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au service de l’Afrique
Thorsten Beck, Michael Fuchs, Dorothe Singer et Makaio Witte
Les activités bancaires
transfrontalières
au service de l’Afrique
Thorsten Beck, Michael Fuchs, Dorothe Singer et Makaio Witte
Publié par
Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) GmbH
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Le présent ouvrage a été produit par le personnel de l’Association des Banques Centrales Africaines, le
Ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement, la Banque internationale
pour la reconstruction et le développement / Banque mondiale. Les résultats, interprétations et conclusions
exprimés dans ce document ne reflètent pas nécessairement les opinions des banques centrales membres
de l’Association des Banques Centrales Africaines, ni celles du Ministère fédéral allemand de la Coopération
économique et du Développement ou de la Banque mondiale, de son conseil d’administrateurs ou des
gouvernements qu’ils représentent. Les organisations ne garantissent pas l’exactitude des données figurant
dans ce document. Les frontières, couleurs, dénominations et autres informations figurant sur les cartes
présentées dans cet ouvrage ne constituent en aucun cas un jugement de la part de l’Association des Banques
Centrales Africaines, du Ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement ou
de la Banque mondiale concernant le statut légal d’un territoire ni la reconnaissance ou l’acceptation de ces
frontières.
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d’auteur, sous réserve que la source soit dûment citée. Il est interdit de reproduire les informations
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préalable des détenteurs de droits d’auteur. Toute demande en la matière doit être adressée à :
Makaio Witte, Dag-Hammarskjöld-Weg 1-5, 65760 Eschborn, Allemagne ; Téléphone : +49 61 96 79-2860 ;
e-mail : makaio.witte@giz.de.
ISBN : 978-3-944152-39-4.
© 2014 Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) GmbH, Banque internationale
pour la reconstruction et le développement / Banque mondiale et le Partenariat Making Finance Work
for Africa (MFW4A)
Sommaire 5
Sommaire
Remerciements
Thorsten Beck (Cass Business School), Michael Fuchs (GIZ), Dorothe Singer (Banque
mondiale) et Makaio Witte (GIZ) sont les principaux auteurs de ce document. Les
auteurs tiennent à remercier Robert Cull (Banque mondiale), Ralph De Haas (BERD),
Miquel Dijkman (Banque mondiale), Maria Soledad Martinez Peria (Banque mondiale),
Mauro Mecagni (FMI) et Cedric Mousset (Banque mondiale), pour leur relecture ainsi
que Mario Guadamillas (Banque mondiale), Dirk Jan Grolleman (FMI), Paul Matthieu
(FMI), Jean Pesme (Banque mondiale) et Jan Rein Pruntel (consultant) pour leurs com-
mentaires. Ils tiennent également à remercier Johanna Jagnow et Atilla Yücel pour leur
précieux travail de recherche.
Ce rapport a bénéficié du soutien et des conseils de Gabriela Braun (Responsable
de Programme, GIZ), de Gaiv Tata (Directeur, Directeur du développement des secteurs
privé et financier en Afrique et Directeur du département des pratiques mondiales en
matière d’inclusion financière, Banque mondiale), de Rundheersing Bheenick et de
Samuel Méango (respectivement Président et Secrétaire général de l’Association des
Banques Centrales Africaines). Le Partenariat « La Finance au Service de l’Afrique
», dirigé par Stefan Nalletamby (Coordinateur) et son équipe, plus particulièrement
Hugues Kamewe Tsafack (Chargé de Relations avec les Parties prenantes), ont fourni un
appui efficace en matière de coordination et de gestion.
Les auteurs remercient tout particulièrement les représentants des banques et
des autorités de réglementation pour les analyses dont ils leur ont fait part lors des
visites de travail qu’ils ont effectuées au Ghana, au Kenya, à l’Île Maurice, au Maroc, au
Mozambique, en Namibie, aux Pays-Bas, au Nigeria, en Afrique du Sud, en Tanzanie,
au Togo, en Ouganda et au Royaume-Uni. Le rapport a largement bénéficié de quatre
études régionales sur la supervision des activités bancaires transfrontalières au sein
de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), de la Communauté économique des États
de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de la Communauté de développement de l’Afrique
australe (CDAA), et de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) réa-
lisées par GIZ dans le cadre de l’élaboration de ce rapport. Les auteurs sont également
reconnaissants des commentaires recueillis à l’occasion des sessions de consultation
menées avec le Groupe de travail en charge de préparer le Programme de travail de
la Communauté des Superviseurs Bancaires Africains (CSBA) à Port-Louis, et dans le
cadre de la table ronde organisée à Washington avec l’Association des Banques Cen-
trales Africaines (ABCA), la Banque mondiale et GIZ.
Préface 13
Préface
Ce rapport est le fruit d’un travail collectif et d’une collaboration de longue date
entre l’Association des Banques Centrales Africaines (ABCA), la Banque mondiale et la
Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) GmbH, sous l’égide du
Partenariat « La Finance au Service de l‘Afrique – MFW4A ». Les responsables politiques
africains ont estimé que les activités bancaires transfrontalières et la difficulté de super-
viser des groupes financiers de plus en plus complexes et interdépendants constituent
un axe prioritaire de la politique du continent dans le cadre d’une série de manifestations
de haut niveau qui se sont tenues entre 2011 et 20141. L’importance prise par les activités
bancaires transfrontalières tient à plusieurs facteurs, notamment à leur développement
notable en Afrique au cours des dernières années, aux sérieuses difficultés rencontrées
par les autorités de contrôle des pays développés pour superviser les grands groupes
bancaires internationaux en venant en aide aux banques en difficulté ou insolvables, et au
phénomène de contagion transfrontalière généralisée lors de la crise financière mondiale.
Ces problèmes ont ravivé l’éternel débat sur les coûts et les avantages d’une plus grande
intégration financière et les répercussions sur les politiques nationales et régionales du
secteur financier ainsi que les pratiques de supervision dans le contexte africain.
En dépit de l’intérêt accru porté aux activités bancaires transfrontalières dont l’im-
portance est désormais reconnue, il n’en demeure pas moins que nous disposons de
peu d’études et d’analyses complètes en la matière pour être en mesure d’élaborer un
programme politique coordonné. Le présent rapport vise à combler cette carence en
proposant une analyse détaillée du développement des activités bancaires transfronta-
lières en Afrique, une évaluation des avantages et des risques d’un développement des
liens transfrontaliers, une évaluation des cadres réglementaires et des dispositifs déjà en
place en matière de coopération réglementaire transfrontalière, et une discussion sur les
approches et politiques de supervision recommandables pour équilibrer les avantages
et les risques d’un renforcement des liens transfrontaliers. Cette analyse s’appuie sur le
dialogue approfondi mené avec les autorités africaines de réglementation et de supervi-
sion, ainsi que sur les contributions d’organismes internationaux en matière de politiques
financières et réglementaires tels que le Conseil de stabilité financière du G20, le Fonds
Monétaire International, ses centres régionaux d’assistance technique en Afrique ainsi
que l’Autorité allemande de supervision du secteur financier (BaFin).
1 Atelier politique sur « l‘approche africaine pour la mise en œuvre des normes internationales de supervision bancaire
et le cadre de Bale sur les fonds propres », Kampala, en avril 2011 ; réunions du groupe consultatif régional du CSF
de l’Afrique subsaharienne en 2012 et 2013 ; tables rondes des gouverneurs des banques centrales africains en marge
des assemblées de printemps du FMI et de la Banque mondiale organisées à Washington, en avril 2012, 2013 et 2014 ;
réunion inaugurale de la Communauté des Superviseurs Bancaires Africains (CSBA), à Alger, en janvier 2013 ; réunion
du groupe de travail en charge de préparer le programme de travail de la CSBA, à Port-Louis, en janvier 2014.
Synthèse 15
Synthèse
Si l’Afrique tire parti des gains de productivité et des innovations apportés par les
banques transfrontalières, le continent devrait bénéficier de manière substantielle des
activités bancaires transfrontalières en termes d’approfondissement du secteur et
de rayonnement accru auprès des populations jusque-là non bancarisées. Malgré le
renforcement de l’intégration financière, l’impact des activités bancaires transfronta-
lières sur l’efficacité bancaire et le rayonnement des activités financières demeure à ce
jour limité, du fait notamment d’une infrastructure financière encore rudimentaire. Il
est par conséquent essentiel de renforcer l’infrastructure financière de façon uni-
forme dans tous les pays, notamment dans ceux qui ont noué des liens transfrontaliers
forts. S’agissant des activités bancaires transfrontalières, l’accent devrait être mis
sur les domaines suivants : amélioration de la comparabilité des informations sur le
crédit entre les pays ; amélioration de l’efficacité des systèmes de paiement, s’agissant
notamment des paiements de masse transfrontaliers et du traitement des flux d’envois
de fonds effectués par les migrants ; renforcement de la reconnaissance mutuelle des
procédures d’enregistrement des droits de propriété et des droits afférents aux sûretés ;
mécanismes de saisie des sûretés ; amélioration de l’éducation financière et mise à dis-
position d’informations comparables sur le coût des services financiers. Pour ce faire, la
meilleure solution serait de procéder de manière coordonnée au sein des sous-régions
comme c’est déjà le cas dans certaines communautés économiques régionales.
Étant donné les faibles niveaux d’intermédiation financière de la plupart des sec-
teurs bancaires africains, notamment sur le segment inférieur du Marché, il existe un
potentiel d’amélioration considérable du transfert de savoir-faire, informatique, d’in-
frastructure et de compétences en gestion des risques en ce qui concerne les services
et produits bancaires de détail visant les populations à faibles revenus et adaptés aux
petits épargnants et aux petites entreprises. L’expérience montre que les banques qui
ont développé avec succès ce type de compétences et de produits bancaires sur leur
marché domestique sont mieux à même d’y parvenir à l’étranger. Pour promouvoir l’ap-
profondissement de marché et le renforcement de la concurrence et de l’innovation, les
autorités doivent être disposées à encourager l’implantation de banques qui ont déjà
proposé des produits et services bancaires aux segments de marché mal desservis et
Synthèse 19
qui peuvent attester de leur réussite en s’appuyant sur des modèles économiques qui
ont déjà fait leurs preuves.
Les autorités peuvent également envisager d’opter pour des modèles bancaires
davantage intégrés reposant sur un cadre solide de supervision consolidée, des circuits
d’échanges d’informations clairement établis et performants entre les superviseurs des
pays d’origine et des pays d’accueil, et des cadres de résolution de problèmes bancaires
transfrontaliers efficaces. Les banques se développant hors de leur marché national
en Afrique doivent presque invariablement créer non seulement des filiales autonomes
mais aussi déployer des fonctions informatiques au niveau local, recourir essentiel-
lement à la main-d’œuvre locale et mettre en place des fonctions de direction locales
indépendantes. Cette « forteresse bancaire » va directement à l’encontre de l’objectif
consistant à tirer profit des avantages économiques potentiels des activités bancaires
transfrontalières. Les modèles bancaires plus intégrés permettraient notamment de
réaliser des économies significatives dans un secteur traditionnellement à coût élevé
et pourraient en faire une activité rentable et donc attrayante permettant de fournir des
services financiers à un plus large éventail de clients. Les politiques qui promeuvent les
modèles bancaires plus intégrés pourraient, par exemple, prévoir de réduire la com-
plexité et la durée du processus d’octroi des agréments, réduire les exigences de fonds
propres initiaux pour les filiales de banque (avec des exigences conçues pour s’adapter
à l’engagement commercial de la banque étrangère et à ses expositions aux risques),
réduire ou supprimer les exigences en matière de création de nouvelles succursales le
cas échéant (laisser, par exemple, le soin aux banques de décider de la structure et de
la sécurité de leurs locaux), encourager la pleine mobilité de la main-d’œuvre (transfert
de compétences), encourager le recours à des plateformes informatiques communes et
centralisées tant pour le fonctionnement interne que pour la fourniture de services aux
clients (par exemple, les DAB, les services de cartes bancaires et la banque en ligne),
et favoriser la mise en place de systèmes centralisés d’audit et de gestion des risques.
Les zones réglementaires formellement intégrées (telles que les unions monétaires
de l’Afrique centrale et de l’ouest), notamment, pourraient envisager de passer d’un
dispositif de filiales autonomes vers un dispositif de filiales plus intégrées voire vers un
dispositif de succursales - si certaines conditions préalables sont réunies.
Par ailleurs l’harmonisation réglementaire pourrait contribuer à réduire l’incerti-
tude en termes de prévisibilité et d’homogénéité de la mise en œuvre, à diminuer de
manière significative les coûts de conformité dans la région, et à améliorer les normes
dans des environnements plus concurrentiels. L’harmonisation réglementaire est un
projet ambitieux, et il importe de veiller à concentrer les efforts de convergence sur les
problématiques clés notamment dans des environnements où les capacités sont net-
tement insuffisantes. L’ordre de priorité et d’enchaînement est essentiel, et il convient
de mettre l’accent sur les domaines de politique dont l’harmonisation est un élément
20 Synthèse
Pour se préparer aux effets de l’essor des opérations transfrontalières sur la solidité
des banques, il est nécessaire de se doter d’une assise solide permettant de protéger
la stabilité bancaire en temps normal. Cela étant, pour être prêt à affronter les périodes
de crise, les autorités doivent également disposer de cadres de résolution des faillites
efficaces à l’échelon national de manière à ce que les procédures de résolution puissent
être engagées en temps voulu, que les responsabilités soient clairement réparties entre
les autorités compétentes et que ces dernières disposent de pouvoirs suffisants pour
transférer les actifs et passifs et restructurer les banques. Outre la planification des
possibilités de faillites bancaires, le cadre de résolution des faillites constitue égale-
ment une mesure préventive en ce sens qu’il décourage la prise de risque excessive par
les banques, et ce, même en temps normal. Bon nombre de pays africains ont engagé
d’importants programmes en matière de respect du rang des créanciers dans le cadre
d’une résolution de faillite bancaire et de limitation des actions en justice qui rendent
difficile la mise en œuvre des mesures de résolution des faillites.
La coopération réglementaire transfrontalière doit aussi entreprendre des actions
plus ambitieuses que le simple échange d’informations en temps normal et se préparer
aux répercussions transfrontalières de défaillances bancaires spécifiques et systé-
miques. À cet égard, il est possible de recourir à des exercices de simulation de crise
communs qui serviront de base aux plans de gestion de crise communs. Au besoin, il
est également possible d’envisager d’élargir les collèges de superviseurs aux autorités
de résolution de faillite, par exemple les ministères des finances, en les invitant à parti-
ciper aux Groupes de gestions de crise.
La résolution en bonne et due forme des faillites de groupes transfrontaliers étant
forcément complexe, il convient de tout mettre en œuvre pour adopter des mesures
préventives afin d’éviter l’émergence de groupes financiers internationaux opaques et
étroitement imbriqués, par le biais d’une supervision stricte, de la fixation de limites en
matière d’exposition intragroupe et d’une meilleure planification en matière de conti-
nuité des activités. Si la supervision consolidée s’inscrit à la base de ces mesures, cette
démarche préventive va au-delà de la collecte des informations nécessaires et suppose
une implication plus active des superviseurs, comme c’est actuellement le cas des
plans de relance et de résolution bancaire visant plusieurs établissements financiers
d’importance systémique aux États-Unis et en Europe.
Synthèse 23
Perspectives
2 Selon les définitions de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’étude se concentre sur le mode 3 (présence
commerciale étrangère) plutôt que sur le mode 1 (commerce transfrontalier) (Nations unies, 2002).
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 27
développer sur le continent, ainsi que les caractéristiques des structures de leurs
groupes. La cinquième section conclut ce chapitre.
Au cours des deux dernières décennies, les banques étrangères ont significativement
renforcé leur présence dans les pays africains. Entre 1995 et 2009, le nombre de succu-
rsales ou de filiales bancaires transfrontalières a pratiquement doublé pour passer de
120 à 227 (Graphique 1.1). Parallèlement, le nombre total de banques n’ayant quasiment
pas changé (de 421 à 442), la part des banques étrangères est ainsi passée de 29 à 51 %.
Si l’on examine la proportion moyenne des banques étrangères dans les pays, en
lieu et place de la proportion des banques étrangères dans l’ensemble des banques
présentes en Afrique, on observe une augmentation de 39 % en 1995 à 55 % en 2009
(Graphique 1.2, Panel A).
3 La crise nigériane de 2009 était en grande partie d’origine interne. À la suite d’un relèvement du capital minimum en
2005 et d’un vaste processus de consolidation bancaire au Nigeria, le secteur bancaire a connu une croissance spectacu-
laire. Les prêts sur marge octroyés par les banques à leurs clients ont été les principaux moteurs de l’expansion rapide
des actifs. Ces mêmes clients ont alors acheté des actions de banques en recourant au crédit, ce qui a conduit à une
surévaluation du marché des actions nigérian. Lorsque le marché des actions s’est replié, nombreux sont les clients qui
ont alors été incapables de rembourser leurs prêts sur marge, ce qui a entraîné une augmentation des prêts douteux.
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 31
250 70%
60%
200
50%
150 40%
100 30%
20%
50
10%
0 0%
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
Nombre de banques étrangères (axe gauche) Proportion de banques étrangères (axe droit)
600
500
Nombre de banques
400
300
200
100
0
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
Banques nationales Banques étrangères
Source : base de données sur l’actionnariat des banques Claessens et van Horen (2014).
Remarques : le nombre total de banques étrangères et nationales correspond au nombre total de banques dans chacun de
tous les pays du continent africain. Une banque transfrontalière est considérée comme une banque nationale dans son pays
d’origine mais comme une banque étrangère dans chacun des pays où elle possède une filiale ou une succursale.
70
60
50
Pourcentage
40
30
20
10
0
1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009
70
60
50
Pourcentage
40
30
20
10
0
2004 2005 2006 2007 2008 2009
Source : base de données sur l’actionnariat des banques Claessens et van Horen (2014).
Remarques : regroupements régionaux : AEP = Asie de l’Est et Pacifique, EOAC = Europe orientale et Asie centrale, ALC =
Amérique latine et Caraïbes, OCDE = Organisation de coopération et de développement économiques, AFR = Afrique.
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 33
4 L’Éthiopie est le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique et l'une des économies à la croissance la plus rapide du conti-
nent. Malgré la nature fermée du système financier éthiopien, un certain nombre de banques étrangères ont ouvert des
bureaux de représentation en Éthiopie ces dernières années. La banque allemande Commerzbank a été la première
banque étrangère à s’engager dans cette voie en 2007. En 2013, plusieurs banques africaines, dont Ecobank, South
African Standard Bank et quelques banques kenyanes, ont ouvert ou ont annoncé leur intention d’ouvrir des bureaux de
représentation à Addis-Abeba.
34 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique
Graphique 1.3 : Part des actifs détenus par des banques étrangères
en Afrique en 2011
Sources : sites Internet de banques centrales, rapports annuels des groupes bancaires, base de données sur l’actionnariat
des banques Claessens et van Horen (2014), rapports nationaux de la Banque mondiale/du FMI, GIZ (2012a, 2012b, 2012c,
2012d).
Remarques : il n’existe pas de données disponibles pour les pays indiqués en gris. L’expression « banque sous contrôle
étranger » désigne des banques majoritairement détenues par des opérateurs étrangers ou des banques contrôlées par
un actionnaire étranger minoritaire. Année de référence : 2011 ; lorsqu’il n’existe pas de chiffres disponibles pour 2011, les
données couvrant la période 2009 à 2012 ont été utilisées.
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 35
Il convient en outre de noter que deux pays d’Afrique, l’Île Maurice et les Seychelles,
se sont imposés en tant que centres financiers extraterritoriaux.
Une analyse selon leur origine géographique permet de regrouper les banques
étrangères implantées en Afrique selon deux catégories. Le premier groupe com-
prend les banques internationales d’origine non-africaine, en provenance d’Europe
notamment, mais aussi des marchés émergents, tels que l’Inde et la Chine, qui ont
récemment renforcé leur présence dans la région. Ce renforcement de la présence des
banques venant des pays émergents a grandement contribué au développement des
banques Sud-Sud en Afrique. Le second groupe se compose des banques transfronta-
lières africaines, constituées dans des juridictions du continent africain, principalement
en Afrique du Sud, au Nigeria, au Maroc et au Kenya. Il convient de noter qu’il s’agit là
d’une classification simplifiée de la population bancaire, dans la mesure où l’emplace-
ment du siège d’une banque et de l’actionnaire majoritaire peut changer au fil du temps,
comme en témoignent les Tableaux 1.1, 1.2 et 1.3. D’un point de vue réglementaire, la
structure de propriété constitue généralement le critère le plus pertinent pour identifier
le superviseur du pays d’origine d’une banque en vertu des réglementations bancaires
applicables. La supervision sur une base consolidée est généralement exercée par
l’autorité de contrôle du pays d’origine des actionnaires qui détiennent une participation
de contrôle dans le groupe bancaire. Pourtant, même dans ce cas, la classification n’est
pas toujours évidente et est parfois question d’appréciation [Encadré 1.2].
5 Plusieurs institutions de microfinance (MFI) se sont également implantées dans un certain nombre de pays africains en
proposant des investissements de création ciblant le marché des personnes à faibles revenus, dont une partie seulement
avaient obtenu des agréments bancaires et figurent donc dans notre liste des banques transfrontalières. La plupart de
ces MFI sont organisées en holdings présentant peu de liens financiers entre les pays (cf. Earne et al., 2014).
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 37
Remarques : plusieurs pays incluent le pays d’origine (si africain) et la représentation au travers de filiales ou de succursales
dans les pays africains ; les bureaux de représentation ne sont pas pris en compte. Les lignes en vert foncé indiquent les
banques considérées comme des banques panafricaines, définies dans le présent rapport comme étant présentes dans au
moins 10 pays africains.
40 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique
6 Selon la base de données Global Findex, seulement 23 % des adultes âgés de 15 ans ou plus ont accès aux services
bancaires en Afrique (Klapper et Singer, à venir).
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 43
7 Cette énumération se réfère à la présence d’une banque dans son pays d’origine ainsi qu’à sa représentation dans
d’autres pays africains au travers de filiales ou de succursales ; les bureaux de représentation ne sont pas pris en
compte.
8 L’expansion d’Ecobank après 2005 a également coïncidé avec le relèvement drastique des exigences minimales de fonds
propres au Nigeria qui, couplé à des débouchés nationaux limités, a conduit de nombreuses banques nigérianes à se
développer à l’étranger (voir discussion ci-dessous en section 1.3. Les raisons de l’expansion transfrontalière).
44 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique
35
30
25
Nombre de pays
20
15
10
0
Ecobank
United Bank
for Africa
Standard
Bank
BMCE / Bank
of Africa
Attijariwafa
Bank
Banque Centra-
le Populaire
Access
Bank
Afriland
First Bank
Guaranty
Trust Bank
Tous ces groupes ont suivi un schéma similaire de développement. Depuis leur marché
d’origine, ces banques se sont tout d’abord généralement implantées dans les pays
frontaliers puis dans toute la région et, dans certains cas, sur l’ensemble du continent et
au-delà (cf. Graphique 1.6). Dans chaque sous-région, un ou deux pays sont devenus des
centres financiers dominants. Au sein de la Communauté de développement de l’Afrique
australe (SADC), ce sont les banques sud-africaines qui bénéficient de la plus forte pré-
sence, le groupe Standard Bank étant désormais implanté dans toute la partie australe
et orientale du continent, dans certaines parties d’Afrique centrale, ainsi qu’au Nigeria
et au Ghana. Les banques marocaines Attijariwafa Bank et Banque Centrale Populaire
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 45
se sont concentrées sur l’Afrique de l’ouest tandis que leur concurrent marocain BMCE
s’est implanté en Afrique de l’ouest, centrale et orientale. Ces dernières années, plusieurs
banques nigérianes se sont développées au-delà de l’Afrique de l’ouest pour s’implanter
également en Afrique centrale, orientale et australe. Les banques kenyanes sont concen-
trées en Afrique orientale et les banques libanaises en Afrique de l’ouest et du Nord.
Remarques : un certain nombre de pays comprennent le pays d’origine (si africain) et la représentation au travers de filiales
ou de succursales dans des pays africains ; les bureaux de représentation ne sont pas pris en compte. Les lignes en gris
foncé indiquent les banques considérées comme des banques panafricaines, définies dans le présent rapport comme étant
présentes dans au moins 10 pays africains.
48 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique
Graphique 1.7 : Part des actifs dans les systèmes bancaires des pays d’accueil (%)
d’une sélection de banques africaines en 2011
50
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
Liberia
République
centrafricaine
Guinée
Guinée-Buissau
Togo
Tchad
Burkina Faso
Bénin
Niger
Mali
Côte d’Ivoire
Sénégal
Rwanda
Panel B : Standard Bank
50
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
Lesotho
Namibie
Ouganda
Botswana
Malawi
Swaziland
Mozambique
Zambie
Zimbabwe
50 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique
Panel C : BMCE / Bank of Africa Panel D : Barclays Africa Group
50 50
45 45
40 40
35 35
30 30
25 25
20 20
15 15
10 10
5 5
0 0
Madagascar
Bénin
Niger
Djibouti
Burkina Faso
Seychelles
Botswana
Zambie
Ghana
Ouganda
Île Maurice
Panel E : First National Bank Panel F : Attijariwafa Bank
50 50
45 45
40 40
35 35
30 30
25 25
20 20
15 15
10 10
5 5
0 0
Namibie
Lesotho
Botswana
Swaziland
Sénégal
Cameroun
Mali
Sources : sites Internet des banques centrales, rapports annuels des groupes bancaires, base de données sur l’actionnariat des
banques Claessens et van Horen (2014), rapports nationaux de la Banque mondiale/du FMI, GIZ (2012a, 2012b, 2012c, 2012d).
Remarques : porte sur une sélection de banques transfrontalières africaines présentes dans au moins trois pays d’accueil
africains et détenant au moins 10 % des actifs du système bancaire du pays d’accueil dans au moins trois pays. Année de
référence : 2011 ; lorsqu’il n’existe pas de chiffres disponibles pour 2011, i les données couvrant la période 2009 à 2012 ont
été utilisées.
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 51
9 Il faut savoir qu’en l’absence d’une meilleure mesure, l’importance systémique est appréciée à l’aune de la part d’actifs
détenus. L’importance systémique n’est pas nécessairement corrélée de manière linéaire avec la part de marché,
mais peut également être liée à la position stratégique au sein des systèmes de paiement ou de tout autre élément
d’infrastructure. De même, la part de marché mesurée en fonction du nombre de déposants plutôt que du volume des
dépôts peut contribuer à l’importance systémique d’un établissement en termes socio-économiques.
52 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique
Graphique 1.8 : Part des actifs dans les systèmes bancaires des pays d’accueil (%)
d’une sélection de banques internationales en 2011
50 50
45 45
40 40
35 35
30 30
25 25
20 20
15 15
10 10
5 5
0 0
Guinée équatoriale
Sénégal
Cameroun
Côte d’Ivoire
Tchad
Burkina Faso
Botswana
Zambie
Ouganda
Île Maurice
Ghana
Zimbabwe
Panel C : BNP Paribas Panel D : Rabobank
50 50
45 45
40 40
35 35
30 30
25 25
20 20
15 15
10 10
5 5
0 0
Guinée
Madagascar
Gabon
Sénégal
Zambie
Tanzanie
Rwanda
Sources : sites Internet des banques centrales, rapports annuels des groupes bancaires, base de données sur l’actionnariat des
banques Claessens et van Horen (2014), rapports nationaux de la Banque mondiale/du FMI, GIZ (2012a, 2012b, 2012c, 2012d).
Remarques : porte sur une sélection de banques transfrontalières internationales présentes dans au moins trois pays d’accueil
africains et détenant au moins 10 % des actifs du système bancaire du pays d’accueil dans au moins trois pays. Année de
référence : 2011 ; lorsqu’il n’existe pas de chiffres disponibles pour 2011, les données couvrant la période 2009 à 2012 ont été
utilisées.
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 53
MAR
LBY
MLI NER
SEN TCD
GNB BFA
GIN BEN
TGO NGA
CIV GHA SDN
LBR CAF
CMR
GNQ UGA
KEN
GAB COG
COD RWA
SYC
MWI MOZ
ZMB
ZWE MDG
MUS
NAM BWA
SWZ
LSO
Sources : sites Internet des banques centrales, rapports annuels des groupes bancaires, base de données sur l’actionnariat des
banques Claessens et van Horen (2014), rapports nationaux de la Banque mondiale/du FMI, GIZ (2012a, 2012b, 2012c, 2012d).
Remarques : le graphique n’illustre les liens de propriété entre les pays que si la part d’actifs détenus par les pays d’origine
représente au moins 10 % du système bancaire du pays d’accueil. La taille des bulles est proportionnelle à la taille absolue
du secteur bancaire de chaque pays. Année de référence : 2011 ; lorsqu’il n’existe pas de chiffres disponibles pour 2011, les
données couvrant la période 2009 à 2012 ont été utilisées.
54 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique
PRT
TUN
USA
NER
SEN TCD
GNB
GIN DJI
TGO
CIV GHA
GNQ UGA
STP
RWA
COD
TZA SYC
AGO
ZMB MOZ
ZWE
MDG
BWA
Taille du système bancaire
national
Part des actifs en USD dans
le système bancaire du pays
d’accueil
Sources : sites Internet des banques centrales, rapports annuels des groupes bancaires, base de données sur l’actionnariat des
banques Claessens et van Horen (2014), rapports nationaux de la Banque mondiale/du FMI, GIZ (2012a, 2012b, 2012c, 2012d).
Remarques : le graphique n’illustre les liens de propriété des pays que si la part d’actifs détenus par les pays d’origine
représente au moins 10 % du système bancaire du pays d’accueil. La taille des bulles est proportionnelle à la taille absolue
du secteur bancaire de chaque pays. Année de référence : 2011 ; lorsqu’il n’existe pas de chiffres disponibles pour 2011, les
données couvrant la période 2009 à 2012 ont été utilisées.
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 55
Les liens de propriété transfrontaliers les plus notables entre secteurs bancaires
africains sont illustrés par des graphiques en réseau en se plaçant du point de vue
des pays d’accueil, que ce soit à l’intérieur du continent africain (Graphique 1.9) ou
à partir de pays non africains (Graphique 1.10). La taille des bulles des pays reflète
la taille absolue du système bancaire du pays concerné, l’Afrique du Sud, le Nigeria,
le Maroc, le Kenya, l’Île Maurice et la Libye étant visiblement les centres financiers
les plus importants en Afrique. Les liens entre les pays illustrent la part du secteur
bancaire de la juridiction d’accueil détenue par des banques dans les pays d’origine.
Le lien qui unit l’Afrique du Sud et le Lesotho, par exemple, est particulièrement épais
dans la mesure où les banques sud-africaines détiennent quasiment 100 % des actifs
du système bancaire du Lesotho. Parmi les banques africaines (Graphique 1.9), les
banques sud-africaines comptent le plus grand nombre de liens transfrontaliers, du
fait notamment que les activités d’Ecobank sont rattachées à l’Afrique du Sud, étant
donné que le principal actionnaire minoritaire de la holding du groupe est un fonds
d’investissement sud-africain (Public Investment Corporation)10. Le Graphique 1.10
témoigne de la forte implantation des banques européennes et américaines dans les
juridictions africaines bien que celle-ci soit plutôt concentrée.
10 La quote-part de l’actionnariat sud-africain dans Ecobank Transnational International (ETI) pourrait être considérable-
ment augmentée si Nedbank venait à exercer une option de conversion en capitaux propres à hauteur de 20 % du capital
social d’ETI au cours d’une période de 12 mois s’achevant en novembre 2014.
56 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique
11 Ce prêt a permis à Ecobank de financer le développement significatif de son réseau de détail au Nigeria en rachetant la
banque Oceanic à Nigerian Asset Management Company (AMCON).
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 59
composition du commerce ont été particulièrement décisives pour attirer les banques
chinoises et indiennes en Afrique.
La volonté des banques de se développer sur l’ensemble du continent répond
également à un objectif de diversification de leurs risques. En Afrique, les cycles
économiques ne sont pas synchronisés et constituent un risque que les banques
qui y sont exposées peuvent atténuer en se développant dans des pays aux profils
économiques variés.
De manière plus générale, l’activité bancaire en Afrique est de plus en plus
attrayante depuis le démarrage économique amorcé au début des années 2000.
L’amélioration du climat des affaires, y compris la stabilisation de l’environnement
macroéconomique, l’essor de la classe moyenne et les larges pans de populations
non bancarisées incitent les investisseurs locaux et étrangers à s’implanter sur les
marchés de croissance les plus prometteurs. L’importance croissante des ressources
naturelles en Angola et au Mozambique, par exemple, a également contribué à attirer
les banques transfrontalières dans ces pays, l’objectif étant autant d’accompagner
leurs clients que de bénéficier de l’amélioration de la conjoncture économique dans
ces deux pays. Des secteurs tels que l’énergie, la distribution et le traitement de l’eau
et les transports offrent également de plus en plus de d’opportunités de financement
de projets d’infrastructure menés par des entreprises locales. Parallèlement, le relatif
ralentissement de la croissance dans les marchés d’origine et les progrès réalisés dans
la gestion macro-économique locale, en diminuant l’attrait des rendements des titres
d’État et en favorisant l’activité de prêt bancaire, ont incité les banques à étendre leurs
activités à l’étranger.
Plus important encore, le développement des activités bancaires transfrontalières
en Afrique au cours des dix dernières années doit s’analyser dans le contexte de la
libéralisation financière intervenue à la fin des années 80 et au début des années 90
qui a mis fin aux politiques interventionnistes visant le secteur financier adoptées
au moment de l’indépendance par la plupart des états africains en instaurant des
conditions propices au développement transfrontalier des banques. Étant donné
les coûts de démarrage lié aux investissements de création, il était plus souvent
avantageux pour les banques étrangères de pénétrer les marchés en rachetant les
activités restructurées de banques anciennement propriétés de l’État. Cette stratégie
a notamment permis aux banques de s’appuyer sur un réseau de succursales existant
en exploitant leur présence sur le marché de détail, ce qui aurait été autrement
difficilement réalisable en si peu de temps. Étant donné la taille relativement modeste
du commerce intra-régional en Afrique, cette démarche a également permis au
processus d’établissement sur le marché de s’inscrire plus étroitement dans les
stratégies de développement et d’approfondissement de marché, ce que ne permettent
pas les configurations où le modèle économique des banques repose sur des facteurs
d’attraction traditionnels, comme l’accompagnement de leurs clients dans leurs
60 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique
Succursales ou filiales ?
Les banques transfrontalières ont le choix de s’implanter dans des pays d’accueil
en établissant des succursales ou des filiales. En Afrique, le déploiement des banques
transfrontalières a essentiellement reposé sur la création de filiales. Alors que 21
des 48 pays africains - du moins en théorie - autorisent l’établissement d’une banque
étrangère sur leur marché par le biais d’une succursale, selon les données provenant
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 61
12 Dans le cas de la Sierra Leone et du Swaziland, les deux bases de données fournissent des informations contradictoires
sur la possibilité pour les banques étrangères de s'implanter au moyen de succursales. La consultation des lois ban-
caires respectives laisse penser qu'une implantation étrangère au moyen de succursales est interdite en Sierra Leone et
autorisée au Swaziland.
62 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique
des modèles économiques innovants reposant sur la création d’un réseau d’agences
bancaires dans le pays d’origine (Encadré 2.2).
nent africain essentiellement sous le nom de Bank of Africa (BOA). En 2007, BMCE, qui
détenait alors dix filiales sur le continent africain, a conclu un partenariat avec le Groupe
BOA, qui est la holding de toutes les activités de BOA (créée au Mali en 1982). Depuis,
elle a progressivement augmenté sa participation dans le capital du Groupe BOA de 35 à
plus de 70 %. Les filiales de BOA proposent des services bancaires standard principale-
ment à des entreprises. L’investissement dans le Groupe BOA a donné un nouvel élan à
la croissance du groupe et abouti à un plan d’expansion ambitieux ; la banque a pour ob-
jectif de s’implanter dans un grand nombre de pays africains dans les 10 à 15 ans à venir
en tirant parti des opportunités d’investissement dans différents secteurs financiers, tels
que la banque de détail, la banque d’investissement, l’assurance et la banque mobile.
Les activités transfrontalières africaines de BMCE représentent aujourd’hui plus d’un
tiers des bénéfices du groupe.
Banque Sahélo-Saharienne pour l’Investissement et le Commerce (BSIC) – Forte de sa
présence dans 14 pays d’Afrique du Nord et de l’ouest, BSIC jouit d'une large couverture
géographique sur le continent. Cette présence régionale s’explique par la mission de la
banque qui consistait à fournir des fonds de développement libyens aux pays de la région,
sous la gouvernance de Mouammar Kadhafi. Toutefois, le poids de BSIC dans le paysage
bancaire est très limité.
Attijariwafa Bank – Attijariwafa Bank est une banque universelle marocaine ma-
jeure, contrôlée par la holding SNI, conglomérat dont la famille royale marocaine est
l’un des principaux actionnaires. Grâce au rachat du réseau de banques de détail du
Crédit Agricole (France) dans cinq pays d’Afrique de l’ouest en 2008, Attijariwafa Bank
a pu renforcer sa position dans des pays autres que la Tunisie, le Sénégal et le Mali
dans lesquels elle était déjà présente. La stratégie du groupe consiste à déployer les
métiers dans lesquels il excelle au Maroc dans les pays africains où il offre déjà des
services de banque de détail, notamment des produits destinés au segment inférieur
du Marché. Attijariwafa Bank est le plus important établissement de microfinance au
Maroc. Sa stratégie vise également à tirer profit des pays africains en plein essor et
de l’augmentation du taux de pénétration bancaire dans la région et à répondre aux
besoins de sa clientèle d’entreprises dans l’ensemble de la région. Les activités afri-
caines transfrontalières d’Attijariwafa Bank entrent pour un quart dans la génération
des bénéfices du Groupe.
Banque Centrale Populaire du Maroc (BCP) – BCP est une importante banque com-
merciale marocaine. Le rachat des activités de Banque Atlantique (Banque Atlantique
a été créée en Côte d’Ivoire en 1978) en 2012 lui a permis de s’implanter en Afrique de
l’ouest. BCP a signé un accord de partenariat avec Atlantic Financial Group, la holding
regroupant toutes les activités de Banque Atlantique, en vue de créer Atlantic Business
International, détenue à parts égales par les deux signataires mais dont BPC contrôle
la gestion. En conséquence, l’intégralité du réseau de Banque Atlantique est désormais
sous la supervision sur une base consolidée de Bank Al-Maghrib, superviseur du pays
d’origine de BCP. Cette banque nourrit de grandes ambitions : accompagner le dévelop-
pement des entreprises marocaines en Afrique de l’ouest, garantir le financement du
commerce extérieur, offrir des services de syndication par l’intermédiaire de ses filiales
situées dans les zones utilisant le franc CFA, renforcer la banque de détail et servir de
plateforme de financement local et de microfinance (BCP est le deuxième plus important
acteur du marché marocain de la microfinance après Attijariwafa Bank).
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 65
Barclays Africa Group – Barclays Bank, Royaume-Uni, propose des services financiers
en Afrique depuis la période coloniale. En mai 2005, elle a pris une participation majori-
taire dans le groupe de droit sud-africain Absa, et en milieu d’année 2013, elle a regroupé
ses activités africaines (à l’exception de l’Égypte et du Zimbabwe) sous le nom commercial
de Barclays Africa Group, dans l’optique de développer ses activités africaines dans le
cadre d’une stratégie plus cohérente. Auparavant, elle opérait sous les noms de Barclays
et Absa. Barclays Africa Group cible principalement le secteur des entreprises.
Source : entretien avec les responsables des banques et informations publiées sur les sites Internet des banques.
1.5 Conclusion
* Les banques d’origine africaine détenues par des actionnaires non africains sont considérées comme des banques
transfrontalières même si elles ne sont représentées que dans une juridiction africaine.
** La Cooperative Agricultural and Credit Bank est une coentreprise regroupant plusieurs banques égyptiennes.
2.
Activités bancaires
transfrontalières :
avantages et risques
74 Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques
2.1 La théorie
La théorie apporte des arguments contradictoires quant aux effets des activités
bancaires transfrontalières sur (a) la concurrence et l’efficacité, (b) l’approfondissement
et le rayonnement du secteur financier, et (c) la stabilité.
Les partisans des activités bancaires transfrontalières soutiennent que les banques
transfrontalières ont globalement un effet positif sur le secteur bancaire du pays d’ac-
cueil en favorisant la concurrence et la croissance du crédit, en réduisant la volatilité et
en reproduisant les meilleures pratiques en termes de supervision et de réglementation
mises en place dans leur pays d’origine.
Les banques étrangères, soutiennent-ils, lorsqu’elles pénètrent de nouveaux mar-
chés, bénéficient d’un avantage comparatif en termes de meilleur accès aux capitaux,
d’économies d’échelle, de diversification des risques, de technologies de prêt, de
compétences et de qualité de gestion (voir, par exemple, Detragiache, Gupta, et Tressel,
2008, et Clarke et al., 2005). Fortes de ces avantages, les banques étrangères peuvent
offrir de nouveaux produits, introduire de nouvelles technologies de prêt et de nou-
veaux circuits de distribution, mobiliser les dépôts en proposant des taux plus élevés
et consentir des prêts à des taux plus avantageux. Enfin, l’établissement de banques
étrangères permettra d’accroître la pression concurrentielle sur les autres acteurs du
marché, ce qui favorisera l’approfondissement du secteur financier.
Les partisans font également valoir que les banques étrangères ont la capacité de
renforcer la concurrence et d’élargir la base des emprunteurs d’une économie grâce
aux améliorations qu’elles apportent aux structures de gouvernance. N’étant pas liées
aux emprunteurs historiques ni aux réseaux existants d’entrepreneurs, de banquiers, de
régulateurs et de politiciens, les banques étrangères sont en mesure d’amener le sys-
tème financier et l’économie au sens large à passer d’un modèle de prêts aux initiés à
un modèle reposant uniquement sur des critères de prêts commerciaux (« conditions de
pleine concurrence »). Cela a des conséquences non seulement sur la concurrence mais
aussi sur la transformation plus générale des économies. Les anciennes économies
en transition de l’Europe centrale et orientale ont souvent été citées comme l’exemple
parfait de ce scénario.
76 Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques
Gupta, 2008). Plus directement, le manque d’informations fiables telles que l’informa-
tion financière officielle, peut également dissuader les banques étrangères de prêter
aux clients à faibles revenus ainsi qu’aux entreprises de moindre envergure et – du point
de vue du principe de libre concurrence – opaques (cf., par exemple, Mian, 2006). Le
recours accru des banques étrangères aux informations fiables peut plus particulière-
ment avoir des répercussions négatives sur les emprunteurs moins transparents et pré-
sentant un risque plus élevé si les banques étrangères évincent les banques nationales
du marché. Le risque existe par conséquent que l’établissement de banques étrangères
se solde par une segmentation plus grande du marché et réduise les débouchés des
banques nationales, un scénario qui compromettrait, à l’échelle du système, la fourni-
ture de services bancaires, aux clients à faibles revenus.
Les opposants à l’établissement des banques étrangères remettent également en
question les bienfaits plus traditionnels pour la stabilité associés à ce processus et
résultant des avantages de la diversification, et mettent en avant les risques de conta-
gion significatifs engendrés par les activités bancaires transfrontalières. Les banques
transfrontalières peuvent être un vecteur de propagation des chocs en provenance
de leur pays d’origine, ou d’autres pays dans lesquels elles sont implantées, au pays
d’accueil. Comme en témoigne la récente crise financière mondiale, les banques multi-
nationales peuvent décider de retirer les liquidités des pays d’accueil si elles subissent
des pressions dans leur pays d’origine, réduisant ainsi la capacité de prêt dans les pays
d’accueil. Plus grave encore, en cas de faillite de banques multinationales, les pays
d’accueil ont alors à gérer les filiales de ces banques qui ne peuvent pas se prendre en
charge elles-mêmes.
Enfin, les détracteurs s’interrogent sur la contribution des banques étrangères à
l’amélioration de la réglementation et de la supervision. Une réglementation et une
supervision efficaces commencent par les banques nationales et ne requièrent pas la
présence de banques étrangères. Même lorsque les autorités de contrôle sont résolues
à améliorer l’efficacité de la supervision, il peut falloir du temps pour développer les
compétences nécessaires, et durant la phase de transition, le secteur bancaire du pays
d’accueil va se trouver exposé à des risques aussi longtemps que les nouveaux produits
et services sophistiqués ne seront pas bien maîtrisés et réglementés.
fixes relativement élevés, encore accentués par les exigences réglementaires prévoyant
l’isolement (« ring-fencing ») des comptabilités de ces filiales en temps de crise. Bien
que les travaux de recherche à l’échelle mondiale ne se soient pas particulièrement
arrêtés sur la distinction entre succursales et filiales dans le cadre d’un arbitrage
entre les risques et les avantages des activités bancaires transfrontalières, il semble
important d’établir cette distinction dans le contexte africain, car les coûts fixes des
filiales autonomes peuvent s’avérer encore plus pénalisants dans les marchés de petite
dimension13.
Un modèle bancaire plus intégré s’appuyant sur un réseau de succursales ou de
filiales entretenant des liens étroits avec la banque mère signifie que le financement,
l’allocation d’actifs et la gestion des risques sont centralisés de façon à maximiser
les résultats consolidés (Fiechter et al., 2011). Pour un même niveau d’exposition aux
risques, ce modèle permet de rationaliser l’emploi des capitaux et des liquidités, dans la
mesure où le financement et l’emploi des capitaux peuvent être plus facilement optimi-
sés au fil du temps entre les différentes unités. Les coûts liés à l’exploitation sont ainsi
généralement moins élevés dans le cas d’un modèle bancaire plus intégré. Ce modèle
permet également de renforcer la capacité des succursales ou des filiales à absorber
les chocs spécifiques aux pays d’accueil, dans la mesure où il est plus facile de mobili-
ser des capitaux et/ou des liquidités supplémentaires. D’un autre côté, les superviseurs
du pays d’origine et du pays d’accueil pourraient préférer un modèle plus décentra-
lisé qui s’appuie sur des filiales autonomes, bien qu’il puisse s’avérer moins rentable,
pour plusieurs raisons : facilité (perçue) de résolution des faillites bancaires, meilleure
capacité à superviser les activités des banques étrangères (supervision et reporting) et
minimisation des coûts de contagion.
Au cours de la dernière décennie, toute une série d’études empiriques ont été réali-
sées en vue d’évaluer les différentes hypothèses concernant l’établissement de banques
étrangères. De portée internationale, régionale et nationale, ces études ont utilisé des
données agrégées sur les entreprises, les ménages et les banques afin d’évaluer l’in-
cidence de l’établissement de banques étrangères sous différents angles, notamment
l’efficacité, la concurrence, la stabilité et l’inclusion financière. Ces études montrent que
ces effets sont étroitement liés au contexte14.
13 De nombreuses études réalisées sur l'épisode de la déréglementation des succursales aux États-Unis dans les
années 70 et 80 ont démontré les larges avantages en termes d'efficacité qu’il y a à permettre aux banques de passer
d'une structure de holding et de filiales à une structure de succursales interétatique.
14 Pour une étude plus complète sur les données concernant l’établissement de banques étrangères, cf. Cull et Martinez
Peria (2013).
80 Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques
Efficacité et concurrence
Les comparaisons entre pays ont montré une relation positive entre l’établissement
de banques étrangères et l’efficacité et la concurrence dans les pays d’accueil, mesurée
en termes de marges nettes d’intérêts, de rentabilité et de maîtrise des coûts (Claes-
sens, Demirgüç-Kunt, et Huizinga, 2000, 2001). L’hypothèse selon laquelle l’établisse-
ment de banques étrangères se traduit par un renforcement de la concurrence dans les
pays d’accueil a également été confirmée par Claessens et Laeven (2004).
Les études menées en Argentine et en Colombie confirment également l’incidence
positive de l’établissement de banques étrangères sur l’efficacité des marchés bancaires
locaux (Clarke et al., 2000, Barajas et al., 2000). De même, il ressort également des études
portant sur des pays de l’Europe centrale et orientale que l’établissement de banques
étrangères a des effets bénéfiques sur la concurrence dans les marchés locaux (cf. Kiralyi
et al., 2000 pour la Hongrie, Nikiel et Opiela, 2002 pour la Pologne). D’un autre côté, des
études plus générales portant sur plusieurs pays d’Amérique latine et d’Europe centrale
et orientale présentent des résultats plus contrastés, qui pourraient être en partie dus à
l’utilisation de mesures de la concurrence et de l’efficacité différentes.
En Inde et en Chine, l’établissement de banques étrangères a eu des retombées qui sont
loin d’être aussi positives. Cette situation peut s’expliquer par la participation relativement
limitée des banques étrangères ainsi que par la prédominance des banques publiques dans
ces pays (Sensarma, 2006, Wu, Chen, et Lin, 2007). L’arrivée des banques étrangères dans
de nombreux pays d’Asie de l’Est après la crise de 1997 a eu, pour sa part, des répercus-
sions modestes mais positives sur l’efficacité et la concurrence (par ex., Lee, 2003 pour la
Corée, Unite et Sullivan, 2002 pour les Philippines, et Kubo, 2006 pour la Thaïlande).
Quelques études empiriques ont analysé les effets des activités bancaires transfronta-
lières sur l’efficacité et la concurrence en Afrique. S’agissant des pays de la Communauté
de l’Afrique de l’Est (CAE), les études montrent que les retombées sont différentes d’un
pays à l’autre et dans le temps. Par exemple, Cihak et Podpiera (2005) ont constaté qu’au
début des années 2000, les banques étrangères implantées en Tanzanie et en Ouganda
prêtaient davantage et appliquaient des marges (spreads) moins élevées que les banques
nationales, tandis que les banques étrangères au Kenya prêtaient moins que les banques
nationales. Un récent Programme d’évaluation du secteur financier mené par la Banque
mondiale dans la CAE (2013) portant sur le Burundi, le Kenya, le Rwanda, la Tanzanie et
l’Ouganda analyse les différences entre les banques étrangères d’horizons divers. Plus
précisément, les banques dont le siège social est situé dans la CAE et possédant des
filiales dans la région appliquent des marges moins élevées et sont plus efficaces que
les autres banques nationales privées (Graphique 2.1.). Parallèlement, ces banques étant
extrêmement rentables dans leur marché d’origine, elles disposent d’une marge confor-
table de sécurité leur permettant de faire face aux pertes ou aux profits peu élevés durant
les premières années d’activité de leurs filiales. De même, les filiales de banques domi-
Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques 81
ciliées dans la CAE affichent des marges et des frais généraux moins élevés par rapport
aux filiales de banques étrangères situées hors de la CAE, ce qui illustre bien les diffé-
rences entre les modèles économiques15. Les banques de la CAE qui se sont développées
dans la région ont également introduit des modèles économiques innovants, tels que les
réseaux d’agences bancaires, sur les nouveaux marchés qu’elles ont conquis, ce qui leur
a permis d’atteindre plus rapidement le seuil de rentabilité que leurs concurrentes. Cela
étant, comme en témoigne le Graphique 2.1, les banques transfrontalières ne font pas
nécessairement bénéficier les clients des gains d’efficacité qu’elles réalisent, et préfèrent
augmenter leurs bénéfices.
16%
14%
2.6
1.8
12%
0.9
1.5
10% 1.5
6.0
8%
10.9
6% 0.6 8.2
8.6
4%
4.2
2%
1.09 1.44 1.18 1.41
0%
-2.0
-2%
Banques nationales Banques nationales Filiales étrangères Filiales étrangères
privées de la CAE privées de la CAE (de banques au sein (de banques en
ayant des filiales sans filiales dans de la CAE) dehors de la CAE)
dans d’autres pays d’autres pays de
de la CAE la CAE
Réserves Frais Provisions Bénéfices
généraux
15 On peut se demander si les coûts plus élevés des banques étrangères situées en dehors de la CAE sont la résultante
de charges de personnel plus élevées et/ou de coûts de conformité plus élevés, qui sont généralement le reflet d'une
approche plus prudente.
82 Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques
Toutes ces études se rejoignent sur un point : les résultats empiriques sont
fonction de la structure des systèmes bancaires nationaux dans lesquels les banques
étrangères s’implantent. Ceci ne renvoie pas uniquement à la nature de la concur-
rence, telle que reflétée par des facteurs comme le niveau de participation de l’État
et l’influence politique dans le secteur bancaire, mais également aux défaillances
des infrastructures financières telles que les insuffisances du cadre contractuel et
des informations en matière de crédit, et au cadre légal/réglementaire régissant
les conditions d’entrée et de sortie des banques sur le marché. Comme évoqué plus
haut, le niveau de participation de l’État peut décourager les banques étrangères de
se livrer à une concurrence acharnée, comme l’expliquent Beck et Fuchs (2004) dans
le cas du Kenya au début des années 2000. Par exemple, en l’absence d’un système
efficace d’échange d’informations en matière de crédit, les emprunteurs peuvent se
retrouver otages du prêteur initial qui tire parti des informations privées les concer-
nant collectées au fil du temps.
L’effet positif ou négatif de l’établissement d’une banque étrangère sur l’effica-
cité et la concurrence est donc subordonné aux conditions prévalant sur le marché
bancaire local, ainsi qu’au cadre et aux pratiques de supervision en vigueur. Le fait
que ces facteurs puissent être influencés par les autorités de réglementation et de
contrôle locales est en soi une bonne nouvelle, puisque l’initiative demeure entre
les mains de ces autorités. Au vu des multiples éléments attestant des économies
d’échelle générées par les activités bancaires, de solides arguments plaident en
faveur d’une incidence positive des activités bancaires transfrontalières sur l’efficacité
du secteur bancaire en Afrique (Encadré 2.1).
Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques 83
Données internationales
éloignés. Cette analyse rejoint l’étude sur les incidences de l’établissement des banques
étrangères sur le secteur réel (Bruno et Hauswald, 2013) qui montre que l’impact de
l’établissement de banques étrangères sur la croissance des secteurs d’activité qui
ont le plus besoin de financement externe est plus important dans les pays en déve-
loppement garantissant une meilleure application des contrats et un échange plus
efficace des informations sur le crédit. Ces deux études laissent entendre qu’il est de la
responsabilité des autorités locales d’instaurer un environnement propice à l’approfon-
dissement du secteur financier pour tirer parti de l’établissement des banques étran-
gères, notamment en mettant en place un système d’échange d’informations solide et
un système de recours légal efficace.
Alors que ces études utilisent des données sur la profondeur financière plutôt que
sur l’inclusion, les comparaisons entre pays qui se réfèrent à des indicateurs représen-
tatifs de l’inclusion montrent que l’établissement des banques étrangères présente une
relation négative avec le nombre de prêts et de comptes de dépôt par habitant, mais
que celle-ci est moins évidente si l’on prend le nombre de succursales et de DAB par
habitant (Beck, Demirgüç-Kunt et Martinez Peria, 2007). D’un autre côté, une proportion
accrue de banques étrangères s’accompagne d’un meilleur accès aux services de dépôt
(Beck, Demirgüç-Kunt et Martinez Peria, 2008). Ces résultats contradictoires s’ex-
pliquent par le choix d’échantillons différents utilisés par ces deux études, mais aussi
par les différents aspects de l’inclusion financière ; à savoir le nombre réel de comptes
et les obstacles à l’accès aux services bancaires. Sur la base de l’étude sur l’environ-
nement des sociétés dans le monde (World Business Environment Survey - WBES) qui
porte sur plus de 3 000 entreprises dans 35 pays en développement ou en transition,
Clarke, Cull et Martinez Peria (2006) ont constaté que les barrières au financement
mentionnées par les entreprises diminuent avec la part des banques étrangères dans
un pays. Cette relation est encore plus forte pour les grandes entreprises, ce qui laisse
penser qu’elles profitent davantage de l’établissement des banques étrangères ; cela
étant, Clarke, Cull et Martinez Peria (2006) font également le même constat pour les
petites entreprises. Les données qui étudient l’impact des banques étrangères sur le
crédit aux entreprises sont par conséquent loin d’être concluantes.
Même si la plupart des travaux se concentre sur le prêt aux entreprises, il existe cer-
taines données sur l’impact de la présence des banques étrangères sur les ménages.
S’appuyant sur des données relatives à 16 500 ménages de 19 économies émergentes
de l’Europe centrale et orientale, Beck et Brown (2014) ont constaté que les emprun-
teurs auprès des banques étrangères sont plus fortunés et plus susceptibles d’occuper
un emploi formel et de disposer d’un patrimoine personnel que les emprunteurs auprès
de banques nationales. Une augmentation de la part des banques étrangères dans un
système bancaire national bénéficie donc davantage aux ménages les plus fortunés
qu’aux ménages les plus pauvres, ce qui semble étayer l’accusation selon laquelle les
banques étrangères ne sélectionneraient que les meilleurs clients du marché (pratique
86 Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques
prêts consentis par des banques étrangères tant en termes de croissance des ventes
qu’en termes d’actifs et d’endettement, et ce, même si l’effet s’atténue dans le cas des
petites entreprises. Dans une autre étude, ils ont constaté que les banques étran-
gères ne restreignent pas l’accès au crédit des entreprises non cotées, même si elles
ont davantage tendance à répondre aux besoins des grandes entreprises étrangères
(Giannetti et Ongena, 2012). S’appuyant sur des données issues de différents pays à
travers le monde, de la Torre, Martinez Peria et Schmukler (2010), et Beck et al. (2011)
mettent en évidence à partir d’enquêtes menées auprès des banques que les banques
étrangères sont tout aussi armées que les banques nationales pour servir les petites
entreprises, mais que leurs techniques de prêt reposent plutôt sur les transactions que
sur les relations. Dans le même ordre d’idée, Beck et Brown (2014) constatent que les
banques étrangères et nationales ont recours à des techniques de prêts différentes pour
atteindre les ménages des anciennes économies en transition de l’Europe centrale et
orientale. Plus particulièrement, les techniques de prêt de détail des banques étran-
gères reposent davantage sur l’information financière et sur les sûretés que celles des
banques nationales qui privilégient les prêts basés sur les relations.
Des études ont également exploré la relation entre l’origine des banques transfron-
talières et l’accès au crédit. Mian (2006) relie notamment la distance géographique entre
le siège social de la banque mère et les agents de prêt au Pakistan aux différences
de clientèle et conclut que la différence entre les banques étrangères et nationales
s’accroît avec la distance entre le siège social de la banque mère et le Pakistan. Des
arguments analogues expliquant les différences entre techniques de prêt par la distance
hiérarchique entre les agents de prêt sur le terrain et les sièges sociaux des banques
nationales et étrangères peuvent être avancés pour différents types de banques étran-
gères. Les distances hiérarchiques sont censées moins peser sur les banques géogra-
phiquement, culturellement ou institutionnellement plus proches du pays d’accueil,
dont elles devraient également mieux connaître la clientèle. Claessens et van Horen
(2014) confirment cette hypothèse au niveau global ; plus le siège social de la banque
mère est géographiquement éloigné, moins les activités bancaires transfrontalières ont
une incidence positive sur le développement financier du pays d’accueil. De ce point de
vue, l’accroissement du poids des banques transfrontalières africaines sur le continent
pourrait être considéré comme une évolution potentiellement favorable - une hypothèse
qui doit toutefois encore être étayée par des données empiriques.
La plupart des études se sont focalisées sur les différences de clientèle plutôt que
sur les mesures directes des techniques de prêt. Toutefois, le type de clientèle pourrait
bien dicter le type de technique de prêt. Dans l’une des quelques études qui s’efforcent
de distinguer ces deux effets, Beck, Ioannidou et Schäfer (2012) s’appuient sur les
données de registre de crédit boliviennes et analysent un échantillon d’entreprises qui
empruntent auprès de banques à la fois nationales et domestiques au cours du même
mois. Ils montrent que les banques étrangères et nationales ont recours à des tech-
88 Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques
niques de prêt différentes pour atteindre le même groupe. Les banques nationales,
notamment, ont recours au prêt fondé sur les relations tandis que les banques étran-
gères s’appuient sur les sûretés et les informations fiables pour prendre les décisions
de prêt et fixer les prix.
L’expérience africaine
Aucune recherche rigoureuse sur une situation propre à l’Afrique n’a été réalisée
malgré l’arrivée massive des banques étrangères sur le continent ces dix dernières
années. Il existe cependant un certain nombre d’exemples qui semblent réfuter l’asser-
tion selon laquelle les banques étrangères implantées en Afrique, dans l’ensemble, sont
sélectives et adaptent leur réseau de succursales en conséquence comme au Mexique
par exemple.
En Ouganda, la privatisation d’Uganda Commercial Bank (UCB), plus grande
banque publique du pays – et également du système – au profit de la South African
Standard Bank a été un succès (après un premier essai infructueux). Bien que l’accord
ne prévoyait la fermeture d’aucune succursale uniquement pendant les deux ans sui-
vant la vente d’UCB, Standard Bank a maintenu toutes les succursales et en a même
ouvert de nouvelles. Elle a également lancé de nouveaux produits et renforcé les
prêts au secteur agricole (Clarke, Cull et Fuchs, 2009). De même, la privatisation de
la Banque du Sud basée en Tunisie au profit d’Attijariwafa Bank s’est traduite par une
expansion de 78 % du réseau bancaire sous son nouveau nom et par le développement
d’une gamme de nouveaux produits dans les cinq ans qui ont suivi la privatisation.
En Tanzanie, la National Bank of Commerce a été privatisée après avoir été scindée
en une holding (NBC Holding Corporation), une banque commerciale (NBC Limited)
qui a pris en charge la plupart des actifs et des passifs de la banque d’origine, et la
National Microfinance Bank, qui a repris à son compte la majeure partie du réseau de
succursales et du mandat de la banque démantelée afin de favoriser l’accès aux ser-
vices financiers. La National Bank of Commerce « nouvelle version » a été vendue à
la banque sud-africaine Absa, et la rentabilité et la qualité de son portefeuille se sont
améliorées, même si l’activité de crédit a mis du temps à démarrer. Bien qu’il ait été
difficile de trouver un acquéreur à la National Microfinance Bank, la rentabilité s’est
finalement améliorée et l’activité de prêt s’est développée tandis que la proportion des
prêts douteux est demeurée faible (Cull et Spreng, 2011). En 2005, Rabobank a acquis
une participation de 49 % (qui a ensuite été ramenée à 35 %) et en a pris la direction.
Il convient de noter que ces exemples africains font état d’expériences post-privatisa-
tion positives de l’établissement de banques étrangères dans des contextes de crise,
ce qui ne permet pas de tirer des leçons plus générales de l’impact de l’établissement
de banques étrangères sur l’accès au crédit. En dépit de ces exemples encourageants
et de la forte croissance des actifs bancaires en Afrique au cours des dix dernières
Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques 89
années, les banques n’ont pas toujours démontré leur capacité à combler les écarts
considérables entre l’offre et la demande qui subsistent au niveau des micro-, petites
et moyennes entreprises ainsi qu’au niveau du financement du secteur agricole et des
infrastructures.
Un modèle de prêts innovants prévalant en Afrique du Sud et adopté par les banques
sud-africaines, notamment dans le cadre de l’expansion de leurs activités dans les pays
voisins d’Afrique australe, est le prêt consenti en fonction du salaire. En limitant l’octroi
de prêts aux salariés et en prélevant à la source le remboursement de ces prêts avant
même que le salaire ne soit viré sur le compte bancaire de l’employé, ce modèle de prêt
limite les problématiques de garanties/sûretés et d’identification des emprunteurs. Cela
étant, dans les systèmes financiers moins bien développés, ces prêts ont au mieux un
effet marginal sur les efforts pour combler les lacunes identifiées en matière de prêt
en sachant que le secteur formel ne représente qu’une partie infime de l’économie
dans la plupart des pays africains. Seule une petite minorité de la main-d’œuvre occupe
un emploi salarié/formel, la grande majorité des emplois du secteur privé étant des
emplois informels. La part des emplois formels étant plus importante en Afrique du Sud
que dans les autres pays africains (les emplois formels dans les secteurs public et privé
représentent environ 60 %), ce type de prêts devrait avoir un impact potentiellement
plus significatif dans ce pays (Banque mondiale, 2013b)16.
Il existe néanmoins quelques exceptions notables où l’innovation s’est traduite par
un élargissement et un approfondissement du secteur financier. La vague actuelle des
activités transfrontalières devrait significativement contribuer au foisonnement de ces
activités. Ainsi, au Kenya, des banques telles qu’Equity Bank et Kenya Commercial Bank
ont mis en place des modèles économiques visant à élargir leur base de clients en fai-
sant progressivement accéder les « microemprunteurs » à la catégorie des petites puis
des assez grandes PME clientes. Le succès et la rentabilité de ces nouvelles pratiques
ont non seulement contribué à renforcer la concurrence nationale et l’approfondisse-
ment du secteur financier, mais ont également permis d’exporter le même modèle
économique au sein de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE). De même, et quelque
peu à contre-courant des banques européennes traditionnelles, la banque néerlandaise
Rabobank (cf. Encadré 1.3) s’est inspirée de son expérience dans la banque coopérative
pour asseoir sa présence et proposer des modèles économiques spécifiquement conçus
pour répondre aux besoins de la chaîne de valeur du secteur agricole au Mozambique,
au Rwanda, en Tanzanie, en Ouganda, et en Zambie. L’exemple de la Zambia National
Commercial Bank, qui a été privatisée en 2007 par le biais d’une cession à Rabobank,
illustre bien la façon dont un ancien établissement financier public peut se développer,
conclure des accords de représentation avec des partenaires locaux (stations-service,
16 Toutefois, le manque de procédures de vérification raisonnable dans l'évaluation de la capacité des emprunteurs à
rembourser leurs emprunts a suscité des inquiétudes de plus en plus vives quant au surendettement des particuliers
(Banque mondiale, 2013b).
90 Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques
banque, procèdent aux évaluations des candidats au crédit et conseillent la banque quant
aux opérations risquées au sein des communautés. Barclays fournit aussi des comptes de
dépôt et des séances de formation aux prêteurs susu, notamment en matière de gestion
des impayés, de gestion financière ou de gestion des risques. Lorsque le bon accueil de ce
programme n’a plus fait aucun doute, la banque l’a étendu à d’autres intermédiaires, dont
les coopératives de crédit, les associations professionnelles, les groupes confessionnels
et les institutions de microfinance. L’initiative aboutit à une relation qui profite à la fois aux
collecteurs susu qui peuvent ainsi développer leurs capacités et jouir d’un supplément
de légitimité grâce aux relations qu’ils entretiennent avec la banque, et à Barclays qui se
familiarise avec la culture du microcrédit du pays, sensibilise les populations non bancari-
sées et les convainc de faire confiance à ses services bancaires formels (Osei, 2007).
Le partenariat conclu en avril 2010 entre Ecobank et ACCION International au Ca-
meroun offre un autre exemple concluant d’efforts de coopération avec des institutions
de microfinance à l’initiative d’une banque commerciale. Les deux partenaires ont créé
« EB-Accion Microfinance » dans le but de fournir des produits/solutions de microcrédit
et d’épargne aux Camerounais qui ne bénéficiaient pas encore de services bancaires.
Ecobank a également lancé l’une des plus grandes banques de microfinance au Nigeria
en 2007 en partenariat avec d’autres intervenants et a ouvert la banque de microfinance
EB-ACCION Savings & Loans au Ghana en 2008. Elle a ensuite étendu son réseau de
banques de microfinance au Sénégal, au Bénin et au Cameroun. Ecobank aide également
200 IMF du continent à financer des prêts de gros et d’autres produits (Ecobank, 2010).
Absa (désormais Barclays Africa Group) est quant à elle entrée sur le marché sud-afri-
cain de la microfinance et, en partenariat avec le bureau de crédit CompuScan, a créé les
Microfinance Enterprise Service Centers qui sont des conteneurs de fret transformés en
agences de prêts mobiles en milieu rural. Pour atteindre les zones rurales et reculées,
ces centres sont équipés de télécommunications mobiles de troisième génération, de la
norme GPRS (general packet radio service) et de liaisons par satellite reliées à la base de
données du bureau de crédit sud-africain de CompuScan. Avant la mise en place de ce sys-
tème, Absa et Fin-Mark Trust ont travaillé d’arrache-pied pour comprendre le marché des
produits de la microfinance en général, en apprenant auprès d’ICICI Bank en Inde, ainsi
que l’ampleur du potentiel du marché sud-africain en particulier.
Au Maroc, la Banque Populaire du Maroc gère depuis 1999 une filiale de microcrédit, la
Fondation Banque Populaire pour le Micro-Crédit, qui a acquis en 2009, la Fondation Za-
koura, l’un des leaders du marché. En République arabe d’Égypte, les sociétés de services,
nouvelle catégorie de prestataires de microfinance, agissent à titre d’agents des banques
pour la fourniture de services de microfinance.
a Oceanic Bank Gambia jusqu’à ce qu’Oceanic Bank soit rachetée par Ecobank
b Depuis que Barclays a fusionné ses activités africaines en 2013, Barclays Bank Ghana fait partie de Barclays Africa Group.
c La collecte susu est un accord traditionnel informel conclu par plusieurs pays africains visant à mobiliser l’épargne
en contrepartie de frais minimes et à fournir un accès limité au microcrédit. Avec quelque 4 000 collecteurs susu
(estimation) au Ghana et sachant que chaque collecteur gère entre 200 et 850 clients par jour (certains allant même
jusqu’à 1 500 clients), le système susu offre des services de base en matière d’épargne et de microcrédit à un grand
nombre de personnes exclues du système bancaire traditionnel (Osei, 2007).
Source : selon Beck, Maimbo, Faye et Triki (2011).
92 Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques
Stabilité
supérieurs à 1 dans les anciennes économies en transition les années ayant précédé la
crise – signe de la forte dépendance des filiales de ces pays à l’égard du financement
des sociétés mères, tandis que les filiales latino-américaines des banques étrangères
recouraient davantage au financement par le biais des dépôts locaux.
Il existe peu de travaux sur les implications des activités bancaires transfrontalières
sur la stabilité financière en Afrique. Si l’établissement des banques étrangères a,
semble-t-il, contribué dans la plupart des cas à la stabilité des économies d’accueil en
injectant de nouveaux capitaux et en intégrant des pratiques bancaires plus efficaces,
toutes les banques étrangères n’ont pas suivi la même logique d’établissement selon
les cas. Par exemple, le Mozambique et l’Ouganda ont tous deux été le théâtre d’une
tentative de privatisation des banques publiques au profit de banques multinationales
qui se sont avérées disposer de ressources et de capacités limitées, ce qui a débouché
sur la renationalisation de ces banques. L’impact de la crise financière mondiale sur
l’Afrique n’a guère fourni d’éléments à l’appui des effets de contagion par les circuits
des systèmes bancaires, ce qui peut s’expliquer par le rôle d’intermédiation relative-
ment limité des banques africaines et par leur fort niveau de capitalisation et leurs
liquidités abondantes (Beck et al., 2011), et par le fait que des grandes banques euro-
péennes présentes en Afrique ont relativement bien résisté à la crise.
Les études théoriques et empiriques sur les effets des activités bancaires transfron-
talières ne fournissent aucun éclairage clair s’agissant des trois aspects - efficacité,
approfondissement et élargissement du secteur financier, et stabilité – étudiées dans
ce chapitre. L’une des conclusions que l’on peut tirer des différents résultats - parfois
contradictoires - de ces études est que l’établissement des banques étrangères ne
constitue certainement pas la solution miracle qui permettrait d’accroître l’accès aux
services financiers et la stabilité. D’autre part, l’établissement des banques étrangères
n’est pas non plus ce fléau pour les pays à faibles revenus que certains ont parfois
laissé entendre. Les banques transfrontalières peuvent présenter des avantages
considérables pour les systèmes financiers locaux, mais ces avantages sont cependant
propres à un contexte et dépendent fortement de la situation et des politiques du pays
d’accueil.
Pour tirer profit des avantages de l’établissement des banques étrangères, les
autorités locales doivent prendre les devants en mettant en place des conditions cadres
incitant les banques étrangères à renforcer l’efficacité et la concurrence, l’accès finan-
cier et la stabilité du secteur financier. Les autorités de réglementation peuvent agir
plus facilement sur certaines de ces conditions que sur d’autres. Alors que les condi-
tions plus générales qui permettent d’instaurer un cadre propice aux affaires, telles
que la facilité d’exécution des contrats, outrepassent souvent la mission et l’influence
94 Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques
des banques centrales et des autorités de contrôle, d’autres aspects importants entrent
tout à fait dans leur sphère de compétences. Ainsi, les facteurs ayant un impact sur (a)
le coût d’établissement, tels que la disponibilité des infrastructures financières, les exi-
gences en matière d’octroi des agréments, (b) les la pleine mobilité de la main-d’œuvre
l’exploitation pour les banques étrangères, par exemple, l’utilisation par les filiales
étrangères des systèmes informatiques et de gestion des risques du pays d’origine,
(c) l’adoption d’une politique favorable à l’emploi des expatriés, et (d) l’instauration de
conditions de parfaite concurrence – par exemple, en sanctionnant de manière équitable
les banques étrangères comme nationales qui ne satisfont pas aux exigences pruden-
tielles – entreront tous en ligne de compte pour apprécier l’étendue de l’établissement
des banques étrangères et l’impact (limité ou plus généralisé) de ce processus. De
plus, il est essentiel de rester ouvert aux innovations utiles apportées par les banques
étrangères. Ce chapitre met en évidence certaines innovations et certains modèles
économiques prometteurs qui ont été exportés avec succès dans les pays d’accueil.
Les autorités d’accueil devraient encourager l’établissement de banques qui ont réussi
à mettre en place des lignes de produits particulièrement pertinentes, comme les
banques ayant une expérience en matière de services destinés aux groupes de clients
traditionnellement négligés, y compris les micro-, petites et moyennes entreprises et le
secteur rural.
Les banques transfrontalières en Afrique ont mis en œuvre différente stratégies
de marché et se sont engagées à divers degrés dans les pays d’accueil. Il est difficile
de généraliser, mais, comme le soulignent les quatre modèles économiques types
présentés ci-dessous, ce n’est que lorsque leurs activités gagnent en profondeur que
les banques étrangères peuvent s’engager plus avant dans l’intermédiation financière,
en déployant des modèles économiques et des produits plus innovants qui sont le plus
vraisemblablement testés sur leurs marchés d’origine.
Étant donné que le choix des banques d’étendre leur présence au-delà des fron-
tières naît initialement de la volonté d’accompagner leurs clients, la rapide expan-
sion de la présence transfrontalière des banques africaines ces dernières années
laisse penser que les avantages financiers que peut procurer ce modèle économique
demeurent considérables, et ce, même si les banquiers laissent entendre que les
marges dans ce secteur s’amenuisent de manière générale. En effet, la concurrence
dans ce domaine semblant assez vive, il se pourrait que les banques étrangères
incitent, par voie de conséquence, les banques nationales à s’engager plus active-
ment dans la fourniture de services aux segments moins bien desservis.
• Modèle 2 – Cibler les secteurs de croissance des pays d’accueil : une deuxième
raison, qui gagne en importance, de l’expansion des banques africaines au-delà
de leurs frontières tient à la possibilité de saisir des opportunités de croissance.
Ces opportunités ont traditionnellement prévalu dans les industries d’extraction
de ressources naturelles, mais les banquiers prennent de plus en plus conscience
des retombées potentielles de ces enclaves porteuses de croissance. Bien que
demeurant largement inexploitées, il existe des possibilités dans le financement des
services auxiliaires relatifs (a) aux chaînes de valeur desservant les industries d’ex-
traction de ressources naturelles, et (b) au développement des infrastructures et des
secteurs de services locaux qui présentent un potentiel de croissance considérable.
À ce niveau, l’engagement implique de s’appuyer sur une présence locale et,
notamment, de mobiliser les sources locales de financement de manière à éviter
l’exposition au risque de change.
• Modèle 3 – Une offre bancaire ciblant une clientèle fortunée : renforçant leur pré-
sence locale, les banques transfrontalières ont proposé des services présentant des
risques limités, tels que les services de paiement et de transfert de fonds, ou des
produits comme les prêts basés sur le salaire qui limitent les expositions aux risques
des banques à des groupes cibles spécifiques et sûrs.
• Modèle 4 – Exporter les innovations qui ont fait leurs preuves : le principal apport
potentiel des activités bancaires transfrontalières en faveur de l’inclusion financière
réside dans le transfert de modèles bancaires innovants des pays dans lesquels les
banques se sont employées à mettre en place des services de proximité, notamment
sous la forme d’agences bancaires et de partenariats avec les fournisseurs de ser-
vices de paiement en argent mobile, et à proposer de nouveaux produits ciblant les
micro-, petites et moyennes entreprises (le microprêt) et aidant les membres de ces
groupes à accéder à la clientèle des petites entreprises.
96 Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques
saturation des marchés étroits déjà couverts par les établissements financiers exis-
tants, qui n’a abouti qu’à une augmentation des frais généraux des systèmes bancaires
qui servent une base de clientèle relativement limitée. Plusieurs facteurs entrent ici
en jeu, notamment la réticence des autorités nationales à harmoniser leurs cadres de
réglementation et de supervision bancaires – comme l’illustre le recours à l’établis-
sement par le biais de filiales, et ce, même parmi les pays des unions monétaires du
Franc CFA d’Afrique centrale et d’Afrique de l’ouest. La création d’un marché financier
(sous) régional doté de cadres réglementaires harmonisés permettrait d’abaisser les
coûts et inciterait les banques à se développer au-delà des frontières. Mais les inquié-
tudes entourant la répartition des avantages économiques découlant d’une plus grande
pénétration des banques étrangères pèsent probablement tout autant sur la réticence
du pays d’accueil à renforcer la participation des banques étrangères et à utiliser leurs
avantages comparatifs pour tirer parti de l’approfondissement du secteur financier.
Alors que les avantages tirés de l’approfondissement du secteur financier local et
du développement des entreprises et de la croissance économique qui en découlent
l’emportent clairement sur les profits dégagés par les banques étrangères, un motif
d’inquiétude est de savoir si la nouvelle génération de banques Sud-Sud est en train de
reproduire le rôle joué par les banques coloniales dans les années 60 et 70.
Parallèlement, alors que l’intégration financière continue de se renforcer, les auto-
rités vont devoir prendre des mesures pour atténuer les risques liés à ces nouveaux
vecteurs de contagion. Tandis que les activités bancaires transfrontalières ont permis de
renforcer l’intégration financière au cours des dernières années, les systèmes finan-
ciers africains pâtissent encore, pour une grande majorité d’entre eux, d’un manque
relatif de profondeur. Le potentiel de contagion reste donc limité.
3.
Pourquoi réguler les
activités bancaires
transfrontalières et
à l’aide de quels
instruments ?
100 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?
respectif dans 24 cas17. Dans certains marchés plus petits, la présence de banques
individuelles dans les systèmes des pays d’accueil est particulièrement forte, comme
par exemple Ecobank au Liberia et en Républicaine centrafricaine (40 % dans les deux
pays), Standard Bank au Lesotho (47 %), et le groupe Barclays Africa aux Seychelles
(44 %). Rares sont les exemples, même s’ils sont significatifs, de banques non africaines
jouant un rôle de cette importance dans des marchés d’accueil africains, y compris des
banques portugaises dans certaines anciennes colonies.
semble sont répartis de manière équitable entre l’ensemble des créanciers, quel que soit
leur pays. Un véritable imbroglio dans lequel le liquidateur a dû gérer un grand nombre de
mesures de liquidation particulièrement complexes.
Le second scandale bancaire retentissant dans les années 90 a impliqué la Meridien
Bank, bien connue des superviseurs africains. Meridien International Bank Ltd (la holding),
domiciliée aux Bahamas, possédait 74 % de Meridien BIAO domiciliée au Luxembourg,
laquelle était à la tête d’une structure composée de 20 banques africaines. La structure
d’ensemble avait été constituée par Andrew Sardanis, citoyen chypriote grec qui résidait
alors en Zambie. Alors que les banques du groupe faisaient faillite l’une après l’autre sur le
continent africain, les autorités zambiennes ont été confrontées au problème, critique, de
retrait massif de fonds auprès de la banque zambienne dans une tentative pour soutenir
les activités dans d’autres pays.
Suite à ces deux faillites, le Comité de Bâle a publié tout un arsenal d’articles sur les
activités bancaires transfrontalières, ainsi que sur les structures bancaires complexes
et parallèles. Ces articles soulignent l’importance de la mise en place une supervision
consolidée et efficace de ces structures (en tant qu’exigence minimale) et de la libre
circulation des informations entre les banques et leur(s) superviseur(s) d’une part, et entre
les superviseurs d’autre part. Cette supervision devrait essentiellement s’appuyer sur un
superviseur principal clairement désigné, disposant d’un accès adéquat aux informations
consolidées, de ressources financières et humaines suffisantes pour lui permettre de su-
perviser efficacement la banque dans son ensemble, quel que soit le lieu de ses activités.
Source : tiré de Fuchs et al., 2006.
aux crises bancaires systémiques, les superviseurs se sont concentrés en priorité sur la
stabilité des banques transfrontalières. Pour autant, les outils et instruments règlemen-
taires peuvent également être utilisés pour exploiter les retombées bancaires transfron-
talières. Si la création de succursales bancaires transfrontalières présente des avantages
en termes de maîtrise des coûts – les dépenses incompressibles de constitution, d’ex-
ploitation de systèmes internes distincts et de mise en conformité avec la règlementation
étant moins élevées – les superviseurs bancaires africains se sont attachés à faciliter le
recours à la constitution de filiales indépendantes dans la plupart des cas, même dans
les pays à monnaie unique et aux structures de supervision bancaire intégrées comme les
zones monétaires d’Afrique de l’ouest et centrale. Cette approche traduit le manque de
moyens de supervision et le fait qu’il est plus simple de superviser des entités autonomes
et de régler leurs problèmes. Cela étant, même dans le cadre d’un modèle qui se fonde
sur des filiales, les outils et instruments règlementaires permettent aux économies
d’accueil de tirer profit des activités bancaires transfrontalières, en réduisant par exemple
le coût des transactions commerciales liées à l’établissement des banques étrangères.
Les autorités peuvent prendre des mesures pour : (a) réduire la complexité et la durée
du processus d’octroi des agréments, (b) réduire les exigences de fonds propres initiaux
pour les filiales de banque (en définissant des exigences qui augmentent au même rythme
que l’engagement commercial de la banque étrangère et ses expositions aux risques),
(c) alléger les conditions d’établissement de nouvelles succursales, le cas échéant (en
laissant aux banques le soin de décider de la structure et de la sécurité de leurs locaux),
(d) encourager la pleine mobilité de la main-d’œuvre (transfert de compétences), et
(e) encourager le recours à des plateformes informatiques communes et centralisées,
tant pour le fonctionnement interne que pour la fourniture de services aux clients, et la
mise en place de systèmes centralisés d’audit et de gestion des risques. Ces éléments
contribueront à renforcer l’efficacité de la fourniture de services bancaires et offriront une
plateforme permettant de renforcer l’approfondissement financier.
La raison pour laquelle le secteur bancaire compte parmi les secteurs les plus
réglementés dans la plupart des économies tient aux externalités potentiellement
considérables d’une défaillance bancaire18. Ces externalités sont liées à trois problèmes
engendrés par une défaillance bancaire : tout d’abord, l’effet domino dû au fait de l’ap-
partenance des banques à un même réseau et à leurs interdépendances ; la défaillance
d’un établissement peut facilement entraîner la faillite d’autres établissements, aussi
18 La notion d’externalité renvoie à une situation dans laquelle un tiers non lié subit les coûts ou profite des avantages
d’une activité. Dans des marchés non réglementés, l’offre de biens présentant des externalités positives tend à manquer.
A l’inverse, l’offre de biens aux externalités négatives tend à rester excédentaire puisque la totalité des coûts de l’activité
(comme la pollution ou le risque systémique, par exemple) n’est pas supportée par les seuls fournisseurs, mais par la
société tout entière.
106 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?
solides que soient leurs fondamentaux. Ce scénario peut se produire lorsqu’il existe des
expositions directes d’une banque à une autre, mais aussi de manière indirecte, par le
biais d’expositions aux mêmes marchés ; si une banque défaillante est contrainte de
vendre des actifs, la baisse des prix qui en découle pourrait nuire à la solvabilité d’une
autre banque détenant des actifs similaires.
100
80
60
40
20
0
Autriche
Belgique
Chine
Danemark
France
Allemagne
Grèce
Islande
Irlande
Italie
Japon
Kazakhstan
Rép. de Corée
Koweït
Lettonie
Luxembourg
Pays-Bas
Portugal
Espagne
Suède
Suisse
Ukraine
Royaume-Uni
États-Unis
Banques en faillite, part dans le total des actifs Banques aidées par les pouvoirs publics, part dans le total des
bancaires (en %) actifs bancaires (en %)
19 Bédard (2013, p. 2) explique la contagion informationnelle en ces termes : « Selon la théorie de la contagion informa-
tionnelle, la contagion se répand parce que les difficultés financières de la première entreprise en faillite révèlent des
informations sur un risque partagé par d’autres entreprises. La contagion survient parce que l’information requise pour
déterminer dans quelle mesure des entreprises, ou des valeurs similaires, sont exposées à ce risque des tiers n’est pas
immédiatement disponible, exige une analyse coûteuse, et parce que les créanciers de ces entreprises sont peu enclins
à prendre des risques. Ce type de contagion se manifeste par des retraits bancaires massifs, des scènes de panique et
une crise de confiance. Il peut faire subir au système financier de graves pertes sans nécessairement déclencher des
faillites, et affecter indifféremment des établissements solvables comme des établissements insolvables ».
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 111
20 S’il ne s’agit pas de l’objectif premier recherché par les PFB, la convergence vers certaines normes peut également faci-
liter la coopération entre les superviseurs. La mise en place de structures et de processus de contrôle et de supervision
similaires facilite la compréhension mutuelle et la communication.
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 113
par le Concordat dans le contexte particulier de l’accord de Bâle II, et ont été suivis par
des recommandations sur les processus d’échange d’informations dans le rapport sur
« l’échange d’informations entre les pays d’origine et les pays d’accueil pour la mise en
œuvre effective de Bâle II » (BRI, 2006).
La crise financière mondiale a mis en évidence d’importantes lacunes dans les
techniques d’intervention et l’absence d’instruments de résolution appropriés dans de
nombreux pays. Pour le Groupe de travail sur la résolution des faillites des banques
transfrontalières du Comité de Bâle, « les mesures prises pour résoudre les faillites des
établissements transfrontaliers pendant la crise tendaient à se décider au cas par cas
dans l’urgence et à faire intervenir d’importants fonds publics » (BRI, 2010). Le « Rapport
et recommandations du Groupe de travail sur la résolution des faillites des banques
transfrontalières » a ensuite formulé un certain nombre de recommandations destinées
à renforcer les pouvoirs nationaux en matière de résolution des faillites et leur mises en
œuvre transfrontalière, à réduire la complexité et l’interdépendance des structures et des
activités de groupe, et à garantir que tous les établissements financiers transfrontaliers
d’importance systémique se dotent d’un plan d’urgence et de résolution propre à l’entre-
prise. Ces recommandations visent également à réduire le risque de contagion en prônant
l’application d’un ensemble de mécanismes d’atténuation des risques.
En 2010, le Comité de Bâle a publié les « Principes de bonnes pratiques pour les col-
lèges de superviseurs » (BRI, 2010) dans l’objectif de promouvoir le recours à des collèges
de superviseurs et le renforcement de leurs activités. En plus d’expliquer le bien-fondé de
ces principes, ce document fournit également des recommandations précises pour leur
mise en œuvre. Enfin, fin 2011, le Conseil de stabilité financière a publié un document inti-
tulé « Les attributs clés des régimes de résolution des faillites efficaces pour les établis-
sements financiers » (« The Key Attributes of Effective Resolution Regimes for Financial
Institutions ») (les « Attributs clés ») visant à définir les fondements que le CSF juge né-
cessaires à l’instauration d’un régime efficace dans le domaine de la résolution des faillites
bancaires. La mise en œuvre de ces Attributs clés vise à doter les autorités des pouvoirs
nécessaires pour régler les faillites des établissements financiers de façon ordonnée sans
exposer le contribuable au risque de perte résultant de l’aide à la solvabilité des banques,
tout en assurant la continuité de leurs fonctions vitales pour l’économie. Ce document re-
cense douze attributs essentiels censés caractériser les régimes de résolution des faillites
dans toutes les juridictions, et notamment les autorités et les pouvoirs de résolution, les
garanties, les conditions d’un cadre légal pour la coopération transfrontalière, les groupes
de gestion de crise, et les plans de relance et de résolution des faillites.
Parmi les PFB de 2012, nous vous présentons ci-dessous les six principes les plus
pertinents en matière de supervision des banques transfrontalières :
l’expose pas à des risques excessifs ou ne s’oppose pas à un contrôle efficace ». Les
critères essentiels précisent les modalités d’application de ce principe aux activités
bancaires transfrontalières. « L’autorité de contrôle peut interdire aux établisse-
ments de procéder à de grandes acquisitions ou prises de participations (y compris
l’établissement de filiales et succursales à l’étranger) dans des pays où la législation
sur le secret bancaire ou d’autres réglementations empêchent la circulation des
informations estimées nécessaires à une supervision consolidée adéquate. L’autorité
de contrôle doit tenir compte de la qualité du contrôle bancaire dans le pays consi-
déré et de sa propre capacité à exercer ses fonctions prudentielles sur une base
consolidée ».
• Le Principe 12 institue le contrôle sur une base consolidée. « Un élément essentiel
du contrôle bancaire réside dans la capacité des autorités de superviser un groupe
bancaire sur une base consolidée, en assurant un suivi adéquat et, le cas échéant,
en appliquant des normes prudentielles appropriées à tous les aspects des activi-
tés menées par le groupe bancaire à l’échelle mondiale ». Les critères essentiels
ajoutent que l’autorité de contrôle du pays d’origine évalue la qualité du contrôle
bancaire exercé dans les pays où les banques placées sous son autorité réalisent des
opérations importantes, et qu’elle veille à se rendre périodiquement dans les établis-
sements à l’étranger, et qu’au cours de ces visites, elle rencontre ses homologues du
pays d’accueil.
• Le Principe 13 définit les relations entre les autorités du pays d’origine et du pays
d’accueil. « Les autorités de contrôle des activités bancaires transfrontalières des
pays d’origine et des pays d’accueil doivent coopérer entre elles et s’échanger des
informations pour assurer le contrôle efficace des groupes bancaires et de leurs
entités, ainsi que la gestion efficace des situations de crise. Les autorités de contrôle
bancaire doivent exiger que les activités exercées dans leur propre pays par des
banques étrangères obéissent aux mêmes exigences que celles auxquelles sont sou-
mis les établissements nationaux ». Les critères essentiels précisent que : (a) l’au-
torité de contrôle du pays d’origine établit des collèges de superviseurs propres à la
banque pour les groupes bancaires exerçant des activités significatives à l’étranger,
(b) les autorités de contrôle du pays d’origine et du pays d’accueil s’échangent des
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 117
informations en temps voulu, (c) les autorités de contrôle du pays d’origine et du pays
d’accueil coordonnent et planifient les activités de contrôle ou entreprennent une
collaboration, (d) l’autorité de contrôle du pays d’origine élabore avec les autorités de
contrôle du pays d’accueil compétentes une stratégie de communication approuvée,
(e) le cas échéant, l’autorité de contrôle du pays d’origine, en collaboration avec les
autorités compétentes dans les pays d’accueil, élabore un cadre de coopération et
de coordination pour la gestion des crises transfrontalières et un plan de résolution
des faillites des groupes bancaires, et (f) l’autorité de contrôle du pays d’origine peut
accéder sur place aux bureaux et filiales locales d’un groupe bancaire afin de faciliter
son évaluation de la sécurité et de la solidité du groupe.
Les superviseurs bancaires africains ont progressé dans le respect de ces six principes,
même si ces avancées sont quelque peu inégales d’un pays à l’autre (cf. Chapitre 4).
dont les systèmes financiers sont moins intégrés à l’international et/ou dotés de capacités
de contrôle très limitées devraient d’abord s’efforcer de réformer leurs systèmes afin de
s’assurer de leur conformité avec les Principes fondamentaux de Bâle et n’adopter des
normes de fonds propres plus poussées qu’à un rythme adapté à leur situation ». Afin de
mieux répondre aux besoins de ces pays, les normes Bâle II et III proposent des approches
normalisées moins contraignantes pour déterminer les niveaux de fonds propres requis.
Les superviseurs africains s’accordent globalement à reconnaître le caractère poten-
tiellement inadapté de certains instruments réglementaires prévus dans l’accord Bâle
III vis-à-vis des pays à faibles revenus, et soulignent la nécessité d’élaborer d’autres
outils pour mieux traiter les risques spécifiques inhérents à ce type de pays (Kasekende,
Bagyenda et Brownbridge, 2012). Les accords Bâle II et III pourraient en outre nuire
involontairement et directement au développement des systèmes financiers lorsqu’ils sont
appliqués prématurément. Ils pourraient notamment avoir des effets préjudiciables sur le
volume et l’état des portefeuilles de prêts des banques internationales concernant les pays
en développement. Ainsi, par exemple, en favorisant les grandes entreprises au détriment
des plus petites, les mécanismes de pondération des risques établis par les accords de
Bâle II et III peuvent inciter les banques à réduire leurs expositions aux actifs les plus ris-
qués, notamment les prêts aux PME dans les pays en développement. Dans le même ordre
d’idée, les nouvelles exigences en matière de liquidités définies dans les normes Bâle III,
le ratio de liquidités à court terme et le ratio structurel de liquidités à long terme, poussent
les banques à délaisser les investissements productifs de long terme dans les pays en
développement au profit d’actifs à échéances plus courtes compatibles avec les ratios de
liquidités (DFID, 2013). Ces évolutions de la réglementation peuvent avoir de profondes
répercussions sur les décisions de prêt des banques étrangères qui risquent d’affecter par
contrecoup les pays en développement par l’intermédiaire de leurs filiales étrangères.
Parallèlement, des observateurs critiques ont relevé les limites de ces normes. Tout
d’abord, ces normes, élaborées et évoluant au gré du développement des systèmes
bancaires dans les marchés avancés sont-elles adaptées aux besoins des pays à faibles
revenus ? Censé prodiguer des recommandations aux superviseurs des pays à faibles
revenus souffrant d’un manque manifeste de moyens et de lacunes importantes dans la
mise en œuvre des meilleures pratiques internationales, l’outil d’évaluation des PFB four-
nit certes une mesure de l’exécution (ou de l’absence d’exécution) d’ordre général, mais
reste évasif quant aux lacunes devant être comblées ou l’ordre de priorité selon lequel
elles doivent être traitées. Ainsi, aussi utile soit-il, l’outil d’évaluation des PFB manque à sa
mission sur ce point précis en ne proposant aucune orientation en la matière, alors que les
superviseurs des pays à faibles revenus en ont probablement le plus besoin (Fuchs, Hands
et Jaeggi, 2010 ; Fuchs, Losse-Mueller et Witte, 2012).
Deuxièmement, les évaluations entreprises à l’appui de ces normes parviennent-elles
à réellement appréhender le degré d’exécution et s’appliquent-elles de la même manière
dans des pays différents ? Dans le cadre de sa mission de suivi des effets des réformes
réglementaires convenues sur les marchés émergents et les économies en développe-
ment, le Conseil de stabilité financière (2013) remarque que « le manque de ressources et
d’expertise adéquates dans les MEED permettant de répondre correctement aux nom-
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 119
S’appuyant sur la description donnée par les PFB les plus pertinents pour la coopé-
ration réglementaire transfrontalière, la réglementation et la supervision des banques
transfrontalières s’opèrent traditionnellement au moyen d’une supervision sur une base
consolidée, de la conclusion de protocoles d’accord et de la création de collèges de
superviseurs. Ces trois instruments se concentrent tous essentiellement sur l’infor-
mation – qu’il s’agisse tant de la collecte par les autorités de contrôle compétentes des
informations nécessaires attestant de la santé financière des établissements financiers,
que de l’échange d’informations entre les superviseurs des pays d’origine et d’accueil.
La supervision bancaire sur une base consolidée compte parmi les fonctions les
plus exigeantes qu’un superviseur doit assurer. La difficulté tient autant à la complexité
qu’à l’ampleur même des activités de certains groupes. Cette supervision peut se
compliquer dans le cas de groupes ou de conglomérats mixtes dont les établissements
parents ou exerçant le contrôle sont engagés dans d’importantes activités non bancaires
(par exemple l’assurance et les marchés de capitaux) et d’autres opérations de nature
commerciale. La dimension transfrontalière accentue encore ces difficultés. La super-
120 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?
Les protocoles d’accord sont des déclarations d’intention juridiquement non contrai-
gnantes ayant pour objet la coopération dans certains domaines. Ces protocoles peuvent
être à durée déterminée ou non ; ils peuvent renvoyer à des accords de coopération
générale ou à une coopération portant sur des banques spécifiques. Ils sont habituel-
lement conclus entre des autorités de contrôle et portent sur des « questions majeures
de supervision» de succursales ou de filiales de banques d’un pays opérant dans un
autre pays. Les « questions majeures de supervision» ont trait aux considérations liées
au respect des législations et des réglementations prudentielles applicables, ou aux
zones d’ombre présentant un risque pour l’établissement bancaire. Les superviseurs
peuvent coopérer dans les domaines suivants : (a) supervision des demandes d’éta-
blissement de succursales ou de filiales dans le pays d’accueil, le superviseur du pays
d’accueil éventuellement concerné informant le superviseur du pays d’origine potentiel
qui communiquera des informations sur la capacité du candidat à opérer en dehors de
ses frontières, y compris la solvabilité de l’établissement et l’honorabilité des adminis-
trateurs proposés, (b) l’échange d’informations concernant les événements susceptibles
de compromettre la stabilité des établissements bancaires dans l’autre juridiction, ainsi
que les sanctions ou les autres mesures prises pouvant se révéler utiles pour l’autre
superviseur, (c) la coopération dans les enquêtes de criminalité financière, et (d) la
coopération en situation de crise. Les protocoles d’accord sont généralement assortis
122 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?
21 Se reporter à la discussion présentée ci-après à la Section 3.4 « Au-delà d’une coopération au beau fixe ».
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 123
suffisante des autorités du pays d’accueil afin que le superviseur du pays d’origine
puisse bénéficier de leur évaluation approfondie des filiales locales. Le niveau de
représentation devrait être fonction du poids économique des filiales pour les groupes
élargis, et de l’importance systémique de la banque pour le pays d’accueil. Les collèges
de superviseurs devraient également se concevoir comme un mécanisme efficace de
mise en commun d’informations et de travail collaboratif.
Si les collèges de superviseurs peuvent contribuer à améliorer la coopération entre
superviseurs, ils ne sont cependant pas la solution miracle : alors que les interdépen-
dances entre systèmes financiers se renforcent, les faiblesses en matière de supervi-
sion et de réglementation d’une juridiction donnée affectent la qualité de la supervision
à l’échelle d’un groupe, si bien qu’aucun collège ne saurait se montrer plus efficace que
son maillon le plus faible. En outre, établir un collège de superviseurs efficace ne va pas
sans poser certains problèmes.
Un problème potentiel réside dans le fait que, dans le cas des grandes banques multi-
nationales, les superviseurs des pays d’accueil ne sont pas tous nécessairement invités à
prendre part au collège. L’intérêt premier du superviseur du pays d’origine est de convier
les superviseurs des pays d’accueil dans lesquels les succursales et les filiales s’avèrent
importantes pour les activités de la banque. Le risque étant d’exclure les superviseurs
des pays d’accueil dans lesquels des filiales se trouvent en position dominante, mais ne
revêtent pas une importance significative pour la banque au sens large22.
En outre, les priorités du pays d’origine dictent la composition du collège de supervi-
seurs, ce qui rend particulièrement difficile de garantir l’égalité de traitement entre les
pays prenant part à des collèges de superviseurs, et risque de démotiver les pays parti-
cipants. Pour autant, les superviseurs des pays d’origine peuvent contribuer à garantir
l’égalité de traitement en soutenant le renforcement des capacités et de la réglementa-
tion prudentielles dans les pays d’accueil.
Les collèges de superviseurs sont également confrontés à la question de savoir si
ce sont les bonnes personnes qui siègent au collège. Alors que les superviseurs sont
les interlocuteurs les plus compétents en matière de supervision quotidienne en temps
normal, les instances de résolution des faillites et les autorités budgétaires sont indis-
pensables en période de gestion de crise, qu’il s’agisse de faillites bancaires spécifiques
ou d’une fragilité bancaire systémique. En situation de crise, il pourrait donc être impor-
tant d’élargir la composition des collèges de superviseurs aux groupes de gestion de
crises, qui englobent les instances de résolution et les autorités budgétaires.
Enfin, se pose la question des décisions prises en collège. Étant donné la nature
informelle des collèges de superviseurs dont l’existence n’est entérinée par aucun
accord légal, l’obligation des superviseurs de rendre compte à leur pays, et les difficul-
tés de prendre des décisions et de les faire appliquer au sein d’un groupe sans pouvoir
22 Un problème similaire peut survenir dans le cas de protocoles d’accord bilatéraux ou multilatéraux.
124 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?
légal, chaque superviseur est, dans la pratique, libre de prendre ses propres décisions,
même si elles ne vont pas dans le sens des décisions du collège ou des intérêts des
autres superviseurs. En définitive, la décision finale d’intervenir ou non auprès de la
banque mère, avec les répercussions que cela implique pour les filiales implantées
ailleurs, appartient au superviseur du pays d’origine.
La supervision consolidée, les protocoles d’accord portant sur l’échange d’informa-
tions, et les collèges de superviseurs jouent chacun un rôle important dans la super-
vision des établissements financiers transfrontaliers et sont étroitement liés. Avec ses
recommandations en matière d’échange d’informations, le protocole d’accord peut offrir
une base solide à la supervision consolidée, au même titre que le collège de supervi-
seurs. Le protocole d’accord peut également jeter les bases formelles de l’organisation
des collèges de superviseurs qui peuvent à leur tour donner lieu à des protocoles d’ac-
cord, notamment lorsque ces protocoles concernent plus des établissements spéci-
fiques que des accords bilatéraux de portée générale. L’Amérique centrale, sous-région
caractérisée par des participations de groupes bancaires fortement intégrées, offre un
parfait exemple de ces interdépendances. Le Conseil des superviseurs bancaires, des
autorités de contrôle des marchés de valeurs mobilières et des superviseurs des autres
établissements financiers d’Amérique centrale (Council of Central American Banking
Supervisors, Securities Supervisors and Other Financial Institutions Supervisors) com-
posé de huit pays membres, a recouru à un protocole d’accord pour établir un comité
de liaison en 2007 dans le but de faciliter une supervision consolidée efficace et de
permettre au Conseil de coordonner les actions ciblant les conglomérats financiers. Ce
type de dispositions analogues n’en est encore qu’à ses débuts en Afrique. Par exemple,
un protocole d’accord-cadre récemment mis en place entre les cinq pays anglophones
d’Afrique de l’ouest couvre les relations et la supervision consolidée entre les super-
viseurs des pays d’origine et d’accueil, et un collège de superviseurs de ces pays pose
les bases d’inspections conjointes sur place, la Banque centrale du Nigeria assurant la
formation des superviseurs.
Comme évoqué plus haut, ces outils se rapportent essentiellement à l’échange
d’informations utiles entre les superviseurs des pays d’origine et d’accueil sur la santé
de la société mère et de sa filiale, respectivement. Le principal défi réside ici dans le fait
que seules des informations fiables peuvent être exigées, alors que ce sont souvent les
informations officieuses sur la santé financière d’une banque - que les chiffres-clés du
bilan ne retranscrivent pas nécessairement - qui sont les plus utiles aux superviseurs.
Comme nous l’évoquerons plus loin, l’expérience montre que les superviseurs sont
particulièrement prudents lorsqu’il s’agit d’échanger des informations en période de
difficultés croissantes ou de crise potentielle.
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 125
3.4 Au-delà d’une coopération « au beau fixe » : les nouvelles formes
de la coopération réglementaire
d’engagement peut conduire les régulateurs des pays d’origine et d’accueil à prendre
des mesures réglementaires unilatérales pouvant aggraver la fragilité des établis-
sements. Dans ce cas précis, une « surenchère réglementaire » par laquelle chaque
superviseur s’efforce de garantir que les liquidités restent soit dans les mains de la
société mère, soit dans celles de la filiale et d’isoler la filiale peut renchérir les coûts
financiers du sauvetage de la banque.
Outre ces considérations d’ordre théorique, la récente crise qui a ébranlé les pays
développés a semé le doute quant au caractère suffisant des outils traditionnels de la
coopération. Pendant la crise financière mondiale, plusieurs grandes banques multi-
nationales et banques nationales exposées à d’importants risques transfrontaliers ont
fait faillite. Alors que les outils traditionnels que constituent les protocoles d’accord
et les collèges de superviseurs avaient généralement été mis en place et que ces
dispositions semblaient convenir à la coopération en temps normal, ils ont failli à leur
mission en période de fragilité où une intervention rapide, décisive et collaborative
s’imposait. Le cas de Fortis, conglomérat financier possédant d’importants intérêts
en Belgique (où se situait son siège social), aux Pays-Bas et au Luxembourg, en est
un exemple frappant. Étant donné la coopération de longue date entre les pays du
Benelux, d’aucuns auraient pu s’attendre à une coopération harmonieuse à l’automne
2008, lorsque Fortis a commencé à éprouver de sérieuses difficultés. Alors que les
superviseurs belges et néerlandais semblaient toujours coopérer efficacement durant
le premier cycle d’aide à la trésorerie, cette coopération a manqué son but lorsque
que la nécessité de fournir une aide à la solvabilité et de faire intervenir les ministères
nationaux des finances n’a plus fait aucun doute. La résolution de la faillite a non
seulement pris un tour politique, mais a également suscité une vague de protestations
concernant la scission de Fortis suivant les frontières nationales et le partage des
coûts entre la Belgique et les Pays-Bas.
Il est important de noter qu’une structure organisée en filiales, comme il est courant
d’en rencontrer sur le continent africain, ne sera d’aucune aide dans ce genre de situa-
tion. Dans le cas des banques islandaises, dont la présence en Europe était assurée par
le biais à la fois de succursales et de filiales, la crise de 2008 a eu un impact similaire,
quel qu’ait pu être le modèle d’organisation des activités transfrontalières mis en œuvre
par les banques islandaises. Ces événements envoient un signal fort aux superviseurs
africains, puisqu’ils illustrent les écueils d’une confiance trop forte dans l’isolement
comme moyen de définir les expositions aux risques et les responsabilités des autorités
compétentes en situation de crise.
La crise financière mondiale enseigne donc notamment qu’il faut accorder une
plus grande importance aux spécificités de la coopération transfrontalière en phase
de résolution, et aller plus loin que les mécanismes de coopération déployés en temps
normal. Les forts niveaux de capitalisation et de liquidités dans la plupart des systèmes
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 127
23 Les superviseurs des pays africains en sont arrivés à voir dans les forts niveaux de capitaux un bouclier supplémentaire de
défense leur permettant d’éviter les situations de crise. Il est probable que dans un environnement bancaire plus intégré
et plus concurrentiel, les banques se montreront moins enclines à maintenir des niveaux de capitaux plus élevés que ne
l’exigent les meilleures pratiques internationalement admises en raison de leur impact sur leur structure de coûts.
128 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?
Une des principales parties prenantes dans la résolution des faillites bancaires,
à savoir le ministère des Finances en sa qualité de représentant des intérêts des
contribuables, est systématiquement absente de la liste des signataires aux proto-
coles d’accord et des participants aux collèges de superviseurs. Si la coopération
entre superviseurs est cruciale en temps normal, il est également essentiel d’impli-
quer toutes les autorités de résolution des faillites en temps normal, dans le cadre
du processus qui consiste à se tenir prêt à intervenir en périodes de tension. Dans le
cas, notamment, des établissements financiers d’importance systémique, il convien-
drait d’établir des groupes de gestion de crise qui associeraient autorités de contrôle,
banques centrales et ministères des finances des juridictions d’origine ou d’ac-
cueil des entités qui sont indispensables à la résolution de la crise, et qui devraient
coopérer en étroite relation avec les autorités des autres juridictions où les banques
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 129
Encadré 3.4 : Accord de coopération entre les pays nordiques et les États
baltes portant sur la stabilité financière, la gestion de crise et la résolution
des faillites transfrontalières
Le Danemark, l’Estonie, la Finlande, l’Islande, la Lettonie, la Lituanie, la Norvège et la
Suède ont récemment conclu un protocole d’accord portant sur la coopération transfronta-
lière en réponse à l’interdépendance de leurs systèmes bancaires respectifs.
Cet accord se distingue essentiellement des autres accords de ce type dans le sens où il
prévoit d’inclure les ministères des finances en tant que représentants des contribuables,
de mettre explicitement l’accent sur la gestion de crise et la résolution des faillites et de
convenir d’accords particuliers de partage des charges. Cet accord était devenu manifes-
tement nécessaire au lendemain de la crise financière mondiale qui a gravement nui à
certains pays nordiques, compte tenu de l’étroitesse de leurs liens bancaires transfronta-
liers. En renforçant leur coopération, les pays nordiques reconnaissent que les banques
transfrontalières ont apporté des avantages immenses (mais aussi des risques) tant aux
pays d’origine qu’aux pays d’accueil. Les liens historiques qui unissent les pays signa-
taires et une longue tradition de coopération globalement productive ont facilité une telle
approche proactive de la gestion conjointe des crises et de la planification commune des
résolutions.
24 Se reporter au document du CSF sur les Attributs clés (2011). Lorsqu’il existe des autorités publiques spécifiquement
chargées de gérer les régimes de garanties ou des autorités de résolution des faillites, leur participation est également
recommandée.
130 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?
Comme mentionné plus haut, les protocoles d’accord sont des déclarations d’inten-
tion juridiquement non contraignantes qui perdent considérablement de leur valeur en
période de tension. Afin de rendre la coopération juridiquement contraignante, elle doit
être inscrite dans la législation bancaire. Pour autant, cette décision pourrait conduire
à se demander si une telle coopération légalement obligatoire est susceptible de porter
atteinte à la souveraineté des autorités qui collaborent.
La coopération entre régulateurs australiens et néozélandais offre un bon exemple
de coopération juridiquement contraignante. Ces deux pays sont étroitement intégrés
sur le plan financier, les succursales et les filiales des banques australiennes dominant
le secteur financier néozélandais. Cette situation a conduit l’Autorité de contrôle pru-
dentiel australienne (Australian Prudential Regulatory Authority – APRA) et la Banque
centrale de Nouvelle-Zélande (Reserve Bank of New Zealand – RBNZ) à renforcer leur
coopération et à intensifier les échanges d’informations, des mesures facilitées par des
évolutions réglementaires de même ampleur ainsi que par une histoire et une tradition
juridique communes. Cette coopération a encore été renforcée en 2006 par un amende-
ment du Reserve Bank of New Zealand Act, qui oblige juridiquement la RBNZ à coopérer
avec les autorités australiennes de contrôle financier et à les consulter de manière à
éviter de prendre des mesures pouvant porter préjudice à la stabilité du système finan-
cier australien. L’Australian Banking Act (loi australienne sur les activités bancaires)
a été amendé dans le même sens. Un Conseil australo-néozélandais de supervision
bancaire (auquel siègent la banque centrale d’Australie et les ministères des finances
australiens et néozélandais) tient également des réunions régulières. Dernièrement,
un protocole de coopération portant sur la gestion australo-néozélandaise des crises
bancaires a été établi.
La supervision supranationale
Dans le cas, notamment, d’intérêts asymétriques, comme par exemple une filiale
en position dominante sur le marché du pays d’accueil qui n’est pas de première
importance pour la banque mère ni de ce fait pour le régulateur du pays d’origine, il
est important d’explorer des dispositifs de supervision plus solides. Étant donné ces
intérêts asymétriques et l’influence limitée voire négligeable que le superviseur du
pays d’accueil peut exercer vis-à-vis du superviseur du pays d’origine, de nombreux
superviseurs africains ont opté pour la solution des filiales autonomes, l’objectif étant
de pouvoir imposer une mesure d’isolement en cas de problèmes rencontrés par la
banque mère. Cette solution est privilégiée en dépit des pertes d’efficacité que cette
démarche comporte. Du point de vue des superviseurs des pays d’accueil qui s’efforcent
de préserver la stabilité de leur système financier local, l’isolement offre une réponse
qui, loin d’être la meilleure, reste raisonnable à défaut d’une meilleure coopération
internationale. Comme mentionné plus haut, dans certains cas récents pendant la crise
financière mondiale, l’isolement s’est révélé une mesure inefficace et rien ne permet
d’affirmer que l’isolement en situation de fragilité bancaire protégera efficacement le
pays d’accueil contre d’importantes répercussions négatives. Plus important encore, à
vouloir contraindre les filiales à agir de manière autonome, le pays d’accueil s’exposera
à des pertes significatives d’efficacité persistantes ce qui nuira à l’approfondissement et
à l’intégration du secteur financier.
Enfin, en période de crise, les autorités pourraient envisager d’établir un groupe de
coordination régionale de la même veine que l’Initiative de coordination de la Banque
européenne (ICBE), également appelée Initiative de Vienne (cf. Encadré 3.5) afin de
rassembler les autorités de contrôle et le secteur privé pour résoudre les problèmes de
manière rapide et coordonnée.
Les répercussions de la crise financière mondiale qui a gravement touché les
activités bancaires transfrontalières des banques européennes occidentales en Europe
centrale et orientale ont été à l’origine du lancement de l’Initiative de Vienne qui est
parvenue à mobiliser l’aide en provenance des établissements financiers internationaux
et des grandes banques internationales d’importance régionale. En Afrique, l’initiative
déjà prise par l’Association des Banques Centrales Africaines (ABCA) d’établir la Com-
munauté des Superviseurs Bancaires Africains (CABS) pourrait inspirer une démarche
africaine similaire visant à rassembler les banques centrales des pays affectés, la
Banque mondiale, le FMI, la Société financière internationale (IFC), la banque africaine
de développement (AfDB), ainsi que les représentants (PDG) des banques transfronta-
lières concernées.
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 133
Créée en janvier 2009, l’initiative a réuni les parties prenantes, publiques comme
privées, des groupes bancaires transfrontaliers européens présents dans les pays
émergents d’Europe, parmi lesquelles les institutions financières internationales (FMI,
BERD, Banque européenne d’investissement (BEI), et Banque mondiale), les institu-
tions européennes (Commission européenne et Banque centrale européenne en tant
qu’observateur), les autorités budgétaires et de contrôle des pays d’origine et d’accueil
des grands groupes bancaires et les plus importants groupes bancaires opérant dans la
région. L’Initiative de Vienne poursuit les objectifs suivants :
De récentes études ont confirmé que l’Initiative de Vienne s’est révélée être un outil
assez efficace de prévention d’un désendettement incontrôlé des banques européennes
occidentales en Europe centrale et orientale. De Haas et al. (2014) démontrent notamment
que si les banques nationales comme étrangères ont procédé à un net resserrement du
crédit pendant la crise financière, les banques étrangères ayant pris part à l’Initiative de
Vienne se sont révélées des prêteurs relativement stables. Point tout aussi important, ces
mêmes auteurs n’ont trouvé aucune preuve de répercussions négatives en provenance
des pays où les banques ont signé des lettres d’engagement par rapport aux pays où elles
n’ont pris aucun engagement.
économique. Les différentes tolérances aux risques peuvent également faire varier le
coût (potentiel) d’une défaillance bancaire.
Enfin, d’importantes asymétries peuvent exister entre pays, phénomène pouvant
aboutir à des fonctions poursuivant des objectifs différents et engendrer in fine des
conflits d’intérêts entre les superviseurs des pays d’origine et d’accueil. Les intérêts
des pays d’origine et d’accueil ne convergent que lorsque (a) la banque mère revêt
une importance systémique dans le pays d’origine, (b) la filiale revêt une importance
systémique pour la banque mère, et (c) la filiale revêt une importance systémique dans
le pays d’accueil25. La situation pouvant poser le plus problème au superviseur du pays
d’origine est lorsque seules les deux premières conditions sont satisfaites, de sorte que
le superviseur du pays d’accueil accordera moins d’importance à la supervision de la
filiale. À l’inverse, la configuration la plus difficile à gérer pour le superviseur du pays
d’accueil est lorsque la condition (a) ou la condition (b) n’est pas remplie, l’exemple le
plus flagrant étant celui d’une filiale en position dominante sur son marché et revêtant
donc une importance systémique pour le pays d’accueil, alors qu’elle n’est pas d’im-
portance systémique pour la banque au sens large ni donc pour le superviseur du pays
d’origine. Ce problème se pose assez fréquemment aux superviseurs de nombreux pays
africains dans le cas des filiales de banques transfrontalières.
Les différentes sources d’externalités bancaires au-delà des frontières, les dispa-
rités entre les cadres juridiques et les préférences politiques des pays, et l’importance
souvent inégale qu’accordent les pays d’origine et d’accueil aux banques indiquent
qu’une coopération adéquate entre pays prendra différentes formes selon les circons-
tances. Une classification des différentes formes de coopération apparaissant comme
les plus adaptées et les plus réalistes entre différents types de paires de pays et au sein
de différents types de sous-régions en Afrique permet d’établir cinq catégories :
Tout d’abord, dans le cas de pays ou de paires de pays où les externalités des acti-
vités bancaires transfrontalières sont faibles, il n’est pas utile de mettre en œuvre une
solution institutionnelle trop rigide. Les pays dont les systèmes bancaires affichent une
faible part de participations étrangères et sont peu intégrés aux marchés financiers
internationaux n’exigent qu’une coopération limitée et peuvent s’attacher à aligner
leurs cadres réglementaires et de supervision sur les normes internationales, en tenant
compte des priorités nationales et des risques de fragilité financière.
La deuxième forme de coopération est pertinente lorsqu’un degré élevé de dispari-
tés existe entre des pays ayant intensifié leur intégration financière. Ceci se vérifie en
25 Ces intérêts s’alignent également à l’évidence lorsqu’aucune de ces trois conditions ne prévaut, auquel cas il n’existe
alors aucune préoccupation prudentielle immédiate, à moins que les deux pays ne soient membres d’une union moné-
taire ou que les deux systèmes financiers ne soient autrement étroitement intégrés, comme démontré plus haut.
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 137
Afrique de l’ouest où les systèmes financiers se sont développés différemment dans les
pays anglophones et francophones, alors que les banques transfrontalières nigérianes
sont présentes dans les pays des deux groupes. Il semblerait donc plus indiqué, au vu
de ces différents développements, d’établir une coopération réglementaire plus étroite
au sein de ces deux sous-régions différentes, plutôt qu’entre elles, même si les activités
bancaires transfrontalières s’étendent aux deux sous-régions. Étant donné les fortes
disparités, une première étape consisterait à créer des collèges de superviseurs et (de
préférence) des autorités de résolution à l’échelle de l’Afrique de l’ouest, et d’entre-
prendre des exercices conjoints de simulation de crise. Comme l’explique plus en détail
le quatrième chapitre, un premier pas vers l’établissement de ces collèges de supervi-
seurs a été franchi.
La troisième forme de coopération s’applique en cas d’asymétrie entre les intérêts
des superviseurs de pays d’accueil de petite taille et ceux des superviseurs de pays
d’origine de grande taille. C’est le cas de la plupart des pays africains qui accueillent de
grandes banques européennes, comme Standard Chartered, Société Générale ou BNP
Paribas. Étant donné que les superviseurs africains sont souvent exclus des collèges
de superviseurs établis par les superviseurs des pays d’origine, les superviseurs des
pays d’accueil ont souvent, à juste titre, réagi en essayant de contraindre ces filiales
à adopter des structures autonomes. Les superviseurs des pays d’accueil en Afrique
pourraient unir leurs forces dans une démarche visant à les faire représenter dans les
collèges de superviseurs du pays d’origine. L’asymétrie entre les intérêts des super-
viseurs peut également se vérifier dans le cas de pays qui accueillent des banques
panafricaines.
La quatrième forme de coopération concerne les sous-régions intégrées de manière
plus étroite et n’affichant que peu de disparités, comme l’Afrique orientale. Ici, les col-
lèges de superviseurs et les autorités de résolution pourraient constituer une première
étape conduisant idéalement à l’instauration d’une situation dans laquelle les accords
de coopération s’inscrivent dans les législations bancaires des pays. Cette forme de
coopération serait évidemment subordonnée à la mise à niveau et à la convergence
des cadres réglementaires entre les pays, notamment en matière de faillites. Dans la
mesure où cette sous-région s’engage dans le processus d’une union monétaire, l’éta-
blissement d’un filet de sécurité financier supranational devrait être envisagé.
Enfin, la cinquième forme de coopération s’appliquerait dans les régions, telles que
les deux zones CFA, déjà dotées d’une monnaie et d’autorités réglementaires com-
munes, mais où la supervision continue de s’exercer au niveau des systèmes bancaires
nationaux. Par définition, ces régions ne peuvent avoir recours aux variations de taux
de change pour atténuer les corrections sur l’économie réelle, mais elles n’ont encore
consenti que peu d’efforts pour exploiter les possibilités offertes par l’intégration
financière. Ici, il conviendrait d’envisager des mesures en faveur d’une plus grande
intégration, comme notamment des pratiques harmonisées de résolution des faillites
138 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?
3.6 Conclusion
Fortement centrés sur les banques, les systèmes financiers du continent africain se
caractérisent par leur taille modeste, un manque de profondeur et une intermédiation
peu efficace. Ils gagneraient donc énormément à renforcer leur intégration au-delà des
frontières. Dans le contexte africain, l’intégration financière régionale dépend essentiel-
lement de la capacité des petits systèmes financiers à surmonter ce manque d’enver-
gure qui entrave leur développement et leur approfondissement. Par les économies
d’échelle et les opportunités de diversification qu’elle offre, l’intégration financière
régionale peut jouer un rôle déterminant dans le développement et la croissance des
secteurs financiers, à supposer que les autorités adoptent des politiques appropriées.
Parallèlement, de nouveaux vecteurs de contagion vont et voient d’ores et déjà le jour,
l’imbrication croissante des systèmes bancaires et des marchés financiers nationaux
favorisant la transmission des chocs entre pays. Le sous-développement des marchés
et des capacités de supervision limitées peuvent à eux deux freiner le développement
des opportunités offertes par le renforcement de l’intégration et exacerber les risques
de contagion.
L’intensification de l’intégration financière régionale souligne donc l’importance pour
les pays de se doter de mesures appropriées de gestion et d’atténuation des risques.
Elle exige également un engagement et un respect plus importants des règles du jeu
communes, telles que prévues par les normes et les pratiques exemplaires internationa-
lement admises, de manière à renforcer la confiance dans le secteur financier. À défaut de
cet engagement et de ce respect, l’intégration au-delà des frontières pourrait faire peser
de plus grands risques de contagion et compromettre sérieusement la stabilité financière.
Les autorités africaines sont donc confrontées à un dilemme de taille. D’un côté, elles
doivent assumer la mission traditionnelle de protection des systèmes bancaires, en tenant
compte des risques liés à la croissance des activités bancaires transfrontalières ces der-
nières années. De l’autre, elles doivent s’efforcer d’encourager une intermédiation et un
approfondissement plus efficaces des marchés financiers, qui contribueront à renforcer
leurs capacités de résistance et à amorcer un cycle vertueux de stabilité et de solidité du
système financier. Contrairement aux autres régions du globe, l’Afrique est plus sen-
sible à ce dilemme, étant donné la petite taille et les faibles capacités d’intermédiation
d’une grande majorité de ses systèmes financiers et donc la croissance potentiellement
exponentielle des établissements et des marchés financiers. Plus important encore, une
meilleure intégration financière, pour autant qu’elle soit menée de manière responsable,
peut largement contribuer à renforcer l’efficacité et l’approfondissement des marchés.
Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique 141
Les superviseurs bancaires africains ont adopté des réponses différentes au double
défi consistant à maintenir la stabilité et à accroître l’efficacité pour favoriser l’appro-
fondissement du marché. Dans l’arsenal à la disposition des superviseurs, deux outils
traditionnels se sont révélés décisifs à cet égard. Le premier est la politique d’octroi
d’agréments. Les réglementations en matière d’agréments prévoient un ensemble de
conditions qui s’appliquent aux banques nouvellement établies, qu’elles soient finan-
cées par des capitaux locaux ou qu’elles soient des filiales de banques étrangères. On
constate des divergences assez nettes dans les modalités d’application de ces condi-
tions par les pays africains. D’un côté, dans certains pays, les superviseurs se sentent
obligés d’octroyer un agrément à tous les candidats qui respectent les conditions
stipulées. Dans d’autres pays, les superviseurs délivrent les agréments bancaires en
fonction de leur appréciation du besoin d’introduire davantage de participants sur le
marché intérieur et d’une évaluation qualitative de ce que le candidat à l’entrée peut
offrir en termes de services bancaires nouveaux ou innovants. Ces évaluations sont
légitimes dans la mesure où les conditions d’octroi d’agréments prévoient normale-
ment que l’autorité qui délivre l’agrément évalue les plans stratégiques et opération-
nels du candidat26, y compris éventuellement son business plan. Cette approche part
du constat selon lequel il existe un risque de faire entrer sur le marché un trop grand
nombre d’établissements aux profils économiques semblables lorsque les agréments
sont délivrés aux candidats à la simple condition qu’ils se conforment à un ensemble de
règles en la matière. L’approche plus subjective peut s’avérer plus propice au dévelop-
pement du marché financier, même si elle ouvre également la porte aux abus. Compte
tenu des dangers liés à une approche plus subjective et étant donné que l’établissement
de banques étrangères intensifiera la concurrence, il peut s’avérer plus indiqué de se
référer au respect des conditions à l’établissement prévues. Le risque, plus particu-
lièrement dans le contexte africain, est que l’établissement de nouvelles banques qui
mobilise encore davantage de moyens de contrôle conduise les superviseurs, générale-
ment surchargés, à opérer des arbitrages. Ils n’ont par ailleurs que peu d’expérience en
matière de sanctions et de retraits éventuels des agréments bancaires, et n’ont souvent
pas éprouvé le long processus de liquidation bancaire.
Le second outil réglementaire décisif a trait aux exigences de fonds propres. Rele-
ver les exigences minimales de fonds propres peut à la fois décourager l’établissement
de banques étrangères et rationaliser le nombre de banques présentes sur le marché.
Parallèlement, un durcissement des exigences minimales de fonds propres peut encoura-
ger les banques à se développer à l’étranger, dans la mesure où les nouveaux débouchés
économiques sont limités sur leur marché national et où les banques cherchent à iden-
tifier des opportunités leur permettant d’employer efficacement leurs capitaux. L’expé-
rience nigériane montre qu’un assainissement forcé en relevant les exigences minimales
de fonds propres peut s’avérer un choix risqué. Dans leur course pour maintenir des
rendements de capitaux propres traditionnellement élevés, les banques nigérianes ont
été amenées à financer des activités à haut risque, ce qui a engendré la crise bancaire de
2009, ainsi qu’une lourde facture publique et une perte de profondeur financière.
Ainsi, alors que les superviseurs bancaires sont confrontés au défi de renforcer leurs
capacités à gérer les risques associés à la présence croissante des banques étrangères,
ils peuvent également exercer une influence considérable sur les forces du marché en
jeu dans le cadre de l’application des réglementations à leur disposition. Ce chapitre
pose la question de savoir si les pressions en faveur de l’intégration bancaire se sont
accompagnées d’une mise à niveau de la réglementation bancaire et des capacités de
supervision, et d’une coopération transfrontalière entre les superviseurs bancaires.
Outre les conditions d’octroi d’agrément et les exigences de fonds propres, les
autorités réglementaires africaines font face à un large choix de politiques et de pro-
grammes réglementaires en rapport direct avec la supervision transfrontalière, qui
seront plus amplement décrits ci-dessous. De manière générale, les politiques peuvent
être réactives, comme c’est couramment le cas malgré les coûts habituellement élevés
de cette approche, ou cibler de manière plus proactive l’exploitation des avantages de
l’intégration tout en en maîtrisant les risques. Cette dernière approche implique l’aban-
don des politiques de tolérance au profit d’une sanction efficace des banques et d’une
anticipation du risque de fragilité financière pour mieux y faire face.
Les responsables politiques peuvent adopter des politiques destinées à tirer parti de
l’intégration régionale, comme (a) lever les contrôles sur les capitaux et les changes de
manière à promouvoir un usage plus efficace des capitaux, (b) poursuivre l’harmonisa-
tion des réglementations pour réduire les coûts de transaction, (c) établir des systèmes
de paiements et de règlements régionaux visant à encourager les paiements trans-
frontaliers, et (d) supprimer toutes les restrictions pesant sur la libre circulation de la
main-d’œuvre et des compétences afin d’encourager le transfert des connaissances.
Cela étant, même dans les sous-régions d’Afrique plus unies sur le plan politique, les
progrès ont été inégaux dans la mise en œuvre de ces politiques dont l’objectif est de
faciliter l’intégration financière au-delà des frontières. Ainsi, par exemple, si des efforts
ont été consentis pour harmoniser les réglementations au sein de la CAE, leur mise
en œuvre avance lentement, et la levée des restrictions sur la circulation de la main-
Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique 143
d’œuvre reste un sujet de controverse dans certains états membres de la CAE. Le lance-
ment en 2013 de deux systèmes de paiements et de règlements régionaux – le système
de paiement est-africain (East African Payments System – EAPS) et le projet pilote d’un
système de paiement de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC)
- atteste toutefois de récentes avancées encourageantes.
La lenteur des progrès au sein des sous-régions peut en partie s’expliquer par la
défiance à l’égard des effets d’un renforcement de l’intégration financière sur les mar-
chés nationaux, entretenue par les craintes qu’une plus grande ouverture accroîtra les
parts de marché des banques des pays voisins déjà en position dominante. En outre, le
manque de capacités freine les superviseurs dans leur mission de mise en œuvre d’une
supervision consolidée et de gestion des structures de groupe complexes. Dans ces
conditions, les superviseurs nationaux continuent souvent de se focaliser sur la préser-
vation des actifs et le relèvement des niveaux de capitalisation des banques nationales.
Si elles ont bien conscience de ses possibles avantages, les autorités nationales
peuvent accueillir à juste titre le développement des activités bancaires transfron-
talières avec une certaine méfiance, dans la mesure où les bénéfices immédiats de
l’intégration peuvent ne pas se répartir équitablement. Il peut être notamment difficile
de les convaincre des gains d’efficacité qu’un renforcement de l’intégration et de la
diversification peut apporter, et ce en dépit d’une récente étude sur, par exemple, la
concentration des banques kenyanes au sein de la CAE, qui révèle que ces banques,
dont la stratégie est de poursuive activement leur développement dans la sous-région,
sont également plus innovantes, notamment en termes d’octroi de crédits aux petites
et moyennes entreprises, facteur indispensable à une croissance économique solide
(Banque mondiale, 2013a). La même étude a également révélé – comme on pouvait s’y
attendre – que ces banques qui se développent dans la CAE comptent également parmi
les banques kenyanes les plus rentables. Cela étant, au-delà des avantages immédiats
de l’intégration financière, les retombées du commerce des services financiers pour la
croissance économique et la productivité locale pourraient de loin dépasser les béné-
fices que retirent d’ores et déjà ces groupes bancaires pionniers.
En Afrique, les différentiels de taux d’intérêt, largement déterminés par les frais
généraux et les profits des banques, restent élevés, alors que les pressions pour
renforcer l’efficacité ne semblent pas assez fortes. Plus important encore, l’expansion
de l’activité transfrontalière n’est pas encore parvenue à exercer des pressions suffi-
samment soutenues pour réduire ces différentiels. D’un côté, cette situation pourrait
plaider en faveur d’une réduction des primes de risque dans les activités bancaires dans
le cadre d’une solide gestion macroéconomique, diminuant de ce fait le taux d’inté-
rêt « sans risque » sur les titres d’État (mobilisation du secteur privé) ; elle pourrait
également servir d’argument pour inciter à remédier aux faiblesses de l’infrastructure
du secteur financier, et pourrait se traduire par un meilleur échange d’informations
concernant les crédits et la mise en place de mécanismes d’enregistrement et de saisie
144 Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique
des biens meubles et immeubles moins coûteux/longs. De l’autre, les mesures doivent
cibler autant les banques nationales que les banques internationales afin de renforcer
la concurrence par le biais d’une supervision bancaire plus efficace, y compris au moyen
de politiques venant se substituer à la tolérance réglementaire par des stratégies de
sortie efficaces. Cette approche permettrait non seulement d’alléger la charge des
superviseurs qui doivent superviser un nombre disproportionné d’établissements finan-
ciers (par rapport à la taille du secteur financier), mais aussi d’encourager la concur-
rence entre les banques restantes, avec les conséquences que cela induit sur l’efficacité
et les différentiels des taux d’intérêt.
S’attaquer aux insuffisances de l’intermédiation bancaire en Afrique exige en effet
de fournir des efforts à tous les niveaux de ce programme relativement ambitieux.
Il convient toutefois de souligner l’importance de la complémentarité entre les pro-
grammes nationaux et régionaux dans la promotion de l’efficacité bancaire et, partant,
des possibles bénéfices d’une collaboration régionale plus étroite, en tirant avantage,
par exemple, d’une démarche commune en matière d’échange d’informations sur
le crédit, et en convenant de sanctions à l’encontre des banques et de politiques de
sortie. En Afrique, la portée de cette collaboration varie d’un pays à l’autre et s’inscrit à
l’échelle sous-régionale. La collaboration entre les deux zones CFA offre d’excellentes
opportunités à cet égard, puisque les pays membres bénéficient d’un cadre juridique et
d’une monnaie commune. Les efforts entrepris par la CAE et au sein de la SADC sont
également prometteurs. Ces initiatives ont déjà donné lieu à une collaboration portant
sur des composantes clés de l’infrastructure financière, en tête desquelles les systèmes
de paiement, et des actions sont en cours pour étendre cette collaboration à l’échange
d’informations sur le crédit et au renforcement de la coordination relative aux pro-
blèmes de supervision.
En Afrique, les superviseurs bancaires exigent des banques qui souhaitent dévelop-
per leurs activités au-delà de leurs frontières qu’elles procèdent essentiellement par le
biais de filiales autonomes. Même dans les deux zones monétaires d’Afrique de l’ouest et
centrale, les réseaux de succursales transfrontaliers restent relativement rares. Lorsque
des succursales ont été créées, elles sont souvent soumises à des exigences réglemen-
taires rigoureuses, comme celles notamment d’afficher des niveaux de fonds propres
similaires à ceux d’une filiale. Les raisons d’exiger d’établir des filiales autonomes sont
souvent justifiées et traduisent la volonté des superviseurs bancaires de faire de la super-
vision une tâche pouvant être gérée à la fois par leurs services et par les gestionnaires de
risques au sein des groupes bancaires. Il est beaucoup plus simple de définir, de surveil-
ler et de mettre en œuvre des obligations d’information dans le cas d’une entité juridique
autonome que dans celui d’une succursale. En outre, les liquidités et les matelas de fonds
Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique 145
propres distincts de la filiale sont censés offrir au pays d’accueil une meilleure protection
contre le risque de contagion en période de crise, même si l’expérience de la dernière
crise financière mondiale remet en cause l’efficacité de cette protection27.
La priorité donnée aux filiales pour renforcer l’intégration a un coût. En exigeant
des banques qu’elles établissent des entités aux fonds propres distincts, dotées de
leurs propres fonctions de direction et de gestion des risques, le modèle par les filiales
restreint les intermédiaires financiers dans leurs capacités à tirer pleinement parti de
l’intégration régionale. Si le modèle des filiales n’interdit pas de déployer des méthodes
de gestion des risques et des systèmes informatiques communs, les superviseurs
nationaux sont en droit d’exiger, ce qu’ils font le plus souvent, des filiales locales
qu’elles mettent en place des systèmes informatiques indépendants et qu’elles se
dotent d’un conseil d’administration et de comités de supervision qui leur sont propres.
Ces politiques dites d’« autochtonisation » ont notamment été récemment adoptées en
Namibie28. Le développement transfrontalier des groupes bancaires au moyen de filiales
autonomes risque en outre de s’accompagner de coûts de financement élevés en raison
des contraintes qui pèsent sur la souplesse de gestion des engagements du groupe et
sur la liberté d’allouer les fonds là où ils sont le plus utiles.
Étant donné le rôle que pourraient jouer les activités bancaires transfrontalières
dans l’accélération forcée des innovations et dans la réduction des coûts grâce aux éco-
nomies d’échelle, il convient de s’interroger sur la possibilité de prendre des mesures
visant à réduire les coûts d’établissement des banques étrangères qui s’implantent sur
de nouveaux marchés. Les exigences minimales de fonds propres peuvent constituer
une barrière importante à l’établissement dans le cas de banques dont l’ambition est
de s’implanter dans plusieurs marchés, notamment lorsqu’elles envisagent de déve-
27 Comme l’a très clairement démontré la crise bancaire islandaise, en l’absence d’exigences d’établir des structures
locales, les pays de taille modeste peuvent être à l’origine de crises financières majeures et systémiques. Alors que les
banques sous contrôle étranger s’implantent généralement par le biais de succursales de la banque du pays d’origine
dans l’Union européenne, en Afrique, la plupart des banques sous contrôle étranger sont jusqu’à présent contraintes
de s’implanter au moyen de filiales de droit local, ce qui limite ainsi le risque pour les banques des pays de petite taille
de devoir assumer les obligations de remboursement que leur gouvernement serait incapable ou peu enclin à honorer.
De nombreux pays imposent en outre des exigences supplémentaires supposées permettre aux superviseurs nationaux
d’isoler les filiales en période de crise. La protection offerte par les filiales est toutefois sujette à discussions ; l’expé-
rience de certaines banques durant la crise financière mondiale, comme Fortis Bank, tend à prouver que le modèle des
filiales confère un sentiment trompeur de sécurité et n’offre qu’une faible protection contre le risque de contagion.
28 La réglementation namibienne impose à l’ensemble des principaux systèmes bancaires la domiciliation dans le pays dans
le but d’assurer une supervision efficace des banques et des systèmes de paiement. La sécurité et la fiabilité opération-
nelle, ainsi que les dispositifs d’intervention satisfaisants en matière d’exécution des opérations journalières en temps
requis et de respect des heures limites de règlement et de compensation des systèmes de paiement locaux constituent
les premières sources de préoccupations. La Banque de Namibie soutient que la mise en œuvre du Système national de
paiement a permis aux autorités de réaliser que l’infrastructure informatique et les systèmes bancaires communs des
sociétés mères en Afrique du Sud a imposé des contraintes faisant peser des risques opérationnels et systémiques sur les
établissements bancaires intervenant dans le système de paiement namibien. Il a également été constaté que les banques
commerciales namibiennes ont rencontré des problèmes dans le traitement des paiements domestiques namibiens les
jours fériés sud-africains, et ont éprouvé des difficultés à respecter les heures limites de compensation et de règlement du
système de paiement namibien. Il a enfin été observé que la gouvernance informatique, les processus de prise de décisions
et l’ordre de priorité des projets informatiques des sociétés mères en Afrique du Sud continuaient d’entraver la Banque de
Namibie dans ses efforts pour atteindre ses objectifs de réforme du système des paiements.
146 Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique
lopper des activités dans des marchés limitrophes plus modestes où les possibilités
d’accumuler des capitaux sont limitées et où l’allocation de capital est difficile à justifier.
Nombreux sont les pays africains à faire supporter aux activités transfrontalières des
banques d’autres coûts dans le cadre de leurs politiques d’autochtonisation, à l’instar,
par exemple, des obligations d’employer du personnel local plutôt que des expatriés,
d’établir des systèmes informatiques locaux, de mettre en place des structures locales
pour la gestion des risques et la direction des banques, et même de s’efforcer à faire
entrer au capital des banques étrangères une part significative d’actionnaires locaux.
Contribuant à ériger une véritable « forteresse bancaire », ces exigences peuvent consi-
dérablement limiter la réalisation d’économies d’échelle.
Plutôt que de protéger leurs systèmes bancaires nationaux, les autorités devraient au
contraire envisager des moyens d’encourager l’établissement de banques ayant fait leurs
preuves dans la fourniture de services financiers ciblant des groupes de clients potentiels
mal desservis. Ces incitations pourraient, par exemple, aller de pair avec la privatisation
des banques nationales. Alors que l’établissement de banques justifiant d’une expérience
pertinente est essentiel, la mise à profit de cette expérience dépend de tout un train de
mesures stratégiques touchant le secteur financier et visant à renforcer l’infrastructure
réglementaire et financière locale en s’appliquant uniformément à l’établissement des
banques étrangères comme nationales. Ces mesures peuvent notamment prévoir de
réduire la complexité et la lenteur des démarches d’obtention d’agréments, de réduire
les exigences de fonds propres initiaux pour les filiales de banque (en définissant des
exigences qui augmentent au même rythme que l’engagement commercial de la banque
étrangère et que ses expositions aux risques), de réduire ou de supprimer les exigences
en matière d’établissement de nouvelles succursales le cas échéant (en laissant par
exemple le soin aux banques de décider de la structure et de la sécurité de leurs locaux),
d’encourager la pleine mobilité de la main-d’œuvre (transfert de compétences), d’encou-
rager le recours à des plateformes informatiques communes et centralisées (tant pour le
fonctionnement interne que pour la fourniture de services aux clients), et d’encourager la
mise en place de systèmes d’audit et de gestion des risques. Ces facteurs contribueront
à renforcer l’efficacité de la fourniture de services bancaires et offriront une plateforme
permettant d’intensifier l’approfondissement financier.
Un autre moyen de réduire le coût des activités bancaires transfrontalières consis-
terait à sanctionner les réseaux de succursales transfrontaliers soumis à des exi-
gences réglementaires moins contraignantes que celles visant les filiales. Toutefois,
comme l’Europe en a fait l’expérience avec l’introduction, au début des années 90,
du « passeport » permettant aux succursales bancaires de franchir les frontières, un
accroissement de l’intégration des activités bancaires au-delà des frontières au moyen
de succursales doit s’accompagner d’une harmonisation correspondante des cadres
réglementaires et de supervision et des filets de sécurité financiers afin de contenir
efficacement les risques que fait peser une telle intégration sur la stabilité. Cette har-
Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique 147
monisation n’est toujours pas mise en place, même dans les régions d’Afrique davan-
tage intégrées. L’établissement d’un réseau de succursales à l’étranger peut s’avérer
particulièrement approprié au sein des unions monétaires où les infrastructures insti-
tutionnelles sont en place et les conditions macroéconomiques réunies. Cela étant, les
unions monétaires CFA d’Afrique orientale et centrale n’ont pas contribué à intégrer les
systèmes bancaires ou réglementaires. Alors que les unions monétaires existent depuis
un certain temps, le cadre réglementaire global semble toujours relativement faible, les
décisions importantes en matière de supervision (établissement et retrait) étant prises
par les ministères nationaux des finances plutôt que par les commissions bancaires
régionales, et la supervision même des groupes bancaires transfrontaliers ne s’exerçant
exclusivement qu’en fonction des frontières nationales. Le calendrier politique gagne-
rait donc à mettre l’accent sur le renforcement de l’intégration bancaire, en l’accom-
pagnant d’une mise à niveau du cadre réglementaire. La CAE a adopté une approche
quelque peu différente et prévoit de s’orienter vers une union monétaire à l’issue d’un
long processus d’intégration de l’économie réelle et du secteur financier. Dans ce cas, il
importe, parallèlement au processus d’intégration financière existant, tiré par le secteur
privé, d’accélérer l’intégration des cadres réglementaires transfrontaliers, en visant la
mise en place possible d’une supervision supranationale.
Les pratiques actuelles révèlent d’importants écarts dans la coopération entre les
régulateurs et les superviseurs bancaires à travers le continent africain, certaines
sous-régions et paires de pays étant plus avancées que d’autres.
Les pays doivent se doter d’un cadre réglementaire et de supervision cohérent s’ils
veulent faciliter et renforcer la coopération réglementaire entre eux. Comme l’a déjà
montré le chapitre précédent, ce processus ne saurait ni ne doit consister à « copier-col-
ler » les pratiques en matière de réglementation et de supervision entre pays, ce qui,
compte tenu des développements historiques et des traditions juridiques différentes sur
le continent, serait de toute façon très difficile à réaliser. Plusieurs raisons poussent les
pays à harmoniser leurs cadres réglementaires : instaurer des règles du jeu équitables
et éviter que les banques qui opèrent dans un pays au cadre réglementaire comparative-
ment laxiste/rigoureux ne soient indûment avantagées/désavantagées par rapport à leurs
concurrentes, réduire l’incertitude pesant sur la prévisibilité et l’uniformité réglementaire,
réduire les coûts de conformité, donner l’élan nécessaire au relèvement des normes dans
148 Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique
des environnements plus concurrentiels, et obtenir l’assurance que les risques liés à
l’intégration des activités bancaires transfrontalières sont efficacement maîtrisés. Alors
que les flux de capitaux et d’investissements ne cessent de se libéraliser, la question de
l’harmonisation devient cruciale. Dans la pratique, l’harmonisation implique un travail
de longue haleine même au sein de regroupements sous-régionaux comme la SADC et
la CAE et, afin d’atténuer le plus possible les risques et de tirer parti de ce processus
d’harmonisation, les autorités devront faire attention à l’enchaînement et à la coordina-
tion des étapes conduisant à l’homogénéité. Même au sein des deux zones monétaires
sous-régionales CFA, la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale
(CEMAC) et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), la mise en œuvre
des réglementations de manière harmonisée bute encore sur des difficultés en l’absence
d’un processus de résolution des faillites bancaires coordonné.
Les Principes fondamentaux de Bâle pour un contrôle bancaire efficace (PFB)
recommandent à l’attention des autorités de contrôle bancaire des meilleures pratiques
d’ordre général et servent fréquemment de référence pour la convergence réglemen-
taire régionale. Les évaluations des PFB mesurent les écarts par rapport aux normes
internationales dans le domaine de la supervision et de la réglementation bancaires,
et posent les jalons d’une évaluation indicative par rapport à laquelle mesurer les
progrès. Cela étant, comme nous l’avons déjà expliqué au troisième chapitre, les pays
dont les systèmes bancaires sont sous-développés et où les superviseurs font face à
des faiblesses généralisées et à des insuffisances de capacités doivent restés attentifs
à la façon dont ces normes orientent les programmes de réformes réglementaires.
Dans ces pays, tous les PFB ne sont pas d’égale importance à court terme, et l’efficacité
de la supervision peut profiter de l’ordre de priorité et d’enchaînement des efforts de
réforme, l’objectif étant de concentrer les rares ressources de supervision sur la gestion
de risques spécifiques dans les secteurs financiers respectifs et de combler les lacunes
en matière de réglementation et de supervision les plus urgentes.
Le respect des PFB est évalué dans le cadre des programmes d’évaluation du
secteur financier du FMI et de la Banque mondiale à travers le monde, qui prévoyaient
d’évaluer 18 autorités de contrôle africaines entre 2006 et 2013. Le Graphique 4.1
indique la conformité moyenne de ces 18 autorités de contrôle. Les PFB surlignés
correspondent aux six principes identifiés dans le Chapitre 3 comme les plus pertinents
pour la réglementation et la supervision des banques opérant en dehors de leurs fron-
tières : le Principe 3 (coopération et collaboration), le Principe 5 (critères d’agrément),
le Principe 7 (opérations importantes d’acquisition), le Principe 10 (déclarations aux
autorités de contrôle), le Principe 12 (contrôle sur une base consolidée), et le Principe
13 (relations entre les autorités du pays d’origine et du pays d’accueil). Il convient de
noter que la numérotation des PFB utilisée dans le Graphique 4.1 reprend l’ancienne
classification tirée de la version 2006 de ces Principes, étant donné que les évaluations
entreprises en Afrique sur cette période se fondent sur cette ancienne version.
Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique 149
Graphique 4.1 : Conformité moyenne avec les PFB en Afrique entre 2006 et 2013
Conforme
Largement
conforme
Non conforme
DE CONTRÔLE
1
1.1
1.2
1.3
1.4
1.5
1.6
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Source : Banque mondiale. Les valeurs données dans le graphique illustrent la conformité moyenne aux PFB de 18 autorités
de contrôle africaines évaluées entre 2006 et 2013 par les experts du FMI/de la Banque mondiale. Le graphique ne tient pas
compte des autoévaluations réalisées par les autorités de contrôle africaines.
• Eu égard au Principe 5 sur les conditions d’agrément, l’évaluation montre que le pays
africain médian est encore une fois largement conforme. Cette médiane masque
toutefois d’importantes disparités, seuls quatre pays sur 18 étant jugés conformes et
huit – presque la moitié de l’échantillon – largement non conformes. Ce constat cor-
robore les informations attestant que préalablement à l’octroi aux filiales de banques
transfrontalières de l’agrément de s’établir dans leur système bancaire, le processus
de consultation des superviseurs des pays d’origine entrepris par la plupart des
150 Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique
• Selon le Principe 7, qui porte sur les opérations importantes d’acquisition, les
autorités de contrôle doivent être « habilitées à approuver ou à rejeter les opérations
importantes d’acquisition ou d’investissement d’une banque au regard de critères
prudentiels définis, y compris l’établissement d’activités à l’étranger, et à vérifier que
la structure du groupe ou de l’entreprise ne l’expose pas à des risques excessifs ou
ne s’oppose pas à un contrôle efficace ». Le pays africain médian ressort là encore
largement conforme, même si seuls trois pays sont pleinement conformes. Cinq pays
ont été jugés largement non conformes.
• Sur les PFB recensés dans cette liste, le Principe 10 sur les déclarations aux auto-
rités de contrôle figure parmi les principes les plus respectés par les autorités de
contrôle évaluées. Quatorze pays ressortent conformes ou largement conformes de
l’évaluation, contre seulement quatre pays largement non conformes.
• À l’inverse, le Principe 12 sur le contrôle sur une base consolidée pose les plus
grandes difficultés aux superviseurs africains ; le pays africain médian ressortant
largement non conforme. Sur les 18 pays pour lesquels des évaluations du respect
des PFB sont disponibles, seuls trois ont été jugés pleinement conformes et deux
non conformes. Neuf pays ressortent largement non conformes de l’évaluation.
Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique 151
• S’agissant du Principe 13 sur les relations entre les autorités du pays d’origine et
du pays d’accueil, les 18 pays africains ressortent largement conformes. Même ici,
toutefois, sept pays sont jugés largement non conformes.
12
10
8
Nombre de pays
0
Coopération Critères Opérations Déclaration Contrôle sur Relations
d’agrément importantes aux autorités une base entre les
d’acquisition de contrôle consolidée autorités du
pays d’origine
et du pays
d’accueil
Conforme Largement conforme Largement non conforme Non conforme Non évalué
Source : Banque mondiale. Les valeurs données dans le graphique illustrent la conformité moyenne aux PFB de 18 autorités
de contrôle africaines évaluées entre 2006 et 2013 par les experts du FMI/de la Banque mondiale. Le graphique ne tient pas
compte des autoévaluations réalisées par les autorités de contrôle africaines.
La supervision consolidée
Rares sont les pays africains à s’être dotés de cadres réglementaires satisfaisants en
matière de supervision consolidée, une situation de plus en plus problématique alors que
plusieurs pays africains voient leur rôle gagner en importance en tant que pays d’origine
de grandes banques panafricaines. Même lorsque ces cadres sont officiellement en place,
il est essentiel d’entreprendre des actions plus ambitieuses que le simple respect des
règles qu’ils édictent pour envisager leur mise en œuvre efficace. La question de savoir
qui est supervisé en vertu de quel régime est une préoccupation centrale.
Une sous-région dans laquelle la supervision consolidée, y compris l’identification
des véritables propriétaires en dernier ressort et des intérêts à l’échelle d’un groupe,
suscite une vive inquiétude est l’UEMOA où la plupart des groupes bancaires transfron-
taliers sont gérés par des holdings commerciales, par opposition aux établissements
de crédit. Ces holdings échappent au champ d’application de la loi sur les activités ban-
caires. Alors que la Commission bancaire de l’UMOA (WBC) dispose de certains droits à
l’égard de ces holdings en tant que propriétaires d’établissements de crédit, des zones
d’ombre subsistent et les interventions de la WBC en la matière sont contestées. Bien
que les décisions de la WBC prévalent dans chacun des états membres de l’UEMOA, la
commission ne dispose que de pouvoirs limités en dehors de la région, et ce, même si
un établissement de crédit possède des filiales ou une société mère dans la zone.
De facto, la WBC supervise chaque banque sur une base individuelle au niveau des
pays, et assure le rôle de superviseur du pays d’origine même si la banque fait partie
d’un groupe. Aucune donnée consolidée n’est collectée ni encore moins analysée. Aucun
examen systématique du groupe de la holding, de sa situation et de ses opérations
financières, n’est entrepris, sauf lorsque ce groupe sollicite un agrément pour un nou-
veau membre (cf. Encadré 4.1).
Plus généralement, en raison de leur structure d’entreprise souvent complexe,
de nombreux groupes financiers sont par définition difficiles à superviser. Le groupe
sud-africain Standard Bank et le groupe FirstRand, par exemple, présentent tous les
deux des structures de holding complexes, et possèdent également de nombreuses
filiales, ce qui rend l’appréciation des risques particulièrement délicate. Plusieurs
des gros groupes financiers, y compris Standard Bank Group et Ecobank, seraient par
ailleurs soumis à d’importantes expositions intragroupe. La difficulté d’obtenir des
informations sur les expositions intragroupe complique un peu plus encore la tâche déjà
ardue de contrôler ces groupes. L’importante présence régionale de ces groupes signifie
en outre que la contagion par un de leurs pays d’implantation pourrait éventuellement
franchir les frontières.
Le Kenya compte parmi les pays ayant récemment mis à niveau leur dispositif de
supervision consolidée des activités bancaires. En collaboration avec les autres régula-
teurs kenyans et les régulateurs des pays d’accueil d’Afrique de l’Est, la Banque centrale
154 Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique
Les protocoles d’accord se multiplient autant dans la région qu’entre les supervi-
seurs des pays d’accueil de la région et les superviseurs des pays d’origine en dehors
de la région. On dénombre au moins 30 protocoles d’accord bilatéraux entre les contrô-
leurs bancaires africains, plus de 20 protocoles d’accord bilatéraux avec des pays en
dehors de l’Afrique, et plus d’une douzaine de nouveaux protocoles d’accord en cours de
préparation. Il existe en outre plusieurs protocoles d’accord multilatéraux, dont un entre
les pays de la CAE (plus amplement présenté plus bas) et un dans la Zone monétaire
de l’Afrique de l’Ouest (ZMAO) entre le Nigeria, le Ghana, la Sierra Leone, la Gambie et
le Liberia. Même lorsque ces protocoles existent, il n’est pas rare qu’aucune entente
officielle régissant la fréquence et les méthodes de communication ne soit en place.
Plus grave encore, ces protocoles d’accord ne couvrent qu’une infime partie des liens
bancaires transfrontaliers.
Preuve de l’inefficacité de de cette couverture, la Commission bancaire de l’UE-
MOA n’a conclu que cinq protocoles d’accord avec d’autres superviseurs, alors que
les banques transfrontalières de l’Union sont présentes dans 30 pays. Des accords
de coopération bilatérale ont été conclus avec les autorités de contrôle de France, du
Maroc, du Nigeria, de la Guinée et de la CEMAC. Il reste toutefois 19 pays concernés
avec lesquels la WBC n’a établi aucune forme officielle ou officieuse de collaboration.
Il convient toutefois de noter que les autorités de contrôle africaines ont considéra-
blement progressé dans leurs efforts pour combler les vides dans la couverture des
protocoles d’accord ces dernières années.
Dans la région SADC, les protocoles d’accord bilatéraux constituent le principal
mécanisme permettant de faciliter l’échange d’informations. On recense neuf protocoles
d’accord dont les deux pays signataires sont membres de la SADC. L’Afrique du Sud a par
ailleurs conclu des protocoles d’accord avec trois autres pays africains et onze pays en
dehors de l’Afrique, et l’Île Maurice avec sept autorités de contrôle non africaines. Plus
important encore, la grande majorité des protocoles d’accord de la SADC n’abordent pas
la question de la résolution des problèmes d’insolvabilité des établissements transfron-
taliers. La Banque centrale de l’Île Maurice n’a commencé à intégrer ce type de disposi-
tions dans ses protocoles d’accord que très récemment (avec, par exemple, les autorités
du Malawi et de l’Inde). L’Afrique du Sud ne s’est pas encore dotée d’une stratégie de
résolution des faillites transfrontalières, et, pour l’heure, cherche en réalité à renforcer
son cadre juridique qui régit la résolution de l’insolvabilité et des faillites bancaires – une
démarche visant dans un premier temps à établir un cadre de résolution coordonné en
cas de défaillances des structures de groupe du secteur financier sud-africain. Les auto-
rités de la SADC ne semblent pas particulièrement disposées à envisager de transférer
une partie de leurs pouvoirs à une institution régionale, au motif que cette étape doit être
précédée d’une plus grande harmonisation juridique et réglementaire.
156 Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique
Les collèges de superviseurs réunissent les superviseurs des pays où une banque
transfrontalière particulière exerce des activités, et sont généralement convoqués à
l’initiative du superviseur du pays d’origine. La question du recours aux collèges de
superviseurs en Afrique doit se poser à la lumière de la distinction suivante : participation
des superviseurs africains aux collèges créés par les superviseurs de pays d’origine en
dehors du continent, d’une part, et collèges de superviseurs au sein du continent, d’autre
part. Si les collèges de superviseurs des grandes banques transfrontalières non africaines
existent depuis un certain temps, peu de superviseurs africains y prennent part – essen-
tiellement parce qu’ils n’y sont pas conviés. Cette absence confirme le peu d’importance
que portent les banques mères et donc les superviseurs de leur pays d’origine à leurs
filiales. Rares sont les exemples d’une participation africaine aux collèges de supervi-
seurs portant sur des banques non africaines. Citons notamment la participation de la
Banque de l’Île Maurice aux collèges de la State Bank of India, de Bank of Baroda, de
Deutsche Bank, de HSBC, de Standard Chartered, de Barclays Bank plc, et de la banque
sud-africaine Standard Bank. La Banque centrale d’Afrique du Sud participe au collège de
superviseurs de Barclays, ce qui n’a rien de surprenant sachant que Barclays Africa Group
constitue un puissant levier de croissance de Barclays, ainsi qu’à celui de China Construc-
tion Bank. Autre exemple, la participation de la Banque du Mozambique au collège du
groupe portugais Portuguese Grupo Banco Comercial Portugues.
Si les collèges de superviseurs pour les banques transfrontalières africaines ne
cessent de se multiplier, souvent sous l’impulsion des protocoles d’accord, il reste
encore beaucoup à faire. Le Kenya s’est attelé à la mise en place d’un collège pour ses
plus importantes banques transfrontalières. Pionnière dans les initiatives pour gérer
les risques bancaires sur une base consolidée, la Banque centrale du Kenya a conclu un
protocole d’accord avec d’autres autorités de réglementation kenyanes (dans les secteurs
de l’assurance, des marchés de capitaux et des retraites) en 2009. Elle prévoit d’institu-
tionnaliser la coopération avec les superviseurs des pays d’origines compétents, et le
Centre régional d’assistance technique en Afrique de l’Est du FMI l’assiste dans l’établis-
sement de collèges de superviseurs. Le premier, le collège de superviseurs pour la Kenya
Commercial Bank, a été créé à Nairobi en octobre 2012. D’autres devraient suivre dans un
proche avenir.
Pour l’heure, les seuls collèges de superviseurs en place dans la SADC sont les deux col-
lèges pour la Mauritius Commercial Bank et la State Bank of Mauritius, convoqués pour la
première fois fin 2013, et le collège pour la banque sud-africaine Standard Bank. Au sein de
la CEDEAO, les gouverneurs des banques centrales et les régulateurs se réunissent réguliè-
rement pour discuter de l’harmonisation réglementaire et échanger leurs expériences.
Bien que des progrès aient été réalisés dans l’établissement de collèges de supervi-
seurs au sein de la région formée par la Zone monétaire de l’Afrique de l’Ouest (ZMAO),
Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique 157
les résultats sont pour le moment plutôt parcellaires. Si la ZMAO s’est dotée d’un « col-
lège de superviseurs » général qui se réunit régulièrement, cette instance n’en demeure
pas moins générique et la participation se caractérise davantage par la représentation
des pays que par celle de banques individuelles. Ce collège cherche plus à améliorer la
coordination, la coopération et l’échange d’informations entre les superviseurs au sein
de la ZMAO en général qu’à renforcer la supervision d’une banque en particulier. Le
problème tient ici à la capacité de faire coïncider ou non l’implantation géographique des
banques actives dans la ZMAO avec la composition du collège à l’échelle de la ZMAO. Pour
le moment, il n’existe aucun collège de superviseurs spécifique pour les banques nigé-
rianes ayant des filiales étrangères, ni même pour Ecobank dont le siège est situé au Togo
et qui possède des filiales dans tout le continent. Dans ces conditions, les superviseurs
disposent de peu de moyens pour vérifier les informations portant sur les mouvements de
liquidités au sein du groupe et les flux de capitaux transfrontaliers. Alors que les sociétés
mères peuvent estimer que leurs filiales ne sont pas d’importance systémique, celles-ci
peuvent pourtant revêtir une importance systémique dans les pays d’accueil comme la
Sierra Leone, le Ghana et le Liberia où elles sont implantées. Conscientes de l’intérêt
commun de gérer les risques dans les pays d’origine/d’accueil, la Banque centrale du
Nigeria et les banques centrales des pays d’accueil concernés ont entamé des examens
conjoints des banques nigérianes dans les pays d’Afrique de l’ouest (Gambie, Ghana,
Guinée et Sierra Leone).
Il ressort, d’une manière générale, que la mise en œuvre dans la pratique ne suit pas
les ententes officielles, qui elles-mêmes n’offrent pas de bases suffisantes pour l’instau-
ration d’une supervision efficace des banques transfrontalières en Afrique. Les facteurs
culturels et historiques peuvent compliquer la coopération entre certains pays ou au sein
de sous-régions. C’est le cas, notamment, de la coopération avec l’Afrique du Sud, essen-
tiellement pour des raisons historiques liées au régime de l’apartheid. Cela étant, se pose
également la question de la taille asymétrique et, partant, de l’importance économique,
comme dans le cas du Kenya vis-à-vis de ses voisins, ou du Nigeria par rapport à d’autres
pays du continent, qui est cruciale dans la détermination de l’importance significative des
activités dans le pays d’accueil pour la banque mère.
Il est de plus en plus admis que des cadres de résolution efficaces sont essentiels
non seulement pour faire face aux crises bancaires à la fois spécifiques et systémiques,
mais aussi pour peser sur la prise de risque des établissements financiers en temps
normal. Pour autant, rares sont les pays africains à s’être dotés d’un cadre de résolution
des faillites bancaires distinct, et dans la plupart des pays, ce sont soit les superviseurs,
soit les tribunaux qui ont la possibilité d’intervenir dans les affaires bancaires (Beck et
al., 2011). Même en Afrique du Sud, les superviseurs doivent obtenir l’aval du ministre
158 Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique
des Finances avant de pouvoir intervenir auprès d’une banque. Le flou juridique en
termes de pouvoirs d’intervention et, plus grave encore, l’absence d’un cadre limpide
pour la résolution des problèmes des banques en difficulté sapent non seulement la
discipline du marché, mais aussi l’indépendance de contrôle vis-à-vis des banques.
Les programmes nationaux doivent donc prévoir de remédier en priorité à l’absence de
cadre juridique approprié pour prendre en charge les banques en difficulté.
Il est par ailleurs nécessaire d’établir et d’éprouver des mécanismes d’intervention
efficaces en cas de crise. Plusieurs pays de la région, y compris l’Afrique du Sud, la
Namibie et l’Ouganda, ont entrepris de revoir tous les aspects de leur cadre de gestion
de crise et de résolution des faillites bancaires. Certains pays ont réalisé des exer-
cices de simulation de crise, qui ont fourni à leur tour un bon point de départ pour une
planification plus systématique des situations de crise. Comme évoqué à la section 3.4,
les améliorations apportées à la résolution des faillites bancaires sur le plan national
devraient servir de base au renforcement de la coopération transfrontalière sur la pré-
paration aux crises.
Les efforts du continent africain pour créer des organisations et des plateformes de
collaboration sous-régionales sont nombreux, et les adhésions souvent redondantes.
L’expérience de la collaboration au sein de ces blocs fait apparaître des disparités. Dans
certains cas, frustrés par la lenteur des changements, des groupes de pays appartenant
à ces blocs tentent d’instaurer une collaboration plus étroite, alors que dans d’autres,
les pays préfèrent prendre leurs distances à l’égard d’une collaboration plus poussée.
La SADC compte deux institutions régionales qui servent de forums de coordination
sur la coopération réglementaire au-delà des frontières : le Comité des gouverneurs
des banques centrales (CGBC) et la Sous-commission des superviseurs bancaires de la
SADC (SCSB). Alors que le CGBC a été établi aux fins générales d’encourager le proces-
sus de coopération et d’intégration économique régionale, la SCSB a été spécifiquement
créée en 2005 pour s’atteler à la coordination des activités de supervision bancaire.
La SCSB a été instaurée sur la base du Protocole sur la finance et l’investissement,
et plus particulièrement de son Annexe 8 qui « vise à faciliter l’application efficace de
normes réglementaires et de supervision internationales aux systèmes bancaires de la
région, et [à] harmoniser les questions de réglementation et de supervision des activités
bancaires dans les états membres ». La SCSB, qui comprend deux représentants de
la supervision bancaire de chaque banque centrale de la SADC, se réunit une ou deux
fois par an pour mettre en œuvre le programme de travail approuvé par le CGBC. Les
principales initiatives du CGBC et de la SCSB portent sur l’harmonisation des normes
réglementaires, et prévoient de (a) concevoir une plateforme informatique destinée à
promouvoir l’harmonisation de la supervision bancaire, (b) rédiger une Loi type sur la
Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique 159
banque centrale, et (c) rédiger une Loi type sur les systèmes de paiement et une autre
sur la réglementation bancaire.
Si des progrès ont manifestement été réalisés, les pays de la SADC se trouvent à des
stades très différents du processus d’adoption des meilleures pratiques internationales
en matière de supervision bancaire. Difficile d’imaginer que le superviseur d’un pays
d’origine/d’accueil comme l’Afrique du Sud ou l’Île Maurice se sente rassuré à l’idée
de dépendre d’informations en provenance d’un pays qui s’efforce encore d’appliquer
l’accord de Bâle I, qui n’observe pas les Normes internationales d’information financière
(IFRS), et qui ne respecte pas plusieurs des PFB pertinents. Parallèlement, le supervi-
seur d’un tel pays d’accueil pourrait éprouver des difficultés à analyser et à intégrer les
informations d’un pays d’origine doté d’une cadre de supervision plus avancé.
L’Application de la supervision bancaire (ASB) est un autre exemple d’initiative
régionale en faveur de l’harmonisation de la supervision bancaire. Proposée à l’origine
par le Groupe de superviseurs bancaires de l’Afrique orientale et australe (ESAF), l’ASB
a été développée avec le concours du CGBC entre 2002 et 2003. D’abord hébergée par
la Banque centrale d’Afrique du Sud à Pretoria, l’ASB a depuis été transférée à Maputo.
L’ASB fait office de plateforme générique pour tout un ensemble de fonctions de super-
vision bancaire comme l’octroi d’agréments, la supervision sur place et sur pièces,
la mise à jour des bases de données prudentielles, et les mesures d’exécution. L’ASB
facilite la saisie et la validation informatiques des informations fournies par les banques
commerciales et d’autres établissements financiers soumis à des obligations de décla-
ration. Elle facilite également les évaluations prudentielles, y compris l’évaluation de la
conformité aux PFB. L’ASB a été adoptée par tous les membres de la SADC, à l’exception
du Botswana, de l’Île Maurice, des Seychelles et de la Tanzanie.
Un des principaux obstacles au renforcement de l’intégration financière à l’échelle
de la région réside dans la multiplicité des modèles législatifs et institutionnels mis en
place par les états membres de la SADC. La Loi type de la SADC sur la banque centrale
a été approuvée par les ministres des finances de la SADC en juillet 2009. Du point
de vue du renforcement de la supervision transfrontalière, les dispositions les plus
importantes sont sans doute celles qui établissent l’autonomie juridique et opération-
nelle de la Banque centrale. En l’absence d’indépendance à la fois de jure et de facto,
les ingérences politiques risquent de réduire à néant les efforts d’harmonisation de
la supervision bancaire. Le CGBC a rappelé que le processus d’élaboration d’une Loi
type que toutes les parties pourraient adopter était plus difficile que prévu. Il s’est par
ailleurs avéré compliqué de définir un calendrier de mise en conformité, dans la mesure
où chaque pays était autorisé à travailler à son propre rythme (GIZ, 2012c).
En Afrique orientale, l’histoire coloniale commune (dans le cas des trois premiers
membres, à savoir le Kenya, la Tanzanie et l’Ouganda), ainsi que l’étroite coopéra-
tion entre les différentes banques centrales, facilitent le processus d’intégration
réglementaire. L’objectif d’une zone monétaire commune fait par ailleurs peser
160 Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique
des exigences d’intégration réglementaire plus grandes encore que dans les autres
sous-régions. Parallèlement, cette intégration offre également la possibilité de tirer
parti du renforcement de l’approfondissement et de la concurrence du secteur finan-
cier au sein de la CAE.
La coopération transfrontalière entre les banques centrales en matière de régle-
mentation et de supervision bancaire s’inscrit dans le cadre d’un programme de
coopération plus vaste qui intègre également les politiques monétaires et de taux de
change. L’article 85 du Traité de la CAE (sur le développement du secteur bancaire et
du marché des capitaux) prévoit plus particulièrement le développement et l’intégra-
tion de marchés financiers et les cadres juridiques et réglementaires correspondants
préalablement à l’établissement à long terme de l’Union monétaire est-africaine
(UMEA). Plusieurs alinéas de cet article renvoient directement aux questions de la
réglementation et de la supervision bancaires et appellent notamment à l’harmonisa-
tion des lois bancaires (alinéa b), ainsi qu’à l’harmonisation des cadres réglementaires
et législatifs et des structures réglementaires (alinéa d). Alors que le programme
d’intégration du marché financier ne se limite pas à l’activité bancaire et englobe
également les marchés de capitaux et les secteurs de l’assurance et des retraites,
le secteur bancaire figure naturellement parmi les grandes priorités du programme,
compte tenu de son importance au sein des systèmes financiers des pays de la CAE
et du rôle des banques centrales en tant que moteurs de ce processus d’intégration.
La CAE a par la suite pris plusieurs mesures pour institutionnaliser la coopération en
matière de supervision entre les cinq pays membres.
Établie en 1977 et composée des banques centrales des états membres, la
Commission des affaires monétaires (CAM) s’inscrit au cœur de la coopération en
matière de supervision à l’échelle de la région. Elle a pour principale mission de faire
progresser la mise en œuvre des décisions prises par la CAE jusqu’à atteindre la
pleine intégration visée des états membres. Participent aux réunions de la CAM les
gouverneurs des banques centrales, ainsi que les représentants de divers services
de ces banques centrales, parmi lesquels les services de supervision. Ces réunions
sont l’occasion d’aborder un vaste éventail de domaines et de thèmes, y compris la
politique monétaire, la réglementation bancaire et l’inclusion financière. Ces réunions
sont préparées par des groupes de travail au niveau des cinq banques centrales, qui
assurent également les tâches de suivi au niveau technique.
Les banques centrales de la CAE ont en outre signé un protocole d’accord multi-
latéral en 2008 en vue de faciliter la collaboration dans les activités de supervision
et d’échange d’informations, l’objectif étant de renforcer l’intégration financière
régionale. Ce protocole d’accord a facilité le renforcement de la coopération entre les
autorités de la CAE, y compris la réalisation d’inspections conjointes sur place des
banques et les possibilités de formation. Cela étant, le protocole d’accord n’aborde
pas les questions liées à la gestion de crise. Il convient par ailleurs de noter que les
Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique 161
4.2 Conclusion
Étant donné le fort niveau d’agrégation, les recommandations générales qui suivent
doivent être différenciées et adaptées au contexte spécifique de chaque pays et tenir
compte des disparités importantes entre les cadres réglementaires, les besoins de
stabilité sur le continent, et le niveau d’intégration et d’harmonisation réglementaire
au sein des sous-régions. Elles doivent enfin être ajustées en fonction de l’intensité des
liens bancaires transfrontaliers entre les paires de pays et au sein des sous-régions.
Le tableau ci-après (Tableau 5.1) synthétise ces différents champs d’action politique
en fonction de trois objectifs politiques et de trois niveaux décisionnels. Les trois objec-
tifs politiques sont les suivants : (a) mettre à profit les avantages offerts par les activités
bancaires transfrontalières, (b) protéger l’économie réelle et le secteur financier contre
les risques liés aux activités bancaires transfrontalière, et (c) se préparer à faire face
aux répercussions transfrontalières de la fragilité bancaire spécifique et systémique. Au
chapitre des décisions, le tableau distingue les actions politiques prises (a) au niveau
national, (b) au niveau bilatéral ou sous-régional, souvent représenté par les commu-
Chapitre 5 : Quel avenir pour la coopération réglementaire transfrontalière en Afrique ? 165
que les objectifs en question sont étroitement liés. Ainsi, par exemple, les avantages des
activités bancaires transfrontalières ne peuvent se concrétiser que dans un environ-
nement financier stable s’accompagnant de pratiques fiables de gestion de crise et de
résolution des faillites bancaires. D’où le risque de chevauchement, dans la mesure où
certaines politiques en matière de réglementation et de supervision peuvent poursuivre
plusieurs objectifs à la fois sur les trois recensés plus haut.
Si l’Afrique tire parti des gains de productivité et des innovations apportés par les
banques transfrontalières, le continent devrait bénéficier de manière substantielle des
activités bancaires transfrontalières en termes d’approfondissement financier et de
rayonnement accru auprès des populations jusque-là non bancarisées. En Afrique, les
banques dégagent des marges considérables – une situation qui tient essentiellement au
niveau élevé des frais généraux et des profits – alors que les pressions pour renforcer l’ef-
ficacité ne sont pas encore assez fortes. Les responsables politiques devraient donc cher-
cher à identifier en priorité des moyens de multiplier et d’exploiter les avantages offerts
par les activités bancaires transfrontalières pour qu’ils profitent plus largement aux PME
et aux ménages, plutôt qu’aux grandes entreprises clientes de banques transfrontalières
dont le modèle économique est certes rentable, mais relativement restreint.
Tout un arsenal de mesures politiques pourrait être déployé pour renforcer l’enga-
gement des banques étrangères et les inciter à s’impliquer dans le processus d’ap-
profondissement du secteur financier. Nombre de ces mesures sont indispensables
à l’approfondissement de ce secteur, comme notamment renforcer la structure
financière de façon uniforme dans les pays qui partagent des liens transfrontaliers
forts. S’agissant des activités bancaires transfrontalières, l’accent devrait être mis sur
l’amélioration de la comparabilité des informations sur le crédit entre les pays ; l’amé-
lioration de l’efficacité des systèmes de paiement, plus particulièrement les systèmes
ayant trait aux paiements de masse transfrontaliers et au traitement des flux d’envois
de fonds effectués par les migrants ; le renforcement de la reconnaissance mutuelle des
procédures d’enregistrement des droits de propriété et des droits afférents aux sûretés
pour la saisie des sûretés ; l’amélioration de l’éducation financière ; et la mise à dispo-
sition d’informations comparables pour le consommateur. Les services proposés par les
banques étant extrêmement différenciés, dissocier les coûts et les avantages réels des
offres groupées peut contribuer à renforcer la concurrence entre les banques tout en
constituant un élément clé de la protection des consommateurs. Si de nombreux pays
africains doivent encore faire évoluer leurs infrastructures financières particulièrement
rudimentaires, la meilleure façon de procéder serait d’entreprendre ces mises à niveau
de manière coordonnée au sein des sous-régions comme c’est déjà le cas dans cer-
taines communautés économiques régionales. Les clients des banques tireraient ainsi
Chapitre 5 : Quel avenir pour la coopération réglementaire transfrontalière en Afrique ? 167
profit des gains de productivité résultant d’une concurrence renforcée entre les banques
nationales et transfrontalières, elle-même engendrée par une meilleure infrastructure
financière régionale.
D’autres politiques sont plus étroitement liées à l’amélioration des prestations propo-
sées par les banques étrangères. Le modèle de développement des activités bancaires
transfrontalières traditionnellement observé en Afrique – c’est-à-dire celui de banques
qui accompagnent leur clientèle de grandes entreprises dans leur expansion à l’étranger
- n’incite pas particulièrement les banques à s’engager dans les pays d’accueil. Dans de
nombreux cas, les réseaux de filiales et de succursales bancaires sont peu développés, et
les banques sont obligées de syndiquer leurs prêts ou, plus vraisemblablement, d’inscrire
les prêts à leurs clients les plus importants dans leurs bilans du pays d’origine – une
pratique appelée « suitcase banking ». Compte tenu plus particulièrement du manque
relatif de profondeur de la plupart des secteurs bancaires africains, il existe un potentiel
d’amélioration considérable du transfert de savoir-faire, de technologies de l’informa-
tion, d’infrastructure et de compétences en gestion des risques en ce qui concerne les
services et produits bancaires de détail visant les populations à faibles revenus et adaptés
aux petits épargnants et aux petites entreprises. L’expérience montre que les banques
qui ont développé avec succès ce type de compétences et de produits bancaires sur leur
marché domestique sont mieux à même d’y parvenir à l’étranger. Face à ces défis, les
autorités africaines auraient tout intérêt à promouvoir l’approfondissement du marché et
à renforcer la concurrence et l’innovation, en encourageant l’établissement de banques
qui ont déjà proposé des produits et des services bancaires aux segments de marché
mal desservis et qui peuvent attester de leur réussite en s’appuyant sur des modèles
économiques qui ont déjà fait leurs preuves.
Les autorités pourraient également envisager d’adopter des modèles bancaires
davantage intégrés reposant sur un cadre solide de supervision consolidée, des circuits
d’échanges d’informations clairement établis et performants entre les superviseurs
des pays d’origine et des pays d’accueil, et des cadres de résolution bancaire trans-
frontaliers efficaces. Ces modèles contribueraient également à réduire un peu plus les
coûts liés à l’exploitation. Les banques se développant hors de leur marché national en
Afrique doivent presque invariablement créer non seulement des filiales autonomes,
mais aussi déployer des fonctions informatiques au niveau local, recourir essentiel-
lement à la main-d’œuvre locale et mettre en place des fonctions de direction locales
indépendantes (telles que des organes de direction et des outils de gestion de crise).
Cette « forteresse bancaire » va directement à l’encontre de l’objectif consistant à tirer
profit des avantages économiques potentiels de l’approfondissement du secteur finan-
cier associé aux activités bancaires transfrontalières.
Les modèles bancaires plus intégrés permettraient notamment de réaliser des éco-
nomies significatives dans un secteur traditionnellement à coût élevé et pourraient en
faire une activité rentable et donc attrayante permettant de fournir des services finan-
168 Chapitre 5 : Quel avenir pour la coopération réglementaire transfrontalière en Afrique ?
ciers à un plus large éventail de clients. Les politiques qui encouragent les modèles
bancaires plus intégrés pourraient, par exemple, prévoir de réduire la complexité et la
durée du processus d’octroi des agréments, de réduire les exigences de fonds propres
initiaux pour les filiales de banque (en définissant des exigences qui augmentent au
même rythme que l’engagement commercial de la banque étrangère et que ses exposi-
tions aux risques), de réduire ou de supprimer les exigences en matière de création de
nouvelles succursales le cas échéant (laisser, par exemple, le soin aux banques de déci-
der de la structure et de la sécurité de leurs locaux), encourager la pleine mobilité de
la main-d’œuvre (transfert de compétences), encourager le recours à des plateformes
informatiques communes et centralisées tant pour le fonctionnement interne que
pour la fourniture de services aux clients (par exemple, les DAB, les services de cartes
bancaires et la banque en ligne), et favoriser la mise en place de systèmes centralisés
d’audit et de gestion des risques. Ces éléments contribueront à renforcer l’efficacité de
la fourniture de services bancaires et offriront une plateforme permettant d’intensifier
l’approfondissement du secteur financier. Les zones réglementaires formellement inté-
grées, telles que les unions monétaires de l’Afrique centrale et de l’ouest, notamment,
pourraient plus particulièrement envisager de passer d’un dispositif de filiales auto-
nomes vers un dispositif de filiales plus intégrées voire vers un dispositif de succur-
sales - si certaines conditions préalables sont réunies, comme la supervision sur une
base consolidée et la délégation des pouvoirs d’octroi d’agréments et d’intervention aux
superviseurs bancaires supranationaux.
Par ailleurs l’harmonisation réglementaire pourrait contribuer à réduire l’incer-
titude pesant sur la prévisibilité et l’homogénéité de la mise en œuvre, à diminuer de
manière significative les coûts de conformité dans la région, et à améliorer les normes
dans des environnements plus concurrentiels. L’harmonisation réglementaire est un
projet ambitieux, et il importe de veiller à concentrer les efforts de convergence sur
les problématiques clés notamment dans des environnements pâtissant de graves
contraintes de capacités. L’ordre de priorité et d’enchaînement est essentiel, et il
convient de mettre l’accent sur les domaines politiques dont l’harmonisation est un
élément essentiel du programme d’intégration. Par exemple, dans un environnement où
le risque de crédit constitue le principal facteur de risque, l’établissement des priorités
mettra vraisemblablement l’accent sur les critères de classification des pertes sur prêts
et des besoins de provisionnement. Cela étant, parvenir à une entente sur une harmoni-
sation efficace mobilise d’importantes capacités techniques, même dans ces domaines.
L’harmonisation de la classification des pertes sur prêts et des besoins de provision-
nement exige également des superviseurs qu’ils coordonnent les politiques en matière
de reconnaissance des sûretés, de pratiques d’évaluation et de critères d’éligibilité aux
prêts de restructuration.
Il est important que les responsables politiques tirent parti de la complémenta-
rité entre les programmes nationaux et sous-régionaux en promouvant l’efficacité
Chapitre 5 : Quel avenir pour la coopération réglementaire transfrontalière en Afrique ? 169
rôle décisif dans l’instauration d’un dialogue politique régional et dans la mise en place
d’un programme de consolidation des capacités, la coopération au jour le jour devra
être mise en œuvre au niveau bilatéral voire au niveau de petits groupes ciblant des éta-
blissements transfrontaliers particuliers. La CSBA peut néanmoins s’imposer comme
vecteur stratégique d’échange d’idées et d’expériences et de convergence vers l’établis-
sement de normes internationales communes tout en facilitant le développement de
cadres réglementaires adaptés au continent africain et en servant de point de départ à
une coopération plus étroite entre pays ou pour une banque donnée.
5.2 Perspectives
(ii) Les données prudentielles comprenant le capital, les liquidités, les prêts non pro-
ductifs, le taux de provisionnement, la part des prêts rééchelonnés et d’autres indi-
cateurs de la qualité des actifs, le niveau global de fonds propres, le ratio des actifs
liquides sur passifs liquides, les ratios des prêts sur dépôts, autrement dit, le type
de données régulièrement publiées par les autorités de contrôle dans les marchés
développés. Ces informations faciliteraient l’élaboration de méthodologies de nota-
tion/d’évaluation des filiales les plus significatives des banques transfrontalières
et pourraient être utilisées dans l’appréciation des profils de risque sur une base
consolidée.
(iii) Les informations qualitatives sur les cadres réglementaires requises pour
interpréter et établir des comparaisons valables entre les données prudentielles
issues de différentes juridictions, y compris le cadre réglementaire utilisé (Bâle I,
II, III ou les composantes de ces différents cadres) et les définitions sous-tendant
les données prudentielles clés (définition du capital, des prêts non productifs, des
règles de classification du niveau de provisionnement et des prêts).
(iv) Les informations sur le marché qui alerteraient les superviseurs des pays d’ori-
gine et d’accueil sur les risques liés aux activités transfrontalières des banques.
Ces informations pourraient être compilées sous la forme de rapports sur les
risques pays, comme notamment des notations des risques, et pourraient être
utilisées pour encourager les autorités du pays d’origine à dresser les profils de
risque des banques sur une base consolidée.
29 Bank Al-Maghrib, la banque centrale marocaine, est pour l’heure la seule banque centrale d’un pays d’origine à encou-
rager activement l’échange d’informations suivant les recommandations susmentionnées pour les banques engagées
dans des activités transfrontalières dont elle assure la supervision.
Chapitre 5 : Quel avenir pour la coopération réglementaire transfrontalière en Afrique ? 175
Sources de données
Les données utilisées dans ce rapport proviennent de diverses sources, parmi les-
quelles :
• des études régionales non publiées sur la supervision bancaire transfrontalière dans
quatre régions africaines (SADC, UMOA, CAE et CEDEAO) réalisées par GIZ dans le
cadre de la rédaction de ce rapport ;
• des informations fournies par les banques centrales africaines (rapports sur la
supervision bancaire/rapports sur la stabilité financière, données tirées de sites
Internet) ;
• des informations transmises par des banques commerciales (rapports annuels, états
financiers, sites Internet) ;
• des rapports de la Banque mondiale et du FMI ;
• et la base de données sur l’actionnariat des banques (Claessens et van Horen, 2014),
qui compile des informations sur l’actionnariat bancaire sur la période 1995-2009
pour plus de 5 300 banques présentes dans 137 pays ; la base de données sur les
cadres réglementaires (AfDB 2010) et la base de données sur la réglementation et le
contrôle bancaires de la Banque mondiale (2012) qui comprend des informations sur
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