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L'Express du 28/02/2005 – www.lexpress.

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Télé, patrons, écrivains, artistes, sportifs…
Combien ils gagnent

par Bruno Abescat, David Bensoussan, François Busnel, Christophe Carrière, Bertrand
Dermonco urt, Felix Edwards, Gilles Gaetner, Benjamin Masse-Stamberger, Gilles
Médioni et Renaud Revel

Quoi de commun entre le compositeur et chef d'orchestre Pierre Boulez et l'humoriste Jean-
Marie Bigard; Lindsay Owen-Jones, président de L'Oréal, et le comédien Gérard Jugnot;
l'animateur-producteur Arthur et le footballeur Zinedine Zidane? Tous ces Français sont
riches. A millions. Ils tiennent le haut du pavé parmi les citoyens les mieux rémunérés de
l'Hexagone. Ce sont des stars dans leur domaine, mais certains sont aussi totalement inconnus
du grand public. Intellos ou non, vieux nababs ou nouveaux riches, les uns managent des
dizaines de milliers de salariés, d'autres opèrent en solo. Mais tous - patrons, chanteurs,
sportifs, écrivains, politiques, comédiens… - sont argentés. Bien au-dessus du lot.

A l'heure où les Français, en quête de gains faciles, se rêvent en millionnaires et n'ont jamais
été si nombreux à jouer, gratter, parier - près de 40 millions, l'an dernier, ont tenté leur chance
au moins une fois, dépensant quelque 33 milliards d'euros dans les casinos, au Loto ou au
PMU - L'Express vous présente la bonne fortune de ces heureux élus. Classés en 10
catégories. Une sorte de typologie des nantis, une autre France d'en haut.

Trois observations. 1. Au-delà de leur rétribution fixe, ces professionnels - généralement


infatigables travailleurs - bénéficient souvent d'une part variable, confortable, qui leur permet
d'arrondir leurs fins de mois. Les patrons, c'est connu, profitent de plans d'options. Mais les
sportifs empochent de juteux contrats publicitaires; les animateurs télé perçoivent les
dividendes de leurs sociétés de production; acteurs, chanteurs ou humoristes encaissent les
royalties des produits dérivés (comme les DVD) … 2. Force est de constater que les femmes
sont quasi absentes des classements. Comme quoi, même au sommet de la pyramide, il reste
du chemin à parcourir en matière d'égalité de traitement. 3. Dès qu'on la montre du doigt,
cette gent prospère (ou son entourage) s'empresse de souligner qu'elle est loin d'abuser, à
l'aune de ce que ses homologues touchent à l'étranger. Sur l'échelle des revenus, les Frenchies
restent modestes. Vous enviez les 14 millions d'euros annuels de Zizou, mais voyez donc du
côté du champion américain de golf Tiger Woods ou du pilote allemand Michael
Schumacher!

Bref, tout est relatif. Les sceptiques pourront se consoler en méditant cette (haute) pensée:
«Dieu a créé les riches pour donner aux pauvres le paradis en spectacle.»
Sportifs
Allez le foot!

par Félix Edwards

Le métier de footballeur est bien le plus lucratif de la planète sport: sur les 10 sportifs français
les mieux payés en 2004, 7 sont des «footeux»! En tête figure toujours l'inévitable Zinedine
Zidane, avec 14 millions d'euros par an. Thierry Henry (8,5 millions) et Patrick Vieira (7), les
compères d'Arsenal, complétant ce podium de millionnaires. Rien d'étonnant à cela: l'inflation
des salaires, alimentée par la surenchère des droits télévisuels et la concurrence effrénée entre
les clubs européens, semble illimitée. Et encore, la France, dans ce domaine, n'est-elle qu'une
nation de seconde zone: au niveau international, Zinedine Zidane - le premier et le seul
tricolore du Top 50 mondial établi par le magazine américain Forbes en août 2004 - n'est
classé que 42e. David Beckham pointe, lui, à la 8e place avec 22,5 millions d'euros de
revenus. Il n'empêche que, même s'il n'évolue plus chez les Bleus, Zidane reste un poids
lourd. Son salaire brut s'élève à 6 millions d'euros par an, auxquels il faut en ajouter 8
provenant de ses contrats de publicité (Orange, Ford, CanalSatellite, Danone, etc.). Certes, il
doit «partager» ses revenus d'image avec son club sur une base «70-30» en sa faveur, mais il a
de beaux restes! Ainsi, en juin 2004, Danone et le dossard n° 5 du Real ont conclu un «deal»
de onze ans sur la base de 1,5 million d'euros par an.
Le contrat signé avec Orange s'élèverait à 3 millions
d'euros annuels, permettant à l'opérateur de
téléphonie d'utiliser Zizou (publicités, réceptions,
etc.) dix heures par an. Derrière cette troïka du
ballon rond arrive le coureur automobile Olivier
Panis (5,5 millions d'euros par an), qui a arrêté sa
carrière en F 1 à la fin de la saison 2004, avant d'être
engagé en tant que pilote d'essai par Toyota. Fabien
Barthez (5 millions d'euros par an), dont l'image
reste inoxydable auprès de ses sponsors (Nike,
McDonald's), émargerait à 305 000 € par mois à
l'OM, ce qui fait du «Divin Chauve» l'un des joueurs
les mieux payés de Ligue 1.

Les femmes, grandes oubliées du classement


«En France, le football accapare les premières places
sur l'échelle des revenus, alors qu'au niveau
planétaire ce sont des sportifs individuels, comme le
golfeur Tiger Woods [61,8 millions d'euros par an]
ou le coureur automobile Michael Schumacher [61,5
millions d'euros par an], qui sont en tête, remarque
Jean-François Bourg, économiste du sport, qui
souligne aussi que, désormais, les salaires du sport
ne représentent plus que de 60 à 70% des revenus
des sportifs, les 30 à 40% restants provenant des
contrats d'image personnels.

Le basketteur des Dallas Mavericks qui a troqué son


nom, Olivier Saint-Jean, contre celui de Tariq
Abdul-Wahad gagne 4,8 millions d'euros par an,
mais n'a aucun autre contrat. Tony Parker, au
contraire, empoche 2 millions d'euros de revenus
publicitaires chaque année! En revanche, certaines
stars de la Coupe du monde 1998 (Lizarazu, Lebœuf,
Karembeu) vieillissent et sont en perte de vitesse.

Les femmes sont les grandes oubliées du classement.


Si Amélie Mauresmo perçoit environ 2,7 millions
d'euros par an, aucune sportive n'est en effet classée dans le Top 10. On n'y trouve d'ailleurs
pas de champion olympique non plus, et pour cause: la prime versée par l'Etat pour une
médaille d'or remportée aux JO d'Athènes s'élevait à 40 000 €, soit à peine 20% du total des
primes individuelles empochées par chaque joueur de l'Olympique lyonnais en 2004. 40 000
€, c'est aussi ce que touche Zidane en une journée au Real Madrid!
Acteurs
Le haut de l'affiche

par Christophe Carrière

Dis-moi quel est ton cachet, je te dirai ce que tu vaux - mais pas forcément combien. Car le
salaire d'un acteur n'a rien à voir avec le montant de son revenu. Quand Gérard Depardieu
touche un fixe de 500 000 € pour Tais-toi!, il gagne en réalité 1,5 million d'euros. Comment?
Par l'opération du saint-contrat qui, outre la somme forfaitaire pour la durée de l'engagement
de la vedette, stipule que celle-ci sera intéressée à l'exploitation cinématographique, télévisée
et dérivée (DVD, etc.), au nom du Code de la propriété intellectuelle. Ajoutons à cela les
intéressements supplémentaires négociés par l'avocat ou l'agent de l'artiste, ainsi que les
éventuelles parts de coproduction et droits d'auteur...
Sans compter qu'avec la durée des droits
d'exploitation l'intéressé ne touche pas tout sur-le-
champ. Il faut le temps que le film sorte à l'étranger
(parfois un an, parfois plus, parfois jamais) et
rapporte des subsides, qu'il soit programmé sur les
chaînes coproductrices avant d'être rediffusé... Le
chemin est long jusqu'au jackpot. C'est pourquoi
Gérard Jugnot, par exemple, patientera dix ans avant
d'encaisser la totalité de celui des Choristes, au
moins 5,25 millions d'euros. D'après Le Figaro
entreprises (du 21 février), pour coproduire Les
Choristes et investir 850 000 €, il a cependant
prolongé l'hypothèque de son appartement. Mais un
producteur bien informé rappelle que, il y a deux
ans, le projet d'un troisième Astérix, mis en scène
par Jugnot et produit par Claude Berri, tombait à
l'eau à la suite d'un refus d'Uderzo. En
dédommagement, l'acteur-réalisateur aurait touché
1,5 million d'euros. De quoi s'offrir quelques risques.
De la même façon, quand Vincent Lindon tourne
pour le minimum syndical (340 €/jour) dans Fred, de
Pierre Jolivet, il touche, par ailleurs, 350 000 € de
dédommagement pour avoir été débarqué par
Francis Veber du Jaguar. Idem pour Jamel
Debbouze, donné comme l'acteur le mieux payé
actuellement, grâce au cachet de 2,1 millions d'euros
sur Astérix et Obélix: Mission Cléopâtre, et qui,
aujourd'hui, joue dans Les Indigènes, un film sur les
soldats marocains de l'armée française en 1944, pour
à peine 1 000 € par jour. Comme le souffle une
vedette: «Un acteur prend ce qu'on lui propose
quand un film lui plaît, et demande ce qu'il veut
quand le film ne lui plaît pas.»

«Ménages» et spots publicitaires


Ce qui ne veut pas forcément dire que chaque
somme mirobolante équivaut à un mauvais rôle. La
vedette s'adapte au budget du film et, le cas échéant,
négocie un pourcentage. Telle Emmanuelle Devos
qui annonce un cachet de 23 000 €, pour Rois et
reine, et de 150 000 pour La Moustache,
d'Emmanuel Carrère. Dans ce même long-métrage,
son partenaire Vincent Lindon aurait obtenu 350 000
€, tandis que, pour Selon Charlie, il ne toucherait
«que» 200 000 €, à l'instar de ses partenaires Jean-Pierre Bacri, Benoît Poelvoorde et Benoît
Magimel.

Enfin, il y a les «ménages», fort médiatisés depuis l'affaire Rafik Khalifa. Moyennant 50 000
€, celui-ci s'offrait la présence d'une Catherine Deneuve ou d'un Gérard Depardieu à ses
soirées. Ou encore la publicité, dont les tarifs avoisinent les 35 000 € par jour de tournage
pour une vedette confirmée. Bref, les sources de revenus d'un acteur sont multiples, le
montant ne variant que selon un seul paramètre: le succès de leurs prestations
cinématographiques au box-office.
Réalisateurs
Palmes d'argent

par Christophe Carrière

Pour un réalisateur, le salaire importe beaucoup moins que les résultats de son film au box-
office. Même si les 3 millions de dollars (outre 25% des recettes nettes) perçus par Jean-
Jacques Annaud pour Deux Frères ou le million d'euros (assorti de 4,5% sur les bénéfices)
gagné par Alain Chabat pour Astérix et Obélix: Mission Cléopâtre, sont déjà fort
appréciables! Et feraient passer Christophe Barratier pour un parent pauvre avec son maigre
cachet de 70 000 € pour mener à bien à la fois la préparation, la réalisation, la direction
artistique et la finition du montage des Choristes. Sauf que ce premier long-métrage a attiré
8,5 millions de spectateurs, et que son auteur recevra en outre 1% des recettes en salles et
10% des bénéfices réalisés par son producteur, Jacques Perrin (le film est coproduit par
Gérard Jugnot). Autrement dit, la somme finale devrait avoisiner 1 million d'euros. Elle le
dépassera même sans doute, car Barratier a également droit à 5% des sommes engrangées en
cas de remake, de suite ou encore de spin-off, terme désignant un film ou une série reprenant
un des personnages du film.
S'il ne perce pas dans le long-métrage, le réalisateur
peut aussi travailler à la commande sur des films
qu'il n'a pas écrits, ou encore se replier sur la
télévision. Il verra alors son salaire diminué de
moitié, voire des deux tiers, mais pourra se rattraper
sur la cadence: un auteur peut aisément mettre en
boîte trois téléfilms par an (à raison d'un salaire
moyen de 50 000 € par programme), quand un long-
métrage demande au moins deux ans de travail. Une
diffusion sur TF 1 permet de doubler la recette - et
même de la tripler, en fonction de la notoriété du
metteur en scène, ce qui est le cas de Josée Dayan.

Des producteurs aux revenus opaques


La publicité peut également se révéler bonne fille
avec les grands noms du cinéma: Patrice Leconte,
Alain Corneau, Jan Kounen, Gérard Jugnot, Rémy
Belvaux, Claude Miller... La liste est longue et les
tarifs sont variables selon la cote du réalisateur, de 8
000 à 25 000 € par jour, de tournage d'un spot, qui
n'en dépasse pas trois. A ce rythme, il est tentant
d'enchaîner. Toujours plus de pubs! Ainsi, Jean
Becker, qui, après L'Eté meurtrier, vanta les Knacki
Herta, mit dix ans avant de revenir au cinéma avec
Elisa. Reste que les vedettes du film publicitaire ne
viennent pas du grand écran: elles s'appellent Jean-
Baptiste Mondino et Jean-Paul Goude, et
émargeraient chacun à 60 000 € par jour.

Pour revenir au cinéma stricto sensu, les revenus les


plus opaques restent ceux des principaux intéressés,
les producteurs. Normalement, leur salaire atteint
environ 5% du budget d'un long-métrage, mais, confie l'un d'eux: «Nous payons réellement
les frais généraux, essayons de financer les imprévus et souhaitons nous payer nos salaires, ce
qui n'arrive jamais, sauf en cas de succès!» Oubliant de préciser que les budgets sont souvent
bouclés grâce aux chaînes télé, distributeurs et divers investisseurs, avant même le premier
jour de tournage!
Chanteurs
Des voix en or

par Gilles Médioni

Les temps sont durs pour les droits d'auteur des chanteurs: - 27% des ventes de disques en
deux ans, inflation du téléchargement illégal, ruptures et refontes de contrats, etc. Pourtant, la
musique fait encore recette et parmi les champions de la chanson figurent, selon les
estimations du Figaro entreprises, Michel Sardou (3,7 millions d'euros touchés en 2004),
Francis Cabrel (3,4), Charles Aznavour (3,2), Corneille (3,1) et Pascal Obispo (3). Tous ces
artistes, également auteurs et/ou compositeurs et souvent éditeurs de leurs morceaux ont placé
un album en tête des palmarès, un tube ou deux à la radio et effectué une tournée à guichets
fermés.

Leur fortune a des sources multiples. En général, un


artiste confirmé empoche entre 10 et 14% du prix
hors taxes d'un cédé qui vaut 16 € en moyenne, une
star comme Sardou ou Goldman entre 20 et 25%.
Michel Sardou, également patron du théâtre de la
Porte-Saint-Martin, à Paris, a déjà écoulé 1 million
d'exemplaires de son album Du plaisir. A la fin de
2005, il aura rassemblé 500 000 spectateurs.
Corneille, «débutant confirmé», a touché le jackpot
avec 600 000 disques vendus, 200 concerts, sans
compter le record 2004 des passages à la radio. Son
titre Parce qu'on vient de loin a été diffusé 13 844
fois l'an passé! Or une chanson peut rapporter gros.
D'après la Sacem, au premier semestre 2004, trois
minutes de musique étaient rémunérées 178 € par
France Inter, 151 € par RTL, 101 € par Europe 1 et
29 € par NRJ. Le prix est fixé en fonction des
recettes publicitaires - ou de redevance - de la
station, puis réparti entre auteur, compositeur et
éditeur, selon une règle des trois tiers.

Des gains souterrains souvent lucratifs


Certains artistes cumulent les casquettes. Obispo
pilote une équipe d'auteurs-compositeurs, qui font
tourner ses éditions Atletico et enregistrent dans ses
propres studios. Cabrel signe des tubes pour Isabelle
Boulay et Patricia Kaas. Sardou est l'un des auteurs du nouveau carton de Chimène Badi: Je
viens du Sud. Ce sont des gains souterrains. Pour les cachets, c'est plus complexe. La
promotion d'un disque à la télévision se fait gratuitement, c'est l'une des lois du métier. Mais,
si un chanteur est invité hors promotion ou pour interpréter un gold (un classique), par
exemple à la Star Academy, il touche environ 1 200 € pour sa prestation. Une star de la taille
de Hallyday, de Sardou ou d'Aznavour peut prétendre à gagner jusqu'à 12 000 € pour un
medley (pot pourri) ou quelques chansons en direct.
Le prix d'un spectacle varie selon la notoriété du moment - un mégatube, une fin de tournée -
et la capacité de la salle. Une idole des seventies peut réclamer 8 000 € pour un spectacle sur
bandes, c'est-à-dire sans musicien. Un jeune talent est coté 1 000 €, mais une vedette comme
Higelin, c'est-à-dire capable de rassembler au minimum 800 fans «vaut» environ 16 000 €.
Calogero et ses collègues, réussissant à remplir un Zénith (6 000 personnes), peuvent atteindre
les 50 000 € par soir. Sardou, lui, encaisse entre 80 000 et 100 000 €. Chaque concert rapporte
à l'artiste de 10 à 20% de la recette totale.

La sortie des nouveaux cédés de Mylène Farmer et de Johnny Hallyday devrait bouleverser le
classement 2005, car chacun pourrait vendre au minimum 1 million d'albums. Et les places de
leurs concerts prévus en 2006 - treize jours à Bercy pour Farmer, quatre semaines au palais
des sports de Paris pour Johnny - sont déjà vendues et encaissées.
Comiques
Les joies du métier

par David Bensoussan, Benjamin Masse-Stamberger

Ils sont partout. Sur les plateaux de télévision, aux premières places du box-office, et dans les
plus grandes salles de la capitale - jusqu'à se payer le Stade de France et ses 50 000
spectateurs, comme Jean-Marie Bigard en juin 2004...

En ces temps de morosité économique, les comiques ont le vent en poupe, et leurs revenus ont
désormais rattrapé ceux des stars de la musique ou du cinéma. «Ils se sont professionnalisés,
et certains sont même devenus de véritables businessmen», confirme Jean-Pierre Bigard,
producteur et directeur du Palais des glaces. Son frère Jean-Marie, humoriste le mieux payé
de France selon le magazine Capital, a ainsi créé sa propre société de production, JMB
Production, qui emploie une dizaine de salariés et planifie dans les moindres détails les
tournées du showman.

L'explosion des produits dérivés


Ces dernières restent la principale source de revenus
des humoristes, notamment grâce aux spectacles en
province. «Beaucoup d'artistes font l'Olympia sans
gagner d'argent», témoigne ainsi Arnaud Delbarre,
patron de la mythique salle parisienne. Les grandes
scènes de la capitale sont en réalité surtout une
vitrine qui permet aux comiques d'asseoir leur
notoriété. Un investissement qu'ils rentabilisent
ensuite en province, où les coûts de location de salle
et d'affichage publicitaire sont réduits. Ainsi Laurent
Gerra, qui multiplie les apparitions dans toute la
France (450 dates en deux ans et demi),
engrangerait-il de la sorte la bagatelle de 3 millions
d'euros par an.

Autre cash machine: les produits dérivés, dont les


ventes ont explosé depuis l'avènement du DVD.
«Les premiers cartons datent de l'an 2000, avec
Bigard met le paquet (500 000 exemplaires) et Jamel en scène (250 000 exemplaires)»,
explique Eric Legay, directeur marketing d'Universal Video. Pionnier sur le marché de
l'humour, l'éditeur réalise désormais près de 15% de son chiffre d'affaires grâce aux comiques.
Ceux-ci encaissent au passage de juteuses royalties: «Ils touchent généralement 2 € sur
chaque DVD vendu 20 €», détaille Gilles Petit, PDG de Juste pour rire, qui produit
notamment Franck Dubosc et Laurent Ruquier. Dans certains cas, le pourcentage peut même
grimper jusqu'à 30% du prix de vente.

Enfin, les humoristes ont envahi depuis peu le grand écran, récoltant là aussi les dividendes de
leur succès. C'est Jamel qui a ouvert la voie en 2001, en décrochant le plus gros cachet du
cinéma français: plus de 2 millions d'euros pour son rôle dans Astérix: mission Cléopâtre (14
millions d'entrées). Un filon largement exploité par Michaël Youn, qui, avec Les 11
Commandements et La Beuze, a réuni plus de 5 millions de spectateurs. Pour sa dernière
prestation dans Iznogoud, sorti le 9 février, le roi de l'humour scato a empoché près de 700
000 €. Précurseur, Youn s'est également essayé avec succès à la musique, écoulant notamment
plus de 1,5 million d'exemplaires de son single Stach, stach. Une leçon de diversification à
enseigner dans les amphis du Ceram de Nice, l'école de commerce où l'idole des ados a testé
ses premiers sketchs...
Ecrivains
Dorés sur tranche

par François Busnel

C'est l'un des derniers tabous de la culture française. L'argent, chez les écrivains, est plus
souvent un sujet de roman qu'un objet d'enquête. Comme si la transparence était vulgaire.
Comme si gagner sa vie - parfois bien, mais dans la plupart des cas très chichement - en
écrivant des livres dévalorisait des auteurs encore très attachés à l'image d'Epinal du pur esprit
dégagé des contingences matérielles. Dans la chanson, dans l'humour, dans le théâtre ou dans
le cinéma, il est assez facile de connaître le cachet des artistes et le nombre exact des disques,
DVD ou billets vendus. Dans l'édition, l'opacité est de règle. Les chiffres de ventes de livres
communiqués par les éditeurs sont très souvent gonflés, servant ainsi d'argument marketing et
calmant l'ego des auteurs. Quant aux écrivains, nombreux sont ceux qui refusent de répondre
à la question «Combien gagnez-vous?». Il est vrai que le calcul est loin d'être simple: les
droits d'auteur varient, en moyenne, entre 8 et 12% pour le grand format et tournent autour de
5% en édition de poche. A cela il convient d'ajouter des sommes très fluctuantes pour les
traductions à l'étranger et les cessions à des clubs de livres.

Pour la première fois, dans son numéro de mars


2005 (1), le magazine Lire a établi le classement des
15 romanciers les mieux payés en 2004 à partir
d'estimations fiables, calculées sur un panel de
sorties de caisse dans tous les réseaux marchands.
Marc Levy arrive très largement en tête, ce qui ne
surprendra personne, avec des gains de 1,2 million
d'euros, correspondant aux 285 000 exemplaires
vendus de son dernier roman, La Prochaine Fois
(Laffont), et aux 907 000 exemplaires de titres
précédents écoulés en poche. Un record! Anna
Gavalda dépasse également la barre du million
d'euros (1,1 million), avec 328 000 exemplaires pour
Ensemble, c'est tout (le Dilettante) et 278 000
exemplaires en poche pour ses deux précédents
romans.

Des chiffres qui donnent le vertige


Viennent ensuite Bernard Werber (840 000 €), dont
les livres se vendent surtout en poche (443 000
exemplaires de ses cinq premiers romans, contre
«seulement» 30 000 pour Nos amis les humains,
sorti en 2003 chez Albin Michel, et 187 000 pour
Nous les dieux, paru à l'automne 2004 chez le même
éditeur), Jean-Christophe Grangé (750 000 €),
Christian Jacq (735 000 € pour les quatre tomes des
Mystères d'Osiris, parus chez XO éditions), Fred
Vargas (690 000 €), Laurent Gaudé (580 000 €,
grâce à son roman Le Soleil des Scorta, chez Actes
Sud, prix Goncourt, qui a déjà dépassé 218 000
exemplaires), Amélie Nothomb (460 000 € provenant des 132 000 ventes de son dernier
roman, Biographie de la faim, chez Albin Michel, mais surtout des 428 000 exemplaires de
titres précédents écoulés en poche), Jean-Paul Dubois [450 000 €, grâce à Une vie française
(éd. de l'Olivier), récompensé par le prix Femina] et Eric-Emmanuel Schmitt (435 000 € pour
quatre titres parus en grand format chez Albin Michel).

Derrière ces chiffres, une réalité: les mœurs de l'édition sont de plus en plus semblables aux
mœurs footballistiques et le vocabulaire utilisé s'apparente désormais à celui de la finance.
L'écrivain, dès qu'il trouve son public, s'échange à la façon d'un banal produit. Les
«transferts» agitent le landerneau germanopratin et déclenchent quelques belles polémiques.
Ainsi le départ de Michel Houellebecq de Flammarion pour Fayard. On parla, l'année
dernière, d'une somme négociée dans le plus grand secret, supérieure à 1 million d'euros...
Lire lève le voile sur cette «affaire» et révèle les coulisses d'une négociation où agents et
avocats eurent leur mot à dire autant qu'écrivain et éditeurs (1). Ces chiffres donnent le
vertige. Mais ils sont loin d'être représentatifs des gains moyens des écrivains. En effet, rares
sont ceux qui vivent uniquement de leur plume. Le rythme de l'écriture ne permet guère de
réitérer l'opération chaque année. Et le succès est imprévisible: un écrivain plébiscité hier peut
être boudé demain, sans raison claire. L'argent, dans l'édition, impose une logique franche: on
écrit pour être publié, certes, mais pas nécessairement pour devenir millionnaire.

(1) Lire n° 333, mars 2005, «Comment se faire éditer. Ce que gagnent les écrivains», 4,90 €.
En kiosque, le 1er mars.
Classiques
Ma non troppo!

par Bertrand Dermoncourt

Herbert von Karajan aurait, au cours de sa carrière, amassé une fortune estimée à plus de 500
millions de Deutsche Mark (soit environ 250 millions d'euros). En 1994, la Warner avait versé
aux trois ténors José Carreras, Luciano Pavarotti et Placido Domingo une avance de plus de
10 millions d'euros pour leur disque enregistré pendant la Coupe du monde de football! De
quoi donner le vertige dans un monde, celui de la musique classique, où l'on n'aime pas parler
d'argent. En dehors de ces quelques records, les cachets de concerts ou les ventes de disques
restent secrets. L'argent et la culture, c'est bien connu, ne font pas bon ménage, mais l'art a
quand même un prix. Un musicien rare est un musicien cher. Les artistes français présents
dans ce classement sont tous des stars dans leur domaine: que ce soient la pianiste Hélène
Grimaud, le chanteur Roberto Alagna, le chef d'orchestre Marc Minkowski ou le compositeur
Henri Dutilleux, ils sont tous admirés en France comme à l'étranger. Pierre Boulez, lui, est à
la fois compositeur et chef d'orchestre, mais c'est sa prestigieuse carrière d'interprète (une
cinquantaine de concerts par an) qui lui assure la première place de notre classement. Même si
Pierre Boulez n'est pas réputé pour être un chef «cher», il dirige les plus grands orchestres du
monde, en Europe (Vienne, Berlin, Londres...) ou aux Etats-Unis (Cleveland, Chicago...), et
les cachets qui sont versés dans ces institutions prestigieuses peuvent facilement atteindre
40 000 €.

Des cachets jusqu'à 100 000 €


A cela il faut ajouter les royalties, non négligeables,
des ventes de disques: Boulez enregistre beaucoup,
et ce depuis plus de quarante ans. Plus modestes sont
ses revenus de compositeur, comparés à ceux
d'Henri Dutilleux, le compositeur français vivant le
plus joué dans le monde. Ces chiffres n'ont rien de
spectaculaire pour autant. Aux droits de location de
ses partitions (200 000 € environ) s'additionnent les
droits d'auteur classiques (100 000 €). Une nouvelle
commande, pour un compositeur de sa notoriété ou
de celle de Boulez, est d'environ 50 000 €, mais
celles-ci sont très rares. Henri Dutilleux vient, en
revanche, de recevoir le prix Ernst von Siemens,
doté de 150 000 €, récompensant l'ensemble de son œuvre.

La jeune Hélène Grimaud partage avec Pierre Boulez (avec qui elle vient d'enregistrer le
Troisième Concerto de Bartok) une véritable notoriété internationale. Elle joue relativement
peu (une quarantaine de concerts par an), ne court pas après l'argent, mais obtient de solides
cachets. Outre le succès de son disque Credo, 2004 a vu le triomphe de son livre Variations
sauvages, un best-seller international!

Autre grande star française, Roberto Alagna fait partie des rares chanteurs à pouvoir réclamer
le top fee, c'est-à-dire le cachet maximal payé par les grands opéras internationaux, soit
environ 18 000 € par représentation. Mais, pour un gala ou une prestation dans d'autres
maisons, qui ne connaissent pas une telle limite, tout est possible, et les cachets peuvent alors
grimper jusqu'à 100 000 €. Roberto Alagna se limite cependant à 25 apparitions publiques par
an, contrairement à Marc Minkowski, qui dirige près d'une centaine de soirs dans l'année. Une
prime à la persévérance, qui explique l'absence dans ce classement d'une autre star nationale,
Natalie Dessay, qui a annulé plusieurs prestations en 2004 pour des raisons de santé.
(Sources : L’express – www.lexpress.fr )

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