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POLYNESIE FRANCAISE MINISTERE DES FINANCES, Ne iMEF DE L'ECONOMIE 1388 en charge de énergie, de a protection socate énéralsé en deta coordination de action gouvernementale et des clécommunications Papeete, le ~B WIL, 2022 Le Ministre Monsicur Florent Venayre Suite A la proposition d’une la loi du pays relative & ’encadrement des prix de certains produits ou services, vous avez formulé par voie de presse de vives critiques en évoquant, notamment, les atteintes possibles 4 la concurrence, V’inefficacité du dispositif sur les prix et qualifié de «retour en arrigre» par rapport au dispositif existant lélaboration dune telle proposition. Ces critiques révélent, 2 mon grand étonnement, votre méconnaissance, a la fois des dispositions en vigueur jusqu’ici et du projet présenté au vote des élus. Il convient en effet de souligner que cette loi du pays n’est autre qu’une transposition, sur le fond, du mécanisme d’encadrement des prix qui existait et qui est actuellement en vigueur. Les contours de ce mécanisme ne sont que précisés afin d’apporter lisibilité et transparence aux opérateurs, ce qui se traduit notamment par un encadrement des pouvoirs du conseil des ministres sur ces questions, encadrement aujourd'hui absent. Dans le méme esprit, Pexercice du contrdle de l’administration se trouve, lui aussi, mieux eirconserit. A. En ce qui concerne les risques d’atteinte a la concurrence Le code de la concurrence pose le principe de Ia liberté des prix. L’intégration de la liste des exceptions au sein méme de ce code constitue de toute évidence un progrés majeur au regard de la situation antérieure oii ces exceptions ne disposaient d’aucun cadre défini. Une lecture plus attentive du texte vous aurait sans doute permis de relever qu’en aucun cas le Conseil des Ministres dispose du pouvoir de fixation des prix des produits. En effet, et a contrario, les prix réglementés sont obligatoirement des prix maximaux. Cette nuance, qui vous a peut-étre échappé, laisse la possibilité aux commergants de pratiquer, dans la limite maximale fixée, les prix qu’ils souhaitent, sauvegardant ainsi la concurrence entre détaillants. Par ailleurs, les conditions actuelles et futures d’encadrement s*intéressent aux marges et non aux prix. Elles se traduisent done par Pencadrement de Ia marge maximale, et non par application d’un prix plafond. Le prix importation ainsi que le prix de fabrication (pour les produits locaux) ne sont pas encadrés. Ainsi, un grossiste ou un détaillant peut, en négociant ses approvisionnements, améliorer la compétitivité de ses prix. Le dispositif que vous condamnez sans vraiment le connaitre ne conduit done absolument pas & uniformiser les prix ct ne favorise pas plus les ententes qu’un régime de liberté des marges. [BP 2551, 98713 Papeete - TAHITI, Polynésiefrangase ~ Batiment Tarahoi ~24 avenue Dupedit-Thouars| Tel, : 40/47 83 88 - secretariav@finances.min gov-pf L’encadrement de la marge, bien que souvent mal compris, permet de maintenir des gammes de produits élargies ainsi que la concurrence inter-marques, au contraire de Pimposition d’un prix plafond qui, bien que préconisé, conduirait en effet 4 une uniformisation des prix et des références beaucoup plus attentatoires a la concurrence. A titre d’exemple, toutes les pates alimentaires séches de blé, sans ceufs, sont des produits de premiére nécessité (PPN) qu’elles soient bio, ou au blé complet et qu’elle que soit leur marque (marque nationale, marque de distributeur, marque premier prix). La vaste gamme de pates alimentaires présente dans les rayons des détaillants de Tahiti démontre que Vencadrement des marges de ce produit n’a limité ni le choix du consommateur, ni la qualité des produits proposés. B. En ce qui concerne lefficacité de ce dispositif, Vous mettez en doute l’efficacité de ce dispositif. A titre liminaire, je souhaite vous rappeler que l’efficacité dune mesure ne peut s’apprécier qu’au regard des objectifs poursuivis. De ‘vos commentaires, il ressort de maniére évidente une certaine confusion dans votre compréhension des objectifs assignés aux différents dispositifS dérogatoires au principe général du code de la concurrence, Partant, vos conclusions sont erronées. Il sagit moins, ici, de mattrise de ’inflation et, done, de ’évolution des prix des consommations de l'ensemble des ménages que d’une préoccupation sociale qui consiste permettre aux Polynésiens les moins aisés d’accéder aux prix les plus bas possibles sur un panier de produits jugés indispensables a leur quotidien, oi qu’ils se trouvent sur le territoire de la Polynésie, méme Ia ott la concurrence peine a s’exercer. Je peux comprendre que, d’un point de vue universitaire, ce « détail », éloigné de vos préoccupations, vous ait échappé, mais c’est le souci constant de tout responsable politique que de s‘enquérir du bien étre des citoyens les plus modestes. Cela s’appelle la redistribution. Nous sommes loin du simple « affichage politique » que vous évoquez. Les Polynésiens qui ne consomment que des « affichages politiques » apprécieront. La participation financiére importante de 1a collectivité a ces dispositifs, se traduit par des exonérations de taxes et prise en charge du transport interinsulaire. Elle est une contrepartie non négligeable de toute dérogation au principe général de liberté des prix et témoigne du caractére redistributif de telles mesures. Mécaniquement, les prix sont les plus bas possible. A titre d’exemple, I’émargement des produits ’hygigne féminine dans la liste des produits de premiére nécessité (PPN), avec une marge imposée a 50%, fera diminuer le prix des produits de plus de 45%, en raison de deux effets : - Suppression de la TVA et de la CPS : environ 15% de baisse - Réduction de prix lige & l'encadrement de la marge : environ 33% Cette situation illustre que, méme sur un marché apparemment concurrentiel (100 références comprenant des marques nationales, des marques de distributeurs et des marques premier prix, importés par neuf entreprises différentes), le régime de liberté des prix ne conduit pas systématiquement a des prix plus bas que le régime des prix encadrés. C. En ce qui concerne un « retour en arridre » et le pouvoir du Conseil des Ministres. Quant aux critiques sur la faculté, pour le Conseil des Ministres, de modifier « tous les mercredis », la liste des produits dont le prix est encadré, il convient de rappeler que depuis 1992, en ’absence dune loi du pays, le Conseil des Ministres est la seule autorité souveraine en matiére d’encadrement des prix. Pour autant, contrairement 4 ce que vous indiquez, force est de constater que cette compétence n’a manifestement pas conduit & des modifications hebdomadaires des textes, 213 Depuis 2018, a liste des produits de premiére nécessité et des produits de grande consommation a été modifiée & 8 reprises, dont 4 fois en lien avec la pandémie de covid-19 afin de garantir aux Polynésiens, dans l'urgence, Paces a des prix accessibles aux produits permettant assurer leur protection contre le virus. Par la loi du pays, Vaction du Conseil des Ministres est désormais cadrée : produit sur la santé ou environnement devra notamment étre systématiquement évalué impact du Quant a la faculté, pour le Conseil des Ministres, de prendre une mesure d’encadrement temporaire et courte (six mois non renouvelables), en cas de circonstances exceptionnelles clairement définies par le texte, cette mesure vise A tenir compte de la situation particuligre de la Polynésie frangaise qui, dans des conditions de crise, doit faire face a des situations de pénurie ne permetiant plus d’évaluer une hausse excessive de prix, faute de produits mis a la vente. Cette situation a été rencontrée pendant la crise lige au covid-19. En tout état de cause, ce type de mesure, ainsi que ensemble des mesures prises dans le cadre de cette loi du pays, est soumis au contréle du juge administratif qui peut étre saisi par toute personne ayant un intérét agir et qui appréciera son bien-fondé ainsi que la proportionnalité de la mesure au regard de lobjectif poursuivi. Voi done quelques points d’éclairage qui vous permettront, peut-étre, de nuancer votre propos. La connaissance académique a toute son utilité pour éclairer le débat public et la décision politique. Je suis toujours intéressé d’entendre l’avis des sachants et, quand ils sont pertinents, de suivre leurs conseils. Mais encore faut-il que ces sachants respectent le périmétre de leurs compétences : science n’est pas omniscience. Lorsque l'on abandonne son objectivité scientifique pour s’ériger en juge public, on n’éclaire plus le débat politique : on entre dans le débat politique. Crest votre droit et je respecte votre liberté de le faire. Encore faut-il que vos propos, exempts de neutralité, et reflet d'une opinion toute personnelle, n’utilisent pas l’alibi universitaire pour accréditer leur véracité. Enfin, je suis heureux de lire que vous admettez que la CPS (TVA sociale) par sa mise en ceuvre, n’a pas eu les effets sur Pindice du codt de la vie que vous annonciez en mars dernier avec une catastrophe inflationniste, je vous cite « on va avoir des répercussions de 2,3,4 fois 1,5% ». Vos propos ici sont plus modérés : « La TVA sociale, [...] n'a que peu contribuée & l'inflation [..] ». Ne faisons pas de triomphalisme, car nous sommes toujours en zone de turbulence. Néanmoins, je vous donne raison sur les économies & rechercher sur le volet de la Protection Sociale. Ca sera le travail du Conseil d’ Administration de la Protection Sociale, installée le 8 juillet dans sa nouvelle configuration, et du Comité Stratégique de la Protection Sociale Universelle qui sera prochainement installée, comme la loi nous y oblige. Enfin, Pheure n'est vraiment pas 4 la polémique ni a la division. Le temps n’est pas au débat idéologique ni a la rhétorique. Le temps est venu de action urgente pour permettre aux plus démunis d’entre nous de subvenir aux besoins du foyer. Je ne vous souhaite pas de vivre leur quotidien ; bien que cela vous aurait peut-étre permis de mieux comprendre que, parfois, entre la théorie a la pratique, il y a un monde

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