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PRÉLIMINAIRES
1. Généralités
Ce chapitre vise à présenter de manière générale la conception structurale, qui constitue la
compétence principale que l'ensemble des cours de structure vise à faire acquérir. Celle-ci peut
être envisagée sous plusieurs aspects successifs, correspondant à des niveaux de maîtrise
croissants : on peut les détailler sous forme des questions suivantes :
2.1. Généralités
Qu'entend-on exactement par "conception structurale" ? Nous allons commencer par définir
précisément ce que recouvre ce terme. Ensuite, on développera les différentes manières dont la
structure peut contribuer à l'architecture – puisque cela représente un des aspects à prendre en
compte lorsque l'on conçoit une structure.
2.2.1. Généralités
Ce point va aborder les questions suivantes :
- De quoi parle-t-on ? Quel objectif doit-on exactement remplir, quand on parle de "concevoir
une structure" ?
- Qui doit le faire ? Qui sont les acteurs de la conception structurale ? Qui en est responsable ?
- En quoi cette mission est-elle importante ? Quels en sont les enjeux ?
- Par conséquent, dans cette tâche, quel horizon qualitatif vise-t-on ?
2.2.2. Définition
2.2.2.1. Généralités
La conception structurale1 consiste en un processus qui vise à définir pour le projet :
- une structure complète ;
- les caractéristiques macroscopiques de tous les éléments composant cette structure.
1
Néerl. : het structuurontwerp ; angl. : structural design.
Figure 2.2.2.1.1.i
Ce premier positionnement définit déjà, sur base des contraintes de projet à respecter et des
intentions architecturales, les dimensions principales des éléments structuraux. Il s'agit de leur
plus grande dimension ; par exemple, pour les poutres, dalles, arcs, etc. : leur portée ; pour les
colonnes : leur hauteur, corrélée à celle des étages. Les dimensions principales font donc partie
de l'ensemble plus vaste des trames de composition du bâtiment (dans le sens où certaines
interdistances, dans le projet, ne correspondent pas nécessairement à des portées d'éléments
structuraux ; par exemple, la largeur d'une dalle bi-appuyée).
Remarque : cette notion est à comprendre par opposition aux dimensions secondaires, qui sont
les "petites "dimensions des éléments : par exemple, pour les poutres, leur hauteur et largeur ;
pour les dalles, leur épaisseur ; pour les colonnes : leur largeur ou diamètre de section ; etc.
Toujours dans le cadre les dimensions principales, on peut également inclure, pour les surfaces
franchissant un vide (dalles, toitures), leur sens de portée. En effet, il ne s'agit pas toujours de
la plus petite distance possible…
les étudiants en architecture ont des cours de structure dans leur programme.
2.2.4. Enjeux
2.2.4.1. Généralités
Voilà les architectes bien encombré-e-s de cette responsabilité qu'on leur a mise sur les bras,
alors qu'à la base ils ne se sentent souvent que peu d'affinité avec "La Structure". Mais qu'ils le
veuillent ou non, s'ils n'embrassent pas pleinement cette mission de la conception structurale,
ils risquent de mettre sérieusement en péril leur projet, et ce sur plusieurs fronts différents
(essentiellement économique et esthétique, voire fonctionnel).
Réciproquement, ces divers écueils peuvent être considérés, de manière plus motivante, comme
des résultats positifs auxquels les architectes peuvent aspirer s'ils mènent correctement la
conception de la structure de leur projet. Ces enjeux vont également aider à opérer des choix
parmi les nombreuses possibilités qui existent pour les 3 champs à définir : morphologie,
matériaux et dimensions principales.
Quels sont ces enjeux ? On peut en identifier 2 :
- développer une structure efficace ;
- développer une structure expressive.
2
Conférence de Ph. Samyn au congrès annuel de la European Association for Architectural Education à Mons,
novembre 2007. Une autre source (l'exposition "Global Award for Sustainable Architecture 2007 > 2011"
organisée par entre autres le CIVA à l'Espace Architecture La Cambre Horta, Bruxelles, 2011) indique que le
C'est une des raisons pour lesquelles le projet de Samyn a été retenu.
Nous constatons donc que différents partis structuraux peuvent mener, pour répondre à la même
demande, à des consommations de ressources radicalement divergentes ! Or il est évident qu'il
y a là un enjeu tant économique qu'écologique. Par conséquent, on va chercher à concevoir des
structures qui soient efficaces, c'est-à-dire qui répondent à la tâche demandée (reprendre la
charge prescrite) en limitant au minimum la consommation de ressources associée (matériaux,
énergie, main d'œuvre, pollution) ‒ en comparaison aux alternatives imaginables.
À cet égard, on peut parler a priori d'un objectif de légèreté, même si cela concerne
généralement des réalisations objectivement lourdes ; encore une fois, l'idée est qu'elles soient
légères relativement à des alternatives pour réaliser le même programme. Remarque : on
considère donc bien ici la légèreté matérielle, par opposition à celle visuelle, la minceur ;
d'ailleurs, les deux sont généralement mutuellement exclusives, malheureusement…
Cette qualité d'efficacité peut être érigée au rang de valeur esthétique et morale : "The value of
structural design beyond its mechanical function is for example expressed by engineer Jörg
Schlaich, who appreciates ‘honesty’ in structures, meaning that loads should be carried to the
ground by the most direct load paths [c'est-à-dire par la structure la plus légère possible]
consistent with the structure’s function as an encloser of space or a provider of pathway." 3
projet de Samyn était en moyenne 4 fois plus léger que ses concurrents.
3
(Luyten, 2012), p. 28.
4
www.designboom.com/architecture/chicago-architecture-biennial-som-exhibition-engineering-art-architecture-
mana-contemporary-09-13-2017.
L'accord entre structure et architecture peut également être plus subtil, avec l'architecture qui
vient embrasser et s'adapter au langage de la structure, en un mariage harmonieux.
Exemple : hall principal de la Postsparkasse à Vienne (Otto Wagner, 1912). La structure est en
partie cachée (quoique perceptible au travers de la verrière translucide) et ne définit donc pas
l'architecture, mais l'épaisseur des colonnes supportant la verrière est volontairement reprise
dans le calepinage de cette dernière.
Figure 2.2.4.3.3.vii.
structurale.
Figure 2.2.5.3.x
C'est donc dans cette conjonction entre l'efficacité et l'expressivité de la structure que se
développe pleinement l'art du concepteur.
Figure 2.2.5.4.xi
On trouve des exemples d'un telle organicité notamment dans l'architecture vernaculaire,
modelée et perfectionnée par une expérience séculaire.
Exemple : les toits pentus des maisons datant du Moyen-Âge à Strasbourg (voir photo page
suivante).
- avantages au niveau de la structure : la forte pente évite les accumulations de neige dans cette
région où les hivers peuvent être rigoureux, et diminue la tendance des pieds de la charpente
5
(Luyten, 2012), p. 28.
Figure 2.2.5.5.xii
2.3.1. Généralités
Même si l'architecte n'a pas investi la structure dans son projet pour porter son parti, elle est
bien là. Premièrement, elle contribue de manière décisive à modeler la volumétrie générale du
bâtiment, même s'il peut exister une différence plus ou moins significative entre la forme
architecturale et la forme structurale – ce que nous explorerons dans un premier point. Cela
constitue pour la structure un premier niveau d'action, sur les plans plastique et symbolique.
Ensuite, à plus petite échelle, la structure expose sa matérialité à l'usager des espaces intérieurs
(à moins d'être intégralement dissimulée derrière un revêtement), et donc génère, dans une
mesure variable, une expérience pour les sens. C'est-à-dire qu'au-delà de sa stricte fonction
portante, une structure a également un impact sensoriel et mental, de par sa dimension plastique,
et contribue de ce fait à l'expérience architecturale globale. L'architecte a donc intérêt à maîtriser
cette perception, et, mieux, à l'exploiter pour enrichir le projet en lui apportant "une couche
supplémentaire de richesse esthétique et fonctionnelle". Par exemple, dans l'architecture de
Rem Koolhaas, même si la forme architecturale est développée à la base sans nécessairement
penser à la structure, au final cette dernière est régulièrement utilisée comme un des principaux
moyens d'expression architecturale.
Exemple : quartier général de la CCTV à
Pékin (2012). Le porte-à-faux
impressionnant souligne le pouvoir et
l'ambition de cette institution nationale, et le
schéma des diagrids en façade, dicté par les
efforts dans la structure, est assumé comme
seul élément décoratif pour le bâtiment.
Figure 2.3.1.1.xiii
6
Ce point s'inspire principalement de (Charleson, 2005), plus particulièrement de son chapitre 3 ; sauf mention
contraire, toutes les citations de cette partie proviennent de cet ouvrage (traductions personnelles).
Cette dimension plastique de la forme structurale est explorée plus en détail au second point.
Enfin, celle-ci peut interagir avec l'architecture suivant différents modes, présentés au troisième
point.
Figures 2.3.2.1.xiv
À l'inverse, dans la pratique de l'architecte belge Philippe Samyn, la structure constitue par elle-
même la majeure partie de l'architecture.
Exemple : comptoir forestier à Marche-en-
Famenne (1995).
Figure 2.3.2.4.xvii
En ce qui concerne plus précisément la forme structurale, il faut se rendre compte qu'un
bâtiment, particulièrement s'il est d'une certaine ampleur, peut présenter plusieurs niveaux
structuraux : une structure primaire soutient une structure secondaire, qui à son tour soutient
une structure tertiaire, etc. Par exemple, des portiques (S1), qui reprennent une série de poutres
(S2), qui soutiennent des dalles de plancher (S3). En fonction de l'échelle d'observation à
laquelle on se place, l'un ou l'autre de ces niveaux prédomine dans la sensation suscitée chez
les usagers, et est donc à privilégier dans la réflexion. Il peut aussi arriver qu'il soit difficile de
distinguer la hiérarchie entre niveaux structuraux ; dans ce cas, on les considère dans leur
ensemble et, plutôt que de forme structurale, on parle de système structural.
2.3.3.1. Généralités
La forme structurale peut agir de différentes manières, et réaliser des effets de différents ordres.
Si la morphologie est aisément envisagée comme première interface de négociation avec
7
Jacob Bronowski, cité dans DUNN Miriam, "Groundwork, structure, design: the integrated education of architects
and engineers", sur le CD accompagnant (Cruz, 2010), p. 1820.
l'architecture d'un projet, il ne fait pas oublier que les autres composants du parti structural, le
matériau et les dimensions principales, interviennent aussi dans la perception.
Figure 2.3.3.2.1.xviii
Charleson détaille cet impact de l'échelle d'approche en une série d'étapes définies :
- de loin : appréciation des masses, d'un point de vue sculptural ;
- de plus près : comment la structure peut animer la façade, jouer un rôle expressif, indiquer
l'entrée et articuler intérieur et extérieur ;
- de l'intérieur : lien avec le programme, les fonctions – entre autres la subdivision de l'espace,
en particulier sur le plan de l'acoustique ;
- ce que la structure apporte aux espaces intérieurs ;
- les détails structuraux.
Au fur et à mesure que l'on se rapproche, ce n'est plus uniquement la vue mais potentiellement
les 5 sens qui peuvent être sollicités. "Étant donné sa présence visuelle dominante, la structure
frappe principalement notre sens de la vue [forme, couleur, texture]. Cependant, dans certaines
situations, la surface lisse d'un élément structural, ou la manière dont il a été fabriqué à la main,
peut nous encourager à s'y connecter physiquement par le toucher. On fait rarement l'expérience
de la structure par l'odorat, même si le parfum d'une charpente fraîchement sciée et montée peut
être savouré8. Et, à part la conscience d'une barrière acoustique ou des propriétés de
réverbération du béton et des murs en maçonnerie, la structure touche rarement notre sens de
l'ouïe9". On pourrait également penser à la température de surface et de rayonnement, propre
au matériau utilisé. Toute cette approche s'inscrit dans le cadre plus large de l'"architecture
émotionnelle"10. Ensuite, quelle que soit l'échelle, la forme structurale peut frapper non
uniquement les sens mais aussi l'imagination, la sphère cognitive, par ce qu'elle évoque.
Pour en revenir au sens de la vue, un point particulier consiste en l'interaction entre la structure
et la lumière, particulièrement celle naturelle : "Kahn […] précise encore que "la fabrication
des espaces est en même temps la fabrication de la lumière" et qu'il n'y a pas d'espace réellement
architectural sans lumière naturelle : "En architecture, un espace n'est pas éclairé par la lumière
artificielle". Pour la définition d'un espace, le lien entre construction et lumière est donc
indissoluble. C'est à ce moment que Kahn parlera de pièce, mot que l'on peut considérer comme
synonyme d'espace : "Je ne crois pas qu'aucune pièce vaille […] d'être appelée une pièce quand
elle est éclairée artificiellement"."11
Enfin, il convient de remarquer que les formes (tant architecturales que structurales) peuvent
s'apprécier non seulement de manière statique, comme une œuvre picturale, mais aussi
dynamique, comme une sculpture, le déplacement influençant possiblement la perception :
"Pour [le philosophe et penseur social autrichien] Rudolf Steiner [1861-1925] […], c'est
essentiellement [sic] par les mouvements de notre corps que nous pouvons "ressentir"
l'architecture. Se déplacer dans un bâtiment peut être aussi agréable que la danse"12.
Exemple : le stade de Munich (Günter Behnisch & Frei Otto, 1972) (voir photo page suivante).
De par la composition dominée par les courbes et contre-courbes, se déplacer ne fût-ce que d'un
pas dans n'importe quelle direction change significativement la perspective, offrant une
expérience visuelle particulièrement riche.
Exemple : l'installation "Sinus/Resonantie" (Ann-Veronica Janssens, 200913) consiste en une
8
Autre exemple : on trouve dans le roman "The Da Vinci Code" (Dan Brown, 2004) de l'auteur américain une
allusion à "the earthen aroma of stone architecture".
9
Il s'agit là d'une minimisation que je ne partage pas.
10
Voir par exemple CRUNELLE Marc, L'avenir de l'architecture, 6 mars 2010, sur :
http://archiemo.wordpress.com/2010/03/06/lavenir-de-larchitecture-selon-marc-crunelle.
11
LUCAN Jacques : "Des colonnes, mais creuses : de Louis I. Kahn à Toyo Ito", in (Gargiani, 2008), pp. 512-513.
12
DESURMONT Olivier, "Vers une architecture holistique", Agenda plus, n°205, mars 2009.
13
www.dewitteraaf.be/artikel/detail/nl/3476, au 6-4-2020.
série de haut-parleurs disposés au sol, diffusant un son continu. En fonction de l'endroit où l'on
se positionne dans l'espace, les sons s'annulent ou se renforcent, créant un paysage sonore
parfaitement invisible.
De même, en déambulant dans un bâtiment,
les conditions acoustiques peuvent varient
d'un point à l'autre.
Figure 2.3.3.2.2.xix
2.3.3.3. Effets
2.3.3.3.1. Généralités
Cette dimension plastique de la structure peut être agissante de différentes manières14 :
architecturale, contextuelle, iconographique et esthétique.
14
(Luyten, 2012), pp. 27-28.
Figure 2.3.3.3.3.1.xx
Figure 2.3.3.3.3.2.xxi
15
MARCHAND Bruno, "En résonance – Notes amusées (et désabusées) à propos des colonnes de Siza", in (Gargiani,
2008), p. 502.
16
Loc. cit.
décoration des places, ce sont les portiques (…) Il y faut de la symétrie : mais il y faut aussi un
certain désordre qui varie et augmente le spectacle" ; un effet esthétique pittoresque emprunté
à la nature car, toujours selon Laugier, "il faut regarder une ville comme une forêt (…) on y
trouve tout à la fois de l'ordre et de la bizarrerie, de la symétrie et de la variété"."17
On peut relever qu'à nouveau, l'effet contextuel peut passer par n'importe lequel des composants
du parti structural (ou même plusieurs d'entre eux). Par exemple, en ce qui concerne les
dimensions principales : idéalement, un bâtiment présenterait dans sa composition (notamment
de façade) des éléments d'échelles différentes sur une gamme suffisamment continue, de
manière à pouvoir se relier tant aux usagers qu'au contexte plus large.
17
Ibidem, p. 501.
avions de ligne précipités sur les tours par des pirates de l’air d’Al-Qaïda. « Les allégations
selon lesquelles (leur structure) s’inspire des attentats du 11 septembre sont sans fondement »,
s’est pourtant défendu White Paik, porte-parole de la société Yongsan Development Corp. « Il
n’y aura aucune révision ni modification de notre projet », a-t-il assuré à l’AFP, précisant que
le chantier serait lancé en janvier 2013 comme prévu. Dans un communiqué publié sur son site
internet, le cabinet MVRDV a dit « regretter profondément » la polémique et a présenté « ses
excuses à ceux dont les sentiments ont pu être heurtés »."18 En pratique, malgré son concept
intéressant à la base, ce bâtiment n'a effectivement pas été réalisé, et n'est pas référencé sur le
site des architectes…
Un dernier exemple, plus proche de nous,
consiste en l'exploitation de la Nekkerhal à
Malines (Fernand Mortelmans, 1981) par la
NVA pour sa campagne électorale en vue des
élections de mai 2019. L'objectif semble de
donner du parti une image de modernité, de
sérieux (régularité, arrangement rectilinéaire)
et d'ambition (grande échelle).
Figure 2.3.3.3.4.2.xxiv
Figure 2.3.3.3.5.1.xxv
18
"Des tours jumelles à Séoul qui font polémique", Le Soir, 19-12-2011.
Figure 2.3.3.3.5.2.xxvi
- l'esthétique du rythme, inspirée par la
musique. Exemple : station de tram à
Hoenheim en France (Zaha Hadid, 2001).
Figure 2.3.3.3.5.3.xxvii
2.3.3.3.6. Combinaisons
Ces différents effets possibles peuvent bien entendu être combinés entre eux. Un exemple en
est la pratique de l'architecte suisse Christian Kerez : "Christian Kerez recherche en permanence
à dépasser la distinction entre une forme et sa fonction énoncée par le mouvement post-
moderne. L'architecture de Kerez s'exprime uniquement via l'élément structurel. Ses structures
sont toujours très conceptuelles et l'unique élément de définition spatial de son architecture.
Son architecture est réduite à l'essentiel : la structure. Cependant plus qu'un élément purement
structurel, elle intègre aussi les paramètres qu'un architecte qui ne se préoccupe pas de la
question de la statique pourrait qualifier de concept spatial pour son architecture – la relation
au contexte environnant, les contraintes spatiales dues au programme, etc."19
19
LOOTENS Claire, "Le potentiel critique de la structure", travail de Conception des structures, ISACF La Cambre,
Bruxelles, 2011.
Figure 2.3.3.3.6.1.xxviii
"[The] inclined columns support and stiffen the building simultaneously. The amount of these
triangles decreases with the height of the building. Therefore, density of structural elements
will change over the entire height of the CBD Bank Tower. The structural height condition will
be experienced in every part of the building and create an endless variety of spatial impressions
for people working or just having meeting there.
[…] The supporting beams are exposed and visible from far away. Visitors might be reminded
visitors of wooded structures from China’s ancient empire. because this building is composed
of an endless series of small and fully exposed structural elements as you find them for example
in pagoda towers […]
While most big high rise building are achieving stiffness through massive cores or facades with
braced elements, this high-rise in contrast consists only of one singular structural element; a
series of inclined columns combined to make structural triangles, that carry the load of the
building and stiffen the volume. It will offer an open platform without closing facades or
occupying the center of the floor. The structure in this building is not hidden, it is exposed, and
experienced in every part of the building. […] These structural tubes in effect create an endless
variety of office rooms, which break the monotony often found in generic work spaces. With its
increase in density at to the ground level and its increase of beam dimension to the top the
structural system allows for increasing cantilevering slabs as you ascend. Through these
structural conditions the building height can be indicated at each level. In this sense, stability
becomes literally an experience in every single space of this bank building. Some of these
inclined columns go through the façade and spread out on the ground floor. These columns,
visible over many levels up to 100m, with a diameter of only 40 cm will give the building in a
discrete and elegant way, a monumental impression. Since these columns exposed on the front
of the glass façade are only making up a very small part of the visible building structure; they
will remain mysterious and attract people walking by to come closer to reveal the meaning of
20
https://afasiaarchzine.com/2015/11/christian-kerez-16, au 20-4-2020.
2.3.4.1. Généralités
Dans tous les projets, un certain rapport s'instaure entre la forme architecturale et celle
structurale. Ce rapport peut prendre trois formes différentes : la synthèse, la consonance et le
contraste.
Cela se traduit également dans l'intelligibilité du fonctionnement de la structure dans le projet
fini. En effet, la forme architecturale peut exprimer ou non la manière dont la structure
fonctionne effectivement, indépendamment d'une éventuelle coïncidence ou divergence entre
les formes architecturale et structurale. Le fonctionnement structural peut ainsi être mis en
évidence, ignoré, ou nié.
2.3.4.2. Synthèse
Dans ce cas de figure, la structure est développée spatialement en suivant sa propre logique
(pour être efficace), puis pleinement investie par l'architecture du projet, pour réaliser la
majorité des effets architecturaux voulus. Assez peu d'éléments non structuraux lui sont
rajoutés, donc, et les deux formes coïncident presque. C'est le cas par exemple avec les coques,
les arcs, les murs porteurs.
Exemple : la chapelle de Palmira, vue précédemment.
Dans cette configuration, le fonctionnement structural est mis en évidence dans la perception
des usagers, ce qui crée une expérience positive : "L'une des propriétés importantes de la forme
est l'expression de l'équilibre entre le poids porté et le support. La vue de l'équilibre est
plaisante, de même que le fait de comprendre intuitivement comment les forces sont relayées
vers le sol." En offrant l'image perceptible de la structure, compréhensible et logique, ce mode
"synthèse" procure une impression d'unité, de cohérence, d'homogénéité.
2.3.4.3. Consonance
Ici, la volumétrie générale reste développée suivant les impératifs architecturaux, puis la
meilleure structure possible est développée pour pouvoir la faire tenir. Enfin, la forme
structurale est intégrée à l'expression du bâtiment, au moyen si nécessaire de quelques
ajustements de la forme architecturale. On peut dire que les deux formes cohabitent
"pacifiquement", qu'il y a une intégration mutuelle. Le fonctionnement structural reste mis en
évidence et apporte avec lui le vécu positif évoqué ci-dessus, mais de manière moins soutenue
qu'avec la synthèse.
Exemple : Hôtel Morpheus à Macao (Zaha Hadid, 2018). Comme dans le CCTV vu plus haut,
les efforts structuraux dictent la forme de la structure : le schéma du diagrid est adapté en tous
points du bâtiment. Ensuite, cette résille est assumée dans l'expression globale, pour en devenir
une des marques de fabrique, reprise à ce titre jusque dans le mobilier.
2.3.4.4. Contraste
2.3.4.4.1. Généralités
Dans cette configuration, la forme architecturale est développée sans tenir compte de la logique
structurale. La structure est définie dans un deuxième temps, selon un processus qui reste
entièrement assujetti au modèle prédéfini. Finalement, la structure est généralement cachée
pour ne laisser place qu'à la forme architecturale voulue. Les deux formes ne "correspondent"
pas entre elles.
Il faut se rendre compte que dans ce cas, comme on s'éloigne forcément de la forme optimale
(au sens : la plus efficace) de la structure, cela entraîne forcément un surcoût, proportionnel à
l'échelle du bâtiment. De plus, cela ruine toute possibilité d'organicité. Et téléologiquement, a
contrario de la synthèse et de la consonance, la fonction statique de la structure n'est pas
intelligible. Pour autant, cette démarche de "contraste" peut être opérée suivant des états d'esprit
radicalement opposés : le mépris ou le jeu perceptuel.
2.3.4.4.2. Mépris
La mainmise du processus architectural sur le développement de la structure peut servir à
réaliser exactement l'image que l'architecte avait initialement en tête. On se trouve face à une
approche formaliste et cosmétique. Le fonctionnement structural est ignoré.
Un exemple en est le "Central Plaza" vu plus tôt.
Autre exemple : le stade national de Pékin (Herzog et de Meuron & le China Architecture
Design Institute, 2007). Dans ce "nid d'oiseau", certaines poutres sont en acier, d'autres en béton
armé, mais les mêmes dimensions et aspect ont été conférés aux deux groupes, de sorte que,
visuellement, il soit impossible de les distinguer21. Explication : au départ, la structure était
prévue en acier, afin d'obtenir des barres suffisamment fines que pour suggérer l'aspect d'un
nid, qui a une connotation positive dans la culture chinoise. Entre-temps, le prix de l'acier a
fortement augmenté, et des économies ont dû être opérées dans le budget : pour la fin des
"brindilles", au centre, on est passé au matériau béton, tout en conservant le même aspect
(dimensions, peinture pour unifier la couleur), malgré le changement de matériau22.
Figure 2.3.4.4.2.1.xxxi
Le contraste peut aussi être involontaire ou plutôt relever de la négligence, parce que l'architecte
n'a pas maîtrisé la relation qui s'établit entre les formes et le fonctionnement réel de la structure.
Mais il faut se rendre compte qu'en plus de l'inévitable surcoût, un second désavantage est que,
21
SCOCCA Tom, "Un stade en acier ? Laisse béton…", Courrier International, n°926, août 2008, pp. 36-37.
22
Cf. le long-métrage documentaire "Bird's Nest – Herzog & De Meuron in China" de Christoph Schaub &
Michael Schindhelm, Suisse, 2008.
pour certains usagers du moins, l'illogisme de la structure va être perceptible, fût-ce purement
intuitivement, et engendrer dans leur esprit un malaise diffus ou une confusion qui va altérer
l'expérience qu'ils font du bâtiment.
Exemple : pavillon à Barcelone (Mies van der Rohe, 1929). La structure est bien exploitée
architecturalement parlant : les colonnes, par ailleurs efficaces et de réalisation ingénieuse, sont
esthétisées par une enveloppe réfléchissante qui les met en valeur. Mais la perception est plutôt
attirée par les grands "murs" et leurs superbes revêtements de pierre. Leur géométrie et leurs
dimensions imposantes laissent à penser qu'ils sont porteurs, voire qu'ils sont les seuls porteurs
du toit. Problème : en réalité, la structure ne se compose que des colonnes, bien suffisantes. Il
y a donc confusion à la lecture sur le rôle structural (ou l'absence de celui-ci) des éléments
perceptibles. Et en ce qui concerne le "prix à payer" : il a fallu ménager des joints compliqués
entre la toiture et les cloisons non porteuses, de manière à éviter qu'en se déformant, le toit ne
vienne les charger, risquant ainsi de les briser, et/ou faire éclater leurs revêtements.
Figure 2.3.4.4.2.2.xxxii
Conclusion : comme le surcoût se double d'une expérience mitigée des usagers, cette démarche
de "mépris" est difficilement justifiable, surtout dans le contexte actuel de raréfaction des
ressources.
2.3.4.4.3.1. Généralités
À l'inverse, le concepteur peut choisir de générer délibérément un tel contraste entre formes
architecturale et structurale, et faire en sorte qu'il soit bien perceptible par l'usager, de manière
à créer un choc : "L'utilisation de subterfuge ou d'illusion d'optique qui rendent la lecture de la
structure floue crée l'ambigüité et dérange. Alors l'observateur est amené à se questionner."
C'est-à-dire que le fonctionnement structural est délibérément nié, mais par jeu.
Le principe consiste à confronter la structure apparente avec l'intuition que les usagers peuvent
avoir de la vraie structure. Deux "jeux" différents sont ainsi possibles :
le "Vous ne voyez aucune structure, pourtant tout tient, donc évidemment qu'il y en
mystère a une quelque part, cachée ; pouvez-vous la deviner ?"
"Vous voyez une structure, mais évidemment que vu sa forme, vous savez bien
l'ironie qu'elle ne pourrait fonctionner correctement si c'était là la vraie structure : il y a
forcément un truc, le trouvez-vous ?"
Pour rappel, ces jeux, comme tout contraste, ont un prix : il faut donc qu'ils en vaillent la
peine… C'est pourquoi on les retrouve plutôt dans des interventions localisées, d'échelle
réduite.
2.3.4.4.3.2. Mystère
Exemple : Pôle Image à Liège (AIUD23, 2011) (voir photo page suivante). L'auvent en béton
armé est emballé dans une châsse en polycarbonate translucide, rétroéclairée la nuit. La
dématérialisation opérée est en contraste avec la structure réelle, forcément conséquente
puisqu'il s'agit d'un porte-à-faux, que l'on pressent être en béton comme les linteaux du
bâtiment. Ce choc est utilisé pour attirer l'attention sur l'entrée, autrement difficilement
perceptible dans cet ensemble de bâtiments hétéroclites ainsi que de par sa position en fond de
parking.
23
http://aiud.be/index.php/portfolio-item/22-pole-image-de-liege.
Figure 2.3.4.4.3.2.1.xxxiii
2.3.4.4.3.3. Ironie
Exemple en design : chauffeuse “Knotted”
(Marcel Wanders, 1996). Elle se compose de
cordes en gaine aramide sur une âme en fibre
de carbone. Elles sont tissées selon un
schéma de macramé traditionnel, puis
imprégnées de résine époxy et mises en
suspension durant le séchage24.
Figure 2.3.4.4.3.3.1.xxxiv
24
www.dezeen.com/2015/12/14/video-interview-marcel-wanders-knotted-chair-most-loved-movie, au 8-4-2020.
25
www.roelandtweelinckx.be.
3.1. Généralités
Pour approfondir la connaissance de la conception structurale, il est intéressant d'aller explorer
comment elle a été menée dans des projets existants : quel niveau de qualité y présente-t-elle ?
L'enjeu consiste à aiguiser son regard à ce sujet, et à devenir capable d'élaborer une critique
argumentée – même si celle-ci reste forcément en partie subjective. C'est également l'occasion,
si on compulse la documentation disponible à propos du projet étudié (site web de l'architecte
et de l'ingénieur, articles de presse, bases de données en ligne, etc.), de se rendre compte que
les sources relatives à la structure sont souvent problématiques : elles peuvent être incomplètes,
erronées, contradictoires entre elles, etc. Raison de plus pour les aborder d'un œil critique et
devenir capable de développer son propre avis raisonné.
Tout cette démarche prépare bien sûr à la pratique personnelle de la conception structurale dans
ses propres projets ; ce sera l'objet du point 4.
Voyons d'abord les principes de base de ce type d'analyse, puis explorons ses différentes
étapes :
- identifier les aspects ;
- analyser les relations entre ceux-ci ;
- synthétiser ;
- et enfin conclure.
3.2. Principes
Nous allons voir ici un canevas d'analyse, qui permet d'émettre un avis quant à la qualité de la
conception structurale dans un projet.
Pour commencer, il faut se rendre compte que l'on n'étudie pas en une seule fois la conception
de toute la structure d'un bâtiment. En effet, celle-ci comporte de nombreux types d'éléments
structuraux différents : les murs, les dalles, les colonnes, la toiture, etc. Pour chacun de ces
ensembles, des choix spécifiques ont été opérés, qui sont à juger notamment au regard des règles
de conception propres au type d'élément. C'est pourquoi l'analyse se concentre à chaque fois
sur un élément ou une famille d'éléments particulier(s). Cette étude peut bien sûr être répétée
pour les autres éléments de la structure, jusqu'à avoir une image complète du bâtiment. À défaut,
autant se concentrer sur la famille d'éléments les plus "investis" architecturalement parlant.
Exemple : crématorium "Meguri no Mori" à Kawaguchi au Japon (Toyo Ito, 2018) (voir photo
page suivante). Dans ce projet, on se pencherait en priorité sur la toiture, sur laquelle le
Figure 3.2.1.xxxvii
Ensuite, une étape préliminaire consiste à dégager la forme structurale du projet, puisque, que
comme on l'a vu, celle-ci peut être assez différente de la forme architecturale. Une manière
efficace de représenter cela est l'axonométrie éclatée verticalement.
Exemple : Rolex
Learning Center à
Ecublens en Suisse
(SANAA, 2009).
En pratique, il est
plutôt recommandé
d'utiliser la vue par-
dessous et de joindre
les éléments verticaux
non pas aux éléments
qui les portent, mais à
ceux qu'ils soutiennent.
Figure 3.2.2.xxxviii
Figure 3.2.3.xxxix
3.3.1. Généralités
Reprenons le schéma illustrant le principe
d'organicité, et détaillons-en les 3 pôles.
Toujours pour les dimensions principales, dans le cas des surfaces franchissant un vide (dalles,
toitures), on peut également relever leur sens de portée.
Exemple : le Rolex Learning Center, encore.
Ci-contre, une hypothèse de position des
arcs de soutien et des sens de portée entre
ceux-ci.
Figure 3.3.2.2.xli
26
https://vijversburg.nl/ontdek-het-park-vijversburg/gebouwen-2/paviljoen.
27
www.studiomaks.nl/#!park-groot-vijversburg.
3.4.1. Généralités
Il faut à présent envisager chaque paire d'aspects possible, et étudier la relation entre eux. En
pratique, nous allons nous concentrer sur les relations qu'entretiennent les aspects structuraux :
- entre eux, soit la cohérence interne du parti structural ; cela correspond au 1er enjeu identifié
précédemment pour la conception structurale, l'efficacité : "La structure a-t-elle été
correctement conçue ?". Ces relations sont représentées sur le schéma suivant par les flèches
vertes.
- avec les autres pôles (architecture et technologie) ; ce qui correspond au 2nd enjeu identifié
précédemment pour la conception structurale, l'organicité : "Les 3 pôles fonctionnent-ils bien
en synergie les uns avec les autres ?". Ces relations sont représentées sur le schéma suivant
par les flèches violettes.
Remarque : dans le cadre de ce cours, nous laisserons en arrière-plan les relations entre aspects
architecturaux et technologiques, par exemple. Une analyse plus complète les prendrait en
compte, bien sûr.
Cela représente un
total de 15 relations à
étudier :
À chaque fois, il faut se demander si la relation entre les deux aspects considérés (par exemple,
Figure 3.4.1.1.xlii
Figure 3.4.2.1.xliii
3.5. Synthétiser
Il est utile de rassembler toutes les observations effectuées, sous forme d'un diagramme
synthétique offrant une vue d'ensemble. Ce diagramme peut se baser sur le cercle esquissé
précédemment, sur lequel on reporte les axes d'accord et de désaccord entre aspects, un peu
comme un thème astrologique. Les conventions graphiques peuvent être par exemple les
suivantes :
Exemple :
3.6. Conclure
Ce peut être le moment de
repérer si certains aspects
présentent des relations
unanimement positives ou
négatives avec les autres,
ce qui peut indiquer qu'ils
sont particulièrement
réussis ou problématiques
dans la conception
structurale. Illustrons cela
en considérant l'exemple
ci-contre.
On observe ici :
- un tableau mitigé : il y a bien un certain nombre de relations positives, mais à peine plus que
de relations négatives ;
- une belle réussite en ce qui concerne l'intégration avec le contexte interne ;
- un problème général de cohérence avec la technologie.
L'analyse tendrait donc à conclure que la qualité de la conception structurale de l'élément
considéré est assez moyenne. Ce résultat pourrait être nuancé si les handicaps observés
permettent par ailleurs des effets positifs sur d'autres plans.
4.1. Généralités
La teneur et les enjeux de la conception structurale ayant été présentés, il est temps de voir
comment la mener à bien dans un projet personnel, c'est-à-dire définir un parti structural
complet. Il s'agit d'un processus qui comporte plusieurs étapes, chacune disposant de son outil
spécifique :
4.2. Étapes
d'élément structural (les colonnes, les dalles, les murs, etc.), un catalogue de morphologies
possibles et un ensemble de règles de "bonne" conception à respecter. C'est pourquoi
l'application de cet outil ne se fait pas en une seule fois sur toute la structure, mais (famille
d')élément(s) par (famille d')élément(s). Classiquement, on parcourt ceux-ci en suivant le fil de
la descente de charge. Par exemple, on peut ainsi passer du toit à un mur de soutient, qui lui-
même pourrait tomber ensuite sur des colonnes, etc.
Pour chaque élément, au concepteur de faire un choix raisonné dans l'ensemble de possibilités
existante, aussi en cherchant à le coordonner avec ses intentions architecturales : on a vu en
effet qu'idéalement, les choix structuraux (et, en fait, également ceux techniques) devraient
(ré)alimenter la narration du projet, sa dimension architecturale. On développe ainsi un premier
parti structural pour chaque élément tour à tour, en lui choisissant une morphologie et un
matériau, qui se rajoutent aux dimensions principales déjà définies à l'étape précédente.
être réalisé dans une forme très proche de ce qu'il avait projeté, avec toutes les qualités qu'il y
trouvait associées. À défaut, il sera nécessaire de modifier en dernière minute un ou plusieurs
composant(s) du parti structural de manière à revenir à des épaisseurs acceptables, au risque,
en fonction de l'arbitrage opéré, soit de dégrader irrémédiablement la qualité architecturale, soit
d'alourdir le budget.
Exemple typique : en cours d'exécution, un linteau de garage dans une ossature béton de tour,
dimensionné plus précisément, s'avère finalement trop épais en hauteur que pour encore laisser
dessous le gabarit de passage prescrit. La solution consiste souvent à le remplacer par un profilé
H en acier (soit un changement de morphologie et de matériau), effectivement moins
encombrant. Dans ce cas-ci, il n'y a pas trop de dommages sur le plan architectural ; en
revanche, cela représente un surcoût non négligeable, vu le prix de l'acier…
4.3.1. Généralités
Nous allons commencer par définir ce que sont les fonctions structurales, avant de montrer
qu'elles peuvent parfois être combinées entre elles. Ensuite, on abordera la problématique de
l'identification correcte de ces fonctions, et enfin on verra en quoi cette notion fonde
l'organisation de l'ensemble du cours de Fonctionnement des structures.
4.3.2. Définition
Comme évoqué au point précédent, les morphologies envisageables et les règles de conception
à prendre en compte diffèrent suivant le type de l'élément structural considéré. Plus
exactement, cela dépend de la fonction structurale qu'il remplit, c'est-à-dire le type de rôle qu'il
joue dans la structure globale. L'avantage est que ces fonctions structurales ne sont au nombre
que de 3 (ou 4, suivant la manière de les classer).
Une première fonction consiste à reprendre une charge (généralement verticale) de
manière longitudinale, c'est-à-dire que l'élément est aligné sur la charge. Il s'agit de la
fonction "supporter". La transmission de la charge peut se faire autant vers le bas, en
compression (ainsi que le font une colonne ou un mur) que vers le haut, en traction (via
un câble, un hauban), pour l'amener à un niveau supérieur.
Exemple : entre les deux tours Petronas à
Kuala Lampur (César Pelli, 1997), une
passerelle est soutenue en son milieu par
deux barres disposées en V inversé. Chacun
de ces éléments est sollicité principalement
selon son axe, même s'ils sont placés de
manière oblique. Cela veut dire que, en ce
qui concerne la fonction structurale, ces
éléments font partie de la même "famille"
que les colonnes (fonction "supporter"),
Figure 4.3.2.1.xliv
même si celles-ci sont généralement
verticales.
On appelle de telles pièces des butons, et elles répondent donc aux mêmes règles de conception
qu'une colonne (par exemple, une section de forme "centrée", ici une section ronde).
Une deuxième fonction structurale possible consiste à reprendre une charge (généralement
Th. VILQUIN @ ULB Architecture 45
Fonctionnement des structures 1 2019-2020
verticale) par un élément qui lui est peu ou prou perpendiculaire ; la charge est donc
transversale à l'élément. Il s'agit de la fonction "ponter", soit franchir une portée. Sous l'effet
de la charge, l'élément va travailler globalement en flexion.
La différence fondamentale entre les fonctions "supporter" et "ponter" est donc que, dans un
cas, le chemin emprunté par la charge le long de l'élément reste rectiligne, aligné sur sa
direction première, tandis que dans le second cas, l'élément dévie la charge latéralement, pour
la transmettre à ses appuis.
En pratique, la fonction "ponter" se retrouve dans deux situations différentes (on peut parler
de "sous-fonctions") :
- soit il s'agit de soutenir un praticable, et alors il y a la contrainte de présenter
une surface plus ou moins horizontale plane, de manière que les usagers
puissent l'emprunter.
Mais une façade-rideau, devant résister à la charge du vent, ressort ainsi également de cette
fonction, même si le problème est tourné à 90°.
Figure 4.3.3.1.xlv
La (sous-)fonction globale de cet ouvrage est "soutenir un praticable". Mais cette fonction n'est
prestée directement que par le tablier, que les usagers empruntent. Les autres éléments de la
structure (l'arc et les colonnettes qui le relient au tablier) sont là pour diminuer la portée que le
tablier doit franchir, qui devient ici l'interdistance entre colonnettes. Sans cela, il devrait se
débrouiller pour "sauter" tout seul d'une rive à l'autre. Il devrait alors être beaucoup plus épais
et donc plus lourd.
On appelle le premier élément une structure primaire, car il soutient d'autres éléments, qui, eux,
constituent la structure secondaire. (Si la structure primaire tombe, la structure secondaire
aussi, alors que l'inverse n'est pas vrai.) Attention, l'appellation est un peu contre-intuitive : on
a envie de "suivre le trajet du poids de la goutte d'eau", la descente des charges, mais c'est
l'inverse qu'il faut faire : il faut remonter ce chemin, en partant du sol… "Primaire" et
"secondaire" suggèrent ainsi plutôt l'ordre dans lequel les éléments portent les uns sur les autres.
Par exemple, pour le pont ci-dessus, l'arc et les colonnettes constituent donc la structure
primaire (que l'on range toujours dans la fonction "soutenir un praticable"), au service du tablier,
qui, lui, relève de la structure secondaire.
De même, pour chaque morphologie adaptée à une fonction donnée, il peut y avoir :
- des proportions optimales ;
- des matériaux particulièrement appropriés ou au contraire déconseillés ;
- des points d'attention récurrents ; par exemple, un arc présente des réactions horizontales,
qu'il faut trouver comment reprendre dans le projet.
Tout cela définit des règles de conception particulières, qu'il faut connaître pour faire les bons
choix quant au parti structural.
Figure 4.3.5.1.xlvi
Pour illustrer cela, on peut opposer les productions des ingénieurs belges contemporains
Philippe Samyn et Laurent Ney (voir exemples page suivante). Chez le premier préside en
général le principe "un élément, une fonction". Au contraire, le second suit un processus
d'"intégration", qui cherche à réduire au minimum le nombre d'éléments différents, chacun
remplissant donc plusieurs fonctions. On observera que les esthétiques résultantes sont très
différentes l'une de l'autre : des éléments fins mais démultipliés d'un côté, conférant à la
structure une grande intelligibilité, et de l'autre, un nombre d'éléments réduits mais plus
présents, menant à une appréhension d'ordre plutôt poétique.
En pratique, tous ces cas de charge ne présentent pas la même importance et/ou la même
fréquence, de sorte qu'à celui prédominant corresponde une fonction structurale "principale".
Dans la conception de l'élément structural considéré, une certaine priorité peut donc être
4.3.6. Identification
De ce qui précède, on peut conclure que si un élément structural n'est pas conçu conformément
à la fonction qu'il est appelé à remplir, ou utilisé d'une autre manière que la fonction pour
laquelle il a été conçu, il risque de casser. Il est donc fondamental d'identifier correctement la
fonction structurale d'un élément (projeté ou existant), de manière à le concevoir ou l'utiliser
correctement.
Illustration :
La colonne à laquelle la corde a été attachée
est prévue pour recevoir une partie du poids
du toit, soit une charge verticale. La colonne
aussi est verticale, donc la charge est alignée
sur l'élément qui la reprend : on dit que la
charge est longitudinale. Dès lors, elle
Figure 4.3.6.1.28 remplit la fonction structurale "supporter".
Mais là, la colonne est sollicitée horizontalement par la corde, soit transversalement ! Cela
correspond à une autre fonction structurale, ponter, pour laquelle la colonne n'a pas été conçue.
Dès lors, il n'est pas étonnant que celle-ci ne puisse résister, et cède. Heureusement, ici,
personne n'est blessé. Mais dans la réalité de la construction, une telle erreur est évidemment à
exclure…
28
Vidéo "Meanwhile in Brazil - Wait for it... Fail.", 12-5-2012, sur www.youtube.com/watch?v=LkC4Y9HnSNc,
au 18-4-2020.
Figure 4.3.6.3.l
Enfin, en ce qui concerne la fonction "contreventer", il n'est pas toujours facile de l'appréhender
intuitivement, et le plus efficace consiste à utiliser une maquette de la structure. On peut alors
appuyer latéralement pour sentir si celle-ci est capable de résister ou non à des charges latérales,
et quels sont précisément les éléments qui permettent d'offrir cette résistance.
Exercice
Voici l'auvent de la station de métro Sainte-Catherine à Bruxelles (Olivier Noterman + Laurent
Ney, 2005) (voir photo page suivante). Déterminer pour chaque élément structural quelle
fonction structurale (principale) il remplit. Remarque : le sommet de la cage d'ascenseur ne
touche pas la plaque supérieure ; il s'y trouve seulement un capotage qui empêche les pigeons
d'aller nicher dans l'espace interstitiel.
Figure 4.3.6.8.lv
la forme structurale nous indique que ce n'est pas le cas. Ce n'est vraisemblablement pas un
effet voulu, mais une mauvaise surprise en fin de projet, quand on s'est rendu compte qu'il était
nécessaire de rajouter un grillage anti-pigeons… Le projet y perd en lisibilité et donc en
puissance.
29
Par exemple, le classique ENGEL Heino, Structure Systems, éd. Verlag Gerd Hatje, Ostfildern-Ruit, 1997, ou le
plus récent MOUSSAVI Farshid, The Function of Form, éd. Actar & Harvard University, Barcelone & Cambridge,
2009.
5. Bibliographie
Ouvrages
CHARLESON Andrew, Structure as Architecture – A Source Book for Architects and Structural
Engineers, éd. Elsevier, Oxford, 2005.
GARGIANI Roberto (éd.), La colonne – Nouvelle histoire de la construction, éd. Presses
polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 2008.
Actes de colloque
CRUZ Paulo (éd.), Structures and Architecture, éd. CRC Press, Leiden, 2010.
Thèse de doctorat
LUYTEN Laurens, Structurally Informed Architectural Design, thèse de doctorat, Chalmers
University of Technology, Gothenburg (Suède), 2012.
1. Généralités
Après quelques préliminaires sont présentées les stratégies de conception des colonnes, en
distinguant comme précédemment entre les domaines du choix du matériau, des dimensions
principales et de celui de la morphologie. Enfin sont donnés quelques compléments d'ordre
purement technologique.
2. Préliminaires
2.1. Généralités
Bien que (ou justement du fait que) le vocable "colonne" soit courant, il y a souvent des
confusions quant à la nature du problème structural dont on parle ; c'est pourquoi on va d'abord
prendre le temps de définir correctement celui-ci.
Ensuite, on se penchera sur l'opinion courante que la colonne ne constitue pas un enjeu majeur
en conception, que ce soit en termes de structure ou d'architecture ; on verra que rien n'est moins
faux.
Enfin, on détaillera les phénomènes structuraux en présence dans les colonnes et butons, qui
dirigeront la conception de ceux-ci dans le choix de leur matériau et de leur morphologie.
élément (et donc pouvoir appliquer les règles de conception appropriées), il ne suffit pas de
s'en tenir à sa forme, son allure, mais qu'il est nécessaire d'analyser sa configuration de charge.
correcte des colonnes permet de réaliser sur ce poste une économie significative en termes de
consommation de ressources. Par exemple, on peut voir cela dans Central Plaza déjà évoqué
précédemment.
Ensuite, sur le plan architectural, à première vue la colonne peut sembler un élément trop
basique que pour inspirer l'architecte – qui sera plus enclin à se concentrer sur sa dimension
d'obstacle encombrant dans l'espace. Par la suite, on verra de nombreux exemples qui montrent
que ce n'est pas le cas, mais en voici déjà un, particulièrement représentatif : l'atelier pour le
Kanagawa Institute of Technology à Atsugi (Japon) par Jun'ya Ishigami (2008). En effet, il n'y
a pratiquement pas d'autres interventions architecturales que la mise en place de cet ensemble
de colonnes ! C'est pourquoi elles ont été particulièrement travaillées : dans leur disposition
(irrégulière) et leur couleur (peintes en blanc pour créer, en combinaison avec l'éclairage
naturel, une atmosphère éthérée, propice au travail et à la concentration).
Figure 2.3.1.lvi
Figure 2.4.1.lvii
Sur base du ressenti des participants, on peut en tirer les conclusions suivantes :
- toutes les "molécules" sont sollicitées avec la même intensité ; c'est-à-dire que tous les points
de la section travaillent de la même manière.
- élargir la section ne change rien ; c'est-à-dire que la forme de la section n'a pas d'influence sur
la reprise de la compression.
- par contre, ajouter ou enlever une "file" diminue / augmente l'intensité de la sollicitation de
chacun ; c'est-à-dire qu'une section plus grande (en termes d'aire) résistera plus aisément.
- si on pousse jusqu'à la ruine, les différentes
"files" s'écrasent en sens divers, de
manière progressive et non brutale ; l'axe
de la "colonne" ne bouge pas, mais sur cet
axe survient la déformation principale,
longitudinale donc. Il existe également une
déformation secondaire : la section
s'évase, ce qui correspond à un gonflement
latéral. Dans la réalité, les différentes
"files" sont liées entre elles ; suite à ce
gonflement latéral, elles se retrouvent donc
soumises à de la traction perpendiculaire.
Exemple : table basse "Log Table" du
designer suédois Patrik Fredrikson (2001). Figure 2.4.2.lviii
30
MOUTERDE Rémy, "Notes pédagogiques pour la tenue d'expériences de kinesthésie", École d'architecture de
Lyon, décembre 2013, p. 2.
Figure 2.4.4.lx
3. Choix du matériau
Beaucoup de matériaux présentent une résistance à la compression. Le risque de flambement,
lui, peut être compensé par un travail sur la morphologie, notamment un élargissement de la
section ; il est donc possible de d'ériger des colonnes dans un matériau qui n'est pas
particulièrement rigide. Dès lors, l'enjeu est plutôt de fournir également une résistance au
"gonflement" de la section, donc une résistance en traction. Il faut donc au minimum du bois
et/ou de la pierre.
Sur le plan historique, on peut remarquer que cette limitation a retardé l'apparition de l'élément
colonne (alors même qu'il nous semble avoir été présent depuis toujours). En effet : "Si l'on se
tourne vers la région du monde où la civilisation et l'art monumental sont nés, c'est-à-dire
l'Orient méditerranéen, on constate aussitôt que la Mésopotamie, contrée démunie de bois et de
pierre à bâtir mais riche en argile, a développé une architecture de briques, dans laquelle […]
la colonne est à peu près absente. […]
C'est l'Égypte, cependant tout aussi pauvre en
bois de charpente, qui va engendrer tous les
éléments de l'art monumental, en raison de sa
grande richesse en pierre […], et capable,
grâce à son expansion commerciale et
conquérante, de faire parvenir dans la vallée
du Nil tout le bois nécessaire [en tant
qu'échafaudage, machines de levage, etc.] à
l'élaboration de l'art monumental sous toutes
ses formes.
Les premières colonnes de pierre d'Égypte
coïncident avec ce moment exceptionnel qui
voit naître l'architecture de pierre, sous le
règne du roi Djeser, vers 2700 av. J.-C. En
effet, ce souverain […] se fait bâtir […] un
double de Memphis [la capitale de l'Égypte
Figure 3.1.lxi
unifiée], élevé sur le plateau désertique de
Saqqara[h] dominant la ville, et qui sera sa
ville pour l'Éternité.
La nouvelle Memphis est une ville factice, pour la première fois bâtie entièrement en pierre,
Figure 3.2.lxii
31
ADAM Jean-Pierre, "La colonne antique – Genèse et évolution du support isolé", (Gargiani, 2008), pp. 9-10.
4.1. Généralités
Pour rappel, la longueur de flambement L fl [m] correspond à la demi-longueur d'onde de la
déformée de la colonne. Elle est donc déterminée par les conditions d'appui de la colonne,
comme illustré ci-dessous.
L fl
L L fl L L L fl
Figure 4.1.1.
structure ;
- liaisonner 2 colonnes voisines entre elles, vers leur mi-hauteur, via une structure annexe
spécifiquement dédiée à cet effet.
Figure 4.1.2.lxiii
Mais au cas où une colonne ne dispose pas d'une voisine proche avec laquelle elle peut
s'associer, elle peut encore s'apporter elle-même des appuis supplémentaires, à l'aide d'un
haubanage.
l'instant vécu."32 Cette conception peut être reliée à la volonté générale d'exprimer dans ce
bâtiment la notion japonaise de "ma". Cela mène à démultiplier volontairement le nombre de
colonnes (alors que l'optimisation recommande plutôt d'essayer de limiter le nombre de
colonnes pour diminuer l'impact du flambement sur leur dimensionnement). Ces fines
colonnettes sont donc fortement sujettes à flambement. Cela avait donc du sens de chercher à
les encastrer (ne fût-ce qu'à une de leurs extrémités) pour contrecarrer partiellement cet effet.
Concrètement, cela a été réalisé au sommet des colonnes à l'aide de chapiteaux. Formellement,
ces chapiteaux ont reçu un traitement japonisant et "pourraient rappeler ceux des temples de
Nara ou des maisons japonaises traditionnelles"33. Cela est compréhensible vu l'influence du
japonisme dans le développement du mouvement Arts & Crafts dont Cauchie se réclame. Enfin,
les chapiteaux font l'objet d'une intégration visuelle dans le dessin de la
façade : "les chapiteaux des colonnes trouvent un équilibre dans le prolongement des bandeaux
et des linteaux très proches."34
Remarque35 : la composition de la façade est
très graphique (plus que volumétrique, par
exemple) ; c'est pourquoi pratiquement tous
les matériaux (à l'exception notable du
soubassement en pierre bleue) sont peints ou
enduits. Ce n'est pas leur expression propre
qui est exploitée, ils ne servent que de support
à de l'art graphique. Ainsi les colonnes sont-
elles peintes en blanc, tout comme les autres
menuiseries et les ferronneries. Ce principe se
lxiv
Figure 4.2.1. retrouve même dans le projet contemporain
d'Ishigami présenté précédemment…
L'élément "chapiteau", en tant que manière de réaliser un encastrement en tête de colonne, peut
aussi être approché de manière esthétique : "les chapiteaux dans les colonnes classiques [ont]
pour effet d'empêcher le mouvement visuel de se prolonger au-delà de la surface limite avec le
32
BORSI Franco et CULOT Maurice, La maison Cauchie : entre rêve et réalité, éd. Maison Cauchie, Bruxelles,
2005, p. 25.
33
Loc. cit.
34
Ibid., p. 28.
35
Ibid., pp. 19-20.
Figure 4.2.2.lxv
While decoratively poetical, Wright's columnar details were also structurally rational as an
expression of construction in reinforced concrete. The old conventions of load and support in
classical architecture presumed lintels and columns made of discrete blocks of stone. Yet
concrete was a monolithic material wherein steel reinforcing fused columns and beams into
one structural mass. […] the meaning of many of the members of the conventional order, which
has maintained its integrity from the days of Athens to our own, disappears in monolithic
construction. […] The detail illustrates the ideal that Sullivan had termed plasticity."37
36
MARCHAND Bruno, "En résonance – Notes amusées (et désabusées) à propos des colonnes de Siza", in (Gargiani,
2008), p. 503.
37
SIRY Jospeh M., "Frank Lloyd Wright's changing concept of the hollow concrete column", in (Gargiani, 2008),
pp. 392-393.
Figure 4.3.1.lxvi
Figure 4.3.2.lxvii
élégante.
Figure 4.4.1.lxviii
Exemple : projet de passerelle sur la Leie à Gand par Philippe Samyn (1998) (cf. figure
suivante). Le positionnement du tablier à mi-hauteur du treillis principal permet entre autres de
limiter le flambement des montants-colonnes (malgré que son profil ondulant et non rectiligne
ne soit pas optimal pour reprendre de la traction-compression entre les diagonales).
Les colonnes peuvent aussi être fixées non à une autre colonne voisine, mais à un autre élément
de la structure.
Exemple : maison Belle Époque à Biarritz (voir page suivante).
Un cas particulier et particulièrement fécond est constitué par les colonnes arborescentes, à qui
est donc consacré un point à part entière.
Figure 4.4.2.lxix
4.5.1. Principe
Exemple : chapelle du monastère de
Clerlande par Jean Cosse (1971) (voir page
suivante). Les branches ne se déploient que
dans un seul plan, car elles soutiennent des
poutres.
Figure 4.4.3.lxx
Figure 4.5.1.1.lxxi
38
Voir aussi le chapitre sur les structures primaires, auxquelles elles appartiennent également.
Figures 4.5.1.2.lxxii
Enfin, sur le plan symbolique cette fois, cette morphologie évoque un arbre.
Exemple : graff sur le bâtiment de l'UCL place Blaise Pascal à Louvain-la-Neuve.
Figure 4.5.1.3.lxxiii
39
www.georges-theis.lu.
Figure 4.5.1.4.lxxiv
Figure 4.5.2.1.lxxv
Figure 4.5.3.1.lxxvi
Figure 4.5.3.2.lxxvii
Figure 4.5.4.1.lxxviii
Mais les charges importantes liées à un bâtiment démultiplient les désavantages de cette
configuration : traction-compression dans éléments horizontaux, poids propre des butons qui
induit de la flexion. Dès lors, elle est plutôt réservée aux passerelles ou ponts, a priori. Là, sa
contribution au contreventement est particulièrement utile pour reprendre des forces
longitudinales, qu'elles proviennent du freinage et démarrage des véhicules ou d'un séisme
("pont à béquilles").
Exemple : le pont de Kinnaird (Canada) par Riccardo Morandi (1960-64) (voir page suivante).
Par contre, si on est implanté sur terre (et non sur l'eau comme le projet précédent), comme les
branches inclinées se retrouvent cette fois au niveau du sol, on retrouve le problème de
praticabilité déjà évoqué précédemment.
Figure 4.5.4.2.lxxix
Exemple : centre
multifonctionnel Parco Dora,
aire ex-Michelin à Turin, par
le Studio Granma Architetti
Associati (2003). Une des
deux branches du V est
perpendiculaire à des marches
et gêne donc peu ; mais l'autre
pas…
Figure 4.5.4.3.lxxx
4.6.1. Principe
Vers la moitié du XXe siècle, on eut l'idée
de s'inspirer du gréement des mâts de
voilier, qui, bien que leur cas de charge
principal soit fondamentalement différent
de celui des colonnes (transversal vs
longitudinal), cherchent également à
reprendre de la flexion (primaire vs
parasite) en restant le plus léger possible.
Le principe en consiste à procurer à la
colonne des appuis intermédiaires à l'aide
d'un ou plusieurs butons40, ceux-ci étant
fixés par des tirants aux extrémités de la
colonne, cela dans a priori 3 plans ou plus.
On parle de colonnes haubanées 41.
40
Angl. : cross arm, néerl. : de drukstang.
41
Angl. : shrouded columns, trussed columns, guyed columns, stayed columns ; néerl. : de getuide kolom.
On peut aussi comprendre ce système comme un mât raidi dans au moins trois plans par de la
sous-tension (comme dans une poutre sous-tendue).
Éventuellement, si la section présente des inerties fort différentes suivant les axes considérés
(comme un profilé I, par exemple), on pourrait imaginer ne haubaner que dans le plan d'axe
faible.
4.6.2. Historique
Cette morphologie apparaît assez tardivement, car elle est délicate à dimensionner. En effet, ses
performances sont très sensibles à :
- la géométrie du haubanage : longueur des butons, leur diamètre s'ils sont rigidement liés au
mât, et diamètre des tirants ;
- la précontrainte des haubans : il existe en fait une tension de précontrainte optimale, au sens
où elle s'annule lorsque la colonne flambe, de sorte qu'auparavant tous les haubans restent
actifs en permanence, et qu'ils n'aggravent pas le flambement une fois que ce dernier s'est
déclaré.
Assez logiquement vu la source d'inspiration, cette morphologie a d'abord été appliquée aux
mâts.
Exemple : mât du pavillon "British Industry" à l'Expo 58 à Bruxelles par Howard V. Lobb +
Felix Samuely. Remarquer la mise en œuvre croisée des câbles, pour lutter contre le flambement
en torsion de l'ensemble.
Durant les années '70, l'avènement de l'informatique ouvre la voie aux méthodes numériques,
capables de gérer la complexité de tels calculs de dimensionnement. À partir de ce moment,
cette morphologie a connu un réel développement. Là, on s'est dirigé vers des configurations
plus dépouillées, plus simples à calculer et plus économes en câbles. En effet, si la section de
la colonne présente une inertie identique dans toutes les directions (par exemple une section
ronde ou carrée), le haubanage peut n'être apporté que dans 3 plans, ce qui suffit pour ne pas
laisser un plan dans lequel la colonne ne serait pas haubanée et donc flamberait.
En parallèle, certains grands concepteurs des années '50 et '60 ont continué à travailler de
manière plus analytique et/ou expérimentale, ce qui les menait vers d'autres formes, toujours
inspirantes aujourd'hui.
Exemple : vers 1975, Le Ricolais donne sa propre version des colonnes
haubanées (en un avatar de son Diamond Network System). On peut
remarquer que :
- le profil de haubanage est variable, ici en fuseau pour une colonne
biarticulée ;
- les butons sont rassemblés par étages en disques d'appui troués ;
- le fait qu'ici aussi le haubanage ne se confine pas à des plans verticaux
distincts, mais tresse en spiralant une sorte de nappe tendue, résistante
aussi en torsion.
Figure 4.6.2.3.lxxxiv
Figure 4.6.3.1.lxxxv
Désavantages :
- coûteux, vu les nombreux assemblages requis et la complexité de la précontrainte à mettre en
place dans les différents câbles. C'est pourquoi on réserve cette morphologie à des colonnes
hautes et peu chargées (par exemple pour soutenir un toit). C'est bien ce qu'on retrouve dans
l'exemple précédent.
- créée des diagonales qui peuvent constituer un obstacle à la circulation.
Exemple : halle Honnorat à la gare de Marseille-Saint-Charles par Jean-Marie Duthilleul
(2007) (voir page suivante). Autour du pied de la colonne haubanée, une zone de non-
circulation est délimitée par un tube métallique, qui peut aussi servir d'assise (inconfortable).
- les tirants sont a priori à soustraire à un accès public permettant un acte de vandalisme, comme
toute pièce en traction.
Figure 4.6.3.2.lxxxvi
4.7. Combinaisons
Exemple : Old
Oak Common, un
immeuble de
colocation
estudiantine à
Ealing (G.-B.)
(PLP
Architecture,
2016). Un
système de
colonnes en V est
combiné avec le
principe de
Figure 4.7.1.lxxxvii
croisement de
ces colonnes.
5. Choix de la morphologie
5.1. Généralités
Deux axes de travail peuvent être envisagés :
- évider la section de la colonne, pour la rigidifier et ainsi mieux résister au flambement ;
- évider le profil de la colonne, pour l'alléger.
5.2.1. Généralités
L'idée est de repousser la matière le plus loin possible de l'axe dans la (ou les) direction(s) de
flambement, et donc évider le centre de la section, ce qui mène aux profilés. Ils présentent un
plus grand encombrement, mais ils économisent la matière et leur espace "vide" peut parfois
être utilisé.
Exemple : passerelle à Bruges (Ney, 2012). "The supporting elements have a reduced
dimension due to the amount of anchor points […]. This also creates the effect of an extremely
transparent structural design. […] The use of full steel bars […] refer to the hand-made
blacksmithing." Là, des sections pleines sont utilisées afin de préserver la vue vers le
Smedenpoort, un porche d'accès historique à la ville de Bruges, datant des 13e et 14e siècles.
Figure 5.2.1.1.lxxxviii
Figure 5.2.1.2.lxxxix
42
LEMOINE Bertrand, "Les colonnes métalliques au XIXe siècle", in (Gargiani, 2008), p. 238.
Cette disposition offre plusieurs avantages : les éléments constructifs de base et le mode
d'assemblage entre le poteau et la poutre ou la ferme peut être réalisée beaucoup plus facilement
qu'avec des colonnes en fonte tout en offrant une meilleure sécurité de fabrication et une
certaine capacité d'absorption des efforts latéraux [de par la possibilité de réaliser une
connexion rigide]. […] Par ailleurs, la jonction entre le poteau et les parois – châssis vitré ou
murs maçonnés en brique ou en pierre – pouvait se faire plus facilement."43
Aujourd'hui, on trouve des tubes et profilés en bois, en bois lamellé-collé, en verre, etc.
Le point suivant présente une discussion des avantages et inconvénients respectifs des deux
types de profilés, ouverts et fermés. Ensuite, on s'attardera un peu sur le cas particulier de la
section en croix.
43
Ibid., p. 244.
44
(Hilson, 1993), p. 38.
- les tubes sont disponibles dans une gamme plus continue que les profilés ouverts, ce qui réduit
le supplément de poids dû au fait de devoir prendre le profilé immédiatement plus grand ou
rigide dans un catalogue. Pour les profilés ouverts, la gamme commerciale est moins continue
que les tubes ; il y a donc un supplément de poids, non négligeable45, dû au fait de devoir
prendre le profilé immédiatement plus grand ou rigide dans un catalogue.
- les tubes présentent moins d'arêtes, ce qui les rend plus sûrs en cas de choc.
- de même, ils sont plus faciles à ornementer que les profilés ouverts. C'est pourquoi ces
derniers sont moins souvent utilisés dans la construction civile et plutôt dans l'industrie,
l'équipement technique, etc.
- les tubes présentent moins de surface et de recoins dans lesquels la saleté pourrait
s'accumuler ; ils requièrent donc moins d'entretien.
- les tubes présentent moins de surface à peindre, le cas échéant.
- les tubes permettent permet de cacher des conduites techniques (par contre, celles-ci sont alors
peu accessibles pour la maintenance). Ils font de la colonne plus qu'un point d'appui : c'est
45
(Samyn, 2004).
aussi un "organe toujours plus complexe, incorporant divers dispositifs, depuis les conduits
de fumée, d'écoulement des eaux et d'électricité jusqu'aux systèmes techniques toujours plus
encombrants. Ces dispositifs ont souvent déterminé l'évolution de la colonne vers des
dimensions et des configurations de plus en plus amples, pour atteindre les formes
contemporaines d'un cylindre monumental creux qui laisse entrer la lumière et accueille
l'escalier"46.
Exemple : la station de métro Sainte-Catherine à Bruxelles par Olivier Noterman + Laurent
Ney (2005), déjà vue précédemment. Dans certaines des colonnes inclinées sont intégrées les
descentes d'eau pluviale, qui sont ainsi cachées et protégées (contre le vandalisme,
notamment).
Remarque : on pourrait être tenté conclure à l'avantage général des tubes, en se basant aussi sur
le fait que c'est l'option retenue par la Nature : os, tronc d'arbre, bambou, etc. Mais c'est en fait
lié aux processus de croissance : dans les organismes vivants, ce sont des vaisseaux de transport
qui deviennent ensuite des "colonnes".
Exemple d'application dans le domaine du
design : la table de jardin Living Furniture,
de Floris Wubben, 1er prix au concours
Ecodesign Award en 2007, organisé par
l'Openbare Vlaamse
Afvalstoffenmaatschappij (société publique
des déchets de la Région flamande) et
destiné aux étudiants flamands en design.
La table est constituée de bambou, ce qui en
soi propose déjà une alternative écologique
au teck, qui pousse lentement et est souvent
d'origine illégale. Mais, de plus, les pieds de
la table sont constitués de plants de bambou
vivants. La matérialisation est peut-être
encore un peu approximative (connexions
en cordes, qui ne s'adaptent pas à la
croissance des bambous), mais l'idée est
Figure 5.2.2.3.xciv
46
(Gargiani, 2008), p. 7.
juste.
47
(Hilson, 1993) (traduction personnelle), p. 41.
48
Loc. cit.
49
BARONE Maria Chiara, "Piliers cruciformes et colonnes en fonte : le cas de la Bibliothèque Sainte-Geneviève
de Labrouste", in (Gargiani, 2008), p. 261.
50
Ibid., pp. 261-262.
51
Idem.
On peut remarquer que ces disques peuvent en même temps servir à boulonner ensemble des
segments produits séparément.
Ensuite, "Dans le cadre des recherches expérimentales menées par Eaton Hodgkinson, William
Fairbairn et Thomas Tredgold sur la section idéale des piédroits en fonte soutenant des charges
verticales, les piliers cruciformes en fonte présentent une résistance à la compression nettement
inférieure à celle des piliers cylindriques de mêmes dimensions.
Après la publication, dans les années 1840, des données relatives aux essais expérimentaux sur
la résistance des piédroits, qui confirment que la section circulaire présente la résistance
maximale, l'usage des piliers cruciformes se réduit progressivement."52
Mais "la section cruciforme reste la plus communément utilisée dans les magasins de Londres
52
Idem.
pendant tout le XIXe siècle grâce à un mécanisme de fusion très simple et donc économique par
rapport aux colonnes à section cylindrique creuse, théoriquement plus efficace".53
Plus tard, à l'époque moderniste, on retrouve cette forme bien sûr chez Mies van der Rohe.
"Dans la maison Tugendhat [à Brno], le pavillon de Barcelone [de 1929, composé de 4
cornières ; voir figures ci-dessous] et la Resor House, Mies expérimenta la colonne cruciforme
avec enveloppe ;
Figure 5.2.3.3.xcvii
à cette étape, soit après son départ pour les États-Unis, il entama un nouveau groupe de projets
avec la maison Farnsworth et la Fifty by Fifty Feet House (colonne monolithe en acier en double
T). La recherche sur la colonne cruciforme entra dans une nouvelle phase avec le projet pour le
Bacardi Building (colonne cruciforme en ciment) et se conclut avec le Schäfer Museum et la
Neue Nationalgalerie (colonne monolithe composée de la greffe de quatre ailes sur un noyau
cruciforme)."54
53
Idem.
54
POGACNIK Marco, "Mies van der Rohe et les métamorphoses de l'ordre", in (Gargiani, 2008), p. 445.
Figure 5.2.3.4.xcviii
"Un autre aspect qui caractérise la période américaine de Mies est la traduction des formes
architectoniques d'une technique constructive à l'autre, du ciment à la structure en fer et vice-
versa. Les exemples les plus connus sont les Promontory Apartments (1946-1947) et le Bacardi
Building à Cuba (1957-1962), où Mies travaille à la traduction en ciment de la colonne
cruciforme métallique, pour revenir à la technique du fer avec le Schäfer Museum (1960-1962),
puis la Nationalgalerie (1962-1968)."55
Cette forme a été considérée comme si emblématique de sa production qu'elle a été reprise pour
composer le trophée du prix Mies van der Rohe pour l'architecture contemporaine :(voir page
suivante).
Cette forme se retrouve ensuite dans le mouvement high-tech, qui exalte les formes
structuralement efficaces.
Exemple : passerelle à Knokke par Ney (2008) (voir page suivante).
55
Ibid., p. 451.
Figure 5.2.3.5.xcix
Figure 5.2.3.6.c
5.3.1. Généralités
Il y a plusieurs manières de faire cela :
- évider un profil droit : profils alvéolés, treillis ;
- faire varier le profil de la colonne.
Figure 5.3.2.1.ci
5.3.3. Treillis
On peut distinguer suivant que le treillis découle de l'évidement d'un tube, d'un profilé ouvert
ou d'un massif plein.
En plus de la légèreté, les colonnes en treillis apportent d'autres avantages :
- une transparence intéressante, aussi au vent ;
- plus de facilité pour les connexions avec d'autres éléments structuraux ;
- pour une utilisation dans l'espace public, la surface se prête moins aux graffitis.
Des désavantages sont cependant :
- comme la section doit être plus large pour résister, on y perd en encombrement ; mais le vide
Suivant que les étrésillons définissent ou non exclusivement des triangles, on peut distinguer
les treillis au sens strict et les Vierendeel. Ces dernières n'étant pas triangulées, elles travaillent
en flexion composée et non en traction-compression pure, et sont donc a priori moins efficaces
et par conséquent plus lourdes. Par contre, la plus grande transparence visuelle des Vierendeel
peut être utile.
Exemple : la piscine du Longchamp à
Uccle par Charles De Meutter & Jean
Koning (1967). Les colonnes-treillis
s'intègrent à la transparence de cette façade
entièrement vitrée.
Figure 5.3.3.1.cii
5.4.1. Généralités
Le moment parasite engendré par le flambement n'est pas réparti de manière homogène le long
de la colonne. De sorte qu'adapter la rigidité de la colonne, via les dimensions de sa section, le
long de celle-ci, permet, en ne mettant de la matière que là où elle est nécessaire, de gagner
encore en poids.
Classiquement, la variation de section consiste en une variation des dimensions extérieures
(galbe).
Par exemple, en ce qui concerne les colonnes haubanées, on a déjà noté précédemment que par
principe elles sont galbées, ce qui participe de leur efficacité.
éléments comprimés, on peut se référer à l'analogie avec le problème de la reprise des charges
transversales. On peut donc appliquer une charge virtuelle transversale et uniformément
répartie sur la colonne et construire une structure funiculaire à poussée compensée
correspondante, qui nous fournira directement la forme recherchée"56.
Il faut ensuite "révolutionner" les graphes autour de l'axe de la colonne, car on ne peut prévoir
dans quelle direction le flambement va se déclarer. Et pour les graphes présentant un point
d'inflexion, il faut "lisser" le tout, pour des formes plus faciles à produire et plus sûres en cas
de charge accidentelle. On obtient alors les allures suivantes :
Figure 5.4.2.1.
Ainsi, si la colonne est biarticulée (explicitement ou car constituée d'un matériau avec lequel il
est difficile de réaliser un encastrement, comme pour la maçonnerie), alors le galbe est
maximum à mi-hauteur ; on parle de fuseau57. C'est l'exemple des étançons de chantier.
56
(Muttoni, 2004).
57
Angl. : spindle-shaped post.
Si la colonne est articulée-encastrée, on obtient une forme en dôme effilé, à l'image du trajet
des contraintes dans un bloc de matière soumis aux mêmes conditions.
Exemple : église du couvent dominicain à
Lille (Pierre Pinsard et Neil Hutchison,
1965).
Figure 5.4.2.2.ciii
Figure 5.4.2.3.civ
Figure 6.2.cvi
1. Généralités
Pour franchir une portée entre des appuis, avec un profil praticable, deux voies peuvent être
suivies.
Une première consiste à travailler en flexion. La poutre simple, continue, est bien sûr la
première solution technique, aussi historiquement, mais elle montre assez rapidement ses
limites lorsque la portée augmente.
Une alternative est alors de travailler en traction ou en compression, en passant, en termes de
morphologie, aux chaînettes et arcs empruntés. La matière étant mieux exploitée dans la section
(absence de zone neutre), de plus grandes portées peuvent en effet être réalisées.
Chacun a ses propres logiques et requiert donc ses propres règles de conception, qu'il faut
combiner entre elles. Mais le fait est que le phénomène le plus prégnant est généralement la
flexion ; c'est pourquoi on va se focaliser sur elle.
On va d'abord brièvement rappeler les caractéristiques de ce mode de fonctionnement de la
matière. Ensuite, on verra les choix raisonnés que l'on peut faire dans le cadre de la conception
structurale d'une poutre, c'est-à-dire en termes de matériau constitutif, de morphologie et de
dimensions principales.
De plus, il faut que l'élément rejoigne ses appuis en ligne droite, sinon, en plus d'être soumis à
de la flexion, il le sera également en torsion.
Exemple : passerelle à Tallinn (Estonie)
(Tetsuo Kondo, 2011). Il y a des hors-
aplomb entre appuis, vu les courbes en plan
du tablier. C'est pourquoi la poutre utilisée
ne présente pas un des profils "idéaux"
présentés plus loin, mais est constituée d'un
tube rond, résistant en torsion. Ces
difficultés sont compensées par la largeur
restreinte conférée à la passerelle, de sorte
que maximum 1 personne puisse y marcher Figure 2.2.cx
Remarque : on peut relever la similarité avec ce qui se passe parfois dans les colonnes, alors
même qu'elles ressortent d'une autre fonction structurale "soutenir". Et en effet, le flambement
qui s'y développe consiste en de la flexion parasite, qui présente donc des caractéristiques
comparables ; mais il est important de cerner ce qui les différencie :
colonne poutre
secondaire (flambement),
primaire, due à un
origine de la flexion due à un chargement
chargement transversal
longitudinal
aléatoire ; elle doit donc être dans le plan des charges
direction de la flexion envisagée à 360° autour de (donc généralement le plan
l'axe vertical)
3. Choisir le matériau
Le matériau doit présenter une résistance et une rigidité suffisante. Si on rajoute le critère d'un
prix abordable, on n'aboutit qu'à un catalogue restreint de matériaux possibles : béton armé,
acier, bois…
4. Choisir la morphologie
4.1. Généralités
On peut distinguer plusieurs caractéristiques de la forme d'une poutre :
- les conditions d'appui ;
- la forme de sa section transversale ;
- l'allègement de son âme / partie médiane ;
- la forme de son profil longitudinal ;
situation de départ
maximum reste du même ordre de grandeur, même s'il n'apparaît pas au même endroit dans la
poutre. Par contre, côté déformation, l'amélioration est significative. Comme ce dernier critère
est souvent celui dimensionnant, cet avantage est appréciable.
Par contre, cela envoie le moment maximum dans l'appui, où il n'est pas évident de le reprendre,
dans la mesure où il s'agit en pratique du sommet d'une colonne ou d'un mur. Une manière de
résoudre ce problème est de créer un portique. Une manière de comprendre cette morphologie
est également de partir de la poutre à double porte-à-faux :
Figure 4.2.2.cxiii
Cependant, il faut être conscient que cela crée des montants dans l'espace, plus présents que de
simples colonnes ; ils doivent être intégrés architecturalement.
Historiquement, on peut remarquer que l'arrivée du béton armé a promu ce type de
morphologie : "[Les] portiques sont la structure essentielle de ces ossatures qui caractérisent
notamment l'architecture de Perret [par le monolithisme du béton armé]. Ils ne sont pas une
innovation du béton armé, mais en sont encore en 1939 le type structurel emblématique, souvent
marqué aux angles par des goussets. La difficulté constructive de la liaison très sollicitée entre
poutres et montants dans la construction en fer, les avaient réservés aux cas des halles où ils
constituaient de merveilleux "arcs sans poussée". Dans l'immense majorité des cas, la
construction métallique était employée pour les structures horizontales primaires alors que la
structure verticale demeurait en maçonnerie massive et piliers pendulaires isolés. On était loin
du "monolithisme" du béton armé qui a permis leur généralisation"58.
Une autre application de l'avantage des extrémités encastrées de retrouve dans la poutre
continue. En comparant une série de travées indépendantes (soit des poutres biarticulées) avec
des travées encastrées les unes aux autres, on observe encore une fois l'avantage en termes de
moment fléchissant.
Figure 4.2.3.cxiv
Figure 4.2.4.cxv
De même, cette configuration est difficile à réaliser en bois, mais est presque systématique en
béton armé.
58
CÊTRE Jean-Pierre, "La colonne du Musée des Travaux Publics de Perret", in (Gargiani, 2008), p. 424.
Désavantage 2 : plus difficile de faire varier le profil. Mais plus léger > moins important.
Figure 4.3.1.1.cxvi
On observe que les faces supérieure et inférieure fonctionnent comme deux "résistances" de
sens opposé, séparées par la hauteur de la poutre, cette dernière représentant donc le bras de
levier d'un couple interne résistant, s'opposant au couple exercé depuis l'"extérieur" par la
charge extérieure. La valeur maximale que peuvent prendre les "résistances" dépend du
matériau utilisé et donc on ne peut pas beaucoup jouer dessus ; par contre on peut jouer sur le
bras de levier via la forme de la section, et donc drastiquement changer la valeur du couple
interne résistant (couple = force x bras de levier).
L'idée est donc qu'on a intérêt à choisir une forme de section qui présente le plus grand
développement vertical possible. Cela mène aux formes rectangulaires "debout", et à écarter
celles couchées, carrées (sauf si tubulaire) ou rondes.
OK
Figure 4.3.1.2.
On peut remarquer que c'est pourquoi il faut a priori préférer les profilés I aux H, plus "écrasés"
et donc forcément moins efficaces. Ceux-ci devraient être réservés aux cas où il y a un problème
d'encombrement vertical, par exemple les bâtiments de plusieurs étages.
Figure 4.3.1.3.cxvii
Ensuite, il y a l'idée que ce sont les faces supérieure et inférieure qui "travaillent" le plus, tandis
que la zone médiane n'est que peu sollicitée. Au niveau de la géométrie de la section, on cherche
donc à concentrer la matière dans ces zones où elle sera exploitée au maximum. Cela mène aux
profilés I, H, T, U, aux tubes quadrangulaires, etc. À l'inverse, on évite les sections carrées
pleines ou rondes.
OK
Contre-exemple : la station de métro Delta à Bruxelles (1976).
Figure 4.3.1.4.cxviii
Les poutres présentent une section hexagonale et sont placées sur leur pointe, sans doute pour
des raisons esthétiques (on peut remarquer la coordination, inhabituelle, avec les fenêtres) –
même s'il est vrai que si on les avait placées "à plat", la hauteur structurale aurait été moindre.
Mais peut-être cette forme n'est-elle que celle d'un capotage masquant une section effective
plus sensée ?
Remarque : un choix sensé de forme de la section constitue une approche si efficace qu'elle
peut contrebalancer un matériau peu résistant.
Exemple : test de poutres en carton59 par le professeur Ricardo Resende à l'Istituto Universitário
de Lisboa (2012).
De même, il semble exister une tradition dans le Maghreb qui reconstitue en bois un profil
tendant vers le I à partir de vernes, en les coupant en deux (voir page suivante).
Aujourd'hui, on procède de manière plus industrialisée : voir page suivante le profilé I en bois
de Finnjoist. Les membrures sont en bois massif, et l'âme en panneau Kerto.
59
www.youtube.com/watch?v=63W5YWLebfU.
bridge [Pays de Galle, 1848], another tubular structure for railway traffic. Telford is known to
have used models for testing the behaviour of suspension bridges in the early part of the last
century." 60
Figure 4.3.2.1.cxxi
Figure 4.3.2.3.cxxiii
Figure 4.3.2.2.cxxii
Un profil fermé peut aussi être préféré aussi pour des raisons technologiques.
60
HOSSDORF Heinz, Model Analysis of Structures, éd. Van Nostrand Reinhold, Wokingham, 1974, p. 27.
Figure 4.3.2.4.cxxiv
Figure 4.3.2.6.cxxvi
4.4.1. Généralités
L'idée est de continuer sur cette lancée et d'alléger l'âme d'un profilé ouvert, qui sert surtout
d'écarteur entre les deux zones qui travaillent au maximum : les membrures. À cet effet, il existe
plusieurs stratégies possibles :
- réaliser l'âme dans un matériau moins résistant, par exemple du bois ou du plastique ; on
rejoint aussi quelque part le principe de la poutre en béton armé.
- évider l'âme : poutres alvéolées ou cellulaires ;
- remplacer l'âme par une structure gonflée.
- remplacer l'âme par un panneau en nid d'abeille.
Figure 4.4.2.1.cxxvii
61
Angl. : cellular beam, castellated beam. On l'appelle également "poutre Lytzka".
Figure 4.4.2.2.cxxviii
Figure 4.4.2.3.cxxix
Un problème est qu'à la production, il y a beaucoup de chutes. Un autre système a alors été
développé : on découpe l'âme d'une poutrelle en "dents de scie", on sépare les deux moitiés
ainsi obtenues, on décale et on ressoude. Cela produit pour les ouvertures un profil hexagonal
ou octogonal (= hexagonal + rehausse).
Figure 4.4.2.4.cxxx
Figure 4.4.2.5.cxxxi
Figure 4.4.3.1.cxxxii
Comme le boudin n'a plus qu'une fonction d'"écarteur", il n'est pas nécessaire de le mettre sous
une grande pression : Tensairity n'a besoin que de 1% de la pression d'air nécessaire dans une
structure pneumatique classique. Cette pression est si basse que :
- les pertes de pression naturelles (tissu, tuyaux, valves, etc.) sont très faibles et l'énergie
nécessaire pour les compenser est négligeable.
- en cas de perforation, accidentelle ou vandalisme, l'énergie nécessaire pour compenser la perte
est très réduite.
Ensuite, si le compresseur est en panne, la ruine est lente (plusieurs heures pour une grande
structure) avec des déformations évidentes (comportement plastique), ce qui laisse tout le temps
de réagir. Enfin, le poids propre est si faible que, en cas de perte totale de pression, les câbles
et la membrane sont suffisants pour soutenir le poids propre de la structure.
D'autre part, la pression réduite rend possible l'usage d'un matériau conventionnel pour la
membrane, et non un produit high-tech : des tissus en polyester-PVC, bon marché, aux fibres
de verre enduites de silicone ou de PTFE, jusqu'aux films transparents en ETFE. Les
membranes en fibre de verre, notamment, résistent bien à la chaleur, sont ininflammables et ne
produisent pas de fumées toxiques en cas d'incendie.
62
www.tensairitysolutions.com.
Exemple : passerelle à
Lanselevillard (France)
par Philippe Barbeyer
(2006).
Figure 4.4.3.2.cxxxiii
Poutre bi-appuyée
Exemple : bâtiments du "Gril d'Albert" sur le campus de Jussieu à Paris (Edouard Albert, 1968).
L'intention était de maintenir une transparence en rez-de-chaussée, de manière à ce qu'on puisse,
de n'importe quel point du campus, avoir une vue sur les quartiers environnants63. À cet effet,
des poutres de grande portée, en acier, sont utilisées pour soutenir le 1er étage, limitant ainsi le
nombre des supports verticaux. Pour en contrepartie alléger ces poutres de grande portée, un
profil variable leur a été conféré. Leur allure "en gondole" (dixit les témoignages de l'époque)
indique que les poutres sont biarticulées et que donc il n'y a pas de fonctionnement en portique.
Figure 4.5.2.cxxxv
63
http://arthur22.free.fr/Jussieu/jussieu.htm, au 10-2-2016.
Figure 4.5.3.cxxxvi
Figure 4.5.4.cxxxvii
Figures 4.5.5.cxxxviii
Lx2
Mextr x 4
- la déformée (sous charge répartie : avec la puissance 4), et donc le risque de flèche
inacceptable.
Lx2
δmax x 16
Lx2
hx2
Par exemple, en béton armé standard, en général on se limite à 7 m de portée, car cela
correspond déjà à 70 cm de hauteur, ce qui est gênant en termes de gabarit.
64
Elles ne sont pas présentées dans ce syllabus, mais on peut se référer à celles abordées dans le chapitre sur les
couvertures d'espace : certaines d'entre elles sont également applicables pour les praticables.
65
Angl. : camber.
Figure 5.2.cxl
Exemple : passerelle du MUCEM à Marseille par Ricciotti. L'armature inférieure est comme
une chaînette surtendue pour être horizontale, mais dont la poussée horizontale est reprise non
par les appuis mais les voussoirs, qui agissent comme butons.
Ces voussoirs, en partie haute, résistent
également à la compression correspondant à
la membrue supérieure de cette poutre.
L'addition de ces "deux compressions"
génère des contraintes très élevées, qui
correspondent au choix pour ce projet du
béton fibré à ultra-haute performance. Figure 5.4.cxlii
1. Généralités
Cette fonction structurale se distingue des autres par la grande variété de formes applicables.
De plus, on y adjoint fréquemment une structure primaire, ce qui démultiplie le nombre de
possibilités morphologiques. C'est pourquoi dans ce chapitre, on ne peut identifier de forme qui
serait la plus fréquente et sur laquelle on pourrait se focaliser. L'objectif ici va plutôt être de
donner les clés d'orientation qui permettent de s'y retrouver dans cette jungle de formes, de
comprendre suivant quels principes on peut les classifier, pour pouvoir aisément les passer en
revue et sélectionner celle qui convient au projet considéré.
On va d'abord aborder les couvertures d'espace proprement dites. Puis on présentera les
structures primaires avec lesquelles on peut les combiner, pour alléger et/ou augmenter les
portées.
2.1. Généralités
Dans la configuration "couvrir un espace", la charge est (peu ou prou)
perpendiculaire à la structure, d'où une similitude avec le problème du
praticable. Il y aura donc une certaine parenté entre les solutions structurales
appliquées dans les deux cas.
Pour autant, il reste entre les deux familles des différences décisives :
- une couverture d'espace ne doit pas être forcément horizontale plane ; au contraire, même : la
problématique de l'écoulement des eaux de pluie mène à éviter des surfaces qui soient
horizontales, pour écarter le risque de stagnation. Et plus un toit est pentu, plus la gamme des
matériaux d'étanchéité applicable est large.
- il y l'effet de soulèvement par le vent, qui fait qu'une toiture peut être à l'occasion soumise à
une charge verticale dirigée non plus vers le bas (poids propre, neige, ouvrier pour la
maintenance) mais vers le haut.
- comme toute surface extérieure du bâtiment, le toit va être soumis par le vent à une charge
supplémentaire, horizontale (même s'il est horizontal plane, par frottement). Cela ne recouvre
pas exactement la notion de contreventement, où il s'agit plutôt de transmettre une charge
horizontale ; ici, le toit reçoit la charge de vent.
Cependant ces deux cas de charge "exotiques" liés au vent ne sont pas prédominants, et ne
seront donc pas considérés dans ce cours.
Le fait que la morphologie ne soit pas contrainte de rester horizontale plane explique
l'extraordinaire richesse du vocabulaire formel des toitures, univers dans lequel il serait facile
de se perdre. Une manière de classer les différentes morphologies de couverture d'espace, d'un
point de vue structural, consiste à distinguer le nombre de courbures qu'elles présentent : 0, 1,
2 concourantes ou 2 divergentes66.
66
Exceptionnellement, dans le cas de 2 courbures combinées, une même morphologie pourrait présenter les deux
types de combinaisons. Par exemple, un tore coupé en deux dans son plan : sa moitié intérieure présente des
courbures divergentes, tandis que sa moitié extérieure présente des courbures convergentes.
2 courbures 2 courbures
0 courbure 1 courbure
convergentes divergentes
Figure 2.1.1.cxliii
Remarque : le terme de "courbure" doit ici être pris au sens large de concavité / convexité, qui
peut être obtenue aussi par des plis, donc de manière anguleuse et non pas strictement courbe.
Figure 2.1.2.cxliv
Pour autant, ce n'est pas parce que l'on développe une forme avec des courbures qu'elle va
travailler automatiquement en traction-compression :
Cela dépend donc de la forme des courbures et de la position des appuis. C'est pourquoi il est
nécessaire de connaître les "bonnes" morphologies. Explorons-les, famille par famille.
2.2.1. Généralités
Une telle morphologie plane peut être réalisée de deux manières différents :
- une plaque pleine rigide, soumise à flexion, disons une dalle, même si elle n'est pas
nécessairement disposée horizontalement ;
- une membrane fortement tendue sur un cadre plan, soumis lui à flexion composée. Ce système
ne peut évidemment apporter d'isolation acoustique ou thermique, et ne convient donc qu'à
une gamme restreinte de programmes.
Voyons-les séparément.
2.2.2. Dalles
2.2.2.1. Généralités
Nous allons discuter brièvement la question des conditions d'appui que cette morphologie
requiert ou dont elle peut s'accommoder. Ensuite nous verrons qu'elle présente toute une série
de problèmes, tant structuraux que fonctionnels. C'est pourquoi nous explorerons enfin les
différentes manières de pallier ceux-ci au stade de la conception.
Figure 2.2.2.2.1.cxlv
67
www.ney.be/fr/project/misumi-canopy.html.
Figure 2.2.2.2.3.cxlvii
2.2.2.3.1. Généralités
En tant que l'une des figures phare du modernisme, cette morphologie est très répandue
aujourd'hui. C'est aussi dû au fait qu'étant aisée à réaliser (coffrage et armaturage simples), elle
est également bon marché, puisqu'en Europe de l'Ouest, la composante la plus importante du
prix est souvent non la matière mais la main d'œuvre. Pour autant, cette morphologie présente
en réalité une série de problèmes, tant structuraux que techniques et fonctionnels.
Ensuite, sur un toit plat, la neige peut s'accumuler et générer une importante surcharge, dont le
dimensionnement doit tenir compte (ce qui alourdit encore la structure). Cet effet est
particulièrement présent à l'heure actuelle avec le renforcement de l'isolation des bâtiments qui
empêche la chaleur de s'échapper et de réchauffer les toitures.
Exemple : effondrement du toit de l'église de Lutselus à Diepenbeeck le 25 décembre 2010,
quelques heures à peine après la messe de minuit…
Au Québec, le déneigement de toitures (même inclinées) est ainsi un service commercial qui
est proposé, car les chutes de neige à répétition entrecoupées de phases de gel peuvent créer
une accumulation dangereuse de charge.
Figure 2.2.2.3.2.4.cli
68
Conférence de Ph. Samyn au CIVA le 12 mars 2008.
69
www.lesoir.be/171059/article/2018-08-02/une-penurie-de-bitume-menace-lavancee-des-chantiers.
Derbigum, essaye d'ailleurs de s'en détacher en développant des alternatives à base végétale70.
Figure 2.2.2.3.4.1.cliii
Mais "déjà dans les bâtiments de Le Corbusier, l'idée n'avait pas marché [?], et à partir des
années 1960, elle s'est montrée infructueuse. Nous avons tout de même gardé le type de
construction en toit-terrasse, l'espace vidé de sa fonction sociale [c'est-à-dire de son programme
de terrasse] est devenu un lieu invisible auquel on ne peut pas accéder sauf pour des questions
techniques."
70
https://derbigum.be/fr/etancheite/etancheite-vegetale/.
71
Les citations de ce point sont tirées de CINEL Andrea, "Sur les toits, à perte de vue", Argos Mag, n°2, avril-juin
2011, Bruxelles.
Figure 2.2.2.3.4.2.cliv
Cela rejoint dans l'esprit la tendance spontanée des usagers à réinvestir les toits plats dès qu'ils
sont peu ou prou accessibles pour en faire des terrasses, au détriment de la sécurité.
Autre problème : à moins d'être transparent, un toit plat n'autorise pas de prise de lumière
naturelle, contrairement à tous les autres systèmes, qui présentent des surfaces proches de la
verticale, pouvant aisément être vitrées. Il existe certes à présent des solutions pour toits plats
(notamment chez Velux), mais cela reste techniquement délicat, vu l'étanchéité à réaliser en
même temps. Un autre problème est que cela s'encrasse vite car moins lessivé par la pluie… et
cela se voit !
Enfin, "le toit plat supprime […] un espace précieux : le grenier [alors que c]e que l’on investit
dans le renforcement du plafond pour supporter [un] toit végétal[isé] suffit pour la construction
d’un bon grenier. Ce dernier constitue un espace de rangement intéressant. Lorsque la famille
s'agrandit, on apprécie la possibilité d’aménager quelques chambres sous les combles."73. Autre
point de vue : "N'est-il pas triste de construire des maisons sans grenier ? C'est à déplorer, bien
72
www.paris-art.com/crier-sur-les-toits, http://jordicolomer.com/index.php?lg=3&id=19&prid=88.
73
www.eautarcie.com/Eautarcie/3.Eau_de_pluie/A.Construire_la_citerne.htm.
sûr. Le grenier est le lieu de la mémoire, celui où s'entassent les souvenirs, c'est magique…
Demandez aux enfants qui adoraient ouvrir les malles à souvenirs, jouer au théâtre avec des
vieux vêtements, regarder des photos d'antan… Une maison sans grenier, c'est un peu une
maison sans tête, oui. Sans passé"74.
2.2.2.4.1. Généralités
On peut essayer d'agir successivement sur tous les éléments qui interviennent dans le
dimensionnement de la dalle de toiture :
cible stratégie
portée L ajouter un structure primaire (voir ce chapitre)
charge p incliner le toit pour diminuer la charge de neige à considérer
moment fléchissant
encastrer les bords
M
travailler la forme de la section transversale de la plaque pour
contrainte
augmenter la rigidité
déformation précontraindre
poids propre évider les zones peu sollicitées
Ces différentes stratégies peuvent (et devraient…) être combinées entre elles.
74
ESTRADE Patrick, in MISSIR DE LUSIGNAN Laetitia, "Dis-moi comment tu habites…", Bioinfo, n°92, septembre
2009.
Remarque : dans une certaine mesure, toute cette réflexion recoupe celle sur les praticables
surfaciques, vu la similitude de la forme considérée. Quand ce chapitre sera vu (en Structures
3), il sera donc utile de revenir à celui-ci pour les comparer et en cerner autant les ressemblances
que les spécificités.
Passons ces différentes stratégies en revue.
= =
⁄ ′
= = .
C'est-à-dire que le moment maximum est identique à celui qui se développerait dans le cas
horizontal correspondant (à même longueur horizontale L) ! Sauf que deux éléments négatifs
sont venus s'y ajouter :
- la longueur sur laquelle il va falloir mettre en place une section capable de résister à ce moment
est plus longue (L'>L), et le volume de la dalle sera donc plus élevé ;
- à ce moment fléchissant se rajoute de la compression engendrée par ′∥ (ou de la traction,
suivant la position de l'appui simple) ; l'élément est donc en flexion composée.
Tous ces effets sont moins prononcés si on porte non pas dans le sens de la pente, mais
perpendiculairement à celle-ci, en reliant des supports eux-mêmes inclinés.
Cependant, dans tous les cas un élément extérieur change, par rapport au cas du toit
horizontal : la charge de neige à considérer diminue, ce qui peut compenser partiellement
l'augmentation de sollicitation.
De même, sur d'autres plans, l'inclinaison du toit présente plusieurs avantages indéniables :
- techniquement : l'étanchéité est plus aisée à assurer, un plus grand nombre de revêtements est
applicable ;
- architecturalement : gain en termes d'expression, de gabarit intérieur, de dégagement d'espace
pour un grenier, etc.
Exemple : pavillons à Sainctelette à
Bruxelles. On observe une combinaison
de pans inclinés.
Figure 2.2.2.4.2.1.clv
Si néanmoins le toit doit être gardé plat pour d'autres raisons, on se posera utilement les
questions suivantes :
- est-ce que je peux en faire une terrasse ? Sans oblitérer les lourdes conséquences que cela a :
on passe d'une toiture à un praticable, dimensionné pour reprendre des charges plus élevées et
donc plus lourd ; inclusion d'un accès et de garde-corps.
- est-ce que je peux verduriser ce toit plat, pour l'inertie thermique et le soutien à la
biodiversité ?
- est-ce que je peux le percer pour ménager des prises de lumière naturelle ?
Figure 2.2.2.4.3.1.clvi
Cet avantage est encore plus prononcé si le bord libre de la dalle est non pas rectilinéaire mais
courbe, car cela va lutter contre le déversement du rebord.
2.2.2.4.4.1. Généralités
Cette augmentation de la hauteur structurale peut s'obtenir par plusieurs manipulations
géométriques de la dalle, qui en préservent la continuité, pour l'étanchéité : plisser, onduler ou
cintrer (perpendiculairement à la portée). Dans tous les cas, cette augmentation de la rigidité
implique que la contrainte maximum qui se développera dans la dalle sous un moment
fléchissant déterminé sera plus faible, de sorte que l'épaisseur de matière qu'il sera nécessaire
de mettre en place sera réduite et l'ensemble donc plus léger. Cela élargit la gamme de matériaux
envisageables : "La raideur élevée provient de la forme de la structure plutôt que de la rigidité
Th. VILQUIN @ ULB Architecture 138
Fonctionnement des structures 1 2019-2020
du matériau, et pour cette raison les formes de plaque plissée [et autres] sont particulièrement
appropriées pour des matériaux de faible module tels que les plastiques et le bois."75
2.2.2.4.4.2. Plisser
Illustration de la rigidité obtenue en pliant :
"Death by paper football" (Brock Davis,
2009).
Figure 2.2.2.4.4.2.1.clvii
La ligne des plis doit être parallèle au sens de portée de la plaque. Cette forme ne place pas
énormément de matière aux fibres extrêmes (par comparaison aux ondulations ou aux sections
profilées, par exemple). En revanche :
- elle augmente la pente locale, ce qui est favorable à l'étanchéité (hors raccords dans les
creux) ;
- on peut la réaliser dans la plupart des matériaux.
Exemple en acier :
carport à Theux par
Henry + Evrats76
(2009). La tôle fait 3
mm d'épaisseur. On
remarque l'écho aux
colonnes en V qui le
soutiennent d'un côté.
Figure 2.2.2.4.4.2.2.clviii
75
(Hilson, 1993), p. 95 (traduction personnelle).
76
www.he-architectes.be/040-car-port-lb.
Figure 2.2.2.4.4.2.3.clix
Exemple en bois : chapelle de Saint-Loup à Pompaples (Suisse), par Localarchitecture & Yves
Weinand (2008). Les plaques en CLT sont connectées à l'aide de plats métalliques.
Figure .2.2.4.4.2.4.clx
Un problème possible de la forme plissée est que, sous charge (notamment une charge
ponctuelle), les plis s'écrasent et que l'on perde ainsi la hauteur structurale, donc la rigidité.
C'est particulièrement sensible aux extrémités plissées. Une manière de contrer cela est de fixer
ces extrémités à un élément plan transversal. Ensuite, un écrasement à mi-portée reste possible.
Une solution du même type peut être apportée à cet endroit-là également : "Si un diaphragme
était disposé à mi-portée, en collant des pièces triangulaires […] par-dessus comme illustré à la
figure [ci-dessous], ou par-dessous, alors des changements dans la géométrie à mi-portée
pourraient être maîtrisés et le diaphragme agirait aussi comme un raidisseur pour les éléments
de poutre aux points d'application de la charge ponctuelle, maîtrisant ainsi la tendance au
voilement.
De plus grandes résistances pourraient
être atteintes avec ces modèles
modifiés, et au fur et à mesure du
chargement, d'autres modes de ruine
apparaîtraient, similaires à ceux
trouvés lors de l'étude de la poutrelle en
I."77
Figure 2.2.2.4.4.2.5.clxi
Enfin, les arêtes en compression peuvent se "croquer" suite au déversement, comme dans les
poutres.
Exemple : salle de conférences / congrès de l'Unesco à Paris, par Breuer, Nervi & Zehrfuss
(1953). Le plan plissé est combiné avec une "dalle" courbe, les deux s'interpénétrant. La
position en hauteur de la dalle varie le long des plis, de manière à venir bloquer le déversement
de la partie du "V" qui est en compression. En effet, cette zone varie le long des V, car il s'agit
ici d'une portée bi-encastrée ; le moment change donc de signe au fil de la portée. La "vague"
ainsi créée contribue également à la bonne acoustique du lieu.
moment fléchissant
Figure 2.2.2.4.4.2.6.clxii
77
(Hilson, 1993), p. 94 (traduction personnelle).
Figure 2.2.2.4.4.2.7.clxiii
2.2.2.4.4.3. Onduler
Cette forme ménage plus de matière aux fibres extrêmes que le plissage. Mais au niveau des
matériaux, pratiquement seul le métal permet de la réaliser à un coût abordable.
Exemple : hangar agricole à Geer par AIUD (2003) (voir page suivante).
Remarque : la toiture est également légèrement inclinée. Mais la pente est trop faible que pour
que l'inclinaison puisse être considérée comme une stratégie de conception structurale de la part
de l'architecte : cette pente découle sans doute uniquement des impératifs techniques, pour que
de l'eau ne puisse stagner sur la toiture et risquer de la faire rouiller.
Figure 2.2.2.4.4.3.1.clxiv
Morphologie et programme :
- l'aspect industriel de ce profilé métallique standard est cohérent pour un hangar agricole,
programme utilitaire ; par ailleurs, ce côté industriel est contrebalancé par le soin apporté aux
détails techniques ;
- le profil ondulé crée des ouvertures le long de la ligne d'appui, ce qui contribue à l'aération.
Morphologie et contexte interne :
- cette toiture marquée par les obliques contraste sur le plan géométrique avec le cloisonnement
des côtés du hangar, qui se marque, lui, par l'horizontalité et l'orthogonalité (en plus d'un
matériau différent) ;
- en revanche, ces deux ensembles relèvent du même minimalisme.
Morphologie et contexte externe : l'aspect industriel contraste certes avec l'environnement
naturel, mais ce hangar fait logiquement partie d'un ensemble de bâtiments agricoles, du même
style. C'est partiellement compensé par le recours au bois pour les parois latérales.
Matériau et dimensions principales : l'acier permet effectivement, aidé de l'ondulation, de
franchir la portée significative demandée.
Matériau et programme : l'acier participe du côté industriel de ce programme utilitaire. Il
n'apporte aucune protection thermique, mais ce n'est pas nécessaire pour cette construction
ouverte.
Matériau et contexte : on retrouve les contrastes déjà observés entre la morphologie et le
contexte, tant au niveau du rapport au bardage bois que de l'environnement naturel.
Dimensions principales et programme : rien de spécial à relever.
Dimensions principales et contexte interne : un porte-à-faux est ménagé au toit, qui permet de
rejeter l'eau de pluie à une distance suffisante du bardage bois.
Dimensions principales et contexte externe : dans cet environnement ouvert, les dimensions
peuvent effectivement se permettre d'être conséquentes, sans sembler envahissantes pour
autant.
Pour être tout-à-fait complet, on peut aussi considérer un 3e "pôle", la technologie, c'est-à-dire
la mise en œuvre. On remarque ici une bonne conjonction avec la morphologie : l'ondulation
est réalisée par le recours à un profilé de palplanche standard, produit préfabriqué disponible
sur catalogue et donc relativement bon marché. Cette économie convient bien à un tel
programme utilitaire, qui ne vise qu'à offrir un abri basique à du bétail.
En conclusion, on peut donc dire que la conception structurale de ce projet, qui aurait pourtant
pu ne faire l'objet d'aucune ambition particulière, est de qualité. Certains contrastes existent
avec l'environnement, mais ils restent compréhensibles et non gênants.
Figure 2.2.2.4.4.3.2.clxv
Th. VILQUIN @ ULB Architecture 144
Fonctionnement des structures 1 2019-2020
Figure 2.2.2.4.4.4.1.clxvi
Remarque : c'est à bien distinguer des voûtes et nappes à une courbure (vues plus loin), qui elles
sont non pas droites mais courbées entre appuis, dans le sens de la portée.
Exemple en béton armé : église de Shonan78 à Sagami Bay dans la préfecture de Kanagawa
(Japon), par Takeshi Hosaka (2014 ?). Les couvertures cintrées servent également à la bonne
acoustique du lieu et à une utilisation symbolique de la lumière naturelle.
Figures 2.2.2.4.4.4.2.clxvii
78
www.hosakatakeshi.com/english/works-projects_en/shonan_en.html.
79
www.epfl.ch/labs/ibois/page-102460-en-html/completed-projects/mendrisio-pavilion.
Figure 2.2.2.4.4.4.3.clxviii
2.2.2.4.5. Précontraindre
Dans le cas du béton armé, on peut envisager des éléments précontraints, généralement
unidirectionnels (hourdis préfabriqués).
2.2.2.4.6.1. Généralités
Tout comme pour les poutres, l'évidement vise à ôter la matière là où elle n'est pas nécessaire
(zone neutre), et peut mener à des profils ouverts ou fermés80.
80
Pour une discussion plus complète, on renvoie à l'application de ce principe pour les dalles praticables (abordées
en Structure 3), dont on peut également s'inspirer pour des toits plats.
séparés par des joints en caoutchouc. L'idée était de fournir un éclairage naturel diffus. La forme
creuse de l'ensemble abritait de l'éclairage électrique complémentaire.
Figures 2.2.2.4.6.2.1.clxix
Exemple : pavillon temporaire Smart sur le chancre de l'avenue de la Toison d'Or (janvier
2010). Ces cadres variés ne génèrent pas des surfaces planes entre eux (plutôt des "hypars" –
voir plus loin), mais les "boudins" gonflés, assimilables à des "poutres pneumatiques", vont
bien en ligne (quasi) droite d'un cadre à l'autre. On peut remarquer que les coutures déviées des
"boudins" gonflés participent à l'expression géométrique non-standard du pavillon en général.
Figure 2.2.2.4.6.2.2.clxx
Figure 2.2.2.4.6.3.1.clxxi
Une telle complexité de coffrage a été abandonnée par la suite au profit d'un simple gaufrage
orthogonal régulier. Mais les techniques de production contemporaines rendent à nouveau
possibles des formes plus élaborées.
Exemple : extension d'une maison à Kessel-Lo (ORG – Permanent Modernity81 + Util82, 2014).
"Pour la toiture de cette transformation, on a opté pour des ailettes découpées au laser à partir
d’une tôle d’acier [en leur conférant en tout point la hauteur nécessaire pour reprendre le
moment fléchissant]. Elles sont soudées entre elles pour donner un ensemble rigide. Cela donne
un caisson de 750 x 580 cm, avec des bords très minces et une voussure inversée au centre de
l’espace. En haut des ailettes, une tôle de 5 mm d’épaisseur a été soudée sur laquelle on a pu
81
http://elements.orgpermod.com/projects/mono-roof.
82
http://util.be/fr/selection/org/extention-d-une-maison-leuven.
Figure 2.2.2.4.6.3.2.clxxii
Figure 2.2.2.4.7.1.clxxiii
83
www.infosteel.be/images/magazine/info-steel-55/35/index.html#zoom=z, au 10-5-2019.
84
www.facebook.com/dgtarchitects.
Figure 2.2.3.1.clxxiv
85
www.ney.partners/fr/project/economy-pavillion.html.
86
LEMOINE Bertrand, in Architecture Acier Construction, n°6, décembre 2007.
2.3.1. Généralités
Deux processus de génération sont possibles :
- le développement d'une forme courbe suivant une ligne (ce qui mène à une structure principale
en arc et une structure secondaire linéaire) : les voûtes et nappes, dont la combinaison spatiale
génère aussi les voûtes d'arête et les dômes ;
- le développement d'une forme rectilinéaire en symétrie centrale (ce qui mène cette fois à une
structure principale linéaire et une structure secondaire courbe) : les cônes.
On n'abordera ici que la première de ces deux familles, plus courante.
Ces formes funiculaires sont sujettes à :
- l'existence de réactions horizontales, toujours problématiques à reprendre ;
- la nécessité d'une stabilisation envers les charges variables ; c'est d'autant plus important que,
comme on l'a vu, au poids propre se rajoute ici une charge variable particulière : le vent.
2.3.2. Voûtes
Tout d'abord, il est important de comprendre que la technique de l'encorbellement ne produit
pas une voûte au sens structural du terme. En effet, le joint entre les pierres y reste horizontal,
et donc non sollicité uniquement en compression, avec les risques de glissement que cela
amène. Dans un véritable arc, les voussoirs sont taillés de telle manière que les joints soient
perpendiculaires à la génératrice.
Exemple d'encorbellement : les cabanes en pierre sèche ("bories") du Sud de la France (19e s.)
(voir page suivante).
Figure 2.3.2.1.clxxv
Figure 2.3.2.2.clxxvi
Après, comme annoncé, il y a toujours la question de savoir comment vont être reprises les
Figure 2.3.2.3.clxxvii
Enfin, en ce qui concerne la stabilisation sous charge variable, il s'agit de rigidifier la voûte, par
des procédés similaires à ceux présentés pour la dalle.
Exemple : silo à riz à Vergana (Uruguay) par E. Dieste (1978) (voir page suivante). La voûte
en brique est ondulée.
2.3.3. Nappes
Comme il n'y a pas de flambement, des
élancements plus grands sont possibles.
Au niveau des matériaux, on retrouve les
tissus (pour les velums) et membranes, et le
métal.
Remarque : le béton, en soi, ne peut
reprendre de traction, de sorte qu'une nappe
en béton se compose en réalité de câbles en
chaînette, combinés avec une couverture
plate en béton (qui contribue aussi, par son
poids et sa raideur, à la stabilisation de
l'ensemble).
Figure 2.3.2.4.clxxviii
Par contre, cela entraîne des réactions horizontales plus préoccupantes (fortes et en hauteur).
La gestion de l'écoulement des eaux constitue également un point d'attention.
Exemple : toilettes publiques Halftecture Minami à Osaka par Shuhei Endo (2006) (voir figure
page suivante). C'est la reprise de la réaction horizontale aux extrémités de la nappe qui a généré
la forme en trépieds des montants d'appui ; de simples montants verticaux auraient bien du mal
à remplir le même rôle.
Concernant la nécessaire stabilisation, elle est particulièrement cruciale pour les velums et
membranes, car leur matériau ne présente pas de rigidité propre.
Exemple : restaurant pour Petrofina à Bruxelles par Samyn (1995) (voir page suivante) (bien
qu'à proprement parler, on se trouve plutôt face à une structure primaire en chaînettes, refermée
par des panneaux plans en verre). La stabilisation de la nappe est opérée en la refixant sur une
série de poutres, qui créent ainsi des points fixes. Ces poutres sont elles-mêmes sous-tendues,
pour les rendre moins obstructives à la lumière. Remarquer ensuite l'inclinaison des montants
qui soutiennent ces poutres, correspondant au sens de la poussée éventuelle par la nappe. Cela
crée également un motif rayonnant qui ornemente le mur.
Figure 2.3.3.1.clxxix
Figure 2.3.3.2.clxxx
2.4.1. Généralités
Comme pour les couvertures d'espace à une seule courbure, cette morphologie peut se
développer vers le haut en version soumise à compression, ou vers le bas en traction (encore
une fois appelées nappes, mais moins fréquentes). Les différentes formes possibles se
distinguent suivant que :
- elles découlent d'une rotation axiale (coupoles) ou non (dômes) ;
- la forme de base est funiculaire ou non (coques).
En compression, ces formes présentent l'avantage de s'appuyer sur le sol suivant une ligne
continue plutôt que de se concentrer sur des points ou des segments linéiques. Dès lors, les
fondations nécessaires sont superficielles, et cette morphologie peut être envisagée sur tous
types de terrains.
Passons ces différentes modalités en revue.
2.4.2. Coupoles
Le fonctionnement uniquement en compression autorise l'usage de matériaux low tech aussi.
Exemple : marché central à Koudougou (Burkina Faso) par Swiss Agency for Development and
Cooperation (SDC) / Laurent Séchaud (2005) (voir page suivante). Les coupoles s'appuient sur
des arcs, de manière à ouvrir le périmètre d'appui et permettre la circulation dans cet espace
public. Elles sont construites en terre stabilisée, matériau traditionnel local.
De par sa symétrie centrée, cette morphologie présente aussi une bonne résistance aux séismes.
Le fonctionnement "en anneaux" fait que le sommet de la coupole n'est pas indispensable à sa
stabilité, de sorte qu'il soit possible d'y découper un oculus.
Exemple : le Panthéon87 à Rome (125) (voir page suivante).
87
Il a inspiré à Marguerite Yourcenar le passage suivant : "la sphère creuse qui contient tout. C'était aussi la forme
de ces huttes ancestrales où la fumée des plus anciens foyers humains s'échappait par un orifice situé au faîte. La
coupole, construite d'une lave dure et légère qui semblait participer encore au mouvement ascendant des flammes,
communiquait avec le ciel par un grand trou alternativement noir et bleu. Ce temple ouvert et secret était conçu
comme un cadran solaire. Les heures tourneraient en rond sur ces caissons soigneusement polis par des artisans
grecs ; le disque du jour y resterait suspendu comme un bouclier d'or ; la pluie formerait sur le pavement une flaque
pure ; la prière s'échapperait comme une fumée vers ce vide où nous mettons les dieux." (Mémoires d'Hadrien, éd.
Gallimard, Paris, 1974).
Figure 2.4.2.1.clxxxi
Au niveau de la forme, encore une fois celle "juste" n'est pas dérivée de la sphère, mais
paraboloïde.
Exemple : projet d'hôtel à New-York par Gaudí en 1908.
Figure 2.4.2.3.clxxxiii
La reprise des réactions horizontales en pied, à moins de disposer d'appuis simples, se fait
généralement à l'aide d'une ceinture (quoiqu'un assemblage de tirants, un peu comme une roue
de vélo posée à plat, serait envisageable, mais encombrante et plus lourde).
La stabilisation, elle, emprunte à nouveau les dispositifs déjà vu pour rigidifier une dalle de
toiture.
2.4.3. Nappe
Il s'agit d'une configuration assez rare, notamment parce qu'elle est difficile à stabiliser, et parce
qu'elle pose un problème d'évacuation des eaux de pluie.
Exemple : au centre de la Rotunda, pavillon à l'exposition russe de 1896 à Nizhny Novgorod
(Russie) par Vladimir Shukhov (voir page suivante).
Figure 2.4.3.1.clxxxiv
Figure 2.5.2.clxxxvi
Figure 2.5.1.clxxxv
3.1. Généralités
Tout comme dans les structures soutenant un praticable, on peut souvent distinguer dans les
couvertures d'espace s'aident fréquemment d'une structure primaire pour réduire les portées à
franchir et donc le poids. D'ailleurs, toutes les structures primaires déjà vues pour les praticables
peuvent servir de structures primaires pour une couverture d'espace :
- structures funiculaires : arc / câble parabolique ;
- les morphologies diagonales : haubans / butons ;
- les poutres, treillis et portiques ;
Néanmoins, elles sont ici revues séparément, de manière à présenter les spécificités du cas
"couvrir un espace". Leur arrangement spatial peut suivre différentes logiques : alignement le
long d'une droite ou d'une courbe, réseau orthogonal ou hexagonal, disposition radiale,
juxtaposition aléatoire, etc.
S'y rajoutent toutes les morphologies de couverture d'espace proprement dites, sous leur forme
évidée88 : percées par alvéoles, réduction à un filigrane en treillis, etc.
En pratique, la relation entre structure primaire et secondaire peut se moduler suivant deux
voies :
- la structure primaire est autostable, et la structure secondaire se borne à venir "couvrir les
trous" ;
- la structure secondaire non seulement achève de "fermer les trous" mais contribue également
à la stabilité de la structure primaire.
Explorons les différentes morphologies possibles.
88
Voir par exemple www.archistructures.org.
Figure 3.2.1.1.clxxxvii
Figure 3.2.2.1.clxxxviii
Figure 3.2.3.1.clxxxix
3.3. Funiculaires
3.3.1. Généralités
On retrouve, en version en compression, les arcs, et en traction, les chaînettes.
3.3.2. Arcs
Exemple d'arrangement parallèle : couverture des quais à la gare de Leuven par Samyn (2001)
(voir page suivante). Les arcs principaux soutiennent ensuite une couverture d'espace
proprement dite en voûte (d'où la présence des arcs secondaires), rigidifiée par ondulation.
Figure 3.2.4.1.cxc
Figure 3.3.2.1.cxci
Exemple d'arrangement radial : crypte de la Colònia Güell à Barcelone par Gaudí (1898-1917).
Les arcs en briques sont organisés autour d'un axe vertical central, puis couverts par une dalle.
Ensuite, comme toujours avec les
funiculaires, il a les problématiques de la
reprise des réactions horizontales (surtout
quand elles se trouvent en hauteur) et de la
stabilisation sous charge horizontale ou
asymétrique.
Exemple : musée du C