Vous êtes sur la page 1sur 13

2.1.

Classer le monde vivant, une nécessité


pour le naturaliste
Objectif :

- Comprendre le système de classification du monde vivant et son implication


dans le travail de l'expert naturaliste
- Comprendre la différence entre la classification du vivant et une clé de
détermination

1. Introduction
Afin de réaliser son expertise, le naturaliste qui réalise des inventaires a besoin
de nommer et classer le monde vivant. Outre le fait de mieux comprendre
comment l'évolution et la sélection naturelle ont permis d'obtenir la
biodiversité que nous observons aujourd'hui, cela lui permet de distinguer les
organismes entre - eux et d'utiliser un langage / un référentiel universel
compréhensible par l'ensemble des naturalistes et la communauté
scientifique.

Qu'est-ce qu'une espèce ?


Définition typologique
D'après le critère de ressemblance, "l'espèce est la collection de tous les
individus issus de parents communs et de tous ceux qui leur ressemblent
autant qu’ils se ressemblent entre eux" (Georges Cuvier, 1769 -1832). Il s'agit
donc de critères associés principalement à un "phénotype" de référence.

Définition :

Phénotype : l'ensemble des caractères apparents d'un individu

La présence de variations intraspécifiques, de ressemblances entre espèces


et l'absence de prise en compte du caractère "évolutif" de la biodiversité
empêchent une classification fiable des espèces d'après cette première
description.
Problèmes rencontrés :

 Dimorphisme sexuel (Faucon kobez mâle et femelle ci-dessous à


gauche) :  deux espèces différentes ou une seule espèce ?
 Ressemblance entre espèces (Cochevis huppé et de Thékla ci-dessous
à droite) : une seule espèce ?
 Convergence évolutive
 Vision fixiste de la nature

Définition biologique
Une espèce réunit les êtres vivants présentant un ensemble de
caractéristiques morphologiques, anatomiques, physiologiques, biochimiques
et génétiques communes, capables de se reproduire entre eux et d'engendrer
une descendance fertile.
Cette définition est donc basée sur des critères phénotypiques mais aussi
biologiques.

Limites de cette définition :

 Hybridation d'espèces
 Spéciation
 Isolement de populations
La notion d'espèce est difficile à définir. Aujourd'hui, la définition biologique
est la plus précise car elle intègre la notion d'interfécondité et d'évolution des
organismes. Néanmoins, les frontières entre espèces sont parfois infimes et la
définition présente des limites évidentes. Aujourd'hui, la majorité des espèces
sont séquencées afin de déterminer le pourcentage de patrimoine génétique
en commun avec d'autres organismes et déterminer si leur statut spécifique
est justifié.
Note : l'Homme partage par exemple 98,8% de son génome avec celui des
chimpanzés.

2. Classification linnéenne
Dans le système de Carl von Linné (1707 - 1778), les organismes vivants sont
regroupés en catégories de plus en plus vastes imbriquées les unes dans les
autres. Cette classification est très utile pour le naturaliste afin de trier et
classer les organismes qu'il inventorie.
Néanmoins, cette classification ne tient pas compte des liens évolutifs entre
les catégories. Par exemple, dans la classification de Linné, les oiseaux, les
amphibiens et les reptiles sont tous élevés au rang de "Classe", ils sont donc
dans des catégories de même niveau et sans lien apparent entre – eux.

3. Classification phylogénétique
La classification phylogénétique se base sur la construction d’une histoire
évolutive des êtres vivants. Elle part du principe qu’un groupe d’espèces (à
n'importe quel niveau de classification donné) n’est valide que s’il constitue
l’ensemble des descendants d’un ancêtre hypothétique commun, on parle
alors d’un groupe monophylétique.

Cette classification reconnaît la validité de certains groupes taxonomiques


tels que la classe des mammifères ou la classe des oiseaux mais elle rejette le
bienfondé de la classe des reptiles ou encore des poissons, qui se sont révélés
être des groupes paraphylétiques, qui « oublient » une partie des descendants
de ce fameux ancêtre commun.
A chaque nœud de l'arbre phylogénétique du vivant, on considère qu'il devait
exister un ancêtre hypothétique commun aux espèces et groupes présents en
bout de ramification.

Regroupement au sein de la classification phylogénétique


Encore aujourd'hui, les rangs taxonomiques de la classification linnéenne sont
employés afin de définir certaines espèces ou groupes d'espèces pour des
raisons pratiques, d'abus de langage ou de simplification par le grand public.
Comme nous avons pu l'expliquer ci-dessus, certains de ces regroupements
sont considérés comme erronés au regard de la classification phylogénétique,
seuls les groupes "monophylétiques" sont valides.
Ainsi, le groupe (1) des poissons ci-dessous est un groupe polyphylétique car il
intègre des espèces qui ne présentent pas d'ancêtre commun de même
niveau. Le groupe (2) qui regroupe les amphibiens est un groupe
monophylétique car l'ensemble des descendants de l'ancêtre commun sont
inclus dans ce même groupe, et le groupe (3) qui rassemblent les "reptiles" et
qui omet l'existence des oiseaux dans l'évolution de ce regroupement est un
ensemble dit paraphylétique.

Bien que le terme "Reptiles" soit encore employé aujourd'hui par convenance, il
peut être remplacé par le terme "Squamates" pour définir les lézards et les
serpents, et le terme "Chéloniens" pour les tortues. Le clade incluant les
squamates, les oiseaux et les crocodiliens est appelé "Sauropsides", tandis
que le groupe incluant uniquement les oiseaux (derniers représentants vivants
des Dinosaures, super-ordre des Dinosauria) et les crocodiles est défini par le
terme "Archosauriens".

4. Application pour le naturaliste


La clé de détermination
Dans le domaine de la biologie, une clé de détermination est un outil
d'identification d'un niveau taxonomique donné (espèce, genre, famille, etc.)
reposant sur une succession de choix d'alternatives portant sur les caractères
d'un spécimen qui permet de l'identifier, étape par étape ; grâce à ses attributs.

Trier à travers une clé de détermination, ce n’est pas tracer des ensembles, ce
n’est pas créer des groupes. C’est simplement séparer un échantillon
d’individus / d'organismes en fonction d’arguments arbitraires. La mécanique
des clés de détermination utilise quasi-systématiquement les notions
associées à la classification linnéenne. Par exemple, suivant leur degré de
complexité, les clés de détermination permettent d'identifier la famille, le genre
ou encore l'espèce de l'individu / l'organisme étudié. A l'exception des groupes
complexes*, de petites tailles et particulièrement diversifiés, la plupart des
clés de détermination sont construites autour de caractères morphologiques.

Afin de simplifier leur utilisation et de les rendre les plus fiables possibles, les
caractères utilisés sont souvent spécifiques à l'espèce ou au groupe
d'espèces étudié (ordre, famille, genre, etc.). Ces critères de détermination
représentent des caractéristiques originales qui permettent de différencier
l'espèce ou le groupe d'espèces par rapport aux groupes voisins. Par
conséquent, une clé de détermination peut présenter des ressemblances avec
la classification du vivant, pour autant c'est bien un outil d'identification et non
un outil de classification.

Exemple :

*Certaines familles de micro-hétérocères nécessitent une dissection de leurs


appareils génitaux pour être identifiés.

Piège :

Une clé de détermination n'est pas un système de classification du vivant, il s'agit


d'un outil d'identification au service du naturaliste afin de retrouver la place de
l'échantillon étudié dans la classification.
5. Conclusion
Résumé :

Afin d'appréhender, étudier et inventorier l'extrême diversité du vivant, il est


nécessaire de la classer / l'organiser. La classification des êtres vivants permet
au naturaliste de trier, ranger, classer les organismes observés afin de rendre
compte avec précision de ses observations, et d'utiliser un langage scientifique
universel, compréhensible par les autres naturalistes et la communauté
scientifique.

Exemples concrets que rencontrera le naturaliste :


La classification évolue constamment avec le recours aux analyses
génétiques.
Certaines espèces changent de nom et il existe alors plusieurs synonymes
pour une même espèce.
Certains textes réglementaires protègent des espèces dont le nom a pu
changer depuis.
Certaines sous-espèces sont élevées au rang d'espèce (quid de la protection
dans ce cas ?).
Certaines sous-espèces sont protégées alors que leur espèce ne l'est pas.
Certaines sous-espèces ne présentent pas le même statut de conservation
que l'espèce.

Pour aller plus loin :


Si le sujet vous intéresse, vous pouvez consulter cette excellente intervention
de Guillaume Lecointre, Professeur et directeur du département systématique
& évolution Museum National d’Histoire Naturelle de Paris sur le sujet.

Voir vidéo : https://youtu.be/6oYAX-eaSXI


Questionnaire :

Vous aimerez peut-être aussi