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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

PRÉLIMINAIRES

1. Généralités
Ce chapitre vise à présenter de manière générale la conception structurale, qui constitue la
compétence principale que l'ensemble des cours de structure vise à faire acquérir. Celle-ci peut
être envisagée sous plusieurs aspects successifs, correspondant à des niveaux de maîtrise
croissants : on peut les détailler sous forme des questions suivantes :

niveau sujet question


connaître la
de quoi parle-t-on ?
1 conception
quels sont les rapports avec l'architecture ?
structurale
analyser la quel canevas considérer pour analyser la qualité de la
2 conception conception structurale d'un bâtiment existant, tant du point de
structurale vue de la structure que de l'architecture ?
effectuer la
quels outils pratiques permettent à l'architecte de concevoir
3 conception
pour son projet une "bonne" structure ?
structurale

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2. Connaître la conception structurale

2.1. Généralités
Qu'entend-on exactement par "conception structurale" ? Nous allons commencer par définir
précisément ce que recouvre ce terme. Ensuite, on développera les différentes manières dont la
structure peut contribuer à l'architecture – puisque cela représente un des aspects à prendre en
compte lorsque l'on conçoit une structure.

2.2. La conception structurale ?

2.2.1. Généralités
Ce point va aborder les questions suivantes :
- De quoi parle-t-on ? Quel objectif doit-on exactement remplir, quand on parle de "concevoir
une structure" ?
- Qui doit le faire ? Qui sont les acteurs de la conception structurale ? Qui en est responsable ?
- En quoi cette mission est-elle importante ? Quels en sont les enjeux ?
- Par conséquent, dans cette tâche, quel horizon qualitatif vise-t-on ?

2.2.2. Définition

2.2.2.1. Généralités
La conception structurale1 consiste en un processus qui vise à définir pour le projet :
- une structure complète ;
- les caractéristiques macroscopiques de tous les éléments composant cette structure.

2.2.2.2. Esquisser une structure complète


Pour commencer, il faut que la structure soit complète, c'est-à-dire que chaque élément du
bâtiment porte sur quelque chose, que rien ne "flotte en l'air" comme un tapis volant (puisque,
* spoiler *, dans la réalité, un tel élément n'existe pas…). Il s'agit donc de positionner des
éléments dans l'espace, en tenant déjà compte de l'interaction avec l'architecture (espaces à
laisser libres de colonnes, poutres qui suggèrent une subdivision de l'espace cohérente avec

1
Néerl. : het structuurontwerp ; angl. : structural design.

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l'usage au sol, etc.).


À défaut, la lacune sera découverte plus tard
par l'ingénieur, et des éléments structuraux
complémentaires devront être rajoutés en
dernière minute au projet, le plus souvent
sans marge de manœuvre, et donc au
détriment du parti architectural, qui risque
d'être dénaturé, voire dégradé.
Remarque : ce risque est particulièrement
important pour le contreventement du
bâtiment (voir l'illustration ci-contre, et le
chapitre correspondant).

Figure 2.2.2.1.1.i

Ce premier positionnement définit déjà, sur base des contraintes de projet à respecter et des
intentions architecturales, les dimensions principales des éléments structuraux. Il s'agit de leur
plus grande dimension ; par exemple, pour les poutres, dalles, arcs, etc. : leur portée ; pour les
colonnes : leur hauteur, corrélée à celle des étages. Les dimensions principales font donc partie
de l'ensemble plus vaste des trames de composition du bâtiment (dans le sens où certaines
interdistances, dans le projet, ne correspondent pas nécessairement à des portées d'éléments
structuraux ; par exemple, la largeur d'une dalle bi-appuyée).
Remarque : cette notion est à comprendre par opposition aux dimensions secondaires, qui sont
les "petites "dimensions des éléments : par exemple, pour les poutres, leur hauteur et largeur ;
pour les dalles, leur épaisseur ; pour les colonnes : leur largeur ou diamètre de section ; etc.

Toujours dans le cadre les dimensions principales, on peut également inclure, pour les surfaces
franchissant un vide (dalles, toitures), leur sens de portée. En effet, il ne s'agit pas toujours de
la plus petite distance possible…

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2.2.2.3. Choisir les caractéristiques macroscopiques des éléments structuraux


Ensuite, pour tous les éléments structuraux pressentis (colonnes, dalles, etc.), il faut en choisir
les caractéristiques macroscopiques que sont (sans ordre particulier) :
- le(s) matériau(x) constitutif(s) de la structure : bois, acier, béton, terre crue, etc. ;
- la morphologie structurale ; par exemple : pour une poutre, la forme de sa section (en T ? en
rectangle ? en tube carré ?) ; pour une toiture, son nombre de courbures (plane ? à double
courbure concourante, comme un dôme ? etc.) ; pour soutenir un plancher, la structure
primaire employée (treillis, grilles de poutres, colonnes arborescentes, etc.).
À cette liste, il faut encore rajouter les conditions d'appui des éléments, soit la nature des nœuds
qui les relient entre eux (articulations ou encastrements ?). On pourrait les associer aux
dimensions principales, car ensemble ils définissent des "longueurs de fonctionnement",
déterminantes du comportement des éléments considérés (comme par exemple la longueur de
flambement des colonnes ‒ cf. le chapitre correspondant). Mais le choix des conditions d'appui
demeure d'une nature fondamentalement différente que les dimensions principales, qui traitent
de distances. On abordera donc le plus souvent les conditions d'appui au sein du pôle
"morphologie", puisqu'en quelque sorte il s'agit là de choisir la "forme" des appuis.

Ces 3 aspects (morphologie, matériau, dimensions principales) composent ensemble le parti


structural adopté pour la structure.
Remarque : en revanche, les dimensions secondaires ne figurent pas dans le parti structural. En
effet, comme elles découlent, par dimensionnement, des composantes de ce dernier, on ne peut
les choisir librement.

2.2.3. À qui revient la tâche d'établir le parti structural ?


Comme tout ce qui relève de la structure, on pourrait penser a priori que la conception
structurale est dévolue aux ingénieurs en construction. En réalité, leur mission principale
concerne plus exactement le dimensionnement susmentionné, pour lequel ils engagent leur
responsabilité ‒ c'est-à-dire qu'avec les épaisseurs qu'ils prescrivent pour tous les éléments de
la structure, le bâtiment ni ne s'écroulera, en toutes circonstances prévisibles, ni ne se déformera
d'une manière qui empêcherait son bon usage.
Alors qui donc définit, en amont, le parti structural ? Hé bien les architectes ! En effet, tous ces
aspects (morphologie, matériau et dimensions principales) se décident au cours de la conception
générale du bâtiment. Par conséquent, c'est bien l'architecte qui, contrairement aux idées reçues,
occupe le poste le plus décisif en ce qui concerne la structure de son projet… Et voilà pourquoi

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les étudiants en architecture ont des cours de structure dans leur programme.

2.2.4. Enjeux

2.2.4.1. Généralités
Voilà les architectes bien encombré-e-s de cette responsabilité qu'on leur a mise sur les bras,
alors qu'à la base ils ne se sentent souvent que peu d'affinité avec "La Structure". Mais qu'ils le
veuillent ou non, s'ils n'embrassent pas pleinement cette mission de la conception structurale,
ils risquent de mettre sérieusement en péril leur projet, et ce sur plusieurs fronts différents
(essentiellement économique et esthétique, voire fonctionnel).
Réciproquement, ces divers écueils peuvent être considérés, de manière plus motivante, comme
des résultats positifs auxquels les architectes peuvent aspirer s'ils mènent correctement la
conception de la structure de leur projet. Ces enjeux vont également aider à opérer des choix
parmi les nombreuses possibilités qui existent pour les 3 champs à définir : morphologie,
matériaux et dimensions principales.
Quels sont ces enjeux ? On peut en identifier 2 :
- développer une structure efficace ;
- développer une structure expressive.

2.2.4.2. Une structure efficace


Pour introduire cet enjeu, considérons l'exemple
suivant. Voici 3 des propositions qui avaient été
faites pour la couverture des quais de la gare de
Leuven en 2000 (voir aussi page suivante). Bien
que ces 3 projets fissent tous appel à la même
morphologie de base (l'arc), leurs poids étaient
on ne peut plus disparates : la structure de
Calatrava pesait environ le triple de celle de
Samyn, et celle de Grimshaw environ 10 fois le Philippe Samyn (lauréat)

projet de Samyn2. Figure 2.2.4.2.1.ii

2
Conférence de Ph. Samyn au congrès annuel de la European Association for Architectural Education à Mons,
novembre 2007. Une autre source (l'exposition "Global Award for Sustainable Architecture 2007 > 2011"
organisée par entre autres le CIVA à l'Espace Architecture La Cambre Horta, Bruxelles, 2011) indique que le

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Santiago Calatrava (proposition illustrée ici par


Nicholas Grimshaw
la gare de Liège, de design similaire)
Figure 2.2.4.2.2.iii Figure 2.2.4.2.3.iv

C'est une des raisons pour lesquelles le projet de Samyn a été retenu.
Nous constatons donc que différents partis structuraux peuvent mener, pour répondre à la même
demande, à des consommations de ressources radicalement divergentes ! Or il est évident qu'il
y a là un enjeu tant économique qu'écologique. Par conséquent, on va chercher à concevoir des
structures qui soient efficaces, c'est-à-dire qui répondent à la tâche demandée (reprendre la
charge prescrite) en limitant au minimum la consommation de ressources associée (matériaux,
énergie, main d'œuvre, pollution) ‒ en comparaison aux alternatives imaginables.
À cet égard, on peut parler a priori d'un objectif de légèreté, même si cela concerne
généralement des réalisations objectivement lourdes ; encore une fois, l'idée est qu'elles soient
légères relativement à des alternatives pour réaliser le même programme. Remarque : on
considère donc bien ici la légèreté matérielle, par opposition à celle visuelle, la minceur ;
d'ailleurs, les deux sont généralement mutuellement exclusives, malheureusement…
Cette qualité d'efficacité peut être érigée au rang de valeur esthétique et morale : "The value of
structural design beyond its mechanical function is for example expressed by engineer Jörg
Schlaich, who appreciates ‘honesty’ in structures, meaning that loads should be carried to the
ground by the most direct load paths [c'est-à-dire par la structure la plus légère possible]
consistent with the structure’s function as an encloser of space or a provider of pathway." 3

projet de Samyn était en moyenne 4 fois plus léger que ses concurrents.
3
(Luyten, 2012), p. 28.

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2.2.4.3. Une structure expressive


Pour ce second enjeu, écartons-nous de la fonction purement résistante de la structure et
considérons sa dimension plastique. Il faut se rendre compte que la structure compose dans tous
les cas la majeure partie de la matière d'un bâtiment. Dès lors, autant que ce qu'elle évoque
serve à exprimer le parti architectural. Dans le cas contraire, cela va demander beaucoup
d'efforts et d'argent pour la cacher afin d'obtenir le résultat différent voulu. À la limite, la
conception structurale devrait aboutir à ce que la structure contribue de manière décisive à
l'expression du parti architectural, soutienne celui-ci plutôt qu'elle ne le contredise ou ne lui
apporte rien. En effet, il serait dommage de se priver d'un véhicule aussi présent, et
potentiellement puissamment expressif. D'ailleurs, la même conscience se retrouve chez les
(meilleurs) ingénieurs : comme le dit Bill Baker, du grand bureau américain SOM : "an
engineer should design a structure that an architect would be ashamed to cover up." 4
En guise d'illustration, on peut opposer les deux courants (extrêmes) suivants :
la structure exprimée,
dans le mouvement high tech

Centre de distribution de Renault


à Swindon en Grande-Bretagne
(Foster, 1982)
Figure 2.2.4.3.1.v
la structure cachée,
dans le postmodernisme, plus intéressé par la
pure référence formelle

Centre civique à Mississauga au Canada


(Jones & Kirkland, 1987)
Figure 2.2.4.3.2.vi

4
www.designboom.com/architecture/chicago-architecture-biennial-som-exhibition-engineering-art-architecture-
mana-contemporary-09-13-2017.

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L'accord entre structure et architecture peut également être plus subtil, avec l'architecture qui
vient embrasser et s'adapter au langage de la structure, en un mariage harmonieux.
Exemple : hall principal de la Postsparkasse à Vienne (Otto Wagner, 1912). La structure est en
partie cachée (quoique perceptible au travers de la verrière translucide) et ne définit donc pas
l'architecture, mais l'épaisseur des colonnes supportant la verrière est volontairement reprise
dans le calepinage de cette dernière.

Figure 2.2.4.3.3.vii.

2.2.5. Pour horizon : l'organicité


En soi, ces deux enjeux devraient être atteints simultanément. Il faut se rendre compte que cela
n'a rien d'évident !
Exemple 1 : immeuble de bureaux "Central Plaza" à Bruxelles (Art & Build et Montois Partners
+ Ingénieurs Associés, 2006) (voir photos page suivante). Les architectes ont voulu conserver
aux colonnes de l'atrium en façade le même aspect que les colonnes d'étage, alors que les
conditions pour ces éléments structuraux sont radicalement différentes (élancement de la
colonne multiplié par 5). D'ailleurs, à l'arrière du bâtiment, des colonnes du même type, moins
visibles, ont été réalisées en treillis métallique. Mais pour l'atrium, cela a mené à des colonnes
en tubes d'acier rempli de béton, ce qui est fort lourd et cher. C'est-à-dire qu'ici, la volonté
architecturale (du côté de la façade principale) s'est imposée au détriment de l'efficacité

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structurale.

Figure 2.2.5.1.viii Figure 2.2.5.2.ix

Exemple 2 : chapelle à Palmira au Mexique


(Félix Candela, 1958). À l'inverse du projet
précédent, la forme architecturale est ici
intégralement définie par la forme
structurale, choisie parmi les plus efficaces
qui soient (comme on le verra dans le
chapitre consacré aux couvertures d'espace).

Figure 2.2.5.3.x

C'est donc dans cette conjonction entre l'efficacité et l'expressivité de la structure que se
développe pleinement l'art du concepteur.

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Plus largement, l'objectif, l'horizon vers


lequel devrait tendre la conception
structurale serait de parvenir à un accord
entre non seulement l'architecture et la
structure, mais également la technologie. Ce
dernier aspect inclut notamment le
façonnage, la mise en œuvre et l'assemblage,
mais aussi les aspects non structuraux de la
construction comme l'étanchéité, l'isolation,
etc.
"Engineer Peter Rice sees honesty in the way materials are used according to their properties.
[…] The same appreciation is expressed by engineer Eduardo Torroja: ‘If the structural shape
does not correspond to the materials of which it is made there can be no aesthetic
satisfaction’". 5
On peut désigner un tel accord comme
constituant une qualité organique ou
tectonique du projet. Le terme d'"organicité"
évoque le fait que la nature utilise
exclusivement ce genre de combinaison pour
ses constructions. À ne pas confondre avec
l'architecture organique…

Figure 2.2.5.4.xi

On trouve des exemples d'un telle organicité notamment dans l'architecture vernaculaire,
modelée et perfectionnée par une expérience séculaire.
Exemple : les toits pentus des maisons datant du Moyen-Âge à Strasbourg (voir photo page
suivante).
- avantages au niveau de la structure : la forte pente évite les accumulations de neige dans cette
région où les hivers peuvent être rigoureux, et diminue la tendance des pieds de la charpente

5
(Luyten, 2012), p. 28.

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à s'écarter les uns des autres ;


- avantage au niveau technologique : la forte
pente facilite la réalisation d'une bonne
étanchéité ;
- avantage au niveau architectural : la forte
pente permet d'accueillir plusieurs étages de
combles, compensant l'impossibilité de
creuser des caves dans ce terrain à la base
marécageux.

Figure 2.2.5.5.xii

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2.3. Dimension architecturale de la structure6

2.3.1. Généralités
Même si l'architecte n'a pas investi la structure dans son projet pour porter son parti, elle est
bien là. Premièrement, elle contribue de manière décisive à modeler la volumétrie générale du
bâtiment, même s'il peut exister une différence plus ou moins significative entre la forme
architecturale et la forme structurale – ce que nous explorerons dans un premier point. Cela
constitue pour la structure un premier niveau d'action, sur les plans plastique et symbolique.
Ensuite, à plus petite échelle, la structure expose sa matérialité à l'usager des espaces intérieurs
(à moins d'être intégralement dissimulée derrière un revêtement), et donc génère, dans une
mesure variable, une expérience pour les sens. C'est-à-dire qu'au-delà de sa stricte fonction
portante, une structure a également un impact sensoriel et mental, de par sa dimension plastique,
et contribue de ce fait à l'expérience architecturale globale. L'architecte a donc intérêt à maîtriser
cette perception, et, mieux, à l'exploiter pour enrichir le projet en lui apportant "une couche
supplémentaire de richesse esthétique et fonctionnelle". Par exemple, dans l'architecture de
Rem Koolhaas, même si la forme architecturale est développée à la base sans nécessairement
penser à la structure, au final cette dernière est régulièrement utilisée comme un des principaux
moyens d'expression architecturale.
Exemple : quartier général de la CCTV à
Pékin (2012). Le porte-à-faux
impressionnant souligne le pouvoir et
l'ambition de cette institution nationale, et le
schéma des diagrids en façade, dicté par les
efforts dans la structure, est assumé comme
seul élément décoratif pour le bâtiment.

Figure 2.3.1.1.xiii

6
Ce point s'inspire principalement de (Charleson, 2005), plus particulièrement de son chapitre 3 ; sauf mention
contraire, toutes les citations de cette partie proviennent de cet ouvrage (traductions personnelles).

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Cette dimension plastique de la forme structurale est explorée plus en détail au second point.
Enfin, celle-ci peut interagir avec l'architecture suivant différents modes, présentés au troisième
point.

2.3.2. Forme architecturale, forme structurale


Tout d'abord, il faut se rendre compte que la forme que nous percevons d'un bâtiment est celle
architecturale, et que celle-ci ne coïncide pas forcément avec celle de la structure. Par exemple,
une ossature discrète (au sens : composée d'éléments structuraux linéiques) peut être recouverte
d'une enveloppe (non porteuse) continue, de sorte que la forme globale, architecturale, soit tout-
à-fait différente du "squelette" structural.
Exemple : musée Soumaya à Mexico City (Fernando Romero, 2010).

Figures 2.3.2.1.xiv

À l'inverse, dans la pratique de l'architecte belge Philippe Samyn, la structure constitue par elle-
même la majeure partie de l'architecture.
Exemple : comptoir forestier à Marche-en-
Famenne (1995).

Figure 2.3.2.2.xv Figure 2.3.2.3.xvi

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Il faut donc bien distinguer forme architecturale et forme


structurale, particulièrement dans le cas où elles sont fort
différentes. Pour trouver la seconde, il faut ainsi parfois
enlever visuellement tous les éléments qui relèvent
purement de l'architecture (façade non porteuse, vitrage,
mobilier fixe, etc.), chercher "les os sous la peau"7.
Exemple : toujours le musée Soumaya (ci-contre).

Figure 2.3.2.4.xvii

En ce qui concerne plus précisément la forme structurale, il faut se rendre compte qu'un
bâtiment, particulièrement s'il est d'une certaine ampleur, peut présenter plusieurs niveaux
structuraux : une structure primaire soutient une structure secondaire, qui à son tour soutient
une structure tertiaire, etc. Par exemple, des portiques (S1), qui reprennent une série de poutres
(S2), qui soutiennent des dalles de plancher (S3). En fonction de l'échelle d'observation à
laquelle on se place, l'un ou l'autre de ces niveaux prédomine dans la sensation suscitée chez
les usagers, et est donc à privilégier dans la réflexion. Il peut aussi arriver qu'il soit difficile de
distinguer la hiérarchie entre niveaux structuraux ; dans ce cas, on les considère dans leur
ensemble et, plutôt que de forme structurale, on parle de système structural.

2.3.3. Dimension plastique de la forme structurale

2.3.3.1. Généralités
La forme structurale peut agir de différentes manières, et réaliser des effets de différents ordres.
Si la morphologie est aisément envisagée comme première interface de négociation avec

7
Jacob Bronowski, cité dans DUNN Miriam, "Groundwork, structure, design: the integrated education of architects
and engineers", sur le CD accompagnant (Cruz, 2010), p. 1820.

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l'architecture d'un projet, il ne fait pas oublier que les autres composants du parti structural, le
matériau et les dimensions principales, interviennent aussi dans la perception.

2.3.3.2. Modes d'action


Une première modulation dans les modes d'action consiste en l'échelle. À une certaine distance
du bâtiment, c'est la volumétrie générale que l'on perçoit, que la forme structurale contribue à
élaborer, particulièrement s'il y a proximité avec la forme architecturale. Elle est perçue
principalement par la vue, qui peut relayer vers l'imagination.
Exemple : Futuroscope de Poitiers (Denis
Laming, 1987). Les formes sont saisissantes,
expressives chacune du thème du pavillon
considéré.

Figure 2.3.3.2.1.xviii

Charleson détaille cet impact de l'échelle d'approche en une série d'étapes définies :
- de loin : appréciation des masses, d'un point de vue sculptural ;
- de plus près : comment la structure peut animer la façade, jouer un rôle expressif, indiquer
l'entrée et articuler intérieur et extérieur ;
- de l'intérieur : lien avec le programme, les fonctions – entre autres la subdivision de l'espace,
en particulier sur le plan de l'acoustique ;
- ce que la structure apporte aux espaces intérieurs ;
- les détails structuraux.

Au fur et à mesure que l'on se rapproche, ce n'est plus uniquement la vue mais potentiellement
les 5 sens qui peuvent être sollicités. "Étant donné sa présence visuelle dominante, la structure
frappe principalement notre sens de la vue [forme, couleur, texture]. Cependant, dans certaines
situations, la surface lisse d'un élément structural, ou la manière dont il a été fabriqué à la main,
peut nous encourager à s'y connecter physiquement par le toucher. On fait rarement l'expérience
de la structure par l'odorat, même si le parfum d'une charpente fraîchement sciée et montée peut

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être savouré8. Et, à part la conscience d'une barrière acoustique ou des propriétés de
réverbération du béton et des murs en maçonnerie, la structure touche rarement notre sens de
l'ouïe9". On pourrait également penser à la température de surface et de rayonnement, propre
au matériau utilisé. Toute cette approche s'inscrit dans le cadre plus large de l'"architecture
émotionnelle"10. Ensuite, quelle que soit l'échelle, la forme structurale peut frapper non
uniquement les sens mais aussi l'imagination, la sphère cognitive, par ce qu'elle évoque.
Pour en revenir au sens de la vue, un point particulier consiste en l'interaction entre la structure
et la lumière, particulièrement celle naturelle : "Kahn […] précise encore que "la fabrication
des espaces est en même temps la fabrication de la lumière" et qu'il n'y a pas d'espace réellement
architectural sans lumière naturelle : "En architecture, un espace n'est pas éclairé par la lumière
artificielle". Pour la définition d'un espace, le lien entre construction et lumière est donc
indissoluble. C'est à ce moment que Kahn parlera de pièce, mot que l'on peut considérer comme
synonyme d'espace : "Je ne crois pas qu'aucune pièce vaille […] d'être appelée une pièce quand
elle est éclairée artificiellement"."11

Enfin, il convient de remarquer que les formes (tant architecturales que structurales) peuvent
s'apprécier non seulement de manière statique, comme une œuvre picturale, mais aussi
dynamique, comme une sculpture, le déplacement influençant possiblement la perception :
"Pour [le philosophe et penseur social autrichien] Rudolf Steiner [1861-1925] […], c'est
essentiellement [sic] par les mouvements de notre corps que nous pouvons "ressentir"
l'architecture. Se déplacer dans un bâtiment peut être aussi agréable que la danse"12.
Exemple : le stade de Munich (Günter Behnisch & Frei Otto, 1972) (voir photo page suivante).
De par la composition dominée par les courbes et contre-courbes, se déplacer ne fût-ce que d'un
pas dans n'importe quelle direction change significativement la perspective, offrant une
expérience visuelle particulièrement riche.
Exemple : l'installation "Sinus/Resonantie" (Ann-Veronica Janssens, 200913) consiste en une

8
Autre exemple : on trouve dans le roman "The Da Vinci Code" (Dan Brown, 2004) de l'auteur américain une
allusion à "the earthen aroma of stone architecture".
9
Il s'agit là d'une minimisation que je ne partage pas.
10
Voir par exemple CRUNELLE Marc, L'avenir de l'architecture, 6 mars 2010, sur :
http://archiemo.wordpress.com/2010/03/06/lavenir-de-larchitecture-selon-marc-crunelle.
11
LUCAN Jacques : "Des colonnes, mais creuses : de Louis I. Kahn à Toyo Ito", in (Gargiani, 2008), pp. 512-513.
12
DESURMONT Olivier, "Vers une architecture holistique", Agenda plus, n°205, mars 2009.
13
www.dewitteraaf.be/artikel/detail/nl/3476, au 6-4-2020.

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série de haut-parleurs disposés au sol, diffusant un son continu. En fonction de l'endroit où l'on
se positionne dans l'espace, les sons s'annulent ou se renforcent, créant un paysage sonore
parfaitement invisible.
De même, en déambulant dans un bâtiment,
les conditions acoustiques peuvent varient
d'un point à l'autre.

Figure 2.3.3.2.2.xix

2.3.3.3. Effets

2.3.3.3.1. Généralités
Cette dimension plastique de la structure peut être agissante de différentes manières14 :
architecturale, contextuelle, iconographique et esthétique.

2.3.3.3.2. Effet architectural


Pour commencer, la forme structurale peut avoir une utilité purement architecturale, de
modelage de l'espace ou de fonctionnalité au service du programme ; par exemple, un mur
porteur peut servir à diviser des espaces, spatialement, visuellement, thermiquement et/ou
acoustiquement.

14
(Luyten, 2012), pp. 27-28.

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2.3.3.3.3. Effet contextuel


Ensuite, la structure peut avoir une fonction mise en relation (conjonction comme opposition)
avec le contexte, qu'il s'agisse du reste du bâtiment et/ou du site d'implantation.
Exemple : portiques d'entrée au centre de recherche Nissan à Louvain-la-Neuve (Philippe
Samyn, 1994). Ils se veulent à la fois un rappel et une version légère de la façade massive du
bâtiment auxquels ils donnent accès.

Figure 2.3.3.3.3.1.xx

Exemple : internat à Klotzsche en Allemagne


(Heinrich Tessenow, 1927). Les colonnades
des portiques des deux ailes qui se font face
présentent des rythmes différents. "Tessenow
imprime ainsi volontairement une variété à
un dispositif habituellement uniforme et
homogène, voulant par-là donner l'illusion
que la pinède de bord de mer s'étend

Figure 2.3.3.3.3.2.xxi

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"naturellement" dans l'enceinte bâtie."15


C'est à comparer à l'école de formation des
enseignants à Setubal au Portugal (Álvaro Siza,
1993). Les colonnes des portiques présentent
des formes de section variées : "les colonnes
semblent intégrer, de façon artificielle et
rythmée, l'ordre incertain des chênes-lièges [qui
parsèment la cour] : dans les deux cas, on peut
discerner, en filigrane, ce désir paradoxal
d'abolir, ou du moins d'atténuer, les frontières Figure 2.3.3.3.3.3.xxii
entre le naturel et l'artificiel.
Des différences entre les approches des deux architectes subsistent, notamment en ce qui
concerne la charge expressive et formelle accordée à l'interprétation du même thème.
Tessenow, tout en dépassant l'ordonnancement de type rationaliste, se cantonne à une sorte de
"degré zéro de la construction" constitué d'un toit porté exclusivement par des colonnes rondes
(censées peut-être représenter en béton les troncs d'arbres "originels"). Siza, quant à lui, confère
à ces mêmes éléments une dimension plastique et rhétorique. En diversifiant la morphologie
des colonnes, en les disposant de façon apparemment aléatoire sur une grille constructive
préétablie, il dresse ainsi un lexique figuratif qui, en mêlant rationalité et romantisme, génère
un discours architectural de nature poétique."16
"la répétition, telle qu'elle est mise en œuvre chez Siza, est avant tout succession, c'est-à-dire
qu'elle accepte ou même provoque les différences, les variations. Dans ce sens, il se distingue
nettement d'une attitude esthétique "sans rhétorique", où la répétition implique que les éléments
unitaires dérivent du tout auquel ils appartiennent et tirent leur signification de la répétition
même – ce qui induit obligatoirement l'atténuation de la singularité des unités au profit de
l'uniformité de l'ensemble.
Dans l'architecture de Siza, la répétition n'exclut pas la singularité de l'élément dans la mesure
où celui-ci contribue à imprimer un effet de diversité à l'ordonnancement régulier de la
colonnade. Diversité, régularité : cette "dialectique" des contraires" nous ramène
inévitablement aux thèses soutenues par l'abbé Laugier et à sa conviction que "la vraie

15
MARCHAND Bruno, "En résonance – Notes amusées (et désabusées) à propos des colonnes de Siza", in (Gargiani,
2008), p. 502.
16
Loc. cit.

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 19


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

décoration des places, ce sont les portiques (…) Il y faut de la symétrie : mais il y faut aussi un
certain désordre qui varie et augmente le spectacle" ; un effet esthétique pittoresque emprunté
à la nature car, toujours selon Laugier, "il faut regarder une ville comme une forêt (…) on y
trouve tout à la fois de l'ordre et de la bizarrerie, de la symétrie et de la variété"."17
On peut relever qu'à nouveau, l'effet contextuel peut passer par n'importe lequel des composants
du parti structural (ou même plusieurs d'entre eux). Par exemple, en ce qui concerne les
dimensions principales : idéalement, un bâtiment présenterait dans sa composition (notamment
de façade) des éléments d'échelles différentes sur une gamme suffisamment continue, de
manière à pouvoir se relier tant aux usagers qu'au contexte plus large.

2.3.3.3.4. Effet iconographique


Une troisième possibilité est que la structure ait une fonction iconographique, c'est-à-dire
qu'elle fasse référence à, évoque quelque chose de distinct d'elle-même ou du site.
Exemple : projet de tours "The Cloud" à
Séoul (MVRDV, 2011). "Le promoteur sud-
coréen a annoncé le maintien de son projet
d’ériger des tours jumelles malgré les
protestations de proches des victimes des
attentats du 11 septembre 2001 à New York
qui dénoncent une reproduction des Twin
Towers avant leur effondrement. Les deux
tours de 54 et 60 étages, dessinées par le
bureau d’architectes néerlandais MVRDV,
s’élèveront à partir de 2016 à l’entrée du
quartier d’affaires réhabilité de Yongsan,
dans la capitale sud-coréenne. Elles seront
reliées à mi-hauteur par un enchevêtrement
d’étages abritant des bars panoramique, une Figure 2.3.3.3.4.1.xxiii
piscine et des restaurants.
À bonne distance, la maquette de The Cloud n’est pas sans évoquer les tours jumelles du World
Trade Center de New York et l’immense nuage de fumée, de verre et d’acier formé par les deux

17
Ibidem, p. 501.

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 20


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

avions de ligne précipités sur les tours par des pirates de l’air d’Al-Qaïda. « Les allégations
selon lesquelles (leur structure) s’inspire des attentats du 11 septembre sont sans fondement »,
s’est pourtant défendu White Paik, porte-parole de la société Yongsan Development Corp. « Il
n’y aura aucune révision ni modification de notre projet », a-t-il assuré à l’AFP, précisant que
le chantier serait lancé en janvier 2013 comme prévu. Dans un communiqué publié sur son site
internet, le cabinet MVRDV a dit « regretter profondément » la polémique et a présenté « ses
excuses à ceux dont les sentiments ont pu être heurtés »."18 En pratique, malgré son concept
intéressant à la base, ce bâtiment n'a effectivement pas été réalisé, et n'est pas référencé sur le
site des architectes…
Un dernier exemple, plus proche de nous,
consiste en l'exploitation de la Nekkerhal à
Malines (Fernand Mortelmans, 1981) par la
NVA pour sa campagne électorale en vue des
élections de mai 2019. L'objectif semble de
donner du parti une image de modernité, de
sérieux (régularité, arrangement rectilinéaire)
et d'ambition (grande échelle).

Figure 2.3.3.3.4.2.xxiv

2.3.3.3.5. Effet esthétique


Enfin, la structure peut avoir une fonction
esthétique pure, qui peut emprunter
différentes voies :
- les proportions ; on renvoie notamment à la
thématique du nombre d'or, vue au cours de
Mathématiques. Exemple : cloître à
Waasmunster (Hans van der Laan, 1975).

Figure 2.3.3.3.5.1.xxv

18
"Des tours jumelles à Séoul qui font polémique", Le Soir, 19-12-2011.

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 21


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

- l'esthétique plastique, dérivée de la


sculpture. Exemple : pavillon Philips pour
l'Expo '58 à Bruxelles (Le Corbusier).

Figure 2.3.3.3.5.2.xxvi
- l'esthétique du rythme, inspirée par la
musique. Exemple : station de tram à
Hoenheim en France (Zaha Hadid, 2001).

Figure 2.3.3.3.5.3.xxvii

2.3.3.3.6. Combinaisons
Ces différents effets possibles peuvent bien entendu être combinés entre eux. Un exemple en
est la pratique de l'architecte suisse Christian Kerez : "Christian Kerez recherche en permanence
à dépasser la distinction entre une forme et sa fonction énoncée par le mouvement post-
moderne. L'architecture de Kerez s'exprime uniquement via l'élément structurel. Ses structures
sont toujours très conceptuelles et l'unique élément de définition spatial de son architecture.
Son architecture est réduite à l'essentiel : la structure. Cependant plus qu'un élément purement
structurel, elle intègre aussi les paramètres qu'un architecte qui ne se préoccupe pas de la
question de la statique pourrait qualifier de concept spatial pour son architecture – la relation
au contexte environnant, les contraintes spatiales dues au programme, etc."19

19
LOOTENS Claire, "Le potentiel critique de la structure", travail de Conception des structures, ISACF La Cambre,
Bruxelles, 2011.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Exemple : projet de tour pour une banque à


Zhengzhou en Chine (2012).
À titre d'exercice, identifiez les différents
types d'effets architecturaux dévolus à la
structure, tels qu'évoqués dans le texte
d'intention ci-dessous.

Figure 2.3.3.3.6.1.xxviii
"[The] inclined columns support and stiffen the building simultaneously. The amount of these
triangles decreases with the height of the building. Therefore, density of structural elements
will change over the entire height of the CBD Bank Tower. The structural height condition will
be experienced in every part of the building and create an endless variety of spatial impressions
for people working or just having meeting there.
[…] The supporting beams are exposed and visible from far away. Visitors might be reminded
visitors of wooded structures from China’s ancient empire. because this building is composed
of an endless series of small and fully exposed structural elements as you find them for example
in pagoda towers […]
While most big high rise building are achieving stiffness through massive cores or facades with
braced elements, this high-rise in contrast consists only of one singular structural element; a
series of inclined columns combined to make structural triangles, that carry the load of the
building and stiffen the volume. It will offer an open platform without closing facades or
occupying the center of the floor. The structure in this building is not hidden, it is exposed, and
experienced in every part of the building. […] These structural tubes in effect create an endless
variety of office rooms, which break the monotony often found in generic work spaces. With its
increase in density at to the ground level and its increase of beam dimension to the top the
structural system allows for increasing cantilevering slabs as you ascend. Through these
structural conditions the building height can be indicated at each level. In this sense, stability
becomes literally an experience in every single space of this bank building. Some of these
inclined columns go through the façade and spread out on the ground floor. These columns,
visible over many levels up to 100m, with a diameter of only 40 cm will give the building in a
discrete and elegant way, a monumental impression. Since these columns exposed on the front
of the glass façade are only making up a very small part of the visible building structure; they
will remain mysterious and attract people walking by to come closer to reveal the meaning of

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 23


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

these oblique columns.


The centers of most office towers are closed and massive. In this structural proposal, the center,
the very heart of the building, can be an open and usable space. The center of the building is
not separating each side of the building from another but brings people working in different
areas on the same level of the building together. On the ground floor and at the top of the
building this area becomes a void over several levels, where people can meet. […] The center
of each floor plan could provide a view to the outside." 20

20
https://afasiaarchzine.com/2015/11/christian-kerez-16, au 20-4-2020.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

2.3.4. Modes d'exploitation de la structure par l'architecture

2.3.4.1. Généralités
Dans tous les projets, un certain rapport s'instaure entre la forme architecturale et celle
structurale. Ce rapport peut prendre trois formes différentes : la synthèse, la consonance et le
contraste.
Cela se traduit également dans l'intelligibilité du fonctionnement de la structure dans le projet
fini. En effet, la forme architecturale peut exprimer ou non la manière dont la structure
fonctionne effectivement, indépendamment d'une éventuelle coïncidence ou divergence entre
les formes architecturale et structurale. Le fonctionnement structural peut ainsi être mis en
évidence, ignoré, ou nié.

2.3.4.2. Synthèse
Dans ce cas de figure, la structure est développée spatialement en suivant sa propre logique
(pour être efficace), puis pleinement investie par l'architecture du projet, pour réaliser la
majorité des effets architecturaux voulus. Assez peu d'éléments non structuraux lui sont
rajoutés, donc, et les deux formes coïncident presque. C'est le cas par exemple avec les coques,
les arcs, les murs porteurs.
Exemple : la chapelle de Palmira, vue précédemment.
Dans cette configuration, le fonctionnement structural est mis en évidence dans la perception
des usagers, ce qui crée une expérience positive : "L'une des propriétés importantes de la forme
est l'expression de l'équilibre entre le poids porté et le support. La vue de l'équilibre est
plaisante, de même que le fait de comprendre intuitivement comment les forces sont relayées
vers le sol." En offrant l'image perceptible de la structure, compréhensible et logique, ce mode
"synthèse" procure une impression d'unité, de cohérence, d'homogénéité.

2.3.4.3. Consonance
Ici, la volumétrie générale reste développée suivant les impératifs architecturaux, puis la
meilleure structure possible est développée pour pouvoir la faire tenir. Enfin, la forme
structurale est intégrée à l'expression du bâtiment, au moyen si nécessaire de quelques
ajustements de la forme architecturale. On peut dire que les deux formes cohabitent
"pacifiquement", qu'il y a une intégration mutuelle. Le fonctionnement structural reste mis en
évidence et apporte avec lui le vécu positif évoqué ci-dessus, mais de manière moins soutenue
qu'avec la synthèse.

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 25


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Exemple : Hôtel Morpheus à Macao (Zaha Hadid, 2018). Comme dans le CCTV vu plus haut,
les efforts structuraux dictent la forme de la structure : le schéma du diagrid est adapté en tous
points du bâtiment. Ensuite, cette résille est assumée dans l'expression globale, pour en devenir
une des marques de fabrique, reprise à ce titre jusque dans le mobilier.

Figure 2.3.4.3.1.xxix Figure 2.3.4.3.2.xxx

2.3.4.4. Contraste

2.3.4.4.1. Généralités
Dans cette configuration, la forme architecturale est développée sans tenir compte de la logique
structurale. La structure est définie dans un deuxième temps, selon un processus qui reste
entièrement assujetti au modèle prédéfini. Finalement, la structure est généralement cachée
pour ne laisser place qu'à la forme architecturale voulue. Les deux formes ne "correspondent"
pas entre elles.
Il faut se rendre compte que dans ce cas, comme on s'éloigne forcément de la forme optimale
(au sens : la plus efficace) de la structure, cela entraîne forcément un surcoût, proportionnel à
l'échelle du bâtiment. De plus, cela ruine toute possibilité d'organicité. Et téléologiquement, a
contrario de la synthèse et de la consonance, la fonction statique de la structure n'est pas

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 26


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

intelligible. Pour autant, cette démarche de "contraste" peut être opérée suivant des états d'esprit
radicalement opposés : le mépris ou le jeu perceptuel.

2.3.4.4.2. Mépris
La mainmise du processus architectural sur le développement de la structure peut servir à
réaliser exactement l'image que l'architecte avait initialement en tête. On se trouve face à une
approche formaliste et cosmétique. Le fonctionnement structural est ignoré.
Un exemple en est le "Central Plaza" vu plus tôt.
Autre exemple : le stade national de Pékin (Herzog et de Meuron & le China Architecture
Design Institute, 2007). Dans ce "nid d'oiseau", certaines poutres sont en acier, d'autres en béton
armé, mais les mêmes dimensions et aspect ont été conférés aux deux groupes, de sorte que,
visuellement, il soit impossible de les distinguer21. Explication : au départ, la structure était
prévue en acier, afin d'obtenir des barres suffisamment fines que pour suggérer l'aspect d'un
nid, qui a une connotation positive dans la culture chinoise. Entre-temps, le prix de l'acier a
fortement augmenté, et des économies ont dû être opérées dans le budget : pour la fin des
"brindilles", au centre, on est passé au matériau béton, tout en conservant le même aspect
(dimensions, peinture pour unifier la couleur), malgré le changement de matériau22.

Figure 2.3.4.4.2.1.xxxi

Le contraste peut aussi être involontaire ou plutôt relever de la négligence, parce que l'architecte
n'a pas maîtrisé la relation qui s'établit entre les formes et le fonctionnement réel de la structure.
Mais il faut se rendre compte qu'en plus de l'inévitable surcoût, un second désavantage est que,

21
SCOCCA Tom, "Un stade en acier ? Laisse béton…", Courrier International, n°926, août 2008, pp. 36-37.
22
Cf. le long-métrage documentaire "Bird's Nest – Herzog & De Meuron in China" de Christoph Schaub &
Michael Schindhelm, Suisse, 2008.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

pour certains usagers du moins, l'illogisme de la structure va être perceptible, fût-ce purement
intuitivement, et engendrer dans leur esprit un malaise diffus ou une confusion qui va altérer
l'expérience qu'ils font du bâtiment.
Exemple : pavillon à Barcelone (Mies van der Rohe, 1929). La structure est bien exploitée
architecturalement parlant : les colonnes, par ailleurs efficaces et de réalisation ingénieuse, sont
esthétisées par une enveloppe réfléchissante qui les met en valeur. Mais la perception est plutôt
attirée par les grands "murs" et leurs superbes revêtements de pierre. Leur géométrie et leurs
dimensions imposantes laissent à penser qu'ils sont porteurs, voire qu'ils sont les seuls porteurs
du toit. Problème : en réalité, la structure ne se compose que des colonnes, bien suffisantes. Il
y a donc confusion à la lecture sur le rôle structural (ou l'absence de celui-ci) des éléments
perceptibles. Et en ce qui concerne le "prix à payer" : il a fallu ménager des joints compliqués
entre la toiture et les cloisons non porteuses, de manière à éviter qu'en se déformant, le toit ne
vienne les charger, risquant ainsi de les briser, et/ou faire éclater leurs revêtements.

Figure 2.3.4.4.2.2.xxxii

Conclusion : comme le surcoût se double d'une expérience mitigée des usagers, cette démarche
de "mépris" est difficilement justifiable, surtout dans le contexte actuel de raréfaction des
ressources.

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 28


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

2.3.4.4.3. Jeu perceptuel

2.3.4.4.3.1. Généralités
À l'inverse, le concepteur peut choisir de générer délibérément un tel contraste entre formes
architecturale et structurale, et faire en sorte qu'il soit bien perceptible par l'usager, de manière
à créer un choc : "L'utilisation de subterfuge ou d'illusion d'optique qui rendent la lecture de la
structure floue crée l'ambigüité et dérange. Alors l'observateur est amené à se questionner."
C'est-à-dire que le fonctionnement structural est délibérément nié, mais par jeu.
Le principe consiste à confronter la structure apparente avec l'intuition que les usagers peuvent
avoir de la vraie structure. Deux "jeux" différents sont ainsi possibles :
le "Vous ne voyez aucune structure, pourtant tout tient, donc évidemment qu'il y en
mystère a une quelque part, cachée ; pouvez-vous la deviner ?"
"Vous voyez une structure, mais évidemment que vu sa forme, vous savez bien
l'ironie qu'elle ne pourrait fonctionner correctement si c'était là la vraie structure : il y a
forcément un truc, le trouvez-vous ?"

Pour rappel, ces jeux, comme tout contraste, ont un prix : il faut donc qu'ils en vaillent la
peine… C'est pourquoi on les retrouve plutôt dans des interventions localisées, d'échelle
réduite.

2.3.4.4.3.2. Mystère
Exemple : Pôle Image à Liège (AIUD23, 2011) (voir photo page suivante). L'auvent en béton
armé est emballé dans une châsse en polycarbonate translucide, rétroéclairée la nuit. La
dématérialisation opérée est en contraste avec la structure réelle, forcément conséquente
puisqu'il s'agit d'un porte-à-faux, que l'on pressent être en béton comme les linteaux du
bâtiment. Ce choc est utilisé pour attirer l'attention sur l'entrée, autrement difficilement
perceptible dans cet ensemble de bâtiments hétéroclites ainsi que de par sa position en fond de
parking.

23
http://aiud.be/index.php/portfolio-item/22-pole-image-de-liege.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Figure 2.3.4.4.3.2.1.xxxiii

2.3.4.4.3.3. Ironie
Exemple en design : chauffeuse “Knotted”
(Marcel Wanders, 1996). Elle se compose de
cordes en gaine aramide sur une âme en fibre
de carbone. Elles sont tissées selon un
schéma de macramé traditionnel, puis
imprégnées de résine époxy et mises en
suspension durant le séchage24.

Figure 2.3.4.4.3.3.1.xxxiv

Exemple en art plastique : certaines œuvres de l'artiste belge contemporain Roeland


Tweelinckx25, par exemple "Beam and chair" (2018) (voir photo page suivante).
Exemple en architecture : musée de la fondation Serralves à Porto (Álvaro Siza, 1999) (voir
photo page suivante). Si ce demi-arc était réellement construit en pierres assemblée, il lui serait
impossible de tenir ainsi en l'absence d'une clef de voûte. À la citation, presque postmoderne,
s'ajoute donc une ironie.

24
www.dezeen.com/2015/12/14/video-interview-marcel-wanders-knotted-chair-most-loved-movie, au 8-4-2020.
25
www.roelandtweelinckx.be.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Figure 2.3.4.4.3.3.2.xxxv Figure 2.3.4.4.3.3.3.xxxvi

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

3. Analyser la conception structurale

3.1. Généralités
Pour approfondir la connaissance de la conception structurale, il est intéressant d'aller explorer
comment elle a été menée dans des projets existants : quel niveau de qualité y présente-t-elle ?
L'enjeu consiste à aiguiser son regard à ce sujet, et à devenir capable d'élaborer une critique
argumentée – même si celle-ci reste forcément en partie subjective. C'est également l'occasion,
si on compulse la documentation disponible à propos du projet étudié (site web de l'architecte
et de l'ingénieur, articles de presse, bases de données en ligne, etc.), de se rendre compte que
les sources relatives à la structure sont souvent problématiques : elles peuvent être incomplètes,
erronées, contradictoires entre elles, etc. Raison de plus pour les aborder d'un œil critique et
devenir capable de développer son propre avis raisonné.
Tout cette démarche prépare bien sûr à la pratique personnelle de la conception structurale dans
ses propres projets ; ce sera l'objet du point 4.
Voyons d'abord les principes de base de ce type d'analyse, puis explorons ses différentes
étapes :
- identifier les aspects ;
- analyser les relations entre ceux-ci ;
- synthétiser ;
- et enfin conclure.

3.2. Principes
Nous allons voir ici un canevas d'analyse, qui permet d'émettre un avis quant à la qualité de la
conception structurale dans un projet.
Pour commencer, il faut se rendre compte que l'on n'étudie pas en une seule fois la conception
de toute la structure d'un bâtiment. En effet, celle-ci comporte de nombreux types d'éléments
structuraux différents : les murs, les dalles, les colonnes, la toiture, etc. Pour chacun de ces
ensembles, des choix spécifiques ont été opérés, qui sont à juger notamment au regard des règles
de conception propres au type d'élément. C'est pourquoi l'analyse se concentre à chaque fois
sur un élément ou une famille d'éléments particulier(s). Cette étude peut bien sûr être répétée
pour les autres éléments de la structure, jusqu'à avoir une image complète du bâtiment. À défaut,
autant se concentrer sur la famille d'éléments les plus "investis" architecturalement parlant.
Exemple : crématorium "Meguri no Mori" à Kawaguchi au Japon (Toyo Ito, 2018) (voir photo
page suivante). Dans ce projet, on se pencherait en priorité sur la toiture, sur laquelle le

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 32


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

concepteur a manifestement projeté la majeure partie de ses ambitions architecturales, comparé


par exemple aux murs porteurs intérieurs, plus basiques.
La question à laquelle on cherche à répondre
est donc : "La conception structurale de
l'élément structural (ou de la famille
d'éléments structuraux) considéré(e) est-elle
de bonne qualité ou non ?". En sachant que
les apparences peuvent être trompeuses, et les
conclusions surprenantes…

Figure 3.2.1.xxxvii

Ensuite, une étape préliminaire consiste à dégager la forme structurale du projet, puisque, que
comme on l'a vu, celle-ci peut être assez différente de la forme architecturale. Une manière
efficace de représenter cela est l'axonométrie éclatée verticalement.
Exemple : Rolex
Learning Center à
Ecublens en Suisse
(SANAA, 2009).

En pratique, il est
plutôt recommandé
d'utiliser la vue par-
dessous et de joindre
les éléments verticaux
non pas aux éléments
qui les portent, mais à
ceux qu'ils soutiennent.

Figure 3.2.2.xxxviii

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Enfin, il s'agit d'identifier la fonction


structurale de la famille d'éléments choisie, car
cela va intervenir dans l'analyse (les
différentes fonctions structurales sont
présentées au point 4.)
Exemple : musée Soumaya à Mexico City,
présenté précédemment. Ici l'identification des
fonctions structurales a été faite sur
l'intégralité de la structure.

Figure 3.2.3.xxxix

3.3. Identifier les aspects

3.3.1. Généralités
Reprenons le schéma illustrant le principe
d'organicité, et détaillons-en les 3 pôles.

3.3.2. Pôle "Structure"


Nous retrouvons ici les 3 composantes du parti structural : la morphologie, le matériau et les
dimensions principales.
Remarque : dans les dimensions principales, il faut distinguer celles qui sont imposées par le
programme (largeur libre dans une pièce, hauteur d'un étage, etc.) et celles pour lesquelles le
concepteur peut poser un choix. Seules ces dernières sont pertinentes pour l'analyse.

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 34


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Exemple : pavillon d'accueil des visiteurs au


parc Vijversburg26 aux Pays-Bas (Studio
Maks27 & Junya Ishigami, 2017). Il est clair
que la hauteur n'avait pas besoin d'être
énorme, et allait donc rester faible par rapport
aux arbres environnants. En revanche,
prendre, en plan, de grands rayons de
Figure 3.3.2.1.xl
courbure représente un vrai choix, qui
relevait entièrement de la volonté des
architectes.

Toujours pour les dimensions principales, dans le cas des surfaces franchissant un vide (dalles,
toitures), on peut également relever leur sens de portée.
Exemple : le Rolex Learning Center, encore.
Ci-contre, une hypothèse de position des
arcs de soutien et des sens de portée entre
ceux-ci.

Enfin, on peut relever les dimensions


secondaires, qui, en tant que conséquences
des choix opérés sur les trois composants du
parti structural, permettent parfois d'en
éclairer le sens… ou d'y repérer des couacs.

Figure 3.3.2.2.xli

26
https://vijversburg.nl/ontdek-het-park-vijversburg/gebouwen-2/paviljoen.
27
www.studiomaks.nl/#!park-groot-vijversburg.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

3.3.3. Pôle "Architecture"


Pour le pôle architecture, les aspects les plus significatifs ici sont :
- le programme ;
- le contexte, en distinguant :
- le contexte interne, c'est-à-dire les autres éléments architecturaux perceptibles (qui peuvent
donc inclure ou non des éléments structuraux) ; en particulier, on exclut le mobilier,
susceptible de changer au cours du temps – sauf si on se trouve face à un
Gesammstkunstwerk, éventuellement.
- le contexte externe, c'est-à-dire le site d'implantation. L'échelle à prendre en compte dépend
du projet ; celui-ci peut réagir tant aux abords directs qu'à la région entière.
Il peut être intéressant également de s'informer sur les intentions qu'avait l'architecte au départ,
quel était son parti, l'atmosphère / la contextualité / la fonctionnalité qu'il désirait générer.

3.3.4. Pôle "Technologie"


Ce 3e pôle comprend le mode de production, de façonnage et/ou d'assemblage, d'où également
des éléments de prix, de facilité d'exécution et de rapidité de chantier – là où le poste "matériau"
dans le pôle structural s'intéresse surtout aux capacités mécaniques (Le matériau est-il résistant
à la traction ? Est-il fragile ou résilient ? etc.).

3.3.5. Vue d'ensemble

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 36


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

3.4. Analyser les relations entre aspects

3.4.1. Généralités
Il faut à présent envisager chaque paire d'aspects possible, et étudier la relation entre eux. En
pratique, nous allons nous concentrer sur les relations qu'entretiennent les aspects structuraux :
- entre eux, soit la cohérence interne du parti structural ; cela correspond au 1er enjeu identifié
précédemment pour la conception structurale, l'efficacité : "La structure a-t-elle été
correctement conçue ?". Ces relations sont représentées sur le schéma suivant par les flèches
vertes.
- avec les autres pôles (architecture et technologie) ; ce qui correspond au 2nd enjeu identifié
précédemment pour la conception structurale, l'organicité : "Les 3 pôles fonctionnent-ils bien
en synergie les uns avec les autres ?". Ces relations sont représentées sur le schéma suivant
par les flèches violettes.
Remarque : dans le cadre de ce cours, nous laisserons en arrière-plan les relations entre aspects
architecturaux et technologiques, par exemple. Une analyse plus complète les prendrait en
compte, bien sûr.
Cela représente un
total de 15 relations à
étudier :

À chaque fois, il faut se demander si la relation entre les deux aspects considérés (par exemple,

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 37


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

"morphologie" et "contexte externe") semble positive (écho, résonance), négative


(contradictions, dissonance) ou indifférente (aucune relation particulière ne peut être
identifiée). Si le type de relation n'est pas clair au premier coup d'œil, une manière d'élucider
cela consiste à se demander ce que le projet aurait gagné ou perdu si un choix différent avait
été fait pour l'aspect structural considéré (ou pour l'un des deux aspects structuraux considérés,
si on se penche sur la relation qui existe entre eux deux).
Enfin, dans le cas d'une relation conflictuelle, il faut se demander si cela découle d'une erreur
du concepteur, ou si ce handicap côté structural résulte d'un compromis qui permet en
compensation de gagner quelque chose sur un autre plan.
Exemple : Rolex Learning Center. Les proportions des arcs (relevant de l'aspect "dimensions
principales") sont extrêmement écrasées, ce qui est très défavorable (les efforts sont très
importants, entraînant des sections massives). Mais sur le plan de la fonctionnalité, cela permet
des pentes qui restent douces, de sorte que l'entièreté de la surface ainsi générée soit praticable.

Figure 3.4.1.1.xlii

La question demeure, cependant, de savoir si le surcoût et la surconsommation de ressources


correspondants sont valablement contrebalancés par le gain obtenu sur les autres plans, ou si
une manière de faire plus économe et efficace peut être imaginée, pour les mêmes effets.

3.4.2. Cohérence interne du parti structural


L'étude des relations entre morphologie, matériau et dimensions principales est notamment

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 38


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

l'occasion de se demander si les règles de conception propres à la fonction structurale et à la


morphologie employée (qui seront vues dans le cadre de ce cours) ont été ici respectées ou non.
Exemple : toujours le Rolex Learning Center. Ce projet fait intervenir, bien que ce soit caché,
des arcs. Une problématique structurale récurrente pour cette morphologie est la reprise des
réactions horizontales. Les étudiants menant l'analyse ont vérifié qu'une solution y était bien
apportée dans le projet, dans ce cas sous forme d'un tirant entre les pieds de chaque arche.

Figure 3.4.2.1.xliii

3.4.3. Relation entre la structure et les autres aspects


À chaque fois qu'une relation positive est trouvée, on peut se demander quel type d'effet est
sollicité de la part de la structure : architectural, contextuel, iconographique, esthétique, ou autre
chose encore ?

3.5. Synthétiser
Il est utile de rassembler toutes les observations effectuées, sous forme d'un diagramme
synthétique offrant une vue d'ensemble. Ce diagramme peut se baser sur le cercle esquissé
précédemment, sur lequel on reporte les axes d'accord et de désaccord entre aspects, un peu
comme un thème astrologique. Les conventions graphiques peuvent être par exemple les
suivantes :

type de relation type de trait


relation positive trait plein
relation conflictuelle trait pointillé ou traitillé
relation patente mais de teneur indéterminée trait ondulé
pas de relation pas de trait

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 39


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Exemple :

3.6. Conclure
Ce peut être le moment de
repérer si certains aspects
présentent des relations
unanimement positives ou
négatives avec les autres,
ce qui peut indiquer qu'ils
sont particulièrement
réussis ou problématiques
dans la conception
structurale. Illustrons cela
en considérant l'exemple
ci-contre.

On observe ici :
- un tableau mitigé : il y a bien un certain nombre de relations positives, mais à peine plus que

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 40


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

de relations négatives ;
- une belle réussite en ce qui concerne l'intégration avec le contexte interne ;
- un problème général de cohérence avec la technologie.
L'analyse tendrait donc à conclure que la qualité de la conception structurale de l'élément
considéré est assez moyenne. Ce résultat pourrait être nuancé si les handicaps observés
permettent par ailleurs des effets positifs sur d'autres plans.

Pour finir, on peut essayer, au vu de la conclusion établie, de caractériser l'attitude de l'architecte


vis-à-vis de la conception de l'élément structural considéré, en s'aidant des modes vus
précédemment : sommes-nous face à une synthèse, une consonance ou un contraste ? Dans le
cas de contraste, s'agit-il selon nous d'un choix conscient pour créer un jeu perceptuel ou
imposer sa volonté formelle ? D'une négligence ? D'une erreur manifeste du concepteur ?

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 41


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

4. Effectuer la conception structurale

4.1. Généralités
La teneur et les enjeux de la conception structurale ayant été présentés, il est temps de voir
comment la mener à bien dans un projet personnel, c'est-à-dire définir un parti structural
complet. Il s'agit d'un processus qui comporte plusieurs étapes, chacune disposant de son outil
spécifique :

étape → outils vu au cours de


1 esquisser une structure complète → le plan filaire Structures 3
choisir les caractéristiques
le "fonctionnement des
2 macroscopiques des éléments → Structures 2
structures"
structuraux
Structures 2
3 vérifier les dimensions secondaires → le prédimensionnement (sur base de
Structures 1)

Ces étapes et outils sont présentés dans un premier point.


Ensuite, dans le cadre du présent cours, nous allons nous concentrer sur la mission "choisir les
caractéristiques macroscopiques" et l'outil correspondant "fonctionnement des structures". Pour
autant, au final il faut bien sûr devenir capable de jongler efficacement avec les 3 outils. En ce
qui concerne le fonctionnement des structures, cet outil se fonde sur et est organisé en fonction
d'un concept particulier : les fonctions structurales, qui seront présentées au point d'après.

4.2. Étapes

4.2.1. Esquisser une structure complète


Dans un premier temps, l'usage du plan filaire définit la position d'un ensemble complet
d'éléments structuraux pressentis. Ce faisant, à cette étape se décident également les dimensions
principales de la structure. En pratique, comme on l'a dit plus haut, cette étape sera vue en fait
au quadrimestre prochain, au cours de Structures 3.

4.2.2. Choisir les caractéristiques macroscopiques des éléments structuraux


Entre ensuite en action le "fonctionnement des structures". Celui-ci fournit, pour chaque type
Th. VILQUIN @ ULB Architecture 42
Fonctionnement des structures 1 2019-2020

d'élément structural (les colonnes, les dalles, les murs, etc.), un catalogue de morphologies
possibles et un ensemble de règles de "bonne" conception à respecter. C'est pourquoi
l'application de cet outil ne se fait pas en une seule fois sur toute la structure, mais (famille
d')élément(s) par (famille d')élément(s). Classiquement, on parcourt ceux-ci en suivant le fil de
la descente de charge. Par exemple, on peut ainsi passer du toit à un mur de soutient, qui lui-
même pourrait tomber ensuite sur des colonnes, etc.
Pour chaque élément, au concepteur de faire un choix raisonné dans l'ensemble de possibilités
existante, aussi en cherchant à le coordonner avec ses intentions architecturales : on a vu en
effet qu'idéalement, les choix structuraux (et, en fait, également ceux techniques) devraient
(ré)alimenter la narration du projet, sa dimension architecturale. On développe ainsi un premier
parti structural pour chaque élément tour à tour, en lui choisissant une morphologie et un
matériau, qui se rajoutent aux dimensions principales déjà définies à l'étape précédente.

4.2.3. Vérifier les dimensions secondaires


Enfin, le prédimensionnement entre en scène : il permet d'estimer les dimensions secondaires
correspondantes au parti structural envisagé. Généralement, on n'a pas le temps de
prédimensionner toute la structure esquissée. On peut alors se concentrer sur les éléments qui
semblent les plus chargés, et/ou ceux qui présentent le plus d'enjeu sur le plan architectural. Par
exemple, une poutre va déterminer, de par sa hauteur, un gabarit de passage sous elle, ou une
colonne de sous-sol va influer sur la circulation dans le parking et donc la capacité de celui-ci,
tandis que l'épaisseur d'une dalle n'a a priori qu'un impact limité (sauf dans le cas d'un immeuble
haut, ou via l'apparence du nez de dalle s'il est visible).
On peut alors vérifier, par exemple en représentant la structure obtenue en 3D, si avec ses
épaisseurs elle semble convenir, tant en termes de consommation de ressources (poids
raisonnable par rapport à l'ensemble des alternatives, ce qui est normalement le cas si on a suivi
les règles de conception), de fonctionnalité (par exemple, gabarit de passage sous une poutre)
que d'aspect, au regard des intentions architecturales (dimension plastique de la structure).
Au cas où les dimensions secondaires posent problème, il faut alors revenir à l'étape précédente,
et réviser le parti structural d'une manière ou d'une autre, c'est-à-dire modifier la morphologie,
le matériau et/ou les dimensions principales – par exemple, dans ce dernier cas, en utilisant une
structure primaire (voir ce concept plus loin) pour diminuer les portées.
En procédant à cette vérification des dimensions secondaires, on s'assure que, même lorsque
l'on arrivera à l'étape subséquente du "vrai" dimensionnement, opéré par l'ingénieur, aucun
changement majeur ne sera nécessaire, et que le design, dont l'architecte est satisfait, pourra

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

être réalisé dans une forme très proche de ce qu'il avait projeté, avec toutes les qualités qu'il y
trouvait associées. À défaut, il sera nécessaire de modifier en dernière minute un ou plusieurs
composant(s) du parti structural de manière à revenir à des épaisseurs acceptables, au risque,
en fonction de l'arbitrage opéré, soit de dégrader irrémédiablement la qualité architecturale, soit
d'alourdir le budget.
Exemple typique : en cours d'exécution, un linteau de garage dans une ossature béton de tour,
dimensionné plus précisément, s'avère finalement trop épais en hauteur que pour encore laisser
dessous le gabarit de passage prescrit. La solution consiste souvent à le remplacer par un profilé
H en acier (soit un changement de morphologie et de matériau), effectivement moins
encombrant. Dans ce cas-ci, il n'y a pas trop de dommages sur le plan architectural ; en
revanche, cela représente un surcoût non négligeable, vu le prix de l'acier…

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

4.3. Les fonctions structurales

4.3.1. Généralités
Nous allons commencer par définir ce que sont les fonctions structurales, avant de montrer
qu'elles peuvent parfois être combinées entre elles. Ensuite, on abordera la problématique de
l'identification correcte de ces fonctions, et enfin on verra en quoi cette notion fonde
l'organisation de l'ensemble du cours de Fonctionnement des structures.

4.3.2. Définition
Comme évoqué au point précédent, les morphologies envisageables et les règles de conception
à prendre en compte diffèrent suivant le type de l'élément structural considéré. Plus
exactement, cela dépend de la fonction structurale qu'il remplit, c'est-à-dire le type de rôle qu'il
joue dans la structure globale. L'avantage est que ces fonctions structurales ne sont au nombre
que de 3 (ou 4, suivant la manière de les classer).
Une première fonction consiste à reprendre une charge (généralement verticale) de
manière longitudinale, c'est-à-dire que l'élément est aligné sur la charge. Il s'agit de la
fonction "supporter". La transmission de la charge peut se faire autant vers le bas, en
compression (ainsi que le font une colonne ou un mur) que vers le haut, en traction (via
un câble, un hauban), pour l'amener à un niveau supérieur.
Exemple : entre les deux tours Petronas à
Kuala Lampur (César Pelli, 1997), une
passerelle est soutenue en son milieu par
deux barres disposées en V inversé. Chacun
de ces éléments est sollicité principalement
selon son axe, même s'ils sont placés de
manière oblique. Cela veut dire que, en ce
qui concerne la fonction structurale, ces
éléments font partie de la même "famille"
que les colonnes (fonction "supporter"),
Figure 4.3.2.1.xliv
même si celles-ci sont généralement
verticales.
On appelle de telles pièces des butons, et elles répondent donc aux mêmes règles de conception
qu'une colonne (par exemple, une section de forme "centrée", ici une section ronde).
Une deuxième fonction structurale possible consiste à reprendre une charge (généralement
Th. VILQUIN @ ULB Architecture 45
Fonctionnement des structures 1 2019-2020

verticale) par un élément qui lui est peu ou prou perpendiculaire ; la charge est donc
transversale à l'élément. Il s'agit de la fonction "ponter", soit franchir une portée. Sous l'effet
de la charge, l'élément va travailler globalement en flexion.
La différence fondamentale entre les fonctions "supporter" et "ponter" est donc que, dans un
cas, le chemin emprunté par la charge le long de l'élément reste rectiligne, aligné sur sa
direction première, tandis que dans le second cas, l'élément dévie la charge latéralement, pour
la transmettre à ses appuis.
En pratique, la fonction "ponter" se retrouve dans deux situations différentes (on peut parler
de "sous-fonctions") :
- soit il s'agit de soutenir un praticable, et alors il y a la contrainte de présenter
une surface plus ou moins horizontale plane, de manière que les usagers
puissent l'emprunter.
Mais une façade-rideau, devant résister à la charge du vent, ressort ainsi également de cette
fonction, même si le problème est tourné à 90°.

- soit il s'agit de couvrir un espace, où une telle contrainte de


planéité est absente ; dès lors, la forme peut se développer
librement dans la direction verticale, vers le haut comme vers le
bas.

Enfin, une dernière fonction, un peu différente, consiste à assurer


la résistance de la structure face à des sollicitations non pas
verticales (poids propre, charges d'exploitation), mais
horizontales (vent, séisme). Il s'agit de la fonction "contreventer".
Dans une même structure, on va donc retrouver un ensemble
d'éléments remplissant des fonctions structurales différentes.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

4.3.3. Structures primaires, structures secondaires


Parfois, un élément ne sert pas directement à remplir une des fonctions "de base", mais à aider
un autre élément à le faire (souvent "ponter", mais pas uniquement), en lui procurant
artificiellement des appuis supplémentaires pour réduire la portée ou la hauteur que ce dernier
doit franchir.
Exemple : pont sur le Val Tschiel, entre l'Italie et la Suisse (R. Maillart, 1925).

Figure 4.3.3.1.xlv

La (sous-)fonction globale de cet ouvrage est "soutenir un praticable". Mais cette fonction n'est
prestée directement que par le tablier, que les usagers empruntent. Les autres éléments de la
structure (l'arc et les colonnettes qui le relient au tablier) sont là pour diminuer la portée que le
tablier doit franchir, qui devient ici l'interdistance entre colonnettes. Sans cela, il devrait se
débrouiller pour "sauter" tout seul d'une rive à l'autre. Il devrait alors être beaucoup plus épais
et donc plus lourd.

On appelle le premier élément une structure primaire, car il soutient d'autres éléments, qui, eux,
constituent la structure secondaire. (Si la structure primaire tombe, la structure secondaire
aussi, alors que l'inverse n'est pas vrai.) Attention, l'appellation est un peu contre-intuitive : on
a envie de "suivre le trajet du poids de la goutte d'eau", la descente des charges, mais c'est
l'inverse qu'il faut faire : il faut remonter ce chemin, en partant du sol… "Primaire" et
"secondaire" suggèrent ainsi plutôt l'ordre dans lequel les éléments portent les uns sur les autres.

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 47


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Par exemple, pour le pont ci-dessus, l'arc et les colonnettes constituent donc la structure
primaire (que l'on range toujours dans la fonction "soutenir un praticable"), au service du tablier,
qui, lui, relève de la structure secondaire.

4.3.4. De la fonction au fonctionnement


La fonction structurale, de par la configuration de chargement qui la caractérise, détermine le
type de phénomènes spécifiques qui vont apparaître dans l'élément structural considéré ;
comme suggéré plus haut, la fonction "supporter" entraîne ainsi généralement un
fonctionnement en traction ou compression, la fonction "ponter" un fonctionnement plutôt en
flexion, etc. À leur tour, ces fonctionnements appellent des morphologies particulières, qui
sont plus efficaces pour les assurer, dans le sens où, une fois (pré)dimensionnées, elles
s'avéreront plus légères que d'autres.
Par exemple, une poutre a plutôt
intérêt à présenter une section
dont la forme est allongée
verticalement, et non une section
ronde. On peut donc dire qu'en
structure aussi, on retrouve le
principe moderniste "Form
follows function" !
Figure 4.3.4.1.

De même, pour chaque morphologie adaptée à une fonction donnée, il peut y avoir :
- des proportions optimales ;
- des matériaux particulièrement appropriés ou au contraire déconseillés ;
- des points d'attention récurrents ; par exemple, un arc présente des réactions horizontales,
qu'il faut trouver comment reprendre dans le projet.
Tout cela définit des règles de conception particulières, qu'il faut connaître pour faire les bons
choix quant au parti structural.

4.3.5. Combinaison de fonctions


Un bâtiment n'est pas soumis à un seul cas de charge, mais à plusieurs. Cela veut dire qu'un
même élément structural peut se retrouver à devoir remplir successivement plusieurs fonctions
structurales ! Par exemple, un mur peut être amené à résister non seulement à une charge

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 48


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

verticale linéique (fonction "supporter"), mais aussi à la poussée (horizontale) du vent


perpendiculairement à sa surface (ce qui revient à la sous-fonction "soutenir un praticable",
même si le problème est tourné à 90° par rapport à ce que suggère cette appellation).
Cela crée une sorte d'économie dans le projet : un même élément remplit plusieurs fonctions.
Mais l'élément doit alors a priori respecter les règles de conception propres à l'ensemble de ces
fonctions.
Exemple : un abri de forme cubique doit pouvoir reprendre non seulement une charge
d'exploitation verticale sur son toit (par exemple une couche de neige), mais aussi du vent,
quelle que soit la direction d'où celui-ci provient. Chaque surface de l'abri se retrouve ainsi à
devoir remplir plusieurs fonctions.

Figure 4.3.5.1.xlvi

Pour illustrer cela, on peut opposer les productions des ingénieurs belges contemporains
Philippe Samyn et Laurent Ney (voir exemples page suivante). Chez le premier préside en
général le principe "un élément, une fonction". Au contraire, le second suit un processus
d'"intégration", qui cherche à réduire au minimum le nombre d'éléments différents, chacun
remplissant donc plusieurs fonctions. On observera que les esthétiques résultantes sont très
différentes l'une de l'autre : des éléments fins mais démultipliés d'un côté, conférant à la
structure une grande intelligibilité, et de l'autre, un nombre d'éléments réduits mais plus
présents, menant à une appréhension d'ordre plutôt poétique.
En pratique, tous ces cas de charge ne présentent pas la même importance et/ou la même
fréquence, de sorte qu'à celui prédominant corresponde une fonction structurale "principale".
Dans la conception de l'élément structural considéré, une certaine priorité peut donc être

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

accordée aux règles relatives à cette dernière.


Gare de Leuven (Samyn, 2008) Passerelle à Knokke (Ney, 2008)

Figure 4.3.5.2.xlvii Figure 4.3.5.3.xlviii

4.3.6. Identification
De ce qui précède, on peut conclure que si un élément structural n'est pas conçu conformément
à la fonction qu'il est appelé à remplir, ou utilisé d'une autre manière que la fonction pour
laquelle il a été conçu, il risque de casser. Il est donc fondamental d'identifier correctement la
fonction structurale d'un élément (projeté ou existant), de manière à le concevoir ou l'utiliser
correctement.
Illustration :
La colonne à laquelle la corde a été attachée
est prévue pour recevoir une partie du poids
du toit, soit une charge verticale. La colonne
aussi est verticale, donc la charge est alignée
sur l'élément qui la reprend : on dit que la
charge est longitudinale. Dès lors, elle
Figure 4.3.6.1.28 remplit la fonction structurale "supporter".
Mais là, la colonne est sollicitée horizontalement par la corde, soit transversalement ! Cela
correspond à une autre fonction structurale, ponter, pour laquelle la colonne n'a pas été conçue.
Dès lors, il n'est pas étonnant que celle-ci ne puisse résister, et cède. Heureusement, ici,
personne n'est blessé. Mais dans la réalité de la construction, une telle erreur est évidemment à
exclure…

28
Vidéo "Meanwhile in Brazil - Wait for it... Fail.", 12-5-2012, sur www.youtube.com/watch?v=LkC4Y9HnSNc,
au 18-4-2020.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Exemple d'exploitation artistique : "Locker


Sculpture #01" (Matias Faldbakken, 2010).
La ruine provient du fait que la force exercée,
horizontale, est perpendiculaire à celle
verticale à laquelle l'objet est censé résister
normalement. Ici la démarche est d'ordre
ironique : le travail à la chaîne est décrié via
le saccage de l'un de ses symboles, en même
temps que la focalisation sur les armoires
fermées à clé évoque la tendance Figure 4.3.6.2.xlix
contemporaine à la sursécurisation.
Comment donc identifier la fonction structurale d'un élément ? On pourrait avoir tendance à se
baser uniquement sur son aspect, mais il faut se souvenir que la fonction correspond en réalité
à une question de positions relatives entre l'élément lui-même, ses appuis et la charge
(principale) qui s'y applique. Il faut donc modéliser la structure et les charges, c'est-à-dire faire
un effort d'abstraction – faute de quoi on risque de se tromper, avec les conséquences négatives
que cela peut avoir, comme vu plus haut.
Exemple : centre d'innovation de l'Université
Catholique de Santiago du Chili (Anacleto
Angelini & Alejandro Aravena, 2014).
L'élément de base ressemble à un mur, que
l'on associera volontiers à la fonction
"supporter". Mais un examen plus attentif du
bâtiment révèle que ces éléments "murs" ne
portent pas tout du long de leur trace en
pied : ils ne sont appuyés qu'en leurs
extrémités, voire présentent un porte-à-faux.
Dès lors, on se trouve face à la fonction
"ponter"… Un tel élément possède d'ailleurs
une appellation propre : il s'agit d'une
poutre-cloison.

Figure 4.3.6.3.l

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Les cas de figure possibles sont donc :


soit l'élément est aligné sur la soit, au contraire, la charge est (plus ou moins)
charge qui lui est appliquée ; perpendiculaire (en tout cas transversale) à l'élément ; alors
alors il remplit la fonction celui-ci remplit la fonction "ponter".
"supporter".

Figure 4.3.6.4.li Figure 4.3.6.5.lii

Enfin, en ce qui concerne la fonction "contreventer", il n'est pas toujours facile de l'appréhender
intuitivement, et le plus efficace consiste à utiliser une maquette de la structure. On peut alors
appuyer latéralement pour sentir si celle-ci est capable de résister ou non à des charges latérales,
et quels sont précisément les éléments qui permettent d'offrir cette résistance.

Figure 4.3.6.6.liii Figure 4.3.6.7.liv

Exercice
Voici l'auvent de la station de métro Sainte-Catherine à Bruxelles (Olivier Noterman + Laurent
Ney, 2005) (voir photo page suivante). Déterminer pour chaque élément structural quelle
fonction structurale (principale) il remplit. Remarque : le sommet de la cage d'ascenseur ne
touche pas la plaque supérieure ; il s'y trouve seulement un capotage qui empêche les pigeons
d'aller nicher dans l'espace interstitiel.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Figure 4.3.6.8.lv

La plaque supérieure se développe horizontalement sous des charges principalement verticales


(poids propre, neige, etc.) ; la transversalité entre les deux indique que cette plaque répond à
une fonction "ponter". On peut remarquer que, bien que cette plaque réponde à une sous-
fonction "couvrir un espace", on lui a donné une forme horizontale, ce qui lui confère la même
allure qu'une structure qui répondrait à la sous-fonction "soutenir un praticable" – par exemple
une terrasse, ou, dans le domaine du mobilier, une table. Cela indique qu'on aurait pu faire
d'autres choix formels, où cette surface n'aurait pas été plane ; bien sûr, cela aurait changé non
seulement l'expression du projet mais aussi toute la structure de cet auvent.
Ensuite, les colonnes sont soumises à une charge verticale qui leur est quasiment longitudinale,
et ressortissent donc de la fonction "supporter". Mais leur inclinaison indique qu'elles
contribuent en même temps à la fonction "contreventer" (en combinaison avec la rigidité du
plateau de couverture). De plus, cela contribue à l'expression formelle du projet… et même de
manière déterminante.
Remarque : par contre, sur le plan de l'expression, on peut regretter la confusion induite par la
proximité entre le sommet de la cage d'ascenseur et le toit, en ce qui concerne le fonctionnement
réel de la structure. La forme architecturale nous suggère que la cage soutient le toit, alors que

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

la forme structurale nous indique que ce n'est pas le cas. Ce n'est vraisemblablement pas un
effet voulu, mais une mauvaise surprise en fin de projet, quand on s'est rendu compte qu'il était
nécessaire de rajouter un grillage anti-pigeons… Le projet y perd en lisibilité et donc en
puissance.

4.3.7. Structuration du cours


Afin de rester au plus proche du processus de conception structurale par l'architecte, la matière
de ce cours est organisée par fonction structurale. Il faut se rendre compte que c'est différent de
la plupart des livres de référence dans le domaine, qui adoptent plutôt une approche
encyclopédique, selon le mode de fonctionnement ou la forme des différents types d'éléments
structuraux29. Une telle manière de faire est adéquate pour analyser une structure existante, mais
peu opérante lorsqu'il s'agit de concevoir soi-même une structure.
Ensuite, bien qu'il n'y ait pas d'ordre intrinsèque entre les différentes fonctions, nous allons
commencer par celle "supporter", car elle permet d'introduire directement le phénomène de
flambement, qui reviendra ensuite en filigrane dans les chapitres suivants.

29
Par exemple, le classique ENGEL Heino, Structure Systems, éd. Verlag Gerd Hatje, Ostfildern-Ruit, 1997, ou le
plus récent MOUSSAVI Farshid, The Function of Form, éd. Actar & Harvard University, Barcelone & Cambridge,
2009.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

5. Bibliographie

Ouvrages
CHARLESON Andrew, Structure as Architecture – A Source Book for Architects and Structural
Engineers, éd. Elsevier, Oxford, 2005.
GARGIANI Roberto (éd.), La colonne – Nouvelle histoire de la construction, éd. Presses
polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 2008.

Actes de colloque
CRUZ Paulo (éd.), Structures and Architecture, éd. CRC Press, Leiden, 2010.

Thèse de doctorat
LUYTEN Laurens, Structurally Informed Architectural Design, thèse de doctorat, Chalmers
University of Technology, Gothenburg (Suède), 2012.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

I. CONCEVOIR UNE COLONNE POUR REPRENDRE UNE CHARGE


LONGITUDINALE PONCTUELLE

1. Généralités
Après quelques préliminaires sont présentées les stratégies de conception des colonnes, en
distinguant comme précédemment entre les domaines du choix du matériau, des dimensions
principales et de celui de la morphologie. Enfin sont donnés quelques compléments d'ordre
purement technologique.

2. Préliminaires

2.1. Généralités
Bien que (ou justement du fait que) le vocable "colonne" soit courant, il y a souvent des
confusions quant à la nature du problème structural dont on parle ; c'est pourquoi on va d'abord
prendre le temps de définir correctement celui-ci.
Ensuite, on se penchera sur l'opinion courante que la colonne ne constitue pas un enjeu majeur
en conception, que ce soit en termes de structure ou d'architecture ; on verra que rien n'est moins
faux.
Enfin, on détaillera les phénomènes structuraux en présence dans les colonnes et butons, qui
dirigeront la conception de ceux-ci dans le choix de leur matériau et de leur morphologie.

2.2. Définition du problème


L'enjeu est de reprendre dans un élément rectiligne une charge qui lui est appliquée
longitudinalement. L'élément est fixé à ses deux extrémités. Lorsque l'élément est vertical, on
parle de colonne, sinon de buton.
Remarque : il faut distinguer la colonne du mât qui, malgré qu'il partage avec elle son allure,
diffère par :
- ses conditions d'appui : le mât a son sommet libre, et est par conséquent toujours encastré en
pied ;
- son chargement, qui fait généralement intervenir, en plus de la charge verticale éventuelle,
une charge latérale significative (par exemple le vent). Par conséquent, alors que la colonne
est soumise plutôt à compression, le mât l'est plutôt à flexion (voir figure page suivante).
Remarque : c'est encore une illustration du fait que pour identifier la fonction structurale d'un

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 56


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

élément (et donc pouvoir appliquer les règles de conception appropriées), il ne suffit pas de
s'en tenir à sa forme, son allure, mais qu'il est nécessaire d'analyser sa configuration de charge.

colonne vs mât effort normal

moment fléchissant (hors flambement) déformée (hors flambement)


Figure 2.2.1.

2.3. Enjeux de la conception structurale des colonnes


Penchons-nous d'abord sur l'importance structurale des colonnes ; ensuite, on abordera leur
importance architecturale.
Les colonnes ne représentent certes normalement pas le poste principal dans le poids d'une
structure (poids que l'on peut relier ensuite aux notions d'énergie grise et d'équivalents CO2,
notamment). Néanmoins, le phénomène de flambement (voir plus loin) est susceptible de
requérir un épaississement démesuré de leur section (par rapport à ce que nécessiterait juste la
reprise de la charge en compression pure), et donc de leur poids. Au contraire, une conception

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

correcte des colonnes permet de réaliser sur ce poste une économie significative en termes de
consommation de ressources. Par exemple, on peut voir cela dans Central Plaza déjà évoqué
précédemment.
Ensuite, sur le plan architectural, à première vue la colonne peut sembler un élément trop
basique que pour inspirer l'architecte – qui sera plus enclin à se concentrer sur sa dimension
d'obstacle encombrant dans l'espace. Par la suite, on verra de nombreux exemples qui montrent
que ce n'est pas le cas, mais en voici déjà un, particulièrement représentatif : l'atelier pour le
Kanagawa Institute of Technology à Atsugi (Japon) par Jun'ya Ishigami (2008). En effet, il n'y
a pratiquement pas d'autres interventions architecturales que la mise en place de cet ensemble
de colonnes ! C'est pourquoi elles ont été particulièrement travaillées : dans leur disposition
(irrégulière) et leur couleur (peintes en blanc pour créer, en combinaison avec l'éclairage
naturel, une atmosphère éthérée, propice au travail et à la concentration).

Figure 2.3.1.lvi

2.4. Phénomènes en présence


Tout comme pour les poutres, ce sont plusieurs phénomènes qui sont présents dans les colonnes.

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Tout d'abord bien sûr la compression,


liée au chargement longitudinal (plutôt
que transversal).
Approchons-en le comportement via
une analogie "humaine", à l'aide de
l'exercice illustré ci-contre30.

Figure 2.4.1.lvii
Sur base du ressenti des participants, on peut en tirer les conclusions suivantes :
- toutes les "molécules" sont sollicitées avec la même intensité ; c'est-à-dire que tous les points
de la section travaillent de la même manière.
- élargir la section ne change rien ; c'est-à-dire que la forme de la section n'a pas d'influence sur
la reprise de la compression.
- par contre, ajouter ou enlever une "file" diminue / augmente l'intensité de la sollicitation de
chacun ; c'est-à-dire qu'une section plus grande (en termes d'aire) résistera plus aisément.
- si on pousse jusqu'à la ruine, les différentes
"files" s'écrasent en sens divers, de
manière progressive et non brutale ; l'axe
de la "colonne" ne bouge pas, mais sur cet
axe survient la déformation principale,
longitudinale donc. Il existe également une
déformation secondaire : la section
s'évase, ce qui correspond à un gonflement
latéral. Dans la réalité, les différentes
"files" sont liées entre elles ; suite à ce
gonflement latéral, elles se retrouvent donc
soumises à de la traction perpendiculaire.
Exemple : table basse "Log Table" du
designer suédois Patrik Fredrikson (2001). Figure 2.4.2.lviii

30
MOUTERDE Rémy, "Notes pédagogiques pour la tenue d'expériences de kinesthésie", École d'architecture de
Lyon, décembre 2013, p. 2.

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Ensuite, un second (ou troisième ?) phénomène peut apparaître et


s'ajouter à la compression. Considérons une colonne élancée ; par
exemple, si on reprend l'analogie "humaine" précédente, ne gardons
plus qu'une seule "file" de molécules (voir ci-contre).
On observe que, sous une charge relativement faible, la colonne se
"disloque". En fait, vu l'impossibilité pour les charges de s'appliquer
de manière parfaitement longitudinale et pour les molécules de se
maintenir dans un alignement parfaitement vertical, celles-ci se
retrouvent soumises à, en plus de la charge longitudinale, de petites
charges transversales induites par leur léger désaxement, ce qui les
soumet à une flexion parasite. Cette flexion engendre logiquement une
déformation latérale de la colonne, dans la direction de plus faible
inertie. On parle de flambement.
Cette déformation apparaît de manière brusque, et peut mener tout
aussi directement à la rupture. Dans un bâtiment, cette rapidité ne
donnerait pas le temps aux occupants de s'échapper. Il s'agit donc d'un Figure 2.4.3.lix
phénomène particulièrement dangereux.
Par conséquent, c'est sur la lutte contre le
flambement que va se concentrer la
conception des colonnes.
Voyons comment cela s'exprime dans les
choix de conception à faire, c'est-à-dire en
termes de matériau, dimensions principales et
morphologie.

Figure 2.4.4.lx

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3. Choix du matériau
Beaucoup de matériaux présentent une résistance à la compression. Le risque de flambement,
lui, peut être compensé par un travail sur la morphologie, notamment un élargissement de la
section ; il est donc possible de d'ériger des colonnes dans un matériau qui n'est pas
particulièrement rigide. Dès lors, l'enjeu est plutôt de fournir également une résistance au
"gonflement" de la section, donc une résistance en traction. Il faut donc au minimum du bois
et/ou de la pierre.
Sur le plan historique, on peut remarquer que cette limitation a retardé l'apparition de l'élément
colonne (alors même qu'il nous semble avoir été présent depuis toujours). En effet : "Si l'on se
tourne vers la région du monde où la civilisation et l'art monumental sont nés, c'est-à-dire
l'Orient méditerranéen, on constate aussitôt que la Mésopotamie, contrée démunie de bois et de
pierre à bâtir mais riche en argile, a développé une architecture de briques, dans laquelle […]
la colonne est à peu près absente. […]
C'est l'Égypte, cependant tout aussi pauvre en
bois de charpente, qui va engendrer tous les
éléments de l'art monumental, en raison de sa
grande richesse en pierre […], et capable,
grâce à son expansion commerciale et
conquérante, de faire parvenir dans la vallée
du Nil tout le bois nécessaire [en tant
qu'échafaudage, machines de levage, etc.] à
l'élaboration de l'art monumental sous toutes
ses formes.
Les premières colonnes de pierre d'Égypte
coïncident avec ce moment exceptionnel qui
voit naître l'architecture de pierre, sous le
règne du roi Djeser, vers 2700 av. J.-C. En
effet, ce souverain […] se fait bâtir […] un
double de Memphis [la capitale de l'Égypte
Figure 3.1.lxi
unifiée], élevé sur le plateau désertique de
Saqqara[h] dominant la ville, et qui sera sa
ville pour l'Éternité.
La nouvelle Memphis est une ville factice, pour la première fois bâtie entièrement en pierre,

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[…] devant défier le temps"31, en écho à la conception spirituelle de l'immortalité de l'âme.


Dans le cas où on ne dispose pas de pierre ou bois en blocs de dimensions suffisantes, on peut
appliquer le principe du gabion, qui consiste à décomposer la reprise de la compression de celle
de la traction transversale. Un amas de petits éléments solides reprend la compression, tandis
qu'un "filet" en une matière résistante en traction les enserre et prend en charge le gonflement
latéral.
Exemple : friche La Belle de Mai à
Marseille (~2010). De la simple caillasse
reprend la charge du toit, tandis que la
résistance en traction latérale est apportée
par les tiges verticales en bois (remarquer
qu'elles ne sont pas connectées au
"chapiteau" : elles ne servent donc
effectivement pas à la reprise directe de la
charge verticale), associées à des cerclages
métalliques.

Figure 3.2.lxii

31
ADAM Jean-Pierre, "La colonne antique – Genèse et évolution du support isolé", (Gargiani, 2008), pp. 9-10.

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4. Travailler sur les dimensions principales pour réduire la longueur de flambement

4.1. Généralités
Pour rappel, la longueur de flambement L fl [m] correspond à la demi-longueur d'onde de la

déformée de la colonne. Elle est donc déterminée par les conditions d'appui de la colonne,
comme illustré ci-dessous.

L fl
L L fl L L L fl

appui 1 encastrement appui simple appui simple


appui 2 encastrement encastrement appui simple
L fl 0,5 L 0,7 L L

Figure 4.1.1.

On peut agir sur cette déformée de deux manières :


- directement, en travaillant sur les conditions d'appui aux extrémités de la colonne ;
- indirectement, en fournissant des appuis supplémentaires à la colonne le long de sa hauteur.
Une première voie pour cette "manière indirecte" peut être illustrée avec l'exemple d'un "fagot"
de piques à brochette (voir page suivante). Une manière d'améliorer sa résistance au
flambement sous charge longitudinale serait de rajouter un ou plusieurs "étages" de scotch du
même style que ceux réalisés aux extrémités. Cette voie peut emprunter divers moyens pour
procurer à la colonne ces appuis intermédiaires partiels :
- liaisonner 2 colonnes voisines entre elles, vers leur mi-hauteur, en les croisant ;
- liaisonner 2 colonnes voisines entre elles, vers leur mi-hauteur, via d'autres éléments de la

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structure ;
- liaisonner 2 colonnes voisines entre elles, vers leur mi-hauteur, via une structure annexe
spécifiquement dédiée à cet effet.

Figure 4.1.2.lxiii

Mais au cas où une colonne ne dispose pas d'une voisine proche avec laquelle elle peut
s'associer, elle peut encore s'apporter elle-même des appuis supplémentaires, à l'aide d'un
haubanage.

4.2. Encastrer les extrémités


Exemple : la maison Cauchie à Bruxelles (Paul Cauchie, 1905). Le linteau du porche d'entrée
est soutenu par une série de colonnettes en bois (deux d'entre elles seraient renforcées de fonte).
Il y a la volonté de créer une sorte de grille, qui ne bouche pas la vue, ni dans un sens ni dans
l'autre (le fond du porche est aussi travaillé que le reste de la façade et donc destiné à être vu
depuis la rue). Pour autant, cette grille protège, met à distance et crée ainsi un espace-tampon
avant de rentrer ou sortir de la maison : "Ce porche exposé au vent, mais à l'abri de la pluie,
forme une zone de transition entre deux univers. Il procure une sorte de distanciation et
d'intériorité. Lorsqu'on y pénètre, le temps s'arrête pour nous faire exister seulement dans

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l'instant vécu."32 Cette conception peut être reliée à la volonté générale d'exprimer dans ce
bâtiment la notion japonaise de "ma". Cela mène à démultiplier volontairement le nombre de
colonnes (alors que l'optimisation recommande plutôt d'essayer de limiter le nombre de
colonnes pour diminuer l'impact du flambement sur leur dimensionnement). Ces fines
colonnettes sont donc fortement sujettes à flambement. Cela avait donc du sens de chercher à
les encastrer (ne fût-ce qu'à une de leurs extrémités) pour contrecarrer partiellement cet effet.
Concrètement, cela a été réalisé au sommet des colonnes à l'aide de chapiteaux. Formellement,
ces chapiteaux ont reçu un traitement japonisant et "pourraient rappeler ceux des temples de
Nara ou des maisons japonaises traditionnelles"33. Cela est compréhensible vu l'influence du
japonisme dans le développement du mouvement Arts & Crafts dont Cauchie se réclame. Enfin,
les chapiteaux font l'objet d'une intégration visuelle dans le dessin de la
façade : "les chapiteaux des colonnes trouvent un équilibre dans le prolongement des bandeaux
et des linteaux très proches."34
Remarque35 : la composition de la façade est
très graphique (plus que volumétrique, par
exemple) ; c'est pourquoi pratiquement tous
les matériaux (à l'exception notable du
soubassement en pierre bleue) sont peints ou
enduits. Ce n'est pas leur expression propre
qui est exploitée, ils ne servent que de support
à de l'art graphique. Ainsi les colonnes sont-
elles peintes en blanc, tout comme les autres
menuiseries et les ferronneries. Ce principe se
lxiv
Figure 4.2.1. retrouve même dans le projet contemporain
d'Ishigami présenté précédemment…
L'élément "chapiteau", en tant que manière de réaliser un encastrement en tête de colonne, peut
aussi être approché de manière esthétique : "les chapiteaux dans les colonnes classiques [ont]
pour effet d'empêcher le mouvement visuel de se prolonger au-delà de la surface limite avec le

32
BORSI Franco et CULOT Maurice, La maison Cauchie : entre rêve et réalité, éd. Maison Cauchie, Bruxelles,
2005, p. 25.
33
Loc. cit.
34
Ibid., p. 28.
35
Ibid., pp. 19-20.

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plafond et de les isoler de leur environnement."36


D'un point de vue historique, l'encastrement des colonnes devient systématique à partir du
moment où on utilise le béton armé (non préfabriqué), vu que les nœuds structuraux sont coulés
sur chantier. On obtient alors une ossature rigide, qui ne correspond plus au fonctionnement
structural traditionnel basé sur l'empilement. Sur le plan stylistique, cela s'est traduit par la
disparition des ordres classiques.
Exemple : dans le Unity Temple (1909) à Oak
Park, Illinois, Frank Lloyd Wright utilise
exactement la même décoration pour les
colonnes que pour les murs et le plafond :
"Wright's fusion of column and ceiling
contradicts the classical distinction between
supporting columns and their supported
loads. Instead Wright's column and ceiling
merge, losing their identity as individual
elements to become part of the whole room's
language of surfaces. Here he created
continuities as the new convention of modern
architecture.

Figure 4.2.2.lxv

While decoratively poetical, Wright's columnar details were also structurally rational as an
expression of construction in reinforced concrete. The old conventions of load and support in
classical architecture presumed lintels and columns made of discrete blocks of stone. Yet
concrete was a monolithic material wherein steel reinforcing fused columns and beams into
one structural mass. […] the meaning of many of the members of the conventional order, which
has maintained its integrity from the days of Athens to our own, disappears in monolithic
construction. […] The detail illustrates the ideal that Sullivan had termed plasticity."37

36
MARCHAND Bruno, "En résonance – Notes amusées (et désabusées) à propos des colonnes de Siza", in (Gargiani,
2008), p. 503.
37
SIRY Jospeh M., "Frank Lloyd Wright's changing concept of the hollow concrete column", in (Gargiani, 2008),
pp. 392-393.

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4.3. Croisement de colonnes voisines


Ce principe de croisement articulé se retrouve dans de nombreux meubles : pieds de tables,
chaises pliantes, etc.
Exemple : la Rocking Stool de Isamu Noguchi (1954).
Les tiges sont soudées entre elles et donc se fixent les
unes aux autres en plusieurs points sur leur longueur.
Les pieds sont fixés dans une base, de sorte qu'ils
disposent d'un appui fixe. Cela permet que les tiges ne
soient sollicitées qu'en compression. Tout cela contribue
à leur finesse.

Figure 4.3.1.lxvi

Et à présent une application en construction :


Exemple : parc de stationnement Voestalpine à Linz (Autriche) par x Architekten (2008).

Figure 4.3.2.lxvii

On observe un problème : la présence de barres inclinées au niveau du sol, auxquelles des


passants pourraient se cogner. Ici, le problème a été "résolu" en intercalant un massif de béton
pour empêcher le passage dans la zone dangereuse. C'est une solution certes efficace mais peu

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élégante.

4.4. Blocage par autre élément de la structure


Exemple : plots à empiler pour servir de support aux praticables des Plaisirs d'Hiver au Marché
aux Poissons à Bruxelles (couverture des bassins).

Figure 4.4.1.lxviii

Exemple : projet de passerelle sur la Leie à Gand par Philippe Samyn (1998) (cf. figure
suivante). Le positionnement du tablier à mi-hauteur du treillis principal permet entre autres de
limiter le flambement des montants-colonnes (malgré que son profil ondulant et non rectiligne
ne soit pas optimal pour reprendre de la traction-compression entre les diagonales).
Les colonnes peuvent aussi être fixées non à une autre colonne voisine, mais à un autre élément
de la structure.
Exemple : maison Belle Époque à Biarritz (voir page suivante).
Un cas particulier et particulièrement fécond est constitué par les colonnes arborescentes, à qui
est donc consacré un point à part entière.

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Figure 4.4.2.lxix

4.5. Les colonnes arborescentes

4.5.1. Principe
Exemple : chapelle du monastère de
Clerlande par Jean Cosse (1971) (voir page
suivante). Les branches ne se déploient que
dans un seul plan, car elles soutiennent des
poutres.

Figure 4.4.3.lxx

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Figure 4.5.1.1.lxxi

Les colonnes arborescentes38 apportent un compromis entre optimisations des colonnes et de


ce qu'elles supportent ; en effet, il s'agit d'en même temps :
- conserver des appuis multiples pour les structures franchissant la portée, et donc leur diminuer
celle-ci, pour une flexion réduite ;
- concentrer la charge verticale en un nombre limité de points, ce qui, vu les sections plus
grosses exigées, diminue l'emprise du flambement sur le dimensionnement, et donc économise
la matière.
Exemple : centrale de cogénération à Bourscheid (Luxembourg) par Georges & Theis (2005)
(voir page suivante). On peut remarquer la faible différence de diamètre entre les butons et le
fût central (bien que peut-être que les épaisseurs des tubes ne sont pas les mêmes non plus…),
qui illustre cette moindre prise du flambement sur une colonne fortement chargée.
Cela permet aussi de limiter l'encombrement au sol.
Exemple : Bourscheid, encore. La limitation de l'encombrement au sol permet une modularité

38
Voir aussi le chapitre sur les structures primaires, auxquelles elles appartiennent également.

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utile en ces temps de labilité du secteur de l'énergie39.

Figures 4.5.1.2.lxxii

Enfin, sur le plan symbolique cette fois, cette morphologie évoque un arbre.
Exemple : graff sur le bâtiment de l'UCL place Blaise Pascal à Louvain-la-Neuve.

Figure 4.5.1.3.lxxiii

39
www.georges-theis.lu.

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Certains projets utilisent sciemment cet aspect.


Exemple : centre de formation bois à Libramont. L'usage de la morphologie arborescente pour
soutenir la toiture en façade est littéral, en accord avec le matériau et le programme. Par contre,
on peut regretter l'illogisme d'utiliser cette forme pour soutenir non une poutre mais un arc, qui
est a priori fait pour franchir une grande portée, grâce à son fonctionnement non en flexion mais
en compression…

Figure 4.5.1.4.lxxiv

4.5.2. Points d'attention dans la conception


Un point important à saisir concernant le fonctionnement des colonnes arborescentes est que
les pièces diagonales (les "branches") induisent de la traction/compression supplémentaire dans
les éléments supérieurs. Si on ne désire pas charger ceux-ci, ces efforts doivent être repris par
des éléments supplémentaires.
Exemple : arrêt de bus place Flagey à Bruxelles par Latz + Partner & D+A International +
Greisch (2008). Des tirants relient les extrémités des branches, afin de ne pas charger les
plaques de verre de la toiture. Comme ces tirants se confondent avec la trace des châssis de ces
vitres, ils restent discrets.

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D'autre part, ces branches étant inclinées,


leur poids propre y induit de la flexion, ce
qui y amorce le flambement.
Afin de limiter ces deux effets, l'inclinaison
des "branches" devrait rester inférieure à
45° sur la verticale.

Figure 4.5.2.1.lxxv

4.5.3. Inconvénients et limites


Tout d'abord, les branches risquent d'encombrer le gabarit de passage à proximité, et ne peuvent
donc se développer qu'au-dessus de ce dernier. Par conséquent, cette morphologie n'est
géométriquement applicable qu'à des colonnes qui doivent se développer sur une certaine
hauteur.
Exemple : à Flagey (voir page suivante), le tram imposait un gabarit de passage assez élevé.
Afin de ne pas encore développer une certaine hauteur entre le sommet de celui-ci et la
couverture, les dernières branches ont été disposées de manière écrasée", en outrepassant les
45° sur la verticale. L'esthétique obtenue est certes originale mais discutable (à comparer par
exemple au projet suivant).
Ensuite, cette morphologie est chère, du fait des nombreuses connexions, de la géométrie
complexe et des surpoids liés à la reprise de la traction/compression en tête et à la flexion des
branches induites par leur poids propre. Par conséquent, elle est réservée en pratique à des
charges restreintes, telles que couvertures et passerelles piétonnes (et c'est bien ce qu'on a vu
dans les exemples).

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Figure 4.5.3.1.lxxvi

Exemple : palais de justice à Melun


par Jourda & Perraudin (1998). La
rangée de piliers suggère aussi une
grille, en écho au programme.

Figure 4.5.3.2.lxxvii

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4.5.4. Analogie avec les fondations


Le principe de concentration des charges est
aussi valable pour les fondations. En effet,
bien que moins concernées par le
flambement vu qu'elles sont soutenues tout
au long par le terrain, il est cependant
économique de limiter leur nombre.
Exemple : bâtiment en Hollande.

Figure 4.5.4.1.lxxviii

Mais les charges importantes liées à un bâtiment démultiplient les désavantages de cette
configuration : traction-compression dans éléments horizontaux, poids propre des butons qui
induit de la flexion. Dès lors, elle est plutôt réservée aux passerelles ou ponts, a priori. Là, sa
contribution au contreventement est particulièrement utile pour reprendre des forces
longitudinales, qu'elles proviennent du freinage et démarrage des véhicules ou d'un séisme
("pont à béquilles").
Exemple : le pont de Kinnaird (Canada) par Riccardo Morandi (1960-64) (voir page suivante).
Par contre, si on est implanté sur terre (et non sur l'eau comme le projet précédent), comme les
branches inclinées se retrouvent cette fois au niveau du sol, on retrouve le problème de
praticabilité déjà évoqué précédemment.

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Figure 4.5.4.2.lxxix

Exemple : centre
multifonctionnel Parco Dora,
aire ex-Michelin à Turin, par
le Studio Granma Architetti
Associati (2003). Une des
deux branches du V est
perpendiculaire à des marches
et gêne donc peu ; mais l'autre
pas…

Figure 4.5.4.3.lxxx

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4.6. Auto-soutien : les colonnes haubanées

4.6.1. Principe
Vers la moitié du XXe siècle, on eut l'idée
de s'inspirer du gréement des mâts de
voilier, qui, bien que leur cas de charge
principal soit fondamentalement différent
de celui des colonnes (transversal vs
longitudinal), cherchent également à
reprendre de la flexion (primaire vs
parasite) en restant le plus léger possible.
Le principe en consiste à procurer à la
colonne des appuis intermédiaires à l'aide
d'un ou plusieurs butons40, ceux-ci étant
fixés par des tirants aux extrémités de la
colonne, cela dans a priori 3 plans ou plus.
On parle de colonnes haubanées 41.

Figure 4.6.1.1.lxxxi : voilier de la Nouvelle-


Zélande à l'America’s Cup en 2000.
Comment cela fonctionne-t-il ? En fait, tant que la charge reste inférieure à celle critique pour
le mât central, le haubanage reste sans effet (hormis via sa précontrainte éventuelle). Par contre,
lorsque la charge dépasse ce seuil, le mât central se met à flamber, et sa déflexion latérale met
en tension des haubans, par l'intermédiaire des butons. Ces derniers agissent alors comme des
appuis supplémentaires qui soutiennent le mât, de manière élastique. De cette façon, la longueur
de flambement est approximativement divisée d'un facteur égal au nombre de tronçons définis
par les étages de butons. Par conséquent, la charge critique est démultipliée (cf. cours sur le
flambement). Autrement dit, à même charge admissible, la contrainte de travail peut être plus
avantageuse, de sorte qu'il y ait besoin de mettre moins de matière, ce qui donne une colonne
plus fine et plus légère que la colonne simple correspondante (même en tenant compte du poids
des butons et câbles à rajouter, tant cette démarche est efficace).

40
Angl. : cross arm, néerl. : de drukstang.
41
Angl. : shrouded columns, trussed columns, guyed columns, stayed columns ; néerl. : de getuide kolom.

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On peut aussi comprendre ce système comme un mât raidi dans au moins trois plans par de la
sous-tension (comme dans une poutre sous-tendue).
Éventuellement, si la section présente des inerties fort différentes suivant les axes considérés
(comme un profilé I, par exemple), on pourrait imaginer ne haubaner que dans le plan d'axe
faible.

4.6.2. Historique
Cette morphologie apparaît assez tardivement, car elle est délicate à dimensionner. En effet, ses
performances sont très sensibles à :
- la géométrie du haubanage : longueur des butons, leur diamètre s'ils sont rigidement liés au
mât, et diamètre des tirants ;
- la précontrainte des haubans : il existe en fait une tension de précontrainte optimale, au sens
où elle s'annule lorsque la colonne flambe, de sorte qu'auparavant tous les haubans restent
actifs en permanence, et qu'ils n'aggravent pas le flambement une fois que ce dernier s'est
déclaré.
Assez logiquement vu la source d'inspiration, cette morphologie a d'abord été appliquée aux
mâts.
Exemple : mât du pavillon "British Industry" à l'Expo 58 à Bruxelles par Howard V. Lobb +
Felix Samuely. Remarquer la mise en œuvre croisée des câbles, pour lutter contre le flambement
en torsion de l'ensemble.

Figure 4.6.2.1.lxxxii Figure 4.6.2.2. lxxxiii

Durant les années '70, l'avènement de l'informatique ouvre la voie aux méthodes numériques,
capables de gérer la complexité de tels calculs de dimensionnement. À partir de ce moment,
cette morphologie a connu un réel développement. Là, on s'est dirigé vers des configurations
plus dépouillées, plus simples à calculer et plus économes en câbles. En effet, si la section de

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

la colonne présente une inertie identique dans toutes les directions (par exemple une section
ronde ou carrée), le haubanage peut n'être apporté que dans 3 plans, ce qui suffit pour ne pas
laisser un plan dans lequel la colonne ne serait pas haubanée et donc flamberait.
En parallèle, certains grands concepteurs des années '50 et '60 ont continué à travailler de
manière plus analytique et/ou expérimentale, ce qui les menait vers d'autres formes, toujours
inspirantes aujourd'hui.
Exemple : vers 1975, Le Ricolais donne sa propre version des colonnes
haubanées (en un avatar de son Diamond Network System). On peut
remarquer que :
- le profil de haubanage est variable, ici en fuseau pour une colonne
biarticulée ;
- les butons sont rassemblés par étages en disques d'appui troués ;
- le fait qu'ici aussi le haubanage ne se confine pas à des plans verticaux
distincts, mais tresse en spiralant une sorte de nappe tendue, résistante
aussi en torsion.

Figure 4.6.2.3.lxxxiv

4.6.3. Avantages et inconvénients


Avantages :
- légèreté : le soutien supplémentaire est fourni au prix du poids propre des éléments
supplémentaires. De plus, les tirants doivent être précontraints, de manière à éviter qu'ils ne se
désactivent suite au rétrécissement de la colonne sous l'effet de la charge. Cela engendre une
charge de compression supplémentaire, à reprendre par toute la colonne avant même que la
charge d'exploitation n'ait été appliquée ; le dimensionnement est alors encore une fois
augmenté en conséquence. De sorte qu'on pourrait se demander si le gain n'est pas que visuel,
et quasi nul en termes de poids. Heureusement, en réalité ce n'est pas le cas, et de grandes
réductions peuvent être obtenues par rapport à la même colonne non haubanée.
- il est aisé de donner à l'ensemble un profil variable, ce qui est favorable à la légèreté (voir ce

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 79


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

point plus loin).


- par sa transparence et la minceur des barres et câbles mis en œuvre, cette morphologie présente
une grande légèreté visuelle.
Exemple : bâtiment pour GlaxoSmithKline à Rixensart par Samyn (1999). Chaque colonne
comporte 2 étages de butons. Elles signent spectaculairement l'entrée, par leur échelle mais
aussi par leur élancement.

Figure 4.6.3.1.lxxxv

Désavantages :
- coûteux, vu les nombreux assemblages requis et la complexité de la précontrainte à mettre en
place dans les différents câbles. C'est pourquoi on réserve cette morphologie à des colonnes
hautes et peu chargées (par exemple pour soutenir un toit). C'est bien ce qu'on retrouve dans
l'exemple précédent.
- créée des diagonales qui peuvent constituer un obstacle à la circulation.
Exemple : halle Honnorat à la gare de Marseille-Saint-Charles par Jean-Marie Duthilleul
(2007) (voir page suivante). Autour du pied de la colonne haubanée, une zone de non-
circulation est délimitée par un tube métallique, qui peut aussi servir d'assise (inconfortable).
- les tirants sont a priori à soustraire à un accès public permettant un acte de vandalisme, comme
toute pièce en traction.

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 80


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Figure 4.6.3.2.lxxxvi

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 81


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

4.7. Combinaisons
Exemple : Old
Oak Common, un
immeuble de
colocation
estudiantine à
Ealing (G.-B.)
(PLP
Architecture,
2016). Un
système de
colonnes en V est
combiné avec le
principe de
Figure 4.7.1.lxxxvii
croisement de
ces colonnes.

5. Choix de la morphologie

5.1. Généralités
Deux axes de travail peuvent être envisagés :
- évider la section de la colonne, pour la rigidifier et ainsi mieux résister au flambement ;
- évider le profil de la colonne, pour l'alléger.

5.2. Évider la section : tubes et profilés

5.2.1. Généralités
L'idée est de repousser la matière le plus loin possible de l'axe dans la (ou les) direction(s) de
flambement, et donc évider le centre de la section, ce qui mène aux profilés. Ils présentent un
plus grand encombrement, mais ils économisent la matière et leur espace "vide" peut parfois
être utilisé.
Exemple : passerelle à Bruges (Ney, 2012). "The supporting elements have a reduced
dimension due to the amount of anchor points […]. This also creates the effect of an extremely
transparent structural design. […] The use of full steel bars […] refer to the hand-made

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 82


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blacksmithing." Là, des sections pleines sont utilisées afin de préserver la vue vers le
Smedenpoort, un porche d'accès historique à la ville de Bruges, datant des 13e et 14e siècles.

Figure 5.2.1.1.lxxxviii

Deux types de section sont possibles :

fermée : les tubes

ouverte : profilés en I, U, croix /


étoile (profil reconstitué), etc.

Figure 5.2.1.2.lxxxix

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 83


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Un autre exemple de section ouverte : Côté matériau, ces formes correspondent


plutôt au métal. En effet, autant le bois ou la
pierre amènent des sections pleines de par
leur technologie, autant le métal, qui coûte
plus cher et doit de toute façon être façonné,
va exploiter ce filon. C'est pourquoi, sur le
plan historique, ces formes n'apparaissent
qu'avec la fonte, vers la fin du 18e s. : "La
filature construite par Charles Bage en
1796-1797 près de Shrewsbury, non loin de
Coalbrookdale ["Ditherington Flax Mill",
voir page suivante], […] est un premier
exemple [de structure en fonte]. Les poteaux
de section cruciforme se dédoublaient en
tête pour laisser passer les axes de
transmission qui distribuaient la force
motrice. Dans l'usine de Salford construite
Figure 5.2.1.3.xc
en 1799-1801 par George Lee, les poteaux
avaient une section cylindrique. […] sur le
continent dans les manufactures, […] les
supports en fonte ne se généralisent qu'après
1850."42
Plus tard, à la fin du XIXe siècle, "[l]es
colonnes en fonte tendent alors à disparaître
au profit de poteaux composés de tôles et de
cornières d'acier rivetées, dont la section
prend la forme d'une croix, d'un I, d'un H ou
le plus souvent d'un caisson carré ou
rectangulaire, à âme pleine ou en treillis
pour les poteaux les plus importants.
Figure 5.2.1.4.xci

42
LEMOINE Bertrand, "Les colonnes métalliques au XIXe siècle", in (Gargiani, 2008), p. 238.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Cette disposition offre plusieurs avantages : les éléments constructifs de base et le mode
d'assemblage entre le poteau et la poutre ou la ferme peut être réalisée beaucoup plus facilement
qu'avec des colonnes en fonte tout en offrant une meilleure sécurité de fabrication et une
certaine capacité d'absorption des efforts latéraux [de par la possibilité de réaliser une
connexion rigide]. […] Par ailleurs, la jonction entre le poteau et les parois – châssis vitré ou
murs maçonnés en brique ou en pierre – pouvait se faire plus facilement."43
Aujourd'hui, on trouve des tubes et profilés en bois, en bois lamellé-collé, en verre, etc.
Le point suivant présente une discussion des avantages et inconvénients respectifs des deux
types de profilés, ouverts et fermés. Ensuite, on s'attardera un peu sur le cas particulier de la
section en croix.

5.2.2. Profilés ouverts vs fermés


Avantages des tubes / inconvénients des profilés ouverts
- dans les tubes, toute la matière est écartée du centre, ce qui est plus efficace et donc plus
léger ;
- la plupart des tubes (cf. plus loin) présentent la même inertie dans toutes les directions, alors
que les profilés ouverts sont généralement anisotropes ("polarisés") (exceptions : croix, étoile,
croix de Malte, etc.) ; ces derniers vont donc toujours devoir être assortis d'éléments
stabilisateurs pour les renforcer dans leur axe faible. Mais la discussion dépend en fait des
conditions d'appui. En effet, parfois, les colonnes sont empêchées de se déplacer dans un plan
par des éléments stabilisateurs (cloisons, etc.). Dans ce cas, des profilés en I (ou en H, plus
exactement, qui présentent une différence moindre entre axes fort et faible) peuvent être
intéressants.
- les profilés ouverts sont sujets à voilement des ailes, qui est suivi par un flambement généralisé
en torsion44, vu leur faible résistance de ce point de vue ; au contraire, les tubes résistent bien
à la torsion, ce qui peut être intéressant pour le contreventement et la conception parasismique.
De plus, les modèles habituels de calcul au flambement (notamment celui d'Euler) ne sont
donc pas applicables car ils considèrent que le flambement survient en flexion.

43
Ibid., p. 244.
44
(Hilson, 1993), p. 38.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Figure 5.2.2.1.xcii Figure 5.2.2.2.xciii

- les tubes sont disponibles dans une gamme plus continue que les profilés ouverts, ce qui réduit
le supplément de poids dû au fait de devoir prendre le profilé immédiatement plus grand ou
rigide dans un catalogue. Pour les profilés ouverts, la gamme commerciale est moins continue
que les tubes ; il y a donc un supplément de poids, non négligeable45, dû au fait de devoir
prendre le profilé immédiatement plus grand ou rigide dans un catalogue.
- les tubes présentent moins d'arêtes, ce qui les rend plus sûrs en cas de choc.
- de même, ils sont plus faciles à ornementer que les profilés ouverts. C'est pourquoi ces
derniers sont moins souvent utilisés dans la construction civile et plutôt dans l'industrie,
l'équipement technique, etc.
- les tubes présentent moins de surface et de recoins dans lesquels la saleté pourrait
s'accumuler ; ils requièrent donc moins d'entretien.
- les tubes présentent moins de surface à peindre, le cas échéant.
- les tubes permettent permet de cacher des conduites techniques (par contre, celles-ci sont alors
peu accessibles pour la maintenance). Ils font de la colonne plus qu'un point d'appui : c'est

45
(Samyn, 2004).

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

aussi un "organe toujours plus complexe, incorporant divers dispositifs, depuis les conduits
de fumée, d'écoulement des eaux et d'électricité jusqu'aux systèmes techniques toujours plus
encombrants. Ces dispositifs ont souvent déterminé l'évolution de la colonne vers des
dimensions et des configurations de plus en plus amples, pour atteindre les formes
contemporaines d'un cylindre monumental creux qui laisse entrer la lumière et accueille
l'escalier"46.
Exemple : la station de métro Sainte-Catherine à Bruxelles par Olivier Noterman + Laurent
Ney (2005), déjà vue précédemment. Dans certaines des colonnes inclinées sont intégrées les
descentes d'eau pluviale, qui sont ainsi cachées et protégées (contre le vandalisme,
notamment).
Remarque : on pourrait être tenté conclure à l'avantage général des tubes, en se basant aussi sur
le fait que c'est l'option retenue par la Nature : os, tronc d'arbre, bambou, etc. Mais c'est en fait
lié aux processus de croissance : dans les organismes vivants, ce sont des vaisseaux de transport
qui deviennent ensuite des "colonnes".
Exemple d'application dans le domaine du
design : la table de jardin Living Furniture,
de Floris Wubben, 1er prix au concours
Ecodesign Award en 2007, organisé par
l'Openbare Vlaamse
Afvalstoffenmaatschappij (société publique
des déchets de la Région flamande) et
destiné aux étudiants flamands en design.
La table est constituée de bambou, ce qui en
soi propose déjà une alternative écologique
au teck, qui pousse lentement et est souvent
d'origine illégale. Mais, de plus, les pieds de
la table sont constitués de plants de bambou
vivants. La matérialisation est peut-être
encore un peu approximative (connexions
en cordes, qui ne s'adaptent pas à la
croissance des bambous), mais l'idée est
Figure 5.2.2.3.xciv

46
(Gargiani, 2008), p. 7.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

juste.

Avantages des profilés ouverts / inconvénients des tubes


- la production en est plus simple – du moins pour les classiques I, H et U, moins pour les croix,
étoiles, etc. Ils coûtent donc moins chers.
- les connexions sont plus simples : "pourquoi utilisons-nous la section en H, moins efficace,
de préférence à la hautement efficace section circulaire ? La section circulaire est plus chère,
mais pas de manière excessive. […] La raison principale est qu'il est plus aisé de faire des
connexions avec une section en I qu'avec une circulaire, par exemple pour la jonction avec les
poutres. La facilité de construction est un facteur qui ne doit jamais être oublié au moment de
la conception et peut, dans de nombreux cas, supplanter d'autres considérations comme une
conception basée sur le moindre poids des matériaux de construction."47
Exemple : les poteaux soutenant les caténaires des trains. Ils sont composés de profilés en I,
avec qui il est facile de modifier l'accrochage, ce qui a son importance dans ce contexte
évolutif.
Mais ce point connaît une évolution : "la section circulaire trouve de plus en plus
d'applications comme buton dans les cas où les techniques de jonction le permettent. Par
exemple, dans la construction de treillis de toiture, le recours à des nœuds automatiquement
découpés et soudés a rendu possible l'emploi de la très efficace section circulaire, autant pour
les éléments en compression que ceux en traction. Il n'est plus nécessaire d'utiliser l'ancienne
technique, inefficace, des sections jointes via des goussets rivetés ou boulonnés."48
- toutes les faces du profilé sont accessibles, ce qui permet un contrôle aisé de la corrosion, et
autorise à utiliser un matériau plus fragile et moins cher que de l'acier inox (ou à tout le moins
de l'acier zingué), indispensable pour les tubes, dont il est difficile d'aller vérifier à l'intérieur
qu'ils ne se dégradent pas.
- ils présentent une bonne disponibilité commerciale.
- il n'y a pas de risque d'accumulation d'eau. Par exemple, sur un chantier, des colonnes
tubulaires en attente non protégées peuvent, en cas d'averse, se remplir d'eau, avec des dégâts
subséquents liés à l'humidité ou à l'expansion s'il gèle.
- un profilé ouvert ne permet pas de cacher de conduite technique mais par contre, il n'y a pas
d'espace "perdu" pour l'utilisateur, comme avec un tube. Les "creux" peuvent être exploités

47
(Hilson, 1993) (traduction personnelle), p. 41.
48
Loc. cit.

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pour l'aménagement intérieur.


Exemple : bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris par Henri Labrouste (1841). Dans son projet
initial, "Labrouste prévoit de faire reposer la rangée centrale des colonnes de la salle de lecture
sur des piédestaux cruciformes insérés dans les rayonnages métalliques des livres."49

5.2.3. Le cas particulier de la section en croix


Cette forme, inhabituelle aujourd'hui, gagnerait à être reconsidérée, vu son efficacité.
Historiquement, comme on l'a dit plus haut, "Les premiers exemples d'utilisation de piliers
cruciformes en fonte apparaissent en Angleterre dans les années 1790. Dans les filatures
Ditherington Flax Mill à Shresbury, réalisées à la fonderie de William Hazledine entre 1796-
1797 d'après le projet de Charles Bage, les piliers sont probablement les premiers du genre à
être dotés d'une entasis [pour contrer la moindre performance par rapport à un tube]. Les piliers
cruciformes sont de trois types, avec diverses hauteurs, sections et jonctions aux poutres […].
Par contre, le disque sommital qui relie les ailes de la croix et forme l'appui du chapiteau reste
constant.
La section cruciforme est encore utilisée dans les usines textiles jusqu'à la fin des années 1830,
avec quelques variations dans la section en croix, dont quelques-unes tiennent compte de
l'apparition de la colonne cylindrique à partir de 1802.
D'une section en croix rectiligne, on passe à une section semblable à un trèfle à quatre feuilles
dans le Mill "C" du Marshall's Mill à Holbeck, construit en 1815-1816." 50
En 1842, l'ingénieur anglais Thomas Tredgold décrit une colonne cruciforme dont les ailes sont
stabilisées contre le voilement par des disques51 – peut-être inspiré par l'usage de rigidifier les
tubes par des renforts latéraux.

49
BARONE Maria Chiara, "Piliers cruciformes et colonnes en fonte : le cas de la Bibliothèque Sainte-Geneviève
de Labrouste", in (Gargiani, 2008), p. 261.
50
Ibid., pp. 261-262.
51
Idem.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Ditherington Flax Mill Marshall's Cape Mill Proposition de


à Shresbury Mill à Bramley Tredgold
à Holbeck,
Mill "C"
Figure 5.2.3.1.xcv Figure 5.2.3.2.xcvi

On peut remarquer que ces disques peuvent en même temps servir à boulonner ensemble des
segments produits séparément.
Ensuite, "Dans le cadre des recherches expérimentales menées par Eaton Hodgkinson, William
Fairbairn et Thomas Tredgold sur la section idéale des piédroits en fonte soutenant des charges
verticales, les piliers cruciformes en fonte présentent une résistance à la compression nettement
inférieure à celle des piliers cylindriques de mêmes dimensions.
Après la publication, dans les années 1840, des données relatives aux essais expérimentaux sur
la résistance des piédroits, qui confirment que la section circulaire présente la résistance
maximale, l'usage des piliers cruciformes se réduit progressivement."52
Mais "la section cruciforme reste la plus communément utilisée dans les magasins de Londres

52
Idem.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

pendant tout le XIXe siècle grâce à un mécanisme de fusion très simple et donc économique par
rapport aux colonnes à section cylindrique creuse, théoriquement plus efficace".53
Plus tard, à l'époque moderniste, on retrouve cette forme bien sûr chez Mies van der Rohe.
"Dans la maison Tugendhat [à Brno], le pavillon de Barcelone [de 1929, composé de 4
cornières ; voir figures ci-dessous] et la Resor House, Mies expérimenta la colonne cruciforme
avec enveloppe ;

Figure 5.2.3.3.xcvii

à cette étape, soit après son départ pour les États-Unis, il entama un nouveau groupe de projets
avec la maison Farnsworth et la Fifty by Fifty Feet House (colonne monolithe en acier en double
T). La recherche sur la colonne cruciforme entra dans une nouvelle phase avec le projet pour le
Bacardi Building (colonne cruciforme en ciment) et se conclut avec le Schäfer Museum et la
Neue Nationalgalerie (colonne monolithe composée de la greffe de quatre ailes sur un noyau
cruciforme)."54

53
Idem.
54
POGACNIK Marco, "Mies van der Rohe et les métamorphoses de l'ordre", in (Gargiani, 2008), p. 445.

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 91


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Figure 5.2.3.4.xcviii

"Un autre aspect qui caractérise la période américaine de Mies est la traduction des formes
architectoniques d'une technique constructive à l'autre, du ciment à la structure en fer et vice-
versa. Les exemples les plus connus sont les Promontory Apartments (1946-1947) et le Bacardi
Building à Cuba (1957-1962), où Mies travaille à la traduction en ciment de la colonne
cruciforme métallique, pour revenir à la technique du fer avec le Schäfer Museum (1960-1962),
puis la Nationalgalerie (1962-1968)."55
Cette forme a été considérée comme si emblématique de sa production qu'elle a été reprise pour
composer le trophée du prix Mies van der Rohe pour l'architecture contemporaine :(voir page
suivante).
Cette forme se retrouve ensuite dans le mouvement high-tech, qui exalte les formes
structuralement efficaces.
Exemple : passerelle à Knokke par Ney (2008) (voir page suivante).

55
Ibid., p. 451.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Figure 5.2.3.5.xcix

Figure 5.2.3.6.c

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

5.3. Évider le profil

5.3.1. Généralités
Il y a plusieurs manières de faire cela :
- évider un profil droit : profils alvéolés, treillis ;
- faire varier le profil de la colonne.

5.3.2. Profils alvéolés


Exemple : station-service d'Hellebecq
(Samyn, 2001). À la base, il s'agit d'un
profilé H ; on s'inspire là des poutres
alvéolées. Ces ouvertures participent aussi
de la "transparence" générale de la
structure, avec ses treillis qui soutiennent
les pans de toiture tout en laissant passer
l'air et la lumière.
À l'extrême, les ouvertures deviennent si
grandes qu'elles ne laissent du voile
original que des barres : on arrive alors aux
treillis.

Figure 5.3.2.1.ci

5.3.3. Treillis
On peut distinguer suivant que le treillis découle de l'évidement d'un tube, d'un profilé ouvert
ou d'un massif plein.
En plus de la légèreté, les colonnes en treillis apportent d'autres avantages :
- une transparence intéressante, aussi au vent ;
- plus de facilité pour les connexions avec d'autres éléments structuraux ;
- pour une utilisation dans l'espace public, la surface se prête moins aux graffitis.
Des désavantages sont cependant :
- comme la section doit être plus large pour résister, on y perd en encombrement ; mais le vide

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 94


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

en est plus accessible, donc éventuellement exploitable ;


- vu la complexité des connexions à réaliser et le travail d'assemblage supplémentaire, cette
approche ne s'avère rentable qu'à partir d'une certaine échelle de projet ;
- dans l'espace public, il y a un risque qu'on y grimpe… Il faut alors des protections spécifiques.
Par exemple, les "piques" sur les pylônes en treillis classiques.

Suivant que les étrésillons définissent ou non exclusivement des triangles, on peut distinguer
les treillis au sens strict et les Vierendeel. Ces dernières n'étant pas triangulées, elles travaillent
en flexion composée et non en traction-compression pure, et sont donc a priori moins efficaces
et par conséquent plus lourdes. Par contre, la plus grande transparence visuelle des Vierendeel
peut être utile.
Exemple : la piscine du Longchamp à
Uccle par Charles De Meutter & Jean
Koning (1967). Les colonnes-treillis
s'intègrent à la transparence de cette façade
entièrement vitrée.

Figure 5.3.3.1.cii

5.4. Variation de la section le long de la génératrice

5.4.1. Généralités
Le moment parasite engendré par le flambement n'est pas réparti de manière homogène le long
de la colonne. De sorte qu'adapter la rigidité de la colonne, via les dimensions de sa section, le
long de celle-ci, permet, en ne mettant de la matière que là où elle est nécessaire, de gagner
encore en poids.
Classiquement, la variation de section consiste en une variation des dimensions extérieures
(galbe).
Par exemple, en ce qui concerne les colonnes haubanées, on a déjà noté précédemment que par
principe elles sont galbées, ce qui participe de leur efficacité.

5.4.2. Allure du galbe


La forme du galbe dépend des conditions d'appui. "Pour la définition de la forme optimale des

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

éléments comprimés, on peut se référer à l'analogie avec le problème de la reprise des charges
transversales. On peut donc appliquer une charge virtuelle transversale et uniformément
répartie sur la colonne et construire une structure funiculaire à poussée compensée
correspondante, qui nous fournira directement la forme recherchée"56.

modélisation (la charge transversale représente


moments fléchissants
l'effet du flambement)

Il faut ensuite "révolutionner" les graphes autour de l'axe de la colonne, car on ne peut prévoir
dans quelle direction le flambement va se déclarer. Et pour les graphes présentant un point
d'inflexion, il faut "lisser" le tout, pour des formes plus faciles à produire et plus sûres en cas
de charge accidentelle. On obtient alors les allures suivantes :

Figure 5.4.2.1.

Ainsi, si la colonne est biarticulée (explicitement ou car constituée d'un matériau avec lequel il
est difficile de réaliser un encastrement, comme pour la maçonnerie), alors le galbe est
maximum à mi-hauteur ; on parle de fuseau57. C'est l'exemple des étançons de chantier.

56
(Muttoni, 2004).
57
Angl. : spindle-shaped post.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Si la colonne est articulée-encastrée, on obtient une forme en dôme effilé, à l'image du trajet
des contraintes dans un bloc de matière soumis aux mêmes conditions.
Exemple : église du couvent dominicain à
Lille (Pierre Pinsard et Neil Hutchison,
1965).

Une limitation est que ces colonnes sont


difficilement superposables, car elles
prennent les dalles intermédiaires en
poinçonnement et les soumettent donc à
une forte flexion. Un contre-exemple
interpellant est donné ci-dessous par la
devanture d'un magasin de vin à Bruxelles,
chaussée de Charleroi.

Figure 5.4.2.2.ciii

Colonne bi-encastrée : forme élargie aux 2


extrémités, en diabolo.
Vu ces formes irrégulières, l'avantage en
légèreté est obtenu au prix d'une production
plus complexe qu'en section constante, et
donc plus coûteuse ; mais à l'heure de la
PAO, c'est un argument qui est en train de
perdre de son poids.

Figure 5.4.2.3.civ

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

6. Complément non structural : l'affinage visuel


On a vu que les colonnes efficaces présentent en général des proportions assez trapues. Une
manière de les "réaffiner" visuellement est d'accoler à leur base ou leur sommet (ou les
deux !) un plan horizontal réfléchissant, qui va faire office de miroir et doubler la hauteur
perçue.
Exemple : Aluminium Centrum / The
Aluminium Forest à Houten (Pays-Bas) par
Micha de Haas (2001). Les colonnes, déjà
assez élancées à la base, sont de diamètres
variables et inclinées pour le
contreventement ; leur allure est inspirée par
les peupliers typiques du paysage
hollandais. Le plan d'eau sert aussi pour la
thermique du bâtiment via une pompe à
Figure 6.1.cv
chaleur.

Une autre voie


consiste à
combiner la tête
de colonne avec
une prise de
lumière
naturelle, par
évidement de ce
qu'elle supporte.
Exemple :
extension de la
maison Boon à
Overijse par Bob
Van Reeth
(1979).

Figure 6.2.cvi

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

II. CONCEVOIR UNE POUTRE POUR SOUTENIR UN PRATICABLE

1. Généralités
Pour franchir une portée entre des appuis, avec un profil praticable, deux voies peuvent être
suivies.
Une première consiste à travailler en flexion. La poutre simple, continue, est bien sûr la
première solution technique, aussi historiquement, mais elle montre assez rapidement ses
limites lorsque la portée augmente.
Une alternative est alors de travailler en traction ou en compression, en passant, en termes de
morphologie, aux chaînettes et arcs empruntés. La matière étant mieux exploitée dans la section
(absence de zone neutre), de plus grandes portées peuvent en effet être réalisées.

Pont du Trift à Gadmen en Suisse ponte della Costituzione à Venise


(Johannes Pfaffner, 2004) (Calatrava, 2008).
Figure 1.1.cvii Figure 1.2.cviii

Par contre, cela se paye sur deux plans :


- des réactions d'appui présentant des composantes horizontales, plus difficiles à reprendre
technologiquement parlant, surtout dans un bâtiment ;
- un profil praticable qui n'est plus horizontal mais courbé, et donc peu pratique pour réaliser
des étages de bâtiment ; ces formes se limitent donc aux ponts et passerelles.
C'est pourquoi on se concentre ici sur les poutres.
Dans les éléments structuraux de type "poutre", on peut relever 3 phénomènes qui se
développent :
- la flexion ;
- le cisaillement ;
- le déversement.

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 99


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Chacun a ses propres logiques et requiert donc ses propres règles de conception, qu'il faut
combiner entre elles. Mais le fait est que le phénomène le plus prégnant est généralement la
flexion ; c'est pourquoi on va se focaliser sur elle.
On va d'abord brièvement rappeler les caractéristiques de ce mode de fonctionnement de la
matière. Ensuite, on verra les choix raisonnés que l'on peut faire dans le cadre de la conception
structurale d'une poutre, c'est-à-dire en termes de matériau constitutif, de morphologie et de
dimensions principales.

2. Préliminaire : qu'est-ce que la flexion ?


La flexion est donc un mode de travail de la
matière qui apparaît typiquement dans la
fonction structurale "ponter" (mais comme
dit dans l'introduction à ce chapitre, ce n'est
pas le seul possible non plus !), c'est-à-dire
lorsque l'élément structural considéré est
chargé transversalement.
Figure 2.1.cix

De plus, il faut que l'élément rejoigne ses appuis en ligne droite, sinon, en plus d'être soumis à
de la flexion, il le sera également en torsion.
Exemple : passerelle à Tallinn (Estonie)
(Tetsuo Kondo, 2011). Il y a des hors-
aplomb entre appuis, vu les courbes en plan
du tablier. C'est pourquoi la poutre utilisée
ne présente pas un des profils "idéaux"
présentés plus loin, mais est constituée d'un
tube rond, résistant en torsion. Ces
difficultés sont compensées par la largeur
restreinte conférée à la passerelle, de sorte
que maximum 1 personne puisse y marcher Figure 2.2.cx

de front, ce qui réduit les charges.


Ensuite, ce mode de travail se caractérise également par le fait que la déformée est courbe (par
opposition à la traction, par exemple).

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 100


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Figures 2.3. cxi

Remarque : on peut relever la similarité avec ce qui se passe parfois dans les colonnes, alors
même qu'elles ressortent d'une autre fonction structurale "soutenir". Et en effet, le flambement
qui s'y développe consiste en de la flexion parasite, qui présente donc des caractéristiques
comparables ; mais il est important de cerner ce qui les différencie :

colonne poutre
secondaire (flambement),
primaire, due à un
origine de la flexion due à un chargement
chargement transversal
longitudinal
aléatoire ; elle doit donc être dans le plan des charges
direction de la flexion envisagée à 360° autour de (donc généralement le plan
l'axe vertical)

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3. Choisir le matériau
Le matériau doit présenter une résistance et une rigidité suffisante. Si on rajoute le critère d'un
prix abordable, on n'aboutit qu'à un catalogue restreint de matériaux possibles : béton armé,
acier, bois…

Figures 3.1. cxii

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4. Choisir la morphologie

4.1. Généralités
On peut distinguer plusieurs caractéristiques de la forme d'une poutre :
- les conditions d'appui ;
- la forme de sa section transversale ;
- l'allègement de son âme / partie médiane ;
- la forme de son profil longitudinal ;

4.2. Conditions d'appui (hors porte-à-faux)


Si on encastre une ou deux extrémités, on va diminuer le moment maximum et/ou la flèche.
Attention cependant à laisser possible la dilatation thermique, en s'assurant que l'autre appui
soit sur rouleaux. Explorons les résultats.

situation de départ

moment fléchissant déformée


Figure 4.2.1.

On observe qu'on ne gagne pas grand-chose du point de vue de la sollicitation : le moment

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maximum reste du même ordre de grandeur, même s'il n'apparaît pas au même endroit dans la
poutre. Par contre, côté déformation, l'amélioration est significative. Comme ce dernier critère
est souvent celui dimensionnant, cet avantage est appréciable.
Par contre, cela envoie le moment maximum dans l'appui, où il n'est pas évident de le reprendre,
dans la mesure où il s'agit en pratique du sommet d'une colonne ou d'un mur. Une manière de
résoudre ce problème est de créer un portique. Une manière de comprendre cette morphologie
est également de partir de la poutre à double porte-à-faux :

Figure 4.2.2.cxiii

Cependant, il faut être conscient que cela crée des montants dans l'espace, plus présents que de
simples colonnes ; ils doivent être intégrés architecturalement.
Historiquement, on peut remarquer que l'arrivée du béton armé a promu ce type de
morphologie : "[Les] portiques sont la structure essentielle de ces ossatures qui caractérisent
notamment l'architecture de Perret [par le monolithisme du béton armé]. Ils ne sont pas une
innovation du béton armé, mais en sont encore en 1939 le type structurel emblématique, souvent
marqué aux angles par des goussets. La difficulté constructive de la liaison très sollicitée entre
poutres et montants dans la construction en fer, les avaient réservés aux cas des halles où ils
constituaient de merveilleux "arcs sans poussée". Dans l'immense majorité des cas, la

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construction métallique était employée pour les structures horizontales primaires alors que la
structure verticale demeurait en maçonnerie massive et piliers pendulaires isolés. On était loin
du "monolithisme" du béton armé qui a permis leur généralisation"58.

Une autre application de l'avantage des extrémités encastrées de retrouve dans la poutre
continue. En comparant une série de travées indépendantes (soit des poutres biarticulées) avec
des travées encastrées les unes aux autres, on observe encore une fois l'avantage en termes de
moment fléchissant.

Figure 4.2.3.cxiv

Figure 4.2.4.cxv

De même, cette configuration est difficile à réaliser en bois, mais est presque systématique en
béton armé.

58
CÊTRE Jean-Pierre, "La colonne du Musée des Travaux Publics de Perret", in (Gargiani, 2008), p. 424.

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Désavantage 2 : plus difficile de faire varier le profil. Mais plus léger > moins important.

4.3. Forme de la section transversale

4.3.1. Principe général


Tout d'abord, on observe un lien entre hauteur structurale et raideur / sollicitation : à même
matériau et donc même résistance, si la section est "haute", les efforts qui s'y développeront
suite à une même charge, seront moindres, et donc plus aisés à reprendre. Par conséquent, il y
aura également moins de déformation (flèche). C'est l'exemple classique de la latte, qui est plus
difficile à plier en position "debout" que "couchée".
Exemple : analogie "humaine".

Figure 4.3.1.1.cxvi

On observe que les faces supérieure et inférieure fonctionnent comme deux "résistances" de
sens opposé, séparées par la hauteur de la poutre, cette dernière représentant donc le bras de
levier d'un couple interne résistant, s'opposant au couple exercé depuis l'"extérieur" par la
charge extérieure. La valeur maximale que peuvent prendre les "résistances" dépend du
matériau utilisé et donc on ne peut pas beaucoup jouer dessus ; par contre on peut jouer sur le
bras de levier via la forme de la section, et donc drastiquement changer la valeur du couple
interne résistant (couple = force x bras de levier).
L'idée est donc qu'on a intérêt à choisir une forme de section qui présente le plus grand
développement vertical possible. Cela mène aux formes rectangulaires "debout", et à écarter
celles couchées, carrées (sauf si tubulaire) ou rondes.

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Exemple : un grand profilé I est capable de


se soutenir lui-même lors de son transport.

OK

Figure 4.3.1.2.

On peut remarquer que c'est pourquoi il faut a priori préférer les profilés I aux H, plus "écrasés"
et donc forcément moins efficaces. Ceux-ci devraient être réservés aux cas où il y a un problème
d'encombrement vertical, par exemple les bâtiments de plusieurs étages.

Figure 4.3.1.3.cxvii

Ensuite, il y a l'idée que ce sont les faces supérieure et inférieure qui "travaillent" le plus, tandis

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que la zone médiane n'est que peu sollicitée. Au niveau de la géométrie de la section, on cherche
donc à concentrer la matière dans ces zones où elle sera exploitée au maximum. Cela mène aux
profilés I, H, T, U, aux tubes quadrangulaires, etc. À l'inverse, on évite les sections carrées
pleines ou rondes.

OK
Contre-exemple : la station de métro Delta à Bruxelles (1976).

Figure 4.3.1.4.cxviii

Les poutres présentent une section hexagonale et sont placées sur leur pointe, sans doute pour

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des raisons esthétiques (on peut remarquer la coordination, inhabituelle, avec les fenêtres) –
même s'il est vrai que si on les avait placées "à plat", la hauteur structurale aurait été moindre.
Mais peut-être cette forme n'est-elle que celle d'un capotage masquant une section effective
plus sensée ?

Remarque : un choix sensé de forme de la section constitue une approche si efficace qu'elle
peut contrebalancer un matériau peu résistant.
Exemple : test de poutres en carton59 par le professeur Ricardo Resende à l'Istituto Universitário
de Lisboa (2012).

De même, il semble exister une tradition dans le Maghreb qui reconstitue en bois un profil
tendant vers le I à partir de vernes, en les coupant en deux (voir page suivante).
Aujourd'hui, on procède de manière plus industrialisée : voir page suivante le profilé I en bois
de Finnjoist. Les membrures sont en bois massif, et l'âme en panneau Kerto.

59
www.youtube.com/watch?v=63W5YWLebfU.

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Figure 4.3.1.5.cxix Figure 4.3.1.6.cxx

4.3.2. Profilés ouverts ou fermés ?


avantages des profilés ouverts avantages des profilés fermés
faciles à produire (tréfilage) résistance à la torsion plus élevée, ce qui est
toutes faces accessibles, pour fixation, intéressant du point de vue du déversement.
peinture, vérification de l'état du matériau présentent moins de surface et de recoins
dans lesquels la saleté pourrait s'accumuler ;
ils demandent donc moins d'entretien.
Pour cette raison, on va généralement préférer des profilés ouverts (à moins de travailler en
acier inoxydable, cher), sauf lorsque les profilés fermés sont suffisamment grands pour qu'on
puisse facilement y circuler pour vérifier leur état.
Exemple : "Until the latter part of the 19th century, almost the only basic structural members
at engineer's disposal, besides the vault, were the beam, the arch and the lattice truss.
Accordingly, engineering was very largely concerned with this very limited range of structural
shapes which could be realised in timber or iron (later steel). An exception to this rule was
formed by some iron bridges built in Britain – in those days, the most technologically advanced
country – such as the Britannia bridge, a tubular railway bridge over the Menai Straits [détruit
dans les années '70 par un incendie], whose design embodied features which even now have a
'modern flavour' (box girder constructed from riveted wrought-iron plates and subject to a
combination of flexural, torsional and buckling load conditions). In those days (before 1850),
nothing was known about the buckling stability of such girders. Robert Stephenson and William
Fairbairn, the designers of the Britannia bridge, carried out tests on a 1:6 scale model of this
structure. That was in 1846. Model tests were also undertaken for the design of the Conway

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bridge [Pays de Galle, 1848], another tubular structure for railway traffic. Telford is known to
have used models for testing the behaviour of suspension bridges in the early part of the last
century." 60

Figure 4.3.2.1.cxxi

Figure 4.3.2.3.cxxiii

Figure 4.3.2.2.cxxii

Un profil fermé peut aussi être préféré aussi pour des raisons technologiques.

60
HOSSDORF Heinz, Model Analysis of Structures, éd. Van Nostrand Reinhold, Wokingham, 1974, p. 27.

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Exemple : les linteaux préfabriqués de


section carrée creuse, de 14 ou 19 cm de côté
afin de présenter le même encombrement
que les parpaings, et donc permettre un
alignement parfait le long du mur.

Figure 4.3.2.4.cxxiv

De même, on peut se retrouver avec un


profil comparable en bois, lorsqu'on le
dénucléarise par forage pour accélérer le
séchage et réduire la formation de fissures
de retrait : on ne fait qu'enlever une partie de
la section qui ne sert pratiquement à rien
pour la reprise de la flexion. Après, ce trou
peut servir aux connexions ou à insérer des
tirants pour augmenter la résistance. Figure 4.3.2.5.cxxv

Exemple : résidence de vacances


Büttenhardt (Suisse) (bernath + widmer,
2013) (voir page suivante). On perçoit que
la section des pièces de bois utilisées pour
les poutres est non pas rectangulaire comme
d'habitude, mais carrée.

Figure 4.3.2.6.cxxvi

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4.4. Les profils ouverts à âme allégée

4.4.1. Généralités
L'idée est de continuer sur cette lancée et d'alléger l'âme d'un profilé ouvert, qui sert surtout
d'écarteur entre les deux zones qui travaillent au maximum : les membrures. À cet effet, il existe
plusieurs stratégies possibles :
- réaliser l'âme dans un matériau moins résistant, par exemple du bois ou du plastique ; on
rejoint aussi quelque part le principe de la poutre en béton armé.
- évider l'âme : poutres alvéolées ou cellulaires ;
- remplacer l'âme par une structure gonflée.
- remplacer l'âme par un panneau en nid d'abeille.

4.4.2. La poutre alvéolée61


Le principe consiste à évider des trous ponctuels dans une âme qui reste continue. C'est à
distinguer des treillis, où l'âme est "tellement évidée" qu'elle se compose d'éléments discrets.
Pour des portées "raisonnables", une poutre alvéolée reste moins chère qu'un treillis, parce qu'il
y a moins d'opération de production. Ces ouvertures peuvent être utilisées pour faire passer
perpendiculairement aux poutres des gaines techniques (de taille restreinte, donc) dans la
hauteur même des profilés, et donc d'économiser de la place en hauteur dans ce cas de figure.

Figure 4.4.2.1.cxxvii

Au niveau de la forme des ouvertures, classiquement, il s'agit d'ouvertures rondes, pour un


passage fluide des efforts et des tuyaux simples.
Exemple : bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris (Henri Labrouste, 1850). L'alvéolage se cache
dans le travail semi-ornemental des charpentes.

61
Angl. : cellular beam, castellated beam. On l'appelle également "poutre Lytzka".

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Figure 4.4.2.2.cxxviii

Exemple : centre d'art contemporain Le


Fresnoy à Tourcoing (Bernard Tschumi,
1997). L'escalier extérieur a ses contre-
marches (qui fonctionnent effectivement
comme des poutres) alvéolées, ce qui aide
aussi à faire de l'espace sous l'escalier une
zone qui reste agréable et utilisable.

Figure 4.4.2.3.cxxix

Un problème est qu'à la production, il y a beaucoup de chutes. Un autre système a alors été
développé : on découpe l'âme d'une poutrelle en "dents de scie", on sépare les deux moitiés
ainsi obtenues, on décale et on ressoude. Cela produit pour les ouvertures un profil hexagonal
ou octogonal (= hexagonal + rehausse).

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Une évolution relativement récente, permise


par les découpes lasers robotisées, est le
profil sinusoïdal (poutrelle Angelina
d'Arcelor, ci-dessous). Le tracé plus lisse
permet une transmission plus douce des
efforts, une meilleure rigidité globale, et une
plus grande liberté dans le tracé de
l'ouverture.

Figure 4.4.2.4.cxxx

Figure 4.4.2.5.cxxxi

4.4.3. La poutre gonflée armée


L'idée est de fournir à la poutre un "cœur" léger, en lieu et place des montants dans les treillis
ou de l'âme dans les profilés, constitué d'un "boudin" gonflé – un peu comme les sachets de
chips, qui sont gonflés à l'air afin de protéger leur contenu contre l'écrasement. Les
"membrures" se composent de :
- pour la reprise de la traction en face inférieure : un réseau câbles spiralés ;
- pour la reprise de la compression en face supérieure : une tige qui va agir comme buton.

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Ce système appelé "Tensairity" a été développé par la firme suisse Airlight62.


De plus, le boudin empêche le flambement du
buton qui y est fixé, qui peut donc travailler à
leur résistance maximale.

Figure 4.4.3.1.cxxxii

Comme le boudin n'a plus qu'une fonction d'"écarteur", il n'est pas nécessaire de le mettre sous
une grande pression : Tensairity n'a besoin que de 1% de la pression d'air nécessaire dans une
structure pneumatique classique. Cette pression est si basse que :
- les pertes de pression naturelles (tissu, tuyaux, valves, etc.) sont très faibles et l'énergie
nécessaire pour les compenser est négligeable.
- en cas de perforation, accidentelle ou vandalisme, l'énergie nécessaire pour compenser la perte
est très réduite.
Ensuite, si le compresseur est en panne, la ruine est lente (plusieurs heures pour une grande
structure) avec des déformations évidentes (comportement plastique), ce qui laisse tout le temps
de réagir. Enfin, le poids propre est si faible que, en cas de perte totale de pression, les câbles
et la membrane sont suffisants pour soutenir le poids propre de la structure.
D'autre part, la pression réduite rend possible l'usage d'un matériau conventionnel pour la
membrane, et non un produit high-tech : des tissus en polyester-PVC, bon marché, aux fibres
de verre enduites de silicone ou de PTFE, jusqu'aux films transparents en ETFE. Les
membranes en fibre de verre, notamment, résistent bien à la chaleur, sont ininflammables et ne
produisent pas de fumées toxiques en cas d'incendie.

62
www.tensairitysolutions.com.

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Exemple : passerelle à
Lanselevillard (France)
par Philippe Barbeyer
(2006).

Figure 4.4.3.2.cxxxiii

4.5. Variation de la section le long de la génératrice


Quelles que soient les conditions d'appui de la poutre, la valeur du moment fléchissant varie le
long de sa génératrice.

Exemple : la perche correspond au 3e cas d'appui, dans la


figure précédente, et a effectivement cassé à proximité du
pied, là où le moment est maximum.

Il n'est donc pas nécessaire de mettre la même section tout


du long de la poutre, on peut la faire varier en fonction des
"besoins". Voyons quelques applications.

Figure 4.5.1. cxxxiv

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Poutre bi-appuyée
Exemple : bâtiments du "Gril d'Albert" sur le campus de Jussieu à Paris (Edouard Albert, 1968).
L'intention était de maintenir une transparence en rez-de-chaussée, de manière à ce qu'on puisse,
de n'importe quel point du campus, avoir une vue sur les quartiers environnants63. À cet effet,
des poutres de grande portée, en acier, sont utilisées pour soutenir le 1er étage, limitant ainsi le
nombre des supports verticaux. Pour en contrepartie alléger ces poutres de grande portée, un
profil variable leur a été conféré. Leur allure "en gondole" (dixit les témoignages de l'époque)
indique que les poutres sont biarticulées et que donc il n'y a pas de fonctionnement en portique.

Figure 4.5.2.cxxxv

63
http://arthur22.free.fr/Jussieu/jussieu.htm, au 10-2-2016.

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Exemple : "La grande table" de Xavier Lust


(2001-2002). Les renforts sous le plateau, des
profilés à la section en "U", s'arrêtent
progressivement aux extrémités.

Figure 4.5.3.cxxxvi

Figure 4.5.4.cxxxvii

Poutre mono-encastrée (console)


Exemple : auvent dans un parc à Londres.

Figures 4.5.5.cxxxviii

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5. Choisir les dimensions principales


La question est celle de la portée que l'on donne à la poutre. Avec la portée augmentent très
rapidement :
- la charge totale appliquée, car répartie (proportionnel) ;
- le moment de flexion (sous charge répartie : avec le carré), et donc le risque de rupture ;

Lx2

Mextr x 4

- la déformée (sous charge répartie : avec la puissance 4), et donc le risque de flèche
inacceptable.

Lx2

δmax x 16

- au final, matériellement, la hauteur de la poutre (de l'ordre du 1/10e de la portée).

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Lx2

hx2

Par exemple, en béton armé standard, en général on se limite à 7 m de portée, car cela
correspond déjà à 70 cm de hauteur, ce qui est gênant en termes de gabarit.

Quelques pistes de solution sont :


- faire usage de structures primaires64 pour diminuer les portées à franchir ;
- si la technologie du matériau le permet, donner à la poutre une contreflèche65, prévue pour
s'annuler sous les charges permanentes, qui ne contribuent donc plus à la flèche résultante, ne
dépendant alors plus que des charges d'exploitation ; on parle de poutre précambrée.
Exemple : banc à la Tate Modern à
Londres. Le plateau supérieur de la "dalle"
a été incisé de rainures et des baguettes
rigides (apparemment en métal) y ont été
introduites, de manière à écarter et ainsi
créer une courbure.
Figure 5.1.cxxxix

- précontraindre la poutre, c'est-à-dire la pré-comprimer longitudinalement. La mise en flexion


ne va, dans la zone correspondant à la composante traction, ne faire que "détendre" la partie
précomprimée. Cela a également un impact positif sur la raideur de la poutre.

64
Elles ne sont pas présentées dans ce syllabus, mais on peut se référer à celles abordées dans le chapitre sur les
couvertures d'espace : certaines d'entre elles sont également applicables pour les praticables.
65
Angl. : camber.

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En béton armé précontraint,


on peut ainsi aller jusqu'à 73
m de portée.

Figure 5.2.cxl

Exemple : Musée des Civilisations de


l'Europe et de la Méditerranée à Marseille
par Ricciotti (2013). La grande portée
permet garder une flexibilité maximale à ces
espaces d'exposition.

Figure 5.3. cxli

Exemple : passerelle du MUCEM à Marseille par Ricciotti. L'armature inférieure est comme
une chaînette surtendue pour être horizontale, mais dont la poussée horizontale est reprise non
par les appuis mais les voussoirs, qui agissent comme butons.
Ces voussoirs, en partie haute, résistent
également à la compression correspondant à
la membrue supérieure de cette poutre.
L'addition de ces "deux compressions"
génère des contraintes très élevées, qui
correspondent au choix pour ce projet du
béton fibré à ultra-haute performance. Figure 5.4.cxlii

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

III. CONCEVOIR UNE COUVERTURE D'ESPACE

1. Généralités
Cette fonction structurale se distingue des autres par la grande variété de formes applicables.
De plus, on y adjoint fréquemment une structure primaire, ce qui démultiplie le nombre de
possibilités morphologiques. C'est pourquoi dans ce chapitre, on ne peut identifier de forme qui
serait la plus fréquente et sur laquelle on pourrait se focaliser. L'objectif ici va plutôt être de
donner les clés d'orientation qui permettent de s'y retrouver dans cette jungle de formes, de
comprendre suivant quels principes on peut les classifier, pour pouvoir aisément les passer en
revue et sélectionner celle qui convient au projet considéré.
On va d'abord aborder les couvertures d'espace proprement dites. Puis on présentera les
structures primaires avec lesquelles on peut les combiner, pour alléger et/ou augmenter les
portées.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

2. Couvertures d'espace proprement dites

2.1. Généralités
Dans la configuration "couvrir un espace", la charge est (peu ou prou)
perpendiculaire à la structure, d'où une similitude avec le problème du
praticable. Il y aura donc une certaine parenté entre les solutions structurales
appliquées dans les deux cas.
Pour autant, il reste entre les deux familles des différences décisives :
- une couverture d'espace ne doit pas être forcément horizontale plane ; au contraire, même : la
problématique de l'écoulement des eaux de pluie mène à éviter des surfaces qui soient
horizontales, pour écarter le risque de stagnation. Et plus un toit est pentu, plus la gamme des
matériaux d'étanchéité applicable est large.
- il y l'effet de soulèvement par le vent, qui fait qu'une toiture peut être à l'occasion soumise à
une charge verticale dirigée non plus vers le bas (poids propre, neige, ouvrier pour la
maintenance) mais vers le haut.
- comme toute surface extérieure du bâtiment, le toit va être soumis par le vent à une charge
supplémentaire, horizontale (même s'il est horizontal plane, par frottement). Cela ne recouvre
pas exactement la notion de contreventement, où il s'agit plutôt de transmettre une charge
horizontale ; ici, le toit reçoit la charge de vent.
Cependant ces deux cas de charge "exotiques" liés au vent ne sont pas prédominants, et ne
seront donc pas considérés dans ce cours.

Le fait que la morphologie ne soit pas contrainte de rester horizontale plane explique
l'extraordinaire richesse du vocabulaire formel des toitures, univers dans lequel il serait facile
de se perdre. Une manière de classer les différentes morphologies de couverture d'espace, d'un
point de vue structural, consiste à distinguer le nombre de courbures qu'elles présentent : 0, 1,
2 concourantes ou 2 divergentes66.

66
Exceptionnellement, dans le cas de 2 courbures combinées, une même morphologie pourrait présenter les deux
types de combinaisons. Par exemple, un tore coupé en deux dans son plan : sa moitié intérieure présente des
courbures divergentes, tandis que sa moitié extérieure présente des courbures convergentes.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

2 courbures 2 courbures
0 courbure 1 courbure
convergentes divergentes
Figure 2.1.1.cxliii

Remarque : le terme de "courbure" doit ici être pris au sens large de concavité / convexité, qui
peut être obtenue aussi par des plis, donc de manière anguleuse et non pas strictement courbe.

En effet, le nombre de courbures est corrélé au mode de fonctionnement de la structure : plus il


y a de courbures, moins l'élément travaille en flexion et plus il travaille en traction et/ou
compression. On peut s'en souvenir intuitivement en considérant que les formes courbes
présentent plus de parties alignées sur la charge verticale. Mais la métaphore s'arrête là ; par
exemple, même dans la partie horizontale au sommet des arcs, il n'y a toujours que de la
compression, et non de la flexion.
Cette distinction entre formes en flexion et formes en compression-traction est fondamentale
ici car la flexion engendre sur la section un axe neutre, où la matière mise en place sera peu
exploitée ; au contraire, en traction-compression, toute la section est utilisée au maximum (hors
flambement, mais dont on espère qu'il aura été jugulé par une conception intelligente). Choisir
une morphologie présentant le maximum de courbures possible est donc une manière de
diminuer la quantité de matière nécessaire, et d'ainsi optimiser la structure.
Illustration dans la Nature, cette grande
optimisatrice : les coquillages
présentent généralement une double
courbure (a priori concourante, pour
contenir l'animal).

Figure 2.1.2.cxliv

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Pour autant, ce n'est pas parce que l'on développe une forme avec des courbures qu'elle va
travailler automatiquement en traction-compression :

courbure effort interne prédominant


(dans le sens de la portée) traction / compression flexion
0 courbure / dalle
1 courbure voûte et ses dérivés, cônes, nappe suspendue vagues
2 courbures concourantes coupoles, structures gonflées coques
2 courbures opposées paraboloïdes hyperboliques vagues 3D

Cela dépend donc de la forme des courbures et de la position des appuis. C'est pourquoi il est
nécessaire de connaître les "bonnes" morphologies. Explorons-les, famille par famille.

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 126


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

2.2. Zéro courbure

2.2.1. Généralités
Une telle morphologie plane peut être réalisée de deux manières différents :
- une plaque pleine rigide, soumise à flexion, disons une dalle, même si elle n'est pas
nécessairement disposée horizontalement ;
- une membrane fortement tendue sur un cadre plan, soumis lui à flexion composée. Ce système
ne peut évidemment apporter d'isolation acoustique ou thermique, et ne convient donc qu'à
une gamme restreinte de programmes.
Voyons-les séparément.

2.2.2. Dalles

2.2.2.1. Généralités
Nous allons discuter brièvement la question des conditions d'appui que cette morphologie
requiert ou dont elle peut s'accommoder. Ensuite nous verrons qu'elle présente toute une série
de problèmes, tant structuraux que fonctionnels. C'est pourquoi nous explorerons enfin les
différentes manières de pallier ceux-ci au stade de la conception.

2.2.2.2. Conditions d'appuis


Cette morphologie requiert a priori des appuis linéiques, tels que des sommets de murs, des
poutres ou des treillis. Cela n'empêche pas de faire reposer une dalle directement sur une série
de points d'appui ponctuels tels que des têtes de colonnes (pensons par exemple à la station de
métro Sainte-Catherine déjà présentée) ; mais en réalité se crée dans la dalle entre deux appuis
proches une sorte de "poutre intérieure", fortement sollicitée. Et entre ce réseau de poutres
invisibles, la dalle fonctionne à nouveau réellement comme dalle, entre appuis linéiques.
Concernant le positionnement des points d'appui, tout ce qui a déjà été vu pour les poutres reste
d'application. En particulier, une dalle de toiture peut ainsi présenter un porte-à-faux (a priori
extérieur, sinon il y a un problème de raccordement au vitrage).
Exemple : palais de la culture et des congrès de Lucerne (Jean Nouvel, 1999). Il s'agit de l'un
des plus importants porte-à-faux architecturaux. L'épaisseur du toit est escamotée visuellement,
au profit de la surface inférieure, réfléchissant le lac au bord duquel le bâtiment est implanté.

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 127


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Figure 2.2.2.2.1.cxlv

Exemple 2 : auvent à Misumi au Japon


(Ney67, 2016). Le but était ici de laisser la
vue dégagée vers le paysage montagneux.
C'est pourquoi on ne souhaitait pas de
colonnade côté paysage. La travée unique
du toit se retrouvait alors en porte-à-faux, et
requérait un encastrement de l'autre côté
pour tenir. Cet encastrement est habilement
réalisé par une rangée de colonnes placées
Figure 2.2.2.2.2.cxlvi
en quinconce.
Cet effet est renforcé par le plan en courbe (comme dans l'auvent du Carrefour de l'Europe,
devant la Gare centrale à Bruxelles).

67
www.ney.be/fr/project/misumi-canopy.html.

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 128


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Figure 2.2.2.2.3.cxlvii

2.2.2.3. Une morphologie problématique

2.2.2.3.1. Généralités
En tant que l'une des figures phare du modernisme, cette morphologie est très répandue
aujourd'hui. C'est aussi dû au fait qu'étant aisée à réaliser (coffrage et armaturage simples), elle
est également bon marché, puisqu'en Europe de l'Ouest, la composante la plus importante du
prix est souvent non la matière mais la main d'œuvre. Pour autant, cette morphologie présente
en réalité une série de problèmes, tant structuraux que techniques et fonctionnels.

2.2.2.3.2. Problèmes structuraux


La charge (verticale) étant perpendiculaire à un toit plat horizontal, celui-ci travaille
exclusivement en flexion, et représente donc une des morphologies les plus lourdes qu'il soit
possible de réaliser pour une couverture d'espace. C'est donc aussi une des plus consommatrices
de ressources.
Exemple : la station de métro Sainte-Catherine, déjà vue précédemment. Le toit se compose
d'une tôle d'acier de 3 cm d'épaisseur. Cela correspond à un poids propre d'environ 235 kg/m² :
la légèreté visuelle ne se retrouve donc pas du côté matériel.

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 129


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Ensuite, contrairement à ce que l'on pourrait


croire, un toit plat horizontal n'est pas si
favorable que ça du point de vue du vent, à
cause des arêtes vives qu'il crée sur ses bords.
Par exemple, les bagages du XIXe s., destinés
à voyager au-dessus des calèches, avaient un
sommet arrondi pour améliorer leur
aérodynamisme. C'est avec l'avion entre
autres qu'on est passé à des valises
Figure 2.2.2.3.2.1.cxlviii
parallélépipédiques, plus faciles à empiler.

Ensuite, sur un toit plat, la neige peut s'accumuler et générer une importante surcharge, dont le
dimensionnement doit tenir compte (ce qui alourdit encore la structure). Cet effet est
particulièrement présent à l'heure actuelle avec le renforcement de l'isolation des bâtiments qui
empêche la chaleur de s'échapper et de réchauffer les toitures.
Exemple : effondrement du toit de l'église de Lutselus à Diepenbeeck le 25 décembre 2010,
quelques heures à peine après la messe de minuit…

Figure 2.2.2.3.2.2.cxlix Figure 2.2.2.3.2.3.cl

Au Québec, le déneigement de toitures (même inclinées) est ainsi un service commercial qui
est proposé, car les chutes de neige à répétition entrecoupées de phases de gel peuvent créer
une accumulation dangereuse de charge.

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 130


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Figure 2.2.2.3.2.4.cli

Exception : dans les climats avec beaucoup


de neige, en ville on préfère malgré tout les
toits plats, pour éviter que la neige ne tombe
sur les passants, ne verglace les trottoirs, et
ne doive être déblayée et entreposée dans des
décharges gigantesques durant tout l'hiver.
De plus, cela crée une couche isolante
supplémentaire, justement quand il fait froid.
Figure 2.2.2.3.2.5.clii

2.2.2.3.3. Problèmes techniques


Historiquement, cette morphologie plane horizontale est liée à l'arrivée sur le marché au cours
du XXe s. du bitume en tant que sous-produit pétrolier. Abondant et donc bon marché, il pouvait
servir d'étanchéité, et était efficace sur de très faibles pentes tout en restant léger. Cela fut
intégré par le mouvement architectural de l'époque, soit le Bauhaus68. Mais la fiabilité de cette
étanchéité a longtemps posé problème. Aujourd'hui, au-delà de l'aspect écologique, cette
dépendance à l'industrie pétrolière se fait sentir négativement69. Le principal producteur,

68
Conférence de Ph. Samyn au CIVA le 12 mars 2008.
69
www.lesoir.be/171059/article/2018-08-02/une-penurie-de-bitume-menace-lavancee-des-chantiers.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Derbigum, essaye d'ailleurs de s'en détacher en développant des alternatives à base végétale70.

2.2.2.3.4. Problèmes fonctionnels


Au "Moyen-Orient[, …] les toits des maisons étaient en fait de grandes terrasses, les gens
avaient l'habitude d'y monter pour discuter entre voisins."71 C'est dans ce même esprit que le
modernisme s'en empare, considérant qu'il s'agit d'"un lieu idéal pour les rencontres et les
activités", et même des "lieux assez privilégiés pour voir la ville".
Exemple : la Cité Radieuse à Marseille (Le Corbusier, 1952). Le toit constitue un espace
commun pour tous les habitants de l'immeuble.

Figure 2.2.2.3.4.1.cliii

Mais "déjà dans les bâtiments de Le Corbusier, l'idée n'avait pas marché [?], et à partir des
années 1960, elle s'est montrée infructueuse. Nous avons tout de même gardé le type de
construction en toit-terrasse, l'espace vidé de sa fonction sociale [c'est-à-dire de son programme
de terrasse] est devenu un lieu invisible auquel on ne peut pas accéder sauf pour des questions
techniques."

70
https://derbigum.be/fr/etancheite/etancheite-vegetale/.
71
Les citations de ce point sont tirées de CINEL Andrea, "Sur les toits, à perte de vue", Argos Mag, n°2, avril-juin
2011, Bruxelles.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Illustration : cela a inspiré à l'artiste Jordi


Colomer (°1962) son projet "Crier sur les
toits"72 (2011), visant à "reconquérir" ces
innombrables toits plats inaccessibles aux
usagers. "C'est un espace proche de ce que
Foucault a signalé comme les hétérotopies,
des lieux où il y a quand même une possibilité
d'action, une possibilité d'utopie localisée
aujourd'hui. […] Il serait envisageable de
réinvestir autrement ce type d'espace, ou au
moins de signaler son existence."

Figure 2.2.2.3.4.2.cliv

Cela rejoint dans l'esprit la tendance spontanée des usagers à réinvestir les toits plats dès qu'ils
sont peu ou prou accessibles pour en faire des terrasses, au détriment de la sécurité.

Autre problème : à moins d'être transparent, un toit plat n'autorise pas de prise de lumière
naturelle, contrairement à tous les autres systèmes, qui présentent des surfaces proches de la
verticale, pouvant aisément être vitrées. Il existe certes à présent des solutions pour toits plats
(notamment chez Velux), mais cela reste techniquement délicat, vu l'étanchéité à réaliser en
même temps. Un autre problème est que cela s'encrasse vite car moins lessivé par la pluie… et
cela se voit !

Enfin, "le toit plat supprime […] un espace précieux : le grenier [alors que c]e que l’on investit
dans le renforcement du plafond pour supporter [un] toit végétal[isé] suffit pour la construction
d’un bon grenier. Ce dernier constitue un espace de rangement intéressant. Lorsque la famille
s'agrandit, on apprécie la possibilité d’aménager quelques chambres sous les combles."73. Autre
point de vue : "N'est-il pas triste de construire des maisons sans grenier ? C'est à déplorer, bien

72
www.paris-art.com/crier-sur-les-toits, http://jordicolomer.com/index.php?lg=3&id=19&prid=88.
73
www.eautarcie.com/Eautarcie/3.Eau_de_pluie/A.Construire_la_citerne.htm.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

sûr. Le grenier est le lieu de la mémoire, celui où s'entassent les souvenirs, c'est magique…
Demandez aux enfants qui adoraient ouvrir les malles à souvenirs, jouer au théâtre avec des
vieux vêtements, regarder des photos d'antan… Une maison sans grenier, c'est un peu une
maison sans tête, oui. Sans passé"74.

2.2.2.3.5. Problème "philosophique"


On l'a vu, la morphologie du toit plat horizontal est généralement découplée d'un usage de
terrasse et se résume alors à une référence formelle devenue vide de sens.
De même, suite à la présence d'acrotères, cette morphologie n'exprime pas visuellement le fait
qu'il demeure néanmoins une certaine pente pour l'écoulement des eaux. Sans cela, le moindre
défaut de planéité entraînerait une accumulation d'eau de pluie, avec tous les désordres que cela
peut engendrer (surcharge, infiltration, etc.).

2.2.2.4. Aider la dalle

2.2.2.4.1. Généralités
On peut essayer d'agir successivement sur tous les éléments qui interviennent dans le
dimensionnement de la dalle de toiture :

cible stratégie
portée L ajouter un structure primaire (voir ce chapitre)
charge p incliner le toit pour diminuer la charge de neige à considérer
moment fléchissant
encastrer les bords
M
travailler la forme de la section transversale de la plaque pour
contrainte
augmenter la rigidité
déformation précontraindre
poids propre évider les zones peu sollicitées

Ces différentes stratégies peuvent (et devraient…) être combinées entre elles.

74
ESTRADE Patrick, in MISSIR DE LUSIGNAN Laetitia, "Dis-moi comment tu habites…", Bioinfo, n°92, septembre
2009.

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 134


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Remarque : dans une certaine mesure, toute cette réflexion recoupe celle sur les praticables
surfaciques, vu la similitude de la forme considérée. Quand ce chapitre sera vu (en Structures
3), il sera donc utile de revenir à celui-ci pour les comparer et en cerner autant les ressemblances
que les spécificités.
Passons ces différentes stratégies en revue.

2.2.2.4.2. Reconsidérer la pente du toit


Il faudrait systématiquement se demander si on peut assumer la pente et plus incliner ce toit
plat dans le projet – même si, en soi, ce n'est pas plus avantageux structuralement parlant : il
vaudrait mieux passer à une forme comportant au moins une courbure. En effet, explorons ce
que deviennent les efforts internes lorsque l'on incline un toit plat (dans le sens de portée).
La charge prescrite est exprimée non par
mètre linéaire mais par mètre de projection
horizontale. Soit une bande de dalle de 1 m de
large, assimilée à une poutre, de projection
horizontale de longueur L et d'inclinaison sur
l'horizontale α, soumise à une charge
uniformément répartie p [N/m'] sur la
projection horizontale.

La charge effective par mètre linéaire ′


est égale à la charge totale pL divisée par
la longueur de la poutre L'= L/cosα, soit :

= =
⁄ ′

On peut décomposer cette charge ′ en ses composantes perpendiculaire ′ et parallèle ′∥ :

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 135


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Seule la composante perpendiculaire ′ engendrera du moment dans la dalle de toiture ; elle


vaut :

= = .

Le moment maximum engendré vaut :


1 1 1 1
= ′ = = [ ].
8 8 8

C'est-à-dire que le moment maximum est identique à celui qui se développerait dans le cas
horizontal correspondant (à même longueur horizontale L) ! Sauf que deux éléments négatifs
sont venus s'y ajouter :
- la longueur sur laquelle il va falloir mettre en place une section capable de résister à ce moment
est plus longue (L'>L), et le volume de la dalle sera donc plus élevé ;
- à ce moment fléchissant se rajoute de la compression engendrée par ′∥ (ou de la traction,
suivant la position de l'appui simple) ; l'élément est donc en flexion composée.
Tous ces effets sont moins prononcés si on porte non pas dans le sens de la pente, mais
perpendiculairement à celle-ci, en reliant des supports eux-mêmes inclinés.

Cependant, dans tous les cas un élément extérieur change, par rapport au cas du toit
horizontal : la charge de neige à considérer diminue, ce qui peut compenser partiellement
l'augmentation de sollicitation.

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 136


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

De même, sur d'autres plans, l'inclinaison du toit présente plusieurs avantages indéniables :
- techniquement : l'étanchéité est plus aisée à assurer, un plus grand nombre de revêtements est
applicable ;
- architecturalement : gain en termes d'expression, de gabarit intérieur, de dégagement d'espace
pour un grenier, etc.
Exemple : pavillons à Sainctelette à
Bruxelles. On observe une combinaison
de pans inclinés.

Figure 2.2.2.4.2.1.clv

Si néanmoins le toit doit être gardé plat pour d'autres raisons, on se posera utilement les
questions suivantes :
- est-ce que je peux en faire une terrasse ? Sans oblitérer les lourdes conséquences que cela a :
on passe d'une toiture à un praticable, dimensionné pour reprendre des charges plus élevées et
donc plus lourd ; inclusion d'un accès et de garde-corps.
- est-ce que je peux verduriser ce toit plat, pour l'inertie thermique et le soutien à la
biodiversité ?
- est-ce que je peux le percer pour ménager des prises de lumière naturelle ?

2.2.2.4.3. Raidir les bords libres


En soi, on pourrait considérer d'encastrer les appuis du toit plat, sauf que cela injecterait un
couple (via ses réactions d'appui) en tête de ses supports (colonnes ou murs). Or ces derniers
sont prévus a priori pour ne reprendre qu'une charge verticale. Les rendre aptes à reprendre un
moment de flexion en plus mènerait à un agrandissement significatif de leur dimensionnement
(comme pour les portiques, par exemple). Une telle situation est donc peu plausible.
Par contre, les bords libres d'une dalle (unidirectionnelle) peuvent utilement être raidis, en les
munissant d'un rebord (sans qu'il ne soit appuyé à ses extrémités et donc ne devienne une poutre
d'appui), un peu comme le couvercle d'un carton à chaussures (raidi sur les 4 bords, lui). Ce
rebord peut être effectué vers le haut ou vers le bas, et être combiné avec une fonction

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 137


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

technique : gouttière, acrotère, brise-soleil, etc.


Exemple : balustrades des sorties de la station de métro Sainte-Catherine à Bruxelles (Olivier
Noterman + Laurent Ney, 2005). Le programme n'est pas de reprendre une charge verticale, et
le pli vise plutôt à rigidifier contre les poussées horizontales qui pourraient être exercées par les
utilisateurs, mais cela correspond au même problème qu'un toit plat, tourné à 90°. Ce qui est
intéressant ici, c'est que ce rebord est également ergonomique : on peut s'y accouder.

Figure 2.2.2.4.3.1.clvi

Cet avantage est encore plus prononcé si le bord libre de la dalle est non pas rectilinéaire mais
courbe, car cela va lutter contre le déversement du rebord.

2.2.2.4.4. Augmenter la hauteur structurale

2.2.2.4.4.1. Généralités
Cette augmentation de la hauteur structurale peut s'obtenir par plusieurs manipulations
géométriques de la dalle, qui en préservent la continuité, pour l'étanchéité : plisser, onduler ou
cintrer (perpendiculairement à la portée). Dans tous les cas, cette augmentation de la rigidité
implique que la contrainte maximum qui se développera dans la dalle sous un moment
fléchissant déterminé sera plus faible, de sorte que l'épaisseur de matière qu'il sera nécessaire
de mettre en place sera réduite et l'ensemble donc plus léger. Cela élargit la gamme de matériaux
envisageables : "La raideur élevée provient de la forme de la structure plutôt que de la rigidité
Th. VILQUIN @ ULB Architecture 138
Fonctionnement des structures 1 2019-2020

du matériau, et pour cette raison les formes de plaque plissée [et autres] sont particulièrement
appropriées pour des matériaux de faible module tels que les plastiques et le bois."75

2.2.2.4.4.2. Plisser
Illustration de la rigidité obtenue en pliant :
"Death by paper football" (Brock Davis,
2009).

Figure 2.2.2.4.4.2.1.clvii

La ligne des plis doit être parallèle au sens de portée de la plaque. Cette forme ne place pas
énormément de matière aux fibres extrêmes (par comparaison aux ondulations ou aux sections
profilées, par exemple). En revanche :
- elle augmente la pente locale, ce qui est favorable à l'étanchéité (hors raccords dans les
creux) ;
- on peut la réaliser dans la plupart des matériaux.
Exemple en acier :
carport à Theux par
Henry + Evrats76
(2009). La tôle fait 3
mm d'épaisseur. On
remarque l'écho aux
colonnes en V qui le
soutiennent d'un côté.

Figure 2.2.2.4.4.2.2.clviii

75
(Hilson, 1993), p. 95 (traduction personnelle).
76
www.he-architectes.be/040-car-port-lb.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Exemple en béton armé : toits de la tribune de la coupole dans la basilique du Sacré-Cœur à


Koekelberg (Albert van Huffel & Paul Rome, 1970). Cette forme n'a pas dû être facile à
coffrer…

Figure 2.2.2.4.4.2.3.clix

Exemple en bois : chapelle de Saint-Loup à Pompaples (Suisse), par Localarchitecture & Yves
Weinand (2008). Les plaques en CLT sont connectées à l'aide de plats métalliques.

Figure .2.2.4.4.2.4.clx

Un problème possible de la forme plissée est que, sous charge (notamment une charge
ponctuelle), les plis s'écrasent et que l'on perde ainsi la hauteur structurale, donc la rigidité.
C'est particulièrement sensible aux extrémités plissées. Une manière de contrer cela est de fixer
ces extrémités à un élément plan transversal. Ensuite, un écrasement à mi-portée reste possible.
Une solution du même type peut être apportée à cet endroit-là également : "Si un diaphragme

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 140


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

était disposé à mi-portée, en collant des pièces triangulaires […] par-dessus comme illustré à la
figure [ci-dessous], ou par-dessous, alors des changements dans la géométrie à mi-portée
pourraient être maîtrisés et le diaphragme agirait aussi comme un raidisseur pour les éléments
de poutre aux points d'application de la charge ponctuelle, maîtrisant ainsi la tendance au
voilement.
De plus grandes résistances pourraient
être atteintes avec ces modèles
modifiés, et au fur et à mesure du
chargement, d'autres modes de ruine
apparaîtraient, similaires à ceux
trouvés lors de l'étude de la poutrelle en
I."77
Figure 2.2.2.4.4.2.5.clxi

Enfin, les arêtes en compression peuvent se "croquer" suite au déversement, comme dans les
poutres.
Exemple : salle de conférences / congrès de l'Unesco à Paris, par Breuer, Nervi & Zehrfuss
(1953). Le plan plissé est combiné avec une "dalle" courbe, les deux s'interpénétrant. La
position en hauteur de la dalle varie le long des plis, de manière à venir bloquer le déversement
de la partie du "V" qui est en compression. En effet, cette zone varie le long des V, car il s'agit
ici d'une portée bi-encastrée ; le moment change donc de signe au fil de la portée. La "vague"
ainsi créée contribue également à la bonne acoustique du lieu.

moment fléchissant

Figure 2.2.2.4.4.2.6.clxii

77
(Hilson, 1993), p. 94 (traduction personnelle).

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 141


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Figure 2.2.2.4.4.2.7.clxiii

2.2.2.4.4.3. Onduler
Cette forme ménage plus de matière aux fibres extrêmes que le plissage. Mais au niveau des
matériaux, pratiquement seul le métal permet de la réaliser à un coût abordable.
Exemple : hangar agricole à Geer par AIUD (2003) (voir page suivante).
Remarque : la toiture est également légèrement inclinée. Mais la pente est trop faible que pour
que l'inclinaison puisse être considérée comme une stratégie de conception structurale de la part
de l'architecte : cette pente découle sans doute uniquement des impératifs techniques, pour que
de l'eau ne puisse stagner sur la toiture et risquer de la faire rouiller.

Analyse de la relation structure-architecture :


Morphologie et matériau : comme on l'a dit, cette forme ondulée n'est économique à produire
qu'avec l'acier, pratiquement. Les deux concordent bien ici.
Morphologie et dimensions principales : le plissage aide effectivement à franchir une certaine
portée sans structure lourde ni requérir d'appuis intermédiaires qui seraient dans le chemin des
bêtes et risqueraient d'être abîmés par les mouvements de celles-ci.

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 142


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Figure 2.2.2.4.4.3.1.clxiv

Morphologie et programme :
- l'aspect industriel de ce profilé métallique standard est cohérent pour un hangar agricole,
programme utilitaire ; par ailleurs, ce côté industriel est contrebalancé par le soin apporté aux
détails techniques ;
- le profil ondulé crée des ouvertures le long de la ligne d'appui, ce qui contribue à l'aération.
Morphologie et contexte interne :
- cette toiture marquée par les obliques contraste sur le plan géométrique avec le cloisonnement
des côtés du hangar, qui se marque, lui, par l'horizontalité et l'orthogonalité (en plus d'un
matériau différent) ;
- en revanche, ces deux ensembles relèvent du même minimalisme.
Morphologie et contexte externe : l'aspect industriel contraste certes avec l'environnement
naturel, mais ce hangar fait logiquement partie d'un ensemble de bâtiments agricoles, du même
style. C'est partiellement compensé par le recours au bois pour les parois latérales.
Matériau et dimensions principales : l'acier permet effectivement, aidé de l'ondulation, de
franchir la portée significative demandée.
Matériau et programme : l'acier participe du côté industriel de ce programme utilitaire. Il

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 143


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

n'apporte aucune protection thermique, mais ce n'est pas nécessaire pour cette construction
ouverte.
Matériau et contexte : on retrouve les contrastes déjà observés entre la morphologie et le
contexte, tant au niveau du rapport au bardage bois que de l'environnement naturel.
Dimensions principales et programme : rien de spécial à relever.
Dimensions principales et contexte interne : un porte-à-faux est ménagé au toit, qui permet de
rejeter l'eau de pluie à une distance suffisante du bardage bois.
Dimensions principales et contexte externe : dans cet environnement ouvert, les dimensions
peuvent effectivement se permettre d'être conséquentes, sans sembler envahissantes pour
autant.

Pour être tout-à-fait complet, on peut aussi considérer un 3e "pôle", la technologie, c'est-à-dire
la mise en œuvre. On remarque ici une bonne conjonction avec la morphologie : l'ondulation
est réalisée par le recours à un profilé de palplanche standard, produit préfabriqué disponible
sur catalogue et donc relativement bon marché. Cette économie convient bien à un tel
programme utilitaire, qui ne vise qu'à offrir un abri basique à du bétail.

En conclusion, on peut donc dire que la conception structurale de ce projet, qui aurait pourtant
pu ne faire l'objet d'aucune ambition particulière, est de qualité. Certains contrastes existent
avec l'environnement, mais ils restent compréhensibles et non gênants.

Exemple : projet d'aire d'autoroute à Mannekensvere (Belgique) par Samyn (2000). La


couverture ondulée s'appuie sur des arcs en treillis. Même si la forme globale qui en découle
est alors à 1 courbure, la toiture ondulée va en ligne droite d'un arc à l'autre, et relève donc bien
conceptuellement des morphologies à 0 courbure.

Figure 2.2.2.4.4.3.2.clxv
Th. VILQUIN @ ULB Architecture 144
Fonctionnement des structures 1 2019-2020

2.2.2.4.4.4. Courber perpendiculairement à la portée


L'effet rigidificateur de cette déformation
peut être appréhendée par un objet
courant : le ruban métreur en métal, à
opposer à celui qui ne serait pas cintré mais
juste plat.

Figure 2.2.2.4.4.4.1.clxvi

Remarque : c'est à bien distinguer des voûtes et nappes à une courbure (vues plus loin), qui elles
sont non pas droites mais courbées entre appuis, dans le sens de la portée.

Exemple en béton armé : église de Shonan78 à Sagami Bay dans la préfecture de Kanagawa
(Japon), par Takeshi Hosaka (2014 ?). Les couvertures cintrées servent également à la bonne
acoustique du lieu et à une utilisation symbolique de la lumière naturelle.

Figures 2.2.2.4.4.4.2.clxvii

Exemple en bois : pavillon d'exposition79 à la faculté d'architecture de Mendrisio (Suisse) par


iBois / Yves Weinand (2013) (voir page suivante). La portée est de 13,5 m, l'épaisseur de 7,7
cm. La connexion entre les différents éléments est faite sans métal, par des assemblages à queue
d'aronde, taillés par CNC.

78
www.hosakatakeshi.com/english/works-projects_en/shonan_en.html.
79
www.epfl.ch/labs/ibois/page-102460-en-html/completed-projects/mendrisio-pavilion.

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 145


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Figure 2.2.2.4.4.4.3.clxviii

2.2.2.4.5. Précontraindre
Dans le cas du béton armé, on peut envisager des éléments précontraints, généralement
unidirectionnels (hourdis préfabriqués).

2.2.2.4.6. Évider la section transversale

2.2.2.4.6.1. Généralités
Tout comme pour les poutres, l'évidement vise à ôter la matière là où elle n'est pas nécessaire
(zone neutre), et peut mener à des profils ouverts ou fermés80.

2.2.2.4.6.2. Profilés fermés


On retrouve là notamment les dalles en caisson, ainsi que la construction en sandwich – où il
n'y a pas à proprement parler de vide, mais où la matière résistante est remplacée dans la zone
neutre par un matériau plus léger, moins résistant ; pour un toit, il s'agira utilement d'un isolant
thermique.
Exemple : Johnson Wax Research à Racine (Wisconsin) par Frank Lloyd Wright (1943-1950).
Les angles supérieurs sont composés de tubes en Pyrex, montés sur une armature métallique, et

80
Pour une discussion plus complète, on renvoie à l'application de ce principe pour les dalles praticables (abordées
en Structure 3), dont on peut également s'inspirer pour des toits plats.

Th. VILQUIN @ ULB Architecture 146


Fonctionnement des structures 1 2019-2020

séparés par des joints en caoutchouc. L'idée était de fournir un éclairage naturel diffus. La forme
creuse de l'ensemble abritait de l'éclairage électrique complémentaire.

Figures 2.2.2.4.6.2.1.clxix

Exemple : pavillon temporaire Smart sur le chancre de l'avenue de la Toison d'Or (janvier
2010). Ces cadres variés ne génèrent pas des surfaces planes entre eux (plutôt des "hypars" –
voir plus loin), mais les "boudins" gonflés, assimilables à des "poutres pneumatiques", vont
bien en ligne (quasi) droite d'un cadre à l'autre. On peut remarquer que les coutures déviées des
"boudins" gonflés participent à l'expression géométrique non-standard du pavillon en général.

Figure 2.2.2.4.6.2.2.clxx

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2.2.2.4.6.3. Profilés ouverts


Cela correspond aux dalles nervurées. Ces nervures se développent généralement sous la dalle.
Structuralement, il serait indifférent de les disposer sur le dessus, sauf que le déversement de
leurs arêtes supérieures ne serait plus empêché par la connexion à la dalle, et la disposition de
l'étanchéité serait plus complexe.
Le tracé optimal des nervures correspond aux lignes isostatiques de la dalle.
Exemple : auvent Place Fontenoy du siège de l'Unesco à Paris (Nervi et al., 1958).

Figure 2.2.2.4.6.3.1.clxxi

Une telle complexité de coffrage a été abandonnée par la suite au profit d'un simple gaufrage
orthogonal régulier. Mais les techniques de production contemporaines rendent à nouveau
possibles des formes plus élaborées.
Exemple : extension d'une maison à Kessel-Lo (ORG – Permanent Modernity81 + Util82, 2014).
"Pour la toiture de cette transformation, on a opté pour des ailettes découpées au laser à partir
d’une tôle d’acier [en leur conférant en tout point la hauteur nécessaire pour reprendre le
moment fléchissant]. Elles sont soudées entre elles pour donner un ensemble rigide. Cela donne
un caisson de 750 x 580 cm, avec des bords très minces et une voussure inversée au centre de
l’espace. En haut des ailettes, une tôle de 5 mm d’épaisseur a été soudée sur laquelle on a pu

81
http://elements.orgpermod.com/projects/mono-roof.
82
http://util.be/fr/selection/org/extention-d-une-maison-leuven.

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placer l’isolation et l’étanchéité de la toiture."83

Figure 2.2.2.4.6.3.2.clxxii

2.2.2.4.7. Évider le profil longitudinal


Comme pour les poutres, le moment fléchissant n'étant pas constant au long de l'élément, et on
peut adapter l'épaisseur de son profil en conséquence.
Exemple : musée national estonien à Tartu (Dorell-Ghotmeh-Tane Architectes84, 2016). La
forme affinée de la section du porte-à-faux est assumée dans l'expression du bâtiment ; elle
contribue à modeler l'espace couvert et à amener les visiteurs vers l'entrée.

Figure 2.2.2.4.7.1.clxxiii

83
www.infosteel.be/images/magazine/info-steel-55/35/index.html#zoom=z, au 10-5-2019.
84
www.facebook.com/dgtarchitects.

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2.2.3. Membranes tendues sur cadre plan


Bien que plane, cette morphologie travaille en traction, ce qui à la base lui procure une certaine
légèreté ; elle est même potentiellement translucide. Cependant, elle présente également des
problèmes :
- afin de ne pas accuser de flèche sous charge (poids propre, pluie, vent), ni "battre" dans le
vent, la membrane doit être fortement précontrainte, ce qui alourdit le dimensionnement du
cadre ;
- elle ne fournit pas d'isolation (ni inertie) thermique et acoustique, ce qui ne convient pas à tous
les programmes.

Exemple : pavillon temporaire à Esch-sur-Alzette (Luxembourg) par Metaform + Ney85 (2006).


La membrane est soutenue par une série de portiques parallèles (structure primaire), et tendue
au moyen d'un laçage de câbles aux extrémités. Les portiques sont maintenus à une distance
fixe l'un de l'autre par des butons horizontaux. Les travées de précontrainte coïncident avec les
entrées du pavillon. "Le caractère translucide de l'enveloppe assure la variété des effets : lumière
intérieure tamisée de jour, effet de lanterne magique la nuit"86.

Figure 2.2.3.1.clxxiv

85
www.ney.partners/fr/project/economy-pavillion.html.
86
LEMOINE Bertrand, in Architecture Acier Construction, n°6, décembre 2007.

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Analyse de la qualité de la conception structurale :


Morphologie et matériau : OK (une membrane peut effectivement être tendue sur un cadre pour
créer une surface couvrante plane).
Morphologie et dimensions principales : l'interdistance entre portiques, qui définit la portée
franchie par la membrane, n'est pas exagérée, de sorte que la précontrainte injectée pour que la
membrane ne "batte" pas dans le vent n'est pas exagérée.
Morphologie et programme : la forme plane permet de coller au plus près des gabarits requis
par le programme, sans espaces perdus. Cela fait écho au fait qu'il s'agisse d'un pavillon dédié
à l'économie et l'industrie.
Morphologie et contexte interne : la relative sobriété de cette morphologie contraste avec la
fantaisie des colonnes aux inclinaisons et orientations variables.
Morphologie et contexte externe : le côté rigoureux des surfaces planes contraste avec le site
naturel et sa végétation.
Matériau et dimensions principales : il a fallu manifestement trouver un ajustement entre les
propriétés mécaniques de la membrane présentant l'épaisseur voulue en termes de translucidité,
et la précontrainte nécessaire pour éviter que la membrane ne "batte" dans le vent sur
l'interdistance ménagée entre deux portiques consécutifs.
Matériau et programme : la membrane est en un matériau high-tech, approprié pour présenter
la pointe de la technologie luxembourgeoise ainsi que se le propose ce pavillon. Et sa
translucidité assure :
- en journée : de l'éclairage naturel diffus, pour éclairer l'intérieur sans éblouir, tout en bloquant
la vue sur l'extérieur pour que l'attention des visiteurs se concentre sur l'exposition ;
- la nuit, créer un signal lumineux et continuer à attirer l'attention, en accord avec sa fonction
d'exposition, de communication envers le public.
Matériau et contexte interne : la membrane contraste avec les portiques en acier qui lui servent
de structure primaire. Chaque élément apporte ses qualités propres, et ils collaborent
efficacement. Mais tous deux sont high-tech (cf. la création des portiques par découpe au laser).
Matériau et contexte externe : la membrane, produit de haute ingénierie et de couleur claire,
contraste fortement avec le site naturel, ce qui attire le regard, en accord avec le programme.
Dimensions principales et programme : l'écartement entre les portiques est d'une échelle
humaine, ce qui peut être agréable pour les visiteurs. On n'est pas dans une cathédrale qui
cherche à impressionner par des dimensions colossales.
Dimensions principales et contexte interne : le module entre portiques ne se retrouve pas
directement au niveau des colonnes, mais on conçoit bien que l'idée était d'en faire deux

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ensembles tout-à-fait différents, pour attirer le regard vers le pavillon.


Dimensions principales et contexte externe : le module entre portiques peut être comparé aux
interdistances entre les arbres environnants. En réalité, les architectes voulaient établir un écho
entre ces arbres et les colonnes, et ces dernières se connectent au pavillon au niveau des
portiques, d'où le lien lointain entre arbres et module des pans membranés.
Synthèse : la conception de ces pans en membrane tendue est à la fois en accord avec le
programme et en contraste contrôlé avec une série d'autres éléments, tout en étant cohérente par
rapport au matériau utilisé. On peut donc relever la qualité de cette conception structurale.

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2.3. Courbure unique

2.3.1. Généralités
Deux processus de génération sont possibles :
- le développement d'une forme courbe suivant une ligne (ce qui mène à une structure principale
en arc et une structure secondaire linéaire) : les voûtes et nappes, dont la combinaison spatiale
génère aussi les voûtes d'arête et les dômes ;
- le développement d'une forme rectilinéaire en symétrie centrale (ce qui mène cette fois à une
structure principale linéaire et une structure secondaire courbe) : les cônes.
On n'abordera ici que la première de ces deux familles, plus courante.
Ces formes funiculaires sont sujettes à :
- l'existence de réactions horizontales, toujours problématiques à reprendre ;
- la nécessité d'une stabilisation envers les charges variables ; c'est d'autant plus important que,
comme on l'a vu, au poids propre se rajoute ici une charge variable particulière : le vent.

2.3.2. Voûtes
Tout d'abord, il est important de comprendre que la technique de l'encorbellement ne produit
pas une voûte au sens structural du terme. En effet, le joint entre les pierres y reste horizontal,
et donc non sollicité uniquement en compression, avec les risques de glissement que cela
amène. Dans un véritable arc, les voussoirs sont taillés de telle manière que les joints soient
perpendiculaires à la génératrice.
Exemple d'encorbellement : les cabanes en pierre sèche ("bories") du Sud de la France (19e s.)
(voir page suivante).

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Figure 2.3.2.1.clxxv

Ensuite, il faut noter que la forme funiculaire,


c'est-à-dire celle qui permet le fonctionnement
en compression pure, n'est pas celle en plein
cintre de l'architecture classique, mais un profil
de type parabolique.
Exemple : palais sassanide Taq-i Kisra à
Ctésiphon (Irak) (III-IVe s.). Il s'agit de la plus
grande voûte en briques au monde.

Figure 2.3.2.2.clxxvi

Après, comme annoncé, il y a toujours la question de savoir comment vont être reprises les

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réactions horizontales aux pieds de la voûte – surtout s'ils s'exercent en hauteur.


Exemple : réfectoire du couvent dominicain à Lille (Pierre Pinsard et Neil Hutchison, 1965).
Les différentes travées côte-à-côte équilibrent entre elles leurs réactions horizontales, mais pas
celles d'extrémité. Pour celles-ci, c'est la poutre d'appui en béton armé qui joue ce rôle ; c'est
pourquoi elle est plus large. Remarquer également la disposition des briques creuses formant
voûte, dont les creux permettent d'améliorer l'acoustique de ce grand espace.

Figure 2.3.2.3.clxxvii

Enfin, en ce qui concerne la stabilisation sous charge variable, il s'agit de rigidifier la voûte, par
des procédés similaires à ceux présentés pour la dalle.
Exemple : silo à riz à Vergana (Uruguay) par E. Dieste (1978) (voir page suivante). La voûte
en brique est ondulée.

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2.3.3. Nappes
Comme il n'y a pas de flambement, des
élancements plus grands sont possibles.
Au niveau des matériaux, on retrouve les
tissus (pour les velums) et membranes, et le
métal.
Remarque : le béton, en soi, ne peut
reprendre de traction, de sorte qu'une nappe
en béton se compose en réalité de câbles en
chaînette, combinés avec une couverture
plate en béton (qui contribue aussi, par son
poids et sa raideur, à la stabilisation de
l'ensemble).

Figure 2.3.2.4.clxxviii

Par contre, cela entraîne des réactions horizontales plus préoccupantes (fortes et en hauteur).
La gestion de l'écoulement des eaux constitue également un point d'attention.
Exemple : toilettes publiques Halftecture Minami à Osaka par Shuhei Endo (2006) (voir figure
page suivante). C'est la reprise de la réaction horizontale aux extrémités de la nappe qui a généré
la forme en trépieds des montants d'appui ; de simples montants verticaux auraient bien du mal
à remplir le même rôle.
Concernant la nécessaire stabilisation, elle est particulièrement cruciale pour les velums et
membranes, car leur matériau ne présente pas de rigidité propre.
Exemple : restaurant pour Petrofina à Bruxelles par Samyn (1995) (voir page suivante) (bien
qu'à proprement parler, on se trouve plutôt face à une structure primaire en chaînettes, refermée
par des panneaux plans en verre). La stabilisation de la nappe est opérée en la refixant sur une
série de poutres, qui créent ainsi des points fixes. Ces poutres sont elles-mêmes sous-tendues,
pour les rendre moins obstructives à la lumière. Remarquer ensuite l'inclinaison des montants
qui soutiennent ces poutres, correspondant au sens de la poussée éventuelle par la nappe. Cela
crée également un motif rayonnant qui ornemente le mur.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Figure 2.3.3.1.clxxix

Figure 2.3.3.2.clxxx

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

2.4. Double courbure concourante

2.4.1. Généralités
Comme pour les couvertures d'espace à une seule courbure, cette morphologie peut se
développer vers le haut en version soumise à compression, ou vers le bas en traction (encore
une fois appelées nappes, mais moins fréquentes). Les différentes formes possibles se
distinguent suivant que :
- elles découlent d'une rotation axiale (coupoles) ou non (dômes) ;
- la forme de base est funiculaire ou non (coques).
En compression, ces formes présentent l'avantage de s'appuyer sur le sol suivant une ligne
continue plutôt que de se concentrer sur des points ou des segments linéiques. Dès lors, les
fondations nécessaires sont superficielles, et cette morphologie peut être envisagée sur tous
types de terrains.
Passons ces différentes modalités en revue.

2.4.2. Coupoles
Le fonctionnement uniquement en compression autorise l'usage de matériaux low tech aussi.
Exemple : marché central à Koudougou (Burkina Faso) par Swiss Agency for Development and
Cooperation (SDC) / Laurent Séchaud (2005) (voir page suivante). Les coupoles s'appuient sur
des arcs, de manière à ouvrir le périmètre d'appui et permettre la circulation dans cet espace
public. Elles sont construites en terre stabilisée, matériau traditionnel local.
De par sa symétrie centrée, cette morphologie présente aussi une bonne résistance aux séismes.
Le fonctionnement "en anneaux" fait que le sommet de la coupole n'est pas indispensable à sa
stabilité, de sorte qu'il soit possible d'y découper un oculus.
Exemple : le Panthéon87 à Rome (125) (voir page suivante).

87
Il a inspiré à Marguerite Yourcenar le passage suivant : "la sphère creuse qui contient tout. C'était aussi la forme
de ces huttes ancestrales où la fumée des plus anciens foyers humains s'échappait par un orifice situé au faîte. La
coupole, construite d'une lave dure et légère qui semblait participer encore au mouvement ascendant des flammes,
communiquait avec le ciel par un grand trou alternativement noir et bleu. Ce temple ouvert et secret était conçu
comme un cadran solaire. Les heures tourneraient en rond sur ces caissons soigneusement polis par des artisans
grecs ; le disque du jour y resterait suspendu comme un bouclier d'or ; la pluie formerait sur le pavement une flaque
pure ; la prière s'échapperait comme une fumée vers ce vide où nous mettons les dieux." (Mémoires d'Hadrien, éd.
Gallimard, Paris, 1974).

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Figure 2.4.2.1.clxxxi

La culture italienne en a d'ailleurs fait une


métaphore (la cupola) de la maffia : on peut
bien éliminer l'homme qui est à sa tête,
l'organisation ne s'écroule pas pour autant.

Figure 2.4.2.2.clxxxii (peinture de Giovanni


Paolo Panini, 1747)

Au niveau de la forme, encore une fois celle "juste" n'est pas dérivée de la sphère, mais
paraboloïde.
Exemple : projet d'hôtel à New-York par Gaudí en 1908.

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Figure 2.4.2.3.clxxxiii

La reprise des réactions horizontales en pied, à moins de disposer d'appuis simples, se fait
généralement à l'aide d'une ceinture (quoiqu'un assemblage de tirants, un peu comme une roue
de vélo posée à plat, serait envisageable, mais encombrante et plus lourde).
La stabilisation, elle, emprunte à nouveau les dispositifs déjà vu pour rigidifier une dalle de
toiture.

2.4.3. Nappe
Il s'agit d'une configuration assez rare, notamment parce qu'elle est difficile à stabiliser, et parce
qu'elle pose un problème d'évacuation des eaux de pluie.
Exemple : au centre de la Rotunda, pavillon à l'exposition russe de 1896 à Nizhny Novgorod
(Russie) par Vladimir Shukhov (voir page suivante).

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Figure 2.4.3.1.clxxxiv

2.5. Double courbure divergente : paraboloïde hyperbolique


Cette forme régulière a été développée dans les années 1880 par l'ingénieur russe Vladimir
Shukhov (1853-1939), qui s'inspire d'une forme utilisée depuis longtemps dans la vannerie,
mais en fait une étude mathématique.
Sur le plan structural, la caractéristique fondamentale de cette forme est que l'une de ses
courbures est orientée vers le haut, et l'autre vers le bas. Par conséquent, la forme travaille dans
une direction en compression, et dans l'autre en traction.
Par rapport aux autres formes courbes vues précédemment, celle-ci présente l'avantage d'être
auto-stabilisée, ce qui lui permet d'être plus légère. De plus, il n'y a pas non plus de risque
d'accumulation de pluie ou de neige.
Contrairement à ce que son allure pourrait laisser croire, cette forme est en réalité assez aisée à
réaliser, car elle est générée par des droites.
Exemple : château d'eau à l'expo russe de 1896 à Nizhny Novgorod (Russie) (aujourd'hui
déplacé à Polibino) par Shukhov (voir page suivante). 37 m de haut.
Il est également possible de pré-tendre la forme (sur un cadre), de sorte qu'elle ne travaille qu'en
traction. Elle peut alors être réalisée en membrane.
Exemple : auvent à l'école Tachkemoni à Anvers par Ney (2001) (voir page suivante).

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Figure 2.5.2.clxxxvi

Figure 2.5.1.clxxxv

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3. Structures primaires pour couvertures d'espace

3.1. Généralités
Tout comme dans les structures soutenant un praticable, on peut souvent distinguer dans les
couvertures d'espace s'aident fréquemment d'une structure primaire pour réduire les portées à
franchir et donc le poids. D'ailleurs, toutes les structures primaires déjà vues pour les praticables
peuvent servir de structures primaires pour une couverture d'espace :
- structures funiculaires : arc / câble parabolique ;
- les morphologies diagonales : haubans / butons ;
- les poutres, treillis et portiques ;
Néanmoins, elles sont ici revues séparément, de manière à présenter les spécificités du cas
"couvrir un espace". Leur arrangement spatial peut suivre différentes logiques : alignement le
long d'une droite ou d'une courbe, réseau orthogonal ou hexagonal, disposition radiale,
juxtaposition aléatoire, etc.
S'y rajoutent toutes les morphologies de couverture d'espace proprement dites, sous leur forme
évidée88 : percées par alvéoles, réduction à un filigrane en treillis, etc.
En pratique, la relation entre structure primaire et secondaire peut se moduler suivant deux
voies :
- la structure primaire est autostable, et la structure secondaire se borne à venir "couvrir les
trous" ;
- la structure secondaire non seulement achève de "fermer les trous" mais contribue également
à la stabilité de la structure primaire.
Explorons les différentes morphologies possibles.

3.2. Morphologies de couverture d'espace évidées

3.2.1. Zéro courbure


Exemple : gymnase à Prešov, Slovaquie (Raduz Russ, F. Hoder et J. Dohnal, 1984) (voir page
suivante). Sur la nappe en treillis tridimensionnel vient un simple toit plat en tôle ondulée.

88
Voir par exemple www.archistructures.org.

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Figure 3.2.1.1.clxxxvii

3.2.2. Courbure unique


Exemple : frontón Recoletos à Madrid par Eduardo Torroja (1935). La forme répond aux
gabarits imposés par le jeu de la pelote basque, tandis que les parties évidées installent les
conditions optimales d'éclairage naturel.

Figure 3.2.2.1.clxxxviii

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3.2.3. Double courbure concourante


Exemple : toiture du musée maritime néerlandais à Amsterdam, par Ney (2011). Le tracé de la
"grille" est basé sur les roses des vents des anciennes cartes maritimes.

Figure 3.2.3.1.clxxxix

3.2.4. Double courbure inverse


Il s'agit généralement d'un double réseau (orthogonal) de câbles.
Exemple : auditoire Janson à Bruxelles par Marcel Van Goethem + Paul Moenaert (1958) (voir
page suivante).

3.3. Funiculaires

3.3.1. Généralités
On retrouve, en version en compression, les arcs, et en traction, les chaînettes.

3.3.2. Arcs
Exemple d'arrangement parallèle : couverture des quais à la gare de Leuven par Samyn (2001)
(voir page suivante). Les arcs principaux soutiennent ensuite une couverture d'espace
proprement dite en voûte (d'où la présence des arcs secondaires), rigidifiée par ondulation.

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Figure 3.2.4.1.cxc

Figure 3.3.2.1.cxci

Exemple d'arrangement radial : crypte de la Colònia Güell à Barcelone par Gaudí (1898-1917).

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Fonctionnement des structures 1 2019-2020

Les arcs en briques sont organisés autour d'un axe vertical central, puis couverts par une dalle.
Ensuite, comme toujours avec les
funiculaires, il a les problématiques de la
reprise des réactions horizontales (surtout
quand elles se trouvent en hauteur) et de la
stabilisation sous charge horizontale ou
asymétrique.
Exemple : musée du C