Nous avons vu que le Cadre européen propose une représentation d’ensemble de l’usage et
de l’apprentissage des langues basée sur une approche dite actionnelle, dans la mesure où
elle considère l’usager et l’apprenant d’une langue comme des acteurs sociaux ayant à
accomplir des tâches dans des circonstances et dans un environnement donnés, à l’intérieur
d’un domaine d’action particulier.
En termes d’évaluation, cette approche suppose des choix particuliers qu’un évaluateur
soucieux de congruence aura soin de préciser. Nous allons donc en premier lieu
approfondir deux questions particulières relatives, premièrement à ce qui est évalué,
deuxièmement au comment les performances sont interprétées. De nombreuses lectures
proposées tout au long de ce cours complèteront votre formation. Nous renvoyons en
premier lieu à l’intéressante conférence de Fleming (2006).
Dans sa rédaction une consigne ne peut prêter à confusion. Elle doit être rédigée en termes
clairs, dans une langue adaptée au niveau de l’épreuve, et sans ambiguïté. On évitera ainsi
les formulations interro-négatives ou les éléments inutiles.
2
Eviter les questions de détail
Parce qu’elles ne font souvent appel qu’à la mémoire, les questions de détail sont à utiliser
avec précautions, sauf dans le cas de concours où cela servira de stratégie de classement
normatif. La référence à un point sans importance peut en effet remettre en question la
validité de l’épreuve dans la mesure où l’on évaluera la capacité mnémotechnique et non un
savoir constitué convocable dans une tâche plus complexe.
De même peut-on éviter les questions qui feraient appel au calcul mental, comme celle-ci
proposée en compréhension orale pour valider le « savoir l’heure » :
- Quinze heures. Ne t’inquiète pas j’arrive dans une demi-heure. Tu crois qu’on
en a pour longtemps à nettoyer l’appartement ?
- Deux heures et demies environ »
A quelle heure Pierre et son ami finiront-ils de nettoyer l’appartement ?
On trouve dans cette catégorie des questionnaires à choix multiples, QCM, des exercices
d’appariement (fléchage), vrai/faux, choix d’items pour compléter des exercices à trous…
La clé (la bonne réponse) doit répondre strictement à la question posée, sans
ambiguïté possible, sans toutefois proposer une réponse trop évidente.
Il ne doit y avoir qu’une seule réponse correcte, mais plusieurs réponses
plausibles et de même niveau
Cet aspect est beaucoup moins anodin qu’il n’y paraît. Souvent, pour le rédacteur, il est
(très) clair que la question ou l’affirmation qu’il a formulée n’a qu’une seule solution. Or,
une simple relecture par une tierce personne permet souvent de constater que plusieurs
options constituent une bonne réponse (réponses entièrement ou partiellement vraies), le
discours étant souvent polysémique. Or pour un examen, il n’est pas possible d’accepter
l’une ou l’autre interprétation.
- de se relire après quelques jours, pour poser un regard neuf sur le travail,
- et de faire appel à un regard extérieur à chaque fois que cela est possible.
Mettre l’idée principale dans l’amorce
Il est préférable de placer l’idée principale dans l’amorce de l’item pour que le candidat,
même s’il n’est pas familiarisé avec les QCM, comprenne immédiatement ce qu’on lui
demande.
4
Proposer des items indépendants les uns des autres (en termes de contenu)
La réponse à un item, ou les informations données dans un item, ne doivent pas permettre
de répondre à un autre item : aucun item ne doit répondre indirectement à une question
précédente ou ultérieure.
Souvent, c’est l’option la plus longue qui est la clé (car le rédacteur veut éviter toute
ambiguïté). En cas de différence de longueur, le risque est double :
- soit on donne une information au candidat qui lui permettra de trouver la bonne
réponse avec une autre compétence que sa compétence en langue,
- soit on le dirige vers une mauvaise voie : les meilleurs candidats choisissent parfois
les distracteurs fonctionnant mal (ils détectent l’irrégularité et pensent qu’il s’agit
d’un piège).
a. Lorsque l’amorce est un début de phrase, elle se termine par des points de suspension.
Chaque proposition de réponse commence par une minuscule et se termine par un point.
5
Lorsque toutes les options se terminent de façon identique, on les laissera sans ponctuation
en fin de ligne et on mettra en facteur commun ce qui peut l’être, avec un alinéa, après des
points de suspension :
b. Lorsque l’amorce est une phrase indépendante, elle se termine par un point ou un point
d’interrogation, et chaque réponse commence par une majuscule (et se termine par un
point). C’est donc l’usage suivi pour : Vrai / Faux / On ne sait pas et Oui / Non / On ne sait
pas (Vrai. / Faux. / On ne sait pas.).
Dans le cas d’évaluations certificatives, des procédures complémentaires doivent être mises
en place, coûteuses et parfois complexes. Ainsi la validation qualitative d’énoncés ou de
consignes peut-elle se faire selon l’approche dite de Thurstone. Ce pionnier américain de la
psychométrie a inventé une méthode de comparaison par paires de l’échantillon ; on
demande ainsi à des experts de coter l’intensité supposée d’énoncés et l’on applique ensuite
un calcul probabiliste aux données collectées. On peut ainsi placer les énoncés sur ce que
Thurstone appelle une échelle d’attitude qui permet de travailler sur des jugements
subjectifs tels que le jugement esthétique ou encore l’appréciation générale. Mais il ne
s’agit que d’une phase de validation qualitative qui complète celle de la validité de contenu
dont nous venons de parler. Elle doit être complétée par une validation empirique.
6
Hourtin, le 10 juillet
Chère Françoise,
Je t’écris cette petite carte postale d’Hourtin. C’est un magnifique petit village au
bord de la mer à 80 kms de Bordeaux. Il fait très beau et nous allons nous baigner
tous les jours. Pierre fait de la voile sur le lac et moi je visite les célèbres châteaux du
Médoc qui font un vin délicieux.
Je pense à toi,
Bises, Isabelle
A partir de cet exemple, vous allez maintenant écrire vous-même une carte postale. Vous
êtes en vacances en France. Vous écrivez à une amie française. Vous parlez du temps, de la
ville et de ce que vous avez visité (40 à 50 mots) ».
Cet exercice ne vise plus à évaluer la capacité des apprenants à conjuguer tel ou tel verbe
ou à mobiliser tel ou tel répertoire lexical, mais bien à répondre à une tâche contextualisée,
du type de celles que l’on peut rencontrer dans la vie quotidienne, afin d’inférer (avec
toutes les limites que cet exercice suppose) s’ils seront capables plus tard d’effectuer la
même tâche dans la vie « réelle ».
Vous remarquerez qu’une légère modification dans l’énoncé de la consigne pourrait nous
réorienter vers une évaluation de savoirs :
« En utilisant le vocabulaire de la leçon 4, vous écrivez une carte postale à une amie
française. Vous parlez du temps et de la ville où vous vous trouvez. Vous racontez ce que
vous avez visité en utilisant le passé composé et l’imparfait (40 à 50 mots)».
Il n’est pas difficile de constater que la tâche de la carte postale ne relève pas seulement du
niveau des savoirs, sauf si la pratique quotidienne de classe en a formalisé l’usage en la
convertissant en une activité de répétition (auquel cas il s’agirait d’un savoir refaire).
L’élève est ici placé en situation d’habileté, et le seul recours à la mémoire ne peut lui
permettre de réussir l’exercice. Il lui revient d’utiliser spontanément la tactique qui
convient pour réaliser cette tâche, ce que Scallon considère comme l’une des
7
caractéristiques majeures des exercices d’évaluation relevant des savoir-faire (Scallon,
2004 :42).
Ces considérations nous ramènent à ce que Chomsky, et sans doute avant lui Saussure,
pressentait dans sa définition d’une notion de performance. Dans le domaine qui nous
intéresse de l’évaluation, la performance sera l’expression de la compétence dans un
contexte déterminé. Lorsqu’il écrit une carte postale lors d’un examen, l’apprenant se plie à
un jeu de simulation imposé par l’institution, afin de démontrer qu’il sera capable plus tard
de produire un texte similaire à celui qu’il va proposer aux évaluateurs. L’évaluation de
cette performance, pour autant qu’elle puisse être valide et fiable, permettra au professeur
d’inférer la compétence de cet apprenant et d’affirmer qu’à un moment donné, dans un
contexte donné et par rapport à une tâche donnée, l’apprenant évalué a été capable de
produire un énoncé de carte postale ce qui nous permet de supposer qu’il aura la
compétence pour le faire plus tard dans la vie réelle. Rien cependant ne nous permet
d’affirmer que cette compétence est réelle, sauf à le vérifier en contexte.
Pour Chomsky, « la compétence d’un sujet parlant français est donc l’ensemble des
possibilités qui lui sont données de construire et de reconnaître l’infinité des phrases
8
grammaticalement correctes, d’interpréter celles d’entre elles qui sont douées de sens, de
déceler les phrases ambiguës, de sentir que certaines phrases, éventuellement très
différentes par le son, ont cependant une forte similitude grammaticale, et que d’autres,
proches phonétiquement, sont grammaticalement très dissemblables » (Ducrot, Todorov,
1972 :158).
Pour pertinente qu’elle soit, cette distinction issue de la linguistique structurale s’inscrivait
en réaction contre le mentalisme, le psychologisme ou le behaviorisme et participa à la
rupture de la linguistique avec des courants dominants de la psychologie.
Dans le domaine de l’évaluation, cette ère que Spolsky, (in ALTE 2005 :21) désigna
comme l’ère de la psychométrie structuraliste et que l’on peut délimiter des années 50 à la
fin des années 60, fut marquée dans le monde anglo-saxon par l’émergence de tests à choix
multiples, s’inscrivant dans une vision structuraliste du langage, qui du phonème au
morphème conduit au mot puis à la phrase. Comme le précisent Lussier et Turner (1995,
chapitre 2), c’est aussi la période où l’on tenta pour la première fois d’objectiver au
maximum les instruments de mesure.
Mais c’est surtout la notion de compétence pragmatique, issue des travaux de philosophes
du langage tels que Austin ou Grice, qui introduira la notion fondamentale de compétence
de communication et son corollaire des actes de langage (utilisation du langage comme
une action, et non plus seulement comme un message) et des actes de parole (l’énoncé
effectivement réalisé par un locuteur déterminé dans une situation donnée) développant
l’idée que le langage dans la communication n’a pas principalement une fonction
descriptive mais une fonction actionnelle. Hymes paracheva l’émergence de ce concept
qu’il pressentait depuis 1964 dans un article resté célèbre, « The Etnography of
Communication » publié dans la revue The American Anthropologist (Bachmann,
Lindenfeld, Simonin, 1981 : 63), dans son « Models of the Interaction of Language and
Social Setting » publié en 1967 et revu en 1972 – modèle S.P.E.A.K.I.N.G : setting,
participants, ends, acts, key, instrumentalities, norms, genre - ; ce modèle permettait une
approche fonctionnelle de la communication qui fit avancer de nombreux champs
didactiques de l’acquisitionisme à l’évaluation. Charaudeau dira à ce propos (2000 :36) :
« il nous faut désormais tenir compte d’une compétence pragmatique qui nous oblige à
regarder les faits de langage comme des actes tournés non point vers le monde pour en
rendre compte (théorie représentationnelle) mais vers l’autre du langage pour le mettre en
position d’avoir à penser et à faire (théorie actionnelle) ».
9
étude sur la stratification sociale de l’anglais parlé à New York établit une référence
méthodologique qui lui permit d’identifier des phénomènes d’insécurité linguistique, ou
d’hypercorrection, mettant en évidence les rapports de force sociaux que le langage
représente et véhicule. L’approche de Labov esquissait une problématique nouvelle pour la
linguistique, dont les évaluateurs n’allaient pas tarder à s’emparer. Goffman, et avec lui les
ethnolinguistiques, allaient compléter cette approche en développant à travers l’étude des
conversations une analyse des implicites sociaux (Goffmann, Hall) et l’émergence d’une
grammaire des conversations et de l’analyse interactionnelle.
Threshold Level (Van Ek, 1975) constituera en ce sens la première manifestation de cette
approche communicative qui inspire largement le format actuel des « référentiels pour le
français » du Conseil de l’Europe. Les actes de parole y sont analysés en contenus
propositionnels appelés notions et en rôles illocutifs appelés fonctions.
« Dans son essence, le modèle est très simple, parce qu’il analyse le comportement
langagier en deux composantes seulement : la réalisation d’intentions énonciatives et
l’expression de (ou la référence à des) notions. Ce qu’on fait en se servant du langage peut
être décrit comme la verbalisation de certaines intentions. Au moyen de la langue, on
affirme, on pose des questions, on donne des ordres, on fait des remontrances, on persuade,
on présente des excuses, etc. En réalisant de telles intentions, on exprimer certaines
notions où l’on s’y réfère. On veut, par exemple, s’excuser d’être en retard, d’être en
retard à une réception, d’être en retard à la réception qui a eu lieu hier, etc. » (Van Ek
1977 :5).
Cette nouvelle approche théorique redonnait au sujet actant sa véritable place et elle ne fut
pas sans conséquence sur les méthodes évaluatives anglo-saxonnes d’une part, puis
française, et le sujet reprenait une place active dans le processus évaluatif. Qui parle à qui ?
Dans quels buts ? Peut-on se contenter d’évaluer les aspects linguistiques même s’ils sont
plus faciles à isoler ?...
10
Morrow (1979) fut l’un des premiers à souligner la nécessité d’évaluer la performance dans
des situations quotidiennes quand il affirma que les tests de langage devaient refléter les
usages suivants du langage (in Brown, Hudson, 2002 : 20) :
Mais ce sont surtout Canale et Swain (1980) qui proposèrent une modélisation encore
largement utilisée dans les tests de langues aujourd’hui pour évaluer la compétence
langagière qu’ils décomposèrent en trois parties :
- Compétence grammaticale
- Compétence sociolinguistique
- Compétence stratégique
Bachman (1990 : 87), enfin, présenta une vision homogène du concept d’habileté
langagière de communication qui a servi de base à l’élaboration du Cadre européen:
1
Language is used in interaction ; interactions are usually unpredictable ; language has a context ; language is
used for a purpose ; there is a need to examine performance ; language is authentic, not simplified ; language
success is behavior based.
11
Fundamental Considerations in Language Testing, Lyle Bachman, figure 4.2, 1990:87
12
savoir-être. L’évaluation des savoir-être se développe dans le monde de l’entreprise où
empathie, travail en équipe et leadership sont de plus en plus considérés comme des
compétences (qualités ?) de premier ordre. C’est d’une manière plus générale la façon de se
poser en tant que personne, d’appréhender sa propre personne, les autres, les situations et la
vie en général, mais aussi sa façon de réagir et d’agir.
Nous rappellerons pour commencer qu’un certain savoir-être est souvent évalué de façon
implicite par l’enseignant ; c’est celui qui fait référence à ce que nous appelons le métier
d’apprenant et que De Ketele définit en faisant référence au « mauvais élève » ou au « au
bon élève » ; « le bon élève est souvent celui qui écoute (ou qui fait semblant avec talent 2),
celui qui participe aux activités scolaires, celui qui ne dérange pas ou celui qui n’est pas
grossier » (De Ketele, 1986 : 181). Ce biais renvoie tout aussi bien à la fiabilité de la
notation (puisque qu’il ne sera pas sans conséquence dans une évaluation normative) qu’à
sa validité puisqu’il altère sensiblement le construct de l’évaluation (ce qu’on est supposé
évaluer).
En classe de langue, c’est naturellement dans leur dimension interculturelle qu’ils prennent
tout leur sens. Là plus qu’ailleurs le devoir éthique appelle à la plus grande prudence. Nous
touchons à la fois l’observation de traits latents dont la définition n’est encore ni
2
C’est nous qui l’ajoutons !
13
consensuelle ni même parfaitement calibrée, et nous sommes dans un domaine qui croise
des appréciatifs idéologiques. C’est par ailleurs et sans conteste l’un des points les plus
faibles du Cadre européen. Avant de se poser la question sur le « comment évaluer la
volonté ou la capacité à relativiser son point de vue », il convient de se demander en quoi et
pourquoi cet objectif est pertinent et congruent dans une situation donnée, faute de quoi
nous risquons de tomber dans un angélisme didactique qui risque de rendre caduc tout
l’effort consenti par un manque d’appréciation du caractère culturellement marqué de ce
concept.
Au-delà de savoirs sur l’autre, c’est bien à une nouvelle « culture du moi » que prétendent
atteindre les didacticiens de l’interculturel, nourris des travaux les plus récents de
l’anthropologie et de la sociologie. Comme le disent Zarate et Gohard-Radenkovic (Zarate,
G., Gohard-Radenkovic, A., 2004) : « l’évaluation des compétences interculturelles
n’implique pas seulement l’apprenant, mais le dispositif d’enseignement dans son
ensemble. A travers le cas d’une situation géopolitique troublée, de celui d’une épreuve
d’examen ou d’un exercice d’observation anthropologique induisant une activité de
comparaison entre deux cultures ou de description, l’enseignant est amené à se définir
comme un tiers médiateur ». De fait, nous ferons nôtre cette affirmation et nous nous
limiterons à considérer que l’évaluation des compétences interculturelles, en dehors du fait
sociolinguistique ou du renvoi à des savoirs de type encyclopédique, ne peut se faire
aujourd’hui que dans le cadre interactif de l’évaluation formative ou tout au moins
continue, car il n’existe pas (encore) d’outils valides et fiables pour envisager une
évaluation sommative de performances permettant d’inférer une compétence de médiation
culturelle, d’empathie, d’anticipation de malentendus ou encore d’objectivation (ce que les
anglo-saxons appellent « intercultural awareness »). Nous considérerons donc cette
évaluation comme un processus et non un aboutissement.
3
Nous citerons par exemple le programme ICOPROMO du Centre d’enseignement des langues vivantes,
coordonné par Evelyne Glaser et John Kepler : www.ecml.at/mtp2/ICOPROMO/pdf/pdescB3F.pdf, ou encore
l’intéressant portfolio Trans’Europe Centre, TEC, réalisé dans l’académie d’Orléans-Tours en France
(www.ac-orleans-tours.fr/daric/files/portfolio-tec.rtf
14
Voici ce que l’on peut lire dans le Cadre au sujet de l’impact culturel de l’apprentissage
d’une langue sur l’individu (le Cadre, 2002 : 40) :
L’apprenant d’une deuxième langue (ou langue étrangère) et d’une deuxième culture (ou
culture étrangère) ne perd pas la compétence qu’il a dans sa langue et sa culture
maternelles. Et la nouvelle compétence en cours d’acquisition n’est pas non plus
totalement indépendante de la précédente. L’apprenant n’acquiert pas deux façons
étrangères d’agir et de communiquer. Il devient plurilingue et apprend l’interculturalité.
Les compétences linguistiques et culturelles relatives à chaque langue sont modifiées par la
connaissance de l’autre et contribuent à la prise de conscience, aux habiletés et aux savoir-
faire interculturels. Elles permettent à l’individu de développer une personnalité plus riche
et plus complexe et d’accroître sa capacité à apprendre d’autres langues étrangères et à
s’ouvrir aux expériences culturelles nouvelles ».
Le Cadre (le Cadre, 2002 : 83-84) précise que les aptitudes et les savoir-faire interculturels
comprennent :
15
- …
De même, la catégorisation de savoirs sur la culture cible ne pose guère de problèmes dans
ses aspects matériels et pratiques (hymne national, devise du pays, mode d’organisation
politique…). Nous remarquerons simplement que ces savoirs constituaient la base des
premiers enseignements de la « civilisation », et qu’ils font partie des pré requis définis
dans de nombreux pays pour l’accès à la résidence ou à la nationalité. Ces savoirs sont donc
des unités minimales de la constitution du groupe. Leur définition relève du politique, et
leur évaluation ne pose bien entendu que peu de problèmes techniques. Tous les
didacticiens savent néanmoins depuis longtemps que ces savoirs déclaratifs n’ont pas
toujours l’impact souhaité et qu’ils ne constituent pas en soi la construction d’une
compétence à l’intégration.
16
Cette référentialisation est sans aucun doute empreinte elle-même d’ethnocentrisme
européen, et les modes de construction de ces compétences seront différents selon que
l’apprenant se trouve en situation interculturelle de simulation, d’hospitalité ou de contact
contraint, selon que l’impact de l’évaluation conditionne l’obtention d’un titre de séjour ou
qu’elle soit dénuée de tout enjeu social. La compétence de communication interculturelle
constitue par ailleurs sans doute également un enjeu majeur de toutes les filières dites
bilingues qui offrent l’enseignement de disciplines non linguistiques en langue étrangère.
Enfin, nous noterons à la suite de Beacco et Porquier (Beacco, Porquier, 2007 : 155) que
« les compétences culturelles et interculturelles mises en jeu dans la découverte d’une
autre culture et utilisées pour comprendre celle-ci ou pour agir en son sein son largement
indépendantes de la compétence langagière en langue cible des apprenants ».
Mais un certain nombre d’exercices peuvent être imaginés, et Byram et Zarate (Byram, M.,
Zarate, G., 1996) s’y sont, parmi d’autres, essayés :
Tous ces exercices donnent lieu à des performances orales ou écrites dans lesquelles des
traits latents peuvent être repérés.
4
On peut ici prendre utilement pour exemple le très beau concept “histoires croisées” qui a donné lieu entre la
France et l’Allemagne à la publication d’un manuel d’histoire commun aux deux nations ou à des travaux
France/Québec. Cf. www.ciep.fr
18
Le savoir-apprendre est particulièrement important dans le cas d’apprenants débutants qui
basent souvent leur apprentissage sur des représentations simplistes du fait langagier. Le
souhait souvent manifesté d’avoir recours à la traduction n’est pas simplement une solution
de facilité face à un problème de compréhension, c’est aussi la manifestation d’un désir
d’équivalence qui voudrait que les langues bien que différentes aient une corrélation
sémantique simple, un mot dans une langue correspondant à un autre mot dans une autre
langue5. La dure réalité conduit à la remise en cause de ces certitudes, et peut expliquer des
situations de frustrations ou même d’abandon. Il convient donc d’aider l’apprenant à choisir
les stratégies les plus adaptées à la construction des savoirs ou savoir-faire envisagés, et une
évaluation formative régulière, basée sur l’observation tout autant que sur le dialogue en est
sans doute l’une des meilleures méthodes.
La principale question se pose pour nous non en termes de faisabilité, peut-on évaluer les
savoir-apprendre, mais plutôt en termes de validité, doit-on évaluer les savoir-apprendre. Il
est probable que cela ne puisse se faire de façon utile que dans le cadre interactif de la
construction des apprentissages et de l’évaluation formatrice. De nombreux chercheurs ont
démontré (Deci, Bandura, Lepper, Weiner, cités par Monnard, Ntamakiliro et Gurtner,
1999, : 197-210) que la motivation est un processus cognitif autant qu’émotionnel ou
social. Ces auteurs affirment que « évaluer la motivation des élèves pour le travail scolaire
ne peut dès lors plus se faire au travers d’une mesure unique, mais nécessite une approche
pluricritériée et graduelle ». Avant d’évaluer la motivation, suscitons-la !
Travaux
Informez-vous
Vous aurez soin de découvrir également les différentes missions de cet organisme qui
exerce un rôle important dans les domaines de la politique linguistique et éducative en
France comme à l’étranger.
5
De nombreux dictionnaires – électroniques ou papier – entretiennent d’ailleurs cette conviction et
connaissent chez les débutants un succès commercial certain.
19
Repérez
Exercice 1. Indiquez à quelle activité langagière et à quel niveau appartiennent les
descripteurs suivants6.
1.
2.
3.
4.
6
Corrigé
4. Compréhension des écrits. Lire pour s’informer et discuter. A2. Cadre :58
20
Activité langagière niveau
5.
Exercice 2.
Identifiez dans des méthodes FLE des exercices d’évaluation relevant de l’évaluation des
savoirs, puis d’autres relevant de l’évaluation des savoir-faire.
Consultez une méthode des années 80 (« Sans frontière », 1985) puis une méthode des
années 2000 (« Campus », « Alter Ego »), et procédez au même repérage des différents
types d’exercices proposés. Quelle évolution constatez-vous ?
Exercice 3.
Evaluez les items suivants. Pour chacun, repérer les biais existants et proposez des
solutions pour les améliorer.
1.
2.
21
Consigne : En utilisant des verbes du premier et du troisième groupe conjugués au
passé composé et/ou à l’imparfait, vous rédigerez un texte structuré racontant vos
dernières vacances.
****
Corrigé
1.
Absence de consigne (du type « lisez les phrases suivantes et complétez », ou encore
« complétez en utilisant le, la… »).
Phrases décontextualisées donc exercice peu actionnel avec plusieurs solutions possibles :
2.
Cet exercice oscille entre une centration sur la compétence linguistique et la compétence
pragmatique. Cette indécision peut constituer un biais dans la mesure où l’apprenant peut
avoir envie ou besoin de convoquer d’autres temps verbaux. Pénalisera-t-on alors le recours
à un présent de l’indicatif ?
Aucun type de texte n’est spécifié et l’exercice perd de sa validité actionnelle. Dans quel
cadre et pour qui doit-il raconter ses dernières vacances ? S’agit-il d’écrire une lettre à un
ami ou une carte postale ? Un mail ? Ou simplement une dissertation ? L’absence
d’indication ôte à l’exercice toute possibilité d’évaluer la compétence sociolinguistique.
Un guide pour la conception d’items a été mis en ligne libre de droits par ALTE :
http://www.alte.org/downloads/index.php
Bibliographie
BACHMAN, LINDENFELD, SIMONIN, Langage et communications sociales, LAL,
Hatier-Credif, Paris, 1981
22
BEACCO, J.C, BOUQUET, S, PORQUIER, R., niveau B2, textes et références, Didier,
Paris, 2004
BYRAM, M., ZARATE, G., les jeunes confrontés à la différence, des propositions de
formation, éditions du Conseil de l’Europe, Strasbourg, 1996
LUSSIER, D., TURNER, Le point sur l’évaluation en didactique des langues, Centre
éducatif et culturel éd, Anjou, 1995
23
SCALLON, Gérard, l’évaluation des apprentissages dans une approche par compétences,
De Boeck, Bruxelles (pour l’Europe), 2004
24