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PLAN DU COURS
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CHAPITRE 2 : LES COMPOSANTES MATERIELLE ET MORALE DE L’INFRACTION
A- La faute intentionnelle
B- Les fautes non intentionnelles
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Paragraphe 2: Les complices de l’infraction
A- La légitime défense
B- L’ordre de la loi et le commandement de l’autorité légitime
A- L’état de nécessité
B- Le consentement de la victime
Paragraphe 1 : L’imputabilité
4
A- Diversité des causes de non imputabilité
B- Les effets des causes de non imputabilité
Paragraphe 2 : La culpabilité
5
INTRODUCTION : GENERALITES SUR LE
PHENOMENE CRIMINEL ET LE DROIT
PENAL GENERAL
6
I. Le phénomène criminel
Si le destin des hommes est individuel, leur marche sur terre est par contre collective et la vie
en société devrait être en principe une vie paisible où chacun doit respecter ses obligations et
jouir en paix de ses droits1. Mais, dans la pratique, Jean-Jacques Rousseau, dans son "Discours
sur l’inégalité" écrivait déjà en 1755, qu’« En considérant la Société humaine d’un regard
tranquille et désintéressé, elle ne semble montrer d’abord que la violence des hommes puissants
et l’oppression des faibles ». La vie en société étant devenue une véritable jungle, la nécessité
de garantir la sécurité des uns contre les appétits naturels de brimade des autres, a justifié
l’élaboration d’un corpus de règles que constitue le droit.
Ainsi, le droit devient une discipline normative destinée à l’édiction de règles de conduite et à
l’organisation des rapports sociaux 2. Dans son dictionnaire de la langue française, Emile Littré
a écrit que « le droit est l’ensemble des règles qui régissent la condition de l’homme en
société ». C’est comme un état d’équilibre, dans une société, entre le nécessaire et le possible
et dont la finalité est d’établir un ordre social harmonieux, de régler les rapports sociaux avec
le souci d’y promouvoir, à des degrés différents selon les cas, un certain ordre moral, la sécurité
juridique et le progrès social3.
1 Le locataire paye normalement ses loyers, Maris et femmes vivent en bonne intelligence et leurs désaccords s’évanouissent
assez rapidement ; l’entrepreneur doit construire dans les délais, un édifice impeccable et irréprochable en solidité ; les
héritiers, lorsqu’ils vont en partage, doivent posséder amiablement
2 J.L BERGEL, « Théorie générale du droit », 3ème éd, Dalloz, p.2 ; J.F. PERRIN, « Pour une théorie de la connaissance
juridique », éd. Droz, Genève, 1979, p. 71 et s. ; N. ROULAND, « Anthropologie juridique », Paris, P.U.F, Coll. Droit
fondamental, 1988.
3
J.L. BERGEL, Théorie générale du Droit, D. 3ème édition, p. 5
4
Les finalités du droit sont multiples et les opinions à cet égard, sont si disparates, contradictoires, passionnées ou
incertaines que leur cacophonie est déconcertante. Face à ceci, il convient, selon Jean Louis Bergel de les recenser
voire regrouper par affinités. Par exemple, selon Michel Villey, on peut concevoir pour le droit, quatre grandes
finalités : la justice, la bonne conduite, le service des hommes et le service de la société. Mais, dans toutes les
constantes il existe deux constantes : la justice et l’équité. L’on s’accorde dès lors avec le Professeur
DJOGBENOU pour dire que le droit, en soi, poursuit une double finalité : la justice et l’équité et constitue l’un
des instruments de la quête de la justice et de l’équité. (V. J.L BERGEL, « Théorie générale du droit », 3ème éd,
Dalloz, p.29, (J) DJOGBENOU, l’exécution forcée en droit OHADA, 2 ème édition, CREDIJ, p. 5) ;
5
J.L BERGEL, Théorie générale du droit, 3ème éd, Dalloz, p.107
6
On parle de continent (on parle de droit communautaire européen, africain), l’Etat (on parle de droit sénégalais,
droit malien, Béninois voire tunisien et malgache)
7
Par exemple, il y a le droit français de la période révolutionnaire, le droit africain de la période coloniale, etc.
7
Nul ne conteste le lien entre la règle de droit et l’environnement social dans lequel il naît,
s’exerce et s’éteint. Le libre jeu des forces sociales, la liberté individuelle constamment
recherchée sous tous les régimes compromettent sérieusement l’atteinte par le droit de ses
finalités premières. En effet, le crime qui nous a accueilli à l’aube de la civilisation humaine à
travers l’histoire d’Abel et Caen, demeure à ce jour une hantise pour toutes les civilisations,
tous les Etats et constitue un défi sans cesse présent dans toutes les politiques de paix et de
sécurité. Malgré l’internationalisation des échanges de tous types, il n’en reste pas moins que
le monde reste un archipel et très fréquemment, les individus s’identifient par rapport à un
groupe très réduit qui provoque des comportements criminels désastreux. Or, parmi les effets
les plus pervers de la mondialisation, l’un des plus notoires est constitué par une montée sans
précédent de la criminalité au niveau international8.
Véritable maladie du corps social, le phénomène criminel frappe l’observateur, à la fois par sa
permanence et par son importance et en conséquence a suscité le développement d’une
discipline nouvelle. En effet, permanent, le crime l’est évidemment, puisqu’il est lié à la vie en
société qui remonte à la plus haute Antiquité. Selon Durkheim, « le crime ne s’observe pas
seulement dans la plupart dans sociétés de telle ou telle espèce, mais dans toutes les sociétés de
tous les types »9. A la permanence du phénomène criminel s’ajoute son importance. S’il est
difficile de mesurer exactement le volume de la délinquance durant les siècles passés, les
statistiques n’apparaissant dans le monde qu’à partir de 1826 grâce au Compte général de la
justice criminelle française, il reste certain qu’il ne constitua jamais un fait négligeable.
Avec le développement des sciences de l’homme depuis le milieu du XIX e, sans doute aussi
avec l’augmentation de la criminalité depuis la même époque, est née une science nouvelle, la
criminologie, ou étude du phénomène criminel considéré dans ses causes et ses remèdes. On
doit le concept à un médecin italien, C. LOMBROSO, qui publie, en 1876 l’Uomo délinquante,
et le terme, à un magistrat, italien encore, GAROFALO qui écrit en 1895, une Criminologie.
Aujourd’hui, la criminologie apparaît à la fois comme une matière multidisciplinaire exigeant
le concours de la biologie, de la sociologie, de la psychologie, de la psychiatrie, de la statistique,
du droit pénal…
8 Jean Paul LABORDE, Le nouveau désordre mondial et le droit pénal des Nations Unies, in Le droit pénal à
l’aube du troisième millénaire, Mélanges offerts à Jean Pradel, édition Cujas, 2006, p. 1085 ;
9 E. DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, 1893.
8
En présence de la délinquance, un Etat doit réagir et se définir une politique criminelle10
destinée soit à empêcher que les infractions soient commises, soit à réprimer les infractions déjà
commises. On désigne souvent sous l’expression de politique criminelle « l’ensemble des
procédés répressifs par lesquels l’Etat réagit contre le crime ». Toutefois, C’est au niveau de la
société entière que la baisse de la criminalité peut être obtenue par des moyens préventifs. La
politique répressive, elle, ne peut intervenir que lorsque l’infraction a été commise.
« On a pu dire avec raison, et il est permis d’affirmer qu’à l’époque actuelle le droit criminel
est une des branches les plus importantes de la science des lois. »11. Rédigée il y a plus d’un
siècle, cette citation dévoile une actualité surprenante. La criminalité, que les médias présentent
comme un phénomène en expansion, forge peu à peu une certaine culture. Prétendre y échapper
s’avère délicat, tant notre quotidien est marqué de faits divers, plus ou moins sordides. Comme
pour nous garder en éveil, la programmation télévisuelle ressert régulièrement les faits divers
oubliés sortis de la mémoire.
Depuis janvier 2015 en France par exemple, des mots, que d’aucuns pensaient naïvement
appartenir au passé, ont ressurgi avec une extrême violence sur le devant de la scène. Attentat,
terrorisme, Charlie Hebdo, Hypper Cacher, Bataclan résonnent quasi quotidiennement et si
ces sons s’écartent peu ou prou d’une partition de droit pénal général, ils vont forger la
conscience de ceux et celles qui étudient le droit pénal.
L’empreinte est telle que la matière semble familière, le vocabulaire entendu, le cheminement
des procédures plus ou moins connu. C’est là un faux-semblant, une donnée qu’il faudra
combattre. Les approximations d’une matière sont souvent pires que l’ignorance totale, car elles
conduisent parfois à de singuliers contresens.
III. Droit pénal, droit de l’infraction et des peines
Définition du droit pénal : Entendu strictement, le droit pénal gouverne « l’ensemble des
règles ayant pour objet de déterminer les actes antisociaux, de désigner les personnes pouvant
être déclarées responsables et de fixer les peines qui leur sont applicables ».
10 De la politique, sans plus de précisions, on peut dire qu’elle est compréhension et conduite des affaires de la
cité. La politique criminelle correspondrait alors d’une part, à l’analyse et à la compréhension d’une affaire
particulière de la cité : le phénomène criminel, d’autre part, à la mise en œuvre d’une stratégie pour répondre
aux situations de délinquance ou de déviance.
11 NORMAND (A.), Traité élémentaire de droit pénal, A. Pedone, 1896, p.1.
9
Incrimination et infraction : Incriminer est l’action d’ériger un fait en infraction. Ainsi, le
législateur incrimine (décide d’un interdit qu’il encadre d’une sanction de nature pénale) et le
délinquant (que l’on nomme « auteur » ou « agent ») commet l’infraction.
Incrimination et sanction : le droit pénal semble s’articuler autour de ces deux notions clés,
l’incrimination et la sanction. Comme il a été écrit avec ironie, le droit pénal tourne rond : « La
peine est un mal, que le Pouvoir, au nom de l’intérêt public, inflige à la personne coupable
d’une infraction. Mais qu’est-ce qu’une infraction ? Un comportement interdit par la loi, sous
la menace […] d’une peine »12.
C’est le droit substantiel qui fixe le champ des interdits, détermine les conditions de la
responsabilité pénale et en précise les conséquences en termes de sanctions encourues.
Il dicte l’application de la loi pénale au travers d’un ensemble de règles qui définissent la
manière de procéder (la procédure à mettre en œuvre) pour la constatation des infractions, le
jugement de leurs auteurs, et l’indemnisation des victimes. Renvoyant ainsi aux règles
applicables lors du procès, le droit pénal de forme correspond à la procédure pénale.
La procédure pénale décrit non seulement la composition, l’organisation et les compétences des
différentes autorités intervenant dans le procès pénal, mais également le déroulement de celui-
ci (procès/processus) au travers de quatre étapes que sont la phase policière, la phase
d’instruction, la phase de jugement et la phase d’exécution de la peine.
Le fond et la forme ne sont pas étanches l’un à l’autre, bien au contraire. Contrairement à
d’autres disciplines du droit privé, l’application du droit pénal suppose, sinon la tenue d’un
procès, du moins une intervention judiciaire.
12 LOMBOIS (C.), Droit Pénal Général, Hachette, Collection « Les fondamentaux », 1994, p.7.
10
V. Droit pénal spécial, droit pénal général
L’étude du droit pénal spécial conduit à spécifier, pour chaque infraction prise isolément, les
éléments constitutifs, les sanctions qui lui sont rattachées et, éventuellement, les particularités
procédurales dont la poursuite et/ou le jugement peuvent être assorties. Il apparaît comme une
discipline analytique qui procède par inventaire, par énumération, à l’image, souvent évoquée,
d’un catalogue.
Partant d’une démarche synthétique, il regroupe l’ensemble des règles qui constituent le fonds
commun à toutes les infractions. Ces règles, nombreuses, sont relatives, pour l’essentiel, à la
légalité, la complicité, la tentative, la culpabilité, l’imputabilité ou encore à la nature et au
régime des peines 13.
13Voir Livre premier : des dispositions générales de la loi n°2018-16 du 28 décembre 2018 portant Code pénal
en République du Bénin.
11
elle consiste en toute agression dirigée par un individu, membre d'un groupe social, contre toute
valeur commune à ce groupe14.
Dans un sens juridique, on peut définir l'infraction comme l'action ou l'omission prévue par
la loi et punie par elle au moyen d'une sanction spécifique, la peine ou la mesure de sûreté.
Dans ce sens, l'infraction est souvent nommée « délit » - le mot étant pris dans sa signification
la plus large -Pour autant, le délit est aussi, dans un sens plus étroit, une infraction de gravité
moyenne, intermédiaire entre le crime et la contravention. De même, on doit distinguer
l'infraction de l'incrimination. L'incrimination est le fait, pour le législateur, d'ériger un
comportement en infraction. L'infraction est l'attitude du citoyen qui transgresse les interdits du
législateur.
Cette définition technique et juridique de l'infraction révèle le caractère légaliste et
individualiste de la législation pénale de 1810 en France. Les rédacteurs de ce code, comme de
la législation ultérieure en France, ont pris pour modèle un homme abstraitement considéré.
Cette vision de l'homme a fait du code pénal, un code des valeurs sociales, et non un code des
délinquants et des criminels. De plus, cette approche de l'infraction pénale résulte du caractère
individualiste du code pénal français de 1810. La seule limite à une non-intervention de l'État,
qui doit rester le principe, réside dans l'atteinte portée aux droits reconnus aux autres citoyens.
VII. Distinction du droit répressif avec les autres branches de droit
On retrouve le vocable « droit répressif » dans les expressions « justice répressive » ou
« juridictions répressives ». Le terme se réfère à l’une des fonctions les plus anciennes de la
matière, celle de punition. Il possède une signification très étroite qui se révèle assez discutable.
Donnedieu de Vabres définissait le « droit pénal » comme l’ensemble des lois qui réglementent
dans un pays l’exercice de la répression par l’Etat.
S’il reste vrai que la peine poursuit une fonction de répression, chacun s’accorde aujourd’hui à
reconnaître que la peine participe également à l’amendement, à la resocialisation voire à la
médicalisation du délinquant. Réprimer dès lors, n’est plus l’unique fonction du droit pénal.
Le droit pénal n’a plus pour seul objet de sanctionner celui qui a violé les règles, il cherche à
identifier celui qui pourrait à nouveau les violer. En témoignent les textes sur les soins
pénalement ordonnés, sur la notion de dangerosité ou encore la prévention de la récidive.
12
Distinction entre l'infraction et le délit civil ou disciplinaire
Infraction pénale et délit civil. - L'infraction pénale se distingue du délit civil sur plusieurs
points. D'abord, du point de vue de l'élément légal, puisque l'infraction est un fait prévu par la
loi et sanctionné d'une peine, alors que le délit civil consiste en tout fait quelconque de l'homme
qui cause à autrui un dommage (Code civil, art. 1382). L'infraction est donc un acte précis défini
par un texte spécial, alors que le délit civil est constitué par n'importe quel fait dommageable
causé par une faute, même s'il n'est pas visé par un texte. Ensuite, du point de vue de l'élément
matériel, l'infraction peut exister indépendamment de la réalisation d'un dommage, par exemple
en matière de tentative, alors que le délit civil suppose toujours un préjudice. Enfin, du point
de vue de l'élément moral, les fautes pénale et civile, souvent identiques, se distinguent parfois.
S'il est vrai que toute faute pénale constitue une faute civile, toute faute civile n'est pas
nécessairement une faute pénale. À titre d'exemple, depuis la loi française n° 2000-647 du
10 juillet 2000 (D. 2000.325 ; Y. MAYAUD, Retour sur la culpabilité non intentionnelle en
droit pénal…, la faute de la personne physique qui n'a pas directement causé le dommage et ne
répondant pas aux caractères de la faute pénale, énumérés à l'article 121-3 du code pénal
français, peut être une faute civile justifiant une réparation (C. pr. Pén. fr., art. 4-1). Enfin, la
sanction permet aussi de distinguer l'infraction et le délit civil : pour l'infraction, il s'agit d'une
peine, alors que celle du délit civil consiste en la réparation du préjudice subi par la victime
sous la forme de dommages et intérêts.
L'infraction et le délit civil peuvent aussi être en relation très étroite. - Le plus souvent, un même
fait matériel constitue à la fois une infraction et un délit civil. C'est le cas des violences
volontaires ou involontaires infligées à autrui. Dans cette situation, deux actions naissent de ce
fait unique : l'action publique en vue de l'application de la peine et l'action civile qui sanctionne
le délit civil et vise à en réparer les conséquences. Du fait du principe de l'unité des justices
civile et pénale, la victime peut porter son action civile devant les juridictions répressives, en
même temps que l'action publique. Toutefois, l'action reste civile, la victime n'intervenant au
procès que pour réclamer des dommages et intérêts.
Infraction pénale et faute disciplinaire. - L'infraction doit aussi être distinguée du délit
disciplinaire. La faute disciplinaire consiste dans la violation des règles qui sont particulières à
des groupements restreints, sociaux ou professionnels, alors que la faute pénale résulte de la
violation de la loi pénale, applicable à tous les citoyens, sans exception. De plus, si la faute
pénale est limitativement énumérée par le législateur, la faute disciplinaire peut résider dans un
fait qui n'est pas expressément interdit par les règles du groupement. Ainsi, tout manquement à
13
la dignité ou l'honorabilité peut constituer, de la part d'un médecin, une faute disciplinaire
(V. Code de déontologie médicale Dalloz). Pour ce qui concerne la sanction, même si un fait
unique peut constituer à la fois une faute pénale et une faute disciplinaire 15, l'infraction peut
être punie des peines prévues par la loi pénale et prononcées par un tribunal répressif, alors que
le délit disciplinaire entraîne l'application de mesures concernant l'exercice de la profession,
comme un blâme, une suspension ou une interdiction définitive d'exercer la profession. Ces
mesures sont généralement prononcées par des juridictions disciplinaires. C'est le cas du
Conseil supérieur de la magistrature pour les magistrats du siège ou du Conseil de l'ordre pour
les médecins ou les avocats, mais elles peuvent être considérées comme entrant dans la matière
pénale au sens de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.
Selon les termes de l'article 1er du code pénal16, les infractions pénales sont classées, suivant
leur gravité, en crimes, délits et contraventions. Il convient d'exposer la distinction avec ses
14
intérêts, puis de s'interroger sur sa valeur.
IX.2 Intérêts de la distinction
a- Intérêts relatifs au droit pénal de forme
La gravité de l'infraction détermine la compétence des tribunaux répressifs. Les crimes sont
jugés par la cour d'assises, les délits, par le tribunal correctionnel et les contraventions, par le
tribunal de police. Dans la pratique, il peut être porté atteinte à cette règle par le jeu de la
correctionnalisation judiciaire qui consiste à déférer au tribunal correctionnel un crime en le
considérant comme un délit. Toutefois, cette pratique contre laquelle la Cour de cassation
réagit17, ne peut s'opérer qu'avec l'accord unanime de toutes les parties et du tribunal saisi.
Concernant la procédure, celle-ci varie selon qu'il s'agit d'un crime, d'un délit ou d'une
contravention. La procédure de flagrant délit n'est applicable qu'en cas de crime ou de délit
flagrant, et non en cas de contravention. La voie de la comparution immédiate est exclue en
matière criminelle et contraventionnelle. Celle de la citation directe n'est possible que pour les
délits et les contraventions. L'ouverture d'une instruction préparatoire est exceptionnelle. Elle
ne peut être ouverte qu'à la requête du procureur de la République pour les contraventions. Elle
est facultative et à un degré pour les délits. Elle est obligatoire et peut être à deux degrés pour
les crimes. Enfin, pour ce qui concerne le jugement des infractions, alors que les crimes et délits
doivent être jugés par la juridiction de jugement au cours d'une audience et après débat, les
contraventions, même celles de la cinquième classe, peuvent être jugées selon une procédure
simplifiée, sans débat préalable par le juge du tribunal de police qui rend une ordonnance
pénale, soit de condamnation à une amende, soit de relaxe, qu'il n'est pas tenu de motiver. Quant
au délai de prescription de l'action publique, il est de dix (10) ans en matière criminelle, de trois
(03) ans pour les délits et d'un (01) an en matière contraventionnelle18. Enfin, en ce qui concerne
la prescription des peines, il faut noter que les peines prononcées pour un crime se prescrivent
par dix (10) ans révolus 19 tandis que celles prononcées pour un délit se prescrivent par cinq (05)
ans révolus20 et celles prononcées pour une contravention par un (01) an révolu 21.
b- Intérêts relatifs au droit pénal de fond
Plusieurs intérêts découlent de la classification tripartite. La tentative est toujours punissable
en matière de crimes, mais elle ne l'est en matière de délit que dans les cas prévus par la loi.
15
En revanche, elle n'est jamais punissable en matière de contravention22.
En outre, la récidive et le sursis sont régis par des règles différentes, selon qu'il s'agit d'un
crime, d'un délit ou d'une contravention.
Par ailleurs, la règle du non-cumul des peines - d'après laquelle « en cas de commission de
plusieurs infractions dont aucune n'a été préalablement jugée et punie, seule la peine la plus
forte est exécutée dans la limite du maximum le plus élevé » - ne s'applique pas pour les
amendes contraventionnelles.
IX.3 Valeur de la distinction
Cette division établie selon la peine, a été l'objet de plusieurs critiques. On lui a reproché son
illogisme : le code pénal affirme classer les infractions selon leur gravité 23, mais c'est ensuite la
nature de la peine qui permet de savoir si l'infraction définie est un crime, un délit ou une
contravention. Toutefois, cette critique n'apparaît pas fondée : les rédacteurs du code ont décidé
du taux de la peine en fonction de la gravité de l'infraction.
On a reproché aussi à cette classification d'être artificielle. Les crimes et la plupart des délits
supposent chez leur auteur une intention criminelle, ce qui n'est pas le cas des contraventions.
De plus, il existe des ressemblances entre les crimes et les délits. Le délit peut devenir un crime
par l'adjonction d'une circonstance aggravante légale (c'est le cas du vol avec arme). De même,
en sens inverse, le crime peut être transformé en délit par le jeu de la correctionnalisation
judiciaire.
C'est la raison pour laquelle, à la division tripartite fondée sur la peine, on a proposé de
substituer une division bipartite, uniquement fondée sur l'intention du délinquant, entre d'une
part, les crimes et délits qui supposent l'intention coupable ou la faute et, d'autre part, les
contraventions, réprimées en dehors de toute intention. Plus scientifique, cette division ne
correspond pas à l'organisation judiciaire répressive qui distingue selon la gravité des
infractions. Il reste que, pour être commode et simple, cette classification a pu poser des
difficultés d'application. C'est le cas par exemple lorsque, à la suite d'une cause d'atténuation de
la responsabilité ou des circonstances de l'infraction, le juge prononce une peine inférieure à
celle prévue par la loi. La question s'est posée de savoir s'il fallait considérer la peine prévue
par la loi ou celle prononcée par le juge. La jurisprudence a admis que le crime, même puni de
22Code pénal du Bénin, Article 20-2 : « Est auteur de l’infraction la personne qui :
1- commet les faits incriminés ;
2- tente de commettre un crime ou, dans les cas prévus par la loi, un délit ».
23Article 1er du Code pénal de 1810 : « L’infraction que les lois punissent de peines de police est une
contravention. L’infraction que les lois punissent de peines correctionnelles est un délit. L’infraction que les lois
punissent d’une peine afflictive et infamante est un crime ».
16
peines correctionnelles, reste un crime, soumis à tous égards aux règles applicables aux
crimes 24. C'est donc la peine encourue, et non celle qui est prononcée, qui détermine la nature
de l'infraction.
c- Classification selon la nature des infractions
Aux infractions de droit commun, on oppose généralement les infractions politiques et les
infractions militaires. De même, à côté des infractions de droit commun, notre droit a fait une
place à part pour les infractions à caractère terroriste. Enfin, les infractions fiscales, douanières
et économiques sont unies par un certain nombre de traits communs qui les opposent aux autres
infractions : ce sont des infractions d'affaires.
24 V. Cass. crim. 24 avr. 1925, S. 1925.1.329, note Roux ; 13 janv. 1981, Bull. crim. N° 20,
Rev. sc. crim. 1982.602, obs. Larguier.
25 V. DOLL, Analyse et commentaire du code de justice militaire, 1996, LGDJ).
17
française et Code de justice militaire Dalloz), les juridictions de droit commun spécialisées en
matière militaire sont compétentes pour juger, non seulement les délits militaires visés au livre
III du code de justice militaire français, mais aussi des délits de droit commun commis dans
l'exécution du service par des militaires (C. just. mil., art. 61 à 63). En revanche, les faits portant
atteinte aux intérêts de l'armée ne sont pas considérés comme des infractions d'ordre militaire
si l'auteur n'est pas militaire (c'est le cas, par exemple, de destruction de matériel militaire
(C. just. mil., art. 429 et s.).
• Régime dérogatoire des infractions militaires
Droit pénal de fond. - Pour ce qui concerne le droit pénal de fond, si les peines applicables
sont les mêmes qu'en droit commun, il existe toutefois des peines militaires comme la
destitution ou la perte de grade (C. pr. pén. Fr., art. 698-8). En outre, la condamnation pour
infraction militaire ne peut être prise en compte pour constituer un état de récidive (C. just. mil.,
art. 371, al. 1er). Elle ne fait pas obstacle à l'octroi du sursis simple ou du sursis avec mise à
l'épreuve et n'entraîne pas la déchéance du sursis simple ou du sursis avec mise à l'épreuve
(C. just. mil., art. 370). Enfin, le sursis simple ou avec mise à l'épreuve, peut assortir une
condamnation prononcée par une juridiction militaire, mais celle-ci ne peut fixer que le délai
d'épreuve (C. just. mil., art. 369).
Droit pénal de forme. - Concernant la compétence, on applique les règles suivantes. En temps
de paix, les délits militaires sont de la compétence des juridictions spécialisées en matière
militaire (C. pr. pén. française, art. 697). Toutefois, lorsque le militaire appartient au corps de
la gendarmerie, ces juridictions ne connaissent que des infractions commises dans le service du
maintien de l'ordre. Les délits commis par les gendarmes dans l'exercice de leurs fonctions
judiciaires sont de la compétence des juridictions de droit commun (C. pr. pén., art. 697-1,
al. 3). Les crimes sont de la compétence de la cour d'assises (C. pr. pén., art. 698-6). En temps
de guerre, les juridictions des forces armées sont compétentes (C. just. mil., art. 211). Toutefois,
en cas d'urgence, le procureur de la République et le juge d'instruction peuvent agir, mais ils
doivent se dessaisir dès que l'urgence a cessé26. La procédure suivie ne présente que quelques
particularités (C. pr. pén., art. 698-1 à 698-8). L'extradition est exclue, sauf s'il s'agit de la
désertion des marins ou d'une infraction punie par la loi française comme infraction de droit
commun.
V. F. GIANVITTI, Temps de paix et Temps de guerre en droit pénal français, Rev. sc. crim.
26
1969.47.
18
➢ Infractions de droit commun et infractions de terrorisme
Face au phénomène du terrorisme, le gouvernement français a préparé, au printemps 1986, un
projet s'appliquant spécifiquement aux actes de terrorisme qui ont été définis et dont il a fixé
les règles spécifiques. Tel est l'objet de la loi n° 86-1020 du 9 décembre 1986 (D. 1986.468)
qui a introduit un nouveau titre dans le code de procédure pénale (art. 706-16 à 706-25). Pour
sa part, le code pénal français de 1994 (art. 421-3) a légèrement accentué l'intérêt de cette
infraction en relevant le maximum de la peine encourue.
Le code pénal en République du Bénin a prévu un régime spécifique pour la répression de ce
type particulier d’infraction aux articles 161 à 175 du chapitre 1 er, du premier titre dans le
deuxième livre dudit code pénal.
➢ Infractions de droit commun et infractions d'affaires
Les traits communs aux infractions fiscales, douanières et économiques, qui les opposent aux
autres infractions, se situent sur deux plans. Du point de vue criminologique, le délinquant
constitue un type original appelé « délinquant en col blanc », à l'encontre duquel l'opinion réagit
tantôt avec sévérité, tantôt avec indulgence. Du point de vue juridique, ces trois sortes
d'infraction présentent un caractère de dangerosité et de technicité. Le premier caractère
explique un régime répressif très dur. C'est ainsi que les lois d'amnistie excluent généralement
de leur champ d'application les délinquants économiques, fiscaux et douaniers. Le second
caractère explique la création de juridictions spécialisées (C. pr. pén. fr., art. 704 et s.).
Pour le reste, il existe des particularités propres à chacune de ces familles d'infractions, tant en
ce qui concerne le droit pénal de fond que le droit pénal de forme 27.
X - La problématique des statistiques de la criminalité
19
criminalité légale qui se compose de toutes les infractions ayant fait l’objet de poursuite devant
un tribunal et qui sont suivies d’une condamnation. On pourrait parler de criminalité judiciaire.
Elle est encore très inférieure à la criminalité apparente parce que toutes les infractions
constatées ne sont pas poursuivies, soit à cause du principe de l’opportunité des poursuites
(classement sans suite) parce que le tribunal estime que le délit n’est pas constitué, soit à cause
d’une loi d’amnistie intervenue en cours de procédure. La différence entre la criminalité
apparente et la criminalité légale constitue le chiffre gris.
La matière criminelle passe ainsi par une sorte « d’entonnoir à filtres successifs »29.
Convient-il tout d’abord de faire une synthèse de l’évolution du droit pénal afin de mieux
comprendre ses sources.
Les conflits se réglaient de famille à famille, clan à clan. La famille de l’offensé pouvait recevoir
une compensation de la famille de l’offenseur.
L’Etat prend le relais de la victime dans l’initiative et la conduite du processus pénal. C’est
l’Etat qui, au nom de l’intérêt de la société qu’il représente, poursuit, juge et punit.
Il se singularise par une définition coutumière des infractions (on ne parle pas encore de la loi),
par l’arbitraire des juges dans la détermination des peines et par la rigueur des sanctions
appliquées (nombreux châtiments corporels) conçues dans les seuls buts de neutralisation et
d’intimidation.
29 Ph. ROBERT et Cl. FAUGERON, Les forces cachées de la justice, 1980, p.63.
20
➢ Réactions contre le droit pénal de l’Ancien Régime
L’arbitraire et la cruauté du droit pénal ont engendré des mouvements très critiques de la part
de philosophes et pénalistes. Ainsi, Montesquieu prônait le principe de la légalité des délits et
des peines et Beccaria défendait l’idée de l’inéluctabilité de la peine en préconisant leur
humanité et leur utilité.
Le droit pénal classique, apparu avec le premier code pénal de 1791, laisse ensuite la place au
droit pénal moderne dès 1876.
En effet, si le code pénal de 1791 marque une rupture totale avec le droit antérieur, le code de
1810 est une œuvre de compromis, qui soulève cependant des contestations.
Le premier code pénal (code pénal de 1791), issu de deux lois de l’Assemblée constituante de
juillet et octobre, rompt totalement avec le droit de l’Ancien Régime en consacrant le principe
de la légalité des incriminations et des peines.
Il substitue au droit pénal coutumier un droit pénal écrit. Il supprime les châtiments corporels
(exceptions faites de la peine de mort) et remplace l’arbitraire des sanctions par un système de
peines fixes permettant de contribuer à un droit égalitaire et stable.
• Le compromis
Le code pénal de 1810 est une œuvre de compromis. Il conserve le principe de la légalité du
droit révolutionnaire, mais renoue avec une plus grande sévérité des peines en rétablissant
certaines peines corporelles et en multipliant les cas d’application de la peine de mort. Il
réinstaure un large pouvoir d’appréciation des juges en abandonnant le système de peines fixes.
• La contestation
La trop grande sévérité du Code est farouchement dénoncée par de nombreux auteurs et
penseurs. Les principaux acteurs de ce mouvement critique sont Guizot, Ortolan et Rossi. Ils
représentent la doctrine de l’école néoclassique.
21
Animés par l’idée que la société ne peut punir ni plus qu’il n’est juste ni plus qu’il est utile, les
partisans de cette doctrine proposent comme fondement du droit pénal son utilité (utilité des
incriminations au regard de l’ordre social et de la sécurité publique) et se prononcent en faveur
de sanctions qui soient proportionnées et individualisées pour tenir compte, à l’heure du choix
de la peine, du degré de libre arbitre de l’auteur de l’infraction au moment de sa commission.
Alors que les arguments de la doctrine trouvent un écho assez favorable en droit positif
(adoucissement des peines, accroissement du domaine des circonstances atténuantes…),
l’expérience se révèle désastreuse. La criminalité et le nombre de récidivistes augmentent en
effet considérablement. La peine telle qu’ils l’ont pensée se révèle inefficace.
Le droit pénal moderne fait son entrée sous l’influence partagée de trois courants doctrinaux
aux concepts idéologiques diversifiés, parfois opposés. La date charnière peut être l’année
1876, année de parution de l’ouvrage de Lombroso, l’Homme criminel.
Doctrine du positivisme. Animé par Lombroso, Ferri et Garofalo, le courant révèle que
l’homme n’a pas de libre arbitre. Il obéit à un déterminisme dont les origines sont endogènes
et/ou exogènes. L’infraction ne résultant pas de sa volonté consciente, le délinquant ne peut être
tenu pénalement responsable. Il peut seulement faire l’objet de mesures de sûreté décidées en
considération de son état dangereux.
Doctrine de la défense sociale nouvelle. Animée par Marc Ancel, la doctrine renie le
déterminisme tout en proclamant, avec les positivistes, l’importance de la prévention. Le
délinquant est présenté comme en danger bien avant d’être estimé dangereux. Tourné vers
l’avenir, le traitement fondé sur la personnalité du délinquant vise principalement à permettre
les meilleures chances de reclassement de la personne.
Ancienne colonie de la France et devenue République du Bénin le 1er août 1960, la République
du Bénin aura héritée du droit français depuis plusieurs décennies que tout en constatant les
insuffisances et lacunes du code pénal de 1810 hérité du colonisateur, le Bénin peine a adopté
22
et mettre en vigueur un nouveau code pénal qui tienne compte des réalités de ce pays. Toutefois,
son droit pénal présente toutes les caractéristiques d’un droit pénal moderne avec les mêmes
sources qu’il convient d’examiner.
Le droit pénal a plusieurs sources qui peuvent être regroupées en deux catégories notamment
les sources écrites et les sources non écrites.
En ce qui concerne les sources écrites du droit pénal général, elles se subdivisent en sources
internes (la constitution d’un Etat30, les lois pénales surtout celles contenues dans les codes
pénaux, la loi au sens strict comme texte voté par le parlement, les dispositions réglementaires
et les circulaires c'est-à-dire les ordonnances, les décrets, arrêtés, circulaires) et en sources
internationales (les conventions, traités et accords auxquels le Bénin est partie et qui font partie
intégrante de l’ordonnancement juridique ou du droit positif béninois31).
Au titre des sources non écrites du droit pénal, il y a les principes généraux du droit 32 et la
coutume. Mais en vertu du principe de la légalité des délits et des peines, la coutume est plus
considérée comme une source interprétative du droit.
Le droit pénal général constitue l’ensemble des règles juridiques qui étudie l’infraction à la loi
pénale à travers la peine à infliger aux divers acteurs, à qui incombe la responsabilité de ladite
infraction.
Ce principe est un axe principal du droit pénal moderne. L’infraction ayant été toujours définie
comme la réunion de plusieurs éléments, elle se constitue par la vérification d’un élément légal,
matériel et moral33. C’est la constitution de l’infraction (Titre I). Mais, la poursuite du
délinquant doit reposer sur les notions d’imputabilité et la culpabilité. Il convient de rappeler
que le délinquant dispose de moyens de défense à travers les faits justificatifs afin de faire
disparaître l’élément légal (Titre II).
30 L’article 16 de la constitution du 11 décembre 1990 dispose en son article 16 que « nul ne peut être arrêté ou
inculpé qu’en vertu d’une loi promulguée antérieurement aux faits qui lui sont reprochés… »
31 Article 147 de la constitution béninoise du 11 décembre 1990.
32 Les principes généraux du droit sont des sources non écrites du droit criminel dégagées par la cour de cassation
l’absence de fait justificatif. Mais, cette doctrine reste minoritaire ; aussi, il ne s’agit pas d’un élément
indépendant car sa présence n’est donc pas indispensable à la définition de l’infraction. Pour d’autres auteurs,
l’élément légal est préalable à l’existence de l’infraction. La doctrine contemporaine considère que l’infraction
n’a que deux éléments : c’est là une remise en cause de la citation de Beccaria.
23
TITRE PREMIER : LA CONSTITUTION DE
L’INFRACTION PENALE
24
La commission d’une infraction requiert la réunion de trois éléments fondamentaux à savoir :
l’élément légal, l’élément matériel et l’élément moral. C’est le processus qui conduit à la
constitution de l’infraction.
C’est au principe de légalité qui domine la politique criminelle contemporaine que nous devons
l’élément constitutif premier de l’infraction pénale : L’élément légal de l’infraction.
Ainsi, pour qu’un fait soit susceptible d’être reproché à son auteur, il faut qu’il ait été
préalablement à sa commission, qualifié d’infraction par un texte. C’est un préalable
indispensable qui implique l’office du juge à travers l’application de la loi pénale dans le temps,
mais aussi à travers l’interprétation stricte de la loi pénale et ses corolaires (chapitre I).
D’une part, l’élément matériel traduit le fait que l’infraction est un comportement et non
toujours un résultat que l’on attend. Les modes d’exécution de l’élément matériel sont
l’exigence d’un acte de commission ou d’omission. Il se pose certains problèmes liés à la
tentative d’une infraction. Celle-ci doit être pleine de certaines conditions pour être punissable.
D’autre part, l’élément moral met l’accent sur la nécessité de s’assurer que la personne a
emprunté le cheminement criminel en toute conscience, et qu’avec cette précision d’intention
de sa prétention à la commission de l’infraction, il est coupable. Il faudra noter que certains
éléments comme l’âge, la minorité, l’erreur, la santé mentale, peuvent altérer l’élément moral.
Dans tous les cas, il conviendra d’établir l’imputabilité et aussi la culpabilité de la personne qui
fait objet des poursuites (chapitre II).
25
CHAPITRE 1er : LE PREALABLE LEGAL DE
L’INFRACTION
Règle cardinale, clé de voûte du droit criminel, le principe de la légalité 34 appelle avant
tout deux séries de remarques.
Le principe veut évidemment dire que les règles de droit pénal sont exprimées dans la loi.
Pourtant, longtemps, la doctrine n’a envisagé le principe que par rapport au droit pénal de fond.
Le criminaliste bavarois FEUERBACH avait formulé au début du XIX e siècle le principe sous
la forme Nullum crimen, nulla poena sine lege. Et la doctrine française se mit à parler et à
reparler du principe de la légalité des délits et des peines35.
La formule est insuffisante car le principe embrasse tout le droit pénal, y compris la procédure.
Et c’est pourquoi ce principe ne doit pas être étudié dans le cadre du droit pénal général. C’est
pourtant ainsi que procèdent encore certains auteurs. Mais ces auteurs estiment qu’il faudra le
faire dans le cadre plus vaste des questions communes à toutes les branches du droit pénal, dans
une sorte d’introduction générale au droit pénal. Aussi bien « conviendrait-il de dire Nullum
crimen, nulla poena, nullum judicium sine lege ».
Elle est plus complexe qu’on ne le croit. On écrit volontiers que la règle de la légalité remonte
au XVIIIe siècle. Au vrai, elle apparaît bien avant et au moins trois fois : 1) dans certains droits
antiques comme le code d’Hammurapi et le droit romain pour les peines ; 2) dans les chartes
françaises du XIIe siècle qui posent également le principe des peines fixes 36 ; 3) dans certaines
ordonnances royales et spécialement dans celle de 1670 qui est un véritable code de procédure
pénale en France.
Dans l’ensemble cependant, le droit pénal français antérieur à 1789, reste un droit coutumier,
un droit accordant un rôle considérable au juge qui peut à la fois retenir un fait même s’il n’est
pas prévu par un texte et le punir selon sa libre appréciation. Sans doute, cet arbitraire est-il
justement un peu canalisé par la coutume 37. Mais aux yeux de certains juristes et des
1757, pp. 12 et s.
26
philosophes, c’est insuffisant et il faut des lois. C’est alors que le principe légaliste vient à être
affirmé de manière solennelle et générale ; d’abord par MONTESQUIEU38, puis par
BECCARIA selon lequel « seules les lois peuvent fixer les peines qui correspondent aux délits,
ce pouvoir ne pouvant être détenu que par le législateur qui réunit toute la société, réunie par
un contrat social »39, et encore par SERVAN, avocat général qui, dans son fameux discours de
1766, prononcé devant le parlement de Grenoble, avait déclaré que « les lois criminelles
doivent offrir au magistrat un tableau si exact des délits et de leur châtiment qu’il n’ait plus
qu’à choisir sans peine… le remède indiqué par la loi».
Le droit pénal africain moderne hérité du droit colonial, bien qu’ayant subi quelques
adaptations en fonction des réalités locales a repris néanmoins à son compte le principe de la
légalité. Seule la loi peut déterminer ce qui est interdit et ce qui est obligatoire, et si elle a le
pouvoir de qualification, elle a aussi le pouvoir de disqualification 40. C’est dans ce cadre que
se situent les dispositions des articles 2 et 3 de la loi n°2018-16 du 28 décembre 2018 portant
code pénal en République du Bénin 41.
Il est évident que la constitution d’une infraction requiert l’existence de l’élément légal.
Mais pour apprécier la portée du principe de la légalité et de la répression pénale, il convient de
préciser son affirmation à travers les sources du droit pénal (paragraphe 1) et la qualification
des faits (paragraphe 2).
Le règlement détermine les contraventions et fixe, dans les limites et selon les distinctions établies par la loi,
les peines applicables à leurs auteurs » - Article 3 : « Nul ne peut être poursuivi pour un crime ou pour un délit
dont les éléments ne sont pas définis par la loi, ou d’une contravention dont les éléments ne sont pas définis
par le règlement.
Nul ne peut être puni d’une peine qui n’est pas prévue par la loi, si l’infraction est un crime ou un délit, ou par
le règlement, si l’infraction est une contravention ».
27
PARAGRAPHE 1 : L’AFFIRMATION DU PRINCIPE DE LA LEGALITE CRIMINELLE A TRAVERS LES
Le droit pénal qui détermine ce qui est interdit et ce qui est obligatoire énonce des
préceptes à l’origine desquels se trouvent certains pouvoirs publics (voir article 98 de la
Constitution béninoise du 11 décembre 1990 précité). Il s’agit là des sources du droit pénal que
l’on peut décliner en deux parties : la loi en tant que source principale (A) et la coutume, la
doctrine et la jurisprudence en tant que sources subsidiaires (B).
La loi est une source formelle du droit. On entend par source formelle, tous les écrits
émanant d’un pouvoir public qui tendent à organiser la vie en société et qui s’imposent à tous.
En droit pénal, ces textes déterminent les infractions commises à l’intérieur du territoire national
ainsi que celles commises contre le territoire national par des étrangers ou des nationaux à
l’extérieur de celui-ci, ainsi que les diverses instances compétentes pour les juger. Ce sont
généralement, les Constitutions des divers pays qui règlent les conflits entre les lois internes et
les Conventions ou Accords internationaux.
Ainsi, la Constitution du Bénin du 11 décembre 1990 prévoit en son article 147 que « les
Traités ou Accords internationaux régulièrement ratifiés ont dès leur publication, une autorité
supérieure à celle des lois internes sous réserve pour chaque Accords ou Traité de son
application par l’autre partie ».
Ces règles de droit international contenues dans des Conventions auxquelles adhèrent
les pays qui visent généralement les immunités et la poursuite des infractions à l’extérieur des
frontières seront étudiées dans la partie consacrée à l’application de la loi pénale dans l’espace.
Viennent ensuite les textes internes au sommet desquels nous trouvons la loi au sens
strict du terme qui a été discutée, votée par une Assemblée élue. Elle est la source par excellence
du droit pénal et ce, pour trois raisons :
- Son origine
Votée par une Assemblée élue, elle est l’expression de la souveraineté nationale et
exprime le contrat social qui existe entre le peuple et ses mandataires ;
- Sa généralité
28
Elle est une règle générale qui présente l’avantage de s’appliquer à tous ; citoyens et
gouvernants et sauvegarde ainsi la liberté de chacun contre l’arbitraire ;
- Sa forme
Enfin, elle est écrite, ce qui en facilite sa connaissance par tous et sa conservation. Elle
puise son existence et sa force dans la Constitution à laquelle elle doit être conforme.
Au lendemain des indépendances africaines, certains pays ont promulgué plus ou moins
rapidement un code pénal généralement inspiré des textes existants.
D’autres, mus par des impératifs plus urgents, se sont contentés de reprendre en les
adaptant quelques peu, les textes en vigueur au moment de leur indépendance.
Enfin, un troisième groupe de pays est constitué des pays qui n’ont apporté que de
légères modifications touchant essentiellement quelques infractions dont ils ont pu aggraver la
répression compte tenu des circonstances locales mais conservant l’essentiel du droit colonial.
Il faut remarquer que la plupart de ces pays qui avaient à l’étude des projets de codes pénaux
(Bénin, Togo, Burkina-Faso), sont finalement parvenus tant bien que mal à se doter de leurs
codes pénaux. C’est le cas de la République du Bénin qui vient de se doter de son code pénal
avec la loi n°2018-16 du 28 décembre 2018 portant code pénal en République du Bénin.
C’est ainsi que les codes pénaux ont affirmé la nécessité d’une loi préalable à toute
poursuite à travers la formule « nulle contravention, nul délit, nul crime ne peut être puni de
peine qui n’était pas prononcée par la loi avant qu’il ne fusse commis »42.
Mais la loi n’est pas la seule source formelle du droit pénal ; elle la partage pour la
plupart des contraventions, avec le pouvoir réglementaire. Partage d’attribution qui est
déterminé par la Constitution. Le pouvoir réglementaire appartient généralement en premier
lieu au Président de la République qui procède par décrets, il peut ainsi le déléguer à ses
ministres et autres instances administratives supérieures, qui prennent des arrêtés.
29
Tous ces textes (sources formelles du droit pénal, d’origine législative ou réglementaire)
définissent généralement des abstractions dont l’application par les tribunaux n’est pas toujours
aisée. C’est donc à ces derniers que revient la charge de les interpréter en vue de leur application
à des situations concrètes.
On admet le pluralisme des sources du droit. Ainsi, à côté de la loi, on retient généralement
la coutume, la doctrine et la jurisprudence.
1- la coutume
Contrairement à ce qui se passe dans les autres branches du droit, la coutume dans un
système légaliste et formel ne peut constituer une source de répression. Elle ne peut donc ni
créer ni modifier une infraction ou une peine. De même, le législateur n’est pas lié par la
coutume dont il peut interdire certaines des pratiques qu’elle porte, interdise ou autorise.
En revanche, dans certains domaines, il est contraint d’en tenir compte dans la mesure
où elle peut être l’expression d’un équilibre naturel de rapports sociaux individuels ou collectifs.
Ainsi, elle peut servir de fondement soit à une incrimination, soit à une justification. Dans tous
les autres cas, elle peut servir à interpréter la loi (notion de bonnes mœurs par exemple). Et ce
faisant, elle sert de fondement à deux autres sources informelles du droit pénal : la jurisprudence
et la doctrine.
2- la jurisprudence
Théoriquement, elle n’est pas une source du droit pénal en ce qu’elle n’a pas le pouvoir
de créer des peines ni des infractions et les juges ne sont nullement liés par une décision rendue.
Elle n’aurait donc légalement aucun pouvoir créateur ni aucune force obligatoire. Cependant,
l’usage démontre que très souvent, elle pose de véritables règles de droit ; soit parce que la loi
est trop abstraite pour appréhender des situations concrètes d’une manière précise, soit parce
qu’elle est trop générale pour pouvoir s’appliquer sans spécification préalable, soit enfin lorsque
le juge tire de l’esprit même de la loi, le pouvoir d’étendre l’indulgence de celle-ci.
30
En effet, lorsque la loi est trop abstraite ou trop générale pour pouvoir s’appliquer
précisément à des faits, le juge n’a pas le droit de refuser de l’appliquer sans encourir les
sanctions de déni de justice tel qu’il est généralement défini par la loi. Dès lors, il lui appartient
de donner un contenu à la loi pour lui permettre de s’appliquer à un cas concret.
Le législateur fixe le cadre de la répression, le juge en tisse la toile. Ne peut-on pas dire
de ce fait que le premier crée l’infraction et le second l’incrimination ?
Par ailleurs, la jurisprudence est souvent à l’origine des réformes législatives car elle est
à même de percevoir les nécessités de changement qui se manifestent du fait de l’évolution des
mœurs.
A cet effet, on peut relever le fait que le code pénal béninois a reconnu la légitimité de
la création jurisprudentielle en intégrant par exemple « l’état de nécessité » dans les dispositions
de l’article 30 dudit code43.
3- la doctrine
C’est l’opinion des juristes (théoriciens et praticiens) qui résulte d’une analyse des textes et de
la jurisprudence ainsi que de l’évolution des mœurs et des besoins de la société. Son rôle n’est
pas ainsi réel dans la création de la règle de droit comme celui de la jurisprudence. Il intervient
au moment de son élaboration soit par le juge, soit par le législateur pour les éclairer.
En effet, elle exerce une influence sur eux par le fait qu’elle a l’avantage de dégager des textes
et de leur application par le juge, des principes généraux, et de présenter une vue systématique
des choses. Elle n’est pas une source de droit, dans la mesure où, elle n’établit aucune règle de
droit directement applicable par le juge. Mais elle y contribue grandement par le biais des
43 Article 30 : « N’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent
qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du
bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ».
31
consultations dont elle fait l’objet de la part, tant du juge que du législateur qui, au moment de
décider la règle, cherche à s’entourer des avis de tous ceux qui ont réfléchi aux problèmes posés.
La règle de droit étant ainsi créée par des sources formelles ou informelles, il s’agit alors de
l’appliquer aux cas précis : c’est l’opération de qualification des faits.
La règle fondamentale « nullum crimen nulla poena sine lege » implique que le premier élément
constitutif de l’infraction soit une loi violée. Dès lors, le premier souci des autorités judiciaires
est de vérifier si les faits reprochés à une personne, correspondent à l’une des qualifications
pénales prévues par les différents textes répressifs. Dans l’affirmative, il leur incombe de
discriminer éventuellement parmi plusieurs qualifications voisines, celle qui s’applique aux
faits.
Ainsi, la soustraction de la chose d’autrui peut être qualifiée de vol44, d’escroquerie45, d’abus
de confiance46, d’extorsion de fonds, etc.
A l’occasion de chaque affaire, tout magistrat répressif (du parquet ou du siège) doit avant tout,
rechercher si les faits dont il est saisi comportent un préalable légal, c’est-à-dire s’ils constituent
une infraction, et dans l’affirmative, laquelle. C’est l’opération dite de qualification des faits.
44
Article 626 : « Quiconque a soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appartient pas, est
coupable de vol et puni d’un emprisonnement de un (01) an à cinq (05) ans et d’une amende de cent mille
(100.000) francs CFA à un million (1.000.000) de francs CFA.
Si le voleur est un domestique ou un homme de service à gages, même lorsqu’il a commis le vol envers
les personnes qu’il ne servait pas mais qui se trouvaient soit dans la maison de son maître, soit dans celle où il
l’accompagnait, ou si c’est un ouvrier, compagnon ou apprenti dans la maison, l’atelier ou le magasin de son
maître, ou un individu travaillant habituellement dans l’habitation de son maître, le maximum de la peine sera
toujours prononcé et l’amende sera portée au triple de la valeur des objets volés, sans toutefois qu’elle puisse
être inférieure à cent mille (100.000) francs CFA.
Le coupable peut en outre, être frappé pour un (01) an au moins et cinq (05) ans au plus de l’interdiction
d’un ou de plusieurs des droits mentionnés à l’article 38 du présent code ».
Article 627 : « La soustraction frauduleuse d’énergie, d’eau ou de tous objets incorporels au préjudice
d’autrui est assimilée au vol et puni des peines prévues à l’article 626 ci-dessus ».
32
Cette opération intellectuelle permet donc d’appliquer la règle (abstraite et générale) de droit
au cas (concret et particulier) de l’espèce. Ainsi, la qualification des faits « constate un rapport
entre le fait soumis au juge et le texte de la loi »47. Qualifier, « c’est dire quel délit constitue le
fait incriminé et par quel texte il est prévu et puni »48. La qualification des faits est donc
essentiellement l’œuvre du juge sauf à remarquer que parfois le législateur lui donne des
indications. On distingue alors au sein de la qualification des faits, une qualification judiciaire
et une qualification légale.
Par ailleurs, cette qualification pose le problème du moment où il faut la retenir, de l’autorité
qui a ce pouvoir, enfin celui du choix entre plusieurs qualifications possibles.
Nous étudierons d’abord les principes généraux qui gouvernent l’opération de qualification puis
les problèmes soulevés par les qualifications multiples.
Un fait peut être qualifié d’infraction pénale à un moment donné puis en fonction de l’évolution
des mœurs, celui-ci pourra être disqualifié ce qui implique donc que ce fait est redevenu licite
(voir l’application rétroactive de la loi pénale nouvelle plus douce).
Par ailleurs, un fait peut être qualifié d’infraction en fonction d’une situation juridique donnée
qui n’existe plus au moment où l’auteur est poursuivi. Quel sera alors le sort de l’infraction ?
Enfin, certaines infractions sont composées d’éléments extra pénaux ; lorsque ceux-ci
n’existent plus, que faut-il décider ?
Ce sont des questions que pose l’opération de qualification et auxquelles, il faudra répondre en
premier lieu avant de dégager les pouvoirs de qualification.
a- L’opération de qualification
Cette opération consiste à déterminer le moment où l’infraction doit être appréhendée et le sort
des composantes pénales.
33
Il est un principe général du droit pénal qui veut que l’on se place au moment de l’action pour
apprécier les éléments constitutifs de l’infraction. Il importe peu dès lors, que postérieurement
à l’accomplissement des faits, la situation juridique qui commandait la qualification pénale se
soit modifiée (le vendeur indélicat sera poursuivi pour vol, de même que l’héritier : « nul n’a le
droit de se faire justice »).
Le droit pénal manifeste ainsi son autonomie par rapport aux autres disciplines juridiques
lorsqu’il méconnait la rétroactivité ou la déclarativité des actes juridiques civils. Il saisit la
volonté délictueuse dès qu’elle s’est exprimée et il la saisit irrévocablement.
- Des composantes
Les incriminations prévues par la loi pénale dans la mesure où elles viennent renforcer les autres
branches du droit contiennent nécessairement des éléments de cette discipline qui ont été violés
ou qui n’ont pas été respectés.
Ainsi, pour se rendre coupable d’outrage à magistrat, il faut que la victime ait la qualité de
magistrat aux yeux du droit public. L’émission de chèque sans provision et le délit qu’elle
constitue suppose un chèque, l’abus de confiance suppose un des contrats énumérés par le code
pénal, etc.
Toutes ces notions extra pénales font partie de la qualification pénale et dès lors, se posent deux
problèmes : la juridiction répressive est-elle tenue de se référer aux définitions internes des
autres disciplines ? Et quel sort doit-elle réserver aux actes nuls qui commandaient la
qualification ?
b- Le pouvoir de qualification
34
Il s’agit de savoir qui a le pouvoir de qualifier les faits c’est-à-dire de les identifier à une
infraction prévue par la loi. Et cette qualification, une fois faite, est-ce qu’elle est définitive ?
C’est-à-dire lie-t-elle les juridictions répressives ?
A la suite d’une plainte de la victime ou d’une arrestation en flagrant délit, c’est-à-dire en cours
de commission d’une infraction ou dans un temps et lieu très proches de sa commission, la
police est appelée à enquêter sur les faits auxquels elle va donner une qualification qui ne sera
qu’une simple indication au ministère public à qui sera transmis le résultat de ladite enquête.
C’est en effet au Procureur de la République chargé par la loi, des poursuites pénales, et qui
exerce l’action publique au nom de la société, de qualifier le premier les faits.
Il arrive que la loi donne ce pouvoir dans certains cas bien précis à la victime lorsque celle-ci
peut notamment saisir directement la juridiction du jugement. De même, lorsque le représentant
du ministère public requiert un juge d’instruction afin d’informer, celui-ci doit qualifier les faits
dont il est saisi.
Enfin, en matière criminelle, c’est une formation spécifique qui détient ce pouvoir au Bénin 49.
Cette situation se retrouve dans le cas où une infraction objectivement imputable à son auteur
est en fait la conséquence logique inéluctable d’une première infraction à laquelle elle est
intimement liée. On pourrait se demander si la deuxième qualification ne devrait pas elle aussi
être retenue pour des raisons de bon sens, on répond généralement par la négative car les deux
faits procèdent du même esprit, de la même volonté criminelle. L’une des infractions étant la
suite naturelle de l’autre et les deux infractions sont commises par la même personne. Celui qui
a frauduleusement soustrait un objet ne peut être convaincu de le receler 50.
49
Voir code de procédure pénale en République du Bénin.
50
Cassation crim. 15 décembre 1949, B.C., n°350 ; 10 octobre 1996, Dr. Pénal, 1997, comm. 48, observations
M. Véron.
35
Inversement, si la seconde infraction n’est pas la suite naturelle de la première, si les éléments
matériel et moral sont différents dans les deux infractions, il n’y a plus incompatibilité. Le juge
peut retenir à la fois homicide ou blessures involontaires et omission de porter secours51, ou
bien complicité de vol et recel52.
L’intérêt de la distinction est remarquable au regard de l’autorité de la chose jugée. Dans le cas
où les poursuites fondées par exemple sur l’homicide volontaire ont abouti à l’acquittement, il
faut savoir si de nouvelles poursuites restent possibles sur la base de l’homicide par imprudence.
La doctrine dans son ensemble et la loi au cas de poursuite criminelle sont hostiles à la
possibilité d’une seconde poursuite.
Il arrive qu’une même activité délictuelle en fonction des divers éléments qui la compose puisse
donner lieu à des qualifications multiples.
Dans tous les cas, la multiplicité des éléments légaux applicables à un même fait est source de
difficultés.
Ce troisième cas est très fréquent en raison de l’inflation législative actuelle et il donne lieu à
des applications très diverses.
Dans quelle mesure, le juge doit-il tenir compte de toutes les qualifications applicables ?
Le délinquant doit-il subir autant de peines que son acte connaît de qualification ?
51 Cassation crim. 20 septembre 1993, Dr. Pénal, 1994.1., R.S.C., 1994.334, observations G. Levasseur ; 4 mars
1998, Dr. Pénal, 1998, comm. 97, observations M. Véron ; Trib. Corr., Nice, 2 novembre 1949, D., 1950.53.
52 Cassation crim. 18 novembre 1965, D., 1966.248, note R. Combaldieu.
36
- Solution de principe
Les tribunaux considèrent généralement, qu’un acte matériel unique à qualifications légales
multiples, constitue une seule infraction punissable sous sa haute acception pénale.
Cependant dans certains cas, la pluralité des infractions est purement fortuite, dans d’autres cas,
elle peut être moralement imputable à son auteur. C’est pour rendre compte de ces particularités
que la doctrine a proposé le concept du « concours idéal d’infractions ». Il n’y a pas concours
réel puisqu’il n’y a qu’un seul fait matériel mais concours idéal, c’est-à-dire formel, théorique :
l’activité unique, pénale du délinquant, présente différents aspects, comporte de degrés de
gravités différentes selon les textes en concours et qui sont tous compétents pour la saisir.
Certains auteurs dont Ortolan, proposaient de tenir compte de cette pluralité pour aggraver la
peine attachée à l’infraction la plus grave.
D’autres, à l’avis desquels s’est rangée la jurisprudence, assimile le concours idéal d’infraction
à un concours réel. Ainsi, lorsqu’il y a concours entre délit et crime, seule la peine la plus forte
est prononcée mais la condamnation est accompagnée de déclaration de culpabilité sur les
autres infractions retenues.
Le code pénal du Bénin prévoit qu’il y a concours d’infractions lorsqu’une infraction est
commise par une personne avant que celle-ci ait été définitivement condamnée pour une autre
infraction54.
Le législateur béninois a en outre, retenu les mêmes solutions qu’en droit français au regard des
conséquences attachées au concours d’infractions notamment quant à la peine applicable 55.
37
L’interprétation de la loi pénale implique l’office du juge (paragraphe 1) et l’application de la
loi pénale dans le temps (paragraphe 2).
Une fois posée la règle de la nécessité de la loi établit préalablement à toute poursuite, il faut
en dégager la signification.
En effet, il faut savoir dans quelle mesure, la loi générale et abstraite peut être appliquée à un
cas particulier et concret. Il faut aussi répondre à la question du moment auquel doit exister
cette loi afin qu’elle puisse recevoir application : est-ce au moment des poursuites ? Avant le
jugement, avant que celui-ci ne soit devenu définitif ? Pourrait-on l’appliquer en cours
d’exécution de la peine ?
Enfin, à qui doit-elle être appliquée ? A tous les ressortissants du pays où ils se trouvent ? A
tous ceux (étrangers ou nationaux) qui commettent des infractions sur le territoire national ? A
tous les nationaux qui commettent des infractions même aux lois étrangères ? Autant de
questions qui doivent recevoir une réponse susceptible d’éclairer sur la réelle signification du
principe de légalité dans son application concrète et auxquelles il convient de répondre en
distinguant les problèmes relatifs à l’interprétation de la loi pénale et à son application.
Les règles de conduite imposées par le législateur ont un caractère général et abstrait et doivent
s’appliquer à des cas particuliers et concrets, ce qui imprime au procès pénal, un caractère
contrasté qui tient tant à la personnalité du délinquant qu’à l’acte reproché et effectivement
commis par ce dernier.
La tâche du juge ou de toute juridiction est de décider si le cas particulier à juger fait partie du
cas général prévu par la loi. Il s’agit donc de dire le droit. Mais en matière pénale, à la différence
des autres disciplines juridiques où la situation est créée par les particuliers et où la loi a un
caractère subjectif, la situation juridique est créée par la loi et la sanction du juge ne consistera
pas à donner raison à une partie, mais à dire, si la loi a été enfreinte, et à sanctionner
physiquement le délinquant. Dire le droit dans ce cas, est certes plus délicat que de trancher
entre deux prétentions opposées, qui tendent vers la protection d’intérêts égoïstes et privés.
Plusieurs méthodes d’interprétation peuvent être utilisées : recours aux travaux préparatoires,
recours au syllogisme de l’exégèse par des raisonnements par analogie, à contrario ou a
38
posteriori. Mais celle qui est la plus généralement admise est l’interprétation stricte de la loi
pénale qui est le corollaire du principe de légalité de la répression pénale.
Interpréter une loi, c’est répondre à la question de savoir si cette loi est applicable à la situation
juridique en présence. C’est rechercher la relation entre la loi pénale et les faits délictueux
accomplis par le délinquant. Or, la nécessité de punir le délinquant ne doit nullement conduire
au prononcé d’une sanction aveugle. Il faut au contraire une sanction juste, prévue et mesurée.
C’est pourquoi, il faut interpréter restrictivement la loi pénale.
- Lacunes de la loi
Elles ne peuvent, en matière pénale, être comblées par un recours à l’analogie 56. Ainsi en
France, avant 1873, un individu pouvait se faire servir un repas dans un restaurant sachant par
avance qu’il ne le paierait pas 57. Il n’était pas possible de le poursuivre en vertu des textes en
vigueur qui n’avaient pas prévu ce comportement. Il fallait l’intervention du législateur pour
réprimer cette action malhonnête.
Si dans les autres matières du droit, elles ne peuvent constituer un juste motif pour le juge de
ne pas appliquer la loi sous peine de poursuite ou de déni de justice 59, en droit pénal, il est de
principe que le doute doit bénéficier à l’accusé.
Cependant, il faut que l’obscurité et l’ambiguïté soient irréductibles. Le juge pénal a dès lors,
non seulement le droit mais le devoir de cesser toute poursuite. En ce qui concerne les
56 Le juge ne peut combler les insuffisances d’un texte de loi en recourant à l’analogie (voir, cass. crim 08 sept.
1890. S. chr. 1890, 1811, I, 107)
57 Cass. crim ; 5 nov. 1847 : d, g 1847, IV, 510 sur la filouterie d’aliments qui n’était pas réprimé par un texte
pénal ;
58 L’article 5 du code civil dispose qu’« il est défendu aux juges de prononcer par voies de disposition générale et
39
inconvénients, ce principe qui prône le légalisme pur, peut nuire à la réflexion et empêcher le
code pénal d’évoluer. Toutefois, il y a une nécessité de conserver cette règle.
Tout d’abord, il est fondamental de ne pas laisser le juge inventer les solutions d’opportunités
qui provoqueraient la condamnation des coupables. Ce faisant, le principe de la séparation des
pouvoirs n’est plus respecté60. Il a été admis que le droit de menacer de mort, de mettre en
prison etc., était délégué au Parlement, représentant élu du peuple. Dès lors, les juges ne doivent
pas les remplacer dans cette tâche sinon, le principe de légalité serait vidé de tout son sens. La
garantie des libertés du citoyen contre le pouvoir, commande le respect de l’interprétation
stricte. Cependant, celle-ci connaît ses limites.
Les règles de l’interprétation stricte ne couvrent pas tout le domaine du droit pénal et même à
l’intérieur de celui-ci, elle comporte d’autres atteintes.
Qu’il s’agisse des règles de forme ou des règles de fond, cette règle n’est pas intangible.
La règle ne concerne que les lois qui établissent des incriminations et des peines c’est-à-dire
celles qui portent atteinte à la liberté individuelle.
60Ce principe est affirmé par l’article 125 de la constitution béninoise qui dispose : « le pouvoir exécutif est
indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir judiciaire ».
40
Lorsque l’interprétation stricte des lois de forme conduit à la violation de certains principes
généraux des droits de la défense, il est admis qu’elle puisse être abandonnée en faveur de ces
derniers.
L’examen des décisions des juges en matière pénale montre que l’interprétation littérale a été
en grande partie abandonnée pour faire place à l’interprétation large des textes. Parallèlement,
les cours suprêmes font obligation aux juridictions correctionnelles inférieures de rechercher le
sens des textes imprécis ou obscurs applicables aux espèces dont elles sont saisies. Elles ne
doivent pas systématiquement prononcer la relaxe ou l’acquittement.
Enfin, certaines lois peuvent avoir une signification absurde ou contraire au but visé parce
qu’elles ont été mal rédigées. Il est dès lors admis que les tribunaux puissent eux-mêmes réparer
ces erreurs matérielles évidentes.
L'examen des décisions jurisprudentielles montre qu'une méthode d'interprétation est exclue :
la méthode littérale. Le juge peut toujours s'inspirer de la pensée et des intentions des auteurs
de la loi pour rectifier les erreurs matérielles ou grammaticales d'un texte 61. Sous les exigences
de la pratique, l'interprétation téléologique ou déclarative, qui tend à dégager la volonté du
législateur, s'est imposée. Elle impose aux juges de rechercher le sens des textes imprécis et de
ne pas prononcer systématiquement l'acquittement ou la relaxe quand ils hésitent sur la portée
d'une disposition pénale. La solution de bienveillance n'est admise que si toute recherche sur
l'esprit de la disposition est vaine62.
L'utilisation de la méthode téléologique permet aux juges de ne pas se limiter à appliquer la loi
pénale aux seules hypothèses prévues par le législateur. Ils ont la possibilité de les étendre à des
situations que la loi n'avait pas pu prévoir, dès l'instant qu'elles rentrent dans la formule légale.
La Cour de cassation affirme même parfois « qu'il appartient aux juges du fond de rechercher
l'objet de la loi et son domaine d'application »63. Ainsi, les tribunaux ont appliqué les peines du
vol au détournement de courant électrique, bien que l'électricité ne soit pas une chose
61 V. Cass. crim. 8 mars 1930, DP 1930.1.301 ; 1er oct. 1997, Dr. pén. 1998, comm. N° 7, obs. Robert.
62V. Cass. crim. 24 janv. 1936, DP 1936.1.60, note P. Mimin ; 12 mars 1984, Bull. crim., n° 102.
63 V. Cass. crim. 21 janv. 1969, Bull. crim., n° 38.
41
corporelle64. De même, ils ont étendu à la diffamation par la voie de la radio et du cinéma la loi
du 29 juillet 1881 sur la presse (in Code pénal Dalloz) qui punit la diffamation publique par les
journaux, les affiches ou au cours d'une réunion publique 65. Enfin, la chambre criminelle
considère que le recel n'impliquant pas nécessairement la détention matérielle des valeurs
recelées, intervenir dans la négociation du produit d'un vol constitue le délit de recel 66.
42
pirate pour capter des émissions télévisuelles 69, ni d'étendre l'incrimination d'escroquerie,
conçue pour protéger les biens meubles, à l'obtention frauduleuse d'un immeuble 70. De même,
elle a considéré que le viol ne pouvait être constitué lorsque la victime n'était pas pénétrée
comme le prévoit le texte qui incrimine, mais avait pénétré l'auteur de l'acte poursuivi71, ou que
l'atteinte à la vie d'un enfant à naître n'entre pas dans les prévisions des articles 319 du code
pénal français72. Toujours par application du principe de l'interprétation stricte, la tenue
irrégulière d'une comptabilité ne peut pas être assimilée à une absence de comptabilité ou à une
comptabilité fictive73, tandis que n'entre pas dans les prévisions d'un texte, le retrait à un
distributeur automatique de billet, d'une somme supérieure à celle du montant de la provision
figurant au compte74. Une multitude d'exemples illustre cette règle : récemment, la
jurisprudence française a considéré au visa de l'article 111-4 du code pénal français que la
filouterie de chambre d'hôtel ne comprend pas le défaut de paiement des communications
téléphoniques 75, de même que la discrimination en matière d'embauche ne s'étend pas au refus
d'accepter une demande de stage76.
En revanche, l'utilisation de l'analogie favorable n'est pas exclue par la jurisprudence. Cette
analogie in favorem concerne le domaine limité des faits justificatifs et des causes de non-
responsabilité77. C'est à partir de son utilisation que les cours d'appel, suivies de la Cour de
cassation, ont construit la théorie de l'état de nécessité, avant que le code pénal ne le consacre
officiellement78.
Lois pénales de formes. - L'utilisation de l'analogie se retrouve dans l'interprétation des lois
pénales de forme dans la mesure où elles tendent à assurer une meilleure justice répressive et
qu'elles constituent des garanties de la liberté individuelle et des droits de la défense. Ainsi, à
partir de la construction des principes généraux des droits de la défense, la jurisprudence a pu
notamment invalider une enquête dans laquelle un commissaire de police avait obtenu des
aveux par voie téléphonique en notant les réponses que le suspect faisait à un tiers chargé de
B. Bouloc.
74 V. Cass. crim. 24 nov. 1983, Bull. crim., n° 315, D. 1984.465, note C. Lucas de Leyssac, JCP 1985. II. 20450,
note Croze.
75 V. CA Rennes, 3 mai 2000, Dr. pénal 2001, comm. 125, note M. Véron.
76 V. CA Montpellier, 17 févr. 2000, Dr. pénal 2001, comm. 125, note M. Véron.
77 V. une solution différente pour les lois d'amnistie : Cass. crim. 19 nov. 1991, Bull. crim. N° 419.
78 V. CA Colmar, 6 déc. 1957, D. 1958.357, note Bouzat ; Cass. crim. 25 juin 1958, D. 1958.693, note M.P., JCP
1959. II. 10941, note Larguier, Rev. sc. crim. 1959.111, obs. A. Légal.
43
l'interroger79.
PARAGRAPHE 2 : L’APPLICATION DE LA LOI PENALE DANS LE TEMPS
Dans le discours préliminaire du code civil, Portalis proclamait : « les codes des peuples se
font avec le temps »80. Toute norme juridique devient selon Bergel une tentative de stabilisation
des rapports sociaux en perpétuel devenir et tout ordre juridique est un défi au temps. Le temps,
une partie de l’éternité, l’une des quatre dimensions, entité représentative du changement
continuel de l’univers, a pour le juriste une valeur essentielle. Que ce soit le droit dans le temps
ou le temps dans le droit81, la loi pénale s’inscrit quant à son application dans l’espace 82 comme
dans le temps. C’est l’affirmation du principe de non rétroactivité de la loi pénale avec ses
corollaires et limites.
Il ne servirait à rien en effet, qu’une poursuite pénale ne puisse avoir lieu qu’en raison d’un
texte, si ce texte pouvait être promulgué pour les besoins de la cause après que le fait poursuivi
ait été avorté ou accompli. Il se pose la question de savoir si on peut appliquer une loi pénale
dont l’entrée en vigueur est postérieure à la commission de l’infraction qu’on veut punir ?
Autrement dit, une loi pénale nouvelle peut-elle rétroagir pour saisir une infraction déjà
commise avant l’entrée en vigueur de cette loi ?
La réponse claire est exprimée par les textes nationaux et ceux internationaux qui n’admettent
pas la réponse affirmative. Il s’agit de l’article 8 de la DUDH, l’article 15 du Pacte de l’ONU
sur les droits civils et politiques, la constitution du 11 décembre 1990 et le code pénal entre
autres.
79 V. Cass. crim. 12 juin 1952, JCP 1952. II. 7241, note Brouchot.
80 J.L. BERGEL, Théorie générale du Droit, D. 3ème édition, p. 109.
81 Ces expressions sont employées par Jean Louis Bergel pour montrer l’interaction qui existe entre le droit et le
temps.
82 La question de l’application de la loi pénale dans l’espace se pose en termes de savoir s’il faut appliquer la loi
de l’Etat sur le territoire duquel l’infraction a été commise ou s’il faut appliquer une autre loi pour sanctionner
l’autre infraction. Plusieurs solutions ont été proposées : il s’agit du système dit de l’universalité du droit de punir
(la répression est exercée au lieu de l’arrestation de l’auteur de l’infraction, peu importe que ce lieu corresponde
à celui où l’infraction est commise), du système de la territorialité (est appliquée la loi de l’Etat sur le territoire
duquel l’infraction est commise) et de la personnalité (la loi d’un pays est celle qui doit s’appliquer à ses nationaux
à l’intérieur et même en dehors du territoire national). Ces trois systèmes admettent chacun des exceptions.
44
Ainsi, l’article 17 alinéa 2 de la constitution béninoise dispose que « nul ne sera condamné pour
des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient une
infraction d’après le droit national. De même, il ne peut être infligé de peine plus forte que celle
qui était applicable au moment où l’infraction a été commise ».
De même, l’article 3 du code pénal du Bénin, dispose que les crimes, les délits et les
contraventions ne peuvent pas être frappés de « peines qui n’étaient pas prononcées par la loi
avant qu’ils fussent commis ». Ce principe de la non-rétroactivité de la loi pénale est, comme
celui de la légalité, une garantie importante de la liberté des citoyens.
Il faut que les citoyens lorsqu’ils agissent sachent exactement quelles sont les conséquences
possibles de leurs actes sur le plan de la répression. Ils ont en quelque sorte un droit d’attente
légitime à ce que leurs actes obéissent aux lois qu’ils connaissaient ou pouvaient connaître au
moment où ils les ont accomplis. Si donc, une nouvelle loi vient à modifier postérieurement à
la commission d’une infraction, les conditions de la répression, cette loi nouvelle ne pourra pas
s’appliquer et l’ancienne loi continuera à jouer.
Mais si la loi nouvelle constitue un progrès par rapport à la loi ancienne, surtout en ce qui
concerne la protection des intérêts du délinquant ou du criminel, c’est cette loi nouvelle plus
douce qui prévaudra (chaque fois qu’il sera possible de l’appliquer sans que soient lésés les
droits d’attente légitime des citoyens)83.
83Voir article 6 du code pénal du Bénin - La non rétroactivité de la loi est parfois nécessaire, dans un but de
sécurité juridique. Mais, le principe ne s’applique pas pour les lois pénales plus douces : celles qui édictent des
peines moins sévères. Il s’agit par exemple de la loi du 09 octobre abolissant la peine de mort en France ; in Anne
Marie Simon, Brigitte Hess-Fallon, Droit civil Aide-mémoire, Dalloz, 9ème édition 2007, p.20 ;
45
Pour les infractions continues ou successives dans lesquelles l’intention coupable se perpétue
ou se renouvelle tant que l’état délictueux subsiste, la loi nouvelle jouera ou sera appliquée
puisque l’état délictueux a continué après sa parution.
Pour l’application de cette règle aux lois pénales de fond84, elles concernent les incriminations
et les peines.
Pour les lois concernant les incriminations, On appliquera la loi qui définissait l’infraction
au moment où elle a été commise. La jurisprudence explique cependant que la règle de la non-
rétroactivité ne lie pas le législateur lui-même et que celui-ci peut attribuer un caractère
rétroactif à un texte pénal85. Toutefois, la constitutionnalité de cette loi peut être contestée.
Pour les lois concernant les peines et les mesures de sûreté, la peine applicable à une
infraction est celle qui était prévue par la loi au moment où cette infraction a été commise.
En ce qui concerne les mesures de sûreté qui répondent non pas à la commission d’une
infraction déterminée, mais sont prévues pour faire face à un état dangereux, les lois nouvelles
qui les prévoient s’appliquent en principe immédiatement même en raison d’une infraction
antérieure. Pour la même raison, les lois prévoyant à l’égard des mineurs délinquants des
mesures qui se proposent moins de les punir que de les guérir de leurs mauvaises tendances
s’appliquent immédiatement même à des faits antérieurs.
Signalons enfin, que la jurisprudence a décidé que les lois de forme échappent au principe de
la non-rétroactivité et qu’elles s’appliquent immédiatement même à des infractions
commises antérieurement à leur entrée en vigueur86.
84 Les lois pénales de fond ont pour but de définir les infractions et les peines, elles ne rétroagissent pas. Comme
loi pénale de fond nous avons : l’Ordonnance n°73-37 du 17 avril 1973 modifiant les dispositions du code pénal
en ce qui concerne la traite des personnes et les enlèvements de mineurs ; l’Ordonnance 73-47 du 22 mai 1973
modifiant certaines dispositions du code pénal réprimant les détournements, la corruption, la concussion et
infractions assimilées, etc. ;
85 Cour de cassation, chambre criminelle du 15 mars 1956, Gazette du Palais 1956, I, p. 426.
86 Voir article 7 du code pénal du Bénin.
46
CHAPITRE 2 : LES COMPOSANTES
MATERIEL ET MORAL DE L’INFRACTION
47
Le droit pénal français dont a hérité le système juridique béninois, n’admet pas que l’on réprime
la simple pensée coupable. L’infraction n’existe comme telle qu’avec un minimum de
matérialisation. Pour qu’une infraction soit constituée, il est donc indispensable que l’agent se
soit manifesté par une attitude extérieure. Le simple projet délictueux ne suffit pas à caractériser
l’infraction : nemo cogitationis poenam partitur (personne ne peut être condamnée pour ses
idées). Le droit pénal français ne sanctionne pas les manières de penser, mais seulement les
manières d’agir. La nécessité d’une extériorisation de la volonté coupable se justifie à la fois
par la difficulté qu’il y a à prouver une donnée uniquement interne, psychologique, et par cette
considération que les simples tentations criminelles, du reste, abandonnées le plus souvent ne
troublent pas l’ordre social.
D’un point de vue utilitaire, la répression du simple état dangereux préconisée par l’école
positiviste permettrait d’éviter la commission de certaines infractions. Elle se heurte souvent à
la crainte de l’arbitraire et au respect de la liberté individuelle mais tendra sans doute à se
développer et peut être, déjà mise en considération par le juge.
A la différence des règles de la morale qui, grâce aux remords, sanctionnent les mauvaises
pensées et les intentions coupables, le droit pénal protège la société et ne réprime pas les simples
idées et intentions criminelles, ni la résolution de commettre un délit, car l’agent ne trouble pas
encore l’ordre social. Il ne les punit que, lorsqu’elles sont matérialisées par un fait ou un acte.
Le fait ou l’acte extérieur criminel ou la faute pénale, constituent l’élément matériel de
l’infraction.
Le comportement de l’agent peut prendre diverses formes. Il peut être actif ou passif, se
localiser en un trait de temps ou au contraire s’étendre sur une certaine durée, comporter un ou
plusieurs actes. De là, les distinctions classiques et présentant, avec certaines difficultés des
intérêts évidents entre infractions de commission (ou d’action) et d’omission, instantanées ou
continues, faites d’un seul acte ou de plusieurs.
87Le coup de couteau porté à autrui, c’est aussi la soustraction de la chose d’autrui mais également le fait de ne
pas porter secours à une personne en péril ;
48
L’élément matériel se retrouve à la fois dans l’infraction consommée (Paragraphe 1) et dans les
infractions inachevées (paragraphe 2).
L’élément matériel est basé au départ sur un acte positif, une action (A). Toutefois, à la lumière
de la jurisprudence, source d’interprétation du droit pénal, une infraction peut exister même en
l’absence d’un acte positif imputable au délinquant. Dans ce cas, l’agent pénal recherche par
une abstention, un résultat qu’il aurait pu obtenir plus sûrement par commission : on parle
d’infraction d’omission (B). Cette catégorie d’infraction est basée sur la conception solidariste
de la vie.
Le droit pénal classique, soucieux de protéger la liberté individuelle entendait que les
infractions ne soient que de commission car la liberté souffre moins de l’interdiction d’une
action positive que de celle d’un comportement d’abstention. Cependant, de nos jours, un sens
plus affirmé de la solidarité humaine et un interventionnisme croissant de l’Etat ont conduit à
incriminer plus fréquemment qu’autrefois des abstentions. Ce phénomène se manifeste à propos
des infractions de commission par omission (C) et des infractions de pure omission.
L’élément matériel nécessaire à l’existence de l’infraction peut être soit un acte positif ou
négatif soit un acte instantané ou continu soit un ou plusieurs actes.
Généralement, l’élément matériel réside dans un acte positif qui consiste à faire ce que la loi
prohibe (tuer, blesser, voler). Le délit est alors un délit d’action ou de commission. Ces délits
sont les plus fréquents d’ailleurs (meurtre, viol, diffamation…) ; ils sont les délits de
commission car ils supposent un acte positif contraire à la défense légale. Ces délits supposent
également pour leur consommation :
88C’est le geste du voleur qui se prépare et réussit à s’emparer du bien d’autrui, geste du meurtrier qui vise
comme cible un être humain, appuie sur la détente et le tue ;
49
En principe, la responsabilité pénale ne dépend pas du résultat. Parfois cependant, la peine est
aggravée quand le dommage est plus grave. Il faut néanmoins l’existence d’un lien de causalité
entre l’acte et le résultat.
La répression vise ici une abstention, un acte passif ou négatif de l’agent. Ce dernier n’a pas agi
comme le lui impose la loi. Son comportement négatif est réprimé par la loi. Dans l’infraction
d’omission, on réprime seulement la passivité, sans s’attacher au résultat qu’elle a pu engendrer.
Il s’agit par exemples :
L’omission proprement dite : La loi pénale prévoit certaines obligations d’agir. L’omission
consiste donc dans le fait de s’abstenir d’agir alors que le devoir l’exige. Ces délits sont
exceptionnels mais la tendance du 20ème siècle a été de les multiplier : non révélation des faits
d’espionnage ; non témoignage en faveur d’un innocent poursuivi … Mais une immunité
est prévue aux parents du coupable.
L’homicide provoqué par omission expose-t-il son auteur aux mêmes peines que si cet homicide
a été provoqué par commission ? Entre le délit d’omission et celui de commission, existe-t-il
50
une catégorie intermédiaire ? Celle du délit de commission par omission. Si par exemple au lieu
de tirer sur quelqu’un une balle de révolver ou lui donner un coup de poignard, je le laisse périr
en le privant d’aliments ou m’abstenant de lui porter secours suis-je coupable par mon omission
d’un homicide volontaire ?
Dans l’ancien droit, l’auteur d’une omission pouvait parfois être puni comme s’il avait accompli
l’acte de commission, « qui peut et n’empêche, pèche.» disait Loysel89 mais cette maxime est
loin d’être observée de façon générale. En l’absence de disposition dans le code pénal, la
jurisprudence refuse d’assimiler l’abstention à une action et d’admettre qu’un délit de
commission puisse résulter d’une simple omission.
Dans l’affaire dite de la séquestrée de Poitiers 90, la cour de Poitiers a décidé que le délit de
coup et blessures volontaires ne pouvait pas être retenu à l’encontre des parents qui avaient
laissé sans soins dans une chambre sans air et sans lumière, une personne âgée et infirme,
atteinte d’aliénation mentale, au point où son existence en était compromise. Pour les tribunaux,
l’abstention n’équivaut point à la commission, car il ne répond pas à la définition légale de
l’infraction.
En décidé autrement, serait raisonné par analogie, ce qui est une méthode d’interprétation
interdite. C’est seulement dans les hypothèses où la loi l’a spécialement prévue que l’omission
peut avoir la valeur d’une commission et exposer son auteur aux peines édictées pour réprimer
l’infraction. Ce qu’a fait le législateur béninois avec les articles 478 et 515 du code pénal qui
punissent comme coupable de blessures volontaires et même de meurtre ou d’assassinat, ceux
qui auront volontairement privé de soins ou d’aliments un nouveau-né ou un enfant suivant que
leur abstention aurait entraîné une maladie, une incapacité de travail, une infirmité permanente
ou la mort du nouveau-né ou de l’enfant. Mais en dehors de ces cas exceptionnels, il n’y a pas
de délit de commission par omission.
89 Institutes, n°779.
90 - Cour d’appel de Poitiers, 20 novembre 1901, Dalloz, 1902, II, page 81, note G. Le Poittevin et S., 1902.II.305,
note J. Hémard, avec cet attendu : « on ne saurait comprendre un délit de violences ou voies de fait sans
violences » ; add. M. PUECH, I, n°54 ; J. PRADEL et A. VARINARD, n°28 ; A. GIDE, La séquestrée de Poitiers, 1930,
et J.M. AUGUSTIN, L’histoire véridique de la séquestrée de Poitiers, Fayard, 2001.
- Pau, 2 décembre 1943, J.C.P., 1944, II, 2724 pour la maladresse, la négligence et l’inattention.
- Cour de cassation, chambre criminelle du 19 février 1957, J.C.P., 1957, IV, 50.
51
D - Autres caractéristiques de l’élément matériel
1- Existence ou absence de résultat
Infraction formelle/matérielle. - Si l'on considère l'élément matériel de l'infraction du point
vue de l'existence ou l'absence de résultat, on aboutit à la distinction entre l'infraction
matérielle et l'infraction formelle.
Dans l'infraction matérielle, le résultat est un élément même de l'infraction qui n'est
consommée que par la réalisation du dommage. C'est le cas de la plupart des infractions
comme le vol91, l’homicide92, l'assassinat93 et les violences94.
En revanche, dans l'infraction formelle, l'infraction existe indépendamment de tout dommage,
même si le résultat voulu par l'agent n'a pas été atteint95. C'est le cas de l'empoisonnement qui
est constitué par l'emploi ou l'administration de substances de nature à entraîner la mort
(C. pén., article 474).
Cette distinction entre infraction formelle et matérielle présente un intérêt en ce qui concerne
la tentative. En matière d'infraction matérielle, il apparaît aisé de distinguer l'infraction
consommée de l'infraction tentée. Mais, en matière d'infraction formelle, le résultat n'étant pas
pris en compte, il devient plus difficile de les séparer (V. Tentative).
2- L’acte instantané et l’acte continu
Qu’il consiste dans une action ou dans une omission, l’élément matériel de l’infraction peut
être soit un acte instantané dont la durée est négligeable, soit un acte susceptible par sa
nature de durer plus ou moins longtemps. Ce qui conduirait à distinguer l’infraction instantanée
et l’infraction continue ou successive.
Il existe en principe une distinction entre l’infraction instantanée et celle continue ou successive.
En effet, les infractions instantanées sont réalisées par une action ou par une omission qui
s’exécute en un instant ou dont la durée d’exécution plus ou moins longue est indifférente à la
réalisation de l’infraction. C’est le cas du meurtre, du vol, etc…. Du moment qu’elle se réalise
en un laps de temps, l’infraction est instantanée, il importe peu que la durée rentre dans ces
éléments constitutifs (abandon de famille), de même que ses effets se prolongent dans le temps
(cas de la bigamie96).
52
Malgré les apparences, la bigamie est un délit instantané car elle est réalisée en un instant.
Seules ses conséquences ou ses suites sont liées à la notion de durée. Les auteurs ont donc
introduit une complication inutile en faisant des délits dont les effets se prolongent dans le
temps (bigamie, apposition d’une fiche dans un lieu prohibé) une catégorie particulière
d’infractions à savoir les infractions permanentes. Ces infractions permanentes sont en réalité
des infractions soumises à tout égard aux règles des infractions instantanées.
Pour ce qui concerne l’infraction continue ou successive, elle est constituée par une action ou
une omission qui se prolonge par la réitération constante de la volonté coupable de l’auteur.
(C’est l’exemple du Port illégal de la décoration).
représentation d’enfant.
101 - Cour de cassation, chambre criminelle, 31 août 1922, Sirey, 1923, I, 237 ;
- Cour de cassation, chambre criminelle, 23 avril 1970, J.C.P., 1970, II, 16486, note Michaud.
53
PARAGRAPHE 2 : L’ELEMENT MATERIEL DANS LES INFRACTIONS INACHEVEES
Il y a délit manqué102 lorsque l’agent a fait tout ce qui était nécessaire pour réaliser l’infraction
mais a manqué son but par maladresse ou pour toutes autres raisons, à condition que le but
recherché ait été possible à atteindre si l’agent avait été plus adroit ou avait agi plus vite.
Il y a plus que simple tentative puisque l’agent a accompli tous les actes qui dépendaient de lui
et n’a pas été arrêté en cours d’exécution de sorte qu’il n’y a aucun doute sur son intention
d’aller jusqu’au bout de la consommation de l’infraction ou l’atteinte du résultat. Mais il y a
moins que le délit consommé puisque le résultat dommageable ne s’est pas produit.
L’article 21 du code pénal punit le délit manqué des mêmes peines que le délit tenté car il s’agit
d’un comportement qui n’a « manqué son effet » que par suite de circonstances indépendantes
de la volonté de l’auteur.
Par contre, le délit impossible est le délit irréalisable soit par manque d’objet (meurtre de
quelqu’un qui est déjà mort; avortement d’une femme non enceinte) soit à raison de
l’insuffisance des moyens employés (empoisonnement par administration de substance non
toxique ; meurtre avec un fusil non chargé).
L’auteur d’une infraction impossible est-il punissable ?
Jadis, les auteurs étaient divisés, certains estimaient qu’aucun trouble à l’ordre social n’a été
réalisé. D’autres pensaient que l’auteur de l’infraction manquée a manifesté son caractère
courageux et dangereux.
Il y a quelques rares cas dans lesquels la loi elle-même donne la réponse. C’est le cas en matière
d’empoisonnement qui est défini comme « un attentat à la vie par l’effet de substance qui peut
54
donner la mort plus ou moins promptement et quelle qu’en ait été les suites… »
L’empoisonnement impossible n’est donc pas punissable. Mais l’avortement d’une femme
enceinte ou supposée enceinte est punissable. La jurisprudence a fourni des solutions pour
toutes les autres infractions impossibles.
Jusqu’aux années 1875 – 1880, une infraction impossible n’était pas punissable103. De 1880 –
1928, la Cour de cassation a distingué l’impossibilité absolue et l’impossibilité relative 104.
Depuis 1928 à ce jour, la Cour de cassation réprime les infractions impossibles 105. En matière
de meurtre, dans une affaire tranchée par la Chambre d’accusation à Paris le 8 avril 1946, affaire
dans laquelle un père et son fils avaient tiré sur une même personne. Les deux ont été
condamnés pour meurtre, bien que l’expertise ait montré que la victime avait été déjà tuée par
le coup de feu du père avant que celui du fils ne l’atteigne 106.
Néanmoins pour que l’infraction impossible soit punissable, il faut que les conditions de la
tentative soient remplies.
Une infraction est presque toujours le résultat d’une série de réflexions, de résolutions et de
préparations sans doute, ne faut-il pas attendre que l’infraction soit consommée pour déclencher
la répression ? Mais on peut se demander à partir de quel moment les autorités publiques sont
autorisées à poursuivre l’auteur d’une infraction non consommée et quelles peines peuvent-
elles lui infliger ?
L’article 21 du code pénal punit « Toute tentative de crime qui aura été manifestée par un
commencement d’exécution si elle n’a été suspendue ou si elle n’a manqué son effet que
par suite de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur ».
Il pose ainsi les conditions requises pour qu’il y ait tentative punissable. Nous verrons ensuite
les infractions dont la tentative est punissable et enfin la peine prévue par la loi dans pareil cas.
103 Cour de cassation, chambre criminelle, 6 janvier 1859, Sirey, 1859, I, 362 pour des pratiques abortives
pratiquées sur une femme non enceinte.
104 Cour de cassation, chambre criminelle, 12 avril 1877, Sirey, 1877, I, 329.
105 Cour de cassation, chambre criminelle, 9 novembre 1928, affaire Fleury, Dalloz, 1929, I, 97.
106 Cour d’appel de Paris, 9 avril 1946, Revue des sciences criminelles 1948, page 147, observation Gulphe.
55
1- Conditions de la tentative punissable
Pour que la tentative d’une infraction soit punissable, il faut deux conditions essentielles :
- Un commencement d’exécution
Les manifestations verbales ou écrites par lesquelles, l’auteur extériorise son intention de
commettre une infraction ne sont pas en principe punissables car rien ne prouve que l’intéressé
passerait à l’action et le législateur estime qu’il est de bonne politique criminelle de ne pas
poursuivre encore. Mais exceptionnellement certaines manifestations écrites ou verbales
particulièrement graves sont prises en compte par le code pénal.
Après les manifestations verbales ou écrites l’agent passe aux actes préparatoires qui tendent à
préparer la commission de l’infraction.
Le commencement d’exécution renvoie à une matérialité réduite, qu’il est possible d’aborder,
et par sa localisation sur l’Iter criminis, et par la définition qui en rend compte.
L’Iter criminis, ou chemin du crime, est le processus de réalisation de l’infraction par rapport à
sa phase ultime. La pensée criminelle en est la première étape, relative à l’idée du crime. Puis
vient la résolution criminelle, synonyme de détermination. Arrivent ensuite les actes
préparatoires, suivis du commencement d’exécution puis de l’exécution proprement dite. Le
commencement d’exécution se situe entre les actes préparatoires et la commission proprement
dite de l’infraction.
D’après une théorie objective qui s’attache exclusivement aux actes déjà commis, seuls
constituent un commencement d’exécution, les actes qui font partie des éléments constitutifs
de l’infraction tels qu’ils sont définis par la loi ou des circonstances qui peuvent en renforcées
la répression. Tous les autres actes doivent être considérés comme des actes préparatoires.
56
D’après une théorie subjective qui s’attache au contraire à l’intention de l’auteur, sujet actif
de l’infraction, il y a commencement d’exécution dès qu’on se trouve en présence d’un acte
assez proche moralement de l’infraction que l’on veut commettre et qui rend infiniment
probable, le fait que l’agent serait allé jusqu’au bout de son dessein, c’est-à-dire jusqu’au bout
de l’infraction. La théorie objective est trop restreinte et trop juridique si l’on peut dire. Elle ne
permet pas une défense satisfaisante de la société. Le vol par exemple étant la soustraction
frauduleuse de la chose d’autrui, ne pourrait être poursuivi, que lorsque le voleur a mis la main
sur la chose convoitée mais pas encore, lorsqu’il a percé le mur pour arriver jusqu’à la salle des
coffres d’une banque.
La jurisprudence beaucoup plus réaliste adopte largement la théorie subjective, elle admet qu’il
y a commencement d’exécution lorsque l’acte accompli se rattache à l’infraction par un lien
visible et étroit et « tend directement au délit ». Lorsque l’auteur est déjà en action du crime
tenté, entre l’action et l’infraction, il n’y a plus une très grande distance morale et que les faits
d’ores et déjà accomplis permettent de penser que l’agent serait allé jusqu’au bout de son
intention criminelle. Un attendu domine en jurisprudence : « caractérisent le commencement
d’exécution, les actes qui tendent directement au crime ou au délit avec intention de le
commettre ».
Le commencement d’exécution doit être situé par rapport à deux enchaînements possibles. Soit
il est suivi d’un désistement volontaire, et la tentative n’est pas punissable, soit, au contraire, il
n’aboutit pas à la réalisation de l’infraction pour des raisons indépendantes d’une volonté en ce
sens, et la tentative est punissable. En aucun cas, le désistement ne doit être confondu avec le
repentir actif.
57
Tout comme le désistement volontaire, le repentir est un remords ou un regret, manifesté par
l’auteur de l’infraction. Mais il est tardif, pour intervenir après la commission du crime ou du
délit, et se situer après sa pleine exécution. Il n’est donc pas une cause d’irresponsabilité pénale,
sous réserve de certaines concessions à l’exemption ou à la réduction de la peine encourue. Il
peut également être un élément de la personnalisation de la peine, voire jouer comme un facteur
de dispense ou d’ajournement de son prononcé sans négliger la réduction exceptionnelle de la
durée éventuellement accordée par le tribunal de l’application des peines 107.
Enfin, notons que la tentative pour être punissable, nécessite également l’intention de
commettre l’infraction tentée. C’est ce qui explique qu’il n’y ait pas des tentatives dans le cas
des infractions non intentionnelles.
L’article 21 du Code pénal prévoit que la tentative de tous les crimes est punissable. Au
contraire en matière de délit, la tentative n’est punissable que si la loi la prévoit expressément,
pour les contraventions la tentative n’est pas punissable.
En conséquence, la tentative de vol est punissable de même que celle de l’escroquerie. Par
contre, la tentative de l’abus de confiance n’est pas punissable.
Quant aux peines encourues, le même article 21 du code pénal prévoit que le délit tenté est puni
de la même peine que le délit consommé. Cette identité de répression de l’infraction tentée et
de l’infraction consommée concerne non seulement les peines principales mais aussi les peines
complémentaires et les peines accessoires.
Dans toute infraction, il doit y avoir un élément moral. Cet élément est nécessaire pour que
l’agissement reproché puisse être imputé à son auteur. Il faut qu’en agissant ainsi qu’il l’a fait,
l’auteur de l’infraction ait commis une faute. C’est la condition indispensable de sa culpabilité.
Le droit pénal français sur lequel est calqué le droit positif béninois en la matière, repose, au
moins en ce qui concerne les peines, sur l’hypothèse du libre arbitre. La peine poursuit en effet,
un but de rétribution. Si l’auteur n’a pas agi librement ou consciemment, on ne peut alors rien
lui reprocher sur sa conduite, mais tout au plus, lui appliquerait-on, des mesures de sûreté sans
58
coloration morale destinées à le protéger, le soigner et à protéger la société s’il apparaît
dangereux. L’élément moral traduit donc la volonté saine et consciente de l’auteur de
l’infraction qui sait que ses agissements constituent une violation de la loi pénale 108.
Dans une acception classique, l'intention criminelle est la volonté d'accomplir un acte que l'on
sait défendu par la loi pénale, comme voler, tuer, ou de s'abstenir d'un acte que l'on sait
ordonné par la loi, comme ne pas porter secours à une personne en péril 109.
En raison de l'adage selon lequel « Nemo censetur ignorare legem » (nul n'est censé ignorer
la loi), il n'est pas besoin pour établir l'intention de prouver que l'agent connaissait la loi
pénale, mais qu'il a eu la volonté de commettre l'acte qu'elle défend. La preuve de l'intention
incombe normalement au ministère public. Cependant, la jurisprudence admet que, pour
certaines infractions, l'existence de l'élément moral résulte de la seule constatation de
l'élément matériel. Selon cette conception, pour que l'intention existe, celui qui a accompli
l'acte doit être une personne vivante douée de raison et de volonté. En revanche, il importe
peu qu'elle ait agi par passion, haine ou cupidité. Celui qui a commis l'acte doit être puni,
quelles que soient les raisons pour lesquelles il l'a voulu. C'est cette conception qu'adopte la
chambre criminelle de la Cour de cassation110.
A la question de savoir quels sont les degrés de faute qui peuvent constituer l’élément moral,
on remarque qu’au sommet de l’échelle (en suivant un ordre de gravité décroissante) se trouve
la faute intentionnelle appelée parfois « intention criminelle ou dol » (A) et des fautes non
intentionnelles (B).
A- LA FAUTE INTENTIONNELLE
Il y a faute intentionnelle lorsque l’auteur de l’acte a voulu pleinement son acte et le résultat
que celui-ci a produit. Parfois la loi punit plus sévèrement celui qui agit non seulement d’une
108 Le code pénal du Cameroun prévoit en son article 7 que : « est pénalement responsable celui qui
volontairement commet les faits ou actes réunissant les éléments constitutifs d’une infraction avec pour
intention de voir pour conséquence la réalisation de l’infraction » ;
109 V. GARÇON, op. cit., t. 1, art. I, no 77.
110 Cass. crim. 10 janv. 1996, no 94-85.938, Bull. crim., no 13.
59
façon volontaire mais en machinant à l’avance son infraction. C’est la circonstance aggravante
de préméditation 111.
Alors que l'intention - qui n'est que la volonté consciente d'accomplir un acte illicite - est
toujours la même, le mobile, c'est-à-dire l'intérêt ou le sentiment qui a déterminé l'action ou
l'omission, est variable selon les individus et les circonstances 112. Ayant adopté une conception
classique de l'intention, le code pénal ne tient, par principe, aucun compte du mobile en ce qui
concerne l'existence de l'infraction. Mais, cela ne signifie pas que les juges l'ignorent lors de sa
répression.
➢ Principe de l'indifférence du mobile du point de vue de l'existence de l'infraction
L'infraction intentionnelle est constituée dès l'instant qu'il y a intention criminelle, quel que soit
le mobile de cette infraction. C'est ainsi que la destruction de fleurs sur une tombe constitue un
vol quels qu'en soient les mobiles113. De même, il y a refus de vente de produits contraceptifs
pénalement réprimé, lorsque ce refus est fondé sur des convictions personnelles, et non une
indisponibilité matérielle des produits 114.
➢ Prise en considération exceptionnelle du mobile
Il est des cas où l'infraction n'existe qu'en raison du mobile qui l'a inspiré. C'est ainsi que
l'infraction définie par l'article 434-25 du code pénal français n'est réalisée que si l'auteur
commentant une décision judiciaire a cherché à porter atteinte à l'autorité de la justice.
L'infraction de terrorisme est aussi définie par rapport aux mobiles de ses auteurs : il s'agit
d'actes en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler
gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur (C. pén. fr., art. 421-1, voir à cet effet
les dispositions des articles 161 et suivants du code pénal du Bénin). De même, l'abandon d'un
enfant né ou à naître, comme l'entremise apportée pour faire recueillir ou adopter un enfant, ne
sont punissables que si l'agent a agi dans un esprit de lucre (C. pén. fr., art. 227-10). Enfin, sans
être exhaustif, le délit d'organisation de sa propre insolvabilité requiert de l'agent, qu'il ait eu en
vue, de se soustraire à l'exécution d'une condamnation pécuniaire, prononcée par une juridiction
répressive ou, en matière délictuelle, quasi délictuelle ou d'aliments, par une juridiction civile
(C. pén. fr., art. 314-7).
En procédure pénale, le mobile joue un rôle dans la jonction de deux affaires en raison de leur
indivisibilité : les juges prennent en considération le mobile commun à deux infractions qui
60
doivent donc être jugées ensemble. C'est le cas lorsque les faits ont été commis dans le même
trait de temps, dans le même lieu et ayant été déterminés par le même mobile.
➢ Incidence du mobile sur la détermination de la peine
En règle générale, la loi ne tient pas compte des motifs pour déterminer la peine applicable.
Qu'il ait tué par amour, par haine ou par vengeance, voire par pitié, l'auteur d'un homicide
volontaire est punissable de la réclusion criminelle à perpétuité (C. pén. fr., art. 221-3).
Toutefois, le mobile détermine dans quelques cas la sanction est encourue. Ainsi, l'article 224-
4 du code pénal français punit de trente (30) ans de réclusion criminelle l'enlèvement d'une
personne lorsqu'il a été accompli dans le dessein de se faire payer une rançon ou, plus
généralement, d'obtenir l'exécution d'un ordre ou d'une condition. Lorsque ce dessein manque,
la peine n'est que de vingt (20) ans (C. pén. fr., art. 224-1), ce qui montre que le mobile est ici
une circonstance aggravante. De même, dans les faits, le mobile peut avoir un effet sur la peine
prononcée. Le juge tient souvent compte des mobiles dans la détermination de la peine.
D'ailleurs, la loi lui permet de tenir compte des circonstances de l'infraction et de la personnalité
de son auteur pour fixer la peine (C. pén. fr., art. 132-24).
Parfois le législateur exige pour que l’infraction soit constituée, l’existence d’un dol spécial.
Ainsi dans l’article 55 ancien du code de procédure pénale français, il est prévu que la
destruction de trace ou indice sur les lieux d’une infraction doit être faite « en vue d’entraver le
fonctionnement de la justice ». Ce mobile particulier doit être souligné par le juge pour pouvoir
retenir le délit de l’art 55 du Code de Procédures Pénales.
Si ce dol spécial n’existe pas, l’infraction n’est alors qu’une simple contravention. En - dessous
de la faute intentionnelle vient la faute d’imprudence ou de négligence.
L’auteur des agissements a accompli consciemment l’acte mais il n’en voulait pas les
conséquences dommageables. Ce n’est pas l’acte lui-même qui est involontaire mais les
conséquences qu’il a entraînées. Le domaine des infractions par imprudence est en extension
constante. Le plus souvent, les fautes de négligence ou d’imprudence ne donnent lieu qu’à des
délits. Cependant dans certains cas, elles peuvent constituer l’élément moral d’un crime.
61
faute qu’il a commise en ne s’instruisant pas de ses devoirs peut suffire à constituer l’élément
moral de l’infraction115.
Enfin, l’élément moral peut consister en une faute présumée. Dans certains cas, le seul fait pour
l’individu de s’être comporté comme il l’a fait, autorise à présumer sa faute. Le Ministère Public
est dispensé de rapporter la preuve de celle-ci et la seule inobservation de la loi suffit à entraîner
la condamnation. En principe, il devrait pouvoir combattre cette présomption en démontrant
qu’il n’a commis aucune faute mais cette possibilité lui ait refusée. C’est pourquoi on peut dire
que le degré le plus bas de l’élément moral, le minimum liminaire est ce que les législateurs
dénomment « la capacité de comprendre et de vouloir ». Si cette capacité fait défaut en
l’espèce, il n’y a pas infraction même pour les contraventions.
Ce sont des cas dans lesquels, l’élément moral est aggravé. L’aggravation peut provenir du dol
(A), de la faute pénale (B) et de la préméditation (C).
Ici, l’aggravation peut provenir du dol éventuel, d’un dol indéterminé ou même du délit praeter
intentionnel.
Le dol simple correspond à une situation dans laquelle l'acte accompli est spontanément réalisé
par l'agent. Il entraîne l'application de sanctions ordinaires prévues par les textes.
Le dol aggravé, spécifique ou encore prémédité correspond à une action préméditée de l'agent.
L'intention est mûrie et réfléchie. L'article 470 du code pénal du Bénin définit la préméditation
comme le dessein formé avant l'action de commettre un crime ou un délit déterminé. Elle exige
donc une intention antérieure à l'action.
Le dol aggravé est donc considéré comme plus grave que le dol simple. Il fait encourir à l'agent
une peine plus forte. Ainsi, le meurtre avec préméditation constitue un assassinat, punissable
de la réclusion criminelle à perpétuité, au lieu de la réclusion criminelle de trente ans (articles
469 et 475 du CP du Bénin). Il s'agit d'une circonstance aggravante de l'homicide volontaire
qui, devant la cour d'assises, doit faire l'objet d'une question distincte 116. Bien que ce dol
62
aggravé ne puisse exister que chez l'auteur lui-même, la jurisprudence a considéré qu'elle
constituait une circonstance aggravante de l'acte qui s'appliquait au complice de l'assassin 117.
➢ Dol déterminé et dol indéterminé
Le dol est déterminé lorsque l'agent a voulu commettre de façon précise un crime ou un délit
déterminé, comme tuer ou voler. Le dol est indéterminé lorsque l'agent n'a pas voulu l'acte
délictueux d'une façon précise ni dans son résultat, ni dans sa gravité, même s'il a pu la prévoir.
C'est ainsi que celui qui donne à autrui des coups peut provoquer chez la victime de simples
ecchymoses, une incapacité de travail temporaire, une incapacité permanente, voire même la
mort. La question est alors de savoir comment doit être sanctionné l'auteur de ces coups ? Doit-
il l'être d'après la gravité du résultat produit bien qu'il ne l'ait pas voulu ?
Pour le droit pénal français, l'agent auteur d'un dol indéterminé doit être puni en fonction de la
gravité du résultat obtenu. Il y a assimilation du dol déterminé et du dol indéterminé. Cette
assimilation est expressément consacrée en matière de coups et blessures volontaires (C. pén.
fr., art. 222-7, 222-9, 222-11 et R. 625-1), dans le cas de l'incendie volontaire (C. pén. fr.,
art. 322-9 et 322-10), ainsi qu'en matière de terrorisme (C. pén. fr., art. 421-4).
➢ Dol direct et dol éventuel
Le dol éventuel s'oppose au dol direct qui recouvre la notion traditionnelle d'intention coupable.
Il recoupe la situation dans laquelle l'agent, sans vouloir le résultat dommageable qui s'est
produit, ou même aucun résultat, l'a simplement prévu comme possible. C'est le cas de
l'automobiliste imprudent qui au sommet d'une côte, sans visibilité, double d'autres véhicules
et provoquent la mort d'un automobiliste venant en sens inverse. Doit-il être poursuivi pour
homicide volontaire ? N'y a-t-il pas plutôt une faute d'imprudence ?
Le dol éventuel se situe entre l'intention et la faute d'imprudence ou de négligence, qui ne
suppose ni l'acceptation éventuelle du résultat illicite, ni la recherche d'un tel résultat. C'est la
raison pour laquelle le dol éventuel n'est considéré que comme une simple faute. Même si le
résultat était probable, le fait qu'il n'y ait pas eu prévision et acceptation éventuelle du résultat,
constitue une faute d'imprudence118.
Toutefois, il est des cas où le législateur a assimilé le dol éventuel au dol direct. C'est le cas
lorsqu'un incendie volontaire a accidentellement provoqué la mort ou les blessures d'une ou
plusieurs personnes (C. pén. fr., art. 322-10). L'auteur est punissable de la réclusion criminelle
à perpétuité comme s'il avait voulu volontairement provoquer la mort des victimes
accidentelles. De même, les auteurs de violences habituelles sur les nouveau-nés ou les enfants
117 V. Cass. crim. 27 mai 1960, Bull. crim., no 621 ; V. Circonstances aggravantes.
118 V. Cass. crim. 8 mai 1974, Bull. crim. no 165, Rev. sc. crim. 1975.121, obs. Larguier.
63
ayant entraîné la mort sont punissables de trente ans de réclusion criminelle, bien que les
blessures, les coups ou la privation d'aliments n'aient pas été accomplis dans l'intention de la
donner (articles 478 et 515 du CP du Bénin).
➢ Præterintention
Dans le délit præterintentionnel, le résultat de l'acte dépasse les prévisions de l'agent, le but qu'il
se proposait d'atteindre. Voulant frapper sa victime, l'agent la tue. La question qui se pose est
alors de savoir si l'on va punir l'agent en fonction de sa volonté ou du résultat ? Doit-on le punir
comme l'auteur d'un délit ou d'un crime ?
Les solutions légales conduisent à une répression intermédiaire entre celle rattachée à l'intention
et celle découlant du résultat. Ainsi, l'auteur de coups volontaires ayant entraîné la mort sans
intention de la donner est puni d'une peine de quinze (15) ans de réclusion (C. pén. fr., art. 222-
7) ; peine plus forte que celle applicable à l'auteur d'un coup n'ayant pas entraîné la mort (C. pén.
fr., art. 222-11), mais moins forte que celle applicable à l'auteur d'un homicide volontaire
(C. pén. fr., art. 221-1).
Dans d'autres situations, plus exceptionnelles, la solution est plus répressive : l'infraction
præterintentionnelle est assimilée à l'infraction intentionnelle. C'est le cas lorsque le
détournement d'un aéronef ou d'un navire entraîne la mort d'une ou plusieurs personnes (C. pén.
fr., art. 224-7). C'est aussi le cas lorsqu'un terroriste pollue intentionnellement un puits et
entraîne la mort d'une personne (C. pén. fr., art. 421-4).
B – La faute pénale
L'intention criminelle n'est pas toujours un élément nécessaire de l'infraction. Celle-ci peut
exister, même si l'agent n'a pas voulu le résultat mais a été indifférent aux valeurs sociales
pénalement protégées. Dans ce cas, une faute pénale existe, dont on peut distinguer deux
manifestations : la faute ordinaire qui doit être démontrée et la faute contraventionnelle qui est
présumée.
1 - Faute pénale ordinaire
➢ Modalités de la faute ordinaire
La faute ordinaire peut être définie comme la violation d'un devoir, réalisée par un acte positif
ou par une abstention et de façon plus ou moins consciente. Le code pénal retient diverses
modalités de la faute pénale : selon les dispositions de l'article 19 du code pénal du Bénin, on
peut distinguer la mise en danger délibérée de la personne d'autrui, l'imprudence ou la
négligence et le manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou
le règlement, ainsi que la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de
64
prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement et, enfin, la faute caractérisée.
➢ Mise en danger délibérée de la personne d'autrui
La mise en danger correspond au dol éventuel : sans vouloir un résultat, l'agent a consciemment
pris un risque grave en agissant de telle façon qu'il savait que le dommage pourrait se produire
mais, le sachant, il a cependant agi. C'est le cas d'un conducteur automobile qui, à la suite d'un
pari, aura circulé à contresens sur l'autoroute et aura causé la mort d'un autre automobiliste.
Même sans dommage, la mise en danger constitue un délit pénal.
Destinée à sanctionner la délinquance routière, le législateur a enserré cette incrimination dans
de strictes conditions. Il faut qu'il s'agisse de la violation d'une obligation particulière de sécurité
et non d'une simple obligation d'ordre général. Ainsi, il a été jugé que la pollution n'est pas pour
les maires une de leurs obligations particulières de sécurité ou de prudence (V. Cass. crim.
25 juin 1996, Dr. pénal 1996, comm. 265, note Maron).
De plus, il doit s'agir d'une violation manifestement délibérée. Mais le parquet pourra puiser
dans les circonstances de fait, les indices du caractère délibéré de la faute commise. Il pourra
en être ainsi en cas de violation répétée de l'obligation de prudence, comme lorsque le
propriétaire de chiens les laisse divaguer, alors qu'ils ont déjà attaqué des passants (V. CA Paris,
9 nov. 1995, Dr. pénal 1995, comm. 57, note Maron).
En outre, le délit ne sera constitué qu'à la condition que la violation expose autrui à un risque
direct et immédiat. C'est dire qu'au regard des circonstances, la violation de la règle de droit
doit, en soi, entraîner une probabilité très importante d'accident corporel. C'est ainsi que le
dépassement de la vitesse autorisée, serait-il très excessif, est insuffisant à caractériser le délit.
Lorsque la voie est rectiligne, la chaussée sèche, la visibilité parfaite, la circulation fluide et la
voiture en parfait état de marche, il a été jugé qu'en dépit d'une vitesse de 224 km/h sur
l'autoroute, le délit de mise en danger n'était pas constitué (V. CA Douai, 26 oct. 1994,
D. 1995.172, note Couvrat et Massé ; V. Cass. crim. 19 avr. 2000, no 99-87.234, Bull. crim.,
no 161, D. 2000.631, note Y. Mayaud, Dr. pénal 2000, comm. 98, note M. Véron).
En revanche, a été jugé comme constitutif du délit, le fait pour un capitaine de navire d'accepter
à son bord un nombre excessif de passagers (V. Cass. crim. 11 févr. 1998, no 96-84.929, Bull.
crim., no 57, JCP 1998. II. 10084, note Coche, Rev. sc. crim. 1998.545, note Y. Mayaud) ou le
fait pour un automobiliste de se rapprocher à vive allure d'une voiture qui le précède, de la
dépasser et de se rabattre brusquement pour obliger son conducteur à freiner pour éviter une
collision (V. Cass. crim. 11 mars 1998, no 96-80.026, Bull. crim., no 99), ou encore le fait
d'engager une course avec d'autres véhicules sur une chaussée en mauvais état, dans une cité où
jouaient de nombreux enfants, alors que la vitesse était limitée à 40 km/h (V. Cass. crim.
65
27 sept. 2000, Dr. pénal 2001, comm. 17, note M. Véron).
➢ Imprudence, négligence et manquement à une obligation textuelle de prudence ou
de sécurité
Dans l'imprudence et la négligence, l'agent n'a pas prévu la survenance du dommage. II a omis
de prendre les précautions qui s'imposaient. L'acte qui est marqué d'imprudence ou de
négligence peut résulter d'une prise consciente de risque. C'est le cas d'un médecin qui ne prend
pas avant l'opération les précautions conformes aux données acquises de la science (V. Cass.
crim. 19 févr. 1997, no 96-82.377, Bull. crim., no 67, D. 1998.236, note J.-P. Legros, JCP 1997.
II. 22889, note Chevallier).
L'imprudence et la négligence peuvent aussi provenir d'un simple oubli. Par exemple, sera fautif
un gérant d'immeubles qui, sans vérifier la tuyauterie, a loué un appartement à une personne
qui décédera des suites d'une fuite de gaz (V. Cass. crim. 1er juill. 1976, Bull. crim., n°240).
L'article 19 du code pénal du Bénin vise aussi le manquement à une obligation textuelle de
prudence ou de sécurité. L'expression recouvre en pratique les prescriptions les plus diverses
qui se retrouvent, notamment, en matière d'hygiène et de sécurité.
On a longtemps considéré que la faute d'imprudence ou de négligence devait être appréciée in
abstracto par le juge pénal. Selon cette conception, le juge devait se borner à retenir un
comportement normalement diligent, sans se soucier outre mesure des circonstances extérieures
ayant pu peser sur le comportement de l'agent : les lois françaises du 13 mai 1996 et du 10 juillet
2000 affirment, au contraire, la nécessité d'une appréciation in concreto.
En définitive, la faute s'entend toujours de l'imprudence, de la négligence ou du manquement à
une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement. Mais, au lieu
d'écarter cette faute en cas de diligence normale, la nouvelle rédaction indique que la faute
requiert que l'agent n'ait pas accompli les diligences normales, compte tenu de la nature des
missions, des fonctions, des compétences, du pouvoir ou des moyens dont il disposait. Ce
dispositif n'apparaît pas de nature à limiter la faute pénale : l'imprudence découle souvent du
défaut de diligences normales (V. STÉFANI, LEVASSEUR et BOULOC, op. cit., no 275-1,
p. 244).
La faute caractérisée apparaît plus délicate. La notion de « faute » est expressément utilisée
pour la première fois dans le code pénal. Pour autant, le législateur ne l'a pas définie. Il s'agit
plus qu'un simple manquement délibéré. Le tribunal de grande instance de La Rochelle (7 sept.
2000, D. 2000, IR 250, Rev. sc. crim. 2001.156, obs. Y. Mayaud) a eu le mérite de tenter d'en
donner une définition en jugeant que « la faute caractérisée désigne une faute dont les éléments
sont bien marqués et d'une certaine gravité, ce qui indique que l'imprudence ou la négligence
66
doit présenter une particulière évidence. Elle consiste à exposer autrui, en toute connaissance
de cause, que ce soit par un acte positif ou par une abstention grave, à un danger ». C'est donc
sur un double critère de l'évidence et du danger que se détermine la juridiction ; ce que semble
reprendre les autres juridictions approuvées par la Cour de cassation (V. CA Paris, 4 déc. 2000,
D. 2001, IR 433, Rev. sc. crim. 2001.381, obs. B. Bouloc ; Cass. crim. 5 déc. 2000, no 00-
82.108, Bull. crim., no 363, Rev. sc. crim. 2001.372, obs. B. Bouloc; 10 janv. 2001, Bull. crim.
N°2).
Reste que ces distinctions ne sont pas applicables aux personnes morales. La chambre
criminelle de la Cour de cassation l'a rappelé de manière explicite dans un arrêt du 24 octobre
2000 (no 00-80.378, Rev. sc. crim. 2001.162, obs. B. Bouloc), jugeant « qu'il résulte des
articles 121-2, 121-3 et 222-19 du code pénal, tant dans leur rédaction antérieure à la loi du
10 juillet 2000 que dans celle issue de cette loi, que les personnes morales sont responsables
pénalement de toute faute non intentionnelle de leurs organes ou représentants ayant entraîné
une atteinte à l'intégrité physique constitutive du délit de blessures involontaires, alors même
qu'en l'absence de faute délibérée ou caractérisée au sens de l'article 121-3, alinéa 4 nouveau,
la responsabilité pénale des personnes physiques ne pourrait être engagée ».
67
TITRE DEUXIEME : LA REPRESSION DE
L’INFRACTION PENALE
68
L’infraction selon Beccaria n’est qu’un dommage causé à la sécurité publique. Sa commission
constitue donc la violation d’un code de comportement social et traduit la méconnaissance des
textes de lois existants. Froissant les sentiments communs, l’infraction, action ou omission
mérite sanction.
Les sanctions du droit pénal consistent en des peines. L’attribution de peines privatives de
liberté individuelles révèle l’idée de dissuasion du législateur. Car, selon Beccaria, le but des
peines n’est ni de tourmenter ou d’affliger un être sensible, ni de faire qu’un crime commis ne
l’a pas été mais seulement d’empêcher le coupable de commettre de nouveaux dommages et de
dissuader les autres d’en commettre de semblables120.
Ainsi, pour exercer efficacement la répression des infractions à la loi pénale, il faut s’assurer
au préalable de la responsabilité du poursuivi (chapitre 1).
Mais, la défense de soi même ou d’autrui est d’abord un réflexe humain. Avec la célébration
contemporaine des droits de l’homme à travers l’existence d’un système judiciaire et
l’organisation d’un procès équitable, il est nécessaire de garantir au délinquant des mécanismes
pour faire disparaître l’élément légal de l’infraction pour laquelle il est poursuivi (chapitre 2).
120Beccaria, Traité des délits et des peines, éd. Cujas, 1966, ch. II, Origine des peines ; droit des peines, cité par
Philippe Malaurie dans l’Anthologie de la pensée juridique, 2ème édition, Cujas, paris, 1996 (page 139) ;
69
CHAPITRE 1 : LA RESPONSABILITE PENALE
Une infraction peut avoir été commise par plusieurs personnes. La participation de ces divers
agents peut se présenter de différentes manières. Il se peut tout d’abord qu’il n’y ait entre eux
aucune entente préalable. C’est le fait de leur réunion qui les a fait participer à une entente.
On est en présence de « crimes de foule » il y a en jurisprudence autant de poursuites que
d’infractions commises à la manifestation et les peines sont les mêmes que si les infractions
avaient été commises par des délinquants isolés121.
D’autres mesures sont d’ordre préventif sur les attroupements 122, la propagande anarchiste, les
rassemblements, les ports d’armes, etc.
La participation à une infraction peut aussi être le résultat d’une entente préalable. Si celle-ci
est durable, elle fait courir à la société un danger tout particulier et des textes spéciaux
permettent de la réprimer dans certains cas 123.
Si la coopération qui lie les délinquants est momentanée et ne concerne qu’une simple
infraction, on se trouve alors en face d’un cas de complicité ou de co-réalité (lorsque les agents
sont des coauteurs).
Les coauteurs étant considérés comme des auteurs principaux encourent les mêmes peines que
les auteurs.
Pour les complices, on peut hésiter entre plusieurs systèmes de répression qui sont du reste tous
appliqués selon les pays envisagés.
- Certains pensent que le fait que l’infraction soit commise par plusieurs agents est une
circonstance aggravante car la réunion criminelle augmente le danger social que coure
la société. C’est notamment la position des positivistes italiens.
121
Seuls quelques textes spéciaux frappent la rébellion collective (articles 229 à 231 du code pénal du Bénin),
l’insurrection ou le pillage en réunion ; on peut y ajouter la loi dite « anti-casseur » réprimant les violences au
cours des manifestations.
122 Articles 237 à 241 du Code pénal du Bénin
123
Articles 193 et suivants sur le complot et infractions connexes.
70
- Une deuxième se fondant au contraire sur le rôle accessoire joué par le complice, décide
que sa responsabilité est atténuée par rapport à celle de l’auteur principal ;
- Selon une troisième conception, la complicité doit être considérée comme un délit
distinct. L’acte du complice doit s’apprécier indépendamment de l’acte de l’auteur
principal.
Le Code pénal du Bénin prévoit : « Les complices d’un crime ou d’un délit sont punis de la
même peine que les auteurs mêmes de ce crime ou de ce délit, sauf si la loi en dispose
autrement » (article 23 du code pénal du Bénin).
Pour asseoir la responsabilité pénale, il faut d’abord déterminer les responsables pénaux avant
de décliner les peines qu’ils encourent.
Les responsables pénaux sont soit des auteurs (paragraphe 1) ou soit des complices de
l’opération délictuelle (paragraphe 2).
L’auteur ou le coauteur est une personne qui contribue à l’exécution matérielle d’une infraction
et/ou exécute personnellement un élément constitutif de celle-ci, notamment l’élément matériel
de l’infraction.
Bien que le complice encoure la même peine que celle motivée par l’acte principal, il est utile
de pouvoir les distinguer, notamment en matière de contravention où le complice n’est pas
punissable tandis que l’auteur principal et le coauteur le sont. Il en est de même pour
l’application de la circonstance aggravante de « réunion » qui suppose une pluralité d’auteurs
et pas seulement des complices. De même, en matière d’immunité familiale (article 628 du code
pénal béninois), il est indispensable de distinguer l’auteur du complice. Ainsi, lorsque l’individu
commet une soustraction couverte par l’immunité familiale, son complice échappe à la
répression tandis que son coauteur est punissable.
En principe, l’auteur d’une infraction est celui qui réalise en sa personne tous les éléments
constitutifs (notamment l’élément matériel et l’élément moral) de l’infraction. Ceux qui ne
réalisent pas ces éléments en leur personne mais qui ont aidé l’auteur à accomplir les actes
constitutifs de l’infraction, ne peuvent être que des complices.
71
Cependant, pour être poursuivi comme complice, il ne suffit pas d’avoir été mêlé à des projets
criminels de près ou de loin, il faut s’être compromis par des faits précis.
Le critère légal de la distinction entre auteur ou coauteur et complice est donc très simple et il
est objectif (quoique la jurisprudence ne soit pas toujours fidèle à ce critère). La jurisprudence
n’applique pas toujours strictement le critère objectif. Dans le but de réaliser une répression
plus complète, elle considère souvent comme coauteur, celui qui n’est en réalité qu’un
complice, de même, elle a posé le principe que toute aide apportée à l’auteur principal lors de
la réalisation de l’infraction l’a forcément été à titre de coauteur. C’est ainsi qu’elle considère
comme coauteur celui qui fait le guet pendant un cambriolage alors que si ce dernier a
incontestablement facilité la commission de l’infraction, son comportement ne réalise pas
l’élément matériel du vol.
Enfin, dans un but répressif, la jurisprudence considère que tout coauteur est à fortiori un
complice et lui applique les peines les plus fortes s’il y a lieu 124.
La complicité répond à des conditions et doit s’inscrire dans le cadre d’un cas prévu par la loi125.
Pour que le complice soit punissable, il faut qu’il ait participé à la commission d’un fait
principal punissable ; ensuite, une participation par l’un des modes prévus par la loi ; enfin que
cette participation soit intentionnelle.
124 Cour de cassation, chambre criminelle, 16 juin 1860, Sirey, 1861, I, P. 398.
125 Article 22 du code pénal du Bénin.
72
Au contraire, si la cause d’impunité de l’auteur principal est objective (faits justificatifs,
prescription de l’action publique, immunités de l’article 628 du code pénal béninois), le
complice ne peut être poursuivi faute d’un fait principal punissable.
Participation d’un fait par l’un des modes prévus par la loi : ce n’est pas n’importe quelle
aide apportée à l’infraction principale qui permet de poursuivre quelqu’un comme complice. Il
faut que cette aide ait revêtue l’une des formes limitativement énumérées par la loi.
Nécessité d’un acte positif : La complicité exige en principe un acte positif et ne se réalise pas
par une simple abstention ou omission. La cour de cassation l’a répété à plusieurs reprises.
Ces cas sont indiqués dans les dispositions de l’article 22 du code pénal du Bénin qui prévoit :
« Est complice d’un crime ou d’un délit, la personne qui par don, promesse, menace, ordre,
abus d’autorité ou de pouvoir aura provoqué une infraction ou donné des instructions pour la
commettre. Est également complice la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a
facilité la préparation ou la consommation ».
- La provocation qui doit être faite au moyen de « don, promesse, menace, abus
d’autorité ou de pouvoirs, machination ou artifice coupables », elle doit être plus qu’un
simple conseil ou une simple suggestion. Le juge qui condamne pour complicité par
provocation doit préciser la forme que celle-ci a prise ;
- L’aide et l’assistance dans les actes préparatoires ou de commission : peu importe qu’il
s’agisse d’actes préparatoires ou de commencement d’exécution. Dans tous les cas, il y
a complicité ou situation de coauteur selon la jurisprudence.
- Le recel de malfaiteurs doit être également être considéré comme un mode de
complicité contemporain de l’infraction. La loi exige en effet qu’il soit habitué et il est
73
incontestable que le malfaiteur sera beaucoup plus audacieux lors de la commission de
son infraction s’il sait qu’aussitôt celle-ci accomplie il trouvera un refuge sûr pour
échapper aux poursuites de la police.
Il peut arriver que le fait de complicité soit concomitant à la commission de l’infraction. Dans
ce cas, il pourra s’agir de fait d’aide et d’assistance les plus variés :
Il est nécessaire que le complice ait conscience de l’aide apportée à l’infraction principale. C’est
la participation intentionnelle. Certains faits de complicité impliquent nécessairement cette
intention :
- Provocation ;
Dans d’autres cas, l’intention devra être établie par le ministère public pour que des poursuites
soient possibles. L’élément moral dans l’incrimination du comportement du complice est
forcément une faute intentionnelle, une simple imprudence ne suffit pas.
74
SECTION 2 : LA SANCTION DES AUTEURS
La règle de l’emprunt de criminalité joue en cas de complicité. Ainsi, Pour ce qui concerne les
peines de la complicité punissable, l’article 23 du code pénal béninois dispose que : « les
complices d’un crime ou d’un délit seront punis de la même peine que les auteurs mêmes de ce
crime ou de ce délit sauf les cas où la loi en aurait disposé autrement ». C’est là l’application
du principe de la criminalité d’emprunt total qui constitue comme souligné, le système du droit
positif béninois hérité du droit français.
Il ne signifie nullement que le complice échappe à la peine qui frappe l’auteur principal mais
seulement que le complice est passible de la peine encourue en raison de l’infraction principale.
Le juge restera libre d’individualiser la peine par le jeu du minimum et du maximum et par
celui des circonstances atténuantes.
Les causes d’aggravation de la peine liées en la personne de l’auteur principal rejailliront sur le
complice dans la mesure où elles ont un caractère objectif (circonstances réelles) et modifient
la matérialité de l’infraction.
La législation française qui a inspiré celle béninoise, avait adopté ce système dit de la
« criminalité d’emprunt totale 127». Le complice en s’associant à l’acte de l’auteur principal, l’a
fait sien et en a accepté toutes les conséquences juridiques. De sorte que la criminalité de l’acte
du complice est identifiée à celle de l’acte de l’auteur principal. Son intention a rejoint celle de
l’auteur principal et il apparaît normal que la peine encourue soit la même que celle que fait
encourir l’acte de l’auteur principal. Il existe quand même, des particularités quant à
l’application de la peine lorsque l’on considère la distinction entre coauteur et complice.
75
B- LES PARTICULARITES DE L’APPLICATION DE LA PEINE AU COAUTEUR ET AU COMPLICE
Le fait que la peine légalement applicable à l’auteur principal et au complice est la même,
diminue l’intérêt de la distinction que l’on peut faire entre les complices et les coauteurs.
Cependant, en matière de contravention, le coauteur est punissable tandis que le complice ne
l’est pas. Le fils qui participe au meurtre de son père par un tiers est coauteur et il y a parricide.
Par contre s’il est simplement complice, il n’y a point parricide puisque l’infraction commise
par l’auteur principal est un meurtre et non un parricide.
De même, le domestique qui participe avec un tiers à un vol commis au domicile de son maître
sera punissable des peines du vol du domestique s’il est coauteur et des peines du vol simple
s’il est complice. On remarquera que les solutions qui précèdent peuvent avoir pour résultat de
traiter parfois plus sévèrement le complice que le coauteur soit par l’exemple du vol commis
par deux individus dont l’un est domestique du propriétaire de l’objet volé. Si l’on considère
l’autre individu comme coauteur, il ne sera passible que des peines du vol simple. Si on ne le
considère comme complice, il sera passible des peines plus graves de vol du domestique. Pour
éviter ce résultat, la jurisprudence décide que les coauteurs soient en même temps complices
les uns des autres.
Il peut arriver que la victime et l’auteur de l’infraction aient des liens de parentés ou d’alliance.
Dans ce cas, l’article 628 du code pénal béninois trouve un domaine d’application par rapport
à l’infraction de vol spécifiquement. Toutefois, cette immunité est aujourd’hui étendue aux
infractions d’escroquerie et d’abus de confiance et à presque toutes les atteintes aux biens par
la jurisprudence. Le législateur béninois ayant eu le mérite de consacrer cette extension dans le
code pénal béninois lorsqu’il prévoit : « …Cette immunité joue pour toutes les infractions
relatives aux biens notamment l’escroquerie, l’abus de confiance et l’extorsion de fonds sans
violences… ».
Aux termes de l’article 628 du code pénal, « les soustractions commises par des maris au
préjudice de leurs femmes, par des femmes au préjudice de leurs maris, par un veuf ou une
veuve quant aux choses qui avaient appartenu à l’époux décédé, par des époux ou autres
descendants au préjudice de leurs pères ou mères au préjudice de leurs enfants ou autres
descendants, ou par des alliés aux mêmes degrés, ne pourront donner lieu qu’à des réparations ».
76
Au regard de cette disposition, seules les soustractions sont admises pour permettre de
l’évoquer. Aussi, convient-il de rappeler que c’est seulement lorsque l’une des personnes visées
par l’article cité ci-dessus est auteur principal ou coauteur) ou lorsqu’il est complice d’un auteur
(principal ou coauteur) bénéficiant lui-même de cette immunité que les dispositions peuvent lui
profiter.
Il s’ensuit que la tromperie, l’usurpation de nom ou de fausse qualité etc., sont ses éléments
constitutifs. Ce faisant, l’escroquerie organisée par un groupe dans lequel se retrouvent les
descendants, et ceci au préjudice de leurs ascendants, les exonèrent des poursuites pénales.
C’est là une extension du domaine de l’article 380 du code pénal aux infractions d’escroquerie.
Extension consacrée par le législateur béninois dans le code pénal de 2018.
128 Alain BLANCHOT, Droit pénal Spécial, les cours de droit, paris, 1994, p.33 ;
77
CHAPITRE 2 : L’IRRESPONSABILITE PENALE
Il existe des situations dans lesquelles un fait normalement punit par la loi pénale doit être
considéré comme objectivement légitime parce qu’il apparaît comme l’exercice d’un droit voire
même l’accomplissement d’un devoir. L’acte qui présente toutes les caractéristiques d’une
infraction punissable n’en est pas une ou cesse d’en être une en raison des circonstances dans
lesquelles il a été commis. On appelle de telles circonstances des faits justificatifs.
Ils se distinguent des autres causes d’impunité en raison de leurs caractères objectifs qui
suppriment jusqu’au caractère délictueux de l’acte accompli.
En outre, il faut signaler que certaines circonstances objectives peuvent atténuer l’élément
injuste de l’infraction (excuse atténuante de provocation129).
La loi a prévu deux faits justificatifs : la légitime défense (article 542 du code pénal) et l’ordre
de la loi et le commandement de l’autorité légitime (article 541 du code pénal).
129 Les articles 531 et 540 du code pénal béninois prévoient une diminution de la peine si l’auteur bénéficie de
l’excuse atténuante de provocation. Ces articles disposent que le meurtre, les blessures et les coups sont excusables
s’ils ont été provoqués par des coups ou violences graves contre les personnes (il ne s’agit donc pas de simples
provocations verbales) ou s’ils ont été commis en repoussant pendant le jour, l’escalade ou l’effraction des clôtures,
murs ou entrées d’une maison ou d’un appartement habité ou de leurs dépendances. On pourrait penser que cette
modération de la peine (il s’agit ici d’une excuse atténuante et non d’une excuse absolutoire) s’explique par la
colère que la provocation a amenée chez la victime et se rattache donc à l’élément moral. Il appartient à l’intéressé
de faire la preuve que les conditions de l’excuse sont réunies et s’il en est ainsi, la peine encourue est sensiblement
diminuée en particulier, les peines criminelles sont remplacées par des peines correctionnelles.
78
PARAGRAPHE 1 : LES FAITS JUSTIFICATIFS LEGAUX
A- LA LEGITIME DEFENSE
L’article 542 du code pénal béninois dispose : « Il n’y a ni crime, ni délit lorsque l’homicide,
les coups et les blessures étaient commandés par la nécessité actuelle de la légitime défense de
soi-même ou d’autrui ». Cet article constitue une remarquable exception au principe selon
lequel : « nul n’a le droit de se faire justice ».
D’après le texte littéral de l’article 542 du code pénal, la légitime défense ne justifierait que
l’homicide, les blessures et les coups mais tout le monde est d’accord pour étendre ce fait
justificatif à toutes les autres atteintes. On ne pourrait poursuivre pour vol par exemple celui
qui s’emparerait du révolver de son adversaire et le détruirait.
Seules les infractions involontaires ne peuvent bénéficier de la légitime défense car, par
définition, l’acte de défense qui est légitime doit être un acte volontaire et conscient 130. On
discute beaucoup le point de savoir si la légitime défense ne concerne que la défense de
l’intégrité corporelle. Il semble que non. Et que la défense de l’honneur d’une personne ou de
ses biens puissent donner lieu à des cas de légitime défense à condition que celle-ci demeure
mesurée.
Notons que la licéité des pièges à personnes n’est pas admise par la jurisprudence.
Lorsqu’un voleur est surpris par quelqu’un, alors qu’il est en train de fracturer son armoire, la
victime en l’absence de la police, a les pouvoirs qu’aurait un policier et peut procéder elle-
130 Cour de cassation, chambre criminelle du 16 février 1967, JCP 1967, 2ème partie, note Combaldieu.
79
même à l’arrestation du voleur au besoin par la force tout comme le policier l’aurait fait mais il
n’a pas le droit de l’abattre sur place.
1 – L’attaque qui a provoqué la riposte doit être actuelle ou imminente. Si on est en présence
d’une simple menace, il est possible de prévenir la police et on n’a pas à se faire justice soi-
même.
L’attaque peut d’ailleurs n’être que putative c’est-à-dire être vraisemblable dans l’esprit du
prévenu compte tenu de ce que la situation lui permet d’imaginer normalement.
Le tribunal doit tenir compte du fait que le prévenu se trouve sous le coup de l’émotion causée
par l’agression dont il est victime et de l’interprétation naturelle qu’il peut en faire131.
2 – L’attaque doit être injuste. Il n’y a pas de légitime contre quelqu’un qui ne fait qu’exercer
un droit. La résistance à un agent qui procède à une arrestation, à la dispersion d’une
manifestation par exemple n’est pas de la légitime défense132. Elle constitue même le délit de
rébellion prévu et puni par la loi.
Il faut admettre que l’agression reste injuste même si elle émane d’une personne pénalement
irresponsable (fou, enfant)133.
4 – La riposte doit être concomitante à l’attaque. Si le mal a été déjà accompli et que le danger
a cessé, la violence privée est condamnable : la défense est légitime mais la vengeance ne l’est
pas.
131 Cour de cassation, chambre criminelle du 14 février 1957, B.C., n°154 justifiant le père qui tire un coup de feu
en direction d’un tiers qu’il prenait pour un malfaiteur, mais qui en réalité agissait par jeu en brandissant un
pistolet en direction de son fils.
132 Cour de cassation, chambre criminelle du 1er octobre 1979, Dalloz 1980, I.R. 334, observation Puesch.
133 Cour de cassation, chambre criminelle du 11 janvier 1896, Dalloz 1896, I, 368 ;
134 Cour de cassation, chambre criminelle du 8 mai 1974, B.C., n°168.
80
Les poursuites contre celui qui se défendait ne pourront pas aboutir 135. Ces poursuites se
terminent par un non lieu, une relaxe ou un acquittement total sans aucune participation aux
frais.
L’acte accompli était en effet un acte licite. Aucune mesure de sûreté ne peut alors intervenir
contrairement à ce qui se passe en cas de cause de non imputabilité ou d’excuse. L’auteur n’est
pas dangereux et il a, au contraire, rendu service à la société.
Sur le plan civil, aucune indemnité ne pourra être accordée à l’agresseur qui aurait pu subir un
préjudice du fait de la légitime défense.
Le dommage qu’il a subi est dû exclusivement en effet à l’agression dont il avait pris l’initiative.
Il y a faute de la victime et les règles de la responsabilité civile suppriment alors toute possibilité
de dommages intérêts.
On admet généralement que la preuve des faits justificatifs incombe à celui qui se prévaut de
ces faits justificatifs136, c’est donc à celui qui invoque la légitime défense qu’il appartient de
prouver que les conditions de celle-ci s’appliquent à l’acte qu’on lui reproche.
Les articles 29 et 543 du code pénal béninois ont prévu deux cas dans lesquels la légitime
défense est présumée :
- Celui de l’attaque de nuit avec l’escalade ou l’effraction de clôture, mur, entrée d’une
maison ou d’un appartement habité ou de leurs dépendances ;
- Celui d’une attaque faite avec violence ou de pillage exécuté avec violence.
Cette présomption est une présomption simple et non irréfragable et si la preuve est faite que
celui qui se défendait savait qu’il ne s’agissait pas d’une attaque et qu’il ne courrait aucun
danger mais a pourtant volontairement réagi d’une manière disproportionnée ; il n’y aura pas
légitime défense (exemple du célèbre arrêt de la Comtesse de Jeufosse137). La cour de cassation
a récemment confirmé cette opinion 138.
81
B- L’ORDRE DE LA LOI ET LE COMMANDEMENT DE L’AUTORITE LEGITIME
L’article 541 du code pénal dispose : « il n’y a ni crime, ni délit lorsque l’homicide, les
blessures et les coups étaient ordonnés par la loi et commandés par l’autorité légitime ».
Celui qui obéit à la loi et à l’autorité légitime n’a en effet accompli que son devoir et il serait
d’une criante injustice de le poursuivre pour cela.
Il ressort de l’article 541 du code pénal « qu’il n’y a ni crime, ni délit lorsque l’homicide, les
blessures et les coups étaient ordonnées par la loi ».
La permission de la loi ou du règlement est soit une permission de la loi pénale (ex : livraison
de stupéfiants par la police ou les discriminations justifiées), soit par une loi civile qui est exclue
si elle contrevient au principe que nul ne peut se faire justice à soi-même.
Elle soulève aussi la question des immunités (familiale, judiciaire, politique ou diplomatique).
Parce qu’elles portent atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la loi, et notamment la
loi pénale, les immunités, du moins celles qui découlent de la qualité de l’auteur des faits,
présentent un caractère exceptionnel. Elles doivent donc être interprétées strictement par les
tribunaux139 et elles ne peuvent être instituées librement par le législateur.
Leurs effets sont très variables selon l’immunité considérée. Si certaines laissent subsister le
caractère délictueux des faits commis, permettant ainsi la répression des complices, il arrive
qu’elles suppriment toute l’infraction pénale. Elles peuvent faire disparaître la responsabilité
civile ou la laisser subsister.
En réalité, il peut s’agir de l’ordre de la loi ou du règlement ou même de l’autorisation de la loi
sans exiger un commandement en outre de quelque autorité que ce soit.
2- Conditions de mise en œuvre
Les conditions sont diverses, variées et alternatives.
82
- Il suffit de justifier d’un simple ordre de la loi ou de rapporter la preuve d’un
ordre donné par la loi préalablement à la commission d’une infraction pour faire
disparaître l’élément légal de l’infraction. Il s’agit par exemple de l’obligation de
porter secours qui justifie la violation de domicile, l’obligation pour le médecin de
révéler certaines maladies contagieuses, la violation du secret professionnel et
l’obligation pour un commissaire aux comptes de révéler certaines infractions dans
les sociétés.
- La simple autorisation de la loi suffit pour constituer un fait justificatif. Par
exemple dans les professions médicales et chirurgicales, la loi justifie les délits de
blessures commis par les chirurgiens lors des opérations.
- Il faut que la loi ordonne directement ou donne des ordres ou une permission qui
y est assimilée sans passer par l’intermédiaire d’une autre. Par exemple, l’article
62 du code de procédure pénale béninois autorise, face au cas d’infraction flagrante,
toute personne à appréhender l’auteur. Ce faisant, celui qui procède à une arrestation
ne peut avoir commis l’infraction d’arrestation illégale car, il pourra invoquer l’ordre
de la loi
La légitime défense est également un cas de justification par autorisation de la loi. Car,
l’article 542 du code pénal dispose qu’« il n’y a ni crime ni délit lorsque l’homicide, les
blessures et les coups étaient commandés par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi
même ou d’autrui ».
Quid du commandement de l’autorité légitime ?
3- Domaine
Le domaine du commandement de l’autorité légitime se rapporte à la clarification sur la notion
d’autorité légitime. Cette autorité doit être une autorité administrative.
L’effet justificatif du commandement de l’autorité légitime a un double fondement. D’une part,
la prise en compte du devoir d’obéissance que doit respecter un subordonné vis-à-vis de son
supérieur et qui est nécessaire au bon fonctionnement de toute société organisée, et d’autre part,
la notion de libre arbitre de l’auteur de l’acte qui est nécessairement diminué si celui-ci agit en
application de l’ordre d’une autorité supérieure.
L’autorité doit être légitime, ce doit donc être une autorité publique.
4- Conditions
Contrairement à l’ordre de la loi qui n’exige pas en outre du commandement de l’autorité
légitime, le commandement à lui seul, ne vaut pas fait justificatif s’il n’est pas accompagné de
83
l’ordre de la loi. L’hypothèse classique concerne la situation des subalternes qui en recevant un
ordre doivent en vérifier la légalité (exemple de l’armée).
Il s’agit en réalité de savoir si un subalterne peut opposer un refus face à un ordre illégal
émanant de son supérieur. Trois théories s’affrontent en la matière :
- celle de l’obéissance passive;
- celle dite des baïonnettes intelligentes;
- celle de la distinction selon le caractère manifestement illégal ou non de l’acte.
Pour l’obéissance passive qui décide que le fait justificatif doit jouer car l’agent doit obéir sous
peine de compromettre l’autorité de son chef.
Il s’ensuit que si l’ordre n’est pas exécuté, il y a peine de refus d’obéir à autorité supérieure
d’une part, et si l’ordre est exécuté, il constitue la justification de l’acte et non de l’infraction
mais cette théorie peut conduire à des coups de force.
La deuxième théorie encore appelée la théorie des « baïonnettes intelligentes » prône
l’obéissance raisonnée. En vertu de cette théorie, le subordonné doit apprécier le caractère
illégal de l’ordre à lui donné. En conséquence, si l’ordre n’est pas exécuté, il n’y a pas de peine
pour refus d’obéissance, et par contre, si l’ordre est exécuté, il n’y aura pas de fait justificatif,
mais infraction punissable.
La dernière théorie qui est aujourd’hui la plus dominante est celle de la distinction du caractère
manifestement illégal de l’ordre donné par l’autorité légitime. L’agent doit pouvoir apprécier
ce caractère manifestement illégal de l’ordre afin de s’y opposer ou refuser de l’exécuter. Il
n’encourt dès lors aucune sanction mais s’il exécute cet ordre manifestement illégal, il s’expose
aux sanctions car l’infraction ne sera pas justifiée.
C – L’ETAT DE NECESSITE
L’état de nécessité est la situation dans laquelle une personne commet volontairement une
infraction afin d’éviter pour elle-même ou pour autrui, un mal plus grave. Cette situation se
différencie de la légitime défense en ce que le mal dont on est menacé l’agent ne résulte pas de
l’agression d’un tiers mais d’un concours de circonstances.
La jurisprudence a été longtemps embarrassée pour reconnaître ce fait justificatif. Les actes
concernés paraissant être de droits étroits. Elle arrivait tout de même à donner une situation
humaine à certains cas qui lui étaient soumis soit en raison du défaut de l’intention de la part
du délinquant, soit en raison d’une contrainte. Mais, pour obtenir un tel résultat, il lui fallait
donner de l’intention ou de la contrainte, une définition qui n’était pas celle qui était
84
classiquement admise. Il y a en effet dans les infractions commises en état de nécessité, une
intention au sens classique du terme puisque l’agent a agi volontairement et consciemment. Il
n’y a pas davantage contrainte puisque l’agent a choisi librement l’infraction plutôt que le mal
qui le menaçait et n’a pas cédé pour autant à une force irrésistible.
Il est préférable de voir dans l’état de nécessité, un fait justificatif 140 et la Cour de cassation
n’hésite plus aujourd’hui à le mentionner 141. Elle trouve son fondement dans une vieille
tradition qui remonte à l’ancien droit français : « nécessité fait loi ».
Le législateur béninois a consacré ce fait justificatif dans le code pénal béninois en son article
30 qui prévoit : « N’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel
ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la
sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et
la gravité de la menace ».
Mais on se trouve devant un fait justificatif original. L’acte qui se trouve justifié a causé un
préjudice à un innocent et la principale conséquence est que son auteur tout en bénéficiant d’une
impunité, reste tenu sur le plan civil et doit réparer le préjudice que son acte aura causé à des
tiers.
Entre le sacrifice de deux valeurs, il a choisi légitimement de sacrifier la moindre mais si c’est
dans son propre intérêt qu’il a fait ce choix, il est normal que ce soit lui qui en supporte les
conséquences civiles. Ce choix étant économiquement en quelque sorte conforme à l’intérêt
général ; la société pourra à titre exceptionnel, ne pas prononcer des sanctions répressives bien
qu’une loi pénale ait été violée.
Pour que l’état de nécessité puisse être invoqué, il faut la réunion de plusieurs conditions :
140 - Tribunal correctionnel, Colmar, du 27 avril 1956, Dalloz 1956, 500. Dans cette affaire le prévenu était
poursuivi pour construction sans permis de construire alors qu’il entendait offrir à sa famille des conditions
décentes de vie.
- voir notamment Colmar, 6 décembre 1957, Dalloz 1958, 357, note Bouzat, arrêt reprenant la définition de
l’état de nécessité.
141 - Cour de cassation, chambre criminelle du 25 juin 1958, J.C.P., 1959, II, 10941, note J. Larguier.
- Cour de cassation, chambre criminelle du 27 décembre 1961, J.C.P., 1962, II, 12652.
85
3- Il faut que le mal écarté ou évité soit grave ou plus grave que celui qui résulte de l’infraction.
Mais, ce mal grave peut être d’ordre moral et pas seulement matériel. L’évaluation de la gravité
du mal est parfois très délicate à faire lorsqu’on doit mettre en balance l’intérêt général et
l’intérêt particulier.
4 – Il faut que le mal écarté soit injuste : le soldat qui fuit le combat ne pourrait invoquer l’état
de nécessité.
Le consentement de la victime n’est pas en principe un fait justificatif. L’infraction est réprimée
par la société parce qu’elle cause un trouble social et l’appréciation de ce trouble appartient aux
pouvoirs publics et non aux particuliers.
Le meurtre d’un malade incurable qui supplie qu’on mette fin à sa souffrance, est un homicide
malgré le mobile qui peut l’inspirer. De même, les blessures occasionnées dans un duel sont
des coups et blessures volontaires malgré le consentement de l’adversaire.
L’élément injuste de l’infraction demeure. Il n’en irait autrement que s’il s’agissait d’une
infraction exigent chez un auteur une violence ou une fraude que le consentement de la victime
supprimerait. Il manquerait alors un élément de l’infraction et une poursuite serait impossible.
L’élément moral exige la capacité de comprendre et de vouloir. Il n’existe plus cette capacité
lorsque l’acte a été accompli par un très jeune enfant. Elle n’existe pas non plus lorsque la
présence d’une cause de non imputabilité est constatée.
PARAGRAPHE 1 : L’IMPUTABILITE
86
A- DIVERSITE DES CAUSES DE NON IMPUTABILITE
1- La démence.
Aux termes de l’article 24 du code pénal : « Il n’y a ni crime, ni délit lorsque le prévenu
était en état de démence au temps de l’action… ».
La démence est toute forme d’aliénation mentale qui ne laisse pas à l’individu un contrôle
suffisant de ses actes. Son existence sera établie par une expertise médicale (qui précisera en
même temps si le dément est dangereux pour la sécurité publique).
L’élément moral peut être altéré sans cependant disparaître. Certains faits ou certains états
peuvent en effet altérer la conséquence que l’individu a pu avoir de ses actes. Leurs influences
sur la répression sont variables.
3- La minorité
Le fait d’être âgé de moins de 13 ans au moment de l’infraction. Les enfants âgés de moins de
13 ans bénéficient d’une irresponsabilité pénale totale. Cependant si l’on ne peut leur appliquer
une peine, il est possible de les soumettre à des mesures de rééducation qui sont des mesures de
sûreté.
Les mineurs plus âgés peuvent au contraire être condamnés à des peines. Cependant, s’ils sont
âgés de moins de 18 ans, ils ne peuvent pas être condamnés à la peine normale. Celle-ci se
trouve réduite à leur profit par l’excuse atténuante de minorité (les peines perpétuelles sont
remplacées par un emprisonnement de 20 ans, les peines temporaires sont réduites de la moitié).
Si le mineur avait entre 13 et 18 ans, il bénéficie aussi de l’excuse de minorité à moins que le
juge ne l’ait expressément écarté142.
87
4- L’erreur
L’erreur commise par l’auteur altère évidemment la connaissance qu’il a eu du caractère
délictueux de son acte et paraît de toucher de très prêt à l’élément moral de l’infraction.
Toutefois, il faut distinguer selon qu’il s’agit d’une erreur de droit ou d’une erreur de fait.
L’erreur de droit est assez fréquente mais le droit pénal refuse d’en tenir compte 143.
L’erreur de fait peut avoir une influence si l’infraction a pour élément moral une faute
intentionnelle car l’erreur commise peut faire disparaître l’infraction.
5- L’ivresse
L’individu en état d’ivresse ne se rend qu’imparfaitement compte de ses actes. Or, cet état est
souvent cause d’infractions graves. La jurisprudence se montre sévère en pareils cas et estime
que l’élément moral n’en est pas moins réalisé.
Elle applique la notion de dol éventuel : celui qui s’est enivré a commis par là une faute,
conséquence qui suffit à le rendre responsable des agissements qu’elle commettra sous
l’influence de l’alcool ou de l’ivresse.
Certains individus qui ne sont pas en état de démence complète souffrent cependant de troubles
mentaux qui altèrent de façon sensible leur faculté de comprendre ou de vouloir. C’est le cas
également des débiles mentaux. L’expert commis dira souvent que leur responsabilité se trouve
atténuer.
En l’état actuel du droit positif, cet état mental déficient ne fait pas disparaître l’élément moral
de l’infraction. Celui-ci est donc constitué et l’infraction existe dès lors. Cependant, le juge
accordera au prévenu le bénéfice de circonstances atténuantes et prononcera une peine
inférieure à celle qu’il aurait appliquée à un individu normal.
La cause de non imputabilité fait disparaître la culpabilité. L’acte n’est pas fautif pour des
raisons personnelles et subjectives. Cependant, cet acte conserve sa criminalité et les autres
personnes qui ont participé, si elles ne sont pas elles-mêmes démentes ou contraintes seront
poursuivies.
88
Les causes de non imputabilité s’appliquent à toutes les infractions quelle que soit leur gravité
ou leur nature. Elles entraînent l’extinction de l’action publique et la cessation des poursuites
dès qu’elles sont constatées. L’absence de fautes n’empêche pas que l’auteur peut présenter un
état dangereux pour la société. Aussi l’impunité pénale peut-elle laisser place à des mesures de
sûreté ? C’est ainsi que le dément peut faire l’objet d’un internement décidé par le Préfet.
Paragraphe 2 : LA CULPABILITE
La culpabilité suppose la commission d’une faute soit intentionnellement soit par imprudence.
L’individu auquel l’acte est matériellement imputable peut ne pas être coupable. Il ne le sera
que lorsqu’il a commis une faute.
Le Mobile : Le mobile est le sentiment qui détermine l’action. Exemple : meurtre par haine,
jalousie, cupidité. Il est variable d’un cas à un autre, même pour une infraction semblable.
Intention : elle demeure toujours semblable pour une infraction. Intérêt de la distinction.
Lorsque l’infraction constitue un élément de l’infraction intentionnelle, le mobile n’est pas en
principe pris en considération par le droit pénal (c’est le problème de l’euthanasie, le vol
généreux, excision pour se conformer à une coutume ancestrale).
En fait :
*Prise en considération du mobile par les juges et surtout par les jurés (pouvant aller jusqu’à
l’acquittement si le mobile est noble). Exemple : mobile passionnel.
89
*Confusion faite par certains tribunaux entre l’intention et le mobile pour écarter les solutions
trop sévères. On dirait par exemple que le prévenu n’avait pas l’intention de nuire (mobile en
principe et non intentionnel), confession : causes et motifs en droit civil.
En droit :
Certaines dispositions légales font intervenir le mobile comme situation aggravante. Exemple :
enlèvement de mineur de moins de 15 ans pour obtenir des rançons, modification de l’état des
lieux d’un crime.
Certaines lois de plus en plus nombreuses font du mobile un élément de l’infraction. La simple
intention ou dol général ne suffit plus. Alors, il faut un dol spécial. Exemple : intention de nuire,
problème de vol de véhicule pour un usage momentané : vol punissable.
A l’analyse, l’intention suppose que l’agent ait pu prévoir le résultat ou qu’il l’ait désiré ou
encore qu’il ait eu connaissance du caractère illégal de ses actes. En conséquence, il ne saurait
y avoir de faute intentionnelle si le résultat était prévu comme possible sans avoir été désiré. Le
dol éventuel n’équivaut pas au dol général si le résultat a dû nécessairement suivre l’action.
Cependant, il y a des exceptions. C’est l’exemple de l’incendie volontaire ayant fait des
victimes ; mauvais traitement à l’enfant ayant entraîné sa mort.
Le délit praeterintentionnel est un délit dans lequel une partie du résultat a été désirée et
n’équivaut pas au délit intentionnel144. Mais parfois le dol indéterminé est puni comme le dol
déterminé145.
Les fautes d’imprudence ou de négligence sont traitées moins sévèrement que les fautes
intentionnelles à résultat égal, peine plus forte pour la faute intentionnelle (pour le meurtre,
144 Exemple : coup et blessures ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner, l’intention différente du
meurtre sauf texte ou solution contraire.
145 Exemple : blessures ayant entériné une infirmité permanente, prime même si l’on n’a pas voulu exactement
cette infirmité
90
c’est la réclusion criminelle à perpétuité ; pour l’homicide par imprudence, le maximum de
peine est de 2 ans ou 4 ans si cet homicide est commis par un conducteur en état alcoolique).
En l’absence de faute, il n’y pas de culpabilité, ni élément moral, ni infraction non plus.
L’absence de faute intentionnelle touche au fond de l’élément moral, devant exister pour la
constitution de l’infraction. L’effet est donc la relaxe pour défaut d’élément constitutif de
l’infraction.
91
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