un contexte changeant. Ils passent d’un régime normatif à un autre, en fonction
des lieux, moments, et relations en cause. Les Mahorais tirent donc partie des nouvelles
opportunités de la réforme foncière, mais parallèlement se protègent des risques encourus.
Il existe donc, d’après Carole BARTHES, une polysémie des pratiques foncières

2277
BARTHES (Carole), Effets de la régularisation foncière à Mayotte. Pluralisme, incertitude, jeux d’acteurs
et métissage, P. 99 à 114, in Économie rurale, Agricultures, Alimentations, Territoires. 313-314, op. cit.
L’auteure observe une évolution similaire dans des régions rurales d’Afrique de l’Ouest, fondée sur une
demande sociale de sécurisation foncière des transactions et droits fonciers par l’écrit et les conventions, plus
explicites que les registres de la coutume ou de l’oralité, afin de se prémunir contre les risques de contestations.
2278
BARTHES (Carole), Effets de la régularisation foncière à Mayotte […], idem.

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caractérisées par l’interaction de normes multiples utilisées de manière opportuniste. C’est


une caractéristique fréquente des modes de fonctionnement dans certains pays d’Afrique et
d’Amérique Centrale2279.
À Mayotte, ces pratiques peuvent être perçues comme une solution à l’inadaptation
des normes et règles modernes mais aussi traditionnelles, à la problématique foncière et aux
difficultés qu’elle engendre. Le pluralisme légal et institutionnel apparaît alors comme
offrant des opportunités d’adaptations, au cas par cas, à des situations foncières diverses.
Ces pratiques trouvent leur fondement social et idéologique dans la coutume, au moins pour
partie. Elles ont comme fonction sociale de « produire un changement sans rupture nette
avec l’existant, par ajustement permanent, en maintenant la cohésion et les rapports
sociaux »2280. Elles tendent à atténuer les conflits et inégalités, ainsi que les risques de
déstabilisation sociale. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de « perdant » dans la mesure où
les acteurs fonciers ne réagissent pas de la même manière et ne détiennent pas le même
niveau d’information. Ainsi, certains conflits, tel celui de Tréléni, mettent du temps à trouver
une issue adaptée2281.
La régularisation foncière mise en place à Mayotte a entamé la légitimité de la
coutume, car elle a conduit à des adaptations, sans véritablement contraindre, ce qui a permis
aux occupants de se réapproprier les procédures proposées de l’extérieur. Carole BARTHES
parle alors « d’endogénéïsation » d’opportunités et de contraintes nouvelles, par les acteurs
qui tout en souhaitant respecter la coutume, n’en souhaitent pas moins s’affranchir de
certains de ses inconvénients2282.
Il serait bon d’associer systématiquement les cadis et les chefs coutumiers aux
opérations de régularisation foncière. Il serait bon qu’ils endossent un rôle officiel de «
médiateurs » entre les Mahorais et les institutions de l’État français, de manière à faciliter
les transitions rendues nécessaires par le statut de collectivité territoriale. En effet, ce statut
tend à y substituer un statut de droit commun à la place du droit local musulman2283.
La fiscalité Mahoraise s’est alignée sur le droit commun, ce qui devrait permettre aux
communes et à la collectivité départementale de disposer de moyens financiers plus
conséquents (impôts locaux et dotations). La mise en place et la bonne tenue d’un Cadastre

2279
BARTHES (Carole), Effets de la régularisation foncière à Mayotte […], op. cit.
2280
BARTHES (Carole), pp. 99 à 114, idem.
2281
Ibidem.
2282
Passim.
2283
BERTILE (Wilfrid), Mayotte à l’heure de la départementalisation, éditions « L’Harmattan », Paris, 2012.
Numérique, emplacement 1308 sur 5247.

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à Mayotte semble incontournable pour la perception des impôts de droit commun. L’État
français demeure encore prépondérant à Mayotte, sans pour autant pouvoir empêcher la
montée du pouvoir des collectivités territoriales. Le droit coutumier a pendant longtemps
régi le quotidien des Mahorais, et continue d’être omniprésent dans le paysage foncier
Mahorais, nonobstant les politiques foncières étatiques tendant à y substituer un système
civiliste. Mais « on a fait de Mayotte un copié-collé de ce qui existe dans les autres
départements français »2284.
Mais il demeure d’intérêt public pour le législateur, de favoriser un compromis entre
le droit non écrit (coutumier, cadial, local), et le droit commun français, pour une
régularisation foncière plus efficiente. Il serait judicieux pour le législateur de prendre en
compte les particularismes fonciers locaux, de manière à conduire progressivement la
population Mahoraise vers la régularisation foncière par titrement, qui demeure mieux à
même, à notre époque, de constituer une véritable preuve du droit de propriété, dans une
société de plus en plus républicaine où la valeur de la parole donnée recueille très peu de
place face à l’écrit authentique.
En effet, il existe un double système de protection de droits fonciers à Mayotte, dont
l’originalité mériterait d’être valorisée par le législateur. Car le droit coutumier est un
système de sécurisation interne à la communauté Mahoraise, et le droit positif commun
constitue un système de sécurisation des droits fonciers externe à la communauté Mahoraise.
Il s’agit d’un processus dual qui mériterait d’être mieux encadré par le législateur. Une
articulation entre la sécurisation foncière par l’inscription dans la communauté et la
sécurisation foncière par le titre formel est possible et souhaitable, les deux pratiques ne
s’excluant pas nécessairement.
Par ailleurs, à côté des coutumes et usages locaux, il existe des pratiques et procédés
parallèles qui méritent d’être pris en compte dans le cadre d’un droit de la régularisation
foncière outre-mer (§2).

BERTILE (Wilfrid), Mayotte à l’heure de la départementalisation, éditions « L’Harmattan », Paris, 2012.


2284

Numérique, emplacement 3397 sur 5247.

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§ II. PRISE EN COMPTE DE PRATIQUES ET PROCÉDÉS


PARALLÈLES

Le droit de propriété, droit exclusif2285, « naturel », « imprescriptible », et protégé,


caractérisé par l’usus, l’abusus et le fructus2286, constitue un droit au caractère absolu, qui est
l’expression même de la liberté individuelle. Toutefois, ainsi qu’il a été démontré en amont,
cet absolutisme foncier tombe devant certaines situations prévues par les lois et les
règlements et en présence de l’intérêt général. De même, la théorie jurisprudentielle de
l’abus de droit2287, permet d’y mettre un frein2288. Ainsi, le droit de propriété a un caractère
perpétuel, qui ne se perd pas par le non-usage et qui n’est pas limité dans le temps.
Cependant, certains procédés ou pratiques, à l’instar de la prescription acquisitive ou
usucapion, permettent de faire échec à cette dernière règle, à titre de sanction du propriétaire
principal ou de consécration d’une longue durée de détention en tant de propriétaire.
Dans ces cas de figure, faciliter l’usucapion dans le domaine privé des personnes
publiques ou dans certains cas de régularisation foncière sur une propriété privée limitrophe,
ou d’autres procédés parallèles, peut, si les conditions en sont remplies, constituer une
solution alternative permettant d’accélérer certaines procédures de régularisation foncière
outre-mer, à moindre coût pour la personne publique régularisatrice.
Certes, les personnes publiques ou privées propriétaires peuvent se sentir lésées en
présence du jeu de la prescription trentenaire, et doivent s’y opposer lorsque les conditions
n’en sont pas remplies, avant d’éviter la spoliation de leur propriété. Toutefois, lorsque les
conditions de l’usucapion sans remplies et que cette dernière est faite sans opposition de la
part du propriétaire public, voire même avec son accord, elle peut être une modalité de
régularisation foncière efficiente et peu coûteuse pour la collectivité.
Dans tous les cas, la tendance va vers un assouplissement et une sécurisation des droits
résultant de la prescription acquisitive ou de la longue durée de possession d’un bien
immobilier. En témoigne la décision du Conseil constitutionnel du 04 février 2011 2289, qui

2285
Le droit de propriété est un droit exclusif, en ce sens qu’il ne peut être limité par des droits concurrents. À
cet effet, le véritable propriétaire peut intenter toute action en revendication appropriée devant les tribunaux.
2286
Ce sont les droits d’user de la chose, d’en percevoir les fruits, et de disposer de la chose de la manière la
plus absolue.
2287
MINGAM (Christine), DUVAL (Astrid), « L'abus de droit, état du droit positif » ; in : Revue juridique de
l'Ouest, 1998-4. pp. 543-570. En ligne : www.persee.fr/doc/juro_0990-1027_1998_num_11_4_2487.
2288
Article 544 C. civ. : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue,
pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »
2289
CC, 4 février 2011, DC n° 2010-96 QPC, M. Jean-Louis L., AJDA 2011, 246.

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admet la contestation de la constitutionnalité de l’interprétation jurisprudentielle constante


donnée à une disposition constitutionnelle, même si, sur le fond, elle confirme la position
traditionnelle du juge français2290.
Témoignent également de cet assouplissement liée à longue durée de possession du
bien, les dispositions de la loi du 06 mars 2017 visant à favoriser l’assainissement cadastral
et la résorption du désordre de propriété2291, et celle du 28 février 2017 de programmation
relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et
économique2292. Ces deux lois ont permis de renforcer la sécurité du possesseur d’un bien
immobilier qui en acquiert la propriété par l’usucapion ou prescription acquisitive. Le bien
immobilier concerné doit être situé en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion,
à Mayotte, à Saint-Martin et en Corse. Lesdites lois permettent au possesseur d’un tel bien
de faire constater la prescription acquisition à son profit par l’établissement d’un acte de
notoriété prescriptive qui deviendra inattaquable judiciairement s’il n’a pas été contesté dans
le délai de cinq ans à compter de sa publication au service de la publicité foncière.
La nécessité de l’adoption, dans les procédures de régularisation foncière, de pratiques,
usages locaux et procédés de régularisation foncière parallèles n’est plus à démontrer, car
leur absence de prise en compte favoriser l’occupation sans titre outre-mer, ces
problématiques étant liées.
Par ailleurs, la « Loi Letchimy » sur l’indivision s’est en partie attaquée à ce
problème2293. Sa teneur est rappelée aux présentes. L’idée est d’enrichir et d’adapter les
procédures de régularisation foncière à la réalité des collectivités territoriales situées outre-
mer, avec des pratiques et procédés juridiques qui ont déjà fait leur preuve ou en prenant en
compte des procédés de régularisation foncière parallèles.
Il s’agit notamment d’examiner l’enjeu d’une admission mesurée (sous contrôle du
juge) de la prescription acquisitive dans le cadre des procédures de régularisation foncière
(A), et d’étudier l’intérêt de l’emploi de procédés parallèles pour améliorer la régularisation
foncière outre-mer (B).

2290
LLORENS (François), ODENT (Brunon) et LAVIALLE (Christian), « Les titres d’occupation de la « zone
des cinquante pas géométriques » : le droit français au droit de la Convention européenne des droits de
l’homme », RFDA, « Biens et travaux », novembre-décembre 2012, pp. 1159 à 1171.
2291
Loi n° 2017-285 du 6 mars 2017 visant à favoriser l'assainissement cadastral et la résorption du désordre
de propriété, publiée au JORF n°0056 du 7 mars 2017, texte n° 1.
2292
LOI n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres
dispositions en matière sociale et économique, publiée au JORF n°0051 du 1 mars 2017, texte n° 1.
2293
Loi n° 2018-1244 du 27 décembre 2018, publiée au JORF n° 0300, du 28 décembre 2018, texte n° 1.

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A. ENJEU DE L’ADMISSION DE LA PRESCRIPTION


ACQUISITIVE SOUS CONTRÔLE JUDICIAIRE

Il convient de rappeler que les dispositions du code civil permettent au possesseur d’un
terrain, qui en a eu la possession de manière continue et non interrompue, paisible, publique,
et non équivoque pendant plus de trente ans, de faire constater à son profit la prescription
trentenaire, contre le véritable propriétaire. En effet, le législateur prévoie, par les
dispositions des articles 2260 à 2275 modifiés du code civil2294, des possibilités d’acquisition
par prescription en raison de l’écoulement d’une longue durée de détention d’un bien
immobilier. Ce titre est cependant fragile, car le droit de propriété acquis par prescription
trentenaire peut, à son tour, faire l’objet d’une contestation devant les tribunaux judiciaires
par un propriétaire revendiquant un droit de propriété concurrent, celui-ci ne se perdant pas
par le non-usage2295.
Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent pas à l’occupation sans titre, celle-ci étant
par définition même illégale. Un occupant sans titre ne saurait donc profiter de l’illégalité
de sa situation foncière pour entériner un droit de propriété sur le bien du propriétaire lésé.
Mais, certains occupants sans titre, las d’attendre une régularisation foncière qui
n’arrive pas, n’hésitent pas à intenter des actions en justice pour faire entériner par le juge
judiciaire, une prescription acquisitive contre le véritable propriétaire, personne publique ou
privée2296 et certaines procédures aboutissent. Par ailleurs, certains occupants sans titre ne
veulent pas régulariser leur occupation par une acquisition à titre onéreux, se considérant
comme étant déjà propriétaires, en raison de leur longue durée d’occupation du sol, sans
opposition notable de la part du propriétaire. Parfois l’opposition à la régularisation foncière
par titrement peut provenir de l’orientation politique de l’occupant2297.
Il est donc incontournable d’examiner dans quelle mesure l’usucapion peut constituer
une aide à la régularisation foncière, à travers différents types d’usucapion.

2294
Articles modifiés par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 de réforme de la prescription en matière civile.
2295
Le juge judiciaire saisi d’une telle action en revendication, a autorité pour trancher le litige opposant le
propriétaire titulaire d’un titre de propriété, au possesseur ayant fait valoir l’usucapion.
2296
CA Fort-de-France, ch. civ., 25 avr. 2017, n° 15/00735. En ligne : https://www.doctrine.fr/d/CA/Fort-de-
France/2017/CF1730F37408CE4390466. Dans cette affaire, la Cour rappelle qu’aux termes des articles 2261
et suivants du Code civil, pour prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique
et non équivoque, mais aussi et surtout une possession à titre de propriétaire.
2297
Certains occupants sans titre estiment que la commune ne peut pas les forcer à acquérir et qu’il y a fort peu
de risque que la personne publique les expulse, en raison des enjeux électoraux.

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1) L’usucapion de type « historique »

Il existe des cas où l’occupant sans titre pourrait faire jouer à son profit la prescription
trentenaire, s’il s’est comporté en véritable propriétaire et remplit les conditions énoncées
aux articles 2260 à 2275 du Code civil. Il s’agit des cas évoqués en amont, concernant
certains occupants de la zone des cinquante pas géométriques, titulaires de titres de propriété
non validés pour cause de forclusion, et qui se sont comportés en propriétaires, à une période
où ladite zone dépendait du domaine privé de l’Etat. Cette problématique a déjà été évoquée
dans la première partie de la présente étude.
En effet, il convient de rappeler que lors du passage de la zone des cinquante pas
géométriques dans le domaine privé de l’Etat en 1955, cette zone s’était trouvée soumise
aux règles de gestion du domaine privé, et par conséquent, devenue essentiellement aliénable
et prescriptible. L’article 5 du décret de 1955, sans nier la possibilité de prescriptions
acquisitives dans la zone des cinquante pas géométriques à cette époque, les avait
conditionnées à la délimitation de ladite zone2298. Or, la date de clôture des délimitations
devait être fixée par arrêté interministériel qui n’avait toujours pas été pris à la date de la
vérification des titres par la commission2299. À cet égard, la jurisprudence de la seconde
commission de vérification des titres a confirmé le fait que les juridictions n’ont pas pris en
compte l’incorporation des parcelles de la zone des cinquante pas géométriques dans le
domaine privé de l’État et ont déclaré étant inopposables à l’État, quelle que soit l’ancienneté
de l’occupation, les titres et les droits non soumis à la première commission de vérification
des titres ou non validés par elle2300.
Mais paradoxalement, les titres validés par la commission devaient concerner les
terrains dont la détention par le requérant2301 n’avait été contrariée par aucun fait de
possession d’un tiers au 1er janvier 1995. Cette précision semble admettre le jeu de la
possession contre un titre privé, car plus clairement, la loi imposait au requérant la condition
qu’à la date du 1er janvier 1995, sa détention n’ait pas elle-même été troublée par le fait
d’occupation d’un tiers.
En conséquence, en la circonstance présentement évoquée, la carence de
l’administration a privé les occupants de bonne foi de la possibilité de réclamer le bénéfice

2298
En précisant que les prescriptions ne pouvaient commencer à courir qu’à partir de la date de clôture des
opérations de délimitation de la réserve des cinquante pas.
2299
ROSIER (Guy), L’enracinement créole, Chronique de l’extinction du régime colonial aux Antilles
françaises : la zone des cinquante pas géométriques, Éditions L’Harmattan (Paris), 2006, p. 22 et ss, 125 p.
2300
Cf. développements effectués en amont.
2301
Le requérant peut être une personne physique ou morale.

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de l’usucapion prévu aux articles 2260 à 2275 du Code civil, et de l’opportunité d’acquérir
par prescription acquisitive, la propriété de terrains de la réserve des cinquante pas
géométriques, à une époque où celle-ci dépendait du domaine privé de l’Etat, créant ainsi
une source de mise en cause de la responsabilité de l’État.
Il convient de rappeler que l’article 2 du décret du 21 mars 1882 avait autorisé la
délivrance au profit des détenteurs de terrains à bâtir situés dans les villes, bourgs et villages,
sur la zone des cinquante pas géométriques réservés à l’État, de « titres de propriété définitifs
et incommutables », notamment pour les terrains occupés antérieurement au 9 février 1827
et détenus publiquement et paisiblement depuis cette période. Ainsi qu’il a été sus dit, il
s’agissait d’une sorte de validation par prescription acquisitive. Dans le même ordre d’idées
et en vertu du même texte, les terrains occupés depuis le 9 février 1827 en vertu de
permissions administratives dûment délivrées, ainsi que ceux bâtis énumérés à l’article 3
dudit décret, pouvaient bénéficier de titres de propriété. Il était donc loisible au législateur
d’étendre ce type d’acquisition par prescription, aux terrains occupés pendant la période où
la zone des cinquante pas géométriques était tombée dans le domaine privé de l’État, à la
suite du décret de 1955.
La question de la délimitation ne devrait pas constituer une échappatoire pour l’État,
dans la mesure où il s’agissait d’une condition potestative et non suspensive, dont
l’exécution ne dépendait que de l’État lui-même, débiteur de l’obligation2302. Car, si ces faits
devaient être analysés sous l’angle du droit privé, la question de leur licéité se trouverait
posée sous l’angle de la condition2303. En effet, en droit civil, la condition potestative est
valable si sa réalisation dépend de la volonté du créancier, mais illicite si sa réalisation ne
dépend que de la volonté du débiteur de l’obligation, ainsi qu’il résulte de l’article 1304-2
nouveau du code civil2304. Celui-ci sera tenté de ne l’exécuter que s’il le veut et de ne faire
aucune diligence à l’effet de la réaliser. On parle alors de condition « purement

2302
Cette condition purement potestative, ne serait pas valable, car dépendant de la seule volonté du débiteur.
2303
En droit civil, la condition est l’élément de validité ou d’efficacité d’un acte, d’un contrat, qui fait dépendre
l’existence d’un droit, d’un évènement futur dont la réalisation est incertaine. La condition est dite suspensive
lorsque le droit ne naît rétroactivement que si l’évènement se produit. Elle est résolutoire lorsque le droit, déjà
né, disparaît rétroactivement avec la survenance de l’évènement. Elle est dite « potestative » quand elle dépend
de la volonté de l’une des parties à l’acte juridique.
2304
Il résulte de l’article 1304-2 du code civil, tel qu’il est issu de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février
2016, entrée en vigueur le 1er octobre 2016 réformant le code civil, que : « Est nulle l’obligation contractée
sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur. Cette nullité ne peut être invoquée
lorsque l’obligation a été exécutée en connaissance de cause ».

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potestative »2305. Or la condition de délimitation évoquée pour la zone des cinquante pas
géométriques semble purement potestative. Elle ne peut être qualifiée de condition
simplement potestative, ni de condition mixte. De surcroît, pour être qualifiée de condition
mixte, il aurait fallu prouver que toute diligence a été accomplie à l’effet de sa réalisation ;
ce qui n’a pas été démontré dans le cas évoqué.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 23 septembre 19822306, a considéré que le critère
potestatif2307 est rempli dès lors que l’exécution de la convention dépend d’un événement
qu’il est au seul pouvoir de l’acquéreur de faire survenir. À contrario, elle a considéré, dans
un arrêt du 22 novembre 1989, que les conditions de la potestativité ne sont pas remplies,
dès lors que la réalisation de la condition dépend, non seulement de la volonté du débiteur,
mais aussi de circonstance objectives, susceptibles d’un contrôle judiciaire2308.
Ce parallèle avec la notion de potestativité applicable en droit civil dans les relations
contractuelles, démontre l’inconfort de la position de l’État dans l’éjection du jeu de la
prescription acquisitive dans la zone des cinquante pas géométriques outre-mer. Ce rejet
pourrait être qualifié d’abusif, dans la mesure où l’État, dans la situation évoquée, est à la
fois juge et partie. L’Etat se retrouve dans la situation du débiteur de la condition potestative
du code civil, ce qui devrait militer en faveur de l’illicéité de la condition énoncée à l’article
5 du décret de 1955.
Cependant, il convient de remarquer que dans la cadre d’une régularisation foncière
par prescription, les prescriptions abrégées de dix ou vingt ans des articles 2260 à 2275 du
code civil, sont difficilement envisageables en l’absence d’un juste titre, si les conditions en
sont remplies. Quant à la notion de bonne foi, l’article 2274 stipule qu’elle est toujours
présumée et l’article 2275 du code civil, qu’il suffit qu’elle ait existé au moment de
l’acquisition2309.

2) Le contrôle judiciaire dans le cadre d’un processus de judiciarisation

Des décisions récentes montrent que les juridictions judiciaires ne sont pas réfractaires
à la reconnaissance de la prescription trentenaire au profit d’un occupant et à l’encontre

2305
Si la condition est simplement potestative comme dépendant à la fois de la volonté du débiteur et d’une
circonstance extérieure à cette volonté, elle est licite. Il en est de même si cette condition est mixte, comme
dépendant de la volonté de l’une des parties et d’un tiers.
2306
Com., 23 septembre 1982, Bull. civ. IV, n° 284.
2307
Condition potestative.
2308
Civ. 1re, 22 novembre 1989, Bull. civ. I, n° 355.
2309
Il faut prendre en considération l’insertion de cet article dans le cadre d’une prescription abrégée, en
présence d’un juste titre.

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d’une personne publique. En témoigne un arrêt rendu en ce sens par la Cour d’Appel de Fort-
de-France, le 09 janvier 2018, aux termes duquel la Cour a reconnu la requérante comme
étant seule et incommutable propriétaire de la parcelle occupée, appartenant pourtant à la
Commune de Fort-de-France qui l’avait acquise des mains des précédents propriétaires2310.
Dans cet arrêt, la Cour d’appel de Fort-de-France, le 9 janvier 2018, a confirmé la
demande en revendication d’une plaignante, invoquant la prescription acquisitive,
concernant un terrain appartenant à la commune de Fort-de-France, sur lequel repose une
construction édifiée par son grand-père. En l’espèce, la commune de Fort-de-France s’est
vue évincée par l’occupant, pour la portion sur laquelle celle-ci avait fait construire sa
maison d’habitation2311. Ce qui gêne dans cette affaire, c’est qu’il n’a pas été tenu compte
des interruptions de délais interrompant la prescription. En revanche, la circonstance que la
plaignante et ses auteurs2312, ont toujours payé la taxe foncière, ont conclu des baux au profit
de locataires, diligenté des procédures d’expulsion contre lesdits locataires, etc., a joué en
faveur de la reconnaissance de la prescription acquisitive. Parallèlement, le fait que
l’occupation des lieux n’ait pas été contestée par la commune, qui a reconnu le titre
d’occupation de la plaignante pour la maison2313 et non pour le terrain, a milité en faveur de
la reconnaissance par le juge, d’une occupation paisible.
Cette jurisprudence démontre que certains occupants sans titre n’hésitent plus à faire
jouer la solution juridique de la prescription acquisitive, devant l’inertie, le refus ou
l’impossibilité de régularisation foncière du propriétaire.
Il serait donc souhaitable d’aménager un recours au juge, dans le cadre d’un processus
de judiciarisation, au cas par cas, pour l’admission éventuelle du jeu de la prescription
acquisitive dans la zone des cinquante pas géométriques, au profit de l’occupant sans titre
d’un domaine devenu privé à une certaine période, notamment par l’effet du décret de 1955.
Quoiqu’il en soit, la longue durée de possession des terrains par leurs occupants,
devrait pouvoir être validée, pour faciliter la prescription acquisitive, notamment si des actes
translatifs de propriété, authentiques, sont venus entérinés ladite possession (partages
donations, ventes entre personnes privées, etc.).

2310
C.A., Ch. Civ., 09 janvier 2018, n° 18/7, RG : 16/00383, inédite. Arrêt rendu contre un jugement du TGI
de Fort-de-France, du 12 janvier 2016, enregistré sous le n° 13/00347, inédite.
2311
CA Fort-de-France, 9 janvier 2018, affaire n° R1817014, arrêt inédit, aux termes duquel, la cour d’appel
de Fort-de-France a fait droit à la demande de la plaignante, invoquant la prescription acquisitive, contre le
véritable propriétaire.
2312
La plaignante a fait jouer la jonction de possessions : celle de ses auteurs, continuée par la sienne.
2313
Acte de partage du 12 août 2002, cité dans l’arrêt.

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3) La possibilité du développement d’une usucapion transactionnelle

Par ailleurs, un système de prescription acquisitive transactionnel pourrait être


développé ou mis en place par le législateur, comme outil de régularisation foncière à
disposition des personnes publiques propriétaires. Ainsi, quand la prescription acquisitive
intervient avec l’accord du propriétaire ou sans opposition de la part du propriétaire2314, il
serait possible alors de la qualifier d’usucapion transactionnelle.
Ce système de prescription acquisitive transactionnelle permettrait aux personnes
publiques de laisser prescrire certains terrains dépendant de leur domaine privé, sur lesquels
sont édifiées des constructions à usage d’habitation, par des occupants sans titre remplissant
les conditions pour prescrire. Ce système serait assorti de la régularisation parallèle du
paiement des taxes foncières sur les années antérieures dans la limite de la prescription. Tout
cela, aux frais de l’occupant. L’occupant admis à une telle prescription acquisitive
transactionnelle, pourrait même être associé au financement de partie des frais
d’aménagement du secteur.
Les dispositions résultant des lois du 06 mars 2017 et 28 février 2017, sus relatées,
permettant de renforcer la sécurité du possesseur d’un bien immobilier qui en acquiert la
propriété par l’usucapion ou prescription acquisitive, sont nées de la volonté du législateur
de faire face au grand nombre d’indivisions résultant de successions non réglées outre-mer,
ainsi qu’à la multiplication de personnes occupants sans titre, depuis plusieurs générations,
des propriétés appartenant à autrui sur ces territoires2315. Un décret d’application du 28
décembre 20172316 relatif à l’acte de notoriété portant sur un immeuble situé dans les
collectivités sus nommées, précise les conditions d’application du nouveau dispositif
juridique de prescription renforcé2317. Une circulaire de présentation a été publiée par le

2314
Ce serait ainsi le cas, lorsque le règlement de la succession dont dépend le terrain prescrit est impossible,
que les héritiers sont injoignables et que le coût de la régularisation foncière est plus important pour le
propriétaire que pour l’occupant ; le tout si le véritable propriétaire ou l’ensemble des héritiers présents
acceptants sont d’accord.
2315
Cf. : http://www.justice.gouv.fr/justice-civile-11861/, « Désordres fonciers en Corse et dans les outre-
mer : le dispositif de prescription acquisitive renforcé », consulté le 27 septembre 2018 :
http://www.justice.gouv.fr/justice-civile-11861/desordres-fonciers-en-corse-et-dans-les-outre-mer-
31745.html.
2316
Décret n° 2017-1802 du 28 décembre 2017, relatif à l’acte de notoriété portant sur un immeuble situé en
Corse, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, ou à Saint-Martin ; publié au
JORF n° 0304 du 30 décembre 2017, texte n° 32. NOR : JUSC1714304D.
2317
L'article 1er du décret du 28 décembre 2017 précise que l’acte de notoriété constatant une possession
répondant aux conditions de la prescription acquisitive, mentionné aux articles 35-2 de la loi du 27 mai 2009
et 1er de la loi du 6 mars 2017, doit comporter l’identité de la personne bénéficiaire précisée, pour une personne
physique, conformément aux dispositions de l’article 5 du décret du 4 janvier 1955, et pour une personne

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ministère de la Justice, à l’attention des préfectures, des mairies et des notaires, pour
présenter ce dispositif, qui est enfermé dans un délai, puisqu’il ne s’applique qu’aux actes
de notoriété établis et publiés avant le 31 décembre 2027. Ce décret d’application est entré
en vigueur le 1er janvier 2018.
La règle du « laisser prescrire » pourrait s’appliquer aux propriétaires, personnes
publiques ou privées. Certains cas d’occupation de la zone des cinquante pas géométriques
pourraient être réexaminés au vu des observations ci-dessus effectuées.
Par ailleurs, dans le cadre d’une optimisation des procédures de régularisation foncière
outre-mer, des procédés parallèles de régularisation foncière méritent d’être également
favorisés (B).

B. PROCÉDÉS PARALLÈLES DE RÉGULARISATION À


FAVORISER

La régularisation foncière par cession ou par bail, peut se trouver confrontée à de


nombreux blocages. Les indivisions, les difficultés d’obtention des documents justificatifs,
pièces d’état civil et actes de notoriété justifiant de la qualité des ayants droit d’un occupant
initial, l’omission de signature de l’acte de vente par un héritier, les conflits sur la propriété
de la construction, les tensions sociales ou dans les quartiers2318, et bien d’autres incidents de
procédures, jalonnent les opérations de régularisation foncière outre-mer.
Ces incidents peuvent parfois devenir de véritables obstacles à la résorption de
l’occupation sans titre outre-mer. Ils militent en faveur de la valorisation et de la
reconnaissance de l’emploi de procédés et pratiques de régularisation foncière parallèles,
dont certains sont exposés ci-après.

morale, conformément aux dispositions du 1° de l'article 6 de ce même décret. Pour Mayotte, cette désignation
se fait, conformément aux dispositions des articles 64 et 65 du décret du 23 octobre 2008. L’acte de notoriété
acquisitive doit également comporter l’identification de l’immeuble concerné, conformément aux dispositions
de l’article 7 du décret du 4 janvier 1955. Pour Mayotte, l’identification de l’immeuble se fait conformément
aux articles 67, 69 et 72 du décret du 23 octobre 2008. L’acte de notoriété prescriptive doit également comporter
les témoignages et éléments apportant la preuve d’actes matériels caractérisant une possession de l’immeuble
répondant aux conditions des articles 2261 à 2272 du code civil. Ledit acte doit aussi comporter la reproduction
des dispositions du premier alinéa de l’article 35-2 de la loi du 27 mai 2009, lorsqu’il porte sur un immeuble
situé en Guadeloupe, Guyane, Martinique, ou à La Réunion, à Mayotte ou à Saint-Martin, et la reproduction
du premier alinéa de l’article 1er de la loi du 6 mars 2017, lorsqu’il porte sur un immeuble situé en Corse. Voire
en ligne le décret n° 2017-1802 du 28 décembre 2017 relatif à l'acte de notoriété portant sur un immeuble situé
en Corse, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte ou à Saint-Martin, publié au
JORF n°0304 du 30 décembre 2017, texte n° 31.
2318
Tensions sociales dans certains quartiers de Fort-de-France (Canal Alaric, Rive Droite, etc.). Ou encore à
Mayotte, en raison de l’occupation sans titre des immigrés. Les mêmes problématiques d’immigration
clandestine se posent en Guyane.

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1) Apports de la « Loi Letchimy » du 27 décembre 2018 sur l’indivision

La loi Letchimy du 27 décembre 20182319, vise à faciliter la sortie de l’indivision


successorale et à relancer la politique du logement outre-mer. Les solutions qu’elle propose
pourront être d’un grand appui dans le cadre des procédures de régularisation foncière
bloquées, notamment celles qui le sont en raison du défaut de consentement ou de
l’opposition arbitraire d’un indivisaire.
La loi Letchimy sur l’indivision ne s’applique pas en l’état aux opérations de
régularisation foncière menées par les collectivités territoriales outre-mer. Elle suppose une
indivision ; ce qui n’est pas le cas lorsque qu’une personne publique cède des terrains
dépendant de son domaine privé à des occupants qui y ont fait édifier leur construction. Dans
ce dernier cas, la personne publique seule propriétaire du terrain, peut le céder à l’acquéreur
de son choix, sauf avant-contrat la liant à un tiers.
En revanche, la loi Letchimy sur l’indivision pourrait être expressément étendue par
le législateur aux cas d’indivision portant sur la construction édifiée sans titre sur le domaine
privé d’une personne publique, en cas de renonciation par ladite personne publique au jeu
de l’accession. Elle interviendrait dans ce cas, pour faciliter l’aboutissement d’une procédure
de régularisation foncière, lorsqu’un ou plusieurs héritiers refusent, de manière abusive, de
régulariser leur situation foncière par l’acquisition du terrain d’assiette de la construction,
sans pour autant renoncer ou se désister, voire même se manifester, créant ainsi un blocage
dans la procédure de titrement.
Il est vrai que dans ce cadre, des solutions alternatives peuvent être mises en place,
complétées par des mesures de publicité et d’affichage2320. Ainsi, la procédure prévue à
l’article 837 du code civil2321 a déjà été utilisée lors des opérations de régularisation foncière,
avec succès, mais les délais de réponse du juge sont très longs (deux ans en moyenne).

2319
Loi n° 2018-1244 du 27 décembre 2018, publiée au JORF n° 0300, du 28 décembre 2018, texte n° 1, sur
le site internet Legifrance.
2320
Les ayants de l’occupant initial ayant construit, n’étant pas dans l’indivision avec la personne publique
propriétaire du terrain, la cession au profit des seuls ayants droits acceptants, à charge pour eux d’indemniser
les éventuels autres ayants droit, et de prendre à leur charge tout litige ou indemnisation y relatif, est possible.
Toutefois, cette solution est préconisée en l’absence de manifestation des ayants non-acquéreurs, au vu des
documents justificatifs écrits communiqués (sommations par exploits d’huissiers, courriers adressés en
recommandé, etc.).
2321
Cet article prévoit la possibilité pour un copartageant de mettre en demeure un indivisaire défaillant (en
dehors du cas de l’article 836 dudit code), par acte extrajudiciaire, de se faire représenter au partage amiable.
Faute d’avoir constitué mandataire dans les trois mois de cette mise en demeure, un copartageant peut saisir le
juge et lui demander de désigner toute personne qualifiée pour représenter le copartageant défaillant jusqu’à la
réalisation complète du partage. Le consentement au partage ne peut intervenir qu’avec l’autorisation du juge.
Cette procédure a déjà été utilisée lors des opérations de régularisation foncière, avec succès, mais les délais
de réponse du juge sont très longs (deux ans en moyenne).

656
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Déjà relatée en amont, l’article 1er de la loi du 27 décembre 2018 sur l’indivision,
prévoit la possibilité pour les indivisaires titulaires de plus de la moitié en pleine propriété
(51 % et plus), de procéder devant le notaire de leur choix, à la vente ou au partage des biens
immobiliers indivis situés sur les territoires des collectivités régies par l’article 73 de la
Constitution, et des collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-
Miquelon2322. Cette possibilité n’est offerte que pour les successions ouvertes depuis plus de
dix ans, et selon les modalités prévues à l’article 2 de ladite loi, qui prévoit une notification
du projet d’acte de vente ou de partage, par acte extrajudiciaire, à tous les indivisaires, et sa
publication dans un journal d’annonces légales du lieu de situation du bien, ainsi que par
voie d’affichage et sur site internet, par le notaire choisi pour l’établir. Cet article 2 précise
les indications qui doivent figurer dans la notification2323.
L’identité des indivisaires saisissants, leur quote-part dans l’indivision, l’identité des
indivisaires non représentés, les coordonnées du notaire, la désignation du bien, le prix de
vente, l’évaluation dudit bien par avis de deux experts, ainsi que la réparation du prix de
vente ou les allotissements en cas de partage entre indivisaires, doivent être précisés dans la
notification, qui doit faire également état d’un délai d’opposition (trois mois à compter de la
notification). Ce délai est porté à quatre mois en cas d’indivision avec au moins dix
indivisaires ou en présence d’un indivisaire ayant son domicile à l’étranger.
Le projet de cession du bien, à titre onéreux, à une personne étrangère à l’indivision,
ainsi que les prix et conditions de la cession projetée, les nom, domiciles, et profession du
futur acquéreur, font également l’objet d’une notification. Dans ce cas, tout indivisaire peut
exercer son droit de préemption dans le délai d’un mois suivant la notification, par acte
extrajudiciaire, aux prix et conditions de la cession projetée.
À défaut d’opposition, la vente ou le partage est opposable aux indivisaires qui n’en
sont pas à l’initiative. En cas d’opposition, le notaire saisi par un ou plusieurs indivisaires,
le constate par procès-verbal. Dans ce cas, le ou les indivisaires titulaires de plus de la moitié

2322
Article 1er de la loi du 27 décembre 2018, op. cit.
2323
Article 2, alinéas 2 et 3 de la loi du 27 décembre 2018 : « La notification fait état de l'identité du ou des
indivisaires à l'initiative de la vente ou du partage, de leur quote-part d'indivision, de l'identité et des quotes-
parts des indivisaires non représentés à l'opération, des coordonnées du notaire choisi, de la désignation du
bien, du prix de vente et de l'indication de la valeur de ce bien au moyen du recueil de l'avis d'au moins deux
professionnels qualifiés ainsi que de la répartition du prix de vente ou des allotissements prévus entre chacun
des indivisaires. Elle fait également état du délai mentionné au quatrième alinéa du présent article » (trois à
quatre mois selon les cas). « La notification fait également état, le cas échéant, d'un projet de cession du bien,
à titre onéreux, à une personne étrangère à l'indivision, du prix et des conditions de la cession projetée ainsi
que des nom, domicile et profession de la personne qui se propose d'acquérir le bien. »

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des droits indivis2324 peuvent saisir le tribunal de grande instance pour être autorisés à passer
l’acte de vente ou de partage. Le tribunal autorise la passation de l’acte si celui-ci ne porte
pas atteinte de manière excessive aux droits des autres indivisaires. L’aliénation ou le partage
effectués sont opposables à l’indivisaire dont le consentement à fait défaut2325.
Cette disposition est valable pendant une période de dix ans, pour les ventes et partages
notifiés avant le 31 décembre 2028. Elle ne s’applique pas à la résidence du conjoint
survivant, ni à l’indivisaire mineur, majeur protégé ou présumé absent 2326.
La loi du 27 décembre 2018 constitue une adaptation du droit aux particularités de
l’outre-mer. La réforme de l’indivision, opérée par ladite loi, à l’initiative du député Serge
LETCHIMY, était souhaitable et attendue tant par la population, que par les professionnels
du droit et de l’immobilier, et par la classe politique. Toutefois, elle aboutit à des actes de
disposition (vente et partages), avec une majorité moins forte que celle réclamée pour valider
les décisions prises au sein de sociétés civiles familiales. Une majorité des deux tiers
constituerait déjà une grande avancée. Mais l’ampleur des conséquences néfastes de
l’indivision sur le foncier outre-mer a milité en faveur de la majorité radicale retenue. Ce
constat explique la limite de dix ans dans laquelle est enfermée cette disposition dérogatoire.
La loi sur l’indivision gagnerait à être adaptée à la régularisation foncière, l’occupation
sans titre étant l’un des fléaux fonciers outre-mer. Mais l’un des autres aspects de la loi
Letchimy sur l’indivision est qu’elle facilite l’acquisition par des personnes publiques de
terrains appartenant à une indivision, sur lesquels des occupants sans titre ont édifié leur
construction, lorsque la négociation amiable n’a pas permis d’obtenir l’accord de l’ensemble
des héritiers.
D’autres procédés parallèles de régularisation foncière existent.

2) Contribution et révision du bail emphytéotique

Le bail emphytéotique, tel qu’il est prévu par les textes, constitue une modalité de
régularisation foncière à double tranchant, car en fin de bail, les constructions reviennent au
bailleur. Ce transfert se fait sans indemnités si rien n’est stipulé au contrat. Les inconvénients
de ces modalités ont été amplement exposés en amont, et la marge de manœuvre est étroite.
Il conviendrait de réformer la sortie du bail emphytéotique pour permettre l’accession
à la propriété du preneur, et non pas seulement du bailleur, par convention entre les parties,

2324
Une quotité de trois quarts serait plus adéquate, compte tenu de la gravité de l’acte qu’elle permet (acte de
disposition). Par ailleurs, même pour les sociétés et associations, la majorité des deux tiers est d’abord exigée.
2325
Article 2, alinéas 6, 7 et 8 de la loi du 27 décembre 2018.
2326
Sauf autorisation du juge prévue à l’article 116 du code civil.

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quitte à ce que le coût du loyer soit plus élevé2327. Cela permettrait aux communes qui ont
initialement régularisé les occupations de leur domaine privé par bail emphytéotique, et qui
veulent régulariser par cession du terrain seul, de prévoir des modalités plus adaptées à la
régularisation foncière, par cession, au profit de populations à revenus modestes.

3) Contribution des procédures de titrement relevant de la loi du 27 mai


2009

La loi du 27 mai 20092328 pour le développement économique des outre-mer, dite « loi
LODEOM », s’inspire d’un dispositif applicable à la Corse2329. Elle prévoit une procédure
de reconstitution des titres de propriété outre-mer. Elle contribue à pallier les insuffisances
de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996, et à favoriser l’accession à la propriété foncière
en Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte et Saint-Martin2330.
Dans les collectivités territoriales sus dites, il est possible de mettre en œuvre une «
procédure de titrement », dont l’objet principal est la constitution ou la reconstitution de
titres de propriété, par la collecte et l’analyse de tous éléments permettant d’inventorier les
biens fonciers et immobiliers dépourvus de titres de propriété, ainsi que les occupants sans
titre de propriété, et par l’établissement d’un lien corrélatif entre un bien et une personne,
afin de constituer ou reconstituer les titres de propriété2331.
L’organe pressenti pour la mise en place de la procédure d’aide au titrement prévue
par la loi du 27 mai 2009 est le groupement d’intérêt public (GIP) ou l’opérateur public
foncier. La loi du 17 mai 2011, relative à la simplification et à l’amélioration de la qualité

2327
Le bail emphytéotique ne doit pas être confondu avec le bail à construction, qui comporte une obligation
de construire et un loyer important. Cf. développements en amont.
2328
Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer. En ligne :
https://www.legifrance.gouv.fr. Consultée le 15 juin 2016.
2329
V. l’article 42 de la loi n°2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et libéralités, qui
autorise la création d’un groupement d’intérêt public, chargé de rassembler tous les éléments nécessaires à la
reconstitution des titres de propriété en Corse, pour les biens fonciers et immobiliers qui en sont dépourvus.
Ce groupement peut prendre toute mesure permettant de définir ces biens et d’en identifier les propriétaires. Il
permet aussi de créer ou gérer des équipements collectifs ou services d’intérêt commun nécessaires à la
réalisation de son objet. En application de cet article, le GIRTEC (groupement d’intérêt public pour la
reconstitution des titres de propriété en Corse, a été créé en 2007, pour dix ans, avec possibilité de reconduction
une seule fois.
2330
Saint-Martin est expressément visée par la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009, car la Commune de Saint-
Martin est devenue Collectivité de Saint-Martin, collectivité territoriale relevant de l’article 74 de la
Constitution, par la loi organique n°2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et
institutionnelles relatives à l’outre-mer.
2331
Article 35 de la loi du 27 mai 2009, sus relatée. L’indivision constitue en effet l’autre problématique
foncière qui freine le développement des collectivités territoriales situées outre-mer, au même titre que
l’occupation sans titre.

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du droit2332, est venue préciser qu’un tel GIP peut être constitué dans chacun des territoires
concernés, dans les conditions prévues à son chapitre II2333. La composition prévue pour ce
groupement atteste du but recherché, puisque ses membres sont : l’État, la région d’outre-
mer concernée, le département de Mayotte ou la collectivité de Saint-Martin, ainsi que des
« associations d’élus locaux et de représentants des notaires ». Aucune structure
représentative des personnes occupants sans titre et des personnes impactées par l’indivision
n’est prévue2334. Par ailleurs, un opérateur public foncier peut être chargé des procédures de
titrement prévues par la loi du 27 mai 2009, sous réserve que son statut soit complété par
des dispositions permettant la mise en œuvre de cette mission2335.
L’article 35 de ladite loi de 2009 sus dite, a été modifié par l’article 3 de la loi du 17
octobre 2013 « visant à prolonger la durée de vie des agences pour la mise en valeur des
espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques et à faciliter la reconstitution

2332
Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, publiée au JORF
n°0115 du 18 mai 2011 page 8537, texte n° 1.
2333
Ces modalités sont décrites au chapitre II de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et
d’amélioration de la qualité du droit. Consultée en ligne le 19 août 2016, sur le site internet :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000024021430&categorieLien=id. Ce
chapitre prévoit des dispositions relatives au statut des GIP (notamment celles relatives aux modalités de
création de ces personnes morales de droit public), à leur organisation et à leurs modalités de fonctionnement.
2334
En raison des compétences spécifiques exigées pour mener à bien cette mission de titrement, il est précisé
par l’article 35-II-1° de ladite loi que le groupement concerné peut recruter directement des agents contractuels
de droit public ou de droit privé. Ce recrutement se fait par exception aux dispositions prévues à l’article 109,
3° de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011. Lequel article 109 prévoit que les personnels du groupement sont
constitués des personnels mis à disposition par ses membres, le cas échéant des agents relevant d’une personne
morale de droit public mentionnée à l’article 2 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 (État, régions,
départements, communes, et établissements publics) et des personnels propres recrutés directement:
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000024021430&categorieLien=id.
2335
L’opérateur public foncier ou le groupement d’intérêt public mis en place dans le cadre de la procédure de
titrement de 2009, a en charge la création et la gestion de l’ensemble des équipements ou services d’intérêt
commun, et la réalisation des travaux et missions connexes ou complémentaires rendus nécessaires par la
conduite de cette procédure. Ces organes juridiques peuvent aussi constituer des fichiers de données dans le
cadre de leurs missions, et dans le respect de la loi n° 78-17 du 06 janvier 1978 relative à l’informatique, aux
fichiers et aux libertés. Pour leur permettre d’accomplir leurs missions dans le cadre de la procédure de
titrement, ces organes juridiques, ainsi que leurs délégataires ont accès, ainsi que le prévoit cette législation, à
tous documents et informations nécessaires à la mise en œuvre de ladite procédure, y compris les documents
« contenus dans un système informatique ou de traitement de données à caractère personnel », auprès de toutes
personnes physiques ou morales, de droit public comme de droit privé. Compte tenu du caractère personnel et
confidentiel des informations qui peuvent être délivrées ou obtenues au cours de la procédure de titrement, les
agents de l’opérateur foncier ou du groupement d’intérêt public chargé de ladite procédure, ainsi que les
personnes délégataires, sont soumis à une obligation de respect de la confidentialité des informations recueillies
au cours de leur mission. Le non-respect de cette obligation de confidentialité les expose à des sanctions
pénales, conformément aux articles 226-13, 226-31 et 226-32 du Code pénal. Article 226-3 du Code
pénal stipule que : « La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire
soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an
d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ». Les informations et données recueillies au cours de ladite
procédure sont communiquées aux pétitionnaires, aux officiers publics ministériels concernés, aux
représentants de l’État, ainsi qu’aux responsables des exécutifs des Collectivités territoriales. Elles sont
consultables en préfecture par toute personne intéressée.

660
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

des titres de propriété »2336 dans les collectivités sus dites, qui prévoit les modalités de mise
en œuvre de cette procédure de titrement. Cependant, l’article 35 de la loi LODEOM ne
contient aucun renseignement sur une éventuelle aide financière permettant une réelle
concrétisation du titrement pour le bénéficiaire. Cette aide financière serait indirecte, car
résultant, en partie, de l’aide du GIP ou l’opérateur public foncier.
Dans son rapport enregistré à l’Assemblée nationale, le 19 septembre 2013, Serge
LETCHIMY rappelle l’importance de cette procédure de titrement, et la nécessité d’adopter
les décrets d’application prévus à l’article 35 de la loi du 27 mai 2009. L’article 35 sus dit a
été modifié par la loi du 28 février 20172337. Les modalités de création du GIP « Titrement »
sont en cours par la Collectivité territoriale de Martinique.
La reconstitution des titres de propriété anciens et l’aide au règlement des successions
complexes, constituent un autre aspect de la sécurité juridique et foncière. Il s’agit de
questions relevant idéalement de la compétence des notaires, et des avocats pour la partie
contentieuse. Mais l’ampleur de cette problématique foncière outre-mer a conduit à
l’adoption de lois particulières, dont celles sus relatée, et de structures foncières dédiées.

4) Contribution des procédures de biens sans maître à la régularisation


foncière

Les procédures de « biens sans maître » sont de plus en plus utilisées par les personnes
publiques pour augmenter leur parc immobilier, contribuer à la résorption de l’habitat
insalubre et dégradé, et assainir l’occupation de leur territoire. En conséquence, elles
contribuent indirectement ou directement à la régularisation foncière.
La loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové2338 a
modernisé la procédure des biens sans maître ; laquelle constitue un mode d’acquisition de
propriété exorbitant du droit commun. Cette procédure et ses modalités de mise en œuvre
sont définies aux articles 713 du code civil et L1123-1 à L1123-4 du code général de la

2336
Loi n° 2013-922 du 17 octobre 2013 visant à prolonger la durée de vie des agences pour la mise en valeur
des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques et à faciliter la reconstitution des titres de
propriété en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Martin, publiée au
JORF n° 0243 du 18 octobre 2013 page 17148, texte n° 2.
2337
Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres
dispositions en matière sociale et économique.
2338
Loi n° 2004-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové, publié au JORF
n°0072 du 26 mars 2014 page 5809, texte n° 1.

661
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

propriété des personnes publiques2339. Elle profite aux communes et aux établissements
publics de coopération intercommunale (EPCI).
Les biens sans maître proprement dits, sont acquis de plein droit par les communes ou
les EPCI ou à défaut, par l’Etat. Il s’agit des biens faisant partie d’une succession ouverte
depuis plus de trente ans et pour lesquels aucun successible ne s’est manifesté2340. Aucune
formalité n’est prévue pour l’appréhension de ces biens. Un arrêté municipal est toutefois
souhaitable pour constater le transfert, précédé d’une délibération. Dans le cas où l’Etat
récupérerait le bien à défaut de la commune, un arrêté préfectoral est requis2341.
Les biens présumés sans maître, sont acquis en application de la procédure prévue à
l’article L1123-3 du CG3P. Il s’agit des biens n’ayant pas de propriétaire connu, ou dont le
propriétaire a disparu sans laisser de représentant identifié, et pour lesquels la taxe foncière
sur la propriété bâtie n’a pas été acquittée depuis plus de trois ans ou a été acquittée par un
tiers, et, s’agissant des immeubles non assujettis à la taxe foncière sur la propriété bâtie (ex. :
bois et forêts), pour lesquels la taxe foncière sur la propriété non bâtie n’a pas été acquittée
depuis plus de trois ans2342.
Ces procédures participent à la production de logements, et facilitent la régularisation
foncière. Elles permettent aux personnes publiques bénéficiaires de récupérer les biens pour
les employer à des fins d’intérêt général, ou éventuellement les rétrocéder à leurs occupants
ou à des tiers acquéreurs, sous réserve du respect des dispositions prévues par la loi2343. La
maîtrise desdites procédures par les personnes publiques les rend plus attractives que
l’expropriation, pourtant mieux adaptée.

5) Contribution des procédures d’abandon manifeste à la régularisation


foncière

La procédure de biens en abandon manifeste résulte des articles L2243-1 à L2243-4


du code général des collectivités territoriales. Elle contribue à la régularisation foncière dans

2339
Les biens dépendant d’une succession en déshérence, au titre de l’article L1122-1 du CG3P, appartiennent
à l’Etat et ne constituent donc pas des biens sans maître. Il s’agit d’une universalité de biens (patrimoine). Il
en est de même pour les biens vacants (successions vacantes), dont les propriétaires sont décédés depuis moins
de trente ans ou dont les héritiers ont renoncé à la succession durant la même période (articles 809-1 et 810 à
810-12 du code civil).
2340
Article L1123-1,1° du CG3P.
2341
Cf. https://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/files/Domaine/fiche_cg3p_biens_sans_maitre_2018.
Voir aussi : https://www.notaires.fr/fr/collectivités-territoriales/propriétés-immobilières/les-biens-sans-maître-
et-les-successions-en-déshérence.
2342
Article L1123-1 du CG3P.
2343
En cas de manifestation d’ayant droit : restitution du bien, ou indemnisation à hauteur de la valeur vénale
du bien, si le bien a déjà été remployé.

662
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

le sens où elle permet l’assainissement du territoire et, à terme, l’intégration du bien dans le
patrimoine de la commune, qui peut alors l’utiliser à des fins d’intérêt public. Elle concerne
les biens en état manifeste d’abandon2344. Le constat de l’état manifeste d’abandon du bien
immobilier se fait par procès-verbal provisoire, prescrivant des travaux indispensables pour
faire cesser l’abandon. À défaut de réalisation des travaux dans les délais requis par la loi,
le maire constate l’état d’abandon manifeste par procès-verbal définitif. Le conseil municipal
peut alors déclarer l’immeuble en état d’abandon manifeste et en poursuivre l’expropriation.
Dans le cadre de cette procédure, le « propriétaire » ne peut pas invoquer le fait que
l’immeuble soit construit sans droit ni titre sur le terrain d’autrui, pour ne pas effectuer les
travaux indispensables pour faire cesser l’état d’abandon2345.

6) Mobilisation des outils législatifs de la loi ALLUR du 24 mars 2014

La loi ALLUR du 24 mars 20142346, favorise l’accès de tous à un logement digne et


raisonnable. Pour le professeur Jacques FIALAIRE, il faudrait mobiliser les outils prévus
par la loi ALLUR dans le cadre de politiques publiques favorisant l’accès au logement de
tous, pour optimiser la régularisation foncière dans les collectivités régies par l’article 73 de
la Constitution2347. En effet, ladite loi contribue à l’accès de tous à un logement digne et
abordable, par l’amélioration des rapports entre propriétaires et locataires du parc privé, par
la mise en place d’une garantie universelle des loyers, par un meilleur encadrement des
professionnels de l’immobilier, et par la prévention des expulsions. Elle vise aussi à
renforcer la gouvernance régionale et l’articulation entre logement et hébergement. Elle
permet d’améliorer les dispositifs relatifs au droit opposable au logement et crée de
nouvelles formes d’accès au logement par l’habitat participatif2348. Elle permet notamment
de lutter contre l’habitat indigne et les propriétés dégradées2349.
Cette loi permet globalement la régulation des marchés immobiliers et l’encadrement
des pratiques abusives. Elle protège les populations vulnérables et facilite leur accès à un
logement digne. Elle développe l’innovation et la transparence, notamment par un
encadrement des honoraires de location, des loyers en cas de changement du locataire2350.

2344
Terrains, immeubles, lots de copropriété, voies privées, etc.
2345
Article L2243-3 modifié du CGCT.
2346
Loi n° 2004-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové, publié au JORF
n°0072 du 26 mars 2014 page 5809, texte n° 1.
2347
Réflexion du professeur Jacques FIALAIRE, lors d’un entretien de suivi de thèse du 22 septembre 2017.
2348
Chapitre IV, articles 47 et suivants de la loi du 24 mars 2014.
2349
Titre II, articles 52 et suivants de la loi n° 2004-366 du 24 mars 2014.
2350
Loi n°2014-366 du 24 mars 2014, op. cit. Cf. aussi le site du ministère de la cohésion des territoires :
http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/spip.php?page=imprimer&id_article=1812.

663
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

D’autres dispositifs ou procédés parallèles peuvent contribuer à la résorption de


l’occupation sans titre outre-mer. Beaucoup d’entre elles ont déjà été étudiées en amont,
parmi lesquels figure l’autorisation d’occupation temporaire (AOT).
L’occupation sans titre outre-mer est une problématique élargie, sociale, économique,
sociétale et historique, qui a fait l’objet de nombreux dispositifs et mesures éparses et
inégales. Pour la résorber, il convient de passer d’un kaléidoscope des mesures parfois
contradictoires, à un véritable droit de la régularisation foncière d’intérêt public outre-mer,
fondé sur le respect de la dignité de la personne humaine et vecteur de sécurité juridique et
foncière (Section II).

SECTION II – UN CORPUS JURIDIQUE DÉDIÉ À LA


SÉCURITÉ JURIDIQUE ET FONCIÈRE

Les notions de sécurité juridique et foncière appliquées à la régularisation foncière


évoquent l’idée d’un droit protecteur des propriétaires lésés dans leurs droits et obligations,
et des occupants sans titre dans leur interaction avec la terre. L’adoption d’un corpus
juridique pérenne et dédié, est de nature à favoriser la sécurité juridique et foncière.
Un processus optimal de régularisation foncière outre-mer, doit s’appuyer sur un cadre
légal, reconnaissant son intérêt public, tant au niveau national que local, et préconisant un
ensemble de mesures juridiques, sociales, environnementales, financières et d’urbanisme,
applicables à l’ensemble des collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution et
même au-delà de ce cadre. Ce processus de régularisation doit être de nature à favoriser
prioritairement la délivrance de titres de propriété ou de jouissance au profit des occupants
sans titre, ou à défaut, quand cela s’avère impossible, le relogement adapté. Dans un tel
processus juridique, il est essentiel que soit assurés la sauvegarde de la dignité de la personne
humaine et le droit à un logement digne.
Dans ce cadre, le concours des collectivités territoriales de proximité est primordial,
soit en tant que propriétaires, actrices principales de la régularisation foncière, soit en tant
que contributrices à cette démarche.
Pour Philippe LAVIGNE-DELVILLE, la sécurité foncière est une question
institutionnelle, car elle est l’assurance que les droits fonciers d’un individu ne seront pas

664
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

contestés ou seront confirmés par les autorités en cas de contestation 2351. Pour cet auteur, il
ne faut pas confondre sécurité et droits formalisés et légalisés, ni sécurité et propriété privée.
Ce constat serait attesté dans les pays d’Afrique de l’Ouest, où l’écrit peut contribuer à la
sécurité foncière comme à l’insécurité foncière, en raison de la production de faux
documents et autres artifices.
La régularisation foncière par cession est un puissant facteur de sécurité juridique et
foncière, et le meilleur levier pour faire cesser l’occupation illégale de manière durable2352.
Mais c’est surtout la reconnaissance par l’Etat de la valeur de l’écrit, et son encadrement,
qui contribue à la sécurité juridique. C’est précisément l’instauration de systèmes
d’information foncière fiables et durables qui est vectrice de sécurité foncière2353.
Mais ce qui, en France, contribue grandement à la sécurité foncière, c’est l’existence
de titres écrits, leur encadrement juridique, la reconnaissance par les autorités (législative,
exécutive et judiciaire) et la population de leur valeur probante, et leur publication au Service
de la publicité foncière2354. Ce système de sécurité juridique et foncière scelle l’opposabilité
des titres de propriété aux tiers en France2355.
Mais, il serait partial de vouloir donner une explication unique à la sécurité foncière.
Certes, la possession d’un titre de propriété écrit, opposable aux tiers, et conforme à la
règlementation en vigueur, constitue une sécurité foncière. Mais l’on devrait plutôt parler,
dans ce cas précis, de sécurité juridique de droits fonciers. Car sécurité juridique et sécurité
foncière ne sont pas toujours concomitantes. Ainsi des risques naturels et technologiques
importants, peuvent induire une insécurité foncière matérielle, limitant l’intérêt de la
possession d’un titre de propriété pour un tel bien.
Les occupants sans titre ne disposent pas de sécurité juridique, puisqu’ils sont installés
illégalement, sans titre juridique, sur le terrain d’autrui. Certains d’entre eux toutefois
peuvent arguer d’un titre coutumier respecté par la communauté dans laquelle ils vivent2356.

2351
LAVIGNE-DELVILLE (Philippe), Qu’est-ce que la sécurité foncière et comment la renforcer ? (IRD/Pôle
foncier), Comité technique « Foncier et développement », 2017. Philippe LAVIGNE-DELVILLE, est directeur
de recherches à l’Institut de recherches pour le développement (IRD). Consulté en ligne le 22 février 2019 :
https://www.foncier-developpement.fr/publication/quest-securite-fonciere-renforcer/.
2352
À défaut, une régularisation foncière par octroi d’un droit de jouissance est également envisageable, mais
ne responsabilise pas suffisamment l’occupant dans sa manière d’occuper l’espace. À défaut de régularisation
foncière par cession ou octroi de jouissance, une aide au relogement doit être mise en place en fonction des
situations.
2353
LAVIGNE-DELVILLE (Ph.), Qu’est-ce que la sécurité foncière et comment la renforcer ? op. cit. , p. 4.
2354
Ancien Bureau des hypothèques.
2355
En effet, la formalité de publicité foncière, est devenue obligatoire en France à partir du 1 er février 1956 et
rend opposables aux tiers les titres de propriété publiés. De plus, c’est le premier titre publié qui est opposable
aux tiers. À cet effet, la consultation des fichiers est accessible à tous.
2356
C’est le cas des peuples autochtones et des Bushinenge de Guyane.

665
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

D’autres ne disposent pas de titre et sont placés dans une situation d’insécurité foncière, en
raison des enjeux forts, liés aux risques naturels et technologiques de la zone dans laquelle
ils demeurent. Parallèlement, un propriétaire, disposant d’un titre de propriété conforme à la
loi et publié, peut être placé dans une situation d’insécurité foncière en raison des risques
naturels et technologiques. L’insécurité foncière peut provenir aussi de la non-
reconnaissance par la collectivité d’un droit coutumier détenu par l’occupant.
Ainsi, sécurité juridique et sécurité ne marchent pas forcément de pair. L’un n’induit
pas indubitablement l’autre ; d’où la nécessité d’un droit de la régularisation foncière sui
generis outre-mer, imprégné par le souci de la sécurité juridique et foncière des individus, et
du développement durable. Cette considération peut conduire inversement à ne pas céder le
foncier occupé aux occupants sans titre, lorsque sont en cause des enjeux de protection de
l’environnement, de développement durable, des risques naturels et technologiques à aléas
forts, ou encore des risques liés à l’auto-construction effectuée par « coup de main ».
Sans sécurité juridique et foncière, sans visée de protection de l’humain et de son
environnement, la régularisation foncière outre-mer risquerait de verser dans le clientélisme.
Il convient de l’encadrer par un corpus juridique fondé sur la dignité humaine, soucieuse de
la protection des individus et des biens, et permettant de prévenir le contentieux.
Un corpus juridique vecteur de sécurité foncière (§1) et des dispositifs légaux dédiés
vecteurs de sécurité juridique (§2), aussi bien quand il s’agit de régularisation foncière
positive2357, que lorsqu’il s’agit de régularisation foncière négative2358, sont nécessaires, et
doivent être mis à la disposition de toutes les personnes publiques, pour éviter l’arbitraire et
l’inégalité des moyens de régularisation foncière entre les personnes publiques.
Ce sont les caractéristiques que doivent revêtir un véritable droit de la régularisation
foncière outre-mer, essentiels à la résorption de l’occupation sans titre dans les collectivités
territoriales relevant de l’article 73 de la Constitution.

2357
Quand la régularisation foncière par cession est possible.
2358
Quand la cession n’est pas possible ou souhaitable.

666
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

§ I. UN CORPUS JURIDIQUE VECTEUR DE SÉCURITÉ


FONCIÈRE

La question de la sécurité foncière se pose prioritairement dans les cadres de


régularisation foncière négative, en raison des risques fonciers. Le cadre de la régularisation
foncière négative, quand la cession n’est pas possible2359 ou non souhaitable, a déjà été
évoqué en amont.
En effet, en l’absence de régularisation foncière positive, ce sont les règles inhérentes
à l’occupation sans titre de chaque domaine, public ou privé, qui s’appliquent.
À cet égard, il convient de rappeler que l’occupation sans titre du domaine public
constitue une catégorie d’infractions à la police de la conservation dudit domaine, dont la
répression est organisée par les articles L2132-1 et suivants du CG3P et dont le contentieux
relatif à l’occupation et aux contraventions de grande voirie, relève de la compétence des
tribunaux administratifs2360. En cas d’urgence et sur simple requête, le juge des référés peut
ordonner des mesures utiles, au sens de l’article L521-3 du code de la justice administrative
(CJA)2361. En cas d’évacuation forcée, une proposition de relogement est faite. Le juge peut
ordonner la démolition de la construction illégale2362. Mais en cas de référés « mesures
utiles » tendant à l’expulsion d’un occupant sans titre de la zone des cinquante pas
géométriques (ZPG), il ressort d’un arrêt rendu le 04 mai 20182363, que le juge des référés
doit vérifier l’utilité de la mesure par la vérification des conditions de mise en œuvre de la
procédure2364. L’article L521-3 du CJA prévoit en effet trois conditions : l’urgence (qui n’a
pas être démontrée dans le cas d’occupation sans titre de la ZPG), l’utilité de la mesure
envisagée, et le fait qu’elle ne fasse pas obstacle à l’exécution d’une décision administrative.
Quant à l’occupation sans titre du domaine privé, son contentieux relève de la
compétence de principe des tribunaux judiciaires, qui s’étend jusqu’à l’expulsion de
l’occupant sans titre. L’occupation sans titre du domaine privé relève généralement de

2359
Il peut s’agir d’une impossibilité définitive ou temporaire, dans le cas où le risque empêchant la cession
peut être résorbé à plus ou moins long terme.
2360
Cf. article L2331-1 du CG3P qui renvoi à l’article L774-1 du CJA.
2361
Cette urgence n’est pas requise en cas d’occupation sans titre de la zone des cinquante pas géométriques.
Cf. Article L521-3-1 du code de justice administrative.
2362
Dans les conditions de l’article L521-3-1, alinéa 2 du code de justice administrative.
2363
CE, 04 mai 2018, 8ème et 3ème chambres réunies, n° 415002, Rec. Lebon. Le Conseil d’Etat casse la décision
du juge des référés.
2364
Le Conseil d’Etat casse la décision du juge des référés en rappelant que même si la condition d’urgence
n’est pas requise, cette vérification de l’utilité de la mesure doit être faite.

667
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

l’application des règles du droit privé et des règles particulières du droit public applicables
aux biens qui en dépendent (insaisissabilité, etc.). Une procédure particulière est prévue pour
certaines catégories d’occupations sans titre2365.
Deux points méritent cependant une attention particulière. Il s’agit de la résorption de
l’habitat insalubre et de la protection contre les risques naturels et environnements, dont le
traitement doit toujours être pris en compte dans toute opération de régularisation foncière.
Car il est intéressant de développer ici comment, par le biais d’une politique locale, même
quand la régularisation foncière par octroi d’un titre de propriété ou de jouissance n’est pas
possible, il est possible de protéger l’occupant sans titre par le biais de procédures de
prévention des risques naturels et de résorption de l’habitat insalubre notamment. Ces
procédures doivent favoriser le relogement de l’occupant sans titre et sa protection contre
les risques naturels et fonciers. Dans ces cas, il est possible de mettre en place des procédures
alternatives à la cession, explicitées en amont.
Quand ces procédures alternatives sont elles-mêmes impossibles ou non souhaitables,
un encadrement juridique permettant d’éviter la cession doit être applicable. Il doit en être
ainsi dans les zones naturelles à protéger, dans les zones forestières et dans les secteurs à
risques, notamment au regard du plan de prévention des risques naturels et technologiques
(PPRNT), afin d’assurer la sécurité des individus et des biens, et de prévenir tout
contentieux. Dans la zone des cinquante pas géométriques, le législateur a déjà pris en
compte cette préoccupation puisqu’il ne permet la régularisation foncière que dans les
secteurs urbains et d’urbanisation future, exceptant les zones naturelles et forestières.
Compte tenu de l’importance fondamentale de la protection de l’environnement, le
Conseil constitutionnel, par sa décision du 24 mars 20052366, intègre la Charte de
l’environnement de 20042367 dans le bloc de constitutionnalité2368. En admettant qu’« en tout
état de cause, le Traité établissant une Constitution pour l’Europe n’est pas contraire à la
Charte de l’environnement de 2004 », il admet la valeur constitutionnelle de la Charte de

2365
C’est le cas pour les « gens du voyage » pour lesquels une procédure particulière est mise en œuvre. Cf.
supra, loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.
2366
Décision n° 2005-31 REF, du 24 mars 2005, Hauchemaille et Meyet. Décision de rejet rendue par le Conseil
constitutionnel sur requêtes présentées par Messieurs Stéphane HAUCHEMAILLE et par Alain MEYET. En
ligne : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2005/200531REF.htm.
2367
Voir le préambule de la Charte de l’environnement de 2004, tous les considérants. En ligne :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/le-bloc-de-constitutionnalite/charte-de-l-environnement-de-2004.
2368
Le bloc de constitutionnalité est composé par la Constitution du 4 octobre 1958, par la Déclaration des
droits de l’Homme et du citoyen de 1789, par le Préambule de la Constitution de 27 octobre 1946, et par la
Charte de l’environnement de 2004.

668
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

l’environnement de 2004 en acceptant de lui confronter ledit Traité2369.


Ainsi, s’il est normal que les procédures de régularisation foncière négatives ou
positives soient laissées à l’initiative des propriétaires lésés, la négociation amiable n’exclue
pas la nécessité d’un cadre légal, ni de sujétions liées à l’environnement et à l’équipement
des quartiers auto-construits.
En conséquence, la régularisation foncière par cession ou titrement doit être retardée
ou évitée, lorsqu’il s’avère nécessaire de prioriser la sécurité foncière, notamment par la
réalisation de travaux d’aménagement nécessaires à la résorption de l’habitat insalubre ou
indigne (A). Elle doit l’être pareillement, au regard des risques naturels et de la protection
de l’environnement (B).

A. RÉGULARISATION FONCIÈRE ET RÉSORPTION DE


L’HABITAT INSALUBRE OU INDIGNE

Dans les quartiers d’habitat informel, les risques de contentieux pré et post-
opérationnels relatifs aux opérations de régularisation foncière sont liées aux problématiques
plus vastes de l’habitat insalubre, de l’habitat indigne, et de l’aménagement. Compte tenu
du coût important de la lutte contre ces fléaux liés à l’occupation sans titre, la tentation est
forte pour les personnes publiques qui procèdent à des opérations de régularisation foncière,
de céder les terrains occupés « en l’état », et ce faisant, de multiplier les risques tant pour les
individus que pour les biens, alors même que la réalisation de travaux d’aménagement et
autres est indispensable2370.
L’occupation sans titre de terrains appartenant à autrui génère des problématiques
d’habitat insalubre, de quartiers dégradés, et le défaut de titre de propriété freine les
initiatives locales d’amélioration de l’habitat. De surcroît, le défaut de titre décourage les
professionnels du crédit et de la finance, particulièrement les banques, qui sont réticentes à
accorder des prêts immobiliers et à investir dans des zones d’habitation insalubre, dans la
mesure où elles ne peuvent solliciter de garantie hypothécaire sur des biens construits sur le
terrain d’autrui. Il s’agit d’un cercle vicieux, qui finit par être facteur de risques

2369
DENOIX DE SAINT MARC (Renaud), colloque AJCP sur le thème " La Charte de l'environnement au
prisme du contentieux", CAA Paris, 15 juin 2012. Article publié dans la revue Environnement et développement
durable, n° 12 décembre 2012, dossier 24.
2370
À cet égard, le directeur de l’agence des 50 pas de Martinique2370, attire l’attention sur l’importance de
l’aménagement dans les quartiers d’habitats informels, même ceux de grand standing, tel que le quartier « Cap
Est », au François en Martinique, où l’on dénote un défaut d’assainissement collectif. Cf. : Entretien avec
Hervé EMONIDES, directeur de l’Agence des 50 pas Martinique, du 28 décembre 2018.

669
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

multifactoriels2371, les occupants sans titre à revenus modestes, se résolvant à construire par
« coups de mains », dans le non-respect des règles de sécurité juridique et foncière.
Cette situation freine le développement économique des quartiers d’habitat informel
et contribue à leur stigmatisation, alors que géographiquement, ils revêtent des atouts désirés
par bon nombre d’autres quartiers : il s’agit de quartiers majoritairement côtiers, bénéficiant
des atouts de la mer. Au contraire, l’insalubrité desdits quartiers offre l’image de secteurs
mités par une occupation sans titre massive, anarchique et inesthétique, voire dangereuse.

1) Notions d’habitat indigne ou insalubre et dispositifs d’éradication

L’habitat indigne ou insalubre est le pendant des occupations sans titre. La


régularisation foncière de l’occupation sans titre, doit permettre de résorber ce type d’habitat
participant à la violation de la dignité de la personne humaine.
La notion d’habitat indigne résulte de l’article 84 de la « loi MOLLE » du 25 mars
20092372 qui dispose que : « constituent un habitat indigne, les locaux ou installations utilisés
aux fins d’habitation et impropres par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l’état,
ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes
pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé ». Deux catégories de
situations sont ciblées par la loi, et la nature des biens visés englobe les logements insalubres,
les immeubles menaçant ruine, les lieux d’habitats précaires, et autres biens similaires.
Pour le professeur Chantal IORIO, l’habitat indigne regroupe l’intégralité des
situations d’habitat qui portent atteinte à la dignité humaine et constituent un déni du droit
au logement. Elle suggère qu’il soit procédé à une codification de la notion d’habitat indigne,
figurant à l’article 4 de la loi du 31 mai 19902373 sur le droit au logement (DAL), dans le
code de la construction et de l’habitation, afin d’en accroître la portée. L’habitat indigne est
incontestablement un habitat indécent, car le logement indécent est celui qui ne répond pas
aux caractéristiques minimales de confort, d’équipement, de salubrité et de sécurité.
L’habitat insalubre est un habitat indigne qui présente un danger pour la santé et la
sécurité de ses occupants et peut faire l’objet d’une procédure d’insalubrité. L’insalubrité
résulte alors de l’état et des conditions d’occupation de l’immeuble2374. S’il s’agit d’un

2371
Favorisant les risques naturels, technologiques, financiers, économiques, physiques, et sociaux ; sans que
cette liste soit exhaustive.
2372
Loi n°2009-323 du 25 mars 2009, de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, publiée
au JORF n°0073 du 27 mars 2009 page 5408, texte n° 1.
2373
Loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, dite « Loi BESSON I ».
2374
Cf. les articles L1331-1 et suivants du code de la santé publique, Titre III, Chapitre Ier, et plus
particulièrement les articles L1331-25 à L1331-28 dudit code (site Légifrance).

670
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

immeuble menaçant ruine, c’est la procédure de péril qui est mise en œuvre. La procédure
d’insalubrité peut être remédiable2375 ou irrémédiable2376. La « loi Besson I » a rendu
obligatoire le Plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées
(PDALPD) qui prend en compte le repérage de situations d’habitat indigne et leur résorption.
La lutte contre l’habitat indigne constitue une préoccupation politique forte, car
l’habitat indigne est fortement liée à l’occupation sans titre ou à toute occupation portant
atteinte à la dignité de la personne humaine (habitat dangereux, insalubre, indécent, ou
assimilé). À cet égard, une circulaire du 08 février 20192377, émanant conjointement de la
garde des sceaux, ministre de la justice et du ministre auprès de la ministre de la cohésion
des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du
logement, relative au renforcement et à la coordination de la lutte contre l’habitat indigne,
illustre bien cette priorité de l’action gouvernementale s’attachant à protéger les personnes
vulnérables et à offrir à chacun un logement respectueux de la dignité humaine. Cette priorité
s’inscrit dans le cadre du programme « Action cœur de ville », du plan « Initiatives
copropriétés » et du plan « Santé environnement ».
La loi « ELAN » du 23 novembre 20182378, portant évolution du logement, de
l’aménagement et du numérique, constitue un outil très intéressant visant à améliorer le
fonctionnement des copropriétés et à simplifier les dispositifs de lutte contre l’habitat
indigne, par une pression financière importante sur les bailleurs de mauvaise foi et par un
durcissement de l’arsenal répressif. Des actions de répression et de résorption de l’habitat
indigne sont prévues et contenues dans le code de la santé publique, dans le code de la
construction et de l’habitation, et sont mises en place par les préfets, les maires et les
présidents d’EPCI. La circulaire du 8 février 2019 sus relatée préconise une action
coordonnée entre les autorités administratives et judiciaires pour lutter de manière efficace
contre l’habitat indigne et la délinquance qu’elle induit. Une étude réalisée par l’Agence
d’urbanisme et d’aménagement de la Martinique (l’ADUAM)2379, en janvier 2003, effectue

2375
L’arrêté préfectoral d’insalubrité remédiable permet de prendre des mesures pour faire cesser l’insalubrité.
2376
L’arrêté préfectoral d’insalubrité irrémédiable est pris lorsqu’il n’existe aucun moyen de remédier à
l’insalubrité ou que sa résorption est plus coûteuse que la reconstruction de l’immeuble. L’insalubrité peut
conduire à un hébergement temporaire ou à une proposition de relogement.
2377
Circulaire n° CRIM/2019-02/G3-08.02.2019, du 8 février 2019, relative au renforcement et à la
coordination de la lutte contre l’habitat indigne. N° NOR : füSD1904204C.
2378
Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique,
publiée au JORF n°0272 du 24 novembre 2018, texte n° 1.
2379
L’ADUAM, dont le siège est à Fort-de-France (Martinique), 30 boulevard du Général de Gaulle, est un
organisme de réflexion et d’étude qui a pour missions la mise en place d’instruments de connaissance et de

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un recensement de tous les sites d’habitat insalubre dans l’agglomération foyalaise.


La procédure de résorption de l’habitat insalubre (RHI) permet de conduire des études
préalables et d’intervenir sur le bâti dans les quartiers anciens d’habitats privés très dégradés.
Elle est souvent combinée à une maîtrise d’œuvre urbaine et sociale (MOUS)2380 afin d’offrir
et de combiner une approche sociale et urbaine.
Compte tenu de tout ce qui est sus dit, le défi pour toute procédure de régularisation
foncière par cession, doit être de permettre l’insertion des milieux d’habitat spontané dans
le cadre du marché foncier traditionnel, en favorisant l’accession à la propriété foncière et
l’accès à un habitat digne, notamment par la priorisation de l’aménagement et de
l’équipement de ces quartiers auto-construits, dans un souci de dignité de la personne
humaine et de sécurité foncière des occupants.
Des garde-fous doivent être mis en place par le législateur dans ce domaine, car
beaucoup d’opérations d’aménagement réalisées par les communes revêtent un caractère très
ponctuel, aggravé par une absence globale de politique d’aménagement. Cela ressort d’un
rapport présenté par Jean HUCHON, sénateur, à propos du projet de loi relatif à
l’aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas
géométriques dans les départements d’outre-mer, avant l’entrée en vigueur de la loi du 30
décembre 19962381. Plusieurs facteurs sont en cause : la lenteur constatée dans
l’établissement des schémas d’aménagement régionaux (SAR) à la Guadeloupe et à la
Martinique, les nombreuses transformations du plan d’occupation des sols (POS) de
l’époque, actuels plans locaux d’urbanisme (PLU), et les difficultés rencontrées lors de
l’établissement des schémas de mise en valeur de la mer (SMVM).
Ce rapport rappelle que la « loi littoral » a rendu plus prégnantes les problématiques
d’aménagement, compte tenu de la nécessité de résorber l’habitat insalubre dans les quartiers
d’habitats spontanés, et vu l’existence de « dents creuses » identifiant des parcelles non

suivi des évolutions notamment urbaines du territoire de la Martinique, la participation à la définition de


politiques d’aménagement et de développement, l’observation et l’accompagnement à la mise en œuvre du
Schéma d’Aménagement Régional (SAR) et du Schéma Départemental d’Aménagement Touristique (SDAT).
Il a également pour mission d’élaborer ou de participer à l’élaboration des documents d’urbanisme : Schémas
de cohérence territoriale (SCOT), Plans locaux d’urbanisme (PLU), Cartes communales. Il accompagne la mise
en œuvre de projets d’agglomération, participe à la définition des chartes de pays, dans un souci
d’harmonisation des politiques publiques et du développement durable. Il constitue pour les Collectivités
territoriales et l’État un centre de ressources, dont le champ d’action couvre le territoire de la Martinique. Cf.
pour aller plus loin, le site de l’ADUAM : www.aduam.com.
2380
Le Comité Technique Départemental MOUS, regroupe les principaux acteurs du Département, dans le
cadre d’une action en partenariat de la lutte contre l’habitat indigne et dégradé.
2381
Rapport n°113 du Sénat, session ordinaire 1995-1996, fait par HUCHON (J.), Sénateur, au nom de la
Commission des Affaires Économiques et du Plan, sur le projet de loi relatif à l’aménagement, la protection et
la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les Départements d’outre-mer.

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occupées dans les zones d’occupation sans titre, distincts des parcelles occupées2382.
De nombreuses années après la « loi littoral », nonobstant les procédures de
régularisation foncière mises en œuvre dans la zone des cinquante pas géométrique et dans
le domaine privé outre-mer, la problématique de l’aménagement des quartiers auto-
construits avant cession demeure d’actualité2383.
La régularisation foncière et la lutte contre l’habitation informel peuvent être de nature
à générer, à l’occasion des opérations d’aménagement, des démolitions et des relogements.
La question préoccupante des quartiers dégradés, de l’habitat insalubre, de l’habitat indigne
et du logement indécent, et à terme de la dignité de la personne humaine, est alors mise en
exergue par le défaut d’aménagement préalable.

2) Apport de la « loi LETCHIMY sur l’habitat »

Les apports de la « loi LETCHIMY sur l’habitat »2384 sont de nature à créer un véritable
droit de superficie indemnisable dans certains cas, notamment en cas de régularisation
foncière négative. En effet, la loi du 23 juin 2011 dite « Loi LETCHIMY sur l’habitat », a
l’avantage de donner une figure aux opérations de démolition, en permettant l’indemnisation
des occupants, dans des conditions précises. Ainsi, c’est la société qui forge le droit,
puisqu’une sorte de droit de superficie est reconnu aux occupants par ce biais. La
problématique de l’habitat insalubre et indigne reste donc liée à celle de l’habitat informel
et vient fréquemment se greffer sur celle de la régularisation foncière.
L’article 1er de la « loi LETCHIMY sur l’habitat » permet le versement d’une aide
financière aux occupants, lorsque la réalisation de l’opération d’aménagement ou
d’équipements publics conduit à démolir des locaux à usage d’habitation édifiés sans droit
ni titre sur la propriété d’une personne publique ou de son concessionnaire, aux conditions
ci-après : les occupants, leurs ascendants ou descendants, doivent être à l’origine de
l’édification des locaux concernés, qui doivent constituer leur résidence principale. Les
occupants doivent justifier d’une occupation paisible et continue desdits locaux depuis plus
de dix ans, à la date de la délibération de la personne publique ayant engagé l’opération, ou
à la date d’ouverture de l’enquête publique préalable à la réalisation des travaux, ou à défaut,

2382
Rapport n°113 du Sénat, session ordinaire 1995-1996, fait par HUCHON (J.), idem.
2383
Ainsi, la détermination de son coût et de la responsabilité de son exécution, doit être effectuée, avant les
transferts prévus dans le cadre de la « loi ADOM », ainsi qu’il ressort de l’entretien avec Hervé EMONIDES,
directeur de l’Agence des 50 pas de Martinique, op. cit.
2384
Loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel
et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer. Loi publiée au JORF n° 0147
du 26 juin 2011, p. 10863, texte n° 1. NOR : OMEX1104599L.

673
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

à la date de la décision de la personne publique, maître d’ouvrage. De plus, il ne doit pas


avoir eu d’ordonnance d’expulsion pendant cette période de dix ans.
Cet article 1er prévoit le relogement ou l’hébergement d’urgence des personnes
concernées, à la charge de la personne publique ayant engagé l’opération ou de son
concessionnaire. Il peut s’agir d’une proposition d’accession sociale à la propriété si la
personne à reloger dispose des ressources nécessaires à cet effet.
Dans le cas d’une démolition de locaux affectés à l’exploitation d’établissements à
usage professionnel, édifiés sans droit ni titre sur la propriété d’une personne publique ou de
son concessionnaire, la personne publique ou son concessionnaire peut verser aux
exploitants une aide financière tenant compte des conséquences de cette opération, aux
conditions suivantes : les exploitants doivent être à l’origine de l’édification des locaux. Ils
doivent exercer leur activité dans ces locaux de manière continue depuis plus de dix ans, à
l’une des dates susmentionnées. Ils doivent exercer leur activité dans le respect des
obligations légales, et ne pas avoir fait l’objet d’une ordonnance d’expulsion.
Le montant de l’aide financière versée, dans les deux cas sus mentionnés, est calculé
par référence à un arrêté des ministres chargés du logement, de l’outre-mer et du budget, en
prenant en considération l’état technique et sanitaire de la construction démolie, la valeur
des matériaux, la surface des locaux, la durée de l’occupation et la situation de la
construction au regard des risques naturels2385. En tout état de cause, ces aides sont versées à
la libération des locaux.
Les autres articles mentionnent des cas similaires2386. Ainsi, si la démolition des locaux
à usage d’habitation ou à usage professionnel intervient dans le cadre d’une procédure
d’expropriation, la personne publique à l’initiative de l’opération ou son concessionnaire
verse une aide financière répondant aux conditions et modalités sus visées. L’aide financière
est aussi prévue en cas de démolition de constructions données à bail par les personnes les
ayant édifiées ou fait édifier dans les mêmes conditions que sus dites, si la location est
effectuée dans le respect des conditions locatives ou de bonne foi. Cette aide financière est
également prévue dans le cadre de démolition de constructions édifiées sans droit ni titre
dans une zone exposée à un risque naturel prévisible menaçant gravement des vies humaines.
L’article 9 de la loi précise que lorsque des travaux d’amélioration sont mis à la charge

2385
À défaut de publication de cet arrêté dans le délai précisé, les conditions de versement de l’aide financière
font l’objet d’une convention entre la personne publique maître d’ouvrage des équipements publics ou qui est
à l’initiative de l’opération d’aménagement, ou son concessionnaire, et la personne bénéficiaire.
2386
Toutes ces dispositions sont répertoriées aux articles 1 à 7 de la loi LETCHIMY sur l’habitat informel.

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des personnes occupant des locaux à usage d’habitation, les donnant à bail, ou les exploitant,
tout en n’ayant aucun droit ni titre sur le terrain d’assiette, la réalisation des travaux n’ouvre
aucun droit à leur endroit, sous réserve de l’application de l’article 555 du code civil.
Outre la « loi LETCHIMY sur l’habitat », la « loi ADOM » n° 2015-1268 du 14
octobre 2015 prévoit également des dispositions pour lutter contre l’habitat indigne. En effet,
ladite loi prévoit notamment dans son chapitre II, aux articles 18 à 29 des dispositions
spécifiques pour lutter contre l’habitat indigne. Ainsi, dans son article 22, elle rend
obligatoire un plan communal de lutte contre l’habitat indigne (PCLHI) et l’inscrit dans le
code de la construction et de l’habitation2387. Un protocole est signé entre les communes
concernées, ou leur EPCI et l’Etat, et précise les objectifs et actions à engager pendant la
durée du plan.
À tout ceci viennent s’ajouter les risques liés aux conditions de régularisation foncière
qui peuvent avoir des effets pervers.

3) Effets inattendus de la renonciation à la présomption de propriété des


constructions sur l’aménagement

L’adage « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans » peut avoir des


conséquences inattendues en matière de régularisation foncière, car pour faciliter l’accession
à la propriété des occupants, les personnes publiques favorisent la cession du terrain seul,
les constructions étant considérées comme appartenant déjà aux occupants2388. Or, cette
option empêche la personne publique régularisatrice de prendre en compte certains risques.
Il s’agit notamment des risques relatifs à la présence d’amiante dans les constructions, à
l’existence d’installations électriques défectueuses ; et généralement tous les risques liés au
non-respect des normes des immeubles auto-construits eux-mêmes.
En effet, dans les procédures de régularisation foncière, l’objectif poursuivi est
d’arriver à mettre en place, à posteriori, une situation foncière ou une relation foncière
régulière. Dans ce cas, le propriétaire public prend l’option, chaque fois que c’est
juridiquement possible2389, de renoncer à la présomption de propriété des constructions

2387
Ce plan comporte un repérage exhaustif des différentes formes d’habitat indigne et informel présentes sur
le territoire de la commune, l’état technique et sanitaire des locaux d’habitation, leur situation au regard de la
propriété du terrain d’assiette, leur localisation au regard des risques naturels, l’indication des objectifs
quantitatifs et qualitatifs de traitement pour la résorption de ce type d’habitat, l’affichage des priorités d’actions
et moyens techniques, humains et financiers pour y faire face, et les modalités de mise en œuvre du programme
retenu.
2388
Et ceci, afin notamment de diminuer le coût des cessions.
2389
Notamment en l’absence de bail emphytéotique parvenu à terme.

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édifiées sur son terrain, jouant à son profit, considérant que l’occupant est propriétaire des
constructions ainsi édifiées. En conséquence, l’opération de régularisation foncière ne porte,
en définitive, que sur le terrain d’assiette des constructions, l’occupant étant considéré
comme étant déjà propriétaire des constructions. C’est l’option choisie par l’État dans le
cadre des opérations de régularisation foncière par cession mises en place par la loi du 30
décembre 1996. C’est aussi l’option choisie par certaines communes, pour les opérations de
régularisation foncière mises en place sur leur domaine privé.
Cette option a toutefois pour conséquences de faire reporter la responsabilité des
risques inhérents à la construction, sur l’occupant « régularisé » c’est-à-dire celui,
bénéficiaire de la régularisation, qui a construit ou fait construire2390. L’adage « Nemo auditur
propriam turpitudinem allegans »2391, est ici formulé, car c’est l’occupant qui est à l’origine
de l’implantation de la construction sur le terrain d’autrui, qui est lui-même à l’origine de
l’insalubrité de sa propre construction.
Toutefois, le fait que la vente ne porte que sur le terrain d’assiette des constructions,
ne suffit pas à occulter les situations d’habitat informel ou insalubre, qui doivent être traitées
comme telles, et faire l’objet de mesures de résorption2392, lorsque la dignité de la personne
humaine et son droit au logement sont menacés, même dans les cas sus mentionnés.
La question de l’aménagement avant ou après cession se trouve posée dans le cadre de
la régularisation foncière, compte tenu du souhait des acteurs publics et politiques
d’accélérer les cessions. En cas d’aménagement avant cession, il y a le risque réel d’un
aménagement inachevé, allongeant la durée de réalisation de l’opération et reportant le
moment de la régularisation foncière par cession proprement dite. Dans le cas inverse, dans
l’hypothèse d’un aménagement après cession, le risque d’une cession à risques, favorisant
une insécurité foncière et juridique vis-à-vis d’une population déjà vulnérable, et des biens,
est omniprésent. De plus il arrive que les opérations d’aménagement intervenant dans ces

2390
Par exemple, il n’est pas rare, qu’à l’occasion des opérations de régularisation foncière initiées par la
commune de Fort-de-France sur son domaine privé, l’occupant refuse l’opération de régularisation, pour motif
d’habitat insalubre, faisant de la résorption de l’insalubrité de son habitat, la condition « sine qua none » de
l’obtention de sa signature au bas du titre de propriété lui transférant la propriété du terrain. La modicité des
prix de vente pratiqués dans le cadre de ces opérations et le fait que la vente ne porte que sur le terrain d’assiette
des constructions, ne suffisent pas à occulter les situations d’habitat informel ou insalubre. Cette attitude peut
surprendre car c’est le constructeur de la maison lui-même, c’est-à-dire celui qui est à l’origine de
l’implantation de la construction sur le terrain d’autrui, et de l’insalubrité de ladite construction 2390, qui oppose
à la personne publique à l’origine de l’opération de régularisation foncière, sa propre turpitude au travers de
l’exception d’insalubrité de sa construction.
2391
Personne n’est entendu (par un juge) lorsqu’il allègue sa propre turpitude. Voir « Lexique des termes
juridiques », édition 2017-2018, op. cit.
2392
Celles sus dites et d’autres mieux adaptées.

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quartiers, après construction, comme dans le cas des lotissements à l’envers, ne fassent
qu’atténuer leur aspect dégradé, sans mettre un terme à cette dégradation.
Mais en définitive, l’aménagement revêt un caractère incontournable dans le cadre de
la régularisation foncière, en vertu du principe de précaution résultant de l’article 5 de la
charte de l’environnement de 2004 »2393, et celui de développement durable résultant de
l’article 62394 de ladite charte, qui doivent être respectés. L’aménagement et la résorption de
l’habitat insalubre (RH.I.), sont incontournables dans toute opération de régularisation
foncière. L’aménagement fait partie intégrante des procédures de régularisation foncière,
dans la mesure où l’occupation sans titre met en œuvre des techniques de construction
anarchiques, caractéristiques de l’habitat spontané et informel, souvent peu respectueuses
des normes foncières, juridiques et d’urbanisme.
Les opérations d’aménagement se révèlent de durée extrêmement longue et sont
mobilisatrices de ressources financières, structurelles et en personnel, très importantes, bien
qu’elles soient nécessaires et incontournables. Les problèmes d’aménagement, de
servitudes, et autres problématiques foncières entourant l’acte de régularisation foncière,
mobilisent de longs délais, incompatibles avec l’urgence desdites procédures de
régularisation foncière. L’aménagement de quartiers populaires où prédominent les
phénomènes d’auto-construction, est long et coûteux2395.
D’après l’avis des urbanistes et autres professionnels chargés d’opérations de
régularisation foncière, si l’on adopte la solution idéale consistant à exécuter complètement
les plans d’aménagement avant toute cession, il y un risque que les premières cessions en
vue de la régularisation foncière de la situation des occupants sans titre, ne soient pas
réalisées avant l’écoulement d’une période de 25 à 30 ans. L’expérience a démontré de
réelles difficultés de coordination entre les agences des 50 pas géométriques, qui préconisent
un aménagement préalable ou concomitant, et les communes, dont certaines ont eu du mal à
avancer la part communale du financement2396.
D’après le Député, Serge LETCHIMY2397, en termes de projet d’aménagement, le coût

2393
Article 5 de la Charte de l’environnement de 2004.
2394
Article 6 de la Charte de l’environnement de 2004.
2395
Voir les développements faits ci-dessus, dans la partie « Aménagement et prévention : des opérations
préalables à la cession ». Il s’agit de la mise en place d’équipements publics et autres, après édification des
constructions ; ce qui constitue une démarche inverse de celle adoptée dans une opération de construction.
2396
Entretien accordé par Yves-Michel DAUNAR, ancien directeur de l’agence des 50 pas géométriques de la
Martinique, le 27 juillet 2016.
2397
Entretien avec Mr Serge LETCHIMY, du 1 er juin 2007, sur le thème de « la régularisation de la situation
des occupants sans titre » précité.

677
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

financier atteindrait facilement les 150.000,00 euros pour un quartier tel que Volga Plage, et
les 400.000,00 euros, pour un quartier tel que Trénelle Citron. L’idéal serait d’aménager tout
en cédant, et d’effectuer les cessions au vu du plan d’aménagement, ou du plan de masse s’il
en existe2398, afin d’éviter toute inertie et d’accorder aux occupants sans titre, par la
délivrance d’un titre de propriété, « un véritable droit à la Ville »2399.
Mais globalement le souhait des personnes publiques est de régulariser la situation des
occupants au plus tôt, par la cession à leur profit des terrains d’assiette de leurs constructions
situées dans les zones cessibles, et par l’archivage des dossiers n’ayant pas abouti, le chantier
de la régularisation foncière étant lourd et chronophage2400.

2398
Entretien avec Mr Serge LETCHIMY, du 1 er juin 2007, op. cit. La Ville de Fort-de-France adhère aux
objectifs du projet d’aménagement de l’Agence, mais pour Serge LETCHIMY, la cession et l’aménagement
peuvent être effectués parallèlement. L’idéal est que la cession se fasse au vu du plan d’aménagement, ou mieux
du plan de masse, s’il en existe. Il convient de noter que ce plan d’aménagement existe pour Trénelle Citron.
Concernant le quartier Volga Plage, il existerait des plans d’aménagement anciens d’environ quinze ans. Les
récents études de l’Agence des 50 pas de Martinique ont permis de préciser le projet d’aménagement du quartier
de Volga Plage. Il ressort des différentes investigations menées à Volga Plage, que les réseaux présentent un
bon niveau de desserte générale. Quelques ajustements sont cependant à prévoir (il faut notamment envisager
d’enterrer tous les réseaux, de pallier leur vétusté, etc.). Avec les régularisations foncières déjà intervenues sur
ce quartier (plus de 300 régularisations foncières), il faut espérer une modification dans les comportements.
2399
Dans cette optique d’optimisation de l’aménagement, la société ODYSSI, Régie Communautaire de l’Eau
et de l’Assainissement a été investie par la commune de Fort-de-France, dans les années 2008, d’un travail de
repérage des réseaux et canalisations et d’un diagnostic complet de la situation desdits réseaux, afin de
permettre à la municipalité de lutter contre les branchements sauvages et de procéder à terme à une remise aux
normes totale desdits réseaux. Ce travail long et difficile (car les réseaux sont enchevêtrés et souvent peu
accessibles), a révélé l’impossibilité de procéder à la constitution de servitudes de passage de réseaux et
canalisations dans les titres de propriété, faute d’identification des fonds servants et des fonds dominants. La
publication au Service de la publicité foncière (ancien bureau des hypothèques), de la constitution d’une
servitude constituée sans indication du fonds dominant (bénéficiaire de la servitude) et du fonds servant (grevé
de la servitude), serait inopérant. Le géomètre missionné par la Ville de Fort-de-France pour procéder au
bornage des terrains à Volga Plage, n’a pu procéder au travail complet de repérage des divers réseaux et
canalisations (réseaux enchevêtrés et peu accessibles). Il en résulte l’impossibilité, à ce stade, de procéder à la
constitution des servitudes de passage de réseaux et canalisations pourtant nécessaires, dans les titres de
propriétés, faute d’identification du fonds servant et du fonds dominant, et la nécessité de prévoir le passage
de ces divers réseaux et canalisations dans le tréfonds du domaine public communal.
2400
Pour pallier le problème du repérage des réseaux non abouti avant cession, une clause générale est
introduite dans les actes de vente, aux termes de laquelle la commune se réserve un droit d’intervention sur la
propriété vendue, à l’effet d’effectuer tous travaux de réparation et d’entretien nécessaires au bon
fonctionnement des canalisations et réseaux divers, et généralement à l’effet d’effectuer tous travaux
nécessaires à la finalisation et à l’optimisation de l’aménagement du quartier, dans un but de sécurité et de
salubrité publique ; clause que l’acquéreur accepte expressément dans l’acte. En outre, les titres de propriété
délivrés contiennent généralement une clause aux termes de laquelle l’acquéreur déclare faire son affaire
personnelle de toutes contestations qui pourraient s’élever, de toutes indemnités ou dommages-intérêts qui
pourraient être dus, et de toute convention de servitude à régulariser ultérieurement, à raison du passage
éventuel, sur le terrain objet de la vente, de toutes canalisations et réseaux divers, et, compte tenu de l’existence
sur le terrain objet de la vente, de constructions appartenant déjà à l’acquéreur, dont l’édification a été faite
dans des conditions telles, que le vendeur, s’est trouvé dans l’impossible matérielle jusqu’à ce jour, d’identifier
avec exactitude et précision, le lieu d’implantation et de passage de ces divers réseaux et canalisations. De plus,
l’acquéreur s’engage, à cet égard, à convenir et signer toute convention de servitude qui s’avérerait nécessaire
avec les propriétaires des fonds contigus. L’objectif des personnes publiques est, qu’à terme, l’ensemble des
canalisations et réseaux divers passent dans le domaine public communal, sans pour autant que cet impératif
ne bloque les opérations de cessions réalisables en l’état.

678
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Par ailleurs, un autre obstacle à la mise en place de procédures de régularisation


foncière, est constitué par l’enchevêtrement de plusieurs propriétaires fonciers, d’une même
parcelle mère, supportant des constructions illégales2401. Pour pallier les risques induits par
une telle situation, les communes travaillent en collaboration avec l’Agence des cinquante
pas géométriques qui préconise surtout la reprise de l’ensemble des voiries, la mise en valeur
des dents creuses qui mériteraient d’être affectées à usage de parkings ou de jardins publics
et la réalisation d’aires de stationnement2402.
L’aménagement des quartiers auto-construits, d’habitat spontané, situés à cheval sur
la zone des cinquante pas géométriques et le domaine privé communal exige la collaboration
de plusieurs acteurs politiques, dont notamment l’État2403, les communes, et les agences des
cinquante pas géométriques. La nécessité de mettre en place une structure de gestion
regroupant ces entités décisionnelles s’est avérée nécessaire. Cette situation a conduit à
l’instauration de commissions inter décisionnelles entre l’Etat (DEAL), l’Agence et la
commune de Fort-de-France, pour raccourcir les délais de traitement des demandes de
régularisation foncière dans la zone des cinquante pas géométriques2404.

2401
Il est possible de citer l’exemple du quartier de Volga Plage à Fort-de-France, dont l’une des caractéristiques
essentielles est la coexistence dans ce quartier de plusieurs propriétaires fonciers. L’État y est propriétaire de
la zone des cinquante pas géométriques. La Commune de Fort-de-France est également propriétaire d’une
grande partie des terrains dudit quartier (terrains qu’elle a acquis originellement de l’Etat, et qu’elle est
actuellement en train de rétrocéder aux occupants sans titre). Des propriétaires privés en indivision, et des
bailleurs sociaux sont également propriétaires d’une partie des terrains dudit quartier. Pour pallier cette
situation, la commune de Fort-de-France s’est portée acquéreur des terrains appartenant à la SIMAR. La
SIMAR, bailleur social, était elle-même devenue propriétaire de ces parcelles (à l’origine plus de trois hectares)
pour les avoir acquises des Consorts DIDIER et IMAN, au cours de l’année 1965. Sont concernés plus de
deux hectares et demi de terrains destinés à être rétrocédés aux occupants sans titre.
2402
Dans le cas du quartier de Volga Plage en Martinique, à terme, c’est le désenclavement complet du secteur
qui est envisagé tant par la municipalité que par l’Agence des cinquante pas. Pour l’heure, ce secteur est
desservi par une voie centrale dénommée « rue de la Valmenière », et par un ensemble de petites artères. Il
convient à ce titre de noter que le quartier de Volga Plage a déjà fait l’objet d’un certain nombre
d’aménagements (pompes à eau, etc.), ayant permis la réalisation de travaux sur une partie du quartier et la
pose de stations de désengorgement, permettant au dit quartier d’être mieux protégé contre les risques liés à
l’inondation. Mais d’autres travaux d’aménagement et d’équipement restent à réaliser.
2403
Notamment par le biais de la DEAL.
2404
À titre d’exemple de cette problématique essentielle de l’aménagement, la commune de Fort-de-France,
pour ne pas retarder le processus de régularisation foncière, a entrepris de céder aux occupants sans titre du
domaine de Volga Plage, et à une partie des personnes occupant les zones qui ne sont pas à risques du domaine
communal privé de Trénelle, le terrain d’assiette de leurs constructions, sans attendre le parfait aménagement
du quartier, sous certaines réserves. Toutefois, il demeurait fondamental d’identifier ce qui est cessible et ce
qui ne l’est pas. Ce travail a été accompli récemment, au cours de l’année 2017, avec l’aide de l’Agence des
50 pas géométriques de la Martinique qui a mené des études sur l’aménagement du quartier de Volga Plage et
identifié les parcelles devant être impactées à terme par l’aménagement dudit quartier. L’agence a été aidée
dans sa tâche par le Conseil citoyen de Volga Plage, né de la participation citoyenne, auquel la commune de
Fort-de-France avait donné mandat pour animer la concertation avec les habitants sur l’aménagement du
quartier. Un autre quartier de Fort-de-France, celui de Trénelle, dont certains secteurs ont fait l’objet d’une
opération de RHI, a fait l’objet de l’établissement d’un cahier des charges des cessions. Ce cahier des charges
a permis un meilleur encadrement des conditions de la régularisation foncière, en prévoyant notamment des
servitudes diverses pour les réseaux.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Tout ce qui est ci-dessus exposé conduit à se poser la question cruciale de la prévention
des risques naturels et environnementaux dans le cadre de la régularisation foncière (B).

B. RÉGULARISATION FONCIÈRE ET PRÉVENTION DES


RISQUES NATURELS ET ENVIRONNEMENTAUX

La régularisation foncière est également soumise aux préconisations du plan de


prévention des risques naturels et technologiques (PPRNT), aux impératifs de protection de
l’environnement et au respect des enjeux d’aménagement durable.

1) Respect des préconisations du plan de prévention des risques naturels


et technologiques (PPRNT)

Toute personne publique s’engageant dans des opérations de régularisation foncière,


doit tenir compte des dispositions du plan de prévention des risques naturels et
technologiques (PPRNT)2405. Le vendeur et le bailleur sont tenus à une obligation
d’information envers les acquéreurs et locataires de biens immobiliers situés dans des zones
couvertes par un plan de prévention des risques technologiques ou un plan de prévention des
risques naturels prévisibles prescrit ou approuvé par le préfet, dans des zones de sismicité
de niveau 2 à 52406, ou dans des zones à potentiel radon2407. Cette information doit figurer
dans l’acte de cession d’un terrain, que ce soit dans le cadre d’une procédure de
régularisation foncière ou non. Elle précise également certaines préconisations à l’attention
de l’acquéreur, notamment lorsque la construction est possible, pour diminuer le risque. En
pratique, dans certains cas, la situation du terrain au regard des risque naturels et
technologiques peut conduire les parties à surseoir à la vente, en présence de risques majeurs
s’opposant à toute construction, avec possibilité d’expropriation en cas d’occupation sans
titre, en considération des risques encourus2408 ; et ce, même si les textes n’empêchent pas
expressément la vente, l’accent étant mis sur l’information.
L’état des risques naturels et technologiques est le document qui, dans le cadre de
l’information des acquéreurs et des locataires (IAL) sur les risques naturels et technologiques

2405
Article L125-5 et suivants du code de l’environnement, modifié par l’article 40 de l’ordonnance n° 2016-
128 du 10 février 2016. La liste des communes concernées est arrêtée par le préfet du département. L’arrêté
peut être consulté à la mairie, à la Préfecture ou sur le site internet de la Préfecture où est situé le bien.
2406
Par exemple, le risque sismique pour la Martinique est de niveau 5.
2407
Cf. article L125-5 du code de l’environnement.
2408
C’est le cas des zones violette et rouge du PPRN de Martinique. Cf. :
http://www.martinique.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Reglement_PPRNred_cle2f74fa.pdf.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

majeurs, leur permet de tenir compte des aléas liés aux risques naturels2409. Le PPRNT, dans
le cadre de l’aménagement et de l’urbanisation du territoire, est un outil de prévention
élaboré par les services de l'Etat avec pour but d'informer, à l'échelle communale, de
l'existence de zones à risques, d’éviter l’augmentation des enjeux dans les zones à hauts
risques, de diminuer la vulnérabilité des constructions et de définir, pour ces zones, les
mesures nécessaires à l'effet de réduire les risques à l'égard de la population2410. Il est établi
en lien avec les communes2411.
Un état des risques fondé sur les informations mises à disposition par le Préfet doit
demeurer annexer à chaque contrat de vente ou de location2412. À cet état est jointe la
cartographie du ou des risques majeurs existants sur la commune, avec localisation du bien
concerné sur le plan cadastral. La production de cet état est régie par l’article L125-5 du
code de l’environnement. En application de l’article L125-5 IV dudit code, le vendeur doit
déclarer si le bien a subi ou non un sinistre ayant donné lieu au versement d’une indemnité
en application de l’article L125-2 ou de l’article L128-2 du code des assurances, pendant la
période où il a été propriétaire. Il doit préciser si, par ailleurs, il n’a pas été lui-même informé
d’un tel sinistre en application des mêmes dispositions. L’état des risques et pollutions est
rempli par le vendeur ou le bailleur, daté et signé par les parties 2413. En l’absence de ce
document l’acquéreur peut demander l’annulation de la vente ou la diminution du prix de
vente auprès du Tribunal de Grande Instance2414.
Depuis l’intégration du potentiel radon des communes dans l’état des risques, l’état
des risques, précédemment appelé « état des risques naturels, miniers et technologiques »
(ERNMT) et « état des risques et informations sur le sol » (ESRIS), a été remplacé par la

2409
Cf. articles L125-5 et suivants et R125-24 et suivants du code de l’environnement.
2410
À titre d’exemple, l’arrêté préfectoral prévu par l’article L.125-5 III du code de l’Environnement et
indiquant la liste des communes dans lesquelles les dispositions relatives à l’obligation d’informer les
acquéreurs et locataires de biens immobiliers sur les risques majeurs sont applicables, est intervenu dans le
département de la Martinique, le 17 février 2006, sous le numéro 06-0573. Les informations mises à disposition
par le préfet font mention de l’existence d’un dossier communal d’information sur les risques naturels (DCI),
et d’un dossier départemental sur les risques naturels majeurs (DDRM). Sur la commune de Fort-de-France,
un plan de prévention des risques naturels prévisibles a été approuvé par arrêté numéro 043434 en date du 22
novembre 2004, et révisé par arrêté préfectoral n° 2013364-0024 du 30 décembre 2013. Cet arrêté est annexé
au plan local d’urbanisme (PLU) par arrêté municipal n° 0507 du 25 mars 2014. Par ailleurs, un plan de
prévention des risques technologiques (PPRT) « Sara et Antilles Gaz », a été approuvé par arrêté numéro 2013-
322-0009 en date du 18 novembre 2013. La Martinique se situe en zone de sismicité 5 (forte) et il y a lieu de
respecter pour les constructions nouvelles, les agrandissements, les surélévations ou les transformations, les
règles édictées par les articles L111-26 et R 111-38 du code de la construction et de l'habitation, notamment
quant au contrôle technique.
2411
Les plans locaux d’urbanisme en tiennent compte.
2412
Cf. article L.125-5 et s. du Code de l’Environnement.
2413
Il doit avoir été rempli depuis moins de 6 mois pour tenir compte des mises à jour effectuées.
2414
Cf. articles L125-5 et suivants et R125-24 et suivants du code de l’environnement.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

dénomination « état des risques et pollutions » (ERP). Ce changement fait suite à un arrêté
du 13 juillet 2018 modifiant l’arrêté du 13 octobre 2005 définissant le modèle de l’imprimé
pour l’établissement de l’état des risques, pour tenir compte des biens immobiliers situés
dans une zone à potentiel radon de niveau 32415.
La loi ADOM prend également en compte les risques naturels, puisque son article 28
énonce que « la cession du terrain à des personnes privées ne peut être effectuée lorsque la
construction est située dans une zone exposée à un risque naturel grave et prévisible
menaçant des vies humaines ». Cette disposition complète les dispositions des articles
L5112-5 et L5112-6 du code général de la propriété des personnes publiques, en interdisant
la cession dans ces cas. Toutefois, elle ne précise pas les zones du Plan de prévention des
risques naturels (PPRN) particulièrement concernées. Elle a certainement vocation à
s’appliquer à des situations plus larges que celles du plan de prévention des risques.
Le territoire de chaque collectivité territoriale et, à l’intérieur de chacune d’entre elles,
celui de chaque commune, est soumis à un règlement de plan de prévention des risques
définissant les prescriptions et obligations applicables à un zonage réglementaire de
sismicité2416 et à un zonage réglementaire à potentiel radon défini par décret. Ainsi, dans la
commune des Abymes, en Guadeloupe, les terrains situés en zone rouge sont
inconstructibles ; il s’agit d’une zone d’interdictions2417. En Martinique, le plan de prévention
des risques naturels prévoit différentes couleurs de zones en fonction des risques naturels,
avec les prescriptions assorties2418. En conséquence, il ne saurait être question de procéder à
la vente d’un terrain situé en zone rouge ou violette du PPRN de Martinique2419.

2415
Gaz radioactif inodore, incolore, d’origine naturelle, nocif pour la santé.
2416
Zone 2, 3, 4 ou 5, définie par décret.
2417
Pour ladite commune, les terrains situés en zone bleu foncé sont soumis à des contraintes spécifiques fortes
et à un impératif d’aménagement préalable. Les terrains situés en zone bleu sont soumis à des contraintes
spécifiques moyennes et à des prescriptions individuelles ou collectives. Les terrains situés en zone bleu clair
sont soumis à des contraintes spécifiques faibles et à des prescriptions individuelles. Les terrains situés en zone
beige clair sont soumis à des contraintes spécifiques particulières au domaine de Grand Fonds et à des
prescriptions individuelles. Les terrains situés en zone non colorée sont soumis à des contraintes courantes et
aux règles de construction applicables à l’ensemble du territoire. Cf. : http://www.guadeloupe.developpement-
durable.gouv.fr/IMG/pdf/a7_regl_pprn.pdf.
2418
Généralement dans la zone violette du PPRNT de Martinique, il n’y a pas de construction autorisée, mais
au contraire, une possibilité d’expropriation. Dans la zone rouge, il n’y a pas de construction autorisée, sauf
concernant les exceptions précisées dans le règlement. Dans la zone orange-bleue les constructions sont
autorisées sous réserve de l’application de prescriptions et de la réalisation d’une étude de risques. Dans la
zone orange, les constructions sont autorisées sous réserve de l’application de prescriptions et de la réalisation
d’un aménagement global. Dans la zone jaune, les constructions sont autorisées sous réserve de l’application
de prescriptions particulières. Dans la zone blanche, les constructions sont autorisées dans les conditions de
validité normale. En ligne (28 février 2019) : http://www.martinique.developpement-
durable.gouv.fr/IMG/pdf/Reglement_PPRNred_cle2f74fa.pdf, p. 6 et ss.
2419
Voir les caractéristiques de ces zones mentionnées en première partie du présent exposé.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

La question se pose de savoir si un terrain situé en zone orange ou orange bleue du


PPRN peut faire l’objet d’une vente. A priori, la réponse est affirmative, car des terrains
situés en zone orange sont constructibles, mais dans le cadre d’un aménagement global, et
en zone orange bleue sous réserve d’une étude de risques2420. Il convient néanmoins d’attirer
l’attention de l’acquéreur sur la zone du PPRN dans laquelle est situé son terrain. La loi
impose depuis l’année 2006, ainsi qu’il a été sus dit, que soient annexés à l’acte de vente un
extrait du plan de prévention des risques naturels et un état des risques et de la pollution du
sol. La révision du PPRNT de Martinique par arrêté préfectoral n° 2013364-0024 du 30
décembre 2013, a tenu compte des travaux d’aménagement effectués par les communes. La
nouvelle répartition des zones favorise les cessions dans certains secteurs.
Mais, outre les risques, la protection de l’environnement et des zones naturelles à
protéger peut aussi motiver le refus de cession d’un terrain sur lequel un occupant sans titre
a édifié sa construction.

2) Respect de l’environnement et du développement durable

Il est essentiel de rappeler l’importance de préserver l’environnement dans le cadre


des procédures de régularisation foncière négatives ou positives. À cet égard, la Charte de
l’environnement de 2004 considère que les ressources et équilibres naturels ont conditionné
l’émergence de l’humanité, que l’avenir et l’existence même de notre humanité sont
indissociables de son milieu naturel, que l’environnement est le patrimoine commun des
êtres humains, que la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre
que les autres intérêts fondamentaux de la Nation, et qu’afin d’assurer un développement
durable, les choix destinés à répondre à nos besoins présents ne doivent pas compromettre
la capacité des générations et peuples futurs à satisfaire à leurs propres besoins2421.
Les articles 5 et 6 de ladite charte sont particulièrement importants dans le cadre de
l’action de régularisation foncière des personnes publiques2422.

2420
La signature par l’accédant à la propriété desdits terrains, d’une reconnaissance de conseils donnés, avant
régularisation du titre de propriété délivré, concernant un terrain situé en zone orange du PPRN, est une solution
qui permet d’attirer l’attention de l’acquéreur sur les risques, les obligations et prescriptions.
2421
Voir le préambule de la Charte de l’environnement de 2004, tous les considérants. En ligne :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/le-bloc-de-constitutionnalite/charte-de-l-environnement-de-2004.
2422
En effet, l’article 5 de la charte stipule que « lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en
l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les
autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à
la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et
proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ». C’est l’application du principe de précaution. En
outre, il résulte de l’article 6 de ladite charte que « les politiques publiques doivent promouvoir un
développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le
développement économique et le progrès social ».

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Les opérations de régularisation foncière doivent contribuer à protéger


l’environnement et à mettre en place des politiques de développement durable,
conformément à ce qui est préconisé à l’article 6 de la charte de l’environnement de 2004.
Cet article énonce que les politiques publiques doivent promouvoir le développement
durable, et concilier à cet effet « la protection et la mise en valeur de l’environnement, le
développement économique et le progrès social ».
Cette protection se manifeste dans les politiques de régularisation foncière mises en
place dans la zone des cinquante pas géométriques, dont une grande partie est située en zone
naturelle. Ces zones naturelles sont réparties entre les « forêts domaniales du littoral » qui
sont gérées par l’Office national des forêts (ONF) et ont été créées entre 1970 et 1980, et les
autres espaces naturels de la zone des cinquante pas géométriques, remis au Conservatoire
du littoral (CDL).
Il convient de noter que cet impératif de protection des zones naturelles de la zone des
cinquante pas géométriques est régulièrement pris en compte par le législateur depuis 1996,
puisque la législation de 1996 et celle de 2010 prévoient l’affectation des cinquante pas
géométriques naturels au Conservatoire du littoral. La quasi-totalité boisée des cinquante
pas géométriques naturels remise au Conservatoire du littoral relève du régime forestier.
À cet égard, le Conservatoire du littoral est chargé de la gestion des espaces naturels
de la zone des cinquante pas géométriques, conformément aux articles L322-1 à L322-10 du
code de l’environnement, lesquels prévoient que cet établissement public d’État à caractère
administratif, a pour mission de mener une politique foncière de sauvegarde de l’espace
littoral, et de respect des sites naturels et de l’équilibre écologique, « après avis des conseils
municipaux et en partenariat les collectivités territoriales intéressées »2423. Cet organisme
n’est pas tenu d’accepter cette remise en gestion, et en cas de refus de sa part, ces espaces
peuvent être confiés à une collectivité territoriale ou à un groupement de collectivités
territoriales, par convention de gestion, après accord du CELRL2424. En fin de gestion,

2423
Article L322-1, I. du Code de l’environnement.
2424
Article L5112-8 du CG3P. En vertu de l’article L2123-2 du code général de la propriété des personnes
publiques, les immeubles dépendant du domaine public de l’État peuvent être confiés en gestion à des
collectivités territoriales, à des établissements publics, à des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement
rural (SAFER), à des associations ou fondations reconnues d’utilité publique habilitées par leurs statuts à de
telles missions, en vue d’assurer la conservation, la protection et la mise en valeur du patrimoine national. Les
conditions et la durée de la gestion sont déterminées par la convention passée avec l’État, qui habilite
notamment le gestionnaire à accorder des autorisations d’occupations ou à consentir des locations d’une durée
ne pouvant excéder dix-huit années. Les conventions de gestion ne stipulent pas le versement de redevances
domaniales, mais peuvent prévoir le reversement à l’État d’une partie des produits de la gestion. Le
gestionnaire peut être autorisé à encaisser directement les produits des immeubles en gestion, à condition d’en
supporter les charges.

684
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

l’immeuble est remis à l’État, sans indemnité, nonobstant les améliorations apportées.
Les objectifs liés à la protection de l’environnement, à l’aménagement du littoral et à
la lutte contre l’urbanisation outrancière, sont incontournables. La mise en application
simple du droit de l’urbanisme suffirait à assurer l’atteinte de ces objectifs. À titre
d’illustration de ce propos, le rapport du Sénat sur les domaines public et privé de l’Etat
outre-mer2425 cite l’arrêt du Tribunal des conflits, « Mlle Douce dame », du 22 octobre
20072426. Ce rapport laisse entendre qu’en vertu de cette jurisprudence, un site naturel non
aménagé devrait pouvoir appartenir au domaine privé de la personne publique, quitte à faire
l’objet d’une protection ajoutée en vertu du droit de l’environnement ou du code forestier.

3) Auto-construction et permis de lotir ou d’aménager

La protection de l’environnement passe aussi par le respect des règles d’urbanisme


applicables dans les secteurs urbains et d’urbanisation diffuse. Mais l’auto-construction met
à mal les règles applicables au lotissement et les règles d’urbanisme applicables aux
divisions, dans les opérations de régularisation foncière. Or, ces règles participent à la
réhabilitation des quartiers d’habitat informel. Pour faire face à ces situations, certains
opérateurs fonciers adoptent la technique du lotissement à l’envers2427.
Il est important de signaler qu’un lotissement non autorisé est, et reste, un lotissement
de fait, juridiquement irrégulier, passible de sanctions civiles et pénales à l’encontre du
lotisseur2428. De plus, aucun permis de construire ne peut être délivré sur le périmètre d’un
lotissement de fait, sauf délivrance d’une autorisation de régularisation2429. Cette irrégularité
revêt un caractère imprescriptible sur le plan administratif. Cependant, un arrêt récent du
Conseil d’État, en date du 17 décembre 1982, ayant érigé en principe général du droit la

2425
MOHAMED SOILIHI (Thani), rapporteur coordinateur, GUERRIAU (Joël), LARCHER (Serge),
PATIENT (Georges), rapporteurs, « Domaines public et privé de l’État outre-mer, 30 propositions pour mettre
fin à une gestion jalouse et stérile », op. cit.
2426
Aux termes de cette décision, le Tribunal des Conflits a reconnu la possibilité de l’existence d’un service
de protection de l’environnement par des collectivités territoriales, à propos d’espaces naturels sensibles, mais
avait précisé que dès lors que le service en question n’a pas nécessité d’aménagements spécialement adaptés à
l’exploitation du service public en cause, de nature à justifier son classement dans le domaine public, il ne
pouvait que relever du domaine privé de la collectivité en cause. En conséquence, la responsabilité encourue
par le département à propos de sa gestion, ne pouvait que relever de la compétence des juridictions judiciaires.
2427
Il s’agit d’une technique visant à réparer à postériori l’aménagement, par la réservation de parcelles en vue
de cet aménagement et de la création de voies et réseaux divers. Pour ce faire, la solution de la démolition-
reconstruction, coûteuse et impopulaire, est parfois requise. Elle consiste à décaser puis reloger les occupants
résidant dans les zones à risque ; ce qui génère un coût financier important et des réticences, même si, après
réhabilitation et aménagement, la satisfaction est tangible. On peut citer le cas du quartier « Bon Air » à Fort-
de-France, qui fait l’objet d’une opération de démolition-reconstruction, longue et coûteuse.
2428
JCPN, fasc. 10, 20 et 30, Lotissements.
2429
CE, 17 décembre 1982, M. EYHERABIDE, JCP 1983, II 19965, Concl. B. GENEVOIS, Obs. F.
BOUYSSOU.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

prescription trentenaire, semble remettre en cause l’actualité de cette analyse2430. Or, l’un
des fondements de la réglementation sur les lotissements est de s’assurer que les terrains
sont viabilisés et aptes à la construction.
Les divisions effectuées dans le cadre d’opérations de régularisation foncière, bien que
traitées par certains opérateurs de l’agence des 50 pas de Martinique comme des lotissements
à l’envers2431, ne sont pas constitutives de lotissements au sens juridique, les constructions
étant implantées depuis plus de dix ans2432. L’intention d’implanter un bâtiment est une
condition essentielle du lotissement. Il en résulte que la division d’une propriété bâtie n’est
jamais en soi constitutive d’un lotissement au sens juridique du terme2433. De plus,
généralement, la doctrine refuse de soumettre la constitution de droits de superficie ou la
création de volumes à bâtir, à la réglementation des lotissements, arguant qu’il s’agit de
pures techniques de droit privé et que le lotissement ne vise que la division en deux
dimensions2434.
Le régime des autorisations d’urbanisme a été profondément réformé par l’ordonnance
n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 et son décret d’application n° 2007-18 du 5 janvier
20072435. Cette réforme visait à regrouper, sécuriser et simplifier les procédures et
autorisations d’urbanisme, et à améliorer le déroulement de la phase d’instruction des
autorisations d’urbanisme. Les notions de permis d’aménager et de déclaration préalable ont
été appliquées aux lotissements. La notion même de lotissement a été remaniée. Depuis
l’ordonnance n° 2011-1916 du 22 décembre 2011, publiée en application de la loi « Grenelle
2 », suivie du décret n° 2012-274 du 28 février 2012 ayant le même objet, « constitue un
lotissement, la division en propriété ou en jouissance d’une unité foncière ou plusieurs unités
foncières contiguës, ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis »2436.

2430
CE, Ass. 8 juillet 2005, Sté Alusuisse-Lonza-France, Req. n° 247976.
2431
Entretien avec Rudy ALEXANDRE, opérateur à l’Agence des 50 pas de Martinique, le 14 mai 2007.
2432
Eu égard à ce qui est sus dit, il a été considéré que l’opération de régularisation foncière menée à Volga
Plage n’était pas constitutive d’un lotissement. Trois éléments essentiels ont milité en faveur de cette thèse : la
quasi-totalité des bâtiments implantés sur le domaine communal privé de Volga Plage ont été achevés depuis
plus de dix ans, l’intention d’implanter un bâtiment est une condition essentielle du lotissement, en outre, des
autorisations de construire et d’effectuer des travaux ont été délivrées par la municipalité aux occupants. C’est
d’ailleurs la raison pour laquelle des documents d’arpentage en rectification de limites ont été établis par le
géomètre missionné par la Ville.
2433
CE, 10 décembre 1982, M. ORSINI, Req. N° 14125 ; CE, 26 mars 2003, M et Mme X, Req. n° 231425.
2434
LIET-VEAUX (Georges), Jurisclasseur périodique administratif (JCPA), Lotissements, Fasc. 455-10.
2435
Décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007, entré en vigueur le 1er octobre 2007.
2436
Art. L442-1 du code de l’urbanisme, modifié par l’ordonnance n° 2011-1916 du 22 décembre 2011 relative
à certaines corrections à apporter au régime des autorisations d'urbanisme, publiée au JORF n°0297 du 23
décembre 2011 page 21819, texte n°4. Cette ordonnance a été suivie d’autres textes, dont un décret n° 2012-
274 du 28 février 2012 ayant le même objet, publié au JORF n° 0051 du 29 février 2012, p. 3563 texte n° 4.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Cette ordonnance modifie les règles d’urbanisme applicables aux lotissements et


autorisations de construire, notamment par la modification de l’article L442-1 dudit code et
l’insertion des articles L442-1-1 et L442-1-2. L’article R442-1 du code de l’urbanisme
énumère expressément les divisions et détachements ne constituant pas des lotissements et
par conséquent, qui ne sont pas soumis à la déclaration préalable ni au permis d’aménager.
En vertu de cet article, sont notamment concernés par cette exception « les détachements de
terrains supportant des bâtiments qui ne sont pas destinés à être démolis ».
Dans le cadre de la régularisation foncière, la sécurité juridique et foncière est
recherchée pour l’occupant sans titre qui souhaite régulariser sa situation et pour le
propriétaire lésé qui souhaite contribuer à cette régularisation. Des dispositifs légaux dédiés,
vecteurs de sécurité juridique outre-mer s’avèrent indispensables (§2).

§ II. DES DISPOSITIFS LÉGAUX DÉDIÉS VECTEURS DE


SÉCURITÉ JURIDIQUE

Les développements effectués en deuxième partie démontrent qu’il est possible de


mettre en place un droit de la régularisation foncière à moyens égaux, dans les collectivités
territoriales de l’article 73 de la Constitution. Pour en faciliter la mise en œuvre, des cadres
juridiques et procéduraux légaux de régularisation foncière positive, quand la cession est
possible, peuvent être validés par le législateur, donnant ainsi à toutes les personnes
publiques des outils juridiques égaux et efficients de régularisation foncière, quels que soient
leurs moyens.
Quand la cession de droits réels immobiliers est possible et que les parties sont
d’accord, il y a lieu de procéder à la régularisation foncière de l’occupation sans titre,
prioritairement sur place, par octroi d’un titre de propriété ou de jouissance, et par
l’adaptation, l’harmonisation et la pérennisation de cadres légaux de régularisation foncière
positive, en prenant en compte les procédures de régularisation découlant de la loi, et celles
résultant de la pratique et des usages locaux si elles ne sont pas contra legem. En
conséquence, la sécurité juridique et foncière passe par la mise en place de règles
procédurales de régularisation foncière communes, pour des situations identiques.
L’accession à la propriété foncière représente une sécurité maximale, puisqu’elle
constitue la base fiable d’une régularisation foncière durable et une garantie d’intégration au
marché foncier. Elle permet une régularisation foncière optimale et efficace de l’occupation

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

sans titre des domaines public et privé outre-mer. Elle ne peut se faire sans l’accord ou la
contribution des propriétaires lésés, sauf en cas de carences abusives du propriétaire, en
présence d’une utilité publique avérée2437.
Toutefois il a été exposé en amont que les procédures de régularisation foncière
existantes diffèrent selon les personnes publiques qui les mettent en œuvre (Etat ou
collectivités publiques), les secteurs, les quartiers, les domaines (public, notamment zone
des 50 pas géométriques, ou privé), et bien d’autres considérations, et sont par définition
même inégales, dans des situations foncières similaires. Elles donnent ainsi l’image de
procédures partiales, voire arbitraires et discrétionnaires, et sont vectrices d’insécurité
juridique. Elles sont plus ou moins favorables à l’occupant sans titre, mais aboutissent au
constat d’une régularisation foncière à moyen inégaux. Cette situation participe à
l’inefficience des opérations de régularisation foncière et à une rupture de l’égalité entre les
administrés d’une même collectivité territoriale.
De plus, le caractère amiable de la procédure entre une personne publique et un
occupant sans titre n’est pas toujours effectif, certaines procédures de régularisation foncière
étant plus proches de contrats d’adhésion que de contrats négociés, l’occupant n’ayant
d’autre choix que d’accepter ou de refuser les conditions de la régularisation2438.
L’harmonisation des règles et procédures de régularisation foncière outre-mer, tout au
moins dans les collectivités territoriales relevant de l’article 73 de la Constitution régies par
l’identité législative, constituerait une modalité efficace de prévention des conflits et
contentieux liés à la résorption de l’occupation sans titre outre-mer. La légifération, puis la
codification de ce droit de la régularisation foncière contribuerait à le rendre facilement
applicable par les personnes publiques et leur personnel administratif.
Il convient de rappeler que les décisions prises par les organes délibérants des
collectivités locales doivent respecter le principe de légalité et la hiérarchie des normes, dont
le respect est incontournable dans tout Etat de droit2439. Pour le professeur LEBRETON, la
soumission au principe de légalité désigne l’obligation faite à l’administration de respecter

2437
Voir le cas de la régularisation foncière d’utilité publique évoquée en amont.
2438
Cela peut se comprendre eu égard à l’illégalité foncière que constitue l’occupation sans titre.
2439
LEBRETON (Gilles), Droit administratif général, Éditions Dalloz, Paris, 8ème édition, 2005, emplacements
769 et suivants de l’édition numérique (Kindle). Il ressort de cet ouvrage que dans un Etat de droit, le droit
s’impose aux administrés, mais également à l’administration et aux gouvernants. Cela se traduit par l’existence
d’une hiérarchie des normes juridiques applicables, des juges indépendants pour leur permettre de sanctionner
de manière impartiale toute violation de cette hiérarchie des normes, et enfin la soumission à des valeurs
fondées sur l’affirmation et le respect des droits de l’Homme ; ce qui place en tête des normes, la Déclaration
des droits de l’Homme et du citoyen.

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le droit tel qu’il est ordonné selon le principe de hiérarchie des normes2440.
Or, ainsi qu’il est expliqué en amont, certaines collectivités territoriales situées outre-
mer2441 étendent aux occupants sans titre de leur domaine privé, partie des dispositifs de
régularisation foncière prévus par le législateur pour la régularisation foncière menée par
l’Etat en faveur des occupants sans titre de la zone des cinquante pas géométriques. Ces
communes se contentent de faire entériner par leur conseil municipal ces dispositifs. En
votant directement par décision de leur organe délibérant, des règles, procédures et
dispositifs d’aide à l’acquisition conduisant à une cession à un prix bien inférieur à la valeur
vénale du bien à vendre, voire symbolique, non entérinées par le législateur, certaines
collectivités territoriales s’exposent à un risque de violation de la hiérarchie des normes et
du principe de légalité juridique2442, fondement de tout Etat de droit2443. L’interdiction légale
de principe de toute cession à un prix inférieur à la valeur vénale du bien et les risques
d’insécurité juridique et de contentieux liés à ces procédures de régularisation foncière
disparates, rendent nécessaire l’intervention du législateur.
Il y a donc une nécessité absolue pour le législateur d’étendre les procédures d’aide à
l’acquisition à l’ensemble des collectivités territoriales relevant de l’article 73 de la
Constitution, pour une égalité des moyens de régularisation. Comme étudié en amont,
l’intérêt général assorti de contreparties suffisantes peut parfois motiver une cession à un
prix inférieur à la valeur vénale du bien, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence évoquée en
amont2444, mais ce constat relève de l’appréciation des tribunaux.
Par ailleurs, la longueur des procédures de régularisation foncière par titrement ou
autres, est aussi synonyme d’insécurité juridique. Lesdites procédures sont longues et
chronophages2445. Les titres de propriété sont publiés au Service de la publicité foncière du

2440
LEBRETON (Gilles), Droit administratif général, Éditions Dalloz, Paris, 8ème édition, 2005, emplacements
782 et suivants, op. cit.
2441
C’est le cas de la commune de Fort-de-France en Martinique, pour la régularisation de l’occupation sans
titre de quartiers tels que Trénelle, Volga Plage, Texaco, etc.
2442
CHRETIEN (Patrice), CHIFFLOT (Nicolas) et TOURBE (Maxime), Droit administratif, Dalloz Sirey
(Paris), 14e édition, 2014. Edition numérique, n° 213 et s.
2443
C’est le cas pour certaines communes outre-mer.
2444
CE, Sect., 3 nov. 1997, Commune de Fougerolles, Rec. 391., AJDA 1997, p. 110, obs. RICHER (L.).
2445
Ces procédures requièrent l’établissement d’un état de l’occupation du foncier illégalement occupé, le
repérage et l’identification des occupants dudit foncier, la vérification de leur état-civil et des qualités des
requérants, la sollicitation de tous documents justificatifs de l’ancienneté d’occupation et des prétentions à la
régularisation foncière des occupants, l’établissement du bornage de la superficie occupée, l’évaluation des
terrains et le calcul du prix de vente. Les organes délibérants des collectivités territoriales concernées se
prononcent ensuite pour autoriser la cession, se prononcent sur les modalités et caractéristiques essentielles de
la vente et donnent pouvoir à l’exécutif local pour finaliser la vente. Les obstacles juridiques doivent être levés,

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

lieu de situation de l’immeuble. La copie authentique du titre de propriété, revêtue de la


mention de publicité foncière, est ensuite remise à l’occupant ou à ses ayants droit ou ayants
cause2446. Il s’agit d’une procédure complète et longue, qui pourrait être améliorée par une
dématérialisation de certaines phases, et par la mise en place de procédures harmonisées.
En outre, la concertation doit devenir un réflexe entre les différents organes de
régularisation foncière, qu’ils soient étatiques ou territoriaux, en raison de l’imbrication des
procédures résultant de l’imbrication du foncier de l’État et des collectivités territoriales,
mais aussi du foncier public et privé.
Pour éviter de retomber dans le kaléidoscope de mesures contradictions qu’a connu la
gestion de la zone des cinquante pas géométriques outre-mer et dont les séquelles sont encore
visibles à ce jour, et pour éviter les disparités et inégalités de procédures entre les
collectivités territoriales de proximité, rencontrant les mêmes problématiques d’occupation
sans titre de leur domaine, ce qui pourrait conduire à une rupture de l’égalité entre les
administrés, voire à la prise de décisions sans base légale suffisante, il serait judicieux que
le législateur fixe un cadre juridique commun, homogène et adapté de régularisation
foncière, applicable non seulement à la zone des cinquante pas géométriques, mais
également dans le domaine privé des autres personnes publiques.
Un corpus juridique commun et sui generis, à moyens égaux (A), visant à adapter,
harmoniser et accélérer la régularisation foncière positive outre-mer, particulièrement dans
les collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution concernées par l’identité
législative, est envisageable. Il est formalisé dans le cadre d’une proposition de loi visant à
juguler l’occupant sans titre dans les collectivités territoriales de l’article 73 de la
Constitution (B).

A. UN DROIT DE LA RÉGULARISATION FONCIÈRE SUI


GENERIS À MOYENS ÉGAUX

Alléguer des moyens égaux ne signifie pas éviter les adaptations liées aux

et les actes établissant les dévolutions successorales et attestant des droits et des qualités des ayants droit
doivent être sollicités. Un accompagnement juridique des familles est mis en place. Une fois le prix de vente
soldé2445, et les différents justificatifs fournis, l’acte de vente, qui constituera le titre de propriété de l’occupant,
est rédigé par les services chargés de la rédaction des actes2445 et les projets sont communiqués aux parties pour
observations. La signature des actes intervient en présence de l’exécutif territorial (maire, président de région,
président de département, président de collectivité unique, ou président de EPCI), qui est l’officier public
chargé de leur authentification.
2446
L’ayant-cause tire son droit d’une autre personne qui est son « auteur ». Il en est ainsi d’un héritier ou d’un
légataire. Il peut être particulier, universel ou à titre universel. Il est synonyme d’ayant droit.

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particularités foncières locales. L’égalité juridique n’est pas l’éviction ou l’interdiction de


procédures juridiques différentes en elles-mêmes. Mais elle convie au respect de droits
égaux pour chacun, sans lequel elle confinerait à l’inéquité ; surtout lorsque les individus se
trouvent placés dans des situations identiques tout en ayant des traitements différents. La
jurisprudence administrative impose ce respect de manière générale, ainsi qu’il ressort de
l’arrêt « Société des concerts du conservatoire », rendu par le Conseil d’Etat, le 09 mars
19512447. Cela démontre la nécessité d’homogénéiser les procédures et d’étendre les
avantages des procédures étatiques aux procédures locales, notamment ceux liés à l’aide
exceptionnelle à l’acquisition, et vice-versa, au nom du principe d’égalité, car « tous les
hommes naissent libres et égaux en droits, les distinctions sociales ne pouvant être fondées
que sur l’utilité commune »2448.
Le cadre juridique d’une procédure de régularisation foncière, adaptée, homogène et
pérenne, peut être fixé en collaboration avec les personnes publiques locales outre-mer :
communes, régions, départements, collectivités uniques. Peuvent s’adjoindre à ces
personnes publiques des opérateurs fonciers publics et privés (géomètres-experts, trésoriers
municipaux, inspecteurs des finances, notaires, etc.), et les services de l’Etat. Ce cadre peut
être fractionné en plusieurs phases, enfermées chacune dans des délais, correspondant aux
obligations des parties et aux étapes incontournables de la procédure.
Pour faciliter la résorption de l’occupation sans titre outre-mer et l’accélérer, il
convient d’adapter, d’harmoniser et de renforcer le socle juridique des procédures. Celles-ci
gagneraient à reposer sur un socle de règles juridiques communes et fiables, applicables à
l’État et aux collectivités territoriales, afin de mettre fin aux inégalités de dispositifs
juridiques entre eux. Il s’agit de promouvoir un droit de la régularisation foncière à moyens
égaux, fondé sur des procédures juridiques communes. L’objectif est aussi d’écarter par ce
biais les risques de contentieux post-contractuels et post-opérationnels liés aux opérations
de régularisation foncière2449.
Il est nécessaire pour le législateur de considérer les blocages récurrents et de prendre
en compte les solutions à y apporter. Il y a rupture d’égalité entre les occupants du domaine

2447
CE, section, 09 mars 1951, Société des concerts du conservatoire, in LONG (Marceau), WEIL (Prosper),
BRAIBANT (Guy), DELVOLVE (Pierre), GENEVOIS (Bruno), Les grands arrêts de la jurisprudence
administrative, Éditions Dalloz, 15ème édition, 2005, p. 427, n° 67. Cf. aussi : Rec. Lebon, p. 151.
2448
Article 1er de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, du 26 août 1789.
2449
D’où la nécessité de la présence de juristes et autres professionnels, dans les processus de régularisation.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

public de l’Etat et ceux du domaine privé des personnes publiques locales2450. De plus, de
nombreuses communes situées outre-mer disposent de faibles moyens financiers, logistiques
et humains, et méritent d’être accompagnées dans leurs procédures de régularisation
foncière. Une législation plus adaptée et des règles de procédure plus homogènes
contribueraient à sécuriser les pratiques de régularisation foncière locales2451.
Les cadres suivants, peuvent être proposés et servir de bases procédurales, au vu des
développements effectués en amont, même s’ils ne sont pas exhaustifs.

1) Cadre juridique classique de l’acte authentique notarié ou


administratif

Les notaires sont les « officiers publics établis pour recevoir tous les actes et contrats
auxquels les parties doivent ou veulent donner le caractère d’authenticité attaché aux actes
de l’autorité publique »2452. Ils effectuent les formalités antérieures et postérieures à la
conclusion des contrats, procèdent à la rédaction des actes y afférents, à leur signature et à
leur conservation, après publicité foncière.
Toutefois, l’utilisation de l’acte authentique en la forme administrative se révèle en
pratique plus adaptée à la régularisation foncière par les personnes publiques elles-mêmes,
car elle est beaucoup moins coûteuse pour l’occupant sans titre et permet aux personnes
publiques de garder la mainmise sur leurs opérations, même si elle constitue une source
supplémentaire d’engagement de la responsabilité des exécutifs locaux.
Ainsi, la procédure classique de vente intervient par acte authentique notarié ou reçu
en la forme administrative, dans un cadre amiable.
L’exécutif qui procède à la régularisation des actes authentiques de l’Etat est le préfet,
qui agit en qualité de représentant de l’Etat français et officier public. Mais, c’est le service
France Domaine qui rédige les titres de propriété de l’Etat2453. Dans ces procédures, lorsque

2450
Par exemple, dans la collectivité territoriale de Martinique, les occupants sans titre de l’Etat bénéficient de
mesures de régularisation foncière entérinées par le législateur, adaptées à leur situation, assorties de mesures
d’aide à l’acquisition. Les occupants sans titre du domaine des communes, départements, régions et
collectivités uniques ne bénéficient pas de telles mesures. Il s’agit de situations d’occupations illégales,
pourtant sujettes à des inégalités de traitement ; d’où une rupture de l’égalité vis-à-vis des administrés d’une
même collectivité. Il est donc impératif d’uniformiser les procédures et d’étendre les dispositifs d’aide à
l’acquisition aux occupants sans titre qui répondent aux même conditions et critères d’occupation.
2451
En tout état de cause, il est important que les occupants sans titre, futurs acquéreurs, soient en mesure de
choisir librement leur notaire, quelle que soit la méthode de régularisation foncière utilisée. La régularisation
par le biais d’actes authentiques administratifs ne doit en aucun cas les priver de ce choix légal.
2452
Article 1er de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au notariat.
2453
Entretien du 22 novembre 2013 avec Monsieur Bernard PUICHAUD, Chef de la Division Missions
Domaniales auprès du Service France Domaine, à Fort-de-France, Martinique, et avec Yolaine DEROCHE,
chargée de la rédaction des actes au dit service.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

le Préfet agit en sa qualité d’officier public, l’État, en tant que vendeur, est représenté par le
Directeur régional des finances publiques qui signe l’acte en cette qualité.
Concernant les collectivités territoriales, l’article L1311-13 du code général des
collectivités territoriales énonce que ce sont les exécutifs desdites collectivités qui, en leur
qualité d’officiers publics, sont habilités à recevoir les actes établis en la forme authentique
administrative, à partir du moment où la collectivité est partie à l’acte. Ces procédures, ainsi
que les formalités antérieures et postérieures ont été expliquées en détail en première partie
de cette étude, et leurs limites ont été également étudiées en amont.
La procédure traditionnelle comprend, comme toute opération de vente immobilière,
des formalités préalables et des formalités postérieures à la signature du titre de propriété.
Les formalités préalables regroupent les différentes phases, dont certaines sont
obligatoires, alors que d’autres (celles de communication notamment) sont facultatives mais
incontournables. Il s’agit des étapes suivantes, sans que cette liste soit exhaustive :
a) Enquêtes, recueils et exploitations de données et renseignements :
Il s’agit des enquêtes publiques, de proximité, et de voisinage, assorties de l’aide
éventuelle d’une mission de maîtrise d’œuvre urbaine et sociale (MOUS)2454. Cette phase
englobe la consultation des données publiques générées par l’ADUAM, l’Observatoire
fiscal, les services de impôts, et autres services ou structures publiques. Elle englobe aussi
le recueil, l’édition, la sollicitation et l’examen de données diverses et de documents
d’urbanismes (PLU, PPRN, etc.), les sollicitations d’avis divers (avis des services de
planification et d’urbanisme, et d’autres services des communes et d’autres structures). Il
s’agit aussi des demandes de renseignements sommaires urgents hors formalités (RHF)
formulées auprès des services de publicité foncière concernés. Sont également concernés le
recueil, l’exploitation et l’édition de données sur les risques fonciers (extraits du plan de
prévention des risques naturels et technologiques, états des risques, etc.)2455.
b) Consultation de la Direction de l’immobilier de l’Etat :
Il s’agit de la consultation obligatoire du Service France domaine, pour obtention de
la valeur vénale des terrains à vendre2456. À ce stade, c’est une valeur au mètre carré qui peut

2454
La MOUS est une prestation d’ingénierie ayant pour objectif de promouvoir l’accès au logement des
personnes et familles défavorisées.
2455
La purge du droit de préemption n’est pas nécessaire, s’agissant de biens immobiliers vendus par la
personne publique bénéficiaire du droit de préemption elle-même.
2456
Cette valeur peut être stipulée de manière globale ou au mètre carré. À défaut de réponse par le service
France Domaine dans le délai d’un mois à compter de sa saisine, la formalité est réputée avoir été respectée et
la personne publique peut délibérer, au vu du courrier de demande d’avis de valeur vénale. Dans ce cadre, la
valeur vénale du bien est fixée par la personne publique qui peut faire appel à un expert immobilier extérieur.

693
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

être obtenue. L’évaluation sert de base aux négociations entre les parties, la personne
publique n’étant pas tenue par la valeur communiquée par France domaine. Des
développements plus précis figurent en amont.
c) Délibération de principe de lancement de l’opération :
La délibération de principe, valide l’ouverture de la procédure de régularisation
foncière sur des secteurs définis. Elle est suivie de communications (médias, affichages,
tenues de permanences, sites internet dédiés, etc.), sur le lancement de la procédure de
régularisation foncière dans tel ou tel quartier ou secteur. La réception des occupants
concernés est organisée dans les bureaux de la collectivité ou lors de permanences de
quartiers. Les demandes de pièces sont sollicitées à ces occasions et des explications sur le
déroulement de la procédure sont fournies2457. Le recueil des éléments du dossier gagnerait
à être automatisé par rattachement sur un site internet dédié à la régularisation foncière.
d) Accompagnement juridique des administrés :
Certains occupants sans titre ne peuvent effectuer les démarches préalables rendues
nécessaires par la loi2458, pour diverses raisons. Parmi ces raisons figurent notamment : l’âge
avancé de l’occupant, l’atteinte aux capacités physiques ou mentales, la difficulté à
comprendre l’importance juridique des documents à fournir ou des formalités préalables à
effectuer, l’isolement, et en définitive, le besoin d’accompagnement juridique ou social, ou
autre. Ainsi, diverses raisons peuvent être à l’origine d’un ralentissement ou d’une
inefficience de la régularisation foncière ; d’où la nécessité d’un accompagnement juridique.
L’accompagnement juridique des occupants candidats à la régularisation foncière par
accession à la propriété, se manifeste par un examen approfondi des dossiers sous un angle
juridique et notarial. Il s’accompagne de la réception des administrés et d’entretiens
complémentaires, au vu d’éléments permettant d’identifier les acquéreurs2459. Il comprend
également l’examen des mentions figurant au répertoire civil pouvant dissimuler des
incapacités et mises sous tutelle2460. Il peut aller jusqu’à la rédaction des requêtes à adresser
au juge des tutelles pour autoriser l’acquisition par des majeurs placés sous tutelle2461.
L’accompagnement juridique englobe aussi l’information des curateurs, la détermination

2457
À cet égard, le recueil des documents et pièces justificatifs nécessaires à l’ouverture et au traitement des
dossiers se fait habituellement par dépôts ou remises auprès des services instructeurs.
2458
Transmission des différents justificatifs d’occupation et des divers documents nécessaires à la rédaction du
titre de propriété (actes de notoriété après décès, actes d’état-civil, avis de taxes foncières sur le bâti pour les
occupants du domaine privé communal, factures d’achat de matériaux de construction, etc.).
2459
Copies intégrales d’actes de naissance, de mariage, copie des contrats de mariage et contrats de pacs, etc.
2460
Mentions RC.
2461
Pour obtenir l’autorisation du juge pour l’acquisition par la majeur sous tutelle ou sous curatelle renforcée.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

des régimes matrimoniaux des personnes mariées hors de France, en présence d’un élément
d’extranéité, etc.
L’accompagnement juridique vise également à parfaire la liste des pièces initiale, en
sollicitant des justificatifs complémentaires pour la rédaction du titre de propriété2462. Il se
fait au vu des documents fournis et au regard de certains faits juridiques. Il permet la
délivrance de conseils juridiques pour la mise en place de procédures de cession ordinaires,
simples, en indivision, ou plus adaptées (cessions en démembrement de propriété2463,
cessions croisées2464, ou de toute procédure de cession applicable à ce stade, pour ceux qui
le souhaitent, sur demande écrite, et reconnaissance de conseils donnés).
e) Bornage des parcelles à régulariser :
Le coût du bornage, dans le cadre des opérations de régularisation foncière est
fréquemment mis à la charge de l’acquéreur par la personne publique propriétaire2465. Il est
toujours coûteux, d’où l’intérêt de le réaliser de manière groupée, notamment par la
technique du « rouleau compresseur »2466. Ce bornage peut aussi être effectué à la diligence
et aux frais de l’occupant futur acquéreur, qui saisit alors lui-même son géomètre. Il se fait
en présence des différentes parties. Dans ce cas, la personne publique n’a pas à avancer les
frais de bornage ; ce qui accélère les opérations de régularisation foncière et allège le coût
de la procédure pour la personne publique.
Toutefois, dans les cas d’imbrications entre des constructions contiguës, et lorsque la
division parcellaire ne permet pas de circonscrire la construction de chacun dans son lot, il
peut être intéressant de procéder à des divisions en volumes. La division en volumes aboutit
à la cession de lots de volumes2467. Ce type de division est plus coûteux, mais peut être

2462
Il s’agit notamment de justificatifs complémentaires pour la construction (autorisations, factures de
matériaux, attestations diverses), des rôles de taxes foncières (si l’occupant paie les impôts fonciers sur bâti),
d’actes de notoriété attestant de la qualité d’ayants droit ou d’ayants cause des occupants initiaux, des
justificatifs écrits des désistements éventuels, des copies d’actes de régularisation foncière partiels déjà
intervenus en amont (acte de ventes de constructions sur terrain communal, baux, promesse de vente, pacte de
préférence ou autre avant-contrat, etc.), même s’ils sont devenus caduques (baux non renouvelés, baux
parvenus à échéance, etc. .), et de tous autres justificatifs visant à sécuriser au maximum la transaction.
L’absence de bail ou d’avant-contrat est précisé et vérifié.
2463
Da plupart des cas, la cession de l’usufruit aux parents déjà âgés et de la nue-propriété aux enfants quand
les héritiers sont du même lit, permet d’éviter le règlement des successions des parents à leur décès, quand le
seul bien détenu par eux consiste en la construction édifiée sur le domaine privé ou public.
2464
Type de cession privilégie entre concubins : l’un achète l’usufruit de la moitié et la nue-propriété de l’autre
moitié et vice-versa. En cas de décès d’un des concubins, l’autre devient pleinement propriétaire de la moitié
du bien tout en conservant l’usufruit de l’autre moitié.
2465
Le bornage des parcelles cessibles se fait soit de manière individualisée, soit par secteurs groupés, mais
toujours en présence des différentes parties (vendeur personne publique, acquéreur, géomètre, voisins).
2466
Cette technique permet de borner en même temps, plusieurs dizaines de parcelles à régulariser.
2467
Étant ici précisé qu’il n’y a pas d’indivision entre les propriétaires de lots de volumes.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

effectué à la demande et aux frais des acquéreurs bénéficiaires. À défaut, c’est la limite de
la construction au sol qui est être prise en compte.
f) Sollicitation de documents d’urbanisme :
La sollicitation de documents d’urbanisme liés à la parcelle : certificats d’urbanisme
d’information générale, certificats d’urbanisme pré-opérationnels, permis de construire,
intervient généralement à ce stade. Ces documents sont demandés à titre informatif et
préventif, selon les éléments du dossier2468.
g) Calcul du prix de cession et application de l’aide éventuelle à l’acquisition :
Après l’identification de l’acquéreur et la désignation exacte de la parcelle à céder2469,
le calcul du prix de vente est effectué. Il tient compte de la valeur vénale du bien au mètre
carré. À ce prix s’ajoutent les charges augmentatives du prix de vente2470.
En cas d’existence de dispositifs d’aide à l’acquisition, ceux-ci sont appliqués au prix
de vente sous forme d’abattements ou de décotes, venant en diminution du prix de cession.
Ces dispositifs, tenant fréquemment compte du revenu imposable et de l’ancienneté
d’occupation de l’occupant, conduisent à un prix de cession inférieur à la valeur vénale du
terrain à vendre. Ils n’ont été validés par le législateur que pour les régularisations foncières
effectués par l’Etat en faveur des occupants de la zone des cinquante pas géométriques. En
conséquence, ils gagneront à être validés par le législateur, comme outil de régularisation
foncière à la disposition des personnes publiques locales (communes, départements, régions,
collectivités uniques), au titre du respect du principe de légalité et de la hiérarchie des
normes, afin de permettre que leur application soit alignée sur celle faite par l’État dans la
zone des cinquante pas géométriques.
Le prix de l’acquisition est communiqué aux futurs acquéreurs pour accord, après
application de l’aide financière à l’acquisition s’il en existe.
h) Délibération sur les conditions et caractéristiques de la vente :
À ce stade intervient la délibération de l’organe délibérant de la personne publique
propriétaire, autorisant la cession et se prononçant sur les caractéristiques et conditions de
la vente2471. Les frais de bornage et de publicité foncière de l’acte de vente sont à la charge
de l’acquéreur.
Pour les collectivités territoriales, le contrôle de légalité intervient par simple

2468
En cas d’emplacements réservés au PLU, l’assiette de l’emplacement réservé doit être soustrait de la vente.
2469
Références cadastrales, superficies, plan de bornage, procès-verbal de bornage.
2470
Participation aux frais de bornage et autres débours.
2471
Acquéreur, désignation du bien, prix, modalités de paiement du prix, charges et conditions particulières.

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transmission de la délibération au préfet, qui vérifie la conformité des actes pris par celles-
ci et leurs établissements publics, avec les dispositions législatives et réglementaires. C’est
l’occasion pour le préfet d’adresser un recours grâcieux à la collectivité en cas de constat
d’irrégularité sur le fonds ou sur la forme. L’acte illégal peut être déféré au tribunal
administratif si la personne publique ne répare pas l’irrégularité2472.
Mais en pratique, ce sont des associations comme l’ASSAUPAMAR, en Martinique,
qui exercent le contrôle de légalité. À titre d’exemple, par arrêté préfectoral n°201 702-0002
du 14 février 2017, la partie de la zone des cinquante pas géométriques couvrant le littoral
de la Pointe des Nègres a réintégré la zone « U » (urbain) du plan de prévention des risques
naturels (PPRN) et du plan local d’urbanisme de Fort-de-France, ouvrant ainsi aux
nombreux occupants occupant ladite zone, l’opportunité de devenir propriétaires du terrain
d’assiette de leur construction, en vertu de l’article L5112-6 du Code Général de la propriété
des personnes publiques2473.
i) Paiement du prix de vente et des frais annexes :
Dans le cas de l’acte authentique administratif, le paiement du prix, des frais de
bornage et des frais de publicité foncière, s’effectue directement par l’occupant auprès des
administrations concernées2474. La trésorerie municipale peut, à cette occasion consentir des
modalités de paiement du prix aux plus démunis. Une quittance (ou déclaration de
recettes) est remise par le trésorier principal à l’acquéreur et demeure annexée à l’acte de
vente. Les frais de publicité foncière sont versés directement auprès du service de la publicité
foncière qui délivre un reçu conservé au dossier. L’attention est toutefois attirée sur la
nécessité de centraliser ces deux paiements auprès du seul trésorier municipal ou territorial,
sur un compte « Maire officier public »2475, dont le contenu sera destiné à être reversé au
service de la publicité foncière. En cas de paiement du prix à l’aide d’un prêt ou de manière
échelonnée constatée dans l’acte, l’acte doit être reçu par un notaire qui pourra inscrire toutes
garanties hypothécaires et procéder à l’inscription du privilège du vendeur ou du privilège
du prêteur de deniers au profit du prêteur.
L’accompagnement financier des accédants à la propriété est primordial à ce stade,

2472
Cf. Les articles L2131-1 à L2131-6 du CGCT.
2473
Un courrier de l’ASSAUPAMAR du 28 juillet 2017, fait référence à cet arrêté pour réclamer la
régularisation foncière par cession de terrain au profit des occupants sans titre situés sur la partie de la zone
des cinquante pas géométriques située à « Pointe des Nègres », encore appelée « Pointe La Vierge ».
2474
Des attestations sont remises aux futurs acquéreurs à cet effet.
2475
Qui contient les opérations financières réalisées par le Maire en tant qu’officier public chargé de
l’authentification de certains actes.

697
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

notamment par l’aide à l’acquisition, mais également par un partenariat avec des banques
qui seraient ouvertes au financement de populations sociales, en contrepartie d’un appui de
l’État par la mise en place de produits-ressources complémentaires (prêts à taux zéro, etc.),
assortis du cautionnement de structures immobilières et sociales dédiées2476.
j) Rédaction du titre de propriété et signature de l’acte :
Une fois le contrôle de légalité effectué, la décision de l’organe délibérant peut être
notifiée aux occupants acquéreurs, qui peuvent dès lors effectuer le choix de leur notaire
pour la rédaction du titre de propriété. Le titre de propriété peut être rédigé par acte
authentique notarié ou reçu en la forme administrative. Dans le premier cas, la procédure est
prise en charge par un notaire, depuis la rédaction, en passant par la signature et la publicité
foncière de l’acte le rendant opposable aux tiers. Le notaire assure la conservation de la
minute de l’acte au rang de ses minutes.
Dans le second cas, le titre de propriété est rédigé par acte authentique reçu en la forme
administrative par l’exécutif territorial (maire, président de département, de région ou de
collectivité unique notamment) qui est l’officier public procédant à l’authentification de
l’acte. Mais en pratique, la rédaction du titre de propriété est confiée à un diplômé notaire
ou à un juriste formé, travaillant pour le compte de la collectivité 2477, et la signature a lieu
par-devant l’exécutif territorial. Le trésorier municipal intervient à l’acte pour quittancer le
prix de vente. Compte tenu du nombre important d’actes généré par ces procédures, le
trésorier délivre une quittance en amont, qui demeure annexée à l’acte de vente. La signature
de l’acte translatif de propriété a lieu au bureau de l’exécutif local, recevant les actes en la
forme authentique, en sa qualité d’officier public2478.
La rédaction des titres de propriété implique aussi celle des actes annexes :
procurations, requêtes à adresser au juge des tutelles en cas d’incapacité, ou pour obtention
d’autorisation d’acquérir pour le majeur incapable sous tutelle ou curatelle renforcée, etc.
Les projets d’actes sont notifiés à l’acquéreur pour accord ou observations, et éventuellement
exercice de la faculté de rétraction en cas de vente d’une propriété bâtie (terrain et maison).
k) Publication du titre de propriété au Service de la publicité foncière :
Après la signature de l’acte de vente, les formalités postérieures sont enfermées dans

2476
Voir : https://www.notaires.fr/fr/immobilier-fiscalité/financement/le-ptz (consulté le 12 septembre 2017).
2477
Une fois en possession des quittances ou déclarations de recettes et des différents reçus.
2478
Demeurent annexés à l’acte des documents essentiels, notamment : extraits du PPRN, plan de bornage,
procès-verbaux de bornage, quittance du trésorier, documents translatifs antérieurs, documents attestant de la
qualité de l’acquéreur (s’il n’est pas l’occupant initial, etc.), justificatifs d’occupation et de construction, cette
liste n’étant pas exhaustive.

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des délais stricts. Il s’agit des formalités de publicité foncière qui gagneraient à être
dématérialisées en lien avec la Direction générale des finances publiques2479.
En l’état actuel de la législation sur la publicité foncière, le requérant (vendeur,
donateur, disposant) doit justifier d’une origine de propriété trentenaire2480. Cette obligation
est en pratique respectée par les notaires et les officiers publics chargés de l’authentification
des conventions, et vérifiée dans un paragraphe « Effet relatif » figurant dans la partie
normalisée des contrats opérant transmission de biens et droits réels immobiliers. Elle est
formulée de manière détaillée au paragraphe « Origine de propriété » de la seconde partie
des contrats de transferts immobiliers. Il est demandé au vendeur d’être en possession d’un
titre personnel publié, au moment de la vente. La durée de détention importe peu, à partir du
moment où les précédents propriétaires ont eu des titres publiés, le tout devant couvrir une
période totale de trente années au moins.
La formalité de publicité foncière est essentielle en France, car elle rend les actes
opposables aux tiers2481. D’ailleurs, parmi les raisons expliquant le défaut de finalisation des
régularisations foncières au Brésil, sont citées le fait que la phase d’attribution des titres de
propriété a été rarement atteinte, et que les titres sont rarement enregistrés au cadastre ; étape
assurant pourtant la propriété formelle et définitive du bien au Brésil2482.
k) Délivrance du titre de propriété à l’occupant :
Une fois les actes publiés au service de publicité foncière, la remise des titres de
propriété revêtus de la mention de publicité foncière, aux occupants devenus propriétaires,
est effectuée par l’exécutif territorial. Les minutes2483 sont conservées aux archives
municipales, départementales ou régionales. Une copie de l’acte est archivée au service de
la publicité foncière qui peut en délivrer toute copie sur simple demande.
l) Autres actions dans le cadre des procédures de régularisation foncière amiables :

2479
Cela signifie que les transmissions successives entre les différents propriétaires fonciers, doivent avoir fait
l’objet d’une publication antérieure au Service de la publicité foncière (SPF) du lieu de situation de l’immeuble.
Les actes sont déposés au service de la publicité foncière par bordereau de dépôt et accompagnés d’une
demande de renseignements sommaires sur formalités si nécessaire, avec production d’une copie pour publier,
de deux extraits d’actes et d’un extrait « modèle 1 ». Dans ce cadre, il y a lieu d’opérer la gestion des refus et
rejets éventuels. Une mise en conformité en vertu du décret de 1955 sur la publicité foncière, s’avère nécessaire
en cas de refus ou de rejet de la formalité de publicité foncière.
2480
SOARES GONÇALVES (Rafael.), « Quelles régularisations foncières pour les villes brésiliennes ? Défis
et obstacles », Métropolitiques, 9 mai 2016. URL : https://www.metropolitiques.eu/Quelle-regularisation-
foncière.html.
2481
Formalité rendue obligatoire par le décret n° 55-22 du 04 janvier 1955 portant réforme de la publicité
foncière, et le décret n° 44-1350 du 14 octobre 1955 pris par l’application du décret du 04 janvier 1955.
2482
SOARES GONÇALVES (Rafael), « Quelles régularisations foncières pour les villes brésiliennes ? Défis
et obstacles », op. cit.
2483
Originaux des actes reçus en la forme authentique.

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D’autres actions s’avèrent nécessaires dans le cadre des procédures de régularisation


foncière par cession amiable. Ainsi, il est nécessaire d’effectuer des relances vis-à-vis
d’occupants qui ont abandonné la procédure en cours de route ou qui n’ont pas procédé au
paiement du prix de vente et des frais. La dernière relance devant être effectuée par courrier
recommandé avec demande d’accusé de réception, avant classement sans suite du dossier.
La présence d’un « facilitateur de procédures » dont le rôle serait d’accompagner les
occupants souhaitant accéder à la propriété du terrain d’assiette de leur construction pour
l’obtention des pièces et documents demandés, est souhaitable.
Par ailleurs, pour accélérer les procédures, certaines collectivités peuvent mettre en
place des dates « butoir » pour inciter les occupants du domaine à régulariser leur situation.
Mais cette donnée est peu exploitable, car les collectivités de proximité sont les
interlocutrices privilégiées des administrés et sont tenues à un impératif de bonne gestion de
leur foncier, même s’il est occupé sans titre. De plus, il demeure difficile à une collectivité
de proximité de refuser la cession à un individu qui la sollicite, même hors des délais fixés,
si les autres conditions de la cession sont remplies. Cependant, la collectivité peut décider
que l’aide exceptionnelle ne sera applicable qu’aux cessions sollicitées et intervenues dans
les délais fixés par la délibération autorisant la régularisation foncière, sauf cas particulier2484.
Des rapports d’étapes trimestriels, semestriels et annuels, doivent être effectués par les
services chargés de la régularisation foncière, afin de permettre aux exécutifs locaux
d’évaluer l’avancée des opérations de régularisation foncière et de rectifier l’agencement des
étapes en cas de blocages répétitifs ; le tout sans épuisement du personnel qui doit pouvoir
demeurer opérationnel d’un bout à l’autre de la procédure.
Mais au regard de la lenteur des opérations de régularisation foncière et des difficultés
parfois rencontrés pour la finalisation des titres de propriété, certains élus et personnalités
ont souhaité la mise en place de procédures plus rapides et plus adaptées la régularisation
foncière, lorsque ces possibles. En conséquence, les solutions suivantes peuvent être
étudiées, pour une éventuelle utilisation, aux côtés des procédures de cessions ordinaires.

2) Cessions globales par arrêté préfectoral ou par acte administratif

La cession groupée par arrêté préfectoral ou acte administratif, provenant d’un exécutif
local, constitue un cadre juridique de cession groupée à explorer. Elle serait aisément
applicable en présence d’occupants initiaux, futurs acquéreurs, aisément indentifiables et en

2484
Attente d’autorisation du juge des tutelles, indivision, etc.

700
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l’absence de conflit, de difficulté juridique ou de complexité rédactionnelle.


En effet, le souhait de régularisations foncières massives est partagé par la plupart des
élus locaux. Mais les règles de la publicité foncière rendent malaisé l’établissement d’un
acte de vente contenant plusieurs acquéreurs même de biens différents, sauf dans le cadre de
partage familiaux notariés. Il serait alors possible de s’inspirer des partages familiaux
notariés pour mettre en place des cessions groupées par les personnes publiques
régularisatrices (Etat, commune, département, région, collectivités unique), au profit
d’acquéreurs ou de groupes d’acquéreurs nommément désignés, à condition qu’il n’y ait pas
une trop grande complexité juridique ou rédactionnelle qui en résulte. Mais il convient de
rappeler qu’il n’y a pas d’indivision entre les personnes publiques propriétaires des terrains
et les occupants propriétaires des constructions qui y sont illégalement édifiées.
Dans ce cadre, les droits de mutation à titre onéreux seront perçus pour chaque
transmission inclue dans la cession globale. Un tableau de liquidation des droits
d’enregistrement et de la taxe de publicité foncière serait inclue dans l’acte de cession
globale, qui pourrait être ainsi établi pour plusieurs acquéreurs, dans des situations non
complexes, en respectant les règles de la publicité foncière2485.
L’acte de cession globale ou de cessions groupées, respectant les règles de la publicité
foncière, constituerait le titre de propriété de plusieurs acquéreurs ou familles. Il pourrait
prendre la forme d’un arrêté de cession globale, mais dans ce cadre il devrait être assorti
d’un acte d’acceptation ultérieure de la part de chacun des acquéreurs ; ce qui compliquerait
le processus. Il pourrait tout simplement prendre la forme d’un acte authentique reçu en la
forme administrative ou notariée2486, au sein duquel chaque acquéreur pourra accepter la
vente ainsi faite à son profit, moyennant le versement du prix stipulé, dont le paiement sera
constaté et quittancé à l’acte. Les terrains concernés doivent être préalablement bornés, au
profit des occupants listés dans l’acte. Ils doivent avoir fait l’objet d’un avis de valeur de
France Domaine. L’organe délibérant des exécutifs locaux doit se prononcer sur l’opération.
Dans ce cadre, un état de l’occupation foncière serait dressé, après enquête et consultation
de la population et après obtention d’un relevé de formalités publiées au Service de la
Publicité Foncière.
Le service de la publicité foncière demeure toutefois réticent à ce type d’actes et exige

2485
Désignation exacte des personnes, indication des prix de cession, informations relatives au paiement du
prix et à son quittancement, effets relatifs, origines de propriété, déclarations fiscales, certificat d’identité des
personnes, certificats de conformité, etc.
2486
Cela peut être un acte authentique notarié, mais la question des honoraires du notaire compliquerait cette
procédure, les honoraires du notaire étant calculés sur la valeur de chacun des biens, exprimée dans l’acte.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
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les droits de mutation sur chaque mutation constatée dans l’acte. Une disposition législative
devrait pouvoir encadrer ce type de procédure exceptionnelle.
C’est le souhait des exécutifs locaux de parvenir à une régularisation foncière massive,
rapide et sécuritaire. Toutefois, la méthode proposée ci-dessus présente l’inconvénient de
bloquer toutes les cessions qui y sont contenues, si un ou plusieurs acquéreurs refusent de
signer l’acte. À moins de prévoir une acceptation ultérieure par acte notariée pour les
occupants qui, au dernier moment, refuseraient de signer cet acte de cession collective. En
définitive, l’établissement d’un acte de vente individuel doit être privilégiée.
La méthode de l’arrêté global de cession a été employée par l’Etat en Guyane au cours
de l’année 1996, pour la régularisation de l’occupation sans titre de la zone des cinquante
pas géométriques de Guyane. Il serait possible de s’en inspirer. Dans ce cadre, il y a eu une
régularisation foncière massive générique par arrêté préfectoral, pour tous les privés installés
dans les 50 pas géométriques de la Guyane à cette date2487.

3) Autres modalités de régularisation foncière

Tous les moyens de régularisation foncière doivent être pris en compte. Il en est ainsi
de ceux suivants, selon les circonstances.
a) Cadre de l’expropriation ajustée à la régularisation foncière :
Il s’agit de la méthode décrite en amont, pour cause de régularisation foncière d’utilité
publique2488. Elle est intéressante en cas de blocages des procédures, pour fonder une
régularisation foncière d’utilité publique et appréhender partie des terrains occupés dont la
rétrocession au profit des occupants sans titre est bloquée pour diverses raisons (indivision,
blocages arbitraires, défaut de moyens, etc.). Cependant, la phase de rétrocession au profit
des occupants sans titre renvoi à la première méthode de cession classique ou à la méthode
de cession globale sus décrites.
b) Nouvelles technologies transactionnelles :
Il existe des procédures dématérialisées pour faciliter la signature dématérialisée et la
publicité foncière des actes établis par les notaires. Ces procédures pourraient être étendues
aux titres de propriété établis en la forme administrative, avec le concours du Service de la
publicité foncière, du Cadastre, et de la DRFIP, ainsi qu’il a déjà été expliqué en amont.

2487
Les archives du Service de publicité foncière de Cayenne ayant brûlé, il semble impossible de retrouver ce
document, mais une recherche approfondie auprès des archives de la Guyane pourrait être diligentée. Toutefois,
même en l’absence de trace de ce document, la méthode mérite d’être expérimentée en accord avec les Services
de publicité foncière.
2488
Cf. les développements effectués en amont.

702
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

c) Technologie de la « Blockchain » :
La technologie de la blockchain, mérite également d’être exploitée dans le cadre de la
régularisation foncière. Certains pays donnent l’exemple d’une innovation en la matière. En
témoigne un article de Daniel ALLARD2489, qui retrace l’importance des nouvelles
technologies pour sécuriser la propriété privée2490. Celui-ci émet le postulat qu’avec l’internet
et sa technologie de la « Blockchain », dans les années 2020, il sera possible d’apporter la
preuve du « capital mort », permettant ainsi à des millions de gens de sortir de la pauvreté.
Pour lui, le « capital mort » correspond aux biens possèdent les gens (maison, terrain, etc.),
sans pouvoir le prouver, particulièrement dans les pays pauvres de la planète, qui ne
bénéficient pas d’un processus fiable sécurisant leurs droits de propriété. Il rappelle qu’en
2000, l’économiste Hernando De SOTO évaluait le montant total de ce « capital mort » à
9300 milliards de dollars « US »2491. Les individus concernés sont pénalisés, car ils restent
en dehors du marché capitaliste, sans pouvoir profiter de la croissance dudit marché.
La technologie de la blockchain permettrait de résoudre ce problème et d’offrir des
opportunités économiques, même aux plus pauvres, de manière peu coûteuse2492. D’après
Daniel ALLARD, la blockchain serait utilisée comme un service de notaire, mais presque
gratuitement, pour un coût de 0,05 livres, c’est-à-dire mille, voire cinq mille fois moins que
les frais habituels d’un notaire2493.
À ce propos, la chambre des notaires de Paris a d’ailleurs décidé d’étudier, depuis
l’année 2017, un projet autour de la blockchain, à destination de la profession notariale, afin

2489
Rédacteur en chef du cyber journal « Commerce Monde ».
2490
ALLARD (Daniel), Blockchain : une solution pour le « capital mort », publié le 03 septembre 2018. Cf.
article consulté le 27 novembre 2018, sur le site internet :
https://www.commercemonde.com/2018/09/blockchain-une-solution-pour-le-capital-mort/.
2491
Dans le système du capital mort, des populations entières possèdent des biens (maison, terrain, troupeau,
etc.), sans pouvoir en apporter la preuve par un titre de propriété. De sorte que, bien qu’étant propriétaires de
biens, ils ne peuvent officiellement en disposer (par vente, donation, etc.), ni les transmettre, ni les donner à
bail, ni les faire fructifier ; d’où la qualification de « capital mort » retenue pour ces biens.
2492
En effet, Daniel ALLARD précise que trois pays au moins, ont vu des innovateurs utiliser la technologie
de la blockchain pour enregistrer des titres de propriété immobilière, en s’inspirant directement des idées de
l’économiste péruvien. Il s’agit par exemple du Ghana, où l’ONG Bitland, lancée en 2014, applique cette idée,
en utilisant la blockchain Bitcoin, depuis octobre 2016, pour offrir le service de cadastre via un bureau couvrant
28 communautés locales de la métropole de Kumasi, en collaboration avec le gouvernement. Il s’agit d’un
projet-pilote au Ghana, qui ambitionne également de s’étendre au Nigeria. ALLARD précise qu’au Honduras,
c’est l’entreprise Factom, du Texas, qui opère pareillement depuis 2015. Par ailleurs, en avril 2016, Hernando
de SOTO annonçait une collaboration entre le ministère de la Justice de la Géorgie et la société de technologie
californienne Bit Fury, chargée de concevoir et piloter un programme avec la blockchain.
2493
ALLARD (Daniel), Blockchain : une solution pour le « capital mort », publié le 03 septembre 2018. Cf.
article consulté le 27 novembre 2018, sur le site internet :
https://www.commercemonde.com/2018/09/blockchain-une-solution-pour-le-capital-mort/, op. cit.

703
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

d’expérimenter cette nouvelle technologie2494.

4) Légalisation de solutions juridiques communes, étatiques ou locales

Des solutions juridiques communes doivent être prévues par le législateur pour faire
face aux différents obstacles rencontrés dans les procédures de régularisation foncière.
a) Fiabilité de l’acte de notoriété après décès
L’acte de notoriété après, dont la fiabilité a été évoquée en amont, apporte la preuve
de la qualité des ayants droit. Il permet d’établir la dévolution successorale du défunt et
devrait être imposée dans toutes les procédures de régularisation foncière, dès lors que
l’occupant initial est décédé. Il est d’une force probante supérieure à celle du certificat
d’hérédité2495 et prend en compte les libéralités et testaments que le défunt a pu consentir.
Pour faciliter la délivrance des actes de notoriété après décès au moindre coût, il y aurait lieu
de réintroduire cette compétence dans la mission des greffiers pour les dévolutions simples
(ascendantes ou descendantes).
b) Légalisation de l’aide exceptionnelle à l’acquisition comme outil financier local
L’aide exceptionnelle à l’acquisition devrait être légalisée, comme outil de
régularisation foncière, à disposition de toutes les personnes publiques outre-mer. Il a été
exposé en amont les inégalités de traitement résultant d’une aide à l’acquisition mise en
place par la loi du 30 décembre 1996 pour les occupants de la zone des cinquante pas
géométriques. Il n’est pas rare qu’une même surface d’occupation, acquise par le même
occupant, soit à moindre coût s’agissant de la partie bénéficiant de l’aide à l’acquisition mise
en place par l’État, et au coût déterminé par l’avis de France Domaine, s’agissant de la partie
communale ou privée2496. Ont été exposées en amont, les problématiques de défaut de base
légale suffisante qui se posent pour les collectivités locales qui mettent en place un dispositif
d’aide à l’acquisition contraire à l’interdiction faite aux personnes publiques de céder leurs
biens à une valeur inférieure à leur valeur vénale.
La nécessité du respect des principes de légalité et d’égalité dans les procédures,
demeure incontournable dans les opérations de régularisation foncière. La soumission de
l’administration à l’ordre juridique se traduit par une exigence de non-contrariété entre les

2494
Cf. « La chambre des notaires de Paris déploie une blockchain pour la profession notariale », Chambre
des notaires de Paris, Communiqué de presse 4 oct. 2019, consulté en ligne le 15 octobre 2019:
https://www.defrenois.fr/actualites/la-chambre-des-notaires-de-paris-deploie-une-blockchain-pour-la-
profession-notariale.
2495
Le certificat d’hérédité avait été prévu par le législateur pour la perception de sommes de faible montant.
2496
Pour contourner cela, la commune de Fort-de-France a mis en place, par décision de son conseil municipal,
des dispositifs d’aide à l’acquisition dans les conditions explicitées en amont.

704
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

actes édictés par l’administration et les normes qui lui sont supérieures. Ces actes doivent
être compatibles ou conformes à ces normes supérieures que sont la Constitution, les normes
internationales (traités, accords, droit de l’Union européenne), les lois, les décisions de
justice et la jurisprudence, en ce compris les principes généraux du droit. Les normes
administratives que sont les règlements, les décisions individuelles ou particulières et les
contrats n’interviennent qu’au degré le plus bas de la hiérarchie des normes. Plus
particulièrement concernant la Constitution, c’est le contenu de la Constitution mais
également son préambule qui constituent le sommet de la hiérarchie des normes. Le
préambule fait référence à la Déclaration du 26 août 1789 et au Préambule de la Constitution
de 1946, auxquels a été ajouté en 2004 la Chartes de l’Environnement.
Ainsi, pour la régularisation foncière des occupations sans titre de leurs domaines
public et privé, et pour toutes opérations de protection des occupants sans titre desdits
domaines, les communes, départements et régions situées outre-mer, font appel au droit
commun contenu dans le CGCT. Mais certaines collectivités locales font application, au
profit des occupants de leur domaine privé, après adaptation, d’une aide exceptionnelle à
l’acquisition, soit en se référant à celle mise en place par le législateur pour la régularisation
de l’occupation sans titre de la zone des cinquante pas géométriques, soit sous d’autres
formes (rabais, abattements, paiement à tempérament du prix de vente sur de longues durée
sans versement de loyer rémunérant la jouissance du bien, et autres aides en nature).
Il convient pour le législateur de légaliser l’aide exceptionnelle à l’acquisition pour les
collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution, voire même pour l’ensemble des
personnes publiques outre-mer. Il semble incontournable de procéder à une extension des
procédures d’aide à l’acquisition initiées sur le domaine public et privé de l’État, dans la
zone des cinquante pas géométriques, aux procédures initiées par les collectivités
territoriales de droit commun sur leur domaine privé. Une réforme est nécessaire à ce sujet.
De même, l’ensemble des procédures de régularisation foncière gagneraient à être,
pour certaines d’entre elles, purement et simplement étendues aux domaines public et privé
des collectivités territoriales situées outre-mer.
Par ailleurs, des procédures de paiements échelonnés devraient être prévues par le
législateur pour une mise en place par le Trésor public2497. La signature de l’acte de vente
n’interviendrait qu’après complet paiement du prix de vente et des frais. Il conviendrait

2497
Les trésoriers municipaux sont peu favorables au paiement échelonné, compte tenu de la lourdeur de la
gestion de ce type d’opérations.

705
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

également que le législateur prévoit un concours financier à destination des occupants sans
titre souhaitant régulariser leur situation et soumis à conditions de ressources. La garantie de
ce concours financier peut être trouvé dans le cautionnement d’organismes spécialisés2498.
Le rapport de l’IGA2499 préconisait une gratuité de la cession sous conditions et une
réduction du délai d’occupation, afin d’accélérer les régularisations foncières. Cette question
est à rapprocher de celle de la cession à un coût inférieur à la valeur vénale du bien à céder
sus exposée et est soumise à validation du législateur. La gratuité pure et simple, accélérerait
les opérations de régularisation foncière, mais ne jugulerait pas l’occupation sans titre. Au
contraire, elle la favoriserait, justement en raison de cette gratuité.
En tout état de cause, le paiement du prix de vente et des frais doit intervenir avant la
signature de l’acte de vente, les occupants-acquéreurs étant parfois peu enclins à solder les
prix de vente, une fois en possession de leur titre de propriété, compte tenu du contexte
politique.
c) Cession aux héritiers acceptants en cas de refus de signature de l’acte de vente
Dans le cas de cessions réalisées au profit d’héritiers d’occupants initiaux décédés,
ayant construit sur la propriété d’une personne publique, la cession du terrain d’assiette des
constructions est généralement réalisée soit au profit de l’ensemble des héritiers, en
indivision et en proportion de leurs droits sur la construction et dans la succession du de
cujus, soit en faveur d’un ou plusieurs d’entre eux avec le consentement ou le désistement
de ceux qui ne souhaitent pas se porter acquéreurs.
Mais cette situation se complique lorsque les héritiers n’arrivent pas à s’entendre pour
acquérir en indivision ou pour désigner celui ou ceux qui se porteront acquéreurs. La
situation se complique d’avantage lorsqu’un des héritiers occupe le logement laissé par les
parents décédés et y a investi ses fonds propres dans des travaux de conservation de
l’immeuble, sans lesquels la construction serait à l’évidence tombée en ruines.
En cas de blocage par refus de signature de l’acte de vente2500, le législateur pourrait

2498
En effet, les banques sont peu enclines à prêter aux acquéreurs dans le cadre des opérations de régularisation
foncière, car il s’agit souvent de personnes à faibles revenus. De plus, l’inscription de garanties hypothécaires
sur les biens acquis, requièrent l’établissement du titre de propriété par un notaire ; ce qui engendre un surcoût
pour le futur acquéreur. Les exécutifs locaux, en qualité d’officiers publics, ne sont pas habilités à procéder à
des inscriptions hypothécaires sur les biens désignés dans les actes authentiques administratifs.
2499
BAIETTO-BEYSSON (Sabine), BONNAL (Philippe), COLIN (Jean) et ANGEL (Noémie), Rapport relatif
aux problématiques foncières et au rôle des différents opérateurs aux Antilles, rapport du Conseil général de
l’environnement et du développement durable, et de l’Inspection générale de l’administration, établi en
novembre 2013, consultable sur le site : http://www.interieur.gouv.fr/publications/rapports-de-l-iga.
2500
L’absence (déclaration d’absence des articles 122 et suivants du code civil) ou la disparition (déclaration
de décès des articles 88 et suivants) sont des cas soumis aux procédures spéciales.

706
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

autoriser la cession au profit des ayants droits acceptants l’acquisition, sous réserve de la
prise en charge par ceux-ci de l’indemnisation des autres héritiers au cas où ceux-ci se
manifesteraient, eu égard à leurs droits dans la construction. Cette solution est d’autant plus
intéressante que, dans les procédures de régularisation foncière, il n’y a pas d’indivision
entre le propriétaire du terrain occupé sans titre et l’occupant, même si le propriétaire
renonce à se prévaloir de la théorie de l’accession. Le propriétaire du terrain, qu’il soit une
personne publique ou privée, peut donc théoriquement céder à qui il veut, mais à charge
d’indemniser éventuellement les ayants de l’occupant ou l’occupant lui-même eu égard à la
construction édifiée, dans les conditions des articles 555 et suivants du code civil. Compte
tenu des contentieux susceptibles d’être générés, la plupart des personnes publiques prennent
la décision de céder à l’occupant ou à ses ayants droit ou ayants cause.
La cession aux héritiers acceptants se ferait sous réserve de la prise en charge par ceux-
ci de l’indemnisation des autres ayants droit qui pourraient se présenter, sans recours contre
le propriétaire. Elle aurait lieu à titre exceptionnel, en l’absence de réponse desdits ayants
aux sollicitations effectuées dans les formes légales, après épuisement des tentatives de
conciliation et recours amiables, et en l’absence d’avant-contrat signé entre la Ville et lesdits
ayants droit, afin d’éviter tout blocage préjudiciable aux parties.
Dans le même ordre d’idées, en cas de refus de signature de l’acte de vente ou en cas
de conflits, il pourrait être envisagé d’accorder la priorité de cession du terrain à l’héritier
l’occupant à titre d’habitation principale, s’il a réalisé des travaux de conservation de
l’immeuble sans lesquels la construction serait tombée en ruines ou s’il a reconstruit
l’immeuble à l’aide de ses fonds personnels. La cession aura lieu, sans préjudice des
indemnités, récompenses ou créances éventuelles qui pourront être dues par l’acquéreur au
profit de ses cohéritiers, eu égard à la valeur de la construction reposant sur ledit terrain.
Pour le calcul de cette indemnité, la construction sera considérée dans son état au jour du
décès de l’occupant initial ayant construit et pour sa valeur au jour du partage, déduction
faite de la plus-value apportée par les travaux de conservation effectués par l’acquéreur.
Celui-ci devra donc s’engager à indemniser ses cohéritiers eu égard à leurs droits dans la
construction, calculés tels que sus dit.
Dans tous les cas précités, les solutions exposées permettent de réduire les risques de
contentieux précontractuels et post-contractuels et d’éviter des blocages, sans priver l’ayant
droit qui ne désire pas se porter acquéreur du terrain de la possibilité de réclamer, s’il le

707
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

souhaite, la valeur de la quote-part de droits qu’il détient sur la construction2501.


En cas d’opposition à signature, la « loi LETCHIMY sur l’indivision successorale »
pourrait également trouver matière à s’appliquer, si les conditions en sont réunies, selon les
modalités décrites au paragraphe qui y est consacré en amont.
d) Cession à un ex-conjoint divorcé
Dans le cas de deux ex-conjoints souhaitant effectuer l’acquisition du terrain d’assiette
de leur construction auprès de la personne publique propriétaire, en indivision et d’un
commun accord entre eux, la priorité est accordée à cette solution, à charge pour eux de
sortir par la suite de l’indivision par le biais d’une liquidation-partage notariée.
Mais en cas de mésentente ou en l’absence de décision d’acquisition conjointe de leur
part, la cession du terrain d’assiette de la construction à deux ex-conjoints, aboutirait à créer
une situation d’indivision non souhaitable d’un point de vue juridique et souvent non
souhaitée par ceux-ci. D’autres difficultés, d’ordre conflictuel, pourraient s’ajouter à cela2502.
Pour toutes ces raisons et pour pallier les difficultés qui pourraient bloquer les
processus de régularisation foncière, le législateur pourrait envisager que, dans les situations
susdites, la personne publique propriétaire accorde la priorité de la cession du terrain à l’ex-
conjoint occupant la construction à usage de résidence principale, en l’absence de décision
écrite provenant d’eux, et si aucun avant-contrat n’a été régularisé en amont entre les parties.
Le tout, sans préjudice des indemnités, créances ou récompenses qui pourraient être
dues par l’ex-conjoint occupant à l’ex-conjoint non occupant à raison de la construction
édifiée pendant le mariage. Pour le calcul de cette indemnité ou récompense, c’est la valeur
de la construction, dans son état à la date de l’assignation en divorce, de l’homologation de
la convention de divorce ou de l’ordonnance de non-conciliation selon le cas, et sa valeur au
jour du partage, qui sera prise en compte2503.

2501
Ces solutions sont assorties de reconnaissances de conseils donnés, qu’il est nécessaire de faire signer, à
chaque fois que la cession est faite, sur demande expresse des requérants, dans des conditions de nature à
mettre en jeu la responsabilité des officiers publics.
2502
La solution qui consisterait à envoyer un courrier recommandé avec demande d’accusé de réception à l’ex-
conjoint non intéressé, et à fixer un délai au-delà duquel la vente serait effectuée au profit de l’ex-conjoint
occupant, sans réponse de la part du premier, semble intéressante, mais peut paradoxalement générer des
difficultés supplémentaires pouvant aller jusqu’au blocage.
2503
La solution exposée ci-dessus pourrait être transposée au cas des ex-concubins séparés ayant construit
ensemble, au cas des ex-conjoints conventionnellement ou judiciairement séparés de biens ayant construit en
indivision pendant le mariage, au cas des ex-conjoints judiciairement séparés de corps donc de biens et ayant
construit pendant la communauté, et autres cas similaires. Cette solution peut être aussi envisagée en cas
d’indivision post-successorale, en cas de mésentente entre les héritiers aboutissant à un blocage du processus
de cession. Le tout, à charge d’indemnisation par le bénéficiaire, de l’ensemble de ses cohéritiers, à raison de
leurs droits dans la construction, et à condition qu’il n’existe pas de pacte de préférence ou autre avant-contrat
liant la personne publique propriétaire aux autres ayants droit.

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D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

e) Prise en compte de l’ancienneté de l’occupation


La condition de l’ancienneté d’occupation doit être prise en compte dans les
procédures de régularisation foncière par titrement ou relogement. La prise en compte de
cette condition d’ancienneté d’occupation est déjà effective concernant la régularisation
foncière menée dans la zone des cinquante pas géométriques et dans certaines communes.
Elle devrait être étendue par le législateur à toutes les opérations de régularisation foncière,
au vu de tous moyens de preuves.
Par ailleurs, l’ancienneté d’occupation devrait pouvoir également opérer en faveur des
autochtones de Guyane, et en faveur des Mahorais, en possession de foncier depuis de
nombreuses années en vertu de leur droit coutumier.
f) Prise en compte des réhabilitations lourdes
En cas de réhabilitation aboutissant à une reconstruction et si les autres conditions de
la régularisation foncière sont remplies, il conviendrait de favoriser la cession au profit du
constructeur ayant reconstruit, au vu de tous documents d’urbanisme (permis de construire,
autorisation d’effectuer des travaux, etc.), mais également, compte tenu du cadre
d’intervention, au vu de tous moyens de preuves attestant des dires de l’acquéreur (plans de
construction, factures d’achat de matériaux, etc.).
g) Charge du bornage
Le bien à vendre doit être déterminé ou déterminable. Dans le cadre d’une vente
ordinaire, la charge du bornage incombe au vendeur, qui a l’obligation de délivrer un bien
déterminé, l’acquéreur ayant celle de payer le prix de vente. Mais il s’agit d’une règle
supplétive à laquelle les parties peuvent déroger. Il en est ainsi dans le cadre des opérations
de régularisation foncière, où la charge du bornage doit être imputée à l’occupant sans titre,
le propriétaire lésé donnant au contrevenant l’opportunité de régulariser sa situation foncière
irrégulière en devenant propriétaire du terrain d’assiette de sa construction.
Pour l’Etat, il existe des textes de loi validant cette procédure. Pour les autres
personnes publiques, notamment les collectivités territoriales de proximité outre-mer, aucun
texte ne prévoit ce report de charge2504. C’est donc conventionnellement que les frais du
bornage sont mis à la charge de l’acquéreur bénéficiaire du terrain. Dans ce cadre, le bornage
constitue une charge augmentative du prix de vente.
Il conviendrait pour le législateur d’étendre cette prise en charge automatique du

2504
Le coût des bornages pour les personnes publiques est élevé, compte tenu du nombre élevé d’occupants à
régulariser. À Fort-de-France cela représente plus de 2000 parcelles à borner. Le coût du bornage est souvent
supérieur à 1000 euros l’unité. Pour certaines communes ce coût est trop élevé à supporter.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

bornage par l’occupant sans titre, à toutes les opérations de régularisation foncière, afin
d’accélérer lesdites procédures. Ainsi, la charge et le coût du bornage incomberaient
d’emblée à l’occupant acquéreur du domaine public ou privé, sans qu’il soit besoin de passer
par un conventionnement2505.

5) Démocratie participative et intervention de tiers « boosters » de


procédures

Dans les procédures de régularisation foncière, l’intervention de tiers « boosters »


devra être encouragée, par les processus de judiciarisation, médiation, démocratie
participative, et par le bais d’associations de défenses des droits, de collectifs d’habitants, et
syndicats de quartiers.
Ainsi qu’il est dit en amont, la judiciarisation des procédures permet de recourir à la
justice pour résoudre les litiges de manière objective, lorsque la médiation ou la transaction
n’a pas donné de résultat. Toutefois, un recours systématique à cette forme de règlement du
contentieux peut conduire à une perte de compétence transactionnelle. La mise en place d’un
processus de judiciarisation devrait contribuer à donner une place encadrée à des procédés
alternatifs tels que la médiation2506.
L’action d’associations telles que l’ASSAUPAMAR, et l’intervention de collectifs de
quartiers tel que le « Collectif de Volga Plage » ou le « Collectif de Pointe La Vierge », en
Martinique, démontre l’importance de la médiation et de la concertation dans les quartiers
auto-construits. Sous l’action de ces organes spontanés de concertation, des changements de
politiques de régularisation foncière peuvent s’opérer.

2505
Cela évitera à la personne publique propriétaire d’être dans l’obligation de passer des marchés publics pour
la réalisation de bornages, les occupants acquéreurs prenant directement en charge le bornage des parcelles
qu’ils occupent, avec l’assistance de la personne publique.
2506
Déjà mise en œuvre par la commune de Fort-de-France dans les opérations de régularisation foncière menée
dans des quartiers tels que « Cour campêche », dont certains terrains occupés, appartenant à des familles,
côtoient ceux appartenant à la commune. Des procédures de conciliation et d’arbitrage sont également mises
en œuvre par certaines personnes publiques et doivent être favorisées et encadrées, notamment dans le cadre
des négociations avec des syndicats de quartiers ou des collectifs d’occupants sans titre, qui se créent de plus
en plus pour faire face à la carence de l’administration. De plus, l’action des collectifs de citoyens ne doit pas
être négligée. Leur pouvoir est croissant, ainsi qu’en témoigne l’affaire « Cum Ex-Files » révélée par le journal
« Le Monde » (opérations d’arbitrages de dividendes) dans laquelle un collectif citoyen porte plainte auprès du
parquet national financier (cf. : https://www.senat.fr/presse/cp20181122.html). Le Sénat énonce que :
« L’arbitrage de dividendes permet aux actionnaires non-résidents de sociétés françaises d’échapper à la
retenue à la source qui doit être appliquée sur les dividendes qu’ils perçoivent ». Par ailleurs, l’exemple de la
manifestation des habitants de LONGONI quartier de la commune de KOUNGOU à Mayotte, réclamant à
grands renforts médiatiques la régularisation foncière des terrains sur lesquels ils ont édifié leurs constructions
et qu’ils occupent depuis de nombreuses années, est édifiant. Il démontre l’intérêt qu’il y a de mettre en place,
une procédure de déclaration d’utilité publique, pour utiliser l’expropriation, en cas de défaillance de la volonté
de régularisation foncière du véritable propriétaire ou en cas de volonté de régularisation foncière à un prix
excessif ou spéculatif.

710
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Ces concertations et médiations publiques constituent des initiatives qui vont dans le
sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement de 2004 qui indique que « toute personne
a le droit, dans les conditions et limites définies par la loi, d’accéder aux informations
relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques ayant une incidence sur
l’environnement ». Dans le même esprit, la convention d’AARHUS signée au Danemark, le
25 juin 1998, par trente-neuf États, et dont l’objet est « l’accès à l’information, la
participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière
d’environnement », favorise la participation du public à la prise de décisions ayant des
incidences sur l’environnement. Un comité d’examen assure le respect des dispositions de
ladite convention d’AARHUS (CRDCA), « quasi-juridiction » créée par ladite
Convention2507.
La démocratie participative doit être encouragée, de manière à permettre à la
population de s’exprimer sur les projets d’aménagements et de régularisation foncière. Elle
est déjà mise en place dans de nombreuses collectivités2508.
Les cadres ci-dessus exposés visent à prendre en compte des pratiques sui generis, et
à instaurer des règles communes et plus adaptées de régularisation foncière. L’intervention
du législateur s’avère toutefois incontournable, dans le cadre d’une loi visant à juguler
l’occupation sans titre outre-mer (B).

B. UNE EVOLUTION LEGISLATIVE POUR JUGULER


L’OCCUPATION SANS TITRE DANS LES COLLECTIVITÉS
TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Une évolution législative est souhaitable pour une résorption de l’occupation sans titre
de la propriété des personnes publiques outre-mer, notamment des domaines public et privé
des collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution.
Il est souhaitable de réformer les procédures de régularisation foncière et de les
soumettre à des conditions juridiquement encadrées, sans légitimer l’occupation sans titre

2507
Dans le même état d’esprit de protection de l’environnement, les articles 239 et suivants de la loi du 12
juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, ont procédé à une réforme des enquêtes
publiques et à la mise en œuvre du principe de participation, et modifié en ce sens le code de l’expropriation
qui renvoie au code de l’environnement pour partie de la procédure de déclaration d’utilité publique.
2508
Compte tenu de l’importance de la gestion post-cession à réaliser, Serge LETCHIMY avait, lors de son
mandat en qualité de Maire de la commune de Fort-de-France, exprimé le souhait de voir émerger de nouveaux
métiers de gestionnaires, liés à la gestion de ces quartiers, notamment par le biais de syndicats de quartiers qui
seraient chargés de gérer les conflits post-opérationnels.

711
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

néfaste au développement des sociétés outre-mer. Ce qui tendrait à reconnaître la notion de


régularisation foncière d’intérêt public, qui constitue une limite acceptable au droit de
propriété des personnes publiques, et tient compte du respect de la dignité humaine.

1) Motifs d’une évolution législative pour résorber l’occupation sans titre


outre-mer

L’étude du droit positif débouche sur le constat que les procédures de régularisation
foncière de l’occupation sans titre mises en œuvre dans les collectivités territoriales de
l’article 73 de la Constitution, par les personnes publiques, dans leur domaine public,
spécialement dans la zone des cinquante pas géométriques (ZPG), sont limitées dans le
temps et dans l’espace et laissent encore peu de place à une gouvernance foncière locale.
Celles mises en place par certaines collectivités territoriales de proximité dans leur
domaine privé, sont innovantes et nécessaires, mais hétéroclites et, en raison du défaut de
base légale suffisante de certains dispositifs utilisés, susceptibles de générer des risques de
contentieux post-contractuels et post-opérationnels.
En effet, les procédures de régularisation foncière mises en place par le législateur
concernent majoritairement la régularisation de l’occupation sans titre de la propriété de
l’Etat2509. Aucune procédure légale n’a jusqu’alors été mise en place concernant la
régularisation foncière menée sur leur propriété par les communes, départements, régions,
et collectivités uniques. Ces personnes publiques locales se réfèrent au droit commun des
contrat et aux dispositions du CGCT concernant les cessions ; dispositions qui se révèlent
insuffisantes, voire inadaptées, pour les raisons exposées au cours de cette étude.
Pour faire face à ce vide juridique et pallier la carence du législateur, certaines
personnes publiques font œuvre législative et mettent en place des procédures sui generis de
régularisation foncière, entérinées par leur assemblée délibérante. Or, si la jurisprudence
semble valider la pratique d’un prix inférieur à la valeur vénale du bien quand il existe un
intérêt public et des contreparties suffisantes2510, aucun fondement légal ne vient entériner
ces procédures, comme c’est le cas pour la zone des cinquante pas géométriques.
Mais plus globalement, les situations des personnes publiques locales outre-mer sont
inégales devant la régularisation foncière. Celles-ci disposent de moyens inégaux pour

2509
Il s’agit des secteurs urbains et d’urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas géométrique, dont les
secteurs urbains et d’urbanisation diffuse sont destinés à intégrer le domaine de la région pour la Guadeloupe
et de la collectivité territoriale unique pour la Martinique, par la loi ADOM du 14 octobre 2015, et du domaine
privé de l’Etat en Guyane française.
2510
CE, Sect., 3 nov. 1997, Commune de Fougerolles, Rec. 391., AJDA 1997, p. 110, obs. RICHER (L.).

712
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

juguler l’occupation sans titre de leur domaine public ou privé. Certaines d’entre elles
pratiquent, comme il est sus dit, des aides à l’acquisition plus ou moins comparables à celles
pratiquées par l’Etat, mais avec certaines adaptations eu égard à l’histoire des quartiers2511.
D’autres pratiquent des ventes sèches, sans aide à l’acquisition. D’autres encore font appel
à des procédés alternatifs à la cession directe (location-accession, location-vente, …).
Certaines personnes publiques n’ont pas les moyens de procéder à une régularisation
foncière de l’occupation sans titre de leur domaine privé2512. Les réponses à l’occupation sans
titre au niveau local sont donc fonction des moyens matériels, financiers et humains dont
peuvent disposer les collectivités territoriales.
En conséquence, la régularisation foncière mise en œuvre dans les collectivités
territoriales relevant de l’article 73 de la Constitution, situées outre-mer, revêt la
qualification d’une régularisation foncière à moyens inégaux. Elle contribue à mettre en
œuvre des outils inégaux, entraînant des traitements inégaux, entre des personnes publiques
qui devraient bénéficier de moyens d’actions égaux ou équivalents et des dispositifs adaptés
pour juguler l’occupation sans titre de leur propriété, et entre les occupants sans titre eux-
mêmes, selon qu’ils soient occupants du domaine public de l’Etat (particulièrement de la
ZPG en cours de transfert à l’échelon régional) ou du domaine privé des collectivités
territoriales de proximité2513.
Pour tenter de résorber ces situations, eu égard à l’importance de l’occupation sans
titre outre-mer et à son caractère néfaste pour le développement économique, il est urgent
de constater et reconnaître l’intérêt public de la régularisation foncière outre-mer. Cela
implique notamment la mise en place par le législateur, de dispositifs juridiques, matériels,
humains et financiers nécessaires à la résorption de l’occupation sans titre outre-mer. Cela
implique la mise en place d’un véritable droit de la régularisation foncière outre-mer.
À ce titre, il est important de réformer les procédures de régularisation foncière elles-
mêmes, sur le fondement de l’intérêt public voire de l’utilité publique, par un encadrement
juridique des procédures de régularisation foncière amiable, le développement d’une
procédure de régularisation foncière d’utilité publique, utile en cas de blocages ou de
carences ; et en définitive, par l’émergence d’un véritable droit de la régularisation foncière
outre-mer, à axer sur la sauvegarde de la dignité de la personne humaine et le droit à un

2511
Lesquelles adaptations peuvent être sources de traitements inégaux entre certains quartiers, même si elles
sont justifiées par l’histoire de ces quartiers dont l’appréciation est laissée au politique.
2512
Cas de la plupart des petites communes outre-mer.
2513
Ou de telle collectivité territoriale (commune, département, région).

713
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

logement décent ou digne.


Cette réforme permettrait de favoriser la mise en place de procédures de régularisation
foncière dédiées, notamment par la légalisation et l’extension de procédures de
régularisation foncière existantes, et par l’instauration de procédures prenant notamment en
compte les pratiques et usages locaux, dans le cadre d’une gouvernance foncière locale
partagée, assortie de moyens juridiques, financiers, matériels et humains adaptés.
À cet effet, il est primordial pour le législateur de prévoir des procédures de
régularisation foncière de l’occupation sans titre2514 du domaine public et du domaine privé
des collectivités territoriales situées outre-mer, dédiées, mieux adaptées ou appropriées,
homogènes, pérennes, et juridiquement encadrées, constituant le socle d’un véritable droit
de la régularisation foncière outre-mer, vecteur de sécurité foncière et juridique.
La légitimité de l’accès au sol, chaque fois que cette mesure est possible, constitue le
meilleur moyen de pérenniser le logement pour tous et la tranquillité publique. Il s’agit aussi
de conférer une légitimité aux programmes de régularisation foncière, qui revêtent un intérêt
public avéré, car ils ont le « grand intérêt de mettre en avant l’importance primordiale de
l’accès au sol, de la sécurité foncière »2515. Il s’agit d’élever la régularisation foncière, d’un
rang de faculté2516 juridique, au rang de droit à la régularisation foncière outre-mer, lorsque
certaines conditions sont remplies, notamment lorsque la dignité de la personne humaine est
menacée et que sont en cause le droit à un logement décent ou digne.
Une proposition de loi demeure donc annexée à la présente recherche, sous réserve du
respect des conditions de recevabilité financières et législatives2517. L’enjeu consiste à
favoriser la résorption de l’occupation sans titre de la propriété des personnes publiques dans
les collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution, sans légitimer l’illégalité
foncière, dans le respect du droit de propriété des personnes publiques, tout en lui apportant
des limites nécessaires, en raison de l’intérêt public de la régularisation foncière.
Tout cela contribue à l’émergence d’un véritable droit de la régularisation foncière
outre-mer2518, vecteur de dignité humaine et financière. Un droit qui passe par la légalisation
de certains particularismes et pratiques locaux et par l’adoption d’un corpus juridique

2514
Ou en vertu d’un titre devenu caduque ou périmé.
2515
AITEC, Association Internationale de Techniciens, Experts et Chercheurs, Occupation et régularisation
foncière au regard des droits au logement et à la ville. Article publié le 05 mars 2007, sur le site « aitec. reseau-
ipam.org.
2516
Dans le sens de « possibilité ».
2517
Voir la proposition de loi demeurée ci-annexée (annexe 1).
2518
Et non des dispositifs épars, à plusieurs vitesses, en fonction des moyens et des échéances électorales.

714
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

pérenne, prévoyant des cadres de régularisation vecteurs de sécurité juridique et foncière.

2) Insertion dans le cadre législatif existant et modalités pratiques

Sous l’appellation : « Des régularisations foncières sur le domaine public et privé des
personnes publiques dans les collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution », le
code général de la propriété des personnes publiques renverrait aux procédures applicables
à la zone des 50 pas, qui seront adaptées, et aux procédures spécifiques aux régularisations
foncières menées par les personnes publiques locales dans collectivités territoriales de
l’article 73 de la Constitution, dont la mise en place est primordiale.
En effet, par soucis de justice, d’équité, d’impartialité, de solidarité et de cohésion
entre les territoires2519, les procédures de régularisation foncière gagneraient à être adaptées
à toutes les situations de même nature, codifiées et facilement applicables par le personnel
administratif des collectivités territoriales.
Les procédures de régularisation foncière gagneraient à être dématérialisées, compte
tenu du grand nombre de terrains à régulariser2520, de la masse importante des personnes à
recevoir et de données à collecter2521. L’avantage de la télé-procédure consiste en une
certaine transparence, notamment vis-à-vis de l’occupant sans titre, qui pourrait suivre
l’évolution du traitement de sa demande en temps réel et compléter son dossier en rattachant

2519
De manière à réduire les inégalités entre les territoires et les exclusions sociales qui peuvent en découler.
Voir en ce sens LEVY (J.), géographe, qui défend l’idée de justice sociale et spatiale et prône une démocratie
interactive, ente les politiques et les individus. Cf. : LEVY (Jacques), Théorie de la justice spatiale.
Géographies du juste et de l’injuste, éditions Odile Jacob, 355 p. cité dans un article de LASOWSKI (Aliocha
Wald), « Il n’y a pas assez de solidarité entre les territoires » ; article paru dans L’EXPRESS, le 17 octobre
2018. En ligne : https://www.lexpress.fr/actualite/societe/il-n-y-a-pas-assez-de-solidarite-entre-les-
territoires_2038462.html. Voir aussi : BERTRAND (Nathalie), PEYRACHE-GADEAU (Véronique),
« Introduction. « Cohésion sociale et cohérence territoriale », quel cadre de réflexions pour l'aménagement et
le développement ? », Géographie, économie, société, 2009/2 (Vol. 11), p. 85-91. URL :
https://www.cairn.info/revue-geographie-economie-societe-2009-2-page-85.htm. Sur l’importance de la prise
en compte par les intervenants publics, de la cohésion sociale et de la cohérence territoriale, en matière
d’aménagement et de développement.
2520
À Fort-de-France il resterait plus de 2700 parcelles à régulariser, à la date de janvier 2017.
2521
Les demandes de régularisation foncière et les procédures de régularisation foncière elles-mêmes,
gagneraient à être dématérialisées et opérées par télé-procédures, même si la demande par courrier subsiste.
Ce système permettrait d’établir l’antériorité de la demande et de procéder à leur traitement en fonction de leur
ancienneté. Un numéro électronique serait attribué à chaque demande de régularisation foncière. Les pièces
essentielles du dossier seraient téléchargées sur les sites internet dédiés à la régularisation foncière. La décision
de cession ou de non-cession interviendrait au vu des documents justificatifs fournis, rattachés sur les sites
internet locaux, dédiés à la régularisation foncière, et serait motivée. Ces sites seraient tenus et mis à jour par
les personnels des personnes publiques propriétaires procédant à la régularisation foncière, mais devraient
pouvoir être consultés par toutes les personnes publiques impliquées dans l’opération (communes, DEAL,
régions, départements, collectivités uniques, autres personnes publiques.), les occupants eux-mêmes, et les
administrés en général. Cela favoriserait la transversalité des relations entre les personnes publiques elles-
mêmes, et la communication entre celles-ci et les occupants.

715
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

les pièces manquantes2522. La régularisation foncière revêt une importance et une ampleur
suffisantes pour justifier l’emploi de la téléprocédure.
L’état d’aménagement du secteur devrait pouvoir être vérifié par simple consultation
du site internet qui serait dédié à la régularisation foncière2523, et le requérant devrait pouvoir
être renseigné, tant sur l’état d’avancement de son dossier que sur les données
d’aménagement, d’urbanisme ou autres, par simple consultation du site internet qui serait
ainsi dédié à la régularisation foncière. Les avis préalables à obtenir pourraient figurer sur le
site internet dédié (avis d’urbanisme, PPRN, etc.). La cession ne devrait pouvoir intervenir
que si le secteur a fait l’objet d’un aménagement global approprié ou en cours2524.
Une aide à la régularisation foncière et à l’aménagement devrait pouvoir être instaurée
au profit des personnes publiques locales propriétaires, sous forme dotations financières
affectées ou de recettes fiscales spécifiques, sans que les personnes publiques bénéficiaires
aient à puiser dans leur budget de fonctionnement pour procéder à la régularisation foncière
et à l’aménagement qui en découle. L’utilisation adéquate de cette aide serait soumise à
contrôle, au vu de documents comptables d’engagement2525.
Le bornage doit être mis ou maintenu à la charge du requérant, en présence de la
personne publique propriétaire, comme c’est le cas pour les régularisations foncières
intervenant dans la zone des cinquante pas géométriques. Une aide au bornage pourrait être
accordée au requérant occupant sans titre ou à ses ayants droit, par le biais d’une procédure
d’aide à l’acquisition semblable à celle de l’aide juridictionnelle 2526. L’occupant resterait
libre du choix de son géomètre et en assumerait les honoraires2527. Le tout, sans préjudice du
droit pour les personnes publiques propriétaires disposant de moyens suffisants d’opter pour
un bornage par la technique du « rouleau compresseur », à charge pour elles éventuellement
de répercuter le coût du bornage lors de la cession du terrain borné. Ce coût du bornage

2522
De nombreuses structures pratiquent déjà la télé-procédure avec succès. C’est le cas notamment des
universités, de la direction générale des impôts, de bien d’autres administrations et des notaires.
2523
Les Agences des 50 pas géométriques de la Guadeloupe et de la Martinique possèdent des sites internet,
qui méritent d’être plus interactifs et tournés vers une utilisation mutualisée par les citoyens, les services
administratifs et les occupants.
2524
Ce procédé de traitement transparent permettrait de faire taire les suspicions entourant les opérations de
régularisation foncière en dépit des importants investissements déjà effectués, et serait l’occasion de connaître
de manière objective les différents points bloquants dans les procédures.
2525
À cet égard, il convient de rappeler que l’aide à l’aménagement accordée par le biais des Agences des 50
pas géométriques a eu peu de succès auprès de certaines communes, lesquelles ont argué du fait que cette aide
était financée par elles-mêmes.
2526
Aide accordée par l’Etat aux personnes estant en justice, et disposant de faibles ressources.
2527
Passé un certain délai sans production du plan de bornage, la personne publique devra pouvoir effectuer le
bornage aux frais de l’occupant sans titre, qui serait alors tenu de procéder au remboursement de ces frais
directement entre les mains de la personne publique propriétaire.

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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
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viendrait s’ajouter au prix de vente, en tant que charge augmentative 2528. La personne
publique pourra également décider de mettre en place un processus de bornages « in house »
en recrutant un géomètre2529.
La phase de production, de rédaction et de signature de l’acte de vente sera accélérée
par la mise en place de l’acte authentique électronique dans les collectivités territoriales, à
l’instar de ce qui est déjà pratiqué par de nombreux notaires2530. Le dossier pourra être
transmis à un notaire pour rédaction du titre de propriété, ou conservé par la personne
publique pour rédaction du titre de propriété en la forme authentique administrative2531. Une
aide à la mise en place de la dématérialisation2532, pour l’adoption de l’acte authentique
administratif électronique, à destination des collectivités territoriales outre-mer, est
nécessaire2533. Cette procédure dématérialisée, à favoriser également dans les relations avec
le service de publicité foncière, faciliterait et sécuriserait les formalités de publicité foncière
des titres de propriété.
La dématérialisation est déjà effective pour la consultation de la Direction de
l’immobilier de l’Etat sur le prix de cession des terrains occupés et pour les délibérations des
organes délibérants des collectivités territoriales.
En outre, les relations financières entre les services de publicité foncière et les
personnes publiques locales devraient être revues.2534. Une procédure mettant à contribution
le trésorier municipal devrait pouvoir être mise en place. Ainsi, le prix de vente, les frais de

2528
Il s’agit en effet d’une charge augmentative du prix de vente, car les frais de bornage sont normalement à
la charge du vendeur. Toutes, les procédures de régularisation foncière sont particulières et faites au bénéfice
des occupants sans titre. Il est donc tout à fait normal que les frais de bornage soient mis à la charge de ceux
qui bénéficient des parcelles détachées ou bornées. Les procédures mises en place dans les quartiers de Fort-
de-France, prévoient les frais de bornage comme une charge augmentative du prix de vente en tout ou partie.
Toutefois, de nombreux dossiers sont en suspens, en raison du défaut de paiement par les occupants des frais
de bornage leur incombant, compte tenu de leurs faibles ressources ; d’où l’importance de l’aide au paiement
du prix de vente mais aussi des frais de bornage.
2529
Le plan de bornage et le procès-verbal de bornage seraient rattachés au dossier par télé-procédure et
consultables par tous les acteurs de la régularisation foncière. Une procédure mixte, en partie « in house » et
en partie par saisine d’un géomètre expert extérieur, ménagerait les préférences de certains acquéreurs.
Certaines communes, pour « booster » les procédures de régularisation foncière, se dirigent vers cette solution.
2530
Les notaires utilisent une clé USB REAL pour le chiffrage des données de l’acte authentique électronique.
2531
Il serait bon que le législateur permette aux collectivités locales d’embaucher des notaires qui seraient
assermentés et affectés à ces opérations de régularisation foncière et plus généralement, à la rédaction d’actes
authentiques en la forme administrative pour le compte des personnes publiques, compte tenu de la spécificité
de la rédaction de ces actes, des délais entourant leurs procédures, des moyens limités dont elles disposent et
de la technicité que cela requiert.
2532
Très coûteuse, d’après les renseignements fournis par les services de publicité foncière interrogés.
2533
La direction générale des finances publiques (DGFIP) et le service de la publicité foncière, sont les
partenaires incontournables de cette évolution vers l’informatisation et la dématérialisation des procédures.
2534
Pour l’heure, les frais de publicité sont versés directement par les futurs acquéreurs auprès du service de
publicité foncière concerné. Dans le cas de la commune de Fort-de-France, ils sont déposés sur un compte
« Ville de Fort-de-France Actes » tenu alimenté auprès du Service de la publicité foncière

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bornage et les frais de publicité foncière seraient versés par les futurs acquéreurs auprès d’un
seul organisme, la Trésorerie municipale par exemple, qui se chargerait d’effectuer le
virement des frais de publicité foncière directement au service de la publicité foncière, à
l’ordre du Trésor Public. Cela éviterait aux occupants désirant régulariser leur situation
d’avoir à effectuer des démarches de règlements parallèles auprès de deux organismes
différents, avec les risques d’erreurs que cela comporte2535.
Par ailleurs, le législateur pourrait adapter et valider, si les conditions en sont remplies,
dans un but d’optimisation et d’accélération des procédures de régularisation foncière, dont
la lenteur de mise en œuvre peut être génératrice de tensions sociales, un acte de cession
globale ou de cessions collectives. Il serait régularisé par arrêté préfectoral ou local, ou
préférentiellement par acte administratif reçu en la forme authentique, dont les modalités
sont détaillées en amont2536.
Dans le même but, en cas de carence du propriétaire, l’expropriation pour cause de
régularisation foncière d’utilité publique devrait être facilitée et les délais de la déclaration
d’utilité publique devraient être adaptés à l’urgence de ces opérations.
Dans le même esprit, les nouvelles technologies, telles que la blockchain, devraient
pouvoir être expérimentées, sur preuve de leur fiabilité2537. Ce processus a facilité une
transaction immobilière internationale autrement complexe2538. Il s’agit donc de transactions
légales, automatisées, sûres et pratiques, que la pratique notariale est en train d’étudier.
Une proposition de loi prenant en compte certaines des préconisations ci-dessus

2535
Les notaires perçoivent les frais de publicité foncière de leurs clients sous forme de provisions pour frais
d’actes et les reversent directement pour le compte de leurs clients au Service de la publicité foncière. Un
processus similaire pourrait être envisagé pour les exécutifs locaux, véritables officiers publics également, par
le biais de leur trésorier.
2536
Le cas des agriculteurs du village de JAHOUVEY dans la commune de MANA en Guyane française, mérite
d’être évoqué. Lors du passage du Ministre, Gérald DARMANIN, en Guyane, ceux-ci, avec l’appui des
instances locales et des services de la Direction de l’agriculture et de la forêt, ont dénoncé la complexité et la
longue des procédures de régularisation foncière. Le cas d’un agriculteur ayant attendu 17 ans avant de borner
son terrain a été cité. Cf. PONET (Myraim Maëva.), « Mana : la question de l’accès au foncier soumise à
Gérald Darmanin », article publié le 25 juillet 2019 sur le site : https://la1ere.francetvinfo.fr/guyane/mana-
question-acces-au-foncier-soumise-gerald-darmanin-733938.html.
2537
Cf. la transaction immobilière par la technologie de la blockchain réalisée dans l’Union européenne, sur le
marché européen « Propy », une plate-forme immobilière internationale, entre un vendeur espagnol et un
acheteur français, qui ont utilisé une crypto-monnaie pour échanger le titre de propriété, par le biais de la plate-
forme Propy. Cf. : https://www.finyear.com/La-blockchain-utilisee-pour-la-premiere-fois-dans-l-UE-pour-
une-transaction-immobiliere_a39967.html. Consulté en ligne le 04 octobre 2018.
2538
Car vendeur et acquéreur dépendent de juridictions fiscales et réglementaires différentes. Avec cette
technologie et les données chiffrées immuables consignées au sein de la blockchain, le processus transactionnel
complexe a été simplifié, bien qu’utilisant les cadres juridiques existants. Une fois la transaction effectuée, le
notaire se connecte à la plate-forme de transaction Propy, pour vérifier la signature du vendeur. Le transfert de
propriété est alors inscrit dans le registre de la blockchain et dans le registre foncier de l’Etat.

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effectuées demeure annexée à la présente thèse2539.

CONCLUSION DU CHAPITRE

Le domaine public et le domaine privé des personnes publiques sont soumis à des
impératifs de gestion optimale. Pour le domaine public, cette gestion fait l’objet d’une
protection qui peut sembler venir à l’encontre d’une valorisation rendue indispensable par
les dernières réformes concernant la propriété des personnes publiques.
Le domaine privé laisse plus d’initiatives aux personnes publiques, mais celles-ci ne
doivent pas aller à l’encontre de la hiérarchie des normes et du principe de légalité.
Or, l’occupation sans titre de ces domaines est récurrente, et la régularisation foncière
qui y est opposée est inefficiente. Il est donc primordial d’aller vers une reconnaissance de
l’intérêt publique de la régularisation foncière outre-mer, afin d’y consacrer des moyens
juridiques et financiers dédiés.
L’évolution législative souhaitable devrait aller dans le sens de la mise en place par le
législateur, pour juguler de manière pérenne l’occupation sans titre outre-mer, de moyens de
régularisation foncière dédiés, touchant le domaine public comme le domaine privé des
personnes publiques outre-mer. Ces moyens dédiés consistent notamment en un financement
dédié et en des dispositifs juridiques légaux de régularisation foncière, pérennes et
accessibles à toutes les personnes publiques outre-mer, et laissant une place à la
reconnaissance les particularismes et procédés locaux.
L’objectif est d’aboutir, à terme, à l’instauration d’un véritable droit de la
régularisation foncière applicable à l’outre-mer, fondé sur un corpus juridique pérenne,
vecteur de sécurité foncière et juridique.

2539
Voir annexe 16.

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CONCLUSION DU TITRE

L’intérêt public de la régularisation foncière conduit à la nécessité de l’émergence d’un


véritable droit de la régularisation foncière outre-mer, qui doit être protégé.
Il s’agit d’un droit de la régularisation foncière outre-mer à axer sur la dignité humaine
et financière. D’une part, la dignité humaine, limite acceptable au droit de propriété,
constituerait le fondement de la régularisation foncière, l’accès au droit de propriété étant
vecteur de dignité humaine. Son corollaire, le droit à un logement digne et décent, permet
de conférer un contenu concret à la régularisation foncière outre-mer et constitue un levier
d’action au profit des collectivités territoriales. D’autre part, la dignité constitue
corrélativement le motif de la mise en place d’outils financiers dédiés à la régularisation
foncière. Une gouvernance foncière locale de la régularisation foncière requiert une
autonomie financière nécessaire, en présence d’une insuffisance avérée des ressources
locales dédiées et d’un endettement local pénalisant. Des moyens financiers doivent être
dédiés à la régularisation foncière outre-mer, notamment par l’application de la règle de la
compensation financière liée aux transferts de compétences et par le transfert des dispositifs
opérationnels, et l’affectation de produits et ressources, sans complication fiscale.
Il s’agit d’un droit de la régularisation foncière à axer sur des règles sui generis dans
un corpus juridique dédié. Cela consiste d’une part en la légalisation de régularisations
dédiées au vu des spécificités locales, par la prise en compte des coutumes et particularismes
locaux, notamment en Guyane française et à Mayotte, et par la prise en compte de pratiques
et procédés parallèles dans les collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution.
L’admission contrôlée du jeu de la prescription acquisitive dans le cadre d’un processus de
judiciarisation apparaît acceptable. La prise en compte de contributions parallèles, dont
celles de la « Loi Letchimy sur l’indivision », est aussi nécessaire. D’autre part, un corpus
juridique dédié à la régularisation foncière outre-mer doit être privilégié. Il s’agit d’un corpus
juridique vecteur de sécurité foncière, notamment par une régularisation foncière favorisant
la résorption de l’habitat insalubre ou indigne et le prévention des risques naturels et
environnements, dans une visée de protection de l’environnement. Il s’agit aussi d’un corpus
vecteur de sécurité juridique par la mise en place de dispositifs légaux dédiés à la
régularisation foncière et favorisant, notamment par le biais de solutions et cadres juridiques
et financiers communs à l’Etat et aux collectivités locales, un droit de la régularisation
foncière sui generis à moyens égaux outre-mer. Une évolution législative, proposée, apparaît
nécessaire.

720
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE : UNE RÉGULARISATION


FONCIÈRE D’INTÉRÊT GÉNÉRAL À PRIVILÉGIER DANS LE CADRE D’UN
VERITABLE DROIT DE LA RÉGULARISATION FONCIÈRE OUTRE-MER.

La régularisation foncière outre-mer n’est donc pas qu’une question de procédures.


C’est aussi et surtout une manière de prendre en compte de la dignité de la personne humaine,
à travers la mise en place de procédures permettant aux occupants d’accéder à la propriété
de leur logement ou de leurs activités, dans des secteurs aménagés.
Elle doit s’opérer par le biais de procédures adaptées aux réalités locales et pérennes,
et par des dispositifs juridiques et moyens financiers dédiés, eu égard à l’impératif de
protection du droit de propriété des personnes publiques et de la personne des occupants sans
titre eux-mêmes.
Le juge européen lui-même développe une interprétation plus souple de la notion du
« droit au respect de ses biens », ainsi qu’en atteste la décision de la Cour européenne de
droits de l’homme, en date du 13 juin 19792540, aux termes de laquelle le juge développe une
interprétation souple de l’article 1 de la Convention en affirmant que le droit de disposer de
ses biens constitue un « élément traditionnel fondamental » du droit de propriété2541.
En raison de l’inégalité des moyens de régularisation foncière entre les personnes
publiques et de l’inadaptation de certaines procédures aux spécificités locales, une réforme
de la régularisation foncière passe par l’instauration de cadres juridiques de régularisation
foncière disposant d’une base légale suffisante, respectueuse de la hiérarchie des normes,
dans le cadre d’une gouvernance foncière partagée et de financements dédiés.
C’est à tous ces aspects, qu’a tenté de répondre la deuxième partie de cette recherche,
en donnant la priorité à la volonté de régularisation foncière du propriétaire, mais dans le
cadre d’un encadrement juridique des procédures de régularisation foncière, et à défaut, en
faisant ressortir le caractère d’utilité publique de la régularisation foncière outre-mer et en
adaptant le droit aux réalités locales.
Il est donc primordial d’évoluer d’une régularisation foncière à plusieurs vitesses, à
une régularisation foncière d’intérêt public.

2540
CEDH, 13 juin 1979, Marckx c. Belgique, GACEDH n° 42, cité dans LLORENS (F.), op cit.
2541
LLORENS (François), ODENT (Brunon) et LAVIALLE (Christian), « Les titres d’occupation de la « zone
des cinquante pas géométriques » : le droit français au droit de la Convention européenne des droits de
l’homme », RFDA, « Biens et travaux », novembre-décembre 2012, pp. 1166 à 1171.

721
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

À cet effet, il convient de réformer les procédures de régularisation foncière, sur le


fondement de l’intérêt public, voire de l’utilité publique, par l’émergence d’un droit de la
régularisation foncière, à axer sur la dignité de la personne humaine et à ajuster à la prise en
compte de pratiques et usages locaux, dans le cadre d’une gouvernance foncière locale
partagée, assortie de moyens juridiques, financiers et humains dédiés.

722
D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

CONCLUSION GÉNÉRALE

L’intitulé du sujet interpelle par sa présentation antinomique et renseigne d’emblée sur


la particularité de l’occupation sans titre outre-mer. En effet, les deux termes du sujet
semblent contradictoires. Le terme « occupation sans titre de la propriété des personnes
publiques », laisse supposer la mise en place prioritaire de sanctions, en raison de l’illégalité
de ce fait juridique. Alors que celui de « régularisation foncière […] dans les Collectivités
territoriales de l’article 73 de la Constitution », laisse présager un traitement dérogatoire
outre-mer, d’une situation d’illégalité foncière, par la régularisation foncière positive.
La délivrance de titres de propriété, pratique généralisée d’un droit positif foncier
européen, a notamment pour effet d’induire un changement dans le comportement des
occupants sans titre qui, en tant que propriétaires, sont alors éligibles à l’obtention d’aides
et des prêts bancaires ou autres, pour la réalisation de travaux de réhabilitation de leur
logement, dans le respect des normes de construction et d’urbanisme. En tant que
propriétaires, ils s’intègrent dans le marché foncier immobilier, en raison du caractère
désormais transmissible, à titre onéreux ou à titre gratuit, de leur patrimoine immobilier. La
possession d’un titre de propriété facilite donc l’accès au crédit immobilier et à une gestion
immobilière optimisée pour l’occupant sans titre régularisé dans sa situation foncière2542.
Les procédures de titrement ont également pour avantage de généraliser, dans toutes
les sphères sociales des sociétés d’outre-mer, des transactions immobilières sécurisées, en
raison de l’existence de « l’effet relatif ». Cet « effet relatif » consiste, pour tout vendeur, à
être en mesure de produire le titre par lequel il est devenu lui-même propriétaire. Cette règle
empêche la cession d’un même bien immobilier plusieurs fois par le même propriétaire à
des acquéreurs différents. L’effet relatif doit couvrir une période de trente années
consécutives au minimum. En définitive, le marché foncier fonctionne d’autant mieux que
les individus qui la composent sont dotés de titres de propriété en bonne et due forme, écrits,
établis par actes authentiques opposables aux tiers, par le biais notamment de la publicité
foncière et de l’inscription au Bureau du Cadastre.
Mais la régularisation foncière par titrement n’est pas sans obstacle. Dans son article

2542
En effet, la plupart des organismes prêteurs (banques, établissements de crédit, etc.), n’acceptent d’octroyer
des prêts, notamment immobiliers, qu’en échange de sûretés réelles immobilières, de garanties hypothécaires
portant sur des biens et droits immobiliers (privilèges du vendeur, privilèges du prêteur de deniers, etc.).

CONCLUSION
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

consacré à la régularisation foncière dans les villes brésiliennes2543, Rafael SOARES


GONÇALVES rappelle que la réhabilitation des quartiers d’habitat informel et l’attribution
de titres de propriété est une opération difficile, qui comporte de nombreuses entraves. Ces
entraves sont liées notamment aux obstacles juridiques et aux politiques foncières qui ne
sont pas toujours désintéressées. Il prend à témoin l’exemple des favelas de Rio de Janeiro.
Comme outre-mer, le processus d’attribution de titres de propriété n’a pas atteint les résultats
attendus, le nombre de titres délivrés étant bien en deçà des attentes.
De plus, les développements effectués en amont démontrent notamment des inégalités
de moyens entre les personnes publiques procédant à la régularisation foncière. L’intérêt
public voire l’utilité publique de ces opérations de régularisation foncière ne sont pas
suffisamment pris en compte pour la mise l’extension ou la mise en place de dispositifs de
régularisation foncière, juridiques, financiers, matériels et humains adéquats. La sauvegarde
de la dignité de la personne humaine notamment, doit constituer un levier fort et le
fondement d’une régularisation foncière d’intérêt public incitant le législateur à intervenir.
La régularisation foncière, particulièrement par titrement, permet le développement
d’une société où les investissements économiques et immobiliers à long terme deviennent
possibles, car plus sécuritaires. En effet, la preuve par l’écrit ayant fait l’objet d’une mesure
de publicité foncière, est l’un des meilleurs moyens de preuve existants. La force probante
des titres de propriété écrits est un atout majeur des procédures de régularisation foncière
par cession, car elle contribue à mettre fin à une forme de fonctionnement social basé sur la
prise de possession d’un bien, induisant nécessairement une forme de violence verticale2544
et/ou horizontale2545. Les procédures de titrement sont donc des facteurs de développement
économique et social d’une société. Par ailleurs, avec le développement de l’internet, le titre
de propriété électronique tend à se développer.
Mais régulariser n’est pas cautionner. En effet, ni le législateur, ni les personnes
publiques propriétaires qui procèdent à la régularisation foncière, ne cautionnent

2543
Cf. SOARES GONÇALVES (Rafael), « Quelles régularisations foncières pour les villes brésiliennes ?
Défis et obstacles », Métropolitiques, 9 mai 2016. URL : https://www.metropolitiques.eu/Quelle-
regularisation-foncière.html.
2544
Envers le propriétaire qui est ainsi défié.
2545
Entre les occupants sans titre eux-mêmes eu égards aux empiètements réalisés entre eux, sur les parcelles
occupées, selon leur degré d’autorité. Il n’est pas rare, dans le cadre des opérations de régularisation foncière
menées dans certains quartiers de Fort-de-France, qu’un occupant refuse de signer son acte d’acquisition, pour
raison d’empiètement de son voisin sur la superficie initialement occupée par lui. Certains vont même jusqu’au
procès. Ce processus est très bien décrit par Serge LETCHIMY, Député de la Martinique, dans son ouvrage :
LETCHIMY (Serge), « De l’habitat précaire à la Ville : l’exemple martiniquais », Éditions L’harmattan, Paris,
1992, 149 pages.

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BIBLIOGRAPHIE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

l’occupation sans titre ; et le croire serait illusoire. En réalité, l’enjeu fondamental est de
parvenir à mettre fin à une situation d’illégalité foncière, de prévenir sa récidive, tout en
préservant corrélativement la dignité de la personne humaine et le droit de propriété, par un
encadrement juridique adapté et pérenne. Il s’agit parallèlement de préserver
l’environnement des conséquences dommageables de l’occupation des sites naturels ou
protégés2546. La régularisation foncière n’est donc pas la consécration de l’illégalité foncière
mais revêt un caractère légitime dont le bien-fondé est démontré aux présentes.
C’est pourquoi, dans une première partie intitulée : « De l’occupation sans titre au droit
de propriété », il est proposé d’analyser le droit positif, en faisant un exposé critique de la
régularisation foncière menée tant dans le domaine public que dans le domaine privé des
personnes publiques, dans les collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution.
S’agissant du domaine public des personnes publiques, c’est à travers l’exemple de
l’occupation sans titre de la zone des cinquante pas géométriques que le droit positif de la
régularisation foncière est étudié. Cette zone, concentre une grande partie des
problématiques d’occupation sans titre outre-mer. Elle a fait l’objet de statuts
contradictoires, depuis l’instauration de ladite zone, du temps des colonies, pour des
impératifs de défense notamment, jusqu’au décret du 30 octobre 1955, qui l’a introduite dans
le domaine privé de l’État, et depuis ledit décret jusqu’à la « loi littoral » du 3 janvier 1986
qui l’a réintégrée dans le domaine public étatique. Ces législations changeantes ont montré
leurs limites et ont abouti à la loi du 30 décembre 1996 et aux textes complémentaires ;
laquelle loi constitue le socle législatif des régularisations foncières menées dans la zone des
cinquante pas géométriques.
Un bilan des opérations de régularisation foncière, menées sur la base de ces
législations, a été effectué. Il a été complété par l’analyse des implications de la loi du 14
octobre 2015 dite « Loi ADOM » qui prévoit le transfert des secteurs urbains et
d’urbanisation diffuse au profit de la région de Guadeloupe et de la collectivité territoriale
de Martinique, sans organiser vraiment le transfert des dispositifs législatifs juridiques et
financiers applicables à ces secteurs.

2546
CA, Fort-de-France, 1er mars 2013, Affaire du « Roi Mongin ». Par cette décision, Albert MONGIN a été
condamné à verser 50000 euros d’amendes à l’Etat et à démolir, sous astreinte de 100 euros par jour, les
installations édifiées sur l’îlet Oscar, estimées non conformes à l’environnement. Il était accusé de dégradation
de l’environnement et d’occupation illicite de l’îlet Oscar. En 2014, compte tenu de l’ampleur médiatique de
cette affaire, un accord a été passé par Monsieur MONGIN avec l’Etat (ONF), qui a édifié les installations aux
normes et les a données en concession au contrevenant, pour l’exploitation de son activité. Cf. : BASTIDE
(Raphaël), « Le retour du roi », Martinique 1ère, France Info, article publié le 22 janvier 2014. En ligne :
https://la1ere.francetvinfo.fr/martinique/2014/01/22/le-retour-du-roi-103069.html.

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BIBLIOGRAPHIE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Parallèlement, la régularisation foncière de l’occupation sans titre du domaine privé


des personnes publiques situées dans les collectivités territoriales relevant de l’article 73 de
la Constitution, a fait l’objet d’une analyse, notamment à travers l’exemple de l’occupation
sans titre du domaine privé des communes et de l’État. Cette analyse du droit positif a
démontré que les communes sont livrées à elles-mêmes dans ce jeu des régularisations
foncières, n’ayant généralement pour dispositif légal que les règles générales, non adaptées,
découlant du Code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) et du Code
général des Collectivités territoriales (CGCT). En effet, aucun dispositif particulier de
régularisation foncière n’existe à l’attention des personnes publiques locales, outre-mer.
Certaines communes se sont vues contraintes d’innover2547, avec les risques de
contentieux pré et post-opérationnels que cette option est susceptible de générer.
De plus, les exécutifs locaux endossent une forme supplémentaire de responsabilité de
« type notarial », quand ils agissent en qualité d’officiers publics, chargés d’authentifier les
actes de vente qu’ils reçoivent en la forme administrative, même si cette initiative légale est
la plus adaptée à la régularisation foncière.
S’agissant du domaine privé de l’État, outre les régularisations foncières amiables
menées sur son domaine privé dans chacune des collectivités concernées, c’est la multiplicité
des procédures légales prévues dans ledit domaine, notamment en Guyane française et à
Mayotte, qui interpelle. Des concessions, des baux, des cessions sont prévues par le
législateur au profit des occupants, sous réserve du respect de certaines conditions,
notamment de nationalité française, ou d’exploitation agricole, afin de juguler l’immigration
clandestine2548. Mais ces procédures se révèlent partiellement inadaptées aux réalités locales.
En Guyane, le caractère omniprésent de l’État en qualité de propriétaire2549 interpelle,
même si le foncier est majoritairement composé de forêts. À Mayotte, l’étude du droit positif
applicable à cette jeune collectivité territoriale de l’article 73 de la Constitution, révèle
l’existence de pratiques foncières jusqu’alors traditionnelles et fondées l’application du droit
musulman encadré par des Cadis. La situation de Mayotte ne peut être ignorée, car les
occupants peinent à s’accorder avec les impératifs du droit civiliste français, nécessitant une
publicité foncière et un enregistrement au cadastre de toute propriété foncière. Ils perçoivent
le caractère ambivalent de la règle française qui consiste à affirmer que c’est le premier titre

2547
Fort-de-France (Martinique), Baie Mahault (Guadeloupe), Maripasoula (Guyane). Cf. les développements
effectués en amont.
2548
Très forte en Guyane et à Mayotte.
2549
Près 95 % du foncier guyanais.

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BIBLIOGRAPHIE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

publié qui fait foi de la qualité de propriétaire ; règle froide vis-à-vis d’une société basée sur
le respect de la parole donnée et l’occupation coutumière. Une mutation des mentalités
s’opère nécessairement.
Ainsi, l’occupation sans titre des collectivités territoriales de l’article 73 de la
Constitution, outre-mer, dépasse le simple fait illégal. Et il semble bien difficile de renvoyer
purement et simplement lesdits occupants sans titre et les personnes publiques, aux sanctions
prévues par les textes. Il est également difficile de mettre en œuvre, dans le cadre de ce type
d’occupations sans titre, les dispositions prévues par les législations sur le logement,
notamment celles résultant de la loi ALLUR. En effet, bon nombre d’occupants sans titre
desdites collectivités se considèrent d’emblée, comme étant propriétaires du terrain
d’assiette des constructions qu’ils ont édifiées ou fait édifier sur le domaine public et sur le
domaine privé des collectivités concernées. Certains d’entre eux vont même jusqu’à refuser
de signer les actes de transfert de propriété rédigés à leur profit, dans le cadre des opérations
de régularisation foncière, se considérant déjà comme propriétaires, soit en raison de
l’histoire coloniale de ces territoires, soit en raison de l’effort de viabilisation qu’ils ont
personnellement consenti pour rendre habitables des sites à l’origine inhospitaliers2550. Quant
à être relogés dans des logements collectifs sociaux, cette option n’est acceptée par certains
occupants sans titre que s’il ne peut en être autrement (en cas de risque majeur avéré, ou
d’aléa majeur)2551.
Par ailleurs, l’attention est attirée sur le fait que l’occupation sans titre ne rime pas
forcément outre-mer avec la précarité foncière. De belles demeures ou des demeures de belle
facture, des immeubles de rapport, des mairies et bâtiments communaux, des places
publiques, et bien d’autres biens de nature immobilière, sont édifiés sans titre sur le domaine
public ou privé des personnes publiques.
En raison de tout ce qui est expliqué en première partie, et compte tenu du caractère
légitime de la régularisation, dont le bien-fondé et le caractère d’intérêt public sont
démontrés, notamment pour raison d’ordre public, de protection de la dignité de la personne
humaine, voire d’utilité publique, des mesures réformatrices de cette régularisation doivent
être adoptées.
Devant l’hétérogénéité des statuts, textes et mesures de régularisation foncière
constituant le droit positif, il est proposé dans une seconde partie, de passer d’une

Cas des occupants de certains quartiers auto-construits de Fort-de-France, en Martinique.


2550
2551
Beaucoup d’occupants sont habitués à vivre au contact avec le sol et n’acceptent d’être relogés que dans
une maison individuelle, de type L.E.S. par exemple.

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BIBLIOGRAPHIE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

régularisation foncière à moyens inégaux, faisant ressortir un kaléidoscope de mesures, voire


l’inexistence de mesures légales appropriées, poussant certaines collectivités territoriales à
faire œuvre législative elles-mêmes, à un véritable droit de la régularisation foncière outre-
mer, faisant primer une régularisation foncière d’intérêt public assortie des moyens
juridiques, financiers et politiques dédiés.
L’objectif est d’homogénéiser, d’harmoniser et de prévoir, pour toute personne
publique quelle qu’elle soit, des dispositifs juridiques et financiers dédiés de régularisation
foncière. Ces dispositifs tiendront compte de modalités strictes, respectueuses de la
hiérarchie des normes et, chaque fois que cela est possible, des pratiques et coutumes locales.
Il s’agit en définitive, de mettre en place un véritable droit de la régularisation foncière outre-
mer, de manière à y juguler définitivement l’occupation sans titre et à rétablir, à terme, une
forme de paix publique et sociale.
Dans le cadre de ce droit de la régularisation foncière outre-mer, il est apparu
nécessaire de reconnaître l’intérêt public de ladite régularisation foncière outre-mer. Ce type
de régularisation foncière d’intérêt public constitue une limite nécessaire et mesurée au droit
de propriété, et passe par l’adaptation à la régularisation foncière, des règles relatives à
l’utilité publique2552. Cet intérêt public requiert la mise en place d’un véritable encadrement
de la régularisation foncière amiable, à l’initiative de la personne publique propriétaire, et
par conséquent, respectant le droit de propriété de la personne publique tout en protégeant
l’occupant. Cette régularisation foncière peut évoluer vers une régularisation d’utilité
publique en cas de blocage ou de carence d’initiative du propriétaire. L’objectif visé est
l’adoption d’un véritable statut juridique de la régularisation foncière, prenant appui sur des
principes juridiques supérieurs (dignité de la personne humaine, droit au logement, etc.), et
sur une gouvernance locale partagée (au plus près de la population) de la problématique de
la régularisation foncière outre-mer.
Cette prise en compte de l’occupant sans titre, aux côtés du propriétaire lésé n’est pas
nouvelle. Selon une partie de la doctrine2553, la Cour européenne des droits de l’Homme
(CEDH) devrait être amenée à reconnaître aux occupants de la zone des cinquante pas
géométriques, un intérêt patrimonial amenant à l’application de l’article 1er du Protocole n°1
de la Convention, créant ainsi une opposition entre la position française rattachée à la

2552
Procédure classique trop lourde et trop longue.
2553
LLORENS (François), ODENT (Brunon) et LAVIALLE (Christian), « Les titres d’occupation de la « zone
des cinquante pas géométriques » : le droit français au droit de la Convention européenne des droits de
l’homme », RFDA, « Biens et travaux », novembre-décembre 2012, pp. 1170 à 1171.

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BIBLIOGRAPHIE
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

domanialité publique et celle européenne plus souple, fondée sur l’affectation réelle2554. Mais
la thèse défendue aux présentes n’est pas d’aller à l’encontre de la propriété des personnes
publiques, mais d’y apporter des limites acceptables, par la reconnaissance de l’intérêt public
de la régularisation foncière, sur le fondement de la sauvegarde de la dignité de la personne
humaine, du droit au logement, et de l’ordre public notamment, et par la mise en place d’un
droit de la régularisation foncière d’intérêt public voire d’utilité publique, outre-mer.
Régulariser n’est pas cautionner l’illégalité foncière, mais responsabiliser les
occupants sans titre, les propriétaires et les différents acteurs du foncier, outre-mer.
La présente thèse propose de mettre en place un véritable droit de la régularisation
foncière outre-mer, organisé autour d’un processus de propriété logique « acquisition,
gestion, cession »2555, inspiré du code civil. Ainsi, le code général de la propriété des
personnes publiques gagnerait à être élargi, autour d’un processus responsable de propriété
articulé autour de quatre axes : « acquisition, gestion, cession, régularisation de l’occupation
sans titre ».
C’est donc vers un véritable droit de la régularisation foncière d’intérêt public qu’il
convient d’évoluer, fondé sur un corpus juridique homogène et pérenne et sur des dispositifs
juridiques et financiers dédiés, vecteurs de sécurité juridique et foncière et protecteurs à la
fois de la personne publique propriétaire et de l’occupant sans titre.

2554
LLORENS (François), ODENT (Brunon) et LAVIALLE (Christian), op cit.
2555
Consulter : https://www.collectivites-locales.gouv.fr/collectivites-territoriales-et-code-general-propriete-
des-personnes-publiques.

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BIBLIOGRAPHIE
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QPC du 4 février 2011, concernant l’article 5112-3 du CG3P.
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de la constitution de 1946. En ligne : https://www.u-picardie.fr/curapp-
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général », in RDP 2015, n° 6, p. 1533.
VILLENEUVE (Bertrand), « Apatou : 40 ans et un festival. Les traces du marronage »,
publié le 8 août 2016 sur le site de « Guyane 1ere ».
YOLKA (Philippe), « Les droits réels sur le domaine public (survol d’une décennie) »,
ADJA du 3 octobre 2016, n° 32/2016, p. 1797.
YOLKA (Philippe), « Une peau de chagrin : la clause exorbitante dans les contrats
d’occupation du domaine privé », La semaine juridique, administrations et
collectivités territoriales, n° 19, 05 mai 2008, 2117.
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communes ? », La Gazette des communes, des départements et des régions, article
publié le 12 mars 2018.
ZITOUNI (Françoise), « Le Conseil constitutionnel et le logement des plus démunis », Les
Petites Affiches, 12 janvier 1996, n° 6.

III - RAPPORTS

AGENCE DES 50 PAS GÉOMÉTRIQUES DE MARTINIQUE, Rapport d’activités 2017,


du Conseil d’administration de l’Agence de Martinique, communiqué par Hervé
EMONIDES, directeur de l’Agence.
BAIETTO-BEYSSON (Sabine), BONNAL (Philippe), COLIN (Jean) et ANGEL (Noémie),
Rapport relatif aux problématiques foncières et au rôle des différents opérateurs aux
Antilles, rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable,
et de l’Inspection générale de l’administration, établi en novembre 2013. En ligne :

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16 juin 2001, «Rapport déposé le 6 juin 2000, fait au nom de la commission des Lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et
d'administration générale, sur le projet de loi adopté par l’assemblée nationale après
déclaration d’urgence, relatif à Mayotte ».
BOUGRIER (Gérard), BERSANI (Catherine), « Rapport sur les cinquante pas
géométriques en Guadeloupe et en Martinique », Inspection générale de
l'administration, Conseil général des Ponts et chaussées, février 2004, p. 7.
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CLEMENT (Denis) et MORIN (Georges-André), Les 50 pas géométriques naturels des
outre-mer, préservation de la biodiversité et maîtrise foncière, Rapport établi en
novembre 2015, Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et
du Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, 124 pp.
COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE GUYANE, Rapport sur le Schéma d’aménagement
régional de la Guyane. En ligne: https://www.drom-com.fr/medias/shared/sar-guyane-
approuve-par-decret-du-6juillet-2016.pdf.
COUR DES COMPTES, « La mise en œuvre des clauses financières du plan d’urgence
Guyane », Observations définitives de la Cour des comptes (réunie en formation
interjuridictions), par délibération du 19 juin 2019, référence S2019-1667, 88 pp.
DAVY (Damien), FILOCHE (Geoffroy), coordinateurs scientifiques, « Zones de droits
d’usage collectifs, concessions et cessions en Guyane française : bilan et perspectives
25 ans après » ; rapport du CNRS, Observatoire Hommes / Milieux Oyapock, de
l’Institut Écologie et Environnement, avril 2014, Cayenne, p. 95 et s., 166 pp.
GELARD (Patrice), Rapport d’information portant sur « L’application de la « loi littoral » :
pour une mutualisation de l’aménagement du territoire ».
GIBBS (Daniel), député de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, Intervention à l’Assemblée
nationale le 02 octobre 2013, à propos de la zone des cinquante pas géométriques.
HERVIAUX (Odette) et BIZET (Jean), Rapport d’information sur la « loi littoral »,
enregistré à la présidence du Sénat le 21 janvier 2014.
HUCHON (Jean), Rapport n° 113 (1995-1996) fait au nom de la commission des affaires
économiques sur le projet de loi relatif à l'aménagement, la protection et la mise en
valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les Départements d'outre-
mer, p. 8. En ligne : https://www.senat.fr/rap/l95-113/l95-113mono.html.
JACOB (Y.)., Député, Rapport de l’Assemblée nationale n°2593, du 5 mars 1996.
LAMBERT (Alain), cité dans MAUREY (Hervé) et de NICOLAY (Louis-Jean), sénateurs,
Rapport d’information du Sénat n° 565, sur l’aménagement du territoire, p. 52.
LAZERGES (Roland), Mise en œuvre de l’aménagement foncier à Mayotte, Rapport n°
12129, 5 novembre 2012, Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des
espaces ruraux (CGAAER), 36 pp.
LE GEN (J.), Rapport d’information n°1740 sur la loi « littoral », dressé le 21 juillet 2004
LETCHIMY (Serge), rapport enregistré à l’Assemblée nationale le 19 septembre 2013, au
nom de la commission des affaires économiques, sur la proposition de loi, visant à
prolonger la durée de vie des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de
la zone dite des cinquante pas géométriques et à faciliter la reconstitution des titres
de propriété en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à
Saint-Martin (n°1048).
LISE (Claude), alors sénateur de la Martinique, et TAMAYA (Michel) alors député de La
Réunion, « Les départements d’outre-mer aujourd’hui : la voie de la responsabilité »,
rapport à Monsieur le premier ministre, publié en 1999, 207 pp, remis au

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MAUREY (Hervé) et de NICOLAY (Louis-Jean), sénateurs, Rapport d’information du
Sénat n° 565, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du
développement durable, par le groupe de travail sur « L’aménagement du territoire »,
enregistré à la Présidence du Sénat le 31 mai 2017, p. 44 et ss.
MINISTÈRE DE L’ENVIRONNEMENT, DE L’ENERGIE ET DE LA MER, « La zone des
cinquante pas géométriques », article paru le 6 janvier et mis à jour le 17 janvier 2011.
MOHAMED SOILIHI (Thani), rapporteur coordinateur, GUERRIAU (Joël), LARCHER
(Serge), PATIENT (Georges), rapporteurs, « Domaines public et privé de l’État outre-
mer, 30 propositions pour mettre fin à une gestion jalouse et stérile », rapport
d’information du Sénat n° 538, enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2015.
Publié en ligne : http://www.senat.fr/rap/r14-538/r14-5381.pdf.

IV – JURISCLASSEURS, ENCYCLOPÉDIES, BULLETINS OFFICIELS

BENOIT (Francis-Paul), Jurisclasseur “Collectivités locales”, Volume I, sous la direction


scientifique de DOUENCE (Jean-Claude), Éditions Dalloz, Paris, 2008, pp 63, 1 et s.
BERINGER (Hugues), JurisClasseur Collectivités territoriales (JCCT), Mayotte, Fasc.
462-41 et ss.
DESTAME (Claude), J-C formulaire notarial, 10, Fasc. 522, « Division en volumes ».
LIET-VEAUX (Georges), Jurisclasseur périodique administratif (JCPA), Lotissements,
Fasc. 455-10.
MATHIEU (Michel), Jurisclasseur formulaire notarial, Propriété, fasc. 10.
MOREAU (Jean-Pierre), Jurisclasseur formulaire notarial, bail emphytéotique, fascicule
10.
MURAT (Sylvie), Jurisclasseur formulaire notarial, Vente d’immeuble, personnes morales
de droit public, fascicule n°370.
SIZAIRE (Daniel), J-C formulaire notarial, ouvrage n° 10, Fasc. 10, « Division en
volumes ».
STEMMER (Bernard), Jurisclasseur formulaire notarial, bail à construction, fascicule n°
110.
TESSIER (Pascale), « Les collectivités nettement contributrices à la baisse du déficit
national », La Gazette des communes, article publié le 18 juillet 2019.
YANG-PAYA (My-Kim) et DUBOIS-SPAENLE (Claire-Marie), « L’occupation
irrégulière des terrains appartenant au domaine privé des personnes publiques », Actes
pratiques et ingénierie immobilière, Revue Trimestrielle LexisNexis Jurisclasseur,
Juillet-Août-Septembre 2013.
Jurisclasseur civil code, Fasc. unique : Propriété, Droit d’accession sur ce qui s’unit ou
s’incorpore aux choses immobilières. Constructions, plantations et ouvrages, n°s 56 à
87.
Jurisclasseur Droit Administratif, 1997, fascicule 130, pp 14 et Ss.
Jurisclasseur Formulaire Notarial, n° 17, Location-Accession, Fasc. 10 à 30.
Les caractères essentiels de la juridiction administrative coloniale, Manioc.org, réseau des
bibliothèques, Ville de Pointe-à-Pitre.
Revue de la Recherche Juridique - Droit prospectif, Presses Universitaires d’Aix-Marseille,
2005, pp.1449-1461, HAL Id : hal-01229084.
Bulletin officiel des finances publiques (BOFIP) du 06 octobre 2014.
Bulletin officiel des impôts (BOI) référencé : BOI-ENR-DMTG-10-40-10-50-20131223.

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

V - COLLOQUES ET SÉMINAIRES

« Séminaire COFECUB-CAPES IBIS », « Quand le Droit occupe les 50 pas géométriques,


Regards croisés Amazonie – Caraïbe », organisé le 13 mars 2019, à l’Université des
Antilles, à l’initiative du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), du
Laboratoire Caribéen de sciences sociales (LC2S), du Laboratoire Forces du Droit, et
d’autres laboratoires et structures.
Colloque sur les régions ultrapériphériques, organisé par l’Université des Antilles (UA), le
13 mars 2017, à l’initiative du LC2S sous la direction de DANIEL (Justin), professeur
et directeur du LC2S, avec la collaboration de GALY (Karine), et VESTRIS (Isabelle),
maîtres de Conférences à l’UA), et la participation PACHECO AMARAL (Carlos).
DELBLOND (Antoine), « Autonomie dans la propriété des personnes publiques outre-
mer », in LARCHER (S.), « Un kaléidoscope de l’autonomie locale : théorie, pratique
institutionnelle et déclinaisons ultramarines », rapport d’information du Sénat n° 452,
fait au nom de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, comportant les actes du colloque
organisé le 10 avril 2014, p. 121.
MOOMOU (Jean) et les membres de l’APFOM, sous la direction de, Sociétés maronnes des
Amériques, Mémoires, patrimoines, identité et histoire, du XVIIe siècle au XXe siècle,
Actes du colloque Saint-Laurent du Maroni, Guyane française (18-23 novembre
2013), Éditions Ibis Rouge.
DENOIX DE SAINT MARC (Renaud), colloque AJCP sur le thème " La Charte de
l'environnement au prisme du contentieux", CAA Paris, 15 juin 2012. Article publié
dans la revue Environnement et développement durable, n° 12 décembre 2012, dossier
24.
SÉMINAIRE « INTERDOM » organisé en Martinique, à l’initiative de l’EPAG de Guyane,
le 12 novembre 2008.

VI - ENTRETIENS

ROCH-BERGOPSOM (Myriam), Directrice de l’Agence des 50 pas géométriques de


Guadeloupe, contribution écrite du 08 août 2019 à questionnaire détaillé, en
substitution de visite sur site reportée.
EMONIDES (Hervé), directeur de l’Agence des 50 pas géométriques de Martinique,
entretien du 28 décembre 2018 au siège de l’agence de Martinique.
FIALAIRE (Jacques), entretien de suivi de thèse du 22 septembre 2017.
BADROUZAMANI (Elsa), ancien cadre de la DEAL de Mayotte, et cadre à la DEAL de
Martinique, entretien du 13 janvier 2017 à propos de Mayotte.
PIERRE (Patrice), Secrétaire générale de l’EPAG, Contribution écrite du 18 novembre 2016.
VILLENEUVE (François) Directeur de France Domaine, à Cayenne (Guyane française),
entretien du 17 novembre 2016 au siège du service France Domaine à Cayenne.
CHEVALIER (Cyrille), chargé d’opérations à l’EPAG, Communications écrites.
CIDALISE-MONTAISE (Murièle) Cadre à la DEAL Martinique, entretien du 08 décembre
2016, au siège de la DEAL.
PIERRE (Patrice), TONY (Christelle), VIERA (G), cadres dirigeants à l’EPAG, entretiens
collectifs accordés, le 15 novembre 2016, au siège de l’EPAG de Guyane.
LAUZI (Philippe), cadre supérieur à la DEAL, entretien du 07 décembre 2016, sur la
régularisation foncière en Guyane.
DAUNAR (Yves-Michel), ancien Directeur de l’Agence des 50 Pas géométriques de la
Martinique, entretien du 27 juillet 2016, au siège de l’agence.

741
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

MAUSSIRE (Philippe), Chef du Service France Domaine de Saint-Denis, à Saint-Denis de


La Réunion, entretien du 22 septembre 2014, au siège du Service France Domaine à
Saint-Denis de La Réunion.
LAMBERT (Christian) Président du Tribunal Administratif de Saint-Denis de La Réunion
et de Mamoudzou de Mayotte, entretien accordé au siège du TA de Saint-Denis de La
Réunion, le 18 septembre 2014.
DEROCHE (Yolaine), Responsable de la rédaction des actes au Service France Domaine
(Fort-de-France), entretien du 22 novembre 2013.
PUICHAUD (Bernard), Chef de la Division « Missions Domaniales » auprès du Service
France Domaine, à Fort-de-France, Martinique, entretien du 22 novembre 2013.
LEONIDAS (Elisabeth), Chargée de la mission « Régularisation de la situation des
occupants sans titre », entretien du 1er juin 2007.
LETCHIMY (Serge), entretien du 1er juin 2007, sur le thème de « la régularisation de la
situation des occupants sans titre ».
ALEXANDRE (Rudy), entretien au siège de l’Agence des 50 pas de Martinique, le 14 mai
2007.
Mission de recherches effectuée à La Réunion, du 15 au 24 septembre 2014.
Mission de recherches effectuée en Guyane française, du 15 au 18 novembre 2016.

VII - JURISPRUDENCE

CONSEIL CONSTITUTIONNEL

CC, DC n° 2015-524 QPC, 2 mars 2016, Considérants 3 et 20.


CC, DC n° 2015-727 DC du 21 janvier 2016, Considérants 13 et 18 à 21.
CC, 13 février 2015, n° 2014-451 QPC, « Société Ferme Larrea EARL ».
CC n° 2013-342, QPC du 20 septembre 2013, SCI de la Perrière Neuve et autres.
CC, n° 2013-338/339, QPC du 13 septembre 2013, « Société Invest Hôtels Saint Dizier et
autre ».
CC 30 septembre 2011, n° 2011-169, « Consorts M. et autres », JCP 2011, n° 1298, §1, Obs.
PERINET-MARQUET, à propos du droit de propriété.
CC, 8 avril 2011, D. Adm. Juin 2011, p. 29, note HOFFMANN (F.).
CC, n° 2011-625, 10 mars 2011, « Loi d’orientation et de programmation pour la
performance de la sécurité intérieure », citée dans le « dossier documentaire » relatif à
la décision n° 2011-169 QPC. p. 2.
CC, DC n° 2010-96, QPC, du 04 février 2011, « Jean-Louis de L. », NOR : CSCX1103777S,
publiée au JORF du 5 février 2011, page 2354, texte n° 88.
CC, DC n° 2010-96 QPC du 4 février 2011, Commentaires aux Cahiers, (Zone des 50 pas
géométriques).
CC, DC n° 2010-52 QPC du 14 octobre 2010, « Compagnie agricole de la Crau », cons. 4.
CC, DC n° 2010-39 QPC du 06 octobre 2010, « Mmes Isabelle D ; et Isabelle B.» (Adoption
par une personnelle seule), cons. 2.
CC, n° 2010-26 QPC du 17 septembre 2010, SARL L’Office central d’accession au
logement (immeubles insalubres), JCP, 4 juillet 2011, p. 1337, HUYGHE (M.).
CC n° 2008-569 DC du 7 août 2008.
CC, DC n° 209-594, 03 décembre 2009, « Loi relative à la régulation des transports
ferroviaires et portant diverses dispositions relatives au transfert », Recueil, p. 200.
CC, n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009.
CC, n° 2005-31, REF, du 24 mars 2005, Hauchemaille et Meyet.
CC n°2004-509 DC du 13 janvier 2005 et n°2010-109 QPC du 25 mars 2011, en matière de
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CC, n° 2004-500 DC, du 29 juillet 2004, Loi organique relative à l'autonomie financière des
collectivités territoriales ».
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CC, 17 juillet 2003, décision n° 2003-474 DC, Loi programme pour l’outre-mer du 03 juin
2003.
CC, DC n°2003-473, CC 26 juin 2003, Loi habilitant le Gouvernement à simplifier le Droit.
CC, 28 décembre 2000, n° 2000-442 DC, Loi de finances pour 2001.
CC, 14 janvier 1999, n° 98-407 DC.
CC, n° 98-403 DC du 29 juillet 1998, Loi d’orientation relative à la lutte contre les
exclusions.
CC, n° 96-380 DC, 23 juillet 1996, Entreprise nationale France Telecom, AJDA 1996, 696,
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CC, 27 juillet 1994, n° 94-343/344 DC, « Bioéthique », D. 1995, 237, note MATHIEU
Bernard.
CC, n° 94-346 du 21 juillet 1994, AJDA 1994, p. 786, note GONDOUIN.
CC n° 89-256 DC, du 25 juillet 1989, Loi portant dispositions diverses en matière
d’urbanisme et d’agglomérations nouvelles (TGV Nord), JO 28 juillet 1989, p. 9501,
RFDA 1989, 1009, note BON (P.).
CC, 20 juillet 1988, n° 88-244 DC.
CC, 23 janvier 1987, n° 86-224 DC.
CC n°86-207 DC, 25 et 26 juin 1986, « Loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses
mesures d’ordre économique et sociale », dite « Loi portant D. M. O. E. S. et
d’habilitation », (Privatisations), Rec. p. 61, AJDA 1986. 575, note RIVERO.
CC, 25 juillet 1984, « Compétences des Régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique
et de La Réunion », Req., p. 48, Considérant 5.
CC n° 82-139, 11 février 1982, D. 1983. 169, note HAMON (Léo).
CC n° 81-132 DC, 16 janvier 1982, Loi de nationalisation. Dalloz 1983. 169, note HAMON
(Léo).
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CE, 28 novembre 1975, ONF/Abamonte et Caisse primaire d’assurances maladie de la Haute
Saône.
CC, n° 73-51 DC, 27 décembre 1973.
CC n° 71-44 DC, 16 juillet 1971, « Liberté d’association », Rec. 29. Cf. aussi : FAVOREU
(Louis) et PHILIP (Loïc), Les grandes décisions du Conseil Constitutionnel, 13ème
édition, Dalloz (Paris), 2005, n° 18, p. 241 et s. et D. 1974. 83, Chron. HAMON.
CC n° 6429 L, 12 mai 1964, Rec. p. 37 ; S. 1966. J. 334, note HAMON (L.).

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CE, 8ème et 3ème s-s réunies, 25 septembre 2009, Commune de Mer, Req. n° 310208
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CE, 11 avril 2008, n° 287967, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/ Mme
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CAA Paris, 3ème ch., 19 déc. 1989, JCP N 1990, II, p. 260
TA, Fort-de-France, 07 novembre 2019, jugement n° 1800753.
TA, 30 décembre 2014, décision n° 1400514.
TA, Montreuil, 26 mars 2014, n° 1402196, publié le 18 février 2015.
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ouvrière.
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POMPIGNAN.
TA Fort-de-France, 18 décembre 2008, « Préfet de la Région Martinique c/ DANGLADE ».
TA Fort-de-France, 23 octobre 2008, « Préfet de la Région Martinique c/ CORRY.
TA Fort-de-France, 23 octobre 2008, « Préfet de la Région Martinique c/ VERGNAC »,
décision inédite.
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décision inédite.
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décision inédite.
TA Fort-de-France, 23 octobre 2008, « Préfet de la Région Martinique c/ ZOZIME »,
décision inédite.
TA Fort-de-France, 23 octobre 2008, « Préfet de la Région Martinique c/ FAGOUR »,
décision inédite.
TA Fort-de-France, 18 avril 2008, « Préfet de la Région Martinique c/ Madame ALBICY »,
décision inédite.
TA Fort-de-France, 18 avril 2008, « Préfet de la Martinique c/ M. PRIAN », décision inédite.
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ENDELMONT », décision inédite.
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JURIDICTIONS ANCIENNES

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Conseil supérieur de Martinique, n° 118, du 3 mars 1670.

TRIBUNAUX JUDICIAIRES

Cass., 3e Ch. Civ., 21 décembre 2017, pourvoi n° 16-25.469, Bull. Cass.


Cass. 1ère ch. Civ., 12 juillet 2017, pouvoir n° 17-11840.
Cass. 3ème ch. Civ., 08 septembre 2016, Pourvoi n° 15-21381 15-22374.
Cass. Civ. 1ère, 09 décembre 2015, n°14-24-880.
Cass. Civ. 3ème, n° 808, 3 juillet 2013 (12-20.237), « Commune de Biarritz c/ Syndicat des
copropriétaires de la Maison Basque ».
Cass., Civ. 3ème, 20 juin 2013, « Société du Bois de la Justice c/ société Eiffage rail express »,
Req. n° 13-40.015.
Cass. 3ème ch. Civ. 21 septembre 2011, Pourvoi n° 10-21900.
Cass., n° 997 et 998 du 30 juin 2011, cités dans décision n° 2011-169 QPC du 30 septembre
2011.
Cass, 3ème ch. civ., n° 1522, 30 novembre 2010. Numéro d'arrêt : 10-16828, NOR :
JURITEXT000023168385. Numéro de décision : 31001522.
Cass, Civ, 3ème, 07 avril 2010, n° 09-14563.
Civ. 1ère, 20 septembre 2006, n° 04-13. 480 ,
Cass, Civ, 3ème, 07 juillet 2004, n° 02-16288, Bull. Civil, p. 131.
Cass., 3ème ch. Civile, 14 novembre 2002, pourvoi n° 01-13904, Bull. 2002.III, n° 223, p.
191.
Cass. Civ. 1ère, 20 février 2001.
Cass. Civ. 1ère, 20 décembre 2000, Préfet ERIGNAC.
Cass. 3ème civ. 13 décembre 2000, JCP G, 2001, IV, 1267.
Civ. 3ème, 12 juillet 2000, JCP 2001. I. 305, n°1, Obs. PERINET-MARQUET.
Cass. Civ. 3ème, 13 mai 1997, n° 95-16735.
Cass. 1ère civ., 4 janvier 1995, n° 92-20-013, Bull. civ. 1995, I, n° 4.
Cass, Ass. Plén., 6 janvier 1994, Bull. Civ. n°1 ; et JCP 1994. I. 3750, n°2, Obs. PERINET-
MARQUET.
Cass. Civ. 1ère, 16 décembre 1992, n° de pourvoi : 91-13855, Affaire de LUCY.
Cass., 3èmeciv., 26 mai 1992, JCP 1992 Ed. G, IV, 2140 ; op. cit.
Cass. 3ème civ. 25 mars 1992, D. 1992, inf. rap. p. 143.
Cass, 3ème civ. 10 avril 1991, D. 1992, p. 375, note LE MASSON (J-M).
Civ. 1ère, 12 juin 1990, Bull. Civ. I, n° 163.
Civ. 1ère, 6 juin 1990, Bull. civ. I. n° 134.
Civ. 1re, 22 novembre 1989, Bull. civ. I, n° 355.
Civ. 3ème, 3 et 20 juillet 1989, « Bally », inédit, cité dans BERGERAS (S.), La Commission
martiniquaise de vérification des titres portant sur la zone des cinquante pas
géométriques.
Civ. 1ère, 24 février 1987, Bull. Civ. I., n° 66.
Cass., Crim., 20 décembre 1985, Affaire Barbie, N° de pourvoi: 85-95166, publié au
Bulletin.

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Com., 23 septembre 1982, Bull. civ. IV, n° 284.
Civ., 3ème, 12 janvier 1982, D.1982, p. 577, note AUDOUARD.
Civ. 3e, Cass., 05 mars 1974, Bull. civ. III, n°100.
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Cass. Civ. 3ème, 16 avril 1970, n°68-14387.
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Cass. Civ. 1ère, 2 février 1965, « Chef de service des Domaines c/ d’Alexis », Bull. Cass. I,
n°94, pp 70 et 71
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Cass. Civ., 3ème, 2 février 1965, arrêts n° 60-11713 et n° 60-12731, Bull. civil, p. 70 et 71.
Cass. Req. 24 juin 1941, D. A. 1941. 293.
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CA Fort-de-France, 9 janvier 2018, affaire n° R1817014, arrêt inédit.
CA Fort-de-France, ch. civ., 25 avr. 2017, n° 15/00735.
CA, Paris, 14 novembre 2013, Pôle 4, 3ème Ch., n° d’inscription au répertoire général :
11/21436.
CA, Fort-de-France, 1er mars 2013, Affaire du « Roi Mongin ».
CA Fort-de-France, Ch. Civ., 18 janvier 2013, req. n° 09/00067, « X c/ le Service des
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CA, Paris, 1ère ch., Section A, 28 mai 1996, 95/12571, Société Benetton Group
Spa/Association Aides fédération nationale.
CA Bordeaux, 19 mars 1992, n° 91-5679.
Affaire Reynal de Saint Michel, jugement du 6 février 2000, RG/99/00121, in BERGERAS
(S.).
TGI, 9 octobre 2001, Murat, Commune du Robert, inédit.
TGI, Marseille, 26 mars 1973, Brundu c/Galano, JCP N 1970, Prat. 4721-3.

INSTANCES EUROPÉENNES

CJCE, 14 octobre 2004, Omega Spiehlhallen, n° 36/02.


CJCE, « affaire HAUER », 44 /79, du 13 décembre 1979, Rec. 1979 / 3727.
CEDH, sect. V, 14 février 2008, « Glaser c/ Rép. Tchèque », req. N° 55179/00.
CEDH, 24 avril 2003, Req. n° 44962/98, « Yvon c/ France », Revue de jurisprudence et des
conclusions fiscales (RJF) 8-9/2003, n° 1074, cité dans MASCLET DE BARBARIN
(Marie), « Du principe de l’égalité des armes à l’égalité des droits des parties en
matière fiscale ».
CEDH, 26 octobre 2000, Requête n° 0210/96, Affaire Kudla contre Pologne.
CEDH, 9 décembre 1994, « Les saints monastères c/ Grèce », D. 1996, jurisp., p. 329, note
FLORINA (D.).
CEDH, 07 juillet 1987, « Soering ».
CEDH, 23 septembre 1982, « Sporrong et Lönnorth c. Suède », série A, n° 52, GACEDH n°
65.
CEDH, 13 juin 1979, « Marckx c. Belgique », GACEDH n° 42, cité dans LLORENS (F.),
op cit.
CEDH, 23 juillet 1968, « Affaire linguistique belge », Affaire numéro 1474, 1677, 1691/62,
1769, 1994/63, et 2126/64.
Décision 2013/755/UE du 25 novembre 2013 relative à l’association des pays et territoires
d’outre-mer à l’Union européenne. Lien hypertexte : https://eur-

749
BIBLIOGRAPHIE
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2013:344:0001:0118:FR:PDF.
Comité des droits de l’homme des nations unies, décision 26 juillet 2002, Manuel
Wackenheim c. France, Communication No. 854/1999, U.N. Doc.
CCPR/C/75/D/854/1999 (2002). Lien hypertexte :
http://hrlibrary.umn.edu/hrcommittee/French/jurisprudence/854-1999.html.

VIII – TEXTES NORMATIFS

Circulaire n° CRIM/2019-02/G3-08.02.2019, du 8 février 2019, relative au renforcement et


à la coordination de la lutte contre l’habitat indigne. N° NOR : füSD1904204C.
Loi n° 2018-1244 du 27 décembre 2018 visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale
et à relancer la politique du logement en outre-mer, publiée au JORF n°0300 du 28
décembre 2018, texte n° 1, dite « Loi Letchimy sur l’indivision ».
Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement
et du numérique, publiée au JORF n°0272 du 24 novembre 2018, texte n° 1.
Loi n° 2018-957 du 7 novembre 2018, relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte
contre les installations illicites, JORF n° 0258 du 8 novembre 2018, texte n° 1
Décret n° 2017-1802 du 28 décembre 2017, relatif à l’acte de notoriété portant sur un
immeuble situé en Corse, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à
Mayotte, ou à Saint-Martin ; JORF n° 0304 du 30 décembre 2017, texte n° 32.
Ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017, relative à la propriété des personnes publiques,
publiée au JORF n° 0093, du 20 avril 2017, texte n°8.
Loi n° 2017-285 du 6 mars 2017 visant à favoriser l'assainissement cadastral et la résorption
du désordre de propriété, publiée au JORF n°0056 du 7 mars 2017, texte n° 1.
Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et
portant autres dispositions en matière sociale et économique, publiée au JORF n°0051
du 1 mars 2017, texte n° 1.
Loi 2017-86 du 27 janvier 2017, relative à l’égalité et à la citoyenneté, modifiée par la loi n°
2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et
du numérique.
Décret n° 2016-1865 du 23 décembre 2016 relatif à l’Établissement public foncier et
d’aménagement de la Guyane, JORF n° 0300 du 27 décembre 2016, texte n° 95.
Ordonnance n° 2016-1255 du 28 septembre 2016, modifiant les dispositions du code général
de la propriété des personnes publiques relatives à l’outre-mer, publié au JORF n°0227
du 29 septembre 2016, texte n° 14.
Décret n° 2016-931 du 6 juillet 2016, publié au journal officiel du 8 juillet 2016.
Décret d’application n° 2015-1925 du 30 décembre 2015.
Loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015, d’actualisation du droit des outre-mer, publiée au
JORF n° 0239 du 15 octobre 2015, page 19069, texte n° 2.
Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République,
dite « Loi NOTRe » ; NOR : RDFX1412429L.
Loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections
régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, renforçant l’échelon
régional.
Décret n°2014-984 du 28 août 2014 relatif à l’encadrement des conditions d’emprunt des
collectivités territoriales, de leurs groupements et des services départementaux
d’incendie et de secours.
Décret n° 2014-930 du 19 août 2014 relatif aux livres Ier et II de la cinquième partie
réglementaire du code général de la propriété des personnes publiques et modifiant ce

750
BIBLIOGRAPHIE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

code et divers textes réglementaires.


Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites
entreprises, publiée au JORF n°0140 du 19 juin 2014 page 10105, texte n° 1.
Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové, publié
au JORF n°0072 du 26 mars 2014 page 5809, texte n° 1 ; dite « Loi ALUR ».
Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et
d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM » ; NOR : RDFX1306287L.
Loi n° 2013-922 du 17 octobre 2013 visant à prolonger la durée de vie des agences pour la
mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques et
à faciliter la reconstitution des titres de propriété en Guadeloupe, en Guyane, en
Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Martin.
Loi n° 2013-403 du 17 mai 2013, opérant modification du Code électoral, et relative à
l’élection des conseillers Départementaux, municipaux, et communautaires.
Arrêté N °2013092-0013 portant déclassement de terrains du domaine public maritime en
vue de leur cession sur la commune des ANSES D'ARLET, FORT DE FRANCE,
MACOUBA, LORRAIN, etc.
Arrêté n°2013092-0012 portant déclassement de terrains du domaine public maritime en vue
de leur cession sur les communes de GRAND' RIVIERE, ROBERT, TRINITE, etc.
Arrêté n°2013070-0011 portant déclassement de terrains du domaine public maritime en vue
de leur cession.
Arrêté n°2013057-0001 portant déclassement de terrains du domaine public maritime en vue
de leur cession sur les communes du CARBET, DIAMANT, FRANÇOIS, ROBERT.
Décret n° 2011-2076 du 29 décembre 2011, pris pour l'application des articles L. 5151-1, L.
5241-6 et L. 5342-13 du code général de la propriété des personnes publiques et du IV
de l'article 169 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.
Décret n°2011-1612 du 22 novembre 2011, partie réglementaire du CG3P.
Ordonnance du 8 septembre 2011 et complétés par la loi du 24 mars 2014 dite « Loi
ALUR ».
Loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de
Martinique.
Loi organique n° 2011-883 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités régies par l’article 73
de la Constitution.
Loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers
d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions
d’outre-mer, publiée au JORF n° 0147 du 26 juin 2011, p. 10863, texte n° 1.
Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit,
publiée au JORF n°0115 du 18 mai 2011 page 8537, texte n° 1.
Loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de
la sécurité intérieure, publiée au JORF n°0062 du 15 mars 2011 page 4582, texte n° 2.
Loi organique n° 2010-1486 du 7 décembre 2010 et loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010
relatives au Département de Mayotte.
Loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à
l'artisanat et aux services, publiée au JORF n°0169 du 24 juillet 2010 page 13650,
texte n° 17.
Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 , portant engagement national pour l’environnement.
Loi n° 2010-559 du 28 mai 2010 relative au développement des sociétés publiques locales
(SPL).
Loi n° 2010-237 du 09 mars 2010, publiée au JO du 10 mars 2010, redéfinissant les règles
applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) aux opérations
immobilières à compter du 11 mars 2010.

751
BIBLIOGRAPHIE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Décret n° 2009-1104 du 9 septembre 2009 pris pour l’application de l’article L.5331-6-2 à


L.5331-6-5 du code général de la propriété des personnes publiques portant
dispositions applicables à Mayotte. JORF n° 0210 du 11 septembre 2009 page 14963
texte n° 8.
Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.
Loi n° 2009-323 du 25 mars 2009, relative de mobilisation pour le logement et la lutte contre
l’exclusion, publiée au JORF n° 0073 du 27 mars 2009 p. 5408, texte n° 1.
Décret n° 2008-1180 du 14 novembre 2008.
Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la
Ve République.
Loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit et circulaire
CIV/03/08 ; loi entrée en vigueur le 22 décembre 2007.
Décret n° 2007-1507 du 19 octobre 2007, relatif aux concessions foncières aux agriculteurs
pratiquant la culture sur abattis à caractère itinérant en Guyane et modifiant le code du
domaine de l’Etat.
Loi n° 2007-290 du 05 mars 2007, instituant le droit au logement opposable et portant
diverses mesures en faveur de la cohésion sociale. NOR : SOCX0600231L.
Loi organique n°2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et
institutionnelles relatives à l’outre-mer.
Décret n° 2006-1227 du 4 octobre 2006, relatif aux cessions à titre gratuit de terres
domaniales à usage agricole en Guyane.
Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 relative à l’engagement national pour le logement.
Ordonnance n°2006-460 du 21 avril 2006, relative à la partie législative du Code général de
la propriété des personnes publiques, publiée au JORF n° 95 du 22 avril 2006 page
6024, et entrée en vigueur le 1er juillet 2006.
Loi n°2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et libéralités.
Ordonnance n° 2005-1566 du 15 décembre 2005 relative à la lutte contre l'habitat insalubre
ou dangereux.
Décret n° 2005-519 du 21 mai 2005.
Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale, JO 19
janvier 2005, p. 864. Il s’agissait de terrains destinés à la réalisation de programmes
de constructions comportant du logement social.
Loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 prise en application de l'article 72-2 de la
Constitution relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales, JORF
n°175 du 30 juillet 2004 p. 13561, texte n° 1.
Loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003, résulte d’une loi de programme pour l’outre-mer.
Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de
la République, publiée au JORF n° 75 du 29 mars 2003, p. 5568, texte 1, initiant l’acte
II de la décentralisation.
Circulaire UHC/IUH 3/21 no 2002-49 du 25 juillet 2002 relative aux modalités
d’intervention des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone des
cinquante pas géométriques des départements de la Guadeloupe et de la Martinique.
Décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris
pour l'application de l'article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative
à la solidarité et au renouvellement urbains.
Loi MURCEF n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, notamment ses articles 23 et s.
Loi relative à Mayotte, n° 2001-616, du 11 juillet 2001, JO n° 161 du 13 juillet 2001.
Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
Décret n° 2000-1188 du 30 novembre 2000 relatif à l'aide exceptionnelle de l’État instituée
par l'article 3 de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996, publié au JORF n°283 du 7

752
BIBLIOGRAPHIE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

décembre 2000 page 19405, texte n°14.


Loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.
Loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives,
publié au JORF n°151 du 1 juillet 2000 page 9948, texte n° 3.
Décret n° 2000-345 du 18 avril 2000, pris pour l'application des articles L. 89-3 à L. 89-6 et
L. 89-8 du code du domaine de l'Etat.
Décret n° 2000-225 du 10 mars 2000, portant modification du code du domaine de l'Etat
(deuxième partie : Décrets en Conseil d'Etat) et relatif aux concessions et aux cessions
à titre gratuit de terres appartenant au domaine privé de l'Etat en Guyane.
Ordonnance n° 98-777 du 2 septembre 1998 portant dispositions particulières aux cessions
à titre gratuit des terres appartenant au domaine privé de l'Etat en Guyane et modifiant
le code du domaine de l'Etat (partie Législative).
Ordonnance 98-520 du 24 juin 1998 relative à l'action foncière, aux offices d'intervention
économique dans le secteur de l'agriculture et de la pêche et à l'aide au logement dans
la collectivité territoriale de Mayotte.
Loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996, « relative à l’aménagement, la protection et la mise
en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les Départements
d’outre-mer ».
Décret n° 96-955 du 31 octobre 1996, portant modification du code du domaine de l'Etat.
Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de
l’environnement. NOR : ENVX9400049L.
Loi n° 96-142 du 21 février 1996 relative à la partie législative du CGCT, JORF n°47 du 24
février 1996 p. 2992.
Loi n°95-74 du 21 janvier 1995 relative à la diversité de l’habitat, JO du 21 janvier 1995, p.
1166.
Loi n° 94-631 du 25 juillet 1994 complétant le code du domaine de l’État et relative à la
constitution de droits réels sur le domaine public.
Loi n° 94-624 du 21 juillet 1994, relative à l’habitat. NOR : LOGX9400039L.
Ordonnance n° 92-1139 du 12 octobre 1992 relative au code du domaine de l’État et des
collectivités publiques, applicable dans la collectivité territoriale de Mayotte, publiée
au JORF n°241 du 16 octobre 1992 page 14460.
Ordonnance 92-1069 du 1er octobre 1992, portant extension et adaptation à la collectivité
territoriale de Mayotte de diverses dispositions concernant l'établissement et la
conservation d'un cadastre.
Lois numéros 92-683, 92-684, 92-685 et 92-686, du 22 juillet 1992, portant réforme des
dispositions du Code pénal, entrées en vigueur le 1er mars 1994.
Décret n° 92-46 du 16 janvier 1992, portant modification du code du domaine de l'Etat
(deuxième partie : Décrets en Conseil d'Etat) et relatif aux concessions et cessions de
biens du domaine privé de l'Etat en Guyane.
Loi d'orientation pour la ville n° 91-662 du 13 juillet 1991, publiée au JORF n°0167 du 19
juillet 1991 page 9521.
Loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, dite « Loi
BESSON I ».
Décret n° 89-734 du 13 octobre 1989 portant modification du code du domaine de l’État,
publié au J. O. du 14 octobre 1989, n° 12863.
Loi n° 89-550 du 2 août 1989 portant dispositions diverses en matière d’urbanisme et
d’agglomérations nouvelles (JO 28 juillet 1989, p. 9959).
Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, tendant à améliorer les rapports locatifs et modifiant la loi
du 23 décembre 1986, NOR : EQUX8910174L.
Loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d’amélioration de la décentralisation, JORF du 6 janvier

753
BIBLIOGRAPHIE
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

1988 page 208.


Décret n° 87-267 du 14 avril 1987, modifiant le code du domaine de l'Etat et relatif aux
concessions domaniales et autres actes passés par l'Etat en Guyane en vue de
l'exploitation ou de la cession de ses immeubles domaniaux.
Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (Loi Léotard).
Loi n° 86-2 du 3 janvier 1986, « loi littoral », relative à l’aménagement, la protection et la
mise en valeur du littoral.
Loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la
protection de l’environnement, publiée au JO du 13 juillet p. 2156.
Loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l’habitat insalubre.
Loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964, tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes
contre l'humanité.
Décret n° 61-561 du 3 juin 1961, publié au JO du 6 juin 1961, n° 5115.
Ord. n° 59-237 du 4 février 1959, Aménagement de la gare du Maine à Paris : utilisation de
certaines dépendances du domaine public ferroviaire en gare du Maine à Paris, JORF
du 7 février 1959 p. 1691.
Constitution du 04 octobre 1958, publiée au JORF n° 0238 du 05 octobre 1958, p. 9151.
Décret n° 55-471 du 30 octobre 1955 relatif à la rénovation et à la conservation du cadastre.
Décret n° 55-885 du 30 juin 1955 relatif à l'introduction dans les départements de la
Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique et de la Réunion, de la
législation et de la réglementation, métropolitaines concernant le domaine public
maritime et l'exécution des travaux mixtes, et modifiant le statut de la zone dite "des
cinquante pas géométriques" existant dans ces départements ; publié au J. O. du 2
juillet 1955, p. 6653
Loi n° 55-349 d’habilitation du 2 avril 1955, portant pouvoirs spéciaux en matière
économique, sociale et fiscale (Gouvernement Edgar Faure) jusqu’au 20 mai, 30 juin
et 31 juillet 1955, publiée au JORF du 3 avril 1955, p. 3289.
Décret n°48-559 du 30 mars 1948, publié au J. O. du 31 mars 1948, p. 3087.
Décret n°47-2222 du 6 novembre 1947, fixant les modalités de répartition des biens des
anciennes colonies, entre l’État, les départements et les communes outre-mer, publié
au J.O. du 21 novembre 1947, p. 11519.
Décret n° 46-793 du 23 avril 1946, modifiant à la Martinique la législation domaniale en ce
qui concerne la réserve dite des 50 pas géométriques, publié au J.O. du 7 avril 1882.
Loi n° 46-451 du 19 mars 1946, tendant au classement comme département français de la
Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de la Guyane française.
Décret du 13 janvier 1922 figurant également dans les visas du décret n° 55-885 du 30 juin
1955 modifiant le statut de la zone dite « des cinquante pas géométriques » existant
dans les Départements d’outre-mer.
Décret du 15 septembre 1901, rendant applicable à la Guyane le décret du 21 mars 1882, fait
partie des références textuelles auxquelles se réfère le décret n° 55-885 du 30 juin 1955
modifiant le statut de la zone dite « des cinquante pas géométriques » existant dans les
Départements d’outre-mer.
Décret du 23 avril 1946 modifiant, à la Martinique, la législation domaniale en ce qui
concerne la réserve dite des 50 pas géométriques.
Décret du 04 juin 1887 rendant applicable à la Martinique le décret du 21 mars 1882.
Décret n° 11819 du 21 mars 1882, publié au J.O. du 7 avril 1882.
Arrêté gubernotarial du 4 mai 1876.
Décret des 22 novembre et 1er décembre 1790 relatif aux domaines nationaux, aux échanges
et concessions et aux apanages.
Ordonnance du 09 février 1827, gouvernements de la Martinique, de la Guadeloupe et de

754
BIBLIOGRAPHIE
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

ses dépendances.
Ordonnance organique du 21 août 1825, relative au gouvernement de l’île de la Réunion et
décret du 5 août 1839.
Charte constitutionnelle du 4 juin 1814.
Arrêté du capitaine général DECAEN, du 5 mai 1807 figurant aux visas du décret n° 55-885
du 30 juin 1955.
Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789.
Ordonnance du 31 juillet 1681 de la marine relative à la police des ports, côtes et rivages de
la mer (ordonnance de Colbert), abrogé par celle n° 2006-460 du 21 avril 2006.
Édit de Saint-Germain-en-Laye de décembre 1674.
Lettre du Gouverneur De BAAS à COLBERT, du 08 février 1674.
Édit ou Ordonnance de Moulins, promulgué par Charles IX en février 1566.

IX – TRAITES, TEXTES EUROPÉENS ET INTERNATIONAUX

Traité de Lisbonne du 13 décembre 2007, entré en vigueur le 1er décembre 2009.


Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l'Homme du 19 octobre 2005.
Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement
de 2004, JORF n°0051 du 2 mars 2005 page 3697.
Déclaration internationale sur les données génétiques humaines du 16 octobre 2003.
Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 07 décembre 2000, adoptée le 12
décembre 2007.
Protocole n° 11, remplaçant la Commission et la Cour européenne des Droits de l’Homme
par une Cour unique et permanente, signé le 11 mai 1994, entré en vigueur le 11
novembre 1998.
Acte unique ratifié par les États membres en 1986, entré en vigueur le 1er juillet 1987.
Traité instituant la Communauté économique européenne, signé à Rome le 25 mars 1957.
Traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier, signé à Paris le 18
avril 1951.
Convention européenne des droits de l’Homme, signée à Rome le 04 novembre 1950, entrée
en vigueur le 03 septembre 1953.
Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948.
Grundgesetzfür die Bundes republik Deutschland, GG, loi fondamentale pour la République
fédérale d’Allemagne, publiée au Journal Officiel fédéral, p. 1., BGBL III 100-1.
Traité du 25 avril 1841, signé entre le Sultan ANDRIANTSOLY et le Commandant Pierre
PASSOT.

X - RÉPONSES MINISTÉRIELLES

Réponse du Ministre de l’Intérieur publiée au JO Sénat du 11 mai 2017, p. 1836.


Réponse ministérielle publiée au JO du 26/11/2013, p. 12419.
Réponse du Ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie, JO Sénat du 27 janvier
2011, p. 203.
Réponse ministérielle n° 18555 publiée au JO du 21 octobre 2008, p. 9072.
Réponse ministérielle n° 52502, justice : JOAN Q, 1er février 2005, p. 1138.
Réponse ministérielle n° 4664 , JO du 20 décembre 1993, p. 4606.
Réponse ministérielle n° 5799, publiée au JO Sénat du 31 mars 1988, p. 441

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BIBLIOGRAPHIE
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

XI - ARTICLES DE JOURNAUX QUOTIDIENS

Franceinfo, THEBIA (Marie-Claude), « L’inquiétude des maires suite à la cession annoncée


de 250000 hectares de terres dans le cadre de l’Accord de Guyane », article de publié
le 07 août 2019 ; En ligne : https://la1ere.francetvinfo.fr/guyane/foncier-inquietude-
maires-suite-cession-annoncee-250-000-hectares-terres-cadre-accord-guyane-
736886.html.
Franceinfo, PONET (Myraim Maëva.), « Mana : la question de l’accès au foncier soumise
à Gérald Darmanin », article publié le 25 juillet 2019. En ligne :
https://la1ere.francetvinfo.fr/guyane/mana-question-acces-au-foncier-soumise-
gerald-darmanin-733938.html.
France Antilles Martinique (FA), « Serge LETCHIMY dénonce un profond malaise sur la
question foncière en Martinique », édition du 04 juin 2019.
France Antilles Martinique, « Vieux-Pont : l’insupportable attente des occupants sans
titre », (FA), édition du 25 août 2018.
France-Antilles, Martinique, « 3000 occupants à régulariser », édition du 23 décembre 2017.
France-Antilles Martinique (FA), « Le foncier au cœur de la réflexion », édition du 29 avril
2015.
Martinique 1ère, Journal télévisé, édition du 20 décembre 2015, 19 heures-20 heures.
France-Antilles Martinique (FA), « 50 pas : le Conseil d’État botte en touche », édition du
28 septembre 2015.
Guyane 1ère, « La gestion foncière par l’État en outre-mer », édition du 23 juin 2015.
France-Antilles Martinique (FA), « Toutes les installations du Roi Mongin détruites »,
édition du 06 septembre 2014. Article écrit par J.Lo. En ligne :
https://www.martinique.franceantilles.fr/regions/sud/toutes-les-installations-du-roi-
mongin-detruites-270172.php.
Le Monde diplomatique, CARAYOL (Rémi), « À Mayotte, départementalisation à la
pelleteuse », édition du 20 juillet 2011.
France-Antilles Martinique, « Les dirigeants de l’ASSAUPAMAR placés en garde à vue »,
p. 2 « L’ASSAUPAMAR est-elle allée trop loin ? », édition des 16 et 17 mai 2007.
Article écrit par P-H. C.
France Antilles Martinique (FA), ABATUCI (M.), « Fort-de-France, cession de terrains
communaux : quinze familles de Volga Plage accèdent à la propriété », édition du 09
mai 2007.

XII - PRINCIPAUX SITES INTERNET CONSULTÉS

http://www.agence50pas972.org
http://www.ag50pas-guadeloupe.fr
http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr
http://anuttc.ga/index.php/procedures/regularisation-fonciere
https://archive.org/details/sc_0000839282_00000000383930
http://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports
http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/267-PGP.html
https://www.bundesregierung.de/resource
https://www.cairn.info/revue
https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb35738478v.public.
http://www.cohesion-territoires.gouv.fr
http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/les-etablissements-publics-fonciers-epf

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http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-
par-date/decisions-depuis-1959/.10618.html.
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/nouveaux-cahiers-
du-conseil
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2011/201096QPC.htm
https://www.conseil-etat.fr/
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence
https://www.courdecassation.fr/publications
http://www.cdedd.developpement-durable.gouv.fr
https://www.collectivites-locales.gouv.fr
https://www.conseil-constitutionnel.fr
https://www.courdecassation.fr
http://www.coe.int/human_rights.
https://cras31.info/IMG/pdf/proudhon_la_proprietef.pdf
http://www.cvce.eu/content/publication
https://www.defrenois.fr
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https://www.doctrine.fr
http://www.echrcoe.int/documents/conventionfra.pdf.
http://economierurale.revues.org
https://eur-
lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2013:344:0001:0118:FR:PDF
https://europa.eu/european-union/about-eu/institutions-bodies/court-justice_fr
http://www.fao.org
http://fdv.univ-lyon3.fr/moodle/file.php/1/FPV2/Histoire/Histoiredudroit
https://www.finyear.com/La-blockchain-utilisee-pour-la-premiere-fois-dans-l-UE-pour-
une-transaction-immobiliere_a39967.html
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5789175r/f6.item.texteImage
http://www.guadeloupe.developpement-durable.gouv.fr
https://www.guyane.gouv.fr/Politiques-publiques
https://www.halarchives-ouvertes.fr
https://www.interieur.gouv.fr/
https://www.interieur.gouv.fr/publications/rapports-de-l-iga.
http://www.justice.gouv.fr
https://la1ere.francetvinfo.fr
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https://www.lagazettedescommunes.com
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http://www.martinique.developpement-durable.gouv.fr
http://www.martinique.franceantilles.fr
https://www.notaires.fr
http://portal.unesco.org/fr
http://www.revuegeneraledudroit.eu
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http://www.textes.justice.gouv.fr/textes-fondamentaux
http://martinique.tribunal-administratif.fr
http://www. tribunal-conflits.fr

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indigenous-peoples.html.
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www.eurojuris.fr/articles
www.larousse.fr/dictionnaires
www.mncparis.fr/uploads/le-droit-coutumier-en-nouvelle-caledonie2.pdf
www.outre-mer.gouv.fr/guadeloupe
www.outre-mer.gouv.fr/guyane
www.outre-mer.gouv.fr/la-reunion
www.outre-mer.gouv.fr/martinique
www.outre-mer.gouv.fr/mayotte
www.revuegeneraledudroit.eu

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INDEX

Accession à la propriété 55, 66, Clause de compétence générale 40, 389,


126, 157, 248, 266, 298, 301, 303, 317, 420, 500, 525
318, 319, 322, 342, 343, 375, 381, 411, Commission de vérification des titres 18,
416, 430, 431, 578, 582, 593, 618, 629, 56, 71, 89, 90, 94, 96, 97, 98, 100, 102,
658, 659, 672, 675, 687, 694 103, 105, 107, 172, 173, 174, 175, 176,
Acte administratif 279, 280, 177, 178, 179, 182, 183, 184, 185, 187,
309, 310, 394, 452, 507, 623, 624, 700, 188, 189, 192, 193, 194, 195, 203, 204,
718 238, 510
Acte authentique en la forme Communautés d’habitants 331, 347,
administrative 278, 280, 294, 692 351, 367, 368, 383
Agence des 50 pas géométriques 144, Communautés tirant traditionnellement
160, 163, 164, 166, 167, 168, 169, 170, leurs moyens de subsistance de la forêt
171, 205, 207, 209, 214, 239, 282, 381, 368
382, 404, 492, 497, 500, 509, 519, 520, Concession 60, 74, 75, 77, 78, 80, 81, 82,
521, 522, 523, 531, 532, 537, 600, 603, 83, 85, 87, 92, 105, 106, 195, 221, 222,
604, 677, 820, 823 251, 330, 331, 332, 333, 335, 336, 337,
Antilles 1, 15, 20, 22, 36, 37, 44, 46, 48, 338, 339, 346, 347, 348, 349, 350, 351,
49, 52, 59, 70, 71, 73, 74, 75, 76, 80, 83, 353, 354, 365, 366, 367, 368, 369, 370,
90, 91, 94, 95, 98, 102, 110, 111, 113, 374, 396, 480, 539, 544, 555, 628, 633,
116, 118, 119, 138, 159, 169, 175, 186, 635, 636, 638, 639, 726, 739, 752, 753,
190, 191, 192, 215, 217, 238, 239, 262, 754
296, 297, 336, 365, 367, 387, 407, 486, Corpus juridique 560, 561, 621, 622, 624,
488, 489, 497, 498, 499, 500, 510, 517, 664, 666, 667, 690, 714, 719, 729
520, 521, 524, 534, 549, 555, 578, 579, Dignité 5, 21, 43, 44, 45, 51, 214, 245,
580, 603, 628, 629, 630, 650, 681, 706, 361, 366, 378, 384, 386, 388, 390, 391,
730, 731, 732, 733, 734, 738, 741, 756, 393, 394, 402, 406, 411, 448, 449, 450,
808, 809 456, 458, 460, 462, 463, 468, 478, 482,
Cession 18, 60, 62, 68, 86, 87, 88, 90, 95, 501, 515, 517, 560, 561, 562, 563, 564,
101, 103, 116, 120, 121, 122, 139, 140, 565, 566, 567, 568, 569, 570, 571, 572,
144, 145, 149, 150, 154, 156, 157, 158, 573, 574, 575, 576, 577, 578, 580, 581,
160, 162, 165, 166, 167, 168, 169, 178, 582, 583, 584, 585, 586, 587, 588, 589,
179, 206, 212, 213, 214, 215, 216, 217, 592, 593, 594, 595, 596, 597, 598, 620,
218, 219, 234, 236, 238, 241, 242, 250, 622, 628, 664, 666, 670, 671, 672, 673,
251, 256, 273, 275,277, 284, 285, 287, 676, 712, 713, 714, 721, 722, 724, 725,
289, 296, 299, 302, 306, 310, 313, 314, 727, 728, 729, 732, 733, 734, 735, 814,
315, 323, 324, 325, 328, 330, 331, 332, 817, 818, 821, 822, 826
333, 342, 344, 346, 347, 348, 349, 350, Domaine privé 4, 5, 15, 16, 17, 18, 20,
351, 352, 353, 354, 365, 366, 367, 368, 21, 23, 24, 25, 30, 41, 43, 44, 45, 52, 55,
369, 370, 373, 387, 408, 419, 420, 422, 56, 57, 60, 61, 62, 67, 68, 69, 70, 71, 73,
428, 442, 480, 492, 494, 496, 497, 499, 80, 88, 89, 90, 92, 93, 94, 95, 96, 98, 99,
501, 509, 511, 518, 521, 527, 536, 539, 100, 102, 104, 105, 108, 109, 112, 113,
540, 541, 543, 544, 555, 611, 616, 633, 114, 117, 118, 135, 136, 140, 146, 147,
636, 638, 639, 675, 676, 677, 678, 679, 154, 155, 157, 161, 162, 166, 185, 193,
683, 695, 700, 701, 702, 706, 712, 718, 216, 218, 224, 225, 226, 228, 231, 238,
726, 739, 752, 753, 817, 823, 827 240, 241, 242, 243, 244, 245, 246, 247,

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INDEX
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

248, 249, 250, 251, 252, 253, 254, 257, 712, 713, 714, 715, 719, 725, 727, 730,
258, 259, 260, 261, 262, 263, 264, 265, 731, 732, 733, 734, 736, 737, 738, 746,
268, 269, 270, 271, 272, 273, 274, 275, 751, 753, 754, 778, 813, 816, 819, 826,
276, 277, 282, 283, 285, 286, 288, 289, 829
292, 293, 294, 296, 302, 303, 304, 305, Droit au logement 5, 45, 48,
306, 307, 308, 309, 311, 312, 313, 315, 384, 458, 460, 462, 463, 477, 478, 561,
317, 319, 321, 322, 323, 324, 325, 327, 562, 563, 564, 565, 566, 567, 581, 582,
328, 329, 330, 331, 332, 333, 334, 335, 583, 584, 585, 586, 589, 590, 592, 593,
337, 339, 340, 341, 342, 344, 345, 346, 598, 620, 622, 670, 676, 728, 729, 752,
347, 350, 351, 352, 353, 354, 355, 356, 753, 817, 818
360, 361, 362, 363, 364, 366, 368, 370, Droit de la régularisation foncière outre-
376, 381, 383, 387, 396, 398, 399, 400, mer 5, 44, 53, 139, 141, 143, 384,
402, 403, 405, 406, 408, 409, 410, 412, 391, 392, 394, 557, 558, 560, 621, 624,
413, 414, 420, 422, 423, 427, 428, 430, 646, 666, 713, 714, 721, 728, 729, 821,
432, 437, 442, 446, 448, 450, 455, 479, 827
480, 481, 492, 495, 504, 505, 507, 510, Droits fonciers collectifs 367
524, 531, 539, 557, 559, 562, 576, 581, Evolution législative 719
594, 599, 600, 612, 617, 624, 629, 630, Évolution législative 711, 712
633, 634, 637, 647, 650, 651, 654, 656, Expropriation 8, 21, 51, 61, 78, 213,
659, 667, 673, 676, 679, 685, 689, 690, 241, 244, 249, 350, 354, 384, 390, 394,
692, 694, 695, 705, 712, 713, 714, 719, 395, 406, 448, 449, 450, 451, 452, 453,
725, 726, 727, 738, 740, 753, 813, 817, 454, 455, 456, 457, 458, 459, 460, 461,
819, 829 462, 463, 464, 465, 466, 467, 468, 469,
Domaine public 5, 16, 17, 18, 21, 22, 23, 470, 471, 472, 473, 474, 475, 476, 477,
24, 25, 28, 29, 30, 31, 43, 45, 47, 50, 52, 478, 479, 524, 526, 529, 530, 535, 538,
55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 556, 559, 594, 597, 598, 624, 662, 663,
66, 67, 68, 69, 70, 71, 77, 79, 80, 82, 83, 674, 680, 682, 702, 710, 711, 718, 730,
84, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 94, 95, 96, 98, 732, 736, 817, 818, 826
101, 102, 103, 105, 107, 108, 109, 110, Gouvernance 46, 51, 188, 205, 215,
111, 112, 116, 121, 124, 125, 126, 127, 239, 283, 355, 356, 363, 382, 384, 391,
128, 129, 130, 131, 132, 133, 134, 135, 394, 407, 480, 481, 482, 483, 485, 486,
136, 137, 138, 139, 143, 144, 145, 146, 487, 488, 489, 490, 492, 495, 496, 497,
147, 149, 150, 151, 152, 153, 155, 156, 500, 502, 503, 504, 515, 517, 525, 530,
161, 163, 164, 167, 172, 179, 180, 181, 536, 541, 546, 549, 551, 552, 553, 554,
182, 184, 185, 186, 189, 190, 193, 197, 556, 559, 560, 598, 599, 607, 608, 613,
198, 199, 200, 201, 202, 203, 204, 205, 615, 620, 627, 663, 712, 714, 721, 722,
209, 210, 216, 218, 219, 221, 222, 223, 728, 734, 735, 818, 819
224, 225, 226, 227, 228, 229, 231, 235, Guadeloupe 5, 6, 7, 16, 17, 20, 21, 23, 24,
236, 238, 240, 248, 249, 261, 262, 274, 36, 37, 38, 41, 42, 45, 47, 52, 56, 57, 58,
275, 276, 283, 284, 301, 304, 305, 306, 59, 60, 65, 68, 71, 73, 75, 78, 79, 80, 81,
311, 313, 319, 328, 335, 336, 337, 338, 83, 87, 88, 89, 91, 92, 93, 98, 99, 100,
340, 355, 356, 357, 360, 361, 362, 363, 102, 120, 121, 125, 138, 140, 141, 142,
378, 393, 394, 396, 397, 398, 399, 400, 143, 144, 145, 146, 147, 148, 150, 153,
401, 405, 409, 410, 437, 438, 445, 446, 156, 162, 163, 164, 166, 167, 168, 169,
447, 448, 455, 459, 462, 479, 481, 484, 170, 171, 172, 173, 174, 177, 181, 182,
487, 490, 491, 492, 493, 494, 495, 497, 184, 186, 187, 188, 193, 194, 195, 196,
499, 502, 503, 504, 505, 506, 507, 509, 202, 204, 205, 206, 207, 208, 209, 213,
510, 511, 531, 544, 557, 562, 582, 596, 214, 215, 216, 219, 220, 236, 237, 238,
599, 603, 611, 613, 624, 626, 631, 637, 239, 242, 251, 275, 292, 302, 305, 306,
640, 667, 678, 684, 685, 692, 705, 710, 324, 329, 330, 343, 344, 346, 355, 358,

760
INDEX
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

359, 362, 363, 364, 380, 382, 388, 404, 188


409, 410, 414, 433, 481, 482, 484, 485, La Réunion 5, 7, 16, 23, 36, 37, 41, 42,
486, 488, 490, 491, 492, 493, 494, 497, 45, 52, 59, 60, 68, 71, 81, 82, 83, 84, 85,
500, 501, 502, 503, 505, 507, 508, 509, 87, 88, 89, 91, 92, 93, 94, 95, 98, 100,
512, 519, 520, 522, 523, 524, 525, 531, 102, 113, 138, 139, 141, 142, 143, 147,
532, 534, 535, 537, 548, 579, 600, 603, 148, 150, 153, 162, 172, 173, 178, 184,
604, 612, 619, 626, 637, 641, 648, 654, 186, 187, 194, 206, 207, 208, 215, 216,
655, 659, 661, 672, 682, 712, 716, 725, 217, 220, 221, 223, 224, 225, 226, 227,
726, 731, 737, 739, 741, 743, 744, 750, 228, 239, 251, 275, 292, 305, 306, 330,
751, 752, 754, 778, 780, 790, 808, 809, 331, 335, 336, 337, 338, 339, 343, 344,
811, 818, 819, 820, 821, 830 346, 357, 359, 362, 363, 365, 382, 483,
Guyane 1, 5, 7, 16, 23, 36, 41, 42, 44, 45, 484, 486, 500, 501, 505, 509, 510, 522,
47, 52, 57, 59, 68, 71, 73, 74, 75, 79, 80, 524, 525, 532, 534, 535, 536, 559, 626,
81, 83, 87, 88, 89, 91, 92, 93, 95, 98, 628, 629, 648, 654, 655, 659, 661, 730,
100, 102, 113, 138, 141, 142, 143, 147, 733, 739, 742, 743, 750, 751, 778, 782,
148, 150, 153, 162, 172, 173, 175, 177, 809, 810, 811, 821, 831
184, 186, 187, 188, 191, 193, 194, 202, Loi littoral 56, 62, 70, 93, 108, 109, 110,
207, 208, 215,216, 217, 218, 219, 220, 111, 114, 117, 123, 137, 138, 169, 196,
221, 239, 273, 275, 292, 297, 307, 329, 211, 218, 330, 333, 339, 381, 486, 491,
330, 331, 343, 344, 345, 346, 347, 349, 505, 672, 673, 725, 739, 754
350, 351, 352, 355, 357, 358, 359, 364, Martinique 1, 5, 6, 7, 15, 16, 17, 19, 20,
365, 366, 367, 368, 369, 370, 381, 382, 21, 23, 24, 36, 38, 41, 42, 44, 45, 46, 47,
412, 413, 480, 483, 484, 486, 500, 501, 49, 52, 56, 57, 58, 59, 60, 63, 68, 71, 72,
505, 509, 519, 522, 523, 537, 538, 539, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83,
540, 541, 542, 544, 545, 550, 626, 628, 87, 88, 89, 91, 92, 93, 98, 99, 100, 102,
629, 630, 631, 632, 633, 634, 635, 636, 107, 119, 120, 121, 122, 124, 125, 138,
637, 638, 639, 648, 654, 655, 659, 661, 140, 141,142, 143, 145, 146, 147, 148,
665, 702, 709, 712, 718, 726, 731, 732, 150, 153, 156, 162, 163, 164, 166, 167,
733, 734, 738, 739, 741, 742, 743, 750, 168, 169, 170, 171, 172, 173, 174, 177,
751, 752, 753, 754, 756, 778, 781, 789, 181, 182, 183, 184, 186, 187, 188, 189,
809, 820, 823, 824, 827, 831 190, 191, 192, 193, 194, 195, 196, 197,
Habitat indigne 258, 388, 521, 528, 565, 198, 199, 200, 201, 202, 203, 204, 205,
566, 577, 582, 596, 597, 663, 669, 670, 206, 207, 208, 209, 210, 211, 212, 213,
671, 672, 673, 675, 750, 751, 825 214, 215, 216, 219, 220, 229, 232, 236,
Habitat insalubre 115, 119, 122, 123, 149, 237, 238, 239, 242, 251, 252, 262, 263,
151, 162, 250, 301, 475, 476, 561, 567, 265, 266, 272, 273, 275, 276, 292, 296,
582, 597, 616, 661, 668, 669, 670, 672, 297, 300, 302, 303, 305, 306, 311, 324,
673, 676, 677, 752, 754, 822 325, 329, 330, 339, 343, 344, 346, 355,
Île Bourbon 82, 92, 336, 731 357, 358, 361, 362, 363, 364, 366, 380,
Intérêt public 5, 45, 53, 114, 115, 124, 381, 382, 387, 388, 396, 404, 407, 409,
134, 146, 222, 384, 386, 388, 389, 391, 410, 414, 422, 433, 471, 481, 482, 483,
392, 393, 394, 395, 402, 404, 406, 408, 484, 485, 486, 488, 490, 491, 493, 494,
413, 423, 437, 448, 449, 455, 456, 460, 495, 496, 497, 500, 501, 503, 504, 505,
461, 464, 469, 478, 480, 481, 482, 488, 507, 508, 509, 511, 512, 516, 517, 519,
490, 501, 502, 505, 528, 556, 557, 558, 520, 521, 522, 523, 524, 525, 531, 532,
559, 562, 563, 564, 568, 577,584, 585, 533, 534, 535, 537, 548, 550, 558, 559,
589, 596, 597, 604, 612, 619, 622, 646, 578, 579, 593, 600, 603, 604, 611, 612,
659, 660, 663, 664, 712, 721, 724, 727, 615, 619, 626, 637, 640, 641, 648, 654,
728, 729, 813, 818, 821, 823, 825, 827 655, 659, 661, 669, 671, 672, 673, 677,
Juridiction d’exception 97, 172, 678, 679, 680, 681, 682, 683, 686, 689,

761
INDEX
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

692, 697, 710, 712, 716, 724, 725, 726, 378, 380, 384, 386, 387, 388, 393, 396,
727, 730, 731, 733, 736, 738, 739, 741, 401, 402, 403, 404, 405, 407, 408, 409,
742, 743, 747, 748, 750, 751, 752, 754, 410, 413, 417, 422, 423, 430, 432, 439,
756, 778, 783, 785, 791, 809, 811, 818, 440, 442, 448, 450, 453, 454, 455, 456,
819, 820, 821 463, 467, 471, 478, 480, 481, 482, 483,
Mayotte 5, 6, 7, 16, 36, 37, 41, 42, 45, 49, 484, 485, 487, 488, 492, 495, 496, 497,
59, 71, 79, 84, 85, 86, 87, 92, 95, 110, 498, 501, 502, 503, 504, 506, 507, 508,
139, 141, 142, 143, 148, 149, 151, 152, 510, 511, 513, 514, 516, 517, 531, 532,
153, 155, 160, 162, 173, 178, 184, 186, 536, 540, 546, 552, 556, 558, 559, 563,
187, 194, 206, 207, 208, 215, 216, 220, 564, 566, 568, 577, 578, 579, 580, 581,
221, 227, 228, 229, 230, 231, 232, 233, 589, 590, 592, 593, 598, 599, 600, 611,
234, 235, 236, 239, 262, 273, 275, 292, 615, 616, 619, 620, 624, 625, 626, 627,
306, 307, 328, 329, 330, 331, 344, 345, 628, 630, 633, 637, 638, 639, 648, 649,
346, 352, 353, 354, 355, 359, 366, 370, 655, 658, 659, 664, 666, 667, 669, 670,
371, 372, 373, 374, 375, 376, 377, 378, 671, 673, 677, 680, 687, 688, 689, 690,
382, 383, 412, 454, 484, 486, 495, 500, 691, 702, 705, 706, 711, 712, 713, 714,
501, 509, 519, 522, 523, 537, 538, 544, 719, 723, 725, 726, 727, 728, 729, 778,
545, 601, 628, 629, 639, 640, 641, 642, 813, 816, 818, 819, 820, 821, 822, 823,
643, 644, 645, 646, 648, 654, 655, 659, 824, 825, 826, 827
660, 661, 710, 726, 730, 735, 739, 740, Personne humaine 21, 45,
741, 742, 750, 751, 752, 753, 756, 778, 51, 245, 378, 384, 388, 390, 391, 403,
784, 811, 820, 824, 830 406, 411, 448, 449, 450, 456, 458, 462,
Moyens égaux 561, 596, 623, 687, 690, 463, 468, 478, 482, 517, 561, 562, 563,
691 564, 565, 566, 567, 568, 569, 570, 571,
Occupant sans titre 18, 19, 572, 573, 574, 575, 576, 577, 578, 580,
22, 23, 24, 35, 44, 47, 64, 126, 157, 186, 581, 585, 586, 587, 588, 589, 592, 593,
193, 197, 231, 243, 244, 248, 252, 253, 594, 595, 596, 597, 598, 620, 622, 628,
254, 259, 261, 269, 275, 286, 288, 306, 664, 670, 671, 672, 673, 676, 713, 714,
317, 319, 321, 326, 403, 404, 406, 410, 721, 722, 724, 725, 727, 728, 729, 732,
412, 413, 417, 430, 431, 434, 452, 460, 733, 814, 817, 818, 821
462, 511, 517, 561, 564, 575, 577, 581, Proposition de loi 37, 39,
592,594, 595, 633, 638, 649, 650, 653, 76, 186, 207, 239, 427, 486, 690, 714,
667, 668, 683, 687, 688, 690, 692, 709, 718, 739, 813
710, 715, 716, 723, 728, 729, 814, 817, Protection de l’environnement 108, 118,
822, 825 147, 190, 220, 270, 368, 381, 391, 459,
Occupation sans titre 4, 5, 15, 467, 477, 498, 500, 528, 538, 539, 559,
16, 17, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 28, 30, 666, 668, 669, 680, 683, 685, 711, 753,
33, 34, 35, 36, 37, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 754
47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 55, 56, 57, 58, Protection du droit de propriété 25, 33,
59, 63, 64, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 79, 44, 45, 55, 401, 402, 448, 462, 561, 562,
89, 96, 107, 111, 116, 119, 125, 126, 577, 592, 721
127, 137, 138, 140, 143, 144, 145, 146, Reconnaissance de titres anciens 172
156, 165, 172, 185, 186, 187, 191, 194, Régularisation foncière 4, 5, 7,
197, 199, 200, 205, 211, 214, 215, 216, 15, 16, 18, 19, 20, 21, 24, 25, 33, 34, 35,
227, 228, 229, 240, 241, 242, 243, 244, 41, 42, 43, 44, 45, 47, 48, 50, 51, 52, 53,
245, 247, 248, 249, 250, 251, 252, 253, 55, 56, 57, 58, 61, 66, 67, 70, 72, 73, 81,
254, 255, 256, 257, 258, 259, 260, 262, 82, 84, 86, 87, 88, 89, 90, 95, 100, 102,
263, 268, 269, 270, 272, 273, 274, 276, 107, 109, 110, 111, 114, 117, 124, 126,
287, 292, 293, 305, 307, 311, 317, 321, 127, 132, 136, 137, 138, 139, 140, 141,
326, 327, 329, 330, 335, 341, 360, 366, 142, 143, 144, 145, 146, 148, 153, 154,

762
INDEX
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

157, 162, 163, 164, 165, 166, 167, 171, 688, 689, 690, 691, 692, 694, 695, 696,
172, 174, 184, 185, 186, 187, 188, 191, 697, 699, 700, 702, 703, 704, 705, 706,
192, 195, 205, 206, 207, 208, 209, 210, 707, 708, 709, 710, 711, 712, 713, 714,
211, 212, 213, 214, 215, 216, 217, 218, 715, 716, 717, 718, 719, 721, 722, 723,
219, 220, 221, 222, 224, 227, 228, 229, 724, 725, 726, 727, 728, 729, 734, 735,
230, 231, 232, 235, 236, 237, 238, 239, 741, 778, 792, 794, 813, 814, 815, 816,
240, 241, 242, 243, 246, 247, 248, 249, 817, 818, 819, 820, 821, 822, 823, 824,
250, 251, 252, 253, 254, 255, 256, 257, 825, 826, 827
258, 259, 260, 261, 262, 263, 264, 265, Régularisation foncière positive 35, 55,
266, 268, 269, 270, 271, 272, 273, 274, 240, 248, 380, 386, 388, 481, 563, 577,
275, 276, 277, 278, 279, 281, 282, 283, 585, 666, 667, 687, 690, 723, 825
285, 286, 287, 288, 290, 291, 292, 293, Risques naturels 152, 209, 213, 251, 260,
294, 295, 296, 297, 298, 299, 301, 302, 264, 272, 295, 300, 301, 302, 315, 326,
303, 304, 305, 306, 307, 308, 309, 310, 381, 459, 475, 478, 521, 522, 528, 530,
311, 312, 313, 315, 316, 317, 319, 321, 593, 665, 666, 668, 669, 670, 674, 675,
322, 323, 324, 325, 326, 327, 328, 329, 680, 681, 682, 683, 693, 697, 822, 825
330, 331, 332, 333, 335, 336, 340, 341, Sécurité foncière 55, 235, 377, 586, 593,
342, 345, 346, 352, 354, 355, 356, 360, 618, 624, 664, 665, 666, 667, 669, 672,
361, 364, 366, 368, 370, 371, 372, 373, 714, 719, 736, 822
374, 375, 377, 378, 380, 381, 382, 383, Squatters 18, 19, 102, 180
384, 386, 387, 388, 390, 391, 392, 393, Sui generis 71, 97, 242, 250, 265, 272,
394, 395, 396, 401, 402, 403, 404, 405, 273, 274, 276, 277, 292, 307, 308, 311,
406, 407, 408, 409, 410, 411, 412, 413, 378, 414, 468, 503, 593, 666, 690, 711,
414, 416, 417, 418, 419, 420, 422, 423, 712, 826, 827
424, 425, 426, 427, 428, 429, 430, 431, Titre de propriété 5, 18, 20, 24, 35, 43, 47,
432, 433, 434, 436, 437, 439, 441, 442, 55, 57, 72, 81, 94, 98, 99, 105, 107, 147,
444, 445, 447, 448, 449, 450, 451, 452, 160, 180, 181, 182, 183, 189, 196, 203,
453, 454, 455, 456, 457, 458, 459, 460, 211, 214, 230, 231, 246, 248, 259, 277,
461, 462, 463, 464, 465, 466, 467, 468, 281, 285, 290, 293, 299, 300, 302, 307,
469, 471, 472, 473, 474, 475, 476, 477, 319, 326, 327, 338, 377, 381, 382, 404,
478, 479, 480, 481, 482, 483, 485, 486, 406, 410, 419, 426, 511, 517, 541, 561,
487, 488, 489, 492, 495, 496, 497, 498, 563, 567, 577, 593, 596, 628, 630, 643,
499, 501, 502, 503, 507, 508, 509, 510, 644, 649, 659, 665, 666, 668, 669, 676,
511, 512, 513, 514, 515, 516, 517, 518, 678, 683, 687, 690, 693, 694, 695, 698,
519, 522, 523, 524, 525, 527, 530, 531, 699, 701, 703, 706, 717, 718, 723, 724,
532, 533, 535, 539, 540, 541, 542, 543, 824
544, 545, 546, 549, 551, 552, 556, 557, Titrement 47, 55, 66, 82, 137, 139, 141,
558, 559, 560, 561, 562, 563, 564, 565, 143, 144, 145, 146, 148, 192, 248, 250,
566, 567, 568, 571, 573, 575, 576, 577, 272, 328, 329, 382, 383, 467, 490, 558,
579, 581, 582, 583, 585, 586, 587, 588, 566, 594, 595, 596, 617, 640, 646, 649,
589, 592, 593, 594, 595, 596, 597, 598, 656, 659, 660, 661, 669, 689, 709, 723,
599, 600, 601, 603, 604, 607, 609, 610, 724, 824, 825
611, 612, 613, 615, 616, 617, 618, 619, Utilité publique 5, 8, 17, 25, 26, 29, 51,
620, 621, 622, 623, 624, 625, 626, 627, 53, 69, 106, 150, 219, 249, 339, 344,
628, 629, 631, 632, 633, 634, 637, 639, 350, 354, 384, 389, 390, 391, 392, 394,
640, 641, 642, 643, 644, 645, 646, 647, 395, 398, 402, 406, 407, 408, 448, 449,
648, 649, 652, 653, 654, 655, 656, 658, 450, 451, 452, 453, 454, 455, 456, 457,
659, 661, 662, 663, 664, 665, 666, 667, 458, 459, 460, 461, 462, 463, 464, 465,
668, 669, 670, 672, 673, 675, 676, 677, 466, 467, 469, 470, 471, 472, 473, 474,
678, 679, 680, 683, 684, 685, 686, 687, 475, 476, 478, 479, 482, 484, 508, 530,

763
INDEX
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

559, 562, 563, 567, 568, 573, 577, 579, 188, 191, 192, 193, 195, 196, 197, 198,
594, 597, 600, 620, 622, 633, 684, 688, 199, 202, 203, 204, 205, 206, 208, 209,
702, 710, 711, 713, 718, 721, 722, 724, 211, 213, 214, 215, 216, 217, 218, 219,
727, 728, 729, 813, 814, 817, 818, 821, 221, 222, 223, 224, 225, 226, 227, 228,
823, 826 229, 234, 236, 237, 238, 239, 240, 245,
Zone de droits d’usage collectifs (ZDUC) 246, 250, 252, 272, 273, 274, 275, 276,
79, 331, 347, 365, 367 285, 287, 292, 299, 302, 306, 308, 310,
Zone des cinquante pas du Roi 71, 77, 311, 312, 315, 319, 324, 328, 330, 333,
209 337, 355, 356, 360, 361, 362, 380, 382,
Zone des cinquante pas géométriques 5, 383, 386, 387, 393, 404, 409, 410, 412,
15, 16, 17, 18, 20, 21, 22, 24, 47, 48, 49, 414, 422, 424, 425, 433, 447, 448, 479,
52, 56, 57, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 66, 67, 480, 481, 482, 483, 484, 485, 486, 487,
68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 79, 488, 490, 491, 492, 493, 494, 495, 497,
80, 81, 82, 83, 84, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 498, 499, 500, 501, 504, 505, 506, 507,
92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 508, 509, 510, 511, 520, 523, 532, 545,
102, 103, 105, 106, 107, 108, 109,111, 548, 559, 564, 578, 579, 581, 595, 598,
112, 113, 114, 116, 118, 119, 120, 121, 600, 603, 611, 612, 615, 617, 625, 627,
123, 124, 126, 137, 138, 139, 140, 142, 628, 631, 632, 648, 650, 651, 652, 653,
143, 144, 145, 146, 147, 148, 149, 150, 655, 667, 668, 679, 684, 689, 690, 696,
153, 155, 156, 157, 159, 162, 163, 164, 697, 702, 704, 705, 709, 712, 716, 721,
165, 167, 168, 169, 171, 172, 173, 179, 725, 728, 730, 734, 736, 737, 738, 739,
180, 181, 182, 183, 184, 185, 186, 187, 740, 748, 752, 816, 818, 819, 820, 823

764
INDEX
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS 4
INTRODUCTION 14

L’OCCUPATION SANS TITRE DES DOMAINES PUBLIC ET PRIVÉ OUTRE-MER 16


L’EXAMEN DU BIEN-FONDÉ DE LA RÉGULARISATION FONCIÈRE OUTRE-MER
34

PREMIÈRE PARTIE : 54
DE L’OCCUPATION SANS TITRE AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE 54

TITRE I – RÉGULARISATION DE L’OCCUPATION SANS TITRE DU


DOMAINE PUBLIC : LE CAS DE LA ZONE DES CINQUANTE PAS
GÉOMÉTRIQUES 58
CHAPITRE I – UN KALÉIDOSCOPE DE DISPOSITIFS ORIGINAUX
DÉROGATOIRES LIÉS A DES STATUTS CONTRADICTOIRES 67
SECTION I – RÉGIME DE DOMANIALITÉ PRIVÉE ET RÉGULARISATION
FONCIÈRE SOUS LA LÉGISLATION DE 1955 70
§ I. UNE ORIGINE COLONIALE PROPICE À L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA
ZONE DES CINQUANTE PAS GÉOMÉTRIQUES 71
A. PROCÉDURES ORIGINELLES DE RÉGULARISATION FONCIÈRES
ANTÉRIEURES AU DÉCRET DU 30 JUIN 1955 73
1) Aux Antilles, des procédures de régularisation foncière dans la zone des
cinquante pas géométriques, dès les origines 73
2) À la Réunion, un statut originel de la zone des cinquante pas géométriques
favorable à la régularisation foncière par titrement 82
3) À Mayotte, un statut d’occupation de la zone des cinquante pas
géométriques impacté par le droit coutumier 84
4) En Guyane française, une zone des cinquante pas géométriques résiduelle 87
B. INTÉGRATION DE LA ZONE DANS LE DOMAINE PRIVÉ DE L’ÉTAT PAR LE
DÉCRET DE 1955 : UN LEVIER DE RÉGULARISATION FONCIÈRE INACHEVÉ 88
1) Principes du transfert dans le domaine privé 88
2) Des effets juridiques différents aux Antilles, à la Guyane et à La Réunion 91
§ II. LA COMMISSION DE VÉRIFICATION DES TITRES DÉTENUS DANS LA
ZONE, UNE INSTITUTION CONTESTÉE 96
A. VÉRIFICATION DES TITRES PAR UNE JURIDICTION D’EXCEPTION
ORIGINALE 97

1) Nature de la Commission : juridiction ou organe sui generis ? 97

765
TABLE DES MATIERES
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

2) Procédure devant la Commission de vérification des titres 98


B. LIMITES DU TRAVAIL DE RÉGULARISATION FONCIÈRE DE LA
COMMISSION DE VÉRIFICATION DES TITRES DE 1955 100
1) Une jurisprudence légitimant les seuls titres délivrés par l’Etat 101
2) Une procédure de vérification comparable à une dépossession unilatérale
103
SECTION II – RÉGIME DE DOMANIALITÉ PUBLIQUE ET
RÉGULARISATION FONCIÈRE PAR LES LOIS DU 3 JANVIER 1986 ET DU 25
JUILLET 1994 108
§ I. RÉGULARISATION FONCIÈRE DANS LA LOI « LITTORAL » DE 1986 110
A. MESURES DE RÉGULARISATION FONCIÈRE ET CHAMP D’APPLICATION DE
LA « LOI LITTORAL » 111
1) Un retour de la zone des cinquante pas géométriques dans le domaine public
111
2) Des procédures de régularisation foncière opérationnelles 114
B. INSUFFISANCES DE LA « LOI LITTORAL » DE 1986 EN MATIÈRE DE
RÉGULARISATION FONCIÈRE 117
1) Carences de la « loi littoral » en matière de régularisation foncière 117
2) Propositions de la classe politique 119
§ II. DISPOSITIFS POSTÉRIEURS CONSTITUTIFS DE DROITS RÉELS SUR LE
DOMAINE PUBLIC 126
A. L’AUTORISATION D’OCCUPATION TEMPORAIRE, UNE RÉPONSE
PARTIELLE À L’OCCUPATION SANS TITRE 127
1) L’AOT constitutive de droits réels, une réponse conforme à la Constitution
128
2) L’extension des AOT aux collectivités territoriales 130
B. UNE RÉPONSE À RAPPROCHER DU BAIL EMPHYTÉOTIQUE ADMINISTRATIF
133
1) Le BEA constitutif de droits réels de l’article L1311-2 du CGCT 133
2) Le BEA constitutif de droits réels de l’article L2341-1 du CG3P 134
CHAPITRE II – UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE DÉSORMAIS AXÉE
SUR LE TITREMENT 138
SECTION I – DISPOSITIFS DE TITREMENT ISSUS DE LA LOI DU 30
DÉCEMBRE 1996 ET DES TEXTES SUBSÉQUENTS 143
§ I. PROCÉDURES DE DÉLIVRANCE DE TITRES DE PROPRIÉTÉ PAR L’ETAT
DANS LA ZONE DES 50 PAS GÉOMÉTRIQUES 145
A. DISPOSITIFS DE RÉGULARISATION FONCIÈRE PAR CESSION OU TITREMENT
APPLICABLES 148

766
TABLE DES MATIERES
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

1) Dispositifs de cession en faveur des personnes morales de droit public et des


organismes d’habitats sociaux 148
2) Dispositifs de régularisation foncière prévus en faveur des personnes
physiques et des personnes morales de droit privé 153
B. RÔLE DE LEVIERS DES AGENCES DES 50 PAS GÉOMÉTRIQUES DANS LA
RÉGULARISATION FONCIÈRE 163
1) Le double rôle de conduite des opérations de régularisation foncière et
d’aménagement 164
2) Les moyens financiers, matériels, et humains, des Agences des 50 pas
géométriques 167
§ II. NOUVELLE PROCÉDURE DE VALIDATION DES TITRES DÉTENUS PAR DES
TIERS SUR LA ZONE DES 50 PAS GÉOMÉTRIQUES 172
A. LA COMMISSION DE VÉRIFICATION DES TITRES DE 1996, UNE
INSTITUTION JUDICIAIRE ORIGINALE 172
1) La vérification des titres non examinés par la première commission 173
2) Une procédure innovante, gratuite et sans frais 174
B. LA PERTINENCE DU POUVOIR JURIDICTIONNEL DE LA COMMISSION DE
VÉRIFICATION DES TITRES DE 1996 178
1) La fin d’une jurisprudence restrictive 179
2) Les limites à la validation de certains titres par la Commission 183
SECTION II – ÉTAT DES LIEUX DE LA RÉGULARISATION FONCIÈRE
DANS LA ZONE DES CINQUANTE PAS GÉOMÉTRIQUES 186
§ I. BILAN DE LA RÉGULARISATION FONCIÈRE EN GUADELOUPE ET
MARTINIQUE 187
A. RÉGULARISATION FONCIÈRE INACHEVÉE ET TRAVAIL NON EXHAUSTIF DE
LA COMMISSION DE VÉRIFICATION DES TITRES 188
1) Des décisions « arrangeantes » laissant perdurer la question de la
prescription acquisitive dans la zone 189
2) Un bilan mitigé laissant perdurer l’occupation sans titre dans la zone 194
B. LA DISPARITION PROGRAMMÉE DES AGENCES DES 50
PAS GÉOMÉTRIQUES 205
1) Des structures efficaces, disposant d’un savoir-faire et de moyens, mais
limitées dans le temps et dans l’espace 206
2) Entre prorogations et incompréhensions locales 210
§ II. BILAN DE LA RÉGULARISATION FONCIÈRE EN GUYANE ET DANS
L’OCÉAN INDIEN 215
A. EN GUYANE ET À LA RÉUNION : UNE OCCUPATION SANS TITRE DE LA
ZONE DES CINQUANTE PAS GÉOMÉTRIQUES GLOBALEMENT RÉSORBÉE 216

767
TABLE DES MATIERES
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

1) Etat des lieux de la régularisation foncière en Guyane française 217


2) Etat des lieux de la régularisation foncière à La Réunion 221
B. À MAYOTTE : UN DROIT DOMANIAL INFLUENCÉ PAR LE DROIT
COUTUMIER 227
1) Une volonté d’alignement aux prises avec les droits locaux existants 228
2) Une population Mahoraise s’estimant « abusée » 232
TITRE II – RÉGULARISATION DE L’OCCUPATION SANS TITRE DU
DOMAINE PRIVÉ : LES CAS DES DOMAINES PRIVÉS COMMUNAL ET
ÉTATIQUE 241
CHAPITRE I – INITIATIVES LOCALES DE RÉGULARISATION FONCIÈRE
DE L’OCCUPATION SANS TITRE DU DOMAINE PRIVÉ COMMUNAL 248
SECTION I – DES PROCÉDURES ORIGINELLES ALTERNATIVES À LA
CESSION 250
§I. PROCÉDÉS PRÉSERVANT LA MAÎTRISE FONCIÈRE DU PROPRIÉTAIRE
PUBLIC 252
A. RÉGULARISATION FONCIÈRE SANS TRANSFERT DE PROPRIÉTÉ PAR LE
BIAIS DE BAUX ET ACTES ASSIMILÉS 254
1) Baux de droit commun assorti de clauses hybrides 254
2) Autorisations de cession des constructions 256
3) Baux d’habitation et baux à usage mixte 257
B. PRATIQUE DES CERTIFICATS D’OCCUPATION ET AUTORISATIONS
D’OCCUPATION PRÉCAIRE 259
1) Certificats d’occupation précaires et autorisations d’urbanisme 259
2) Autorisations et conventions d’occupations précaires 261
§ II. PROCÉDÉS CONCÉDANT PARTIELLEMENT LA MAÎTRISE FONCIÈRE DU
DOMAINE PRIVÉ AUX OCCUPANTS 262
A. MODALITÉS ASSORTIES D’UNE OPTION D’ACHAT OU PROMESSE DE VENTE
AU PROFIT DE L’OCCUPANT 263
1) Utilisation de baux de droit commun avec promesse de vente ou pacte de
préférence 263
2) Mobilisation de la location-vente et location-accession 265
B. MODALITÉS ASSORTIES D’UN QUASI-DROIT DE PROPRIÉTÉ AU PROFIT DE
L’OCCUPANT 268
1) « Quasi-droit de propriété » du bail commercial 268
2) Baux de longue durée translatifs de droits réels 270
SECTION II – DES PROCÉDURES SUI GENERIS DE TITREMENT 272
§ I. DES PROCÉDURES DE RÉGULARISATION FONCIÈRE PAR CESSION
INSPIRÉES DE CELLES DE L’ETAT 275
A. PROCÉDURES SUI GENERIS DE RÉGULARISATION FONCIÈRE PAR CESSION
768
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

DU DOMAINE PRIVÉ COMMUNAL 276


1) Délibération adoptant la décision de régularisation foncière par cession 277
2) Choix délibéré de l’acte authentique en la forme administrative 278
3) Délimitation des occupations et bornage des surfaces concernées 281
4) Avis de valeur vénale, extension locale de l’aide à l’acquisition et calcul du
prix de vente 283
5) Délibération fixant les conditions, modalités et caractéristiques de la vente :
288
6) Rédaction de l’acte de vente en la forme authentique administrative ou
notariée et publicité foncière 290
B. EXPÉRIMENTATIONS PRATIQUES DE RÉGULARISATIONS FONCIÈRES DANS
LE DOMAINE PRIVÉ COMMUNAL 292
1) Expérimentation dans les quartiers populaires de Fort-de-France 293
2) Cas de quartiers populaires de Guadeloupe 302
3) Régularisations foncière sur le domaine privé de La Réunion 305
4) Régularisations foncière sur le domaine privé de la Guyane et de Mayotte
307
§ II. DES PROCÉDURES SUSCEPTIBLES DE GÉNÉRER DU CONTENTIEUX 308
A. DÉFAUT DE BASE LÉGALE SUFFISANTE DE L’AIDE À L’ACQUISITION
PRATIQUÉE PAR CERTAINES COMMUNES OUTRE-MER 308
1) Le risque de contentieux lié au défaut de base légale suffisante 310
2) Les risques de contentieux liés à un prix de vente symbolique ou inférieur à
la valeur vénale 312
B. AUTRES PROBLÉMATIQUES PROCÉDURALES LOCALES LIÉES À LA
RÉGULARISATION FONCIÈRE 317
1) Aspects divers de la renonciation au bénéfice de l’accession 317
2) Nécessité d’une juste détermination de la qualité des acquéreurs 319
3) Effet inattendu de la régularisation par bail emphytéotique et actes assimilés
321
4) Quid d’un cahier des charges de cession ? 323
5) Nécessité incontournable de l’aménagement des quartiers auto-construits
324
CHAPITRE II – RÉGULARISATION FONCIÈRE D’ORIGINE LÉGISLATIVE
DE L’OCCUPATION DU DOMAINE PRIVÉ DE L’ÉTAT 328
SECTION I – UNE RÉGULARISATION FAVORISANT LE TITREMENT OU LA
VALORISATION DU DOMAINE PRIVÉ DE L’ÉTAT OUTRE-MER 330
§ I. DISPOSITIFS GÉNÉRAUX DE RÉGULARISATION FONCIÈRE APPLICABLES
AU DOMAINE PRIVÉ DE L’ETAT 331
A. ALTERNATIVES À LA CESSION DANS LE DOMAINE PRIVÉ DE L’ETAT 333

769
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

1) La convention d’occupation précaire délivrée sur le domaine privé 333


2) La concession de l’article L3211-10 du CG3P concernant les exondements
335
3) La convention de gestion de l’article L2222-10 du CG3P 339
4) Le bail emphytéotique administratif de l’article L2341-1 du CG3P 340
B. DISPOSITIFS SPÉCIFIQUES DE RÉGULARISATION PAR CESSION DU FONCIER
PRIVÉ DE L’ETAT 341
1) Dispositif de cessions de terrains à un prix inférieur en faveur du logement
social 342
2) Dispositif dérogatoire de cession de bois et forêts 343
3) Cessions en faveur de l’aménagement et de la production de logements
sociaux 344
4) Dispositif en faveur de programmes de construction de logements sociaux
344
§ II. DISPOSITIFS DE RÉGULARISATION FONCIÈRE SPÉCIFIQUES À LA
GUYANE ET À MAYOTTE 345
A. DISPOSITIFS PARTICULIERS APPLICABLES AU DOMAINE PRIVÉ DE L’ETAT
EN GUYANE 346
1) Dispositif relatif aux zones de droits d’usage collectifs (ZDUC) 347
2) Dispositif de cessions gratuites en faveur des terres agricoles 347
3) Dispositif de concessions gratuites applicables aux terrains domaniaux 349
4) Dispositif de cessions gratuites de forêts relevant du domaine privé de la
Guyane 351
5) Cessions et concessions gratuites en faveur des communautés d’habitants
351
6) Cessions gratuites de terrains supportant des constructions à usage
d’habitation 351
B. DISPOSITIFS DE RÉGULARISATION APPLICABLES AU DOMAINE PRIVÉ DE
L’ETAT À MAYOTTE 352
1) Concessions et baux emphytéotiques gratuits au profit de personnes
physiques 353
2) Cessions gratuites de terres à usage agricole au profit de personnes
physiques 353
3) Concessions gratuites aux communes en vue de l’aménagement et du
service public 354
4) Cessions gratuites aux communes en vue de l’aménagement et du service
public 354
SECTION II – DES OBSTACLES À LA RÉGULARISATION FONCIÈRE DE
L’OCCUPATION DU DOMAINE PRIVÉ ÉTATIQUE 355

770
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

§ I. L’ETAT, UN PROPRIÉTAIRE FONCIER OMNIPOTENT ET CONTESTÉ


OUTRE-MER ? 356
A. LA QUASI-CONFISCATION PAR L’ETAT DU FONCIER NON BÂTI OUTRE-
MER 357
1) Une quasi-confiscation attestée par des chiffres 357
2) Les collectivités territoriales, parentes pauvres du foncier outre-mer 360
B. UNE GESTION « STÉRILE » PAR L’ÉTAT DE SON FONCIER ? 361
1) La quasi-tutelle foncière de l’Etat 361
2) Une gestion dérogatoire et divisée 362
§ II. L’ETAT, UNE LOGIQUE DE SUBSTITUTION PLUTÔT QUE DE
COMPROMIS ? 364
A. BILAN DES PRATIQUES DE RÉGULARISATION FONCIÈRE SUR LE DOMAINE
PRIVÉ DE GUYANE 366
1) ZDUC ou zones de droits d’usage collectifs 367
2) Concessions et cessions accordées aux communautés d’habitants 368
3) Cessions et concessions pour la mise en valeur de terres agricoles 370
B. BILAN DES PRATIQUES DE RÉGULARISATION FONCIÈRE SUR LE DOMAINE
PRIVÉ DE MAYOTTE 370
1) Le droit commun français, une vraie contrainte pour les Mahorais 370
2) Dérives et pratiques de clientélisme foncières 375

DEUXIÈME PARTIE : 385


D’UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À MOYENS INÉGAUX 385
À UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC 385

TITRE I – POUR UNE RECONNAISSANCE DE L’INTÉRET PUBLIC DE


LA RÉGULARISATION FONCIÈRE 393
OUTRE-MER 393
CHAPITRE I – DANS LE DOMAINE PRIVÉ DES COLLECTIVITÉS
TERRITORIALES : UNE RÉFORME D’INTÉRÊT PUBLIC 403
SECTION I – RENFORCEMENT DU CADRE JURIDIQUE DES PROCÉDURES
DE RÉGULARISATION FONCIÈRE AMIABLES 407
§ I. CADRE DES PROCÉDURES DE RÉGULARISATION FONCIÈRE AMIABLES 408
A. ENCADREMENT DE LA DÉCISION DE RÉGULARISATION FONCIÈRE
AMIABLE 411
1) Décision et respect de la hiérarchie des normes 411
2) Choix de l’acquéreur ou du bénéficiaire et risque de contentieux. 414
3) Personnalité physique ou morale de l’acquéreur ou du bénéficiaire 417
4) Pratiques de désistement. 418

771
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

B. ENCADREMENT DES CARACTÉRISTIQUES ET CONDITIONS DE


RÉGULARISATION FONCIÈRE 419
1) Détermination de l’acquéreur ou du bénéficiaire 419
2) Légalisation des mesures d’aides à l’acquisition et clause générale de
compétence 420
3) Opportunité des mesures anti-spéculatives 423
4) Oppositions et omissions de signature 426
5) Apport de la loi Letchimy sur l’indivision en matière de régularisation
foncière. 427
6) Cessions en démembrement de propriété et autres modalités 428
§ II. CADRE DES PROCÉDURES AMIABLES ALTERNATIVES À LA CESSION 430
A. L’AMÉNAGEMENT EFFICIENT DES BAUX ET CONTRATS CONSTITUTIFS DE
DROITS RÉELS 431
1) Bail emphytéotique de droit commun, une sortie de bail à élargir 431
2) Inadaptation du bail emphytéotique administratif ou BEA 437
3) Option du bail à construction pour une sortie de bail facilitée 439
B. L’ENCOURAGEMENT DES CESSIONS DE DROITS RÉELS 442
1) Cession de droit de superficie, une régularisation alternative à considérer
442
2) Location-vente et location-accession des moyens alternatifs proches. 444
3) Vente avec prix payable à tempérament, une alternative évitée 444
4) La vente de lots de volume, une pratique complexe à développer 445
SECTION II – UTILITÉ PUBLIQUE DE LA RÉGULARISATION FONCIÈRE,
FAUTE DE VOLONTÉ DU PROPRIÉTAIRE 448
§ I. UNE PROCÉDURE D’EXPROPRIATION ADAPTÉE À LA RÉGULARISATION
FONCIÈRE 452
A. UTILITÉ PUBLIQUE DE LA RÉSORPTION DE L’OCCUPATION SANS TITRE
OUTRE-MER 455
1) Un outil efficient de régularisation foncière à disposition des propriétaires
publics 456
2) La régularisation foncière relève de l’utilité publique en présence de
certaines circonstances 458
B. CONTRÔLE DU BILAN « COÛT-AVANTAGES » DE LA DÉCLARATION
D’UTILITÉ PUBLIQUE DE LA RÉGULARISATION 460
1) Un contrôle « in concreto » 460
2) Un contrôle d’opportunité 462
§ II. DÉLAIS DE L’EXPROPRIATION AUX FINS DE RÉGULARISATION FONCIÈRE
463
A. ADAPTATION DES PHASES DE L’EXPROPRIATION À LA RÉGULARISTION

772
TABLE DES MATIERES
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

FONCIÈRE D’UTILITE PUBLIQUE 464


1) Une possible réduction de la phase administrative aux fins de régularisation
foncière 465
2) Une phase judiciaire peut compressible, mais cumulable et négociable 469
B. EXTENSION POSSIBLE DES PROCÉDURES D’URGENCE OU SPÉCIFIQUES À
LA RÉGULARISATION FONCIÈRE 472
1) L’adaptation des procédures d’urgence et d’extrême urgence à la
régularisation foncière 473
2) L’extension possible des procédures spécifiques, à la régularisation foncière
475
CHAPITRE II – RÉGULARISATION DANS LE DOMAINE DE L’ÉTAT : UNE
MEILLEURE RÉPARTITION DE LA MAITRISE FONCIÈRE OUTRE-MER 480
SECTION I – GOUVERNANCE FONCIÈRE LOCALE ET RÉGULARISATION
FONCIÈRE 483
§ I. TRANSFERT DE LA RESPONSABILITÉ JURIDIQUE ET FINANCIÈRE DE LA
RÉGULARISATION FONCIÈRE 485
A. CHOIX D’UNE GOUVERNANCE FONCIÈRE LOCALE POUR UNE
PROBLÉMATIQUE D’INTÉRÊT PUBLIC LOCAL 488
1) Préconisations en matière de gouvernance foncière locale 488
2) Réalisations, modalités et interrogations 490
B. APPORTS D’UNE GOUVERNANCE LOCALE PARTAGÉE 496
1) Vertus d’une gouvernance partagée de la régularisation foncière 496
2) Une coopération nécessaire avec les communes et intercommunalités 500
§ II. TRANSFERT DE LA RESPONSABILITÉ DE LA POLICE DE L’OCCUPATION
SANS TITRE OUTRE-MER 502
A. TRANSFERT DES DISPOSITIFS DE GESTION DE L’OCCUPATION SANS TITRE
DU DOMAINE PUBLIC AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES BÉNÉFICIAIRES ? 503
B. INTRODUCTION D’UN PROCESSUS DE JUDICIARISATION ET DE MÉDIATION
PÉRENNES ? 510
SECTION II – STRATÉGIES D’AMÉNAGEMENT ET RÉGULARISATION
FONCIÈRE 515
§ I. EFFET LEVIER DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS FONCIERS 518
A. LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS FONCIERS LOCAUX DE MARTINIQUE, DE
GUADELOUPE ET DE LA RÉUNION : DES FACILITATEURS DE PROCÉDURES 524
1) Les EPFL disposent de moyens pouvant faciliter la régularisation foncière
524
2) L’exemple des EPFL de Martinique, Guadeloupe et La Réunion 532
B. LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS D’AMÉNAGEMENT DE LA GUYANE ET DE

773
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

MAYOTTE : DES LEVIERS EXTENSIBLES OUTRE-MER ? 537


1) L’EPFA de Guyane, un outil d’aménagement performant 538
2) L’EPFA de Mayotte, un levier de régularisation foncière à évaluer 544
§ II. IMPACT D’UNE ALLIANCE ENTRE LES RÉGIONS ET
INTERCOMMUNALITÉS EN MATIÈRE D’AMÉNAGEMENT 546
A. LES INTERCOMMUNALITÉS, DES ACTEURS DE PROXIMITÉ AU SERVICE DE
L’AMÉNAGEMENT DU FONCIER À RÉGULARISER OUTRE-MER 548
1) Une action conjuguée au niveau local 549
2) Une action communale performante et renforcée par l’intercommunalité 550
B. LES OUTILS JURIDIQUES CONTRACTUELS DE L’AMÉNAGEMENT DES
SECTEURS À RÉGULARISER 552
1) Contractualisation, conférences, et conventions 552
2) Le cas de sociétés publiques locales d’aménagement (SPLA) 555
TITRE II – ÉMERGENCE D’UN VÉRITABLE DROIT DE LA
RÉGULARISATION FONCIÈRE OUTRE-MER 558
CHAPITRE I – UNE RÉGULARISATION FONCIÈRE À AXER SUR LA
DIGNITÉ HUMAINE ET FINANCIÈRE 561
SECTION I – LA DIGNITÉ HUMAINE, LIMITE AU DROIT DE PROPRIÉTÉ 562
§ I. LA DIGNITÉ HUMAINE : FONDEMENT DE LA RÉGULARISATION 565
A. UNE PRIMAUTÉ RECONNUE PAR LA LOI, LA DOCTRINE ET LA
JURISPRUDENCE 567
1) Une préoccupation mondiale qui justifie la régularisation foncière 568
2) Sur le plan national, une composante de l’ordre public légitimant la
régularisation foncière 571
B. L’ACCÈS À LA PROPRIÉTÉ FONCIÈRE, VECTEUR DE DIGNITÉ HUMAINE 577
1) Une légalité foncière vectrice de dignité humaine 577
2) Une régularisation foncière qui doit faire de l’humain une fin et non un
moyen politique 579
§ II. LE DROIT AU LOGEMENT DIGNE ET DÉCENT PROTÉGÉ PAR LA
REGULARISATION FONCIÈRE 581
A. UN CONTENU CONCRET CONFÉRÉ À LA RÉGULARISATION FONCIÈRE 585
1) Le régularisation foncière vectrice de production de logements réhabilités
586
2) Le lieu d’une conciliation effective par la régularisation foncière 587
B. UN LEVIER D’ACTION AU PROFIT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES 592
1) Premier cas : un droit à la régularisation foncière conditionné 594
2) Second cas : Un devoir de régularisation foncière conditionné 594
3) Troisième cas : une option de régularisation foncière discrétionnaire 595
4) Dans tous les cas, un accompagnement juridique et social nécessaire 596

774
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

SECTION II – LA DIGNITÉ, MOTIF DES OUTILS FINANCIERS DÉDIÉS À LA


RÉGULARISATION FONCIÈRE OUTRE-MER 597
§ I. AUTONOMIE FINANCIÈRE POUR UNE GOUVERNANCE LOCALE DE LA
RÉGULARISATION FONCIÈRE ? 599
A. UNE INSUFFISANCE DE RESSOURCES LOCALES DÉDIÉES À LA
RÉGULARISATION FONCIÈRE 601
1) Des collectivités territoriales bénéficiant de ressources propres 601
2) Insuffisantes pour faire face à la régularisation foncière 603
B. UN ENDETTEMENT LOCAL PÉNALISANT POUR LA RÉGULARISATION
FONCIÈRE 604
1) Une masse budgétaire importante 605
2) Un endettement persistant 608
§ II. MOYENS FINANCIERS DÉDIÉS À LA RÉGULARISATION FONCIÈRE OUTRE-
MER ? 610
A. SUBTILITÉS DU PRINCIPE DE COMPENSATION DANS LE CADRE DE LA
RÉGULARISATION FONCIÈRE 613
1) Nécessité d’une compensation financière aux transferts de parties de la zone
613
2) Nécessité d’un transfert des dispositifs de régularisation foncière 615
B. UN FINANCEMENT DÉDIÉ À LA RÉGULARISATION FONCIÈRE OUTRE-MER
616
1) Affectation de produits et ressources à la régularisation foncière 616
2) Sans complication fiscale ni accentuation des inégalités 618
CHAPITRE II – UN DROIT DE LA RÉGULARISATION FONCIÈRE SUI
GENERIS DANS UN CORPUS JURIDIQUE DÉDIÉ 622
SECTION I – LÉGALISATION DE RÉGULARISATIONS DÉDIÉES AU VU
DES SPÉCIFICITÉS LOCALES 624
§ I. PRISE EN COMPTE DES COUTUMES ET PARTICULARISMES LOCAUX 627
A. EN GUYANE FRANÇAISE : L’ENJEU D’UNE MEILLEURE RÉPARTITION DU
DOMAINE PRIVÉ 629
1) Des droits de propriété coutumiers à prendre en compte 630
2) Une meilleure gestion et répartition de la maîtrise foncière à favoriser 633
B. À MAYOTTE : UN SYSTÈME DE PROTECTION FONCIÈRE DUAL À
VALORISER 640
1) Dérives de la régularisation par le droit commun en zones rurale et urbaine
640
2) Droit coutumier et droit commun : un même objectif de protection foncière
643

775
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REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

§ II. PRISE EN COMPTE DE PRATIQUES ET PROCÉDÉS PARALLÈLES 647


A. ENJEU DE L’ADMISSION DE LA PRESCRIPTION ACQUISITIVE SOUS
CONTRÔLE JUDICIAIRE 649
1) L’usucapion de type « historique » 650
2) Le contrôle judiciaire dans le cadre d’un processus de judiciarisation 652
3) La possibilité du développement d’une usucapion transactionnelle 654
B. PROCÉDÉS PARALLÈLES DE RÉGULARISATION À FAVORISER 655
1) Apports de la « Loi Letchimy » du 27 décembre 2018 sur l’indivision 656
2) Contribution et révision du bail emphytéotique 658
3) Contribution des procédures de titrement relevant de la loi du 27 mai 2009
659
4) Contribution des procédures de biens sans maître à la régularisation foncière
661
5) Contribution des procédures d’abandon manifeste à la régularisation
foncière 662
6) Mobilisation des outils législatifs de la loi ALLUR du 24 mars 2014 663
SECTION II – UN CORPUS JURIDIQUE DÉDIÉ À LA SÉCURITÉ JURIDIQUE
ET FONCIÈRE 664
§ I. UN CORPUS JURIDIQUE VECTEUR DE SÉCURITÉ FONCIÈRE 667
A. RÉGULARISATION FONCIÈRE ET RÉSORPTION DE L’HABITAT INSALUBRE
OU INDIGNE 669
1) Notions d’habitat indigne ou insalubre et dispositifs d’éradication 670
2) Apport de la « loi LETCHIMY sur l’habitat » 673
3) Effets inattendus de la renonciation à la présomption de propriété des
constructions sur l’aménagement 675
B. RÉGULARISATION FONCIÈRE ET PRÉVENTION DES RISQUES NATURELS ET
ENVIRONNEMENTAUX 680
1) Respect des préconisations du plan de prévention des risques naturels et
technologiques (PPRNT) 680
2) Respect de l’environnement et du développement durable 683
3) Auto-construction et permis de lotir ou d’aménager 685
§ II. DES DISPOSITIFS LÉGAUX DÉDIÉS VECTEURS DE SÉCURITÉ JURIDIQUE
687
A. UN DROIT DE LA RÉGULARISATION FONCIÈRE SUI GENERIS À MOYENS
ÉGAUX 690
1) Cadre juridique classique de l’acte authentique notarié ou administratif 692
2) Cessions globales par arrêté préfectoral ou par acte administratif 700
3) Autres modalités de régularisation foncière 702
4) Légalisation de solutions juridiques communes, étatiques ou locales 704

776
TABLE DES MATIERES
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

5) Démocratie participative et intervention de tiers « boosters » de procédures


710
B. UNE EVOLUTION LEGISLATIVE POUR JUGULER L’OCCUPATION SANS
TITRE DANS LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA

CONSTITUTION 711
1) Motifs d’une évolution législative pour résorber l’occupation sans titre
outre-mer 712
2) Insertion dans le cadre législatif existant et modalités pratiques 715

CONCLUSION GÉNÉRALE 723


BIBLIOGRAHIE 730

I – TRAITÉS, MANUELS, OUVRAGES, THÈSES 730


II – REVUES SPECIALISÉES, ARTICLES ÉLECTRONIQUES 734
III - RAPPORTS 738
IV – JURISCLASSEURS, ENCYCLOPÉDIES, BULLETINS OFFICIELS 740
V - COLLOQUES ET SÉMINAIRES 741
VI - ENTRETIENS 741
VII - JURISPRUDENCE 742
CONSEIL CONSTITUTIONNEL 742
TRIBUNAL DES CONFLITS 743
TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS 744
JURIDICTIONS ANCIENNES 748
TRIBUNAUX JUDICIAIRES 748
INSTANCES EUROPÉENNES 749
VIII – TEXTES NORMATIFS 750
IX – TRAITES, TEXTES EUROPÉENS ET INTERNATIONAUX 755
X - RÉPONSES MINISTÉRIELLES 755
XI - ARTICLES DE JOURNAUX QUOTIDIENS 756
XII - PRINCIPAUX SITES INTERNET CONSULTÉS 756
INDEX 759
TABLE DES MATIÈRES 765
ANNEXES 778

PROPOSITION DE LOI VISANT À RÉSORBER L’OCCUPATION SANS TITRE


OUTRE-MER, DANS LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73
DE LA CONSTITUTION 813

777
TABLE DES MATIERES
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

ANNEXES
1. Zone des cinquante pas géométriques : schéma domaine public maritime
2. Zone des cinquante pas géométriques : Guadeloupe
3. Zone des cinquante pas géométriques Guyane
4. Zone des cinquante pas géométriques La Réunion
5. Zone des cinquante pas géométriques Martinique
6. Zone des cinquante pas géométriques Mayotte
7. Arrêt du Conseil souverain de Martinique 3 mars 1670
8. Dépêche ministérielle de M. De Moras du 3 décembre 1757
9. Schéma procédure EPAG Guyane
10. Schéma procédure cession Agence 50 pas géométriques Guadeloupe
11. Schéma procédure cession Agence 50 pas géométriques Martinique
12. Situations de régularisation foncière au regard des règles du droit applicables
13. Tableau dispositifs de régularisation foncière existant dans zone des 50 pas
14. Modèle acte de vente reçu en la forme authentique administrative
15. Éléments historiques sur les collectivités territoriales de l’article 73 de la
Constitution
16. Proposition de loi visant à résorber l’occupation sans titre dans les collectivités
territoriales de l’article 73 de la Constitution
17. Photos et images de quartiers auto-construits et de littoraux occupés dans les
collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution

ANNEXES
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Annexe 1 - Schématisation de la zone des 50 pas géométriques outre-mer

779
ANNEXES
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Annexe 2 - Zone des 50 Pas géométriques Guadeloupe

780
ANNEXES
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Annexe 3 - Zone des 50 pas géométriques Guyane française

781
ANNEXES
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Annexe 4 - Zone des 50 pas géométriques La Réunion

782
ANNEXES
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Annexe 5 - Zone des 50 pas géométriques - Martinique

783
ANNEXES
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Annexe 6 - Zone des 50 pas géométriques de Mayotte

784
ANNEXES
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Annexe 7 - Arrêt du conseil souverain de Martinique du 3 mars 1670

785
ANNEXES
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Annexe 8 - Dépêche ministérielle de M. de Moras

786
ANNEXES
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

787
ANNEXES
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

788
ANNEXES
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Annexe 9 - Schéma procédure EPFAG Guyane

789
ANNEXES
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Annexe 10 - Schéma procédure Agence des 50 pas géométriques de Guadeloupe


Cf. : http://www.ag50pas-guadeloupe.fr/homepage/procedure/.

790
ANNEXES
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Annexe 11 - Schéma procédure Agence 50 pas géométriques Martinique

791
ANNEXES
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Annexe 12 - Situations de régularisation foncière

792
ANNEXES
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

793
ANNEXES
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Annexe 13 - Principaux dispositifs existants de régularisation foncière dans la ZPG

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ANNEXES
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Annexe 14 - Acte authentique reçu en la forme administrative - Clauses principales

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ANNEXES
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Annexe 15 - Éléments historiques sur les collectivités de l'article 73 de la Constitution

ELEMENTS HISTORIQUES SUR LES COLLECTIVITES


TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

GUADELOUPE
La Guadeloupe, département et région française d’outre-mer (DROM-ROM) et
région ultrapériphérique, est située à 6700 kilomètres de la France, au cœur de l’arc
des Antilles. Il s’agit d’un archipel de 1702 kilomètres carrés, composé de la
Guadeloupe continentale (Basse-Terre qui fait 848 km2 et Grande-Terre d’une
superficie de 590 km2), de l’Archipel des Saintes qui accuse une superficie de 14 km2,
de La Désirade, d’une superficie de 22 km2 et de Marie-Galante qui fait 158 km2. Son
chef-lieu est la commune de Basse-Terre. Elle est régie par l’article 73 de la
Constitution et constitue une région ultrapériphérique de l’Union européenne (RUP).
Sa population s’élève à 399000 habitants répartis sur 32 communes. La commune de
Pointe-à-Pitre concentre à elle seule 315000 habitants. L’île fut découverte en 1493
par Christophe COLOMB qui débarqua sur Karukera qu’il rebaptisera « Guadeloupe
». Mais elle était déjà habitée au moins 3000 ans avant Jésus-Christ ainsi qu’en
témoignent les vestiges archéologiques découverts. Au VIIIe siècle la Guadeloupe fût
peuplée par les indiens Arawaks puis par les Caraïbes, peuples originaires du
Venezuela. Au XVIIe siècle, sous le patronage d’Armand Jean Du PLESSIS, cardinal
de RICHELIEU, des marchands français fondent la Compagnie des îles d’Amérique
pour organiser la colonisation. Le 28 juin 1635, Charles LIÉNARD de L’OLIVE et
Jean DUPLESSIS, seigneur D’OSSONVILLE, prennent possession de l’archipel en
faisant la guerre aux indiens Caraïbes. De 1643 à 1664, la Ville de Basse-Terre est
fondée par le Gouverneur Charles HOUEL. Des Africains sont amenés dans les
plantations, pour y être réduits en esclavage, pour la culture de la canne à sucre.
Pendant la période de la révolution, la Guadeloupe fût occupée par les troupes
anglaises en 1794, avant d’être reprise par Victor HUGUES, commissaire de la
Convention, qui y proclame l’abolition de l’esclavage. Mais l’esclavage y est rétabli
en 1802 par Napoléon BONAPARTE (NAPOLEON Ier), qui fit réprimer le
soulèvement abolitionniste de Louis DELGRÈS. L’affranchissement définitif des
esclaves fût prononcé par décret du 27 mai 1848, sur proposition de l’abolitionniste
Victor SCHŒLCHER. La Guadeloupe est devenue département français d’outre-mer
par la loi du 19 mars 1946. Avec les lois du 02 mars 1982 et du 07 janvier 1983, dites
« lois Defferre », la Guadeloupe devint une région monodépartementale. À la suite de
la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003, les Guadeloupéen(ne)s, refusèrent la
création d’une collectivité unique. Voir : www.outre-mer.gouv.fr/guadeloupe. Article
consulté le 05 août 2018.

808
ANNEXES
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

GUYANE FRANÇAISE
La Guyane française, collectivité unique située sur le continent Sud-américain,
a des frontières avec le Brésil et le Surinam ; ce qui favorise une forte immigration
étrangère (autre catégorie d’occupants sans titre dont la situation d’occupation n’est
pas concernée par la présente étude). Le chef-lieu de la Guyane est la Ville de Cayenne.
La Guyane fait partie des régions ultrapériphériques (RUP) de l’Union européenne.
Elle est membre associée de l’Association des États de la Caraïbe (AEC), favorisant
les relations économiques, sociales et culturelles dans la Caraïbe. La Guyane compte
260000 habitants répartis sur 22 communes. Sa population intègre différentes tribus :
les indiens Kali’na, les Teko, les Wayana, les Arawak, les Palikur et les Wayapi. Le
territoire de la Guyane est vaste : il s’étend sur 86500 kilomètres carrés. C’est le plus
grand département français. La forêt amazonienne y recouvre une large part, ce qui a
conduit les populations à se concentrer sur le littoral dans les agglomérations de
Cayenne, de Saint-Laurent-du-Maroni, ou de Kourou (qui accueille le Centre spatial
guyanais). Les frontières de la Guyane sont marquées par deux grands fleuves : le
Maroni à l’ouest et l’Oyapock à l’est. C’est un territoire où la biodiversité est très
importante. La Guyane était déjà habitée 5000 ans avant notre ère par des peuples
amérindiens, dont les Arawaks, les Palikurs, et les Caraïbes. En 1498, Christophe
COLOMB longe la côte guyanaise. Plusieurs tentatives européennes échouent à y
installer une colonie durable au cours du XVIe siècle. La Guyane est baptisée « France
équinoxiale » en 1604, mais les maladies et les guerres contre les Amérindiens ont
raison des expéditions successives. Trois catégories d’individus composent la société
guyanaise : les amérindiens (présents dès l’origine), les créoles (système esclavagiste)
et les Bushinenge (qui ont rompu avec la vie esclavagiste du Surinam pour créer les
sociétés maronnes). L’esclavage est aboli en Guyane par les décrets du 27 avril 1848,
sur proposition de Victor SCHŒLCHER, mais l’abolition ne sera proclamée que le 10
juin suivant. Par la loi du 19 mars 1946, la Guyane, tout comme la Martinique, la
Guadeloupe et La Réunion, devient département français. Cette période coïncide avec
la suppression du dernier bagne en Guyane. La Guyane est choisie en 1964 pour
accueillir le premier Centre spatial français, en raison de sa proximité avec l’Équateur.
En 2008, à la suite de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, les
Guyanais refusent le statut de territoire autonome. En 2010, par suite de la loi n° 2010-
1563 du 16 décembre 2010, la région et le département ont fusionné en une collectivité
territoriale unique, la collectivité territoriale de Guyane (CTG). Voir : www.outre-
mer.gouv.fr/guyane. Article consulté le 05 août 2018.

MARTINIQUE
La Martinique, collectivité unique française située à 6858 kilomètres de la
France, dans l’Archipel des Antilles, dont le chef-lieu est la Commune de Fort-de-
France, est régie par l’article 73 de la constitution et constitue une région
ultrapériphérique (RUP). Elle compte en 2016 une population de 400404 habitants
répartie sur 34 communes, et Fort-de-France concentre 95000 habitants. La Martinique
est membre associé de l’Association des États de la Caraïbe (AEC) et de l’Organisation
des États de la Caraïbe orientale (OECO) favorisant les relations économiques,
sociales et culturelles entre les territoires bordant la mer des Caraïbes. Dénommée «
Madinina », l’île est déjà habitée plus de 2000 ans avant Jésus-Christ. Les Arawaks y
étaient présents 100 ans avant l’ère actuelle. Ils y ont été chassés par les indiens
Caraïbes en 1350. Christophe Colomb y débarque le 15 juin 1502. Les français
809
ANNEXES
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

prennent possession de l’île, après le débarquement de Pierre BELAIN


DESNAMBUC, le 15 septembre 1635. Les premiers colons agissent pour le compte
de la Compagnie des îles d’Amérique créée par le Cardinal de RICHELIEU et
développent la culture de la canne à sucre qui sera mise en place au détriment de
milliers d’africains qui seront mis en esclavage et rendus victimes de la traite négrière.
Cette traite sera réglementée en 1685 par la publication du Code noir, par Jean-Baptiste
COLBERT, ministre des finances de Louis XIV. Pendant la période de la révolution,
la Martinique fût conquise par les anglais en 1794 ; ce qui empêcha l’abolition de
l’esclavage. La France reprend possession de la Martinique à la suite du traité
d’Amiens, et Napoléon BONAPARTE y maintient l’esclavage. Pendant la révolution
de 1848, des esclaves se révoltent en Martinique pour l’abolition de l’esclavage, qu’ils
obtiendront le 27 mai 1848. La Martinique est devenue un département français
d’outre-mer, par la loi du 19 mars 1946, sous l’égide d’Aimé CÉSAIRE, poète et
ancien maire de la commune de FORT-DE-FRANCE. En 1982, avec les lois «
Defferre », la Martinique est érigée en région monodépartementale, avant de devenir
une collectivité unique à la suite du référendum de 2010. Voir : www.outre-
mer.gouv.fr/martinique. Article consulté le 05 août 2018.

LA RÉUNION
La Réunion, région française monodépartementale d’une superficie de 2512
kilomètres carrés, est bordée de 210 kilomètres de côtes en majeure partie
inhospitalières. Elle compte 850000 habitants en 2015, répartis sur 24 communes. Les
communes de Saint-Denis, Saint-Paul et Saint-Pierre rassemblent près de 40 % de la
population. La Réunion bénéficie du statut de RUP. L’île a été découverte au début du
XVIe siècle par les Portugais, mais elle avait déjà été découverte par les Arabes.
Nommée « Mascarenhas », en lien avec le navigateur portugais Pedro de
MASCARENHAS, l’île fait partie à ce jour de l’Archipel des MASCAREIGNES. Les
premiers occupants étaient douze mutins exilés de Fort-Dauphin à Madagascar. Ils
sont arrivés sur l’île en 1646, mais ce n’est qu’en 1663 que les français s’y installent
et en font une colonie dénommée « Bourbon ». La traite négrière y fût pratiquée pour
la culture du café, et en 1760 sur 22000 habitants 18000 sont des esclaves, mis à part
les « marrons » (qui s’échappèrent dans les hauteurs). Après la révolution française
l’île est appelée « La Réunion », avant de devenir l’île Bonaparte sous l’Empire.
Occupée par les anglais en 1810, elle fût rétrocédée à la France en 1814. L’esclavage
est officiellement aboli sur l’île le 20 novembre 1848, sous la République. Pour pallier
cette abolition, le système de « l’engagisme » a permis l’arrivée de plus de 100000
travailleurs venus de l’Inde, de la Chine, et de Madagascar. Avec l’effondrement du
cours du sucre en 1865 et malgré la construction d’un chemin de fer en 1882 et le
creusement du port de la Pointe des Galets en 1886, La Réunion connaîtra avec la
première et la seconde guerre mondiale, de lourdes pertes humaines et un blocus. L’île
a acquis le statut de département français en 1946, avec la création d’un conseil
général. En 1982, avec la loi de décentralisation (loi « Defferre »), le conseil régional
fût créé. La Réunion est devenue région européenne en 1992 et région
ultrapériphérique en 1997. Voir : www.outre-mer.gouv.fr/la-reunion. Article consulté
le 05 août 2018.

810
ANNEXES
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

MAYOTTE
Mayotte est devenue Département français d’outre-mer après le référendum du
29 mars 2009. Mayotte est un département français d’une superficie de 37600 hectares
(très exigu), soit le tiers du territoire de la Martinique, le quart de celui de la
Guadeloupe, le septième de celui de La Réunion. Il est situé entre l’équateur et le
tropique du capricorne, à l’entrée du canal du Mozambique, entre Madagascar et
l’Afrique. Il est situé à 1500 kilomètres de La Réunion et à 8000 kilomètres de la
métropole. Mayotte forme la partie orientale de l’archipel des Comores qui est
composé des îles de Mayotte, Anjouan, Mohéli et Grande Comores. La population
Mahoraise compte 212645 habitants en 2012. Le chef-lieu, Mamoudzou, comprend
plus de 57000 habitants. Il s’agit d’un peuple métissé, d’origine bantoue, et par suite
des différentes vagues d’immigration, malgache. La communauté indienne y occupe
une place importante. Mayotte est le département le plus jeune de France (la moitié de
sa population a moins de 17 ans). Ce qui caractérise Mayotte, c’est la forte immigration
clandestine dont elle est l’objet, en provenance des Comores et de l’île d’Anjouan.
Mayotte est formée de deux îles : Grande-Terre d’une superficie de 363 kilomètres
carrés, ayant la forme de l’hippocampe, et Petite-Terre d’une superficie de 11
kilomètres carrés, ancrée sur la barrière de corail à l’Est du Lagon, auxquelles
s’ajoutent une trentaine de petits îlots. Le chef-lieu administratif est Dzaoudzi, mais
l’activité économique est centrée autour de Mamoudzou en Grande-Terre. Plusieurs
civilisations sont à l’origine du peuplement de Mayotte. En effet, entre le Ve et le VIIIe
siècle, il y a eu un peuplement d’origine bantoue, et jusqu’au XVIIIème siècle, des
activités commerciales avec les autres îles, le Canal du Mozambique, Madagascar et
l’Afrique. Puis il y a eu des invasions arabes qui ont apporté la culture swahilie et la
religion musulmane. L’archipel des Comores fût marqué par les rivalités entre
sultanats rivaux. Les portugais et le français débarquèrent à Mayotte vers le XVe
siècle. L’archipel est utilisé comme point de ravitaillement sur la route des Indes. Entre
la fin du XVIIIème siècle et le début du XIXe siècle, Mayotte fait l’objet de razzia
d’esclaves par les malgaches, de guerres de successions, et autres actions. L’île de
Mayotte fût cédée à la France, représentée par le commandant Pierre PASSOT, par le
Sultan ANDRIANTSOULI (ou ANDRIANTSOLY) d’origine malgache, au terme
d’un traité de cession en date du 25 avril 1841, ratifié le 13 juin 1843, pour protection
contre les attaques extérieures. Dès lors Mayotte est devenue colonie française. Entre
1846 et 1886 Mayotte devint une colonie sucrière. L’esclavage y fût aboli en 1846.
Elle devint une société de plantations sous le second Empire, et a recours à des «
travailleurs engagés ». La loi du 25 juillet 1912 fit de l’ensemble comorien, dont
Mayotte, une province de la colonie de « Madagascar et dépendances ». À la suite des
révoltes de 1915 et de 1940, l’archipel des Comores est devenu Territoire d’outre-mer
(TOM) en 1946, avec une autonomie administrative et un chef à Dzaoudzi. La
première rupture entre Mayotte et les Comores eu lieu dans les années 1957-1958.
Mayotte, à plus de 80 % des électeurs, choisit le statut de département français d’outre-
mer, alors que le reste des Comores choisit celui de territoire d’outre-mer. En
décembre 1974, lors du référendum sur l’indépendance des Comores, Mayotte est la
seule des quatre îles à avoir manifesté sa volonté de rester française (63,8 % des
suffrages). Par un autre référendum du 8 février 1976, Mayotte a confirmé à 99,4 %
des voix sa volonté de rester française. La loi n°76-1212 du 24 décembre 1976 lui
accorda le statut provisoire de collectivité territoriale. La départementalisation de
Mayotte fut contestée à l’ONU par SAMBI, Président des Comores. Dans sa résolution
811
ANNEXES
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

n° 31/4 du 21 octobre 1976, l’assemblée générale de l’ONU condamna la présence de


la France à Mayotte, comme constituant « une violation de l’unité nationale, de
l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la République indépendante des Comores
». La loi postérieure du 22 décembre 1979 posa les bases d’une consultation des
Mahorais sur le statut de Mayotte. Aux termes d’une consultation qui eut lieu le 2
juillet 2000, Mayotte se prononça à 72,94 % en faveur d’un accord sur son avenir
institutionnel. La loi n°2001-616 du 11 juillet 2001, dote Mayotte du statut de «
collectivité départementale ». La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 fait entrer
Mayotte dans la République française par son inscription à l’article 72-3 qui fait de
Mayotte une collectivité d’outre-mer régie par l’article 74 de la constitution. La loi
organique du 21 février 2007 applique à Mayotte le régime de l’identité législative. Le
18 avril 2008 le conseil général de Mayotte vote à l’unanimité une résolution
demandant que Mayotte soit soumise au statut de département et région d’outre-mer.
À la suite du référendum du 29 mars 2009, Mayotte s’est prononcée à 95,2 % pour la
création d’une collectivité unique de l’article 73 de la constitution, exerçant les
compétences d’un département et d’une région d’outre-mer. La loi organique du 7
décembre 2010 prévoit l’organisation et le fonctionnement de ladite collectivité. Le 31
mars 2011, le département de Mayotte est devenu le cent-unième département de
France et le cinquième département d’outre-mer. Voir : http://www.outre-
mer.gouv.fr/mayotte-histoire et www.mayotte.pref.gouv.fr/politiques-publiques.
Consulté le 04 octobre 2016.

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ANNEXES
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Annexe 16 – Proposition de loi

PROPOSITION DE LOI VISANT À RÉSORBER


L’OCCUPATION SANS TITRE OUTRE-MER, DANS
LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DE
L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Sous l’appellation : « Des régularisations foncières de l’occupation sans titre du


domaine public et du domaine privé dans les collectivités territoriales de l’article 73 de la
Constitution », le code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP ou CG3P)
renverrait aux procédures améliorées applicables à la zone des 50 pas géométriques, à une
extension de ces dispositifs comme moyens de régularisation foncière à la disposition des
communes, départements, régions et collectivités uniques situées outre-mer, et à des
procédures spécifiques de régularisations foncières dédiées qui seraient applicables à
l’occupation sans titre du domaine privé desdites personnes publiques, dont la mise en place
est primordiale dans les collectivités territoriales relevant de l’article 73 de la Constitution.
L’Etat bénéficie de dispositifs légaux de régularisation foncière. Ce n’est pas le cas
pour les communes, régions, départements et collectivités uniques situés outre-mer.
Il est nécessaire de reconnaître le caractère d’intérêt public, voire d’utilité publique,
de la régularisation foncière outre-mer, et de lui conférer des cadres juridiques et
procéduraux légaux, vecteurs de sécurité juridique et foncière, dans le cadre de la mise en
place d’un droit spécifique à la régularisation foncière outre-mer, adapté aux réalités locales.
La proposition de loi ci-après s’appuie sur les constats effectués en amont et comprend
les articles suivants, dont la liste n’est pas exhaustive.
Titre Ier : Favoriser le passage d’une régularisation foncière à moyens inégaux à une
régularisation foncière d’intérêt public.
Article 1 : La régularisation foncière revêt un caractère d’intérêt public outre-mer,
principalement dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution, régies par le
principe de l’identité législative, où elle nécessite un encadrement juridique adapté.
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Article 2 : Les procédures de régularisations foncières réalisées par les personnes


publiques situées outre-mer, doivent s’appuyer sur le cadre juridique légal dédié. Ce cadre,
commun et pérenne, vise à accorder des moyens juridiques et financiers égaux de
régularisation foncière auxdites personnes publiques.
Article 3 : La régularisation foncière peut faire l’objet d’une déclaration d’utilité
publique, dans des conditions lorsqu’elle revêt un caractère d’utilité publique outre-mer,
notamment en cas de carence de l’initiative privée ou publique ou de blocage des procédures.
Dans ce cadre, elle peut faire l’objet d’une procédure d’urgence ou spécifique.
Chapitre Ier – Domaine privé des collectivités de l’article 73 de la Constitution :
Section I : Encadrement juridique de la régularisation foncière amiable
Article 4 : La décision de régularisation foncière amiable, par cession de droits réels,
doit être juridiquement encadrée et respectueuse de la hiérarchie des normes, de la dignité
de la personne humaine et des principes de légalité, d’égalité et d’équité.
Article 5 : Le bénéficiaire de la régularisation foncière est l’occupant sans titre ayant
édifié ou fait édifier sa construction sur le domaine régularisé, ou à défaut, ses héritiers,
ayants droit ou ayants cause.
Article 6 : La décision de régularisation foncière doit contribuer à prévenir tout
contentieux par une juste appréciation de la qualité de l’acquéreur ou du bénéficiaire.
Cette qualité est attestée par la production de tous justificatifs attestant de l’édification
de la construction par lui-même ou pour son compte (contrats de construction, factures de
travaux de construction, attestations de professionnels, autorisations d’urbanismes, etc.) ou
par tout acte d’acquisition de la construction, dressé en la forme authentique ou sous seing
privé avec certification de signatures.
Cette qualité est attestée pour les héritiers et ayants droit, par la production d’un acte
de notoriété après décès de l’occupant initial, ou de tout acte notarié de succession attestant
de la dévolution successorale de l’occupant initial prédécédé (attestation immobilière,
partage, etc.), ou tout justificatif équivalent. L’acte de notoriété fait foi de la qualité des
ayants droit en matière successorale. Il demeure l’instrument privilégié de la preuve des
qualités héréditaires, pour la cession au profit des ayants droit du terrain d’assiette de la
construction de leur auteur.
Compte tenu de la difficulté rencontrée par certains occupants pour l’obtention d’un
acte de notoriété, le greffier près le tribunal d’instance est compétent pour la délivrance de
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

cet acte de notoriété, seulement au profit des familles pouvant bénéficier de l’aide à
l’acquisition, dans le cadre des procédures de régularisation foncière.
Article 7 : À défaut de production d’un acte de notoriété ou de tout autre acte attestant
de ses droits sur la construction par le requérant, dans les conditions susmentionnées, et au
vu des preuves attestant des diligences effectuées à l’effet de les obtenir (courriers adressés
en recommandé et autres diligences.), le terrain est vendu à l’occupant à charge pour lui
d’indemniser les héritiers, ayants droits ou ayants cause des occupants initiaux qui
viendraient à se présenter, et de faire son affaire personnelle de tous litiges éventuels.
Article 8 : En cas de disparition de la construction initiale, le terrain d’assiette est
vendu à l’occupant qui l’a fait reconstruire à ses frais, risques et périls, ou qui a pratiqué une
rénovation lourde de la construction dans les mêmes termes.
Article 9 : Tout refus d’acquérir de la part d’un héritier ou ayant droit fait l’objet, soit
d’une renonciation au greffe du tribunal d’instance si ce dernier veut renoncer à l’intégralité
de la succession de son auteur, soit d’un simple courrier de désistement adressé à l’exécutif
local, avec certification de signature, s’il n’entend renoncer qu’à la simple faculté d’acquérir
le terrain d’assiette de la construction de son auteur édifiée sur le terrain d’autrui. Dans ce
dernier cas, le sort des droits de l’ayant droit désintéressé sur la construction est précisé dans
le courrier de désistement, par l’indication d’un désistement pur et simple ou à titre onéreux.
En cas de désistement à titre onéreux, le quittancement de la somme due doit y être porté.
Article 10 : La décision de régularisation foncière peut intervenir au profit de toute
personne physique remplissant ses conditions. Elle peut intervenir au profit d’une personne
morale de type « SCI familiale » regroupant les occupants initiaux et leurs héritiers, ou en
cas de décès des occupants initiaux, leurs héritiers et ayants droit.
Article 11 : Des montages juridiques optimisateurs de la régularisation foncière par
cession, peuvent être adoptés par la personne publique, à la demande écrite des acquéreurs.
Il s’agit des acquisitions en démembrement de propriété (usufruit pour l’occupant initial et
nue-propriété pour les héritiers), des acquisitions croisées, des acquisitions au vu de
désistements de certains ayants droits, sans que cette liste soit limitative, sous réserve de ne
pas conduire à un abus de droit.
Article 12 : La décision de régularisation foncière doit se prononcer de manière
expresse sur les caractéristiques et conditions particulières de la cession. Ces caractéristiques
et conditions doivent prendre en compte les paramètres suivants : détermination de
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l’acquéreur, délimitation et désignation cadastrale du bien à céder, détermination du prix de


cession, identification des aides à l’acquisition applicables, application de mesures anti-
spéculatives, précisions sur les avant-contrats, modalités particulières d’acquisition, et autres
caractéristiques de la vente.
Article 13 : Par souci d’équité et d’égalité de traitement, et pour tenir compte des
difficultés que rencontrent certains occupants à solder le prix de vente, les dispositifs de
l’aide exceptionnelle à l’acquisition applicables aux occupants de la zone des cinquante pas
géométriques outre-mer, résultant de l’article 3 de la loi du 30 décembre 1996, sont
expressément étendus aux procédures de régularisation foncière conduites par les
collectivités territoriales situées outre-mer (communes, départements, régions, collectivités
uniques), et leurs établissements publics, pour juguler l’occupation sans titre de leurs
domaine public et privé.
La décision de régularisation foncière prise par l’organe délibérant doit préciser les
dispositifs d’aide à l’acquisition et viser le texte de loi ou le dispositif légal qui le justifie.
Corrélativement, un droit de préemption est institué au profit des personnes publiques
propriétaires sus nommées, en cas de revente du bien acquis grâce à l’aide exceptionnelle,
dans un délai de deux ans à compter de la publicité foncière de l’acte d’acquisition.
Ce droit de préemption doit être purgé au moment de la revente du bien. La décision
de renonciation au droit de préemption doit être annexée à l’acte de vente et visée par le tiers
acquéreur.
Article 14 : En cas de refus de signature de l’acte de vente par un ou des ayants droit,
lorsque toutes les conditions de la régularisation foncière sont remplies, et à moins d’un juste
motif notifié par courrier recommandé avec accusé de réception pou par acte extra-judiciaire,
les dispositions de la loi n° 2018-1244 du 27 décembre 2018 visant à faciliter la sortie de
l’indivision successorale et à relancer la politique du logement outre-mer sont étendues aux
opérations de régularisation foncière menées par les personnes publiques dans les
collectivités territoriales situées Outre-mer, dans les cas d’acquisition du terrain d’assiette
de la construction de leur auteur par plusieurs indivisaires. Et ce, dans la mesure où le terrain
appartient en pleine propriété au vendeur qui en dispose.
Ladite loi est déclarée expressément applicable aux opérations de régularisation
foncière, pour favoriser la signature de l’acte d’acquisition du terrain d’assiette de la
construction de l’occupant initial prédécédé, par ses ayants droit ou ayants cause, dans le
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cadre d’une opération de régularisation foncière.


Article 15 : Chaque fois que la régularisation foncière par cession n’est pas possible,
et si rien ne s’y oppose, la régularisation foncière peut être conduite par l’emploi de procédés
alternatifs à la cession, dont certains font l’objet de mesures complémentaires d’encadrement
aux présentes.
Article 16 : Quand la cession pure et simple est impossible dans l’immédiat, les baux
de longue durée constitutifs de droits réels, peuvent être utilisés, dans le cadre de la
régularisation foncière, par exception à certains dispositifs légaux traditionnels. Toutefois,
la sortie de ces contrats qui immobilisent la propriété du bailleur pendant de longues années,
favorisent une attribution des constructions au bailleur en fin de bail. Ainsi, au moment de
la régularisation foncière au profit du preneur, le bailleur est lié par une cession du terrain et
de la construction, ce qui augmente le coût de l’acquisition pour le preneur. L’objet de la
présente disposition est de permettre la cession par le bailleur au profit du preneur, en cours
ou en fin de bail, à des conditions à déterminer librement entre les parties. Dans ce cadre, il
pourra notamment être prévu au contrat que la construction reviendra au preneur en fin de
bail, moyennant indemnisation du bailleur et un loyer revu à la hausse en faveur du bailleur.
Article 17 : Les ventes et actes de cessions de droits réels démembrés (usufruit, droit
de superficie et droits assimilés), peuvent être consentis par le propriétaire au profit de
l’occupant sans titre, pour régulariser son occupation, quand la cession en pleine propriété
s’avère impossible dans l’immédiat, aux conditions ordinaires et de droit en pareille matière.
Section II : Reconnaissance de l’utilité publique de la régularisation foncière
Article 18 : En cas de carence du propriétaire, personne publique ou privée, ou à défaut
d’initiative provenant d’eux, et en présence d’une nécessité d’ordre public, ou d’un intérêt
public avéré de régularisation foncière, et particulièrement d’une menace à la dignité de la
personne humaine, au droit au logement, et à d’autres libertés fondamentales, la
régularisation foncière peut être déclarée d’utilité publique, aux termes d’une déclaration
d’utilité publique. À cet effet, les dispositions prévues au code de l’expropriation et par les
textes subséquents sont applicables aux présentes, dans la mesure de leur compatibilité.
Article 19 : La déclaration d’utilité publique de la régularisation foncière peut
concerner le domaine privé d’une personne publique ou la propriété d’une personne privée.
L’intérêt de la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique de
régularisation foncière doit être vérifié en amont, par le respect du bilan « coût-avantages ».
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

Article 20 : La procédure d’expropriation d’utilité publique doit s’adapter à l’urgence


de la régularisation foncière d’utilité publique, dans ses délais et dans ses deux phases.
Dans ce cadre, la durée des phases administrative et judiciaire de l’expropriation est
raccourcie, par la prise en compte automatique des enquêtes et opérations déjà diligentées
en amont des procédures de régularisation foncière.
Article 21 : Les procédures d’urgence et d’extrême urgence sont étendues à la
régularisation foncière d’utilité publique, lorsque sont en jeu la sauvegarde de la dignité de
la personne humaine et le droit au logement digne ou décent, dans la mesure de leur
compatibilité.
Chapitre II – Gouvernance foncière de la zone des cinquante pas géométriques
Section I : Une gouvernance foncière locale assortie d’une police de l’occupation sans
titre outre-mer et de moyens financiers dédiés.
Article 22 : La régularisation foncière, nécessaire à la résorption de l’occupation sans
titre dans les collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution, est déclarée d’intérêt
public local. Elle est donc soumise à une gouvernance foncière locale.
Article 23 : Dans les secteurs urbains et d’urbanisation diffuse de la zone des cinquante
pas géométriques, la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-
mer organise un transfert desdites zones à la région de Guadeloupe et à la collectivité
territoriale de Martinique. En complément de cette législation qui laisse de nombreux points
dans l’ombre, la priorité est donnée à une gouvernance foncière locale partagée, dans lesdites
collectivités territoriales, avec les collectivités territoriales de proximité que sont les
communes et avec les communautés de communes.
Dans les secteurs naturels de la zone des cinquante pas géométriques, la priorité est
donnée à la protection des zones naturelles, dans le respect de la charte de l’environnement.
Leur gestion reste confiée au Conservatoire du littoral et des rivages lacustres (CLRL) ou à
l’Office national des forêts (ONF) selon les cas. La création d’une structure unique, pour
optimiser la gestion du foncier naturel et éviter les chevauchements, est préconisée.
Article 24 : Une gouvernance foncière locale partagée est à privilégier. Les
contributions des communes, départements, régions, collectivités uniques et DE leurs
établissements publics, sont valorisées aux sein de contrats de partenariats public-public.
Article 25 : Les intercommunalités ont un rôle primordial à jouer en matière de
régularisation foncière. Elles doivent être sollicités, sur tout projet de régularisation foncière
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touchant tout ou partie de leur champ d’intervention territorial. Des contrats de partenariat
peuvent être régularisées également à ce stade.
Article 26 : La gouvernance foncière locale de la régularisation foncière est
nécessairement assortie d’un transfert des moyens juridiques, financiers, matériels et
humains, et notamment du transfert ou de l’extension des dispositifs juridiques et financiers
existants, nécessaires à la mise en œuvre de la régularisation foncière et à l’aménagement
des secteurs occupés sans titre dans la zone des cinquante pas géométriques, dans la mesure
de leur compatibilité avec les situations réelles.
La loi ADOM du 14 octobre 2015 est complétée en ce sens.
Article 27 : Dans le cadre d’une gouvernance foncière locale, une véritable police de
la conservation et de la protection du domaine public et privé outre-mer, doit être mise en
œuvre par les collectivités bénéficiaires, afin de résorber l’occupation sans titre existante et
d’anticiper les occupations sans titre nouvelles. Cette police aura le pouvoir de relever les
atteintes à l’intégrité du domaine public et les violations de la propriété privée des personnes
publiques.
Article 28 : Aux effets ci-dessus, les dispositifs codifiés dans le code général de la
propriété des personnes publiques (CG3P ou CGPPP), notamment ceux prévus au Titre Ier,
aux articles L5111-1 et suivants dudit code, issus d’une lente maturation politique et
juridique, sont maintenus pour la régularisation foncière des secteurs urbains et
d’urbanisation diffuse confiés à la région de Guadeloupe et à la collectivité unique de
Martinique par la loi ADOM du 14 octobre 2015, dans la mesure de leur comptabilité.
Article 29 : Les dispositifs de cession codifiés dans le CG3P, notamment ceux prévus
au Titre Ier, aux articles L5112-4 et suivants dudit code, en faveur des communes, des
organismes d’habitats sociaux et des personnes physiques, sont étendus aux opérations de
régularisation foncière menées par les personnes publiques locales (communes,
départements, régions, collectivités uniques), pour résorber l’occupation sans titre des
secteurs urbains et d’urbanisation diffuse de leur domaine public et celle de leur domaine
privé.
Article 30 : Les dispositifs relatives à l’aide exceptionnelle à l’acquisition, énoncées à
l’article 3 de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996, sont expressément étendues aux
opérations de régularisation foncière mises en place par les communes, départements,
régions et collectivités uniques, situés outre-mer, sous réserve du respect de leurs conditions
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de mise en œuvre.
Article 31 : Un processus de judiciarisation pérenne est mis en place, afin de permettre
le contrôle juridique des titres de propriété détenus dans la zone des cinquante pas
géométriques, qui n’ont pas été soumis à la validation des commissions des vérification des
titres de 1955 et de 1996 pour cause de forclusion. Ce processus de judiciarisation permettra
également d’opérer un arbitrage des conflits fonciers sur les propriétés occupées sans
titre. Ce contrôle est confié au juge des référés pour les procédures d’urgence. Il intervient
après épuisement des voies de médiation et conciliation amiables.
Section II : L’indispensable aménagement des secteurs à régulariser outre-mer :
Article 32 : L’aménagement des secteurs U et UD de la zone des cinquante pas
géométriques participe au développement économique et politique de l’outre-mer. La
responsabilité de cet aménagement incombait à l’Etat en tant que propriétaire. Le transfert
de ces secteurs à la région de Guadeloupe et à la collectivité territoriale de Martinique, leur
transfert, de facto, la responsabilité de l’aménagement desdits secteurs. Il est donc transféré
auxdites collectivités les dispositifs légaux, juridiques, financiers et humains affectés à la
régularisation de l’occupation sans titre de ces secteurs.
En conséquence, les moyens financiers et humains des agences des 50 pas
géométriques sont également transférés aux collectivités bénéficiaires, au vu des documents
et bilans requis par la loi ADOM du 14 octobre 2015. Les dispositifs du CG3P, relatifs au
financement de l’aménagement des secteurs urbains et d’urbanisation diffuse de la zone des
cinquante pas géométriques sont transposés aux dites collectivités.
Une dotation complémentaire d’aménagement sera versée par l’Etat aux collectivités
bénéficiaires lors du transfert.
Article 33 : Les intercommunalités sont devenues des acteurs de proximité
incontournables au service de l’aménagement du foncier outre-mer. Leur ingénierie peut être
mise à contribution dans le cadre d’alliances avec les régions et collectivités uniques, par le
biais d’outils juridiques contractuels prévus par le législateur.
Article 34 : Le concours des établissements publics fonciers d’aménagement (EPFA),
disposant d’une ingénierie foncière, peut être sollicité par les personnes publiques
régularisatrices, lors d’opérations de régularisation foncière menée dans des territoires où
ces EPFA sont créés, particulièrement en Guyane et à Mayotte.
Parallèlement, l’ingénierie foncière des établissements publics fonciers locaux (EPFL)
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

peut être mis à contribution, dans les mêmes termes, à la Martinique, à la Guadeloupe, et à
La Réunion.
Article 35 : En outre, des structures spécifiques telles les sociétés publiques locales
d’aménagement (SPLA) et d’autres outils d’aide à l’aménagement, peuvent être créées par
les collectivités bénéficiaires, pour favoriser l’aménagement.
Article 36 : Le coût financier de l’aménagement des secteurs à régulariser doit être
supporté par l’ensemble des acteurs de la régularisation foncière : l’Etat, les personnes
publiques régularisatrices et les occupants sans titre eux-mêmes.
Titre II : Favoriser l’émergence d’un vrai droit de la régularisation foncière outre-mer
La reconnaissance d’une régularisation foncière d’intérêt public, voire d’utilité
publique, fondée sur le respect de la dignité humaine et assortie d’un cadre juridique
général2556, adapté, homogène et pérenne, est nécessaire pour résorber l’occupation sans titre
outre-mer.
Chapitre Ier : Un droit de la régularisation foncière axé sur le respect de la dignité
humaine et financière
Section I : La dignité humaine constitue une limite acceptable au droit de propriété et
confère une dimension éthique de la régularisation foncière
Article 37 : La sauvegarde de la dignité de la personne humaine constitue un
fondement éthique fort de la régularisation foncière d’intérêt public, et doit être préservée
dans le cadre des procédures de régularisation de l’occupation sans titre outre-mer.
Article 38 : L’accès de l’occupant à la propriété foncière, favorisé par le propriétaire,
en vue d’une régularisation foncière de l’occupation sans titre, est reconnu comme vecteur
de dignité de la personne humaine.
En tant que corollaire à la dignité humaine, la recherche de l’accès de l’occupant à un
logement digne et décent constitue un objectif phare de la régularisation foncière.
Article 39 : Lorsque la cession est envisageable, l’accès par l’occupant à la propriété
du terrain d’assiette de sa construction, avec l’accord du propriétaire, doit être priorisé, car
il constitue un axe primordial de régularisation foncière et d’accès à un logement digne,
vecteur de sécurité juridique et foncière, sous réserve d’un encadrement strict.
Article 40 : Dans certains cas peut naître un droit à la régularisation foncière, lorsque

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S’appliquant à toutes les personnes publiques.
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

les critères suivants sont réunis : le propriétaire du sol n’est pas opposé à la régularisation
foncière, l’occupation du logement est à usage d’habitation principale par le requérant, celui-
ci dispose de faibles ressources et ne dispose pas d’un autre logement, l’ancienneté de son
occupation est avérée. Ces éléments participent à la dignité humaine de l’occupant et doivent
générer une protection de la part du législateur, en faisant naître un droit à la régularisation
foncière opposable aux tiers.
Article 41 : Lorsque la cession n’est pas envisageable, et que le maintien sur site de
l’occupant sans titre est compromis, pour raison de sécurité foncière, eu égard notamment à
l’existence de risques naturels ou technologiques, la personne publique a l’obligation de
contribuer au relogement des occupants remplissant les conditions figurant à l’article 37
susmentionné.
En cas de relogement, une indemnisation facilitant le relogement peut être prévue
lorsque la personne publique ne s’est pas opposée à l’édification de la construction, dans les
conditions prévues par les articles 555 et suivants du code civil.
Parallèlement, les dispositifs prévus par la loi Letchimy, dans le cadre de la résorption
de l’habitat insalubre peuvent être mobilisés.
Section II : La dignité financière : nécessité d’outils dédiés à la régularisation foncière.
Article 43 : La régularisation foncière de la situation des occupants sans titre, requiert
un financement dédié, par exception aux principes de non-affectation d’une recette à une
dépense budgétaire2557, et de non-compensation budgétaire2558.
Article 44 : Afin de faciliter cette régularisation foncière, conformément à ce qui est
dit ci-dessus, les dispositions de l’article 3 de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996, relative
à l’aide exceptionnelle à l’acquisition, sont étendues aux opérations de régularisation
foncière effectuées par toute personne publique outre-mer, sous réserve du respect des
conditions de leur mise en œuvre.
Article 45 : Les frais de bornage sont mis à la charge de l’occupant qui désire
régulariser sa situation foncière, dans le cadre de toute opération de régularisation foncière.
Article 46 : En sus de la participation prévue et pour dissuader toute nouvelle
occupation sans titre, une taxe spéciale peut être mise à la charge des occupants sans titre
ayant une faible ancienneté d’occupation. Cette taxe sera affectée à l’aménagement des

2557
Règle d’application du principe d’universalité budgétaire.
2558
Que suppose le même principe d’universalité.
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ANNEXES
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

secteurs occupés peu aménagés et du quartier, par exception aux règles budgétaires.
Article 47 : Les moyens juridiques, financiers, matériels et humains des agences des
50 pas géométriques sont déclarés expressément transférés aux régions et collectivités
uniques qui les remplacent dans la gestion des secteurs urbains et d’urbanisation diffuse de
la zone des cinquante pas géométriques, dans le cadre de la loi ADOM du 14 octobre 2015.
Article 48 : En sus des dispositifs déjà évoqués, la régularisation foncière d’intérêt
public est déclarée éligible à la mobilisation d’instruments financiers d’aménagement, tant
nationaux qu’européens, peut être effectuée.
Des dispositifs nouveaux de financement sont adaptables, sur proposition des
collectivités territoriales concernées, sous réserve de ne pas obérer la fiscalité des ménages.
Chapitre II : Une régularisation foncière ajustée aux réalités locales outre-mer
Article 49 : La résorption de l’occupation sans titre dans les collectivités territoriales
de l’article 73 de la Constitution par la régularisation foncière, est renforcée par la mise en
place d’un cadre juridique dédié général, homogène et pérenne, favorisant la prise en compte
des pratiques et usages locaux compatibles avec la sécurité juridique et foncière recherchée.
Section I : Un cadre juridique dédié et général, considérant les coutumes, pratiques et
usages locaux.
Article 50 : À chaque fois que cela sera possible, les coutumes et usage locaux seront
pris en compte pour déterminer la qualité de l’acquéreur en cas de cession, ou du bénéficiaire
en cas d’impossibilité de cession.
À chaque fois que cela sera possible, les pratiques procédurales locales et procédés
locaux seront pris en compte, pour une régularisation plus efficiente.
Article 51 : Le transfert d’une partie du foncier de l’Etat, au profit de la Collectivité
territoriale de la Guyane (CTG) étant nécessaire, toute demande de foncier adressée par la
CTG à l’Etat fera l’objet d’une réponse motivée, sous réserve que ces demandes de cessions
gratuites soient motivées par des projets axés d’utilité publique, en lien avec le SAR.
Article 52 : Nonobstant l’existence de réserves naturelles dont celle de l’Amana, ainsi
que de zones de droits d’usages collectifs (ZDUC), la prise en compte des droits coutumiers
des autochtones en Guyane, quoique complexe, mérite plus d’équité. Le système
compromissoire visant à favoriser la remise de terres ancestralement occupées, aux groupes
de populations concernées, de manière compatible avec la publicité foncière, est encouragé.
La création de personnes morales coutumières, constitue une voie d’accès mixte à la
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ANNEXES
REGULARISATION FONCIERE DE L’OCCUPATION SANS TITRE DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES DANS
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

propriété foncière dans le respect des règles coutumières.


Article 53 : Pour une meilleure traçabilité des accessions à la propriété foncière des
occupants en Guyane, une mission de reconstitution des titres, ayant pour but
l’assainissement des archives foncières de la Guyane française, sera mise en place, en lien
avec le service de publicité foncière.
Article 54 : À Mayotte, il existe un conflit entre plusieurs sources de légitimité
juridique : le droit coutumier dont le garant est le chef du village, le droit musulman ou droit
cadial dont le garant est le cadi, et le droit positif français. Pour faire face aux logiques de
sécurisation foncière conduisant les acteurs concernés à jouer sur la pluralité des normes et
instances de régularisation existantes, pour consolider et défendre leurs droits fonciers
existants ou pour en acquérir d’autres, soit parallèlement, soit à la place de la régularisation
foncière par titrement, un compromis est institué entre le droit non écrit (coutumier, cadial,
local), et le droit commun français.
La prise en compte du droit coutumier, de l’ancienneté d’occupation et de la médiation
des cadis et chefs coutumiers deviennent, avec les critères de régularisation foncière
existants, des critères fiables de compromis entre droit coutumier et droit commun français,
permettant de reconnaître un droit de propriété ou d’octroyer un titre de propriété aux
occupants concernés. L’objectif est de conduire progressivement la population Mahoraise
vers une régularisation foncière par titrement, permettant la publicité foncière des droits
fonciers, plus efficiente.
Article 55 : Le législateur considère les coutumes, usages et particularismes locaux,
en facteurs permettant de juguler l’occupation sans titre dans les collectivités territoriales de
l’article 73 de la Constitution. Outre les dispositions spécifiques à la Guyane et à Mayotte,
il favorise l’admission des pratiques locales et procédés parallèles de régularisation foncière.
Article 56 : Dans ce cadre, la prescription trentenaire constitue un procédé parallèle de
régularisation foncière qui doit être admis et facilité lorsque les conditions en sont remplies,
ou lorsque le propriétaire ne s’y oppose pas.
D’autres procédés parallèles de régularisation foncière doivent être encouragés par les
exécutifs locaux outre-mer, si les conditions en sont remplies ou lorsque la régularisation
foncière par cession n’est pas envisageable. Il s’agit des procédés alternatifs à la cession que
sont les baux de longue durée remaniés, la location-accession avec garanties de paiement,
l’utilisation des effets des législations tendant à faciliter le règlement des successions et la
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

reconstitution des titres de propriété, et d’autres procédés parallèles.


Section II : Un cadre juridique général dédié, vecteur de sécurité juridique et foncière.
La régularisation foncière positive quand la cession est possible, ou négative quand la
cession n’est pas possible ou envisageable, doit honorer un cadre légal vecteur de sécurité
juridique et foncière.
Article 57 : La régularisation foncière doit contribuer à la résorption de l’habitat
indigne et insalubre, par l’aménagement des secteurs auto-construits, par la mise en place
d’opérations de résorption de l’habitation insalubre ou indigne, et par la prévention des
risques naturels et technologiques. Le manquement à cette obligation mise à la charge des
exécutifs locaux est passible de sanctions financières, dont le produit servira à financer des
actions sociales.
Article 58 : Toute cession de terrains situés en zone dangereuses au titre du plan de
prévention des risques naturels, est interdite et l’aide au relogement obligatoire. La sanction
consiste en la nullité de l’acte de vente ainsi consenti, sans préjudice des dommages et
intérêts éventuels.
Article 59 : Chaque fois que la cession de droits réels est possible, la régularisation
foncière doit favoriser le titrement de l’occupant, d’un commun accord avec le propriétaire.
Cette option favorise l’obtention des prêts bancaires et financements nécessaires à la
réhabilitation des constructions.
Quand la cession n’est pas possible ou souhaitable, l’aide au relogement de l’occupant
sans titre est encadrée par la personne publique propriétaire.
Article 60 : Le passage d’une régularisation foncière à moyens inégaux à une
régularisation foncière d’intérêt public, outre-mer, est encouragé par les dispositions
entérinés aux présentes.
Article 61 : Le législateur entend favoriser la résorption de l’occupation sans titre
outre-mer, par l’égalité des moyens juridiques et financiers de la régularisation foncière,
notamment par l’harmonisation, l’extension ou l’instauration de procédures légales de
régularisation foncière applicables à toutes les personnes publiques outre-mer, ou par la
légalisation de certaines procédures efficientes existantes.
Article 62 : Dans les collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution,
les procédure mises en place par le législateur au profit des occupants sans titre du domaine
de l’Etat, sont étendues au profit des occupants sans titre des domaines public et privé des
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ANNEXES
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

communes, régions, départements et collectivités uniques, dans la mesure de leur


compatibilité, dans les conditions mentionnées aux présentes.
Article 63 : L’encadrement juridique en matière de régularisation foncière se manifeste
également par le biais de la rédaction d’actes authentiques en la forme administrative pour
les requérants qui le souhaitent, par les exécutifs locaux (maires, présidents de conseils
généraux, régionaux, d’EPCI et de collectivités uniques) qui sont des officiers publics munis
d’un pouvoir d’authentification, lorsque la collectivité concernée est partie à l’acte. Il s’agit
d’une faculté qui ne peut jamais être imposée à l’administré, ce dernier demeurant libre du
choix de son notaire.
Étant précisé que dans le cadre de la régularisation foncière de l’occupation du
domaine public, les terrains concernés doivent avoir préalablement fait l’objet d’une
procédure de déclassement conformément à la loi.
Article 64 : Un cadre amiable général, homogène et pérenne, fondé sur des procédures
juridiques communes, applicable à toute procédure de régularisation foncière et à toute
personne publique désirant régulariser l’occupation sans titre de son domaine public ou
privé, est adopté. Ce cadre amiable reprend les étapes figurant au paragraphe 162 détaillé en
amont.
Article 65 : En présence d’une carence de la volonté des propriétaires ou d’une
situation de blocage, dans des procédures de régularisation foncière présentant un intérêt
public avéré, et en présence d’une atteinte à la dignité humaine, il y a lieu d’adapter les
modalités de l’expropriation pour cause d’utilité publique à l’urgence de la régularisation
foncière. Un cadre spécifique, fondé sur la notion de régularisation foncière d’utilité
publique, est mis en place. Les délais et modalités sont raccourcis par la prise en compte des
enquêtes et documents réalisés en amont de toute procédure de régularisation foncière.
Article 66 : La dématérialisation des outils de la régularisation foncière doit être
organisée par les collectivités territoriales, qui peuvent se faire accompagner par les services
de l’Etat à cet effet.
Article 67 : Des cadres de régularisation foncière atypiques ou sui generis peuvent être
développés à l’initiative des collectivités territoriales concernées, sous réserve de respecter
le principe de légalité et de la hiérarchie des normes.
Article 68 : La régularisation foncière est formalisée par acte de cession authentique
reçu en la forme notariée ou administrative, et uninominal (un acte par acquéreur ou par
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LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION

famille). Il est soumis à la publicité foncière.


Article 69 : Toutefois, à titre exceptionnel, afin d’accélérer les procédures, les
personnes publiques (communes, départements, régions, collectivités uniques), peuvent
procéder à une régularisation foncière formalisée par un acte de cessions collectives,
globales ou groupées, dans certaines conditions2559 : en l’absence de complications juridiques
ou autres, notamment en présence d’occupants initiaux, de parcelles issues d’une même
origine de propriété, de, bornage groupés par secteurs, et autres éléments facilitateurs de
procédures et de publicité foncière.
Ces cessions collectives, globales ou groupées seront opérées à l’aide d’un arrêté
préfectoral de cession globale ou d’un acte authentique administratif de cession globale, qui
sera publié au Service de publicité foncière.
Ce mode de régularisation foncière, compte tenu de ces inconvénients2560, est laissé à
l’initiative et à la discrétion de la personne publique opérant la régularisation foncière2561.
Ce cadre amiable de cession globale ou collective, doit être mis en œuvre en accord le service
de publicité foncière du lieu de situation des immeubles et reprend les étapes figurant au
paragraphe 163 détaillé en amont.
Article 70 : Les personnes publiques locales outre-mer doivent participer, avec l’aide
de l’Etat et des services idoines, à la mise en place de ressources d’assistance juridique
diverses : actes électroniques, actes dématérialisés, publicité foncière dématérialisée,
technologie de la blockchain, et autres procédures dématérialisées.
Article 71 : Les présentes règles visent à instaurer, étendre ou pérenniser des
dispositions juridiques, y compris des procédures locales sui generis2562, permettant de
procéder à la régularisation foncière, en vue d’une résorption optimale de l’occupation sans
titre outre-mer.
Il s’agit de favoriser la mise en place d’un véritable droit de la régularisation foncière
outre-mer, compte tenu de la récurrence de l’occupation sans titre et du caractère d’intérêt
public de la régularisation foncière.

2559
Il s’agit de s’inspirer de la régularisation foncière globale qui a été effectuée en Guyane au cours de l’année
1996. Dans ce cadre il y a une forme de régularisation massive générique par arrêté préfectoral, pour tous les
privés installés dans les 50 pas géométriques, à cette date, qui ont été régularisés.
2560
Titre de propriété collectif, complexité des opérations de publicité foncière, etc.
2561
Communes, départements, régions, collectivités uniques.
2562
Dispositions juridiques nécessitant la création de textes spécifiques, non rattachables, en tout ou parti, aux
règles existantes.
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Article 71 : Les dispositions adoptées dans le cadre de la présente loi sont non
rétroactives et ne sont applicables qu’aux situations en cours et à venir.

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Annexe 17 – Quelques images du domaine privé occupé (Trénelle) et du domaine public maritime
occupé (littoraux) des collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution.

Figure 1 : Quartier auto-construit de Trénelle (Fort-de-France) – Photos personnelles

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Figure 2 : Image du littoral construit de Guadeloupe - http://www.outre-mer.gouv.fr/guadeloupe-


geographie-population-et-environnement

Figure 3 : Image du littoral construit de Mayotte - http://www.outre-mer.gouv.fr/mayotte-


geographie-climat

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Figure 4 : Zone des 50 pas géométriques de La Réunion - http://www.ipreunion.com/actualites-


reunion/reportage/2019/06/05/pas-geometriques-pas-geometriques,103142.html

Figure 5 : Guyane-Littoral-Anse Nadau-Cayenne-sept.2017 - https://observatoire-littoral-


guyane.fr/littoral-guyanais/presentation-littoral/.

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