Vous êtes sur la page 1sur 68

15 Ml1* 74

cent. s i1
'i. A

LIBRAIRIE LAROUSSE
13-17, rue Montparnasse, Paris (6*)
LE VOLUME, f5 CENT.,; FRANCO, 20 CENT.; ÉTfUNGER, 25 CENT.
LES LIVRES ROSES
VOLUMES PARUS

Ko. N«
1. — Contes d'Enfants 7 cont.). 38. — La Vie à la campagne.
2- — Cendrillon (6 contes), 39. — Le Chef des Géants.
s. — Voyage de Gulliver. 40. — Les Aventures du Vieux
4. — Contes de Grimm(6 cont.). Frère Lapin.
5. — Histoire d'Aladin. 41. — Au Pays des Ecureuils.
« — Gulliver chez les Géants. 42. — La Vie des Insectes.
7 — Sindbad le Marin. 43. — Le Roi des Cygnes.
— Histoires
d'Animaux. 44-45. Don Quichotte.
— Contes
d'Afrique(tjCont.). 46. — Lettres du Pays des
if. — Le Nain jaune. Fées.
11.
— ne
Janvier à Décembre. 47. — Histoire de Tom Pouce.
J2. — Les Enfants dans les 48 — Histoire d'Ondine..
Bois, et autres Contes. 49. — L'Escapade de BoulboUle.
Fables d'Esope. 50. — Les Travaux d'Hercule.
51. — Les Six Lévriers blancs.

ii. — La Rose magique.
15. — Contes fabuleux de la 52. — NouvellesAventure s du
Grèce antique (écoutes). Vieux Frère Lapin.
16. — Budge et
17. — lvanhoé.
Toddie. 53. — Les Quatre Prunes.
54. — Rimes enfantines.
1(5. — La Petite Blanche-Neige, 55. — Du Guesclin.
19. — Au Pays des Merveilles. 5o. — Contes de Russie.
io. — Le Tailleur fou. 57. — Le Pètit Démon de Va-
2J. — Le Roi Arthur. lentin.
22. — Le Géant aux Cheveux 58. — La Conversion de Ca-
d'or (3 contes). therine.
23. — La Princesse volée. 59. — Mémoires de Négro.
si. — La Sirène. 60. — Le Prince joueur.
25. — Les Mauvais Tours de 61. — Un Couo de tête.
Goupil le Renard. G2. — Contes de Chine.
,2?. — Le Sapin merveilleux. 63. — Les Outils merveillpux.
27. — Les Cygnes sauvages. 61. — Frère Renard et Frere
28. — Aventures du baron Lapin.
Munchausen. 65. — Aventures de Pelo'on.
29. — Au Jardin des Plantes. t6. — Le Roman d'un Lutin.
30. — Le Renard nigaud. 67. — Le Petit Parapluie,
31-32. Aventures d'Alice. 68. — Persée.
n 34, Robinson Crusoé. 69. — Jeannot Lapin.
35. — La Maison dans la forêt. 70. — Histoire d'une Tortue.
3u. — Le Tapis enchanté. 71. — Graine de Moutarde.
37. - L'Hirondellequir3vient
a'Egypte.
72. — Contes des Flandres.
73. — La Fleur mauve.

Pour parafe le -.3 février 1912.


N° 75. — Les deux: Voîx.
LES LIVRES ROSES
POUR LA JEUNESSE
Collection Stead

LE TALISMAN
Watter
f

Adaptation française
par Mme J. Roger-Lévy

LUBRAIRIE LAROUSSE
13-17, Rue Montparnasse. —
- PARUS
SUCCURSALE : Rue des Ecoles, 58
hectare simultanée de l'Anglais et dufrançais

Le volume français « Le Talisman Ï correspond au


No 188 des « Books for the Bairns », de la Collection Stead,
ayant pour titre « The Talisman ».
Les volumes anglais de la Collection Stead sont en vente
à la Librairie Larousse, qui en a le dépôt exclusif pour la
France. Prix du volume : 15 cent. ; franco,-en France,
20 cent.; à l'étranger, 25 cent.
La lecture simultanée des textes anglais et français est
l'exercice le plus intéressant, le plus instructif et le plus
propre à assurer des progrès rapides dans l'étude de la
langue anglaise.
Le Talisman
-
I. — LE CHEVALIER DU LÉOPARD
Un jour, il y a en-viron A l'époque où se passe
sept cents ans, un jeune et celte histoire, une courte
beau chevalier revêtu d'une trêve suspendait la guerre ;
lourde armure et monté sur car Richard Cœur-de Lion,
un grand cheval de combat, qui commandait ordinaire-
s'avançait lentement le long ment 1 armée des Croisés,
des côtes de Ja Mer Morte, souffrait d'une fièvre grave.
sous le brûlant soleil de la Les autres princes chrétiens,
Palestine. Il avait bien chaud Philippe-Auguste, roi de
et était très fatigué. Aussi, France, Léopold, duc d'Au-
pour oublier un- peu sa lassi- triche, et quelques autres,
tude, il pensait à la jeune incapables de lutter avec
fille qu'il aimait. C'était la succès contre le Sultan sans
belle princesse Edith Planta- l'aide de Richard, voulaient
genet, cousine du .roi d'An- conclure un arrangement
gleterre, Richard Cœur-de- avec le chef musulman, par
Lion, sous la bannière de l'intermédiaire d'un Dieux
qui le chevalier, sir (i) Ken- ermite qui demeurait i dans—
neth, -se bal lait alors. une grotte, à Engaddi, et
--A ce moment, bien des que le Sultan connaissait
batailles se livraient en ef- bien Ils envoyèrent donc
fet en Palestine. Les Croisés un message au saint homme,
chrétiens, vous le savéz, se et le confièrent à sir Ken-
battaient de tout leur cou- ne th.
rage pour reprendre la Terre On savait très peu de cho-
Sainte aux Sarrasins et à leur. ses sur ce dernier, excepté
chef célèbre, le sultan Sala- que c'était un chevalier écos-
din. : sais, qui avait amené avec

(1) Onplace le -titre : sir, en Angleterre, devant le nom des chevaliers ou


des barons. --
-
lui une troupe d'hommes lançant des flèches dans l'es-
qui tous étaient morts, sauf poir de l'atteindre au défaut
son écuyer, malade actuel- de l'armure. A un moment,
lement. On savait qu'il était une de ses flèches parut
très pauvre, et aussi très avoir transpercé la cuirasse,
brave et très fier, et qu'il car Kenneth tomba de son
avait un magnifique lévrier, cheval. Alors le Sarrasin
nommé Roswal, qu'il aimait descendit du sien ; mais,
beaucoup ; quelques-uns sa- comme il se penchait sur
vaient peut-être qu'il avait de son ennemi couché à terre,
l'affection pourlady (i) Edith il fut saisi par deux bras vi-
et que celle-ci la lui rendait ; " goureux et s'aperçut qu'il
mais, si on s'en doutait, nul avait été victime d'une ruse.
n'en parlait; car c'eût été Toutefois, il put, en défai-
bien malheureux, pour un sant son ceinturon et quel-
chevalier aussi pauvre que ques-uns de ses vêtements,
Kenneth, chevalier du Léo- s'échapper vivement. Mais il
pard, d'oser aimer une jeune avait laissé son épée et ses
fille d'aussi haute naissance flèches aux mains de l'en-
qu'Edith, la seconde dame, nemi ; il ne. pouvait plus sè
parle rang,après la reine Bé- battre, et il revint vers le
rengère, femme de Richard. Croisé en lui disant : « Puis-
Comme il chevauchait; qu'il y a une trêve, en ce
pensant à tout ceci, sir Ken- moment, entre nos deux na-
neth vit apparaître un Emir tions, fàisons aussi la paix. »
— on appelle ainsi un noble — « Bien volontiers, » dit
Sarrasin ; — et tous deux, sir Kenneth. Et les deux enne-
appartenant à des armées mis continuèrent leur route
ennemies, se mirent à lutter côteàcôtejusqu'à une asouroe
immédiatement. Le Croisé dont l'eau limpide sortait de
était couvert d'une épaisse terre en bouillonnant, sous
-armure ; mais le Sarrasin, un bouquet depalmiers. «Les
légèrement vêtu, tournait à Sarrasins, dit l'Emir, appel-
cheval autour de lui en lui lent, cettej fontaine le Dia-

(1) On appelle lady, en Angleterre, une dame de la noblesse. -


1
mant du Désert. » Les deux mit à le frapper avec vie ï
cavaliers mirent pied à terre, lence. Sir Kenneth, natu
soignèrent leurs chevaux, Tellement, vola au secour
burent un peu d'eau fraîche, de son nouvel ami et, finale
mangèrent et s'étendirent, ment, le relira des mains d
pour se reposer, à l'ombre ce fou furieux.
des palmiers. Le Sarrasin se releva, e
Le Sarrasin conta à son parla sévèrement au foi
compagnon toutes sortes de qu'il appelait Hamako. Si
belles choses sur son pays ; Kenneth s'étonna d'abord di
puis, dès qu'il fit assez frais ne pas lui voir rendre le:
pour voyager, sir Kenneth coups qu'il avait reçus
se leva, sella son cheval et mais il se souvint que lei
dit au Sarrasin qu'il allait musulmans croient que les
voir le noble ermite Théo- fous sont des êtres sacrés e
doric. qu'on est maudit si on les
— « En ce cas, j'irai avec frappe. « Pourtant, dit-il.
vous pour que vous arriviez un pareil fou n'est pas un
sain et sauf, dit l'Emir, car saint homme ; c'est une
je connais le chemin, et il honte pour sa nation » !

est très dangereux » .


Les deux amis poursui- — «Vraiment? répliqua
virent donc leur voyage et l'Emir en riant; alors la
entrèrent dans un désert so- honte est pour vous, car ce
fou est votre pieux ermite
litaire et rocheux. La nuit d'Engaddi. »
venait, et Sir Kenneth avait
le cœur de plus en plus serré — « Oui, oui, je suis Théo-
par la tristesse de ces lit'ux; doric d'Engaddi. Suivez-moi,
cependant, le Sarrasin riait suivez-moi, suivez-moi » 1

et chantait des chants de s'écria cet être étrange, tan-


guerre, comme s'il ne crai- dis qu'il les précédait en
gnait rien. dansant, en bondissant,
Soudain, quelqu'un de très avec des clameurs et des cris
grand et de très mince, vêtu sauvages.
seulement de peaux de bêles, Sir Kenneth, qui s'était
bondit sur l'Emir et, le ti- imaginé un ermite doux et
rant à bas de son cheval, se paisible, était stupéfait ; il
ne put que suivre en silence entrée dans la cavern'
cet homme qui courait, sau- n'avait plus du tout l'a
tait, criait, et qui, finale- d'un fou, mais ressembla
ment, le conduisit à sa de- à l'homme pieux et calm
meure grossière, une caverne qu'avait imaginé Sir Kei
creusée dans le roc. neth, plaça la boisson d(
Elle était divisée en deux vant les deux hôtes, en di
parties : en avant, se trou- sant :
vait une sorte, de chapelle ; « Buvez, mes enfants, €
en arrière,' où l'ermite fit soyez en paix. » Après 1
entrer ses hôtes, \ on était souper, il les bénit, leu
évidemment dans une pau- souhaita le bonsoir, et s
vre chambre à coucher, car retira dans sa chapelle. Si
il y avait des nattes par Kenneth et le Sarrasin — qu
terre, une tableet des chaises disait se nommer Ilderin
grossières. Sur la table — prirent chacun une natt
étaient posées des lentilles d'osier et se préparèrent
et de la viande séchée. bien dormir.
L'ermite qui, depuis son

I
II. — LA DAME AUX BOUTONS DE ROSES
IL y avait un certain temps sant voir quelques marches.
que Sir Kenneth dormait, Avant de les gravir, l'ermite
quand l'ermite l'éveilla et s'enveloppa la tête d'un
lui fit signe de se lever et de voile, en disant : « Il ne
le suivre, ,en ayant soin de m'est pas permis de regar-
ne pas se faire entendre du der ce que tu vas contem-
Sarrasin. pler. »
Etonné, Sir Kenneth obéit, Alors, tenant la lampe
et l'ermite le conduisit dans d'une main, il montra le
la cellule qui servait de cha- chemin à son compagnon ;
. pelle. Puis il passa derrière ils arrivèrent à une lourde
l'autel et pressa un ressort. porte semée de grands clous.
Une dalle de pierre se dé- L'ermite s'arrêta et dit au
plaça lentement et sans chevalier « Ote tes souliers,
:
bruit vers l'extérieur, lais- frappe trois coups, et entre. »
Sir Kenneth obéit et, en- voile noir : c'étaient d
trant par la porte ouverte, il religieuses qui avaient quil
se trouva transporté des té- le monde; les sixaulrespo
- nèbres dans la lumière; il taient un voile bl<fnc
vit une petite chapelle riche- c'étaient, pu -bien des jeun
ment décorée, brillamment .filles qui deviendraient t
éclairée par des lampes d'ar- jour des religieuses, ou bi(
gent suspendues au toit et des dames qui visitaient
qui, pleines d'huile odorifé- couvent. Ces six dernier
rante, répandaient un par- portaient des guirlandes <

fum exquis. roses rouges et blanches,


Sir Kenneth ne pouvait elles firent toutes, lentemer
comprendre comment, dans le tour de la chapelle <

le désert, il pouvait exister chantant des hymnes.


une pareille chapelle. Il Elles passèrent tout prè
s'aperçut que l'ermite ne de sir Kenneth qui. de plu
l'avait pas suivi, et il se re- en plus stupéfait des éve-
tourna pour s'en aller; mais nements bizarres de la nui-
la porte s'était refermée et croyait rêver ; mais, comm s
il ne pouvait la rouvrir. la procession repassait un
Il arpenta donc là cha- seconde fois près de lui, un
pelle jusqu'à l'aube; il en- des jeunes filles au voil
tendit alors le tintement blanc laissa tomber un bou i
d'une clonbe argentine, suivi ton de rose à ses pieds. L
de chants lointains. Il se chevalier, tout à coup atten
retira contre le mur de la tif, fixa ses yeux ardemmen
chapelle. Bientôt, une porte sur le visage de la jeune fille
s'ouvrit près de l'autel, et mais il ne put voir- ses trait
une procession apparut : à travers son voile épais
d'abord, deux petits garçons Pourtant, il ne la quitta pa
avec des encensoirs, puis des yeux, et il en fut récom
deux autres qui jetaient 'des pensé; car, au moment où 1:
fleurs, enfin douze dames, procession repassait devan
deux par deux. lui, une main blanche 81
Elles portaient toutes des glissa hors du voile pesant'
robes blanches ; mais les et un second bouton de ros(l
six premières avaient un tombaaux piedsdu chevalier.
Le' cœur de sir Kenneth retentit, et une trappe s'oi
battit à coups redoublés, car vrit dans le plancher. S
il vit que ceci n'était pas dû Kenneth bondit et saisit so
au hasard ; de plus, pendant épée, ne sachant ce qui alla,
le court instant où la main se passer.
était apparue, il y avait re- Un torrent de lumière s-
marqué une bague en or répandit par l'ouverture, et
massif, où était enchâssé un un personnage qui portai
gros rubis. Cette bague, à une lampe surgit, suivi d'u:
elle seule, lui aurait indiqué autre. C'étaient de drôles d
que la dame qui avait laissé petits êtres : ils étaient nains
tomber les boutons de roses c'est-à-dire que, bien que c
n'était autre que Edith Plan- fussent un homme et un.
tagenet. Mais comment se femme d'un certain âge, avei
trouvait-elle là, parmi des une grosse tête et une vieilli
religieuses, etdans le désert? figure, leur corps n'était pai
Comme il se posait ces plus grand que celui d'ur
questions, la porte cachée enfant. Ils portaient de bi
dans le mur s'ouvrit, et tout zarres vêtements de soie
le cortège, enfants, voiles rouges et blancs, et des
noirs, voiles blancs, s'éva- plumes sur la tête ; à la main,
nouit. ils tenaient un balai de
Au même moment, toutes bruyère avec lequel ils se
les lampes s'éteignirent, et mirent à balayer la chapelle.
sir Kenneth demeura dans la En passant devant sir Ken-
plus complète obscurité. Il neth, ils cessèrent de balayer
chercha à tâtons ses précieux et, élevant leur lampe, ils le
boutons de roses et les garda regardèrent dans le blanc
avec soin. 11 ne craignait des yeux, puis éclatèrent de
plus rien, puisque lady Edith rire en proférant des cris.
l'aimait ; jusque-là, il avait — « Qui êtes-vous ? » de-
eu peur qu'elle ne méprisât manda le chevalier, indigné
un humble chevalier écos- d'entendre ces cris dans une
sais. chapelle.
Il était là depuis plus — « Je suis le nain Nec-
d'une heure, quand soudain taban, et voici ma femme »,
un coup de sifflet perçant dit le nain. Puis, soufflant sa
si-
lumière, il s'en alla en trot- Le chevalier obéit- en
tinant, aussi vite que possi- -lence, et, peu après, ils
ble, avec sa femme, laissant avaient regagné la chambre
le chevalier dans l'obscurité ; où le Sarrasin dormait tou-
pour peu de temps, cepen- jours paisiblement. Dési-
dant, car la porte s'ouvrit gnant la natte d'osier, l'er-
bientôt lentement, et il vit, mite dit : « Dors; pour moi,
près du seuil, l'ermite' tout il faut que je prie. »
voilé comme lorsqu'il était Le -lendemain, sir Ken-
entré dans la chapelle ; près neth remit le message des
de lui brûlait la lampe. Princes à l'ermite, et, en
— « Prends la lampe et attendant la réponse de celui-
descends l'escalier devant ci, il passa encore deux jours
moi », dit l'ermite, « car je dans la caverne; mais il ne
n'ai pas le droit de me dé- lui fut plus permis d'entrer
couvrir les yeux et de regar- dans la chapelle, ni de revoir
der ce saint lieu. » Edith Plantagenet.

III. — LE MÉDECIN INCONNU


Tandis que sir Kenneth se querellaient tous entre
attendait dans la caverne eux; de plus, il était inquiet
d'Engaddi la réponse de l'er- pour la sécurité de sa femme,
mite, son seigneur, le roi la reine Bérengère ; en effet,
Richard, était étendu sous sa avec quelques-unes des da-
tente, au camp,près de Saint- mes de la plus haute no-
Jean-d'Acre, se débattant sur blesse d'Angleterre, elle était
son lit de douleur. La fièvre partie au couvent d'Engaddi,
l'affaiblissait, Je rendait très pour implorer la guérison
malade et, en- même temps, du roi Richard, ce qui ex-
très irritable. Auprès de lui plique la rencontre entre sir
était posée sa hache d'armes, Kenneth et lady Edith dans
mais les forces lui man- la chapelle située au-dessus
quaient pour s'en servir. Il de la caverne de l'ermite.
était mécontent de voir que, Dans ses accès d'impa-
maintenant qu'il était ma- tience, de temps à autre, le
lade, les princes chrétiens roi sortait du lit ; mais, cha-
que fois, il y était vite re- A son extrême surprise, il
conduit par un homme ro- vit, à l'entrée du camp, toute
buste, à Pair sévère, qui se .une troupe de guerriers
tenait toujours à son chevet. Sarrasins à cheval, suivis de
C'était un très haut seigneur, plusieurs-domestiques à peau
Thomas, comte de Cumber-- basanée et de plusieurs trom-
land. Il était très silencieux, pettes.
un peu sauvage, et on le Sir Thomas allait deman-
trouvait parfois grossier, et der une explication quand il
même stupide; mais il ne se trouva en face de sir
l'était pas. C'était seulement Kenneth, qui venait de ren-
uri vieux soldat fidèle, en- trer au camp.
têté et farouche. C'était le « Sir Thomas », lui dit le
favori du roi, et le seul à qui Chevalier du Léopard, «je
Richard permît de le soi- reviens à l'instant de ma vi-
gner. Le .pauvre sir Thomas site chez l'ermite d'Engaddi,
avait l'air plus renfrogné que à qui le Conseil des princes
jamais, car il n'avait pas chrétiens m'a envoyé avec
fermé l'œil depuis trois nuits un message. Eh route, j'ai
quand, soudain, il entendit rencontré un certain noble
un bruit de trompettes. sarrasin qui m'a tenu com-
— « Dieu du ciel » ! pagnie pendant quelque
s'écria le roi, en se soulevant, temps. En apprenant qne le
« les Sarrasins sont dans roi Richard était malade de
notre camp. J'entends leurs la fièvre, il m'a dit qu'il en-
cris de guerre. » verrait un messager au sul-
Mais, pour sir Thomas, la tan Saladin,-son maître, qui,
sécurité de son maître ve- bieh que le roi Richard soit
nait d'abord; toute l'armée son ennemi, est généreux et
des Sarrasins et des chrétiens chevaleresque, et. qu'il le
ne passait qu'après. A grand' prierait d'adresser au roi son
peine il ramena le roi à son propre médecin, très habile
lit. et, appelant quelques à guérir ces fièvres des pays
serviteurs pour le veiller, il d'Orient. Il a fait ce qu'il
partit pour se renseigner sur avait proposé, et le sultan a
le bruit qui troublait le envoyé, avec toutes sortes de
camp. souhaits cordiaux, son célè-
bre médecin, El Hakim. Les mir depuis bien des jours.
Sarrasins que vous voyez là- Le médecin arabe lui a donn£
bas sont les serviteurs qui un remède, et il est déjà plus
l'accompagnent. » calme. » ~
Sir Thomas se méfiait fort
de ceux qui pouvaient sou-
-- « Puis-je voir votre
é'cuyer malade, sire cheva-
haiter du mal au roi; de lier? » demanda Thomas,
plus, quand il vivait en An- encore assez peu aimable.
gleterre, il était toujours en Le sang monta au visage
- guerre avec ses voisins
écos- du chevalier : — « Oui », ré-
sais; il se souvint que sir pliqua-t-il avec hauteur;
Kenneth était lui-même un « mais rappelez-vous que la
Ecossais, aussi hautain qu'un demeure d'un pauvre cheva-
noble anglais ; il ne se trouva lier écossais est bien pauvre,
pas d'humeur à avoir con- comparée à celle d'un noble
fiance en lui, et lui dit, d'un anglais. »
ton bourru : Il disait vrai : sa demeuré
— « Aucun Sarrasin n'ap- n'était qu'une hutte gros-
prochera du roi si je puis sière, gardée par un jeune
l'en empêcher. Guérir le roi, garçon qui faisait cuire des
dites-vous? Mais comment galettes d'orge sur un feu de
puis-je savoir si le médecin charbon de bois. Près de lui
du sultan ne le tuera pas, était couché un magnifique
dans ce pays de malheur où lévrier, plus beau même que
l'on empoisonne les gens celui du roi. Dans la hutte
aussi facilement qu'on fait se trouvaient deux lits, sur
leur cuisine ? » l'un desquels était étendu
Sir Kennelh domina son- l'écuyer malade, qui, à ce
orgueil devant cette insulte, moment, respirait régulière-
et dit : « Je réponds de ce ment et paraissait dormir.
médecin sur mon honneur A côté de lui était assis le
de chevalier chrétien; en médecin maure, qui semblait
outre, quand je sui-s arrivé tout noir, car il avait sur la
au camp ce matin, mon têle un bonnet pointu en
écuyer souffrait terriblement laine d'agneau noire, son
de la même fièvre que le roi corps était couvert d'une
Richard ; il n'avait pu dor- robe noiré, une barbe noire
I
tombait sur sa poitrine, et, malgré sa rudesse, avait bon
au-dessous du bonnet, ses cœur, dit : Sire chevalier,.
(C

yeux, d'un éclat perçant, votre écuyer a besoin de


soins et de bonne nourri-
¡
étaient noirs également.
Il se leva tout de suite. ture. Je vous en prie, ne
-

— « Je vous en prie »,dit-- soyez point offensé si je vous


il, « ne réveillez pas le ma- demande de lui envoyer moi- '
lade à présent ; sinon, la même quelques douceurs ? »
mort ou la folie l'atteindront. — « Je vous remercie »,
Laissez-le tranquille jusqu'à dit sir Kenneth », mais' cela
l'heure de la prière du soir, est inutile. Roswal,que voici
et alors je m'arrangerai pour (et il montrait son lévrier),
qu'il se réveille en ayant pourvoit à nos repas. » Ce
.
toute sa raison. » disant, il jeta un coup d'Oei-
Les chevaliers se reti- vers un gros morceau d'an-
rèrent, et sir Thomas, qui tilope fraîchement tuée, qui
était ému à la vue de la pau- •était suspendu auprès de la
vreté de cette hutte, et qui, tente.

IV. — LE TALISMAN -

— « Voilà une histoire bien un combat, et il lutte si bien


extraordinaire, » dit le roi, que je lui aurais marqué
quand il eut entendu le récit moi-même de la faveur, si
de sir Thomas ; « mais je n'avais observé qu'il est
croyez-vous qu'on puisse hautain et présomptueux à -

avoir confiance dans le che- un degré extraordinaire. »


valier écossais ? » Le roi fut très mécontent
— « Je ne sais pas, répondit d'apprendre que le chevalier
sir Thomas, brusquement. écossais s'était rendu à
Votre Majesté sait que je Engaddi pendant le séjour
n'aime pas les Ecossais, mais de la reine et de ses demoi-
cet homme se comporte en selles d'honneur au couvent;
vrai chevalier, et j'ai pu voir car il avait remarqué, sans-
que c'était un bon soldat. » le dire jamais à sir Thomas,
— « Oui, en effet, )) fit le et avec colère, que le pauvre
roi, u je l'ai remarqué dans chevalier .écossais aimait
Edith Plantagenet. Pourtant, cinq minutes. Puis il enleva
il garda ses sentiments pour le sac et fit boire le malade,
lui, et, sachant l'effet que les en lui disant : « Bois, dors
remèdes du médecin avaient et réveille-toi guéri. »
eu sur l'écuyer malade, il — « Et pourriez-vous gué-
dit : « Faites venir tout de rir un monarque aussi sim-
suite le médecin, je me re- plement?»demanda l'évêque.
mettrai entre ses mains. » A quoi le sage médecin
— « Non pas, sire », dit le répondit :
prudent Thomas, attendons « Un roi est il plus difficile
d'abord jusqu'au soir, pour à guérir que ses sujets? »
voir si le malade est tout à Quand sir Thomas revint
fait guéri. » vers le roi, celui-ci, toujours
Le soir donc, accompagné impatient, avait envoyé
de l'évêque, sir Thomas se chercher sir Kenneth.
rendit à la hutte de sir Ken- — « Sire Ecossais », dit le
neth. Exactement comme le roi, « je vous ai observé
médecin l'avait annoncé, le dans une bataille : vous êtes
malade s'éveilla, et, quoique un vrai chevalier. On m'ap-
amaigri et le visage émacié, prend que le conseil des
il avait toute sa connaissance princes vous a envoyé, avec
et la fièvre l'avait aban- un message écrit, à Théo-
donné. doric d'Engaddi. Notre en-
— « Quel médicament em- nemi, le sultan, connaît et
ployez-vous? » demanda estime cet ermite. Savez-
l'évêque. vous si votre mission avait
— « Vous n'avez qu'à re- pour but de prolonger la
garder, je vais en donner au paix entre les deux armées?M
malade une seconde dose », — « Non », répliqua sir
Il
dit El Hakim. remplitd'eau Kenneth, « elle devrait per-
une tasse d'argent, puis il mettre de conclure une paix
tira de ses vêtements un pe- permanente et de finir cette
tit sac de soie rouge, à cou- croisade. »
lisse d'argent : « Voici mon Le roi se souleva, furieux
talisman, avec lequel je gué- de colère : « Les traîtres ! Les
ris », dit-il. Il plongea le sac poltrons! » s'écria-t-il; «et
dans la tasse, où il le laissa l'ermite, qu'a-t-il répondu? »
— Cela,
« monseigneur,je nullement la guérison du ,
n'en sais rien », reprit sir roi, répondit : « Nobles sei-
Kenneth, « mais je crois gneurs, cet Arabe entreprend
,

qu'il approuve le plan ; car, de guérir mon roi, et, s'il y


comme beaucoup d'autres, arrive, cela m'est bien égal
il est bien obligé de voip qu'il soit chrétien ou musul-
que, si le roi Richard ne man. De toute façon, je veux
conduit pas lui-même l'ar- qu'il essaye. »
mée contre Saladin, les Croi- — « Oui, je le veux »,
sés ne peuvent gagner une s'écria Richard, de l'inté-
bataille. » rieur. « Entrez tous! »
Le roi se tut, sachant bien Tous entrèrent donc sous
que cela était vrai et, à ce la seconde tente pour regar-
moment, sir Thomas entra der le médecin El Hakim,
sous la tente, comme le ser- qui, de même qu'aupara-
viteur annonçait que le vant, trempa son « talis-
grand-maître des Templiers man », comme il disait, dans
et son ami Conrad, marquis une tasse d'eau, et puis or-
de Montserrat, étaient venus, donna au roi de boire.
à la prière des princes chré- Le malade but immédiate-
tiens, supplier le roi Richard ment et, presque aussitôt,
de ne pas risquer sa vie entre tomba endormi.
les mains d'un médecin El Hakim, interdisant à
arabe. tous, sauf à sir Thomas,
Mais sir Thomas qui, avec l'entrée de la tente, s'assit
raison, pensait que beaucoup près du lit royal pour veiller
de ces princes ne désiraient son malade.

V. — LES ENNEMIS DU ROI


Si sir Thomas avait pu l'armée contre le sultan. Les
suivre le grand maître des Templiers étaient de bons
Templiers et le marquis, il soldats, mais très riches et
aurait vu que ses soupçons très orgueilleux, et le grand-
étaient justifiés. Ils ne vou- maître savait que, les Croi-
laient à aucun prix que le sades finies, les princes chré-
roi guérît pour conduire tiens s'entendraient pour
leur enlever une partie de accepta à dîner sous la tente
leur pouvoir. Il avait donc de l'archiduc, et, en s'y ren- f.
intérêt à laisser souffrir Ri- dant, il remarqua le monti-
chard. qui les eût dirigés. cule appelé « Mont Saint-
Quant au marquisConrad, Georges », situé au milieu
il savait qu'après la victoire du camp, et sur lequel flot-
les Croisés établiraient un tait, bien haut, l'étendard
roi chrétien à Jérusalem ; anglais. Cela lui inspira une
or, ce ne serait pas lui- idée de génie : dès que l'ar-
même, le roi Richard en chiduc eut assez bu de vin
préférant un autre. Aussi pour ne plus avoir sa raison,
Conrad voulait il faire la le marquis se plaignit de
plusieurs .
paix avec le sultan pour ob- voir que, bien que
tenir de lui, en échange, des princes combattissent en-
terres et de l'aide. semble dans cette guerre
Dès qu'ils furent seuls, les sainte, la seule bannière dé-
deux hommes, sans plus se ployée au-dessus du camp
cacher, s'accordèrent pour fût celle de l'AngleLerre. Cela
travailler à perdre Richard. ne semblait-il pas faire croire
« Mais l'arrivée de ce mé- que le roi Richard était le
decin tombe bien mal », dit chef de la Croisade, et que
Conrad. «Pourtant, Richard tous les autres princes étaient ;
est encore malade et, avant ses serviteurs i} i
sa guérison, il nous faut sou- Ivre à demi, furieux, l'ar- ,
lever Philippe-Auguste et le chiduc se leva dé table, et
frivole archiduc d'Autriche courut droit au Mont Saint-
contre lui. )j Georges, déclarant qu'il dé-
— « Avant sa guérison? » chirerait la bannière de l'An-
repritlegrand-maître. «Mais gleterre pour mettre la sienne
il ne faut pas qu'il guérisse, à la place. Ses amis et ses
jamais. Pas de questions, serviteurs le supplièrent de
remeltez-vous en à moi, et reprendre son sang-froid et
bonsoir », ajouta t il. de laisser tranquille le dra-
Le lendemain même, le peau anglais, mais de plan-
marquis eut l'occasion d'ir- ter le sien auprès, ce qu'il
riter l'archiduc contre Ri- fit.
chard, et voici comment : il Cependant, le bruit et le
mouvement du camp arri- chien. Le roi Richard qui,
vèrent à la tente du roi, vers malgré sa maladie,, était
le moment où El Hakim vavait d'une force remarquable,
dit que le roi s'éveillerait, saisit par la taille le pauvre
débarrassé de sa fièvre : il gentilhomme et, -le soule-
en fut ainsi. Bien qu'il fût vant en l'air, le jeta au milieu
maigre, faible et pâle, le roi de la foule. Un tumulte épou-
était guéri. Il n'avait besoin vantable se produisit : les
que de repos ; mais, dès qu'il Autrichiens tirèrent l'épée,
apprit ce qui était arrivé au ainsi que les Anglais qui ve-
sujet.de la bannière, il sauta naient d'arriver. Mais, juste
du lit et, saisissant son épée, au bon moment, le sage Phi-
il se précipita au dehors, lippe-Auguste se présenla.
suivi seulement de sir Tho- Il s'arrangea pour adoucir
mas et du chevalier du Léo- le roi hautain et irrité et le
pard. Le premier, tout en maussade archiduc, mais il
courant, envoya dire à un ne put les réconcilier ; Ri-
des seigneurs anglais de chard n'était pas d'humeur
réunir ses hommes et de se à être bien raisonnable, et
rendre au Mont Saint-Geor- sir Thomas aurait voulu le
ges sur-le-champ. renvoyer au lit. Il consentit
Quand il fut arrivé à cet enfin à se reposer, mais, aper-
le
endroit, roi, malade, arra- cevant le drapeau, il pènsa
chala bannièreautrichienne, que, la nuit, on pourrait l'a-
puis, demandant : « Qui ose battre a nouveau. Aussi, il ap-
placer cette loque auprès de pela sir Kenneth et lui ordon-
l'étendard anglais ? » il la na de veiller -et de défendre,
déchira et la foula aux pieds. toute la nuit, l'étendard de
Alors éclata une violente l'-Angleterre, et sir Kenneth
querelle ; l'archiduc était accepta la charge avec joie,
lâche, mais un de ses courti- car il voulait que le roi se
s-ans, uri noble hongrois, rendît compte. qu'il était
s'avança pour venger.l'in- brave et bien digne d'Edith
sulte faite au drapeau autri- Plaritagenet.
VI. — DÉSHONORÉ !
Minuit venait de sonner. écarlate, comme elle les ai-
Au milieu du camp mainte- mait.
nan' apaisé, auprès de l'élen- Si r Kenneth ne savait que
diir4 royal. se tenait sir Ken- faire. Il avait promis de veil-
neth, son fidèle lévrier Ros- ler sur le drapeau et-de ne
wal étendu à ses pieds. pas bouger de son poste:
Soudain, celui-ci hurla, et Mais il savait aussi que lady
uné curieuse petite créature Edith était fière et ne l'eût.
surgit dans le clair de lune pas envoyé chercher,à moins
et se présenta devant sir d'être en péril de mort. Et,
Kennelh : c'était le nain comme il hésitait, se deman-
TNectaban, l'un des deux que dant si.le message venait bien
le chevalier avait vus à la de la princesse, le nain
chapelle d'Engaddi. ajouta : « Elle vous envoie
— « Sire chevalier », dit ce message : « Dis-lui que la
le bizarre petit être, d'un air main qui a laissé tomber les
important, « je suis envoyé boutons de roses peut aussi
par une belle princesse, qui accorder des lauriers. »
te prie, en ta qualité de che- Ceci décida le chevalier
valier par elle choisi, de tout qui portait encore les fleurs
quitter et de venir à son sur lui. Appelant Roswal, il
aide. » lui fit signe de veiller sur le
— « Quitter mon poste et drapeau, puis, se détournant
perdre l'honneur ? » deman- rapidement. il suivit le nain
da sir Kenneth, croyant avoir qui, après maints détours,le -
mal entendu. poussa sous une tente en
— « Votre honneur, sire chuchotant : « Attendez ici. »
chevalier », dit le- nain , Sir Kenneth entendit bien-
« vous oblige à venir où tôt les dames qui parlaient
votre dame vous appelle ; de l'autre côté de la cloison,
elle est là-bàs, sous cette et il comprit qu'ilétait sous
tente, et, voyez, elle vous en- la tente royale de Bérengère,
voie ce gage. » En disant cela, femme de Richard, et que la
il montra la grosse bague au reine et ses daines d%onneur
rubis de lady Edith, atta- riaient ensemble. Intrigué
chée à un nœud de ruban et distinguant son nom, il
écouta et entendit la reine avant d'être déshonoré
qui appelait lady Edith ; puis, — « Noble dame », di
à son grand étonnement,elle tristement sir Kenneth », j<
expliqua à celle-ci qu'on suis déjà déshonoré. Dois-j<
avait joué, en son nom, un vous rendre votre anneau ? )
bon tour à un noble cheva- Et il lui offrit le beau rubis
lier. Lady Edith avait dit que qui l'avait mené à sa perte.
rien ne pourrait amener le — « Non, non! Gardez-le
chevalier du Léopard à quit- en mémoire de moi », dit
ter son poste, et la reine Edith ; « mais, oh je vous
!

l'avait envoyé prier, au nom en supplie, partez, partez et


d'Edith, de venir tout de tout de suite ! » (
suite à son secours ; « et le Sir Kenneth obéit mais;
chevalier est un fou, comme arrivé au mont, il vit que
je l'avais prévu », conclut la ses ennemis avaient fait leur
reine, « car le nain me dit oeuvre : l'étendard avait dis-
qu'il est venu à la vue de paru et, par terre, blessé et
votre anneau. » épuisé, le pauvre Roswal
Quand il entendit ceci, le étaitétendu.mort, selon toute
chevalier tomba dans le dé- apparence, la pointe d'une
sespoir ; mais sa détresse lance piquée dans l'épaule.
n'était rien, comparée à celle Le chevalier, eh proie à
de lady Edith : en effet, elle une douleur atroce, s'age-
savait que le roi Richard nouilla près du chien blessé.
n'avait jamais pitié d'un sol- Il fut arraché à sa peine par
dat qui désertait son poste, une voix connue et, levant
et elle comprenait que le les yeux, il vit près de lui
chevalier qui l'aimait mour- El Hakim. Le médecin ha-
rait probablement déshonoré bile retira la lance du corps
à cause de la légèreté de la du chien, puis, bandant la'
reine frivole. Avec d'amers blessure, il fit porter le lévrier
reproches à celle-ci, elle tira à sa tente par ses serviteurs.
la cloison de tapisserie qui « L'animal guérira, sire
che-
séparait sir Kenneth de la valier », dit-il; « et mainte-
chambre royale, et le sup- nant, qu'avez-vous ? Vous j.

plia de tout pardonner et me semblez avoir un grand


de retourner à son poste chagrin ? »
Sir Kenneth lui conta tout, au lieu de se disputer la Pa-
et le sage médecin hocha la lestine, chrétiens et Sarra-
tête : « Tu es en danger, car sins feraient mieux de la
Richard ne pardonnera pas. partager en moitiés égales ;
Je t'en prie, enfuis-toi jus- et que, afin d'assurer la paix,
qu'à ce que sa colère soit lady Edith Plantagenet serait
passée, et va servir mon donnée en mariage au sul-
maître, le sultan. » tan. L'émir que tu as ren-
— « Moi, un chevalier contré en route était chargé
chrétien, devenir un infi- de régler l'affaire pour le
dèle ? » demanda sir Ken- sultan. Le roi Richard -ne
neth, irrité. sait rien de cette proposition;
— « Tu peux garder ta re- mais les autres princes la
ligion », dit le médecin avec connaissent et-sont tous con-
négligence, » et tu n'as pas sentants. »
besoin de te battre contre tes — « Ils consentent !
» s'é-
frères. Essaye,plutôt de faire cria le chevalier ; « ils con-
conclure la paix, en servant sentent à vendre lady Edith
de messager entre le sultan au sultan Oh cela est trop
! !

et le roi. Sais-tu quelles affreux Le roi Richard le


!

étaient les conditions de la saura sur-le-champ !»


paix que tu as transmises à Et, quittant brusquement
l'ermite ?» lp médecin, le chevalier se
— « Non », dit sir Ken- précipita, tête baissée, sous
neth. la tente de Richard.
— « Le traité portait que,

VII. — CONDAMNÉ A MORT


En apprenant de sir Ken- plotaient de donner lady
neth qu'il avait déserté son Edith au sultan. Fou de co-
poste, le roi eut une colère lère, le roi déclara qu'il ai-
terrible, et il voulut mêmele mait mieuxvoir Edith épou-
tuer ; sa fureur ne diminua ser un païen qu'un Ecossais
pas quand le chevalier l'aver- félon, et, appelant le bour-
tit que, pendant sa maladie, reau, il lui ordonna de tuer
les princes chrétiens com- sir Kennéth aussitôt qu'il
se serait confessé. Un moine Richard, qu'on appelle « le
carmélite vint assister le brave », je te dénoncerai à
pauvre chevalier qu'on em- tous les pays d'Europe, à
mena sous bonne garde. tous les chevalier's, à toutes
Pendant ce temps, la reine, les nobles dames, comme un
épouvantée et honteuse, roi ingrat et impitoyable. D
maintenant, de sa plaisan- — « Ingrat et impitoya-
terie stupide, se rendait sous ble ! » s'écria Richard; j'ai-
la tente de son mari pour merais mieux qu'on m'ap-
plaider la grâce de sir Ken- pelle mendiant et infidèle.
neth. Mais, pour une fois, le Prends ce que tu demandes,
roi ne voulut pas l'écouter mais emmène ce traitre
et, quand lady Edith se joi- écossais quelque part où ja-
gnit à Bérengère pour l'im- mais je ne pourrai le re-
plorer, il fut plus irrité voir ! ).
encore, apprenant ainsi Hakim partit donc, emme-
qu'Edith aimait sir Kenneth. nant le malheureux sir Ken-
— « Vous quitterez la cour neth, et le roi se mit à faire
et passerez votre vie dans un ce qu'il aurait dû faire d'a-
couvent », dit le roi. « Et, bord, 'et chereha comment
quant au chevalier, il mour- s'était produite l'affaire de la
ra, et tout sera dit. » bannière. Par les dames
Le roi s'obstinait, et d'honneur, il apprit tout ce
sir Kenneth serait certai- qui concernait le tour stu-
nenient mort, sans l'inter- pide de la reine, et décida de
vention d'El Hakim, le mé- la gronder comme il conve-
decin, qui demanda la vie nait. Mais Bérengère n'avait
de sir Kenneth en récom- pas pardonné-au roi son re-
pense, parce qu'il avait guéri fus : elle fit la moue,pleura,
le roi. devint maussade, et, loin de
Celui-ci offrit, à 'la place, la gronder, le roi dut la con-
mille captifs; mais El Hakim soler et s'excuser. Quant à
secoua la tête ; il ne voulait lady Edith, elle parla peu,
rien autre que la vie de sir mais le peu qu'elle dit fut
Kenneth, et, comme le roi accompagné de tant de hau-
refusait toujours, le médecin, teur et de sévérité que le roi
dit : « Alors, ô puissant roi comprit que sa royale cou-
contrer
sine le considérait comme un « Non, partons plutôt
monarque violent et
-

sans- Saladin aussitôt que la pré-


grande dignité. sente trêve sera terminée. J
Il tourna donc son atten- vousconduirai,etpuis quan -
tion sur les hommes avec la victoire sera gagnée, j
lesquels il était mieux à mê- me retirerai en vous laissar ^
me de discuter. Et d'abord, la gloire. »
il bannit l'infortuné nain Ce discours gagna l'apprc ^
Nectaban et sa femme, et le« bàtion des soldats et de
envoya en cadeau au sultan ; pauvres Croisés, près des ^
puis, il se rendit en hâte au quels il était toujours popi:
Conseil des princes chré- laire ; mais, commeils quiT_
tiens pour accuser l'archiduc -taient la salle du Conseil, 1
d'Autriche d'avoir dérobé la grand-maître des Templier -
bannière. Mais le Conseil dit à Conrad, marquis d
était déjà fort désireux de se Montserrat-: « Vous n'ave
réconcilier avec Richard. Ils pas bien organisé cette af
acceptèrent d'employer tous faire de la bannière ; c'esj
les moyens possibles pour moi, maintenant, qui vai-
trouver et punir le voleur ; travailler. La nuit dernière:,
mais l'archiduc se défendit, on a arrêté dans le camp, olf
sur l'honneur, d'être cou- il rôdait, un jeune Sarrasin^
pable. et on_me l'a amené. Il es
Richard, toujours géné- fou, et dit qu'il est venu pou
reux, aurait volontiers re- tuer le roi Richard. Au bor-
noncé à une querelle déshoT moment, je m'arrangera h
norante pour des princes pour le relâcher, et, quanc
chrétiens; mais quand il en- vous apprendrez que Richarc
tendit encore parler d'une est mort, vous comprendre:
paix perpétuelle, il dit : que j'ai réussi. T>

j
VIII. — LE DÉFILÉ DEVANT LE DRAPEAU -

Pendant ce temps, le mé- vers le désert. Le pauvre


decin El Hakim, suivi de sa sir Kenneth les accompa-
troupe de serviteurs, se diri- gnait et, sur un "chameau,'
geait, rapidement à cheval près de luitdans un granc1
et]
panier d'osier était couché « Je le pensais bien;
son lévrier blessé. Toute la sais aussi que vous air
journée ils voyagèrent à tra- cette lady Edith que nci
vers le désert ; ils arrivèrent sultan, je l'espère, épousa
enfin à la source appelée le Mais je voudrais que vous
Diamant du Désert, où sir viez votre honneur aux y<
Kenneth avait rencontré le des chrétiens. Vous n'y a:
guerrier sarrasin Ilderim verez qu'en découvrant
pour la première fois. Alors, voleur de la bannière et
voyant que le chevalier avait le provoquant en- duel-
l'air malade, El Hakim lui m'est venu à l'idée que vc
fit prendre un cordial qui lui chien Roswal pourrait v
permit bientôt de dormir. y aider. Il est si fin que,
En s'éveillant, il se trouva qu'il verra celui qui l'a a.
étendu, non sous les pal- qué, il se jettera sur 1

miers, mais dans une belle Quand il sera tout à fait


tente de fine soie, et il recon- tabli, je vous déguiserai t<
nut qu'il était dans le camp deux de telle manière qu
du sultan. Près de lui se te- ne vous reconnaîtra pas,
nait El Hakim, mais quel El je vous renverrai au çarr
Hakim ! Il avait bien la voix mais je le ferai à une se
du médecin, mais était vêtu condition : vous emporte
en guerrier sarrasin. En ré- une lettre du sultan à la
ponse aux questions du che- Edith. » '•
valier, il répondit : — « Oui, Le chevalier accepta,,
c'est moi, El Hakim, qui ai pensant : « Lady Edith ne
guéri votre roi ; et je suis soucie plus d'un chevall
aussi cet Ilderim qui s'est déshonoré, et elle n'épous,
battu avec vous près de la jamais le sultan païen : ]
mer Morte, et j'ai encore suite, il n'y a pas de ma
d'autres noms. Et pourquoi faire tout cela. »
pas? Ne portez-vous pas, Quatre jours plus tard,
vous-même, un autre nom roi Richard se reposait dî
qué celui de chevalier du sa tente, lisant des messa-
Léopard ? » venus d'Angleterre, qua
Sir Kenneth rougit, sur- on lui dit qu'un Nubii
tout quand El Hakim ajouta : messager noir du sultan, <
1
sirait le voir. Ce .messager que l'homme couché pa:f
n'était autre que sirKenneth; terre se rapprochait de plu-
il apportait une lettre du en plus de la tente. Il se tiri
sultan, par laquelle celui-ci donc prêt, et, quand le Sarru
remerciait le roi de lui avoir sin bondit soudain sur le ro i)
offert les nains, et lui en- le poignard levé, le Nubief
voyait, en échange, un es- l'attrapa et engagea une lutte
clave de Nubie, qui était avec lui. Armé d'un taboure J

muet, mais intelligent, et le le roi fracassa le crâne d


servirait fidèlement. Le roi l'assassin; puis, voyant qup
regarda d'un œil pénétrant le poignard avait percé 1

le Nubien, un très bel peau du noir, il suça la bief


homme, et lui dit : « Tu de- sure de toutes ses forces d
meureras sous ma tente et te peur que l'arme ne fût eir
rendras utile; pour com- poisonnée. : f

mencer, tu peux polir cette L'esclave tenta de l'en err


armure. » pêcher, mais ne réussit pas
Puis, il reprit sa lecture, et, aussitôt que le roi l'eu
et le nubien se mit à frotter touché, il reconnut que C
l'armure; au dehors, les sol- n'était pas un Nubien (Afri ;
dats s'amusaient aux dépens cain à peau noire) ; comm
d'un Sarrasin ivre, qui dan- il était très avisé, il devin
sait en criant parmi eux. De tout de suite que son esclav
temps à autre, ce Sarrasin muet était sir Kenneth, et i )
tombait épuise èt, à la fin, il lui dit : « Mon ami, tu m'a
parut s'évanouir. Les soldats sauvé la vie. Je voudrais qu :

le laissèrent alors tranquille, tu puisses faire encore da


de peur que le roi ne se fâ- vantage pour moi, en décou
chât. vrant celui qui a volé la ban ,
Or, ce Sarrasin ivre était nière de l'Angleterre. Voie ;
l'assassin dont le grand- un parchemin, écris, et ej v^
maître des Templiers avait français si tu peux. »
parlé à Conrad. Le Nubien Sir Kenneth se dépêch
l'ignorait; mais, tournant le d'écrire, car il avait appri
dos à la tente, il vit, dans le que le Conseil des princes
bouclier qu'il polissait et qui pour adoucir davantage 1
faisait comme, un miroir, roi, avait ordonné que
f
lendemain, uti autre éten- d'argent, s'avançait, le chi<
dard royal flotterait sur le poussa un grondement <

mont Saint-Georges, et que colère et, rompant sa laiss


tous les princes et les sol- il fit un saut formidable et
dats le salueraient en défi- saisissant le marquis à
lant. gorge, il le fit tomber de se
« Permettez-moi de me cheval. Immédiatement,
tenir près du drapeau », écri- tumulte éclata, et le roi B
vit le Nubien, « et je trou- chard s'écria : « Conrai
verai le voleur. » marquis de Montserrat, je
Lelendemain,donc quand, déclare coupable de hau
le roi Richard, son frère et trahison !»
un grand nombre de ses no- Conrad ne fit qu aggravi
bles furent réunis sur le son cas en disant précipi
mont, auprès de la bannière, tamment : « Je n-ai jamaj
le Nubien resta près d'eux, touché à la bannière l »
tenant en laisse le magni- — « Et je n'en ai pas par]
fique lévrier, Roswal. De non plus », dit Richard ; « c
temps à autre, le roi jetait un que tu dis prouve que tu n'£
coup d'oeil sur le chien, pas la conscience tranquille.
quand les chefs chrétiens Cette fois, la querelle éta
défilaient, et il était fort si grave que le prudent ro:
anxieux quand ce fut le tour Philippe de France lui
du désagréable archiduc même, ne pouvait rétablir 1
d'Autriche. Mais le chien paix. On décida donc que
demeura absolument calme, cinq jours plus tard, Conra<
et le roi fut déçu, car le vo- de Montserrat se rencontre
leur n'était pas encore dé- rait en champ clos, et se bal
couvert, et le cortège était trait avec un champion qu
presque passé. Seuls, le remplacerait le roi Richard
grand-maître et son ami Celui-ci voulait se battre
Conrad restaient encore en mais sa vie était trop pré-
arrière. cieuse pour son peuple pou)
Alors, un coup de théâtre qu'il la risquât ainsi.
se produisit ; comme le mar- — « Et, dit le pauvre ro
quis Conrad, superbe, riche- Philippe Auguste, je me dei,
ment vêtu. étincelant d'or et mande où ils - se battront
ici, tous les soldats vou- ses premiers mots. Après
draient prendr-e part aussi l'avoir regardé tristement,
au combat » ! elle lui dit : « Je vous avais
— « Alors, demandons, au reconnus, vous et votre lé-
sultan de nous prêter son vrier, en vous voyant au
camp ; quelques nobles de mont Saint-Georges. Oh va- !

chaque côté seront témoins leureux sire Kenneth, que


du duel », dit Richard. veut dire tout ceci^ »
Il fut décidé que Richard Le malheureux chevalier
enverrait un message au sul- se rappela que le" roi avait
tan par l'intermédiaire du confiance en lui; il ne vou-
Nubien. « Et, » dit Richard lut pas manquer à sa parole
en s'adressant à celui-ci, une seconde fois pour Edith,
« comme je dois encore
choi- et il se contenta de paraître
sir un champion pour lutter encore plus malheureux et
contre ce traître de Conrad, de secouer la tête.
vous pourriez, j'imagine, « Oh ! brave chevalier
trouver au camp du sultan chrétien, oubliez la honte et
un guerrier chrétien qui vou- le déshonneur, et parlez à la
drait bien se battre à ma pauvre dame qui a causé
place; si oui, j'accepte. » tous vos malheurs », dit
Sir Kennelh comprit tout Edith d'une voix suppliante.
de suite que le roi le recon- Alors, comme sir Kenneth
naissait, et lui jeta un rapide restait muet et se tordait les
coup d'œil de gratitude; mais mains, désignant la lettre du
il ne dit rien, et le roi conti- sultan, elle la prit en faisant
nua : « Tu as une lettre du ouserver a un air irrite : « Je.
sultan pour Edith Planta- vois qu'après tout, mon brave
genet. Remets-la lui, et rap- chevalier n'est qu'un esclave
pelle-toi que tu es un esclave d'Orient. Eh bien, je vais lire
muet. » Sir Kenneth s'incli- cette lettre. »
na. sachant bien que le roi Celle-ci l'irrita encore
lui défendait ainsi de parler plus : elle était mécontente
à Edith. du sultan qui l'avait écrite,
Mais cela lui devint bien et mécontente de sir Kenneth
diftieile quand il s'agenouilla qui l'avait portée.
devant la dame-et entendit — « Retourne vers ton'
?

maître, esclave », dit-elle, sez », reprit le roi, « car le


« et rapporte-lui comment pieux ermite d'Engaddi a lu
-

Edith Plantagenet a traité sa dans les étoiles que votre


lettre. Elle la foula aux pieds mari sera chrétien et que
avec colère, et sortit en cou- votre mariage me réconci-
rant de la tente. liera avec un puissant enne-
Encore plus affligé, sir mi. Cela ne vaudrait-il pas
Kenneth retourna vers le roi; la peine d'épouser un. païen
mais Richard ne remarqua si, par là, vous faisiez de lui
pas sa douleur, car il avait un chrétien, et mettiez un
un autre visiteur. C'était Son terme à ces guerres déplo-
ami Blondel, le musicien, rables ? »
son fidèle. Blondel,. qui, un Mais Edith, aussi fière que
jour, avait découvert le lieu le roi, refusa de ge sacrifier
où le roi Richard était retenu ainsi.
en captivité. — « Au moins, attendez
Richard, qui adorait la mu- de l'avoir vu », dit le roi,
sique, fut ravi de le voir; et « car je crois qu'il èst très
le poète dut chanter ses beau. Bérengère veut assister
chants les plus beaux et les .au combat, et, naturelle-
plus nouveaux devant la ment, ses dames d'honneur
reine et ses dames d'honneur. l'accompagneront ; attendez
Ensuite, le roi reconduisit donc de voir le sultan de vos
lui-même celles-ci à leur propres yeux. »
tente, et en route, il demanda Pourtant, la lettre que lé
à Edith quelle réponse il de- roi Richard envoya- au sul-
vait rendre au sultan : « Dites- tan ce soir-là, par l'intermé-
lui », répondit Edith, « que diaire du Nubien, ne laissait
je n'épouserai jamais un guère espérer au pauvre chef
païen. » musulman qu'Edith cpût ja-
— « Pourtant, réfléchis- mais changer d'avis.
IX. — AU CAMP Dt SALADIN

Le lendemain matin, le tière au milieu de la petite \i

roi Richard se trouva très troupe, avaient assez peur,


malheureux, car tous les car le désert était bien soli-'
princes chrétiens vinrent lui taire et leur suite était bien
annoncer leur intention de faible ; déplus, elles n'avaient
quitter la Croisade etde re- pas en le sultan Saladin la.
tourner avec leurs soldats même confiance que le roi.
dans leurs pays. Naturelle- On arriva enfin à une col-
ment, le roi Richard ne p-ou- line. qui dominait le camp
vait, tout seul, lutter contre sarrasin, et ils virent un spec-
l'armée des Sarrasins, très tacle magnifique.
bien exercée, et contre le Devant eux se déployaient
sultan; il comprit donc qu'il des centaines et des centaines
lui fallait renoncer à la Croi-de tentes de soie, et l'on aper-
sade et faire la paix avec cevait des chevaux et des
Saladin. hommes en grand nombre.
Celui-ci, charmé que le Aussitôt que l'armée aperçut
combat entre Conrad et le la petite troupe, les musi-
champion du roi eût lieu ciens battirent du tambour
sur ses domaines, fixa un et des cymbales, en signe de
endroit, près de la source bienvenue, et les cavaliers,
nommée le Diamant du Dé- sautant en selle, arrivèrent
sert. Richard devait venir au galop, lançant des volées
avec cent hommes armés, de flèches par dessus la tète
ainsi que Conrad. Le sultan des chrétiens. Les dames
amènerait une garde de cinq furent encore plus effrayées,
cents guerriers, et pourvoi- et, comme aine flèche avait
rait à l'organisation du spec- frappé la litière de la reine,
tacle. elle poussa un cri de terreur.
La veille du jour fixé, Ri- Richard, irrité, .allait lever
chard et sa suite se mirent son épée, mais Edith, se pen-
en route. Le roi était d hu- chant hors de la litière, lui
meur gaie et joviale; mais la dit: « Noble roi, prenez garde-,
reine et ses dames d'hon- à ce que vous faites. V oyez,
1 neur, qui voyageaient en li- ces. flèches sont époiutées.
sultan nous souhaite sou- reine et ses dames se diri-
ment la bienvenue à la fa- gèrent vers la leur ; le sultan
on militaire, parce que vous et toute l'armée sarrasine
es vous-même un roi guer- baissèrent les yeux sur leur
,er. » passage, les Musulmans trou-
vant impoli de regarderles
-
— « Ma foi, vous avez rai-
on », dit le roi; « bien en- dames quand elles ne sont
_
!ndu, tout s'explique ; al- pas voilées.
ons, soldats, tenez bien, et Sous la tente, le sultan
.
e montrez aucune crainte.» examina curieusement son
A ce moment, la pluie de hôte royal. Les jambes et les
-
èches cessa', et les guerriers bras robustes de Richard, et
rrêtèrent leurs chevaux en aussi son énorme épée sem-
.
grandissant leurs lances. blaient l'intéresser particu-
lors, en face de lui, le roi lièrement ; il fallait les deux
richard put voir, magnifi- mains pour se servir de cette
quement équipés, des cen- arme.
taines de soldats montés sur — « Il ne me paraît pas
'de splendides chevaux possible qu'un homme sou-
ara-
bes. Leurs rangs s'ouvrirent, lève une épée si lourde », dit
ët le sultan passa au milieu. Saladin, « je voudrais bien
1 était vêtu de blanc, avec voir le roi s'en servir. »
uneceinture de soie cramoi- — « Volontiers », dit Ri-
sie. Sa seule arme était une chard, et, comme il regardait
épée recourbée et dorée, autour de lui, il vit une
appelée cimeterre ; mais il massue dont la tête et le
portait trois joyaux : un à manche étaient en fer. Il la
son turban, un sur sa bague passa sur un billot de bois,
Jet un à la poignée de son recula de quelques pas, fit
jépée ; chacun valait proba- tourner une fois l'épée au-
blement plus que tous les tour de sa tête, et, d'un coup
bijoux de Richard. terrible, coupa la barre de
Gravement, mais avec cor- fer en deux.
dialité, le sultan souhaita la Le sultan loua très haut
bienvenue à Richard, eL le son habileté, et sir Thomas
conduisit à la tente superbe marmotta : « Oui, vous ne
,
qui lui était réservée, La pourriez pas faire cela » !
Et comme s'il eût compris, Le sultan fit signe à un
le sultan reprit : esclave qui lui apporta uij
— « Je me demande s'il y grand bonnet de peau d6
a quelque chose au monde mouton noire, comme celui
que le noble roi Richard ne d'El Hakim; Saladin le mij
sache pas faire?» à la place de son turban
Puis, plaçant un coussin blanc, et, à l'instant, le roi
de soie, debout par terre, il reconnut que le sultan et le
demanda « Frère, peux-tu médecin n'étaient qu'une
:

couper ceci en deux avec ton seule et même personne. 4


épée ? » — « Tu es venu sous ma
— « Certainement non », tentetu, m'as guéri, et tu m'as
dit Richard, « aucune épée demandé la liberté du che.;
ne pourrait trancher d'un valier du Léopard », dit le1
coup un objet aussi moel- roi étonné ; « sais-tu que céi
leux. » même chevalier aime lady
Le sultan sourit et, tirant Edith, que tu veux épou-j
son cimeterre recourbé, il ser ? » g
gé^
s'avança et passa légèrement —« Je le sais », dit le
la lame au travers du cous- néreux sultan; «je sais aussi]
sin qui tomba en deux mor- que cette dame l'aime, et non]
ceaux. pas moi. C'est le destin. Jej
Le roipoussaun cri d'éton- suis l'ami du chevalier, et jej
nement, et sir Thomas dé- fer-ai de mon mieux pour;
clara que c'était de la magie ; l'équiper pour le combat dei
le sultan, alors, enleva son demain. Mais, excuse-moi,:
voile, le jeta en l'air et, avec j'entends une sonnerie, cela
son cimeterre, coupa en deux veut dire que Conrad, le
l'étoffe flottante. marquis et sa suite appro-
— « Frère'», dit le géné- chent, et, bien que je n'aime
reux roi, « si j'ai fait ce que ni ce lâche marquis ni son
tu ne pouvais faire, tu as ami le grand-maître, ils sont
accompli ce que je ne saurais mes hôtes, et je dois leur sou-
accomplir ; èt maintenant, haiter la bienvenue. » ^

puis-je voir et remercier le — « Sir Thomas », dit le roi


médecin, El Hakim, que tu quand le sultan fut sorti,avez
m'as envoyé pour me guérir?» vous vu notre champion,
et est-il convenablement — «
Dites-lui de ma part,.
équipé ? » ajouta le roi, «que, s'il est
— «Oui», répondit sir vainqueur demain, il aura
Thomas, « -et j'ai été bien racheté sa faute dans l'affaire
étonné de voir que ce cham- de la bannière. »
pion, c'est sir Kenneth. Il a Puis le roi se rendit, avec
un air si différent sous l'ar- plusieurs nobles et Blondel
mure splendide que le sultan le musicien, sous la tente de
lui a fournie, que, sans son Bérengère, pour y passer la
lévrier Roswal, qui est venu soirée au milieu des chants
à moi en bondissant, je ne et des joyeux propos.
l'aurais pas reconnu. »

X. — LE COMBAT
Le combat du lendemain aurait tout confessé, si le
devait avoir lieu une heure grand maître ne l'en eût em-
après le lever du soleil ; long- pêché, sachant.que sa propre
temps avant, une foule énor- culpabilité serait aussi, dé-
me se tenait aux endroits d'où voilée. Quand l'ermite vit
l'on pouvait le mieux voir le que Conrad ne voulait pas
spectacle. Des siège élevés se confesser à lui, il dit :
étaient réservés aux princes, « Adieu, malheureux ; et
et la reine et ses dames quant à vous », ajouta-t-il
d'honneur avaient une tri- en se tournant vers le grand
bune fermée d'où elles pou- maître, « tremblez 1 »
vaient voir sans être vues. — « Trembler ? je ne le
Sir Kenneth était plein pourrais pas, même si je le-
de courage, espérant recon- voulais ! « dit le jgrand maî-
quérir son honneur. Mais tre. « Et », ajouta-il en lui-
il n'en était pas ainsi de même, « si le marquis ne
Conrad. Il s'était aperçu que triomphe pas, j'espère que
son adversaire mystérieux l'Ecossais le tuera bel et bien.
était sir Kenneth ; de plus, Il ne se confessera jamais si
l'attaque du chien lui avait je puis l'en empêcher ! »
fait peur ; il envoya donc Une grande acclamation
chercher l'ermite, et il -lui se fit entendre pàrmi les An-
glais, quand la voix des hé- vant notre reine, pour
rauts annonça que le mysté- qu'elle le félicite ! »
rieux champion était sir Dans la tribune de la
Kenneth. Pendant quelques reine, ce n'étaient que joie
minutes, les deux guerriers et compliments. Le cheva-
purent lutter, car tous deux lier du Léopard s'agenouilla
étaient d'excellents cavaliers et, selon la coutume, la reine
et de bon soldats ; mais sou- lui ôta ses éperons ; Edith,
dain Conrad eut le dessous, la seconde par le rang, dé-
et sir Kenneth le frappa d'un laça le casque. Comme le
dur coup de lance. Le mar- noble visage de sir Kenneth
quis tomba à terre, la poitrine était à découvert, le roi dit,
ouverte. Comme les hérauts en éclatant de rire : « Savez-
lui enlevaient son casque, il vous qui est là ? Le chevalier
murmura : « Que voulez- du Léopard ?... Que non pas !
vous ? J'ai été déclaré cou- Un jour, il sera roi, car il se
pable et je suis coupable. nomme David, prince royal
Donnez-moi un confesseur.» d'Ecosse. Voilà le secret
Richard supplia alors le qu'il a confessé à l'ermite ;
sultan d'employer le talis- celui-ci n'a pas voulu le ré-
man pour sauver Conrad. péter, et le bon chevalier
Saladiu accepta, en disant était bien trop fier pour me
froidement : « Qu'on le porte le dire lui-même » !

sous ma tente. » — « Alors, comment votre


— « Non. » dit le grand Majesté l'a-t-elle appris ? »
maître. « Je veux qu'il soit demandèrent les dames.
transporté sous ma tente : Parce que répondit
— « »
,
la sultan peut venir l'y soi- en riant le roi, j'ai reçu
gner ! » d'Angleterre des messages
— « Fais cela, mon bon où l'on me disait que le
Saladin, je t'en supplie, » dit prince royal d'Ecosse ser-
Richard. « Et maintenant, vait sous ma bannière sans
continuons ce que nous la permission de son père,
avons à faire! Sonnez de la et que, quand le roi Guil-
trompette, soldats de l'An- laume d'Ecosse l'avait ap-
gleterre, tandis que nous pris, il était devenu fou
emmenons le vainqueur de- d'anxiété, se saisissant de
tous les Anglais qu'il pouvait et mettre fin àcette guerre?»
arrêter, pour les garder en — « La, vision de l'ermite
otage jusqu'au retour de son était exacte » r dit le roi ;
fils. C'est à ce moment-là « mais le prince que vous
que je découvris, en suçant devez épouser est déjà chré-
la blessure de mon esclave tien, et la guerre que termi-
nubien, qu'il avait la peau nera votre mariage, c'est la
teinte, et, en rapprcchant les guerre entre l'Angleterre et
faits, je devinai la vérité, lit l'Ecosse. Ainsi, assez parlé,
maintenant, cousine Edith, belle cousine, car vous allez
donnez votre main au prince l'épouser, que vous le vou-
que vous aimez. » liez ou non. Et maintenant
— « Vraiment, » dit Edith, rappelez-vous tous que le
souriante et rougissante, sultan a invité ses nobles
mais toute prête à taqui- hôtes à un banquet qui aura
ner le roi. « Je croyais lieu aujourd'hui à midi, sous
que je devais épouser le sul- la grande tente noire au mi-
tan, faire de lui un chrétien lieu du camp. »

XI
La tente noire dont ayait son épouvante, il ne pou-
parlé le roi Richard était vait articuler que les mots :
remplie de tentures somp- « Oh entends moi,très grand
!

tueuses et de beaux coussins, sultan, je t'implore !»


de boissons fraîches, de mets Le sultan, qui ne refusait
délicats, de vaisselle d'or et jamais d'écouter l'exposé de
d'argent, et de tout ce que torts ou d'injustices, l'enga-
l'hospitalité du sultan pou- géa à reprendre courage. et à
vait offrir. parler franchement. Il ne put,
Au milieu, Saladin se te- du reste, l'écouterlongtemps,
nait debout, attendant ses car les trompettes annon-
invités ; soudain, sans de- çaient déjà l'arrivée des
mander de permission, le hôtes. Avec une courtoisie
nain Nectaban se précipita gracieuse, Saladin accueillit
sous la tente. Les yeux lui les princes chrétiens avec
sortaient de la tête et, dans un respect particulier pour
le prince royal d'Ecosse ; — « Noble Richard, et
« quoique », dit-il, vous vous, mes hôtes, il n'y a
m'eussiez été également cher point ici de trahison. Si cet
si vous n'aviez été que l'hum- homme eût goûté au vin de
ble sir Kenneth; qui s'est ma coupe, par toutes nos
battu avee moi près de cet lois de l'hospitalité, je n'au-
endroit, il n'y a pas si long- rais pas osé lui faire de mal,
temps ; car j'aime un soldat et pourtant il était juste qu'il
brave et généreux, quelle que mourût. Pendant cette heure,
soit sa naissance. » il a tué son ami Conrad, que
Après ce gracieuxdiscours, j'avais laissé endormi sous
le sultan porta la santé de sa tente après lui avoir ad-
ses hôtes avec une grande ministré le talisman qui de-
coupe de sorbet glacé. Après vait le guérir. »
le prince d'Écosse, l'archiduc — « Cela est impossible » !

d'Autriche but et passa la s'écria-t-on ; a ils étaient


coupe au grand-maître. A ce amis 1»
moment,le sultanfitun signe, — « Avance, et conte ton
et le nain s'avança rapide- histoire, nain » commanda
1

ment en disant très haut :


le sultan.
« Prenez ceci. »
Le nain conta alors com-
Le grand-maîtretressaillit, ment, par curiosité, il s'était
puis se remit et souleva la glissé sous la "tente où le
coupe ; mais avant qu'il pût marquis dormait, et com-
boire, le léger cimeterre du ment, en entendant des pas,
sultan étincela en l'air et, en il s'était caché derrière un
descendant, coupa la tête du rideau. De là, il avait vu le
grand-maître : elle alla rou- grand-maître entrer et ré-
ler à l'extrémité de la tente. veiller Conrad. « Que vou-
Il y eut un cri général lez-vous ? ». demanda le mar-
contre ce que tous croyaient quis. — te Je suis venu vous
une trahison, et l'archiduc confesser », dit le grand-
d'Autriche fit un bond en maître. « Prenez ceci ». Il
arrière, pensant que le sul- avait l'air de lui donner le
tan l'attaquerait ensuite. Sacrement, et, en parlant, il
Mais ce dernier dit d'une lui plongea un poignard-dans
voix calme : le cœur, »
— Voilà
« ce que m'a conté votre ligue de princes chré-
le nain », dit le sultan. tiens est dissoute et, seul
« Vous pourrez voir par vous- avec votre armée anglaise,
mêmes le corps du marquis. vous n'êtes pas assez fort
Quant au grand-maître, vous pour lutter contre moi ; en
savez quel effet ont produit outre, ma présence est né-
sur lui les mots : « Prenez cessaire à mon armée et, si
ceci ! » En voilà assèz à son je tombais dans un combat,
sujet Enlevons son corps
1 je n'aurais pas de fils pour
de notre présence, et chas- me succéder. Mais faute de
sons sa mémoire de notre vous donner cette satisfac-
esprit. » tion, noble Richard, je vous >
Mais cela n'etait pas très accorderai tout ce que vous Ï
facile, et, pendant le ban- me demanderez. »
quet, le seul prince chrétien Les deux puissants princes,
qui fût parfaitement à son qui s'étaient naguère abor-
aise était le roi Richard, qui dés ennemis, se séparèrent
dit à son hôte : « Noble sul- donc en amis, pour ne plus
tan, vous avez combattu avec jamais se rencontrer.
le prince royal d'Ecosse. Ne Le lendemain, les chré-
voulez-vous pas,maintenant, tiens retournèrent au camp
vous battre avec moi? Le et, peu après, Edith Planta-
prix du combat sera la pos-- genet épousa le prince royal -
session de Jérusalem? » d'Ecosse ; et Saladin qui
— « Rien ne me plairait da- éprouvait une grande affec-
vantage, mais je n'ose pas», tion pour l'obscur cheva-
reprit le sultan ; « nous bat- lier qu'il avait soutenu dans
tre pour la possession de les malheurs, et pour la
Jérusalem serait maintenant courageuse femme qui- l'ai-
x

ridicule, puisque je la pos- mait, leur envoya, en pré-


sède déjà ; de plus, pour moi sent de noce, le précieux
comme pour vous, c'est une « Talisman » grâce
auquel il
ville sainte. Vous ne pour- avait opéré tant de guérisons
rez jamais la reprendre, car fameuses.
RECREATION
-

CHARADES
1° Offert par mon premier, mon second est aimable ;
Mon tout de pùr froment est toujours préférable.
2° On traîne mon premier;
On aime mon second ;
On brûle mon entier.

JEUX DE LETTRES
Avec les lettres qui entrent dans les mots suivants, composer un
proverbe connu :
Ile — toit — tante — œuf — pas — si — dit — pain

DEVINETTES
1° En monarque je passe au milieu de la cour ;
Toujours un menu peuple autour de moi criaille ;
Mes sujets sont de plume, et mon trône est de paille,
Et je suis toutefois le prophète du jour.
2o Pourquoi un coiffeur et un peintre se ressemblent-ils ?
3° Quels sont les gens les plus maladroits ?
41 Dites en un seul mbt : Mets ton pain sans croûte au pot.

SOLUTIONS DU N° 73
CHARADES. —1° Verglas (Ver - Glas). — 2° Poteau (Pot - Eau).
PROBLÈME.
— L'ouvrier est à 600 mètres (assis, sans mètre).
DEVINETTES. — 1° La terre.— 2° Un Concert vocal, parce qu'il
est touchant (tout chant), — 4° Parce qu'un bienfait (un bien rait)
n'est jamais perdu. — 4° Un nombre impair. — 5° C'est votre mère
ou votre tante.

1. Proposées par Mlles Suzanne et Gabrielle L..., de Nantis,


KOTS A TROUVEE ' %

La gravure ci-dessus représente 24 personnages, animaux,


plantes, fleurs et objets divers dont le nom commence par la
lettre J.
Trouver ces 24 mots. i

Désignation des 17 mots de la lettre 1.


(Voir N° 73)
Ibis — Idole — Iguane — Image — Incendie — Index —
Indiens — Inondation — Insectes — Instruments — Invalide
— Iris — Isard — Isocèle (triangle) — Isthme —-
Italienne.
Tous les écoliers doivent avoir un
- DICTIONNAIRE
LAROUSSE
C'est aussi un livre in-
^ dispensable dans la fa-
mille. Les petits Diction-
naires Larousse sont
5Sf4 les meilleurs de tous les
W ^Tlf r*' ^(\L*
A
dictionnaires manuels, les
%l,0et?
*38? 1^1 jirUSjj plus complets, les plus
. intéressants,mieux illus-les

M4SÎRE trés. Ils sont


jMfa toujours
ir
«Lk-
Trot. éditions
r
Jgg ^TaP0^>
r
:
S SI ^ jï'
Petit Larousse 3
Ulustré. 1 664
j*
«âges, 5 800 gT.,
1
JT. »
& *r-^fîSk*
h*H«»
^ /4w»
i3o tableaux et 120 par- y Cf0£&? 'fa,
IwfcvlrJ
tes en noir et en coul.
-Larouselassiqs,e8330
ill-ustré, 1
dont Jù tM
r ftfl0tP*
1-100pages, -bo gravures, 114 cartea, .g
7 encouleurs, 70 tableaux dont 2 en cou-leurs.
Nouveau Dictionnaire Ulustrd, *£ /A y^[ U^jf

1224 pages, 2 000 gravures, 2JT* 60


24 cartes, 2 planches en coul. *
Envoi franco contre mand«Hx>*le. Pour ia Pttii Lywwe
yiMi fai» d W dam 1« lw«SW« M» d«m-viu F ta che" de te et * 1 fr.
LES LIVRES ROSES

en volumes élégamment cartonnés


fi
f:
M

Chaque 24 :

volume Volumes
comprenant
en vente
trois
comprenant
numéros,
les J?
cartonnage
très élégant numéros »

0 fr. 90 1 à 72 j
I
16 .lit
•V

i
Les Livres roses, en brochure, se perdent ou s'abîment assezj
facilement. C'est pourquoi nous avons eu l'idée de les réunir troisl
par trois en un cartonnage d'un genre tout nouveau, qui permettrai
de les conserver sous une forme aussi pratique qu'élégante. Ainsi;
présentés, les Livres roses forment de jolis volutnes, d'environ 190
pages chacun, qui constitueront une charmante petite bibliothèque.
J# M J
LIBRAIRIE LAROUSSE, 13-17, rue Montparnasse, Paris
(Envoi franco contre mandat-poste) et chez tous les libraires. ^1
,4,JD

ENFANTS!
-iSr Livres roses
I paraissent deuxfois par mois,le pre-
lesdetle troisièmesamedi,chez tous
mier

^ gares.

Levolume de 64 pages
Çggw illustré de très nombreuses
et. charmantes gravures
- ^ 15 centimes
P-, r/nV.- "'
V ^aneo posle,. 20 cent! — Lvan,-,er, 25 cent.

'
Cy 0
Abonnement pour l'année 1911
(24 vpfpmes, no.349 à 79)
France.................
* O
® 4 fr. &0
" Etranger (Union postale.)
.... 5 fr. 5J
UN JOLI CADEAU "

LES 72 PREMIERS i»
fi" LIVRES ROSES*
.
dans 3 charmants Jtuis décorés, se vendanj. séparémen*t
j* P^<net_de chaque étui : 3 fr. 90.-
Franco, France, 4 fr. 75; Étran,-er, par poste, 5 fr. 75.
Prix des 3 étuis expédiés franco :• v
Plrance, Algérie, Tunisie, Allemagne, Belgique, Suisse ...
Autriche, Ilalie, Espagne, Portugal, Hollande, Egypte, Grèce. 15 fr.
13 fr.

Autres pays....... • • •„•


17 fr.

U Sf
Noa mslim
1 à 24 Ve?»
NM 49 6 72

Reproduction réduite dos étuis contenant


!<»s 7î premiers volumes
des Livres rvtti-

PARIS
LIBRAIRIE LAROUSSE: 13-il. rue MoatparnaM»,
et chez tous les Libraires et Marchand» de journau*.

Vous aimerez peut-être aussi