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Les activités bancaires transfrontalières

au service de l’Afrique
Thorsten Beck, Michael Fuchs, Dorothe Singer et Makaio Witte
Les activités bancaires
transfrontalières
au service de l’Afrique
Thorsten Beck, Michael Fuchs, Dorothe Singer et Makaio Witte
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Conception et mise en page : Iris Christmann, Wiesbaden

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Le présent ouvrage a été produit par le personnel de l’Association des Banques Centrales Africaines, le
Ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement, la Banque internationale
pour la reconstruction et le développement / Banque mondiale. Les résultats, interprétations et conclusions
exprimés dans ce document ne reflètent pas nécessairement les opinions des banques centrales membres
de l’Association des Banques Centrales Africaines, ni celles du Ministère fédéral allemand de la Coopération
économique et du Développement ou de la Banque mondiale, de son conseil d’administrateurs ou des
gouvernements qu’ils représentent. Les organisations ne garantissent pas l’exactitude des données figurant
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e-mail : makaio.witte@giz.de.

ISBN : 978-3-944152-39-4.

© 2014 Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) GmbH, Banque internationale
pour la reconstruction et le développement / Banque mondiale et le Partenariat Making Finance Work
for Africa (MFW4A)
Sommaire 5

Sommaire

Liste des Encadrés 7


Liste des Graphiques 7
Liste des Tableaux 8
Liste des Acronymes 9
Remerciements 11
Préface 13
Synthèse 15

Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières


en Afrique 26
1.1 Développement du secteur financier en Afrique 28
1.2 L’expansion des banques transfrontalières 30
1.3 Les raisons du développement transfrontalier 55
1.4 Les modèles économiques des banques transfrontalières 60
1.5 Conclusion 65
Annexe : Liste des banques transfrontalières en Afrique 66

Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques 74


2.1 La théorie 75
2.2 La donne internationale 79
2.3 Implications des expériences mondiales pour l’Afrique 93

Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières 


et à l’aide de quels instruments ? 100
3.1 Pourquoi une coopération réglementaire transfrontalière ? 101
3.2 Les normes internationales comme référence pour la coopération
réglementaire transfrontalière 111
3.3 Les outils et instruments de la coopération réglementaire
transfrontalière 119
3.4 Au-delà d’une coopération « au beau fixe » : les nouvelles formes
de la coopération réglementaire 125
3.5 La coopération réglementaire transfrontalière en présence
de disparités entre les pays 135
3.6 Conclusion 138
6 Sommaire

Chapitre 4 : Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière


de réglementation et de supervision en Afrique 140
4.1 L’intégration financière au service de l’approfondissement
financier : les choix stratégiques qui s’offrent aux autorités
réglementaires 141
4.2 La coordination entre régulateurs africains : pratiques actuelles
et défis immédiats 147
4.2 Conclusion 162

Chapitre 5 : Quel avenir pour la coopération réglementaire transfrontalière


en Afrique ? 164
5.1 Recommandations de politiques générales 164
5.2 Perspectives 173

Sources de données 177


Bibliographie 178
Liste des Encadrés / Liste des Graphiques 7

Liste des Encadrés

Encadré 1.1 : Définitions 27


Encadré 1.2 : Barclays Africa Group est-il sud-africain ou britannique ? 35
Encadré 1.3 : Une banque internationale d’un nouveau genre en Afrique :
les opérations de Rabobank 37
Encadré 1.4 : Bref historique du secteur bancaire en Afriquea 40

Encadré 1.5 : Access Bank, un contrepoint à l’expansion des banques


transfrontalières africaines 57
Encadré 1.6 : Tour d’horizon des principales banques panafricaines basées
en Afrique 63
Encadré 2.1 : Économies d’échelle 83
Encadré 2.2 : Exemples de banques transfrontalières servant le segment inférieur
du Marché 90
Encadré 3.1 : Structures complexes et régulation des banques transfrontalières :
les leçons du passé 102
Encadré 3.2 : Le cadre évolutif du Comité de Bâle pour le contrôle bancaire
transfrontalier 113
Encadré 3.3 : Dans quelle mesure les normes bancaires internationales sont-elles
pertinentes dans le contexte africain ? 117
Encadré 3.4 : Accord de coopération entre les pays nordiques et les États baltes
portant sur la stabilité financière, la gestion de crise et la résolution
des faillites transfrontalières 129
Encadré 3.5 : L’initiative de coordination de la Banque européenne
dite « Initiative de Vienne » (ICBE) 133
Encadré 4.1 : Des responsabilités partagées au sein l’UEMOA 154

Liste des Graphiques

Graphique 1.1 : Nombre et part des banques étrangères en Afrique entre 1995 et 2009 31


Graphique 1.2 : Participation des banques étrangères par région entre 1995 et 2009 32
Graphique 1.3 : Part des actifs détenus par des banques étrangères en Afrique en 2011 34
Graphique 1.4 : Implantation géographique des principales banques internationales
en Afrique en 2013 38
Graphique 1.5 : Développement transfrontalier des groupes financiers africains
au fil du temps entre 1990 et 2013 44
8 Liste des Graphiques / Liste des Tableaux

Graphique 1.6 : Couverture géographique des principales banques africaines


en Afrique en 2013 45
Graphique 1.7 : Part des actifs dans les systèmes bancaires des pays d’accueil (%)
d’une sélection de banques africaines en 2011 49
Graphique 1.8 : Part des actifs dans les systèmes bancaires des pays d’accueil (%)
d’une sélection de banques internationales en 2011 52
Graphique 1.9 : Liens de propriété des banques africaines 53
Graphique 1.10 : Liens de propriété des banques internationales en Afrique 54
Graphique 2.1 : Différentiels de taux d’intérêt dans la CAE par structure de propriété
des banques étrangères et nationales en 2012 81
Graphique 3.1 : Défaillances bancaires et interventions dans une sélection de pays 106
Graphique 4.1 : Conformité moyenne avec les PFB en Afrique entre 2006 et 2013 149
Graphique 4.2 : Conformité avec une sélection de PFB pertinents pour la supervision
bancaire transfrontalière en Afrique entre 2006 et 2013 151

Liste des Tableaux

Tableau 1.1 : Liste des principales banques transfrontalières internationales


en Afrique 39
Tableau 1.2 : Liste des principales banques transfrontalières africaines 47
Tableau 1.3 : Liste des banques transfrontalières en Afrique 66
Tableau 5.1 : Cadre analytique des actions politiques 165
Liste des Acronymes 9

Liste des Acronymes

ABCA Association des Banques Centrales Africaines


AEP Région Asie de l’Est et Pacifique
AfDB Banque africaine de développement
AFRITAC Centres régionaux d’assistance technique en Afrique
APRA A Autorité de contrôle prudentiel australienne
ASB Application de la supervision bancaire
ASIC Commission australienne des valeurs mobilières et des placements
BCE Banque centrale européenne
BCP Banque Centrale Populaire du Maroc
BERD Banque européenne pour la reconstruction et le développement
BMCE Banque Marocaine du Commerce Extérieur
BOA Groupe Bank of Africa
BRI Banque des règlements internationaux
CABS Communauté des superviseurs bancaires africains
CAE Communauté de l’Afrique de l’Est
CAM Commission des affaires monétaires
CBCB Comité de Bâle sur le contrôle bancaire
CEDEAO Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest
CEMAC Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale
CER Communauté économique régionale
CGBC Comité des gouverneurs des banques centrales
COMESA Marché commun de l’Afrique orientale et australe
CoS Collège de superviseurs
CSF Conseil de stabilité financière
EAC Europe et Asie centrale
EAPS Systèmes des paiements est-africains
EMDE Marchés émergents et économies en développement
ESAF Groupe de superviseurs bancaires de l’Afrique orientale et australe
FMI Fonds monétaire international
GIZ Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit
ICBC Industrial and Commercial Bank of China
ICBE Initiative de coordination de la Banque européenne
IFRS Normes internationales d’information financière
IMF Institution de microfinance
LAC Amérique latine et Caraïbes
MFW4A La Finance au Service de l’Afrique
10 Liste des Acronymes

MPME Micro, petites et moyennes entreprise


PESF Programme d’évaluation du secteur financier
PFB Principes fondamentaux de Bâle pour un contrôle bancaire efficace
PFI Protocole sur la finance et l’investissement
PFR Pays à faibles revenus
PME Petites et moyennes entreprises
OCDE Organisation de coopération et de développement économiques
RBNZ Reserve Bank of New Zealand
SADC Communauté de développement de l’Afrique australe
SARB Banque centrale d’Afrique du Sud
SSBS Sous-commission des superviseurs bancaires de la SADC
UBA United Bank of Africa
UEMOA Union économique et monétaire ouest-africaine
UMEA Union monétaire est-africaine
UMOA Union monétaire ouest-africaine
ZMAO Zone monétaire de l’Afrique de l’Ouest
WBC Commission bancaire de l’UMOA
Remerciements 11

Remerciements

Thorsten Beck (Cass Business School), Michael Fuchs (GIZ), Dorothe Singer (Banque
mondiale) et Makaio Witte (GIZ) sont les principaux auteurs de ce document. Les
auteurs tiennent à remercier Robert Cull (Banque mondiale), Ralph De Haas (BERD),
Miquel Dijkman (Banque mondiale), Maria Soledad Martinez Peria (Banque mondiale),
Mauro Mecagni (FMI) et Cedric Mousset (Banque mondiale), pour leur relecture ainsi
que Mario Guadamillas (Banque mondiale), Dirk Jan Grolleman (FMI), Paul Matthieu
(FMI), Jean Pesme (Banque mondiale) et Jan Rein Pruntel (consultant) pour leurs com-
mentaires. Ils tiennent également à remercier Johanna Jagnow et Atilla Yücel pour leur
précieux travail de recherche.
Ce rapport a bénéficié du soutien et des conseils de Gabriela Braun (Responsable
de Programme, GIZ), de Gaiv Tata (Directeur, Directeur du développement des secteurs
privé et financier en Afrique et Directeur du département des pratiques mondiales en
matière d’inclusion financière, Banque mondiale), de Rundheersing Bheenick et de
Samuel Méango (respectivement Président et Secrétaire général de l’Association des
Banques Centrales Africaines). Le Partenariat « La Finance au Service de l’Afrique
», dirigé par Stefan Nalletamby (Coordinateur) et son équipe, plus particulièrement
Hugues Kamewe Tsafack (Chargé de Relations avec les Parties prenantes), ont fourni un
appui efficace en matière de coordination et de gestion.
Les auteurs remercient tout particulièrement les représentants des banques et
des autorités de réglementation pour les analyses dont ils leur ont fait part lors des
visites de travail qu’ils ont effectuées au Ghana, au Kenya, à l’Île Maurice, au Maroc, au
Mozambique, en Namibie, aux Pays-Bas, au Nigeria, en Afrique du Sud, en Tanzanie,
au Togo, en Ouganda et au Royaume-Uni. Le rapport a largement bénéficié de quatre
études régionales sur la supervision des activités bancaires transfrontalières au sein
de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), de la Communauté économique des États
de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de la Communauté de développement de l’Afrique
australe (CDAA), et de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) réa-
lisées par GIZ dans le cadre de l’élaboration de ce rapport. Les auteurs sont également
reconnaissants des commentaires recueillis à l’occasion des sessions de consultation
menées avec le Groupe de travail en charge de préparer le Programme de travail de
la Communauté des Superviseurs Bancaires Africains (CSBA) à Port-Louis, et dans le
cadre de la table ronde organisée à Washington avec l’Association des Banques Cen-
trales Africaines (ABCA), la Banque mondiale et GIZ.
Préface 13

Préface

Ce rapport est le fruit d’un travail collectif et d’une collaboration de longue date
entre l’Association des Banques Centrales Africaines (ABCA), la Banque mondiale et la
Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) GmbH, sous l’égide du
Partenariat « La Finance au Service de l‘Afrique – MFW4A ». Les responsables politiques
africains ont estimé que les activités bancaires transfrontalières et la difficulté de super-
viser des groupes financiers de plus en plus complexes et interdépendants constituent
un axe prioritaire de la politique du continent dans le cadre d’une série de manifestations
de haut niveau qui se sont tenues entre 2011 et 20141. L’importance prise par les activités
bancaires transfrontalières tient à plusieurs facteurs, notamment à leur développement
notable en Afrique au cours des dernières années, aux sérieuses difficultés rencontrées
par les autorités de contrôle des pays développés pour superviser les grands groupes
bancaires internationaux en venant en aide aux banques en difficulté ou insolvables, et au
phénomène de contagion transfrontalière généralisée lors de la crise financière mondiale.
Ces problèmes ont ravivé l’éternel débat sur les coûts et les avantages d’une plus grande
intégration financière et les répercussions sur les politiques nationales et régionales du
secteur financier ainsi que les pratiques de supervision dans le contexte africain.
En dépit de l’intérêt accru porté aux activités bancaires transfrontalières dont l’im-
portance est désormais reconnue, il n’en demeure pas moins que nous disposons de
peu d’études et d’analyses complètes en la matière pour être en mesure d’élaborer un
programme politique coordonné. Le présent rapport vise à combler cette carence en
proposant une analyse détaillée du développement des activités bancaires transfronta-
lières en Afrique, une évaluation des avantages et des risques d’un développement des
liens transfrontaliers, une évaluation des cadres réglementaires et des dispositifs déjà en
place en matière de coopération réglementaire transfrontalière, et une discussion sur les
approches et politiques de supervision recommandables pour équilibrer les avantages
et les risques d’un renforcement des liens transfrontaliers. Cette analyse s’appuie sur le
dialogue approfondi mené avec les autorités africaines de réglementation et de supervi-
sion, ainsi que sur les contributions d’organismes internationaux en matière de politiques
financières et réglementaires tels que le Conseil de stabilité financière du G20, le Fonds
Monétaire International, ses centres régionaux d’assistance technique en Afrique ainsi
que l’Autorité allemande de supervision du secteur financier (BaFin).

1 Atelier politique sur « l‘approche africaine pour la mise en œuvre des normes internationales de supervision bancaire
et le cadre de Bale sur les fonds propres », Kampala, en avril 2011 ; réunions du groupe consultatif régional du CSF
de l’Afrique subsaharienne en 2012 et 2013 ; tables rondes des gouverneurs des banques centrales africains en marge
des assemblées de printemps du FMI et de la Banque mondiale organisées à Washington, en avril 2012, 2013 et 2014 ;
réunion inaugurale de la Communauté des Superviseurs Bancaires Africains (CSBA), à Alger, en janvier 2013 ; réunion
du groupe de travail en charge de préparer le programme de travail de la CSBA, à Port-Louis, en janvier 2014.
Synthèse 15

Synthèse

Les activités bancaires transfrontalières sont devenues une composante de plus en


plus importante des systèmes financiers africains et cette tendance s’est accélérée au
cours de la dernière décennie. Les banques africaines ont non seulement considérable-
ment renforcé leur présence sur le continent, mais elles ont également acquis un rôle
économique significatif à l’étranger jusqu’à revêtir une importance systémique dans
un certain nombre de juridictions. Cette expansion et cette croissance des banques
africaines ont eu pour effet, ces dernières années, de réduire l’importance relative des
banques traditionnelles, pour la plupart européennes, sur le continent, la gestion des
risques et des avantages qui incombait jusque-là aux pays traditionnellement d’origine
européenne revenant désormais aux responsables politiques africains.
En Afrique, les systèmes financiers pourraient tirer profit des avantages significatifs
d’un renforcement de l’intégration bancaire transfrontalière. Les travaux de recherche
brossent un tableau nuancé de l’impact des activités bancaires transfrontalières sur
l’efficacité et la concurrence, sur l’approfondissement du secteur financier et son
rayonnement ainsi que sur la stabilité financière. Cet impact dépend de différents
facteurs, notamment de l’infrastructure financière (par exemple, l’efficacité des sys-
tèmes d’échange d’informations sur le crédit), de la structure de marché (par exemple,
marché dominé par des banques détenues par l’État), et des politiques réglementaires
qui peuvent favoriser ou entraver la contestabilité du marché. L’Afrique a un potentiel
probablement plus important qu’ailleurs pour tirer profit des économies d’échelle et
favoriser le développement financier et économique, étant donné l’étroitesse et le peu
de profondeur des marchés financiers.
Le développement transfrontalier en Afrique a essentiellement été mené au travers
de la création de filiales indépendantes et s’est donc accompagné d’une intégration
limitée au sein des réseaux d’affiliées ou des banques mères et ce, même dans les
sous-régions où existent des unions monétaires et des autorités de réglementation
bancaires communes. En Afrique, les banques transfrontalières ont mis en place
différentes stratégies de marché et se sont engagées à divers degrés dans les pays
d’accueil. À ce jour, les banques transfrontalières en Afrique desservent principalement
les grandes entreprises et ciblent plus particulièrement les secteurs en pleine crois-
sance tels que l’exploitation des ressources naturelles. À quelques exceptions près, les
banques transfrontalières hésitent encore toutefois à desservir le segment inférieur
du Marché. Comprendre et remédier aux causes de ces réticences permettront aux
systèmes bancaires africains de tirer pleinement parti des avantages offerts par les
activités bancaires transfrontalières.
L’intégration financière régionale implique également de nouvelles sources poten-
16 Synthèse

tielles de risques. De nouveaux vecteurs de contagion vont, et voient d’ores et déjà le


jour, l’imbrication croissante des systèmes bancaires et des marchés financiers natio-
naux favorisant la transmission des chocs entre pays. Ces nouveaux risques potentiels
soulignent l’importance – tant pour les banques que pour leurs superviseurs – de se
doter de mesures appropriées de contrôle et d’atténuation. Ces risques nécessitent
également un engagement et un respect plus importants des règles du jeu communes,
telles que prévues par les normes et pratiques admises internationalement, de manière
à renforcer la confiance dans les secteurs financiers du continent. Étant donné les
sérieuses répercussions à la fois sur la stabilité financière et sur l’approfondissement
du secteur financier combinées à la fragilité du secteur bancaire, s’agissant notamment
des grands groupes bancaires panafricains, les banques et les autorités ont un intérêt
réciproque à renforcer la coopération en matière de supervision bancaire et de supervi-
sion transfrontalière.
Les risques potentiels pesant sur la stabilité, engendrés par les activités bancaires
transfrontalières, exigent généralement une réponse collective plutôt qu’une inter-
vention unilatérale des superviseurs au niveau du pays d’origine ou du pays d’accueil.
L’expansion rapide, notamment des banques panafricaines, suppose donc à la fois
un renforcement notable de la supervision nationale et une mise à niveau des outils
actuels de coopération transfrontalière des autorités de réglementation. La supervi-
sion consolidée des activités d’une banque à travers de l’ensemble de ses filiales, dans
tous les secteurs et dans toutes les juridictions comprend des protocoles d’accord
entre les superviseurs du pays d’origine et du pays d’accueil ainsi que des collèges de
superviseurs pour chaque établissement financier transfrontalier ce qui constitue la
base d’une coopération réglementaire transfrontalière efficace. Cependant, et comme
démontré par la récente crise financière mondiale, ces outils ne permettent pas, à eux
seuls, de préserver la stabilité financière. Il faut donc redoubler d’efforts pour élaborer
des cadres transfrontaliers de gestion des crises et de résolution des faillites bancaires
(en s’appuyant sur les actions nationales en la matière), pour non seulement lutter col-
lectivement contre la fragilité du secteur financier et aider les banques en faillite, mais
également pour fournir les incitations ex ante appropriées qui permettront de réduire
la probabilité de crises bancaires systémiques. Pour ce faire, les autorités vont devoir
évaluer attentivement la situation pays par pays et région par région, dans la mesure où
la portée et l’intensité de la coopération réglementaire transfrontalière doivent être pro-
portionnelles à la force des liens transfrontaliers qui unissent les systèmes bancaires
du pays d’origine et du pays d’accueil.
Les pays du continent africain ont déjà accompli de réels progrès dans l’amélioration
de leurs cadres réglementaires, s’agissant notamment des composantes applicables
aux activités bancaires transfrontalières, mais il reste encore beaucoup à faire. Peu
nombreux sont les pays dotés de systèmes efficaces de supervision consolidée. C’est
Synthèse 17

plus particulièrement un motif d’inquiétude pour la supervision des quelques grands


établissements financiers transfrontaliers africains implantés sur le continent et ayant
une importance systémique dans un certain nombre de pays, mais qui ne font l’objet
d’aucune supervision nationale consolidée ou solo efficace dans le pays d’origine ou
d’accueil. Par ailleurs, seule une proportion faible mais croissante de liens transfron-
taliers sur le continent font l’objet d’accords ad-hoc de coopération prudentielle entre
les autorités de contrôle du pays d’origine et du pays d’accueil, tels que des protocoles
d’accord ou des collèges de superviseurs. Même lorsque ce type d’accords existe, des
efforts considérables demeurent cependant nécessaires pour en assurer la mise en
œuvre effective et permettre d’échanger de manière régulière et fiable les informations
pertinentes sur une base bilatérale ou multilatérale.
Face aux multiples exigences nées de l’intensification des activités bancaires trans-
frontalières et faute de ressources de supervision suffisantes, les autorités de régle-
mentation en Afrique sont appelées à trouver un compromis. D’un côté, elles doivent
assumer la mission plus traditionnelle de protection des établissements financiers et
des systèmes bancaires, en tenant compte des risques liés à la croissance de l’activité
transfrontalière ces dernières années. De l’autre, elles doivent relever le défi consistant
à tirer profit des avantages considérables liés aux activités bancaires transfrontalières,
en termes d’intermédiation plus efficace et d’approfondissement des marchés finan-
ciers, ce qui contribuera ainsi à renforcer la résistance et à amorcer un cycle vertueux
de stabilité et de solidité du système financier.

Recommandations de politiques générales

Les recommandations du présent rapport fournissent aux autorités de contrôle un


plan d’action qui leur permettra de tirer profit des avantages des activités bancaires
transfrontalières tout en contenant les risques qui y sont liés. Elles s’articulent autour
de trois objectifs politiques : (a) tirer profit des avantages des activités bancaires trans-
frontalières, (b) protéger l’économie réelle et le secteur financier contre les risques liés
aux activités transfrontalières, et (c) se préparer aux répercussions transfrontalières de
la fragilité bancaire systémique et spécifique. Il convient de mener des actions tant au
niveau national qu’en collaboration avec d’autres autorités de contrôle.
Étant donné le nombre de pays que compte le continent africain et les spécificités très
diverses, ces recommandations de politiques générales doivent tenir compte du contexte
de chaque pays, de groupe de pays et des sous-régions. L’ordre de priorité et d’enchaî-
nement recommandé des actions politiques variera sensiblement selon les juridictions,
en fonction de facteurs tels que l’importance des activités bancaires transfrontalières, le
degré d’intégration au sein des groupes bancaires, la complexité et l’opacité des struc-
tures des groupes et la qualité de la supervision du pays d’origine et du pays d’accueil.
18 Synthèse

Au terme de cette analyse, nous sommes également arrivés à la conclusion que


la coopération réglementaire transfrontalière est un processus de longue haleine qui
suppose la consolidation, à la fois contraignante et volontaire, des institutions. Il ne
peut s’agir d’un processus ponctuel dans la mesure où l’évolution des normes interna-
tionales et du paysage bancaire transfrontalier en Afrique nécessitera des ajustements
continus à un tel cadre.

Tirer profit des avantages des activités bancaires transfrontalières

Si l’Afrique tire parti des gains de productivité et des innovations apportés par les
banques transfrontalières, le continent devrait bénéficier de manière substantielle des
activités bancaires transfrontalières en termes d’approfondissement du secteur et
de rayonnement accru auprès des populations jusque-là non bancarisées. Malgré le
renforcement de l’intégration financière, l’impact des activités bancaires transfronta-
lières sur l’efficacité bancaire et le rayonnement des activités financières demeure à ce
jour limité, du fait notamment d’une infrastructure financière encore rudimentaire. Il
est par conséquent essentiel de renforcer l’infrastructure financière de façon uni-
forme dans tous les pays, notamment dans ceux qui ont noué des liens transfrontaliers
forts. S’agissant des activités bancaires transfrontalières, l’accent devrait être mis
sur les domaines suivants : amélioration de la comparabilité des informations sur le
crédit entre les pays ; amélioration de l’efficacité des systèmes de paiement, s’agissant
notamment des paiements de masse transfrontaliers et du traitement des flux d’envois
de fonds effectués par les migrants ; renforcement de la reconnaissance mutuelle des
procédures d’enregistrement des droits de propriété et des droits afférents aux sûretés ;
mécanismes de saisie des sûretés ; amélioration de l’éducation financière et mise à dis-
position d’informations comparables sur le coût des services financiers. Pour ce faire, la
meilleure solution serait de procéder de manière coordonnée au sein des sous-régions
comme c’est déjà le cas dans certaines communautés économiques régionales.
Étant donné les faibles niveaux d’intermédiation financière de la plupart des sec-
teurs bancaires africains, notamment sur le segment inférieur du Marché, il existe un
potentiel d’amélioration considérable du transfert de savoir-faire, informatique, d’in-
frastructure et de compétences en gestion des risques en ce qui concerne les services
et produits bancaires de détail visant les populations à faibles revenus et adaptés aux
petits épargnants et aux petites entreprises. L’expérience montre que les banques qui
ont développé avec succès ce type de compétences et de produits bancaires sur leur
marché domestique sont mieux à même d’y parvenir à l’étranger. Pour promouvoir l’ap-
profondissement de marché et le renforcement de la concurrence et de l’innovation, les
autorités doivent être disposées à encourager l’implantation de banques qui ont déjà
proposé des produits et services bancaires aux segments de marché mal desservis et
Synthèse 19

qui peuvent attester de leur réussite en s’appuyant sur des modèles économiques qui
ont déjà fait leurs preuves.
Les autorités peuvent également envisager d’opter pour des modèles bancaires
davantage intégrés reposant sur un cadre solide de supervision consolidée, des circuits
d’échanges d’informations clairement établis et performants entre les superviseurs des
pays d’origine et des pays d’accueil, et des cadres de résolution de problèmes bancaires
transfrontaliers efficaces. Les banques se développant hors de leur marché national
en Afrique doivent presque invariablement créer non seulement des filiales autonomes
mais aussi déployer des fonctions informatiques au niveau local, recourir essentiel-
lement à la main-d’œuvre locale et mettre en place des fonctions de direction locales
indépendantes. Cette « forteresse bancaire » va directement à l’encontre de l’objectif
consistant à tirer profit des avantages économiques potentiels des activités bancaires
transfrontalières. Les modèles bancaires plus intégrés permettraient notamment de
réaliser des économies significatives dans un secteur traditionnellement à coût élevé
et pourraient en faire une activité rentable et donc attrayante permettant de fournir des
services financiers à un plus large éventail de clients. Les politiques qui promeuvent les
modèles bancaires plus intégrés pourraient, par exemple, prévoir de réduire la com-
plexité et la durée du processus d’octroi des agréments, réduire les exigences de fonds
propres initiaux pour les filiales de banque (avec des exigences conçues pour s’adapter
à l’engagement commercial de la banque étrangère et à ses expositions aux risques),
réduire ou supprimer les exigences en matière de création de nouvelles succursales le
cas échéant (laisser, par exemple, le soin aux banques de décider de la structure et de
la sécurité de leurs locaux), encourager la pleine mobilité de la main-d’œuvre (transfert
de compétences), encourager le recours à des plateformes informatiques communes et
centralisées tant pour le fonctionnement interne que pour la fourniture de services aux
clients (par exemple, les DAB, les services de cartes bancaires et la banque en ligne),
et favoriser la mise en place de systèmes centralisés d’audit et de gestion des risques.
Les zones réglementaires formellement intégrées (telles que les unions monétaires
de l’Afrique centrale et de l’ouest), notamment, pourraient envisager de passer d’un
dispositif de filiales autonomes vers un dispositif de filiales plus intégrées voire vers un
dispositif de succursales - si certaines conditions préalables sont réunies.
Par ailleurs l’harmonisation réglementaire pourrait contribuer à réduire l’incerti-
tude en termes de prévisibilité et d’homogénéité de la mise en œuvre, à diminuer de
manière significative les coûts de conformité dans la région, et à améliorer les normes
dans des environnements plus concurrentiels. L’harmonisation réglementaire est un
projet ambitieux, et il importe de veiller à concentrer les efforts de convergence sur les
problématiques clés notamment dans des environnements où les capacités sont net-
tement insuffisantes. L’ordre de priorité et d’enchaînement est essentiel, et il convient
de mettre l’accent sur les domaines de politique dont l’harmonisation est un élément
20 Synthèse

essentiel du programme d’intégration. Par exemple dans un environnement où le risque


de crédit constitue le principal facteur de risque, l’établissement des priorités mettra
vraisemblablement l’accent sur les critères de classification des pertes sur prêts et des
besoins de provisionnement.
Il est important que les responsables politiques tirent parti de la complémenta-
rité entre les programmes nationaux et sous-régionaux en promouvant l’efficacité
bancaire. Les communautés économiques régionales ont un rôle important à jouer
dans l’établissement des processus de meilleures pratiques, la promotion de l’échange
des informations y afférentes et le suivi de l’état d’avancement de leur mise en œuvre.
Toutefois, étant donné la complexité de la mise en œuvre des programmes de réforme
multilatéraux, il sera extrêmement important d’établir un ordre de priorité de ces initia-
tives sous-régionales. Il pourrait s’avérer plus judicieux de mettre en œuvre certaines
réformes sur une base bilatérale de manière à en tirer les enseignements avant de les
reproduire au niveau sous-régional. Cette démarche bilatérale pourrait s’avérer perti-
nente dans les secteurs qui évoluent rapidement, comme la réglementation en matière
de paiement mobile et d’agents de services bancaires et le développement connexe des
infrastructures des systèmes de paiements.

Protéger la stabilité des activités bancaires transfrontalières en temps normal

La supervision consolidée est une composante essentielle de la supervision des


banques transfrontalières et pourtant la plupart des superviseurs africains du pays
d’origine ne dispose pas encore des cadres adéquats et des capacités de mise en œuvre
et des données comptables consolidées. L’élaboration ou l’amélioration des cadres de
supervision consolidée et leur mise en œuvre efficace sont par conséquent d’une très
grande importance pour assurer la stabilité financière en Afrique.
Pour mener à bien leur mission de supervision consolidée, les autorités doivent
disposer d’informations suffisantes sur les activités des banques. Il est actuelle-
ment difficile, voire impossible, d’obtenir des informations sur la taille et la nature
des activités bancaires transfrontalières en Afrique. La première tâche, essentielle, à
laquelle les autorités africaines vont devoir s’atteler est l’amélioration de la disponibi-
lité et de l’échange régulier des informations pertinentes. Pour cela, il est fortement
recommandé qu’un petit groupe d’autorités de contrôle africaines des pays d’origine
prenne l’initiative de développer les formats requis ainsi qu’une plateforme permettant
un échange régulier d’informations à partir d’un ensemble de données de base. Ces
données doivent comprendre des informations sur (a) les caractéristiques qualitatives
et quantitatives de base des banques transfrontalières, (b) les données prudentielles
dans la mesure où elles concernent la performance, (c) les informations qualitatives sur
les cadres réglementaires et les définitions relatives aux données prudentielles, et (d)
Synthèse 21

les informations sur le marché. La mise à disposition de ces informations permettra de


surveiller et de suivre les évolutions en cours des activités bancaires transfrontalières
et pourra servir de base à une approche fondée sur les risques en vue de renforcer
la supervision bancaire. Parallèlement, il est également nécessaire d’échanger, en
temps voulu, des informations plus détaillées sur un établissement donné en vertu de
protocoles d’accord conclus entre les superviseurs, informations qui seront également
utilisées par les collèges de superviseurs, pour mettre en place une supervision trans-
frontalière efficace et permettre d’identifier en amont toute fragilité financière.
L’efficacité de la supervision consolidée dépendra également du climat de confiance
établi entre les autorités de supervision du pays d’origine et celles du pays d’accueil
qui est essentiel pour garantir la qualité et la fréquence du partage d’informations,
s’agissant notamment des informations plus détaillées portant sur un établisse-
ment donné. La conclusion d’accords formels peut contribuer à établir un climat de
confiance et à ancrer les attentes. Les améliorations apportées à la coopération en
matière de supervision - via la signature de protocoles d’accord ad hoc et la formation
de collèges de superviseurs dûment structurés, les contrôles conjoints de banques
transfrontalières, l’apprentissage par les pairs et le renforcement des capacités - sont
par conséquent un domaine d’actions privilégiées tant au niveau bilatéral qu’au niveau
sous-régional.
Par ailleurs, il faut tenir compte du fait que certaines grandes banques transfron-
talières africaines ne sont pas soumises à une supervision consolidée de la part des
superviseurs de leur pays d’origine. Au vu de l’importance de la couverture géogra-
phique de ces établissements, il est urgent de mettre en place une coordination au
niveau panafricain. Étant donné les risques de réputation et de stabilité associés aux
risques non déclarés des banques ou des conglomérats transfrontaliers, les autorités et
les banques ont une importante responsabilité sociale commune dans le traitement de
ces lacunes. Un partenariat privé-public pourrait jouer un rôle important dans la mise
en œuvre de ce programme et par conséquent garantir une égalité de traitement entre
les banques. Parallèlement, la Communauté des Superviseurs Bancaires Africains
(CSBA) ou le Groupe consultatif régional du Conseil de stabilité financière pour l’Afrique
subsaharienne pourrait servir de plateforme de coordination afin d’identifier les établis-
sements systémiquement importants et la meilleure façon de coordonner les actions
politiques et de surveiller la mise en œuvre de la supervision consolidée des banques
transfrontalières africaines d’importance systémique.
La CSBA pourrait également devenir une tribune permanente permettant de
débattre des problèmes liés à la coopération transfrontalière. Si cette plateforme peut
jouer un rôle décisif dans la mise en place d’un dialogue politique régional et d’un pro-
gramme de renforcement des capacités, la coopération au jour le jour devra être mise
en place au niveau bilatéral voire au niveau de petits groupes ciblant les établissements
22 Synthèse

transfrontaliers particuliers. La CSBA peut néanmoins être un vecteur stratégique


d’échange d’idées et d’expériences et de convergence vers l’établissement de normes
internationales communes tout en facilitant le développement de cadres réglementaires
adaptés au continent africain et en servant de point de départ à une coopération plus
étroite entre pays ou pour une banque donnée.

Se préparer aux répercussions transfrontalières de la fragilité bancaire

Pour se préparer aux effets de l’essor des opérations transfrontalières sur la solidité
des banques, il est nécessaire de se doter d’une assise solide permettant de protéger
la stabilité bancaire en temps normal. Cela étant, pour être prêt à affronter les périodes
de crise, les autorités doivent également disposer de cadres de résolution des faillites
efficaces à l’échelon national de manière à ce que les procédures de résolution puissent
être engagées en temps voulu, que les responsabilités soient clairement réparties entre
les autorités compétentes et que ces dernières disposent de pouvoirs suffisants pour
transférer les actifs et passifs et restructurer les banques. Outre la planification des
possibilités de faillites bancaires, le cadre de résolution des faillites constitue égale-
ment une mesure préventive en ce sens qu’il décourage la prise de risque excessive par
les banques, et ce, même en temps normal. Bon nombre de pays africains ont engagé
d’importants programmes en matière de respect du rang des créanciers dans le cadre
d’une résolution de faillite bancaire et de limitation des actions en justice qui rendent
difficile la mise en œuvre des mesures de résolution des faillites.
La coopération réglementaire transfrontalière doit aussi entreprendre des actions
plus ambitieuses que le simple échange d’informations en temps normal et se préparer
aux répercussions transfrontalières de défaillances bancaires spécifiques et systé-
miques. À cet égard, il est possible de recourir à des exercices de simulation de crise
communs qui serviront de base aux plans de gestion de crise communs. Au besoin, il
est également possible d’envisager d’élargir les collèges de superviseurs aux autorités
de résolution de faillite, par exemple les ministères des finances, en les invitant à parti-
ciper aux Groupes de gestions de crise.
La résolution en bonne et due forme des faillites de groupes transfrontaliers étant
forcément complexe, il convient de tout mettre en œuvre pour adopter des mesures
préventives afin d’éviter l’émergence de groupes financiers internationaux opaques et
étroitement imbriqués, par le biais d’une supervision stricte, de la fixation de limites en
matière d’exposition intragroupe et d’une meilleure planification en matière de conti-
nuité des activités. Si la supervision consolidée s’inscrit à la base de ces mesures, cette
démarche préventive va au-delà de la collecte des informations nécessaires et suppose
une implication plus active des superviseurs, comme c’est actuellement le cas des
plans de relance et de résolution bancaire visant plusieurs établissements financiers
d’importance systémique aux États-Unis et en Europe.
Synthèse 23

Perspectives

La principale conclusion qui se dégage de l’analyse menée dans le présent rapport,


y compris des discussions avec les superviseurs et les banquiers d’Afrique, est que
l’échange d’informations est insuffisant et doit être renforcé de manière significative au
regard de l’expansion de l’activité bancaire transfrontalière sur ce continent. La création
d’une plateforme d’échanges réguliers d’informations permettant de rendre public un
ensemble de données de base sur les activités bancaires transfrontalières constituera
une première étape essentielle vers la mise en place d’une meilleure supervision des
activités transfrontalières et le resserrement de la collaboration entre autorités.
L’établissement et le maintien d’un processus de collecte et d’échange de ces infor-
mations nécessitent indubitablement de faire preuve d’engagement et de détermination.
Dans la mesure où le continent africain compte plus de 40 autorités de réglementation
(y compris les autorités régionales représentant des groupes de pays), le moyen le plus
simple et le plus efficace de remédier à ce « vide informationnel » serait de demander
au petit nombre de superviseurs des pays d’origine - Kenya, Île Maurice, Maroc, Nige-
ria et Afrique du Sud - de prendre l’initiative en la matière en s’appuyant, le cas échéant,
sur l’expertise d’institutions telles que le Fonds monétaire international et la Banque
mondiale. Une fois le projet mené à bien, les données devraient, autant que possible,
être publiées et, en tout état de cause, mises à disposition de tous les superviseurs des
pays d’origine et d’accueil compétents d’Afrique, l’objectif étant de faciliter l’échange
d’informations entre les autorités de supervision et d’améliorer la qualité et l’efficacité
de la supervision.
1.
Les récentes tendances
des activités bancaires
transfrontalières
en Afrique
26 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique

1. Les récentes tendances des activités


bancaires transfrontalières en Afrique

Les activités bancaires transfrontalières sont un aspect important de l’histoire finan-


cière africaine depuis l’époque coloniale. Alors que la période qui a suivi l’indépendance
a été marquée par une vague de nationalisations sur le continent suivie du retrait de
nombreuses banques coloniales, cette tendance s’est inversée dans les années 80 avec
l’arrivée de la libéralisation financière. Les banques publiques et privées en difficulté
furent alors cédées principalement à des investisseurs mondiaux ou à des banques
multinationales. L’intégration économique régionale et internationale croissante, y
compris des services financiers, et la déréglementation ont encore accru le nombre de
banques étrangères et, dans le milieu des années 2000, nombreux étaient les systèmes
bancaires africains de nouveau dominés par les banques étrangères.
Le présent document traite principalement des activités bancaires transfrontalières
au travers de la présence commerciale d’une banque dans des pays autres que son pays
d’origine ou par le biais d’investissements directs étrangers (IDE). Les flux bancaires
transfrontaliers entre pays et la fourniture directe de services sans présence commer-
ciale ne sont pas étudiés2. Cf. Encadré 1.1 pour les définitions.
Actuellement 104 banques transfrontalières disposant d’au moins une succursale
ou filiale en dehors de leur pays d’origine opèrent en Afrique, dont un tiers sont des
banques transfrontalières d’origine non africaine (cf. Annexe 1.1). Sur ces 104 établis-
sements, 71 ont une présence limitée dans une à quatre juridictions africaines. Les
33 établissements restants sont représentés au travers de leurs activités dans le pays
d’origine et de succursales ou de filiales dans au moins cinq pays africains. L’objectif
étant de se concentrer sur les acteurs majeurs, l’analyse suivante porte principalement
sur les banques transfrontalières solidement implantées tant au niveau géographique
qu’opérationnel en Afrique.
Ce Chapitre liminaire présente les tendances des activités bancaires transfronta-
lières et la modification rapide de la composition des banques étrangères en Afrique. La
section suivante plante le décor en offrant un bref aperçu des systèmes financiers sur
ce continent. La deuxième section dépeint la population des banques transfrontalières
opérant aujourd’hui en Afrique, leur expansion sur le continent et l’importance qu’elles
revêtent dans les pays d’accueil. La troisième section étudie les raisons de l’expan-
sion des activités bancaires transfrontalières sur le continent. La quatrième section
évalue les différents modèles économiques dont se sont dotées les banques pour se

2 Selon les définitions de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’étude se concentre sur le mode 3 (présence
commerciale étrangère) plutôt que sur le mode 1 (commerce transfrontalier) (Nations unies, 2002).
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 27

Encadré 1.1 : Définitions


Une banque transfrontalière est une banque ayant une présence commerciale hors de
son pays d’origine, au travers d’au moins une succursale ou filiale.
Les succursales sont des entités opérant en qualité de banque mais qui n’ont pas de
statut juridique propre et font donc partie de la même entité juridique que la banque mère
(étrangère). En revanche, les filiales sont des entités juridiques distinctes qui peuvent être
détenues entièrement ou majoritairement par une banque dans un autre pays. Les filiales
peuvent elles-mêmes posséder des filiales dans des pays tiersa.
Outre les succursales et filiales, les banques peuvent également ouvrir un bureau de
représentation. Bien que les bureaux de représentation n’aient généralement pas le droit
d’effectuer des opérations bancaires, ils permettent aux banques de faciliter les relations
entre la banque mère et les entreprises commerciales et financières situées en dehors du
pays d’origine.
Les banques transfrontalières sont considérées comme étant sous contrôle étranger
lorsqu’elles sont contrôlées par un actionnaire ou par un groupe d’actionnaires situé en
dehors de la juridiction qui a accordé l’agrément. Le contrôle sur une banque peut être
exercé si une personne ou une entité détient plus de 50 % des parts d’une banque, d’une
filiale ou d’une succursale. Lorsqu’aucun actionnaire n’est majoritaire, la banque est
également considérée comme étant sous contrôle étranger lorsqu’un actionnaire étranger
minoritaire détient une participation de contrôle dans la banque, c’est-à-dire qu’il dispose
d’une majorité relative et exerce de facto un contrôle sur la gestion de la banqueb. La parti-
cipation majoritaire est attribuée au pays de (des) l’actionnaire(s) détenant le contrôle.
Pour déterminer les responsabilités et le mode de coopération de la supervision des
banques transfrontalières, il est essentiel d’opérer une distinction entre les superviseurs
du pays d’origine et les superviseurs du pays d’accueil. S’il est facile d’établir cette
distinction dans la plupart des cas – par exemple la Kenya Commercial Bank est basée
au Kenya, son pays d’origine, et détient des filiales dans plusieurs juridictions de l’Afrique
orientale, les juridictions d’accueil – nombreuses sont les banques dont le siège n’est pas
situé dans le pays qui détient la participation majoritaire. Le superviseur du pays d’origine
est l’autorité nationale ou régionale chargée de superviser les activités d’une banque
transfrontalière sur une base consolidée. Le choix du superviseur du pays d’origine d’un
groupe repose sur la réglementation bancaire applicable c. De manière générale, la régle-
mentation suit la même logique que celle décrite ci-dessus, c’est-à-dire que la supervision
consolidée doit être exercée par le pays d’origine des actionnaires de contrôle d’un groupe.
Par voie de conséquence, tout changement significatif apporté à la structure de propriété
impliquera un transfert de responsabilité de la supervision consolidée d’une autorité à
une autre. Ainsi, lorsque la Banque Marocaine du Commerce Extérieur (BMCE) a pris une
participation de contrôle dans Bank of Africa (BOA), Bank Al-Maghrib, la banque centrale
28 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique

marocaine a alors assumé la responsabilité de superviseur du pays d’origine de toutes les


activités de la BOA.
Les banques peuvent faire partie de groupes bancaires, de conglomérats financiers et
de conglomérats mixtes. Alors que les groupes bancaires se concentrent plus particu-
lièrement sur l’activité bancaire (principalement commerciale) à travers leurs différentes
filiales, les conglomérats financiers englobent en plus dans leurs prestations les activités
financières non bancaires par l’intermédiaire notamment de compagnies d’assurances ou
de sociétés de courtage. Les conglomérats mixtes possèdent également des filiales non
financières. Les conglomérats posent des problèmes de supervision supplémentaires aux
superviseurs, dans la mesure où ils sont susceptibles d’être soumis à différents cadres
réglementaires et autorités de contrôle. C’est encore plus évident dans le cas des conglo-
mérats mixtes, pour lesquels la partie non financière de l’activité de la société n’est pas
soumise à une réglementation ou à une supervision spécifique.
a. Tel que défini par le Concordat de Bâle (BRI, 1983). Une troisième façon pour un établissement financier de s’établir
en dehors de son pays d’origine consiste à créer une coentreprise. Les coentreprises sont des entités juridiques
distinctes détenues par au moins deux propriétaires dont l’un au moins est une banque. Les propriétaires peuvent
être établis ou pas dans le pays où est implantée la coentreprise, et il peut y avoir ou pas un propriétaire détenant
une participation majoritaire.
b. À titre d’exemple, il est possible pour un actionnaire minoritaire détenant 30 % des actions de contrôler une banque
si sept autres actionnaires en détiennent chacun 10 %.
c. Il convient de noter que dans certains pays africains, la réglementation bancaire ne constitue pas une base solide
pour l’attribution du mandat de supervision d’un groupe bancaire ou d’une holding sur une base consolidée à une
autorité de contrôle donnée. Afin de garantir la sécurité juridique et l’efficacité de la supervision des banques trans-
frontalières, il est essentiel de combler ces lacunes réglementaires. Cf. la discussion présentée au Chapitre 4.

développer sur le continent, ainsi que les caractéristiques des structures de leurs
groupes. La cinquième section conclut ce chapitre.

1.1 Développement du secteur financier en Afrique

Pour comprendre les récentes évolutions des activités bancaires transfrontalières en


Afrique, il convient de s’intéresser tout d’abord aux disparités considérables en termes
de sophistication et d’approfondissement des secteurs financiers existant entre les
pays. Alors que des pays tels que l’Afrique du Sud et l’Île Maurice disposent de systèmes
bancaires relativement développés et d’un ratio de crédit au secteur privé sur PIB (qui
est une mesure standard de la profondeur du secteur financier) de plus de 100 % en
2012 selon les Indicateurs du développement dans le monde de la Banque mondiale,
la plupart des pays africains se caractérise par des systèmes bancaires peu actifs qui
ne proposent guère plus que des services bancaires de base malgré les améliorations
notables constatées sur la dernière décennie (Beck et Cull, 2013). Les niveaux de reve-
nus n’expliquent pas à eux seuls le manque de profondeur des systèmes financiers de
nombreux pays africains, comme tend à le prouver une étude comparative des pays à
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 29

revenus médians faibles et intermédiaires de la tranche inférieure de l’Afrique subsaha-


rienne et des autres régions. Alors que dans les pays hors Afrique subsaharienne, le
ratio médian de crédit au secteur privé sur PIB était de 34 % en 2011, il était de seule-
ment 18 % en Afrique subsaharienne.
Les faibles niveaux d’intermédiation en Afrique vont de pair avec des niveaux élevés
de liquidité et la forte dépendance à l’égard du financement par le biais des dépôts
locaux, et donc stables, au détriment des flux bancaires de gros et/ou transfrontaliers.
Ce constat se vérifie tant pour les banques nationales que pour les banques internatio-
nales en Afrique. Bien que la plupart des banques disposent de sources de financement
particulièrement stables, leurs actifs ont tendance à être concentrés sur la partie à
court terme de la courbe des taux, qu’il s’agisse de leurs prêts ou de leurs investisse-
ments qui sont principalement des titres d’État.
Le manque de profondeur des marchés financiers en Afrique est souvent justifié par
la concomitance de quatre aspects délétères des économies et des sociétés africaines
(Honohan et Beck, 2007 ; Beck et Cull, 2013). Tout d’abord la petite taille d’un grand
nombre d’économies ne permet pas aux prestataires de services financiers de pro-
fiter des avantages offerts par les économies d’échelle. En conséquence, les clients
souhaitant effectuer des petites transactions, y compris les ménages à faibles revenus
et revenus intermédiaires, ainsi que les petites entreprises, sont exclus des services
financiers formels. La forte dispersion des populations dans de nombreux pays africains
ne fait que limiter davantage la taille effective du marché, dans la mesure où il n’est pas
rentable pour les banques ayant adopté un modèle économique traditionnel de cibler
les populations résidant en dehors des centres urbains. De plus, une grande partie des
agents économiques opèrent dans le secteur informel et ne disposent pas des docu-
ments formels nécessaires à l’exécution de transactions financières, ce qui augmente
les coûts et les risques pour les établissements financiers et, une fois encore, prive une
large partie de la population de l’accès aux services financiers formels. Par ailleurs,
la volatilité – tant au niveau individuel, s’agissant des fluctuations des rentrées finan-
cières de nombreuses micro-entreprises et ménages qu’au niveau global, s’agissant
de la dépendance de nombreuses économies africaines à l’égard des exportations de
matières premières – renchérit encore les coûts et les risques pour les prestataires
de services financiers. Enfin, nombre d’établissements privés et publics du continent
demeurent confrontés à des problèmes de gouvernance qui compromettent non seule-
ment la fourniture de services financiers fondée sur le marché, mais aussi les efforts de
réforme et les actions publiques visant à remédier aux défaillances du marché.
Outre la faible profondeur du marché, les systèmes financiers de la plupart des pays
africains se caractérisent également par des ratios d’intermédiation relativement faibles
et un coût élevé des services financiers. L’étude comparative d’un échantillon de 307
banques de pays à faibles revenus ou à revenus intermédiaires de la tranche inférieure
en Afrique et de 720 banques de pays en développement non africains montre que les
30 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique

banques africaines sont relativement bien capitalisées et sont en situation de surliquidité,


mais que leur activité de prêt en faveur de l’économie réelle est limitée (Beck et Cull,
2013). Par ailleurs, cette étude comparative montre que les frais généraux de cet échan-
tillon de banques africaines, relativement élevés, constituent l’une des principales causes
des différentiels généralement significatifs des taux d’intérêt sur le continent.
Le manque de profondeur des marchés financiers africains tend également à être
étroitement lié à la fragmentation et les défaillances des infrastructures financières, y
compris les systèmes de paiement, de compensation et de règlement et les registres
de crédit, autant de facteurs qui contribuent au niveau élevé des frais généraux, encore
accentué par l’absence d’un cadre contractuel efficace. Cette défaillance du cadre
contractuel compromet sérieusement la capacité des établissements financiers à
faire respecter les contrats et limite ainsi la contribution des systèmes financiers à la
restructuration d’entreprises et à une allocation plus efficace du capital dans l’éco-
nomie. Rares sont les pays en Afrique qui disposent de systèmes d’information sur le
crédit efficaces, qu’il s’agisse de bureaux de crédit privé ou de registres de crédit public.
De façon générale, les services de paiement, notamment au niveau des paiements de
détail, demeurent fragmentés et coûteux.
Bien que manquant de profondeur, les systèmes bancaires africains sont pour la
plupart relativement stables grâce aux mises à niveau de la réglementation réalisées
ces vingt dernières années dans la plupart des pays africains et aux niveaux élevés de
capitalisation et de liquidité des banques. Mises à part quelques poches de vulnérabilité
cachées de moindre importance, le continent n’a été touché que par une seule crise
bancaire systémique au cours des 15 dernières années, au Nigeria3.

1.2 L’expansion des banques transfrontalières

Au cours des deux dernières décennies, les banques étrangères ont significativement
renforcé leur présence dans les pays africains. Entre 1995 et 2009, le nombre de succu-
rsales ou de filiales bancaires transfrontalières a pratiquement doublé pour passer de
120 à 227 (Graphique 1.1). Parallèlement, le nombre total de banques n’ayant quasiment
pas changé (de 421 à 442), la part des banques étrangères est ainsi passée de 29 à 51 %.
Si l’on examine la proportion moyenne des banques étrangères dans les pays, en
lieu et place de la proportion des banques étrangères dans l’ensemble des banques
présentes en Afrique, on observe une augmentation de 39 % en 1995 à 55 % en 2009
(Graphique 1.2, Panel A).

3 La crise nigériane de 2009 était en grande partie d’origine interne. À la suite d’un relèvement du capital minimum en
2005 et d’un vaste processus de consolidation bancaire au Nigeria, le secteur bancaire a connu une croissance spectacu-
laire. Les prêts sur marge octroyés par les banques à leurs clients ont été les principaux moteurs de l’expansion rapide
des actifs. Ces mêmes clients ont alors acheté des actions de banques en recourant au crédit, ce qui a conduit à une
surévaluation du marché des actions nigérian. Lorsque le marché des actions s’est replié, nombreux sont les clients qui
ont alors été incapables de rembourser leurs prêts sur marge, ce qui a entraîné une augmentation des prêts douteux.
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 31

Graphique 1.1 : Nombre et part des banques étrangères en Afrique


entre 1995 et 2009
Panel A : Nombre et part des banques étrangères

250 70%
60%
200
50%
150 40%
100 30%
20%
50
10%
0 0%
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
Nombre de banques étrangères (axe gauche) Proportion de banques étrangères (axe droit)

Panel B : Nombre total des banques nationales et étrangères

600

500
Nombre de banques

400

300

200

100

0
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
Banques nationales Banques étrangères

Source : base de données sur l’actionnariat des banques Claessens et van Horen (2014).
Remarques : le nombre total de banques étrangères et nationales correspond au nombre total de banques dans chacun de
tous les pays du continent africain. Une banque transfrontalière est considérée comme une banque nationale dans son pays
d’origine mais comme une banque étrangère dans chacun des pays où elle possède une filiale ou une succursale.

Un autre indicateur de l’importance de la présence des banques étrangères consiste


à mesurer la quote-part des actifs qu’elles détiennent par rapport aux actifs totaux du
secteur bancaire. Il existe très peu de données facilement accessibles de cette mesure.
De plus, ces données ne sont disponibles que depuis 2004 pour un grand nombre de
pays en développement et il existe un important décalage dans le temps. Pour 2009, les
banques sous contrôle étranger détenaient en moyenne à peine plus de la moitié des
actifs totaux du secteur bancaire dans les pays africains (Graphique 1.2, Panel B).
Dans le droit fil des tendances mondiales marquées i) par un renforcement toujours
plus poussé de l’intégration économique régionale et mondiale et ii) par la mondia-
32 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique

Graphique 1.2 : Participation des banques étrangères par région


entre 1995 et 2009
Panel A : Part moyenne des banques étrangères

70

60

50
Pourcentage

40

30

20

10

0
1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009

EOAC AFR ALC OCDE AEP

Panel B : Part moyenne des actifs des banques étrangères

70

60

50
Pourcentage

40

30

20

10

0
2004 2005 2006 2007 2008 2009

EOAC AFR ALC OCDE AEP

Source : base de données sur l’actionnariat des banques Claessens et van Horen (2014).
Remarques : regroupements régionaux : AEP = Asie de l’Est et Pacifique, EOAC = Europe orientale et Asie centrale, ALC =
Amérique latine et Caraïbes, OCDE = Organisation de coopération et de développement économiques, AFR = Afrique.
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 33

lisation des services financiers, la présence des banques étrangères a augmenté


non seulement en Afrique mais dans toutes les régions du monde au cours des deux
dernières décennies. La part des banques étrangères dans les pays africains (mesurée
à la fois par le nombre de banques de droit national et par la part des actifs bancaires ;
cf. Graphique 1.2) a toujours été relativement élevée en moyenne par rapport aux autres
régions du monde. Aujourd’hui, la part moyenne des banques étrangères dans les pays
africains vient au deuxième rang, tout juste derrière les pays de la région de l’Europe
orientale et de l’Asie centrale (EOAC), qui a vu l’arrivée sans précédent de banques
étrangères dans la foulée de la libéralisation financière et de l’intégration à l’Union
européenne à la fin de la guerre froide. La seule autre région du globe attestant d’un
nombre de banques étrangères comparable est l’Amérique latine et les Caraïbes (ALC),
avec une proportion moyenne de banques étrangères de 47 %. Ce pourcentage demeure
en deçà de la barre des 30 % dans les pays de la région de l’Asie de l’Est et du Pacifique
et dans les pays membres de l’OCDE ; cette proportion est encore plus faible si l’on
prend en compte la part moyenne des actifs détenus par les banques étrangères.
Ce tableau global masque toutefois de grandes disparités entre les pays d’Afrique.
La carte présentée au Graphique 1.3 donne une vue d’ensemble des participations des
banques étrangères mesurées en pourcentage des actifs totaux du secteur bancaire du
pays d’accueil détenus par les groupes financiers étrangers. D’un côté, on retrouve des
pays comme l’Éthiopie et l’Érythrée dont le système bancaire est encore complètement
fermé aux capitaux étrangers4.
De l’autre, certains systèmes financiers de moindre envergure, notamment les sec-
teurs bancaires du Bénin, du Burkina Faso, du Lesotho, de Madagascar, du Mozambique
et de la Zambie, sont presque totalement dominés par les banques étrangères. Entre
ces deux extrêmes, on retrouve un certain nombre de pays caractérisés par une très
forte présence des banques étrangères qui contrôlent 60 à 80 % des actifs du secteur
bancaire total ; c’est le cas notamment du Botswana, du Tchad, de la Côte d’Ivoire, de
la Guinée-Bissau, du Mali, de la Mauritanie, de la Namibie, du Niger et du Sénégal. La
tendance des plus petits systèmes financiers à être dominés par les banques étran-
gères semble être sans rapport avec les niveaux de revenus, comme en témoignent les
exemples de la Namibie et de Madagascar. Le Maroc, le Nigeria, l’Afrique du Sud et le
Kenya qui possèdent les secteurs parmi les plus développés du continent et accueillent
certaines des plus grandes banques transfrontalières africaines affichent une part
comparativement faible de participations étrangères dans leurs systèmes bancaires,
de l’ordre de 20 à 35 %. Ces disparités peuvent en partie s’expliquer par le contexte

4 L’Éthiopie est le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique et l'une des économies à la croissance la plus rapide du conti-
nent. Malgré la nature fermée du système financier éthiopien, un certain nombre de banques étrangères ont ouvert des
bureaux de représentation en Éthiopie ces dernières années. La banque allemande Commerzbank a été la première
banque étrangère à s’engager dans cette voie en 2007. En 2013, plusieurs banques africaines, dont Ecobank, South
African Standard Bank et quelques banques kenyanes, ont ouvert ou ont annoncé leur intention d’ouvrir des bureaux de
représentation à Addis-Abeba.
34 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique

historique et la situation spécifique de chaque pays. Au Nigeria, au Maroc et au Kenya,


par exemple, les réformes du secteur financier entreprises au moment de l’indépen-
dance ont conduit à la nationalisation (partielle) des banques étrangères, à la création
de banques publiques et au développement des banques locales en raison des faibles
barrières à l’établissement de nouvelles banques (cf. Encadré 1.4).

Graphique 1.3 : Part des actifs détenus par des banques étrangères
en Afrique en 2011

Part des actifs (en %)

0–20 20–40 40–60 60–80 80–100

Sources : sites Internet de banques centrales, rapports annuels des groupes bancaires, base de données sur l’actionnariat
des banques Claessens et van Horen (2014), rapports nationaux de la Banque mondiale/du FMI, GIZ (2012a, 2012b, 2012c,
2012d).
Remarques : il n’existe pas de données disponibles pour les pays indiqués en gris. L’expression « banque sous contrôle
étranger » désigne des banques majoritairement détenues par des opérateurs étrangers ou des banques contrôlées par
un actionnaire étranger minoritaire. Année de référence : 2011 ; lorsqu’il n’existe pas de chiffres disponibles pour 2011, les
données couvrant la période 2009 à 2012 ont été utilisées.
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 35

Il convient en outre de noter que deux pays d’Afrique, l’Île Maurice et les Seychelles,
se sont imposés en tant que centres financiers extraterritoriaux.
Une analyse selon leur origine géographique permet de regrouper les banques
étrangères implantées en Afrique selon deux catégories. Le premier groupe com-
prend les banques internationales d’origine non-africaine, en provenance d’Europe
notamment, mais aussi des marchés émergents, tels que l’Inde et la Chine, qui ont
récemment renforcé leur présence dans la région. Ce renforcement de la présence des
banques venant des pays émergents a grandement contribué au développement des
banques Sud-Sud en Afrique. Le second groupe se compose des banques transfronta-
lières africaines, constituées dans des juridictions du continent africain, principalement
en Afrique du Sud, au Nigeria, au Maroc et au Kenya. Il convient de noter qu’il s’agit là
d’une classification simplifiée de la population bancaire, dans la mesure où l’emplace-
ment du siège d’une banque et de l’actionnaire majoritaire peut changer au fil du temps,
comme en témoignent les Tableaux 1.1, 1.2 et 1.3. D’un point de vue réglementaire, la
structure de propriété constitue généralement le critère le plus pertinent pour identifier
le superviseur du pays d’origine d’une banque en vertu des réglementations bancaires
applicables. La supervision sur une base consolidée est généralement exercée par
l’autorité de contrôle du pays d’origine des actionnaires qui détiennent une participation
de contrôle dans le groupe bancaire. Pourtant, même dans ce cas, la classification n’est
pas toujours évidente et est parfois question d’appréciation [Encadré 1.2].

Encadré 1.2 : Barclays Africa Group est-il sud-africain ou britannique ?


Les activités de Barclays en Afrique illustrent parfaitement le fait qu’il n’est pas
toujours simple de déterminer le pays d‘origine d’une banque. Devenue actionnaire
majoritaire du groupe sud-africain Absa en mai 2005, la banque Barclays Bank basée au
Royaume-Uni (R.U.) gérait les activités africaines d’Absa au sein de ses propres activités
en Afrique sous la marque Barclays. En milieu d’année 2013, Barclays a créé Barclays
Africa Group en fusionnant le groupe Absa et les activités africaines de Barclays au sein
d’une seule et même structure de gestion pour « donner naissance à un acteur panafricain
de services financiers de premier plan », prenant une participation de 62,3 % dans le nou-
veau groupe (Barclays Bank PLC, 2012)a. Cette opération répondait au besoin de resserrer
les liens entre Barclays et Absa, qui jusque-là opéraient en grande partie comme des
entités distinctes en Afrique, afin de renforcer l’orientation stratégique du nouveau groupe
bancaire. En se basant uniquement sur la structure de l’actionnariat, le pays d’origine des
activités de Barclays Africa Group sur le continent est le Royaume-Uni dans la mesure
où Barclays est l’actionnaire majoritaire. Ceci dit, le siège social de Barclays Africa Group
est situé à Johannesburg et le groupe est de droit sud-africain. Par conséquent, même si
36 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique

Barclays (Royaume-Uni) est l’actionnaire majoritaire du groupe Barclays Africa, ce dernier


est supervisé sur une base sous-consolidée par la Banque centrale sud-africaine (SARB) ;
c’est-à-dire que le superviseur sud-africain supervise toutes les activités de Barclays Afri-
ca Group sur le continent sur une base consolidée. Si l‘on se réfère à la définition utilisée
dans le présent ouvrage, Barclays Africa Group est par conséquent considéré comme une
entité africaine dont le pays d’origine est l’Afrique du Sud. Parallèlement, Barclays Africa
Group est inclus dans la supervision globale sur une base consolidée du groupe Barclays
qui est sous la tutelle du superviseur britannique.
a  Les activités de Barclays Bank en Égypte et au Zimbabwe demeurent gérées par des entités distinctes. Bien qu’elles
ne fassent pas partie de Barclays Africa Group, elles font partie intégrante des activités africaines de Barclays et
sont gérées par le groupe Barclays Africa.

Le groupe des banques internationales se compose notamment de banques


françaises et britanniques, dont Barclays (même si Barclays Africa Group est consi-
déré comme étant un groupe africain selon les définitions utilisées dans le présent
rapport ; cf. Encadré 1.2), Standard Chartered, BNP Paribas et Société Générale,
qui jouissent historiquement d’une forte présence régionale dans leurs anciennes
colonies mais qui ont, ces dernières années, également étendu leurs activités au-delà
de leurs frontières historiques. Bénéficiant également d’une forte présence dans
leurs anciennes colonies, mais d’un rayonnement régional moins important, les
banques portugaises relèvent aussi de cette catégorie. Citigroup, banque établie aux
États-Unis, a établi une présence régionale en Afrique en ouvrant des filiales et des
succursales dans un grand nombre de pays au cours des dernières décennies. Ces
banques internationales continuent de bénéficier d’une forte implantation en Afrique
(cf. Graphique 1.4) et revêtent une importance systémique dans un certain nombre
de juridictions. Ainsi, avant que les activités africaines de Barclays ne relèvent des
autorités de tutelle africaine depuis cette année, les établissements financiers bri-
tanniques géraient plus de 30 % des dépôts au Botswana, sur l’île Maurice, en Afrique
du Sud et en Zambie, tandis que les sociétés affiliées des banques portugaises gèrent
environ deux tiers des dépôts en Angola et au Mozambique et 90 % au Cap Vert (FMI,
2012). Si la plupart de ces établissements opèrent depuis des décennies en Afrique,
de nouveaux opérateurs européens, comme la banque néerlandaise Rabobank, ont
récemment fait leur apparition (Encadré 1.3)5.

5 Plusieurs institutions de microfinance (MFI) se sont également implantées dans un certain nombre de pays africains en
proposant des investissements de création ciblant le marché des personnes à faibles revenus, dont une partie seulement
avaient obtenu des agréments bancaires et figurent donc dans notre liste des banques transfrontalières. La plupart de
ces MFI sont organisées en holdings présentant peu de liens financiers entre les pays (cf. Earne et al., 2014).
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 37

Encadré 1.3 : Une banque internationale d’un nouveau genre en Afrique :


les opérations de Rabobank
La banque néerlandaise Rabobank s’est implantée sur le marché africain au milieu des
années 2000, par l’intermédiaire de sa division Rabobank Development en prenant une
participation de 49 % dans la banque tanzanienne National Micro Finance Bank en 2005
(cette participation a par la suite été ramenée à 35 %), avant d’acquérir des participations
dans quatre autres banques dans divers pays africains : au Mozambique (49 %), au Rwanda
(35 %), en Ouganda (27,5 %), et en Zambie (46 %)a. Les activités de Rabobank en Afrique
diffèrent notablement de celles de ses concurrents internationaux qui tendent à cibler
le marché des entreprises de premier plan. Banque européenne jouissant d’une longue
expérience dans le financement agricole, la mission affichée de sa division Rabobank
Development est d’investir dans des banques bien établies en Afrique (à l’exception du
Mozambique, où Rabo Development s’est implantée via des investissements de création
(« greenfield »), l’objectif étant d’améliorer l’accès aux services financiers des populations
sous-bancarisées et de renforcer l’engagement des banques africaines dans le secteur
agricole. La démarche explicite de Rabobank est d’acquérir des participations minoritaires
lui offrant le contrôle de gestion plutôt que des participations lui conférant la majorité
absolue, afin de veiller à ce que ces banques « bénéficient de [ses] connaissances tout en
demeurant des banques locales ».
a : tous titres de participation confondus en septembre 2013 (Rabobank, 2013)
Source : https://www.Rabobank.com/en/rabo_development/about_us/about_us.html.
38 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique

Graphique 1.4 : Implantation géographique des principales banques


internationales en Afrique en 2013
Société Générale Citigroup

Standard Chartered BNP Paribas

Source : rapports annuels et sites Internet des banques.


Remarques : pays indiqués en couleur foncée : présence via des succursales ou des filiales. Couleur claire : bureaux de re-
présentation. Seules sont incluses les banques internationales qui ont ouvert des filiales ou des succursales dans au moins
10 pays africains.
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 39

Tableau 1.1 : Liste des principales banques transfrontalières internationales


en Afrique

No Nom Emplacement Participation Nombre de pays


du siège majoritaire/ africains
principal
actionnaire
minoritaire

1 Société Générale France France 17

2 Citigroup États-Unis États-Unis 15

3 Standard Chartered Royaume-Uni Royaume-Uni 14

4 BNP Paribas France France 13

5 Bank of Baroda Inde Inde 9

6 Access Holding Allemagne Non connu 5

7 Albaraka Bank (Groupe) Bahreïn Bahreïn 5

8 HBL Pakistan Pakistan Tanzanie 5


(Habib Bank Ltd.)

9 International Suisse Malaisie 5


Commercial Bank (ICB)

10 Rabobank Pays-Bas Pays-Bas 5

Remarques : plusieurs pays incluent le pays d’origine (si africain) et la représentation au travers de filiales ou de succursales
dans les pays africains ; les bureaux de représentation ne sont pas pris en compte. Les lignes en vert foncé indiquent les
banques considérées comme des banques panafricaines, définies dans le présent rapport comme étant présentes dans au
moins 10 pays africains.
40 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique

Encadré 1.4 : Bref historique du secteur bancaire en Afriquea


Au moment de l’indépendance, les systèmes bancaires de la plupart des pays afri-
cains étaient dominés par des banques sous contrôle étranger. Dans la majorité des
pays, les banques sous contrôle étranger étaient les seules banques commerciales.
Les autres banques, quand elles existaient, ne représentaient qu’une partie négli-
geable de l’activité totale de prêt. S’étant établies à l’époque coloniale, les banques
étrangères assuraient principalement le financement du commerce extérieur et le
fonds de roulement à court terme des sociétés étrangères et servaient la communauté
des résidents non africains. Les banques britanniques dominaient dans les colonies
britanniques, et les banques françaises et portugaises dominaient respectivement
dans les colonies françaises et portugaises. Si cette situation satisfaisait en partie à
des intérêts politiques, elle était également le résultat d’accords délibérés négociés
par les banques dans le but de préserver leurs parts de marché et d’empêcher la
concurrence, de façon à bénéficier de « rentes de monopole ». Ainsi, en Afrique de
l’ouest, la Bank of British West Africa (BBWA) avait conclu, en 1913, un accord avec
la Banque de l’Afrique Occidentale (BOA) prévoyant que les deux banques ne devaient
pas investir le territoire colonial de l’autre ni ouvrir de succursales sur le territoire de
l’autre (Austin et Ugochukwu Uche, 2007).
Dans les années 60 et 70, les gouvernements des nouveaux états indépendants,
estimant que les banques étrangères ne répondaient ni à leurs besoins ni à leurs objectifs
de développement, engagèrent une première série de réformes du secteur financier. Il
était reproché à ces banques de discriminer les Africains et les entreprises sous contrôle
africain et de ne prêter presque exclusivement qu’aux entreprises étrangères à des fins de
financement du commerce extérieur et autres objectifs à court terme. Sous la pression, les
gouvernements ont été amenés à intervenir dans le secteur financier. Bien que l’ampleur
des mesures prises ait varié selon les pays, l’objectif global consistait à remédier aux
insuffisances de financement constatées au moyen de directives visant à réduire le coût du
crédit et de la création d’institutions de développement chargées d’accorder des finance-
ments à long terme. La plupart des gouvernements créèrent des banques publiques afin
de répondre aux besoins des pans de l’économie qui s’étaient vus refuser des prêts par les
banques étrangères. Localement, des banques privées pénétrèrent également le marché
dans certains pays, notamment au Kenya et au Nigeria où peu de barrières s’opposaient
à leur établissement, les banques entrevoyant la possibilité de se concurrencer sur les
services ou de dégager des rendements importants, notamment sur les opérations de
change ou l’octroi de prêts aux initiés. Au cours de cette période, les banques étrangères
réussirent pour la plupart à maintenir leur présence – les gouvernements prenant parfois
des participations minoritaires dans ces banques, comme ce fut le cas en Ouganda et au
Ghana, ou des participations majoritaires comme ce fut le cas au Nigeria et au Malawi -
bien que leur importance relative ait diminué face à l’émergence de nouvelles banques
publiques et privées locales.
Dans les années 80, nombreuses sont les économies africaines qui ont dû faire face à
des crises économiques sous l’effet combiné de chocs externes et de l’échec des politiques
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 41

nationales. Les politiques interventionnistes ciblant le secteur financier se sont révélées


très coûteuses pour un résultat quasiment nul, voire nul. À l’exception de l’Éthiopie, les
pays dans lesquels l’intervention du gouvernement a été la plus forte ont subi les dom-
mages les plus importants. De nombreuses banques publiques ont fait faillite non seule-
ment du fait de la pression des gouvernements qui exigeaient qu’elles octroient des prêts à
des conditions inacceptables, mais aussi en raison du manque de compétences techniques
et d’une mauvaise gestion. Dans différents pays, plusieurs banques publiques détenaient
des prêts douteux représentant jusqu’à 80 % de leurs portefeuilles de prêt. Toutefois, les
banques publiques n’ont pas toutes fait faillite. Dans les pays où l’intervention publique a
été plus mesurée et où les marchés du crédit ont ainsi été relativement moins déséquili-
brés, comme au Kenya, en Éthiopie et au Zimbabwe, les banques publiques sont demeu-
rées opérationnelles, en grande partie parce que le secteur privé participait au capital de
ces banques ou que des banque étrangères en assuraient la gestion. S’inscrivant dans un
programme de libéralisation économique plus général imposé aux pays dans le cadre du
processus d’ajustement structurel mené dans les années 90 et au début des années 2000,
les secteurs bancaires de nombreux pays africains se sont libéralisés. L’objectif était de
rétablir l’octroi de crédits sur la base de critères commerciaux, en s’appuyant sur les com-
pétences d’évaluation du risque de crédit du secteur privé et de revenir à des taux d’intérêt
déterminés par le marché. La libéralisation du secteur financier a alors offert aux banques
des possibilités d’établissement et d’expansion sur l’ensemble du continent.
Si de nombreux pays africains ont vu la participation des banques étrangères aug-
menter de façon significative au cours de cette période, le Kenya, le Nigeria et l’Afrique du
Sud ont connu des évolutions opposées. Au Kenya, la gestion relativement prudente et la
consolidation du solide ancrage sur le marché de Kenya Commercial Bank, dont l’action-
nariat est désormais majoritairement privé mais qui reste contrôlée par l’État, conjuguées
à la vive concurrence du secteur privé ont favorisé l’innovation et, dans les années 2000,
ont servi de creuset au développement de produits et à l’expansion transfrontalière en
Afrique orientale. Au Nigeria, durant la période de consolidation qui a suivi le relèvement
des exigences minimales de fonds propres en 2005, le gouvernement a d’abord découragé
les investissements des banques étrangères, et la phase de restructuration des banques
en 2009 ne les a pas incitées davantage à investir. En Afrique du Sud, la présence des
banques étrangères a reculé à la fin des années 80, les banques subissant des pressions
toujours plus fortes pour se retirer d’un pays soumis à l’apartheid. La période de volatilité
du secteur au début des années 90 a été l’occasion d’une opération de consolidation au
travers de la fusion de plusieurs banques qui a donné naissance à Absa. La promulgation
du Banks Act (1990) a stimulé la croissance du secteur, via l’octroi de nombreux agré-
ments bancaires. Fin 2001, le nombre de banques enregistrées s’élevait à 43. Au début de
l’année 2002, plusieurs banques ont été placées sous curatelle, ce qui a déclenché une
vague de retraits massifs auprès d’un certain nombre de petites banques. L’Afrique du
Sud se caractérise désormais par un système bancaire fortement concentré, dominé par
quatre banques.
a Sauf indication contraire, cet encadré s’appuie plus particulièrement sur les travaux de Brownbridge et Harvey (1998).
42 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique

Cela étant, au cours de la dernière décennie, le paysage bancaire en Afrique a subi


de profonds changements sous l’effet d’importants investissements Sud-Sud, prove-
nant principalement du continent africain mais aussi du reste du monde, ce qui a eu
pour effet de diminuer l’importance relative des banques étrangères traditionnelles.
Les pays du continent africain s’étant engagés dans une phase de libéralisation qui a
débuté à la fin des années 80 et au début des années 90 – entraînant l’abandon des
politiques interventionnistes visant le secteur financier menées sur tout le continent
par les nouveaux pays indépendants (cf. Encadré 1.4) – de nouveaux acteurs ont fait
leur apparition sur le marché ou ont renforcé leur présence. Ces nouveaux acteurs
cherchent à tirer profit d’une croissance économique qui a régulièrement dépassé la
croissance mondiale depuis le début des années 2000, y compris durant la crise finan-
cière mondiale ; ils souhaitent également tirer parti de l’essor de la classe moyenne
africaine et, du moins dans certains cas, des vastes débouchés qu’offrent les popula-
tions non bancarisées6.
Parmi ces nouveaux arrivants non traditionnels non africains, citons l’Inde, la
Chine, le Pakistan, Bahreïn et la Jordanie (cf. Annexe 1.1 pour une liste complète).
Après une première période d’expansion au milieu du XXe siècle, essentiellement
pour répondre aux besoins des acteurs commerciaux indiens, on observe actuelle-
ment une seconde phase d’expansion des banques indiennes en Afrique. La Bank of
Baroda, à la tête du plus important réseau, est actuellement présente au Botswana,
au Ghana, au Kenya, à l’Île Maurice, aux Seychelles, en Afrique du Sud, en Tanzanie,
en Ouganda et en Zambie (coentreprise). Par ailleurs, certains établissements finan-
ciers tels qu’ICICI Bank, plus important prêteur du secteur privé indien, et Canara
Bank prévoient de s’implanter sur le continent. À l’instar d’autres banques internatio-
nales, elles voient l’Île Maurice comme une porte d’entrée sur le marché africain. La
Bank of China a été la première banque chinoise à s’implanter en Afrique en ouvrant
une filiale en Zambie en 1997 pour accompagner le développement des entreprises
chinoises en Zambie. Par la suite, en 2007, l’Industrial and Commercial Bank (ICBC) a
pris une participation stratégique de 20 % dans le groupe sud-africain Standard Bank,
plus grand prêteur africain en termes d’actifs et de bénéfices. Dans le sillage de ce
premier investissement de grande envergure d’une banque chinoise en Afrique, qui
a été, de l’avis général, un succès, Bank of China a conclu un partenariat stratégique
avec le groupe Nedbank en 2013 en vue de financer et de développer le commerce
sino-africain. La Chine étant devenue le plus important partenaire commercial de
l’Afrique du Sud et du continent tant en termes d’exportations que d’importations
(FMI DOTS, 2012), les investissements et les partenariats stratégiques sino-africains
devraient s’intensifier à l’avenir.

6 Selon la base de données Global Findex, seulement 23 % des adultes âgés de 15 ans ou plus ont accès aux services
bancaires en Afrique (Klapper et Singer, à venir).
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 43

L’arrivée de banques internationales non traditionnelles paraît toutefois dérisoire


comparée à l’expansion au-delà de leurs frontières des banques africaines qui ont
renforcé, ces dix dernières années, leur présence physique et économique sur le
continent africain comme jamais auparavant. La taille du réseau de sociétés affiliées
d’Ecobank a été multipliée par trois en Afrique entre 2000 et 2013, passant de 11 à 32
pays7. La banque nigériane United Bank for Africa a renforcé sa présence en passant
de 1 à 19 pays ; la banque marocaine Attijariwafa Bank, quant à elle, est passée de 1
à 12 pays à la suite de l’acquisition de la participation africaine de la banque fran-
çaise Crédit Agricole ; et la banque marocaine BMCE est passée de 2 à 18 pays sur la
même période grâce, en grande partie, à l’acquisition stratégique de Bank of Africa.
Alors que la plupart des établissements financiers ont commencé ou accéléré leur
projet d’expansion au cours des cinq dernières années, Ecobank et un certain nombre
de banques sud-africaines, notamment Standard Bank, ont amorcé ce processus
beaucoup plus tôt. Standard Bank a été la première banque africaine à se développer
dans d’autres pays du continent en faisant l’acquisition des activités en Afrique de la
banque britannique ANZ Grindlays, en 1993. Grâce à cette acquisition, Standard Bank
– plus connue sous le nom de Stanbic en Afrique hors Afrique du Sud – a rapidement
renforcé sa présence en Afrique australe et orientale pour se déployer en Afrique
orientale, au Soudan et dans l’ancienne Rhodésie (aujourd’hui le Zimbabwe). Eco-
bank s’est tout d’abord développée en Afrique de l’ouest dans les années 90 et après
2005 et a rapidement étendu ses activités en Afrique centrale, orientale et australe,
ce développement s’inscrivant dans le cadre de son projet de devenir une banque
panafricaine8. Le Graphique 1.5 illustre la chronologie de cette rapide expansion sur la
période allant de 1990 à 2013.

7 Cette énumération se réfère à la présence d’une banque dans son pays d’origine ainsi qu’à sa représentation dans
d’autres pays africains au travers de filiales ou de succursales ; les bureaux de représentation ne sont pas pris en
compte.
8 L’expansion d’Ecobank après 2005 a également coïncidé avec le relèvement drastique des exigences minimales de fonds
propres au Nigeria qui, couplé à des débouchés nationaux limités, a conduit de nombreuses banques nigérianes à se
développer à l’étranger (voir discussion ci-dessous en section 1.3. Les raisons de l’expansion transfrontalière).
44 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique

Graphique 1.5 : Développement transfrontalier des groupes financiers africains


au fil du temps entre 1990 et 2013

35

30

25
Nombre de pays

20

15

10

0
Ecobank

United Bank
for Africa

Standard
Bank

BMCE / Bank
of Africa

Attijariwafa
Bank

Banque Centra-
le Populaire

Access
Bank

Afriland
First Bank

Guaranty
Trust Bank

1990 2000 2005 2010 2013

Sources : rapports annuels et sites Internet des banques.


Remarques : le graphique illustre la représentation des banques transfrontalières africaines au travers de succursales
ou de filiales, hors bureaux de représentation. Barclays Africa Group n’est pas pris en compte dans la mesure où il a été
créé en 2013. Avant le regroupement des activités en Afrique de Barclays et du réseau de sociétés affiliées de la banque
sud-africaine Absa, Barclays et Absa opéraient côte à côte entre 2005 et 2013, ce qui complique la lecture de ce graphique.
En 2013, Barclays Africa Group possédait des filiales et des succursales dans 10 pays. Pour plus d’informations, cf. Encadré
1.2 : Barclays Africa Group est-il sud-africain ou britannique ?

Tous ces groupes ont suivi un schéma similaire de développement. Depuis leur marché
d’origine, ces banques se sont tout d’abord généralement implantées dans les pays
frontaliers puis dans toute la région et, dans certains cas, sur l’ensemble du continent et
au-delà (cf. Graphique 1.6). Dans chaque sous-région, un ou deux pays sont devenus des
centres financiers dominants. Au sein de la Communauté de développement de l’Afrique
australe (SADC), ce sont les banques sud-africaines qui bénéficient de la plus forte pré-
sence, le groupe Standard Bank étant désormais implanté dans toute la partie australe
et orientale du continent, dans certaines parties d’Afrique centrale, ainsi qu’au Nigeria
et au Ghana. Les banques marocaines Attijariwafa Bank et Banque Centrale Populaire
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 45

se sont concentrées sur l’Afrique de l’ouest tandis que leur concurrent marocain BMCE
s’est implanté en Afrique de l’ouest, centrale et orientale. Ces dernières années, plusieurs
banques nigérianes se sont développées au-delà de l’Afrique de l’ouest pour s’implanter
également en Afrique centrale, orientale et australe. Les banques kenyanes sont concen-
trées en Afrique orientale et les banques libanaises en Afrique de l’ouest et du Nord.

Graphique 1.6 : Couverture géographique des principales banques africaines


en Afrique en 2013
Ecobank United Bank for Africa

Banque Sahélo-Saharienne Attijariwafa Bank


46 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique

Standard Bank Banque Marocaine du Commerce Extérieur

Groupe Barclays Africa Banque Centrale Populaire

Sources : rapports annuels et sites Internet des banques.


Remarques : les étoiles signalent le siège social de chaque banque. Pays indiqués en couleur foncée : présence via des suc-
cursales ou des branches. Couleur claire : bureaux de représentation. Seules sont incluses les banques dont le siège social
est situé en Afrique et qui ont ouvert des filiales ou des succursales dans au moins 10 pays africains.
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 47

Tableau 1.2 : Liste des principales banques transfrontalières africaines

No Nom Emplacement Participation Nombre de pays


du siège majoritaire/ africains
principal
actionnaire
minoritaire

1 Ecobank Togo Afrique du Sud 32

2 United Bank for Africa Nigeria Nigeria 19


(UBA)

3 Standard Bank Group Afrique du Sud Afrique du Sud 18


(Stanbic)

4 Banque Marocaine du Maroc Maroc 18


Commerce Extérieur
(BMCE)

5 Banque Sahélo- Libye Libye 14


Saharienne pour
l’Investissement et le
Commerce (BSIC)

6 Attijariwafa Bank Maroc Maroc 12

7 Banque Centrale Maroc Maroc 11


Populaire du Maroc
(BCP)

8 Groupe Barclays Africa Afrique du Sud Royaume-Uni 10

9 Access Bank Nigeria Nigeria 9

10 Guaranty Trust Bank Nigeria Nigeria 9


Ltd.

Remarques : un certain nombre de pays comprennent le pays d’origine (si africain) et la représentation au travers de filiales
ou de succursales dans des pays africains ; les bureaux de représentation ne sont pas pris en compte. Les lignes en gris
foncé indiquent les banques considérées comme des banques panafricaines, définies dans le présent rapport comme étant
présentes dans au moins 10 pays africains.
48 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique

Dans de nombreux cas, l’expansion transfrontalière s’est accompagnée de la mise en


place, à un rythme effréné, de réseaux locaux de sociétés affiliées à l’étranger. Plu-
sieurs groupes ont multiplié les succursales dans les pays d’accueil. Ainsi, le nombre
de filiales d’Attijariwafa Bank uniquement au Sénégal est passé de 40 à 87 entre 2009
et 2010. Sur la même période, le nombre total de filiales et de points de services de
la BMCE est passé de 12 à 26 au Burkina Faso et de 17 à 43 au Bénin. Au final, cette
expansion s’est traduite par une densification des liens de propriété et des flux finan-
ciers transfrontaliers au sein des sous-régions africaines.
En termes de couverture géographique, huit banques africaines et quatre banques
internationales sont chacune représentées par l’intermédiaire de succursales ou
de filiales dans au moins 10 juridictions africaines et peuvent donc être considérées
comme des établissements panafricains (cf. Tableaux 1.1 et 1.2). Alors que les banques
transfrontalières africaines se concentrent principalement sur le marché africain, trois
d’entre elles – Standard Bank, United Bank for Africa et First National Bank – se sont
également développées hors du continent africain et ont commencé à s’assurer une
présence significative en Europe, sur le continent américain et en Asie.
Le déploiement des banques africaines sur le continent leur a également permis
d’asseoir leur poids économique en dehors de leur pays d’origine. Un certain nombre
de banques transfrontalières africaines détiennent désormais une part significative
des actifs des systèmes bancaires des pays d’accueil et peuvent donc être considé-
rées comme revêtant une importance systémique (cf. Graphique 1.7). Outre le fait de
disposer de la plus grande couverture géographique en Afrique, Ecobank détient plus
de 10 % des actifs des systèmes bancaires dans 13 pays d’accueil en Afrique. Elle s’est
notamment imposée au Liberia, en République centrafricaine et en Guinée où elle
détient environ 40 % des actifs totaux du secteur. D’autres banques détiennent égale-
ment une part significative des actifs des systèmes bancaires d’accueil du continent.
Standard Bank possède plus de 10 % des actifs des systèmes bancaires dans neuf
pays, contre cinq pays pour la BCME, six pays pour le groupe Barclays Africa, quatre
pays pour la First National Bank et trois pays pour Attijariwafa Bank. Dans neuf cas,
Ecobank, Standard Bank, le groupe Barclays Africa, la BCME ou la First National Bank
concentrent plus de 30 % des actifs du système bancaire du pays d’accueil. Les banques
transfrontalières africaines ont désormais atteint la taille d’établissements d’impor-
tance systémique dans un certain nombre de pays d’accueil, même si cette importance
doit être appréciée à l’aune de la faible profondeur des systèmes financiers qui est une
caractéristique des petites économies en Afrique.
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 49

Graphique 1.7 : Part des actifs dans les systèmes bancaires des pays d’accueil (%)
d’une sélection de banques africaines en 2011

Panel A : Ecobank

50
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
Liberia

République
centrafricaine

Guinée

Guinée-Buissau

Togo

Tchad

Burkina Faso

Bénin

Niger

Mali

Côte d’Ivoire

Sénégal

Rwanda
Panel B : Standard Bank

50
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
Lesotho

Namibie

Ouganda

Botswana

Malawi

Swaziland

Mozambique

Zambie

Zimbabwe
50 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique

Panel C : BMCE / Bank of Africa Panel D : Barclays Africa Group

50 50
45 45
40 40
35 35
30 30
25 25
20 20
15 15
10 10
5 5
0 0
Madagascar

Bénin

Niger

Djibouti

Burkina Faso

Seychelles

Botswana

Zambie

Ghana

Ouganda

Île Maurice
Panel E : First National Bank Panel F : Attijariwafa Bank

50 50
45 45
40 40
35 35
30 30
25 25
20 20
15 15
10 10
5 5
0 0
Namibie

Lesotho

Botswana

Swaziland

Sénégal

Cameroun

Mali

Sources : sites Internet des banques centrales, rapports annuels des groupes bancaires, base de données sur l’actionnariat des
banques Claessens et van Horen (2014), rapports nationaux de la Banque mondiale/du FMI, GIZ (2012a, 2012b, 2012c, 2012d).
Remarques : porte sur une sélection de banques transfrontalières africaines présentes dans au moins trois pays d’accueil
africains et détenant au moins 10 % des actifs du système bancaire du pays d’accueil dans au moins trois pays. Année de
référence : 2011 ; lorsqu’il n’existe pas de chiffres disponibles pour 2011, i les données couvrant la période 2009 à 2012 ont
été utilisées.
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 51

Il convient de noter que les banques panafricaines recensées dans le Tableau


1.2 ne bénéficient pas toutes d’une présence significative à l’étranger, en termes
de quote-part d’actifs dans les actifs totaux du système bancaire du pays d’accueil :
United Bank of Africa (Tchad, Burkina Faso), la Banque Sahélo-Saharienne
(République centrafricaine, Tchad), Libyan Foreign Bank (Tchad) et la Banque
Centrale Populaire (République centrafricaine, Côte d’Ivoire) détiennent chacune
seulement plus de 10 % des actifs du système bancaire dans seulement un ou
deux pays d’accueil. Ainsi, si ces banques bénéficient d’une large couverture
géographique, leurs participations restent relativement concentrées dans certaines
parties du continent, ce qui ne leur a pas permis de renforcer notablement leur
poids économique9. Cela étant, si le rythme de croissance actuel des activités
bancaires transfrontalières se maintient et si les banques basées en Afrique
décident de s’engager plus avant dans le développement de produits et dans
l’innovation, leur contribution à l’approfondissement du secteur financier pourrait
gagner en importance, et le nombre de pays dans lesquels les banques africaines
revêtent une importance systémique devrait augmenter.
L’importance systémique d’un certain nombre de banques africaines sur le
continent contraste nettement avec l’importance des banques internationales.
Parmi les banques internationales recensées dans le Tableau 1.1, seules quatre
détiennent plus de 10 % des actifs du système bancaire dans au moins trois pays
d’accueil africains (cf. Graphique 1.8). La Société Générale et Standard Chartered
détiennent chacune autour de 10 à 20 % des actifs des systèmes bancaires dans six
pays africains. BNP Paribas détient plus de 10 % des actifs des systèmes bancaires
d’accueil dans quatre pays, notamment en Guinée, où elle détient près de la moitié
de tous les actifs du système bancaire. Rabobank détient environ 16 % des actifs
du secteur bancaire via ses participations minoritaires de contrôle dans trois pays
africains. Comme évoqué ci-dessus, un petit nombre de banques portugaises
représente une part importante des actifs des systèmes bancaires en Angola, au Cap
Vert et au Mozambique (FMI, 2012).

9 Il faut savoir qu’en l’absence d’une meilleure mesure, l’importance systémique est appréciée à l’aune de la part d’actifs
détenus. L’importance systémique n’est pas nécessairement corrélée de manière linéaire avec la part de marché,
mais peut également être liée à la position stratégique au sein des systèmes de paiement ou de tout autre élément
d’infrastructure. De même, la part de marché mesurée en fonction du nombre de déposants plutôt que du volume des
dépôts peut contribuer à l’importance systémique d’un établissement en termes socio-économiques.
52 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique

Graphique 1.8 : Part des actifs dans les systèmes bancaires des pays d’accueil (%)
d’une sélection de banques internationales en 2011

Panel A : Société Générale Panel B : Standard Chartered

50 50
45 45
40 40
35 35
30 30
25 25
20 20
15 15
10 10
5 5
0 0
Guinée équatoriale

Sénégal

Cameroun

Côte d’Ivoire

Tchad

Burkina Faso

Botswana

Zambie

Ouganda

Île Maurice

Ghana

Zimbabwe
Panel C : BNP Paribas Panel D : Rabobank

50 50
45 45
40 40
35 35
30 30
25 25
20 20
15 15
10 10
5 5
0 0
Guinée

Madagascar

Gabon

Sénégal

Zambie

Tanzanie
Rwanda

Sources : sites Internet des banques centrales, rapports annuels des groupes bancaires, base de données sur l’actionnariat des
banques Claessens et van Horen (2014), rapports nationaux de la Banque mondiale/du FMI, GIZ (2012a, 2012b, 2012c, 2012d).
Remarques : porte sur une sélection de banques transfrontalières internationales présentes dans au moins trois pays d’accueil
africains et détenant au moins 10 % des actifs du système bancaire du pays d’accueil dans au moins trois pays. Année de
référence : 2011 ; lorsqu’il n’existe pas de chiffres disponibles pour 2011, les données couvrant la période 2009 à 2012 ont été
utilisées.
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 53

Graphique 1.9 : Liens de propriété des banques africaines

MAR

LBY

MLI NER
SEN TCD

GNB BFA
GIN BEN
TGO NGA
CIV GHA SDN
LBR CAF
CMR

GNQ UGA
KEN
GAB COG
COD RWA
SYC

MWI MOZ
ZMB

ZWE MDG
MUS
NAM BWA

SWZ

LSO

Taille du système bancaire


ZAF national
Part des actifs en USD dans
le système bancaire du
pays d’accueil
Ecobank uniquement

Sources : sites Internet des banques centrales, rapports annuels des groupes bancaires, base de données sur l’actionnariat des
banques Claessens et van Horen (2014), rapports nationaux de la Banque mondiale/du FMI, GIZ (2012a, 2012b, 2012c, 2012d).
Remarques : le graphique n’illustre les liens de propriété entre les pays que si la part d’actifs détenus par les pays d’origine
représente au moins 10 % du système bancaire du pays d’accueil. La taille des bulles est proportionnelle à la taille absolue
du secteur bancaire de chaque pays. Année de référence : 2011 ; lorsqu’il n’existe pas de chiffres disponibles pour 2011, les
données couvrant la période 2009 à 2012 ont été utilisées.
54 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique

Graphique 1.10 : Liens de propriété des banques internationales en Afrique


NLD
BEL
FRA GBR
LUX

PRT

TUN

USA

NER
SEN TCD
GNB
GIN DJI
TGO
CIV GHA

GNQ UGA
STP
RWA
COD
TZA SYC

AGO
ZMB MOZ

ZWE
MDG
BWA
Taille du système bancaire
national
Part des actifs en USD dans
le système bancaire du pays
d’accueil

Sources : sites Internet des banques centrales, rapports annuels des groupes bancaires, base de données sur l’actionnariat des
banques Claessens et van Horen (2014), rapports nationaux de la Banque mondiale/du FMI, GIZ (2012a, 2012b, 2012c, 2012d).
Remarques : le graphique n’illustre les liens de propriété des pays que si la part d’actifs détenus par les pays d’origine
représente au moins 10 % du système bancaire du pays d’accueil. La taille des bulles est proportionnelle à la taille absolue
du secteur bancaire de chaque pays. Année de référence : 2011 ; lorsqu’il n’existe pas de chiffres disponibles pour 2011, les
données couvrant la période 2009 à 2012 ont été utilisées.
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 55

Les liens de propriété transfrontaliers les plus notables entre secteurs bancaires
africains sont illustrés par des graphiques en réseau en se plaçant du point de vue
des pays d’accueil, que ce soit à l’intérieur du continent africain (Graphique 1.9) ou
à partir de pays non africains (Graphique 1.10). La taille des bulles des pays reflète
la taille absolue du système bancaire du pays concerné, l’Afrique du Sud, le Nigeria,
le Maroc, le Kenya, l’Île Maurice et la Libye étant visiblement les centres financiers
les plus importants en Afrique. Les liens entre les pays illustrent la part du secteur
bancaire de la juridiction d’accueil détenue par des banques dans les pays d’origine.
Le lien qui unit l’Afrique du Sud et le Lesotho, par exemple, est particulièrement épais
dans la mesure où les banques sud-africaines détiennent quasiment 100 % des actifs
du système bancaire du Lesotho. Parmi les banques africaines (Graphique 1.9), les
banques sud-africaines comptent le plus grand nombre de liens transfrontaliers, du
fait notamment que les activités d’Ecobank sont rattachées à l’Afrique du Sud, étant
donné que le principal actionnaire minoritaire de la holding du groupe est un fonds
d’investissement sud-africain (Public Investment Corporation)10. Le Graphique 1.10
témoigne de la forte implantation des banques européennes et américaines dans les
juridictions africaines bien que celle-ci soit plutôt concentrée.

1.3 Les raisons du développement transfrontalier

Si plusieurs facteurs expliquent le développement transfrontalier des banques


africaines, la recherche de débouchés à l’étranger, portée habituellement par la
clientèle des grandes entreprises des banques, en est généralement le principal
moteur. Pour évaluer les moteurs du développement de l’activité transfrontalière,
les économistes établissent une distinction entre facteurs d’attraction et facteurs
d’incitation. Les facteurs d’incitation sont les éléments liés au contexte du pays
d’origine motivant la décision des banques de se développer à l’étranger. Au premier
rang, on trouve la baisse des débouchés dans la juridiction d’origine et les exigences
réglementaires. À l’opposé, les facteurs d’attraction sont les opportunités offertes par
le pays d’accueil qui incitent une banque à pénétrer ce nouveau marché. Autrement dit,
les facteurs d’attraction sont les avantages dont comptent bénéficier les banques en
s’implantant sur un marché étranger donné.
Le déclin ou la réduction (ou leur perception) des possibilités de profit dans
l’économie d’origine, notamment au regard des opportunités offertes par les marchés
d’accueil potentiels, figure au nombre des principaux facteurs d’incitation favorisant
l’expansion des banques au-delà de leur marché d’origine. Ce facteur joue également
un rôle important pour les banques africaines. Ainsi, la fin de l’apartheid en Afrique du

10 La quote-part de l’actionnariat sud-africain dans Ecobank Transnational International (ETI) pourrait être considérable-
ment augmentée si Nedbank venait à exercer une option de conversion en capitaux propres à hauteur de 20 % du capital
social d’ETI au cours d’une période de 12 mois s’achevant en novembre 2014.
56 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique

Sud a poussé les banques sud-africaines à se développer hors de leurs frontières en


leur offrant des perspectives d’investissement qui leur était auparavant refusées et la
possibilité de tirer parti de la profondeur et des capacités du marché sud-africain. Plus
récemment, l’Afrique orientale a été le théâtre d’un processus similaire : l’innovation
et la profondeur accrue du marché kenyan a donné aux banques kenyanes l’impulsion
nécessaire pour reproduire leurs modèles économiques innovants dans les pays voisins.
Dans la mesure où les banques apprécient les possibilités de profit en comparant les
atouts de leur marché domestique et ceux des éventuels pays d’accueil, des marges
bénéficiaires relativement plus substantielles à l’étranger peuvent également constituer
un facteur d’attraction déterminant pour l’expansion.
Autre argument déterminant dans la décision des banques africaines de s’implanter
sur de nouveaux marchés : l’évolution de la réglementation dans le pays d’origine. Au
Nigeria, par exemple, la banque centrale a relevé de manière drastique les exigences
minimales de fonds propres de 2 milliards de nairas (soit environ 14 millions de dollars
US) fin 2004 à 25 milliards de nairas (environ 180 millions de dollars US) fin 2005,
l’objectif étant d’accélérer le processus de consolidation et de transformation du système
bancaire jusqu’alors dominé par une pléthore de petites banques relativement instables
pour n’admettre qu’un nombre plus limité de prêteurs restreint, mais de plus grande
importance et plus résistants. Une vague de fusions-acquisitions a permis de ramener les
89 banques commerciales alors agréées à 25 en un an. Ces regroupements ont conduit à
l’émergence de banques qui ont levé d’importantes quantités de capitaux frais, certaines
affichant un niveau de fonds propres de plus de 100 milliards de nairas, soit quatre fois
plus que le minimum réglementaire. La banque centrale a encouragé ce processus en
promettant aux banques dont les fonds propres excèdent 100 milliards de nairas le droit
de gérer les réserves internationales du Nigeria. Les banques nigérianes ont alloué
leur capital au financement d’une croissance exponentielle de leurs portefeuilles de
prêts (Berg et al., 2012). La quête de rendement alimentée par le montant significatif de
capitaux excédentaires disponibles au sein du système bancaire national a également
été un facteur d’incitation déterminant qui a poussé les banques nigérianes à mener une
politique agressive d’expansion dans la région (cf. Graphique 1.5).
Au Kenya, les autorités ont adopté une mesure réglementaire similaire quoique plus
progressive et nettement moins drastique visant à relever les exigences minimales de
noyau dur des fonds propres de 250 millions shillings kényans (4 millions de dollars
US) en 2008 à 1 milliard de shillings kényans (12 millions de dollars US) en 2012. Si
ce relèvement des exigences minimales de fonds propres nettement plus mesuré
(comparé au Nigeria) a pu, dans une certaine mesure, contribuer au développement
de plusieurs banques kenyanes en Afrique orientale, cette mesure a probablement eu
davantage pour effet de dissuader les banques domiciliées dans les systèmes financiers
de moindre envergure des pays voisins d’Afrique orientale de s’implanter sur le marché
kényan.
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 57

L’ambition de certaines banques africaines de devenir des banques panafricaines


de premier plan a eu une incidence sur leurs plans stratégiques et a stimulé leur
déploiement sur le continent. Ecobank a été créée en 1985 avec l’objectif de devenir
une banque régionale d’Afrique de l’ouest. C’est en partie pour cette raison qu’elle
a été constituée en tant que holding avec le statut d’organisation internationale
(lui conférant le statut d’un établissement financier non-résident), condition jugée
nécessaire pour opérer en tant qu’établissement régional plutôt qu’en tant que
banque togolaise. Dans les années 2000, Ecobank a décidé de placer la barre plus
haut et de devenir une banque panafricaine. Une ambition également poursuivie par
un certain nombre de banques nigérianes, dont Access Bank et UBA, convaincues que
leur développement en Afrique leur conférerait un avantage concurrentiel (Lukonga
et Chung, 2010). Il est intéressant de constater qu’Access Bank a, depuis, fait marche
arrière et annoncé, début 2013, aux investisseurs et aux analystes son intention de
diluer ou de céder ses holdings largement déficitaires dans six des neuf pays où elle
possède des filiales bancaires (cf. Encadré 1.5). Étant donné la relative compétitivité
et le relatif développement de leurs activités sur le marché intérieur, les perspectives
de croissance limitée sur le marché intérieur et le recul des marges bénéficiaires,
et encouragées par les bonnes dispositions de Bank Al-Maghrib, les banques
marocaines se sont principalement développées dans les pays francophones d’Afrique

Encadré 1.5 : Access Bank, un contrepoint à l’expansion des banques


transfrontalières africaines
Access Bank offre un exemple intéressant de contre-pied au déploiement des banques
transfrontalières africaines au cours des dernières années. Cette banque s’est d’abord
implantée en Afrique francophone et en Zambie à la suite de la consolidation du secteur
bancaire nigérian en 2005, avec l’ambition de devenir une banque panafricaine. Elle a
toutefois récemment annoncé son intention de se désengager d’un certain nombre de pays
et de consolider ses activités transfrontalières en Afrique, dans la mesure où ses filiales
n’étaient pas toutes rentables et où il était devenu plus difficile de justifier le maintien de
filiales à part entière dans les petites économies où l’intermédiation est faible – notam-
ment en Sierra Leone, en Gambie et au Burundi. En Côte d’Ivoire, la banque a attribué les
difficultés rencontrées aux différences culturelles. En Zambie, la banque a répondu au
relèvement des exigences minimales de fonds propres visant les banques sous contrôle
étranger. Au Ghana, l’un de ses principaux marchés, la banque se développe grâce notam-
ment à la filiale, de taille conséquente, dont elle a hérité à l’issue de sa fusion d’après-
crise avec Intercontinental Bank (2011). Actuellement, les filiales étrangères représentent
11 % des actifs et des bénéfices d’Access Bank. Le recentrage attendu sur les marchés
phare – le Ghana et le Rwanda – devrait lui permettre de porter cette part de 15 à 20 %.
Source : entretien avec des dirigeants de banque et Access Bank, 2013.
58 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique

de l’ouest et centrale qui offrent des perspectives commerciales attrayantes alliées à


une forte proximité culturelle.
Au chapitre des principaux facteurs d’attraction, la nécessité d’accompagner le
développement des activités de leurs clients à l’étranger est probablement la raison la
plus fréquemment citée par les banques de se développer à l’étranger. C’est ce besoin
d’accompagner leurs clients qui explique pourquoi les premières banques étrangères se
sont implantées durant la colonisation et pourquoi les banques britanniques, françaises
et portugaises se sont établies dans leurs colonies respectives. Pour les banques
africaines, accompagner la clientèle demeure le principal facteur d’attraction. Ainsi,
lorsque la banque sud-africaine Standard Bank a racheté ANZ Grindlays en 1993, le
principal objectif était d’accompagner le développement des activités commerciales
de sa clientèle d’entreprises sud-africaines dans le reste de l’Afrique (Brownbridge et
Harvey, 1998). Bien que le commerce intra-régional en Afrique ne représente encore
que 10 à 12 % à peine de l’ensemble des échanges du continent, les communautés
économiques régionales telles que le marché commun de l’Afrique orientale et
australe (COMESA), la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), et la Communauté de
développement de l’Afrique australe (SADC) facilitent le renforcement économique
(sous-) régional ; et la volonté d’accompagner le client est une raison de plus en plus
importante pour les banques de pénétrer de nouveaux marchés. À titre d’exemple, en
2011, Nedbank a octroyé à Ecobank un prêt convertible de 280 millions de dollars sur
trois ans, ce qui lui a permis d’améliorer considérablement sa capacité à répondre aux
besoins de ses clients sur l’ensemble du continent africain11.
La même logique s’applique aux banques internationales s’implantant et se
développant sur le continent. Alors que l’Europe et les États-Unis demeurent des
partenaires commerciaux importants, leur part dans les exportations africaines a
reculé de 47 à 37 % et de 17 à 10 %, respectivement, entre 2000 et 2011. Le commerce
des économies émergentes avec l’Afrique a quant à lui bondi de 8 à 22 % sur la même
période - la Chine portant, à elle seule, sa part de 3,5 à 13 % sur cette période pour
devenir le premier plus grand pays pour les exportations africaines (AfDB, OCDE, PNUD
et CENUA, 2013). Malgré d’importantes disparités évidentes d’un pays à l’autre, les
pays de tous les sous-groupes d’Afrique subsaharienne (exportateurs de pétrole, pays à
faibles revenus, pays à revenus intermédiaires) ont vu la part de leurs exportations vers
les pays développés diminuer entre 1990 et 2010 et celle vers la Chine progresser sur la
même période. On a également assisté à une réorientation des échanges commerciaux
vers l’Inde et, dans une certaine mesure vers le Brésil, même si ce recentrage est
plus hétérogène entre les groupes de pays et se concentre davantage sur les pays
exportateurs de pétrole et riches en ressources (FMI, 2011). Ces modifications de la

11 Ce prêt a permis à Ecobank de financer le développement significatif de son réseau de détail au Nigeria en rachetant la
banque Oceanic à Nigerian Asset Management Company (AMCON).
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 59

composition du commerce ont été particulièrement décisives pour attirer les banques
chinoises et indiennes en Afrique.
La volonté des banques de se développer sur l’ensemble du continent répond
également à un objectif de diversification de leurs risques. En Afrique, les cycles
économiques ne sont pas synchronisés et constituent un risque que les banques
qui y sont exposées peuvent atténuer en se développant dans des pays aux profils
économiques variés.
De manière plus générale, l’activité bancaire en Afrique est de plus en plus
attrayante depuis le démarrage économique amorcé au début des années 2000.
L’amélioration du climat des affaires, y compris la stabilisation de l’environnement
macroéconomique, l’essor de la classe moyenne et les larges pans de populations
non bancarisées incitent les investisseurs locaux et étrangers à s’implanter sur les
marchés de croissance les plus prometteurs. L’importance croissante des ressources
naturelles en Angola et au Mozambique, par exemple, a également contribué à attirer
les banques transfrontalières dans ces pays, l’objectif étant autant d’accompagner
leurs clients que de bénéficier de l’amélioration de la conjoncture économique dans
ces deux pays. Des secteurs tels que l’énergie, la distribution et le traitement de l’eau
et les transports offrent également de plus en plus de d’opportunités de financement
de projets d’infrastructure menés par des entreprises locales. Parallèlement, le relatif
ralentissement de la croissance dans les marchés d’origine et les progrès réalisés dans
la gestion macro-économique locale, en diminuant l’attrait des rendements des titres
d’État et en favorisant l’activité de prêt bancaire, ont incité les banques à étendre leurs
activités à l’étranger.
Plus important encore, le développement des activités bancaires transfrontalières
en Afrique au cours des dix dernières années doit s’analyser dans le contexte de la
libéralisation financière intervenue à la fin des années 80 et au début des années 90
qui a mis fin aux politiques interventionnistes visant le secteur financier adoptées
au moment de l’indépendance par la plupart des états africains en instaurant des
conditions propices au développement transfrontalier des banques. Étant donné
les coûts de démarrage lié aux investissements de création, il était plus souvent
avantageux pour les banques étrangères de pénétrer les marchés en rachetant les
activités restructurées de banques anciennement propriétés de l’État. Cette stratégie
a notamment permis aux banques de s’appuyer sur un réseau de succursales existant
en exploitant leur présence sur le marché de détail, ce qui aurait été autrement
difficilement réalisable en si peu de temps. Étant donné la taille relativement modeste
du commerce intra-régional en Afrique, cette démarche a également permis au
processus d’établissement sur le marché de s’inscrire plus étroitement dans les
stratégies de développement et d’approfondissement de marché, ce que ne permettent
pas les configurations où le modèle économique des banques repose sur des facteurs
d’attraction traditionnels, comme l’accompagnement de leurs clients dans leurs
60 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique

projets d’exportation/d’importation. L’exemple du rachat par la banque sud-africaine


Standard Bank de l’Uganda Commercial Bank en 2001 est une parfaite illustration d’une
stratégie d’acquisition de marché réussie. Plus récemment, la banque néerlandaise
Rabobank (cf. Encadré 1.3) a pris des participations de contrôle minoritaires dans des
banques publiques restructurées, telles que la National Micro Finance Bank (2005) en
Tanzanie, la Zanaco Bank (2007) en Zambie et l’Union de Banques Populaires (2008) au
Rwanda. En 2012, en Ouganda, Rabobank a également pris une participation de contrôle
minoritaire dans la DFCU Bank, une ancienne banque de développement.
Enfin, la crise financière mondiale de 2008 a pu nuire aux projets de développement
des banques africaines et internationales. D’un côté, les banques européennes opérant
en Afrique ont été parmi les établissements les moins touchés par la crise financière
mondiale ; de l’autre, elles se sont peut-être montrées ensuite plus réticentes à
poursuivre leur politique de développement. Les banques africaines et celles des
marchés émergents non africains ont ainsi eu la possibilité de jouer un rôle plus
important dans le développement des systèmes financiers sur le continent. La crise
a toutefois également freiné dans leur élan certaines banques nigérianes, au nombre
desquelles United Bank of Africa et Access Bank, contraintes de revoir à la baisse leurs
projets de développement en Afrique, tandis que Standard Bank, plutôt que d’investir
hors du continent, a préféré recentrer ses projets de développement en Afrique
(Lukonga et Chung, 2010). Divers éléments laissent toutefois penser que la priorité
stratégique donnée à l’Afrique par les banques transfrontalières africaines résulte
principalement de leur évaluation des opportunités d’affaires en Afrique par rapport à
celles offertes par les autres régions.

1.4 Les modèles économiques des banques transfrontalières

Les modèles économiques adoptés par les banques transfrontalières en Afrique


varient selon les raisons qui ont motivé leur développement sur le continent africain.
Lorsque les banques s’implantent sur de nouveaux marchés, elles doivent décider (a)
si elles le feront au moyen de l’établissement de succursales ou de filiales, (b) du degré
d’intégration des activités des sociétés affiliées à celles de la société mère, (c) si elles
le feront au moyen d’une opération de fusion-acquisition ou d’un investissement de
création, et (d) des segments de marché à desservir et de la stratégie à adopter.

Succursales ou filiales ?
Les banques transfrontalières ont le choix de s’implanter dans des pays d’accueil
en établissant des succursales ou des filiales. En Afrique, le déploiement des banques
transfrontalières a essentiellement reposé sur la création de filiales. Alors que 21
des 48 pays africains - du moins en théorie - autorisent l’établissement d’une banque
étrangère sur leur marché par le biais d’une succursale, selon les données provenant
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 61

de la base de données sur la réglementation et le contrôle bancaires de la Banque


mondiale (2012) et de la base de données sur les cadres réglementaires (AfDB 2010)12,
l’implantation de fait au moyen de succursales ne peut être vérifiée que dans 10 pays.
La stratégie d’implantation au moyen de succursales est la plus répandue dans les pays
dont les secteurs financiers comptent parmi les plus développés du continent, tels que
l’Afrique du Sud et les centres financiers extraterritoriaux tels que l’Île Maurice et les
Seychelles.
La décision de s’implanter au moyen de succursales ou de filiales est dans une
large mesure dictée par les exigences réglementaires en vigueur en Afrique, tandis que
les autres considérations, telles que les différences de taux d’imposition, paraissent
secondaires. Toutefois, même lorsqu’il est possible de mettre en place un réseau de
succursales, les exigences en la matière ne diffèrent souvent pas fondamentalement des
conditions requises en matière de création d’une filiale. Par exemple, les réglementations
kenyanes prescrivent des exigences minimales de fonds propres identiques, qu’il s’agisse
de succursales ou de filiales, ce qui élimine la principale raison (faibles coûts de création)
d’opter pour une succursale plutôt que pour une filiale. La décision de s’implanter au
moyen de succursales ou de filiales peut également être dictée par le modèle économique
adopté par la banque transfrontalière. Les banques transfrontalières dont l’objectif est
de répondre aux besoins d’une clientèle d’entreprises ciblées ou qui sont réticentes à
investir des capitaux substantiels aussi longtemps que leur activité transfrontalière sur
le marché concerné n’est pas suffisamment consolidée, peuvent considérer le modèle
des succursales comme le plus attractif. A contrario, les banques transfrontalières qui
souhaitent élargir la portée de leurs services bancaires de détail peuvent voir dans le
modèle des filiales qui permet de gérer les activités dans le pays d’accueil comme une
banque indépendante, notamment dotée de liquidités et de matelas de fonds propres
distincts, et de sa propre équipe de direction, de son propre conseil d’administration et de
ses propres comités, une solution plus adaptée.

Quel degré d’intégration intragroupe ?


Outre la décision de pénétrer un marché au moyen de succursales ou de filiales, les
banques doivent également décider du degré d’intégration de leurs activités au niveau
du groupe. Dans nombre de pays africains, les exigences réglementaires limitent, du
moins en partie, l’intégration intragroupe. Les banques qui se développent à l’étranger
doivent non seulement pratiquement toujours établir des filiales autonomes, mais
elles doivent également souvent se doter de fonctions informatiques locales, recourir
essentiellement à de la main-d’œuvre locale et établir des fonctions de gestion

12 Dans le cas de la Sierra Leone et du Swaziland, les deux bases de données fournissent des informations contradictoires
sur la possibilité pour les banques étrangères de s'implanter au moyen de succursales. La consultation des lois ban-
caires respectives laisse penser qu'une implantation étrangère au moyen de succursales est interdite en Sierra Leone et
autorisée au Swaziland.
62 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique

indépendantes et locales (telles que des organes de direction et des capacités de


gestion du risque). Ces réglementations s’inscrivent dans le cadre des politiques dites
d’« autochtonisation ». Le niveau d’intégration intragroupe diffère toutefois d’une
banque à l’autre. Certaines d’entre elles ayant mutualisé leurs fonctions et leurs
ressources dans les domaines informatiques, de gestion du risque, de service client ou
d’opérations de trésorerie, le fonctionnement des filiales dépend donc grandement de
celui de la société mère. Certaines banques transfrontalières tissent également des
liens financiers étroits au sein du groupe sous la forme de placements (par exemple,
des filiales constituent des dépôts auprès de leur société mère) et/ou via des opérations
d’échanges (swaps) intragroupe, de cautions solidaires et d’opérations de prêts
syndiqués faisant intervenir la société mère et/ou les filiales étrangères. Dans d’autres
cas, les filiales de banques transfrontalières sont des entités indépendantes qui
disposent de leur propre système et conduisent les opérations financières intragroupe
aux conditions du marché. De manière générale, les banques transfrontalières situées
en dehors d’Afrique affichent de faibles niveaux d’intégration, tandis que les activités de
banques transfrontalières africaines tendent à être plus fortement intégrées.

Fusion/acquisition ou investissements de création ?


Les banques transfrontalières peuvent aussi pénétrer les pays d’accueil en fusionnant ou
en rachetant les activités d’un établissement financier existant ou encore en montant une
structure de toute pièce (investissements de création). Le choix d’un modèle au détriment
de l’autre repose souvent sur différents critères, parmi lesquels le degré de difficulté à
obtenir un nouvel agrément bancaire, les opportunités d’acquisition d’activités bancaires
adéquates et le modèle de développement des banques (cibler le marché de détail ou
s’implanter pour accompagner le développement d’entreprises clientes existantes). Si
l’acquisition des activités d’un établissement financier existant permet généralement
d’obtenir un accès relativement rapide et facile à des activités à grande échelle, cette
approche comporte toutefois sa part de défis, au nombre desquels l’intégration de cultures
d’entreprise différentes. D’un autre côté, les banques qui choisissent de s’implanter
dans un pays d’accueil sous la forme d’investissements de création déplorent également
d’importants coûts de démarrage et de longs délais de rentabilisation.

Segments de marché et stratégie


L’encadré 1.6 dresse le profil des modèles économiques adoptés par les huit
plus grandes banques transfrontalières basées en Afrique. La plupart des banques
répondent principalement aux besoins de leur clientèle d’entreprises, et leur
développement est guidé par l’accompagnement du développement de leurs clients
à l’étranger. Des banques transfrontalières africaines de moindre importance telles
qu’Equity Bank et Kenya Commercial Bank, deux banques kenyanes, ont toutefois
prouvé qu’il était possible d’adapter avec succès et de reproduire dans des pays voisins
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 63

des modèles économiques innovants reposant sur la création d’un réseau d’agences
bancaires dans le pays d’origine (Encadré 2.2).

Encadré 1.6 : Tour d’horizon des principales banques panafricaines basées


en Afrique
Ecobank – La banque de droit togolais Ecobank est présente dans 32 pays du continent
africain au travers de ses activités dans son pays d’origine et de ses filiales, ce qui en fait
la banque possédant la plus vaste couverture géographique en Afrique. Le Nigeria qui a
contribué à hauteur de 45 % à son bilan et de 41 % à ses bénéfices en 2012, est, de loin,
l’implantation la plus importante d’Ecobank. Les autres activités de la banque sont gérées
par regroupements régionaux, à savoir la zone monétaire d’Afrique de l’Ouest (ZMAO), l’Union
économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE),
la Communauté de développement de l’Afrique Australe (SADC) et la Communauté écono-
mique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). Ses activités non africaines sont gérées par
sa division « International ». Ecobank a pour objectif de devenir l’une des cinq plus grandes
banques africaines dans la plupart des pays où elle est implantée (elle figure actuellement
parmi les six plus grandes banques nigérianes). Ses filiales proposent une gamme de pro-
duits standard adaptés aux spécificités locales. Globalement, le modèle économique d’Eco-
bank consiste en grande partie à financer les chaînes de valeur des grandes entreprises.
United Bank for Africa (UBA) – La banque nigériane UBA possède des filiales dans 17
pays africains toute établies entre 2007 et 2011, à l’exception de la filiale ghanéenne qui a
été créée en 2004. UBA propose essentiellement ses services à sa clientèle d’entreprises,
et sa stratégie de déploiement vise à accompagner l’expansion des grandes entreprises
nigérianes à l’étranger. Elle propose également des services bancaires de gros, notam-
ment en matière de trésorerie (émission de valeurs mobilières et placements, négociation
de valeurs mobilières et de devises) et d’activités gouvernementales. Sur le segment du
détail, UBA a lancé des solutions de banque en ligne et des produits de transfert de fonds.
Les filiales d’UBA contribuent actuellement à hauteur de 20 % aux bénéfices du groupe.
L’objectif de la banque est, qu’à moyen terme, les filiales étrangères représentent 50 % des
dépôts et 50 % des bénéfices, et ce, afin de diversifier ses sources de revenus.
Standard Bank Group (Stanbic) – La banque sud-africaine Standard Bank a été l’une
des premières banques africaines à se développer à l’étranger en procédant à l’acquisition
des activités d’ANZ Grindlay au Botswana, au Kenya, en Ouganda, au Zaïre, en Zambie et
au Zimbabwe ainsi qu’en prenant des participations minoritaires dans des banques au
Ghana et au Nigeria au début des années 90. Cette banque cible principalement les entre-
prises et la décision de s’implanter dans de nouveaux pays est principalement dictée par
sa volonté d’accompagner le développement de ses clients existants. En novembre 2007, le
Groupe a annoncé la signature d’un partenariat stratégique avec Industrial and Commer-
cial Bank of China Limited (ICBC), en vertu duquel ICBC a fait son entrée au capital du
Groupe Standard Bank à hauteur de 20 %. Le Groupe revendique le titre de plus grande
banque africaine en termes d’actifs et de bénéfices.
Banque Marocaine du Commerce Extérieur (BMCE) – La BMCE est l’une des trois
grandes banques dominant le paysage bancaire marocain. Elle est présente sur le conti-
64 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique

nent africain essentiellement sous le nom de Bank of Africa (BOA). En 2007, BMCE, qui
détenait alors dix filiales sur le continent africain, a conclu un partenariat avec le Groupe
BOA, qui est la holding de toutes les activités de BOA (créée au Mali en 1982). Depuis,
elle a progressivement augmenté sa participation dans le capital du Groupe BOA de 35 à
plus de 70 %. Les filiales de BOA proposent des services bancaires standard principale-
ment à des entreprises. L’investissement dans le Groupe BOA a donné un nouvel élan à
la croissance du groupe et abouti à un plan d’expansion ambitieux ; la banque a pour ob-
jectif de s’implanter dans un grand nombre de pays africains dans les 10 à 15 ans à venir
en tirant parti des opportunités d’investissement dans différents secteurs financiers, tels
que la banque de détail, la banque d’investissement, l’assurance et la banque mobile.
Les activités transfrontalières africaines de BMCE représentent aujourd’hui plus d’un
tiers des bénéfices du groupe.
Banque Sahélo-Saharienne pour l’Investissement et le Commerce (BSIC) – Forte de sa
présence dans 14 pays d’Afrique du Nord et de l’ouest, BSIC jouit d'une large couverture
géographique sur le continent. Cette présence régionale s’explique par la mission de la
banque qui consistait à fournir des fonds de développement libyens aux pays de la région,
sous la gouvernance de Mouammar Kadhafi. Toutefois, le poids de BSIC dans le paysage
bancaire est très limité.
Attijariwafa Bank – Attijariwafa Bank est une banque universelle marocaine ma-
jeure, contrôlée par la holding SNI, conglomérat dont la famille royale marocaine est
l’un des principaux actionnaires. Grâce au rachat du réseau de banques de détail du
Crédit Agricole (France) dans cinq pays d’Afrique de l’ouest en 2008, Attijariwafa Bank
a pu renforcer sa position dans des pays autres que la Tunisie, le Sénégal et le Mali
dans lesquels elle était déjà présente. La stratégie du groupe consiste à déployer les
métiers dans lesquels il excelle au Maroc dans les pays africains où il offre déjà des
services de banque de détail, notamment des produits destinés au segment inférieur
du Marché. Attijariwafa Bank est le plus important établissement de microfinance au
Maroc. Sa stratégie vise également à tirer profit des pays africains en plein essor et
de l’augmentation du taux de pénétration bancaire dans la région et à répondre aux
besoins de sa clientèle d’entreprises dans l’ensemble de la région. Les activités afri-
caines transfrontalières d’Attijariwafa Bank entrent pour un quart dans la génération
des bénéfices du Groupe.
Banque Centrale Populaire du Maroc (BCP) – BCP est une importante banque com-
merciale marocaine. Le rachat des activités de Banque Atlantique (Banque Atlantique
a été créée en Côte d’Ivoire en 1978) en 2012 lui a permis de s’implanter en Afrique de
l’ouest. BCP a signé un accord de partenariat avec Atlantic Financial Group, la holding
regroupant toutes les activités de Banque Atlantique, en vue de créer Atlantic Business
International, détenue à parts égales par les deux signataires mais dont BPC contrôle
la gestion. En conséquence, l’intégralité du réseau de Banque Atlantique est désormais
sous la supervision sur une base consolidée de Bank Al-Maghrib, superviseur du pays
d’origine de BCP. Cette banque nourrit de grandes ambitions : accompagner le dévelop-
pement des entreprises marocaines en Afrique de l’ouest, garantir le financement du
commerce extérieur, offrir des services de syndication par l’intermédiaire de ses filiales
situées dans les zones utilisant le franc CFA, renforcer la banque de détail et servir de
plateforme de financement local et de microfinance (BCP est le deuxième plus important
acteur du marché marocain de la microfinance après Attijariwafa Bank).
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 65

Barclays Africa Group – Barclays Bank, Royaume-Uni, propose des services financiers
en Afrique depuis la période coloniale. En mai 2005, elle a pris une participation majori-
taire dans le groupe de droit sud-africain Absa, et en milieu d’année 2013, elle a regroupé
ses activités africaines (à l’exception de l’Égypte et du Zimbabwe) sous le nom commercial
de Barclays Africa Group, dans l’optique de développer ses activités africaines dans le
cadre d’une stratégie plus cohérente. Auparavant, elle opérait sous les noms de Barclays
et Absa. Barclays Africa Group cible principalement le secteur des entreprises.
Source : entretien avec les responsables des banques et informations publiées sur les sites Internet des banques.

1.5 Conclusion

Les activités bancaires transfrontalières sont une composante importante du


paysage financier africain. Les banques étrangères ont été les premières à s’implanter
sur le continent à l’époque coloniale. Alors que ces banques étrangères occidentales
traditionnelles continuent d’être présentes dans leurs anciennes colonies, leur
importance a décliné après la création de banques locales et publiques au moment
de l’indépendance. Leur importance a encore diminué ces 20 dernières années, les
banques Sud-Sud et plus particulièrement les banques africaines ayant développé
leurs activités sur l’ensemble du continent. Non seulement les banques africaines ont
renforcé de manière significative leur couverture géographique sur le continent, mais
elles ont également acquis un certain poids économique hors de leur pays d’origine
jusqu’à revêtir une importance systémique dans un certain nombre de pays. Bien que
le rôle croissant des banques africaines tienne à diverses raisons, deux catégories se
dégagent : les facteurs d’incitation, comme le recul des sources de bénéfices sur le
marché du pays d’origine, les évolutions réglementaires et les ambitions panafricaines,
et les facteurs d’attraction, comme la volonté d’accompagner le développement de la
clientèle d’entreprises, la diversification des risques et les débouchés commerciaux
de plus en plus intéressants offerts par d’autres pays. Le développement des activités
bancaires transfrontalières en Afrique doit également s’analyser dans le contexte de la
libéralisation financière intervenue à la fin des années 80 et au début des années 90 qui a
mis fin aux politiques interventionnistes visant le secteur financier adoptées au moment
de l’indépendance par la plupart des états africains en instaurant des conditions propices
au développement des banques en dehors de leurs frontières.
66 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique

Annexe : Liste des banques transfrontalières


en Afrique
Remarque : le tableau ci-après recense toutes les banques transfrontalières internationales et africaines présentes en Afrique
selon la définition qui en est donnée à l’Encadré 1.1. La présence dans un pays s’entend par le biais de la banque mère, d’une
succursale ou d’une filiale ayant obtenu de la part de l’autorité de réglementation compétente l’agrément bancaire au plus tard
le 31 décembre 2013. L’implantation dans un pays par le biais de bureaux de représentation n’est pas prise en compte.

Tableau 1.3 : Liste des banques transfrontalières en Afrique

No Nom Origine Emplacement Participation Nombre


du siège majoritaire/ de pays
principal africains
actionnaire
minoritaire

1 Ecobank Africaine Togo Afrique du 32


Sud

2 United Bank for Africa Africaine Nigeria Nigeria 19


(UBA)

3 Standard Bank Group Africaine Afrique du Sud Afrique du 18


(Stanbic) Sud

4 Banque Marocaine du Africaine Maroc Maroc 18


Commerce Extérieur
(BMCE)

5 Société Générale Non africaine France France 17

6 Citigroup Non africaine États-Unis États-Unis 15

7 Banque Sahélo- Africaine Libye Libye 14


Saharienne pour
l’Investissement et le
Commerce (BSIC)

8 Standard Chartered Non africaine Royaume-Uni Royaume-Uni 14

9 BNP Paribas Non africaine France France 13

10 Attijariwafa Bank Africaine Maroc Maroc 12

11 Banque Centrale Africaine Maroc Maroc 11


Populaire du Maroc
(BCP)

12 Barclays Africa Group Africaine Afrique du Sud Royaume-Uni 10

13 Access Bank Africaine Nigeria Nigeria 9


Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 67

No Nom Origine Emplacement Participation Nombre


du siège majoritaire/ de pays
principal africains
actionnaire
minoritaire

14 Bank of Baroda Non africaine Inde Inde 9

15 Guaranty Trust Bank Africaine Nigeria Nigeria 9


Ltd.

16 Libyan Foreign Bank Africaine Libye Libye 9

17 Afriland First Bank Africaine Cameroun Cameroun 8

18 Banque Régionale de Africaine Niger États-Unis 8


Solidarité (BRS)

19 BGFI Bank Africaine Gabon Gabon 8

20 First National Bank Africaine Afrique du Sud Afrique du 8


(FNB) Sud

21 First Bank of Nigeria Africaine Nigeria Nigeria 7

22 Kenya Commercial Africaine Kenya Kenya 6


Bank (KCB)

23 NedBank Africaine Afrique du Sud Afrique du 6


Sud

24 Orabank Africaine Togo États-Unis 6

25 Access Holding Non africaine Allemagne Inconnu 5

26 Albaraka Bank Non africaine Bahreïn Bahreïn 5


(Groupe)

27 BancABC Africaine Botswana Zimbabwe 5

28 Diamond Bank Africaine Nigeria Nigeria 5

29 Equity Bank Africaine Kenya Kenya 5

30 HBL Pakistan (Habib Non africaine Pakistan Tanzanie 5


Bank Ltd.)

31 International Non africaine Suisse Malaisie 5


Commercial Bank
(ICB)

32 Keystone Bank Group Africaine Nigeria Nigeria 5

33 Rabobank Non africaine Pays-Bas Pays-Bas 5


68 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique

No Nom Origine Emplacement Participation Nombre


du siège majoritaire/ de pays
principal africains
actionnaire
minoritaire

34 Diamond Trust Bank Africaine Kenya Suisse 4

35 First International Africaine Liberia Inconnu 4


Bank Liberia Ltd.

36 HSBC Bank Non africaine Royaume-Uni Royaume-Uni 4

37 I&M Bank Group Africaine Kenya Kenya 4

38 Mauritius Commercial Africaine Île Maurice Île Maurice 4


Bank

39 Skye Bank Africaine Nigeria Nigeria 4

40 Zenith Bank Africaine Nigeria Nigeria 4

41 Arab Bank Plc Non africaine Jordanie Divers 3

42 Banco Espirito Santo Non africaine Portugal Portugal 3

43 Bank of India Non africaine Inde Inde 3

44 Crédit Agricole Non africaine France France 3

45 Groupe Banque Non africaine France France 3


Populaire

46 NIC Bank Group Africaine Kenya Kenya 3

47 Advans Bank Non africaine Luxembourg Luxembourg 2

48 African Banking Africaine Kenya Kenya 2


Corporation (ABC
Bank)

49 Banco Africano de Africaine Cap Vert Angola 2


Investimentos (BAI)

50 Bank of China Non africaine Chine Chine 2

51 Bank of Khartoum Africaine Soudan Soudan 2


Juba

52 Banque pour le Africaine Mauritanie États-Unis 2


Commerce et
l’Investissement en
Mauritanie
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 69

No Nom Origine Emplacement Participation Nombre


du siège majoritaire/ de pays
principal africains
actionnaire
minoritaire

53 Barclays Bank PLC Non africaine Royaume-Uni Royaume-Uni 2

54 Byblos Bank S.A.L. Non africaine Liban Divers 2

55 Capital Bank/FMB Africaine Malawi Malawi 2

56 Commercial Bank of Africaine Kenya Kenya 2


Africa

57 Commercial Bank of Africaine Éthiopie Éthiopie 2


Ethiopia

58 Coris Bank Africaine Burkina Faso Burkina Faso 2

59 Deutsche Bank Non africaine Allemagne Allemagne 2

60 Exim Bank Africaine Djibouti Tanzanie 2

61 Habib Bank AG Zurich Non africaine Suisse Suisse 2


(HBZ)

62 Imperial Bank Africaine Kenya Divers 2

63 Investec Bank Africaine Afrique du Sud Afrique du 2


(Mauritius) Ltd. Sud

64 Kingdom Bank Africa Africaine Zimbabwe Zimbabwe 2


Ltd.

65 Millenium (bim) Bank Africaine Mozambique Portugal 2

66 Opportunity Non africaine États-Unis États-Unis 2


International

67 ProCredit Non africaine Allemagne Allemagne 2

68 State Bank of India Non africaine Inde Inde 2


(SBI)

69 State Bank of Africaine Île Maurice Île Maurice 2


Mauritius

70 The Hongkong and Non africaine Royaume-Uni Royaume-Uni 2


Shanghai Banking
Corporation Ltd.

71 Union Bank Nigeria Africaine Nigeria Royaume-Uni 2


70 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique

No Nom Origine Emplacement Participation Nombre


du siège majoritaire/ de pays
principal africains
actionnaire
minoritaire

72 *ADIB Egypt Africaine Égypte Émirats 1


arabes unis

73 Ahli United Bank Non africaine Bahreïn Bahreïn/ 1


(Egypt) SAE Koweït

74 Algeria Gulf Bank Non africaine Algérie Koweït 1

75 Arab Banking Non africaine Bahreïn Libye/Koweït/ 1


Corporation Émirats
arabes unis

76 *Arab Tunisian Bank Africaine Tunisie Jordanie 1

77 *Banco Comercial do Africaine Cap Vert Portugal 1


Atlântico

78 *Banco Comercial Africaine Mozambique Portugal 1


e de Investimentos
(BCI)

79 *Banco de Fomento – Africaine Angola Portugal 1


Angola (BFA)

80 *Banco Internacional Africaine Sao Tomé Portugal 1


de Sao Tome e
Principe (BISTP)

81 *Banco Millennium Africaine Angola Portugal 1


Angola SA

82 *Banco Totta de Africaine Angola Portugal 1


Angola SARL

83 *Banco Unico Africaine Mozambique Portugal 1

84 *Bank of West Africa Africaine Guinée-Bissau Portugal 1


(Banco da Africa
Ocidental)

85 *Bank VTB Africa Africaine Angola Russie 1

86 *Banque de Dépôt Africaine Djibouti Suisse 1


et Crédit de Djibouti
(BDCD)
Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique 71

No Nom Origine Emplacement Participation Nombre


du siège majoritaire/ de pays
principal africains
actionnaire
minoritaire

87 *Banque Africaine République Luxembourg 1


Internationale pour démocratique
l’Afrique au Congo du Congo
(BIAC)

88 *Banque Non africaine Burkina Faso Belgique 1


Internationale pour
l’Afrique au Niger SA
(BIA)

89 *Cairo International Africaine Ouganda Égypte 1


Bank (CIB)

90 *China Construction Non africaine Chine Chine 1


Bank

91 *Commercial Bank Africaine Cameroun Luxembourg 1


Group

92 **Cooperative Africaine Djibouti Yémen 1


Agricultural and
Credit Bank

93 Dahabshiil Bank Non africaine Émirats arabes Émirats 1


International S.A. unis arabes unis

94 Dubai Bank Kenya Non africaine Kenya Émirats 1


Ltd. arabes unis

95 *Finance Bank Africaine Zambie Pays-Bas 1


Zambia Ltd.

96 *Finibanco Angola Africaine Angola Portugal 1

97 *Islamic Bank of Africaine Sénégal Arabie 1


Senegal (Banque saoudite
Islamique du Sénégal)

98 JPMorgan Chase Non africaine États-Unis États-Unis 1


Bank

99 *Mercantile Bank Ltd. Africaine Afrique du Sud Portugal 1

100 Royal Bank of Non africaine Royaume-Uni Royaume-Uni 1


Scotland
72 Chapitre 1 : Les récentes tendances des activités bancaires transfrontalières en Afrique

No Nom Origine Emplacement Participation Nombre


du siège majoritaire/ de pays
principal africains
actionnaire
minoritaire

101 *Saba Islamic Bank Africaine Djibouti Yémen 1


(SIB)

102 UBS Non africaine Suisse Suisse 1

103 *Union National Bank Africaine Égypte Émirats 1


- Egypt SAE arabes unis

104 Warka Bank Non africaine Irak Irak 1

* Les banques d’origine africaine détenues par des actionnaires non africains sont considérées comme des banques
transfrontalières même si elles ne sont représentées que dans une juridiction africaine.
** La Cooperative Agricultural and Credit Bank est une coentreprise regroupant plusieurs banques égyptiennes.
2.
Activités bancaires
transfrontalières :
avantages et risques
74 Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques

2. Activités bancaires transfrontalières :


avantages et risques

L’Afrique n’est pas le seul continent où les activités bancaires transfrontalières


prennent de l’ampleur. D’autres régions ont connu des évolutions similaires, notam-
ment l’Amérique latine, et, plus particulièrement, les anciennes économies en tran-
sition de l’Europe centrale et orientale. Cette tendance a donné lieu à un riche débat
théorique et pratique autour des avantages et des risques liés aux activités bancaires
transfrontalières. Ce chapitre vous en présente un résumé.
Les activités bancaires transfrontalières suscitent des controverses parmi les
chercheurs et les responsables politiques. Les partisans de l’ouverture des fron-
tières aux banques mettent en avant les avantages tirés des économies d’échelle et
du renforcement de l’efficacité et de la concurrence. Les sceptiques font valoir que la
stratégie des banques étrangères cible les clients hauts de gamme, notamment les
personnes fortunées et les grandes entreprises étrangères et nationales, ainsi que le
financement du commerce à l’export. De même, alors que les partisans des activités
bancaires transfrontalières soulignent l’effet stabilisateur des banques multinatio-
nales, les sceptiques pointent du doigt la crise financière mondiale qui vient nous
rappeler que l’établissement de banques étrangères peut également favoriser la
contagion financière.
Alors que la présence de banques étrangères en Afrique subsaharienne remonte à
l’époque coloniale et s’est accompagnée ces dernières années de l’arrivée de nou-
veaux acteurs régionaux basés dans des pays tels que l’Afrique du Sud, le Nigeria et
le Maroc, les modèles économiques mis en œuvre par les banques situées dans ces
centres ont souvent présenté de nombreuses analogies avec le modèle tradition-
nel post-colonial. Bien que plus proches de leur clientèle africaine que les banques
basées en Europe, cette nouvelle génération de banques panafricaines accompagne
également le développement de sa clientèle d’entreprises à l’étranger et/ou redéploie
les modèles bancaires traditionnels depuis leur marché d’origine. Comme nous le
verrons plus bas, l’Afrique a suivi une trajectoire identique à celle d’autres pays en
développement, et les avantages de ce modèle traditionnel pour l’approfondissement
du secteur financier et son rayonnement ne sont pas encore connus. Cela étant, nous
disposons de quelques exemples encourageants de banques transfrontalières ayant
exporté avec succès des innovations qui ont bénéficié au bas de la pyramide dans un
certain nombre de pays d’accueil.
Ce chapitre recense tout d’abord les arguments théoriques sur les avantages et
les risques des activités bancaires transfrontalières. La deuxième section présente
Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques 75

un résumé des observations empiriques provenant du monde entier et des pays


africains lorsqu’elles sont disponibles. La troisième section fait la synthèse des
répercussions des expériences mondiales sur les activités bancaires transfronta-
lières en Afrique.

2.1 La théorie

La théorie apporte des arguments contradictoires quant aux effets des activités
bancaires transfrontalières sur (a) la concurrence et l’efficacité, (b) l’approfondissement
et le rayonnement du secteur financier, et (c) la stabilité.

Les arguments en faveur des activités bancaires transfrontalières

Les partisans des activités bancaires transfrontalières soutiennent que les banques
transfrontalières ont globalement un effet positif sur le secteur bancaire du pays d’ac-
cueil en favorisant la concurrence et la croissance du crédit, en réduisant la volatilité et
en reproduisant les meilleures pratiques en termes de supervision et de réglementation
mises en place dans leur pays d’origine.
Les banques étrangères, soutiennent-ils, lorsqu’elles pénètrent de nouveaux mar-
chés, bénéficient d’un avantage comparatif en termes de meilleur accès aux capitaux,
d’économies d’échelle, de diversification des risques, de technologies de prêt, de
compétences et de qualité de gestion (voir, par exemple, Detragiache, Gupta, et Tressel,
2008, et Clarke et al., 2005). Fortes de ces avantages, les banques étrangères peuvent
offrir de nouveaux produits, introduire de nouvelles technologies de prêt et de nou-
veaux circuits de distribution, mobiliser les dépôts en proposant des taux plus élevés
et consentir des prêts à des taux plus avantageux. Enfin, l’établissement de banques
étrangères permettra d’accroître la pression concurrentielle sur les autres acteurs du
marché, ce qui favorisera l’approfondissement du secteur financier.
Les partisans font également valoir que les banques étrangères ont la capacité de
renforcer la concurrence et d’élargir la base des emprunteurs d’une économie grâce
aux améliorations qu’elles apportent aux structures de gouvernance. N’étant pas liées
aux emprunteurs historiques ni aux réseaux existants d’entrepreneurs, de banquiers, de
régulateurs et de politiciens, les banques étrangères sont en mesure d’amener le sys-
tème financier et l’économie au sens large à passer d’un modèle de prêts aux initiés à
un modèle reposant uniquement sur des critères de prêts commerciaux (« conditions de
pleine concurrence »). Cela a des conséquences non seulement sur la concurrence mais
aussi sur la transformation plus générale des économies. Les anciennes économies
en transition de l’Europe centrale et orientale ont souvent été citées comme l’exemple
parfait de ce scénario.
76 Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques

L’établissement de banques étrangères peut également jouer un rôle important dans


le renforcement de la stabilité du système financier. En effet, les banques étrangères
pénètrent souvent un marché après une crise bancaire, lorsque les actionnaires natio-
naux (qu’ils soient privés ou publics) ont épuisé leurs capitaux ou que leurs dirigeants
ont été discrédités (Cull et Martinez Peria, 2008). D’une manière plus générale, les acti-
vités bancaires transfrontalières peuvent apporter d’importants avantages en termes de
diversification, tant pour les banques que pour les clients. Les banques ont la possibilité
de se diversifier dans des économies dont les cycles économiques ne sont pas synchro-
nisés, tandis que les emprunteurs des pays d’accueil peuvent faire appel à différentes
banques nationales et étrangères lorsque celles-ci sont exposées à des chocs de finan-
cement non synchronisés. La présence de banques étrangères permet aux entreprises
nationales de diversifier leurs opérations de prêt auprès de banques nationales et
étrangères. Lorsque la capacité des banques nationales à octroyer des prêts est limitée,
les entreprises peuvent alors se tourner vers les banques étrangères pour trouver des
financements. Ces avantages liés à la diversification dont peut bénéficier l’économie
d’accueil sont particulièrement importants si les banques étrangères viennent de pays
d’origine divers et variés et sont donc exposées à des chocs de financement non syn-
chronisés.
L’établissement de banques étrangères peut également contribuer indirectement
à la stabilité financière, si les autorités de contrôle du pays d’accueil sont incitées à
accroître de manière significative la qualité de la supervision et le nombre de collabora-
teurs qualifiés en réponse à la plus grande sophistication des activités et des produits
proposés par les banques étrangères. En poussant les superviseurs des pays d’accueil
à se remettre en cause, les nouveaux prêteurs pourraient ainsi relever la qualité de la
réglementation et de la supervision du secteur dans son ensemble. Des pays comme le
Brésil et la Hongrie en ont fait l’expérience dans les années 90 et au début des années
2000 (Song, 2004). Les activités bancaires transfrontalières peuvent également favoriser
le renforcement des compétences dans leur globalité si les nouveaux arrivants décident
de se lancer dans un programme de perfectionnement de leurs collaborateurs par le
biais de formations, avec de possibles effets d’entraînement lorsque ces collaborateurs
sont ensuite recrutés par des banques nationales. Enfin, les banques étrangères entre-
tiennent souvent des liens moins étroits avec les régulateurs et la classe politique du
pays d’accueil, ce qui peut réduire les pressions politiques et l’emprise réglementaire.

Les arguments contre les activités bancaires transfrontalières

Les opposants aux activités bancaires transfrontalières soutiennent, quant à eux,


que les banques étrangères sont potentiellement nuisibles au secteur bancaire du
pays d’accueil en saturant le marché sans pour autant améliorer l’efficacité de la
Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques 77

concurrence, en réduisant à l’échelle du système la couverture du segment inférieur


du Marché, en multipliant les risques de contagion et en surchargeant les superviseurs
qui n’ont pas les capacités ou les compétences nécessaires pour faire face, augmentant
ainsi les risques pesant sur la stabilité du système financier. Alors que certains pays
ont encouragé l’implantation des banques étrangères, considérant que c’était un moyen
de stimuler la concurrence, les détracteurs font observer que ce n’est pas nécessai-
rement le cas. De fait, un marché bancaire déjà saturé peut l’être encore davantage,
les frais généraux à l’échelle du système augmentant alors au fur et à mesure que le
nombre de banques croît. Ce peut être notamment le cas lorsque les banques étran-
gères s’implantent pour accompagner les activités commerciales de leurs clients et
se concentrent sur le segment supérieur du Marché ayant déjà accès aux services
bancaires.
Les effets de l’établissement des banques étrangères sur la concurrence dépendent
notamment de la structure du marché ciblé. Dans les systèmes financiers où la concur-
rence et la contestabilité sont limitées, les banques étrangères peuvent décider de par-
ticiper aux rentes oligopolistiques des opérateurs historiques plutôt que d’essayer de
réduire ces rentes par la concurrence. Cela peut s’avérer encore plus vrai si une banque
étrangère s’implante en rachetant un opérateur historique majeur. Toutefois, l’implanta-
tion des banques étrangères au moyen d’un investissement de création peut également
n’avoir que peu ou pas d’effet sur la concurrence. Si ce type d’implantation entraîne une
augmentation du nombre d’opérateurs, les nouvelles banques ont alors tendance à sim-
plement saturer le marché plutôt qu’à accroître l’efficacité de la concurrence. Dans les
systèmes financiers où les banques publiques sont inopérantes, les banques étrangères
peuvent être tentées de tirer parti de leur efficacité pour réaliser des bénéfices supplé-
mentaires plutôt que de se livrer à une concurrence agressive.
Les détracteurs mettent également en avant le fait que l’établissement de banques
étrangères peut compromettre, à l’échelle du système, l’accès aux services bancaires
des clients les plus pauvres. Par exemple, l’avantage concurrentiel des banques étran-
gères conjugué à leur plus grande dépendance à l’égard d’informations fiables sur les
emprunteurs, telles que les états financiers officiels (« banque transactionnelle ») par
opposition aux informations plus officieuses qui s’appuient sur les relations nouées
avec les clients et la connaissance locale du marché (« banque relationnelle »), peuvent
conduire à l’éviction des banques nationales et pénaliser les emprunteurs moins
transparents et présentant un risque plus élevé. Dans la mesure où les banques locales
couvrent voire interfinancent les segments de clients à haut risque et défavorisés,
cette éviction pourrait à terme affecter la proximité financière : en effet, les petites et
moyennes entreprises (PME) et les ménages les plus pauvres pourraient se voir privés
d’accès aux services financiers dans la mesure où la viabilité des banques locales sera
menacée (à titre d’exemple, cf. Gormley, 2010, Sengupta, 2007, Detragiache, Tressel et
78 Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques

Gupta, 2008). Plus directement, le manque d’informations fiables telles que l’informa-
tion financière officielle, peut également dissuader les banques étrangères de prêter
aux clients à faibles revenus ainsi qu’aux entreprises de moindre envergure et – du point
de vue du principe de libre concurrence – opaques (cf., par exemple, Mian, 2006). Le
recours accru des banques étrangères aux informations fiables peut plus particulière-
ment avoir des répercussions négatives sur les emprunteurs moins transparents et pré-
sentant un risque plus élevé si les banques étrangères évincent les banques nationales
du marché. Le risque existe par conséquent que l’établissement de banques étrangères
se solde par une segmentation plus grande du marché et réduise les débouchés des
banques nationales, un scénario qui compromettrait, à l’échelle du système, la fourni-
ture de services bancaires, aux clients à faibles revenus.
Les opposants à l’établissement des banques étrangères remettent également en
question les bienfaits plus traditionnels pour la stabilité associés à ce processus et
résultant des avantages de la diversification, et mettent en avant les risques de conta-
gion significatifs engendrés par les activités bancaires transfrontalières. Les banques
transfrontalières peuvent être un vecteur de propagation des chocs en provenance
de leur pays d’origine, ou d’autres pays dans lesquels elles sont implantées, au pays
d’accueil. Comme en témoigne la récente crise financière mondiale, les banques multi-
nationales peuvent décider de retirer les liquidités des pays d’accueil si elles subissent
des pressions dans leur pays d’origine, réduisant ainsi la capacité de prêt dans les pays
d’accueil. Plus grave encore, en cas de faillite de banques multinationales, les pays
d’accueil ont alors à gérer les filiales de ces banques qui ne peuvent pas se prendre en
charge elles-mêmes.
Enfin, les détracteurs s’interrogent sur la contribution des banques étrangères à
l’amélioration de la réglementation et de la supervision. Une réglementation et une
supervision efficaces commencent par les banques nationales et ne requièrent pas la
présence de banques étrangères. Même lorsque les autorités de contrôle sont résolues
à améliorer l’efficacité de la supervision, il peut falloir du temps pour développer les
compétences nécessaires, et durant la phase de transition, le secteur bancaire du pays
d’accueil va se trouver exposé à des risques aussi longtemps que les nouveaux produits
et services sophistiqués ne seront pas bien maîtrisés et réglementés.

Succursales vs filiales et modèles économiques intégrés

Les avantages et les risques associés aux activités bancaires transfrontalières


peuvent également dépendre du modèle d’établissement retenu - succursales ou filiales
- ainsi que de la structure du secteur financier du pays d’accueil. Comme évoqué au
Chapitre 1, les banques transfrontalières se sont généralement développées en Afrique
sous forme de filiales autonomes, un modèle générant des coûts de création et des frais
Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques 79

fixes relativement élevés, encore accentués par les exigences réglementaires prévoyant
l’isolement (« ring-fencing ») des comptabilités de ces filiales en temps de crise. Bien
que les travaux de recherche à l’échelle mondiale ne se soient pas particulièrement
arrêtés sur la distinction entre succursales et filiales dans le cadre d’un arbitrage
entre les risques et les avantages des activités bancaires transfrontalières, il semble
important d’établir cette distinction dans le contexte africain, car les coûts fixes des
filiales autonomes peuvent s’avérer encore plus pénalisants dans les marchés de petite
dimension13.
Un modèle bancaire plus intégré s’appuyant sur un réseau de succursales ou de
filiales entretenant des liens étroits avec la banque mère signifie que le financement,
l’allocation d’actifs et la gestion des risques sont centralisés de façon à maximiser
les résultats consolidés (Fiechter et al., 2011). Pour un même niveau d’exposition aux
risques, ce modèle permet de rationaliser l’emploi des capitaux et des liquidités, dans la
mesure où le financement et l’emploi des capitaux peuvent être plus facilement optimi-
sés au fil du temps entre les différentes unités. Les coûts liés à l’exploitation sont ainsi
généralement moins élevés dans le cas d’un modèle bancaire plus intégré. Ce modèle
permet également de renforcer la capacité des succursales ou des filiales à absorber
les chocs spécifiques aux pays d’accueil, dans la mesure où il est plus facile de mobili-
ser des capitaux et/ou des liquidités supplémentaires. D’un autre côté, les superviseurs
du pays d’origine et du pays d’accueil pourraient préférer un modèle plus décentra-
lisé qui s’appuie sur des filiales autonomes, bien qu’il puisse s’avérer moins rentable,
pour plusieurs raisons : facilité (perçue) de résolution des faillites bancaires, meilleure
capacité à superviser les activités des banques étrangères (supervision et reporting) et
minimisation des coûts de contagion.

2.2 La donne internationale

Au cours de la dernière décennie, toute une série d’études empiriques ont été réali-
sées en vue d’évaluer les différentes hypothèses concernant l’établissement de banques
étrangères. De portée internationale, régionale et nationale, ces études ont utilisé des
données agrégées sur les entreprises, les ménages et les banques afin d’évaluer l’in-
cidence de l’établissement de banques étrangères sous différents angles, notamment
l’efficacité, la concurrence, la stabilité et l’inclusion financière. Ces études montrent que
ces effets sont étroitement liés au contexte14.

13 De nombreuses études réalisées sur l'épisode de la déréglementation des succursales aux États-Unis dans les
années 70 et 80 ont démontré les larges avantages en termes d'efficacité qu’il y a à permettre aux banques de passer
d'une structure de holding et de filiales à une structure de succursales interétatique.
14 Pour une étude plus complète sur les données concernant l’établissement de banques étrangères, cf. Cull et Martinez
Peria (2013).
80 Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques

Efficacité et concurrence

Les comparaisons entre pays ont montré une relation positive entre l’établissement
de banques étrangères et l’efficacité et la concurrence dans les pays d’accueil, mesurée
en termes de marges nettes d’intérêts, de rentabilité et de maîtrise des coûts (Claes-
sens, Demirgüç-Kunt, et Huizinga, 2000, 2001). L’hypothèse selon laquelle l’établisse-
ment de banques étrangères se traduit par un renforcement de la concurrence dans les
pays d’accueil a également été confirmée par Claessens et Laeven (2004).
Les études menées en Argentine et en Colombie confirment également l’incidence
positive de l’établissement de banques étrangères sur l’efficacité des marchés bancaires
locaux (Clarke et al., 2000, Barajas et al., 2000). De même, il ressort également des études
portant sur des pays de l’Europe centrale et orientale que l’établissement de banques
étrangères a des effets bénéfiques sur la concurrence dans les marchés locaux (cf. Kiralyi
et al., 2000 pour la Hongrie, Nikiel et Opiela, 2002 pour la Pologne). D’un autre côté, des
études plus générales portant sur plusieurs pays d’Amérique latine et d’Europe centrale
et orientale présentent des résultats plus contrastés, qui pourraient être en partie dus à
l’utilisation de mesures de la concurrence et de l’efficacité différentes.
En Inde et en Chine, l’établissement de banques étrangères a eu des retombées qui sont
loin d’être aussi positives. Cette situation peut s’expliquer par la participation relativement
limitée des banques étrangères ainsi que par la prédominance des banques publiques dans
ces pays (Sensarma, 2006, Wu, Chen, et Lin, 2007). L’arrivée des banques étrangères dans
de nombreux pays d’Asie de l’Est après la crise de 1997 a eu, pour sa part, des répercus-
sions modestes mais positives sur l’efficacité et la concurrence (par ex., Lee, 2003 pour la
Corée, Unite et Sullivan, 2002 pour les Philippines, et Kubo, 2006 pour la Thaïlande).
Quelques études empiriques ont analysé les effets des activités bancaires transfronta-
lières sur l’efficacité et la concurrence en Afrique. S’agissant des pays de la Communauté
de l’Afrique de l’Est (CAE), les études montrent que les retombées sont différentes d’un
pays à l’autre et dans le temps. Par exemple, Cihak et Podpiera (2005) ont constaté qu’au
début des années 2000, les banques étrangères implantées en Tanzanie et en Ouganda
prêtaient davantage et appliquaient des marges (spreads) moins élevées que les banques
nationales, tandis que les banques étrangères au Kenya prêtaient moins que les banques
nationales. Un récent Programme d’évaluation du secteur financier mené par la Banque
mondiale dans la CAE (2013) portant sur le Burundi, le Kenya, le Rwanda, la Tanzanie et
l’Ouganda analyse les différences entre les banques étrangères d’horizons divers. Plus
précisément, les banques dont le siège social est situé dans la CAE et possédant des
filiales dans la région appliquent des marges moins élevées et sont plus efficaces que
les autres banques nationales privées (Graphique 2.1.). Parallèlement, ces banques étant
extrêmement rentables dans leur marché d’origine, elles disposent d’une marge confor-
table de sécurité leur permettant de faire face aux pertes ou aux profits peu élevés durant
les premières années d’activité de leurs filiales. De même, les filiales de banques domi-
Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques 81

ciliées dans la CAE affichent des marges et des frais généraux moins élevés par rapport
aux filiales de banques étrangères situées hors de la CAE, ce qui illustre bien les diffé-
rences entre les modèles économiques15. Les banques de la CAE qui se sont développées
dans la région ont également introduit des modèles économiques innovants, tels que les
réseaux d’agences bancaires, sur les nouveaux marchés qu’elles ont conquis, ce qui leur
a permis d’atteindre plus rapidement le seuil de rentabilité que leurs concurrentes. Cela
étant, comme en témoigne le Graphique 2.1, les banques transfrontalières ne font pas
nécessairement bénéficier les clients des gains d’efficacité qu’elles réalisent, et préfèrent
augmenter leurs bénéfices.

Graphique 2.1 : Différentiels de taux d’intérêt dans la CAE par structure


de propriété des banques étrangères et nationales en 2012

16%

14%
2.6
1.8
12%
0.9
1.5
10% 1.5

6.0
8%
10.9
6% 0.6 8.2
8.6

4%
4.2
2%
1.09 1.44 1.18 1.41
0%
-2.0
-2%
Banques nationales Banques nationales Filiales étrangères Filiales étrangères
privées de la CAE privées de la CAE (de banques au sein (de banques en
ayant des filiales sans filiales dans de la CAE) dehors de la CAE)
dans d’autres pays d’autres pays de
de la CAE la CAE
Réserves Frais Provisions Bénéfices
généraux

Source : Banque mondiale 2013a.

15 On peut se demander si les coûts plus élevés des banques étrangères situées en dehors de la CAE sont la résultante
de charges de personnel plus élevées et/ou de coûts de conformité plus élevés, qui sont généralement le reflet d'une
approche plus prudente.
82 Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques

Toutes ces études se rejoignent sur un point : les résultats empiriques sont
fonction de la structure des systèmes bancaires nationaux dans lesquels les banques
étrangères s’implantent. Ceci ne renvoie pas uniquement à la nature de la concur-
rence, telle que reflétée par des facteurs comme le niveau de participation de l’État
et l’influence politique dans le secteur bancaire, mais également aux défaillances
des infrastructures financières telles que les insuffisances du cadre contractuel et
des informations en matière de crédit, et au cadre légal/réglementaire régissant
les conditions d’entrée et de sortie des banques sur le marché. Comme évoqué plus
haut, le niveau de participation de l’État peut décourager les banques étrangères de
se livrer à une concurrence acharnée, comme l’expliquent Beck et Fuchs (2004) dans
le cas du Kenya au début des années 2000. Par exemple, en l’absence d’un système
efficace d’échange d’informations en matière de crédit, les emprunteurs peuvent se
retrouver otages du prêteur initial qui tire parti des informations privées les concer-
nant collectées au fil du temps.
L’effet positif ou négatif de l’établissement d’une banque étrangère sur l’effica-
cité et la concurrence est donc subordonné aux conditions prévalant sur le marché
bancaire local, ainsi qu’au cadre et aux pratiques de supervision en vigueur. Le fait
que ces facteurs puissent être influencés par les autorités de réglementation et de
contrôle locales est en soi une bonne nouvelle, puisque l’initiative demeure entre
les mains de ces autorités. Au vu des multiples éléments attestant des économies
d’échelle générées par les activités bancaires, de solides arguments plaident en
faveur d’une incidence positive des activités bancaires transfrontalières sur l’efficacité
du secteur bancaire en Afrique (Encadré 2.1).
Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques 83

Encadré 2.1 : Économies d’échelle


Il est difficile de mesurer les économies d’échelle dans le secteur bancaire. Leur esti-
mation repose sur un certain nombre d’hypothèses concernant les fonctions de coût, mais
tout indique que plus une banque grandit en taille, mieux elle maîtrise ses coûts. La plu-
part des informations sur les banques reposent sur des données américaines, la pléthore
de banques implantées aux États-Unis permettant d’obtenir des estimations significa-
tives. Tandis que les études menées dans les années 90 n’ont pas permis d’identifier des
économies d’échelle significatives au-delà du seuil de 25 milliards de dollars US (Berger
et Mester, 1997), des études plus récentes ont permis d’observer des économies d’échelle
au-delà de ce seuil (par exemple, Wheelock et Wilson, 2009, Feng et Serletis, 2010), et
ce, même lorsqu’elles prennent explicitement en compte le fait que les grandes banques
sont susceptibles d’avoir un appétit pour le risque plus élevé, au motif qu’elles sont trop
importantes pour faire faillite (argument du « too-big-to-fail status » - Hughes et Mester,
2013). Cette différence pourrait notamment s’expliquer par le fait que les progrès techno-
logiques dans les télécommunications et l’informatique, en réduisant les coûts de manière
significative, ont très vraisemblablement contribué à générer des économies d’échelle
dans le secteur bancaire ces dernières années. De nombreux travaux étudiant l’impact de
la déréglementation des succursales sur la performance des banques aux États-Unis ont
également montré que le fait d’autoriser les banques à se développer à l’étranger a permis
de réduire les coûts et les prix (Jayaratne et Strahan, 1998, Black et Strahan, 2001).
Le système bancaire permet également de réaliser des économies d’échelle. De
simples corrélations entre les mesures d’efficacité, comme les frais généraux et les
marges nettes d’intérêts, et la taille absolue des systèmes bancaires témoignent du pro-
blème d’échelle du secteur bancaire africain. Les critères de taille, tels que la population
ou le PIB, offrent également une relation inverse avec les indicateurs de développement
financier (Beck et al., 2008, Beck et Feyen, 2013). L’existence de coûts structurels élevés
au niveau du système bancaire peut s’expliquer de plusieurs façons : des banques opérant
pour la plupart à trop petite échelle, des coûts d’infrastructure fixes (par exemple, sys-
tèmes de paiement et cadres réglementaires) et un manque de concurrence étant donné le
nombre limité d’intervenants.
84 Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques

Profondeur et couverture du secteur financier

Contrairement à l’incidence de l’établissement d’une banque étrangère sur la


concurrence, les données empiriques concernant l’impact des banques étrangères
sur la couverture et l’approfondissement du secteur financier sont équivoques, car
les résultats diffèrent selon les pays et les régions et selon les sources de données
utilisées (enquêtes auprès des ménages, enquêtes auprès d’entreprises et données
établies au niveau des banques).

Données internationales

Au niveau international, Detragiache, Gupta et Tressel (2008) ont montré dans


une étude qui portait sur 89 pays à faibles revenus que plus les banques étrangères
occupent une place importante dans le système financier, moins ce dernier parvient
à gagner en profondeur et en couverture. Cette relation s’appuie sur suffisamment
d’occurrences pour corroborer cette causalité inverse, à savoir que les banques étran-
gères pénètrent un marché financier moins développé pour en exploiter les oppor-
tunités de développement. Cette analyse intersectorielle qui établit des moyennes
des données de chaque pays sur de plus longues périodes brosse un tableau quelque
peu différent de l’analyse par panel, qui repose sur une étude des pays au fil du
temps (Cull et Martinez Peria, 2008). Elle montre que l’établissement des banques
étrangères entre 1995 et 2002 s’est le plus souvent produit dans un contexte de crise
financière dans les pays en développement. L’établissement de banques étrangères
a souvent été autorisé pour permettre le rachat de banques domestiques en faillite,
qu’elles soient privées ou publiques, et reconstituer le capital des secteurs bancaires
sous capitalisés. L’assainissement des bilans de ces banques en difficulté a probable-
ment contribué à abaisser les niveaux globaux de crédit, mais on peut difficilement
mettre ces baisses sur le compte des acquéreurs étrangers. À l’inverse, lorsque la
présence de banques étrangères n’a pas été la résultante d’une crise, c’est-à-dire
lorsque la part des banques étrangères était relativement élevée et stable dès le
début de la période étudiée, Cull et Martinez Peria (2008) ont constaté que le ratio du
crédit au secteur privé sur PIB était notablement plus élevé que dans les autres pays ;
ce constat s’est également vérifié pendant et après les crises.
Claessens et van Horen (2014) ont établi que l’établissement de banques étrangères
sur les marchés domestiques présentant des caractéristiques différentes peut avoir
d’importants effets différentiels. Leur analyse montre que la participation des banques
étrangères présente une relation négative avec la profondeur financière dans les pays à
faibles revenus, dans les pays où les banques étrangères détiennent une part de marché
limitée, où l’application des contrats est coûteuse et où l’échange d’informations sur
le crédit est limité, et lorsque les banques étrangères sont issues de pays d’origine
Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques 85

éloignés. Cette analyse rejoint l’étude sur les incidences de l’établissement des banques
étrangères sur le secteur réel (Bruno et Hauswald, 2013) qui montre que l’impact de
l’établissement de banques étrangères sur la croissance des secteurs d’activité qui
ont le plus besoin de financement externe est plus important dans les pays en déve-
loppement garantissant une meilleure application des contrats et un échange plus
efficace des informations sur le crédit. Ces deux études laissent entendre qu’il est de la
responsabilité des autorités locales d’instaurer un environnement propice à l’approfon-
dissement du secteur financier pour tirer parti de l’établissement des banques étran-
gères, notamment en mettant en place un système d’échange d’informations solide et
un système de recours légal efficace.
Alors que ces études utilisent des données sur la profondeur financière plutôt que
sur l’inclusion, les comparaisons entre pays qui se réfèrent à des indicateurs représen-
tatifs de l’inclusion montrent que l’établissement des banques étrangères présente une
relation négative avec le nombre de prêts et de comptes de dépôt par habitant, mais
que celle-ci est moins évidente si l’on prend le nombre de succursales et de DAB par
habitant (Beck, Demirgüç-Kunt et Martinez Peria, 2007). D’un autre côté, une proportion
accrue de banques étrangères s’accompagne d’un meilleur accès aux services de dépôt
(Beck, Demirgüç-Kunt et Martinez Peria, 2008). Ces résultats contradictoires s’ex-
pliquent par le choix d’échantillons différents utilisés par ces deux études, mais aussi
par les différents aspects de l’inclusion financière ; à savoir le nombre réel de comptes
et les obstacles à l’accès aux services bancaires. Sur la base de l’étude sur l’environ-
nement des sociétés dans le monde (World Business Environment Survey - WBES) qui
porte sur plus de 3 000 entreprises dans 35 pays en développement ou en transition,
Clarke, Cull et Martinez Peria (2006) ont constaté que les barrières au financement
mentionnées par les entreprises diminuent avec la part des banques étrangères dans
un pays. Cette relation est encore plus forte pour les grandes entreprises, ce qui laisse
penser qu’elles profitent davantage de l’établissement des banques étrangères ; cela
étant, Clarke, Cull et Martinez Peria (2006) font également le même constat pour les
petites entreprises. Les données qui étudient l’impact des banques étrangères sur le
crédit aux entreprises sont par conséquent loin d’être concluantes.
Même si la plupart des travaux se concentre sur le prêt aux entreprises, il existe cer-
taines données sur l’impact de la présence des banques étrangères sur les ménages.
S’appuyant sur des données relatives à 16 500 ménages de 19 économies émergentes
de l’Europe centrale et orientale, Beck et Brown (2014) ont constaté que les emprun-
teurs auprès des banques étrangères sont plus fortunés et plus susceptibles d’occuper
un emploi formel et de disposer d’un patrimoine personnel que les emprunteurs auprès
de banques nationales. Une augmentation de la part des banques étrangères dans un
système bancaire national bénéficie donc davantage aux ménages les plus fortunés
qu’aux ménages les plus pauvres, ce qui semble étayer l’accusation selon laquelle les
banques étrangères ne sélectionneraient que les meilleurs clients du marché (pratique
86 Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques

dite du « cherry-picking »). Il convient de noter que cette analyse, contrairement à celle


mentionnée ci-dessus, n’étudie pas le niveau global d’accès au financement par rapport
à la participation de banques étrangères, mais plutôt par rapport à la composition rela-
tive de la population ayant recours aux services financiers formels.
Les études par pays brossent souvent un tableau plus nuancé. Dans l’une des
premières études utilisant des données sur le niveau de crédit issues d’un registre
de crédit, Mian (2006) constate des différences importantes au niveau de la clientèle
des banques nationales et de celle des banques étrangères dans le cas du Pakistan.
Les clients des banques étrangères, notamment, tendent à être des entreprises plus
grandes, situées dans des grandes villes, sous contrôle étranger et affiliées à des
groupes d’entreprises. La différence entre les banques étrangères et nationales est
plus marquée pour les banques étrangères dont le siège social est géographiquement
beaucoup plus éloigné (par exemple, Europe ou États-Unis), ce qui laisse penser que la
distance entre la société mère et l’agent de prêt sur le terrain peut jouer un rôle essen-
tiel dans le choix de la clientèle à cibler.
Dans leur étude de la pénétration des succursales, des comptes de prêt et de dépôt
au Mexique entre 1997 et 2005, Beck et Martinez Peria (2010) confirment que la hausse
de la part des banques étrangères, qui est passée de 2 à plus de 80 % en quelques
années, est allée de pair avec un repli du nombre de comptes de dépôt et de prêt.
Malgré l’augmentation de la part des municipalités clientes de succursales bancaires
et la probabilité accrue de la présence d’une banque au sein d’une municipalité donnée,
une analyse plus détaillée montre que seules les municipalités plus riches et plus
urbanisées ont bénéficié de cette tendance. De manière générale, il semblerait que les
banques étrangères qui s’établissent au Mexique adoptent des pratiques sélectives vis-
à-vis de leur clientèle. Gormley (2010) montre que la forte présence de banques étran-
gères dans les différentes régions de l’Inde s’accompagne d’un recul des prêts octroyés
par les banques nationales et d’un repli absolu des prêts aux entreprises. Son analyse
suggère ainsi que le comportement sélectif des banques étrangères est susceptible
d’affecter globalement la couverture financière, comme c’est le cas en Inde.
Plus récemment, des études ont remis en question le point de vue selon lequel
les banques sous contrôle étranger ne peuvent répondre aux besoins financiers des
entreprises locales, contredisant notamment l’idée reçue qui voudrait que les grandes
banques étrangères ne concèdent des prêts à des conditions de pleine concurrence
que sur la base d’informations fiables. Par exemple, Clarke et al. (2005) montrent, pour
un échantillon de quatre pays d’Amérique latine, que les grandes banques étrangères
affichent souvent une part plus importante et une croissance plus élevée de prêts aux
petites entreprises que les grandes banques nationales, cette tendance s’inversant
dans le cas des banques étrangères et nationales de petite taille. S’appuyant sur les
observations effectuées au niveau d’entreprises cotées et non cotées d’Europe orien-
tale, Giannetti et Ongena (2009) ont constaté que toutes les entreprises bénéficient des
Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques 87

prêts consentis par des banques étrangères tant en termes de croissance des ventes
qu’en termes d’actifs et d’endettement, et ce, même si l’effet s’atténue dans le cas des
petites entreprises. Dans une autre étude, ils ont constaté que les banques étran-
gères ne restreignent pas l’accès au crédit des entreprises non cotées, même si elles
ont davantage tendance à répondre aux besoins des grandes entreprises étrangères
(Giannetti et Ongena, 2012). S’appuyant sur des données issues de différents pays à
travers le monde, de la Torre, Martinez Peria et Schmukler (2010), et Beck et al. (2011)
mettent en évidence à partir d’enquêtes menées auprès des banques que les banques
étrangères sont tout aussi armées que les banques nationales pour servir les petites
entreprises, mais que leurs techniques de prêt reposent plutôt sur les transactions que
sur les relations. Dans le même ordre d’idée, Beck et Brown (2014) constatent que les
banques étrangères et nationales ont recours à des techniques de prêts différentes pour
atteindre les ménages des anciennes économies en transition de l’Europe centrale et
orientale. Plus particulièrement, les techniques de prêt de détail des banques étran-
gères reposent davantage sur l’information financière et sur les sûretés que celles des
banques nationales qui privilégient les prêts basés sur les relations.
Des études ont également exploré la relation entre l’origine des banques transfron-
talières et l’accès au crédit. Mian (2006) relie notamment la distance géographique entre
le siège social de la banque mère et les agents de prêt au Pakistan aux différences
de clientèle et conclut que la différence entre les banques étrangères et nationales
s’accroît avec la distance entre le siège social de la banque mère et le Pakistan. Des
arguments analogues expliquant les différences entre techniques de prêt par la distance
hiérarchique entre les agents de prêt sur le terrain et les sièges sociaux des banques
nationales et étrangères peuvent être avancés pour différents types de banques étran-
gères. Les distances hiérarchiques sont censées moins peser sur les banques géogra-
phiquement, culturellement ou institutionnellement plus proches du pays d’accueil,
dont elles devraient également mieux connaître la clientèle. Claessens et van Horen
(2014) confirment cette hypothèse au niveau global ; plus le siège social de la banque
mère est géographiquement éloigné, moins les activités bancaires transfrontalières ont
une incidence positive sur le développement financier du pays d’accueil. De ce point de
vue, l’accroissement du poids des banques transfrontalières africaines sur le continent
pourrait être considéré comme une évolution potentiellement favorable - une hypothèse
qui doit toutefois encore être étayée par des données empiriques.
La plupart des études se sont focalisées sur les différences de clientèle plutôt que
sur les mesures directes des techniques de prêt. Toutefois, le type de clientèle pourrait
bien dicter le type de technique de prêt. Dans l’une des quelques études qui s’efforcent
de distinguer ces deux effets, Beck, Ioannidou et Schäfer (2012) s’appuient sur les
données de registre de crédit boliviennes et analysent un échantillon d’entreprises qui
empruntent auprès de banques à la fois nationales et domestiques au cours du même
mois. Ils montrent que les banques étrangères et nationales ont recours à des tech-
88 Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques

niques de prêt différentes pour atteindre le même groupe. Les banques nationales,
notamment, ont recours au prêt fondé sur les relations tandis que les banques étran-
gères s’appuient sur les sûretés et les informations fiables pour prendre les décisions
de prêt et fixer les prix.

L’expérience africaine

Aucune recherche rigoureuse sur une situation propre à l’Afrique n’a été réalisée
malgré l’arrivée massive des banques étrangères sur le continent ces dix dernières
années. Il existe cependant un certain nombre d’exemples qui semblent réfuter l’asser-
tion selon laquelle les banques étrangères implantées en Afrique, dans l’ensemble, sont
sélectives et adaptent leur réseau de succursales en conséquence comme au Mexique
par exemple.
En Ouganda, la privatisation d’Uganda Commercial Bank (UCB), plus grande
banque publique du pays – et également du système – au profit de la South African
Standard Bank a été un succès (après un premier essai infructueux). Bien que l’accord
ne prévoyait la fermeture d’aucune succursale uniquement pendant les deux ans sui-
vant la vente d’UCB, Standard Bank a maintenu toutes les succursales et en a même
ouvert de nouvelles. Elle a également lancé de nouveaux produits et renforcé les
prêts au secteur agricole (Clarke, Cull et Fuchs, 2009). De même, la privatisation de
la Banque du Sud basée en Tunisie au profit d’Attijariwafa Bank s’est traduite par une
expansion de 78 % du réseau bancaire sous son nouveau nom et par le développement
d’une gamme de nouveaux produits dans les cinq ans qui ont suivi la privatisation.
En Tanzanie, la National Bank of Commerce a été privatisée après avoir été scindée
en une holding (NBC Holding Corporation), une banque commerciale (NBC Limited)
qui a pris en charge la plupart des actifs et des passifs de la banque d’origine, et la
National Microfinance Bank, qui a repris à son compte la majeure partie du réseau de
succursales et du mandat de la banque démantelée afin de favoriser l’accès aux ser-
vices financiers. La National Bank of Commerce « nouvelle version » a été vendue à
la banque sud-africaine Absa, et la rentabilité et la qualité de son portefeuille se sont
améliorées, même si l’activité de crédit a mis du temps à démarrer. Bien qu’il ait été
difficile de trouver un acquéreur à la National Microfinance Bank, la rentabilité s’est
finalement améliorée et l’activité de prêt s’est développée tandis que la proportion des
prêts douteux est demeurée faible (Cull et Spreng, 2011). En 2005, Rabobank a acquis
une participation de 49 % (qui a ensuite été ramenée à 35 %) et en a pris la direction.
Il convient de noter que ces exemples africains font état d’expériences post-privatisa-
tion positives de l’établissement de banques étrangères dans des contextes de crise,
ce qui ne permet pas de tirer des leçons plus générales de l’impact de l’établissement
de banques étrangères sur l’accès au crédit. En dépit de ces exemples encourageants
et de la forte croissance des actifs bancaires en Afrique au cours des dix dernières
Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques 89

années, les banques n’ont pas toujours démontré leur capacité à combler les écarts
considérables entre l’offre et la demande qui subsistent au niveau des micro-, petites
et moyennes entreprises ainsi qu’au niveau du financement du secteur agricole et des
infrastructures.
Un modèle de prêts innovants prévalant en Afrique du Sud et adopté par les banques
sud-africaines, notamment dans le cadre de l’expansion de leurs activités dans les pays
voisins d’Afrique australe, est le prêt consenti en fonction du salaire. En limitant l’octroi
de prêts aux salariés et en prélevant à la source le remboursement de ces prêts avant
même que le salaire ne soit viré sur le compte bancaire de l’employé, ce modèle de prêt
limite les problématiques de garanties/sûretés et d’identification des emprunteurs. Cela
étant, dans les systèmes financiers moins bien développés, ces prêts ont au mieux un
effet marginal sur les efforts pour combler les lacunes identifiées en matière de prêt
en sachant que le secteur formel ne représente qu’une partie infime de l’économie
dans la plupart des pays africains. Seule une petite minorité de la main-d’œuvre occupe
un emploi salarié/formel, la grande majorité des emplois du secteur privé étant des
emplois informels. La part des emplois formels étant plus importante en Afrique du Sud
que dans les autres pays africains (les emplois formels dans les secteurs public et privé
représentent environ 60 %), ce type de prêts devrait avoir un impact potentiellement
plus significatif dans ce pays (Banque mondiale, 2013b)16.
Il existe néanmoins quelques exceptions notables où l’innovation s’est traduite par
un élargissement et un approfondissement du secteur financier. La vague actuelle des
activités transfrontalières devrait significativement contribuer au foisonnement de ces
activités. Ainsi, au Kenya, des banques telles qu’Equity Bank et Kenya Commercial Bank
ont mis en place des modèles économiques visant à élargir leur base de clients en fai-
sant progressivement accéder les « microemprunteurs » à la catégorie des petites puis
des assez grandes PME clientes. Le succès et la rentabilité de ces nouvelles pratiques
ont non seulement contribué à renforcer la concurrence nationale et l’approfondisse-
ment du secteur financier, mais ont également permis d’exporter le même modèle
économique au sein de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE). De même, et quelque
peu à contre-courant des banques européennes traditionnelles, la banque néerlandaise
Rabobank (cf. Encadré 1.3) s’est inspirée de son expérience dans la banque coopérative
pour asseoir sa présence et proposer des modèles économiques spécifiquement conçus
pour répondre aux besoins de la chaîne de valeur du secteur agricole au Mozambique,
au Rwanda, en Tanzanie, en Ouganda, et en Zambie. L’exemple de la Zambia National
Commercial Bank, qui a été privatisée en 2007 par le biais d’une cession à Rabobank,
illustre bien la façon dont un ancien établissement financier public peut se développer,
conclure des accords de représentation avec des partenaires locaux (stations-service,

16 Toutefois, le manque de procédures de vérification raisonnable dans l'évaluation de la capacité des emprunteurs à
rembourser leurs emprunts a suscité des inquiétudes de plus en plus vives quant au surendettement des particuliers
(Banque mondiale, 2013b).
90 Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques

commerces) et adopter la technologie de la téléphonie mobile pour faciliter les transac-


tions à bas coût.
Un certain nombre de banques transfrontalières comme nationales ont dépassé
l’idée selon laquelle la microfinance ne relèverait que de la responsabilité sociale des
entreprises et ciblent désormais de plus en plus les segments inférieurs du Marché afin
d’accroître leur base de clients (cf. Encadré 2.2 pour des exemples).

Encadré 2.2 : Exemples de banques transfrontalières servant le segment


inférieur du Marché
Au cours des dernières années, les banques transfrontalières africaines et interna-
tionales ont adopté de nouveaux produits et des circuits de distribution innovants afin
d’élargir leur clientèle en répondant aux besoins de la majorité des Africains qui avaient
été jusque-là exclus des services financiers formels.
Après avoir mis en place avec succès une stratégie centrée sur le marché de détail au
Kenya via les agents bancaires et la téléphonie mobile, Equity Bank cherche à reproduire
ce schéma sur d’autres marchés de la CAE. Par exemple, la banque s’est implantée sur le
marché ougandais en achetant Uganda Microfinance Limited, institution de microfinance
ougandaise de niveau trois, afin de desservir le segment inférieur du Marché et non banca-
risées, avec la ferme intention de monter en gamme. La banque espère avoir recours aux
agents bancaires dès que la Bank of Uganda aura défini sa position et élaboré des lignes
directrices et des règles. En Tanzanie, Equity Bank s’est quant à elle implantée via de
nouvelles activités et donc à une échelle bien plus réduite. Centre régional d’Equity Bank,
Nairobi entretient des liens à la fois financiers (syndication de prêts) et opérationnels
(intégration des systèmes informatiques) avec ses filiales de la CAE.
En Gambie, Ecobank Gambiaa offre des services de collecte de dépôts en fournissant
aux commerçants et autres petites entreprises un « condaneh » (ou boîte dans la langue
locale) dans lequel ils déposent leurs recettes de la journée et qu’un employé de la banque
passe ensuite prendre le soir. L’objectif d’Ecobank est de cibler les populations non banca-
risées du marché en les encourageant à épargner de petites sommes. Après avoir testé ce
programme dans la région du Grand Banjul, celui-ci a été déployé dans les zones rurales
de Gambie. À l’heure où ce rapport est rédigé, Ecobank Gambia prévoyait de s’associer à
des institutions de microfinance (IMF) pour la gestion des collectes quotidiennes dans les
zones rurales.
Au Ghana, Barclays Bankb a lancé une initiative pilote visant à accorder des micro-
crédits aux « collecteurs susuc », charge à eux de les octroyer ensuite à leurs clients. Ce
programme ghanéen a débuté en 2005. En 2007, Barclays Bank travaillait déjà avec plus
de 500 collecteurs susu accordant des prêts à plus de 280 000 personnes dans le pays
(Barclays, 2008). Barclays Bank Ghana utilise les collecteurs susu comme intermédiaires
pour octroyer des prêts et mobiliser l’épargne en faveur des communautés rurales pro-
ductives. Les collecteurs susu interviennent en tant qu’intermédiaires pour le compte de la
Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques 91

banque, procèdent aux évaluations des candidats au crédit et conseillent la banque quant
aux opérations risquées au sein des communautés. Barclays fournit aussi des comptes de
dépôt et des séances de formation aux prêteurs susu, notamment en matière de gestion
des impayés, de gestion financière ou de gestion des risques. Lorsque le bon accueil de ce
programme n’a plus fait aucun doute, la banque l’a étendu à d’autres intermédiaires, dont
les coopératives de crédit, les associations professionnelles, les groupes confessionnels
et les institutions de microfinance. L’initiative aboutit à une relation qui profite à la fois aux
collecteurs susu qui peuvent ainsi développer leurs capacités et jouir d’un supplément
de légitimité grâce aux relations qu’ils entretiennent avec la banque, et à Barclays qui se
familiarise avec la culture du microcrédit du pays, sensibilise les populations non bancari-
sées et les convainc de faire confiance à ses services bancaires formels (Osei, 2007).
Le partenariat conclu en avril 2010 entre Ecobank et ACCION International au Ca-
meroun offre un autre exemple concluant d’efforts de coopération avec des institutions
de microfinance à l’initiative d’une banque commerciale. Les deux partenaires ont créé
« EB-Accion Microfinance » dans le but de fournir des produits/solutions de microcrédit
et d’épargne aux Camerounais qui ne bénéficiaient pas encore de services bancaires.
Ecobank a également lancé l’une des plus grandes banques de microfinance au Nigeria
en 2007 en partenariat avec d’autres intervenants et a ouvert la banque de microfinance
EB-ACCION Savings & Loans au Ghana en 2008. Elle a ensuite étendu son réseau de
banques de microfinance au Sénégal, au Bénin et au Cameroun. Ecobank aide également
200 IMF du continent à financer des prêts de gros et d’autres produits (Ecobank, 2010).
Absa (désormais Barclays Africa Group) est quant à elle entrée sur le marché sud-afri-
cain de la microfinance et, en partenariat avec le bureau de crédit CompuScan, a créé les
Microfinance Enterprise Service Centers qui sont des conteneurs de fret transformés en
agences de prêts mobiles en milieu rural. Pour atteindre les zones rurales et reculées,
ces centres sont équipés de télécommunications mobiles de troisième génération, de la
norme GPRS (general packet radio service) et de liaisons par satellite reliées à la base de
données du bureau de crédit sud-africain de CompuScan. Avant la mise en place de ce sys-
tème, Absa et Fin-Mark Trust ont travaillé d’arrache-pied pour comprendre le marché des
produits de la microfinance en général, en apprenant auprès d’ICICI Bank en Inde, ainsi
que l’ampleur du potentiel du marché sud-africain en particulier.
Au Maroc, la Banque Populaire du Maroc gère depuis 1999 une filiale de microcrédit, la
Fondation Banque Populaire pour le Micro-Crédit, qui a acquis en 2009, la Fondation Za-
koura, l’un des leaders du marché. En République arabe d’Égypte, les sociétés de services,
nouvelle catégorie de prestataires de microfinance, agissent à titre d’agents des banques
pour la fourniture de services de microfinance.
a Oceanic Bank Gambia jusqu’à ce qu’Oceanic Bank soit rachetée par Ecobank
b Depuis que Barclays a fusionné ses activités africaines en 2013, Barclays Bank Ghana fait partie de Barclays Africa Group.
c La collecte susu est un accord traditionnel informel conclu par plusieurs pays africains visant à mobiliser l’épargne
en contrepartie de frais minimes et à fournir un accès limité au microcrédit. Avec quelque 4 000 collecteurs susu
(estimation) au Ghana et sachant que chaque collecteur gère entre 200 et 850 clients par jour (certains allant même
jusqu’à 1 500 clients), le système susu offre des services de base en matière d’épargne et de microcrédit à un grand
nombre de personnes exclues du système bancaire traditionnel (Osei, 2007).
Source : selon Beck, Maimbo, Faye et Triki (2011).
92 Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques

Stabilité

Un avantage majeur des activités bancaires transfrontalières résulte de ses effets


sur la diversification des risques tant pour les établissements financiers que pour les
économies locales. En investissant à l’étranger, une banque nationale réduit son expo-
sition aux chocs nationaux. Aussi longtemps que les cycles économiques ne sont pas
parfaitement synchronisés entre les pays, l’expansion au-delà de leur marché d’ori-
gine permet aux banques de diversifier leurs risques macroéconomiques. De la même
manière, les pays possédant des systèmes bancaires diversifiés – constitués à la fois
de banques nationales et de banques étrangères venant de pays différents qui ne sont
pas soumises à des chocs de financement synchronisés – permettent aux utilisateurs
locaux de services bancaires de diversifier les risques. De nombreuses études datant
d’avant la crise financière mondiale étayent l’hypothèse selon laquelle, en diversifiant
les risques, les activités bancaires transfrontalières bénéficient à la fois aux établisse-
ments financiers et aux économies locales. Arena, Reinhart, et Vazquez (2007), qui ont
étudié un échantillon de 1 565 banques dans 20 marchés émergents entre 1989 et 2001,
ont constaté que les niveaux de crédit des banques étrangères étaient moins sensibles
aux conditions monétaires dans le pays d’accueil, tandis que les taux de leurs prêts
et dépôts étaient moins volatils que ceux des banques nationales en période de crise.
Bruno et Hauswald (2014) ont également montré que les banques étrangères peuvent
limiter l’impact des crises bancaires sur les secteurs d’activité qui dépendent d’un
financement extérieur.
De récents travaux empiriques ont également montré que les activités bancaires
transfrontalières peuvent aider à limiter l’impact des chocs financiers locaux, mais
qu’elles exacerbent les chocs financiers mondiaux. La différence fondamentale entre
ces deux types de choc a été mise en évidence tant par les analyses macroéconomiques
que par celles réalisées au niveau des banques. À titre d’exemple, Popov et Udell (2012)
et de Haas et Lelyveld (2014) montrent que les banques étrangères ont contribué à
la propagation des chocs de leur pays d’origine dans les pays d’accueil, tandis que
Kalemli-Ozcan, Papaioannou et Perri (2013) observent que les chocs financiers, comme
la crise financière mondiale, ont finalement eu pour effet de synchroniser les cycles
économiques de l’ensemble des pays. De même, il ressort d’études réalisées dans les
années 90 que la crise bancaire japonaise a eu une incidence négative sur le marché
de l’immobilier commercial américain et au final sur l’activité du secteur réel suite
au retrait des banques japonaises du marché américain (Peek et Rosengren, 2000).
La crise financière mondiale n’a pas du tout eu le même impact selon les régions, les
systèmes bancaires d’Europe centrale et orientale étant beaucoup plus touchés par les
effets de contagion résultant de l’affaiblissement des banques multinationales que les
systèmes bancaires d’Amérique latine (Cull et Martinez Peria, 2013). Ce phénomène
pourrait s’expliquer par le fait que les ratios des prêts sur dépôts étaient généralement
Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques 93

supérieurs à 1 dans les anciennes économies en transition les années ayant précédé la
crise – signe de la forte dépendance des filiales de ces pays à l’égard du financement
des sociétés mères, tandis que les filiales latino-américaines des banques étrangères
recouraient davantage au financement par le biais des dépôts locaux.
Il existe peu de travaux sur les implications des activités bancaires transfrontalières
sur la stabilité financière en Afrique. Si l’établissement des banques étrangères a,
semble-t-il, contribué dans la plupart des cas à la stabilité des économies d’accueil en
injectant de nouveaux capitaux et en intégrant des pratiques bancaires plus efficaces,
toutes les banques étrangères n’ont pas suivi la même logique d’établissement selon
les cas. Par exemple, le Mozambique et l’Ouganda ont tous deux été le théâtre d’une
tentative de privatisation des banques publiques au profit de banques multinationales
qui se sont avérées disposer de ressources et de capacités limitées, ce qui a débouché
sur la renationalisation de ces banques. L’impact de la crise financière mondiale sur
l’Afrique n’a guère fourni d’éléments à l’appui des effets de contagion par les circuits
des systèmes bancaires, ce qui peut s’expliquer par le rôle d’intermédiation relative-
ment limité des banques africaines et par leur fort niveau de capitalisation et leurs
liquidités abondantes (Beck et al., 2011), et par le fait que des grandes banques euro-
péennes présentes en Afrique ont relativement bien résisté à la crise.

2.3 Implications des expériences mondiales pour l’Afrique

Les études théoriques et empiriques sur les effets des activités bancaires transfron-
talières ne fournissent aucun éclairage clair s’agissant des trois aspects - efficacité,
approfondissement et élargissement du secteur financier, et stabilité – étudiées dans
ce chapitre. L’une des conclusions que l’on peut tirer des différents résultats - parfois
contradictoires - de ces études est que l’établissement des banques étrangères ne
constitue certainement pas la solution miracle qui permettrait d’accroître l’accès aux
services financiers et la stabilité. D’autre part, l’établissement des banques étrangères
n’est pas non plus ce fléau pour les pays à faibles revenus que certains ont parfois
laissé entendre. Les banques transfrontalières peuvent présenter des avantages
considérables pour les systèmes financiers locaux, mais ces avantages sont cependant
propres à un contexte et dépendent fortement de la situation et des politiques du pays
d’accueil.
Pour tirer profit des avantages de l’établissement des banques étrangères, les
autorités locales doivent prendre les devants en mettant en place des conditions cadres
incitant les banques étrangères à renforcer l’efficacité et la concurrence, l’accès finan-
cier et la stabilité du secteur financier. Les autorités de réglementation peuvent agir
plus facilement sur certaines de ces conditions que sur d’autres. Alors que les condi-
tions plus générales qui permettent d’instaurer un cadre propice aux affaires, telles
que la facilité d’exécution des contrats, outrepassent souvent la mission et l’influence
94 Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques

des banques centrales et des autorités de contrôle, d’autres aspects importants entrent
tout à fait dans leur sphère de compétences. Ainsi, les facteurs ayant un impact sur (a)
le coût d’établissement, tels que la disponibilité des infrastructures financières, les exi-
gences en matière d’octroi des agréments, (b) les la pleine mobilité de la main-d’œuvre
l’exploitation pour les banques étrangères, par exemple, l’utilisation par les filiales
étrangères des systèmes informatiques et de gestion des risques du pays d’origine,
(c) l’adoption d’une politique favorable à l’emploi des expatriés, et (d) l’instauration de
conditions de parfaite concurrence – par exemple, en sanctionnant de manière équitable
les banques étrangères comme nationales qui ne satisfont pas aux exigences pruden-
tielles – entreront tous en ligne de compte pour apprécier l’étendue de l’établissement
des banques étrangères et l’impact (limité ou plus généralisé) de ce processus. De
plus, il est essentiel de rester ouvert aux innovations utiles apportées par les banques
étrangères. Ce chapitre met en évidence certaines innovations et certains modèles
économiques prometteurs qui ont été exportés avec succès dans les pays d’accueil.
Les autorités d’accueil devraient encourager l’établissement de banques qui ont réussi
à mettre en place des lignes de produits particulièrement pertinentes, comme les
banques ayant une expérience en matière de services destinés aux groupes de clients
traditionnellement négligés, y compris les micro-, petites et moyennes entreprises et le
secteur rural.
Les banques transfrontalières en Afrique ont mis en œuvre différente stratégies
de marché et se sont engagées à divers degrés dans les pays d’accueil. Il est difficile
de généraliser, mais, comme le soulignent les quatre modèles économiques types
présentés ci-dessous, ce n’est que lorsque leurs activités gagnent en profondeur que
les banques étrangères peuvent s’engager plus avant dans l’intermédiation financière,
en déployant des modèles économiques et des produits plus innovants qui sont le plus
vraisemblablement testés sur leurs marchés d’origine.

• Modèle 1 – Fidéliser la clientèle des grandes entreprises : la volonté des banques


d’accompagner le développement à l’étranger de l’activité de leur clientèle de
grandes entreprises reste le principal moteur des activités bancaires transfronta-
lières en Afrique. Pour déployer cette politique « défensive », les banques peuvent
choisir de préserver leur capacité de financement du commerce à l’export. Cepen-
dant, à mesure que les entreprises clientes renforcent leur présence à l’étranger,
les banques du pays d’origine cherchent à les fidéliser en s’assurant de pouvoir
répondre à leurs besoins de fonds de roulement et d’investissement à l’étranger. En
premier lieu, les banques peuvent asseoir leur présence par le biais de bureaux de
représentation en incorporant les activités étrangères de leurs clients à leurs bilans
du pays d’origine, selon la pratique du « suitcase banking ». Toutefois, lorsque l’en-
gagement local de leurs clients s’intensifie, il s’avère alors nécessaire de créer une
entité juridique dans le pays d’accueil.
Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques 95

Étant donné que le choix des banques d’étendre leur présence au-delà des fron-
tières naît initialement de la volonté d’accompagner leurs clients, la rapide expan-
sion de la présence transfrontalière des banques africaines ces dernières années
laisse penser que les avantages financiers que peut procurer ce modèle économique
demeurent considérables, et ce, même si les banquiers laissent entendre que les
marges dans ce secteur s’amenuisent de manière générale. En effet, la concurrence
dans ce domaine semblant assez vive, il se pourrait que les banques étrangères
incitent, par voie de conséquence, les banques nationales à s’engager plus active-
ment dans la fourniture de services aux segments moins bien desservis.

• Modèle 2 – Cibler les secteurs de croissance des pays d’accueil : une deuxième
raison, qui gagne en importance, de l’expansion des banques africaines au-delà
de leurs frontières tient à la possibilité de saisir des opportunités de croissance.
Ces opportunités ont traditionnellement prévalu dans les industries d’extraction
de ressources naturelles, mais les banquiers prennent de plus en plus conscience
des retombées potentielles de ces enclaves porteuses de croissance. Bien que
demeurant largement inexploitées, il existe des possibilités dans le financement des
services auxiliaires relatifs (a) aux chaînes de valeur desservant les industries d’ex-
traction de ressources naturelles, et (b) au développement des infrastructures et des
secteurs de services locaux qui présentent un potentiel de croissance considérable.
À ce niveau, l’engagement implique de s’appuyer sur une présence locale et,
notamment, de mobiliser les sources locales de financement de manière à éviter
l’exposition au risque de change.

• Modèle 3 – Une offre bancaire ciblant une clientèle fortunée : renforçant leur pré-
sence locale, les banques transfrontalières ont proposé des services présentant des
risques limités, tels que les services de paiement et de transfert de fonds, ou des
produits comme les prêts basés sur le salaire qui limitent les expositions aux risques
des banques à des groupes cibles spécifiques et sûrs.

• Modèle 4 – Exporter les innovations qui ont fait leurs preuves : le principal apport
potentiel des activités bancaires transfrontalières en faveur de l’inclusion financière
réside dans le transfert de modèles bancaires innovants des pays dans lesquels les
banques se sont employées à mettre en place des services de proximité, notamment
sous la forme d’agences bancaires et de partenariats avec les fournisseurs de ser-
vices de paiement en argent mobile, et à proposer de nouveaux produits ciblant les
micro-, petites et moyennes entreprises (le microprêt) et aidant les membres de ces
groupes à accéder à la clientèle des petites entreprises.
96 Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques

À ce jour, l’expérience des banques transfrontalières en Afrique laisse penser que la


plupart des banques n’ont aucun problème à répondre aux besoins de la clientèle des
grandes entreprises (Modèle 1) et éventuellement à cibler les secteurs de croissance
(Modèle 2), mais hésitent encore à s’engager dans le processus d’approfondissement
suggéré par le Modèle 3 et plus spécialement par le Modèle 4. La question de savoir de
quelle façon les banques peuvent être encouragées à s’impliquer davantage et à réper-
cuter les gains d’efficacité associés aux économies d’échelle sur les utilisateurs finaux
des services financiers sera plus amplement abordée dans les Chapitres 4 et 5.
La petite taille de la plupart des économies africaines, avec les coûts fixes élevés de
la fourniture de services financiers qui en découlent, implique que les avantages poten-
tiels de l’intégration financière sont relativement importants en termes de répartition
et d’allégement de la charge de ces coûts fixes. Les études empiriques ont montré une
relation négative entre la taille du pays et de la banque, et le produit net bancaire ainsi
que les marges des banques (Beck, 2007, Beck et Hesse, 2009). De surcroît, de nom-
breuses économies africaines sont pénalisées par le fait qu’une part assez importante
de leur PIB repose sur quelques entreprises du secteur de l’extraction de ressources
naturelles. Les responsables politiques de ces pays ont pour principales préoccupa-
tions de promouvoir la diversification économique et de garantir une répartition plus
équitable des avantages économiques associés à l’extraction des ressources naturelles,
et le secteur financier a un rôle important à jouer dans l’atteinte de cet objectif (Beck,
2011). Les banques qui se concentrent sur l’innovation et l’offre de services de proximité
peuvent jouer un rôle important de catalyseur pour l’accès au crédit des producteurs
locaux, le renforcement des chaînes de distribution locales et l’accompagnement du
développement des fournisseurs en concurrence avec des importateurs. Bien que ce ne
soit pas la solution miracle à l’intensification de la production locale, l’ouverture sélec-
tive et ciblée des marchés financiers locaux à l’établissement de banques étrangères
peut stimuler efficacement l’innovation et aider à débloquer le processus d’approfon-
dissement du secteur financier en appui du processus plus global de diversification
économique.
Même dans les cas où l’établissement de banques étrangères ne permet pas de
mener à bien le projet d’approfondissement du secteur financier, les banques étran-
gères contribuent souvent au financement des grandes entreprises dans les pays
possédant des secteurs réels fortement concentrés. Un petit nombre d’entreprises et de
secteurs implique des portefeuilles bancaires à risque, et les banques transfrontalières
peuvent contribuer à couvrir ces risques grâce à la dimension internationale de leurs
bilans.
Malgré les avantages potentiels résultant de l’établissement des banques étrangères
en Afrique, ceux-ci se sont révélés jusqu’à présent plutôt modestes et n’ont qu’occa-
sionnellement porté sur les modèles bancaires innovants mentionnés ci-dessus. En
effet, dans de nombreux cas, l’ouverture des marchés bancaires s’est traduite par une
Chapitre 2 : Activités bancaires transfrontalières : avantages et risques 97

saturation des marchés étroits déjà couverts par les établissements financiers exis-
tants, qui n’a abouti qu’à une augmentation des frais généraux des systèmes bancaires
qui servent une base de clientèle relativement limitée. Plusieurs facteurs entrent ici
en jeu, notamment la réticence des autorités nationales à harmoniser leurs cadres de
réglementation et de supervision bancaires – comme l’illustre le recours à l’établis-
sement par le biais de filiales, et ce, même parmi les pays des unions monétaires du
Franc CFA d’Afrique centrale et d’Afrique de l’ouest. La création d’un marché financier
(sous) régional doté de cadres réglementaires harmonisés permettrait d’abaisser les
coûts et inciterait les banques à se développer au-delà des frontières. Mais les inquié-
tudes entourant la répartition des avantages économiques découlant d’une plus grande
pénétration des banques étrangères pèsent probablement tout autant sur la réticence
du pays d’accueil à renforcer la participation des banques étrangères et à utiliser leurs
avantages comparatifs pour tirer parti de l’approfondissement du secteur financier.
Alors que les avantages tirés de l’approfondissement du secteur financier local et
du développement des entreprises et de la croissance économique qui en découlent
l’emportent clairement sur les profits dégagés par les banques étrangères, un motif
d’inquiétude est de savoir si la nouvelle génération de banques Sud-Sud est en train de
reproduire le rôle joué par les banques coloniales dans les années 60 et 70.
Parallèlement, alors que l’intégration financière continue de se renforcer, les auto-
rités vont devoir prendre des mesures pour atténuer les risques liés à ces nouveaux
vecteurs de contagion. Tandis que les activités bancaires transfrontalières ont permis de
renforcer l’intégration financière au cours des dernières années, les systèmes finan-
ciers africains pâtissent encore, pour une grande majorité d’entre eux, d’un manque
relatif de profondeur. Le potentiel de contagion reste donc limité.
3.
Pourquoi réguler les
activités bancaires
transfrontalières et
à l’aide de quels
instruments ?
100 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?

3. Pourquoi réguler les activités bancaires


transfrontalières et à l’aide de quels
instruments ?

Ce chapitre traite de la raison d’être de la coopération règlementaire transfronta-


lière en général, et du raisonnement sous-tendant la règlementation applicable aux
établissements financiers qui opèrent au-delà de leurs frontières, en particulier. Pour
être efficace, la coopération en matière de supervision doit avant tout composer avec les
intérêts et les motivations potentiellement divergents des régulateurs des pays d’ori-
gine et des pays d’accueil. Si les superviseurs restent concentrés sur les coûts d’une
éventuelle défaillance bancaire dans leur propre juridiction, ils courent le risque de ne
pas tenir compte des coûts encourus en dehors du périmètre géographique et de la res-
ponsabilité nationale qui leur incombent, ce qui pourrait aboutir à prendre des décisions
inadaptées à la fois dans le pays d’origine et dans le pays d’accueil.
Les instruments de la coopération transfrontalière entre régulateurs portent tradi-
tionnellement sur l’échange d’informations en temps normal. L’expérience a montré
ces dernières années, et plus particulièrement durant la crise financière mondiale, que
ces instruments ne suffisent pas. Les régulateurs ont besoin de nouveaux outils plus
perfectionnés, davantage axés sur la gestion des crises bancaires et leur résolution.
De tels outils requièrent toutefois de déployer des ressources adaptées en matière
de supervision et souvent un haut niveau de coopération réglementaire nationale et
transfrontalière, autant de défis pouvant compromettre une mise en œuvre efficace. Les
coûts de cette mise en œuvre varieront largement en fonction des paires de pays et des
sous-régions. Lorsqu’ils définissent le cadre concret d’une coopération règlementaire
transfrontalière, les pouvoirs publics nationaux doivent donc soigneusement en évaluer
les coûts et les bénéfices.
Ce chapitre est structuré de la manière suivante : la première section s’attache à
présenter les arguments théoriques en faveur de la coopération règlementaire trans-
frontalière. Les normes internationales pouvant servir de référence à cette coopération
sont abordées dans la deuxième section, et les instruments traditionnels de la coopé-
ration règlementaire, y compris la supervision consolidée, les protocoles d’accord, et
les collèges de superviseurs dans la troisième section. La quatrième section porte sur
les formes élargies de coopération axées sur la gestion des crises bancaires et leur
résolution. La cinquième section plaide en faveur d’une adoption des instruments et des
mécanismes de coopération règlementaire transfrontalière adaptée au contexte. Enfin,
la sixième section dresse le bilan de ce chapitre.
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 101

3.1 Pourquoi une coopération réglementaire transfrontalière ?

Il y a encore quelques années, les autorités de réglementation ne portaient guère


d’intérêt aux activités bancaires transfrontalières en Afrique. Historiquement, les acti-
vités bancaires transfrontalières dans l’Afrique postcoloniale ont été dominées par les
banques européennes, et les superviseurs des pays à faibles revenus, aux ressources
limitées, ne voyaient pas d’inconvénients à céder leurs obligations de supervision de ces
grands groupes bancaires souvent complexes aux pays d’origine de ces banques. Dans
l’ensemble, cette politique a bien fonctionné à l’exception de la faillite, au début des
années 90, de deux banques internationales ayant des activités significatives en Afrique,
la BCCI et la Meridien Bank, qui s’est soldée par la fermeture de leurs filiales en Afrique
(cf. Encadré 3.1). Plus récemment, la crise financière mondiale qui a provoqué la faillite
de nombreuses banques dans les pays développés a attiré l’attention sur la nécessité
d’une coopération étroite entre les pays dans les domaines de l’intervention en matière
de supervision, de la gestion de crise, et du soutien des contribuables aux banques en
difficulté. En outre, l’émergence de banques transfrontalières africaines ces dernières
années suppose des responsabilités significativement accrues pour les autorités de
contrôle dans les pays d’origine africains. Pour autant, l’expansion fulgurante des opé-
rations bancaires transfrontalières ne s’est pas accompagnée, et ce dans de nombreux
cas, d’une supervision transfrontalière ad hoc. Ce retard est en partie dû à la perception
(erronée) largement répandue chez les autorités de contrôle des activités bancaires
africaines selon laquelle l’obligation d’établir une filiale autonome dans les pays
d’accueil leur permettra de préserver leur système bancaire. La confiance des supervi-
seurs africains dans la protection offerte par l’établissement de filiales a été fortement
ébranlée par les revers subis par de grandes banques européennes, comme le groupe
Benelux Fortis, durant la crise financière mondiale.
Le renforcement des investissements Sud-Sud dans les activités bancaires en
Afrique est un phénomène assez récent. Il y a une dizaine d’années à peine, les banques
transfrontalières africaines étaient encore assez dispersées sur les marchés. Toutefois,
comme nous l’évoquons dans le premier chapitre, le paysage bancaire s’est depuis
profondément transformé. Les investissements relativement modestes (du point de vue
du pays d’origine) permettant d’établir une présence systémique dans les pays d’accueil
ne se limitent désormais plus aux banques internationales. Les marchés financiers
d’Afrique parmi les plus importants, comme le Kenya, le Nigeria, le Maroc et l’Afrique du
Sud, ont vu les banques européennes se faire détrôner par des banques africaines qui
s’implantent sur leurs marchés respectifs et occupent une position dominante dans les
marchés africains plus modestes. Les huit banques panafricaines pèsent à elles seules
(cf. Graphique 1.7) 20 % voire plus des actifs du système bancaire du pays d’accueil
102 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?

respectif dans 24 cas17. Dans certains marchés plus petits, la présence de banques
individuelles dans les systèmes des pays d’accueil est particulièrement forte, comme
par exemple Ecobank au Liberia et en Républicaine centrafricaine (40 % dans les deux
pays), Standard Bank au Lesotho (47 %), et le groupe Barclays Africa aux Seychelles
(44 %). Rares sont les exemples, même s’ils sont significatifs, de banques non africaines
jouant un rôle de cette importance dans des marchés d’accueil africains, y compris des
banques portugaises dans certaines anciennes colonies.

Encadré 3.1 : Structures complexes et régulation des banques


transfrontalières : les leçons du passé
Au début des années 90, les revers subis par la Bank of Credit and Commerce Interna-
tional (BCCI) ont alerté les superviseurs bancaires sur les incidences que pouvaient avoir
des structures complexes et transfrontalières sur l’efficacité de la supervision et sur les
problèmes pouvant survenir en cas de liquidation.
La BCCI possédait une holding au Luxembourg et deux filiales majeures : une au
Luxembourg qui contrôlait 47 succursales et 2 filiales dans 15 pays, et une autre dans
les Îles Caïmans à la tête de 63 succursales dans 28 pays. La banque s’appuyait en outre
sur un réseau de filiales et de sociétés apparentées à travers 255 bureaux répartis dans
30 pays. Le véritable problème résidait toutefois dans le fait que le siège de la banque était
domicilié dans une juridiction de contrôle (à savoir le Luxembourg) dans laquelle le groupe
exerçait uniquement une petite part (environ 2 %) de ses activités, empêchant de ce fait le
superviseur luxembourgeois d’opérer une supervision sur une base consolidée efficace
dans le cadre des règles internationales alors en vigueur. Les principales activités opéra-
tionnelles du Groupe étaient implantées ailleurs. Ainsi, la banque concentrait-elle une part
significative de ses activités aux États-Unis où plusieurs abus graves ont été dénoncés, et
au Royaume-Uni qui hébergeait l’essentiel de ses activités de trésorerie, et qui était à bien
des égards le véritable centre névralgique de la banque. Les dirigeants résidaient à Abu
Dhabi, de même que certains des principaux actionnaires. Le fait que la banque se soit
associé les services de plusieurs commissaires aux comptes n’a pas joué en faveur de la
gouvernance d’entreprise.
Une fois le liquidateur de la BCCI désigné, les superviseurs ont rapidement compris, au
vu de la diversité des législations impliquées en matière d’insolvabilité, qu’il serait difficile
de garantir l’égalité de traitement entre tous les créanciers de la banque à travers le
monde. En effet, dans certaines juridictions, on liquidait des entités distinctes : autrement
dit, les actifs situés dans ces juridictions étaient prioritairement utilisés pour répondre aux
demandes des créanciers des pays concernés. C’est notamment le cas des États-Unis.
D’autres pays, en revanche, comme le Royaume-Uni et le Luxembourg, procédaient sur
la base d’une entité unique, principe selon lequel les actifs du groupe pris dans son en-

17 Certains pays accueillent plus d’une de ces grandes banques transfrontalières.


Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 103

semble sont répartis de manière équitable entre l’ensemble des créanciers, quel que soit
leur pays. Un véritable imbroglio dans lequel le liquidateur a dû gérer un grand nombre de
mesures de liquidation particulièrement complexes.
Le second scandale bancaire retentissant dans les années 90 a impliqué la Meridien
Bank, bien connue des superviseurs africains. Meridien International Bank Ltd (la holding),
domiciliée aux Bahamas, possédait 74 % de Meridien BIAO domiciliée au Luxembourg,
laquelle était à la tête d’une structure composée de 20 banques africaines. La structure
d’ensemble avait été constituée par Andrew Sardanis, citoyen chypriote grec qui résidait
alors en Zambie. Alors que les banques du groupe faisaient faillite l’une après l’autre sur le
continent africain, les autorités zambiennes ont été confrontées au problème, critique, de
retrait massif de fonds auprès de la banque zambienne dans une tentative pour soutenir
les activités dans d’autres pays.
Suite à ces deux faillites, le Comité de Bâle a publié tout un arsenal d’articles sur les
activités bancaires transfrontalières, ainsi que sur les structures bancaires complexes
et parallèles. Ces articles soulignent l’importance de la mise en place une supervision
consolidée et efficace de ces structures (en tant qu’exigence minimale) et de la libre
circulation des informations entre les banques et leur(s) superviseur(s) d’une part, et entre
les superviseurs d’autre part. Cette supervision devrait essentiellement s’appuyer sur un
superviseur principal clairement désigné, disposant d’un accès adéquat aux informations
consolidées, de ressources financières et humaines suffisantes pour lui permettre de su-
perviser efficacement la banque dans son ensemble, quel que soit le lieu de ses activités.
Source : tiré de Fuchs et al., 2006.

L’importance systémique d’une banque dans un pays d’accueil ne se mesure pas


uniquement à l’aune du volume de ses activités dans la juridiction d’accueil, mais peut
être atteinte de bien des façons différentes, dont la plus déterminante est certainement
l’organisation sous forme de « conglomérat financier » adoptée par de nombreuses
banques transfrontalières. Outre le risque global de contagion intersectorielle, il existe
d’autres sources potentielles de risques comme des incohérences entre les législations
régissant les secteurs des activités bancaires, des valeurs mobilières et de l’assu-
rance, qui créent des vides juridiques dans l’arbitrage règlementaire ou permettent aux
banques de faire double emploi des capitaux. Autre phénomène jusqu’ici peu étudié, les
groupes bancaires complexes ayant leur siège en Afrique ou ailleurs élargissent leurs
activités à l’ensemble du continent africain tout en renforçant leur intégration finan-
cière. Si jusqu’à présent les grands groupes internationaux se sont attachés à répondre
aux besoins des exportateurs et des importateurs hors de leurs marchés d’origine, ils
ont plus récemment adopté de nouveaux schémas en exportant désormais des modèles
économiques innovants vers d’autres marchés. Une évolution certes bienvenue, mais
qui n’est pas sans s’accompagner de plus grandes responsabilités en matière de super-
vision, comme nous l’avons déjà évoqué dans le Chapitre 2. Les risques de contagion,
104 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?

par exemple, peuvent s’intensifier : à mesure que le nombre d’épargnants augmente


et que la technologie permet des retraits plus rapides, le risque de retraits bancaires
massifs, un phénomène jusqu’alors limité en Afrique, pourrait devenir une réalité,
notamment en cas de fragilité bancaire.
Avec la progression des investissements et de l’approfondissement du secteur finan-
cier Sud-Sud, les superviseurs bancaires en Afrique vont inévitablement devoir faire face
à un accroissement de demandes, et seront plus particulièrement appelés à prendre des
décisions plus tranchées. Alors qu’ils ont fait preuve de tolérance ou cherché à recapita-
liser les banques auprès des autorités budgétaires, ce qui a permis de prévenir dans une
large mesure les crises bancaires depuis le début des années 2000 (à l’exception notable
de la crise nigériane en 2009), les superviseurs bancaires seront de plus en plus souvent
contraints d’agir de manière plus rapide face à l’escalade de la facture budgétaire des
sauvetages bancaires, alors que les banques se développent au-delà de leurs frontières,
grandissent et réalisent des économies d’échelle. Les autorités de contrôle vont devoir
renforcer leurs capacités d’anticipation et de réactivité face à l’inévitable et indispensable
processus de rationalisation qui se mettra en place lorsque des banques étrangères s’im-
plantent sur un marché local sans pouvoir faire plus que reproduire les modèles écono-
miques relativement restreints des acteurs nationaux en place.
La question de la supervision des activités bancaires transfrontalières n’a éveillé
l’attention des instances réglementaires en Afrique que très récemment. Ainsi par
exemple, début 2012, lors de sa réunion inaugurale à Pretoria, le Groupe consultatif
régional pour l’Afrique subsaharienne récemment établi par le Conseil de stabilité
financière (CSF) a identifié le « risque croissant des effets de répercussion du secteur
financier transfrontalier » et le besoin d’atténuer « la contagion et l’arbitrage règle-
mentaire » en Afrique comme étant les principaux défis et priorités stratégiques pour le
continent (CSF, 2012).
Rappelons cependant que le recentrage des autorités de réglementation sur les
banques transfrontalières ne constitue pas un objectif en soi, mais plus un axe de
réflexion sur les opportunités et les risques inhérents à l’intégration financière, comme
le précise le Chapitre 2. Si elles parviennent à mettre en place des infrastructures
financières et des cadres règlementaires appropriés, les économies africaines pourront
pleinement tirer parti des activités bancaires transfrontalières en termes d’approfondis-
sement et de rayonnement du secteur financier. L’expansion des banques régionales sur
le continent ces dernières années confirme déjà leur volonté de réellement consolider
leur intégration («suivez vos clients »), et le pari qu’elles prennent sur une multiplica-
tion des débouchés économiques. Reste aujourd’hui à savoir si ces banques et leurs
superviseurs respectifs feront du renforcement du régime d’établissement des banques
étrangères le principal moteur de la consolidation et de l’intégration financière.
Compte tenu des possibles perturbations et autres coûts (tant sur le plan budgétaire
que sur le plan du processus d’approfondissement financier) associés aux défaillances et
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 105

aux crises bancaires systémiques, les superviseurs se sont concentrés en priorité sur la
stabilité des banques transfrontalières. Pour autant, les outils et instruments règlemen-
taires peuvent également être utilisés pour exploiter les retombées bancaires transfron-
talières. Si la création de succursales bancaires transfrontalières présente des avantages
en termes de maîtrise des coûts – les dépenses incompressibles de constitution, d’ex-
ploitation de systèmes internes distincts et de mise en conformité avec la règlementation
étant moins élevées – les superviseurs bancaires africains se sont attachés à faciliter le
recours à la constitution de filiales indépendantes dans la plupart des cas, même dans
les pays à monnaie unique et aux structures de supervision bancaire intégrées comme les
zones monétaires d’Afrique de l’ouest et centrale. Cette approche traduit le manque de
moyens de supervision et le fait qu’il est plus simple de superviser des entités autonomes
et de régler leurs problèmes. Cela étant, même dans le cadre d’un modèle qui se fonde
sur des filiales, les outils et instruments règlementaires permettent aux économies
d’accueil de tirer profit des activités bancaires transfrontalières, en réduisant par exemple
le coût des transactions commerciales liées à l’établissement des banques étrangères.
Les autorités peuvent prendre des mesures pour : (a) réduire la complexité et la durée
du processus d’octroi des agréments, (b) réduire les exigences de fonds propres initiaux
pour les filiales de banque (en définissant des exigences qui augmentent au même rythme
que l’engagement commercial de la banque étrangère et ses expositions aux risques),
(c) alléger les conditions d’établissement de nouvelles succursales, le cas échéant (en
laissant aux banques le soin de décider de la structure et de la sécurité de leurs locaux),
(d) encourager la pleine mobilité de la main-d’œuvre (transfert de compétences), et
(e) encourager le recours à des plateformes informatiques communes et centralisées,
tant pour le fonctionnement interne que pour la fourniture de services aux clients, et la
mise en place de systèmes centralisés d’audit et de gestion des risques. Ces éléments
contribueront à renforcer l’efficacité de la fourniture de services bancaires et offriront une
plateforme permettant de renforcer l’approfondissement financier.

Les externalités résultant des défaillances bancaires

La raison pour laquelle le secteur bancaire compte parmi les secteurs les plus
réglementés dans la plupart des économies tient aux externalités potentiellement
considérables d’une défaillance bancaire18. Ces externalités sont liées à trois problèmes
engendrés par une défaillance bancaire : tout d’abord, l’effet domino dû au fait de l’ap-
partenance des banques à un même réseau et à leurs interdépendances ; la défaillance
d’un établissement peut facilement entraîner la faillite d’autres établissements, aussi

18 La notion d’externalité renvoie à une situation dans laquelle un tiers non lié subit les coûts ou profite des avantages
d’une activité. Dans des marchés non réglementés, l’offre de biens présentant des externalités positives tend à manquer.
A l’inverse, l’offre de biens aux externalités négatives tend à rester excédentaire puisque la totalité des coûts de l’activité
(comme la pollution ou le risque systémique, par exemple) n’est pas supportée par les seuls fournisseurs, mais par la
société tout entière.
106 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?

solides que soient leurs fondamentaux. Ce scénario peut se produire lorsqu’il existe des
expositions directes d’une banque à une autre, mais aussi de manière indirecte, par le
biais d’expositions aux mêmes marchés ; si une banque défaillante est contrainte de
vendre des actifs, la baisse des prix qui en découle pourrait nuire à la solvabilité d’une
autre banque détenant des actifs similaires.

Graphique 3.1 : Défaillances bancaires et interventions dans une sélection de pays


Défaillances et interventions en pourcentage du montant total des actifs bancaires d’août 2007 à août 2009

100

80

60

40

20

0
Autriche
Belgique
Chine
Danemark
France
Allemagne
Grèce
Islande
Irlande
Italie
Japon
Kazakhstan
Rép. de Corée
Koweït
Lettonie
Luxembourg
Pays-Bas
Portugal
Espagne
Suède
Suisse
Ukraine
Royaume-Uni
États-Unis

Banques en faillite, part dans le total des actifs Banques aidées par les pouvoirs publics, part dans le total des
bancaires (en %) actifs bancaires (en %)

Source : Laeven et Valencia, 2010.


Remarque : la hauteur des colonnes indique la somme des banques en faillite et de celles aidées par les pouvoirs publics, en
pourcentage du total des actifs bancaires.

Deuxièmement, le phénomène de « prise d’otage » engendré par un déséquilibre


des échéances et l’incapacité des banques à répondre aux besoins de liquidités de tous
leurs épargnants en cas de retraits bancaires massifs, avec le risque de contagion à
l’ensemble du système financier que cela implique. De tels retraits massifs peuvent
survenir à l’échelle des particuliers, comme on a pu souvent l’observer par le passé,
mais également à l’échelle des institutionnels, comme lors de la dernière crise finan-
cière mondiale, au cours de laquelle de nombreuses banques n’ont pas eu d’autre choix
que celui de se tourner vers leur banque centrale pour se financer face à l’assèchement
spectaculaire du financement de gros.
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 107

Enfin, le problème de réfrigération qui survient avec la détérioration des relations


entre prêteurs et emprunteurs en raison de la perte d’informations lorsqu’une banque
fait faillite. L’information officieuse est au cœur de la relation avec un responsable de
crédit et de la structure institutionnelle de la banque, qui se dégradent rapidement en
cas de faillite. Lorsque les banques s’engagent dans une relation de prêteur-emprun-
teur notamment, la rupture de la relation provoquée par la défaillance de la banque
peut avoir un effet préjudiciable sur la fourniture de crédits aux particuliers et aux
entreprises, avec de graves répercussions sur l’économie réelle.
Si l’énoncé de ces problèmes peut paraître théorique, l’histoire a prouvé à quel point
les faillites et les crises bancaires systémiques peuvent avoir des effets désastreux sur
les économies réelles et engendrer à la fois des coûts élevés pour les contribuables et
une perte de croissance (Graphique 3.1). Si la croissance économique retrouve générale-
ment son rythme d’avant-crise quelques années après la crise, c’est systématiquement
à un niveau plus faible que celui du PIB, ce qui rend les pertes de production définitives.
Ces trois problèmes génèrent des coûts échappant au contrôle des parties prenantes qui
en sont à l’origine, y compris les décideurs en matière de risques au sein des banques, qui
ne sont donc pas, ou du moins pas totalement, pris en compte dans les décisions se rappor-
tant aux risques. Même en l’absence de plans de sauvetage ou de filet de sécurité financier,
les banques prendront donc plus de risques que ce qui est socialement souhaitable. Ces
coûts externes plaident en faveur d’un cadre réglementaire visant à se prémunir contre
l’instabilité financière engendrée par les faillites bancaires et contre les répercussions pré-
judiciables des crises financières sur la croissance économique et l’emploi.
Ces externalités ne sauraient toutefois encourager les pouvoirs publics à empêcher
les faillites bancaires à n’importe quel prix. La faillite est un mécanisme normal du jeu
de la concurrence. En effet, le récent établissement de nouvelles banques étrangères
dans de nombreux marchés modestes d’Afrique appelle potentiellement la sortie ordon-
née d’autres banques, notamment sur les marchés où l’intégration financière est déce-
vante et sur les marchés déjà saturés. Au contraire, l’existence d’externalités justifie la
mise en place d’un cadre qui permette de minimiser les coûts externes occasionnés par
ces faillites et supportés par le reste du système financier et par l’économie réelle. Il est
donc essentiel de développer un filet financier de sécurité, y compris un cadre de réso-
lution des faillites, permettant aux autorités de remédier efficacement et suffisamment
rapidement aux défaillances bancaires. Un cadre de résolution bien conçu assoit par
ailleurs le pouvoir des superviseurs de sanctionner les banques qui ne répondraient pas
aux exigences prudentielles, et réduit le besoin de tolérance et de renflouement. Trop
souvent, les superviseurs bancaires africains usent de tolérance réglementaire faute
de cadres de résolution locaux dûment éprouvés. En instituant des cadres de résolution
plus solides, les superviseurs bancaires atténuent l’appétit excessif des banques pour le
risque en temps normal, celles-ci ne pouvant plus ignorer la volonté des superviseurs
de mettre en œuvre des mesures correctives sans délais.
108 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?

Les externalités des défaillances bancaires transfrontalières

Les défaillances bancaires dans un pays donné peuvent également engendrer


d’importantes externalités au-delà de ses frontières pour les parties prenantes
d’autres pays, et ce de manière exponentielle, en raison des interdépendances de
plus en plus fortes entre les systèmes financiers de pays différents ces dernières
décennies. Les externalités qui se propagent au-delà des frontières s’avèrent bien
plus systémiques dans les domaines financièrement et économiquement intégrés,
car la probabilité que les banques puissent simultanément être confrontées à une
situation de crise est plus importante dans les structures intégrées. Les coûts d’une
faillite bancaire supportés par les systèmes bancaires, les économies et, en dernier
ressort, les contribuables d’autres pays par le truchement de ces externalités
transfrontalières ne sont pas pris en compte par les régulateurs et les superviseurs
nationaux. Ces coûts peuvent être classés en quatre groupes (Beck and Wagner,
2013) :

Premièrement, les externalités résultent des activités transfrontalières


d’établissements financiers spécifiques. La faillite d’une banque qui possède des
avoirs à l’étranger fera supporter aux emprunteurs à l’étranger des coûts en réduisant
l’accès au crédit des entreprises étrangères. De la même manière, le coût engendré
par la perte d’accès des épargnants à leurs économies n’est pas internalisé par
les superviseurs du pays d’accueil, ce qui nuit à l’efficacité de la prise de décision.
L’illustration la plus parfaite de ce phénomène est apportée par l’Islande, dont les
banques, du point de vue du superviseur islandais, détenaient une part substantielle
d’avoirs et de dépôts à l’étranger. La dépendance des banques islandaises à l’égard de
ces dépôts à l’étranger s’étant accentuée au moment de l’apparition des problèmes
de liquidité quelques mois avant leur effondrement, on peut considérer que les
superviseurs islandais ont manqué de motivation suffisante pour contrôler la prise de
risque de leurs banques. Beck, Todorov et Wagner (2013) expliquent que les activités
transfrontalières des banques faussent les motivations de supervision, comme
le prouvent les décisions d’intervention concrètes prises durant la récente crise
financière mondiale. Si les banques transfrontalières possédant une part importante
de dépôts et d’avoirs à l’étranger ont notamment fait l’expérience de ces interventions
à un stade de fragilisation déjà avancé de la part des superviseurs de leur pays
d’origine, celles présentant une forte proportion de capitaux propres étrangers ont
été prises en charge plus tôt, alors qu’elles étaient fragilisées dans une moindre
mesure. Ces constatations concordent avec l’idée selon laquelle une défaillance
bancaire est supportée par les épargnants et les emprunteurs étrangers, ce qui incite
les superviseurs du pays d’origine à retarder leur intervention en jouant la carte de la
tolérance.
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 109

Cette analyse permet également de mesurer et de comparer les externalités induites


par les succursales et par les filiales. Dans le cas, par exemple, de succursales inté-
grées qui sont du ressort absolu du superviseur du pays d’origine, de graves distorsions
peuvent apparaître dans la mesure où le développement de ces activités échappe au
contrôle des superviseurs du pays d’origine et exige par conséquent une réelle coopéra-
tion réglementaire transfrontalière. D’un autre côté, les externalités s’avèrent moindres
dans le cas des filiales dès lors que les superviseurs du pays d’origine sont en mesure
d’intervenir en toute indépendance, même si l’expérience a montré à quel point les
superviseurs du pays d’accueil éprouvent des difficultés, dans la pratique, à protéger
efficacement les filiales locales – et ce malgré les mesures prises pour préserver leurs
finances, en empêchant par exemple une banque étrangère de retirer des fonds.
Les conséquences au plus haut niveau de la réglementation internationale sont
simples et directes : afin d’éviter de telles distorsions, le périmètre géographique du
superviseur responsable devrait coïncider avec la couverture géographique de la banque
qu’il supervise. À l’évidence, il semble difficile, voire impossible, de mettre en œuvre ce
principe dans la pratique, compte tenu de la portée géographique des banques, de son
évolution au fil du temps, et du fait que des banques implantées dans le même pays d’ori-
gine peuvent opérer dans différents pays et régions. De manière plus générale, il ressort
de ces constatations que les régions dans lesquelles les activités bancaires intra-ré-
gionales et transfrontalières sont significatives sont les plus grandes bénéficiaires de
l’adoption d’une réglementation et d’une supervision supranationales. L’accent est mis ici
sur le degré d’importance des activités intra-régionales, dans la mesure où un supervi-
seur régional n’internaliserait pas les coûts résultant des activités en dehors de la région.
Au niveau des banques, ces externalités sont également subordonnées à l’intégration des
fonctions centrales, comme la gestion des liquidités et de la trésorerie.
Ces pistes de réflexion présentent jusqu’ici un intérêt pour les superviseurs afri-
cains à deux niveaux. Premièrement, en tant que superviseurs du pays d’accueil de
grandes banques non africaines, le risque existe que les superviseurs du pays d’origine
en Europe, aux États-Unis ou en Asie ne prennent pas en compte leurs préoccupations
concernant les emprunteurs et les épargnants locaux. Deuxièmement, dans le cas des
grandes banques régionales, les décisions des superviseurs des pays d’origine africains
seront guidées par les intérêts du pays d’origine et pas nécessairement par ceux des
emprunteurs, des épargnants ou des actionnaires dans d’autres pays d’Afrique. Or, tout
indique que ces distorsions vont s’intensifier dans les années à venir à mesure que se
renforce l’intégration financière.

Deuxièmement, des externalités peuvent se manifester même en l’absence de la


présence directe de banques transfrontalières dans un pays. Sont ici incluses les
externalités telles que les retombées transfrontalières dues à des ventes forcées ou
à des expositions communes à des avoirs, la contagion informationnelle parmi les
110 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?

investisseurs19, les expositions interbancaires directes ou le risque de contrepartie.


L’exposition des banques aux mêmes marchés d’actifs que ceux de la banque défaillante
dans un autre pays suffit à déclencher ce processus de propagation. Plus le système
financier est intégré, plus l’exposition au risque est accrue. Dans le cas des systèmes
financiers africains, ce deuxième vecteur de contagion semble, toute proportion gardée,
moins pertinent compte tenu de la dépendance encore relativement faible à l’égard du
financement de gros. Les banques africaines s’autofinancent essentiellement par le
biais des dépôts.

Troisièmement, l’arbitrage réglementaire est source d’externalités. Les banques ont


intérêt à être réglementées et supervisées dans les juridictions dont la règlementation
est moins rigoureuse et qui attire les activités bancaires. Cela étant, les autres pays
peuvent en subir les conséquences lorsque ces règlementations plus souples fragi-
lisent une banque, voire entraînent sa faillite. La solidité du secteur bancaire dans son
ensemble peut être fortement ébranlée par le contournement de la surveillance de la
supervision que permet l’arbitrage réglementaire en matière, par exemple, de condi-
tions d’octroi d’agréments, de normes d’information et de respect des règlementations
prudentielles. C’est une source de préoccupation majeure, notamment dans les pays à
faibles revenus où les moyens de supervision sont limités. À chaque fois que les super-
viseurs ont dû intervenir en Afrique, c’est suite à des arbitrages réglementaires de ce
type, comme l’explique l’Encadré 3.1 ci-dessus.

Quatrièmement, des externalités spécifiques peuvent survenir au sein d’une union


monétaire parce qu’un pays ne peut tout simplement plus dévaluer sa monnaie pour
regagner en compétitivité après un choc, mais doit uniquement compter sur l’ajus-
tement des prix et de la productivité sur le marché intérieur. Alors que ce processus
est inévitable, tout choc important impactera selon toute vraisemblance les bilans
des banques dans le pays affecté de manière assez immédiate. Elles seront alors
contraintes de puiser dans les ressources d’autres pays, sous une forme ou une autre.
Ce financement entre pays a pour but d’éviter des faillites bancaires qui exacerberaient
autrement l’impact du choc initial. Les coûts budgétaires engendrés par des chocs asy-
métriques susceptibles d’affecter différents pays à divers degrés peuvent donc s’avérer
bien plus lourds dans les unions monétaires, comme en ont fait l’expérience plusieurs
pays de la zone euro ces dernières années.

19 Bédard (2013, p. 2) explique la contagion informationnelle en ces termes : « Selon la théorie de la contagion informa-
tionnelle, la contagion se répand parce que les difficultés financières de la première entreprise en faillite révèlent des
informations sur un risque partagé par d’autres entreprises. La contagion survient parce que l’information requise pour
déterminer dans quelle mesure des entreprises, ou des valeurs similaires, sont exposées à ce risque des tiers n’est pas
immédiatement disponible, exige une analyse coûteuse, et parce que les créanciers de ces entreprises sont peu enclins
à prendre des risques. Ce type de contagion se manifeste par des retraits bancaires massifs, des scènes de panique et
une crise de confiance. Il peut faire subir au système financier de graves pertes sans nécessairement déclencher des
faillites, et affecter indifféremment des établissements solvables comme des établissements insolvables ».
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 111

Un besoin similaire de puiser dans des ressources communes pourrait également


se manifester lorsque le système bancaire est trop important par rapport à ses recettes
budgétaires et devient donc « trop grand pour être sauvé », comme l’ont encore une fois
prouvé plusieurs pays de la zone euro (Bertay, Demirgüç-Kunt et Huizinga, 2011). En
outre, dépendre d’un prêteur commun de dernier recours pourrait faire surgir le pro-
blème dit de tragédie des biens communs, chaque état membre victime de banques fra-
giles ayant intérêt à « partager les charges » avec les autres membres en prélevant, par
exemple, sur l’aide de trésorerie mise à disposition par le prêteur commun en dernier
ressort. Il convient de noter que ces externalités se répercutent au niveau systémique et
ne nuisent pas uniquement aux quelques établissements touchés.
Les coûts résultant de cette éventuelle répartition des charges, ou devrait-on dire
de ce transfert de charges, entre les pays d’une même union monétaire augmentent en
fonction de la dimension globale des systèmes bancaires et de leurs interdépendances
avec les autres pays de l’union. Le coût potentiel d’un tel transfert de charges contribue
en effet à expliquer pourquoi les autorités nationales des deux unions monétaires de la
zone CFA hésitent à renforcer l’intégration de leurs systèmes financiers qui fonctionnent
avec des systèmes bancaires essentiellement modestes et distincts. Les coûts d’op-
portunité sont manifestement considérables puisque l’avantage d’instaurer un espace
économique élargi comme le font les unions monétaires repose sur l’exploitation des
économies et des synergies associées à des marchés financiers plus intégrés.
Toutes les externalités transfrontalières ne revêtent pas la même importance.
Une différence fondamentale existe entre les externalités liées à des établissements
financiers spécifiques, et les externalités systémiques liées au système bancaire
dans son ensemble. Il est essentiel d’identifier les établissements financiers qui sont
engagés dans des activités transfrontalières substantielles et sont donc soumis au
risque d’externalités. Même si dans certains pays, ces établissements peuvent ne pas
être considérés comme ayant une importance systémique au niveau national, leurs
liens transfrontaliers pourraient les faire basculer dans cette catégorie à l’échelle
d’une sous-région ou d’une région. Dans le cas du continent africain, il pourrait s’agir
d’établissements en position non dominante dans un pays africain, mais présents dans
un grand nombre de pays.

3.2 Les normes internationales comme référence pour la coopération


réglementaire transfrontalière

Vu les solides arguments théoriques en faveur d’une réglementation et d’une super-


vision qui dépassent le cadre des frontières, ainsi que les expériences passées de faillite
d’établissements financiers transfrontaliers aussi grands que complexes, le Comité de
Bâle sur le contrôle bancaire (CBCB ou Comité de Bâle) a élaboré un cadre international
de normes, de meilleures pratiques et de lignes directrices visant à renforcer l’effica-
112 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?

cité de la supervision transfrontalière. En réalité, l’instauration du Comité de Bâle fait


elle-même suite aux répercussions dans plusieurs juridictions de l’effondrement des
activités transfrontalières (expositions au risque de change) de la banque allemande
Herstatt en 1974. Malgré un certain nombre d’ouvrages pertinents publiés par la
Banque des règlements internationaux (BRI), comme l’explique l’Encadré 3.2 ci-après,
les piliers fondamentaux de la supervision transfrontalière sont énoncés dans les
Principes fondamentaux de Bâle pour un contrôle bancaire efficace (les PFB) (BRI 2006,
2012). Ces PFB prévoient un ensemble de bonnes pratiques couvrant un large éventail
de thématiques ayant trait à la réglementation et au contrôle bancaires. Ils constituent
un ensemble de normes universellement admises en matière de contrôle bancaire et
servent de référence aux pays pour évaluer la qualité de leurs systèmes de supervi-
sion. Certains de ces PFB ciblent plus directement les activités transfrontalières des
banques. Le respect du dernier train de PFB (2012) pourrait donc être envisagé comme
point de départ d’une réflexion plus poussée sur les outils et les instruments utiles à la
coopération réglementaire20.
S’il ne fait aucun doute que les normes et les meilleures pratiques internationales
en matière de contrôle bancaire offrent un précieux référentiel pour le programme de
réformes à long terme en Afrique, il convient toutefois de rappeler que ces normes
ont été élaborées essentiellement par rapport aux systèmes financiers développés. En
Afrique, la structure des marchés financiers, les moyens de supervision et les risques
inhérents à la stabilité financière diffèrent largement de ceux des systèmes finan-
ciers développés, et l’approfondissement du secteur financier et l’accès aux services
financiers restent des priorités politiques. Conscient de ces divergences, le Comité de
Bâle prône une approche proportionnée permettant d’adapter les PFB et leurs critères
d’évaluation à un ensemble varié de systèmes bancaires. Si ce principe de proportion-
nalité s’applique aux PFB de manière universelle et non spécifiquement à des activités
bancaires données, il convient également de reconnaître l’incidence des contraintes de
moyens dans la mesure où elles nuisent à la mise en œuvre des PFB les plus étroite-
ment liés aux activités bancaires transfrontalières. L’encadré 3.3 évoque plus en détail
l’intérêt et la possibilité de mettre en œuvre les normes internationalement admises
élaborées par des organismes de normalisation comme le Comité de Bâle et le CSF
pour l’Afrique.

20 S’il ne s’agit pas de l’objectif premier recherché par les PFB, la convergence vers certaines normes peut également faci-
liter la coopération entre les superviseurs. La mise en place de structures et de processus de contrôle et de supervision
similaires facilite la compréhension mutuelle et la communication.
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 113

Encadré 3.2 : Le cadre évolutif du Comité de Bâle pour le contrôle bancaire


transfrontalier
En 1975, le Comité de Bâle a publié ses « Principes pour le contrôle des établissements
des banques à l’étranger » (BRI, 1975), appelés par la suite « Concordat de Bâle », dans
l’optique d’améliorer la coopération entre les superviseurs et de combler les écarts en
matière de réglementation alors identifiés. Le Concordat initial introduit deux principes
fondamentaux : (a) aucun établissement bancaire à l’étranger n’est censé échapper à la
supervision, et (b) la supervision doit être « adéquate » et cohérente dans l’ensemble des
juridictions membres. Ce dernier principe établit une responsabilité à la fois à l’égard des
superviseurs de la société mère et des superviseurs de ses filiales à l’étranger afin de
vérifier que l’autorité du pays d’origine (d’accueil) est en mesure d’exercer une supervision
adéquate et de prendre des mesures correctives si tel n’était pas le cas.
Quelques années après la publication du Concordat, le Comité de Bâle a reformu-
lé certaines de ses dispositions (BRI, 1983) pour ajouter le principe selon lequel « les
autorités de contrôle bancaire ne sauraient être pleinement satisfaites de la solidité de
banques individuelles que si elles ont la possibilité d’examiner l’ensemble de l’activité
de chaque banque à l’échelle mondiale au moyen de la technique de consolidation ». En
1992, le Comité de Bâle a publié des recommandations pour la mise en œuvre de ces
principes généraux dans le document intitulé « Normes minimales pour le contrôle des
groupes bancaires internationaux et de leurs établissements à l’étranger » (BRI, 1992),
en préconisant aussi pour la première fois l’implication de pays non membres du Comité
d’une manière plus systématique. En octobre 1996, le Comité de Bâle a publié un rapport
sur le « Contrôle des activités bancaires transfrontalières » (BRI, 1996), proposant des
recommandations visant à surmonter les obstacles à une supervision consolidée efficace.
Ce rapport a été par la suite adopté par les superviseurs de 140 pays.
En 2001, à la demande des banques centrales et des superviseurs, le Comité de Bâle
a publié un document intitulé « Les éléments essentiels d’une déclaration de coopéra-
tion entre superviseurs bancaires » (« Essential Elements of a Statement of Cooperation
between Banking Supervisors ») (BRI, 2001) dans lequel il prodigue des conseils sur
le contenu des protocoles d’accord bilatéraux entre les autorités de contrôle des pays
d’origine et d’accueil. Le Comité y préconise la convergence vers l’observation de critères
fondamentaux en matière d’échange d’informations, d’inspections sur place, de confiden-
tialité des informations et de coordination permanente.
L’instauration d’un cadre commun pour la supervision transfrontalière a franchi une
étape décisive avec la publication des « Principes directeurs pour la mise en œuvre
transfrontalière du Nouvel accord » (BRI, 2003), rendus nécessaires suite à la réforme
dite Bâle II. Ce nouvel accord met particulièrement l’accent sur le besoin d’une coopéra-
tion et d’une coordination entre les superviseurs des pays d’origine et des pays d’accueil
puisque ses principes s’appliquent à chaque échelon d’un groupe bancaire, en impliquant
à la fois les superviseurs des pays d’origine et d’accueil dans les évaluations du Pre-
mier pilier (exigences de fonds propres) et du Deuxième pilier (supervision prudentielle).
Les six principes énumérés dans ce rapport viennent compléter le cadre général établi
114 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?

par le Concordat dans le contexte particulier de l’accord de Bâle II, et ont été suivis par
des recommandations sur les processus d’échange d’informations dans le rapport sur
« l’échange d’informations entre les pays d’origine et les pays d’accueil pour la mise en
œuvre effective de Bâle II » (BRI, 2006).
La crise financière mondiale a mis en évidence d’importantes lacunes dans les
techniques d’intervention et l’absence d’instruments de résolution appropriés dans de
nombreux pays. Pour le Groupe de travail sur la résolution des faillites des banques
transfrontalières du Comité de Bâle, « les mesures prises pour résoudre les faillites des
établissements transfrontaliers pendant la crise tendaient à se décider au cas par cas
dans l’urgence et à faire intervenir d’importants fonds publics » (BRI, 2010). Le « Rapport
et recommandations du Groupe de travail sur la résolution des faillites des banques
transfrontalières » a ensuite formulé un certain nombre de recommandations destinées
à renforcer les pouvoirs nationaux en matière de résolution des faillites et leur mises en
œuvre transfrontalière, à réduire la complexité et l’interdépendance des structures et des
activités de groupe, et à garantir que tous les établissements financiers transfrontaliers
d’importance systémique se dotent d’un plan d’urgence et de résolution propre à l’entre-
prise. Ces recommandations visent également à réduire le risque de contagion en prônant
l’application d’un ensemble de mécanismes d’atténuation des risques.
En 2010, le Comité de Bâle a publié les « Principes de bonnes pratiques pour les col-
lèges de superviseurs » (BRI, 2010) dans l’objectif de promouvoir le recours à des collèges
de superviseurs et le renforcement de leurs activités. En plus d’expliquer le bien-fondé de
ces principes, ce document fournit également des recommandations précises pour leur
mise en œuvre. Enfin, fin 2011, le Conseil de stabilité financière a publié un document inti-
tulé « Les attributs clés des régimes de résolution des faillites efficaces pour les établis-
sements financiers » (« The Key Attributes of Effective Resolution Regimes for Financial
Institutions ») (les « Attributs clés ») visant à définir les fondements que le CSF juge né-
cessaires à l’instauration d’un régime efficace dans le domaine de la résolution des faillites
bancaires. La mise en œuvre de ces Attributs clés vise à doter les autorités des pouvoirs
nécessaires pour régler les faillites des établissements financiers de façon ordonnée sans
exposer le contribuable au risque de perte résultant de l’aide à la solvabilité des banques,
tout en assurant la continuité de leurs fonctions vitales pour l’économie. Ce document re-
cense douze attributs essentiels censés caractériser les régimes de résolution des faillites
dans toutes les juridictions, et notamment les autorités et les pouvoirs de résolution, les
garanties, les conditions d’un cadre légal pour la coopération transfrontalière, les groupes
de gestion de crise, et les plans de relance et de résolution des faillites.

Sources : site Internet de la BRI et d’Hulster, 2011.


Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 115

Parmi les PFB de 2012, nous vous présentons ci-dessous les six principes les plus
pertinents en matière de supervision des banques transfrontalières :

• Le Principe 3 précise la nécessité d’établir un cadre pour soutenir la coopération


entre les autorités nationales compétentes et les superviseurs étrangers. Il requiert
notamment que les « législations, les réglementations et autres dispositions pré-
voient un cadre de coopération et de collaboration avec les autorités nationales
compétentes et les superviseurs étrangers. Ces dispositions traduisent le besoin de
protéger la confidentialité des informations ». Le deuxième critère essentiel précise
que « lorsqu’elles sont en place, des dispositions, formelles ou informelles, per-
mettent la coopération, y compris l’analyse et l’échange d’informations, et l’instaura-
tion d’un travail collaboratif entre les superviseurs étrangers compétents de banques
et de groupes bancaires. Des exemples témoignent du bon fonctionnement, en
pratique, de ces dispositions, lorsque cela s’avère nécessaire ». Le troisième critère
essentiel indique que « l’autorité de contrôle peut communiquer des informations
confidentielles à une autre autorité nationale ou étrangère de contrôle, mais doit
prendre les mesures raisonnables propres à assurer que toute information confi-
dentielle ainsi divulguée ne sera utilisée qu’aux fins de sa mission de contrôle d’une
banque en particulier ou d’un système au sens large et sera traitée comme informa-
tion confidentielle par l’autorité de contrôle qui reçoit de telles informations ».

• Le Principe 5 recense les critères d’agrément : « l’autorité qui accorde l’agrément


doit être habilitée à fixer des critères et à rejeter les candidatures d’établissements
n’y satisfaisant pas. La procédure d’agrément devrait consister, au minimum, en
une évaluation de la structure de propriété et de la gouvernance de la banque et du
groupe auquel elle appartient, de la compétence et de l’honorabilité des administra-
teurs et de la direction générale, de sa stratégie et de son plan d’exploitation, de ses
contrôles internes et de sa gestion des risques, ainsi que de sa situation financière
projetée, y compris de ses fonds propres. S’il est prévu que le propriétaire ou l’or-
ganisation mère soit une banque étrangère, il convient d’obtenir l’accord préalable
de l’autorité de contrôle du pays d’origine ». En outre, aux termes du dixième critère
essentiel, « concernant les activités bancaires d’origine étrangère ayant lieu sur son
territoire national, l’autorité d’accueil s’assure que son homologue du pays d’origine
pratique un contrôle consolidé au niveau mondial ».

• Selon le Principe 7, « l’autorité de contrôle bancaire est habilitée à approuver ou à


rejeter (ou à recommander à l’autorité responsable d’approuver ou de rejeter) les
opérations importantes d’acquisition ou d’investissement d’une banque au regard
de critères prudentiels qu’elle a le pouvoir d’imposer, y compris l’établissement
d’activités à l’étranger, et à vérifier que la structure du groupe ou de l’entreprise ne
116 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?

l’expose pas à des risques excessifs ou ne s’oppose pas à un contrôle efficace ». Les
critères essentiels précisent les modalités d’application de ce principe aux activités
bancaires transfrontalières. « L’autorité de contrôle peut interdire aux établisse-
ments de procéder à de grandes acquisitions ou prises de participations (y compris
l’établissement de filiales et succursales à l’étranger) dans des pays où la législation
sur le secret bancaire ou d’autres réglementations empêchent la circulation des
informations estimées nécessaires à une supervision consolidée adéquate. L’autorité
de contrôle doit tenir compte de la qualité du contrôle bancaire dans le pays consi-
déré et de sa propre capacité à exercer ses fonctions prudentielles sur une base
consolidée ».

• Le Principe 10 identifie les exigences de déclaration aux autorités de contrôle. « Les


autorités de contrôle bancaire doivent se doter des moyens de rassembler, d’exami-
ner et d’analyser, sur une banque tant individuelle que consolidée, les états pruden-
tiels et les déclarations statistiques fournis par les banques. Elles doivent aussi avoir
les moyens de vérifier ces informations en toute indépendance, en effectuant des
inspections sur place ou en recourant à des auditeurs externes ».

• Le Principe 12 institue le contrôle sur une base consolidée. « Un élément essentiel
du contrôle bancaire réside dans la capacité des autorités de superviser un groupe
bancaire sur une base consolidée, en assurant un suivi adéquat et, le cas échéant,
en appliquant des normes prudentielles appropriées à tous les aspects des activi-
tés menées par le groupe bancaire à l’échelle mondiale ». Les critères essentiels
ajoutent que l’autorité de contrôle du pays d’origine évalue la qualité du contrôle
bancaire exercé dans les pays où les banques placées sous son autorité réalisent des
opérations importantes, et qu’elle veille à se rendre périodiquement dans les établis-
sements à l’étranger, et qu’au cours de ces visites, elle rencontre ses homologues du
pays d’accueil.

• Le Principe 13 définit les relations entre les autorités du pays d’origine et du pays
d’accueil. « Les autorités de contrôle des activités bancaires transfrontalières des
pays d’origine et des pays d’accueil doivent coopérer entre elles et s’échanger des
informations pour assurer le contrôle efficace des groupes bancaires et de leurs
entités, ainsi que la gestion efficace des situations de crise. Les autorités de contrôle
bancaire doivent exiger que les activités exercées dans leur propre pays par des
banques étrangères obéissent aux mêmes exigences que celles auxquelles sont sou-
mis les établissements nationaux ». Les critères essentiels précisent que : (a) l’au-
torité de contrôle du pays d’origine établit des collèges de superviseurs propres à la
banque pour les groupes bancaires exerçant des activités significatives à l’étranger,
(b) les autorités de contrôle du pays d’origine et du pays d’accueil s’échangent des
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 117

informations en temps voulu, (c) les autorités de contrôle du pays d’origine et du pays
d’accueil coordonnent et planifient les activités de contrôle ou entreprennent une
collaboration, (d) l’autorité de contrôle du pays d’origine élabore avec les autorités de
contrôle du pays d’accueil compétentes une stratégie de communication approuvée,
(e) le cas échéant, l’autorité de contrôle du pays d’origine, en collaboration avec les
autorités compétentes dans les pays d’accueil, élabore un cadre de coopération et
de coordination pour la gestion des crises transfrontalières et un plan de résolution
des faillites des groupes bancaires, et (f) l’autorité de contrôle du pays d’origine peut
accéder sur place aux bureaux et filiales locales d’un groupe bancaire afin de faciliter
son évaluation de la sécurité et de la solidité du groupe.

Les superviseurs bancaires africains ont progressé dans le respect de ces six principes,
même si ces avancées sont quelque peu inégales d’un pays à l’autre (cf. Chapitre 4).

Encadré 3.3 : Dans quelle mesure les normes bancaires internationales


sont-elles pertinentes dans le contexte africain ?
Les normes bancaires internationales ont pour objet de renforcer la qualité de la régle-
mentation et de la supervision bancaires. Elles regroupent les normes de supervision Bâle
I, II et III sur les exigences de fonds propres et de liquidités, ainsi que les Principes fon-
damentaux de Bâle (PFB) pour un contrôle bancaire efficace. Les normes réglementaires
constituent le principal socle commun de principes pour les normes comptables et de
supervision et servent de lignes directrices pour les meilleures pratiquesa. Les missions
conjointes de la Banque mondiale et du FMI et/ou des homologues d’autres autorités de
réglementation entreprennent fréquemment dans le cadre du Programme d’évaluation du
secteur financier (PESF) des évaluations des pratiques en matière de réglementation et de
supervision.
Ces évaluations se heurtent toutefois à plusieurs obstacles lorsque les systèmes finan-
ciers sont moins développés. Si leur exhaustivité n’est pas à remettre en cause, elles fixent
toutefois la barre très haut pour les systèmes financiers de petite taille et sous-développés
pour lesquels toutes les normes ne revêtent pas la même importance. Conscients de ce
problème, le Conseil de stabilité financière et le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire
préconisent d’appliquer en priorité les diverses normes réglementaires, comme celles se
rapportant aux fonds propres, aux liquidités et aux leviers financiers, aux banques actives
à l’international, et les PFB de manière proportionnée à l’échelle des pays. Cela étant, très
peu, voire aucune, recommandation n’a été jusqu’à présent formulée quant à leurs mo-
dalités pratiques de mise en œuvre. Le rapport rédigé conjointement en octobre 2011 par
le CSF, le FMI et la Banque mondiale sur les problématiques de stabilité financière dans
les marchés émergents et les économies en développement (les MEED) indique que « les
MEED les plus intégrés sur le plan financier, notamment ceux qui sont membres du G20/
CSF, devraient adopter le cadre [Bâle II / III] selon le calendrier convenu. Les autres pays
118 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?

dont les systèmes financiers sont moins intégrés à l’international et/ou dotés de capacités
de contrôle très limitées devraient d’abord s’efforcer de réformer leurs systèmes afin de
s’assurer de leur conformité avec les Principes fondamentaux de Bâle et n’adopter des
normes de fonds propres plus poussées qu’à un rythme adapté à leur situation ». Afin de
mieux répondre aux besoins de ces pays, les normes Bâle II et III proposent des approches
normalisées moins contraignantes pour déterminer les niveaux de fonds propres requis.
Les superviseurs africains s’accordent globalement à reconnaître le caractère poten-
tiellement inadapté de certains instruments réglementaires prévus dans l’accord Bâle
III vis-à-vis des pays à faibles revenus, et soulignent la nécessité d’élaborer d’autres
outils pour mieux traiter les risques spécifiques inhérents à ce type de pays (Kasekende,
Bagyenda et Brownbridge, 2012). Les accords Bâle II et III pourraient en outre nuire
involontairement et directement au développement des systèmes financiers lorsqu’ils sont
appliqués prématurément. Ils pourraient notamment avoir des effets préjudiciables sur le
volume et l’état des portefeuilles de prêts des banques internationales concernant les pays
en développement. Ainsi, par exemple, en favorisant les grandes entreprises au détriment
des plus petites, les mécanismes de pondération des risques établis par les accords de
Bâle II et III peuvent inciter les banques à réduire leurs expositions aux actifs les plus ris-
qués, notamment les prêts aux PME dans les pays en développement. Dans le même ordre
d’idée, les nouvelles exigences en matière de liquidités définies dans les normes Bâle III,
le ratio de liquidités à court terme et le ratio structurel de liquidités à long terme, poussent
les banques à délaisser les investissements productifs de long terme dans les pays en
développement au profit d’actifs à échéances plus courtes compatibles avec les ratios de
liquidités (DFID, 2013). Ces évolutions de la réglementation peuvent avoir de profondes
répercussions sur les décisions de prêt des banques étrangères qui risquent d’affecter par
contrecoup les pays en développement par l’intermédiaire de leurs filiales étrangères.
Parallèlement, des observateurs critiques ont relevé les limites de ces normes. Tout
d’abord, ces normes, élaborées et évoluant au gré du développement des systèmes
bancaires dans les marchés avancés sont-elles adaptées aux besoins des pays à faibles
revenus ? Censé prodiguer des recommandations aux superviseurs des pays à faibles
revenus souffrant d’un manque manifeste de moyens et de lacunes importantes dans la
mise en œuvre des meilleures pratiques internationales, l’outil d’évaluation des PFB four-
nit certes une mesure de l’exécution (ou de l’absence d’exécution) d’ordre général, mais
reste évasif quant aux lacunes devant être comblées ou l’ordre de priorité selon lequel
elles doivent être traitées. Ainsi, aussi utile soit-il, l’outil d’évaluation des PFB manque à sa
mission sur ce point précis en ne proposant aucune orientation en la matière, alors que les
superviseurs des pays à faibles revenus en ont probablement le plus besoin (Fuchs, Hands
et Jaeggi, 2010 ; Fuchs, Losse-Mueller et Witte, 2012).
Deuxièmement, les évaluations entreprises à l’appui de ces normes parviennent-elles
à réellement appréhender le degré d’exécution et s’appliquent-elles de la même manière
dans des pays différents ? Dans le cadre de sa mission de suivi des effets des réformes
réglementaires convenues sur les marchés émergents et les économies en développe-
ment, le Conseil de stabilité financière (2013) remarque que « le manque de ressources et
d’expertise adéquates dans les MEED permettant de répondre correctement aux nom-
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 119

breuses initiatives réglementaires mondiales d’après-crise constitue une problématique


transversale ».
Enfin, une même norme est-elle d’égale pertinence pour tous les pays ? Alors que
le CSF signale le besoin d’une « assistance technique ciblée et bien coordonnée », pour
l’heure, les superviseurs des marchés émergents et des économies en développement
ne disposent que de rares recommandations quant à la meilleure façon d’ordonner leurs
efforts en la matière.
Ce scepticisme à l’égard des normes internationales ne signifie pas pour autant une
remise en question de l’importance de l’examen par des pairs du cadre réglementaire et
de supervision. Il traduit davantage le besoin de ne pas se limiter au simple respect de
ces principes (comme l’indiquent les notes de conformité attribuées à l’issue d’évalua-
tions standard) pour intégrer dans l’évaluation de la supervision bancaire les modalités
pratiques de sa mise en œuvre et de son fonctionnement. Il souligne en outre la nécessité
de mettre davantage l’accent sur l’identification des composantes pertinentes du cadre
réglementaire et de supervision au sein de chaque pays (pour des exemples, consulter
Kasekende, Bagyenda et Brownbridge, 2012 ; Beck, Fuchs et Witte, 2013).
a Des principes similaires aux PFB existent pour d’autres segments du système financier, comme l’assurance, les
retraites et les marchés de capitaux

3.3 Les outils et instruments de la coopération réglementaire


transfrontalière

S’appuyant sur la description donnée par les PFB les plus pertinents pour la coopé-
ration réglementaire transfrontalière, la réglementation et la supervision des banques
transfrontalières s’opèrent traditionnellement au moyen d’une supervision sur une base
consolidée, de la conclusion de protocoles d’accord et de la création de collèges de
superviseurs. Ces trois instruments se concentrent tous essentiellement sur l’infor-
mation – qu’il s’agisse tant de la collecte par les autorités de contrôle compétentes des
informations nécessaires attestant de la santé financière des établissements financiers,
que de l’échange d’informations entre les superviseurs des pays d’origine et d’accueil.

La supervision sur une base consolidée

La supervision bancaire sur une base consolidée compte parmi les fonctions les
plus exigeantes qu’un superviseur doit assurer. La difficulté tient autant à la complexité
qu’à l’ampleur même des activités de certains groupes. Cette supervision peut se
compliquer dans le cas de groupes ou de conglomérats mixtes dont les établissements
parents ou exerçant le contrôle sont engagés dans d’importantes activités non bancaires
(par exemple l’assurance et les marchés de capitaux) et d’autres opérations de nature
commerciale. La dimension transfrontalière accentue encore ces difficultés. La super-
120 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?

vision consolidée implique de superviser des groupes (bancaires/financiers/mixtes)


qui comprennent au moins une banque. Ces groupes peuvent être dominés par une ou
plusieurs banques, ou être organisés en conglomérat (groupe constitué d’au moins deux
sociétés, dont l’une est une banque et l’autre un établissement financier non bancaire
ou une société commerciale). La supervision consolidée requiert que (a) la structure
d’un groupe puisse être supervisée, (b) son capital soit efficace et rapidement dispo-
nible afin de couvrir les pertes résultant de risques nés dans d’autres parties du groupe
d’entreprises, et (c) ses processus et systèmes de gouvernance soient fiables et propres
à gérer les risques de ses entités individuellement et à l’échelle du groupe tout entier.
La question de la supervision consolidée se pose tant sur le plan national qu’à l’échelle
transfrontalière. Au niveau national, il est nécessaire d’exercer une supervision consolidée
pour tenir compte des activités non bancaires sur le marché intérieur, notamment des
activités financières relevant des marchés de capitaux ou de l’assurance. Au niveau trans-
frontalier, la supervision consolidée permet de prendre en compte toutes les activités
internationales d’un groupe. Étant donné l’existence d’expositions intragroupe, la rapidité
avec laquelle les ressources peuvent être transférées d’une entité à une autre entité au
sein d’une banque et l’opacité générale du secteur bancaire, la seule santé financière de
chaque succursale ou filiale bancaire ne constitue pas une information suffisante. Même
lorsque les activités font l’objet de mesures d’isolement (cf. la discussion présentée
ci-dessous), l’intégration opérationnelle peut être source de risques.
La supervision consolidée s’appuie sur la cartographie des groupes, ce qui nécessite
de reconstituer l’arborescence des propriétaires réels en dernière analyse et de leurs
intérêts financiers non bancaires, de recueillir des informations sur les entités non
financières, et d’établir des obligations de déclaration. Cette supervision est particuliè-
rement difficile à mettre en œuvre dans le cas de groupes mixtes pour lesquels les pos-
sibilités de mobiliser des fonds, de concentrer des risques masqués et de contourner
la réglementation prudentielle sont plus nombreuses. Il est également assez fréquent
que les groupes ne se présentent pas nécessairement en tant que tels et que le manque
d’informations sur les véritables propriétaires en dernière analyse, conjugué à l’opacité
des structures de ces groupes, complique considérablement la mise en œuvre d’une
supervision efficace. Les superviseurs du pays d’origine et du pays d’accueil doivent
déployer des efforts considérables en termes de coopération et de coordination pour
atténuer efficacement les risques liés aux activités bancaires transfrontalières, comme
le double emploi des capitaux, l’accumulation d’expositions aux risques intragroupe et
autres types de transferts de risques masqués.
Composante essentielle de la supervision consolidée, l’identification des groupes
et de leurs véritables structures d’actionnariat oblige par conséquent les supervi-
seurs bancaires à pousser leurs investigations au-delà du périmètre des banques et
des groupes bancaires. Si les autorités de contrôle bancaire se cantonnent au simple
examen des seuls actionnaires directs des banques ou de leur holding, elles courent
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 121

le risque de passer à côté des véritables « éminences grises » et de leurs collabora-


teurs dont l’existence et les intérêts peuvent être dissimulés derrière un épais écran de
holdings et d’autres structures intermédiaires (comme des fiducies et des fondations).
L’objectif poursuivi par ces structures d’entreprises complexes étant de dissimuler la
véritable identité des propriétaires réels et leurs responsabilités ultimes, l’adoption d’un
cadre réglementaire souple conférant aux superviseurs le droit d’exercer un pouvoir
discrétionnaire au besoin est une condition sine qua non d’une supervision consolidée
de qualité. Une approche fondée sur les risques est donc indispensable – l’application
d’une approche normée ou uniquement fondée sur la conformité ne convenant pas à la
supervision consolidée et risquant de créer un faux sentiment de sécurité. Évaluer l’ef-
ficacité des capitaux pour les banques exige d’en comprendre les mécanismes de finan-
cement par les ultimes propriétaires réels les plus importants, et de déterminer s’ils
recourent à des instruments intermédiaires pour emprunter et mobiliser leurs propres
ressources en capitaux. S’agissant de banques appartenant à un groupe plus large,
d’envergure locale ou transfrontalière, les autorités de contrôle devraient déterminer
l’emplacement des capitaux et leur disponibilité lorsque les risques sont supportés
en dernier ressort, et également vérifier que le capital d’une filiale nationale n’est pas
compromis par l’existence d’expositions aux risques intragroupe non divulguées.

Les protocoles d’accord

Les protocoles d’accord sont des déclarations d’intention juridiquement non contrai-
gnantes ayant pour objet la coopération dans certains domaines. Ces protocoles peuvent
être à durée déterminée ou non ; ils peuvent renvoyer à des accords de coopération
générale ou à une coopération portant sur des banques spécifiques. Ils sont habituel-
lement conclus entre des autorités de contrôle et portent sur des « questions majeures
de supervision» de succursales ou de filiales de banques d’un pays opérant dans un
autre pays. Les « questions majeures de supervision» ont trait aux considérations liées
au respect des législations et des réglementations prudentielles applicables, ou aux
zones d’ombre présentant un risque pour l’établissement bancaire. Les superviseurs
peuvent coopérer dans les domaines suivants : (a) supervision des demandes d’éta-
blissement de succursales ou de filiales dans le pays d’accueil, le superviseur du pays
d’accueil éventuellement concerné informant le superviseur du pays d’origine potentiel
qui communiquera des informations sur la capacité du candidat à opérer en dehors de
ses frontières, y compris la solvabilité de l’établissement et l’honorabilité des adminis-
trateurs proposés, (b) l’échange d’informations concernant les événements susceptibles
de compromettre la stabilité des établissements bancaires dans l’autre juridiction, ainsi
que les sanctions ou les autres mesures prises pouvant se révéler utiles pour l’autre
superviseur, (c) la coopération dans les enquêtes de criminalité financière, et (d) la
coopération en situation de crise. Les protocoles d’accord sont généralement assortis
122 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?

d’accords de confidentialité et d’éventuelles dispositions prévoyant des rencontres régu-


lières entre superviseurs.
Un aspect important des protocoles d’accord consiste à conclure des ententes visant
à faciliter la circulation des informations sur une base régulière plutôt que ponc-
tuelle, et à autoriser les superviseurs à échanger des informations confidentielles.
Ils devraient également autoriser les inspections conjointes et le travail collaboratif,
comme notamment les évaluations des risques en matière de supervision à l’échelle
locale et à celle d’un groupe.
Les protocoles d’accord offrent une assise importante pour la coopération entre
superviseurs, tant dans un même pays que dans plusieurs pays. La nature non contrai-
gnante de cet instrument pose toutefois un problème majeur dans le cas des protocoles
transfrontaliers puisque les parties à un accord peuvent refuser de s’acquitter de leurs
obligations sans pour autant encourir de sanctions. En période de crise, le défi devient
de taille lorsque les motivations incitant les superviseurs des pays d’origine et des pays
d’accueil à échanger des informations diffèrent21. Les effets de ces divergences de moti-
vation peuvent toutefois être atténués à la seule condition de transposer les dispositions
du protocole d’accord dans la législation nationale contraignante. Cela étant, cette
transposition peut encore soulever des questions de nature constitutionnelle dans la
mesure où les autorités de réglementation et de contrôle bancaire doivent répondre en
dernier ressort de leurs actes devant les gouvernements nationaux et les contribuables.

Les collèges de superviseurs

Les collèges de superviseurs sont des « groupes de travail multilatéraux composés


de superviseurs compétents constitués dans le but de répondre à l’objectif collectif de
renforcer l’efficacité de la supervision consolidée d’un groupe bancaire international sur
une base régulière » (BRI, 2010:1). Les collèges ne sauraient être considérés comme
des organes de décision, mais comme des mécanismes destinés à renforcer la coopéra-
tion, la coordination et la circulation des informations dans le but d’améliorer l’efficacité
de la supervision consolidée des banques transfrontalières.
Les collèges de superviseurs sont généralement établis entre des pays caractérisés
par une forte intégration bancaire transfrontalière. À l’instar des protocoles d’accord,
ils peuvent concerner des banques spécifiques ou poursuivre un objectif de coopéra-
tion générale. Les collèges se réunissent régulièrement (une à deux fois par an) pour
échanger des informations et coordonner les activités de contrôle. Selon les directives
du Comité de Bâle (BRI, 2010), les collèges de superviseurs devraient être structurés
de manière à permettre au superviseur du pays d’origine d’exercer une supervision
efficace des groupes sur une base consolidée, tout en autorisant une représentation

21 Se reporter à la discussion présentée ci-après à la Section 3.4  « Au-delà d’une coopération au beau fixe ».
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 123

suffisante des autorités du pays d’accueil afin que le superviseur du pays d’origine
puisse bénéficier de leur évaluation approfondie des filiales locales. Le niveau de
représentation devrait être fonction du poids économique des filiales pour les groupes
élargis, et de l’importance systémique de la banque pour le pays d’accueil. Les collèges
de superviseurs devraient également se concevoir comme un mécanisme efficace de
mise en commun d’informations et de travail collaboratif.
Si les collèges de superviseurs peuvent contribuer à améliorer la coopération entre
superviseurs, ils ne sont cependant pas la solution miracle : alors que les interdépen-
dances entre systèmes financiers se renforcent, les faiblesses en matière de supervi-
sion et de réglementation d’une juridiction donnée affectent la qualité de la supervision
à l’échelle d’un groupe, si bien qu’aucun collège ne saurait se montrer plus efficace que
son maillon le plus faible. En outre, établir un collège de superviseurs efficace ne va pas
sans poser certains problèmes.
Un problème potentiel réside dans le fait que, dans le cas des grandes banques multi-
nationales, les superviseurs des pays d’accueil ne sont pas tous nécessairement invités à
prendre part au collège. L’intérêt premier du superviseur du pays d’origine est de convier
les superviseurs des pays d’accueil dans lesquels les succursales et les filiales s’avèrent
importantes pour les activités de la banque. Le risque étant d’exclure les superviseurs
des pays d’accueil dans lesquels des filiales se trouvent en position dominante, mais ne
revêtent pas une importance significative pour la banque au sens large22.
En outre, les priorités du pays d’origine dictent la composition du collège de supervi-
seurs, ce qui rend particulièrement difficile de garantir l’égalité de traitement entre les
pays prenant part à des collèges de superviseurs, et risque de démotiver les pays parti-
cipants. Pour autant, les superviseurs des pays d’origine peuvent contribuer à garantir
l’égalité de traitement en soutenant le renforcement des capacités et de la réglementa-
tion prudentielles dans les pays d’accueil.
Les collèges de superviseurs sont également confrontés à la question de savoir si
ce sont les bonnes personnes qui siègent au collège. Alors que les superviseurs sont
les interlocuteurs les plus compétents en matière de supervision quotidienne en temps
normal, les instances de résolution des faillites et les autorités budgétaires sont indis-
pensables en période de gestion de crise, qu’il s’agisse de faillites bancaires spécifiques
ou d’une fragilité bancaire systémique. En situation de crise, il pourrait donc être impor-
tant d’élargir la composition des collèges de superviseurs aux groupes de gestion de
crises, qui englobent les instances de résolution et les autorités budgétaires.
Enfin, se pose la question des décisions prises en collège. Étant donné la nature
informelle des collèges de superviseurs dont l’existence n’est entérinée par aucun
accord légal, l’obligation des superviseurs de rendre compte à leur pays, et les difficul-
tés de prendre des décisions et de les faire appliquer au sein d’un groupe sans pouvoir

22 Un problème similaire peut survenir dans le cas de protocoles d’accord bilatéraux ou multilatéraux.
124 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?

légal, chaque superviseur est, dans la pratique, libre de prendre ses propres décisions,
même si elles ne vont pas dans le sens des décisions du collège ou des intérêts des
autres superviseurs. En définitive, la décision finale d’intervenir ou non auprès de la
banque mère, avec les répercussions que cela implique pour les filiales implantées
ailleurs, appartient au superviseur du pays d’origine.
La supervision consolidée, les protocoles d’accord portant sur l’échange d’informa-
tions, et les collèges de superviseurs jouent chacun un rôle important dans la super-
vision des établissements financiers transfrontaliers et sont étroitement liés. Avec ses
recommandations en matière d’échange d’informations, le protocole d’accord peut offrir
une base solide à la supervision consolidée, au même titre que le collège de supervi-
seurs. Le protocole d’accord peut également jeter les bases formelles de l’organisation
des collèges de superviseurs qui peuvent à leur tour donner lieu à des protocoles d’ac-
cord, notamment lorsque ces protocoles concernent plus des établissements spéci-
fiques que des accords bilatéraux de portée générale. L’Amérique centrale, sous-région
caractérisée par des participations de groupes bancaires fortement intégrées, offre un
parfait exemple de ces interdépendances. Le Conseil des superviseurs bancaires, des
autorités de contrôle des marchés de valeurs mobilières et des superviseurs des autres
établissements financiers d’Amérique centrale (Council of Central American Banking
Supervisors, Securities Supervisors and Other Financial Institutions Supervisors) com-
posé de huit pays membres, a recouru à un protocole d’accord pour établir un comité
de liaison en 2007 dans le but de faciliter une supervision consolidée efficace et de
permettre au Conseil de coordonner les actions ciblant les conglomérats financiers. Ce
type de dispositions analogues n’en est encore qu’à ses débuts en Afrique. Par exemple,
un protocole d’accord-cadre récemment mis en place entre les cinq pays anglophones
d’Afrique de l’ouest couvre les relations et la supervision consolidée entre les super-
viseurs des pays d’origine et d’accueil, et un collège de superviseurs de ces pays pose
les bases d’inspections conjointes sur place, la Banque centrale du Nigeria assurant la
formation des superviseurs.
Comme évoqué plus haut, ces outils se rapportent essentiellement à l’échange
d’informations utiles entre les superviseurs des pays d’origine et d’accueil sur la santé
de la société mère et de sa filiale, respectivement. Le principal défi réside ici dans le fait
que seules des informations fiables peuvent être exigées, alors que ce sont souvent les
informations officieuses sur la santé financière d’une banque - que les chiffres-clés du
bilan ne retranscrivent pas nécessairement - qui sont les plus utiles aux superviseurs.
Comme nous l’évoquerons plus loin, l’expérience montre que les superviseurs sont
particulièrement prudents lorsqu’il s’agit d’échanger des informations en période de
difficultés croissantes ou de crise potentielle.
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 125

3.4 Au-delà d’une coopération « au beau fixe » : les nouvelles formes
de la coopération réglementaire

Les banques transfrontalières posent des problèmes additionnels de conflits d’inté-


rêts potentiels au processus de réglementation et de résolution déjà entaché, au niveau
national, par des conflits d’intérêts entre les différentes parties impliquées, au nombre
desquelles les propriétaires/la direction des banques, les créanciers et les déposants
des banques, les autorités de réglementation bancaire et les contribuables.
Alors que les intérêts des superviseurs des pays d’origine et des pays d’accueil
convergent en temps normal – lorsque (a) la banque mère revêt une importance sys-
témique dans le pays d’origine, (b) la filiale revêt une importance systémique pour la
banque mère, et (c) la filiale revêt une importance systémique dans le pays d’accueil
– des conflits d’intérêts peuvent survenir lorsque la situation financière de la banque
se détériore (d’Hulster, 2011). Si le superviseur du pays d’accueil juge la survie de la
banque mère compromise, les autorités du pays d’accueil pourraient envisager d’isoler
la filiale de droit local de la banque, avec pour conséquences possibles la perte de
l’aide de trésorerie destinée à la société mère pour garantir la survie de la banque sous
contrôle. Il est fort probable que les externalités soient plus importantes parmi les pays
financièrement plus intégrés puisque les obstacles au transfert d’entreprise au-delà
des frontières y sont plus faibles.
Tant que les détenteurs de droits restants (c’est-à-dire les actionnaires et éven-
tuellement les détenteurs de créances de rang inférieur) se trouvent dans la juridic-
tion du pays d’origine, le superviseur du pays d’origine a intérêt à « retarder, nier et
minimiser » lorsque la banque mère rencontre des difficultés. Dans ce cas, le super-
viseur du pays d’origine peut limiter l’échange d’informations avec le superviseur
du pays d’accueil afin d’éviter les mesures correctives prises par le pays d’accueil,
comme notamment l’isolement (« ring-fencing ») qui limiterait les prélèvements de
la banque mère dans la trésorerie de sa filiale. Dans le même ordre d’idée, si des
problèmes viennent à survenir au niveau de la banque mère, le superviseur du pays
d’accueil aura intérêt, aussitôt que ces problèmes apparaissent, à isoler la filiale
locale, plus particulièrement si la filiale en question revêt une importance systémique
dans le pays d’accueil. Parallèlement, le superviseur du pays d’accueil a tout intérêt
à exagérer les problèmes survenant dans la filiale vis-à-vis de son homologue dans
le pays d’origine afin d’attirer des capitaux frais et/ou de nouvelles liquidités, et/ou à
justifier la mesure d’isolement pour sauver ce qui peut l’être. Lorsque la filiale revêt
plus particulièrement une importance systémique pour la société mère, le supervi-
seur du pays d’origine pourrait être incité à contraindre la banque mère à abandonner
la filiale en la privant ainsi de nouvelles liquidités, évitant ainsi les éventuels effets
de contagion sur la société mère. Comme le mentionne D’Hulster (2011), lorsque les
banques éprouvent des difficultés, le manque de planification spécifique ex-ante et
126 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?

d’engagement peut conduire les régulateurs des pays d’origine et d’accueil à prendre
des mesures réglementaires unilatérales pouvant aggraver la fragilité des établis-
sements. Dans ce cas précis, une « surenchère réglementaire » par laquelle chaque
superviseur s’efforce de garantir que les liquidités restent soit dans les mains de la
société mère, soit dans celles de la filiale et d’isoler la filiale peut renchérir les coûts
financiers du sauvetage de la banque.
Outre ces considérations d’ordre théorique, la récente crise qui a ébranlé les pays
développés a semé le doute quant au caractère suffisant des outils traditionnels de la
coopération. Pendant la crise financière mondiale, plusieurs grandes banques multi-
nationales et banques nationales exposées à d’importants risques transfrontaliers ont
fait faillite. Alors que les outils traditionnels que constituent les protocoles d’accord
et les collèges de superviseurs avaient généralement été mis en place et que ces
dispositions semblaient convenir à la coopération en temps normal, ils ont failli à leur
mission en période de fragilité où une intervention rapide, décisive et collaborative
s’imposait. Le cas de Fortis, conglomérat financier possédant d’importants intérêts
en Belgique (où se situait son siège social), aux Pays-Bas et au Luxembourg, en est
un exemple frappant. Étant donné la coopération de longue date entre les pays du
Benelux, d’aucuns auraient pu s’attendre à une coopération harmonieuse à l’automne
2008, lorsque Fortis a commencé à éprouver de sérieuses difficultés. Alors que les
superviseurs belges et néerlandais semblaient toujours coopérer efficacement durant
le premier cycle d’aide à la trésorerie, cette coopération a manqué son but lorsque
que la nécessité de fournir une aide à la solvabilité et de faire intervenir les ministères
nationaux des finances n’a plus fait aucun doute. La résolution de la faillite a non
seulement pris un tour politique, mais a également suscité une vague de protestations
concernant la scission de Fortis suivant les frontières nationales et le partage des
coûts entre la Belgique et les Pays-Bas.
Il est important de noter qu’une structure organisée en filiales, comme il est courant
d’en rencontrer sur le continent africain, ne sera d’aucune aide dans ce genre de situa-
tion. Dans le cas des banques islandaises, dont la présence en Europe était assurée par
le biais à la fois de succursales et de filiales, la crise de 2008 a eu un impact similaire,
quel qu’ait pu être le modèle d’organisation des activités transfrontalières mis en œuvre
par les banques islandaises. Ces événements envoient un signal fort aux superviseurs
africains, puisqu’ils illustrent les écueils d’une confiance trop forte dans l’isolement
comme moyen de définir les expositions aux risques et les responsabilités des autorités
compétentes en situation de crise.
La crise financière mondiale enseigne donc notamment qu’il faut accorder une
plus grande importance aux spécificités de la coopération transfrontalière en phase
de résolution, et aller plus loin que les mécanismes de coopération déployés en temps
normal. Les forts niveaux de capitalisation et de liquidités dans la plupart des systèmes
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 127

bancaires africains23, l’interdépendance croissante mais toujours limitée à ce jour entre


les systèmes bancaires et, partant, l’impact immédiat relativement plus limité que les
défaillances bancaires pourraient avoir sur les systèmes financiers et les économies
réelles, sont autant de facteurs suggérant que les cadres de résolution ne devraient pas
constituer une source de préoccupation prioritaire pour les législateurs et les régula-
teurs en Afrique. Rappelons toutefois que les cadres de résolution des faillites motivent
également les décisions des banques et de leurs superviseurs en temps normal.
Sous réserve de remplir certaines conditions de déclenchement, les régimes de
résolution des faillites bancaires permettent au superviseur d’écarter les actionnaires
durant la phase précédant l’insolvabilité. Ce mécanisme permet par la suite de mettre
en œuvre des solutions dites de « bonne banque-mauvaise banque » en vertu des-
quelles une part des passifs et une part correspondante d’actifs productifs sont trans-
férées à une banque acquéreuse, le reliquat pouvant ainsi être liquidé. La continuité est
également assurée, ce qui permet d’éviter la perte d’informations confidentielles au
sein de la banque. Par rapport à un scénario dans lequel aucun régime spécial de réso-
lution des faillites bancaires n’est en place, cette solution offre aux autorités l’avantage
de ne plus avoir à choisir entre deux modes d’intervention diamétralement opposés
(à savoir, la tolérance ou la liquidation). Elle sert donc l’intérêt public de maintenir le
système financier stable à moindres frais, globalement, pour les contribuables.
Ce regain d’attention accordée à la résolution des faillites trouve écho dans la
politique adoptée par le G20 et par le Comité de stabilité financière (BRI 2010), qui met
notamment davantage l’accent sur l’importance d’une coopération renforcée, essen-
tiellement par le biais de collèges de superviseurs, sur l’introduction d’une plus grande
souplesse dans la composition et dans l’élaboration des structures de ces collèges
(« approche à géométrie variable »), et sur le rôle des collèges eu égard aux contri-
butions qu’ils peuvent apporter aux groupes de gestion des crises qui font également
intervenir les banques centrales et les ministères des finances des pays d’origine et
d’accueil. La tendance à établir des groupes de gestion de crises s’inscrit en réponse à
l’avis formulé par le CSF dans son document sur les Attributs clés (2011) qui accorde
une plus grande importance aux aspects transfrontaliers de la gestion de crise et inclut
les plans de résolution dans les accords de coopération transfrontalière portant sur un
établissement en particulier.
S’agissant des cadres de résolution des faillites, la coopération transfrontalière entre
régulateurs peut être renforcée de diverses manières. Les cinq options décrites ci-après
varient en fonction de l’intensité et du niveau d’implication juridique, ainsi que du niveau
de coopération.

23 Les superviseurs des pays africains en sont arrivés à voir dans les forts niveaux de capitaux un bouclier supplémentaire de
défense leur permettant d’éviter les situations de crise. Il est probable que dans un environnement bancaire plus intégré
et plus concurrentiel, les banques se montreront moins enclines à maintenir des niveaux de capitaux plus élevés que ne
l’exigent les meilleures pratiques internationalement admises en raison de leur impact sur leur structure de coûts.
128 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?

Recentrer la coopération pour se préparer aux crises

La résolution des faillites au niveau national monopolisant de plus en plus l’atten-


tion, on assiste à l’organisation d’exercices de simulation de crise et à l’élaboration
de plans d’intervention. Ces exercices permettent au personnel chargé de la supervi-
sion de développer les capacités nécessaires. Ils contribuent également à mettre en
lumière les éventuelles insuffisances de communication entre les régulateurs et les
autorités budgétaires, et les lacunes du cadre en place en matière d’insolvabilité ban-
caire, et guident ainsi le processus de réforme du système de résolution des faillites
bancaires. Ces exercices de simulation peuvent également aboutir à l’élaboration de
plans d’intervention en cas de défaillances bancaires de grande ampleur ou de crises
bancaires systémiques. Étendre ces exercices à des simulations transfrontalières
pourrait constituer une première étape décisive vers le renforcement de la coopéra-
tion. Ces exercices de simulation pourraient également orienter le processus d’élabo-
ration de plans d’interventions transfrontalières.
Plusieurs pays africains, dont la Namibie, l’Afrique du Sud et l’Ouganda, ont mené
ces exercices de simulation de crise à l’échelle nationale. Sans occulter la complexité
des prises de décision faisant intervenir plusieurs autorités nationales, particulièrement
sous pression en temps de crise, l’organisation de ces exercices au sein de sous-ré-
gions étroitement intégrées sur le plan financier ou entre des pays ayant tous une part
de responsabilité à l’égard de grandes banques transfrontalières pourrait permettre de
franchir un nouveau cap décisif dans le processus de sensibilisation – ne serait-ce que
pour éviter une situation de crise.

Intégrer la question de la résolution des faillites bancaires dans les protocoles


d’accord et les collèges de superviseurs

Une des principales parties prenantes dans la résolution des faillites bancaires,
à savoir le ministère des Finances en sa qualité de représentant des intérêts des
contribuables, est systématiquement absente de la liste des signataires aux proto-
coles d’accord et des participants aux collèges de superviseurs. Si la coopération
entre superviseurs est cruciale en temps normal, il est également essentiel d’impli-
quer toutes les autorités de résolution des faillites en temps normal, dans le cadre
du processus qui consiste à se tenir prêt à intervenir en périodes de tension. Dans le
cas, notamment, des établissements financiers d’importance systémique, il convien-
drait d’établir des groupes de gestion de crise qui associeraient autorités de contrôle,
banques centrales et ministères des finances des juridictions d’origine ou d’ac-
cueil des entités qui sont indispensables à la résolution de la crise, et qui devraient
coopérer en étroite relation avec les autorités des autres juridictions où les banques
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 129

jouissent d’une présence systémique24. Ces groupes auraient pour missions de


préparer le processus de planification de relance et de résolution pour les établisse-
ments d’importance systémique dans le cadre d’accords de coopération propres à ces
établissements, et d’assurer l’éventuelle liquidation des établissements d’importance
systémique.
La coopération entre les pays nordiques et les États baltes (cf. Encadré 3.4) offre à
cet égard un exemple parfait qui pourrait servir de modèle aux régions dont les sys-
tèmes financiers sont déjà interdépendants. Il convient toutefois de noter que l’élargis-
sement de l’éventail des parties prenantes aux protocoles d’accord et aux collèges de
superviseurs reste sans effet sur le caractère non contraignant de ces accords. Pour
autant, inscrire le partage des charges ex-ante aux programmes de ces tribunes fourni-
rait un cadre pour débattre des mesures à prendre en cas de défaillances bancaires et
pour faciliter la restructuration et la résolution appropriées des banques transfronta-
lières en difficulté.

Encadré 3.4 : Accord de coopération entre les pays nordiques et les États
baltes portant sur la stabilité financière, la gestion de crise et la résolution
des faillites transfrontalières
Le Danemark, l’Estonie, la Finlande, l’Islande, la Lettonie, la Lituanie, la Norvège et la
Suède ont récemment conclu un protocole d’accord portant sur la coopération transfronta-
lière en réponse à l’interdépendance de leurs systèmes bancaires respectifs.
Cet accord se distingue essentiellement des autres accords de ce type dans le sens où il
prévoit d’inclure les ministères des finances en tant que représentants des contribuables,
de mettre explicitement l’accent sur la gestion de crise et la résolution des faillites et de
convenir d’accords particuliers de partage des charges. Cet accord était devenu manifes-
tement nécessaire au lendemain de la crise financière mondiale qui a gravement nui à
certains pays nordiques, compte tenu de l’étroitesse de leurs liens bancaires transfronta-
liers. En renforçant leur coopération, les pays nordiques reconnaissent que les banques
transfrontalières ont apporté des avantages immenses (mais aussi des risques) tant aux
pays d’origine qu’aux pays d’accueil. Les liens historiques qui unissent les pays signa-
taires et une longue tradition de coopération globalement productive ont facilité une telle
approche proactive de la gestion conjointe des crises et de la planification commune des
résolutions.

24 Se reporter au document du CSF sur les Attributs clés (2011). Lorsqu’il existe des autorités publiques spécifiquement
chargées de gérer les régimes de garanties ou des autorités de résolution des faillites, leur participation est également
recommandée.
130 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?

Une coopération juridiquement contraignante

Comme mentionné plus haut, les protocoles d’accord sont des déclarations d’inten-
tion juridiquement non contraignantes qui perdent considérablement de leur valeur en
période de tension. Afin de rendre la coopération juridiquement contraignante, elle doit
être inscrite dans la législation bancaire. Pour autant, cette décision pourrait conduire
à se demander si une telle coopération légalement obligatoire est susceptible de porter
atteinte à la souveraineté des autorités qui collaborent.
La coopération entre régulateurs australiens et néozélandais offre un bon exemple
de coopération juridiquement contraignante. Ces deux pays sont étroitement intégrés
sur le plan financier, les succursales et les filiales des banques australiennes dominant
le secteur financier néozélandais. Cette situation a conduit l’Autorité de contrôle pru-
dentiel australienne (Australian Prudential Regulatory Authority – APRA) et la Banque
centrale de Nouvelle-Zélande (Reserve Bank of New Zealand – RBNZ) à renforcer leur
coopération et à intensifier les échanges d’informations, des mesures facilitées par des
évolutions réglementaires de même ampleur ainsi que par une histoire et une tradition
juridique communes. Cette coopération a encore été renforcée en 2006 par un amende-
ment du Reserve Bank of New Zealand Act, qui oblige juridiquement la RBNZ à coopérer
avec les autorités australiennes de contrôle financier et à les consulter de manière à
éviter de prendre des mesures pouvant porter préjudice à la stabilité du système finan-
cier australien. L’Australian Banking Act (loi australienne sur les activités bancaires)
a été amendé dans le même sens. Un Conseil australo-néozélandais de supervision
bancaire (auquel siègent la banque centrale d’Australie et les ministères des finances
australiens et néozélandais) tient également des réunions régulières. Dernièrement,
un protocole de coopération portant sur la gestion australo-néozélandaise des crises
bancaires a été établi.

La supervision supranationale

À condition de coïncider avec les périmètres géographiques respectifs des banques


et des régulateurs, l’établissement d’une supervision supranationale offre la forme
de coopération réglementaire transfrontalière la plus puissante puisqu’elle permet de
déléguer efficacement la réglementation et la supervision des banques à une autorité
de réglementation ayant plusieurs pays sous sa responsabilité. Ce superviseur supra-
national internalise les coûts des faillites bancaires qui sont externes aux superviseurs
nationaux et contribue ainsi à surmonter les problèmes de coordination.
Plusieurs exemples de superviseurs supranationaux existent en Afrique et dans le
reste du monde. L’exemple le plus récent est offert par la zone euro dans laquelle il
incombe à la Banque centrale européenne (BCE) de réguler et de superviser les banques
les plus importantes de la zone dans le cadre du mécanisme de supervision unique.
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 131

Il convient toutefois de noter que la désignation d’un superviseur supranational ne


résout pas à elle seule le problème des externalités au-delà des frontières. La mis-
sion du superviseur au sein du filet de sécurité financier en termes d’indépendance et
de pouvoirs, et la question du transfert à l’échelle supranationale du filet de sécurité
financier dans son ensemble, y compris les pouvoirs et les ressources de résolution, et
de sa mise en parallèle avec la supervision supranationale constituent d’autres facteurs
déterminants. Les débats au sein de la zone euro traitent précisément de ces probléma-
tiques, qui viennent compléter le mécanisme de supervision unique en y introduisant les
dispositifs et les ressources nécessaires à la résolution des faillites. Dans le contexte de
la zone euro, il devient de plus en plus urgent de répondre à ces questions, alors que les
responsabilités en matière de supervision ont été en partie transférées à la BCE, tandis
que – à l’heure où ce rapport est rédigé – le pouvoir de résolution continue de s’exercer
à l’échelle nationale, malgré une coordination entre pays. Étant donné la faible marge
de manœuvre budgétaire, notamment dans de nombreux pays périphériques, mais
également la tentation pour les pays membres d’une union monétaire confrontés à une
fragilité bancaire (cf. la discussion présentée ci-dessus) de chercher à se délester de
leurs charges, nombreux sont les économistes qui craignent que ce partage des respon-
sabilités ne permette au final ni de résoudre la crise actuelle, ni de jeter les bases d’un
filet de sécurité financier durable pour la zone euro.
Les zones CFA en Afrique de l’ouest et centrale offrent des exemples de configura-
tions similaires dans lesquelles des structures officielles existent au niveau suprana-
tional et où les autorités de contrôle ont été centralisées, alors que la responsabilité
en matière de résolution des faillites bancaires continue d’incomber aux autorités
nationales respectives. Si cette répartition bancale n’a pas suscité les mêmes débats
politiques que ceux qui animent l’Europe ces dernières années, c’est d’une part à cause
du manque de profondeur des systèmes financiers dans les deux zones CFA, qui limite
en soi les ramifications budgétaires des éventuelles crises bancaires, et d’autre part en
raison des pressions politiques exercées par les autorités nationales locales qui obligent
les autorités de contrôle supranationales à sanctionner la tolérance prolongée, ce qui
retarde l’escalade de la facture budgétaire liée aux restructurations bancaires et aux
éventuelles résolutions des faillites. Dans ces conditions, le maintien durable d’établis-
sements financiers faiblement capitalisés va inévitablement accentuer les pressions sur
les marges des banques (alors que celles-ci diffèrent la rationalisation de leurs activités
et cherchent à récupérer les coûts élevés de provisionnement), et contribuer ainsi à
retarder plus encore le processus d’approfondissement du secteur financier.
132 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?

Filiales autonomes et mesures d’isolement

Dans le cas, notamment, d’intérêts asymétriques, comme par exemple une filiale
en position dominante sur le marché du pays d’accueil qui n’est pas de première
importance pour la banque mère ni de ce fait pour le régulateur du pays d’origine, il
est important d’explorer des dispositifs de supervision plus solides. Étant donné ces
intérêts asymétriques et l’influence limitée voire négligeable que le superviseur du
pays d’accueil peut exercer vis-à-vis du superviseur du pays d’origine, de nombreux
superviseurs africains ont opté pour la solution des filiales autonomes, l’objectif étant
de pouvoir imposer une mesure d’isolement en cas de problèmes rencontrés par la
banque mère. Cette solution est privilégiée en dépit des pertes d’efficacité que cette
démarche comporte. Du point de vue des superviseurs des pays d’accueil qui s’efforcent
de préserver la stabilité de leur système financier local, l’isolement offre une réponse
qui, loin d’être la meilleure, reste raisonnable à défaut d’une meilleure coopération
internationale. Comme mentionné plus haut, dans certains cas récents pendant la crise
financière mondiale, l’isolement s’est révélé une mesure inefficace et rien ne permet
d’affirmer que l’isolement en situation de fragilité bancaire protégera efficacement le
pays d’accueil contre d’importantes répercussions négatives. Plus important encore, à
vouloir contraindre les filiales à agir de manière autonome, le pays d’accueil s’exposera
à des pertes significatives d’efficacité persistantes ce qui nuira à l’approfondissement et
à l’intégration du secteur financier.
Enfin, en période de crise, les autorités pourraient envisager d’établir un groupe de
coordination régionale de la même veine que l’Initiative de coordination de la Banque
européenne (ICBE), également appelée Initiative de Vienne (cf. Encadré 3.5) afin de
rassembler les autorités de contrôle et le secteur privé pour résoudre les problèmes de
manière rapide et coordonnée.
Les répercussions de la crise financière mondiale qui a gravement touché les
activités bancaires transfrontalières des banques européennes occidentales en Europe
centrale et orientale ont été à l’origine du lancement de l’Initiative de Vienne qui est
parvenue à mobiliser l’aide en provenance des établissements financiers internationaux
et des grandes banques internationales d’importance régionale. En Afrique, l’initiative
déjà prise par l’Association des Banques Centrales Africaines (ABCA) d’établir la Com-
munauté des Superviseurs Bancaires Africains (CABS) pourrait inspirer une démarche
africaine similaire visant à rassembler les banques centrales des pays affectés, la
Banque mondiale, le FMI, la Société financière internationale (IFC), la banque africaine
de développement (AfDB), ainsi que les représentants (PDG) des banques transfronta-
lières concernées.
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 133

Encadré 3.5 : L’initiative de coordination de la Banque européenne dite


« Initiative de Vienne » (ICBE)
En novembre 2008, plusieurs banques largement implantées dans les pays émer-
gents d’Europe ont adressé un courrier à la Commission européenne lui demandant
d’apporter une réponse rapide et coordonnée aux problèmes des pays émergents
d’Europe et de garantir plus particulièrement aux banques opérant dans cette région un
financement suffisant. L’Initiative de Vienne a été créée en retour sous la forme d’une
plateforme de coordination pour les banques multinationales, leurs superviseurs dans
les pays d’origine et d’accueil, les autorités budgétaires, le FMI, et les institutions de
développement dans le but de maintenir un engagement permanent des banques mères
à l’égard de leurs filiales et de garantir la stabilité macroéconomique dans les pays
émergents d’Europe. L’ICBE a été lancée au plus fort de la crise financière afin de fournir
un cadre de coordination pour la gestion et la résolution de crises face aux problèmes
rencontrés par le secteur financier mis en évidence par le ralentissement économique,
en impliquant de grands groupes bancaires transfrontaliers d’importance systémique
dans la région des pays émergents d’Europe.

Créée en janvier 2009, l’initiative a réuni les parties prenantes, publiques comme
privées, des groupes bancaires transfrontaliers européens présents dans les pays
émergents d’Europe, parmi lesquelles les institutions financières internationales (FMI,
BERD, Banque européenne d’investissement (BEI), et Banque mondiale), les institu-
tions européennes (Commission européenne et Banque centrale européenne en tant
qu’observateur), les autorités budgétaires et de contrôle des pays d’origine et d’accueil
des grands groupes bancaires et les plus importants groupes bancaires opérant dans la
région. L’Initiative de Vienne poursuit les objectifs suivants :

• Prévenir le retrait massif et non coordonné des groupes bancaires transfrontaliers de


la région, ce qui aurait pu déclencher une crise bancaire systémique tant à l’échelle des
pays qu’à celle de la région au sens large.
• Veiller à ce que les sociétés mères des groupes bancaires s’engagent publiquement
à maintenir leur niveau d’exposition aux risques et à recapitaliser leurs filiales dans
le cadre du soutien global à la balance des paiements des pays dans lesquels les pro-
grammes d’aide macroéconomique du FMI/de la CE sont devenus nécessaires (Bosnie–
Herzégovine, Hongrie, Lettonie, Roumanie et Serbie).
• Veiller à ce que les plans d’aide nationale des groupes bancaires transfrontaliers
bénéficient à leurs filiales dans les pays émergents d’Europe et prévenir tout risque de
préférence nationale dans les négociations avec les banques d’Europe.
• Convenir de principes fondamentaux en matière de gestion et de résolution de crise
dans la région. La mise en œuvre de politiques macroéconomiques appropriées, l’aide de
trésorerie en monnaie locale, indépendamment de la propriété des banques, et le soutien
aux régimes nationaux de garantie des dépôts incombent aux autorités des pays d’accueil.
Les sociétés mères des groupes bancaires – et les autorités du pays d’origine après elles
– sont chargées de financer les besoins en devises et de recapitaliser les filiales.
134 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?

• Renforcer la coopération réglementaire et l’échange d’informations au-delà des fron-


tières dans le cadre des programmes soutenus par le FMI/la CE et au-delà.

L’ICBE a mené à bien sa phase de gestion de crise :

• Elle a contribué à résoudre le « dilemme du prisonnier ». Dans les situations de crise,


la viabilité extérieure ne pouvait être assurée que si les banques étrangères restaient
engagées dans les pays où leurs filiales opèrent.
• Les engagements ont été respectés. Les banques mères ont maintenu les plafonds
d’expositions aux risques convenus. Cet aspect a été particulièrement déterminant
alors que la crise s’est révélée plus grave que prévu et que la reprise a été plus longue
qu’escompté. Les filiales ont également été recapitalisées en fonction des résultats des
simulations de crise.
• Le processus de désendettement « contrôlé » a été rendu possible au fil des consul-
tations. Des examens réguliers ont permis de réduire les engagements en matière
d’expositions pays par pays, laissant ainsi aux banques une plus grande marge de
manœuvre pour gérer les liquidités à l’international tout en continuant de soutenir la
viabilité extérieure.
• L’Initiative de Vienne a contribué à éclairer et à guider les décisions politiques tant
dans les pays d’origine que dans les pays d’accueil. Par exemple, les autorités des pays
d’origine ont été autorisées à faire bénéficier les filiales des groupes bancaires de leurs
plans d’aide au secteur bancaire ; les instruments de politique monétaire dans les pays
d’accueil, comme la constitution de réserves obligatoires, ont pu être assouplis afin de
contrecarrer la faiblesse de la demande avec l’assurance que l’excédent de liquidité ne
sera pas utilisé à des fins de fuite de capitaux faisant pression sur les taux de change.

L’Initiative de Vienne a également fourni l’occasion d’explorer des propositions qui


gagneraient à être étudiées dans le cadre d’évaluations conjointes des secteurs public
et privé. Les deux premiers thèmes ont concerné le développement de marchés locaux
de change et de capitaux et le rôle que les banques peuvent être amenées à jouer dans
l’absorption des fonds structurels européens.

De récentes études ont confirmé que l’Initiative de Vienne s’est révélée être un outil
assez efficace de prévention d’un désendettement incontrôlé des banques européennes
occidentales en Europe centrale et orientale. De Haas et al. (2014) démontrent notamment
que si les banques nationales comme étrangères ont procédé à un net resserrement du
crédit pendant la crise financière, les banques étrangères ayant pris part à l’Initiative de
Vienne se sont révélées des prêteurs relativement stables. Point tout aussi important, ces
mêmes auteurs n’ont trouvé aucune preuve de répercussions négatives en provenance
des pays où les banques ont signé des lettres d’engagement par rapport aux pays où elles
n’ont pris aucun engagement.

Source : tiré de la BERD, 2012.


Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 135

3.5 La coopération réglementaire transfrontalière en présence


de disparités entre les pays

Alors que la discussion s’est attachée à souligner jusqu’ici le besoin d’étendre la


coopération en matière de réglementation et de supervision au-delà des frontières en
proposant différentes options, il faut s’attendre à ce que cette coopération révèle des
motivations différentes parmi les autorités de contrôle. La coopération réglementaire
transfrontalière devra intégrer les importantes disparités entre pays en termes de
cadres juridiques et de préférences politiques, ainsi que l’importance souvent asymé-
trique assignée aux banques par les superviseurs des pays d’origine et d’accueil. Ces
disparités donneront lieu à différentes formes possibles de coopération. Loin d’être
uniques et uniformes, les solutions devront se concevoir au cas par cas.
Les différences entre les systèmes juridiques et réglementaires des pays consti-
tuent une première source d’hétérogénéité. Les missions et l’indépendance des
autorités de contrôle, leurs instruments réglementaires et de supervision, et les
cadres d’évaluation de la supervision peuvent considérablement différer. Ces écarts
compliquent la définition d’un ensemble commun de règles et de normes dans le
domaine des résolutions des faillites bancaires, et obligent à adapter les principes
généraux aux contextes locaux. Ainsi, par exemple, certains éléments semblent
indiquer que les différends qui ont opposé les superviseurs belges et néerlandais
dans le sauvetage de Fortis ont résulté de cultures organisationnelles différentes chez
chacune des autorités de contrôle. Des différences peuvent également exister dans
l’établissement même des structures réglementaires et de supervision, y compris au
niveau des compétences, du degré de perfectionnement et des ressources, rendant
la coopération plus difficile encore. Différents stades de développement économique
peuvent également conduire à des fonctions aux objectifs divers, les régulateurs des
pays à faibles revenus étant potentiellement plus préoccupés par l’inclusion finan-
cière et l’approfondissement de leur secteur financier que ceux des pays à revenus
intermédiaires (D’Hulster, 2011). Ces fonctions à objectifs pourraient en outre évoluer
au gré du cycle financier.
Une deuxième source de disparités provient des préférences. Les pays peuvent se
différencier dans la façon, par exemple, dont ils appréhendent le rôle du gouvernement
dans l’économie (une conséquence étant d’observer des différences au niveau des par-
ticipations d’un État), selon l’importance qu’ils accordent à l’indépendance budgétaire,
ou dans leur tolérance au risque. Par exemple, dans le domaine bancaire (et financier
plus globalement), une analyse fondamentale consiste à arbitrer entre les risques et
les rendements ; autrement dit, si les établissements peu réglementés peuvent obtenir
de meilleurs résultats en temps normal, ils risquent d’être davantage prédisposés à la
fragilité, tandis qu’une réglementation répressive réduit certes le risque, mais peut éga-
lement abaisser la rentabilité des banques, ainsi que leur contribution à la croissance
136 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?

économique. Les différentes tolérances aux risques peuvent également faire varier le
coût (potentiel) d’une défaillance bancaire.
Enfin, d’importantes asymétries peuvent exister entre pays, phénomène pouvant
aboutir à des fonctions poursuivant des objectifs différents et engendrer in fine des
conflits d’intérêts entre les superviseurs des pays d’origine et d’accueil. Les intérêts
des pays d’origine et d’accueil ne convergent que lorsque (a) la banque mère revêt
une importance systémique dans le pays d’origine, (b) la filiale revêt une importance
systémique pour la banque mère, et (c) la filiale revêt une importance systémique dans
le pays d’accueil25. La situation pouvant poser le plus problème au superviseur du pays
d’origine est lorsque seules les deux premières conditions sont satisfaites, de sorte que
le superviseur du pays d’accueil accordera moins d’importance à la supervision de la
filiale. À l’inverse, la configuration la plus difficile à gérer pour le superviseur du pays
d’accueil est lorsque la condition (a) ou la condition (b) n’est pas remplie, l’exemple le
plus flagrant étant celui d’une filiale en position dominante sur son marché et revêtant
donc une importance systémique pour le pays d’accueil, alors qu’elle n’est pas d’im-
portance systémique pour la banque au sens large ni donc pour le superviseur du pays
d’origine. Ce problème se pose assez fréquemment aux superviseurs de nombreux pays
africains dans le cas des filiales de banques transfrontalières.

Quel niveau d’intégration pour quel niveau de coopération ?

Les différentes sources d’externalités bancaires au-delà des frontières, les dispa-
rités entre les cadres juridiques et les préférences politiques des pays, et l’importance
souvent inégale qu’accordent les pays d’origine et d’accueil aux banques indiquent
qu’une coopération adéquate entre pays prendra différentes formes selon les circons-
tances. Une classification des différentes formes de coopération apparaissant comme
les plus adaptées et les plus réalistes entre différents types de paires de pays et au sein
de différents types de sous-régions en Afrique permet d’établir cinq catégories :
Tout d’abord, dans le cas de pays ou de paires de pays où les externalités des acti-
vités bancaires transfrontalières sont faibles, il n’est pas utile de mettre en œuvre une
solution institutionnelle trop rigide. Les pays dont les systèmes bancaires affichent une
faible part de participations étrangères et sont peu intégrés aux marchés financiers
internationaux n’exigent qu’une coopération limitée et peuvent s’attacher à aligner
leurs cadres réglementaires et de supervision sur les normes internationales, en tenant
compte des priorités nationales et des risques de fragilité financière.
La deuxième forme de coopération est pertinente lorsqu’un degré élevé de dispari-
tés existe entre des pays ayant intensifié leur intégration financière. Ceci se vérifie en

25 Ces intérêts s’alignent également à l’évidence lorsqu’aucune de ces trois conditions ne prévaut, auquel cas il n’existe
alors aucune préoccupation prudentielle immédiate, à moins que les deux pays ne soient membres d’une union moné-
taire ou que les deux systèmes financiers ne soient autrement étroitement intégrés, comme démontré plus haut.
Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ? 137

Afrique de l’ouest où les systèmes financiers se sont développés différemment dans les
pays anglophones et francophones, alors que les banques transfrontalières nigérianes
sont présentes dans les pays des deux groupes. Il semblerait donc plus indiqué, au vu
de ces différents développements, d’établir une coopération réglementaire plus étroite
au sein de ces deux sous-régions différentes, plutôt qu’entre elles, même si les activités
bancaires transfrontalières s’étendent aux deux sous-régions. Étant donné les fortes
disparités, une première étape consisterait à créer des collèges de superviseurs et (de
préférence) des autorités de résolution à l’échelle de l’Afrique de l’ouest, et d’entre-
prendre des exercices conjoints de simulation de crise. Comme l’explique plus en détail
le quatrième chapitre, un premier pas vers l’établissement de ces collèges de supervi-
seurs a été franchi.
La troisième forme de coopération s’applique en cas d’asymétrie entre les intérêts
des superviseurs de pays d’accueil de petite taille et ceux des superviseurs de pays
d’origine de grande taille. C’est le cas de la plupart des pays africains qui accueillent de
grandes banques européennes, comme Standard Chartered, Société Générale ou BNP
Paribas. Étant donné que les superviseurs africains sont souvent exclus des collèges
de superviseurs établis par les superviseurs des pays d’origine, les superviseurs des
pays d’accueil ont souvent, à juste titre, réagi en essayant de contraindre ces filiales
à adopter des structures autonomes. Les superviseurs des pays d’accueil en Afrique
pourraient unir leurs forces dans une démarche visant à les faire représenter dans les
collèges de superviseurs du pays d’origine. L’asymétrie entre les intérêts des super-
viseurs peut également se vérifier dans le cas de pays qui accueillent des banques
panafricaines.
La quatrième forme de coopération concerne les sous-régions intégrées de manière
plus étroite et n’affichant que peu de disparités, comme l’Afrique orientale. Ici, les col-
lèges de superviseurs et les autorités de résolution pourraient constituer une première
étape conduisant idéalement à l’instauration d’une situation dans laquelle les accords
de coopération s’inscrivent dans les législations bancaires des pays. Cette forme de
coopération serait évidemment subordonnée à la mise à niveau et à la convergence
des cadres réglementaires entre les pays, notamment en matière de faillites. Dans la
mesure où cette sous-région s’engage dans le processus d’une union monétaire, l’éta-
blissement d’un filet de sécurité financier supranational devrait être envisagé.
Enfin, la cinquième forme de coopération s’appliquerait dans les régions, telles que
les deux zones CFA, déjà dotées d’une monnaie et d’autorités réglementaires com-
munes, mais où la supervision continue de s’exercer au niveau des systèmes bancaires
nationaux. Par définition, ces régions ne peuvent avoir recours aux variations de taux
de change pour atténuer les corrections sur l’économie réelle, mais elles n’ont encore
consenti que peu d’efforts pour exploiter les possibilités offertes par l’intégration
financière. Ici, il conviendrait d’envisager des mesures en faveur d’une plus grande
intégration, comme notamment des pratiques harmonisées de résolution des faillites
138 Chapitre 3 : Pourquoi réguler les activités bancaires transfrontalières et à l’aide de quels instruments ?

bancaires et la mise en place d’un réseau de succursales transfrontalier, associées à


une supervision consolidée.
Cette classification n’est évidemment pas statique. Autant le degré d’externalités
auquel sont confrontés les pays, les paires de pays et les régions, que le niveau de
disparités entre pays évoluent au fil du temps. À mesure que progresse l’intégration
financière et économique entre les pays et au sein des régions, il en va de même de
leurs expositions aux externalités engendrées par les activités bancaires transfronta-
lières. De la même manière, les disparités entre pays changent au fil du temps, ce qui
affecte le niveau de coopération.

3.6 Conclusion

La coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision


est essentielle pour récolter les bénéfices d’une intégration financière plus poussée
tout en maîtrisant les risques qu’elle pose en termes de stabilité. Dans la mesure où
elle devrait concerner les superviseurs africains qui cherchent à ajuster leurs cadres
réglementaires pour profiter des avantages offerts par les activités bancaires trans-
frontalières, une nouvelle expansion, notamment des banques panafricaines, exige à la
fois d’apporter une attention bien plus importante aux instruments indispensables à la
supervision adéquate de ces banques, et de réviser les outils de la coopération régle-
mentaire transfrontalière déjà en place. Instruments essentiels, la supervision conso-
lidée, les protocoles d’entente et les collèges de superviseurs forment la base d’une
coopération réglementaire transfrontalière efficace. La récente crise financière mon-
diale a toutefois prouvé que ces outils sont insuffisants et qu’il est nécessaire d’accorder
une plus grande importance aux cadres transfrontaliers pour la résolution des faillites
et la gestion des crises bancaires, tant pour anticiper ces incidents que pour déterminer
des mesures d’incitation appropriées.
4.
Les enjeux actuels
de la coopération
transfrontalière
en matière de
réglementation et de
supervision en Afrique
140 Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique

4. Les enjeux actuels de la coopération


transfrontalière en matière de réglementation
et de supervision en Afrique

Fortement centrés sur les banques, les systèmes financiers du continent africain se
caractérisent par leur taille modeste, un manque de profondeur et une intermédiation
peu efficace. Ils gagneraient donc énormément à renforcer leur intégration au-delà des
frontières. Dans le contexte africain, l’intégration financière régionale dépend essentiel-
lement de la capacité des petits systèmes financiers à surmonter ce manque d’enver-
gure qui entrave leur développement et leur approfondissement. Par les économies
d’échelle et les opportunités de diversification qu’elle offre, l’intégration financière
régionale peut jouer un rôle déterminant dans le développement et la croissance des
secteurs financiers, à supposer que les autorités adoptent des politiques appropriées.
Parallèlement, de nouveaux vecteurs de contagion vont et voient d’ores et déjà le jour,
l’imbrication croissante des systèmes bancaires et des marchés financiers nationaux
favorisant la transmission des chocs entre pays. Le sous-développement des marchés
et des capacités de supervision limitées peuvent à eux deux freiner le développement
des opportunités offertes par le renforcement de l’intégration et exacerber les risques
de contagion.
L’intensification de l’intégration financière régionale souligne donc l’importance pour
les pays de se doter de mesures appropriées de gestion et d’atténuation des risques.
Elle exige également un engagement et un respect plus importants des règles du jeu
communes, telles que prévues par les normes et les pratiques exemplaires internationa-
lement admises, de manière à renforcer la confiance dans le secteur financier. À défaut de
cet engagement et de ce respect, l’intégration au-delà des frontières pourrait faire peser
de plus grands risques de contagion et compromettre sérieusement la stabilité financière.
Les autorités africaines sont donc confrontées à un dilemme de taille. D’un côté, elles
doivent assumer la mission traditionnelle de protection des systèmes bancaires, en tenant
compte des risques liés à la croissance des activités bancaires transfrontalières ces der-
nières années. De l’autre, elles doivent s’efforcer d’encourager une intermédiation et un
approfondissement plus efficaces des marchés financiers, qui contribueront à renforcer
leurs capacités de résistance et à amorcer un cycle vertueux de stabilité et de solidité du
système financier. Contrairement aux autres régions du globe, l’Afrique est plus sen-
sible à ce dilemme, étant donné la petite taille et les faibles capacités d’intermédiation
d’une grande majorité de ses systèmes financiers et donc la croissance potentiellement
exponentielle des établissements et des marchés financiers. Plus important encore, une
meilleure intégration financière, pour autant qu’elle soit menée de manière responsable,
peut largement contribuer à renforcer l’efficacité et l’approfondissement des marchés.
Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique 141

La première section de ce chapitre présente les différentes options stratégiques dont


disposent les superviseurs bancaires africains pour favoriser à la fois l’approfondisse-
ment et la stabilité du secteur financier. La deuxième section décrit l’état actuel de la
coopération réglementaire transfrontalière. La troisième section conclut ce chapitre.

4.1 L’intégration financière au service de l’approfondissement financier :


les choix stratégiques qui s’offrent aux autorités réglementaires

Les superviseurs bancaires africains ont adopté des réponses différentes au double
défi consistant à maintenir la stabilité et à accroître l’efficacité pour favoriser l’appro-
fondissement du marché. Dans l’arsenal à la disposition des superviseurs, deux outils
traditionnels se sont révélés décisifs à cet égard. Le premier est la politique d’octroi
d’agréments. Les réglementations en matière d’agréments prévoient un ensemble de
conditions qui s’appliquent aux banques nouvellement établies, qu’elles soient finan-
cées par des capitaux locaux ou qu’elles soient des filiales de banques étrangères. On
constate des divergences assez nettes dans les modalités d’application de ces condi-
tions par les pays africains. D’un côté, dans certains pays, les superviseurs se sentent
obligés d’octroyer un agrément à tous les candidats qui respectent les conditions
stipulées. Dans d’autres pays, les superviseurs délivrent les agréments bancaires en
fonction de leur appréciation du besoin d’introduire davantage de participants sur le
marché intérieur et d’une évaluation qualitative de ce que le candidat à l’entrée peut
offrir en termes de services bancaires nouveaux ou innovants. Ces évaluations sont
légitimes dans la mesure où les conditions d’octroi d’agréments prévoient normale-
ment que l’autorité qui délivre l’agrément évalue les plans stratégiques et opération-
nels du candidat26, y compris éventuellement son business plan. Cette approche part
du constat selon lequel il existe un risque de faire entrer sur le marché un trop grand
nombre d’établissements aux profils économiques semblables lorsque les agréments
sont délivrés aux candidats à la simple condition qu’ils se conforment à un ensemble de
règles en la matière. L’approche plus subjective peut s’avérer plus propice au dévelop-
pement du marché financier, même si elle ouvre également la porte aux abus. Compte
tenu des dangers liés à une approche plus subjective et étant donné que l’établissement
de banques étrangères intensifiera la concurrence, il peut s’avérer plus indiqué de se
référer au respect des conditions à l’établissement prévues. Le risque, plus particu-
lièrement dans le contexte africain, est que l’établissement de nouvelles banques qui
mobilise encore davantage de moyens de contrôle conduise les superviseurs, générale-
ment surchargés, à opérer des arbitrages. Ils n’ont par ailleurs que peu d’expérience en
matière de sanctions et de retraits éventuels des agréments bancaires, et n’ont souvent
pas éprouvé le long processus de liquidation bancaire.

26 C’est du moins ce que prescrit le cinquième principe fondamental de Bâle.


142 Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique

Le second outil réglementaire décisif a trait aux exigences de fonds propres. Rele-
ver les exigences minimales de fonds propres peut à la fois décourager l’établissement
de banques étrangères et rationaliser le nombre de banques présentes sur le marché.
Parallèlement, un durcissement des exigences minimales de fonds propres peut encoura-
ger les banques à se développer à l’étranger, dans la mesure où les nouveaux débouchés
économiques sont limités sur leur marché national et où les banques cherchent à iden-
tifier des opportunités leur permettant d’employer efficacement leurs capitaux. L’expé-
rience nigériane montre qu’un assainissement forcé en relevant les exigences minimales
de fonds propres peut s’avérer un choix risqué. Dans leur course pour maintenir des
rendements de capitaux propres traditionnellement élevés, les banques nigérianes ont
été amenées à financer des activités à haut risque, ce qui a engendré la crise bancaire de
2009, ainsi qu’une lourde facture publique et une perte de profondeur financière.
Ainsi, alors que les superviseurs bancaires sont confrontés au défi de renforcer leurs
capacités à gérer les risques associés à la présence croissante des banques étrangères,
ils peuvent également exercer une influence considérable sur les forces du marché en
jeu dans le cadre de l’application des réglementations à leur disposition. Ce chapitre
pose la question de savoir si les pressions en faveur de l’intégration bancaire se sont
accompagnées d’une mise à niveau de la réglementation bancaire et des capacités de
supervision, et d’une coopération transfrontalière entre les superviseurs bancaires.
Outre les conditions d’octroi d’agrément et les exigences de fonds propres, les
autorités réglementaires africaines font face à un large choix de politiques et de pro-
grammes réglementaires en rapport direct avec la supervision transfrontalière, qui
seront plus amplement décrits ci-dessous. De manière générale, les politiques peuvent
être réactives, comme c’est couramment le cas malgré les coûts habituellement élevés
de cette approche, ou cibler de manière plus proactive l’exploitation des avantages de
l’intégration tout en en maîtrisant les risques. Cette dernière approche implique l’aban-
don des politiques de tolérance au profit d’une sanction efficace des banques et d’une
anticipation du risque de fragilité financière pour mieux y faire face.
Les responsables politiques peuvent adopter des politiques destinées à tirer parti de
l’intégration régionale, comme (a) lever les contrôles sur les capitaux et les changes de
manière à promouvoir un usage plus efficace des capitaux, (b) poursuivre l’harmonisa-
tion des réglementations pour réduire les coûts de transaction, (c) établir des systèmes
de paiements et de règlements régionaux visant à encourager les paiements trans-
frontaliers, et (d) supprimer toutes les restrictions pesant sur la libre circulation de la
main-d’œuvre et des compétences afin d’encourager le transfert des connaissances.
Cela étant, même dans les sous-régions d’Afrique plus unies sur le plan politique, les
progrès ont été inégaux dans la mise en œuvre de ces politiques dont l’objectif est de
faciliter l’intégration financière au-delà des frontières. Ainsi, par exemple, si des efforts
ont été consentis pour harmoniser les réglementations au sein de la CAE, leur mise
en œuvre avance lentement, et la levée des restrictions sur la circulation de la main-
Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique 143

d’œuvre reste un sujet de controverse dans certains états membres de la CAE. Le lance-
ment en 2013 de deux systèmes de paiements et de règlements régionaux – le système
de paiement est-africain (East African Payments System – EAPS) et le projet pilote d’un
système de paiement de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC)
- atteste toutefois de récentes avancées encourageantes.
La lenteur des progrès au sein des sous-régions peut en partie s’expliquer par la
défiance à l’égard des effets d’un renforcement de l’intégration financière sur les mar-
chés nationaux, entretenue par les craintes qu’une plus grande ouverture accroîtra les
parts de marché des banques des pays voisins déjà en position dominante. En outre, le
manque de capacités freine les superviseurs dans leur mission de mise en œuvre d’une
supervision consolidée et de gestion des structures de groupe complexes. Dans ces
conditions, les superviseurs nationaux continuent souvent de se focaliser sur la préser-
vation des actifs et le relèvement des niveaux de capitalisation des banques nationales.
Si elles ont bien conscience de ses possibles avantages, les autorités nationales
peuvent accueillir à juste titre le développement des activités bancaires transfron-
talières avec une certaine méfiance, dans la mesure où les bénéfices immédiats de
l’intégration peuvent ne pas se répartir équitablement. Il peut être notamment difficile
de les convaincre des gains d’efficacité qu’un renforcement de l’intégration et de la
diversification peut apporter, et ce en dépit d’une récente étude sur, par exemple, la
concentration des banques kenyanes au sein de la CAE, qui révèle que ces banques,
dont la stratégie est de poursuive activement leur développement dans la sous-région,
sont également plus innovantes, notamment en termes d’octroi de crédits aux petites
et moyennes entreprises, facteur indispensable à une croissance économique solide
(Banque mondiale, 2013a). La même étude a également révélé – comme on pouvait s’y
attendre – que ces banques qui se développent dans la CAE comptent également parmi
les banques kenyanes les plus rentables. Cela étant, au-delà des avantages immédiats
de l’intégration financière, les retombées du commerce des services financiers pour la
croissance économique et la productivité locale pourraient de loin dépasser les béné-
fices que retirent d’ores et déjà ces groupes bancaires pionniers.
En Afrique, les différentiels de taux d’intérêt, largement déterminés par les frais
généraux et les profits des banques, restent élevés, alors que les pressions pour
renforcer l’efficacité ne semblent pas assez fortes. Plus important encore, l’expansion
de l’activité transfrontalière n’est pas encore parvenue à exercer des pressions suffi-
samment soutenues pour réduire ces différentiels. D’un côté, cette situation pourrait
plaider en faveur d’une réduction des primes de risque dans les activités bancaires dans
le cadre d’une solide gestion macroéconomique, diminuant de ce fait le taux d’inté-
rêt « sans risque » sur les titres d’État (mobilisation du secteur privé) ; elle pourrait
également servir d’argument pour inciter à remédier aux faiblesses de l’infrastructure
du secteur financier, et pourrait se traduire par un meilleur échange d’informations
concernant les crédits et la mise en place de mécanismes d’enregistrement et de saisie
144 Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique

des biens meubles et immeubles moins coûteux/longs. De l’autre, les mesures doivent
cibler autant les banques nationales que les banques internationales afin de renforcer
la concurrence par le biais d’une supervision bancaire plus efficace, y compris au moyen
de politiques venant se substituer à la tolérance réglementaire par des stratégies de
sortie efficaces. Cette approche permettrait non seulement d’alléger la charge des
superviseurs qui doivent superviser un nombre disproportionné d’établissements finan-
ciers (par rapport à la taille du secteur financier), mais aussi d’encourager la concur-
rence entre les banques restantes, avec les conséquences que cela induit sur l’efficacité
et les différentiels des taux d’intérêt.
S’attaquer aux insuffisances de l’intermédiation bancaire en Afrique exige en effet
de fournir des efforts à tous les niveaux de ce programme relativement ambitieux.
Il convient toutefois de souligner l’importance de la complémentarité entre les pro-
grammes nationaux et régionaux dans la promotion de l’efficacité bancaire et, partant,
des possibles bénéfices d’une collaboration régionale plus étroite, en tirant avantage,
par exemple, d’une démarche commune en matière d’échange d’informations sur
le crédit, et en convenant de sanctions à l’encontre des banques et de politiques de
sortie. En Afrique, la portée de cette collaboration varie d’un pays à l’autre et s’inscrit à
l’échelle sous-régionale. La collaboration entre les deux zones CFA offre d’excellentes
opportunités à cet égard, puisque les pays membres bénéficient d’un cadre juridique et
d’une monnaie commune. Les efforts entrepris par la CAE et au sein de la SADC sont
également prometteurs. Ces initiatives ont déjà donné lieu à une collaboration portant
sur des composantes clés de l’infrastructure financière, en tête desquelles les systèmes
de paiement, et des actions sont en cours pour étendre cette collaboration à l’échange
d’informations sur le crédit et au renforcement de la coordination relative aux pro-
blèmes de supervision.

Réduire le coût des activités bancaires transfrontalières

En Afrique, les superviseurs bancaires exigent des banques qui souhaitent dévelop-
per leurs activités au-delà de leurs frontières qu’elles procèdent essentiellement par le
biais de filiales autonomes. Même dans les deux zones monétaires d’Afrique de l’ouest et
centrale, les réseaux de succursales transfrontaliers restent relativement rares. Lorsque
des succursales ont été créées, elles sont souvent soumises à des exigences réglemen-
taires rigoureuses, comme celles notamment d’afficher des niveaux de fonds propres
similaires à ceux d’une filiale. Les raisons d’exiger d’établir des filiales autonomes sont
souvent justifiées et traduisent la volonté des superviseurs bancaires de faire de la super-
vision une tâche pouvant être gérée à la fois par leurs services et par les gestionnaires de
risques au sein des groupes bancaires. Il est beaucoup plus simple de définir, de surveil-
ler et de mettre en œuvre des obligations d’information dans le cas d’une entité juridique
autonome que dans celui d’une succursale. En outre, les liquidités et les matelas de fonds
Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique 145

propres distincts de la filiale sont censés offrir au pays d’accueil une meilleure protection
contre le risque de contagion en période de crise, même si l’expérience de la dernière
crise financière mondiale remet en cause l’efficacité de cette protection27.
La priorité donnée aux filiales pour renforcer l’intégration a un coût. En exigeant
des banques qu’elles établissent des entités aux fonds propres distincts, dotées de
leurs propres fonctions de direction et de gestion des risques, le modèle par les filiales
restreint les intermédiaires financiers dans leurs capacités à tirer pleinement parti de
l’intégration régionale. Si le modèle des filiales n’interdit pas de déployer des méthodes
de gestion des risques et des systèmes informatiques communs, les superviseurs
nationaux sont en droit d’exiger, ce qu’ils font le plus souvent, des filiales locales
qu’elles mettent en place des systèmes informatiques indépendants et qu’elles se
dotent d’un conseil d’administration et de comités de supervision qui leur sont propres.
Ces politiques dites d’« autochtonisation » ont notamment été récemment adoptées en
Namibie28. Le développement transfrontalier des groupes bancaires au moyen de filiales
autonomes risque en outre de s’accompagner de coûts de financement élevés en raison
des contraintes qui pèsent sur la souplesse de gestion des engagements du groupe et
sur la liberté d’allouer les fonds là où ils sont le plus utiles.
Étant donné le rôle que pourraient jouer les activités bancaires transfrontalières
dans l’accélération forcée des innovations et dans la réduction des coûts grâce aux éco-
nomies d’échelle, il convient de s’interroger sur la possibilité de prendre des mesures
visant à réduire les coûts d’établissement des banques étrangères qui s’implantent sur
de nouveaux marchés. Les exigences minimales de fonds propres peuvent constituer
une barrière importante à l’établissement dans le cas de banques dont l’ambition est
de s’implanter dans plusieurs marchés, notamment lorsqu’elles envisagent de déve-

27 Comme l’a très clairement démontré la crise bancaire islandaise, en l’absence d’exigences d’établir des structures
locales, les pays de taille modeste peuvent être à l’origine de crises financières majeures et systémiques. Alors que les
banques sous contrôle étranger s’implantent généralement par le biais de succursales de la banque du pays d’origine
dans l’Union européenne, en Afrique, la plupart des banques sous contrôle étranger sont jusqu’à présent contraintes
de s’implanter au moyen de filiales de droit local, ce qui limite ainsi le risque pour les banques des pays de petite taille
de devoir assumer les obligations de remboursement que leur gouvernement serait incapable ou peu enclin à honorer.
De nombreux pays imposent en outre des exigences supplémentaires supposées permettre aux superviseurs nationaux
d’isoler les filiales en période de crise. La protection offerte par les filiales est toutefois sujette à discussions ; l’expé-
rience de certaines banques durant la crise financière mondiale, comme Fortis Bank, tend à prouver que le modèle des
filiales confère un sentiment trompeur de sécurité et n’offre qu’une faible protection contre le risque de contagion.
28 La réglementation namibienne impose à l’ensemble des principaux systèmes bancaires la domiciliation dans le pays dans
le but d’assurer une supervision efficace des banques et des systèmes de paiement. La sécurité et la fiabilité opération-
nelle, ainsi que les dispositifs d’intervention satisfaisants en matière d’exécution des opérations journalières en temps
requis et de respect des heures limites de règlement et de compensation des systèmes de paiement locaux constituent
les premières sources de préoccupations. La Banque de Namibie soutient que la mise en œuvre du Système national de
paiement a permis aux autorités de réaliser que l’infrastructure informatique et les systèmes bancaires communs des
sociétés mères en Afrique du Sud a imposé des contraintes faisant peser des risques opérationnels et systémiques sur les
établissements bancaires intervenant dans le système de paiement namibien. Il a également été constaté que les banques
commerciales namibiennes ont rencontré des problèmes dans le traitement des paiements domestiques namibiens les
jours fériés sud-africains, et ont éprouvé des difficultés à respecter les heures limites de compensation et de règlement du
système de paiement namibien. Il a enfin été observé que la gouvernance informatique, les processus de prise de décisions
et l’ordre de priorité des projets informatiques des sociétés mères en Afrique du Sud continuaient d’entraver la Banque de
Namibie dans ses efforts pour atteindre ses objectifs de réforme du système des paiements.
146 Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique

lopper des activités dans des marchés limitrophes plus modestes où les possibilités
d’accumuler des capitaux sont limitées et où l’allocation de capital est difficile à justifier.
Nombreux sont les pays africains à faire supporter aux activités transfrontalières des
banques d’autres coûts dans le cadre de leurs politiques d’autochtonisation, à l’instar,
par exemple, des obligations d’employer du personnel local plutôt que des expatriés,
d’établir des systèmes informatiques locaux, de mettre en place des structures locales
pour la gestion des risques et la direction des banques, et même de s’efforcer à faire
entrer au capital des banques étrangères une part significative d’actionnaires locaux.
Contribuant à ériger une véritable « forteresse bancaire », ces exigences peuvent consi-
dérablement limiter la réalisation d’économies d’échelle.
Plutôt que de protéger leurs systèmes bancaires nationaux, les autorités devraient au
contraire envisager des moyens d’encourager l’établissement de banques ayant fait leurs
preuves dans la fourniture de services financiers ciblant des groupes de clients potentiels
mal desservis. Ces incitations pourraient, par exemple, aller de pair avec la privatisation
des banques nationales. Alors que l’établissement de banques justifiant d’une expérience
pertinente est essentiel, la mise à profit de cette expérience dépend de tout un train de
mesures stratégiques touchant le secteur financier et visant à renforcer l’infrastructure
réglementaire et financière locale en s’appliquant uniformément à l’établissement des
banques étrangères comme nationales. Ces mesures peuvent notamment prévoir de
réduire la complexité et la lenteur des démarches d’obtention d’agréments, de réduire
les exigences de fonds propres initiaux pour les filiales de banque (en définissant des
exigences qui augmentent au même rythme que l’engagement commercial de la banque
étrangère et que ses expositions aux risques), de réduire ou de supprimer les exigences
en matière d’établissement de nouvelles succursales le cas échéant (en laissant par
exemple le soin aux banques de décider de la structure et de la sécurité de leurs locaux),
d’encourager la pleine mobilité de la main-d’œuvre (transfert de compétences), d’encou-
rager le recours à des plateformes informatiques communes et centralisées (tant pour le
fonctionnement interne que pour la fourniture de services aux clients), et d’encourager la
mise en place de systèmes d’audit et de gestion des risques. Ces facteurs contribueront
à renforcer l’efficacité de la fourniture de services bancaires et offriront une plateforme
permettant d’intensifier l’approfondissement financier.
Un autre moyen de réduire le coût des activités bancaires transfrontalières consis-
terait à sanctionner les réseaux de succursales transfrontaliers soumis à des exi-
gences réglementaires moins contraignantes que celles visant les filiales. Toutefois,
comme l’Europe en a fait l’expérience avec l’introduction, au début des années 90,
du « passeport » permettant aux succursales bancaires de franchir les frontières, un
accroissement de l’intégration des activités bancaires au-delà des frontières au moyen
de succursales doit s’accompagner d’une harmonisation correspondante des cadres
réglementaires et de supervision et des filets de sécurité financiers afin de contenir
efficacement les risques que fait peser une telle intégration sur la stabilité. Cette har-
Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique 147

monisation n’est toujours pas mise en place, même dans les régions d’Afrique davan-
tage intégrées. L’établissement d’un réseau de succursales à l’étranger peut s’avérer
particulièrement approprié au sein des unions monétaires où les infrastructures insti-
tutionnelles sont en place et les conditions macroéconomiques réunies. Cela étant, les
unions monétaires CFA d’Afrique orientale et centrale n’ont pas contribué à intégrer les
systèmes bancaires ou réglementaires. Alors que les unions monétaires existent depuis
un certain temps, le cadre réglementaire global semble toujours relativement faible, les
décisions importantes en matière de supervision (établissement et retrait) étant prises
par les ministères nationaux des finances plutôt que par les commissions bancaires
régionales, et la supervision même des groupes bancaires transfrontaliers ne s’exerçant
exclusivement qu’en fonction des frontières nationales. Le calendrier politique gagne-
rait donc à mettre l’accent sur le renforcement de l’intégration bancaire, en l’accom-
pagnant d’une mise à niveau du cadre réglementaire. La CAE a adopté une approche
quelque peu différente et prévoit de s’orienter vers une union monétaire à l’issue d’un
long processus d’intégration de l’économie réelle et du secteur financier. Dans ce cas, il
importe, parallèlement au processus d’intégration financière existant, tiré par le secteur
privé, d’accélérer l’intégration des cadres réglementaires transfrontaliers, en visant la
mise en place possible d’une supervision supranationale.

4.2 La coordination entre régulateurs africains : pratiques actuelles


et défis immédiats

Les pratiques actuelles révèlent d’importants écarts dans la coopération entre les
régulateurs et les superviseurs bancaires à travers le continent africain, certaines
sous-régions et paires de pays étant plus avancées que d’autres.

Convergence vers une application des normes internationales et mise à niveau


de la réglementation

Les pays doivent se doter d’un cadre réglementaire et de supervision cohérent s’ils
veulent faciliter et renforcer la coopération réglementaire entre eux. Comme l’a déjà
montré le chapitre précédent, ce processus ne saurait ni ne doit consister à « copier-col-
ler » les pratiques en matière de réglementation et de supervision entre pays, ce qui,
compte tenu des développements historiques et des traditions juridiques différentes sur
le continent, serait de toute façon très difficile à réaliser. Plusieurs raisons poussent les
pays à harmoniser leurs cadres réglementaires : instaurer des règles du jeu équitables
et éviter que les banques qui opèrent dans un pays au cadre réglementaire comparative-
ment laxiste/rigoureux ne soient indûment avantagées/désavantagées par rapport à leurs
concurrentes, réduire l’incertitude pesant sur la prévisibilité et l’uniformité réglementaire,
réduire les coûts de conformité, donner l’élan nécessaire au relèvement des normes dans
148 Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique

des environnements plus concurrentiels, et obtenir l’assurance que les risques liés à
l’intégration des activités bancaires transfrontalières sont efficacement maîtrisés. Alors
que les flux de capitaux et d’investissements ne cessent de se libéraliser, la question de
l’harmonisation devient cruciale. Dans la pratique, l’harmonisation implique un travail
de longue haleine même au sein de regroupements sous-régionaux comme la SADC et
la CAE et, afin d’atténuer le plus possible les risques et de tirer parti de ce processus
d’harmonisation, les autorités devront faire attention à l’enchaînement et à la coordina-
tion des étapes conduisant à l’homogénéité. Même au sein des deux zones monétaires
sous-régionales CFA, la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale
(CEMAC) et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), la mise en œuvre
des réglementations de manière harmonisée bute encore sur des difficultés en l’absence
d’un processus de résolution des faillites bancaires coordonné.
Les Principes fondamentaux de Bâle pour un contrôle bancaire efficace (PFB)
recommandent à l’attention des autorités de contrôle bancaire des meilleures pratiques
d’ordre général et servent fréquemment de référence pour la convergence réglemen-
taire régionale. Les évaluations des PFB mesurent les écarts par rapport aux normes
internationales dans le domaine de la supervision et de la réglementation bancaires,
et posent les jalons d’une évaluation indicative par rapport à laquelle mesurer les
progrès. Cela étant, comme nous l’avons déjà expliqué au troisième chapitre, les pays
dont les systèmes bancaires sont sous-développés et où les superviseurs font face à
des faiblesses généralisées et à des insuffisances de capacités doivent restés attentifs
à la façon dont ces normes orientent les programmes de réformes réglementaires.
Dans ces pays, tous les PFB ne sont pas d’égale importance à court terme, et l’efficacité
de la supervision peut profiter de l’ordre de priorité et d’enchaînement des efforts de
réforme, l’objectif étant de concentrer les rares ressources de supervision sur la gestion
de risques spécifiques dans les secteurs financiers respectifs et de combler les lacunes
en matière de réglementation et de supervision les plus urgentes.
Le respect des PFB est évalué dans le cadre des programmes d’évaluation du
secteur financier du FMI et de la Banque mondiale à travers le monde, qui prévoyaient
d’évaluer 18 autorités de contrôle africaines entre 2006 et 2013. Le Graphique 4.1
indique la conformité moyenne de ces 18 autorités de contrôle. Les PFB surlignés
correspondent aux six principes identifiés dans le Chapitre 3 comme les plus pertinents
pour la réglementation et la supervision des banques opérant en dehors de leurs fron-
tières : le Principe 3 (coopération et collaboration), le Principe 5 (critères d’agrément),
le Principe 7 (opérations importantes d’acquisition), le Principe 10 (déclarations aux
autorités de contrôle), le Principe 12 (contrôle sur une base consolidée), et le Principe
13 (relations entre les autorités du pays d’origine et du pays d’accueil). Il convient de
noter que la numérotation des PFB utilisée dans le Graphique 4.1 reprend l’ancienne
classification tirée de la version 2006 de ces Principes, étant donné que les évaluations
entreprises en Afrique sur cette période se fondent sur cette ancienne version.
Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique 149

Graphique 4.1 : Conformité moyenne avec les PFB en Afrique entre 2006 et 2013

Conforme

Largement
conforme

CONTRÔLE SUR UNE BASE CONSOLIDÉE

DU PAYS D’ORIGINE ET DU PAYS D’ACCUEIL


RELATIONS ENTRE LES AUTORITÉS
Largement

DÉCLARATIONS AUX AUTORITÉS


non conforme
CRITÈRES D’AGRÉMENT

Non conforme

DE CONTRÔLE
1
1.1
1.2
1.3
1.4
1.5
1.6
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Source : Banque mondiale. Les valeurs données dans le graphique illustrent la conformité moyenne aux PFB de 18 autorités
de contrôle africaines évaluées entre 2006 et 2013 par les experts du FMI/de la Banque mondiale. Le graphique ne tient pas
compte des autoévaluations réalisées par les autorités de contrôle africaines.

Dans l’ensemble, l’autorité de contrôle africaine médiane de cet échantillon se classe


majoritairement dans la catégorie « largement conforme » à l’ensemble complet des
PFB, puisqu’elle se conforme à cinq PFB sur les six identifiés ci-dessus comme les plus
pertinents pour la réglementation et la supervision des banques opérant en dehors de
leurs frontières. Cela étant, le Graphique 4.2 montre que cette médiane peut masquer
d’importantes disparités dans l’observation des six PFB particulièrement pertinents :

• S’agissant du Principe 3 sur la coopération et la collaboration, le pays africain


médian est largement conforme. Les pays africains sont en grande majorité jugés
pleinement ou largement conformes, seules quatre autorités de contrôle se classant
comme largement non conformes. Après l’expérience de la crise financière mon-
diale, toutefois, et compte tenu du développement des activités transfrontalières
dans les régions d’Afrique, il convient de noter que les normes ont été relevées ces
dernières années, comme le Chapitre 3 l’a plus amplement expliqué.

• Eu égard au Principe 5 sur les conditions d’agrément, l’évaluation montre que le pays
africain médian est encore une fois largement conforme. Cette médiane masque
toutefois d’importantes disparités, seuls quatre pays sur 18 étant jugés conformes et
huit – presque la moitié de l’échantillon – largement non conformes. Ce constat cor-
robore les informations attestant que préalablement à l’octroi aux filiales de banques
transfrontalières de l’agrément de s’établir dans leur système bancaire, le processus
de consultation des superviseurs des pays d’origine entrepris par la plupart des
150 Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique

superviseurs des pays d’accueil demeure relativement superficiel. Le Principe 5


demande, en outre, aux superviseurs d’évaluer si une banque étrangère qui s’établit
dans leur juridiction fait effectivement l’objet d’une supervision consolidée de la part
d’un superviseur conforme dans le pays d’origine. Dans la pratique, la capacité des
superviseurs bancaires à exercer une supervision consolidée efficace reste limitée et
sous-développée. Alors que les superviseurs des pays d’origine prennent de plus en
plus conscience de leurs responsabilités de fournir une supervision consolidée face à
l’émergence rapide de groupes bancaires transfrontaliers, la supervision consolidée
demeure un domaine de compétence relativement récent, particulièrement com-
plexe et en constant développement dans des pays comme le Kenya, le Nigeria et le
Maroc, ainsi que pour la Commission bancaire de l’UEMOA. Les pays d’accueil ont
tendance à penser qu’en l’absence de supervision consolidée, la meilleure protection
est celle qu’offre leur propre juridiction en exigeant la constitution d’une filiale. Alors
que cette démarche confère une certaine sécurité, elle ne tient pas nécessairement
compte de tous les risques susceptibles de survenir et n’élimine certainement pas
la nécessité pour le superviseur du pays d’accueil de continuer à travailler en étroite
collaboration avec le superviseur du pays d’origine de la banque, ou en fait avec les
superviseurs de toute autre juridiction où la banque possède une part significative
d’activités, comme déjà expliqué plus haut.

• Selon le Principe 7, qui porte sur les opérations importantes d’acquisition, les
autorités de contrôle doivent être « habilitées à approuver ou à rejeter les opérations
importantes d’acquisition ou d’investissement d’une banque au regard de critères
prudentiels définis, y compris l’établissement d’activités à l’étranger, et à vérifier que
la structure du groupe ou de l’entreprise ne l’expose pas à des risques excessifs ou
ne s’oppose pas à un contrôle efficace ». Le pays africain médian ressort là encore
largement conforme, même si seuls trois pays sont pleinement conformes. Cinq pays
ont été jugés largement non conformes.

• Sur les PFB recensés dans cette liste, le Principe 10 sur les déclarations aux auto-
rités de contrôle figure parmi les principes les plus respectés par les autorités de
contrôle évaluées. Quatorze pays ressortent conformes ou largement conformes de
l’évaluation, contre seulement quatre pays largement non conformes.

• À l’inverse, le Principe 12 sur le contrôle sur une base consolidée pose les plus
grandes difficultés aux superviseurs africains ; le pays africain médian ressortant
largement non conforme. Sur les 18 pays pour lesquels des évaluations du respect
des PFB sont disponibles, seuls trois ont été jugés pleinement conformes et deux
non conformes. Neuf pays ressortent largement non conformes de l’évaluation.
Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique 151

• S’agissant du Principe 13 sur les relations entre les autorités du pays d’origine et
du pays d’accueil, les 18 pays africains ressortent largement conformes. Même ici,
toutefois, sept pays sont jugés largement non conformes.

Graphique 4.2 : Conformité avec une sélection de PFB pertinents pour la


supervision bancaire transfrontalière en Afrique entre 2006 et 2013

12

10

8
Nombre de pays

0
Coopération Critères Opérations Déclaration Contrôle sur Relations
d’agrément importantes aux autorités une base entre les
d’acquisition de contrôle consolidée autorités du
pays d’origine
et du pays
d’accueil

Conforme Largement conforme Largement non conforme Non conforme Non évalué

Source : Banque mondiale. Les valeurs données dans le graphique illustrent la conformité moyenne aux PFB de 18 autorités
de contrôle africaines évaluées entre 2006 et 2013 par les experts du FMI/de la Banque mondiale. Le graphique ne tient pas
compte des autoévaluations réalisées par les autorités de contrôle africaines.

L’harmonisation réglementaire est un projet ambitieux, et il importe de veiller à


concentrer les efforts sur les problématiques clés notamment dans un environnement
pâtissant de graves contraintes de capacités. L’ordre de priorité et d’enchaînement est
essentiel, et il convient de mettre l’accent sur les domaines politiques dont l’harmonisa-
tion est un élément essentiel du programme d’intégration. Une mise en œuvre efficace
prendra inévitablement plus de temps dans les pays en plus grande difficulté, et il
faudra veiller à ne pas précipiter l’adoption des législations et des réglementations sans
un renforcement correspondant des capacités de mise en œuvre et de supervision.
Des progrès ont été réalisés dans la mise à niveau des capacités de supervision,
de même que d’importantes initiatives ont été prises en faveur de la convergence. Les
pays membres de la CAE, par exemple, s’efforcent systématiquement d’harmoniser les
règles et les pratiques de contrôle prudentiel dans la région. Dans un premier temps,
les banques centrales de la CAE sont encouragées à accélérer la mise en place de
cadres nationaux. Il est prévu ensuite d’élaborer un ensemble commun de définitions,
152 Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique

de concepts et de principes d’organisation qui régira la fonction de stabilité financière


des banques centrales de la CAE. Le Sous-comité de supervision bancaire de la CAE
s’est, notamment, également attaché à promouvoir les agences de notation du crédit,
définir une feuille de route dont l’objectif est l’adoption de l’accord Bâle II, encourager
l’élaboration d’un cadre réglementaire consolidé pour les services financiers, garan-
tir que la mission d’octroi des agréments incombe bien à la banque centrale (et non
au ministère des Finances), et assurer une consultation conjointe dans le processus
d’octroi d’agréments aux nouveaux établissements financiers et à leurs bureaux de
représentation.
Dans la SADC, le Protocole sur la finance et l’investissement (PFI) prévoit de ren-
forcer la coopération et la coordination des politiques en matière de réglementation et
de supervision entre les banques centrales de la région. Il encourage également les
états membres de la SADC à définir des normes de pratiques et de règles harmonisées,
garantissant ainsi que toutes les banques centrales de la communauté observent des
procédures et des cadres opérationnels communs. L’objectif à long terme est de par-
venir à doter la SADC d’une approche cohérente et convergente s’agissant des activités
bancaires dans la région sur la base de laquelle la communauté pourra opérer son
passage à une union monétaire sous la responsabilité d’une banque centrale unique.
Le Comité des gouverneurs des banques centrales (CGBC) a rédigé une loi type sur
la banque centrale. Cette loi type a pour objet d’harmoniser les législations des états
membres de la SADC sur les banques centrales, en prévoyant notamment l’adoption de
principes généraux qui facilitent l’indépendance opérationnelle des banques centrales,
ainsi que de normes de responsabilité et de transparence dans les cadres juridiques et
opérationnels des banques centrales.
Un autre aspect de la convergence est le renforcement coordonné du respect des
normes internationales portant sur la réglementation et la supervision des activi-
tés bancaires, notamment en matière de supervision consolidée. Dans le cadre, par
exemple, du PFI, les états membres de la SADC ont convenu de travailler à la pleine
conformité avec les PFB et de réaliser des évaluations externes et internes afin de
mesurer les progrès réalisés dans la poursuite de cet objectif. En dépit du processus
de convergence réglementaire dans plusieurs sous-régions d’Afrique, d’importantes
différences subsistent au niveau des cultures de supervision. La réalisation de cette
convergence va prendre considérablement plus de temps. Restent en effet à résoudre
les problèmes liés à la révision des cadres juridiques et réglementaires nationaux
respectifs pour y incorporer le principe de supervision consolidée, et ceux posés par le
renforcement des relations avec les autres superviseurs internationaux au moyen de
protocoles d’accord avec les régulateurs du secteur bancaire et des autres secteurs.
Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique 153

La supervision consolidée

Rares sont les pays africains à s’être dotés de cadres réglementaires satisfaisants en
matière de supervision consolidée, une situation de plus en plus problématique alors que
plusieurs pays africains voient leur rôle gagner en importance en tant que pays d’origine
de grandes banques panafricaines. Même lorsque ces cadres sont officiellement en place,
il est essentiel d’entreprendre des actions plus ambitieuses que le simple respect des
règles qu’ils édictent pour envisager leur mise en œuvre efficace. La question de savoir
qui est supervisé en vertu de quel régime est une préoccupation centrale.
Une sous-région dans laquelle la supervision consolidée, y compris l’identification
des véritables propriétaires en dernier ressort et des intérêts à l’échelle d’un groupe,
suscite une vive inquiétude est l’UEMOA où la plupart des groupes bancaires transfron-
taliers sont gérés par des holdings commerciales, par opposition aux établissements
de crédit. Ces holdings échappent au champ d’application de la loi sur les activités ban-
caires. Alors que la Commission bancaire de l’UMOA (WBC) dispose de certains droits à
l’égard de ces holdings en tant que propriétaires d’établissements de crédit, des zones
d’ombre subsistent et les interventions de la WBC en la matière sont contestées. Bien
que les décisions de la WBC prévalent dans chacun des états membres de l’UEMOA, la
commission ne dispose que de pouvoirs limités en dehors de la région, et ce, même si
un établissement de crédit possède des filiales ou une société mère dans la zone.
De facto, la WBC supervise chaque banque sur une base individuelle au niveau des
pays, et assure le rôle de superviseur du pays d’origine même si la banque fait partie
d’un groupe. Aucune donnée consolidée n’est collectée ni encore moins analysée. Aucun
examen systématique du groupe de la holding, de sa situation et de ses opérations
financières, n’est entrepris, sauf lorsque ce groupe sollicite un agrément pour un nou-
veau membre (cf. Encadré 4.1).
Plus généralement, en raison de leur structure d’entreprise souvent complexe,
de nombreux groupes financiers sont par définition difficiles à superviser. Le groupe
sud-africain Standard Bank et le groupe FirstRand, par exemple, présentent tous les
deux des structures de holding complexes, et possèdent également de nombreuses
filiales, ce qui rend l’appréciation des risques particulièrement délicate. Plusieurs
des gros groupes financiers, y compris Standard Bank Group et Ecobank, seraient par
ailleurs soumis à d’importantes expositions intragroupe. La difficulté d’obtenir des
informations sur les expositions intragroupe complique un peu plus encore la tâche déjà
ardue de contrôler ces groupes. L’importante présence régionale de ces groupes signifie
en outre que la contagion par un de leurs pays d’implantation pourrait éventuellement
franchir les frontières.
Le Kenya compte parmi les pays ayant récemment mis à niveau leur dispositif de
supervision consolidée des activités bancaires. En collaboration avec les autres régula-
teurs kenyans et les régulateurs des pays d’accueil d’Afrique de l’Est, la Banque centrale
154 Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique

du Kenya a défini et déploie un cadre destiné à identifier les véritables propriétaires/béné-


ficiaires au sein des structures de groupe complexes du secteur financier. Elle s’appuie
sur le collège de superviseurs pour la Kenya Commercial Bank, banque kenyane la plus
active à l’étranger, qui constitue un projet pilote pour la mise en œuvre ce cadre.
Pour résumer, si la supervision consolidée est un gage d’atténuation des risques
résultant de l’intégration croissante des banques dans la région, elle exige toutefois
d’importantes mises à niveau tant au niveau des législations/réglementations que de
leur mise en œuvre.

Encadré 4.1 : Des responsabilités partagées au sein l’UEMOA


L’expérience internationale et africaine montre que le fait de déléguer l’ensemble
des décisions majeures en matière de supervision, y compris celles ayant trait à l’octroi
d’agréments et aux interventions, à des superviseurs indépendants peut contribuer à
renforcer la stabilité bancaire. Même si la supervision bancaire est centralisée au sein
de l’UEMOA, les décisions en matière de supervision prises par la Commission bancaire
de l’UEMOA (WBC) sont encore souvent soumises à l’approbation des autorités publiques
de chaque pays. S’agissant des banques transfrontalières, la supervision s’exerce encore
principalement sur une base nationale, sans guère de considération pour le fait qu’une
banque sous supervision peut appartenir à un groupe transfrontalier. Et même si la WBC
est l’unique autorité de contrôle de l’union, la résolution des faillites bancaires conti-
nue officiellement d’incomber aux autorités nationales, nombreuses d’entre elles se
montrant réticentes à prendre la décision de restructurer et/ou de liquider les banques
en faillite.
Ce partage entre les responsabilités de supervision bancaire, et le pouvoir et les
ressources permettant de sauver les banques ou de résoudre leur problème d’insolvabi-
lité est particulièrement préoccupant dans le cas des grandes banques transfrontalières
souvent constituées en groupes et pouvant être affiliées à des structures de groupes
bancaires ou non bancaires qui rendent la supervision consolidée particulièrement
difficile. Car, pour l’heure, la WBC n’est pas habilitée à superviser les holdings des
groupes bancaires lorsque celles-ci ne sont pas des banques. Étant donné la complexité
de certaines structures bancaires, le risque de malversation est réel, et il est essentiel
d’élargir les pouvoirs de la Commission bancaire de l’UEMOA de sorte que les groupes
ayant des intérêts dans le secteur bancaire soient supervisés sur une base pleinement
consolidée.
Cet effort visant à renforcer la supervision consolidée est réciproque et concerne égale-
ment les autorités du Maroc, du Nigeria et de la Libye, par exemple, où plusieurs banques
présentes dans l’UEMOA ont désormais leur siège. Dans ce cas, la WBC en tant que super-
viseur du pays d’accueil, doit s’assurer que les autorités des pays d’origine consacrent des
moyens adéquats à la supervision efficace des structures et des activités de ces groupes
bancaires.
Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique 155

Les protocoles d’accord

Les protocoles d’accord se multiplient autant dans la région qu’entre les supervi-
seurs des pays d’accueil de la région et les superviseurs des pays d’origine en dehors
de la région. On dénombre au moins 30 protocoles d’accord bilatéraux entre les contrô-
leurs bancaires africains, plus de 20 protocoles d’accord bilatéraux avec des pays en
dehors de l’Afrique, et plus d’une douzaine de nouveaux protocoles d’accord en cours de
préparation. Il existe en outre plusieurs protocoles d’accord multilatéraux, dont un entre
les pays de la CAE (plus amplement présenté plus bas) et un dans la Zone monétaire
de l’Afrique de l’Ouest (ZMAO) entre le Nigeria, le Ghana, la Sierra Leone, la Gambie et
le Liberia. Même lorsque ces protocoles existent, il n’est pas rare qu’aucune entente
officielle régissant la fréquence et les méthodes de communication ne soit en place.
Plus grave encore, ces protocoles d’accord ne couvrent qu’une infime partie des liens
bancaires transfrontaliers.
Preuve de l’inefficacité de de cette couverture, la Commission bancaire de l’UE-
MOA n’a conclu que cinq protocoles d’accord avec d’autres superviseurs, alors que
les banques transfrontalières de l’Union sont présentes dans 30 pays. Des accords
de coopération bilatérale ont été conclus avec les autorités de contrôle de France, du
Maroc, du Nigeria, de la Guinée et de la CEMAC. Il reste toutefois 19 pays concernés
avec lesquels la WBC n’a établi aucune forme officielle ou officieuse de collaboration.
Il convient toutefois de noter que les autorités de contrôle africaines ont considéra-
blement progressé dans leurs efforts pour combler les vides dans la couverture des
protocoles d’accord ces dernières années.
Dans la région SADC, les protocoles d’accord bilatéraux constituent le principal
mécanisme permettant de faciliter l’échange d’informations. On recense neuf protocoles
d’accord dont les deux pays signataires sont membres de la SADC. L’Afrique du Sud a par
ailleurs conclu des protocoles d’accord avec trois autres pays africains et onze pays en
dehors de l’Afrique, et l’Île Maurice avec sept autorités de contrôle non africaines. Plus
important encore, la grande majorité des protocoles d’accord de la SADC n’abordent pas
la question de la résolution des problèmes d’insolvabilité des établissements transfron-
taliers. La Banque centrale de l’Île Maurice n’a commencé à intégrer ce type de disposi-
tions dans ses protocoles d’accord que très récemment (avec, par exemple, les autorités
du Malawi et de l’Inde). L’Afrique du Sud ne s’est pas encore dotée d’une stratégie de
résolution des faillites transfrontalières, et, pour l’heure, cherche en réalité à renforcer
son cadre juridique qui régit la résolution de l’insolvabilité et des faillites bancaires – une
démarche visant dans un premier temps à établir un cadre de résolution coordonné en
cas de défaillances des structures de groupe du secteur financier sud-africain. Les auto-
rités de la SADC ne semblent pas particulièrement disposées à envisager de transférer
une partie de leurs pouvoirs à une institution régionale, au motif que cette étape doit être
précédée d’une plus grande harmonisation juridique et réglementaire.
156 Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique

Les collèges de superviseurs

Les collèges de superviseurs réunissent les superviseurs des pays où une banque
transfrontalière particulière exerce des activités, et sont généralement convoqués à
l’initiative du superviseur du pays d’origine. La question du recours aux collèges de
superviseurs en Afrique doit se poser à la lumière de la distinction suivante : participation
des superviseurs africains aux collèges créés par les superviseurs de pays d’origine en
dehors du continent, d’une part, et collèges de superviseurs au sein du continent, d’autre
part. Si les collèges de superviseurs des grandes banques transfrontalières non africaines
existent depuis un certain temps, peu de superviseurs africains y prennent part – essen-
tiellement parce qu’ils n’y sont pas conviés. Cette absence confirme le peu d’importance
que portent les banques mères et donc les superviseurs de leur pays d’origine à leurs
filiales. Rares sont les exemples d’une participation africaine aux collèges de supervi-
seurs portant sur des banques non africaines. Citons notamment la participation de la
Banque de l’Île Maurice aux collèges de la State Bank of India, de Bank of Baroda, de
Deutsche Bank, de HSBC, de Standard Chartered, de Barclays Bank plc, et de la banque
sud-africaine Standard Bank. La Banque centrale d’Afrique du Sud participe au collège de
superviseurs de Barclays, ce qui n’a rien de surprenant sachant que Barclays Africa Group
constitue un puissant levier de croissance de Barclays, ainsi qu’à celui de China Construc-
tion Bank. Autre exemple, la participation de la Banque du Mozambique au collège du
groupe portugais Portuguese Grupo Banco Comercial Portugues.
Si les collèges de superviseurs pour les banques transfrontalières africaines ne
cessent de se multiplier, souvent sous l’impulsion des protocoles d’accord, il reste
encore beaucoup à faire. Le Kenya s’est attelé à la mise en place d’un collège pour ses
plus importantes banques transfrontalières. Pionnière dans les initiatives pour gérer
les risques bancaires sur une base consolidée, la Banque centrale du Kenya a conclu un
protocole d’accord avec d’autres autorités de réglementation kenyanes (dans les secteurs
de l’assurance, des marchés de capitaux et des retraites) en 2009. Elle prévoit d’institu-
tionnaliser la coopération avec les superviseurs des pays d’origines compétents, et le
Centre régional d’assistance technique en Afrique de l’Est du FMI l’assiste dans l’établis-
sement de collèges de superviseurs. Le premier, le collège de superviseurs pour la Kenya
Commercial Bank, a été créé à Nairobi en octobre 2012. D’autres devraient suivre dans un
proche avenir.
Pour l’heure, les seuls collèges de superviseurs en place dans la SADC sont les deux col-
lèges pour la Mauritius Commercial Bank et la State Bank of Mauritius, convoqués pour la
première fois fin 2013, et le collège pour la banque sud-africaine Standard Bank. Au sein de
la CEDEAO, les gouverneurs des banques centrales et les régulateurs se réunissent réguliè-
rement pour discuter de l’harmonisation réglementaire et échanger leurs expériences.
Bien que des progrès aient été réalisés dans l’établissement de collèges de supervi-
seurs au sein de la région formée par la Zone monétaire de l’Afrique de l’Ouest (ZMAO),
Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique 157

les résultats sont pour le moment plutôt parcellaires. Si la ZMAO s’est dotée d’un « col-
lège de superviseurs » général qui se réunit régulièrement, cette instance n’en demeure
pas moins générique et la participation se caractérise davantage par la représentation
des pays que par celle de banques individuelles. Ce collège cherche plus à améliorer la
coordination, la coopération et l’échange d’informations entre les superviseurs au sein
de la ZMAO en général qu’à renforcer la supervision d’une banque en particulier. Le
problème tient ici à la capacité de faire coïncider ou non l’implantation géographique des
banques actives dans la ZMAO avec la composition du collège à l’échelle de la ZMAO. Pour
le moment, il n’existe aucun collège de superviseurs spécifique pour les banques nigé-
rianes ayant des filiales étrangères, ni même pour Ecobank dont le siège est situé au Togo
et qui possède des filiales dans tout le continent. Dans ces conditions, les superviseurs
disposent de peu de moyens pour vérifier les informations portant sur les mouvements de
liquidités au sein du groupe et les flux de capitaux transfrontaliers. Alors que les sociétés
mères peuvent estimer que leurs filiales ne sont pas d’importance systémique, celles-ci
peuvent pourtant revêtir une importance systémique dans les pays d’accueil comme la
Sierra Leone, le Ghana et le Liberia où elles sont implantées. Conscientes de l’intérêt
commun de gérer les risques dans les pays d’origine/d’accueil, la Banque centrale du
Nigeria et les banques centrales des pays d’accueil concernés ont entamé des examens
conjoints des banques nigérianes dans les pays d’Afrique de l’ouest (Gambie, Ghana,
Guinée et Sierra Leone).
Il ressort, d’une manière générale, que la mise en œuvre dans la pratique ne suit pas
les ententes officielles, qui elles-mêmes n’offrent pas de bases suffisantes pour l’instau-
ration d’une supervision efficace des banques transfrontalières en Afrique. Les facteurs
culturels et historiques peuvent compliquer la coopération entre certains pays ou au sein
de sous-régions. C’est le cas, notamment, de la coopération avec l’Afrique du Sud, essen-
tiellement pour des raisons historiques liées au régime de l’apartheid. Cela étant, se pose
également la question de la taille asymétrique et, partant, de l’importance économique,
comme dans le cas du Kenya vis-à-vis de ses voisins, ou du Nigeria par rapport à d’autres
pays du continent, qui est cruciale dans la détermination de l’importance significative des
activités dans le pays d’accueil pour la banque mère.

Vides dans les cadres de résolution et préparation insuffisante aux crises

Il est de plus en plus admis que des cadres de résolution efficaces sont essentiels
non seulement pour faire face aux crises bancaires à la fois spécifiques et systémiques,
mais aussi pour peser sur la prise de risque des établissements financiers en temps
normal. Pour autant, rares sont les pays africains à s’être dotés d’un cadre de résolution
des faillites bancaires distinct, et dans la plupart des pays, ce sont soit les superviseurs,
soit les tribunaux qui ont la possibilité d’intervenir dans les affaires bancaires (Beck et
al., 2011). Même en Afrique du Sud, les superviseurs doivent obtenir l’aval du ministre
158 Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique

des Finances avant de pouvoir intervenir auprès d’une banque. Le flou juridique en
termes de pouvoirs d’intervention et, plus grave encore, l’absence d’un cadre limpide
pour la résolution des problèmes des banques en difficulté sapent non seulement la
discipline du marché, mais aussi l’indépendance de contrôle vis-à-vis des banques.
Les programmes nationaux doivent donc prévoir de remédier en priorité à l’absence de
cadre juridique approprié pour prendre en charge les banques en difficulté.
Il est par ailleurs nécessaire d’établir et d’éprouver des mécanismes d’intervention
efficaces en cas de crise. Plusieurs pays de la région, y compris l’Afrique du Sud, la
Namibie et l’Ouganda, ont entrepris de revoir tous les aspects de leur cadre de gestion
de crise et de résolution des faillites bancaires. Certains pays ont réalisé des exer-
cices de simulation de crise, qui ont fourni à leur tour un bon point de départ pour une
planification plus systématique des situations de crise. Comme évoqué à la section 3.4,
les améliorations apportées à la résolution des faillites bancaires sur le plan national
devraient servir de base au renforcement de la coopération transfrontalière sur la pré-
paration aux crises.

Forums de coopération régionale et transcontinentale

Les efforts du continent africain pour créer des organisations et des plateformes de
collaboration sous-régionales sont nombreux, et les adhésions souvent redondantes.
L’expérience de la collaboration au sein de ces blocs fait apparaître des disparités. Dans
certains cas, frustrés par la lenteur des changements, des groupes de pays appartenant
à ces blocs tentent d’instaurer une collaboration plus étroite, alors que dans d’autres,
les pays préfèrent prendre leurs distances à l’égard d’une collaboration plus poussée.
La SADC compte deux institutions régionales qui servent de forums de coordination
sur la coopération réglementaire au-delà des frontières : le Comité des gouverneurs
des banques centrales (CGBC) et la Sous-commission des superviseurs bancaires de la
SADC (SCSB). Alors que le CGBC a été établi aux fins générales d’encourager le proces-
sus de coopération et d’intégration économique régionale, la SCSB a été spécifiquement
créée en 2005 pour s’atteler à la coordination des activités de supervision bancaire.
La SCSB a été instaurée sur la base du Protocole sur la finance et l’investissement,
et plus particulièrement de son Annexe 8 qui « vise à faciliter l’application efficace de
normes réglementaires et de supervision internationales aux systèmes bancaires de la
région, et [à] harmoniser les questions de réglementation et de supervision des activités
bancaires dans les états membres ». La SCSB, qui comprend deux représentants de
la supervision bancaire de chaque banque centrale de la SADC, se réunit une ou deux
fois par an pour mettre en œuvre le programme de travail approuvé par le CGBC. Les
principales initiatives du CGBC et de la SCSB portent sur l’harmonisation des normes
réglementaires, et prévoient de (a) concevoir une plateforme informatique destinée à
promouvoir l’harmonisation de la supervision bancaire, (b) rédiger une Loi type sur la
Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique 159

banque centrale, et (c) rédiger une Loi type sur les systèmes de paiement et une autre
sur la réglementation bancaire.
Si des progrès ont manifestement été réalisés, les pays de la SADC se trouvent à des
stades très différents du processus d’adoption des meilleures pratiques internationales
en matière de supervision bancaire. Difficile d’imaginer que le superviseur d’un pays
d’origine/d’accueil comme l’Afrique du Sud ou l’Île Maurice se sente rassuré à l’idée
de dépendre d’informations en provenance d’un pays qui s’efforce encore d’appliquer
l’accord de Bâle I, qui n’observe pas les Normes internationales d’information financière
(IFRS), et qui ne respecte pas plusieurs des PFB pertinents. Parallèlement, le supervi-
seur d’un tel pays d’accueil pourrait éprouver des difficultés à analyser et à intégrer les
informations d’un pays d’origine doté d’une cadre de supervision plus avancé.
L’Application de la supervision bancaire (ASB) est un autre exemple d’initiative
régionale en faveur de l’harmonisation de la supervision bancaire. Proposée à l’origine
par le Groupe de superviseurs bancaires de l’Afrique orientale et australe (ESAF), l’ASB
a été développée avec le concours du CGBC entre 2002 et 2003. D’abord hébergée par
la Banque centrale d’Afrique du Sud à Pretoria, l’ASB a depuis été transférée à Maputo.
L’ASB fait office de plateforme générique pour tout un ensemble de fonctions de super-
vision bancaire comme l’octroi d’agréments, la supervision sur place et sur pièces,
la mise à jour des bases de données prudentielles, et les mesures d’exécution. L’ASB
facilite la saisie et la validation informatiques des informations fournies par les banques
commerciales et d’autres établissements financiers soumis à des obligations de décla-
ration. Elle facilite également les évaluations prudentielles, y compris l’évaluation de la
conformité aux PFB. L’ASB a été adoptée par tous les membres de la SADC, à l’exception
du Botswana, de l’Île Maurice, des Seychelles et de la Tanzanie.
Un des principaux obstacles au renforcement de l’intégration financière à l’échelle
de la région réside dans la multiplicité des modèles législatifs et institutionnels mis en
place par les états membres de la SADC. La Loi type de la SADC sur la banque centrale
a été approuvée par les ministres des finances de la SADC en juillet 2009. Du point
de vue du renforcement de la supervision transfrontalière, les dispositions les plus
importantes sont sans doute celles qui établissent l’autonomie juridique et opération-
nelle de la Banque centrale. En l’absence d’indépendance à la fois de jure et de facto,
les ingérences politiques risquent de réduire à néant les efforts d’harmonisation de
la supervision bancaire. Le CGBC a rappelé que le processus d’élaboration d’une Loi
type que toutes les parties pourraient adopter était plus difficile que prévu. Il s’est par
ailleurs avéré compliqué de définir un calendrier de mise en conformité, dans la mesure
où chaque pays était autorisé à travailler à son propre rythme (GIZ, 2012c).
En Afrique orientale, l’histoire coloniale commune (dans le cas des trois premiers
membres, à savoir le Kenya, la Tanzanie et l’Ouganda), ainsi que l’étroite coopéra-
tion entre les différentes banques centrales, facilitent le processus d’intégration
réglementaire. L’objectif d’une zone monétaire commune fait par ailleurs peser
160 Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique

des exigences d’intégration réglementaire plus grandes encore que dans les autres
sous-régions. Parallèlement, cette intégration offre également la possibilité de tirer
parti du renforcement de l’approfondissement et de la concurrence du secteur finan-
cier au sein de la CAE.
La coopération transfrontalière entre les banques centrales en matière de régle-
mentation et de supervision bancaire s’inscrit dans le cadre d’un programme de
coopération plus vaste qui intègre également les politiques monétaires et de taux de
change. L’article 85 du Traité de la CAE (sur le développement du secteur bancaire et
du marché des capitaux) prévoit plus particulièrement le développement et l’intégra-
tion de marchés financiers et les cadres juridiques et réglementaires correspondants
préalablement à l’établissement à long terme de l’Union monétaire est-africaine
(UMEA). Plusieurs alinéas de cet article renvoient directement aux questions de la
réglementation et de la supervision bancaires et appellent notamment à l’harmonisa-
tion des lois bancaires (alinéa b), ainsi qu’à l’harmonisation des cadres réglementaires
et législatifs et des structures réglementaires (alinéa d). Alors que le programme
d’intégration du marché financier ne se limite pas à l’activité bancaire et englobe
également les marchés de capitaux et les secteurs de l’assurance et des retraites,
le secteur bancaire figure naturellement parmi les grandes priorités du programme,
compte tenu de son importance au sein des systèmes financiers des pays de la CAE
et du rôle des banques centrales en tant que moteurs de ce processus d’intégration.
La CAE a par la suite pris plusieurs mesures pour institutionnaliser la coopération en
matière de supervision entre les cinq pays membres.
Établie en 1977 et composée des banques centrales des états membres, la
Commission des affaires monétaires (CAM) s’inscrit au cœur de la coopération en
matière de supervision à l’échelle de la région. Elle a pour principale mission de faire
progresser la mise en œuvre des décisions prises par la CAE jusqu’à atteindre la
pleine intégration visée des états membres. Participent aux réunions de la CAM les
gouverneurs des banques centrales, ainsi que les représentants de divers services
de ces banques centrales, parmi lesquels les services de supervision. Ces réunions
sont l’occasion d’aborder un vaste éventail de domaines et de thèmes, y compris la
politique monétaire, la réglementation bancaire et l’inclusion financière. Ces réunions
sont préparées par des groupes de travail au niveau des cinq banques centrales, qui
assurent également les tâches de suivi au niveau technique.
Les banques centrales de la CAE ont en outre signé un protocole d’accord multi-
latéral en 2008 en vue de faciliter la collaboration dans les activités de supervision
et d’échange d’informations, l’objectif étant de renforcer l’intégration financière
régionale. Ce protocole d’accord a facilité le renforcement de la coopération entre les
autorités de la CAE, y compris la réalisation d’inspections conjointes sur place des
banques et les possibilités de formation. Cela étant, le protocole d’accord n’aborde
pas les questions liées à la gestion de crise. Il convient par ailleurs de noter que les
Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique 161

activités conjointes de supervision ne répondent pas pour l’heure aux besoins de


supervision transfrontalière, même si elles ciblent généralement les banques trans-
frontalières. Plus modeste, l’objectif immédiat est de faciliter l’échange d’expériences
et d’encourager un processus d’apprentissage mutuel.
Au vu de la prédominance croissante des groupes bancaires panafricains qui
opèrent dans les pays sans tenir compte de leurs affiliations sous-régionales, le fait
que certains établissements financiers puissent se borner à exploiter les éventuelles
opportunités que ce processus pourrait fournir en termes d’arbitrage réglementaire
est largement reconnu. D’un autre côté, à condition de les associer convenablement
au processus, les entités commerciales pourraient agir comme un puissant groupe
de pression afin de persuader les autorités publiques des avantages d’une coopé-
ration régionale plus étroite dans l’instauration de règles de jeu équitables et d’une
plus grande ouverture des marchés. Les autorités nationales africaines seraient bien
avisées de tirer parti de cette éventuelle initiative privée et de s’engager de manière
proactive dans un partenariat privé/public visant à renforcer l’expansion prudente de
l’intégration bancaire.
Enfin, la Communauté des Superviseurs Bancaires Africains (CSBA) a été établie
en janvier 2013 en tant qu’organe subsidiaire de l’Association des Banques Centrales
Africaines (ABCA). La CSBA est censée devenir une plateforme destinée au maintien
et à l’approfondissement du dialogue entre les superviseurs bancaires africains au
niveau des responsables de la supervision bancaire. Comme l’indique le communi-
qué de la réunion inaugurale de la CSBA, qui s’est déroulée en Algérie, la « CSBA
est appelée à évoluer en une plateforme qui permettra aux superviseurs bancaires
d’échanger leurs points de vue, d’apprendre des pairs, de rebondir sur les débats
internationaux pertinents et d’aider à relayer les préoccupations du continent. Elle a
pour principal objectif de contribuer aux efforts en cours pour renforcer les cadres de
réglementation et de supervision bancaire du continent ». Au fil du temps, la CSBA
peut s’imposer sur le continent comme une plateforme stratégique permettant de
débattre des problèmes liés à la coopération au-delà des frontières. Si cette plate-
forme peut jouer un rôle décisif dans l’instauration d’un dialogue politique régional
et dans la mise en place d’un programme de renforcement des capacités, la coopé-
ration au jour le jour doit être mise en œuvre à un niveau bilatéral, voire au niveau de
petits groupes ciblant des établissements transfrontaliers spécifiques. La CSBA peut
néanmoins s’imposer comme un relais stratégique d’échange d’idées et d’expériences
et de convergence vers un ensemble commun de normes internationales, tout en faci-
litant le développement de cadres réglementaires adaptés à l’Afrique et en servant de
point de départ à une coopération plus étroite entre pays ou pour une banque donnée.
162 Chapitre 4: Les enjeux actuels de la coopération transfrontalière en matière de réglementation et de supervision en Afrique

4.2 Conclusion

Ce chapitre a présenté l’état actuel de la coopération réglementaire transfrontalière


en Afrique. Si les activités bancaires transfrontalières ont encore d’importants avan-
tages à offrir comme moyens d’encourager l’approfondissement du secteur financier,
des garanties supplémentaires sont nécessaires. Les pratiques actuelles révèlent que
la coopération entre régulateurs en est encore à ses balbutiements et qu’elle est en
pleine évolution. Malgré des progrès dans la mise à niveau des capacités de supervi-
sion et vers la convergence réglementaire ces dernières années, d’importants écarts
subsistent entre les meilleures pratiques internationales qui ont trait à la supervision
consolidée, aux protocoles d’accord et aux collèges de superviseurs, et la réalité sur le
terrain. Les objectifs évoluent également, tant en termes de pratiques jugées bonnes ou
exemplaires en matière de coopération réglementaire transfrontalière, qu’en termes de
réponse réglementaire requise, compte tenu du rapide développement de l’intégration
bancaire transfrontalière sur le continent.
5.
Quel avenir
pour la coopération
réglementaire
transfrontalière
en Afrique ?
164 Chapitre 5 : Quel avenir pour la coopération réglementaire transfrontalière en Afrique ?

5. Quel avenir pour la coopération


réglementaire transfrontalière en Afrique ?

L’Afrique est le théâtre d’une intégration croissante de ses marchés bancaires. Le


présent rapport a démontré que cette tendance est porteuse d’avantages considérables.
L’Afrique offre un potentiel probablement plus important qu’ailleurs de tirer profit du
développement financier et économique, étant donné l’étroitesse et le peu de profon-
deur des marchés financiers. Les activités bancaires transfrontalières s’accompagnent
toutefois de risques liés à la contagion et aux problèmes de coordination entre les régu-
lateurs. Ces risques vont probablement s’intensifier au fil du temps, à mesure que les
systèmes financiers africains poursuivent leur approfondissement et que les banques
régionales continuent de gagner en importance.
Ce chapitre final dresse tout d’abord une liste (loin d’être exhaustive) de recomman-
dations de politiques générales pouvant contribuer à tirer profit des avantages des acti-
vités bancaires transfrontalières tout en maîtrisant les risques qui y sont liés. Il passe
ensuite en revue quelques observations générales concernant la coopération entre les
autorités africaines sur les futurs problèmes que vont poser les activités bancaires
transfrontalières et s’achève par la conclusion générale qu’il est impératif de renforcer
de manière significative l’échange d’informations entre les autorités africaines pour
tirer efficacement parti des avantages des activités bancaires transfrontalières et mieux
en atténuer les risques.

5.1 Recommandations de politiques générales

Étant donné le fort niveau d’agrégation, les recommandations générales qui suivent
doivent être différenciées et adaptées au contexte spécifique de chaque pays et tenir
compte des disparités importantes entre les cadres réglementaires, les besoins de
stabilité sur le continent, et le niveau d’intégration et d’harmonisation réglementaire
au sein des sous-régions. Elles doivent enfin être ajustées en fonction de l’intensité des
liens bancaires transfrontaliers entre les paires de pays et au sein des sous-régions.
Le tableau ci-après (Tableau 5.1) synthétise ces différents champs d’action politique
en fonction de trois objectifs politiques et de trois niveaux décisionnels. Les trois objec-
tifs politiques sont les suivants : (a) mettre à profit les avantages offerts par les activités
bancaires transfrontalières, (b) protéger l’économie réelle et le secteur financier contre
les risques liés aux activités bancaires transfrontalière, et (c) se préparer à faire face
aux répercussions transfrontalières de la fragilité bancaire spécifique et systémique. Au
chapitre des décisions, le tableau distingue les actions politiques prises (a) au niveau
national, (b) au niveau bilatéral ou sous-régional, souvent représenté par les commu-
Chapitre 5 : Quel avenir pour la coopération réglementaire transfrontalière en Afrique ? 165

Tableau 5.1 : Cadre analytique des actions politiques

Mettre à profit Protéger la Se préparer aux


les avantages stabilité des répercussions
offerts par les activités bancaires transfrontalières
activités bancaires en temps normal d’une éventuelle
transfrontalières fragilité bancaire

Niveau national • Renforcer • Introduire ou • Mettre à niveau les


l’infrastructure renforcer la cadres de gestion de
financière supervision crise et de résolution
consolidée des faillites
• Adopter des modèles bancaires
bancaires plus
intégrés
• Encourager
l’établissement
de banques
aux modèles
économiques
innovants

Niveau bilatéral/sous- • Renforcer • Renforcer l’échange • Étendre la


régional/multilatéral l’harmonisation d’informations entre coopération
réglementaire les pays d’origine et en matière de
les pays d’accueil préparation aux
• Coordonner la crises
mise à niveau de • Instaurer la
l’infrastructure confiance entre les
financière autorités des pays
d’origine et celles
des pays d’accueil

Niveau du continent • Renforcer • Combler les • Prendre des


africain l’harmonisation lacunes en matière mesures pour éviter
réglementaire de supervision l’émergence de
consolidée des groupes opaques
grandes banques aux activités
africaines financières fortement
imbriquées

nautés économiques régionales africaines ou par des groupes multilatéraux de pays


coïncidant avec le rayon d’action de banques transfrontalières individuelles, et (c) au
niveau du continent africain. Si la classification par niveaux décisionnels semble claire
en théorie, dans la pratique, ces différents niveaux peuvent être interdépendants, et les
raisons qui motivent une décision à un niveau peuvent être influencées par la capacité à
prendre des décisions à d’autres niveaux. De la même façon, le classement des recom-
mandations en fonction des objectifs politiques manque quelque peu de netteté du fait
166 Chapitre 5 : Quel avenir pour la coopération réglementaire transfrontalière en Afrique ?

que les objectifs en question sont étroitement liés. Ainsi, par exemple, les avantages des
activités bancaires transfrontalières ne peuvent se concrétiser que dans un environ-
nement financier stable s’accompagnant de pratiques fiables de gestion de crise et de
résolution des faillites bancaires. D’où le risque de chevauchement, dans la mesure où
certaines politiques en matière de réglementation et de supervision peuvent poursuivre
plusieurs objectifs à la fois sur les trois recensés plus haut.

Mettre à profit les avantages des activités bancaires transfrontalières

Si l’Afrique tire parti des gains de productivité et des innovations apportés par les
banques transfrontalières, le continent devrait bénéficier de manière substantielle des
activités bancaires transfrontalières en termes d’approfondissement financier et de
rayonnement accru auprès des populations jusque-là non bancarisées. En Afrique, les
banques dégagent des marges considérables – une situation qui tient essentiellement au
niveau élevé des frais généraux et des profits – alors que les pressions pour renforcer l’ef-
ficacité ne sont pas encore assez fortes. Les responsables politiques devraient donc cher-
cher à identifier en priorité des moyens de multiplier et d’exploiter les avantages offerts
par les activités bancaires transfrontalières pour qu’ils profitent plus largement aux PME
et aux ménages, plutôt qu’aux grandes entreprises clientes de banques transfrontalières
dont le modèle économique est certes rentable, mais relativement restreint.
Tout un arsenal de mesures politiques pourrait être déployé pour renforcer l’enga-
gement des banques étrangères et les inciter à s’impliquer dans le processus d’ap-
profondissement du secteur financier. Nombre de ces mesures sont indispensables
à l’approfondissement de ce secteur, comme notamment renforcer la structure
financière de façon uniforme dans les pays qui partagent des liens transfrontaliers
forts. S’agissant des activités bancaires transfrontalières, l’accent devrait être mis sur
l’amélioration de la comparabilité des informations sur le crédit entre les pays ; l’amé-
lioration de l’efficacité des systèmes de paiement, plus particulièrement les systèmes
ayant trait aux paiements de masse transfrontaliers et au traitement des flux d’envois
de fonds effectués par les migrants ; le renforcement de la reconnaissance mutuelle des
procédures d’enregistrement des droits de propriété et des droits afférents aux sûretés
pour la saisie des sûretés ; l’amélioration de l’éducation financière ; et la mise à dispo-
sition d’informations comparables pour le consommateur. Les services proposés par les
banques étant extrêmement différenciés, dissocier les coûts et les avantages réels des
offres groupées peut contribuer à renforcer la concurrence entre les banques tout en
constituant un élément clé de la protection des consommateurs. Si de nombreux pays
africains doivent encore faire évoluer leurs infrastructures financières particulièrement
rudimentaires, la meilleure façon de procéder serait d’entreprendre ces mises à niveau
de manière coordonnée au sein des sous-régions comme c’est déjà le cas dans cer-
taines communautés économiques régionales. Les clients des banques tireraient ainsi
Chapitre 5 : Quel avenir pour la coopération réglementaire transfrontalière en Afrique ? 167

profit des gains de productivité résultant d’une concurrence renforcée entre les banques
nationales et transfrontalières, elle-même engendrée par une meilleure infrastructure
financière régionale.
D’autres politiques sont plus étroitement liées à l’amélioration des prestations propo-
sées par les banques étrangères. Le modèle de développement des activités bancaires
transfrontalières traditionnellement observé en Afrique – c’est-à-dire celui de banques
qui accompagnent leur clientèle de grandes entreprises dans leur expansion à l’étranger
- n’incite pas particulièrement les banques à s’engager dans les pays d’accueil. Dans de
nombreux cas, les réseaux de filiales et de succursales bancaires sont peu développés, et
les banques sont obligées de syndiquer leurs prêts ou, plus vraisemblablement, d’inscrire
les prêts à leurs clients les plus importants dans leurs bilans du pays d’origine – une
pratique appelée « suitcase banking ». Compte tenu plus particulièrement du manque
relatif de profondeur de la plupart des secteurs bancaires africains, il existe un potentiel
d’amélioration considérable du transfert de savoir-faire, de technologies de l’informa-
tion, d’infrastructure et de compétences en gestion des risques en ce qui concerne les
services et produits bancaires de détail visant les populations à faibles revenus et adaptés
aux petits épargnants et aux petites entreprises. L’expérience montre que les banques
qui ont développé avec succès ce type de compétences et de produits bancaires sur leur
marché domestique sont mieux à même d’y parvenir à l’étranger. Face à ces défis, les
autorités africaines auraient tout intérêt à promouvoir l’approfondissement du marché et
à renforcer la concurrence et l’innovation, en encourageant l’établissement de banques
qui ont déjà proposé des produits et des services bancaires aux segments de marché
mal desservis et qui peuvent attester de leur réussite en s’appuyant sur des modèles
économiques qui ont déjà fait leurs preuves.
Les autorités pourraient également envisager d’adopter des modèles bancaires
davantage intégrés reposant sur un cadre solide de supervision consolidée, des circuits
d’échanges d’informations clairement établis et performants entre les superviseurs
des pays d’origine et des pays d’accueil, et des cadres de résolution bancaire trans-
frontaliers efficaces. Ces modèles contribueraient également à réduire un peu plus les
coûts liés à l’exploitation. Les banques se développant hors de leur marché national en
Afrique doivent presque invariablement créer non seulement des filiales autonomes,
mais aussi déployer des fonctions informatiques au niveau local, recourir essentiel-
lement à la main-d’œuvre locale et mettre en place des fonctions de direction locales
indépendantes (telles que des organes de direction et des outils de gestion de crise).
Cette « forteresse bancaire » va directement à l’encontre de l’objectif consistant à tirer
profit des avantages économiques potentiels de l’approfondissement du secteur finan-
cier associé aux activités bancaires transfrontalières.
Les modèles bancaires plus intégrés permettraient notamment de réaliser des éco-
nomies significatives dans un secteur traditionnellement à coût élevé et pourraient en
faire une activité rentable et donc attrayante permettant de fournir des services finan-
168 Chapitre 5 : Quel avenir pour la coopération réglementaire transfrontalière en Afrique ?

ciers à un plus large éventail de clients. Les politiques qui encouragent les modèles
bancaires plus intégrés pourraient, par exemple, prévoir de réduire la complexité et la
durée du processus d’octroi des agréments, de réduire les exigences de fonds propres
initiaux pour les filiales de banque (en définissant des exigences qui augmentent au
même rythme que l’engagement commercial de la banque étrangère et que ses exposi-
tions aux risques), de réduire ou de supprimer les exigences en matière de création de
nouvelles succursales le cas échéant (laisser, par exemple, le soin aux banques de déci-
der de la structure et de la sécurité de leurs locaux), encourager la pleine mobilité de
la main-d’œuvre (transfert de compétences), encourager le recours à des plateformes
informatiques communes et centralisées tant pour le fonctionnement interne que
pour la fourniture de services aux clients (par exemple, les DAB, les services de cartes
bancaires et la banque en ligne), et favoriser la mise en place de systèmes centralisés
d’audit et de gestion des risques. Ces éléments contribueront à renforcer l’efficacité de
la fourniture de services bancaires et offriront une plateforme permettant d’intensifier
l’approfondissement du secteur financier. Les zones réglementaires formellement inté-
grées, telles que les unions monétaires de l’Afrique centrale et de l’ouest, notamment,
pourraient plus particulièrement envisager de passer d’un dispositif de filiales auto-
nomes vers un dispositif de filiales plus intégrées voire vers un dispositif de succur-
sales - si certaines conditions préalables sont réunies, comme la supervision sur une
base consolidée et la délégation des pouvoirs d’octroi d’agréments et d’intervention aux
superviseurs bancaires supranationaux.
Par ailleurs l’harmonisation réglementaire pourrait contribuer à réduire l’incer-
titude pesant sur la prévisibilité et l’homogénéité de la mise en œuvre, à diminuer de
manière significative les coûts de conformité dans la région, et à améliorer les normes
dans des environnements plus concurrentiels. L’harmonisation réglementaire est un
projet ambitieux, et il importe de veiller à concentrer les efforts de convergence sur
les problématiques clés notamment dans des environnements pâtissant de graves
contraintes de capacités. L’ordre de priorité et d’enchaînement est essentiel, et il
convient de mettre l’accent sur les domaines politiques dont l’harmonisation est un
élément essentiel du programme d’intégration. Par exemple, dans un environnement où
le risque de crédit constitue le principal facteur de risque, l’établissement des priorités
mettra vraisemblablement l’accent sur les critères de classification des pertes sur prêts
et des besoins de provisionnement. Cela étant, parvenir à une entente sur une harmoni-
sation efficace mobilise d’importantes capacités techniques, même dans ces domaines.
L’harmonisation de la classification des pertes sur prêts et des besoins de provision-
nement exige également des superviseurs qu’ils coordonnent les politiques en matière
de reconnaissance des sûretés, de pratiques d’évaluation et de critères d’éligibilité aux
prêts de restructuration.
Il est important que les responsables politiques tirent parti de la complémenta-
rité entre les programmes nationaux et sous-régionaux en promouvant l’efficacité
Chapitre 5 : Quel avenir pour la coopération réglementaire transfrontalière en Afrique ? 169

bancaire. Les communautés économiques régionales ont un rôle important à jouer


dans l’établissement des processus de meilleures pratiques, la promotion de l’échange
des informations y afférentes, et le suivi de l’état d’avancement de leur mise en œuvre.
Toutefois, étant donné la complexité de la mise en œuvre des programmes de réforme
multilatéraux, il sera extrêmement important d’établir un ordre de priorité de ces initia-
tives sous-régionales. Il pourrait s’avérer plus judicieux de mettre en œuvre certaines
réformes sur une base bilatérale de manière à en tirer les enseignements avant de les
reproduire au niveau sous-régional. Cette démarche bilatérale pourrait s’avérer perti-
nente dans les secteurs qui évoluent rapidement, comme la réglementation en matière
d’argent mobile et d’agents bancaires et le développement connexe des infrastructures
des systèmes de paiements.

Protéger la stabilité des activités bancaires transfrontalières en temps normal

La supervision consolidée est une composante essentielle de la supervision des


banques transfrontalières et pourtant la plupart des superviseurs africains du pays
d’origine ne dispose pas encore des cadres, des capacités de mise en œuvre et des
données comptables consolidées adéquats. L’élaboration ou l’amélioration des cadres
de supervision consolidée et leur mise en œuvre constituent donc une priorité absolue
pour assurer la stabilité financière en Afrique. Alors que la supervision transfrontalière
sur une base consolidée incombe dans une large mesure aux superviseurs des pays
d’origine, les superviseurs des pays d’accueil ont la responsabilité d’échanger des infor-
mations pertinentes.
Pour mener à bien leur mission de supervision consolidée, les autorités doivent
disposer d’informations suffisantes sur les activités des banques. Il est actuellement
difficile, voire impossible, d’obtenir des informations sur la taille et la nature des
activités bancaires transfrontalières en Afrique. Comme l’explique le premier cha-
pitre, la collecte de ces informations s’avère une tâche ardue pour des résultats trop
souvent partiels et reposant, dans certains cas, sur des sources non actualisées. La
première tâche, essentielle, à laquelle les autorités africaines vont devoir s’atteler, est
d’améliorer la disponibilité et l’échange régulier des informations pertinentes. Pour
cela, il est fortement recommandé qu’un petit groupe d’autorités de contrôle africaines
des pays d’origine prenne l’initiative de développer les formats requis ainsi qu’une
plateforme permettant un échange régulier d’informations à partir d’un ensemble de
données de base entre superviseurs africains. Cet ensemble de données de base devrait
comprendre des informations sur (a) les caractéristiques qualitatives et quantitatives
de base des banques transfrontalières, (b) les données prudentielles dans la mesure
où elles concernent la performance, (c) les informations qualitatives sur les cadres
réglementaires et les définitions relatives aux données prudentielles, et (d) les informa-
tions sur le marché (voir ci-après pour plus d’explications). La mise à disposition de ces
170 Chapitre 5 : Quel avenir pour la coopération réglementaire transfrontalière en Afrique ?

informations permettra de surveiller et de suivre les évolutions en cours des activités


bancaires transfrontalières et pourrait servir de base à une approche fondée sur les
risques en vue de renforcer la supervision bancaire.
Outre ces efforts globaux visant à rassembler, échanger et mettre à disposition un
ensemble de données de base sur les activités bancaires transfrontalières en Afrique, il
est également nécessaire d’échanger, en temps voulu, des informations plus détaillées
sur un établissement donné en vertu de protocoles d’accord conclus entre les super-
viseurs, informations qui seront également utilisées par les collèges de superviseurs
pour mettre en place une supervision transfrontalière efficace et permettre d’identifier
en amont toute fragilité financière.
Que des ententes formelles ou des institutions soient déjà en place ou non, la qualité
et la fréquence de l’échange d’informations, notamment lorsque cet échange concerne
des informations plus détaillées sur un établissement spécifique, dépendent du climat
de confiance entre les autorités de supervision du pays d’origine et celles du pays
d’accueil. La conclusion d’accords formels peut contribuer à instaurer un climat de
confiance et à ancrer les attentes. Les améliorations apportées à la coopération en
matière de supervision via la signature de protocoles d’accord ad hoc et la formation de
collèges de superviseurs dûment structurés - sont un domaine d’action prioritaire tant
au niveau bilatéral qu’au niveau sous-régional. Il faut toutefois noter qu’en période de
crise, alors que les incompatibilités d’intérêts entre les superviseurs des pays d’origine
et des pays d’accueil sont exacerbées, ces accords sont certes une condition nécessaire
mais ne suffisent pas à protéger la stabilité financière.
Outre ces enjeux informationnels, l’établissement d’une supervision consolidée
efficace en Afrique doit également intégrer le fait que certaines grandes banques
transfrontalières africaines ne sont soumises à aucune supervision consolidée et ne
font donc pas l’objet d’une supervision adéquate dans leur pays d’origine. Au vu de l’im-
portance de la couverture géographique de ces établissements, il est urgent de mettre
en place une coordination au niveau panafricain. Étant donné les risques de réputation
et de stabilité associés aux risques non déclarés ou dissimulés des groupes bancaires
transfrontaliers, les autorités et les banques ont une importante responsabilité sociale
commune dans le traitement de ces vides réglementaires. Un partenariat privé/public
pourrait jouer un rôle important dans la mise en œuvre de ce programme pour garan-
tir une égalité de traitement entre les banques. Parallèlement, la Communauté des
superviseurs bancaires africains (CSBA) ou le Groupe consultatif régional du Conseil de
stabilité financière pour l’Afrique subsaharienne pourrait servir de plateforme de coor-
dination afin d’identifier les établissements systémiquement importants et la meilleure
façon de coordonner les actions politiques et de surveiller la mise en œuvre de la super-
vision consolidée des banques transfrontalières africaines d’importance systémique.
La CSBA pourrait également devenir une tribune permanente permettant de débattre
des problèmes liés à la coopération transfrontalière. Si cette plateforme peut jouer un
Chapitre 5 : Quel avenir pour la coopération réglementaire transfrontalière en Afrique ? 171

rôle décisif dans l’instauration d’un dialogue politique régional et dans la mise en place
d’un programme de consolidation des capacités, la coopération au jour le jour devra
être mise en œuvre au niveau bilatéral voire au niveau de petits groupes ciblant des éta-
blissements transfrontaliers particuliers. La CSBA peut néanmoins s’imposer comme
vecteur stratégique d’échange d’idées et d’expériences et de convergence vers l’établis-
sement de normes internationales communes tout en facilitant le développement de
cadres réglementaires adaptés au continent africain et en servant de point de départ à
une coopération plus étroite entre pays ou pour une banque donnée.

Se préparer aux répercussions transfrontalières de la fragilité bancaire

Tolérance, mesures ad hoc et sauvetage même d’établissements non systémiques


sont parmi les outils employés par de nombreux pays africains pour gérer les crises
bancaires spécifiques comme systémiques.
Pour se préparer aux répercussions transfrontalières de la fragilité bancaire, il est
nécessaire de se doter d’une assise solide afin de protéger la stabilité bancaire en
temps normal et d’adopter notamment des mesures correctives rapides pour sanc-
tionner les banques. Cela étant, pour être prêt à affronter les périodes de crise, les
autorités doivent également disposer de cadres efficaces de résolution des faillites
à l’échelon national de manière à ce que les procédures de résolution puissent être
engagées en temps voulu, que les responsabilités soient clairement réparties entre les
autorités compétentes (Banque centrale, ministère des Finances, et autres autorités
compétentes), et que ces dernières disposent de pouvoirs suffisants pour transférer les
actifs et passifs, mettre sur pied des banques relais et restructurer les banques. Globa-
lement, bon nombre de pays africains ont engagé d’importants programmes en matière
de respect du rang des créanciers dans le cadre d’une résolution de faillite bancaire et
de limitation des actions en justice qui rendent difficile la mise en œuvre des mesures
de résolution de faillite.
L’établissement de cadres de résolution de faillite et/ou leur mise à niveau sont
non seulement essentiels pour aider, en tant que tels, les autorités de contrôle à se
préparer aux situations de crise, mais également, point plus important encore, en tant
que mesure préventive. L’adoption de politiques et de procédures de retrait contrai-
gnantes et fiables, dans l’hypothèse où même d’importants établissements devraient
être liquidés, contribuera à décourager la prise de risque chez les banques, et ce, même
en temps normal.
La coopération réglementaire transfrontalière doit aussi entreprendre des actions
plus ambitieuses que le simple échange d’informations en temps normal pour se
préparer aux répercussions transfrontalières de défaillances bancaires spécifiques et
systémiques. À cet égard, il serait possible de recourir à des exercices de simulation de
crise communs qui pourraient servir de base à des plans de gestion de crise communs.
172 Chapitre 5 : Quel avenir pour la coopération réglementaire transfrontalière en Afrique ?

Au besoin, il serait également possible d’envisager d’élargir les collèges de supervi-


seurs aux autorités de résolution de faillites, par exemple, les ministères des finances,
en les invitant à participer aux groupes dits de gestion de crise.
La résolution en bonne et due forme des faillites de groupes transfrontaliers étant
forcément complexe, il convient de tout mettre en œuvre pour éviter l’émergence
de groupes financiers internationaux opaques et étroitement imbriqués, par le biais
d’une supervision stricte, de la fixation de limites en matière d’expositions intragroupe
et d’une meilleure planification en matière de continuité des activités. Si la supervision
consolidée s’inscrit à la base de ces mesures, cette démarche préventive va au-delà
de la collecte des informations nécessaires et suppose une implication plus active
des autorités de contrôle, comme c’est actuellement le cas des plans de relance et de
résolution bancaire visant plusieurs établissements financiers d’importance systémique
aux États-Unis et en Europe (également appelés dispositions testamentaires). Si ces
politiques peuvent contribuer à contenir l’impact des crises, elles doivent néanmoins
être soigneusement calibrées pour ne pas annuler certains des avantages et des gains
de productivité liés aux activités bancaires transfrontalières.
Il convient d’adapter ces recommandations de politiques générales au contexte parti-
culier de chaque pays, des paires de pays et des sous-régions.
Point extrêmement important, étant donné les graves contraintes de ressources
auxquelles sont confrontées les autorités de contrôle, l’ordre de priorité et d’enchaîne-
ment recommandé des actions politiques variera sensiblement à travers le continent
selon les juridictions d’origine et d’accueil, en fonction de facteurs tels que l’importance
des activités bancaires transfrontalières, le degré d’intégration au sein des groupes
bancaires, la complexité des structures des groupes et la qualité de la supervision du
pays d’origine et du pays d’accueil. Ces disparités rendent donc obligatoires la mise en
œuvre de programmes politiques sur mesure et adaptés aux différentes sous-régions et
pays, y compris un ordre de priorité et d’enchaînement approprié des réformes.
En dépit de ces différences entre pays, les superviseurs africains ont toutefois
beaucoup à gagner de l’échange d’expérience avec d’autres pays de la région en termes
d’activités bancaires transfrontalières et de supervision d’établissements financiers
transfrontaliers. Dans la mesure où les systèmes financiers partagent souvent des
caractéristiques similaires et où les superviseurs sont confrontés aux mêmes diffi-
cultés et ont affaire dans certains cas aux mêmes grandes banques multinationales
ou banques transfrontalières africaines, un échange d’expériences plus régulier et
structuré sera utile pour orienter les processus réglementaires nationaux sur la façon
de tirer parti des avantages des activités bancaires transfrontalières tout en atténuant
les risques qu’elles impliquent. L’apprentissage mutuel offrira en outre l’avantage sup-
plémentaire de contribuer à instaurer un climat de confiance entre les superviseurs du
continent, condition sine qua non d’une supervision transfrontalière efficace.
Chapitre 5 : Quel avenir pour la coopération réglementaire transfrontalière en Afrique ? 173

5.2 Perspectives

La progression des activités bancaires transfrontalières en Afrique est autant


porteuse d’opportunités de développement, à supposer que l’élan croissant en faveur
de l’intégration financière profite à l’approfondissement et au rayonnement du secteur
financier, que de risques potentiels pour la stabilité, notamment lorsque cette progres-
sion est le fait de groupes complexes de type conglomérats bancaires, financiers ou
mixtes. Négliger ces opportunités et ces risques nuira autant au développement du sys-
tème financier qu’à la croissance économique à venir. Les recommandations présentées
dans ce chapitre proposent aux superviseurs un plan d’action leur permettant à la fois
de profiter de ces avantages et de maîtriser les risques.
Ces recommandations participent de la même logique qui consiste à appréhender
la coopération réglementaire transfrontalière autant comme un objectif à atteindre que
comme un processus à mettre en œuvre. Si l’objectif final consiste à concevoir un cadre
réglementaire transfrontalier qui incorpore les externalités présentées au troisième
chapitre, sa mise en place prendra manifestement du temps. Ce cadre suppose en
effet un long processus de consolidation - à la fois contraignante et volontaire - des
institutions. Il ne peut s’agir d’un processus ponctuel dans la mesure où l’évolution des
normes internationales et du paysage bancaire transfrontalier en Afrique nécessitera
des ajustements continus de ce cadre.
La principale conclusion qui se dégage de l’analyse menée dans le présent rapport,
y compris des discussions avec les superviseurs et les banquiers d’Afrique, est que
l’échange d’informations est insuffisant et doit être renforcé de manière significative
au regard de l’expansion de l’activité bancaire transfrontalière sur ce continent. Il est
nécessaire de mettre en place un échange d’informations plus détaillées sur un établis-
sement donné en vertu de protocoles d’accord conclus entre les superviseurs, informa-
tions qui seront également utilisées par les collèges de superviseurs pour mettre en
place une supervision transfrontalière efficace et permettre d’identifier en amont toute
fragilité financière. Parallèlement, la création d’une plateforme d’échanges réguliers
d’informations permettant de rendre public un ensemble de données de base sur les
activités bancaires transfrontalières en Afrique constituera une première étape essen-
tielle vers la mise en place d’une meilleure supervision des activités transfrontalières
et vers le renforcement de la collaboration entre autorités. Cet ensemble de données de
base s’articule autour de quatre catégories d’informations :

(i) Les caractéristiques qualitatives et quantitatives de base des banques


transfrontalières, comme la structure du groupe et sa propriété, la gestion du
risque, la gouvernance, les expositions du groupe en Afrique, y compris la part
d’actifs investis et de prêts consentis dans divers marchés, le type d’activités exer-
cées, et les parts dans ces marchés.
174 Chapitre 5 : Quel avenir pour la coopération réglementaire transfrontalière en Afrique ?

(ii) Les données prudentielles comprenant le capital, les liquidités, les prêts non pro-
ductifs, le taux de provisionnement, la part des prêts rééchelonnés et d’autres indi-
cateurs de la qualité des actifs, le niveau global de fonds propres, le ratio des actifs
liquides sur passifs liquides, les ratios des prêts sur dépôts, autrement dit, le type
de données régulièrement publiées par les autorités de contrôle dans les marchés
développés. Ces informations faciliteraient l’élaboration de méthodologies de nota-
tion/d’évaluation des filiales les plus significatives des banques transfrontalières
et pourraient être utilisées dans l’appréciation des profils de risque sur une base
consolidée.
(iii) Les informations qualitatives sur les cadres réglementaires requises pour
interpréter et établir des comparaisons valables entre les données prudentielles
issues de différentes juridictions, y compris le cadre réglementaire utilisé (Bâle I,
II, III ou les composantes de ces différents cadres) et les définitions sous-tendant
les données prudentielles clés (définition du capital, des prêts non productifs, des
règles de classification du niveau de provisionnement et des prêts).
(iv) Les informations sur le marché qui alerteraient les superviseurs des pays d’ori-
gine et d’accueil sur les risques liés aux activités transfrontalières des banques.
Ces informations pourraient être compilées sous la forme de rapports sur les
risques pays, comme notamment des notations des risques, et pourraient être
utilisées pour encourager les autorités du pays d’origine à dresser les profils de
risque des banques sur une base consolidée.

L’établissement et le maintien d’un processus de collecte et d’échange de ces


informations nécessitent indubitablement de faire preuve d’engagement et de
constance. Dans la mesure où le continent africain compte plus de 40 autorités de
réglementation (y compris les autorités régionales représentant des groupes de
pays), le moyen le plus simple et le plus efficace de remédier à ce « vide information-
nel » serait de confier cette responsabilité au petit nombre de superviseurs des pays
d’origine, à savoir le Kenya, l’Île Maurice, le Maroc, le Nigeria et l’Afrique du Sud29. Ce
petit quorum de pays pourrait développer les formats requis pour l’échange d’infor-
mations en s’appuyant, s’il le juge opportun, sur l’expertise d’institutions telles que
le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, qui ont déjà l’expérience de
la collecte des données. Une fois le projet mené à bien, les données devraient, autant
que possible, être publiées et mises à la disposition de tous les superviseurs des
pays d’origine et d’accueil compétents d’Afrique, l’objectif étant de faciliter l’échange
éclairé d’informations entre les autorités de supervision et d’améliorer la qualité et
l’efficacité de la supervision.

29 Bank Al-Maghrib, la banque centrale marocaine, est pour l’heure la seule banque centrale d’un pays d’origine à encou-
rager activement l’échange d’informations suivant les recommandations susmentionnées pour les banques engagées
dans des activités transfrontalières dont elle assure la supervision.
Chapitre 5 : Quel avenir pour la coopération réglementaire transfrontalière en Afrique ? 175

Les systèmes financiers africains ont considérablement gagné en profondeur ces


dix dernières années, et les activités bancaires transfrontalières ont fortement contri-
bué à ce développement. Au vu de cette évolution, la prochaine décennie devrait voir
l’établissement, mais aussi le retrait de davantage de banques en Afrique, à mesure
que se multiplient de nouvelles opportunités et de nouveaux risques et que les auto-
rités redoublent d’efforts pour accroître l’approfondissement et le rayonnement des
systèmes financiers. Il est essentiel que les superviseurs contribuent et se préparent à
ces changements en s’appuyant sur les outils nationaux nécessaires et la coopération
transfrontalière. L’établissement d’une plateforme permettant d’échanger sur une base
régulière des informations sur la taille et sur la nature des activités bancaires trans-
frontalières constitue une assise solide et marque une première étape vers la réalisa-
tion de cet objectif.
Sources de données 177

Sources de données

Les données utilisées dans ce rapport proviennent de diverses sources, parmi les-
quelles :

• des études régionales non publiées sur la supervision bancaire transfrontalière dans
quatre régions africaines (SADC, UMOA, CAE et CEDEAO) réalisées par GIZ dans le
cadre de la rédaction de ce rapport ;
• des informations fournies par les banques centrales africaines (rapports sur la
supervision bancaire/rapports sur la stabilité financière, données tirées de sites
Internet) ;
• des informations transmises par des banques commerciales (rapports annuels, états
financiers, sites Internet) ;
• des rapports de la Banque mondiale et du FMI ;
• et la base de données sur l’actionnariat des banques (Claessens et van Horen, 2014),
qui compile des informations sur l’actionnariat bancaire sur la période 1995-2009
pour plus de 5 300 banques présentes dans 137 pays ; la base de données sur les
cadres réglementaires (AfDB 2010) et la base de données sur la réglementation et le
contrôle bancaires de la Banque mondiale (2012) qui comprend des informations sur
les réglementations bancaires.

La disponibilité et la qualité des données variant largement entre pays et régions,


une année de référence a été définie (généralement 2011) afin de garantir la compara-
bilité des données entre les juridictions africaines. Lorsqu’aucune donnée n’était dis-
ponible pour l’année de référence, les données des années précédentes ou ultérieures,
lorsqu’elles étaient disponibles, ont été utilisées pour une meilleure couverture.
Cette publication s’appuie également sur les informations reçues dans le cadre de
consultations avec les parties prenantes africaines, et sur les points de vue que les
dirigeants des banques et les autorités de réglementation ont échangé lors de voyages
d’étude en Afrique du Sud, au Ghana, à l’Île Maurice, au Kenya, au Maroc, au Mozam-
bique, en Namibie, au Nigeria, en Ouganda, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Tanzanie
et au Togo.
Malgré les efforts déployés pour recouper les informations, les auteurs ne garan-
tissent pas l’exactitude des données incluses dans le présent rapport.
178 Bibliographie

Bibliographie

Access Bank. 2013. « Full Year 2012 & First Quarter 2013 Results: Presentation to Inves-
tors and Analysts ». Avril. Consultable à l’adresse http://www.accessbankplc.com.

Banque africaine de développement (AfDB). 2010. Base de données sur les cadres régle-
mentaires. Consultable à l’adresse http://www.mfw4a.org/fileadmin/data_storage/docu-
ments/MFW4A-documents/Update%20Regulatory%20Framework.xls.

Banque africaine de développement (AfDB), Organisation de coopération et de dévelop-


pement économiques (OCDE), Programme des Nations Unies pour le développement
(PNUD) et Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CENUA) 2013.
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