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Rev. Méd. Périnat.

DOI 10.1007/s12611-014-0267-7

ARTICLE DE SYNTHÈSE / REVIEW ARTICLE DOSSIER

Médicaments et grossesse : aspects néonatals


Drugs in Pregnancy: Neonatal Aspects

C. Vauzelle · E. Elefant · P. Vert


Reçu le 21 janvier 2014 ; accepté le 27 janvier 2014
© Springer-Verlag France 2014

Résumé L’impact sur le nouveau-né d’un traitement mater- Abstract Birth defects are the most feared hazards of mater-
nel en cours de grossesse est souvent considéré uniquement nal drug exposure during pregnancy. But if prescribed at the
sous l’angle malformatif. Or, lorsqu’il a lieu en fin de gros- end of pregnancy, maternal treatments do not carry a malfor-
sesse, un traitement maternel n’expose pas le futur enfant à mative risk anymore, but may have adverse effects during
un risque de malformation, mais peut avoir des répercus- the first post-natal days. As most drugs cross the placenta,
sions pendant les premiers jours de vie. Dans la mesure où medications taken until delivery may be present in newborn
la plupart des molécules passent le placenta, un médicament and cause symptoms linked to their pharmacological/toxico-
pris jusqu’à l’accouchement a toutes les chances d’être pré- logical profile. Nevertheless, after a thorough benefit-risk
sent dans l’organisme de l’enfant à la naissance et pourra evaluation, some treatments essential for maternal disease
éventuellement être à l’origine de symptômes propres à son control might be used during pregnancy despite known neo-
profil pharmacotoxicologique. Néanmoins, à l’issue d’une natal effects. Fetal and neonatal effects of in utero drugs
évaluation soigneuse de la balance bénéfice/risque, certains exposure are reviewed, firstly by affected neonatal functions
traitements indispensables à l’équilibre d’une pathologie and then by main pharmacological categories. The know-
maternelle sont parfois utilisés pendant toute la grossesse ledge of neonatal effects of drugs taken late in pregnancy
malgré des effets néonatals connus. Les effets fœtaux et néo- is necessary to set up an appropriate newborn care when
natals de l’exposition in utero aux médicaments seront pré- the treatment is known, and also to think of drug-induced
sentés, d’abord sous l’angle des altérations possibles des effects when facing neonatal symptoms without clear
grandes fonctions mises en jeu dans l’adaptation néonatale etiology.
puis sous celui des conséquences des principales classes
pharmacologiques. La connaissance des répercussions néo- Keywords Drugs · Pregnancy · Fetus · Newborn · Neonatal
natales éventuelles des médicaments pris en fin de grossesse adaptation
permet de prévoir l’accueil et la prise en charge du nouveau-
né lorsque le traitement maternel est connu, mais également
d’évoquer une cause médicamenteuse devant des symp-
tômes néonatals sans étiologie évidente. Introduction

Mots clés Médicaments · Grossesse · Nouveau-né · Fœtus · La notion de risque pour le futur enfant lors de la prise de
Adaptation néonatale médicaments par une femme enceinte, fait référence le plus
souvent à l’effet malformatif, qui concerne essentiellement
les expositions ayant lieu pendant la période d’organogenèse
C. Vauzelle (*) · E. Elefant (embryogenèse), c’est-à-dire pendant les deux premiers mois
Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT), de grossesse postconception (ce qui correspond aux dix pre-
hôpitaux universitaires Est-Parisien, mières semaines d’aménorrhée). La possibilité, lors d’un
hôpital Armand-Trousseau,
traitement maternel en fin de grossesse, d’un effet indési-
26, avenue du Docteur-Arnold-Netter,
F-75571 Paris cedex 12, France rable fœtal et/ou d’une altération de l’adaptation du
e-mail : catherine.vauzelle@trs.aphp.fr nouveau-né à la vie extra-utérine et d’un retentissement néo-
natal pendant les premiers jours de vie est encore souvent
P. Vert
méconnue et mal évaluée, sauf en ce qui concerne les médi-
Maternité régionale universitaire Adolphe-Pinard,
CHU de Nancy, 10, avenue du Docteur-Heydenreich, caments utilisés au cours de l’accouchement (qui ne seront
CS 74213, F-54042 Nancy cedex, France pas détaillés ici). Pourtant, les prescriptions chez les femmes
2 Rev. Méd. Périnat.

enceintes ne sont pas rares. Certaines pathologies chroniques niveau du placenta, et certaines molécules, comme les IgG,
peuvent nécessiter la poursuite, la reprise ou l’introduction sont transportées par pinocytose et transcytose [5].
d’un traitement en cours de grossesse (dépression, asthme, À l’exception de quelques substances de poids molécu-
hypertension…), de même que des pathologies aiguës doi- laire très élevé (insuline, héparines, interféron alpha), pres-
vent être traitées, comme les infections notamment. C’est que tous les médicaments sont donc susceptibles de passer le
dans ce contexte que des recommandations ont été émises placenta dans des proportions diverses, et leur degré de pas-
par l’Académie nationale de médecine, insistant sur la néces- sage peut être conditionné par la présence de transporteurs
sité d’une information spécifique des professionnels de santé présents sur le syncitiotrophoblaste.
et des futures mères sur les risques néonatals des médica-
ments reçus in utero [1]. Modifications des paramètres pharmacologiques
S’il est essentiel de connaître l’apparition possible de en cours de grossesse
symptômes chez le fœtus et/ou le nouveau-né dus à l’expo-
sition médicamenteuse in utero, cela ne doit cependant pas Les adaptations physiologiques de l’organisme maternel
faire perdre de vue le bénéfice attendu du traitement mater- induites par l’état de grossesse sont à l’origine de modifica-
nel. Dans ce contexte, en l’absence d’une alternative plus tions de la pharmacocinétique des médicaments chez la
sûre, et si l’abstention thérapeutique expose la mère à une femme enceinte. Celles-ci peuvent entraîner une augmenta-
décompensation ou à une complication délétère pour elle et tion de l’exposition fœtale, mais aussi diminuer l’efficacité
son futur enfant, une prévention et/ou une surveillance néo- maternelle des traitements et nécessiter une augmentation
natale adaptée au médicament utilisé seront envisagées. des posologies en cours de grossesse.
Les données sur les effets fœtaux et néonatals des médi-
caments sont variables selon les molécules ; cependant, la Absorption
connaissance du profil pharmacotoxicologique d’une sub-
stance peut amener à proposer une conduite à tenir même Le débit cardiaque est augmenté de 30 à 50 % par rapport à
en l’absence d’information ou d’effet déjà signalé. l’état basal ainsi que les flux sanguins régionaux (utérus,
peau, reins, poumons) [6], résultant notamment en un entraî-
nement plus rapide dans la circulation sanguine des molécu-
Facteurs influençant l’exposition in utero les administrées localement par voie inhalée (bronchodilata-
aux médicaments teurs…) ou par voie cutanée (anti-inflammatoires non
stéroïdiens [AINS]…).
L’importance de l’exposition fœtale dépend du passage pla-
centaire et des concentrations plasmatiques maternelles des Distribution
substances administrées.
En raison de l’augmentation du volume plasmatique (d’en-
Passage placentaire viron 50 %) qui atteint son maximum vers 30–34 semaines
d’aménorrhée, le volume de distribution de certains médica-
La plupart des médicaments passent le placenta qui est une ments peut être accru. Du fait de la diminution de la concen-
zone d’échanges bidirectionnels entre l’organisme maternel tration d’albumine, la fraction libre des médicaments peut
et l’organisme fœtal [2]. Au fur et à mesure de la grossesse, augmenter les rendant alors plus disponibles pour le passage
sa surface augmente tandis que son épaisseur diminue, ce qui placentaire ou l’effet thérapeutique, voire toxique, mais leur
facilite le passage des molécules par diffusion passive, prin- élimination s’accroissant également, il en résulte peu de
cipal mode de transfert placentaire des médicaments. Un conséquences en pratique [7].
transport actif, contre un gradient de concentration, nécessi-
tant la présence de transporteurs à la surface du placenta, a Métabolisme
récemment été observé. Il met en jeu des transporteurs d’in-
flux (facilitant l’entrée des molécules vers le fœtus) et des L’activité de certaines enzymes hépatiques est augmentée
transporteurs d’efflux (limitant le passage dans le comparti- pendant la grossesse, conduisant à un métabolisme accru
ment fœtal), notamment la P-glycoprotéine (P-gp, ABCB1), de certains médicaments [8] et donc à une diminution de
la breast cancer resistance proteine (BCRP, ABCG2) et les leurs concentrations plasmatiques pouvant nécessiter une
multidrug resistant associated proteins (MRPs, ABCC). De augmentation de leur posologie pour maintenir le contrôle
nombreux médicaments sont substrats de ces transporteurs, de la pathologie maternelle. C’est le cas, par exemple, pour
ce qui limite leur passage placentaire et diminue ainsi l’ex- certains antiépileptiques, notamment la lamotrigine et l’ox-
position fœtale. Enfin, certains médicaments, comme la carbazépine [9], pour la méthadone [10] et la buprénorphine
prednisolone [3] et la méthadone [4], sont métabolisés au [11], et certains antidépresseurs (sertraline…).
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Élimination rénale rénale fœtale se manifestant par des troubles de la fonction


rénale pendant la vie intra-utérine et postnatale [13].
Le débit sanguin rénal et le débit de filtration glomérulaire D’autres manifestations dues à la présence d’un agent
sont accrus. Ce dernier augmente de 40 à 50 % dès la fin du pendant la vie fœtale se révèlent plus tardivement, bien à
premier trimestre et jusqu’à 36 semaines d’aménorrhée, puis distance de la naissance : troubles du développement psy-
il diminue avant l’accouchement [6]. La clairance de la créa- chomoteur (acide valproïque : troubles cognitifs et troubles
tinine augmente, ainsi que la clairance des médicaments éli- envahissants du développement), carcinogenèse (diéthylstil-
minés par voie rénale, comme c’est le cas par exemple pour bestrol DES).
le lévétiracétam, dont les posologies doivent parfois être
augmentées chez la femme enceinte pour maintenir l’équili- Risque néonatal
bre thérapeutique [9].
Si la posologie d’un médicament a été augmentée en cours Il correspond aux conséquences de la présence chez le
de grossesse, après l’accouchement elle doit être réajustée à nouveau-né de molécules acquises in utero par voie transpla-
son niveau antérieur sous peine de surdosage, comme cela a centaire, son « héritage médicamenteux ». Pendant toute la
été décrit par exemple pour la lamotrigine [12]. grossesse, l’organisme maternel assure l’élimination des
médicaments pour le fœtus. Après la naissance, le
nouveau-né va devoir éliminer les molécules présentes dans
Différents types de risques liés à l’exposition son organisme par ses propres moyens, et ses capacités méta-
in utero à une substance exogène boliques et excrétrices étant partiellement immatures, la
demi-vie des médicaments est en général plus longue chez
lui que chez l’adulte, a fortiori s’il est prématuré (par exem-
La nature de ces risques dépend de la période de la grossesse
ple la demi-vie de la clomipramine est de 42 heures chez le
pendant laquelle a lieu l’exposition.
nouveau-né alors qu’elle est de 20 heures chez l’adulte [14]).
Deux types de situations cliniques peuvent survenir, voire
Risque tératogène
parfois se succéder : l’imprégnation médicamenteuse et le
syndrome de sevrage.
C’est au cours de la période embryonnaire, pendant les deux
premiers mois de grossesse (jusqu’à dix semaines d’aménor- Imprégnation
rhée), que les organes se mettent en place (organogenèse) et
que les risques tératogènes sont les plus importants. Certains En cas de traitement pris par la mère juste avant ou jusqu’à
types de malformations peuvent compromettre l’adaptation l’accouchement, le nouveau-né va être imprégné pendant
néonatale (malformations cardiaques…). plusieurs heures ou jours en fonction de la demi-vie de la
molécule. Des symptômes néonatals, en général transitoires,
Risque fœtal peuvent en résulter. Ils sont le plus souvent analogues aux
effets pharmacologiques attendus du traitement maternel et/
Après l’organogenèse vient la période fœtale, qui commence ou aux effets indésirables décrits chez l’adulte. Par exemple,
à la fin du deuxième mois et se poursuit jusqu’à l’accouche- un blocage des récepteurs bêta est possible chez les nouveau-
ment. Cette longue phase permet la croissance du fœtus et la nés dont la mère reçoit un bêtabloquant en fin de grossesse,
maturation histologique et enzymatique des appareils mis en ce qui peut conduire à une hypoglycémie et/ou à une brady-
place pendant l’organogenèse (système nerveux central, cardie néonatale [15] ; un effet sédatif peut s’observer chez
reins…). L’effet malformatif au sens classique (morpholo- les nouveau-nés de mère recevant une benzodiazépine [16].
gique) n’est plus à craindre pendant cette période. On pourra Les symptômes dus à un médicament revêtent parfois chez le
en revanche éventuellement observer, selon le profil de toxi- nouveau-né une allure particulière, comme l’opisthotonos, la
cité de l’agent exogène, un retard de croissance ou des alté- flexion des poignets et les mouvements de battements des
rations fonctionnelles des organes en place. Ces effets « fœto- bras et des mains dans les troubles extrapyramidaux rappor-
toxiques » peuvent être diagnostiqués en cours de grossesse tés lors de traitements maternels à posologies élevées de neu-
(diminution des mouvements actifs fœtaux, mort fœtale in roleptiques (chlorpromazine et autres phénothiazines) [17].
utero, signes échographiques : hydramnios, oligoamnios…)
ou à la naissance (anurie, oligoanurie…). Ainsi, les inhibi- Sevrage
teurs de l’enzyme de conversion (IEC) et les antagonistes
des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II) ne sont pas mor- Lors d’expositions maternelles prolongées, jusqu’à l’accou-
photératogènes. Cependant, administrés après le premier tri- chement, à des molécules responsables de syndromes de
mestre, ils peuvent provoquer une dysgénésie tubulaire sevrage chez l’adulte (morphine, tramadol, buprénorphine,
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méthadone, antidépresseurs, benzodiazépines, baclofène…), stances toxiques comme l’alcool ou des stupéfiants (opia-
un syndrome de sevrage peut également survenir chez le cés…), cela bien que de telles interactions soient bien docu-
nouveau-né. Les signes cliniques apparaissent dans les jours mentées chez l’adulte.
qui suivent la naissance, leur délai de survenue étant fonc- Il est impossible de présenter un catalogue exhaustif des
tion de la demi-vie de chaque molécule. Un arrêt brutal du médicaments susceptibles de perturber l’adaptation néona-
traitement juste avant l’accouchement pourrait être un fac- tale. C’est pourquoi les principaux troubles sont répertoriés
teur favorisant l’apparition d’un sevrage néonatal, comme selon les fonctions physiologiques.
cela a été rapporté avec la paroxétine (antidépresseur inhibi-
teur de recapture de la sérotonine [IRS]) [18]. Système nerveux

• Dépression
Adaptation néonatale et médicaments acquis
in utero
Hypotonie neuromusculaire, hypoventilation, apnées ; trou-
Physiologie de l’adaptation néonatale et facteurs bles de la succion et de la déglutition, fausses-routes alimen-
de vulnérabilité taires ; troubles de la vigilance avec retentissement sur l’éta-
blissement de la relation mère–enfant ; exceptionnellement
La naissance est caractérisée par un accroissement soudain coma.
du métabolisme énergétique multiplié par un facteur de 2 à 3. Le score d’Apgar qui teste, à une et cinq minutes, la res-
Cette adaptation se fait sous l’influence d’une intense sécré- piration, le tonus, la réponse à une stimulation, la fréquence
tion hormonale : adrénaline et noradrénaline, thyroxine, cardiaque et la couleur est un test principalement neurolo-
cortisol… gique. Sont en cause à des degrés variables, analgésiques,
L’augmentation du métabolisme basal suppose un trans- anesthésiques, antiépileptiques, psychotropes et somnifères
port d’oxygène adéquat depuis le poumon en cours de rema- [16,19,20].
niement fonctionnel jusqu’aux tissus. Le cerveau compte
pour 60 % des besoins énergétiques. • Syndrome de sevrage (ou d’abstinence)
Différentes conditions pathologiques éventuellement
associées sont susceptibles de rendre l’adaptation fonction-
Initialement décrit chez des enfants de mère héroïnomane, il
nelle plus vulnérable en présence de médicaments :
peut se manifester pour l’ensemble des substances addicti-
• la prématurité : les enfants, même proches du terme, sont ves. Après un délai de quelques heures à plusieurs jours,
non seulement plus sensibles aux effets dépresseurs cen- dépendant de la vitesse d’élimination, l’enfant est agité, irri-
traux, mais ont aussi une immaturité du métabolisme et de table, hypertonique et crispé, il peut même convulser. Une
l’excrétion des médicaments ; tendance hyperphagique contraste avec des vomissements.
• les conséquences d’une hypoxie ou asphyxie périnatale Une hypersudation aggrave le risque de déshydratation.
peuvent être aggravées par les neurosédatifs et les Ce tableau peut être observé chez des enfants de mère
hypotenseurs ; sous méthadone ou sous buprénorphine [21]. Des troubles
• l’infection systémique en particulier par des germes produi- de même nature, mais évoluant sur un mode atténué, peuvent
sant une exotoxine, comme le streptocoque B et certaines survenir chez des enfants dont la mère prend des barbituri-
entérobactéries, est de nature à exercer un effet vasocons- ques, des benzodiazépines, des antidépresseurs comme les
tricteur artériel pulmonaire et vasoplégiant périphérique ; IRS. Ils sont aussi évoqués après intoxication alcoolique ou
• certaines malformations graves comme les cardiopathies ou nicotinique.
moins évidentes comme une oligonéphronie sont suscepti-
bles d’altérer la distribution et l’excrétion médicamenteuse. Thermorégulation

Les grandes fonctions pouvant être altérées Le nouveau-né est normalement un homéotherme imparfait.
par l’héritage médicamenteux À la naissance, le métabolisme énergétique est augmenté de
deux à trois fois, cela avec un apport extérieur réduit. Grâce
S’il est possible d’identifier d’éventuels effets délétères de aux effets conjugués des catécholamines et de la thyroxine,
certaines molécules ou familles de molécules, on ne dispose le métabolisme basal est augmenté. Les benzodiazépines
pas de données sur les conséquences possibles d’interactions et les barbituriques à fortes doses exercent à des degrés
chez des enfants de mère recevant plusieurs médicaments, divers un effet contraire exposant l’enfant au risque d’hypo-
ou associant la prise de médicaments avec celle de sub- thermie [22].
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Adaptation circulatoire On a relaté des retards d’évacuation du méconium avec


pseudo-iléus du fait des propriétés anticholinergiques de cer-
Le nouveau-né subit en quelques heures le passage du mode tains neuroleptiques ou de certains antidépresseurs et, dans
de circulation fœtale avec pression artérielle pulmonaire plus le passé, de l’alpha-méthyldopa (antihypertenseur) [28].
élevée que la pression systémique et shunts droite–gauche au La présence d’antibiotiques est de nature à perturber le
niveau du canal artériel et du foramen ovale, au mode adulte. développement de la flore bactérienne saprophyte, au profit
Durant cette période, la pression artérielle augmente, ce qui de germes pathogènes. On ne dispose pas de données sur les
accroît la perfusion viscérale et périphérique. Tous les anti- risques infectieux ainsi induits, mais de possibles « translo-
hypertenseurs ralentissent cette adaptation de même que le cations bactériennes » ont été incriminées à l’origine de
sulfate de magnésium [23]. septicémies.
Les AINS, inhibiteurs de la synthèse des prostaglandines,
s’opposent au mécanisme de levée de la résistance vasculaire Fonctions hépatiques et métabolisme de la bilirubine
pulmonaire (le débit est normalement multiplié par 6) et peu-
vent être source d’hypertension artérielle pulmonaire persis- Si des effets médicamenteux sur la glucuronoconjugaison de
tante, d’autant plus résistante au traitement qu’elle peut s’ac- la bilirubine sont décrits (induction enzymatique par les bar-
compagner d’une hyperplasie de la couche musculaire lisse bituriques [29], inhibition par la novobiocine), ils ne sem-
des artérioles pulmonaires [24]. blent pas être cause de morbidité. Par contre, l’effet néfaste
Les médicaments antiprostaglandines peuvent causer, in des sulfamides et des sulfonamides sur la liaison albumine–
utero, une fermeture du canal artériel, l’enfant, s’il survit, bilirubine (augmentation de la bilirubine libre susceptible de
naît en état d’anasarque [25]. passer la barrière hématoencéphalique) a été amplement
En cas de stress hypoxique, les bêtabloquants empêchent démontré par des risques d’ictère nucléaire après administra-
le rythme cardiaque, donc le débit, de s’adapter, ce qui est tion à l’enfant lui-même [30].
cause d’une aggravation de l’ischémie viscérale, en particu- Le retard de développement de la flore saprophyte limite
lier cérébrale. la dégradation de la bilirubine en urobiline et en stercobiline
favorisant sa réabsorption par cycle entérohépatique.
Respiration L’hyperbilirubinémie consécutive à la perfusion d’ocyto-
ciques per-partum est consécutive à l’hémolyse par hypoto-
À la naissance, l’établissement d’une respiration régulière et nie consécutive à un transfert d’eau libre de la mère à l’en-
efficace suppose une triple adaptation : fant (sérum glucosé ou Ringer-lactate dont le substrat est
métabolisé).
• établissement d’une commande respiratoire régulière avec
ajustement du seuil de sensibilité des chémorécepteurs Fonction rénale et vésicale
centraux et périphériques (carotidiens, aortiques…),
mécanismes pouvant être altérés par les dépresseurs du L’augmentation postnatale de la filtration glomérulaire est en
système nerveux et causes d’apnée [26,27] ; partie sous la dépendance du débit sanguin systémique. Elle
• aération de l’espace bronchoalvéolaire avec constitution est retardée par les antihypertenseurs en particulier les bêta-
d’une capacité résiduelle fonctionnelle. Cela comporte bloquants [31]. Les prostaglandines interviennent également
l’arrêt de la sécrétion du liquide pulmonaire et sa résorp- dans cette adaptation perturbée par les AINS. Il peut en
tion lymphatique, mécanisme en partie induit par les caté- résulter une oligoanurie avec baisse de l’excrétion d’autres
cholamines et contrecarré par les bêtabloquants, cause de médicaments [32]. Ainsi, les taux sanguins d’aminosides
dyspnée transitoire plus ou moins sévère dite « retard de peuvent dépasser les seuils toxiques tant pour le tubule rénal
résorption du liquide pulmonaire » (ce tableau est égale- que pour l’oreille interne. La fonction rénale néonatale peut
ment plus fréquent après naissance par césarienne, proba- également être altérée par les IEC et les ARA II administrés à
blement par sécrétion moindre de catécholamines) ; la mère en fin de grossesse [13].
• levée des résistances vasculaires pulmonaires par vasodi- Les anticholinergiques (neuroleptiques…) peuvent être à
latation artériolaire perturbée par les AINS. l’origine de retard à la miction avec « paralysie » vésicale [33].

Hémostase
Fonctions digestives
Si les anticoagulants oraux de type antivitamines K sont
Indépendamment des fonctions de succion et de déglutition, généralement contre-indiqués durant la grossesse (sauf dans
l’adaptation néonatale est marquée par l’évacuation méco- certaines circonstances assumées chez les porteuses de pro-
niale, la constitution de la flore intestinale, la multiplication thèses valvulaires cardiaques, en particulier mécaniques),
des microvillosités et la maturation de la muqueuse. des hypoprothrombinémies (et une baisse de l’ensemble
6 Rev. Méd. Périnat.

Tableau 1 Médicaments contre-indiqués en fin de grossesse en raison de leur effet fœtotoxique.

Médicaments Risque fœtal et/ou néonatal


Inhibiteurs de synthèse des prostaglandines • Toxicité liée à l’inhibition de la synthèse des prostaglandines fœtales
• AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens) et néonatales, en particulier à partir de 24 semaines d’aménorrhée [25,40] :
– Acide niflumique (Nifluril®) 1. Insuffisance rénale fœtale (oligoamnios, anamnios) et/ou néonatale,
– Ibuprofène (Advil®…)… transitoire ou définitive, pouvant entraîner une mort fœtale in utero
– Y compris les inhibiteurs de la cyclo-oxygénase 2. Constriction in utero (partielle ou totale) du canal artériel pouvant entraîner
2 (COX2), célécoxib (Celebrex®…) une mort fœtale in utero, une insuffisance cardiaque droite et/ou une
• Aspirinea à dose anti-inflammatoire hypertension artérielle pulmonaire parfois mortelles chez le nouveau-né. Ces
(supérieure ou égale à 500 mg par jour) atteintes peuvent apparaître lors de prises très brèves (1 jour), à posologie
usuelle, ce d’autant que la prise est proche du terme
3. En plus pour l’aspirine : altération de la fonction plaquettaire
• Contre-indication formelle à partir de 24 semaines d’aménorrhée (début
du 6e mois)
• Éviter les prises prolongées avant 24 semaines d’aménorrhée : risque
d’atteinte rénale fœtale

Antihypertenseurs Toxicité commune à ces 2 groupes de médicaments [13]


• Inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) 1. Insuffisance rénale fœtale (oligoamnios, anamnios) et/ou néonatale
– Énalapril (Renitec®) transitoire ou définitive, morts fœtales in utero, morts néonatales précoces
– Ramipril (Triatec®) par dysgénésie tubulaire rénale fœtale
–… 2. Quelques cas de retard d’ossification des os du crâne
• Antagonistes des récepteurs Contre-indication formelle aux 2e et 3e trimestres
de l’angiotensine II (ARA II)
– Candesartan (Atacand®)
– Valsartan (Nisis®, Tareg®)
–…
a
L’aspirine à dose antiagrégante plaquettaire (50 à 100 mg par jour), inhibant irréversiblement la COX1 plaquettaire, n’est pas contre-
indiquée en cours de grossesse.

des facteurs vitamino-K-sensibles) peuvent être observées Médicaments à risque fœtal et/ou néonatal
lors de traitements inducteurs enzymatiques pour épilepsie
(phénobarbital…). Des hématomes viscéraux ont été rappor- Les effets fœtaux et néonatals des principales classes phar-
tés [34]. Cela est également signalé pour d’autres inducteurs macothérapeutiques sont résumés dans les Tableaux 1 et 2,
des cytochromes P450 comme la rifampicine [35]. en distinguant les médicaments qui sont formellement
Les inhibiteurs de la synthèse des prostaglandines contre-indiqués en fin de grossesse en raison d’un effet fœto-
(AINS), et en particulier l’acide acétylsalicylique, ont un rôle toxique avéré et de l’existence d’alternatives plus sûres
inhibiteur des fonctions plaquettaires et peuvent être à l’ori- (Tableau 1), et ceux qui, s’ils peuvent éventuellement être
gine d’hémorragies cérébrales périnatales (en particulier utilisés en cours de grossesse en raison du bénéfice thérapeu-
chez le prématuré) pouvant prêter à confusion avec des com- tique malgré des effets connus ou anticipés, nécessitent une
plications postasphyxiques [36]. prévention et/ou une surveillance (Tableau 2). Parmi ces der-
niers, les antidépresseurs, les benzodiazépines, le baclofène,
Troubles métaboliques le tramadol, la codéine, la buprénorphine et la méthadone, de
même que la morphine, l’oxycodone… peuvent être à l’ori-
Des hypoglycémies sont observées chez des enfants exposés gine d’un syndrome de sevrage chez le nouveau-né. Si dans
aux bêtabloquants [37] et parfois à l’acide valproïque [38]. le cas des morphiniques (tramadol, codéine, buprénorphine,
Une hypocalcémie asymptomatique a été décrite lors méthadone…), le volet pharmacologique de la prise en
d’exposition au phénobarbital induisant une hypovitaminose charge est bien codifié, reposant principalement sur l’admin-
D maternelle [39]. De fortes hypermagnésémies après traite- istration d’opiacés aux nouveau-nés [54], il n’en est pas de
ment par sulfate de magnésium peuvent s’accompagner même pour le sevrage néonatal en relation avec l’exposition
d’hypocalcémie néonatale. à une molécule d’une autre famille pharmacologique
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Tableau 2 Médicaments utilisables pendant la grossessea, mais dont les risques fœtaux et/ou néonatals nécessitent une prévention et/
ou une surveillance (liste non exhaustive).

Médicaments Risques fœtaux et/ou néonatals


Antibiotiques aminosides Surveillance de la fonction auditive néonatale par otoémissions dès la naissance,
• Gentamicine (Gentalline®) en particulier en cas d’exposition prolongée en cours de grossesse
• Tobramycine (Nebcine®)
• Nétilmicine (Nétromicine®)
• Amikacine

Antituberculeux inducteur enzymatique Syndrome hémorragique précoce du nouveau-né par déficit en vitamine K
• Rifampicine (Rifadine®…) Pendant les 15 derniers jours de grossesse : vitamine K1 à la mère (10 à 20 mg/j
par voie orale)
À la naissance : vitamine K1 au nouveau-né (posologie d’enfant à risque
hémorragique majoré)

Anticonvulsivants inducteurs Syndrome hémorragique précoce du nouveau-né par déficit en vitamine K


enzymatiques Pendant les 15 derniers jours de grossesse : vitamine K1 à la mère (10 à 20 mg/j
• Phénobarbital (Gardénal®) par voie orale)
• Primidone (Mysoline®) À la naissance : vitamine K1 au nouveau-né (posologie enfant à risque hémorragique
• Phénytoïne (Dihydan®) majoré) [41]
• Carbamazépine (Tégrétol®) Pour phénobarbital et primidone : somnolence, hypotonie, difficultés de succion
• Oxcarbazépine (Trileptal®) et parfois syndrome de sevrage chez le nouveau-né

Antithyroïdien de synthèse Hypothyroïdie fœtale ou néonatale transitoire, rarement goitre [42]


• Propylthiouracile : PTU (Propylex®) Posologie maternelle la plus faible possible
• Carbimazole (Néo-Mercazole®) Surveillance échographique de la thyroïde fœtale
Bilan thyroïdien néonatal

Bêtabloquants par voie générale Persistance possible du bêtablocage néonatal plusieurs jours après la naissance,
• Propanolol (Avlocardyl®…) le plus souvent non symptomatique chez le nouveau-né : hypoglycémie, bradycardie
• Labétalol (Trandate®) Très rares insuffisances cardiaques aiguës par inadaptation du cœur à l’effort lors
• Aténolol (Ténormine®…) de la naissance (facteurs de risque mal connus : accouchement difficile, souffrance
• Métoprolol (Seloken®…) … fœtale aiguë associée…) [43]
Et aussi par voie locale oculaire : Timolol
(Timoptol®…)

Antidépresseurs Trémulations, hyperexcitabilité et troubles respiratoires possibles dès la naissance


• Tricycliques : clomipramine et persistant quelques jours (troubles de l’adaptation néonatale, imprégnation
(Anafranil®…)… sérotoninergique et/ou sevrage) [44,45]
• Inhibiteurs de recapture de la sérotonine En plus pour les tricycliques : distension abdominale possible si les molécules ont
(IRS) : fluoxétine (Prozac®…), sertraline des propriétés atropiniques, en particulier si les posologies maternelles sont élevées
(Zoloft®…), … En plus pour les IRS après 20 SA : hypertension artérielle pulmonaire (HTAP)
• Inhibiteurs de recapture de la sérotonine du nouveau-né évoquée passerait de 0,1–0,2 % (population générale) à environ
et de la noradrénaline : venlafaxine 0,3 %. Mais résultats contradictoires et certains facteurs de risques d’HTAP néonatale
(Effexor®), duloxétine (Cymbalta®) non pris en compte, notamment césarienne en dehors du travail [46]

Neuroleptiques Syndrome extrapyramidal néonatal possible en particulier si les doses maternelles


• Phénothiazines : chlorpromazine sont fortes [17]
(Largactil®), … Sédation possible pour les phénothiazines, l’olanzapine et la rispéridone [47]
• Butyrophénones : halopéridol (Haldol®…),

8 Rev. Méd. Périnat.

Médicaments Risques fœtaux et/ou néonatals

• Atypiques : olanzapine (Zyprexa®), En plus, pour les phénothiazines à fortes doses : signes d’imprégnation atropiniques
rispéridone (Risperdal®), … (hypertonie, trémulations, distension abdominale) qui peuvent être majorés
par la coprescription de correcteurs antiparkinsoniens

Benzodiazépines Hypotonie, difficultés de succion, mauvaise courbe pondérale, rarement rétention


• Longue demi-vie : clorazépate vésicale, pseudo-iléus
(Tranxène®), diazépam (Valium®…) À fortes doses : apnées et hypothermie possibles
• Demi-vie intermédiaire : oxazépam Syndrome de sevrage à distance de la naissance : possible en cas de prise répétée
(Séresta®) avant l’accouchement, mais rare [16].

Thymorégulateurs Possibilité (rare) de diabète insipide néphrogénique fœtal (hydramnios)


• Lithium Troubles du rythme cardiaque fœtal et toxicité thyroïdienne possibles sont à surveiller
[48]

Myorelaxant Possibilité de syndrome de sevrage néonatal [49]


• Baclofène (Liorésal®)

Corticoïdes par voie générale (en dehors Retards de croissance intra-utérins et petits poids de naissance signalés lors
de la maturation du surfactant de traitements au long cours pour des pathologies chroniques (lupus, asthme, greffe
pulmonaire) d’organe…). Le rôle propre de la maladie ne peut être exclu
• Prednisone (Cortancyl®) Insuffisance surrénale néonatale possible en théorie, peu probable avec un traitement
• Prednisolone (Solupred®) d’entretien à dose modérée
• Méthylprednisolone (Solumédrol®) Surveillance du nouveau-né : poids, diurèse et glycémie

Immunosuppresseurs Risque accru d’infections maternofœtales (CMV, listériose, toxoplasmose…) [50]


• Azathioprine (Imurel®), ciclosporine Immunosuppression néonatale possible : surveillance néonatale clinique, voire
(Néoral®)… biologique
• Anti-TNF-alpha Passage placentaire possible et concentrations néonatales parfois supérieures à celles
– Infliximab (Remicade®) de la mère (infliximab, adalimumab) [51]
– Adalimumab (Humira®) Risque d’infections maternofœtales important, avec masquage de la fièvre maternelle
– Certolizumab (Cimzia®) par le traitement (listériose, CMV…)
– Étanercept (Enbrel®) Durée de l’immunosuppression postnatale : jusqu’à 6 mois pour l’infliximab
–… Surveillance néonatale et précautions pour les vaccinations par vaccin vivant
(BCG…) jusqu’à disparition de l’effet immunosuppresseur chez les enfants [52]

Possibilité de syndrome de sevrage aux opiacés en cas de traitement prolongé


Antalgiques de palier 2 (opioïdes légers)
• Codéine jusqu’à l’accouchement
• Tramadol (Topalgic®…) • À doses thérapeutiques pour le tramadol [53]
• À doses suprathérapeutiques pour la codéine
Traitement substitutif de la dépendance Syndrome de sevrage néonatal aux opiacés possible
aux opiacés : buprénorphine (Subutex®), Le maintien d’un traitement de substitution efficace est une priorité chez la femme
méthadone enceinte, et il est parfois nécessaire d’augmenter les posologies pour maintenir
l’efficacité

Anesthésie pendant le travail Répercussions fœtales possibles en cas d’hypotension maternelle


• Locorégionale Dépression respiratoire possible avec les analgésiques morphiniques
• Générale
a
Pour plus de détails sur chaque molécule, consulter le site Internet du Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT) : www.
lecrat.org.
Rev. Méd. Périnat. 9

(antidépresseurs, benzodiazépines, baclofène). Dans ces dant, le maintien du bon équilibre d’une pathologie mater-
situations cliniques, les données manquent, mais il semble nelle requiert parfois leur utilisation. Il est alors important
illusoire de tenter de réduire les signes de sevrage néonatals d’en informer l’équipe prenant en charge le nouveau-né,
en prescrivant un opiacé à un enfant sevré d’un traitement car l’imprégnation par un médicament maternel susceptible
qui n’est pas un opiacé (puisque ses récepteurs aux opiacés de retentir sur l’adaptation néonatale doit faire l’objet d’une
spécifiques [κ, μ] ne sont pas impliqués). Par exemple, l’uti- surveillance appropriée. Il serait utile de prévoir des proto-
lisation de baclofène a été décrite avec succès lors d’un syn- coles spécifiques dans les maternités et les unités de néona-
drome de sevrage chez deux enfants exposés in utero à cette tologie, permettant la détection, la surveillance, la prise en
molécule [49]. Dans la même logique, un traitement par ben- charge de ces troubles néonatals et permettant également
zodiazépine paraît cohérent quand un recours pharmacolo- d’intervenir lors de la décision de retour à domicile. La
gique s’avère nécessaire lors d’un syndrome de sevrage aux concertation multidisciplinaire (obstétriciens, pédiatres,
benzodiazépines chez un nouveau-né. prescripteurs, spécialistes des médicaments) et la mise en
Pour les antidépresseurs, la distinction entre sevrage et place d’une consultation spécifique avant l’accouchement
imprégnation n’est parfois pas aisée, notamment avec les pour les femmes recevant un traitement chronique contribue-
IRS. Des symptômes, évocateurs de sevrage mais pouvant raient à une prise en charge de leurs nouveau-nés dans les
aussi exprimer une imprégnation sérotoninergique, sont rap- meilleures conditions.
portés, diversement associés, sous le terme général de « poor
neonatal adaptation syndrome », ou « postnatal adaptation
syndrome », que l’on pourrait traduire par « troubles de Références
l’adaptation néonatale ». Il s’agit de signes neurologiques (tré-
mulations, irritabilité, agitation, troubles du sommeil ou de 1. Vert P, Elefant E (2012) Médicaments et adaptation néonatale :
l’alimentation, troubles du tonus), de troubles respiratoires l’héritage médicamenteux. Bull Acad Natl Med 196:717–37
(détresse respiratoire ou tachypnée) et plus rarement de 2. Elefant E, Beghin D (2009) Le passage transplacentaire des
médicaments. Bull Acad Natl Med 193:1043–54
convulsions. Dans une méta-analyse récente, le risque de sur-
3. Beitins IZ, Bayard F, Ances IG, et al (1972) The transplacental
venue de ce tableau en cas d’exposition à un antidépresseur passage of prednisone and prednisolone in pregnancy near term.
(en particulier IRS) en fin de grossesse est cinq fois plus élevé J Pediatr 81:936–45
qu’en l’absence de traitement (odds ratio [OR] : 5,13 ; IC 4. Zharikova OL, Deshmukh SV, Nanovskaya TN, et al (2006) The
95 % : [2,86–9,21]). Pour les trémulations, l’OR est de 7,89 effect of methadone and buprenorphine on human placental aro-
matase. Biochem Pharmacol 71:1255–64
(IC 95 % : [3,33–18,73]) [44]. Ces symptômes sont transitoi- 5. Elefant E (2012) Le passage placentaire des immunoglobulines.
res, peu sévères dans la grande majorité des cas, et leur prise Bull Acad Natl Med 196:1601–12
en charge est le plus souvent non médicamenteuse (nursing). 6. Tan EK, Tan EL (2013) Alterations in physiology and anatomy
Dans de rares situations, l’administration d’un traitement au during pregnancy. Best Pract Res Clin Obstet Gynaecol 27:791–802
7. Pavek P, Ceckova M, Staud F (2009) Variation of drug kinetics in
nouveau-né peut être nécessaire, mais à ce jour aucune théra-
pregnancy. Curr Drug Metab 10:520–9
peutique n’a été clairement évaluée. L’usage du phénobarbital 8. Isoherranen N, Thummel KE (2013) Drug metabolism and trans-
a parfois été proposé [45], mais on pourrait également utiliser port during pregnancy: how does drug disposition change during
le diazépam [55]. La distinction entre sevrage et imprégnation pregnancy and what are the mechanisms that cause such chan-
sérotoninergique étant souvent difficile à établir cliniquement, ges? Drug Metab Dispos 41:256–62
9. Reisinger TL, Newman M, Loring DW, et al (2013) Antiepileptic
l’utilisation d’un antidépresseur pour traiter des symptômes drug clearance and seizure frequency during pregnancy in women
neurologiques tels que trémulations, agitation et irritabilité with epilepsy. Epilepsy Behav 29:13–8
chez un nouveau-né exposé in utero n’est pas envisagée. 10. Shiu JR, Ensom MH (2012) Dosing and monitoring of metha-
Enfin, devant des signes cliniques sans étiologie évidente done in pregnancy: littérature review. Can J Hosp Pharm
65:380–6
chez un nouveau-né, la notion d’une prise médicamenteuse
11. Concheiro M, Jones HE, Johnson RE, et al (2011) Preliminary
maternelle doit être recherchée. Un dosage plasmatique de la buprenorphine sublingual tablet pharmacokinetic data in plasma,
molécule suspectée peut parfois être utile (si le dosage du médi- oral fluid, and sweat during treatment of opioid-dependent pre-
cament est accessible), de même qu’une recherche urinaire de gnant women. Ther Drug Monit 33:619–26
12. de Haan GJ, Edelbroek P, Segers J, et al (2004) Gestation-
substances lorsque la prise médicamenteuse n’est pas connue,
induced changes in lamotrigine pharmacokinetics: a monotherapy
mais qu’il existe des symptômes néonatals évocateurs. study. Neurology 63:571–3
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Conclusion or angiotensin receptor antagonists: a systematic review. Hyper-
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14. ter Horst PG, van der Linde S, Smit JP, et al (2012) Clomipra-
Certains médicaments pris par la mère en fin de grossesse mine concentration and withdrawal symptoms in 10 neonates. Br
peuvent avoir des conséquences chez le nouveau-né ; cepen- J Clin Pharmacol 73:295–302
10 Rev. Méd. Périnat.

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