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SÉANCE 3. LES EFFETS DU MARIAGE


Objectifs de la séance : comprendre les devoirs personnels et patrimoniaux entre époux et leur évolution dans
le temps ; être capable d’expliquer la distinction entre devoir de contribution et devoir de solidarité entre époux.

LES EFFETS PERSONNELS DU MARIAGE


 Le devoir de communauté de vie
Doc. 1. Req., 2 janvier 1877, Bastien c. Bastien, GAJC, n° 32.
Doc. 2. Civ. 1ère, 12 février 2014, n°13-13.873

 Le devoir de fidélité
Doc. 3. Civ. 1ère, 4 novembre 2011, n°10-20114
Doc. 4. Civ. 1ère, 30 avril 2014, n° 13-16649

 Le devoir conjugal
Doc. 5. Civ. 2e, 5 novembre 1969
Doc. 6. Art. 222-22 Code pénal

 Le devoir de respect
Doc. 7. Civ. 1ère, 23 mai 2006, Bull. civ. I, 260.
Doc. 8. Civ. 1ère, 27 février 2013, n° 12-17097

LES EFFETS PATRIMONIAUX DU MARIAGE


 Premières vues sur les régimes matrimoniaux
Cherchez les définitions suivantes : régime primaire, régime matrimonial, régime matrimonial légal. Quel est
le régime matrimonial légal en droit français ? Résumez les grands principes de ce régime en une quinzaine de
lignes.
 Solidarité et contribution aux charges du mariage
Doc. 9. Articles 214 et 220 du Code civil
Doc. 10. Soc. 4 octobre 2001.
Doc. 11. Civ. 1ère, 5 octobre 2016.

Travail à réaliser : Différenciez le devoir de contribution aux charges du mariage et le devoir de solidarité entre
époux quant à leur champ d’application, conditions d’application, personnes concernées et effets.
Après avoir consulté les manuels d’usage en droit de la famille et les éventuels articles de doctrine sur ce thème,
vous rédigerez la dissertation suivante : « le devoir de respect entre époux ». Vous vous aiderez également des
documents 5, 6, 7 et 8.

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LES EFFETS PERSONNELS DU MARIAGE


 Le devoir de communauté de vie
Doc. 1 : Req. 8 janvier 1877, Bastien c. Bastien, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, Tome I, Dalloz,
2015.

Faits. — M. Bastien avait introduit dans son ménage, comme domestiques, disait-il, deux personnes, qui étaient
en réalité ses enfants naturels. Il marquait pour eux une grande préférence et leur avait laissé prendre une
grande autorité sur sa femme et sur l'enfant né de son mariage. Mme Bastien, jugeant sa position intolérable,
forma contre son mari une demande tendant à être autorisée, tant qu'il n'aurait pas renvoyé ces deux personnes,
à se retirer chez ses parents avec son enfant et à recevoir une pension alimentaire. Le tribunal d'Arras, par
jugement du 25 août 1875, la cour de Douai, par arrêt du 29 février 1876, firent droit à sa demande. Pourvoi du
sieur Bastien, pour violation des articles 214, 231 et 306 du Code civil, ainsi que des articles 872 s. du Code de
procédure civile.

ARRÊT

La Cour; — Sur le moyen unique… : — Attendu que si l'article 214 du Code civil impose à la femme l'obligation
d'habiter avec son mari, cette obligation est subordonnée à la condition que celui-ci lui donnera la protection
qui lui est due, qu'il lui fournira tout ce qui est nécessaire aux besoins de la vie, selon ses facultés et son état; —
Attendu que par ces dernières expressions le législateur n'a pas borné sa sollicitude aux besoins matériels de la
vie, mais qu'il a entendu protéger également la dignité et la sécurité de la femme; — Attendu que l'arrêt attaqué
déclare en fait que la présence dans le domicile du sieur Bastien de personnes étrangères, la situation qu'il leur
a faite dans son intérieur, l'espèce d'autorité qu'il leur attribue sur l'enfant né de son mariage et sur sa femme,
sont de nature à blesser celle-ci dans sa dignité et à lui faire dans le domicile commun une position intolérable;
— Attendu que, dans ces circonstances, la Cour de Douai a pu, sans violer aucun principe, autoriser la dame
Bastien à se retirer dans sa famille jusqu'à ce que les personnes dont s'agit aient quitté le domicile conjugal, et
contraindre le mari à lui payer jusqu'alors une pension mensuelle; — Attendu qu'une telle disposition n'établit
point entre les époux une séparation de corps illicite, en les dispensant contrairement à la loi du devoir de la vie
commune; qu'elle a pour objet d'assurer l'exécution réciproque de ce devoir dans les conditions d'assistance et
de protection qui sont tracées aux époux par la loi; — Attendu, dès lors, que l'arrêt attaqué ne viole aucun des
articles invoqués; — Rejette…

OBSERVATIONS

1 L'arrêt ci-dessus rapporté a marqué une étape importante dans la reconnaissance d'une dispense du devoir de
cohabitation entre époux. Sa signification a d'ailleurs pu être remise en cause, compte tenu de l'évolution
législative du droit des gens mariés (v. Marie-Christine Manigne, « La communauté de vie », JCP 1976. I. 2803).

I. La consécration de la dispense de cohabitation par la jurisprudence

2 Le Code civil, à l'article 214 (rédaction de 1804), imposait à la femme l'obligation d'habiter avec son mari et de
le suivre partout où il jugeait à propos de résider. Mais cette obligation, rattachée à la puissance maritale, ne
pouvait être considérée comme absolue. D'ailleurs, l'article 214, dans sa deuxième phrase, obligeait le mari à
recevoir sa femme et à lui fournir tout ce qui est nécessaire pour les besoins de la vie, selon ses facultés et son

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état. Plus généralement, l'article 212 disposait que les époux se doivent mutuellement fidélité, secours,
assistance, à quoi la loi du 4 avril 2006 a ajouté le « respect ». Dans l'arrêt commenté, la Cour de cassation a
affirmé qu'il y a liaison entre l'obligation pour la femme d'habiter avec le mari et l'obligation pour celui-ci de la
protéger, de l'assister et de l'entretenir. L'exécution de la première est « subordonnée à la condition que (le
mari) lui donnera la protection qui lui est due, qu'il lui fournira tout ce qui est nécessaire aux besoins de la vie,
selon ses facultés et son état ». Ce faisant, la chambre des requêtes a confirmé divers précédents (Civ. 9 janv.
1826, Dalloz JG, vo Mariage, no 749, 10° ; Req. 20 nov. 1860, DP 61. 1. 305), datant aussi d'une époque où le
divorce n'avait pas encore été rétabli. La dispense de cohabitation, admise (dans le présent cas) parce que le
mari prétendait imposer à sa femme la présence et l'autorité de personnes étrangères (rappr. Douai, 26 mars
1901, DP 1902. 2. 188) – ou celle de ses parents (Req. 20 nov. 1860, préc.) ou, a fortiori, celle d'une concubine
(Paris, 21 mai 1897, S. 97. 2. 296) – l'a aussi été lorsque le mari avait proféré des injures graves et commis des
sévices (Req. 27 janv. 1908, DP 1908. 1. 154; Bastia, 20 mai 1902, DP 1904. 2. 231) ou qu'il avait violé son
obligation d'entretien (Req. 4 mars 1914, DP 1916. 1. 31). Tout naturellement, on a été conduit à observer qu'un
certain lien existe entre l'obligation de cohabitation et les autres devoirs découlant du mariage. Si le refus
d'habiter avec son conjoint a été considéré comme une injure grave, pouvant servir de fondement à une
demande de divorce ou de séparation de corps, ce refus perd son caractère fautif lorsque la femme peut justifier
que le mari ne remplit pas à son égard son obligation d'assistance et d'entretien (Req. 4 mars 1914, préc.).
Inversement, si le refus de la femme n'est pas justifié, le mari est fondé à suspendre lui-même l'exécution de son
devoir de secours et d'assistance, notamment à lui refuser toute pension alimentaire (Dijon, 4 févr. 1888, DP 89.
2. 249; v. aussi Colmar, 1er déc. 1952, D. 1953. 46).

3 Approfondissant l'analyse, certains auteurs se sont référés au caractère synallagmatique du mariage (Aubry et
Rau, § 470, no 88), ce qui, par voie de conséquence, éveille l'idée d'une sorte d'exception non adimpleti
contractus. Aussi bien, un recours préalable à la justice n'est pas indispensable (Req. 4 mars 1914, préc.; Dijon,
4 févr. 1888, préc.; Civ. 2e, 15 janv. 1969, D. 1970. 148, 1re esp., note Le Calonnec). À quoi l'on a objecté que la
corrélation admise à propos de l'obligation de cohabitation est exclue au sujet d'autres effets du mariage (Planiol
et Ripert, t. II, par Rouast, no 366); c'est ainsi que l'obligation mutuelle de fidélité n'est pas suspendue par
l'adultère du conjoint 38 MARIAGE 271 (v. Y. Chartier, « Domicile conjugal et vie familiale », RTD civ. 1971, no
18, p. 527, no 54, p. 557). Encore faut-il observer que, si fruste soit-il, le mécanisme de l'exception non adimpleti
contractus s'adapte aux diverses situations dans lesquelles on l'utilise, notamment lorsque celles-ci donnent
naissance à une pluralité d'obligations entre deux personnes (Béguin, Rapport Trav. Ass. Capitant, t. XVIII, 1966,
p. 41 s.). Il est vrai que cette adaptation, signe d'une sorte d'indépendance dans l'interdépendance, laisse
normalement subsister l'exception lorsqu'il s'agit d'une obligation mutuelle, dont le contenu est identique pour
les intéressés. Mieux vaut observer que le mariage, s'il est pour partie un contrat, n'est pas un contrat ordinaire
(Y. Chartier, op. cit., p. 527) ou encore que la communauté de vie suppose, à l'évidence, une vie supportable,
normale, faute de quoi la femme peut se dispenser de cohabiter avec son mari et réclamer, le cas échéant, une
pension alimentaire (v. Soc. 21 nov. 1940, DA 1941. 13). En plaçant davantage dans un plan d'égalité l'un et
l'autre époux, qui « s'obligent conjointement à une communauté de vie » (art. 215, al. 1 C. civ.), la loi du 4 juin
1970 n'a pas remis en cause cette analyse. Ainsi a-t-il été décidé, sur une action de la femme en contribution aux
charges du mariage, après un abandon du domicile conjugal pendant plusieurs années par le mari, que celui-ci
devait être tenu de verser une pension, sans pouvoir s'y soustraire, d'ores et déjà, en sommant sa femme de
reprendre la vie commune (Civ. 1re, 14 mars 1973, D. 1974. 453, note P. Rémy, JCP 1973. II. 17430, note R.

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Lindon, RTD civ. 1975. 299, obs. Nerson). Encore ne faut-il pas déduire de cette constatation que la loi du 4 juin
1970 a été, en tous points, sans influence en la matière. C'est ce que l'on va voir.

II. La consécration de la dispense de résidence commune par le législateur

4 Lorsque fut rendu, en 1877, l'arrêt ci-dessus rapporté, le droit n'accordait aucun recours à la femme mariée
contre le choix de la résidence de la famille par le mari. Mais la loi du 18 février 1938 reconnut à la femme la
possibilité de saisir le tribunal en cas de « fixation abusive de la résidence du ménage par le mari ». Puis la loi
du 22 septembre 1942, dont la formule fut, sur ce point, reprise par la loi du 13 juillet 1965, a substitué, à la
notion subjective de fixation abusive, la référence objective aux dangers d'ordre physique ou d'ordre moral
présentés, pour la famille, par la résidence fixée par le mari (Nerson, obs. RTD civ. 1970. 157). Et la loi du 4 juin
1970, sur l'autorité parentale, substitua à la notion de « dangers d'ordre physique ou moral », celle d'«
inconvénients graves ». On a été conduit, dans ces conditions, à se demander si la dispense de résidence
commune, alors prévue par la loi, n'absorbait pas ou, dans la négative, n'excluait pas la dispense de cohabitation,
telle qu'elle avait été précédemment admise par les tribunaux. 5 Indépendamment du fait que la cohabitation
concerne non seulement l'habitation commune, mais aussi le debitum conjugale, l'autorisation de résidence
spéarée et la dispense de cohabitation correspondaient, de prime abord, à des considérations différentes (v.
Nerson, obs. RTD Civ. 1970, p. 156 et s.). L’une tendait à corriger, au profit de la femme, les conséquences de la
qualité de chef de famille du mari (L. 22 sept. 1942 et 13 juill. 1965), puis, après sa suppression (L. 4 juin 1970),
la survivance – jusqu’à la loi du 11 juillet 1975 portant réforme du divorce – du pouvoir, laissé au mari, de choisir,
faute d’accord, la résidence de la famille (art. 215, al. 2). L’autre, offerte, le cas échéant, aussi bien au mari qu’à
la femme (v. Desbois, obs. RTD Civ. 1962, 78) dégageait partiellement et de manière temporaire les époux de
leur obligation de vivre ensemble, mais opérait, dans une certaine mesure, à la manière d'une astreinte (v. en
ce sens, Roland, note D. 1961. 324, sous Toulouse, 30 janv. 1961), puisque, conformément aux termes mêmes de
l'arrêt ci-dessus rapporté, il s'agit d'assurer l'exécution réciproque du devoir de vie commune dans les conditions
d'assistance et de protection qui sont tracées aux époux par la loi. C'est précisément pour cette raison qu'à une
époque où l'on combattait la séparation de fait (v. Jean Maury, « Les séparations de fait entre époux », RTD civ.
1965. 515; M.-F. Nicolas, La séparation de fait entre époux, thèse dactyl. Paris, 1972), la dispense de cohabitation
a cependant été admise par les tribunaux. Force est pourtant de constater que les deux remèdes sont apparus
souvent très voisins. Certes, la dispense de cohabitation répond à des considérations d'ordre subjectif, tenant au
comportement du conjoint, tandis que l'autorisation de résidence séparée tient avant tout au lieu; mais il a été
admis que cette autorisation pouvait aussi être obtenue lorsque le choix du mari était fondé sur d'autres
considérations que l'intérêt familial (Marty et Raynaud, 3e éd., Les personnes, par Raynaud, no 209),
notamment sur le désir d'être désagréable à sa femme (TGI Seine, 22 janv. 1965, RTD civ. 1965. 799, obs.
Nerson). On comprend donc sans peine que certaines juridictions, préférant évidemment un texte précis à une
construction prétorienne, aient alors utilisé l'article 215 du Code civil afin de motiver des décisions relevant, en
réalité, du domaine de la dispense de cohabitation (v. Toulouse, 30 janv. 1961, préc.; 5 juill. 1966, cassé par Civ.
1re, 1er juill. 1969, D. 1970. 148, 2e esp., note Le Calonnec, JCP 1969. II. 16056, concl. Lindon, Gaz. Pal. 1969. 2.
176; rappr. Paris, 10 juin 1958, D. 1958. 735, note Voirin). Les deux mécanismes ne faisaient pourtant pas double
emploi (Nerson, obs. RTD civ. 1970. 156 s.; Y. Chartier, art. préc., p. 556 s.).

6 Encore fallait-il savoir si la dispense de cohabitation, consacrée depuis longtemps par la jurisprudence, plus
précisément par l'arrêt rapporté, n'avait pas été remise en cause, du fait de la consécration légale de
l'autorisation de résidence séparée. Si la question méritait d'être posée, c'est parce que la Cour de cassation

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semblait avoir remis en question l'existence d'une dispense de cohabitation, en l'absence d'une procédure de
divorce ou de séparation de corps (Civ. 1re, 1er juill. 1969, préc.). Solution singulière, puisqu'elle incite
abusivement à demander le divorce ou la séparation de corps (v. C.-I. Foulon- Piganiol, « Le droit de ne pas
demander le divorce », D. 1970. chron. 148), alors que rien ne permet de penser que le législateur ait entendu
en 1938, 1942 ou 1965 faire disparaître un remède ancien et opportun. Solution difficilement conciliable avec le
courant législatif qui a tendu à reconnaître à la séparation de fait plus d'effets que par le passé (ex. : art. 1442,
al. 2 C. civ., réd. L. 13 juill. 1965; art. 237 C. civ., réd. L. 11 juill. 1975). Et solution abandonnée ensuite assez
rapidement par la Cour de cassation (Civ. 1re, 24 oct. 1973, D. 1975. 724, note A. Bénabent, JCP 1975. II. 17991,
note Y. Chartier, RTD civ. 1975. 299, obs. Nerson; rappr. Civ. 1re, 14 mars 1973, préc.). Ajoutons que la
Commission Dekeuwer-Défossez a proposé d'inscrire dans la loi « la possibilité pour un époux de quitter le
domicile conjugal lorsqu'il y est victime de violences, droit trop souvent méconnu des conjoints comme de leurs
conseils à l'heure actuelle » (Rénover le droit de la famille. Rapport, La Documentation française, 1999, p. 136).

7 L'originalité de la dispense de cohabitation se trouve, en un certain sens, renforcée depuis la réforme du


divorce. Prolongeant jusqu'à son terme une évolution égalitaire, la loi du 11 juillet 1975 a supprimé les derniers
vestiges de la prépondérance maritale quant au choix de la résidence de la famille : il est seulement disposé, au
nouvel article 215, alinéa 2 du Code civil, que celle-ci est au lieu que les époux « choisissent d'un commun accord
» ; corrélativement, a été supprimée la faculté, pour la femme, d'obtenir, dans certaines conditions, une
autorisation de résidence séparée. Même si les époux peuvent avoir un domicile distinct, ils ne s'en obligent pas
moins mutuellement, aujourd'hui comme hier, à une communauté de vie (art. 108, al. 1, 215, al. 1 C. civ.), ce qui,
dans la ligne d'une jurisprudence ancienne et non condamnée, laisse toujours place à d'éventuelles dispenses de
cohabitation (v. Bénabent, note préc.). Sur la communauté de vie depuis la loi du 4 avril 2006 renforçant la
répression des violences au sein du couple, v. Anne-Marie Leroyer, obs. RTD civ. 2006. 402 s.

Doc. 2. Civ. 1ère, 12 février 2014, n°13-13.873

Vu les articles 21-2, 108 et 215 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., de nationalité algérienne, s'est mariée le 5 mars 2005 avec M. Y...,
de nationalité française ; que le 12 juin 2009, Mme X...a souscrit une déclaration de nationalité française sur le
fondement de l'article 21-2 du code civil, en sa qualité de conjoint d'un ressortissant français, qui a été rejetée le
3 novembre 2009 au motif que la preuve de la communauté de vie tant matérielle qu'affective des deux époux
n'était pas établie, l'épouse travaillant en région parisienne alors que son mari habite dans la Creuse ; que par
acte délivré le 28 avril 2010, M. et Mme Y...ont assigné le ministère public aux fins de contester le refus
d'enregistrement de la déclaration de l'épouse ;

Attendu que, pour constater l'extranéité de Mme X..., l'arrêt retient que les époux n'ont plus habité ensemble
depuis le 24 avril 2006, date de prise de fonctions de la femme en région parisienne, le mari restant vivre dans
la Creuse, que les époux ont choisi de vivre séparés la plupart du temps et ont accepté ce mode de vie résultant
selon eux de l'impossibilité de trouver un travail à proximité, mais que cette pratique ne correspond pas à la
communauté de vie « tant affective que matérielle » et ininterrompue exigée par la loi, distincte de la seule
obligation mutuelle du mariage ;

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Qu'en statuant ainsi, alors que, pour des motifs d'ordre professionnel, les époux peuvent avoir un domicile
distinct, sans qu'il soit pour autant porté atteinte à la communauté de vie, la cour d'appel a violé les textes
susvisés ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE.

 Le devoir de fidélité
Doc. 3. Civ. 1ère, 4 novembre 2011, n°10-20114

Sur le premier moyen :

Vu l’article 1133 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... a souscrit le 10 mai 2007 un contrat de courtage matrimonial,
prévoyant des frais d’adhésion de 8 100 euros TTC, auprès de la société Centre national de recherches en
relations humaines, exerçant sous l’enseigne Eurochallenges (la société) ; que celle-ci l’a assigné en paiement
puis a soulevé la nullité de la convention ;

Attendu que pour annuler le contrat litigieux “aux torts” de M. X... et condamner ce dernier à verser des
dommages-intérêts à la société, l’arrêt retient qu’il s’est présenté, lors de la signature de la convention, comme
divorcé en cochant dans l’acte la case correspondante, bien qu’il ait été alors toujours engagé dans les liens du
mariage puisque le jugement de divorce le concernant n’a été prononcé que le 22 avril 2008, soit près d’une
année plus tard, ajoute que s’il avait avisé la société de sa situation, elle n’aurait pas manqué de l’informer de
l’impossibilité de rechercher un nouveau conjoint en étant toujours marié, puis énonce que le contrat du 10 mai
2007 doit donc être annulé pour cause illicite comme contraire à l’ordre public de protection de la personne
ainsi qu’aux bonnes moeurs, “un homme encore marié ne pouvant légitimement convoler en une nouvelle
union” ;

Qu’en statuant ainsi alors que le contrat proposé par un professionnel, relatif à l’offre de rencontres en vue de
la réalisation d’un mariage ou d’une union stable, qui ne se confond pas avec une telle réalisation, n’est pas nul,
comme ayant une cause contraire à l’ordre public et aux bonnes moeurs, du fait qu’il est conclu par une personne
mariée, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses
dispositions, l’arrêt rendu le 12 novembre 2009, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ; remet, en
conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les
renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence

Doc. 4. Civ. 1ère, 30 avril 2014, n° 13-16649

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 avril 2012), que M. X... et Mme Y... se sont mariés le 22
septembre 1990 ; que trois enfants sont issus de leur union ; qu'un juge aux affaires familiales a prononcé leur
divorce aux torts exclusifs de l'épouse et a, notamment, rejeté la demande de prestation compensatoire de celle-
ci ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de prononcer le divorce à ses torts exclusifs ;

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Attendu que l'arrêt, par motifs propres et adoptés, relève que les « mails » équivoques échangés sur « netlog »
par l'épouse avec un certain nombre de correspondants masculins, ainsi que les photographies intimes de cette
dernière, établissent que celle-ci avait un comportement de recherches de relations masculines multiples et
retient que ce comportement, sans rapport avec son état dépressif, constitue un manquement grave et renouvelé
aux obligations du mariage ; qu'en prononçant le divorce aux torts de l'épouse, la cour d'appel, qui n'était pas
tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a fait une exacte application de l'article 242 du code
civil ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de prestation compensatoire ;

Attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation et sans encourir le grief du moyen que
la cour d'appel, après avoir procédé à une analyse détaillée des situations respectives des époux, a estimé que
l'équité commandait, au regard des circonstances particulières de la rupture, de rejeter la demande de prestation
compensatoire de l'épouse ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

 Le devoir conjugal
Doc. 5. Civ. 2e, 5 novembre 1969

Vu l'article 232 du code civil ;

Attendu que les excès, sévices et injures ne sont une cause de divorce qu'à la condition d'être fautifs et imputables
à l'époux x... lequel ils sont invoques ;

Attendu que, pour prononcer le divorce aux torts de y..., l'arrêt énonce que six mois après la célébration du
mariage, la vie commune avait été interrompue à la demande de la femme, y... "laissant sa jeune femme déçue,
en possession de son plein état de fait de jeune fille, que la preuve du non-empressement de y..., ou pour le
moins de son inefficacité, résultait indubitablement des constatations du médecin qui avait examiné dame y...,
un tel comportement du mari étant suprêmement injurieux pour la femme, et essentiellement de nature a
rendre intolérable le maintien du lien conjugal ;

Que l'arrêt ajoute que y... avait seulement suggéré devant la cour, sans s'en expliquer, que sa femme n'était pas
étrangère à ces résultats, qu'il est, semble-t-il, le seul à ne pas estimer décevants ;

Attendu qu'en se déterminant par ces seuls motifs, sans rechercher si la non-consommation du mariage était
imputable à la faute de y..., la cour d'appel n'a pas donné une base légale à sa décision ;

Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce que l'arrêt attaqué a prononcé le divorce aux torts de y...,
l'arrêt rendu entre les parties par la cour d'appel de Pau, le 11 juin 1968 ; (…)

Doc. 6. Art. 222-22 Code pénal

« Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise.

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Le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu'ils ont été imposés à la victime dans les
circonstances prévues par la présente section, quelle que soit la nature des relations existant entre l'agresseur et
sa victime, y compris s'ils sont unis par les liens du mariage.

Lorsque les agressions sexuelles sont commises à l'étranger contre un mineur par un Français ou par une
personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au
deuxième alinéa de l'article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l'article 113-8 ne sont pas
applicables ».

 Le devoir de respect
Doc. 7. Civ. 1ère, 23 mai 2006, n°05-17533

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en
annexe au présent arrêt :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé aux torts partagés son divorce avec Mme Y... et
d'avoir admis en conséquence le droit de Mme Y... à une prestation compensatoire ;

Attendu qu'ayant relevé que l'attestation de la soeur de Mme Y... révélait, de manière indirecte, des "disputes
réciproques" des époux, lesquelles avaient, en raison de leur intensité, traumatisé leur fils, la cour d'appel a
estimé souverainement, sans se contredire, que ces violences verbales traduisaient un manque de respect de
chacun des époux envers l'autre et constituaient une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du
mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le second moyen : (non reproduit)

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement du 27 mai 2003 en
ce qu'il a dit que M. X... versera à Mme Y... une prestation compensatoire sous forme d'un capital de 28 800
euros payable par mensualités de 300 euros pendant huit ans, l'arrêt rendu le 21 octobre 2004, (…);

Doc. 8. 27 février 2013, n° 12-17097.

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 5 mai 2011), que M. X... a épousé Mme Y... le 25 mai 2002 ; que le juge
aux affaires familiales, par jugement du 2 juin 2009, a prononcé leur divorce aux torts partagés et a condamné
Mme Y... à payer à son époux une prestation compensatoire d'un montant de 15 000 euros ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de prononcer le divorce aux torts partagés ;

Attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain et sans avoir à suivre les parties dans le détail de leur
argumentation, que la cour d'appel, a, au vu de l'ensemble des éléments versés aux débats, estimé que les pièces
produites par Mme Y... établissaient que M. X..., qui avait tenu des propos choquants et déplacés à son égard,
s'était montré indifférent aux difficultés qu'elle avait rencontrées et avait fait preuve d'une certaine violence à

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son encontre, avait manqué à de nombreuses reprises aux devoirs de respect et d'assistance ainsi qu'à
l'obligation de contribuer aux charges du mariage en faisant notamment en sorte de ne pas trouver d'emploi et
que ces faits constituaient des violations graves et renouvelées aux obligations du mariage rendant intolérables
le maintien de la vie commune ; que le moyen n'est pas fondé ;

(…)

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

LES EFFETS PATRIMONIAUX DU MARIAGE


Doc. 9. Art. 214 et 220 du Code civil

Art. 214 : Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils
y contribuent à proportion de leurs facultés respectives. Si l'un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut
y être contraint par l'autre dans les formes prévues au code de procédure civile.

Art. 220 : Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l'entretien du ménage ou
l'éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l'un oblige l'autre solidairement.

La solidarité n'a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du
ménage, à l'utilité ou à l'inutilité de l'opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant.

Elle n'a pas lieu non plus, s'ils n'ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament
ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de
la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d'emprunts, ne soit pas
manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage.

Doc. 10. Soc., 4 octobre 2001, n°99-21406

Sur le moyen unique :

Vu les articles 214 et 220 du Code civil ;

Attendu que M. Dal X..., commerçant forain, ne s'étant pas acquitté de cotisations d'assurance vieillesse, la caisse
Organic des professions itinérantes en a réclamé paiement à son épouse ;

Attendu que, pour rejeter la demande de la Caisse, le jugement attaqué retient que les cotisations ne tendent pas
à l'entretien immédiat du ménage et que l'avantage escompté en contrepartie de leur versement apparaît
aléatoire pour Mme Dal X..., qui est salariée et cotise elle-même au régime général, et qu'en conséquence, il n'est
pas établi qu'elles aient pour objet l'entretien du ménage, et encore moins l'entretien des enfants ; qu'il ajoute
qu'en admettant même qu'elles aient un tel objet, l'article 214 du Code civil limite la contribution des époux aux
charges du ménage à proportion de leurs facultés financières respectives, et que réclamer la totalité des
cotisations à l'époux non redevable personnellement conduit à lui faire supporter une part excessive des charges
du mariage ;

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Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article 214 susvisé ne concernent que les rapports
entre les époux, et que l'article 220 du Code civil, qui fait peser sur les époux une obligation solidaire, a vocation
à s'appliquer à toute dette, même non contractuelle, ayant pour objet l'entretien du ménage ou l'éducation des
enfants, sans distinguer entre l'entretien actuel et futur du ménage, et qu'ayant pour but de permettre au
titulaire de la pension d'assurer, après la cessation de son activité professionnelle, l'entretien du ménage, le
versement de cotisations d'assurance vieillesse constitue une dette ménagère, le Tribunal a violé les textes
susvisés ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE.

Doc. 11. Civ. 1ère, 5 octobre 2016, 15-25944

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que des difficultés sont survenues au cours des opérations de liquidation et de
partage, après divorce, prononcé par un arrêt du 11 mai 1999, du régime de participation aux acquêts acquêts
de M. X... et Mme Y... ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour dire que le financement par M. X..., seul, d'un appartement indivis destiné à la location a
constitué, non une donation indirecte révocable, mais un acte rémunératoire et indemnitaire pour Mme Y...,
l'arrêt retient que le contrat de mariage comportait une clause instituant une présomption simple de
contribution des époux aux charges du mariage, que celles-ci peuvent conduire les époux à constituer une
épargne destinée à protéger la famille des aléas de la vie, que l'époux ne souhaitait pas que Mme Y... travaille et
que l'acquisition de l'appartement indivis avait pour objet de compenser cette situation de mère au foyer ; qu'il
énonce que M. X... ne démontre ni son intention de gratifier son épouse ni la défaillance de Mme Y... dans
l'entretien et l'éducation des enfants communs, alors que la convention matrimoniale prévoit une contribution
équitable des époux aux charges du mariage ;

Qu'en relevant d'office le moyen tiré de la contribution des époux aux charges du mariage, que les parties
n'avaient pas invoqué, sans les avoir invitées au préalable à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé
le texte susvisé ;

Sur la deuxième branche de ce moyen :

Vu l’article 214 du code civil ;

Attendu que, pour dire que le financement par M. X..., seul, d'un appartement indivis destiné à la location a
constitué, non une donation indirecte révocable, mais un acte rémunératoire et indemnitaire pour Mme Y...,
l'arrêt retient que les charges du mariage, distinctes par leur fondement et leur but d'une obligation alimentaire,
ne comportent pas uniquement le logement et la nourriture des époux mais également ce qui contribue à
l'entretien et l'éducation des enfants et à l'organisation d'une épargne permettant aux époux de continuer leur
existence après cessation de leur capacité d'activité rémunératrice, que ce soit par accident ou par limite d'âge
et, plus généralement, à protéger la famille, et que l'achat d'un bien immobilier autre que le logement de la
famille, destiné à assurer ces buts, peut notamment entrer dans cette notion ;

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Qu'en statuant ainsi, alors que le financement, par un époux, d'un investissement locatif destiné à constituer
une épargne, ne relève pas de la contribution aux charges du mariage, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

(…)

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il juge que le financement de l'appartement situé ... à Paris n'a pas
constitué une donation indirecte révocable mais un acte rémunératoire et indemnitaire, et que l'action en
apurement des comptes, notamment relativement à cet appartement, n'est pas prescrite, l'arrêt rendu le 29
septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la
cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant
la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

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