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ransr u ra l

T initiatives n°491 / mai-juin 2022 / 10 euros

Portfolio
PRATIQUES •LOGER LES JEUNES EN RURAL
POUR FACILITER LEUR ÉMANCIPATION
PAYSANNES : •L’AGRICULTURE CARBONE,
LES LUEURS D’UN NOUVEAU MIROIR AUX ALOUETTES
CONTRE-POUVOIR •L’ATTENTION COMME SAVOIR PAYSAN
sommaire
Transrural initiatives
est publiée par l’Adir, association d’édition de :

Le réseau des Centres d’initiatives pour valoriser


l’agriculture et le milieu rural (Civam), ce sont
plus de 200 associations qui défendent depuis
plus d’un demi siècle des enjeux tels que la pré-
servation de l’environnement, l’offre d’aliments
de qualité, l’élaboration d’un autre modèle énergétique, la pro-
motion d’une agriculture durable, le maintien d’un monde rural
facteur de cohésion sociale (www.civam.org).
Lieu de rencontres, d’échanges et vecteur d’inté- vivre ensemble
gration socio-économique, le Mouvement rural de
jeunesse chrétienne (MRJC), propose aux jeunes
de treize à trente ans vivant à la campagne ou
Initiative
qui l’envisagent, de s’engager avec d’autres pour 4 Au Lieu Ressources, accueil
l’amélioration de la qualité de vie, de leur environnement et de la inconditionnel, autonomie et
société qui les entoure par l’action, la réflexion, la recherche de sens alimentation digne
et la formation. (www.mrjc.org).
Le Réseau d’expérimentation et de liaison Société
des initiatives en espace rural (Relier) consi-
dère qu’il est nécessaire de soutenir le déve- 5 « Il n’y a pas d’exode urbain massif »
loppement d’autres activités à la campagne
et, face aux interrogations de notre société,
Agriculture
qu’il est urgent de leur donner un sens : s’installer à la campagne, 7 Déméter démantelée ?
monter une entreprise rurale, c’est d’abord faire le choix d’un
mode de vie. Depuis 1984, l’association d’éducation populaire Initiatives
Relier contribue à créer et animer des lieux d’échange et de mise 8 Le grand retour des cabines
en lien des personnes qui font le choix de s’installer et vivre en
téléphoniques ?
milieu rural (www.reseau-relier.org).
Le centre de ressources sur les pratiques 9 Loger les jeunes en rural pour faciliter
un autre développement
et les métiers du développement local leur émancipation
Cap Rural a pour vocation de promouvoir Économie
le développement des territoires ruraux et Environnement 15 La laine nourrit de nouvelle filières,
périurbains de Rhône-Alpes. Depuis 1996, 10 Les associations
Cap Rural porte le projet d’espaces ruraux vivants aux fonctions exemple d'une feutrière et de
diversifiées (productive, résidentielle, touristique et nature), « à l’asso de la transition » brigasques
composés par une mixité de populations et d’activités, et met-
tant en œuvre de réelles dynamiques économiques, sociales et Agriculture
environnementales, dans le cadre de relations équitables avec 16 Arpentages – Des fermes et des
les espaces urbains (www.caprural.org).
Le Réseau des Créfad est une ménager les ressources systèmes n°5 – Le travail avec la
nature
coordination d’associations se
reconnaissant dans des valeurs 18 La guerre en Ukraine relance
communes en référence au Manifeste de Peuple et Culture
Agriculture l’absurde « produire plus pour
comme l’éducation populaire, la laïcité, la lutte contre les iné- 12 Quand l’architecture s’intéresse à nourrir le monde »
galités, les injustices, ou encore dans l’entraînement mental. l’agriculture… et vice-versa 20 Des rapports pour repenser notre
Ses membres travaillent les thèmes de l’accompagnement, de
l’habiter, de la vitalité des territoires ruraux, de la jeunesse, de 14 L’agriculture carbone, nouveau miroir souveraineté alimentaire
l’interculturel, du rapport à la lecture et à l’écriture. Ils œuvrent aux alouettes 22 L’attention comme savoir paysan
ensemble pour se renforcer, s’inspirer et se soutenir mutuelle-
ment, construire du neuf (www.reseaucrefad.org).
Directeur de publication : Raphaël Jourjon - Équipe
de rédaction permanente : Fabrice Bugnot, Jade
Lemaire - Ont participé à ce numéro : Léa Arson,
Prunelle Besson, Isabelle Barnier, Julien Blanc, Guillaume
Boutanox, Alain Chanard, David Chomentowski, William
Guillo, Raphaël Jourjon, Sandra-Vanessa Liégeois, Quatrième de couverture
Étienne Martin, Aude Vidal. Sous les serres le désert. Cette photo a été prise par Frédéric Hauss, paysan
Maquette : Catherine Boé
Impression : Evoluprint, Bruguière
et photographe membre de la Confédération paysanne, le 1er mars 2022
Administration / Rédaction : dans les serres photovoltaïques à Bourgneuf-en-Mauges (49), vides de toute
18, rue Claude Tillier – 75 012 Paris activité agricole. Depuis 2011, sont installées sur 11 hectares, 5 ha de serres
Tél. 01 48 74 52 88 photovoltaïques. Associant au départ un agriculteur et Léonidas, un fonds
Site internet : www.transrural- d’investissement allemand, ce projet avait pour ambition de produire 200 tonnes de fraises par an et était
initiatives.org présenté comme le plus gros projet photovoltaïque sur des serres en France. L’activité agricole a été arrêtée en
Mail : transrural@globenet.org
2017 et depuis, il n’y a plus une once de vie en-dessous. En revanche, les panneaux produisent toujours de
l’électricité. Ici, l’agriculture a servi de prétexte à produire de l’énergie. 14 clichés ont été révélés le 2 avril lors
d’une exposition organisée par le syndicat agricole pour illustrer les dérives d’un modèle agricole destructeur.
Pour voir plus de clichés : https://pdl.confederationpaysanne.fr.
CRÉDIT PHOTO DE LA COUVERTURE
ET DE LA COUVERTURE DU DOSSIER : Julie Hauber

Reproduction autorisée sous réserve de demande


– n°CPPAP : 0625D86792 – ISSN : 1165-6166 –
(Ré)abonnez-vous à Transrural initiatives
2 Transrural
Dépôt légal : Juillet 2022.
initiatives sur la boutique en ligne de la revue
éditorial

Il n’est pire sourd…

découvrir I l est impressionnant de constater le nombre de rapports censés éclairer les


décisions publiques, provenant d’autorités indépendantes, du Parlement,
de consultations, de grands débats… Certains sont dissimulés comme
l’« évaluation des actions financières du programme Écophyto »1 ou le rapport
de la mise en place d’un chèque « alimentation durable pour tous » dont
24 BD seules quelques conclusions ont fuité. Mais la grande majorité est publique.
25 En revues Le 30 juin, un rapport de la Cour des comptes sur l’agriculture biologique2
estimait que le soutien financier n’était « pas à la hauteur de l’ambition
26 Au fil des lectures
affichée par les pouvoirs publics » et que l’objectif de 20 % d’aliments bio
dans la restauration collective publique avait été énoncé « sans moyens de

I à XII Portfolio
suivi ni réelle stratégie de soutien », confirmant les alertes lancées depuis
cinq ans par des acteurs de l’agriculture biologique ou des collectivités.
Le 29 juin, le rapport 2022 du Haut Conseil pour le climat3 notait que le
Pratiques paysannes : les lueurs d’un respect des engagements du gouvernement sur la baisse des émissions de
CO2 était « principalement dû aux effets de la pandémie de Covid-19 ainsi qu’au
contre-pouvoir relèvement du plafond d’émissions du deuxième budget carbone », opéré en
Respect du rythme des animaux, gestion autonome des semences, uti- catimini par le gouvernement. Pour respecter les engagements européens
lisation de la traction animale pour le binage… en revisitant des pra- d’ici 2030, il faudrait doubler le rythme annuel de réduction des émissions.
tiques employées avant l’ère agro-industrielle, ces paysans et paysannes
font preuve d’une étonnante modernité et inventent une nouvelle Dans son analyse de vingt-cinq orientations sectorielles de la Stratégie
agriculture respectueuse de la terre et du vivant. C’est ce que ce travail nationale bas carbone, le Haut Conseil jugeait que seules six d’entre elles
photographique, extrait du projet Survivances initié par Julie Hauber en permettaient de respecter les budgets carbone et incitait le gouvernement à
Rhône-Alpes en 2016, souhaite mettre au jour. Au fil des images et des prioriser des mesures de sobriété et à revoir nombre de politiques, notamment
témoignages, elle nous amène à découvrir un rapport au temps et à la agricoles. Une position qui confirme là aussi les analyses apportées par
nature plus serein, loin des rythmes imposés par l’agriculture intensive d’autres instances, des scientifiques ou des associations, notamment en
et la mécanisation à outrance. matière d’agroécologie (cf. p. 18-22), depuis de nombreuses années.
Le 5 mai, c’est le rapport annuel de l’Autorité environnementale4, synthèse de
159 avis rendus en 2021, qui constatait « un écart préoccupant entre les objectifs
fixés à moyen et long terme, les ambitions affichées pour les atteindre et les actes
censés les traduire ». Elle jugeait que les projets, programmes et plans présentés
prenaient rarement en compte le changement climatique, la consommation
de terres agricoles ou la destruction des espaces naturels et milieux protégés,
concluant : « la transition écologique n’est pas amorcée en France ».
Faut-il continuer l’énumération ? Éducation, justice, transports, énergie, santé…
Les rapports se suivent et se ressemblent. La déliquescence du système de
santé, qui se traduira cet été par un nombre record de services d’urgence
fermés ou fonctionnant au ralenti, a poussé le gouvernement à commander
JULIE HAUBER

une « mission flash » sur le sujet, qui propose de nombreuses mesures déjà
identifiées dans un rapport parlementaire de 2019 – le « Pacte de refondation
des urgences » – lui-même inspiré du Rapport sur la territorialisation des
activités d'urgences de 2015. Mais il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas
entendre… Qu’entendrons-nous du résultat des dernières élections, qui ont porté
à l’Assemblée nationale un record de 89 députés du Rassemblement national,
À VOS STYLOS !
Transrural initiatives est une revue participative, dans le sens où elle met en
dont une bonne partie ont affiché ou affichent encore des positions xénophobes,
anti-avortement ou homophobes, comme l’ont rappelé nos confères de Basta5 ?
place un processus de rédaction collective avec différents acteurs en interaction Fabrice Bugnot, responsable de la rédaction
(militants associatifs, animateurs, journalistes), ce qui permet également d’avoir
un ancrage sur le terrain et de se faire le porte-voix d’initiatives locales. La revue 1 - Finalement révélé par France Nature Environnement en mars 2022 : www.genera-
est ouverte à vos propositions d’articles, écrits, réactions… Chaque mois, le tions-futures.fr/actualites/pesticides-rapport-ecophyto
comité de rédaction discute des sujets à traiter au téléphone et vous y êtes les 2 - www.ccomptes.fr/fr/publications/le-soutien-lagriculture-biologique
bienvenus ! Vous pouvez aussi nous envoyer vos idées d’articles, vos réactions 3 - www.hautconseilclimat.fr/publications/rapport-annuel-2022-depasser-les-
ou des informations et ressources par mail ou en nous appelant. À vos stylos ! constats-mettre-en-oeuvre-les-solutions
4 - www.vie-publique.fr/rapport/284913-rapport-annuel-2021-de-lautorite-environ-
nementale
5 - https://basta.media/Qui-sont-les-deputes-RN-xenophobes-souriants-neofascistes-
http://boutique.transrural-initiatives.org recycles-contre-le-droit-a-l-ivg
vivre ensemble
initiative

Loger les jeunes en rural


pour faciliter leur émancipation
Pour favoriser l’autonomie et l’ancrage des jeunes ainsi que
l’économie locale, la communauté de communes du Bas-
Armagnac veut proposer une offre locative adaptée à ce public.

D ans le Gers, la communauté de


communes du Bas-Armagnac
(9 000 habitants) veut faciliter
l’accès au logement des jeunes. Ce
territoire classé en zone de revita-
lisation rurale, faiblement desservi
par de grands axes de circulation,
n’en demeure pas moins attractif.
Centrée autour de Nogaro, l’activité
économique y est importante, avec
notamment un pôle d’excellence
automobile et aéronautique lié au
circuit de course Paul-Armagnac.
Le territoire peut aussi compter sur
une cité scolaire qui regroupe 1000
élèves et propose des formations
pour adultes.

TENSION SUR LE MARCHÉ


LOCATIF ment pour ce dernier. Sans ce jeune, par l’intercommunalité, et unanime-
En résulte une tension sur le mar- l’activité ne sera pas reprise ». ment approuvée par les acteurs éco-
ché locatif posant problème pour nomiques et sociaux du territoire, la
de jeunes adultes en demande de UNE VOLONTÉ POLITIQUE résidence sera confiée au bailleur
logement à loyer modéré. Certains, INDISPENSABLE social Le Toit familial de Gascogne
freinés dans leur désir d’émancipa- Cette situation a attiré l’attention et gérée par l’Alojeg. Un terrain a
tion et d’ancrage, doivent émigrer. des élus intercommunaux qui ont été cédé à l’euro symbolique par la
D’autres choisissent d’abandonner contacté l’Alojeg. Référente départe- commune, et le permis de construire
leurs études pour travailler et dis- mentale sur la question du logement a été déposé fin 2021, laissant pré-
poser des ressources financières des jeunes et gestionnaire d’une sager un début des travaux en 2022.
suffisantes (cf. encadré p. 10). résidence habitat jeunes (RHJ, ex- « L’appui des élus est très important
Enfin, même ces jeunes peuvent foyer de jeunes travailleurs) à Auch, pour implanter de l’habitat jeune en
avoir des difficultés à trouver un chef-lieu du département, elle les rural, car les financements favorisent
logement pendant leur période redirige vers l’Union régionale pour les territoires “ tendus “, donc les
d’essai, ce qui peut handicaper le l'habitat des jeunes (Urhaj) d’Occita- villes. Ce qui complique la recherche
recrutement des entreprises. Ali nie. Cette structure est missionnée d’un équilibre financier », nous confie
Zarrik, directeur de l’Association en 2018 pour une étude sur le loge- Ali Zarrik.
pour le logement des jeunes dans ment des jeunes sur le territoire de la
le Gers (Alojeg), expose : « un arti- communauté de communes. Parmi UNE RÉSIDENCE QUI
san en fin de carrière souhaitant les conclusions, il est proposé de S’ADAPTE À SON PUBLIC
prendre un apprenti peut se retrou-
ver bloqué par l’absence de loge-
construire une RHJ de 26 logements
pour 30 places à Nogaro. Validée
Le fonctionnement d’une résidence
habitat jeunes se veut flexible et fi- …
n˚491• mai-juin 2022 Transrural initiatives 9
vivre ensemble

ACCOMPAGNER LES JEUNES


SACRIFIER SES ÉTUDES POUR S’ÉMANCIPER ET LES PROPRIÉTAIRES
Parmi ceux-ci se trouvent des per-
Jennifer Feraud, animatrice au centre social et culturel « Le Clan » de Nogaro sonnes venant de quitter le foyer
accompagne des jeunes confrontés à la problématique du logement. Elle nous familial et pouvant manquer de
transmet le témoignage d’une jeune femme de 17 ans, en couple : « Je cherchais repères pour être autonomes. Ils
un logement avec mon copain, on en avait marre d’être chez ma mère mais les loyers bénéficient de l’accompagnement
étaient trop chers. Vu qu’on était étudiants, on n’avait pas d’aide. Mon copain voulait
d’éducateurs sociaux, animant la vie
faire une alternance [ndlr : octroyant un demi-SMIC] mais n’avait pas assez de sous
collective pour favoriser l’échange
pour le logement. Donc on a choisi de quitter le lycée et on est parti travailler […] .
– Et si une résidence pour jeunes se mettait en place, pourrais-tu reprendre tes entre jeunes et les ouvrir sur le
études ? – Oui pourquoi pas. Si on pouvait avoir une chambre étudiante, on ne serait territoire, préparer la suite et les
pas là où on en est. » W.G. inciter à s’y ancrer durablement.
Pour les y aider, l’Alojeg met dis-

… nancièrement avantageux, deux qua-


lités intéressantes quand on s’adresse
un CDD ou une formation courte.
Pour une plus longue durée, les de-
position le site internet jloge.fr qui
référence des offres locatives pré-
alablement visitées pour éviter les
à un public ayant entre 16 et 30 ans, mandeurs doivent justifier d’un projet habitats indignes. Parallèlement, et
en recherche parfois urgente d’un socio-professionnel et de ressources en partenariat avec l’Agence dépar-
logement. Les commissions d’attri- financières suffisantes pour assumer tementale pour l'information sur le
bution des logements sont hebdoma- le coût du logement, qui peut ne logement, les propriétaires sont
daires et n’imposent pas de minimum représenter que 30 € par mois pour accompagnés et sensibilisés aux
de séjour, ce qui rend possible les sé- certains qui cumulent divers disposi- spécificités de l’accueil de jeunes.
jours pour un entretien d’embauche, tifs d’aide. ■ William Guillo
environnement

Les associations
« à l’asso de la transition »
Un outil d’animation et d’auto-évaluation construit par des bénévoles
et salariés des Foyers ruraux entend participer à mieux sensibiliser
les associations sur leur impact environnemental et social.

P our nos déplacements associa-


tifs (courses, réunions inter-as-
sociatives…), qu’utilisons-nous
comme véhicule motorisé ? Pour évi-
ter le gaspillage, comment gérons-
la transition écologique et sociale, il
ne « propose pas de recettes toutes
faites mais une démarche privilégiant
les débats et la recherche collective
de solutions ».
ressources humaines ou dans l’im-
pact environnemental de leurs acti-
vités. Le poids du secteur associatif
n’est pourtant pas négligeable. On
compte en France 1,5 million d’asso-
nous les quantités quand on organise ciations qui regroupent 12,5 millions
un repas ? Comment les locaux sont- 1,5 MILLION D’ASSOCIATIONS de bénévoles, 132 000 volontaires et
ils chauffés lorsque nous y sommes Les activités des associations sont service civique et près de 1,8 million
présents ? Ces quelques questions certes davantage tournées vers la de salariés dans 152 000 structures
sont issues de l’outil d’animation « À pratique sportive, le soin, la culture employeuses.
l’asso de la transition », construit par ou l’environnement que vers la pro-
des bénévoles et salariés des Foyers duction d’automobiles, la finance FORMATION
ruraux, finalisé début 2022. ou le pétrole. Mais au-delà, difficile ET SENSIBILISATION
Destiné aux associations et collec-
tifs qui souhaitent s’engager dans
de dire que les associations seraient
plus vertueuses dans la gestion des
La transition écologique et sociale
n’est pas historiquement au cœur …
10 Transrural initiatives n˚491• mai - juin 2022
ménager les ressources

agriculture

L’agriculture carbone,
nouveau miroir aux alouettes
La rémunération d’agriculteurs
pour des pratiques censées
renforcer la séquestration de
carbone dans les sols, prairies
ou arbres se développe en
Europe et en France avec

CC0 DOMAINE PUBLIC


de nombreux risques.

T ous les deux mois, le pôle


Inpact1 reçoit une personne
pour interroger les évolutions
de l’agriculture. En mars, l’économiste
Hélène Tordjman2 présentait son tra-
de tonne équivalent CO2 dans le
monde. L’ambition est d’augmenter
sa séquestration dans les sols et la
1 à 100 € la tonne, sans visibilité.
D’autre part, la permanence du car-
bone dans l’atmosphère (120 ans)
vail sur l’agriculture carbone. Depuis biomasse jusqu’à 300 millions de est bien plus élevée que celle de ces
trente ans, pour protéger la nature tonnes et de rémunérer pour cela les projets menés à cinq ou dix ans, sans
par l’incitation économique plutôt que agriculteurs et les forestiers par des garantie que le carbone séquestré ne
par la contrainte, celle-ci est réduite à crédits à échanger sur un marché des parte en fumée avant. Des pratiques
des services écosystémiques recensés émissions de gaz à effet de serre. Rien douteuses pour le climat (la remise en
dans l’objectif de leur donner une de très nouveau pour les forêts mais eau de tourbières) ou non vertueuses
valeur et de rémunérer les agents qui l’entrée de l’agriculture dans ces mé- sur d’autres aspects (la biodiversité)
la protègent. La pollinisation vaudrait canismes est récente. De nombreuses peuvent être financées par ces crédits.
ainsi 150 milliards d'euros par an, cor- pratiques sont éligibles pour obtenir De plus, si les marges de progression
respondant à des calculs absurdes et ces crédits : agroforesterie, non-la- sont rémunérées, c’est une prime aux
contradictoires entre eux. La compen- bour, remplacement des terres arables acteurs ayant mené jusqu’ici les pires
sation est une approche complémen- par des prairies, etc. pratiques. Enfin, il est probable que
taire, elle correspond à une hiérarchie Mais seuls les résultats sont pris en ces dispositifs encouragent l’accapare-
de l’atténuation des impacts écolo- considération, estimés par modélisa- ment des terres pour des usages non-
giques dont les premiers éléments – tion avec des processus complexes, alimentaires. C’était déjà le cas avant
« éviter et réduire » – ont été oubliés. menés par des cabinets d’experts, leur valorisation carbone, avec les
Cela suppose que ce qui est détruit 1 - Le pôle Initiatives ce qui justifie un coût d’entrée très agrocarburants et la chimie verte, et
ici peut être restauré ou protégé ail- pour une agriculture élevé (130 000 € pour la seule mise cette tendance ne pourra qu’empirer.
citoyenne et territo-
leurs. Les émissions « nettes » (dont riale regroupe une en place d’un projet). La plupart Pour encourager une agriculture plus
on retranche la part compensée) dizaine de structures des agriculteur·rices ne sont pas vertueuse sur le plan climatique, ont
de développement
permettent d’afficher des activités agricole et rural.
concerné·es par de tels projets, sou- été écartées des approches comme
« neutres en carbone ». vent des partenariats public-privé, la promotion de l’agroécologie, ou la
1 - Autrice de La qui sont de véritables « usines à gaz », régulation de pratiques agricoles dé-
Croissance verte
DES COÛTS D’ENTRÉE ÉLEVÉS contre la nature selon Hélène Tordjman. favorables au milieu. Nouveau miroir
La restauration de cycles de carbone (La Découverte, aux alouettes, l’agriculture carbone ne
durables, est l’une des manières 2021), adminis-
tratrice d’Inf’OGM,
UN MARCHÉ SPÉCULATIF constitue une réponse ni aux enjeux
de compenser les activités écono- H. Tordjman a iden- Ce choix du marché pose d’autres écologiques envisagés globalement,
miques mise en œuvre par l’Union tifié l’agriculture et problèmes. Il est soumis à la spécu- ni aux besoins de rémunération de la
le vivant comme les
européenne. Les terres et les forêts nouvelles frontières lation et les prix sont très variables profession.
absorbent du carbone, 225 millions du capitalisme vert. dans le temps et selon les pays, de ■ Aude Vidal (Inpact)

14 Transrural initiatives n˚491• mai - juin 2022


Pratiques paysannes :
les lueurs d’un contre-pouvoir
I
ls sont paysans et paysannes. En revisitant des pratiques employées avant l’ère
agro-industrielle, ils et elles font preuve d’une étonnante modernité et inventent
une nouvelle agriculture respectueuse de la terre et du vivant. C’est ce que ce travail
photographique souhaite mettre au jour. Au fil des images et des témoignages, nous
sommes amené·es à découvrir un rapport au temps et à la nature plus serein, loin des
rythmes imposés par l’agriculture intensive et la mécanisation à outrance.
Certaines photographies mettent également l’accent sur des pratiques paysannes qui, re-
mises au goût du jour, reflètent bien cet attachement au vivant : respect du rythme des ani-
maux, gestion autonome des semences, utilisation de la traction animale pour le binage,
etc. Nous découvrons aussi des personnalités fortes et engagées qui témoignent de ce que
les espaces paysans restent un terreau fertile pour l’entraide, l’autogestion, les évolutions
sociales et l’expérimentation de nouvelles pratiques agricoles.
Ce portfolio présente un extrait d’un projet intitulé Survivances initié par la photographe Julie
Hauber1 en 2016, en région Rhône-Alpes. Cette série photographique se verra prolongée
d’un travail de composition intégrant des photographies d’archives (début du XXe siècle).
Le terme « survivances » fait référence à ce qui subsiste de quelque chose de dispa-
ru et qui réapparaît de manière marginale comme ces pratiques paysannes délaissées
au tournant des années 1950. Mais plus encore, il renvoie aux lueurs survivantes des
contre-pouvoirs qu’incarne parfaitement cette nouvelle génération de paysan·nes qui
tourne le dos aux pratiques d’agriculture intensive encouragées par les institutions.

1 - www.juliehauber.fr

n˚491• mai-juin 2022 Transrural initiatives I


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Transrural
h
initiatives
La revue associative des territoires ruraux
Transrural initiatives est une revue bimestrielle portée par des organisations de dévelop- ier-février 2018
/ 10 euros
initiatives n°466 / janv

pement agricole et rural qui se reconnaissent dans les valeurs de l’éducation populaire.
En s’appuyant sur un comité de rédaction composé d’acteurs du développement rural
(animateurs, militants associatifs), associés à des journalistes, elle propose une lecture
de l’actualité et des enjeux concernant les espaces ruraux qui privilégie les réalités de ter-
rain et valorise des initiatives locales et innovantes. La revue appréhende ces territoires
dans la diversité de leurs usages et met en avant des espaces où il est possible d’habi-
ter, de se déplacer, de s’instruire, de se cultiver, de produire, de se distraire et de tisser
des liens. Ces expériences locales illustrent concrètement des alternatives au modèle
de développement économique dominant, marqué par la mise en concurrence géné- • SE SENTIR DE NOU
VEAU ACTEUR
• « ZAD WILL SUR
VIVE »
ralisée, la disparition des solidarités et l’exploitation aveugle des ressources naturelles. •SIX MOIS D’ÉTAT
S GÉNÉRAUX, POUR
QUOI ?
Transrural entend sortir de la morosité ambiante et invite à l’action ! Dans chaque
QUEL MONDE LES NO
numéro, un dossier thématique permet d’approfondir une question (ex. : Agriculture RMES CONSTRUISE Dossier
et société : vers un nouveau contrat ; Repenser l’accueil des migrants dans les terri- NT-ELLES ?
?
toires ruraux ; Les champs de la culture revisités…).
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