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Commentaire littéraire
Le texte est morcelé en une succession de paragraphes numérotés et brefs, en plus de l'introduction et la
conclusion. Dans l'introduction, on voit les titres de l'auteur de l'édit (« mouphti du Saint-empire
ottoman »), des formules de politesse orientales (« lumières des lumières »), et les circonstances
fâcheuses qui expliquent la décision d'interdire l'imprimerie : le retour d'un ambassadeur détenant cette
invention dangereuse, puis l'auteur énumère les raisons de l'interdiction dans les paragraphes numérotés,
au conditionnel.
Le texte est clairement placé dans un contexte oriental : notions de lieu : « Saint-empire ottoman »,
« Stambul », mettant en valeur l'éloignement de la France : « Frankrom », « les auteurs occidentaux »,
des notions de temps, par des dates données dans le calendrier musulman : « l'an 1143 de l'Hégire », et
des références au contexte administratif et religieux : « Joussouf-Chéribi ».
La date musulmane 1143 correspond en réalité à la date à laquelle a été écrit le texte en date occidentale
(1143 + 622 (Hégire) = 1765).
Le texte est placé dans un contexte religieux : champ lexical de la religion très présent (« cadi »,
« imans », « croyants », « damnation éternelle », …).
Apparence juridique du texte par l'utilisation de la numérotation, et certaines tournures de phrase (« les
causes ci-dessous énoncées », …).
Ce qui touche au monde oriental est à la mode au moment à l'époque de Voltaire, et placer son texte
dans un contexte oriental permet ainsi à Voltaire de rendre son texte plaisent pour le lecteur.
Localiser le récit dans un pays lointain permet à Voltaire de se dégager de la censure et d'exploiter toute
la gamme de l'ironie.
On remarque que les arguments contre la lecture sont de plus en plus ridicules : du premier argument
qui est de garder le peuple dans l'ignorance pour la « sauvegarde des États bien policés » qui est en effet
un dogme de bien des dictatures, jusqu'au dernier argument qui est de ne pas vouloir trouver des
méthodes pour lutter contre les maladies.
A la fin du texte, le narrateur veut empêcher les gens de penser, ce qui est bien sûr impossible, et que les
conversations ne doivent plus rien signifier => le texte vire au burlesque, ainsi Voltaire ridiculise
complétement le narrateur.
En ridiculisant un texte d'apparence juridique et religieuse, Voltaire dénonce les pratiques de la justice et
l'Eglise françaises.
Voltaire veut montrer l'obscurantisme de ces deux institutions.
Voltaire dénonce le despotisme qui s'appuie sur la superstition religieuse :
- « par la grâce de Dieu » : l'autorité royale en France est justifiée par le fait que les pouvoirs du roi lui
seraient conférés par Dieu.
- « il a semblé bon à Mahomet et à nous de condamner »
- L'interdiction de l'imprimerie est donnée en termes religieux : « condamné », « proscrire »,
« anathématiser », « damnation éternelle »…
=> Ironie et condamnation du pouvoir qui s'appuie sur la religion et sur les croyances du peuple pour
assoir son autorité.
1. Des antithèses
Chaque argument contre la lecture est en fait une antithèse et il faut comprendre exactement le contraire
de ce qui est dit. Le registre est donc ironique.
Il faut d'ailleurs remarquer que même le narrateur ne semble pas sûr de ses arguments : utilisation du
conditionnel montrant qu'il ne s'agit que d'hypothèses, de tournures impersonnelles, utilisation de
nombreux modalisateurs (« sans doute »…).
La violence des termes « pernicieux usage », « proscrire », « infernale » qui sont censés justifier
l'interdiction de l'imprimerie, permettent en réalité à Voltaire d'insister sur les bienfaits de la lecture.
Conclusion
Dans De l'horrible danger de la lecture, Voltaire lutte contre la censure en transportant les faits en Orient,
ce qui lui permet de caricaturer la situation. Son texte est un pamphlet qui a recours à l'ironie pour mieux
dénoncer l'ignorance qui favorise le despotisme et pour inviter le lecteur à ne pas se laisser enfermer
dans cette ignorance. Ainsi, Voltaire fait l'apologie de la philosophie des Lumières.