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Gradhiva : revue d'histoire et

d'archives de l'anthropologie

Presqu’îles d’illusion. Terrains de bonheur perdu en anthropologie


Gaetano Ciarcia

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Ciarcia Gaetano. Presqu’îles d’illusion. Terrains de bonheur perdu en anthropologie. In: Gradhiva : revue d'histoire et
d'archives de l'anthropologie, n°32, 2002. Dossier : Enseigner la parenté. pp. 27-36;

https://www.persee.fr/doc/gradh_0764-8928_2002_num_32_1_1282

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Presqu'îles
Terrains de bonheur perdu
d'illusion
en anthropologie

Gaetano Ciarcia

melancolia do antropólogo Comment neC'est


voit-il
/'Autre
pas que
quimais
Jean-Paul
l'improbabilité
est précisément
improbable,
Sartre,
n'est
uneUnpas
parceconstruction
queuneje ledonnée
nouveau saisis
mystique,
de immédiate,
la raison
du dehors.
1943.?
como inerente a sua
profissão, causada pela
distancia imposta pela Clifford Geertz,. ..merchants
The Uses ofofDiversity,
astonishment.1981.. .
pesquisa
envisagé = previsto
Le bonheur perdu des ethnologues pourrait-il, donc, être
envisagé comme structural à la création de la distance qu’ils
imposent d’une manière implicite à leur observation ? Leur
Le bonheur en philosophie est considéré souvent appropriation scientifique du lieu, ne passerait-elle pas par
l’expérience d’un malaise durable, qui scande leur séjour et
qui, au bout de compte, contribuerait à transformer l’espace
qui scande leur séjour = que
étranger en terrain de recherche ? escandaliza a sua estadia
Pour paraphraser le titre d’un article2 de Michel Leiris
abstraite
lerendu
textes,
questionnement
niveau
s’interroger

la
laquelle
partcomposante
thème
certains
Jean-Pierre
à une
concrète
très
affectif,
par
l’éloignement
comme
l’écart
aspirations*.
d’un
sorte
repères
:connus
rapport
cette
bonheur
lade
d’une
entre
sur
un
relation
impossibilité
Olivier
l’ethnographe
spleen
domestiques
àla
et
concept-limite,
méthodologie
lalalargement
du
perdu
condition
En
matérialité
finitude
entre
?regard
de
ethnologie,
des
une
d’être
de
vacillent,
doit
commentés,
sur
souvent
anthropologues.
poétique
despontanée,
l’homme
heureux
lecorrespondre
uneterrain.
l’expérience,
cette
notion
malheureuse,
ne
dedans
etpar
serait-elle
l’exotisme
dégagent
dimension,
On
sesévoquant
un
rapport
aquelque
Certains
pourrait
propres
parfois
espace
pas
un
au
età paru dans la revue Documents , à la veille de son départ en
Afrique avec la Mission Dakar-Djibouti, la transition d’une
jouissance visuelle de l’altérité à son observation scienti¬
fique semble accompagner le passage entre une ethnographie
de l’œil et une ethnographie du regard. L’illusion de se voir
dans le bonheur ne ferait qu’anticiper et provoquer le désen¬
Italie, presqu’île de Palinuro. chantement que le voyageur
Sardan a rappelé que dans une o componente de uma * Cet article est la version élargie du
situation interculturelle, metodologia espontânea, texte publié en italien, « La felicità
comme celle dont la rencontre em relação à qual a
perduta
1.Chiave,
Jean-Pierre
degli1997
13, antropologi
Olivier
: 171-188.
de», Sardan,
Parole-
ethnographique est une expres¬ distância do olhar deve
sion, « c’est l’exotisme de corresponder em algum « Le réel des autres », Cahiers
l’univers social qu’il étudie qui lugar a uma espécie de d’études africaines, 113-114, 1989 :
129 sq. Toujours sur ce sujet, chez le
constitue pour l’ethnologue melancolia? même auteur, voir « Jeu de
l’obstacle épistémologique par croyance et “je” ethnologique exo¬
:

excellence. Ce n’est pas la tisme religieux


trisme », Cahiers
et ethno-égo-cen-
d’études
proximité culturelle qui crée africaines, 111-112, 1988 : 527-
540.
les seuls stéréotypes
chercheur est ménacé dont: la
le 2. Michel Leiris, « L’œil de l’ethno¬
graphe », Documents, n, 7, 1930 : N ETUDES
405-414. ESSAIS
ET
distance en crée d’autres » x.
gradhiva 32, 2002 ménacé = ameaçado 27
dont = cujo
lien - ligação

Australie, île Van Diemem. L’Espérance


Dessin etdeLaPiron.
Recherche.
(Ph. MH).

psychique et onirique nécessaire7, en tant qu’ opposition


stmcturale, à l’affirmation de la modernité occidentale. Pour
l’Homme de Nature de Rousseau, « Autrui est parfois un
rival, mais peu redoutable ; parfois un corps offert par un
accouplement de hasard ; ce n’est jamais [. . .] une conscience,
un regard où chercher l’image réfléchie de sa propre exis¬
tence. Le monde à ce stade, ne comporte ni la division du sujet
et de l’objet extérieur, ni celle qui rend les consciences étran¬
gères les unes aux autres ; le sujet est trop uni à la nature,
letropsentiment
peu associé
d’uneà distance.
ses semblables,
» 8 L’Autre
poursemblerait
qu’il puissedonc
éprouver
être le
produit d’une addition : Autrui + Distance. Les nouvelles
routes maritimes auraient inauguré un exotisme où la maîtrise
spatiale de la distance géographique a rendu possible le ques¬
fondements
regarder
réussite
Marc
remarque
bonheur
peut-être
paradis
voyage
Image
mythique,
heureuses
participe
hommes
l’la
de
Rousseau
dépaysé
non
son
entre
complet
dérée
l’évidence
clysmes
négatif
«tiellement
déteste
[.l’incessant
corps.
mais
épistémique
au
bonheur
ildu
sement
mots
essayé
ethnologue
conquis,
que
situe
Autre.
.Ethnologue,
plus
transition
.]ses
fait,
toute
moment
la
terrain
son
1580
Après
La
En
leapprentissage
comme
plus
voyait
il:la
Augé,
perte
cette
sous
facile
.désirs
malheur
«traversée
évoquant
.de
aurait
banal
d’observer
ce
ni
terrain
?notion
porte
promet
Entre
révèle
scientifique.
Je
privé,
est
»naturels,
effervescence
au
individuel
ainsi
àlà
celui
du
pour
6les
:avoir
celle
sens,
(1755),
comme
L’opaque
culturelle.
qui
et
de
suis
l’angle
L’ethnologue
niveau
1592)
lede
pour
«fatal
déplacement
habitué
oùsurgit
à:dans
anthropologique
différence
discours
;mais
ainsi
du
Ethno-roman
illusions
du
sur
Je
la
échanger,
que
malheur
àl’inégalité
n’aurait
au
de
ilje
rapproche
très
perdu
du
heureux
de
partir
un
àmaladie,
bon
constaté
et
la
publication
mal
celle,
serais
était
l’existence
contrepoids
les
jeune
La
bonheur
ne
sic’est
et
ceux
de
malheur,
déjà
de
qu’une
et
l’ethno-roman
lieu
vrai,
àdes
place
éloigne
paysan
spécial,
àl’idée
Traversée
hais
hommes
sauvage
celle
àla
travers
la
sombre
»sur
impossible
de
àl’altérité,
travailler
plus
dire
du
de
été
mœurs,
formation
ethnologue
4bonheur
conviviale
fiction
au
vu,
d’une
assez
jamais,
qui
àque
».
Quelques
fondatrice
ce
de
parmi
l’existence
pas
vers
voit
partager
métaphorique
leles
moi
l’homme,
Et,
etmenaçante,
de
impasse
institué
du
cœur
ledécident
mais
ilmoment
d’une
d’un
la
souvent
une
bonheur
des
africain
une
les
bonheur
individus
par
que
au
c’est
de
en
est
les
donc,
sujet
Discours
d’un
conquête
textuelle,
mort,
ni
l’autre,
du
de
Essais
les
son
sous
de
yeux

sein
la
journée
certaine
peine
possible
les
la
de
malheur
celui
voyages
d’une
d’Augé
l’idée
etLuxembourg,
journée
la
qu’il
ou
un
que
figure
pages

de
hommes
l’altérité
des
se
paradis
les
suite,
àinstruction
chercher
fondateur
de
évidences
ni
la
théorie
du
et
d’un
d’autres
de
penser
bonheur
festive,
d’un
sa
;pour
est
de
(ou
le
profilent
lereconnaissance
de
qu’il
l’épreuve
malheurs
la
entre
de
n’est
un
d’un
tradition
lediscours
la
sur
ou
Autres
l’entreprendre,
communauté,
bonheur,
du
d’parisienne
idée
plus
celui-ci
autre
voyage
s’achèvent
Montaigne
diffus
solitude,
lequ’elle
»malheur,
le
bonheur
la
connaissance
lien
française
dire
Autrui
au
primordial,
disparaître.
de
Orient,
l’origine
exotique
5que
malheur
mythe
est
pas
et
eux.
bonheur
chute
regard
les
;où
de
loin,
latitudes.
atteint
ildu
moins
Jean-Jacques
«chose
ontologique
ce
3.dont
personnelle
par
thématisant
àen
commence
traces
l’épanouis¬
l’individu,
Moi,
de
soit
du
l’euphorie
occidental
L’ailleurs,
En
;où
la
corps
àbonheur,
qu’est
biblique,
des
un
chez-soi,
que
ildes
l’train
celle
hauteur
rapport
?)
corps
le(édités
Pascal
dehors
àsur
qu’il
avatar
consi¬
essen¬
Autre,
serait-
ajoute
que
d’une
lui,
égaré.
nœud
etje
cata¬
alors
lad’un
titre
tout
lieu
îles
Ildes
: les
ces
n’a
fin
de
ne
leaà
ni
se tionnement que l’altérité découverte adresse à la sensibilité
philosophique.
L’utopisme de penseurs comme Thomas More, Roger
Bacon et Tommaso Campanella avait été forgé par l’intention
de produire un projet social, fondant primitivité et moder¬
nité dans un eu-topos, non-lieu mais aussi bon-lieu (double
signification permise par le préfixe grec -eu), qui était pour
More, l’île d ’Utopie (1517), pour Campanella, La Cité du
Soleil (1602) et pour Bacon, La Nouvelle Atlantide (1627). Ce
rêve politique d’une nouvelle naissance pour le genre humain,
dont les îles ou les cités de l’utopie devraient être une sorte de
préfiguration, sera destiné à être remplacé plus tard par une
littérature où l’Autre comme figure eschatologique cède sa
place à une heuristique du voyage dans l’ailleurs ayant comme
conditio sine qua non le retour. Alors que, l’espace où on
réalise Yutopie se présente comme un lieu d’où on n’en
revient plus, le mythe exotique du bon sauvage, procède,
complète et s’oppose à cette construction de nouveaux
mondes régis par des modes de vies justes, égalitaires, expres-

4.3. Idem
née
6.5.bonheur,
Cf.française
Marc Michel
: Augé,
Paris,Leiris,
24.
75. considérée
La
Hachette,
Traversée
L’Afrique
1985
sousdufantôme,
: l’angle
21.
Luxembourg.
Paris,moeurs,
des Gallimard,
Ethno-roman
de la1982
théorie
d’une
[1934].
jour¬
et du

7. Cf. Thierry Hentsch, L’Orient imaginaire, Paris, Éditions de Minuit,


1988.
d'Presil quu'siîolens phie,
8. Jeann, vol.
Starobinski,
2, Paris, «Gallimard,
Jean-Jacques
1973Rousseau
: 702. », Histoire de la philoso¬

28
GAETANO CIARCIA
légendaire témoin d’antiques sagesses [...] mais d’un pays
présenté comme un de ceux qu’a pu visiter récemment
Vespucci, peuplé de “naturels” à peine touchés par les seules
limites de ce qu’on nommera plus tard le “déisme”. »13
L’utopie est possible, c’est-à-dire pensable à partir donc
d’une réalité mais, pour cela, un escamotage narratif appa¬
raît décisif : son insularisation 14. Dès le début, More
« annonce significativement que, presqu’île d’abord, Utopie
devint île par la volonté de son fondateur. » 15 La construc¬
tion d’un bonheur sur terre semble procéder donc d’une
coupure. La citadelle de l’utopie pour exister, semble devoir
larguer
continentlesetamarres,
des cauchemars
vaisseaude(fantôme
son Histoire.
?) qui se libère du
Australie, île Van Diemen. L’Espérance suit le sillage de La Recherche.
Dessin de Piron. (Ph. MH). L’exotisme à l’œuvre

sion et reflet d’une harmonie divine. Le bonheur de l’utopiste Par rapport aux procédures littéraires permettant la créa¬
se construit dans un lieu qui n’existe pas et que pourtant il tion d’univers symboliques, s’opposant aux conjonctures du
faudrait habiter à jamais ; celui du voyageur-savant, au devenir et de l’Histoire, la dimension exotique, exprimant
contraire, est marqué par une poétique de l’errance dont la l’éloignement d’un objet d’un centre, constitue un cadre très
devise pourrait être la suivante : « moi aussi je suis allé en plastique ouvrant, pour le chercheur, des espaces où pour¬
Arcadie ; j’en rapporte même un récit » 9. D’après l’auteur de suivre la quête du bonheur. Dans ce contexte, la recherche
cette phrase : « Cette insertion du réel [le voyage] dans le d’une plénitude esthétique a comme contrepoids l’idée de
champ imaginaire, réactive le mythe [on pourrait penser qu’il crise. La transposition superficiellement syncrétique de
le construit comme réalité], parce qu’il lui donne un nouvel formes « lointaines » manifeste donc la présence sympto¬
enjeu. » 10 D’ailleurs, cette imagerie est strictement liée à matique d’une inquiétude de la part du moi occidental qui
tente de se retrouver dans le naufrage sur une terre étrangère,
l’accès
et à sa conclusion
ésotérique,: leune
retour.
sorte«d’initiation,
Même inscriteau milieu
dans une
exotique
réalité mirage d’un ailleurs mythique, lointain et familier à la fois,
géographique, la société utopique semble être protégée par expérience
face au mal extrême
de la modernité.
qui s’offrirait comme un salut intérieur
des cercles invisibles qu’il est nécessaire de franchir pour la
rejoindre. » 11 Ce thème renvoie vers le terrain exotique de Avec l’œuvre de Victor Segalen, le médecin écrivain qui,
l’ethnologue qui, lui aussi, relève de la présence immanente dans les premières décennies du xxe siècle, voyage animé
d’un seuil initiatique et donc d’une dimension utopique, que par ce « sentiment » pour le différent dont il a essayé de
la formule « observation participante », exprime, à mon avis, produire une théorie 16 , on assiste à la tentative d’élever
d’une manière tout à fait adéquate. l’exotisme au rang de notion philosophique. Uexote de
Segalen est le « voyageur-né », celui qui sonde la Différence
L’île idéale en vertu du pouvoir de l’exotisme « qui n’est rien d’autre
que le pouvoir de concevoir l’autre ». Il s’agit là d’une reprise
Depuis Homère, en passant par Théocrite et Virgile, la de la « loi du bovarysme », telle qu’elle avait été énoncée par
tradition littéraire occidentale a emprunté à l’univers Jules de Gaultier que Segalen reconnaît comme étant un de ses
mythique ses marques principales dans la désignation d’un maîtres 17. Le bovarysme est le « pouvoir donné à l’homme de
« paysage idéal » (Curtius) où l’absence de tout élément se concevoir autre par rapport à ce qu’il est. » 18 Madame
tragique coïncide avec l’image de lieux représentatifs d’une Bovary aurait vécu en imitant les personnages qu’elle a décidé
vision pacifiée de l’existence 12 . L’Arcadie en tant que pays d’incarner : c’est-à-dire qu’elle imite les effets d’une condi¬
fabuleux, patrie d’une humanité pure, subira plusieurs trans¬ tion dont elle est incapable de produire les causes. L’«indice
positions géographiques au cours des siècles, mais elle
demeurera un lieu poétiquement sauvage par définition. La
transformation ethnologique de ce mythe comme terrain
scientifique, où le chercheur poursuit souvent une quête
associant la réussite professionnelle à un bonheur personnel,
illustre une dimension spatiale que Tailleurs de l’utopie a
parfois revêtue. Dans L’Utopie de More, publié en 1517, il
est intéressant de souligner comment son auteur, tout en Âge
toire
pie
sique,
9. Jean-Claude
85
10.
11.
12.
13.
14.
15.
16.
17.
1978.
18. sq.
Idem,
Idem
Id.
Jules
V.
etMaurice
Cf.
Victor
latin,
Sur
deprimitivisme.
Paris,
Segalen,
: Ernest
la194.
: ibid.
deParis,
95.
philosophie,
relation
Segalen,
Gaultier,
Éditions
de Robert
Berchet,
op.
Gandillac,
puf,entre
cit.
Essai
Essai
1956
Le
duCurtius,
n,23.
«insularité
Seuil,
Bovarysme,
sur
vol.
Et[1947].
«surLa
inl’imaginaire
1,1990.
l’exotisme,
Arcadia
La
philosophie
Paris,
etLittérature
Paris,
utopie,
Gallimard,
EgoMercure
anthropologique
Montpellier,
de! »,européenne
cf. laRomantisme,
Christian
“Renaissance”
1973
de France,
192
Marouby,
Fata
àetsq.
l’âge
51,
Morgana,
le Moyen
1902.
»,1986
clas¬
His¬
Uto¬
faisant référence à la découverte récente de l’Amérique,
:

décrit Utopie comme une « terre de nulle part », avec une


capitale « fantôme » ; le patronyme de son découvreur
Hytlodée signifie, d’ailleurs, en grec le « conteur de bali¬
vernes ». D’après More, comme le remarque un de ses
commentateurs, « il ne s’agit pas d’un continent englouti, ETUDES
ESSAIS
ET

gradhiva 32, 2002 29


Grandes Antilles, Haïti, Port-au-Prince. La rue (Ph.
du quai.
MH).

dénoter aussi une sorte de « rigidité savante » 21 rétive à


admettre une proximité embarrassante, au niveau épistémo¬
logique, avec une « sensibilité itinérante » 22 .

Les horizons de l’ethnographe

l’alternance
Il s’agit entre
d’unelerelation
divers etdécidément
le reconnaissable
complexe
s’enchevêtre
celle où
avec la recherche de cet exote, tout à fait particulier, qu’est
l’ethnographe. Or, est-ce que la poursuite du bonheur de
l’ethnologue est constitutive de l’exotisme de l’ethnologie,
comme, par exemple, the pursuit of happiness est revendiquée
bovaryque
entre
fiction
appliquer
de
est,
d’atteindre
veut
puisqu’elle
adhérer
et
lieux
tures
derrière
personnage
devrait
conditionnant
plissement
métaphore
Gaultier,
La
c’est-à-dire
bovarysme,
la
Emma
trop
forces
métaphysique
curieuse
devenir
l’ordonne,
exotique.
contradiction
hension
encore
pas
rience
repartir
forte
propre
tique,
une
observation,
d’après
phique
tisante
capacité
évasion
esthétique
objectivité
sentiment
s’il
alternance.
s’évanouit
science
deperception
vérité
disparition,
pouvoir
La
s’installer
serait
ne
distance
idéaliste
matérielles.
ses
du
»vivre.
son
lelaest
Bovary
se
par
image,
;loi
connaît
consistant
paysage
agir
possible,
l’objet
de
d’une
leSegalen)
peuvent
désir,
ou
;s’il
chercheur,
des
de
àpropres
surprise
toute
mue
àdéjà
comme
être
déclenché
réel
du
l’affrontement
Cette
une
du
àqui
l’altérité,
le»se
sa
de
ildont
dans
lancé
comme
d’une
d’un
l’altérité
les
conçu
procède
travers
Cette
choses.
»non
mais
(Gaultier)
propre
ne
biais
du
bovarysme
la
concevoir
différent,
affectant,
dans
mais
tout
ses
de
»en
imaginaire
concevoir
qui
sache
connaissance.
àd’une
ne
connaît
émoussée,
connaissance
chose
pas
20
du
mental.
réalité
elle
la
serait
C’est
le
équilibre
réel
fin
alternance
provoquer.
sensations.
la
de
en
leaspirations.
Selon
seulement
se
àsuscitée
nous
que
inclination
comme
représentation
pouvoir
en
aussi
de
la
projection
masque
assez
l’exercice
aussi
un
réalité
tout
transposer
personne.
perçoit
par
Cette
désespérée.
s’en
disait
s’opposerait
avant,
consume
:technique
;se
tranquillité
de
scientifique
laquelle
trop,
un
elle
«pas
le
«apparaît
demesurerait
protégeant
conçoit
marqué
comme
salut,
Par
une
au
Le
de
magnétiseur
cette
la
d’une
levoyage
divers
faire
«aussitôt
est,
les
son
entre
etmodalité
durée,
serait
confère
possible
Segalen,
de
par
ilinstinct
du
niveau
la discours
volonté
bonheur
la
anticipée
rapport
de
La
son
asorte
ne
autres
pour
En
Emma
de
Le
devenir,
la
l’exotisme,
Mais,
distance.
fascination
imprégner.
on
bovarysme.
universelle,
pas
perspective,
rapport
individualité
lepu
devancerait
qui,
l’altérité
deux
perdue,
l’altérité,
«par
différente
autre,
les
de
contradiction
le:àcette
la charme
être
ce
monde
qu’il
et
de
àpensée
falsifie
arrivé
d’hypnotisme
être
part
l’exotisme,
de
résultat
un
Segalen,
dans
voit
ce
des
gnoséologique,
peine
en
après
de
ilsens,
àde
laqu’on
ses
Bovary
forces
cette
de
des
»conservation
réel,
pouvoir
ne
doit
ce
qu’on
c’est-à-dire
synthèse
qui
est,
tout
«production
jouir
assauts
aux
d’une
rencontre
perçue
plus.
attirant
égarée
l’individu
»ilpropres
l’exote
provoqué
l’instant
réaction
etdanger
extérieur
événements
réalisée,
»19non
conçu
en
les
objet-sujet
l’éloigne
Sans
doit
est

l’anthropologie,
de
position
Le
d’une
cultiver
par
prétend
approcherait
actions
individu
antagonistes
IIforte
le
puisque,
avoir
une
de
L’exote
l’expérience,
serait,
primordiale
est
comprend
«la
ces’agirait
censé
entre
seulement
simulacre
dans
discours
fiction
des
excessif
se
individualité
rapport
la
comme
l’alternance
manquent
l’esthétique
comme
est
«qu’elle
sentiments
et«en
herméneu¬
contre
«ethnogra¬
vivante
préparer
personne,
mais
provoqué
par
du
son
l’accom¬
réalité
conjonc¬
dans
»,de
du
analogie
pouvoir
d’où
donc,
durée
les
l’appré¬
sa
de
fragile
la
assumer
mesure
semble
ne
l’écart
de
qui
réel
qu’on
esthé-
leseule
sujet,
selon
haine
expé¬
faire
toute
deux
d’un
peut
doit
àson
une
fait
est.
qui
pas
:les
on
vit
du
sa
la
leȈ:
et
», loi-source primordiale dans la constitution américaine ?
Il est certes difficile de parler de l’affect « circulant »
dans une profession. Pour l’anthropologue, cet aveu semble
correspondre à une sorte de confession d’ubiquité, qui l’oblige
à reconnaître sa présence dans un espace utopique, entre deux
horizons : celui de la terra incognita à défricher et celui de son
chez soi, sans lequel son voyage ne peut pas avoir de sens. On
n’oublie pas facilement le retour, et surtout un retour fort
sur les plans professionnel et psychique, qui n’est souvent que
l’humus avec lequel le terrain est cultivé. Alors, l’Autre
risque de devenir Aziyadé, la femme exotique, que Pierre
Loti, dans le roman homonyme, investit de ses propres aspi¬
rations orientalistes. À ce propos, Roland Barthes a écrit :

« Aziyadé
digme
turellement,
elle Àesttravers
: un
discursivement
estelle
faitla
ledeterme
fuite,
est
discours,
absente,
neutre,
ou
elle
mieux
non
occupe
elle
le un
terme
àesttravers
fait
lalapremière
zéro
de
place
désir.
l’exercice
ded’une
ceplace
»grand
23 absence,
; struc¬
raffiné
para¬

d’un art de la fugue (je reprends encore une expression de Jean


Jamin24), que le voyage ethnographique implique, l’ Autre
risque de rester pris entre les filets du désir bovarien de se
concevoir comme Autre et le discours de pouvoir concevoir
l’autre, piège que l’ethnologue semble tendre à soi-même. Par
rapport à cette situation, que Barthes, peut-être, aurait appellé
une « dérive », l’anthropologie s’est affirmée comme Science,
pratique pourvue de plusieurs protocoles en mesure d’évacuer,
au moment de l’écriture, ou mieux de la publication des
travaux, (preuves finales de la production d’un savoir), les
fantômes/fantasmes qui risquent de s’emparer du chercheur
d'Preil suqsiu'îolens durant son séjour.
30
GAETANO CIARCIA

bovarysme,
ilqu’on
mythe
celle-ci
d’un
quelque
qu’il
(c’est
de
des
latitude
[lefaut
se
bovarysme]
multiples
trait
est.
projeter
le
puisse
le
mais
ilqu’il
moins
chose,
reconnaître,
qui
»avait,
28d’une
par
faire
en
appartient,
IIqu’on
ailleurs
voies,
ilpourrait-t-on
du
tous
ajoute
Leiris
paraît
sur
création
moins,
pays
l’homme
puisse
les
deet:est
difficile
vues
celui
de
«n’est-il
etsouligné
révélateur
Bête
littéraire
se
à toutes
dire)
philosophiques,
dire,
qui
dépasser
à capable
de
quelque
pas
denede
àne
époques
se
pour
juste
par
s’inspira
: déguiser,
pas
différent
«pour
plus
vocation
Quelques
forger
époque
titre
admettre
fait
s’engager
assez
que
pas
l’importance
cette
de
etun
tout
même
s’aliéner,
l’homme
confuses
l’animal
réserves
qu’avec
quelque
notion
suppôt
autre
dans
un

Iles de la Société, Tahiti. Après le passage d’un cyclone. de l’imaginaire, dans la mesure en tout cas où, qu’il se trouve
Cl. Dormoy de Laharpe. (Ph. MH). ou non à être le jouet de quelque bovarysme institutionnel ou
privé. . . » 29 Ici, le bovarysme de l’ethnologue cède le devant
de la scène à celui des ethnologisés, il en est en quelque sorte
Mais les journaux de Michel Leiris et de Bronislaw objectivisé.
Malinowski, même s’ils ne peuvent être considérés comme
des documents révélateurs des coulisses du terrain, sont là L’Autre absent
pour nous montrer combien cette distance entre la sphère
intime et celle publique de l’objet d’étude est labile. Plus Si « Le pays inconnu est déjà travaillé comme un texte,
qu’une distance, il s’agirait d’une durée, selon l’image même si l’indigène traducteur est souvent éliminé en fin de
proposée par Jules de Gautier. L’écriture représenterait une compte par son dangereux élève » 30, la traduction de l’ethno¬
sorte de synthèse périclitante, presque alchimique, entre le graphe n’indique pas seulement le passage des données
désir d’être autre et le discours sur l’autre, entre voyage et recueillies sur le terrain dans leur version sociologique, mais
retour. Sur un plan plus général, l’alternance entre la concep¬ également la transposition d’une simultanéité, qui ne pour¬
tion d’une altérité globale, la sienne et celle de l’environne¬ rait être qu’inventée, c’est-à-dire fabriquée selon des moda¬
ment entourant le voyageur que la dimension exotique rend lités impliquant l’alternance entre discours érudit et pulsions
réelle, et le récit scientifique me paraît immanente à la quahté affectives. Leiris ne vise pas, bien entendu, à apprivoiser
anthropologique de savoir décliner le Divers dans le Tailleurs, à la Loti, mais plutôt à déplacer ses repères pour
Semblable, trouvant des correspondances de signifiés entre mieux se concevoir en tant qu’ Autre et pour mieux tenter de
institutions et pratiques culturelles éloignées entre elles. comprendre l’altérité. Pourtant, la disparition d’Emawayish,
Si Emawayish, la femme abyssine dont Michel Leiris dans le texte ethnologique, et sa présence décisive dans le
parle longuement dans L’Afrique fantôme n’est pas l’ Aziyadé journal de voyage, semble confirmer son rôle crucial de
de Loti, c’est-à-dire qu’elle n’est pas, au sens strict, proie figure permettant un passage herméneutique fondamental,
coloniale et discursive, elle est néanmoins le seuil initiatique celui qui conduit l’auteur de l’expérience affective à l’écriture
d’une connaissance. Elle illustre la poursuite d’un bonheur scientifique.
dont le voyage leirisien en Afrique était imprégné. Quand,
dans l’économie générale du texte, le récit d’une pratique
réellement intensive du terrain acquiert une consistance,
Emawayish est située par l’auteur au centre de la narration. 20.
457.
19. Tzvetan
Idem : 25.Todorov, Nous et les autres, Paris, Éditions du Seuil, 1989 :
En Abyssinie, étudiant les rites de possession zar, Leiris
mûrit, devient ethnographe25 et, en même temps, Emawayish 21. Jean Jamin, Exotismus und Dichtung Über Victor Segalen. Exotisme
devient le terminal des raisons (« inavouables ») qui avaient et écriture
Verlag,
22. Id., ibid.
1982sur: 51.Victor Segalen, Frankfurt-am-Main und Paris, Qumran
été à l’origine de son départ. Par rapport à cette construction
d’un paradoxal centre exotique du monde, de son monde, la 23. Roland Barthes, Le Degré zéro de l’écriture (suivi de Nouveaux
essais critiques), Paris, Éditions du Seuil, 1972 : 179.
présence d’Emawayish accompagne la récolte d’objets et
d’informations, comme le désir accompagne le discours qui
réalise le retour. Mais, quand plus de vingt ans après son
voyage, Leiris publie La Possession et ses aspects théâtraux
chez les Ethiopiens de Gondar, qui serait « la réponse acadé¬ Miroir
Esquisse
session,
24. Idem
25.
dogon
durée
26.
ses
Quarto
27.
Gallimard,
28.
29. Jean
Jacques
aspects
Michel
Enden’a
Jeanne
Gallimard,
dece
Paris,
Jamin,
son
-d’une
. 13.
sens,
que
l’Afrique,
1981.
Leiris,
théâtraux
Favret-Saada
Mercier,
séjour
nrfthéorie
op.saGallimard,
très «1996
cit.
en
première
peu
Préface
«édition
chez
Abyssinie.
Présentation
: :75.
générale
de910.
&lespoints
»Josée
1980
établie
expérience
àÉthiopiens
Gilbert
desen
Contreras,
8.»relations
àcommun
et Michel
Rouget,
annotée
ded’enquête
Gondar
deCorps
Leiris,
avec
La
laparmusique
Musique
»,lapour
Jean
intensive
« inprofondeur
LaMichel
Jamin,
Possession
corps,
etet delaenlatranse.
Leiris,
Paris,
pays
et etla
pos¬
mique de Leiris à sa perception affective du culte des zar » 26 ,
:

c’est la figure de la prêtresse Malkam Ayyahou, mère


d’Emawayish, qui occupe le centre de la narration de son
expérience. Ainsi, on assiste à la construction d’un récit
ethnologique à travers l’oblitération du « corps pour corps » 27 ,
vécu par Leiris. Le bovarysme ne sera pas ou plus le sien, 30. Michel Butor, « Le voyage et l’écriture », in Michel Butor, Réper¬
mais celui des Autres. À ce propos, l’emploi du terme de toire rv, Paris, Éditions de Minuit, 1979 21. ESSAIS
ET
ETUDES
:

gradhiva 32, 2002 31


roman de Raymond Roussel 34, où on assiste notamment au
spectacle de Blancs pour une fois guignols des Noirs, à la
fascination exercée pendant son enfance par une sorte de
fable, celle de Little Black Sambo, entrent donc en réson¬
nance avec son « obsession exotique » 35. Leiris investit,
l’ailleurs de l’intention de donner une forme et de détruire ses
fantasmes. Son voyage se déroulera dans le cadre de la
Mission Dakar-Djibouti, donc dans un milieu domestique,
quoique mobile, dont L’Afrique fantôme sera l’expression
d’une vérité autre par rapport au registre triomphal que sera
celui des premiers comptes-rendus apparus dans le numéro
spécial consacré
Minotaure 36. au retour de la Mission par la revue
Le journal de Malinowski, publication posthume37, relate
d’une expérience d’éloignement bien différente, où ce n’est
plus une équipe de chercheurs, mais un individu, déraciné à
jamais, aux prises avec un univers qu’il perçoit dans son for
intérieur comme dramatique, sinon tragique. La publication
des notes, les plus intimes, que Malinowski avait pris durant
Cette
site
phique
(Lévi-Strauss)
(Malinowski).
tropiques
celles
participe
table
et
àroman
lettres
vingt,
s’était
sont
par
pondance,
d’avoir
vagabondage
n’ont
de
d’un
mente
geoise.
leirisien,
départ
contradictions.
chantement
partager
perçoit
tion,
travers
déjà
réalisation
cette
des
entre
l’écho
d’Afrique,
lal’exotisme,
nuancée
son
ses
Cette
veille
professionnelle,
mirages
des
vu
fils
terre
àpas
quête
les
du
par
technique
«envoyées,
épistolaire
pour
plusieurs
comportements
racisme
son
leraté
laun
et
perdu
de
documents
la
métis
àlecture
produit
tangible
salut
voyage
murs
de
Bovary,
semble
Robert
un
de
àd’une
même
la
mélange
incapacité
la
adaptation
d’un
l’Afrique.
en
de
la
son
Mission
malheur
miracles
merveilleux.
de
de
»pièce
en
etLeiris
fois,
quelque
accentuera
etLe
domestiques.
De
dans
postures
départ
de
contrecarre
l’enfance,
bonheur
du
entre
Fletcher.
ou
négation
comme
stupeur,
dépit
ilsegalenienne
dans
îles
James
briller
qui
par
miracles.
jouit
style
toute
marqués
retour.
celle
les
mystérieux
aImpressions
dans
etparadis-îles
Dakar-Djibouti
Ainsi,
»«àcoloniaux
1910
la
de
théâtrale
revêtu
en
se
sorte
un
mers
31Fletcher,
L’œil
de
s’affranchir
désabusé
un
: de
de
ilforte
intime,
façon,
Afrique
produit
celle
L’Afrique
leur
A
me
Pour
ses
d’une
malaise
D’ailleurs,
poursuit
aperçus
etévénement
son
enses
Par
travers
par
tout
ses
son
dudéchirements,
Ainsi,
paraît
la
impression
dans
de
quelque
propre
du
lui,
destin
première
sud,
l’égotisme
moment,
seules
propres
pouvoir
etl’ethnographe
anti-exotisme
de
du
seun
le33pusillanimité
àremords
d’illusion
se
de
racistes.
.la
l’exotisme
nourrissant
«Ilàdégagent
pouvoir
fantôme,
en
aventurier
de
Fletcher
littérature
triste
l’image
un
d’exilé
imprégnation.
s’agit
sorte
créateur
lumières
quête
rêves
sa
cathartique
ilami
qu’il
moitié
etsemble
deDe
carapace
l’enthousiasme
être
32,
d’un
l’exote
»de
londonien.
les
;leur
d’une
:de
tourmente
ailleurs
avait
etsera
lud’une
cette
la
lela
»,anglais
des
possibles,
confirmée
ethnogra¬
amènent
Leiris
lerecueil
morbide
naissance
etnostalgie
sentiment
avant
le
se
auteur
pétri
reçu
voyage
conféré
médité
expéri¬
années
corres¬
ILLUSION
«libérer
désen¬
Leiris
muta¬
bour¬
ISLES
réus¬
véri¬
THE
des
qui
son
Ce
du
de
CENTURY
etAsterisk
leà TRAVELLERS
OF
ses séjours en Nouvelle-Guinée et en Mélanésie décèle une
chronique marquée par la conscience d’une distance radi¬
cale séparant misérablement le Blanc de l’ Autre indigène,
contrepoint imprégné de souffrance à son « observation parti¬
cipante ». Dans son introduction à la traduction française du
texte, Remo Guidieri s’est demandé : « Y a-t-il un “bonheur”
de l’ethnographe, de cet individu débarqué là où personne ne
l’attend, censée s’instruire et s’émerveiller, en espionnant
ses hôtes, comme il y a des allégresses en philologie et des
joies en voyage ? » 38 Guidieri ne répond pas à son interro¬
gation, bien qu’il parle de la réalisation sur la scène exotique
de « vocations
réunit la convoitise
» ethnographiques
d’être un autre; iletajoute
1’ effectuation
: « Ce “bonheur”
de cette
convoitise dans la fiction. » 39 En effet, dans les journaux de
Malinowski, le désordre ou le chaos
existentiel engloutissent aussi toute
formulation de questionnement.
L’alternance des impressions
échappe à toute maîtrise et acquiert
une connotation
L’exotisme se manifeste
schizophrénique.
à travers
des effets hallucinatoires, où le
proche et le lointain se mélangent.

34. Cf Raymond Roussel, Impressions


d’Afrique, Paris, Jean-Jacques Pauvert,
Lettres
31. Robert
mère.
28,
32.
d’illusion,
orig.,
Constable
33.
Jacques
Leiris
Gérard
2000
Jean
Asterisk,
Michel
dedesPrévert
: lire
47Jamin
James
Cogez,
Paris,
Iles-Paradis,
&sq.
Leiris
leCo,
Letters
qui
Fletcher,
Le
texte
a«1923
enLe
rappellé
Sycomore,
conseilla
from
Afrique
decontinent
1928].
; Fletcher
îles
lère
the que
»,vivement
paradis-îles
South
éd.
1979
defranç.,
Gradhiva
ce
l’autre
Seas,
«[Éd.
fut
Ceà 1963 [1910].
35. Cf Michel Leiris, « L’œil de l’ethno¬
:

graphe », op. cit.


36. Minotaure, n° 2, (Spécial Mission
Dakar-Djibouti), 1933.
37. Bronislaw Malinowski, A diary in the
livre, m’a-t-il dit [Leiris] ne fut pas étranger strict sense of the term, Londres, Routledge
à soncarnets
ses projet ded’ethnologue
routes publiés
lorsqu’il
sous rédigea
le titre & Kegan,
38. Remo 1967.
Guidieri, « Introduction » à Bro¬
L’Afrique fantôme
d’observations extérieures
: ne pas
maisse noter
contenter
aussi nislaw Malinowski, Journal d’ethnographe,
Paris, Éditions du Seuil, 1985 : 11.
les états intérieurs ; traduire des humeurs ; 39. Id.,Gilles
40. ibid. Deleuze & Felix Guattari,
passer par la subjectivité pour atteindre
l’objectivité », Jean Jamin, « Préface » à Kafka. Pour une littérature mineure, Paris,
d'Preil suqsiu'îolens R. J. Fletcher, op. cit. : xvn sq. Éditions de Minuit, 1975.
32
GAETANO CIARCIA
À plusieurs reprises, l’ethnologue souligne les jeux de miroir ses représentants sur le terrain. Dans les textes de Leiris et
Malinowski, l’idylle exotique est enchevêtrée à sa négation,
leurs terrains sont justement le terrain de cette lutte entre le
désenchantement, la désillusion, parfois le désespoir, et
l’assomption de ces sentiments en tant que preuves initia¬
tiques et irremplaçables moments herméneutiques dans la
construction toujours en chantier de leur bonheur d’ anthro¬
reflétant
nombreuses
caractère
ture
nous
être
de
espace
peine.
quilibre,
tégie
du
une soi.
dominer
de
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;du
parle
ilAinsi,
Le
la
etcollage,
utilise
dans
que
recherche
tortueux
mélange
dans
depatries
leMalinowski
Yl’auteur
sa
hic
plusieurs
risque
une
de
chaque
biographie
etDeleuze
linguistique
de
culturelles
d’une
durée
nunc
de
tente
son
langue
langues
«l’indistinct
exotique
parole
parcours
qu’il
dé-territorialiserait
etd’escamoter
deGuattari
correspondrait
deest
maîtrise
métèque,
transversale
dans
Malinowski
Tailleurs
alors
par
qui
une
dans
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le
àavec
lemais
travers
simultanéité
signe
domestique.
leur
guette
à»,
lui
des
accentuent
beaucoup
aussi,
pour
àd’un
permettant
étude40
morceaux
son
une
dans
utiliser
désé¬
peut-
écri¬
stra¬
Les
qui
sur
un
de
le pologues. En ce sens, le prestige primordial de l’exotisme
dont Lévi-Strauss parle dans Tristes tropiques semble s’asso¬
cier d’une manière douloureuse et implacable au devenir
d’une « autorité » scientifique. Une sorte d’espace sacrificiel
édifie l’expérience du voyage et du séjour dans Tailleurs. On
demanderait, ou mieux le milieu de la discipline demande¬
rait à l’ethnologue de « risquer sa propre parole » (pour
les langues de Kafka, en se « ré-territorialisant » dans une utiliser une expression de Jeanne Favret-Saada) 42, c’est-à-
situation que son cosmopolitisme linguistique devrait rendre dire d’assumer aux niveaux épistémologique et personnel
plus domestique. Mais, plus Malinowski s’enfonce dans cette les conséquences d’une crise, d’une situation de crise,
altérité indistincte, la sienne et celle d’autrui, absorbé par qu’investit son ethnocentrisme culturel et son égotisme
son projet cognitif, plus son intimité dérangée, l’enveloppe. affectif. Sur cette condition de rupture académiquement
L’ethnologue ne maîtrise pas la technique segalenienne de la autorisée, flotte comme Ta rappelé James Clifford43, en tant
stupeur et en même temps il est aux antipodes d’une quête que possible avatar menaçant, le fantôme de Kurtz de Heart
surréaliste du merveilleux. Il expérimente, malgré lui, of Darkness de Joseph Conrad. Kurtz est celui qui a trans¬
comment l’exotisme bovaryque, en confondant la percep¬ formé la rupture momentanée dans Tailleurs colonial en
tion du monde matériel, s’oppose à sa volonté de scienti¬ rupture définitive, en ultime exil, lieu extrême d’une utopie
fique. Malgré un malheur radical, ou peut-être en vertu de privée. Mais, l’ethnologue, au contraire de Kurtz, est censé
celui-ci, il vise la conquête méthodologique de l’espace qui interpréter la positivité de cette crise : il ne se suicide pas dans
devient son terrain. Malinowski, dont l’exotisme ne produit Tailleurs, la sienne est une disparition et non une mort
pas de réel, à la Segalen, aperçoit au contraire dans sa carrière sociale, sa coupure n’est pas un moment de non-retour dans
d’exote la fin dramatique de ce qu’il appelle la « réalité inté¬ sa biographie, mais le moment où il bâtit son retour, donc
rieure » de ses propres sentiments, minés par le dédoublement Titularisation de son utopie personnelle se transpose plutôt
des projections entre T ici et le maintenant de la recherche et dans Titularisation de son terrain, de son village, lieux
Tailleurs perdu de ses patries. À propos des sentiments liés à d’un savoir que l’écriture scientifique doit être en mesure de
maîtriser. En ce sens, l’ethnologue est, pour reprendre la
ses souvenirs
gole
lequel dans
je suis le milieu
les contact.
en plusbien
intimes,
Puis
réel voici
ilavec
écrit : « Soudain je dégrin¬ métaphore conradienne, Marlow,
Tanti-Kurtz, celui qui a été envoyé,
queleur
en de nouveau
réalité intérieure.
ils cessentJed’exister
les vois celui qui revient. A cet égard, les
cahiers de notes et les journaux de
dans leur exotisme, incongrus et voyage d’Alfred Métraux, dont une
cependant artistes sic et [sauvages] ; ILES-PARADIS, partie a été publié avec le titre
exotique = irréel ; intangible, flot¬ Itinéraires /44, constituent une
tant à la surface de la réalité, comme ILES D’ILLUSION preuve ultérieure de la relation
une image multicolore collée sur un controversée entre le bonheur privé
mur solide et terne. » 41 Leltres des mers du sud de l’ethnologue et la connaissance
publique, par définition, de son
Terrains de remords expérience. On découvre Métraux,
l’infatigable voyageur, le haut fonc¬
La présence et la place du tionnaire de T Unesco, possédé par
bonheur dans les journaux d’ethno¬
logues et son absence, tout à fait
normale, dans les textes scientifiques
me paraît pouvoir dessiner une
relation entre modalités parfois
divergentes mais toujours complé¬
mentaires intégrant la restitution 41.
Dans
42.
43.
ethnographique
nowski
culture,
des
44.
Payot,
liques
anglais.
les sorts,
Jeanne
Beaux-Arts,
Bronislaw
James
Alfred
la1978.
sont
»,version
Paris,
inFavret-Saada,
Clifford,
Métraux,
en
J. Ecole
Malinowski,
Gallimard,
originale,
d’un
Clifford,
1996
polonais,
«soi
:supérieure
Itinéraires
97-117
DeLes
les
Malaise
1977.
Conrad
lales
Mots,
op.
parties
construction
[1988].
autres
cit.
nationale
/,etladans
en
Paris,
:Mali¬
mort,
233.
ita¬
en
la
éditoriale du vécu ethnographique.
:

S’il ne s’agit pas, bien entendu,


d’une « science gaie », l’ethnologie
est une discipline conditionnée par
l’impétuosité des états humoraux de ESSAIS
ET
ETUDES

gradhiva 32, 2002 33


de Chevreuse, où il avait absorbé des barbituriques. Il semble
que son suicide ait été dûment prémédité et exécuté de
manière à éviter toute possibilité de sauvetage, car sans cela
il n’aurait pas choisi ce lieu retiré. » 48 Dans l’allocution qu’il
donnera à l’ Unesco pour l’ami disparu, Leiris établira un lien
entre les voyages de Métraux et la tentative d’évacuer par le
biais de ses errances la présence d’un chagrin impitoyable.
Reprenant son exemplaire du Vaudou haïtien de Métraux, il
rappelle la dédicace que l’auteur lui avait adressée : « A
Michel, en souvenir de nos errances, ces naïves diableries
qui nous consolent ». Les « naïves diableries » - explique
Leiris - étaient les séances de vaudou, auxquelles les deux
ethnologues ne croyaient pas mais qui étaient des spectacles
passionnants pour eux, et comme Leiris ajoute, qui les conso¬
laient peut-être d’un paradoxe : « Un errant, un homme qui
sait de quoi il retourne mais n’en est pas plus fier, quelqu’un
au plus profond de qui gît un chagrin dont il faudrait le
consoler, tel apparaît celui qui - en une dizaine de mots [dans
la dédicace] et très seprobablement
extraordinairement confesser. » 49sans y songer - a pu si
La recherche d’un bonheur ethnographique est explicitée,
peut-être de la manière la plus accomplie au point de vue
littéraire, dans Tristes tropiques. La rencontre entre l’écriture
érudite et la parole autochtone véhiculerait également le
devenir herméneutique du journal du savant comme document
scientifique. À cet égard, Lévi-Strauss décrit l’épisode où
l’écriture
son rôle, implicitement
centrisme exprime
traditionnel
le malheur
revendiqué,
séparant
ab origine
l’écriture
de violeur.
de l’ethnologue
de laIci,parole
l’ethno¬
dans
est

traité et pensé comme un anti-ethnocentrisme 50, mirage-


chimère d’un bonheur scientifique. L’ ailleurs, suite à l’aveu
de cette faute originaire, le viol ethno-graphique, acquiert
inéluctablement la dimension d’un rêve trahi où l’image d’un
paradis perdu s’évapore pour celui qui vit sa profession
comme l’accomplissement spatial (le terrain) et temporel
(l’écriture) d’une krisis, symptôme et symbole d’une rupture
culturelle et psychologique. Mais la confession est stricte¬
ment liée à la reconnaissance que le mythe exotique d’un
paradis perdu, est pour l’ethnologue, lieu d’une expiation,
sorte de purgatoire initiatique. En ce sens, la « haine » pour
les voyages et les explorateurs de Lévi-Strauss, n’empêche
pas, à mon avis, l’ auto-fascination pour le déplacement
physique et mental présent dans l’écriture, et dont Tristes
tropiques est l’expression raffinée. La pudeur avec laquelle
son auteur fait le récit de ses errances, évente le danger de la
Robert
l’idée
déclare
réceptif
fugitif,
paradoxe
semble
scientifique
sion
nance
ture
self-centered
explicative
tragiquement
condamné
montrent
l’a
Itinéraire
la
de
Strauss),
midi
craindre.
mort
son
Métraux,
téléphone
quelque
La
bien
s’empare
sur
James
du
deréaction
mal-être
exotique
àconquérir
de
et:jeudi
l’altérité
l’inutilité
quelques
Z[ette]
Son
dit
s-douloureux
«Métraux
observateur
47àse
Fletcher,
àJe
chose
en
l’art
. s’identifie
sa
André-Marcel
(Kahnweiler
àrefusait
réel
corps
du11
me
un
avril
de
psychologique.
quête
apprend
entre
voyageur.
du
un
révèle
que
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dépres¬
comme
l’après-
suicide
ouver¬
vallée
Lévi-
coup
rend
plus
aux
de
leil banalisation de sa narration en tant que littérature de voyage ;
cette retenue ne dément pas la valeur cruciale qu’il attribue à
son exploration d’un ailleurs, qui est, exotiquement parlant,
l’ailleurs du voyageur et non seulement l’ ailleurs de l’ Autre.
Et c’est l’idée du bonheur perdu et du remords qui sépare
ces deux dimensions, bien sûr communicantes entre elles.

46. Idem : 98.


45. 74.
47. André-Marcel d’Ans, « Introduction » à A. Métraux, op. cit. : 13.
48. Michel Leiris, Journal , Paris, Gallimard, 1992 : 590.
49. Michel Leiris, « Regard vers Alfred Métraux », in M. Leiris, Cinq
études d’ethnologie, Paris, Denoël/Gonthier, 1969 : 134 [1963].
50.
1966.Cf. Jacques Derrida, De la grammatologie, Paris, Éditions de Minuit,
d'Preil suqsiu'îolens
34
GAETANO CIARCIA

Lévi-Strauss prétend avoir déclenché un conflit communau¬


taire lorsqu’il demande aux fillettes Nambikwara de jouer
les espionnes ou quand lui-même se rend complice de la
comédie du chef indigène en train de se vanter devant les
siens de sa compréhension de l’écriture du Blanc. En réalité,
comme l’a bien souligné Derrida, la violence immanente à la
parole a précédé et non suivi la parution de l’ écriture dans les
îles heureuses de l’oralité ethnologique. On décèle donc l’illu¬
sion fondant la perspective éthique du remords pour une
violence qui permet de penser Tailleurs comme un espace
virginal violé par l’écriture et la nostalgie de sa perte que
l’anthropologue semble assumer avec une certaine plénitude
trempée de mélancolie.
Malgré une distance chronologique, stylistique et discur¬
sive séparant Tristes tropiques de L’Afrique fantôme, les
deux textes laissent apparaître un anti-exotisme qui est davan¬
tage le produit d’une prise de conscience qu’une dénégation
de la pulsion culturelle ethnocentrique et égocentrique intrin¬
sèque au Voyage comme entreprise cognitive. L’exotisme
est contrarié, mais il existe, à la Gaultier ou à la Segalen,
comme une donnée préexistante au vécu, la Cause non fondée
(dont on est parfois les « jouets » comme dit Leiris lui-même
à propos du bovarysme dans sa préface au texte de Rouget), Tahiti, vallée de la Fautaua. Petite vahiné auprès du monument(Ph.
de MH).
Loti.
essence extravagante, parce que composante d’un déguise¬
ment, qui parfois s’accorde au voyageur dans sa pureté. Leiris à sa manière qui est le déchirement, dont il se nourrit quant
écrit : « On se blase vite à voyager comme nous le faisons. Il à lui-même et dont il est le “porte-venin” ou, si Ton veut, le
faut tomber dans des endroits bien extraordinaires pour avoir porte-parole. Mais il y a toutes sortes de manières d’être
un peu d’impression d’exotisme. » 51 L’exotisme serait alors poète. Tenir une plume ou un pinceau n’est pas forcement la
une illusion nécessaire comme pour Fletcher : « Il me reste meilleure. » 55 Mais, Leiris se propose également de ne pas
encore l’Orient et son mystère. Tout y est sans doute terre-à- ruser « avec les choses de l’intériorité », se désolidarisant
terre et infect. Mais tant que je n’y aurai pas été, je n’en ainsi d’une poétique de la connaissance pour privilégier son
saurai rien. Cela restera pour moi un mystère et le foyer de activité d’observateur. Le coté dramatique de cette confron¬
tout mystère. » 52 Le seuil d’un exotisme banal est parfois tation, où l’oubli de soi-même (Emawayish ?) semble être
outragé ; à cet égard, Leiris écrit : « C’est la grande guerre au une condition préalable à la connaissance scientifique, carac¬
pittoresque, le rire au nez de l’exotisme » 53 et parfois il le térise son œuvre d’ethnologue.
poursuit
comme un comme
enfantle»seuil
54 se où
reflète
la volonté
misérablement
d’«être dans
danslesl’exis¬
faits Lévi-Strauss au contraire dans Tristes tropiques affronte,
en quelque sorte, ce conflit et atteint un triste mais solide
tence ennuyeuse des marins et des fonctionnaires coloniaux bonheur d’anthropologue, grâce à une enquête de terrain
et de l’ethnologue. définitivement moderne, qui se veut décrochée de l’insti¬
On pourrait parler d’une condition d’échec ou plutôt, tution coloniale. Le remords que Lévi-Strauss reconnaît à
pour rester dans le langage du jeu du même nom, de pat, ce l’origine de sa carrière d’ethnologue se pose dans une pers¬
mot désignant dans ce jeu la situation dans laquelle aucune pective cathartique, qui semble apprivoisée et non plus être
pièce peut bouger sans provoquer la prise du roi, ce dernier possédée par les raisons de son choix exotique. En ce sens,
n’étant pas en échec (le pat entraîne la nullité de la partie). Par le triste bonheur (ou le malheur) dont sa distanciation est
métonymie, cette image, où les joueurs semblent subir les imprégnée constituerait une part de « [...] la rançon des
règles du jeu plutôt qu’ils ne les suivent ou les appliquent, connaissances qu’il obtient » 56. Son exotisme apparaît,
évoque une réalité paradoxale, ou si l’on préfère utopique, qui donc, plus désabusé que celui de Leiris. Lévi-Strauss écrit :
serait produite par une action tout en étant à la fois l’effet et
la cause d’une impossibilité à agir. Leiris reconnait dans
L’Afrique fantôme cette impasse, lorsqu’il écrit : « Le socio¬
logue et le psychologue ont beau serrer de plus en plus leurs
réseaux de connaissance, ils seront toujours des observa¬
teurs, c’est-à-dire situés en pleine subjectivité. Tous les
savants en sont là. Quant aux philosophes, il ne semblent pas
près d’établir une équation satisfaisante entre ces deux forces recherche
51. Jean
52.
[1934],
53.
54.
55.
56.
Strauss,
Temps
mant
comme
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son Robert
Michel
Idem
Michel
œuvre,
: «modernes,
déchirement
homme.
Pouillon,
Race
L’ethnologue
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291.
311.
James
Leiris,
Leiris,
meetplénitude
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histoire,
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«1984,
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1956,
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L’Afrique
L’Œuvre
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Paris,
1987
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126
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1984
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C.dans
en inéluc¬
Lévi-
: Les
affir¬
202la
etni
:

de Janus. Un seul homme peut prétendre avoir quelque


connaissance de la vie dans ce qui fait sa substance, le poète ;
parce qu’il se tient au cœur du drame qui se joue entre ces
deux pôles : objectivité/subjectivité, parce qu’il les exprime ESSAIS
ET
ETUDES

gradhiva 32, 2002 35


« Les
que
significative
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lefait
être
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« La
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Ce
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la rencontre
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celle
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58.
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retour
Op.voyage
Idemque
qui
cit.: 439.
transforme
146.
rend,
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mais
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emblématique
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fondant
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peut-être,
connaissances.
duperie
lela»voyage
possibilité
59,lesilde
: tropiques
tout
démasque
en
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Quand
littérature
découverte
cela
de l’exotisme
Lévi-Strauss
paraît
tristes,
etdeoù
pérennise
vrai
nostalgie.
l’immanence
d’un
nondu
à plus
affirme
qui
terrain,
climat
cette
n’en
îles:

Ile dans l’Océan Pacifique.

d'Preil suqsiu'îolens
36

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