Nom : Dossier :
Intervention :
Naissance :
Unité :
Intervenant :
Requérant :
ÉVALUATION PSYCHIATRIQUE
Ce rapport est établi sur la base de la révision du dossier médical antérieur et d’une entrevue clinique. Nous
attendons la transmission des dossiers de l’hôpital Le Gardeur et du Centre hospitalier de l’Annonciation.
IDENTIFICATION :
Il s’agit d’une femme de 60 ans, d’origine huronne qui vit avec son mari les 10 dernières années. Elle avait été
mariée de 19 à 31 ans avec un homme malheureusement stérile et avait obtenu un divorce à l’amiable. Elle a une
fille de 28 ans et deux petites-filles; son « géniteur » est le conjoint de fait qu’elle a fréquenté pendant 18 ans. Elle
a une scolarité de 9e année. Elle a occupé plusieurs emplois (usine de tabac, manufacture de couture, pose de
planchers de bois, barmaid et peintre débosseleurs), souvent en lien avec les entreprises du conjoint. Elle
n’occupe aucun travail rémunéré depuis 10 ans. Elle reçoit des pensions de semi-retraite.
RAISONS DE CONSULTATION :
Madame nous est référée par docteur Mario Boissonneault, vu dans un contexte d’urgence, en date du 24 février
2006 pour un syndrome de stress aigu. À noter qu’elle n’a pas de médecin traitant depuis son arrivée à Grand-
Mère il y a trois ans.
♦ Hypothyroïdie
♦ Hypertension artérielle
♦ Dyslipidémie (aucun bilan lipidique récent)
♦ Asthme et bronchite chronique
♦ Glaucome
♦ AVC en décembre 1995 sans séquelle
♦ MCAS
ALLERGIES :
ASPIRINE
IODE
EMPRACET
♦ Elle aurait été hospitalisée et évaluée en psychiatrie à l’hôpital Le Gardeur en 1996 suite à une
agression d’une violence extrême du conjoint de fait. Diagnostic inconnu de même que le traitement.
♦ Tentative de suicide par intoxication médicamenteuse (30 comprimés d’EFFEXOR) il y a environ 5
ans et hospitalisation de 21 jours à l’Annonciation (dossier à venir).
♦ Elle dit être traitée depuis 10 ans pour un état de stress post-traumatique avec un suivi en
psychothérapie à l’IVAC et un traitement pharmacologique à base de REMERON 30 mg, puis ajout de
CELEXA jusqu’à 40 mg depuis environ 5 ans. Elle prend des benzodiazépines depuis une dizaine
d’années également.
♦ Elle a été vu pendant quatre mois par la psychologue, Thérèse Huard de Grand-Mère, il y a deux ans,
mais ne reçoit plus de soutien depuis.
♦ Consultation psychiatrique auprès du docteur Lapointe le 14 septembre 2005 pour anxiété et
tendance colérique. Il diagnostique un trouble thymique post usage de drogue, dépendance au
cannabis, abus de benzodiazépines et aspect de trouble de personnalité limite. Il prescrit du
SEROQUEL 100 mg hs.
♦ Deuxième consultation psychiatrique auprès du docteur Lapointe le 19 octobre 2005 dans des
circonstances semblables. Le dosage de THC est alors supérieur à 300 et celui des benzodiazépines
supérieur à 200. Les mêmes diagnostics sont maintenus. Il cesse le CELEXA et l’ATIVAN, augmente
le SEROQUEL à 50 mg tid et 200 mg hs et la réfère à Domrémy en externe.
♦ Consommation épisodique de cannabis depuis l’âge de 7 ans; son grand-père l’avait initiée sur la
réserve avec un calumet de paix.
♦ Vers 24 ou 25 ans, elle s’injectait de l’héroïne aux deux heures jusqu’au décès de sa mère à 52 ans
à qui elle avait promis d’arrêter. Elle a signé pour désintoxication en cure fermée de trois mois à
Joliette; aucune rechute par la suite.
♦ Usage quotidien de « speeds » pour se garder réveillée dans son travail de barmaid au début de la
trentaine.
Aucun
ANTÉCÉDENTS FAMILIAUX :
HABITUS :
MÉDICATION ACTUELLE:
ANDRIOL 40 mg id, IMDUR 60 mg id, AERIUS 5 MG ID, SYNTHROÏD 0,1 mg id, MONOPRIL 30 mg id, PLAVIX
75 mg id, SPIRIVA 18 microgramme 1 inhalation id, FLEXERIL 10 mg hs, RIVASENA 8.6 mg bid, ADVAIR
DISCUS 250 microgramme, 1 inhalation bid, SINGULAR 10 mg hs, LIPITOR 10 mg id, SOFLAX 200 MG HS,
SALBUTAMOL 100 microgramme deux à quatre inhalations qid prn, NEXIUM 45 mg id, ACETAMINOPHENE
1000 mg qid prn
Elle fait remonter le plus gros des problèmes à décembre 1995, quand son conjoint d’alors et père de sa fille, l’a
sévèrement violentée « pour la dernière fois ». Il la battait régulièrement depuis la naissance de leur fille. Elle
restait avec lui « de peur »; elle avait toujours une arme braquée sur elle. Il a finalement tenté de la tuer, rien de
moins. Il a d’abord voulu lui mettre le feu, mais son fils est arrivé juste à temps; elle a été traitée à l’hôpital pour
brûlures aux jambes, mais est retournée chez-elle. Le lendemain, il s’est fâché de voir que deux bières avaient
disparu et il s’est mis à la frapper à coup de 2X4, avec une porte d’armoire et avec ses poings. C’est sa fille qui lui
a sauvé la vie en composant le 9-1-1.
Depuis cette expérience traumatisante, elle est strictement incapable de supporter d’entendre quelqu’un crier ou
de se faire injurier. « Je deviens si mauvaise que je pourrais tuer quelqu’un ». L’été dernier, lors d’une chicane
avec une voisine qui l’a traitée de « vieille vache », elle l’a littéralement poussée en bas des marches d’escalier.
Par ailleurs, à la moindre contrariété, elle « prend panique » pendant 15 à 20 minutes au cours desquelles elle ne
se possède plus et fini par pleurer intensément. Cela n’a pas tendance à se produire spontanément.
Chaque année depuis dix ans à l’automne, à l’approche de la même période où il l’avait sauvagement violentée,
avec le déclin des heures d’ensoleillement, elle a tendance à déprimer. Elle n’a plus le goût de rien, n’a plus faim
(perte de dix livres en 2 mois), parle d’un sommeil léger et écourté (environ quatre à cinq heures par nuit),
manque de concentration, se culpabilise et se dévalorise d’avoir mal agit, se sent plus irritable et n’a plus de
libido. Elle nie toute idéation suicidaire et réussi à avoir du plaisir, notamment avec ses petits-enfants.
Présentement, elle peut passer des journées complètes devant la télévision tellement elle manque de motivation
et d’énergie. C’est son conjoint qui s’occupe de tout.
HISTOIRE LONGITUDINALE :
Elle est originaire de la réserve indienne Huron Wendat à Québec. Elle est née 5e d’une famille de 14 enfants
(sept garçons et sept filles). Son père était camionneur pour des compagnies de gaz. « C’était un homme
adorable ». Il la protégeait contre se seule sœur aînée qui était jalouse d’elle. La mère s’occupait de la maison.
Elle était autoritaire avec un fort caractère, mais aucun des parents n’a jamais levé la main sur eux.
Petite, elle se défoulait à l’école « parce que ma sœur me faisait trop pomper ». Elle multipliait les mauvais coups,
répondait de façon arrogante et provocante à ses professeurs. Elle a déjà lancé un soulier à la tête d’une
religieuse. Se rappelle aussi avoir poussé sa sœur contre un cadrage, si fort qu’elle s’était fendue le cuir chevelu;
elle trouvait injuste d’avoir à faire les corvées à sa place. Au niveau académique, elle réussissait très bien. Elle a
« sauté » deux années parce qu’elle distrayait les autres et a terminé sa 9e avec une moyenne de 89.9%. Ses
parents n’avaient pas suffisamment d’argent pour qu’elle poursuive ses études.
À 13 ans donc, elle travaillait l’été pour une compagnie de tabac jusqu’à l’âge de 20 ans. Elle a occupé un poste
de couturière dans une manufacture pendant cinq à six mois, mais n’a pas apprécié de devoir respect et
obéissance à son patron. Elle a suivi un cours de barmaid à 19 ans; elle servait de l’alcool « alors que je n’avais
même pas le droit d’en consommer ».
Elle a connu son premier mari dans une salle de danse à l’âge de 18 ans, il en avait 2 ½ ans de plus. Elle l’a
trouvé charmeur, calme et sympathique. « On seraient encore ensemble s’il n’avait pas été stérile ». C’est lui qui
avait proposé de divorcer. Elle a continué à s’occuper de sa belle-mère malade pendant l’année suivante. Elle a
rencontré le père de sa fille dans le bar où elle travaillait. « C’était un beau parleur qui connaissait la façon d’attirer
les femmes. » Il cachait bien sa méchanceté au début, mais n’a absolument pas accepté sa grossesse; il insistait
EXAMEN MENTAL :
Elle fait plus jeune que son âge. Elle porte une tenue sobre, l’hygiène est limite; elle dégage une forte odeur de
tabac. On note une certaine dyspnée après avoir parcouru le corridor. L’attitude est théâtrale et dramatique, et le
débit verbal est rapide. Elle ne démontre pas d’irritabilité et collabore bien à l’entrevue. Il n’y a aucun
ralentissement psychomoteur.
L’humeur est dysphorique, anxieuse, colérique et dépressive. Les affects sont modulés et mobilisables, sans
aucune discordance. La pensée est de forme normale et le cours est très circonstanciel. Le contenu révèle des
reviviscences du traumatisme sauvage; évitement généralisé; hypervigilance; intolérance extrême aux cris et aux
douleurs; impulsivité au long cours; pulsions agressives plus ou moins contrôlées lors de contrariétés sans
intention hétéro-agressive ciblée; sentiment de persécution chronique de la part de l’ex-conjoint qui n’est pas
généralisé et qui semble plausible; absence d’idéations suicidaires.
Perceptions normales. Les fonctions cognitives sont adéquates. Le jugement est présent et l’autocritique est
partielle avec une certaine tendance à porter le blâme sur autrui.
IMPRESSIONS DIAGNOSTIQUES :
AXE III : MCAS, dyslipidémie, MPOC, hypothyroïdie, hypertension artérielle sans bilan sanguin ou
métabolique ni suivi médical. Polypharmacie accroissant le risque d’interactions
médicamenteuses ou d’effets secondaires.
RECOMMANDATIONS :
Tout d’abord, il est impératif que cette patiente soit réévaluée de façon exhaustive sur le plan médical, afin
d’ajuster son traitement pour éviter de la sur médicamenter. La pertinence de l’ANDRIOL devait aussi être révisée
vue la possibilité de l’exacerbation de l’agressivité secondaire à l’élévation de la testostérone. Docteur Ibrahim
Sultanem, interniste, accepte de la voir en consultation prochainement. Un bilan métabolique complet est
demandé dès aujourd’hui et il en recevra une copie.
Au niveau psychothérapeutique, elle pourra certes bénéficier du groupe des troubles anxieux en premier lieu,
suivi d’un groupe de personnalité en première ligne pour dénouer le cercle vicieux de méfiance, d’hypervigilance,
d’irritabilité, de violence dans lequel elle s’est conscrite avec les années.
Au niveau pharmacologique, le RÉMÉRON qu’elle prend depuis de nombreuses années ne semble pas
apporter d’efficacité suffisante. De plus, les diagnostics retenus évoquent plutôt un déficit sérotoninergique. Je lui
prescris donc du PAXIL 10 mg id pendant une semaine et 20 mg id par la suite, avec un sevrage progressif croisé
du RÉMÉDON. La posologie du PAXIL pourra progressivement être également majorée à 250 mg hs pour son
effet potentialisateur et la diminution de l’impulsivité. Celui-ci pourra également être augmenté jusqu’à 400 mg par
24 heures selon son efficacité observée. La médication est dès aujourd’hui prescrite sous forme de DISPILL pour
éviter toute forme d’abus. Dans un deuxième temps, il pourra être considéré de tenter un traitement de
luminothérapie avec une lampe Sadelight, si nous en avons de disponible pour un prêt. Un stabilisateur de
l’humeur pourrait finalement être ajouté, avec préférence pour l’acide valproique plutôt que le LITHIUM, en raison
des interactions multiples et de la prise d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion d’angiotensine de même que le
potentiel anti-kindling connu de l’ÉPIVAL qui est parfois utile dans les états de stress post-traumatique chronique.
Dans un dernier temps, après stabilisation de l’état clinique, il serait important de sevrer très lentement les
benzodiazépines (sur un à deux ans selon les récentes études).
Je reverrai madame dans un prochain rendez-vous qi est fixé au 13 décembre prochain à 14 heures.
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Caroline Bell, M.D. FRCP ©
Psychiatre