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Artefact

Techniques, histoire et sciences humaines 


4 | 2016
L’Europe technicienne, XVe-XVIIIe siècle

Les marbres : noblesse de la matière, heureuses


« curiosités » de la nature
Sophie Mouquin

Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/artefact/523
DOI : 10.4000/artefact.523
ISSN : 2606-9245

Éditeur :
Association Artefact. Techniques histoire et sciences humaines, Presses universitaires du Midi

Édition imprimée
Date de publication : 1 octobre 2016
Pagination : 347-359
ISBN : 978-2-7535-5174-9
ISSN : 2273-0753
 

Référence électronique
Sophie Mouquin, « Les marbres : noblesse de la matière, heureuses « curiosités » de la nature »,
Artefact [En ligne], 4 | 2016, mis en ligne le 07 juillet 2017, consulté le 15 septembre 2020. URL : http://
journals.openedition.org/artefact/523

Artefact, Techniques, histoire et sciences humaines est mise à disposition selon les termes de la Licence
Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
Les marbres : noblesse de la matière,
heureuses « curiosités » de la nature1
Sophie Mouquin2

De toutes les matières que l’art puise livrent les archives. À la suite de ceux
dans la nature, le marbre, entendu dans de célèbres historiens ou historiens de
son acception artistique, c’est-à-dire celle l’art italiens, les travaux de Geneviève
d’une «  pierre dure qui reçoit un beau Bresc-Bautier et Hélène Du Mesnil qui
poli  » est l’une de celles qui suscite les révélèrent l’histoire de l’approvisionne-
dialogues les plus féconds entre sciences ment sous l’Ancien Régime, envisageant
dures et sciences humaines, entre géo- notamment les réseaux marchands5,
logie et histoire de l’art. Matière reine de ou encore ceux de Jean-Louis  Bonnet
la statuaire et matière très appréciée pour et de Pascal Julien qui s’intéressèrent à
l’architecture et les décors, elle fut pen- l’histoire des carrières pyrénéennes et
dant longtemps délaissée des historiens languedociennes6, démontrèrent la perti- 347
de l’art, à l’exception des spécialistes de nence de ce champ d’études pour l’his-
sculpture. L’étude de son approvisionne- toire de l’art. Nos propres travaux, dans
ment et de sa mise en œuvre, notamment les mêmes années, s’intéressèrent aux
dans les grands décors et les collections marbriers qui travaillaient pour la cou-
de la période moderne, est relativement ronne de France, et à l’administration
récente. Alors que de nombreux travaux des marbres qui favorisa la fourniture
sur la typologie des marbres et l’histoire en marbre notamment sous les règnes de
de leur extraction et de leur utilisation Louis XIV et de Louis XV7. Ces approches,
existent pour la période antique3, il faut historiques, fondées sur des documents
attendre la fin du xxe siècle pour que des d’archives, ont permis d’identifier les
connaisseurs comme Jacques Dubarry carrières, de révéler les difficultés maté-
de Lassale4 et des historiens de l’art rielles d’extraction ou d’acheminement,
de la période moderne envisagent ce de mettre à jour les réseaux marchands et
champ de la recherche, notamment dans le système administratif et économique,
ses applications françaises. L’histoire du de découvrir la personnalité des princi-
marbre, de la carrière à sa mise en œuvre paux acteurs et de raconter une « histoire
retient l’attention d’ouvrages récents, du marbre  », celle de l’extraordinaire
sans cependant que les aspects tech- aventure de l’approvisionnement en
niques, notamment ceux de l’extraction, marbre en France sous l’Ancien Régime.
ne soient véritablement étudiés hormis Plus qu’en termes techniques, l’étude du
dans la connaissance, lacunaire, que marbre par les historiens de l’art est donc
Sophie Mouquin

envisagée dans ses aspects économiques ces créations de la nature que l’homme
et pratiques, sans cependant que l’ana- se plaît à graver, monter ou enchâsser.
lyse de sa mise en œuvre ne soit oubliée : À la Renaissance, les pierres dures appa-
les études d’Alexandre Cojannot pour raissent dans les cabinets de curiosités,
les débuts du règne de Louis  XIV ou comme objet de délectation du curieux,
encore celles de Muriel Barbier pour les mais aussi dans l’architecture et le mobi-
règnes de Louis XV et de Louis XVI, ont lier, disposées en cabochons, telles des
renouvelé la connaissance de l’utilisation pierres précieuses qu’elles ne sont pour-
du marbre dans l’architecture et le décor tant pas10. Cette apparition des pierres
intérieur8. dures dans le décor architectural et
Mais l’histoire de l’art est aussi histoire mobilier prépare d’une certaine manière,
du goût et en ce domaine, les marbres et le goût, en France, pour une architecture
les pierres «  dures  » tiennent une place et un décor où le marbre tient une place
particulière. La terminologie est d’une que jusqu’à présent seule l’Italie lui avait
savoureuse imprécision. L’amateur et donnée. Les grands décors de Louis XIV
le curieux considèrent en effet, sans les favorisent le développement d’une véri-
différencier, des pierres « ornementales » table «  politique royale du marbre  »
ou «  marbres  » qui relèvent cependant pour reprendre l’heureuse expression de
de typologies géologiques bien diffé- Geneviève Bresc-Bautier.
rentes. L’histoire de l’art et l’histoire du Il est impossible d’envisager, en
goût n’ont pas la précision scientifique quelques pages, toute cette histoire du
348 de l’histoire des techniques. Ainsi, parmi marbre. Considérant les «  marbres  »
les marbres ou « pierres dures », les ama- dans leur acception esthétique des xviie
teurs rangent le jaspe, la serpentine, le et xviiie  siècles, sans les restreindre aux
porphyre, les agates, les cornalines et seuls marbres géologiques, nous n’envi-
autres pierres fines (mais non précieuses) sagerons ici, ni l’histoire des techniques,
et non uniquement les «  calcaires ou ni l’histoire de leur approvisionnement,
dolomies métamorphiques  », seuls ni celle de leur mise en œuvre, mais celle
marbres des géologues9. L’appréciation de leur appréciation par les amateurs et
de ces marbres, pierres dures ou pierres les savants à un moment où le dialogue
fines, n’est pas nouvelle. Depuis l’Anti- entre science et curiosité devint d’une
quité, les amateurs goûtent la beauté de remarquable fécondité.

Les figures du marbre


« Pierre dure qui reçoit un beau poli, qui animées par de nouvelles figures », c’est-
est difficile et longue à tailler11 » le marbre à-dire sans doute de marbres veinés, fai-
fut, dès l’Antiquité, apprécié pour les sait les délices de Stace12. Ce goût pour
veines qui le composent et dessinent par- les dessins que l’amateur peut se plaire à
fois d’élégantes figures. Le pavé du Tibur reconnaître dans les replis de la matière
de Vopiscus, composé de «  mosaïques se double d’une croyance, développée
Les marbres : noblesse de la matière, « curiosités » de la nature

notamment par Pline, en la vie même du qui ressemble à celui de Farnèse.


marbre qui cacherait en son sein une figure Vous croiriez, il est vrai, que cette
que l’artiste libère. Le récit relaté dans figure marche, qu’elle vit, qu’elle
l’Histoire naturelle du «  grand prodige  » pense, et qu’elle va parler : mais elle
survenu dans les carrières de Paros où ne doit rien à l’art ; et c’est un coup
« les mineurs ayant détaché de la carrière, aveugle du hasard, qui l’a si bien
par le moyen des coins, un grand bloc finie et placée14. »
de marbre, y trouvèrent une empreinte
naturelle représentant Silène13  », traverse Au début du xviiie  siècle, Gottfried
toute l’histoire de la pensée et se retrouve Wilhelm Leibniz, dans les Nouveaux essais
notamment chez Plotin ou Michel-Ange. sur l’entendement humain, qu’il rédige en
Fénelon se réapproprie également la 1703 mais qui ne paraissent qu’en 1765,
pensée plinienne dans sa Démonstration de fait référence à la même idée :
l’existence et des attributs de Dieu :
« Je me suis servi aussi de la com-
«  Qui trouveroit dans une île paraison d’une pierre de marbre
déserte et inconnue à tous les qui a des veines, plutôt que d’une
hommes une belle statue de marbre, pierre de marbre toute unie, ou
diroit aussitôt : sans doute il y a eu des tablettes vides, c’est-à-dire de
ici autrefois des hommes : je recon- ce qui s’appelle tabula rasa chez les
nois la main d’un habile sculpteur : philosophes. Car si l’âme ressem-
j’admire avec quelle délicatesse il a blait à ces tablettes vides, les vérités 349
su proportionner tous les membres seraient en nous comme la figure
de ce corps, pour leur donner tant d’Hercule est dans un marbre, quand
de beauté, de grâce, de majesté, de ce marbre est tout à fait indifférent à
vie, de tendresse, de mouvement et recevoir ou cette figure ou quelque
d’action. Que répondroit cet homme autre. Mais s’il y avait des veines
si quelqu’un s’avisoit de lui dire  : dans la pierre qui marquassent la
non, un sculpteur ne fit jamais cette figure d’Hercule préférablement à
statue. Elle est faite, il est vrai, selon d’autres figures, cette pierre y serait
le goût le plus exquis, et dans les plus déterminée, et Hercule y serait
règles de la perfection ; mais c’est le comme inné en quelque façon, quoi
hasard tout seul qui l’a faite. Parmi qu’il faudrait du travail pour décou-
tant de morceaux de marbre, il y vrir ces veines, et pour les nettoyer
en a eu un qui s’est formé ainsi de par la polissure, en retranchant ce
lui-même ; les pluies et les vents qui les empêche de paraître15. »
l’ont détaché de la montagne ; un
orage très violent l’a jeté tout droit D’après Gilles Deleuze l’image des
sur ce piédestal, qui s’étoit préparé veines du marbre s’applique chez
de lui-même dans cette place. C’est Leibniz sous deux conditions diffé-
un Apollon parfait comme celui du rentes : « tantôt les veines sont les replis
­Belvédère : c’est une Vénus qui égale de la matière qui entourent les vivants
celle de Médicis  : c’est un Hercule pris dans la masse, si bien que le carreau
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de marbre est comme un lac ondoyant flottes en bataille et des visions de Giotto,
plein de poissons. Tantôt les veines percent tout à coup, sous le désordre
sont les idées innées de l’âme, comme minéral, la main de l’homme et son
les figures pliées ou les statues en puis- effort, et surgit lentement un dessin : un
sance prises dans le bloc de marbre16  ». reste de porte, un arc, une tour effondrée,
Ce lac ondoyant plein de poissons, cette un rempart19 ». Ce goût pour la fantaisie
métaphore maritime ou aqueuse pour le naturelle que Roger Caillois et André
marbre, a fait l’objet de plusieurs études, Beton considéraient comme une langue
notamment par Fabio Barry, dans un ou une écriture20, cette célébration de
article qui a fait date et qui démontrait l’inventivité de la création se retrouve
que certains décors antiques ou médié- en Orient dans l’appréciation par les let-
vaux avaient habilement utilisé les trés chinois des «  pierres de rêve  », ces
veines du marbre pour transformer sols « rochers » qu’ils interprètent comme des
ou parois en mers, vagues, en espaces paysages et des poèmes, ces « os du ciel
animés et vibrants17. et de la terre  », microcosmes et macro-
Les veines du marbre peuvent ainsi cosmes de l’univers qui garnissent leurs
constituer des figures, naturelles ou cabinets21. Ces « images » naturelles, ces
humaines, des paysages et des person- «  bizarreries de la nature  » expliquent
nages, soit naturellement, soit parce que l’emploi du marbre dans le domaine de
l’artisan travaille habilement la matière. l’architecture et du décor, mais égale-
Raniero Gnoli, auteur bien connu des ment l’engouement pour la collection
350 spécialistes du marbre, considérait d’échantillons les plus rares, ces naturalia
que «  les veines et les taches naturelles qui garnissaient les cabinets de curiosités
du marbre peuvent être combinées de des plus grands amateurs notamment à
manière à simuler ou à suggérer des la Renaissance, mais aussi aux xviie et
images variées. C’est surtout vrai dans xviiie  siècles22. Le sujet mériterait un
les décorations pariétales constituées ouvrage et fut d’ailleurs plusieurs fois
de plaques de marbre découpées dans étudié : il est évident que l’appréciation
un même bloc et disposées en livre des veines du marbre, au xviiie siècle, est
ouvert18 ». Mais plus encore que la capa- héritière d’un goût pour les pierres dures
cité de l’homme à savamment disposer et fines qui «  jouent l’art et la nature  »
les veines du marbre pour suggérer des pour reprendre l’heureuse expression
images, ce sont les marbres qui dessinent employée par Léopold d’Autriche pour
naturellement des paysages ou des décrire, en 1628, un cabinet recouvert
figures qui font les délices des amateurs. « d’agates, de cornalines, de calcédoines
Les pietre paesine, ces «  marbres  » des et de jaspes agencées avec des tableau-
environs de Florence, sont particulière- tins peints à l’huile23  ». Les «  images  »
ment appréciés aux xviie et xviiie siècles, que contiennent les marbres, les pay-
et font, encore aujourd’hui, le bonheur de sages que dessinent les veines des pierres
certains curieux et de certains hommes dures, résultent, comme le résume Jurgis
de lettres qui célèbrent ces « pierres-pay- Baltrušaitis dans ses célèbres Essais sur la
sages où la fantaisie de la nature imite légende des formes, « d’une même spécula-
et invente des ports, des maisons, des tion sur l’art de la Nature et la nature de
Les marbres : noblesse de la matière, « curiosités » de la nature

l’Art, où pierre et vie se superposent et Pour Benoît de Maillet (1636-1738), dont


se confondent dans le débordement des le Telliamed, publié seulement en 1748,
fantaisies baroques24 ». influença la génération des naturalistes
Si l’intérêt pour les figures du marbre de la seconde moitié du xviiie siècle, les
apparaît dès l’Antiquité, c’est surtout au «  bigarrures  » des marbres étaient de
xviie siècle que l’appréciation esthétique deux sortes : la première « est l’effet de
se double d’une recherche scientifique. certaines ondes, qui se rencontrent prin-
La formation des images naturelles que cipalement dans les marbres de couleurs
contiennent les pierres fait l’objet de plu- d’agathe, dans les rougeâtres, dans les
sieurs théories. Dans son Dictionnaire verds et dans ceux qui approchent de
raisonné universel d’Histoire naturelle, ces couleurs  » ; tandis que la bigarrure
Jacques Christophe Valmont de Bomare «  accidentelle  » consiste en «  certaines
rappelait que plusieurs «  physiciens  » rayes, ordinairement blanches ou jaunes,
éminents, comme «  Pline, Aldrovande, qui se trouvent dans ces mêmes marbres,
Kircher, Boccone, Agricola, Ferrante & dans plusieurs carrières de pierres28 ».
Imperati  », s’étaient intéressé aux Pour le comte de Buffon (1707-1788), qui
« jeux de la nature » que constituent les commence à composer son Histoire natu-
marbres veinés et les pierres figurées25. relle dès 1749, il faut distinguer
En 1665, Athanasius Kircher, dans son
Mundus Subterraneus, donnait quatre « la partie du fond qui d’ordinaire
hypothèses : « 1) le hasard ; 2) une dispo- est de couleur uniforme, d’avec les
sition de la substance terrestre à recevoir autres parties qui sont par taches 351
une empreinte, qui est ensuite pétrifiée ; ou par veines, souvent de couleur
3) la pétrification accidentelle d’un corps différentes ; les veines traversent le
ou d’un objet ; 4) une disposition divine fond et sont rarement coupées par
particulière, réalisée par les influences d’autres veines, parce qu’elles sont
angéliques et naturelles26 ». Tout au long d’une formation plus nouvelles que
des xviie et xviiie siècles l’explication de le fond et qu’elles n’ont fait que
la formation des « figures » des marbres remplir les fentes occasionnées par
reste approximative. Les scientifiques le dessèchement de cette matière du
ne parviennent pas à comprendre l’ori- fond29 ».
gine des «  singularités  » naturelles que
constituent « les tortuosités de certaines Buffon, chez qui la description l’em-
racines, les nœuds de quelques bois, porte, est l’un des rares à distinguer
les figures d’autres pierres, les desseins veines et taches : « toutes les taches sont
que présentent les marbres de Florence irrégulièrement terminées et comme fran-
& les Agathes de divers lieux, où les gées à leur circonférence, tandis que les
différentes figures qu’offre la glace27  ». veines sont au contraire sans dentelures ni
Benoît de Maillet, Dezallier d’Argenville, franges et simplement tranchées des deux
Buffon ont des explications divergentes : côtés dans leur longueur30  ». En 1755,
en ce milieu du xviiie  siècle la rigueur Antoine-Joseph Dezallier ­ d’Argenville
scientifique, si elle s’affirme peu à peu, (1680-1755), plus téméraire, se risque à
n’en reste pas moins approximative. expliquer la genèse des veines :
Sophie Mouquin

«  Ces égouts en tombant sur chacune en serpentant des veines de


les matrices, devraient former des la couleur qu’elles apportent : elles
taches rondes de la même manière tracent ainsi en se mêlant ensemble
que font ordinairement les gouttes des figures confuses, entremêlées les
d’eau  : les élévations de matière unes avec les autres, & des espèces
déjà congelée qu’elles trouvent dans de compartiments tels qu’on les
les matrices les font agir autrement, remarque dans la bigarrure des
elles les obligent de couler en long marbres31. »
dans les parties basses, & de former

Le nuancier de la nature
Si les veines et figures des marbres dont des taches vertes sur la pierre ;
sont une ode à la nature et à la création les autres venant d’une mine de fer
et expliquent que les «  pierres dures  », forment la couleur jaune ; il en est de
aient fasciné les amateurs et intéressé même des autres couleurs33. »
les savants –  même si ces derniers ne
parvinrent pas véritablement à percer Cette idée d’une «  pénétration  » se
352 les mystères de leur formation  –, au retrouve chez de nombreux savants
xviiie siècle, le goût pour les marbres est comme Benoît de Maillet selon lequel les
aussi la célébration de l’heureuse diver- couleurs des marbres étaient liées à la
sité du nuancier polychrome de la nature terre sur laquelle ils avaient été formés.
(illustrations  22 et 23, cahier couleur). Si le «  rouge du marbre de Savaresse
Pour Antoine-Joseph Dezallier d’Argen- [Seravezza] est si beau », c’est, affirme-t-il,
ville comme pour l’auteur de l’article sur parce que «  sur les montagnes des envi-
les Marbres dans le Journal économique de rons il se rencontre une terre d’un rouge
juin 175932, la couleur des marbres est si vif, que les canaux par où les eaux des
le résultat d’un hasard plus ou moins pluies coulent de ces montagnes à la mer,
heureux : semblent teints de sang34  ». Sont ainsi
expliquées «  toutes les autres couleurs,
«  Les marbres sont formés, sui- dont les carrières de cette nature sont
vant un auteur [Célapin] d’une variées dans tous les pays différents du
matière pure, concrète, amassée globe35  ». De même, il considère que les
par coagulation, c’est la même que marbres « bigarrés », sont « formés d’une
celle des pierres, mais elle est plus matière boueuse & aisée à se déjeter  »,
épurée. Divers égouts tombent du mais «  frappés de l’air, du soleil & de la
ciel d’une carrière sur les matrices gelée, ils s’étaient entr’ouverts, & que
des pierres, apportent avec eux dif- recevant dans leurs fentes les eaux des
férents sels, les uns passant contre pluies, & celles de la mer qui les surmon-
une mine de cuivre ou de vitriol, tait encore, ils avaient contracté ces bigar-
Les marbres : noblesse de la matière, « curiosités » de la nature

rures, suivant les terres et les limons dont très peu de marbres sont monochromes,
ces eaux étaient chargées, cette matière à l’exception du noir et du blanc, et que
qu’on peut regarder comme une espèce «  du mélange de ces diverses couleurs,
de colle ou de ciment, ayant servi à réunir il résulte une infinité de nuances diffé-
différentes pièces ou écailles, dans les- rentes  ». Mais le savant apportait une
quelles leur superficie s’était déjà par- précision très intéressante : la possibilité
tagée36 ». Comme pour les veines dont les
dessins étaient appréciés des amateurs, les « d’augmenter par l’art la vivacité
savants ne parvinrent pas à donner d’ex- et l’intensité des couleurs que les
plication véritablement satisfaisante à la marbres ont reçues [sic] de la nature ;
formation de la couleur des marbres. il suffit pour cela de les chauffer […]
Pourtant l’intérêt pour la polychromie en les polissant à chaud, et ces nou-
des pierres constitue un élément clé de velles nuances de couleur, acquises
la définition même du marbre. En 1698, par un moyen si simple, ne laissent
Nicolas Lémery considérait qu’il exis- pas d’être permanentes et ne s’al-
tait « trois espèces générales de marbre, tèrent ni ne changent par le refroi-
un blanc, un noir & un de diverses cou- dissement ni par le temps : elles sont
leurs37  ». Ce type de classification resta durables parce qu’elles sont pro-
longtemps en vigueur chez les natura- fondes, et que la masse entière du
listes. Le comte de Borch distinguait, marbre prend par cette grande cha-
dans sa Minéralogie sicilienne publiée leur ce surcroît de couleurs qu’elle
en 1780, les marbres à une couleur, des conserve toujours40 ». 353
panachés et des brèches, c’est-à-dire rela-
tivement «  à la nature et à la formation Les premiers essais de coloration arti-
de chacun d’eux », mais en réalité aussi ficielle des marbres étaient vraisembla-
de leur élément coloré38. Même Georges- blement anciens. Les spécialistes d’art
Louis  Leclerc de Buffon accordait à la antique, grec surtout, et les restaura-
couleur une place décisive dans sa classi- teurs connaissent et étudient depuis
fication, considérant même qu’il « y a de longtemps ce phénomène, y compris
ces pierres qui sont presque aussi dures, dans des aspects très techniques qui ne
aussi denses et d’un grain aussi fin que sont pas de notre sujet, pas plus que la
les marbres, et auxquelles néanmoins on création, encore relativement méconnue
ne donne pas le nom de marbres parce pour la période moderne, de la produc-
qu’elles sont sans couleur décidée ou tion de marbres factices, nous attachant
plutôt sans diversité de couleur39  ». Le à ce que les ouvrages du xviiie  siècle
célèbre naturaliste reprenait aussi l’idée, révèlent de la connaissance de la colora-
désormais communément admise, d’un tion des marbres41. Pline s’en fait l’écho
suc pétrifiant comme élément indispen- dans son Histoire Naturelle (livre xxxv),
sable à la solidification des madrépores et précisant que l’invention remontait au
coquilles, qui, « fortement imprégné des temps de l’empereur Claude et que
couleurs du fer ou d’autres minéraux », «  sous Néron, on imagina de mélanger
donne leurs teintes aux marbres. Buffon les marbres simples » et que l’on parvint
prenait cependant le soin de préciser que ainsi à enrichir « de taches de pourpre »
Sophie Mouquin

le Synnadique, suppléant ainsi à la sures qui pouvaient survenir lors de la


nature et créant «  des marbres tels que taille ou la pose. Les veines tant appré-
les désiraient nos caprices42  ». Dans la ciées des amateurs et des savants sont
seconde moitié du xviiie siècle, Athanase autant de fragilités de ces pierres dures,
Kircher43 et Nicolas Lémery44 livrèrent mais néanmoins délicates. Mais certains
des recettes qui permettaient d’obtenir allèrent visiblement plus loin, colorant
des effets colorés. En 1730, l’Académie véritablement le marbre, soit par four-
royale des sciences publia un «  Mémoire berie, soit pour apporter à un marbre
sur la teinture & la dissolution de plu- blanc notamment une touche de poly-
sieurs espèces de pierres  » dans lequel chromie. Piganiol de La Force atteste
M. du Fay [de la Faye] retraçait diverses ainsi que les joues de la figure de Pudicita,
expériences sur les «  moyens de faire placée dans la galerie des Glaces, furent
pénétrer dans l’agathe, dans le marbre colorées en vermillon48. L’artifice est
& dans plusieurs autres pierres dures, ici justifié par l’iconographie et la réfé-
différentes espèces de couleurs45  ». De rence antique  : «  rien ne marque mieux
toutes les pierres dures, le marbre, blanc la pudeur que le voile & le vermillon.
surtout, y était présenté comme l’une Ce dernier prouve même que c’était une
des plus faciles à colorer. L’auteur du divinité. Les anciens avaient accoutumé
mémoire donne maints détails sur les de peindre avec cette couleur le visage
différentes colorations artificielles et de leurs dieux49 ». L’auteur livre ensuite
se vantait d’avoir obtenu un bleu pur, la recette employée :
354 tout en reconnaissant qu’il était impos-
sible d’obtenir un noir parfait. D’après «  Au reste, on voit par ce que je
Michel-Jean de Borch, la coloration des viens de dire, que je ne suis pas du
marbres, grâce à des teintes végétales, sentiment de ceux qui croient que le
était couramment employée en Sicile vermillon des joues de cette statue
par les marbriers pour «  corriger les est naturel au marbre, très certaine-
défauts des marbres du pays » ou pour ment, il est ajouté. Le Père Kirker
« tromper les étrangers peu connaisseurs [sic] a parlé fort au long dans un
en leur vendant un marbre coloré pour de ses ouvrages (Mundus subterra-
un marbre naturel46  ». Ce type d’arti- neus), de l’art de faire pénétrer le
fice semble avoir été assez largement marbre par la couleur, & depuis lui,
employé  : Alex-Frederik Cronstedt, le Père Baldigiani a découvert une
chimiste averti, dénonçait la pratique, manière encore plus facile & plus
visiblement répandue en Italie, selon simple que la sienne. On prend du
laquelle « à défaut d’originaux, on prend sang de dragon en larmes pour la
des espèces semblables à leur place & couleur rouge, de la gomme gutte
on colore aussi des sortes de marbres pour le jaune, & de la gomme dont
blancs47 ». les Momies sont remplies, pour
Il est certain que les marbriers et les le noir. On réduit séparément ces
lapidaires savaient réaliser des mastics gommes en poudre très subtile, on
colorés susceptibles de cacher les imper- les détrempe ensuite sur le marbre
fections d’un marbre ou encore les cas- avec d’excellente eau de vie, & avant
Les marbres : noblesse de la matière, « curiosités » de la nature

que d’appliquer la couleur, on fait trait  ». Il avait assisté aux expériences


chauffer le marbre autant qu’il est de M.  de La Faye chez «  Dropsy, mar-
possible afin qu’elle ait plus de faci- brier de Paris », et constaté que ces der-
lité à pénétrer toute la substance50. » nières «  consistaient en deux tranches
de marbre blanc, taillées pour servir de
Quelque véridique que soit cet «  art tables ; & sur lesquelles on a peint des
de faire pénétrer le marbre par la cou- taches, pour imiter une brèche dont la
leur  », plusieurs sources et de carac- Nature n’a jamais montré d’exemple ;
tères très divers, l’une scientifique et elles représentent alternativement des
l’autre littéraire, attestent de techniques couleurs d’un gris tirant sur le fer ou l’ar-
permettant de colorer le marbre. Le doise, & d’un jaune foncé & sourd  : les
Journal économique d’avril 1758 livrait traits qui séparent ces deux couleurs sont
ainsi la Méthode pour préparer une liqueur d’un rouge brun  ». Un autre marbrier,
qui pénètre dans l’intérieur du marbre, de rapporte le même Mémoire, «  qui loge
manière qu’on puisse peindre sur la surface sur le rempart », employait de « fausses
des choses qui paraitront aussi en dedans, couleurs  » pour «  fabriquer des tables
précisant que cet art avait été pratiqué chargées de fleurs52 ». Ces essais ne sem-
avec succès par un tailleur de pierres blèrent cependant pas satisfaisants à
d’Oxford, M. Birde, avant 166051. Quant Caylus qui conclut que « toutes les opé-
aux Mémoires de l’Académie royale, ils rela- rations de ce genre qui ont été citées &
taient que le comte de Caylus s’était, lui rapportées n’ont été qu’une incorpora-
aussi, intéressé au « moyen d’incorporer tion vague53 ». 355
la couleur dans le marbre & de fixer le

Conclusion
Ainsi donc, les «  marbres  » du des aspects mériteraient encore d’être
xviiie  siècle, qui n’en sont pas toujours développés et les champs de la recherche
pour les géologues, sont-ils appréciés sont, en ce domaine, importants. L’étude
avant tout en raison de l’heureuse diver- du goût pour les pierres «  susceptibles
sité, qui célèbre la beauté de la matière, de prendre un beau poli » trouverait sans
de leurs veinages, de leurs «  figures  », doute des prolongements savoureux dans
et de leurs couleurs. Jaspes, agates, cor- celle de leur imitation. Mais même très
nalines, brèches, poudingues, coquil- incomplet, ce bref aperçu du goût pour
liers, marbres composent un nuancier les marbres colorés et veinés démontre
qui fait le bonheur du géologue comme que leur appréciation esthétique, qui
celui de l’amateur (illustration 24, cahier se conjugue parfois avec une véritable
couleur). Nous n’avons envisagé ici ces recherche scientifique sur la compré-
« heureuses curiosités de la nature » que hension de leur formation, relève de la
sont les pierres dures et les marbres que « curiosité », phénomène que historiens
pour leurs veines et leurs couleurs. Bien des sciences comme Lorraine Daston et
Sophie Mouquin

Katharine Park et des historiens ou his- est l’auteur de plusieurs ouvrages (dont Pierre IV
Migeon, 2001 ; Le style Louis XV, 2003 ; Écrire la sculp-
toriens de l’art comme Francis Haskell,
ture, 2011 ; Versailles en ses marbres, politique royale et
Krzysztof Pomian, Antoine Schnapper, marbriers du Roi, à paraître en 2017).
Arthur MacGregor, Robert John Weston 3. À ce sujet, voir entre autres Raniero Gnoli,
Evans, Alexander Marr et Neil Kenny54 Marmora romana, Rome, Edizioni dell’Elefante,
1971  ; Marilda de Nuccio et Lucrezia Ungaro
étudièrent brillamment pour la période (dir.), I marmi colorati della Roma imperiale, Rome,
moderne, à un moment où, comme le Marsilio, 2002 ; Dario del Bufalo, Marbres de cou-
résume Stéphane Van Damme, « un tra- leur, pierres et architecture de l’Antiquité au xviiie siècle,
Arles, Actes Sud, 2004 ; Lorenzo Lazzarini, Pietre e
vail de distinction voit ainsi le jour entre marmi antichi. Natura, caratterizzazione, origine, storia
une conception ancienne de la curiosité, d’uso, diffusione, collezionismo, Padoue, Cedam, 2004 ;
portée par le merveilleux et la démarche Patrizio Pensabene, I marmi nella Roma antica, Rome,
Carocci, 2014  ; Henry William Pullen, Manuale
scientifique55 ».
dei marmi romani antichi, tradotto, curato, illustrato e
Le nuancier de la nature n’est jamais aggiornato da Francesco Crocenzi, Rome, Gangemi edi-
si beau que lorsqu’il est mis en valeur, tore, 2015.
accompagné, magnifié par le talent 4. Jacques Dubarry de Lassale, Identification
des marbres, Turin, H. Vial, 2000 ; id., Utilisation des
des artistes qui osent s’en emparer ; les marbres, Turin, H. Vial, 2005.
marbriers qui coupent, tracent, et com- 5. Geneviève Bresc-Bautier et Hélène
posent de vastes tableaux colorés, les du Mesnil, «  La politique royale du marbre fran-
çais (1700-1789)  », Colloque international tenu dans
orfèvres et les bronziers qui montent, le cadre du 108e congrès national des sociétés savantes,
comme des pierres précieuses, ces « heu- Grenoble, 5-9 avril 1983, Paris, CTHS, 1986, p.  425-
reuses curiosités de la nature ». Comme 442 ; Geneviève Bresc-Bautier, « Le marbre du Roi :
L’Approvisionnement en marbre des bâtiments du
356 le résume Roger Caillois, poète des
Roi, 1660-1715 », Eighteenth Century Life, vol. 17, n° 2,
pierres, «  Nulle régularité en effet dans mai 1993, p. 36-54 ; id., « Les marbres des Pyrénées
le dessin des agates. Il semble contenir sous Louis  XIV  », Les Marbres blancs des Pyrénées
le répertoire entier, le vacarme et l’opu- approches scientifiques et historiques, Entretiens d’ar-
chéologie et d’histoire, Saint-Bertrand-de-Cominges,
lence des formes libres, telles qu’un jour Toulouse, 1995, p.  261-273 ; id., «  L’importation du
l’ingéniosité et la fantaisie des hommes marbre de Carrare à la cour de Louis  XIV, riva-
inventeront, non sans complaisance, de lités des marchands et échecs des compagnies  »,
dans Pascal Julien (dir.), Marbres de Rois, Aix-en-
les multiplier56 ». Provence, Publications de l’université de Provence,
2013, p. 123-150.
6. Jean-Louis  Bonnet, «  Des carrières aux mar-
Notes briers de Caunes-Minervois (xviie siècle) », Bulletin de
la Société d’Études Scientifiques de l’Aude, xcviii, 1998,
1. Cet article est tiré d’une conférence donnée p. 89-102 ; Pascal Julien, « Le flottage des marbres
dans le cadre du Festival d’histoire de l’art de royaux des Pyrénées à l’Océan », Forêts et transport.
Fontainebleau, en mai 2015. La partie «  géolo- Les modes traditionnels, Paris, ENS, Cahiers d’Études,
gique », qui avait été réalisée par Francis Tourneur, 14, 2004, p.  25-29 ; id., «  Le Mémoire sur les marbres
ne sera pas développée, tandis que la partie histo- de Marc-François de Lassus description inédite des
rique, relevant de l’histoire du goût, est ici reprise en Pyrénées au xviiie siècle », Revue de Comminges et des
partie. Elle sera plus amplement exposée dans notre Pyrénées centrales, cxx, avril juin 2004, p.  197-234 ;
ouvrage à paraître chez Arthéna en 2017, Versailles id., Marbres, de carrières en Palais, Manosque, Le Bec
en ses marbres, politique royale et marbriers du Roi. en l’Air, 2006 ; Jean-Louis Bonnet et Pascal Julien,
2. Maître de conférences à l’université de Lille 3, « Un temporel de marbre : les carrières de l’abbaye
membre du centre de recherche de l’IRHIS et direc- de Caunes-Minervois, aux xviie et xviiie  siècles  »,
trice des études à l’École du Louvre, Sophie Mouquin Le village et l’abbaye de Caunes-Minervois, Caunes,
travaille sur les arts décoratifs et sur l’histoire du novembre 2003, Archéologie du Midi Médiéval, 6,
goût pour le marbre aux xviie et xviiie  siècles. Elle 2010, p. 143-151 ; Pascal Julien, « Des “plaies infli-
Les marbres : noblesse de la matière, « curiosités » de la nature

gées aux montagnes”  : carrières de marbre des Roi  : l’élaboration d’une symbolique du marbre
Pyrénées, Minervois et Provence, xvie-xixe siècles », sous l’Ancien Régime », Marbres jaspés de Saint-Rémy
Une longue histoire. La construction des paysages méri- et de la région de Rochefort, Namur, TreMa, 2012,
dionaux, 2012, p.  43-55 ; id. (dir.), Marbres de Rois, p. 205-231.
Aix-en-Provence, Publications de l’université de 10. Voir notamment Geneviève Bresc-Bautier,
Provence, 2013. «  Catherine de Médicis  : la passion du marbre  »,
7. Notamment : Sophie Mouquin, « La dynastie dans Sabine Frommel et Gerhard Wolf (dir.),
Derbais : des marbriers brabançonnais au service du Il Mecenatismo di Caterina de’Medici, Padoue,
roi de France  », Pouvoir(s) de marbres, Liège, 2004, Marsilio, 2008, p. 251-277 ; Francis Tourneur, « La
p. 96-108 ; id., « Lorsque les marbriers de Versailles polychromie des châteaux renaissants  : le cas du
venaient du Bas-Hainaut  », Société d’Histoire régio- pavillon d’Anet  », dans Jacques Toussaint (éd.)
nale de Rance, 2005, p.  147-178 ; id., «  Versailles Rouges et noirs, Rubis, grenat, onyx, obsidienne et
en ses marbres, étude d’un décor marmoréen du autres minéraux rouges & noirs dans l’art et l’archéo-
Grand  siècle  : l’appartement des Bains  », Revue logie, Namur, coll. Monographie du TreM.a, 2014,
de l’Art, 2006, n°  151, p.  51-64 ; id., «  Versailles, un p.  59-63 ; id., «  “La nature admirable des pierres
édifice de marbre : le rouge de Rance et les harmo- sous diverses couleurs et qualitez” : de l’emploi du
nies colorées versaillaises », Les Wallons à Versailles, marbre dans l’architecture de Philibert De l’Orme »,
Liège, La Renaissance du Livre, 2007, p.  355-388 ; dans Frédérique Lemerle et Yves Pauwels (dir.),
id., «  Deux projets marbriers abandonnés  : la cin- Philibert De l’Orme. Un architecte dans l’histoire,
quième chapelle de Versailles et l’église royale des Arts. Sciences. Techniques, Turnhout, Brepols, 2016,
Invalides  », Livraisons d’histoire de l’architecture, p. 137-150.
«  Grands chantiers et matériaux  », n°  16, 2008, 11. Antoine Furetière, Dictionnaire universel  :
p. 47-57 ; id., « Marbres et marbriers de la Galerie des contenant generalement tous les mots françois, tant vieux
Glaces  », La galerie des Glaces après sa restauration  : que modernes, & les termes de toutes les sciences et des
contexte et restitution, École du Louvre, Paris, 2013, arts…, 3 vol., La Haye et Rotterdam, A. et R. Leers,
p.  74-96 ; id., «  Les marbriers du Roi, organisation 1690, II, p. 552.
et réalisations  », dans Pascal Julien (dir.), Marbres 12. Œuvres complètes de Stace, traduites par
de Rois, Aix-en-Provence, Publications de l’univer- MM.  Rinn et Achaintre, 4  vol., Paris, Panckoucke,
357
sité de Provence, 2013, p.  203-213 ; id., Versailles en 1829-1832, I, 1829, note n° 12, p. 64-65 ; II, 1829, p. 57.
ses marbres, politique royale et marbriers du Roi, Paris, 13. Pline l’Ancien, Histoire naturelle de Pline tra-
Arthéna, à paraître (2017). duite en François avec le texte latin rétabli d’après les meil-
8. Alexandre Cojannot, « Mazarin et le “grand leures leçons manuscrites, 12 vol., Paris, veuve Desaint,
dessein” du Louvre, projets et réalisations de 1662 à 1771-1782, XI, 1778, p. 379.
1664 », Bibliothèque de l’École des chartes, n° 161, 2003, 14. François de Salignac de La Mothe,
p.  133-219 ; id., «  À  l’origine de l’architecture de Démonstration de l’existence de Dieu, tirée de la connois-
marbre sous Louis XIV : les projets de Louis Le Vau sance de la nature et proportionnée à la faible intelli-
pour le collège Mazarin, le Louvre et Versailles gence des plus simples, Paris, Jacques Estienne, 1713,
(1662-1663) », Revue de l’art, n° 169, 2010-3, p. 11-23 ; p. 12-13.
Muriel Barbier, «  L’architecte, le sculpteur, le 15. Gottfried Wilhelm Leibniz, Nouveaux essais
marbrier et quelques cheminées bellifontaines des sur l’entendement humain, Paris, 1765, rééd., Paris,
années 1730-1740  », Histoire de l’art, n°  57, 2005, Flammarion, 2002, p. 36-37.
p. 67-77. 16. Gilles Deleuze, Le Pli, Leibniz et le Baroque,
9. Voir, en plus des ouvrages concernant l’Italie, Paris, Éditions de Minuit, 1988, p.  5-6, cité par
précédemment cités, entre autres  : Nicoletta Mireille Buydens, «  La forme dévorée, pour une
Morello, La machina della terra, Teorie geologiche approche Deleuzienne d’Internet  », dans Thierry
dal Seicento all’Ottocento, Turin, Loescher, 1979  ; Lenain (dir.), Deleuze, Foucault, Lyotard, Paris, Vrin,
Valentina Gagliardo Bruccia et Giuseppe 1997, p. 46.
Montana, I marmi e i diaspri del barocco siciliano, 17. Fabio Barry «  Walking on water  : cosmic
Palerme, Flaccovio, 1998 ; Monica T. Price, Decorative floors in antiquity and in the middle ages », The Art
stones, the complete sourcebook, Londres, Thames Bulletin, vol. lxxxix, n° 4, décembre 2007, p. 627-656.
& Hudson, 2007 ; Sophie Mouquin, «  D’agate, de 18. Traduction de l’auteur «  Le naturali vene e
jaspe et de sardoine  : pierres fines dans les collec- macchie del marmo possono no di rado combinarsi
tions minéralogiques françaises au xviiie  siècle  », in modo da simulare o suggerire immagini di varia
Le luxe, le goût, la science, Neuber, orfèvre minéralo- specie. Questo succede in special modo nella deco-
giste à la cour de Saxe, Saint-Rémy-en-l’eau, Monelle razione parietale costituita da lastroni di marmo
Hayot, 2012, p.  45-90 ; id., «  Pour Dieu et pour le segati dallo stesso blocco e quindi, come di dice,
Sophie Mouquin

messi in opera ad apertura  ». R. Gnoli, Marmora 24. Jurgis Baltrušaitis, Aberrations, quatre essais
romana, op. cit., p. 53. sur la légende des formes, Paris, Perrin, 1957, p. 57.
19. Jean d’Ormesson, La gloire de l’Empire, Paris, 25. Jacques-Christophe Valmont de Bomare,
Gallimard, 1971, p. 25. Dictionnaire raisonné universel d’Histoire naturelle,
20. André Breton, « Langue des pierres », Le sur- 6 vol., Paris, Brunet, 1767-1768, II, p. 23.
réalisme, n° 3, automne 1957, p. 64-68 ; id., Perspective 26. Joscelyn Godwin, Athanasius Kircher, Le
cavalière, Paris, Gallimard, 1970 ; Roger Caillois, Théâtre du Monde, trad. fr. par Charles  Moysan,
Pierres, suivi d’autres textes, Paris, Gallimard, Paris, Imprimerie nationale, 2009, p. 148.
1966, rééd., 2013 ; id., L’écriture des pierres, Paris, 27. Élie Bertrand, Mémoires sur la structure inté-
Skira, 1971, rééd., Paris, Flammarion, 1981 ; Jurgis rieure de la terre, Zurich, Heidegguer et compagnie,
Baltrušaitis, Aberrations, quatre essais sur la légende 1752, p. 46.
des formes, Paris, Perrin, 1957. 28. Benoît de Maillet, Telliamed ou entretiens
21. Sur ce sujet, récemment célébré dans une d’un philosophe indien avec un missionnaire français sur
exposition au musée Guimet (Catherine Delacour la diminution de la mer, la formation de la terre, l’origine
(dir.), Rochers de lettrés, itinéraires de l’art en Chine, de l’homme, &c, 2 vol., Amsterdam, L’Honoré & Fils,
Paris, RMN, 2012), voir notamment R. Caillois, 1748, I, p. 53.
Pierres, op.  cit., 1971, rééd., 1981 ; Olivier Schefer, 29. Georges-Louis  Leclerc de Buffon, Histoire
«  Les pierres de rêve  : minéralogie visionnaire  », naturelle des minéraux, 5 vol., Paris, Imprimerie
dans Vincent Gille (dir.), Trajectoires du rêve, du royale, 1783-1788, I, 1783, p. 310.
romantisme au surréalisme, Paris, Pavillon des arts, 30. Ibid., p. 311.
2003, p.  203-210 ; Victoria Cirlot, «  Langue des 31. Antoine-Joseph Dezallier d’Argenville,
pierres  : expérience mystique et nature  », dans Histoire naturelle éclaircie dans une de ses parties prin-
Dominique de Courcelles (dir.), Les enjeux philo- cipales, l’oryctologie qui traite des terres, des pierres, des
sophiques de la mystique, Jérôme Grenoble, Millon, métaux, des minéraux et autres fossiles, ouvrage dans
2007, p. 71-90. lequel on trouve une nouvelle méthode latine et fran-
22. La bibliographie, sur ce sujet, est abon- çaise de les diviser, & une notice critique des principaux
dante. Voir notamment Annamaria Giusti, Tesori ouvrages qui ont paru sur ces matières, Paris, De Bure
di pietre dure  : Palazzo Pitti, Uffizi e altri luoghi l’aîné, 1755, p. 205.
358
d’arte a Firenze, Milan, Electa, 1989 ; id., Pietre Dure. 32. Journal économique, juin 1759, p. 241.
Hardstone in furniture and decorations, Londres, 33. Antoine-Joseph Dezallier d’Argenville,
Ph.  Wilson, 1992  ; Adalgisa Lugli, Naturalia et L’Histoire naturelle éclaircie dans deux de ses parties
mirabilia  : les cabinets de curiosités en Europe, Paris, principales. La lithologie et la conchyliologie dont l’une
Adam Biro, 1998 ; Daniel Alcouffe, La collection traite des pierres et l’autre des coquillages, Paris, 1742,
de gemmes de Louis  xiv, Paris, RMN, 2001 ; Lorraine p. 59 et id., Histoire naturelle, op. cit., 1755, p. 205. Il
Daston et Katharine Park, Wonders and the Order reprenait vraisemblablement Bernard Palissy (voir
of Nature (1150-1750), New York, Zone Books, 1998, Bernard Palissy, Discours admirables de la nature
rééd. 2001 ; Stéphane Castelluccio, Les collections des eaux et fontaines, tant naturelles qu’artificielles, des
royales d’objets d’art, de François Ier à la Révolution, métaux, des sels et salines, des pierres, des terres du feu et
Paris, L’Amateur, 2002 ; Annamaria Giusti, Eternità des émaux, Paris, Martin le jeune, 1580, p. 242 et id.,
e nobiltà di materia  : itinerario artistico fra le pietre Œuvres de Bernard Palissy, revues sur les exemplaires
policrome, Florence, Polistampa, 2003 ; Robert John de la bibliothèque du Roi, avec des notes, par M. Fauvas
Weston Evans et Alexander Marr, Curiosity and de Saint-Fond, et des additions par M.  Gobert, Paris,
Wonder from the Renaissance to the Enlightenment, Ruault, 1777, p. 124).
Ashgate, Aldershot, 2006  ; Wolfram Koeppe et 34. B. de Maillet, Telliamed, op. cit., p. 45-46.
Annamaria Giusti, Art of the Royal Court : Treasures 35. Ibid., I, p. 46.
in Pietre Dure from the Palaces of Europe, New Haven, 36. Ibid., p. 56.
Yale University Press, 2008 ; Paola Granata (dir.), 37. Nicolas Lémery, Traité universel des drogues
Dal libro di natura al teatro del mondo : studi in onore di simples mises en ordre alphabétiques, Paris, Laurent
Adalgisa Lugli, Bologne, Fausto Lupetti, 2012. Sophie d’Houry, 1698, 2e éd., Paris, Laurent d’Houry, 1714,
Mouquin, « Entre curiosité et science : lithothèques p. 528.
et marmothèques sous l’Ancien Régime », Studiolo, 38. Michel-Jean de Borch, Minéralogie sicilienne
n° 9, L’œuvre et sa présentation, 2012, p. 74-98. Sophie docimastique et métallurgique ou connaissance de tous
Mouquin, «  D’agate, de jaspe et de sardoine  », les minéraux que produit l’ile de Sicile, avec les détails
op. cit., p. 45-90. des mines et des carrières et l’histoire des travaux anciens
23. Cité dans V. Cirlot, «  Langue des pierres  », et actuels de ce pays, Turin, frères Reycends, 1780,
op. cit., 2007, p. 75. p. 100-106.
Les marbres : noblesse de la matière, « curiosités » de la nature

39. Georges-Louis  Leclerc de Buffon, Histoire 48. La Pudicité, marbre, 198 x 59 x 49 cm,
naturelle des minéraux, 5 vol., Paris, Imprimerie Versailles, châteaux de Versailles et Trianon, Grands
royale, 1783-1788, I, 1783, p. 301. Appartements, galerie des Glaces, inv. mr245.
40. Ibid., p. 309. Statue antique provenant de Benghazi, placée dans
41. Pour la période antique, voir notamment  : la galerie des Glaces en 1695 (remise à son emplace-
Max Schvoerer, Archéomatériaux. Marbres et autres ment d’origine en 1948, dépôt du Musée du Louvre).
roches, 4e Conférence internationale de l’Association 49. Jean-Aymar Piganiol de La Force, Nouvelle
pour l’étude des marbres et autres roches utilisés dans le Description des châteaux et parcs de Versailles et de
passé, ASMOSIA 4, Bordeaux, Presses Universitaires Marly contenant une explication historique de toutes les
de Bordeaux, 1995 ; Brigitte Bourgeois et Philippe Peintures, Tableaux, Statues, Vases & Ornemens qui s’y
Jockey, «  Approches nouvelles de la polychromie voyent, leurs dimensions, & les noms des Peintres, des
des sculptures hellénistiques de Délos  », Comptes Sculpteurs & des Graveurs qui les ont faits, Paris, F. et
rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et P. Delaulne, 1701, 9e  éd., 2 vol., Paris, Hocherau,
Belles Lettres, 2001, vol. 145, n° 1, p. 629-665 ; Michales 1764, p. 218.
A. Tiverios et Despoina S. Tsiafakis (dir.), Color in 50. Ibid., p. 220-221.
Ancient Greece. The Role of Color in Ancient Greek Art 51. Journal économique, avril 1758, p. 169.
and Architecture 700-31 B. C., Thessalonique, 2002 ; 52. Histoire de l’Académie royale des Inscriptions &
Sandrine Dubel, Valérie Naas et Agnès Rouveret, Belles Lettres, XIV, 1772, p. 304.
(dir.), Couleurs et matières dans l’Antiquité, textes, 53. Ibid., p. 297-298.
techniques et pratiques, Paris, Éditions rue d’Ulm, 54. L. Daston et K. Park, Wonders, op. cit., 1998,
2006 ; Sophie Descamps-Lequime (dir.), Peinture et rééd. 2001 ; Lorraine Daston, Natural Law and Laws
couleur dans le monde grec antique, Paris, Musée du of Nature in Early Modern Europe, Ashgate, Aldershot,
Louvre, 2007 ; Roberta Panzanelli (dir.), The Color 2008 ; Francis Haskell, De l’art et du goût, jadis et
of Life  : Polychromy in Sculpture from Antiquity to naguère, Paris, Gallimard, 1989 ; Krzysztof Pomian,
the Present, Los Angeles, The J. Paul Getty Museum, Collectionneurs, amateurs et curieux, Paris, Venise, xvie-
2008 ; Adeline Grand-Clément, «  Les marbres xviiie siècle, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des
antiques retrouvent des couleurs  : apport des histoires  », 1987 ; Antoine Schnapper, Le Géant, la
recherches récentes et débats en cours  », Anabases, licorne et la tulipe, collections et collectionneurs dans la
359
10 (2009), p. 243-250. France du xviiie, I, Histoire et histoire naturelle, Paris,
42. Pline l’Ancien, op. cit., p. 161. Flammarion, 1988 ; id., Curieux du grand  siècle, col-
43. À ce sujet, voir notamment les publications lections et collectionneurs dans la France du xviie siècle,
de Joscelyn Godwin et Paula Findlen : J. Godwin, II, Œuvres d’art, Paris, Flammarion, 1994 ; Arthur
Athanasius Kircher, un homme de la Renaissance MacGregor, Curiosity and Enlightenment, Collectors
à la quête du savoir perdu (1979), trad. fr. Paris, and Collections from the Sixteenth to the Nineteenth
B.  Diffusion, 1980 ; id., Athanasius Kircher, Le Théâtre Century, New Haven, Yale University Press, 2007 ;
du Monde, trad. fr. Paris, Imprimerie Nationale, R. J.  Weston Evans et A. Marr, Curiosity, op.  cit.,
2009 ; P. Findlen, Athanasius Kircher  : the last man 2006 ; Neil Kenny, Curiosity in Early Modern Europe :
who knew everything, New York, Routledge, 2004. Word Histories, Harrassowitz Verlag, Wolfenbütteler
44. Nicolas Lémery, Recueil de curiositez rares et Forschungen, 1998 ; id., The Uses of Curiosity in
nouvelles dans les plus admirables effets de la Nature, Early Modern France and Germany, Oxford, Oxford
Lausanne, David Gentil, 1681, p. 57-58. University Press, 2004.
45. Histoire l’Académie royale des sciences, 1730, 55. Stéphane Van Damme, « La curiosité histoire
p. 50. d’un mot », dans Dominique Pestre (dir.), Histoire
46. M.-J. de Borch, Minéralogie sicilienne, op. cit., des sciences et des savoirs, 1 ; De la Renaissance aux
p. 230. Lumières, Paris, Le Seuil, 2015, p. 136-137.
47. Alexis-Frederik Cronstedt, Essai d’une nou- 56. R. Caillois, Pierres, op. cit., 1966, rééd. 2013,
velle minéralogie. Tr. du suédois & de l’allemand de p. 41.
M. Wiedman &c. &c., par M. Dreux fils, Paris, Didot,
1771, p. 56.

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