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DEPARTEMENT DE PHILOSOPHIE
Grade : Master recherche
EXPOSE
Œuvre : Du mode d’existence des objets techniques
Partie III : Essence de la technicité
Chapitre I : Genèse de la technicité
I.I : « La notion de phase appliquée au devenir : la technicité comme
phase », pp. 159 – 162.
Auteur : Gilbert Simondon
Edition : Aubier
Ville : Paris
Année : février 1989
Nombre de pages : 337
ISBN : 2-7007-1851-8
CONCLUSION ----------------------------------------------------------------------------------------------------------5
INTRODUCTION
Un objet technique est un instrument qui évolue, qui figure donc dans une lignée technique. G.
Simondon définit l’objet technique par un processus de concrétisation qui donne sens à la
formule selon laquelle l’objet technique est ce dont il y a genèse. Du mode d’existence des
objets techniques est un livre dans lequel l’auteur développe trois parties. La première partie «
genèse et évolution des objets techniques », traite de la question de la nature même de l’objet
technique et du type d’individualité et d’individuation qui le caractérise. La seconde s’intitule
: « l’homme et l’objet technique », et interroge à la fois sur la construction psychologique des
relations techniques entre l’homme et le monde, et l’idée même de progrès, au travers des
différents âges de la technique. Ainsi Simondon s’arrête sur les modes d’acquisition de la
technique en fonction des âges de la vie, et sur la construction de l’universalis me
encyclopédique, de la Renaissance à l’industrialisation de la technique, en passant par le siècle
des Lumières. Enfin la troisième partie : « essence de la technicité » est une réflexion très
étonnante sur la culture en général, sur la place que tient la technique dans l’idée même de
culture, sur les raisons qui expliquent la situation contemporaine d’éviction dans laquelle la
technique est tenue, et sur les conditions de possibilité d’une réintégration de la technique au
sein de la culture. Et le chapitre premier « genèse de la technicité », surtout en son 1er point « La
notion de phase appliquée au devenir : la technicité comme phase » qui nous intéressera
particulièrement dans cet exposé. Qu’est-ce qu’une phase ? En quoi la technicité est-elle une
phase ?
1. La notion de phase et de déphasage :
La « phase » est selon G. Simondon (1989) comme un processus ordonné par séquence. La
notion de « phases » est, d’une part toujours au pluriel, puisque les phases n’existent que les
unes par rapport aux autres et sont ainsi marquées par leur relativité, et, d’autre part, elle désigne
« autre chose qu’un moment » au sein d’une succession temporelle. En revanche,
l’interprétation de la phase comme étape, moment historique, permet de penser à une réalité, un
être-devenir qui s’accomplirait finalement dans quelque phase finale. La technique n’est pas le
seul mode de relation que l’homme entretient avec le monde. Il écrit :
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Par phase, nous entendons non pas moment temporel remplacé par un autre, mais
aspect résultant d’un dédoublement d’être et s’opposant à un autre aspect ; ce sens
du mot phase s’inspire de celui que prend en physique la notion de rapport de
phase ; on ne conçoit une phase que par rapport à une autre ou à plusieurs autres
phases. (G. Simondon, 1989, p. 159)
La notion de déphasage, qui désigne en thermodynamique le changement d’état d’un système,
devient dans la philosophie de Simondon le nom du devenir. L’être est devenir, et il le devient
selon des phases. Pour Simondon, le devenir comportant des phases en vient à être compris
comme un devenir finalisé et reparti en moments. C’est ainsi que l’on peut lire que
l’ « inhérence de la technicité aux objets techniques est provisoire ; elle ne constitue qu’un
moment du devenir génétique » (G. Simondon, 1989, p. 157). C’est pour réparer cet écart trop
évident par rapport à une pensée intrinsèque du devenir que la notion de phase se trouve définie
presque immédiatement comme « aspect résultant d’un dédoublement d’être », après avoir
précisé qu’il ne faut pas l’entendre au sens d’un « moment temporel remplacé par un autre »
(G. Simondon, 1989, p. 159). Mais le déphasage est premier par rapport aux phases, qui
résultent de lui. Or, une phase n’est ni un simple aspect relative à un observateur (comme
lorsqu’on parle des phases de la Lune), ni un moment temporel destiné à être remplacé par un
autre, mais un « aspect résultant d’un dédoublement d’être » (G. Simondon, 1989, p.159) et
relatif à d’autres aspects résultant d’autres individuations. La thermodynamique nous apprend
qu’un système qui change d’état (comme de l’eau qui s’évapore ou se prend en glace) contient
deux sous-systèmes, deux phases (liquide et gazeuse ou liquide et solide) qu’il réunit. Si l’on
décrit l’être comme un système en devenir, on dira donc qu’il est nécessairement polyphasé.
Simondon indique l’origine physique de cette notion de phase, qui vient compléter celles de
relation et d’ordres de grandeur, pour asseoir une logique nouvelle et difficile qu’il faut avoir
toujours à l’esprit lorsque se construit l’ontologie des « régimes d’individuation » physique,
vital et psycho-social, si l’on ne veut pas mésinterpréter le discours de Simondon sur tel ou tel
de ces régimes. La théorie des « phases de la culture » fait dériver la religion et la technique
d’une « unité magique primitive » qui, en tant que première, n’est pas encore réellement une
phase, si toute phase n’existe que relativement à d’autres. L’auteur parle très souvent de la
genèse des phases de la culture comme il parlerait d’une histoire dans laquelle l’« unité magique
primitive » donnerait lieu par « déphasage » à la bipolarité technique ou religieuse.
2. Le mode d’être religieux comme phase équilibrant la technicité :
La religion est, avec la technique, le résultat d’un « déphasage » de l’« unité magique primitive ».
Nous avons donc par dédoublement, la phase religieuse et celle technique. Chaque phase suit
un mode d’évolution indépendante mais complémentaire à l’autre. La phase religieuse est donc
une phase de la culture, et sa particularité est de développer les « qualités de fond» qui étaient
encore confondues avec les « figures » dans l’« unité magique primitive ». Cela signifie que la
religion, par sa fonction de totalité unifiante, est à la fois simultanée, complémentaire et
symétrique par rapport à la technique, qui développe pour sa part les « figures » sous la forme
d’éléments détachables du fond et amovibles. Par là même la religion et la technique engendrent
dans le monde, les premiers Sujets — le divin, le prêtre — et les premiers Objets — les artefacts.
La sursaturation du système, riche en potentiels, entraîne le dédoublement de la phase magique.
La technicité épuise les fonctions de formes, et la religion, les fonctions de fonds. L'univers
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technique et religieux constitue des états métastables. Ils ne sont qu'un moment dans la genèse
des rapports de l'homme au monde. Aucun de ces moments, nommés phases, n’est équilibré par
rapport à eux-mêmes et détient la vérité et réalité complète.
Toute phase est abstraite et partielle, en porte-à-faux; seul le système des phases est
en équilibre en son point neutre; sa vérité et sa réalité sont ce point neutre, la
procession et la conversion par rapport à ce point neutre. (Simondon, 1989, p. 160).
Le concept de phase est pris dans un sens relationnel car chacune se définit par son rapport aux
autres. Chaque phase est un constituant de plusieurs autres. Partant de l'hypothèse du caractère
systémique des modes de pensée et d'être-au-monde, la technicité, en tant que telle, n'est qu'une
partie abstraite et partielle du système, et l'une des deux phases fondamentales des modes d'être-
au-monde. Elle doit être complétée par la religion qui est l'autre phase. Une force de
convergence compense la force de divergence issue du dédoublement de l'unité magique dans
l'univers technique et religieux.
La pensée réflexive a pour but de parfaire et de redresser les phases successives de la genèse.
La technicité et la religion se sursaturent et se dédoublent. Le savoir théorique (théorie
inductive) et la pratique (pratique conditionnelle) constituent la réalité de fond et de forme de
la technicité; tout comme l'éthique (normes inconditionnelles) et le dogme (théorie dogmatiq ue)
pour l'univers religieux. Entre ces réalités existeraient à la fois une force de convergence et de
divergence. C'est au sein de la force de convergence que la pensée philosophique doit jouer son
rôle. Elle institue par exemple, entre le savoir théorique de la technique et le dogme religie ux,
une médiation qui s'avère possible que par la connaissance de ces formes de pensée.
3. La technicité comme phase:
À partir du dédoublement du mode magique, la technicité et la religion ont entre eux un point
neutre, la pensée esthétique, qui constitue le premier analogue de la pensée magique. L’auteur
écrit que :
La pensée esthétique est bien réellement située au point neutre, prolongeant
l'existence de la magie, alors que la science d'une part et l'éthique d'autre part
s'opposent par rapport au point neutre puisqu'il y a entre elles, la même distance
qu'entre le mode théorique et le mode pratique dans les techniques et dans la
religion. (Simondon, 1989, p. 160).
La technicité peut être vue comme un simple moment dans la genèse des rapports de l'homme
au monde. Dans la technicité, il y a quelque chose à la fois de transitoire par sa participation à
la genèse ultérieure; et quelque chose de défini par sa relation avec la religion.
Or, si l'on adopte le postulat de la pensée génétique, on s'aperçoit que jamais une
science ou une éthique ne peut rencontrer une religion ou une technique sur un
terrain véritablement commun, puisque les modes de pensée qui sont de degré
différent (par exemple une science et une technique), et qui existent en même temps,
ne constituent pas une lignée génétique unique, ne sortent pas de la même poussée
de l'univers magique primitif. Les rapports équilibrés et vrais n'existent qu'entre
phases de même niveau (par exemple, un ensemble technique et une religion) ou
entre des degrés successifs de genèse faisant partie de la même lignée (par exemple ,
entre l'étape des techniques et des religions du XVII siècle et l'étape des sciences et
de l'éthique contemporaines). (Simondon, 1989, p. 161).
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Ainsi pour que la convergence entre l'éthique et la science soit possible, il faut que les deux
soient rendues au même niveau. Par la suite, la technicité et la religion se dédoublent à leur tour
en mode théorique et pratique. Entre les modes d'être pratique naît la pensée éthique, et entre
les modes d'être théorique, le savoir scientifique. La pensée philosophique s'insérerait entre la
science et l'éthique se trouvant ainsi à l'opposé du point neutre de la pensée esthétique. Mais
pour que cette insertion soit possible, certaines conditions doivent être remplies.
La philosophie a en elle-même sa propre condition, car dès que la pensée réflexive
est amorcée, elle a le pouvoir de parfaire celle des genèses qui ne s'est pas
entièrement accomplie, en prenant conscience du sens du processus génétique lui-
même. Ainsi, pour pouvoir poser de manière profonde le problème philosophiq ue
des rapports du savoir et de l'éthique, il faudrait d'abord achever la genèse des
techniques et la genèse de la pensée religieuse, ou tout au moins (car cette tâche
serait infinie) connaître le sens réel de ces deux genèses (Simondon, 1989, p. 162).
La philosophie simondonienne des phases, selon Gilbert Hottois (1993, p. 113), ne témoigne
pas d’un usage confus, mais bien d’une oscillation irréductible, parce que, ce qu’il cherche à
exprimer est à la fois diachronique et synchrone. N’oublions pas que c’est en explorant, en
pensant la genèse des phases selon leur différenciation que la philosophie effectuera la
réunification, le retour à une unité non plus magique, mais analogique de celle-ci.
CONCLUSION
En somme, dans la première partie du chapitre1 de la troisième partie de l’œuvre Du mode
d’existence des objets techniques, qui fait objet de notre travail, il est question pour Simondon
de la genèse de l’objet technique. La genèse de la technicité se révèle en ce sens que la magie
se déphase en « religion » et « technique » ; la technique se déphase en « action » et en «morale».
La technicité résulte donc d’un déphasage du mode magique et de la pensée esthétique, qui
constitue la phase neutre du dédoublement de l’unité magique primitive qu’est la phase
religieuse et celle technique. Le devenir selon Simondon est issu d’un processus polyphasé et
réparti sur des moments irréductible en un temps mais en va-et-vient entre phases du système.
Références bibliographiques :
- COMBES Muriel, 2009, Simondon, individu et collectivité, pour une philosophie du
transindividuel.
- HOTTOIS Gilbert, 1993, Simondon et la philosophie de la « culture technique », De
Boeck, Bruxelles.
- MAILLOCHON Hervé, 2011, « L’essence de la machine, de Simondon à Deleuze »,
https://www.google.tg/url?sa=t&source=web&rct=j&url=https://pedagogie.ac-
reunion.fr/fileadmin/ANNEXES-ACADEMIQUES/03-PEDAGOGIE/02-
COLLEGE/philosophie/Textes_des_collegues_sur_auteurs
- SIMONDON Gilbert, 1989, Du mode d’existence des objets techniques, Aubier, Paris,
pp. 159-162.
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