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Avril 2019

ÉVÉNEMENT
À PARIS
Le trésor de
Toutankhamon

ANALYSE
Un portrait
inédit des
galeries
en France
Spécial
Europe MUSÉE D’ORSAY
La représentation
De Bucarest à Lisbonne… des Noirs dans l’art

Les 10 artistes
stars de demain Florence Obrecht
Émilie, 2018
ARTS VISUELS
CONCERTS
PERFORMANCES
DANSE EXPOSITION
DESIGN
RENCONTRES
DU 4 AVRIL
ATELIERS AU 16 JUIN
2019

fondation.cartier.com
design graphique : deValence

261
BOULEVARD
RASPAIL
75014 PARIS
L’ÉDITO
de Fabrice Bousteau

L’Europe, un gisement
culturel inexploité
L’
Union européenne est perçue avant tout en 2008, lors de l’exposition «L’art en Europe»
comme une entité politique et économique, au domaine Pommery, à Reims, dont j’étais
rarement comme une société dotée d’un le commissaire, que celle-ci était la première
héritage partagé depuis des millénaires, incarnation du genre. Il aura fallu attendre dix ans pour
d’un vivre-ensemble. Face au Brexit, à la montée qu’une autre exposition dédiée à la jeune création
des nationalismes, il devient pourtant essentiel européenne ait lieu, à l’initiative de la fondation
de renforcer les échanges culturels au sein de l’UE, Cartier. Car, en dépit d’une politique culturelle
en favorisant la liberté d’expression, la diversité, la déficiente, la création bouillonne aux quatre coins
compréhension entre les peuples et le développement de l’Europe, grâce à une forte mobilité, au
de valeurs communes. Le premier «Plan d’action développement des équipements culturels
culturelle» de l’UE date de 1977, mais ce n’est qu’en dans certains pays comme la Lituanie ou la Lettonie
1992, avec le traité de Maastricht, que la communauté (qui consacre chacun plus de 4 % de leur budget
se voit conférer des compétences dans le domaine à la culture), aux bouleversements induits
de la culture. Si quelques bonnes initiatives ont été par le numérique, etc. Pour qui n’a pas la chance
lancées, comme le label des Capitales européennes de circuler fréquemment au sein de l’UE, rares
de la culture (1985), le réseau de salles indépendantes sont les occasions de découvrir et même de
Europa Cinemas (1992), qui permet au cinéma ressentir cette créativité. Les élections européennes
indépendant d’être diffusé dans toute l’Europe, sont une opportunité de mettre en avant la nécessité
ou la prise en compte de «l’exception culturelle» d’un plan ambitieux en faveur de la culture,
dans les années 1990 – afin de ne pas soumettre passée et à venir. «L’Europe est une idée qui doit
les biens culturels aux mêmes lois économiques devenir un sentiment», écrivait le chanteur Bono,
que les biens de consommation –, la politique du groupe U2. Quoi de mieux que la culture
culturelle européenne demeure quasi inexistante. pour y parvenir ?
À peine 0,16 % du budget de l’UE y est consacré,
soit 250 millions par an, l’équivalent de moins
d’un quart du chiffre de la production annuelle
de la plateforme Netflix. Alors que nombre
d’événements ont déjà été consacrés aux scènes
artistiques de l’Amérique latine, de la Chine
ou de l’Inde, j’avais remarqué avec étonnement,

Beaux Arts I 3
Le parti de
l’impressionnisme
Édouard Manet
Pierre-Auguste Renoir
Claude Monet
Edgar Degas
Camille Pissarro
Paul Cézanne
Georges Seurat
Paul Gauguin
Vincent van Gogh
Henri de Toulouse-Lautrec
Amedeo Modigliani…
et William Turner

du 20 février
au 17 juin 2019

Exposition organisée par The Courtauld Gallery, Londres


et la Fondation Louis Vuitton
Réserver sur fondationlouisvuitton.fr et fnac.com #FondationLouisVuitton #CourtauldFLV
Fondation Louis Vuitton — 8 avenue du Mahatma Gandhi, Bois de Boulogne, Paris
Edouard Manet, Un bar aux Folies-Bergère, 1882 — The Courtauld Gallery (The Samuel Courtauld Trust), London
SOMMAIRE N°418 AVRIL

EN COUVERTURE

Florence Obrecht
Émilie
Le visage peinturluré, peut-être en
hommage à Matisse dont on reconnaît
les motifs à l’arrière-plan, Émilie
regarde quelque chose que le spectateur
ignore. Florence Obrecht, l’auteure
de ce portrait, est une Française
vivant à Berlin, et qui expose
régulièrement à Paris, Zurich, Lisbonne
ou Sofia, preuve vivante que l’Europe
est un vivier d’artistes ne se limitant
pas aux frontières nationales.
Les plus prometteurs d’entre eux
sont à découvrir à la fondation Cartier
et dans notre dossier spécial qui
met à l’honneur la jeune génération
tandis que se profilent les élections
européennes 2019.
2018, huile sur bois, 30 x 24 cm.

JOURNAL GRAND FORMAT GUIDE DES EXPOSITIONS


6 Vu Arrêt sur images 44 En couverture 105 Musées
12 L’essentiel de l’actualité en France DE LISBONNE À TBILISSI… 106 Quoi de neuf en avril ?
108 La Maison de l’Amérique latine
La culture s’invite au cœur
du Grand Débat
Existe-t-il un art européen ? au cœur de toutes les géopoétiques
14 Laurent Grasso entre à l’Institut Les 10 stars de demain 110
116
Les expositions en France
Entretien avec Erika Verzutti
16 Sur la planète
118 Expositions à l’étranger
L’actualité dans le monde
18 Le nouvel élan muséal de l’Inde 124 Galeries
58 Événement à la Grande Halle Nos 4 coups de cœur
20 Architecture de la Villette
La colline a des yeux Les 5 mystères de Toutankhamon
22 Les plus belles Babel MARCHÉ
66 Reportage au Qatar & POLITIQUE CULTURELLE
24 Design À Doha, l’éclosion d’une rose
La pensée Risomatique 133 À la une
des sables
26 Hommage à Alessandro Mendini Ceci n’est pas un Pissarro
70 Exposition au Grand Palais 134 Elle fait l’actu
28 Mode Soviets suprêmes
La mode s’habille avec l’art Romane Sarfati, une audacieuse
76 Entretien avec Georges-Philippe dans un magasin de porcelaine
30 Cinéma Vallois & Stéphane Corréard 136 La tribune de Pierre-Jean Galdin
Son altesse Cecil Beaton «Une galerie est un commerce 138 Cote de l’art
32 Livres de proximité où l’on vit Cherchez les femmes…
Les voyages extraordinaires une expérience unique !» 140 Conseils d’achat
de Xavier Barral 82 Exposition au musée d’Orsay Des pionnières à redécouvrir
34 Philo Modèles noirs et peintres 142 Bientôt sous le marteau
Pop music, pop art ! de la vie moderne 3 ventes à ne pas manquer
36 Médias 144 Foires & Salons
90 Visite d’atelier
Artistes à l’œuvre Art Paris sur un tempo latino
Luc Tuymans ou la décomposition
148 Le PAD grimpe sur le Rocher
38 La chronique de Nicolas Bourriaud de la peinture
150 Week-end marathon à Paris !
Méfiez-vous des faux experts… 96 L’histoire du mois 152 Art Brussels ouvre l’œil
42 La recette d’art d’Alain Passard Le marché de l’art sous
Une nature morte qui nous botte l’Occupation : les dessous d’un 156 Calendrier des expositions
pillage à grande échelle 162 La visite en BD de François Olislaeger

☞ RETROUVEZ NOS OFFRES D’ABONNEMENT EN PAGE 161 DE CE NUMÉRO


VU
par Da phn é Bét ard

Karl Lagerfeld au-delà des clichés


En 2007, pour la couverture que nous avions choisie de consacrer à l’artiste Sophie Calle,
ce portrait énigmatique signé Karl Lagerfeld s’était imposé d’emblée. D’abord parce que
la composition plastique, avec le jeu des formes colorées qui se détachent les unes des autres,
est d’une efficacité visuelle implacable. Ensuite parce que, en cachant derrière un miroir le visage
de l’artiste (seule à voir son propre reflet) et en faisant apparaître un œil sur sa bague surréaliste,
Karl Lagerfeld
l’image déroute et saisit en un clic la personnalité d’une plasticienne habituée à faire de sa vie
Sophie Calle,
intime une œuvre, ne cessant de se dévoiler sans jamais vraiment se livrer. Styliste de génie ayant
couverture
de Beaux Arts su renouveler la maison Chanel tout en restant fidèle à l’esprit d’origine, Karl fut l’auteur d’une
Magazine, œuvre photographique singulière, nourrie d’une culture encyclopédique, comprenant aussi bien
juin 2007 des images de mode que des portraits noir et blanc, des vues d’architecture ou des nus épurés.

6 I Beaux Arts
DONALD JUDD
CURATED BY FLAVIN JUDD

PARIS MARAIS
AVRIL – MAI 2019

DONALD JUDD, UNTITLED, 1991


CLEAR AND TURQUOISE ANODIZED ALUMINIUM WITH TRANSPARENT BLUE OVER RED ACRYLIC SHEETS
25 x 100 x 25 CM © JUDD FOUNDATION / ADAGP, PARIS, 2019
VU
pa r Marie Da rrieu ssecq

L’écorce des jours


Qu’y a-t-il dans la tête d’une mère ? Une autre femme. Un paysage. Un renard. Un rêve. Le peintre
américain Erik Thor Sandberg joue avec notre mémoire des maîtres anciens. Nous reconnaissons ici
toutes les Annonciations, présentations, allaitements, bref toutes les Vierges à l’Enfant que notre
inconscient a enregistrées. Et cette impossible notion de «Vierge à l’Enfant» est aussi ce qu’interroge
avec humour le peintre. L’enfant roi, qui a traversé l’hymen de sa pucelle de mère, mange avec
Erik Thor Sandberg
Offering, 2017 dédain une sorte de bulle (papale ?) alors qu’elle lui présente, soumise, un gâteau rose en forme de
Toile présentée par la galerie tour de Babel. Notre mémoire des formes ne sait plus où donner de la tête, comme cette belle femme
Connersmith (Washington) stoïque, nue et démultipliée. L’identité de notre culture, quelle est-elle ? Que signifie en 2019
à l’Armory Show (section Focus),
à New York, du 7 au 10 mars.
ce que nous nommions autrefois «l’Occident» ? Que veut une femme ? Que deviendront nos enfants ?
https://erikthorsandberg.com Autant de questions que le peintre, mine de rien, épluche ici, écorce par écorce…

8 I Beaux Arts
* Faites le à votre image !

Make it yours !*
Dimensions, couleurs, aménagements : les lignes
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VU
par Nata cha Nataf

Pompe funèbre
La mort en Occident manque cruellement de style. Au Ghana, Paa Joe, grand sculpteur de cercueils
devant l’Éternel, vous représentera dans l’au-delà en reflétant au mieux votre personnalité
Paa Joe ou votre profession, voire votre dicton préféré. Célébré dès 1989 au Centre Pompidou dans
Air Jordan Sneaker, l’exposition fondatrice «Les Magiciens de la Terre», il est depuis convoité par les meilleurs musées
2016 et serait même collectionné par Jimmy Carter, selon le Guardian. Ces cercueils personnalisés, dits
Œuvre présentée en février aussi de fantaisie, fantastiques ou proverbiaux, sont une tradition ancienne, liée aux croyances
dernier à la galerie parisienne
Ruttkowski 68 (exposition des Ga. Mais les maîtres artisans d’Accra ont su s’adapter aux modes. Il y a eu les cercueils piment,
«Paa Joe – A Way to Go»). lion, Rolleiflex, Coca-Cola, Chevrolet, Rothmans, Walkman, il y a aujourd’hui les cercueils Nokia
www.ruttkowski68.com
www.instagram.com/
ou Nike… Aussi pop qu’un Claes Oldenburg et toujours plus extravagant, Paa Joe saura forcément
paajoecoffins trouver chaussure à votre pied : il suffit de passer commande. Just do it!

10 I Beaux Arts
KENNETH
NOLAND
18.4 – 25.5
paris
Brian Calvin 9.3 - 6.4
Kenneth Noland 18.4 - 25.5

brussels
Nathaniel Mary Quinn 14.3 - 13.4
Brent Wadden 24.4 - 25.5

london
Chloe Wise 10.4 - 18.5
Jannis Kounellis 28.5 - 27.7
Claudio Abate 28.5 - 27.7

new york
Joe Andoe 5.3 - 13.4
De Wain Valentine 30.4 - 8.6

Paris Kenneth Noland, Version, 1982, acrylic on canvas, 165,1 x 41,9 cm, 65 x 16 1/2 in
© Adagp, Paris, 2019
L’ESSENTIEL FRANCE Par Françoise-Aline Blain

La culture s’invite au cœur du Grand Débat


n Sans véritable surprise, la culture n’était pas des remarques et propositions tous azimuts,
au programme du Grand Débat national lancé qui feront l’objet d’une synthèse remise le 15 avril
par le gouvernement en réponse à la crise des Gilets au président de la République et à son ministre
jaunes. Qu’à cela ne tienne ! Beaux Arts Magazine de la Culture, Franck Riester. Ce dernier, présent
et la Fondation du patrimoine en ont pris l’initiative lors du débat de l’École des beaux-arts, s’est engagé
en créant une plateforme dédiée, clôturée le 18 mars, à y répondre de manière concrète. Dont acte !
et destinée à recueillir doléances et propositions Car, au-delà des mesures qui pourraient être mises
concrètes sur trois grands thèmes (la culture pour tous, en œuvre plus ou moins rapidement (affecter
l’éducation artistique et culturelle, le patrimoine), le produit de la taxe de séjour, en particulier à Paris,
Beaux Arts Magazine attirant au total plus de 6 000 participants et quelque à la restauration du patrimoine ; valoriser le statut
et la Fondation 17 000 votes. Et comme l’idée était de débattre, une de médiateur culturel ; allouer plus d’un milliard
du patrimoine ont vingtaine de rencontres publiques ont été organisées, d’euros pour les arts à l’école ; limiter la construction
lancé une plateforme
à Paris (à l’École nationale supérieure des beaux-arts des éoliennes pour préserver les paysages…),
dédiée et organisé
une série de débats. et au Centquatre) et dans toute la France (Roubaix, ces grandes assises ont avant tout révélé l’existence
Ici, le 5 mars, Saint-Yon dans l’Essonne…). Ces moments d’échanges, d’une méconnaissance et / ou d’une énorme
aux Beaux-Arts ouverts à d’autres thématiques plus sectorielles frustration par rapport aux politiques culturelles
de Paris, en présence
de Franck Riester (notamment sur le statut et la rémunération existantes. Celles-ci manqueraient-elles cruellement
[au centre], ministre des artistes), ont attiré un public curieux et avisé, d’efficience ? C’est désormais une évidence. Au pays
de la Culture. pas uniquement constitué de professionnels du de l’exception culturelle, il est désormais urgent de
secteur, mais où les jeunes ont souvent brillé par rétablir ce contrat de confiance avec les citoyens. S. F.
leur absence. De cette catharsis culturelle ont émergé https://granddebatculture.fr

Disparition de Pierre Encrevé Les métiers d’art à l’honneur


Il a grandement contribué au rayonnement Enlumineur, fileur de verre, campaniste,
de l’œuvre de Pierre Soulages, dont il a modiste, guillocheur ou encore miroitier-
établi le catalogue raisonné. Le linguiste argenteur… Du 1er au 7 avril, les 281 métiers
et historien de l’art Pierre Encrevé d’art sont à l’honneur, à l’occasion
est décédé le 13 février à l’âge de des Journées européennes consacrées
79 ans. Il travaillait à la rétrospective à ces professions. Au programme :
du peintre au Louvre pour la fin plus de 8 500 événements répartis
de l’année. Conseiller culturel de Michel dans toute la France et dans une quinzaine
Rocard de 1988 à 1991 à Matignon, de pays européens, et prolongés par
puis de Catherine Trautmann au ministère une exposition à la galerie des Gobelins
de la Culture de 1994 à 1999, il a milité pour du Mobilier national, du 29 mars au 21 avril.
l’enseignement de l’histoire de l’art. Il a été ainsi l’un des www.journeesdesmetiersdart.fr
principaux artisans de la création de l’Institut national
de l’histoire de l’art (Inha). Il avait également participé Dans l’atelier du maître verrier
à la réalisation du musée Soulages, à Rodez. Luc-Benoît Brouard, à Ronchin (Nord).

12 I Beaux Arts
Sophie
Whettnall
Etel
Adnan
La banquise,
la forêt et les étoiles

Expo 04.04
04.08.2019
CENTRALE
for contemporary art
www.centrale.brussels
L’ESSENTIEL FRANCE

Le plasticien propose un parcours de sculptures lumineuses, de l’entrée de l’Institut de France à la cour du nouvel auditorium.

Laurent n Un casque, une chouette et un bouclier


– attributs de Minerve, déesse qui symbolise
Marc Barani, à travers un ensemble de
dix sculptures en onyx rétroéclairées. «L’idée
Grasso entre l’Institut de France –, mais aussi une étoile,
un nuage, le soleil, les première et dernière
était de se saisir des fantômes de ce lieu,
où les couches d’histoire se superposent
à l’Institut lettres de l’alphabet grec (alpha et oméga)…
Dans le cadre du 1 % artistique, Laurent Grasso
et se mélangent», souligne le plasticien.
Ces œuvres sont visibles à l’entrée de l’Institut,
a collaboré au projet de nouvel auditorium au 3, rue Mazarine (Paris), ainsi que dans
de l’Institut de France, conçu par l’architecte les deuxième et troisième cours du bâtiment.

Sauvons la Butte-Rouge !
À Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine), la cité-jardin de la Butte-Rouge,
construite entre 1931 et 1965, constitue un ensemble patrimonial unique.
Imaginé par les architectes Paul Sirvin, Joseph Bassompierre, Paul de Rutté,
André Arfvidson et le paysagiste André Riousse, cet ensemble de près
de 4 000 logements, situé dans un écrin de verdure de 70 hectares, est
aujourd’hui menacé. Un important projet de rénovation est en effet
programmé, prévoyant notamment la démolition de certains immeubles.
Une pétition a été lancée pour tenter de sauver ce témoin de l’habitat
populaire. Inscrit à l’inventaire général du patrimoine culturel du XXe siècle,
il a fait l’objet d’une demande de classement au titre des «sites patrimoniaux
remarquables», fin 2017, mais ne bénéficie à ce jour d’aucune protection.
Pétition en ligne sur www.change.org

La cité-jardin
de la Butte- Six fontaines ornent le rond-point de la célèbre avenue parisienne.
Rouge, modèle
d’urbanisme
social à Châtenay- Les Bouroullec rafraîchissent
Malabry, risque les Champs-Élysées
d’être en partie La présence de bassins à cet endroit remonte
détruite.
à 1817, mais ils ne fonctionnaient plus.
Six nouvelles fontaines en bronze et en verre
de 13 mètres de haut, œuvres des designers
français Erwan & Ronan Bouroullec, ont été
inaugurées le 21 mars sur le rond-point des
Champs-Élysées, à Paris. Trente-cinq entreprises
ont travaillé depuis trois ans à ce projet. Il a été
financé par le mécénat privé via le Fonds pour
LE CHIFFRE DU MOIS

1
Paris, créé en 2015 et dont c’est la première
Au classement mondial QS World University Rankings,
réalisation. La moitié du budget de 6,3 millions
l’ENSCI-Les Ateliers (École nationale supérieure de création d’euros a servi à recréer un système hydraulique
industrielle) arrive au premier rang des écoles d’art françaises, souterrain. Les fontaines ne seront en eau
catégorie «art et design». Ainsi, sur les 800 meilleures écoles et qu’entre avril et octobre, mais effectueront toute
universités du monde, l’établissement parisien est à la 24e place. l’année une rotation, surmontées de branches
lumineuses qui s’éclaireront la nuit.

14 I Beaux Arts
SUR LA PLANÈTE Par Françoise-Aline Blain

DUBAI AZERBAÏDJAN
Le nouvel eldorado ? «Le pire génocide culturel du XXIe siècle»
Dans la dynamique de l’Expo 89 églises médiévales, 5 840 khatchkars (pierres à croix
universelle 2020, Dubai de l’Arménie médiévale) et 22 000 pierres tombales. Selon
accueille un nouveau lieu un rapport publié par la revue Hyperallergic, le patrimoine
d’expositions. L’Ishara Art culturel arménien serait la cible de la République d’Azerbaïdjan,
Foundation, une organisation qui aurait entrepris d’en éliminer toute trace dans les régions
à but non lucratif fondée du Nakhitchevan et du Haut-Karabagh. Le gouvernement
par la femme d’affaires, aurait notamment détruit des dizaines de milliers de gravures
collectionneuse et mécène anciennes sur pierre protégées par l’Unesco. Les auteurs
Smita Prabhakar, a ainsi de cette étude soulignent que les destructions dépasseraient
ouvert ses portes le 18 mars celles réalisées par Daech à Palmyre, en Syrie.
dans le quartier des arts https://hyperallergic.com/482353/a-regime-conceals-its-erasure-
Al Quoz, à l’ouest de la ville. of-indigenous-armenian-culture
Il s’agit du premier espace
Nada Raza et Smita Prabhakar,
permanent des Émirats respectivement directrice artistique
arabes unis consacré aux et fondatrice de l’Ishara Art Foundation.
artistes contemporains de
l’Asie du Sud. À sa tête, Nada
Raza, ancienne commissaire
du Tate Research Centre: Asia.
www.ishara.org

ÉTATS-UNIS
La chapelle Rothko
bientôt réhabilitée
En 1964, le couple de collectionneurs
John & Dominique de Menil propose
à Mark Rothko de concevoir à Houston
(Texas) une chambre de méditation autour
de 14 peintures qu’il réalise spécialement
pour l’occasion. Inaugurée en 1971,
la chapelle Rothko vient de fermer ses
portes pour travaux. L’éclairage et
l’entrée du bâtiment seront reconfigurés. ESPAGNE
C’est la première phase d’un projet Le musée Chillida renaît
de restauration de 30 millions de dollars après huit ans de fermeture
(26,6 M€), qui prévoit notamment Une quarantaine d’œuvres grand format nichées
la construction d’une annexe dédiée dans un écrin de verdure de 11 hectares… Fermé
à la méditation, ainsi que la création en 2011, en raison de la crise économique, le musée
d’un jardin. L’objectif est d’achever du sculpteur basque Eduardo Chillida (1924-2002),
l’ensemble des travaux pour le jubilé situé à Hernani, près de San Sebastián, rouvre ses
de l’installation, en 2021. portes le 17 avril, rénové par l’architecte Luis Laplace
www.rothkochapel.org avec le soutien de la galerie zurichoise Hauser & Wirth
(qui représente la succession de l’artiste). À la tête
de l’institution, Mireia Massagué, ancienne responsable
du Gaudí Exhibition Center de Barcelone, envisage
ITALIE d’y accueillir des expositions d’art contemporain.
La banque UniCredit www.museochillidaleku.com
CHINE
disperse sa collection
L’ensemble compte de nombreux Le Centre Pompidou s’implante
maîtres anciens comme Canaletto à Shanghai dès l’automne
ou Tintoretto, mais aussi de grands Le Centre Pompidou a l’humeur vagabonde.
noms de l’art moderne tels que Après Metz, Málaga et Bruxelles, Shanghai
Fernand Léger, Giacomo Balla ou accueillera à l’automne une antenne
Kurt Schwitters, ou encore des stars du musée parisien, conçue par l’architecte
de l’art contemporain (Gerhard britannique David Chipperfield, dans le cadre
Richter, Georg Baselitz…). Pour du West Bund Masterplan. Un partenariat
développer et financer ses actions de cinq ans renouvelable qui prévoit
sociales, la grande banque notamment la coordination d’une vingtaine
italienne UniCredit s’apprête à céder d’événements et d’expositions à partir
sa collection d’entreprise riche de ses collections parisiennes, le tout contre
de 60 000 œuvres, de l’Antiquité une redevance de 1 à 1,5 M€. Dans la foulée,
à nos jours. Un ensemble estimé on apprend que la République tchèque
à 50 millions d’euros. Une partie Eduardo Chillida envisagerait d’abriter à Prague une antenne
sera donnée à des musées locaux. Arco de la libertad, 1993 de la célèbre institution, dans le cadre
d’un futur partenariat muséal.

16 I Beaux Arts
L’ESSENTIEL MONDE Par Fabrice Bousteau

Le nouvel élan
muséal de l’Inde
À l’initiative du ministère de la Culture
et de la galerie DAG, un nouveau musée
vient d’être inauguré dans l’un des sites
patrimoniaux les plus prestigieux du pays.
Une collaboration public/privé qui en
annonce d’autres ?

«P
ourquoi ne pas ouvrir dix musées
par an ?» Ashish Anand regarde
son portable, répond à quatre ou
cinq messages, se lève, sourit face au regard médusé
de son équipe avant de préciser «bon, allons-y
pour cinq seulement !» et de filer à un rendez-vous.
Fondateur de DAG en 1993, la plus importante galerie
spécialisée en art moderne indien implantée à Delhi,
à Bombay, mais aussi à New York (dans le mythique
Fuller Building de Manhattan), Ashish Anand
est un homme pressé. Il a ouvert le 5 février dernier
son premier musée à Delhi dans le prestigieux site
du Fort rouge (inscrit au patrimoine mondial de
l’Unesco), en collaboration avec l’ASI (Archeological
Survey of India), l’institution publique qui gère
3 691 monuments dans tout le pays. Contrairement
à la Chine, frappée depuis dix ans par une frénésie
de construction de centres culturels, l’Inde souffre
d’une grande indigence muséale et a très peu et son neveu William, qui arpentèrent le pays Le musée
développé son tourisme culturel. Quand la Chine entre 1786 et 1793 pour peindre ses monuments, villes Drishyakala
a été réalisé
accueille plus de 56 millions de touristes par an, et paysages. De nombreux documents d’archives à partir d’une
l’Inde n’en est qu’à quelque 6 millions ! (journaux, livres, affiches) témoignent également de barrack, ancienne
la collectionnite aiguë d’Ashish Anand et restituent maison coloniale
Trois cents ans d’histoire de l’art indien le contexte sociopolitique des œuvres. À l’entrée britannique
laissée à l’abandon
Usha Sharma, la directrice de l’ASI, a donc décidé du musée, un cartel précise qu’aucune des 450 pièces qu’Adrien Gardère,
d’ouvrir des musées dans des sites patrimoniaux exposées n’est à vendre. Pourquoi Ashish Anand muséographe
de tout le pays, y compris en collaboration avec a-t-il alors dépensé près d’un million d’euros pour français,
a totalement
des acteurs privés tels que DAG, choisi à la suite ouvrir cet espace ? «J’ai deux ambitions : valoriser l’art
restaurée.
d’un appel d’offres. Baptisé Drishyakala (qui signifie moderne indien insuffisamment connu et favoriser
«arts visuels» en hindi), ce musée est implanté dans la démocratisation culturelle.»
l’une des barracks, anciennes maisons coloniales
britanniques. Abandonné depuis des années, Près de 5 000 visiteurs par jour
ce barrack n° 4 a été restauré et magnifiquement Pari réussi puisque, depuis son ouverture, près
aménagé en seulement cinq mois par le muséographe de 5 000 visiteurs par jour s’y bousculent (ce qui
français Adrien Gardère (qui a notamment travaillé en fera bientôt le musée le plus fréquenté du pays),
au Louvre-Lens ou au musée d’Art islamique la plupart n’ayant auparavant jamais mis les pieds
du Caire) pour recevoir des œuvres d’art. Sur dans un musée. Tout y est fait pour accompagner
2 500 m2, à partir de sa collection qui compterait plus les visiteurs (souvent jeunes) – cartels pédagogiques
de 40 000 œuvres, DAG a conçu quatre expositions en anglais et en hindi, accompagnement de groupes
retraçant d’une certaine manière trois cents ans scolaires, œuvres «tactiles»… Cette exposition,
de l’histoire de l’art de l’Inde, avec de véritables Ashish Anand veut la faire tourner dans tout le pays
chefs-d’œuvre comme une rare sculpture d’Amrita mais il est déjà en train d’imaginer que «comme
Sher-Gil (1913-1941), figurant deux tigres, ou des Picasso ou Van Gogh, les artistes phares indiens
peintures de Raja Ravi Varma (1848-1906) et Jamini méritent un musée dédié : Amrita Sher-Gil à Delhi,
Roy (1887-1972). Les traces de la colonisation sont Jamini Roy à Calcutta…» À l’instar des façades
aussi présentes avec cet ensemble de 24 gravures illuminées de Drishyakala, il veut porter haut
réalisées par deux artistes anglais, Thomas Daniell les lumières de la culture indienne. www.dagworld.com

18 I Beaux Arts
ARCHITECTURE Par Philippe Trétiack

Inspirés par
les géoglyphes
de Nazca au Pérou,
les Yeux du ciel,
à Villeneuve-sous-
Dammartin (77),
ne manqueront
pas de surprendre
les dizaines de
millions de
voyageurs aériens
transitant chaque
année par
l’aéroport de
Roissy-CDG.

La colline a des yeux


Cela ressemble à une blague, mais Antoine Grumbach n’a jamais été aussi sérieux : il veut ériger en
Ile-de-France des tumulus-belvédères avec la terre excavée des chantiers du Grand Paris Express.

L
e film d’horreur de Wes Craven La colline a On eut à Paris les enceintes médiévales, la ceinture
des yeux fut, en 1977, un succès qui occasionna des fermiers généraux, les boulevards extérieurs,
suites et remakes. L’architecte Antoine le périphérique. Demain une chaîne de belvédères ?
Grumbach vient d’en donner sa version à Villeneuve- Est-ce bien raisonnable ? Peut-être si l’on estime,
sous-Dammartin, dans l’alignement des pistes comme le font nombre d’architectes, que la banlieue
de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. En 2024 indifférenciée exige des pôles reconnaissables de
(année des JO), des millions de passagers loin, des équivalents contemporains de ce que furent
découvriront son œuvre de land art, deux yeux de autrefois les flèches des cathédrales. En finir
400 m de long et 170 de large, inspirés des géoglyphes avec l’anonymat de l’étalement urbain, rompre avec
de Nazca, au Pérou. Œuvre d’art ou mauvaise la cassure entre un hypercentre valorisé et des
plaisanterie ? Antoine Grumbach, qui fut l’un des banlieues délaissées serait alors le but suprême de ces
théoriciens français de la sédimentation urbaine, buttes sublimées. Les belvédères, tumulus modernes
D’une surface
ne manque pas d’arguments. Pour commencer, et même cénotaphes, trouveraient alors leur
d’environ
il s’est rapproché de la société ECT dont la fonction fonction : être des signes visibles, non seulement du 10 hectares,
consiste à regrouper sur des terrains de la Grande ciel comme nos deux gros yeux, mais encore du sol. chaque œil
Couronne les terres excavées des divers chantiers Ils constitueraient les éléments d’une carte mentale organise une
esplanade
de démolition et de construction. Terres et gravats partagée par tous. Un tournant, une nouvelle ère, comparable, dans
mêlés ont ainsi formé des collines. Les réutiliser celle des belvédères. Une ceinture synonyme non ses dimensions,
est une idée assez lumineuse quand on sait combien d’abstinence mais de prodigalité. Antoine Grumbach à celle séparant
la pyramide
le secteur du bâtiment est responsable d’une grande y croit. Bientôt, 25 % des terres excavées proviendront
du Louvre de
partie de la pollution générale. des chantiers du réseau de transport public Grand l’Arc de Triomphe
Paris Express. Les recycler n’est pas de la courte vue. des Tuileries.
Esthétique ou superkitsch ?
Grumbach, qui défendit également l’idée d’un
Grand Paris étiré jusqu’au Havre – vision appuyée sur
le constat qu’il n’est pas de grande capitale sans accès
à la mer –, veut pousser plus loin sa démarche.
Il envisage de créer une noria de belvédères jaillissant
de ces terrils. Se dessinerait alors une ceinture
formée de neuf points mués en lieux d’expositions,
de loisirs, d’événements festifs ou culturels…
Au-delà de la question formelle (ces yeux sont-ils
esthétiques ou superkitsch ?), s’en pose une autre :
d’où nous vient cette obsession de la ceinture ?

20 I Beaux Arts
RBC PARIS
40, RUE VIOLET
75015 PARIS
T +33(0)1 45 75 10 00
RBCMOBILIER.COM

#MolteniGroup
VVD— VINCENT VAN DUYSEN
ARCHITECTURE

Entre les pins


et les bouleaux
Stovnertårnet • Stovner
(Norvège) • 2017 • Link Arkitektur
C’est au cœur d’un parc urbain aménagé
au nord-est d’Oslo que s’est implanté le projet
Stovnertårnet. L’architecture se présente
comme une passerelle de 260 mètres de long
en bois et métal, qui serpente autour des arbres
et invite à la déambulation et à la contemplation.
De petites aires de repos sont aménagées
pour permettre de s’asseoir, de se détendre
et de profiter de la vue sur la vallée de Grorud
et jusqu’au fjord d’Oslo.

Les plus belles Babel


En plus d’être spectaculaires, elles sont vertueuses : réduisant au maximum leur impact sur
l’environnement, ces tours d’observation en pleine nature offrent une expérience inoubliable.

Le lac Depuis 2001, la société Erlebnis Akademie AG (EAK) conçoit des espaces de découverte de la nature
d’un genre nouveau. Son credo est d’offrir des expériences d’exception pour tous les publics dans
des cimes une approche à la fois ludique, pédagogique et écologique. Après plusieurs réalisations en Allemagne
et en République tchèque, son dernier projet est situé dans les Préalpes orientales, territoire réputé
Baumwipfelpfad
pour la beauté de ses lacs. Au programme pour les visiteurs : une promenade sur un sentier balisé
Salzkammergut
de 1 400 mètres et une ascension sur une tour en bois qui culmine à 39 mètres, avec un panorama
Grünberg (Autriche) à 360° sur le lac et la montagne.
2018 • EAK

22 I Beaux Arts
Par Céline Saraiva

Vertigineuse spirale Situé à une heure de Copenhague dans une forêt protégée, Camp Adventure
propose une expérience inédite et respectueuse de l’environnement, à mi-chemin
Camp Adventure • Denderup entre le parc naturel et le parc d’attraction. Un parcours jalonné par diverses
Vænge, Næstved (Danemark) • 2017 • Effekt activités autour de la faune et la flore et qui se termine par une tour d’observation
hélicoïdale de 50 mètres de haut, composée d’acier et de bois produit localement.
Sa rampe spectaculaire mène les promeneurs jusqu’à une plateforme d’observation
élargie au sommet pour profiter pleinement de la vue sur la canopée.

Beaux Arts I 23
DESIGN L’OBJET CULTE Par Pierre Léonforte

Risom Magazine Table de Jens Risom, 1949

La pensée
Risomatique
Exemplaire des principes
du modernisme danois, cette table
d’appoint porte-revues a été
dessinée aux États-Unis en 1949
par Jens Risom. Aujourd’hui
rééditée, elle rappelle combien
la sobriété peut enivrer…
jusqu’à la Maison-Blanche !

N
é en 1916 à Copenhague, Jens Risom, fils
d’un architecte renommé (Sven Risom),
émigre en 1938 à New York où il s’associe
à l’entrepreneur d’origine allemande Hans Knoll dès
1941 pour créer la compagnie Hans Knoll Furniture.
Auparavant, ce disciple de Kaare Klint (auteur le Président Lyndon B. Johnson posera son auguste Existe en placage de chêne
de l’iconique Safari Chair en 1933) s’était déjà fait séant pour signer en 1964 le Civil Rights Act. naturel verni ou chêne verni
noir (47 x 40,5 x 57,5 cm).
connaître à Stockholm. Expression de la pensée Un Johnson qui avait choisi le mobilier confortable En vente chez Fredericia
du bien-être culturel, économique et social couplée de Risom pour moderniser la Maison-Blanche. au prix de 496 €.
à la recherche d’une identité nationale, fusion du
savoir-faire vernaculaire et de techniques modernes, Actif jusqu’à 92 ans
le design scandinave sera appréhendé tout au long Belle prestance, élégant, Jens Risom est mort,
du XXe siècle comme un outil d’amélioration centenaire, en 2016. Il vivait dans le Connecticut,
esthétique, ergonomique et égalitaire des objets à New Canaan, cette enclave moderniste où
peu coûteux, nécessaires à la vie quotidienne. Marcel Breuer et les autres bâtirent des maisons
Risom sera celui qui en introduira les principes mémorables. Après la vente de sa société en 1970,
aux États-Unis. Et pour cause : au service du général Risom, devenu designer et consultant pour plusieurs
Patton pendant la Seconde Guerre mondiale, il y musées, dessinera encore, à 92 ans, les tabourets
établit sa propre firme, Jens Risom Design, en 1946 pour la rénovation de la Glass House (1949)
après avoir quitté Knoll, fâché pour la vie. de Philip Johnson, à New Canaan. Sur le marché
de la collection, le galeriste Ralph Pucci sera,
En double page dans Playboy dès 2001, l’artificier de sa relance. Depuis un an,
Bureaux, hôpitaux, bibliothèques, sphère son héritage mobilier et textile – plus de
domestique… la clientèle de Risom est à spectre large, mille références – fait l’objet d’un vaste programme
et la première campagne publicitaire est conçue par de rééditions assurées par plusieurs compagnies,
Richard Avedon. En juillet 1961, Risom figure même dont la danoise Fredericia qui a révélé, lors de
sur une double page de Playboy consacrée aux la Stockholm Design Week, en février dernier, cette
révolutionnaires du mobilier en Amérique. Il y a là intrigante tablette porte-revues profilée d’équerre,
George Nelson, Harry Bertoia, Edward Wormley, proposée en deux teintes. Une architecture à lire.
Eero Saarinen, Charles Eames, et Jens Risom posant
debout à côté de sa chaise C-140 (1955) sur laquelle www.fredericia.com

24 I Beaux Arts
11 AVR
08 MAI
— 2019
exposition
espace commines
12h-19h du mardi au samedi
entrée libre
17 rue commines 75003 paris www.commines.com
DESIGN

Hommage à
Alessandro Mendini

L
e designer s’est éteint à l’âge de 87 ans dans sa ville natale,
Milan, le 18 février 2019. Figure incontournable du design Anna G.
international pendant plus de cinq décennies, il était Alessi • 1993
également architecte – il inaugura avec son frère Francesco l’Atelier C’est l’un des best-sellers de la marque
Mendini en 1989 –, artiste et théoricien. Dans les années 1970 et italienne Alessi avec laquelle
1980, il fonda la revue Modo et dirigea les magazines spécialisés Alessandro Mendini a commencé à
Casabella et Domus. Lui-même se décrivait comme «un designer travailler en 1977, tour à tour architecte,
qui applique certaines méthodes typiquement artistiques ; et vice architecte d’intérieur – il a conçu
versa». Il laisse une œuvre foisonnante où couleurs et motifs la boutique de la rue Boissy d’Anglas,
à Paris – et designer.
forgent un langage personnel en constante évolution. Beaux Arts
Vendu à plus d’un million
lui rend hommage à travers quelques objets emblématiques.
d’exemplaires à travers
le monde depuis sa
création, ce tire-bouchon
porte le nom d’une amie
de l’auteur.
42 € • www.alessi.com

Bandiera
Tribu • 1988
Ondulant comme un drapeau au vent,
ce bureau tricolore fait partie d’un ensemble imaginé
dans les années 1980 pour l’aménagement de l’Institut culturel
français de Milan. En acier peint et mélaminé, il a été fabriqué
par la maison Tribu. En hommage à Alessandro Mendini, la galerie
parisienne A1043 présentera une partie de cette commande
publique du 18 avril au 1er juin.
Prix sur demande • http://a1043.com

Magis Proust
Magis • 2011
Décoré selon le principe du divisionnisme,
le «fauteuil de Proust» incarne le concept
de Re-Design élaboré par Alessandro
Mendini. Selon le designer, il n’y a plus
de formes nouvelles à inventer et le seul
recours possible tient dans le motif.
Depuis sa création (par Alchimia en 1978),
cette bergère d’inspiration Régence a
connu de nombreuses variantes. Avec
Magis, elle devient un «objet industriel»
en polyéthylène.
1 326 € en version multicolore • 806 €
en version unie • www.magisdesign.com

26 I Beaux Arts
Par Claire Fayolle

Diderot-Seoul II
Corsi Design • 2015
Née en 2007, la collection
Mendinismi, fabriquée
de manière artisanale, est
constituée d’assiettes
et de vases en fibre de verre
aux couleurs brillantes
et aux contrastes forts.
Les motifs apposés sur
différentes formes créent
des séries potentiellement
illimitées de modèles.
Avec sa fine silhouette
presque néoclassique,
Diderot se réfère à l’époque Giotto
des Lumières. D’autres Venini • 2005
vases évoquent les cultures
chinoise ou étrusque. Mendini s’est inspiré de la peinture de Giotto – la synthèse la plus juste,
Édition limitée à 3 exemplaires à ses yeux, des qualités de l’art italien –, pour imaginer cette sculpture
2 440 € • www.corsidesign.it emblématique. Ce visage ailé fait écho à nombre de figures humaines
conçues par le designer – on pense à l’exposition «Fragilisme» à la
fondation Cartier en 2002. En verre soufflé et gravé, l’objet conjugue
un verre opale bicolore et des couches de verre multicolores.
Édition limitée à 119 + 5 exemplaires • 11 000 € • http://venini.com

Castle
Cleto Munari • 1979
La collaboration entre
Cleto Munari et Alessandro
Mendini – qui doivent leur
rencontre à Carlo Scarpa –
s’est poursuivie plus de
quarante ans. La dernière
création de l’architecte
et designer, Mobilino, est
encore au stade du prototype.
Ce vase en argent sterling
plaqué or 18 carats reflète,
avec ses petits drapeaux,
la veine esthétique du Banal
Cetonia Design développé par
Edizioni Zanotta • 1984 Alessandro Mendini au
Créé en 1989, Zanotta Edizioni est issue du laboratoire expérimental tournant des années 1970
«Zabro». Cette marque, née au début des années 1980, poursuivait et 1980.
les recherches du groupe Alchimia auquel avait participé Alessandro Édition limitée à 9 exemplaires
Mendini. L’intention était de préserver le patrimoine artisanal italien 8 000 € • www.cletomunari.com
tout en explorant de nouveaux langages esthétiques. La commode
présente une structure en bois laqué peint à la main.
Exemplaire signé • 13 760 € • www.zanotta.it

Beaux Arts I 27
MODE Par Pamela Golbin

La mode s’habille avec l’art


Monuments, musées… À l’occasion de la Fashion Week, les créateurs ont pris
d’assaut les lieux culturels de la capitale. Ils se réapproprient les espaces pour des défilés
tous plus théâtraux les uns que les autres.

dur de la mémoire collective va devoir intégrer


le fait que M. Lagerfeld rêvait ses décors la nuit,
durant son sommeil, maintenant éternel.
Chapeau bas pour l’ensemble de son œuvre.

Rick Owens, glam-rock au Palais de Tokyo


Puis enchaînons avec Yves Saint Laurent qui, des
fontaines du Trocadéro, semble défier la tour Eiffel,
élégant quadrupède d’acier s’élançant dans les cieux.
Force est de constater qu’ils font tous trois partie des
marques de fabrique incontestables de la capitale.
Faisons ensuite un saut du côté de chez Rick Owens,
lequel a jeté son dévolu sur le Palais de Tokyo,
explorant l’architecture du lieu afin de mieux faire
circuler ses créatures glam-rock plus qu’osées. Pour
cet Américain à Paris, avoir de la suite dans les idées
induit celle de nous convier à d’autres festivités,
comme sous les arcades du Palais Royal, autour
d’un cocktail dans la Joyce Gallery, où l’on pourra
admirer une expo intimiste sur feu le couturier
Charles James. Dans la foulée, cap sur le Penseur
Le Grand Palais transformé en station de ski pour le défilé Chanel de Rodin méditant parmi les marathoniens de
prêt-à-porter automne-hiver 2019-2020. la mode extatiques assistant au défilé Dior.
Effectuons maintenant un détour vers la cour
Carrée du Louvre où siège la masse imposante

D
epuis quelque temps déjà, l’art et la mode d’un cube blanc. À l’intérieur nous attend
s’allient bras dessus bras dessous, distillant la reproduction partielle, tout en tubulures
un rapport de force tout en douceur qui fait colorées, du Centre Pompidou. On se
fureur, un co-branding ultratendance où l’on ne souvient que Renzo Piano avait conçu
sait plus qui adoube qui, quoique… De ce fait, son entrée a contrario de celle des églises,
certains sites et musées emblématiques de la Ville marches supprimées et parvis descendant
lumière sont systématiquement investis durant en pente douce afin de, symboliquement,
la Fashion Week. Une opération de com donnant- désacraliser l’accès à l’art contemporain.
donnant, une pub à double détente où chaque Qu’en est-il aujourd’hui avec cette version
partenaire gagne à être connu et reconnu. tronquée plus vraie que nature sise au
beau milieu d’une cour achevée à la fin
Un dernier hommage à Karl Lagerfeld du XVIIIe siècle ? À travers cette collection
Dans le désordre : Celine et Valentino aux Invalides, Louis Vuitton qui puise son inspiration
Miu Miu au Palais d’Iéna, Hermès à la garde au cœur des années 1980, il semblerait que
républicaine, Balenciaga à la Cité du cinéma, etc. Nicolas Ghesquière ait franchi une nouvelle
Et c’est parti pour une visite guidée V.I.P. des hauts étape : désormais, la mode ne se contente plus
lieux de la culture parisienne revisités fashion, de cohabiter avec des murs chargés d’histoire, mais
mais pas si victime que ça. Comme il faut toujours elle se les réapproprie corps et âme en transposant
rendre à César ce qui lui appartient, commençons ou évacuant, le temps d’un défilé, l’essence même
notre parcours par un ultime hommage à Monsieur de l’espace alentour.
Lagerfeld – Karl pour les intimes –, via cette minute
de silence solennelle observée par le Tout-Paris
mondialisé. Sous les voûtes majestueuses du Grand
Palais, l’absence du maître résonne par-delà les pas
feutrés des modèles défilant dans une villégiature Le défilé Louis Vuitton prêt-à-porter automne-hiver
2019-2020 a reproduit pour décor le Centre Pompidou
de rêve, en l’occurrence le condensé en poudreuse dans la cour Carrée du Louvre : Vuitton ou toute l’histoire
artificielle d’un Gstaad stylisé. Entre nous, le disque de l’art en un défilé.

28 I Beaux Arts
UNE PYRAMIDE,
UNE HISTOIRE ET VOUS
Demain est un autre Louvre
© I. M. Pei © Getty Images / Cebb-Photo © conception graphique : Dream on / musée du Louvre.

La Pyramide du Louvre fête ses 30 ans


Tout le programme sur louvre.fr – Adhérez sur amisdulouvre.fr
CINÉMA Par Jacques Morice

AUTRES FILMS À L’AFFICHE


Antoine d’Agata devant l’objectif
La violence, la drogue, le sexe, l’exclusion,
Antoine d’Agata les a explorés dans un travail
de «photobiographie» stupéfiant, irréductible,
perturbant, baroque. Franck Landron le connaît
bien, et l’a suivi dans sa route pour en tirer
ce beau documentaire, personnel, où d’Agata
lui-même parle peu (il passe en fugitif)
mais où toutes sortes de proches (critiques,
éditeurs…) éclairent de manière pertinente
la démarche et l’évolution du phénomène.
D’Agata – Limite(s) de Franck Landron
> en salles depuis le 27 mars

Trois cents ans d’histoire russe


en un seul plan-séquence
Même s’il a peu triché ici et là, Alexandre
Sokourov a réussi à filmer en un seul plan-
séquence cette visite spéciale du légendaire
musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg,
comme si nous étions au temps de la Russie
Autoportrait du photographe, scénographe, costumier, chroniqueur mondain impériale. Un défilé un peu pompeux
et même queen (à en croire David Hockney !) à New York, en 1937. de tableaux et de personnages historiques,
mais la virtuosité du geste est à saluer.

Son altesse Cecil L’Arche russe (2002) d’Alexandre Sokourov


> reprise en salles depuis le 20 mars

Dandy excentrique, théâtral jusqu’au bout de son chapeau


édouardien, sir Cecil Beaton a anobli la photographie.
Un documentaire en salles fait joliment le point sur lui.

C
ecil Beaton (1904-1980) avait une certaine classe, n’était sa voix de canard.
Oui, on est féroce, mais comme il l’était lui-même, on lui rend hommage.
On le voit un moment, coiffé de son curieux chapeau à la «bravoure
édouardienne», répondre aux questions parfois abruptes du journaliste, du tac
au tac, avec une élégance acide. Et beaucoup de lucidité aussi, sur lui-même, Le long-métrage de tous les records avec 2 000 acteurs
déployés dans les salles de l’Ermitage !
ses limites intellectuelles, son manque de confiance, son ambition. Vif, sémillant,
mais aussi mélancolique, ce nouveau documentaire de Lisa Immordino Vreeland
(Peggy Guggenheim, la collectionneuse) retrace le parcours de cet éternel dandy, RÉTROSPECTIVE
qui a beaucoup contribué à valoriser la photographie. Nul commentaire laudatif
et superfétatoire en voix off ici : la réalisatrice a habilement pioché dans le journal Les années les plus folles
de René Clair
intime de Beaton lui-même pour en extraire des passages (lus par Rupert Everett,
Il a longtemps incarné l’esprit vif et libre du
expert lui aussi en dandysme), servant de jalons ad hoc à sa riche carrière.
cinéma français, avant d’être quelque peu
Amant de Garbo et «terrible homosexuel» éclipsé. Aujourd’hui, on le redécouvre, à la fois
avant-gardiste et classique, réaliste et poétique.
Il a fait partie des Bright Young Things, cette bande de nantis excentriques À voir surtout : le surréaliste Entr’acte (1924)
à l’hédonisme insolent. Il a magnifié la mode et immortalisé bon nombre avec Francis Picabia et Marcel Duchamp,
de légendes (Gary Cooper, Marlène, Marilyn…), en a aimé passionnément Sous les toits de Paris (1930), À nous la liberté
une (Garbo), bien qu’il fût, selon ses propres termes, [ill. ci-dessous], 14 juillet (1932).
un «terrible homosexuel». Multiple, il a pu aussi bien Rétrospective René Clair du 10 avril au 9 mai
briller dans la photographie documentaire pendant Cinémathèque française • 51, rue de Bercy
75012 Paris • 01 71 19 33 33 • www.cinematheque.fr
la bataille d’Angleterre qu’auprès de la famille royale
dont il a été le portraitiste officiel. Le film éclaire
également ses talents de chroniqueur mondain,
scénographe et costumier (sur My Fair Lady, concours
d’élégance inoubliable). Sans écarter totalement
l’hypothèse selon laquelle ce grand narcissique était
un créateur superficiel. À moins que, pour paraphraser
Louise de Vilmorin avec qui il a sans doute un jour
À la fin des années 1910. pris le thé, il ne l’ait été que superficiellement.
Charlie Chaplin se serait inspiré d’À nous la liberté, film
Love, Cecil de Lisa Immordino Vreeland > en salles depuis le 27 mars culte sorti en France en 1931, pour les Temps modernes.

30 I Beaux Arts
LIVRES

Les voyages extraordinaires


de Xavier Barral
Il a exploré la planète Mars et fait disparaître Venise. et Raymond Depardon. Xavier Barral était un chaman
du papier, des encres mystérieuses et des noirs
Lu dans les pierres et ranimé l’esprit des hommes profonds.» Impliqué dans ses projets jusqu’aux
de la Terre de Feu. Le plus talentueux des éditeurs moindres détails, il accordait la même attention
d’art et de photographie est mort à 63 ans, à une couverture qu’à une page de garde, à des livres
dans son sommeil. Il nous laisse tous ses rêves. d’artistes (de Sergio Larrain à Martin Parr) qu’à
des ouvrages sur la flore des friches urbaines ou
la collection de minéraux de Roger Caillois. Sa proche
collaboratrice Yseult Chehata se souvient encore

D
ans le bestiaire sentimental de Sophie Calle, de son émerveillement dans le temple des mousses
Xavier Barral avait malicieusement choisi de Kyoto : «Il avait une approche très tactile.
d’être représenté par un «modeste oiseau Fasciné par les matières et d’une curiosité constante,
des îles, élégant et fin», prêt à tout pour satisfaire il vous faisait voir dans chaque image la petite
la fantaisie de cette drôle d’oiselle. L’éditeur est allé magie… Et savait vous embarquer dans ses histoires !»
jusqu’en Chine pour lui broder une couverture
en lettres d’or et n’a pas hésité à couvrir l’un de ses De la Terre de Feu à la Lune
poèmes de (fausse) fourrure. Ce «complice de rêve» Amarré depuis près de trente ans dans son «atelier»
songeait même à lui confectionner un livre dont parisien de la rue Sedaine, l’ancien homme de presse
l’encre s’effacerait au fil de la lecture… Rien n’était (l’Autre Journal, l’Événement du jeudi…) a fondé
trop fou : ainsi, quand Sophie Calle lui a demandé avec sa femme Annette Lucas et l’illustrateur
d’imprimer Rachel, Monique en anglais en un temps Stéphane Trapier le studio graphique Atalante – où
record, Xavier Barral a eu l’idée de faire fabriquer il a réalisé ses premiers livres, comme Pleine mer
plus de 200 tampons avec le texte traduit. de Jean Gaumy. Il lancera sa propre maison d’édition
«Nous avons tamponné à la main une centaine dix ans plus tard, en 2002, sous l’impulsion d’Hervé
d’exemplaires, se réjouissait l’éditeur. Chaque de La Martinière et de Daniel Buren, pour son ouvrage
Xavier Barral photographié ouvrage de cette version anglaise est un original !» Mot à mot. Avec ses parquets, ses mezzanines,
par Patrick Gries, en 2008. ses voiles, ses échelles et ses livres par milliers,
«Un chaman du papier, des encres l’endroit ressemble à un bateau ivre. Dans la cabine
mystérieuses et des noirs profonds» du capitaine, les phases d’une éclipse de Lune
À vrai dire, chaque livre frappé des lettres EXB par Luciano Rigolini, une carte ancienne du détroit
est à la fois un livre original et un objet singulier. de Magellan, un patronage de redingote, des feuilles
Dès ses débuts, chez Hazan, Xavier Barral se d’eucalyptus ramassées sur l’île de Porquerolles,
distinguait en concevant un livre en tôle réunissant des cailloux, des échantillons de papiers japonais,
les clichés pris par Doisneau dans une usine Renault un monochrome noir, des croquis, la maquette
(1988). «L’œuvre qui naissait sous ses doigts faisait du prochain Koudelka… Au mur, deux portraits
de nous des artistes, témoignent Claudine Nougaret rappellent que tout voyage devient ici un livre :
ces clichés ont été pris par le missionnaire allemand
Martin Gusinde en Terre de Feu, entre 1919 et 1924.
Le souvenir de ces petits tirages découverts en 1987
dans le musée de l’île de Navarino, à l’extrême sud
du Chili, donnera naissance, trente ans plus tard,
à l’un de ses livres les plus bouleversants, dédié aux
peuples Kawésqar, Yamana et Selk’nam aujourd’hui
disparus : l’Esprit des hommes de la Terre de Feu.

Sous l’observatoire de Meudon


S’il a passé le cap Horn – la première fois par temps
Xavier Barral aura fait
de ses passions des
calme, la seconde fois sur une «mer blanche» –, ce
livres de toute beauté, marin expérimenté était aussi «sous-marin», capable
et parfois même des de traverser l’Europe pour trouver un hippocampe,
expositions, à l’instar se souvient le biologiste Jean-Baptiste de Panafieu,
d’«Autophoto»
conçue avec Philippe avec qui il a élaboré pendant cinq ans son best-seller :
Séclier à la fondation Évolution, une anthologie de 200 squelettes de
Cartier en 2017. Luciano Rigolini Tribute to Giorgio de Chirico, 2017 vertébrés, photographiés par Patrick Gries. «Chaque
appropriation (photographe inconnu, 1958) animal a été une rencontre, soit par sa complexité,

32 I Beaux Arts
Par Natacha Nataf

Ses dernières publications


De Washington à Tokyo à tire-d’aile
Lancée l’an dernier,
Des oiseaux est
la première collection
des Éditions Xavier
Barral. Son ambition
est simple : rendre
compte de la présence
des oiseaux dans
notre monde. On piaffe d’impatience de découvrir les deux
prochains volumes. Terri Weifenbach a saisi, à hauteur de chat,
le ballet aérien des passereaux dans son jardin : une palette
vibrionnante au rythme des saisons et des enchantements
de la photographe américaine. Le Japonais Yoshinori Mizutani
s’est concentré, lui, sur les hordes d’étourneaux et de
perruches dessinant des partitions urbaines inédites sur les fils
électriques ou dans les arbres. Des haïkus aux riffs sauvages !
Des oiseaux par Terri Weifenbach et Yoshinori Mizutani
textes de Guilhem Lesaffre • 96 p. • 35 €

Un reportage de 6,5 milliards de kilomètres


Il y avait à la fois du génie de
Jules Verne, de la magie de Méliès
et de l’esprit des encyclopédistes
chez Xavier Barral. Pour preuve,
Martin Gusinde Chaman Kawésqar, 1919-1924 son dernier projet : la Comète,
le voyage de Rosetta, «un périple
de 6,5 milliards de kilomètres,
d’une durée de 12 ans, 6 mois
En publiant l’Esprit des hommes et 28 jours, pour découvrir un objet long de 5 kilomètres qui tend
de la Terre de Feu, l’éditeur-
voyageur a non seulement inexorablement à disparaître à chacun de ses passages autour
sorti les images du missionnaire du Soleil». Cet obscur objet est la comète 67P, surnommée
Martin Gusinde de l’oubli, Tchoury, que l’on découvre ici sous tous les angles, c’est-à-dire
mais il les a aussi numérisées,
tirées et exposées en Terre tous les noirs possibles. Un corps céleste dont les infimes
de Feu et à travers tout le Chili. poussières nous renseignent sur la formation des planètes
et nous invitent à «reconsidérer nos références terrestres» :
toujours entre deux infinis, Xavier Barral aura consacré
ses derniers mots au vertige de son amour pour l’image
soit par sa beauté, soit par la grâce qui en émane et son irrésistible force d’attraction.
encore», s’enthousiasmait l’éditeur-voyageur. La tête La Comète – Le voyage de Rosetta
dans les étoiles, les poches pleines de cailloux, il avait textes de Jean-Pierre Bibring & Hans Zischler • 216 p. • 55 €
grandi sous l’observatoire de Meudon et rêvait
de consacrer un ouvrage à la Lune. L’astrophysicien Paris et New York, pôles explosifs de l’art
Francis Rocard l’incitera en 2011 à changer de cap : Les Éditions Xavier Barral sont partenaires
la Nasa venait de récolter près de 30 000 images de longue date des plus grandes institutions,
en très haute définition de Mars. Admiratif, Barral de la fondation Henri Cartier-Bresson
en sélectionnera 200, qu’il recadrera en gardant une au Centre Pompidou, pour lequel elles
échelle constante de 6 km de large. «Ergs de dunes, viennent de réaliser le très complet
cratères couverts de poussière volcanique, canyons catalogue (840 photos !) de l’exposition
abyssaux, pôles en débâcle»… Il passe ses jours et ses
«Shunk-Kender» : deux photographes
nuits dans les abstractions noires de la planète rouge.
au cœur des avant-gardes parisienne et new-yorkaise de 1957
«C’est un travail de promeneur. J’ai souvent,
à 1983. Des Anthropométries d’Yves Klein aux performances
à la lecture de ces clichés, pu imaginer plusieurs
délirantes de Yayoi Kusama sur les toits de Manhattan, un noir
itinéraires, le temps qu’il me faudrait pour traverser
et blanc qui nous en fait voir de toutes les couleurs.
tel ou tel paysage. Il m’a semblé que ces découvertes
Shunk-Kender – L’art sous l’objectif 548 p. • 49 €
repoussaient plus loin les limites de mon
imaginaire», s’émerveillait ce Breton d’adoption, > Catalogue complet sur : http://exb.fr
Chilien de cœur, extraterrestre de vocation.

Beaux Arts I 33
PHILO Par François Cusset

Pop music, pop art !


Après une thèse sur Theodor Adorno, ennemi n° 1 de la «musique populaire légère»,
Agnès Gayraud, enseignante à la Villa Arson et compositrice-interprète, livre une esthétique
inédite de la pop. Et si c’était le courant musical – et artistique – majeur du XXe siècle ?

part de là, de ce «hater hyperbolique» qu’Elvis


ou les Beatles déprimaient (mort en 1969, il n’a pas pu
en entendre davantage), pour tenter de penser
les «régimes d’expression» de la musique pop.
Elle surmonte ce jugement d’un autre âge, mais sait
gré à Adorno d’avoir entrevu les contradictions
de cet «art mécanisé». Et propose de ce vaste champ
de la «musique enregistrée» une approche érudite
et lumineuse, pointant une infinité de paradoxes :
larsens pénibles et ritournelles à fredonner,
subversion surjouée et dictature du hit-parade,
impulsivité scénique et matraquage commercial…

«Il n’y a plus de King of Pop universel»


Des Sex Pistols à Céline Dion, la pop, au sens large,
est un «art technique de masse» profondément
démocratique, qui déracine l’authentique mais
donne une aura aux sons métissés, qui fait dans
l’ironie éclectique mais nous arrache des larmes
par ses «épiphanies de l’enfance». Et l’auteure
de déployer son analyse au présent, dans cette
époque où la pop est devenue un patrimoine
et où le tournant numérique a changé la donne :
«Il n’y a plus de King of Pop universel, mais
des myriades de petits rois et reines, régnant
sur les contrées parcellisées du mainstream…»
Qu’en est-il de nos cimaises, de nos galeries,
de nos objets design ? Une bonne part des analyses
d’Agnès Gayraud vaut pour les arts visuels,

I
Jamie Reid l est temps de prendre au sérieux la pop culture. au-delà de la seule vogue du pop art dans les
God Save the Queen, Y compris le fait qu’on ne la prenne jamais années 1960 : rapport au format et aux standards,
couverture de l’album
au sérieux. Commercial, stratégique, arrangé, au fétiche et à la facilité, au kitsch et au second
des Sex Pistols, 1977
ironique, publicitaire, factice… ce qui ressort degré, routinisation d’une force rebelle initiale,
du pop – dernier tube dansant, best-seller formaté, désacralisation de la grande culture, complaisance
BD «subversive» – n’est pas vraiment populaire perceptive et toute une «attitude» de l’œuvre
(au sens d’issu du peuple), ni entièrement créatif qui compte plus que son contenu esthétique…
(au sens des génies de la grande culture), et encore Mais là où l’enregistrement est le pivot de la musique
moins légitime près de soixante-dix ans après pop, la sérialité et les reproductions vendables ne
les premiers succès du rockabilly. À l’époque, sont que des aspects de l’art pop ; et là où un tube
le philosophe, compositeur et musicologue allemand nous accompagne sous la douche, aucune sérigraphie
Theodor Adorno, qui avait découvert le phénomène ne nous plongera dans des abîmes de nostalgie.
pendant son exil américain, n’avait pas de mots assez Reste l’inconséquence politique, qui leur est
durs contre le swing, le jazz ou le dessin animé : commune : crier à l’émancipation mais cachetonner
trouvant encore «insupportable», en 1968, que des millions, simuler un assaut contre l’édifice
«quelqu’un chante à propos du Vietnam sur cette même dont on tire sa force.
musique doucereuse» (il visait le folk contestataire
de Joan Baez), il voyait cette «musique populaire
légère standardisée» comme «mauvaise sans
exception», ennemie du bon goût et parangon
Dialectique de la pop
de la culture industrialisée, du capitalisme débilitant.
par Agnès Gayraud
éd. La Découverte Philosophe, critique rock et elle-même compositrice-
528 p. • 26,50 € chanteuse (sous le nom de la Féline), Agnès Gayraud

34 I Beaux Arts
MAO LIZI
BEYOND COLOR
21 MARS - 25 MAI 2019

EXPOSITION : 21. 03 / 25 . 05 . 2019


GALERIE A & R FLEURY 36 AVENUE MATIGNON - 75008 PARIS
MODERN & CONTEMPORARY ART
+33 (0)1 42 89 42 29 - info@arfleury.com
informations sur le site www.arfleury.com

Détail: Reconstructed landscape, Huile sur toile, 2018, 195 x 130 cm. Courtesy galerie A&R Fleury & Mao Lizi
MÉDIAS Par Florelle Guillaume & Charlotte Ullmann

Patrick Ferragnes, gérant des ateliers


Art Project, et la designer Matali Crasset,
lors de la fabrication du Manège (2018),
conçu pour le Centre Pompidou.

Couples de génies
L’histoire, tragique, est tristement
célèbre : Jeanne Hébuterne, belle brune
aux yeux d’opale, se défenestre, enceinte
de neuf mois, désespérée par la mort
d’Amedeo Modigliani. Mais qui connaît
Jeanne Hébuterne l’artiste ? La peintre
des toits de Paris, la portraitiste recluse ?
En racontant l’histoire romanesque
de couples iconiques de l’art, Arte rend
à chacune de ces épouses et muses
leur rôle de créatrice. Lee Miller, Paula
Becker, Gerda Taro et Georgia O’Keeffe
occupent ici le devant de la scène à l’égal
de leur amant. Une série documentaire
foisonnante d’archives rares.
ARTE «L’amour à l’œuvre»

Artistes à l’œuvre
tous les dimanches à 19 h 15, du 7 avril
au 5 mai (et en replay sur arte.tv)

S
e glisser dans les répétitions du dernier ballet aux accents cosmiques d’Angelin
Preljocaj, assister à la réalisation du portrait princier d’Eddy de Pretto
par Pierre & Gilles, suivre à la trace l’infatigable Matali Crasset dans ses multiples
projets entre art, design et écologie… La nouvelle collection documentaire de France 5,
«Influences – Une histoire de l’art» – diffusée chaque jeudi dans le cadre du programme
«Passage des Arts» – nous embarque dans les coulisses de la création d’aujourd’hui, qu’elle
soit visuelle, théâtrale, chorégraphique ou musicale. En 52 minutes, un artiste (entre autres,
Jean-Michel Othoniel, Enki Bilal, Yan Pei-Ming ou Ernest Pignon-Ernest) dévoile son
cheminement, confie ses souvenirs et sources d’inspiration, ses secrets de fabrication
mais aussi ses questionnements, doutes et tâtonnements… La pensée se donne à voir,
juste avant l’accomplissement final de l’œuvre. Une belle collection réunie par la même idée,
mais dont chaque épisode, dirigé par un réalisateur et producteur différent, affiche
son propre style. On regrettera néanmoins une sélection d’artistes plutôt consensuelle. Célèbre pour sa relation avec Modigliani,
FRANCE 5 «Influences –Une histoire de l’art» à partir du 6 avril Jeanne Hébuterne (1898-1920) était
le samedi à 22 h 25 (rediffusion le dimanche à 9 h 25) elle-même une artiste.

ET AUSSI…
La tête dans la Lune Qui était M. Courtauld ? Un Cavalier bleu à deux têtes Dans la Nuit étoilée
Le Grand Palais lance une série Dans une Angleterre hostile Zoom sur deux personnalités Nouveau spectacle numérique
de podcasts dans la lignée de sa au mouvement impressionniste, radicales du mouvement allemand pour l’Atelier des lumières, ce tout
programmation. Thème inaugural : le riche industriel et mécène Der Blaue Reiter : Franz Marc, plutôt jeune espace parisien qui projette
«Fous de Lune – Chronologie Samuel Courtauld se prend ténébreux et mystique, et August des peintures des plus grands
d’un fantasme», soit cinq épisodes de passion pour le mouvement Macke, nettement moins spirituel… artistes sur les parois d’une
de cinq minutes retraçant plus et finance la National Gallery Quoique différentes, ces deux ancienne fonderie. Au micro de
de quatre cents ans d’histoire de Londres afin qu’elle acquière des œuvres se font écho au musée Wendy Bouchard, Fabrice Bousteau,
liée à notre cher satellite. Manet, Cézanne, Seurat, Gauguin… de l’Orangerie (jusqu’au 17 juin). rédacteur en chef de Beaux Arts,
De l’invention du télescope aux Pour en savoir plus sur cette Jean de Loisy décrypte la relation et Michael Couzigou, directeur
romans de Jules Verne en passant collection visible jusqu’au 17 juin des deux peintres amis avec l’aide du lieu, décrivent l’ambiance et les
par l’album Dark Side of the Moon à la fondation Louis Vuitton, de Cécile Debray et Sarah Imatte, coulisses de ce «son et lumière»
de Pink Floyd… écoutez la commissaire commissaires de l’exposition. qui plonge cette année le public
GRANDPALAIS.FR «Fous de Lune de l’exposition Karen Serres. FRANCE CULTURE
au sein de 500 œuvres de Van Gogh.
Chronologie d’un fantasme» FRANCE CULTURE «Franz Marc et August Macke, EUROPE 1
podcast disponible le 3 avril sur «Dans le salon des Courtauld» à l’avant-garde allemande» «Le tour de la question»
Apple Podcast, Spotify, Deezer, etc. podcast du 5 mars • 26 minutes podcast du 3 mars • 59 minutes podcast du 4 mars • 45 minutes

Retrouvez-nous sur BeauxArts.com et

36 I Beaux Arts
E N S E I G N E M E N T

Quand les étudiants du CAD


revisitent le tricycle.
Au cours de design, les étudiants de 3° année
du CAD en «Architecture d’intérieur & Design»
ont créé et réalisé le prototype d’un tricycle.
Les travaux présentés sont d’Elona Terlica Pinto,
Herbert Legrand, Louise Descampe, Hugo
Kartheuser, Isra Otmane Tolba, Laura Schwab
et Axel de Clermont-Tonnerre.
Les professeurs étaient Louis de Limburg Stirum
et David Richiuso.

Le CAD est une école internationale de design


située à Bruxelles.
Les cours sont donnés (progressivement) en
anglais, uniquement par de grands professionnels.
L’enseignement est pratique.
Les étudiants effectuent de nombreux stages en
Belgique et dans le monde entier.
Le CAD organise des workshops à Shanghai,
Milan, Londres... des voyages d’étude et de
nombreuses visites d’expositions.
Résultat : 98% des diplômés du CAD trouvent
leur job en moins de 4 mois*.

ARCHITECTURE D’INTÉRIEUR & DESIGN


PUBLICITÉ - DESIGN GRAPHIQUE & DIGITAL
UX & MOTION DESIGN 3D IMAGE DESIGN
College of Advertising & Design
25, rue Roberts-Jones 1180 BRUXELLES
Les sélections commencent le 1° février. Modalités et
* Enquête auprès des diplômés du CAD depuis 2009 (certifiée par huissier). dossier d’admission sur le site : www.cad.be
LA CHRONIQUE
de Nicolas Bourriaud

Méfiez-vous des faux experts…


Pour diriger la Documenta de Kassel édition 2022, c’est un collectif d’artistes qui a été choisi.
L’émergence de communautés curatoriales telles que celle-ci pose différentes questions…

qui autorisait à faire des choix et à


commenter l’actualité des formes.
Aujourd’hui, avec l’émergence de
communautés curatoriales telles
que Ruangrupa (mais les exemples
se multiplient), cette légitimité se
fonde davantage sur des panels.
L’expertise historique se dilue
dans la géographie : de quoi es-tu
représentatif ? Telle est la question
centrale. Je ne dis pas que ce
phénomène est mauvais en soi :
la coopérative de savoirs est
un format d’avenir.

La demi-mondaine de l’art
En revanche, on peut s’interroger
sur la dévaluation de l’idée de
légitimité en art : Ruangrupa
apparaît comme la version
sympathique d’une dérive plus

C’
Le collectif indonésien est donc un collectif indonésien d’une vaste, qui englobe ce qu’on appelle les «advisors»,
Ruangrupa, fondé en 2000. dizaine d’artistes, Ruangrupa, qui conduira c’est-à-dire les conseillers des collectionneurs,
la prochaine Documenta de Kassel. dont l’expertise repose sur à peu près rien sinon
Après une édition 2017 placée sous le double signe leur propre désir – l’équivalent artistique des traders.
de la Grèce et de la dette, son commissaire Adam Un paradoxe : l’époque hait les corps intermédiaires
Szymczyk ayant décidé de délocaliser une section et suspecte toute autorité intellectuelle mais favorise
de l’exposition à Athènes et de laisser filer les déficits, les parasites. Le principal problème du milieu de l’art
on ne pourra pas dire que la manifestation phare repose désormais sur l’existence de cette nouvelle
de l’art contemporain n’est guère en prise avec sphère composée de semi-professionnels (comme
son époque… Arrive une édition 2022 réalisée on disait jadis «demi-mondaine») qui chuchotent
par une sorte d’assemblée populaire, aussi large à l’oreille des financiers et dont l’expertise consiste
et représentative que possible, issue d’un pays à faire croire qu’ils savent quelque chose de l’art
périphérique du monde de l’art. Signe des temps, de leur temps. Des milliers de «professionnels»
puisque la moindre décision esthétique semble autodéclarés naviguent ainsi entre galeries, artistes
devenue suspecte, car provenant d’un «monde d’en et collectionneurs sans avoir aucune idée du contenu
haut» dont les décisions apparaissent corrompues des œuvres au-delà de leurs chiffres de vente aux
ou arbitraires, on a désormais recours au collectif enchères. D’où provient leur légitimité, alors qu’ils
pour trancher. D’ailleurs, le comité de la Documenta n’ont jamais organisé une exposition signifiante,
annonce une exposition qui fonctionnera comme émis la plus minuscule idée sur l’art, ni écrit un seul
«un réseau international d’organisations artistiques texte dont on puisse se souvenir ? Je ne peux donc
locales en lien avec les communautés», dans qu’appeler à mettre en cause cette fausse profession
une logique participative et inclusive, et allant dont les positions devraient être occupées par
«au-delà du seul public de l’art» (Quotidien de l’art, de vrais commissaires d’exposition ou historiens
25 février). Tout cela pour revenir aux années 1990 de l’art. Collectionneurs, qui sont vos conseillers ?
et à l’esthétique relationnelle, corrigée par le Êtes-vous sûrs de leurs compétences ? Ont-ils fait
communautaire ? Ruangrupa, rond-point curatorial, preuve d’anticipation ou participé à quelque moment
est aussi le symptôme d’une crise de l’expertise et important de l’art de leur temps ? Si ce n’est pas
de la légitimité en art. Jadis, c’est la connaissance le cas, vous êtes victimes d’un escroc. La question
de son histoire, alliée à l’analyse des forces qui de l’expertise devient de nos jours tellement
travaillent le présent, qui permettait in fine à un problématique qu’elle produit d’étranges fruits.
curator de trancher entre différentes options, évaluer
l’importance d’un artiste, faire un diagnostic en
somme. Bref, c’est un savoir historique et esthétique

38 I Beaux Arts
ROBERT
COUTURIER

GALERIE
DINA VIERNY
36 RUE JACOB
PARIS VI

3 AVRIL
29 JUIN
2019
Communiqué

PAUL AÏZPIRI
un artiste hors du temps
La Galerie Taménaga célèbre un double
anniversaire : le centenaire de la naissance de
Paul Aïzpiri (1919-2016) et les cinquante ans
de la galerie inaugurée à Tokyo en 1969.
L’occasion de redécouvrir un artiste en dehors
des modes qui célèbre la joie de vivre.

L’
art de Paul Aïzpiri est rayonnant et solaire, ancré dans une his-
toire de l’art revendiquant une filiation avec la grande peinture
qui voit se succéder des artistes ne cédant en rien aux sirènes
de la mode. Il est demeuré fidèle à la figuration dans cette tempête qui
a agité la scène internationale dès les années 1950, dans un combat
vain où les critiques semblaient donner le primat à l’abstraction, mais
rétrospectivement, il apparaît bien que la loupe grossissante – ou défor-
mante pourrait-on dire – avait soustrait de leur champ de vision des
artistes majeurs comme Aïzpiri par une cécité dogmatique, ce qui n’est
plus discuté aujourd’hui. Le galeriste Kiyoshi Taménaga avait reconnu
le talent du peintre dès son premier voyage à Paris en 1957, chez le
marchand Paul Pétridès. Depuis, une relation d’amitié et de fidélité a
lié les deux hommes, ce qui est rare dans ce XXe siècle qui a accom-
pagné la naissance du marché de l’art. Grand coloriste, Aïzpiri célèbre
Bouquet de fleurs
la joie de vivre à travers des thèmes traditionnels qu’il s’approprie : la huile sur toile, 146 x 114 cm. © Galerie Taménaga - Jean-Louis Losi

L’Atelier sous les toits de Paris La Baie de Saint-Tropez et les régates


huile sur toile, 120 x 120 cm. © Galerie Taménaga - Jean-Louis Losi huile sur toile, 130 x 162 cm.© Galerie Taménaga - Jean-Louis Losi
Les Gondoles à Venise
huile sur toile, 114 x 146 cm. © Galerie Taménaga - Jean-Louis Losi

peinture de paysage, la nature morte, le portrait et les lieux qui lui sont INFOS PRATIQUES
familiers : Saint-Tropez et la côte d’Azur avec cette lumière contrastée «Paul Aïzpiri (1919-2016). Exposition du centenaire»
qui a accouché des Fauves et nourri les avant-gardes, Venise qui Du 21 mars au 11 avril 2019
défendait déjà la couleur à la Renaissance dans cette bataille qui l’op- Galerie Taménaga • 18, avenue Matignon • 75008 Paris
posait à Florence où prédominait le dessin, le Paris de Montparnasse Tél. : +33 (0)1 42 66 61 94
qui était déjà celui de son père Ignacio, sculpteur, qui fréquentait toute www.tamenaga.com
Ouvert du lundi au samedi, de 11 h à 13 h et 14 h à 19 h.
la Bohême à la Rotonde et qui était le centre du monde dans la pre-
mière moitié du XXe siècle. Si dans les années 1950 il sculpte la matière
picturale à dominante sombre, il s’en affranchit rapidement pour se
convertir à une peinture cristalline et musicale, aérienne et éclatante.
Une véritable ode à la lumière traduite par une explosion de la couleur.
Aïzpiri est l’héritier de plusieurs mondes et c’est peut-être en cela que
sa peinture est hors du temps, attachée à la sensation, aux émotions
et célébrant la vie comme une nécessité.
LA RECETTE D’ART
d’Alain Passard

Une nature morte qui nous botte


Alain Passard, chef triplement étoilé de l’Arpège, concocte tous les mois pour
Beaux Arts une recette inspirée d’une œuvre. Saison oblige, les asperges d’un tableau
hollandais du Siècle d’or pointent le bout de leur nez.

L’ŒUVRE LA RECETTE

Ingrédients pour deux personnes :


Ò 1 grosse botte d’asperges blanches
Ò Beurre salé
Ò 1 bâton de citronnelle
Ò Fleur de sel

➊ Épluchez et passez à l’eau claire une grosse botte


d’asperges blanches.
➋ Ensuite, refaçonnez la botte d’asperges à l’identique
en les maintenant avec plusieurs tours de ficelle de cuisine
sur toute la hauteur de la botte et dissimulez au cœur
une tige de citronnelle coupée en aiguillettes.
➌ Puis, dans un vaste sautoir, faites fondre un copieux morceau
de beurre salé et, à feu très doux, cuire la botte d’asperges «meunière»
en la roulant dans le beurre salé.
➍ Donnez une délicate coloration aux asperges et terminez la cuisson
à la verticale en arrosant l’intérieur de la botte avec le beurre chaud.
➎ Comptez 40 minutes de cuisson.
➏ Présentez la botte à la verticale à vos convives, coupez la ficelle
de cuisine et servez en assiette chaude avec le beurre de cuisson,
de l’oseille fondue et un œuf mollet.
➐ Appréciez le contraste entre les asperges colorées en périphérie
et le cœur de la botte, croquant et chaud, assaisonné de fleur de sel.

Suggestion de vin :
Pinot Gris Rosenberg 2017 du Domaine Barmès-Buecher
Adriaen Coorte Nature morte aux asperges, 1697

Retrouvez la recette en vidéo sur BeauxArts.com

B
ien avant la célèbre asperge de Manet, le peintre hollandais
Adriaen Coorte (vers 1665-1707) s’empare de ce délice
printanier pour réaliser une nature morte à la beauté simple
et sophistiquée. D’un blanc lumineux, décrite avec minutie, la botte
d’asperges apparaît tel un objet presque sacré, isolée sur un coin
de table pareil à un autel. Parfaitement maîtrisé, le clair-obscur
confère au tableau un caractère quasi mystique. Détail anecdotique
qui attire l’œil et intrigue, l’asperge courbée, qui s’est échappée
en bas de l’image et sort de la pénombre, accentue le caractère
étrange, limite impudique, de la composition. Le peintre se serait-il
amusé à jouer des contrastes entre l’austérité affichée de l’œuvre
et la symbolique de l’asperge, associée à la puissance sexuelle
et dotée de vertus aphrodisiaques dont Pline l’Ancien racontait
qu’elle était née de cornes de bélier enterrées dans le sol ? On peut
aisément l’envisager… Figure singulière du Siècle d’or néerlandais,
Adriaen Coorte tranche avec la traditionnelle nature morte
hollandaise d’habitude beaucoup plus foisonnante et chargée.
De l’artiste, on sait peu de choses : installé à Middelburg (où il était
enregistré à la prestigieuse guilde de Saint-Luc), il a réalisé une
centaine de tableaux, divers paysages à ses débuts, puis des natures
mortes intimistes qui se concentrent avec élégance et précision
sur quelques fruits, légumes ou coquillages. Ses lumineuses
asperges ont inspiré à notre chef étoilé une recette savoureuse
tout en sobriété. Daphné Bétard

42 I Beaux Arts
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EN COUVERTURE l FONDATION CARTIER
Du 4 avril au 16 juin

De Lisbonne à Tbilissi…
Existe-t-il un art européen ?
Sans s’en tenir aux frontières strictes de l’UE, la fondation Cartier
s’est lancé un drôle de défi : prendre le pouls de la création
du Vieux Continent en se focalisant sur la jeune génération.
Entreprise vaine ? Niet, nicht, não !
Par Judicaël Lavrador

44 I Beaux Arts
George Rouy
Diluted Ecstasy
(Water
Fountain)
Les créatures-
fontaines
du Britannique
George Rouy
se plient tout
en souplesse
pour laisser
circuler l’eau
et l’imagination
sans entrave.
À l’image de
l’exposition «Les
Métamorphoses»,
qui entend
décloisonner
la création
en Europe.
2018, acrylique sur
toile, 300 x 220 cm.

Beaux Arts I 45
EN COUVERTURE l JEUNES ARTISTES EN EUROPE

Particularités

L’
horizon de l’art peut-il dépasser les frontières
nationales et gagner une sphère supra-
plastiques
nationale, celle en l’occurrence de l’Europe ?
La question semble étrange. Après tout, les Même si les travaux réunis à la
artistes contemporains savent bien que les fondation Cartier sont aussi divers
voyages forment non seulement la jeunesse, mais aussi les que les passeports de la vingtaine de
œuvres et leur aura. Sans attendre de pouvoir bénéficier de
telle ou telle résidence subventionnée, de la Villa Médicis plasticiens réunis, il apparaît qu’ils
de Rome ou de la Rijksakademie d’Amsterdam, beaucoup révèlent souvent les mêmes craintes,
se laissent pousser par le vent qui enflamme telle ou telle aspirations et pratiques. Explications.
capitale au gré des modes ou des prix de l’immobilier. Après
Zurich et Berlin, Bruxelles est devenu un vivier artistique,
déjà concurrencé par Lisbonne. Preuve que l’Europe de l’art
est inscrite dans les modes de vie des créateurs. Oui, mais
l’est-elle sur les cimaises ? Bien moins que les scènes natio-
nales : à New York, la biennale du Whitney Museum est
vouée à présenter des artistes américains ou œuvrant sur
le sol américain. C’est le cas de toutes les institutions qui
prennent régulièrement le pouls de la jeune création : elles
se tiennent dans les limites des frontières nationales,
même quand elles vont voir chez les autres (la Roumanie
est ainsi mise à l’honneur en France en ce moment).

Défi n° 2 : éviter le côté «Eurovision»


Alors, pourquoi dépasser ce cadre, comme l’entreprend
la fondation Cartier avec son exposition «Jeunes artistes
en Europe – Les Métamorphoses», qui réunit 21 créateurs
originaires de 16  pays différents, vivant à Lisbonne,
Moscou, Amsterdam, Tallinn, Londres ou Tbilissi ?
Du nord au sud, de l’ouest à l’est, de l’Atlantique à l’Oural,
les commissaires ont sillonné l’Europe – visitant 28 pays
sans s’en tenir aux seuls membres de l’Union. Vite, ils se
sont confrontés à quelques difficultés. À commencer par
celle de savoir quelles étaient au juste les limites du conti-
nent et si, par exemple l’Arménie ou bien l’Azerbaïdjan en
étaient. Puis, la situation politique ou l’isolement de cer-
tains pays (l’Ukraine, la Moldavie, la Macédoine) peuvent
rendre compliqué le travail de repérage et de découverte.
L’autre défi encore était d’éviter le côté «Eurovision» de
l’exposition. Chaque représentant devait-il porter ou non
les couleurs, les formes esthétiques et les préoccupations
politiques de son pays, fût-ce un pays d’adoption ? Le
risque est alors de réduire chaque artiste au terreau dans
lequel il évolue, de balkaniser la création européenne alors
Jonathan Vinel
Martin pleure
1/Les traumas d’une jeunesse
même que celle-ci emprunte des chemins plus fluides. Entièrement prise pour cible
L’exposition tisse bel et bien des liens entre les différents réalisé grâce
plasticiens et donc les différentes régions du continent. aux outils du jeu À leur façon, jamais linéaire, toujours imagée, les
vidéo Grand Theft
Beaucoup tiennent au travail fait main et mettent en œuvre œuvres disent quelque chose de l’histoire de l’Europe et
Auto, le film
des techniques artisanales. Certains partagent une même met en scène de ses populations. Toutefois, pour ces jeunes gens, qui
appétence pour une représentation grotesque de l’homme l’errance solitaire tous ont grandi ou sont nés après la chute du mur de
et de la nature, tandis que d’autres semblent porter un et violente Berlin, il est assez peu question de l’Europe de la guerre
d’un héros sans
regard critique sur le développement des outils et de l’éco- chair dans un froide, divisée en deux blocs Est-Ouest. Ce qu’ils mettent
nomie du numérique. Élargir la focale, dépasser les cadres monde sans vie. en scène, ce sont des histoires plus mouvantes, ancrées
imposés, ceux des frontières, c’est, à vrai dire, ce que l’art 2017, vidéo, 16 min. dans des territoires très locaux mais bondissant vite à
et les artistes font par nature. Penser ou montrer l’art tel l’échelle mondiale. Une histoire aussi davantage mar-
qu’il se pratique à l’échelle européenne, c’est se donner une quée peut-être par le traumatisme de la vague d’attentats
chance de mettre ses pas et ses yeux dans ceux des artistes. qu’a connue l’Europe ces dernières années. La jeunesse
Les rejoindre là où ils se meuvent déjà. artiste semble en avoir gardé le sentiment qu’elle pouvait

46 I Beaux Arts
CI-CONTRE
Nika
Kutateladze
Maison
géorgienne
Cette
reconstruction
approximative est
l’une des œuvres
in situ produites
par la fondation
Cartier.

CI-DESSOUS
Kasper
Bosmans
Sint rombout
+ vitiligo,
série Legend
Mélangeant
blasons
et abstraction,
schémas
scientifiques
et palette pop,
le Belge entrelace
histoire et vie
quotidienne.
2018, gouache sur
panneau, 28 x 21 cm.

tout perdre du jour au lendemain. Se profile ainsi une


angoisse, celle d’être sans attaches, sans groupe, sans
famille, sans amis, sans corps, sans communauté (de pen-
sée et d’action). C’est ce dont l’unique personnage du film
du Français Jonathan Vinel, Martin pleure, est l’incarna-
tion. Perdu dans un paysage désolé, le type à la silhouette
androgyne recherche sa bande, disparue on ne sait com-
ment, en surmontant les obstacles par tous les moyens, y
compris les plus brutaux. Le film, produit uniquement à
partir des moyens et de la palette d’outils offerts par le jeu
Grand Theft Auto, arbore la texture synthétique et hyper-
réaliste des jeux vidéo, ce qui accentue sa fibre dysto-
pique. Curieusement, la jeune Suédoise Lap-See Lam
emprunte le même grain digital pour retracer sur trois
générations l’histoire de la diaspora chinoise en Europe
du Nord avec en toile de fond les décors de restaurants
asiatiques scannés. De l’Extrême-Orient à l’Europe, les
visions idéalisées de l’empire du Milieu s’opposent à l’his-
toire familiale travaillée par les écarts culturels (et linguis-
tiques) qui se sont creusés entre la grand-mère et sa petite-
fille. Les artistes ont écouté et pris note des récits qu’on
leur a transmis. Ils les mâchent et les digèrent pour les res-
tituer à leur tour avec énergie, mais de manière délibéré-
ment hésitante et bancale, comme si les transformations
sociales et politiques de l’Europe empêchaient désormais
de conserver la mémoire du vieux monde. Ainsi, le
Géorgien Nika Kutateladze, à la fondation Cartier, tente
de reconstruire, à Paris, un pâté de maisons du village où
il a grandi, lequel est aujourd’hui déserté et abandonné.
De même, le Belge Kasper Bosmans revient dans sa pein-
ture sur la tradition héraldique de sa région flamande, sans
prétendre détenir les clés de ces blasons qui, dès lors,
deviennent des espèces de rébus. L’histoire européenne ?
Une pelote qui, entre les mains des artistes, reste à démêler
pour retrouver le fil. QQQ
Beaux Arts I 47
Magnus
Andersen
Un pour tous
tous pour un II
S’inspirant
de l’imagerie
traditionnelle
vernaculaire,
cette toile
se veut aussi
ironiquement
moralisante.
2017, huile et acrylique
sur toile, 195 x 205 cm.

2/Mi-sauvages, mi-spirites, Piotr Łakomy


Waiting Room
et sans limites Avec ses
objets de la vie
quotidienne
La fondation Cartier a rameuté une foule effervescente
figés dans des
et bigarrée de créatures mi-humaines, mi-animales… par- couleurs ternes,
fois aussi florales – tant les artistes semblent assez peu se le plasticien
soucier des règles de la raison mathématique pour préférer polonais cultive
une forme
suivre les préceptes de la magie et de l’irrationnel, des de froideur.
mythes et légendes ancestrales. Leurs œuvres prêtent La preuve ici
formes et couleurs à des personnages grotesques, mais très avec cette «salle
d’attente», r
dignes, connectés au règne de la nature et aux rythmes du
éduite à des
cosmos. Ceux-là sont pensifs, plutôt qu’agités, recroquevil- sièges délabrés
lés plutôt qu’exubérants. Ils résident dans une autre réalité, patientant
où nul n’est sommé d’adopter une identité stable et défini- benoîtement
devant une
tive. Leurs silhouettes se liquéfient et leurs contours fenêtre-tableau
divaguent. Leur couleur de peau se distingue assez peu de ajouré, donnant
l’arrière-plan sur lequel ils s’inscrivent. À l’image de ces sur un mur.
personnages massifs et mous que dépeint le Britannique 2018, technique mixte.

George Rouy [ill. p. 44-45] : agglutinés les uns contre les


autres dans de pudiques étreintes, ils font corps jusqu’à ce démones. Exécutés à grands coups de pinceau, éclabous-
qu’on ne sache plus à qui attribuer tel bras ou tel pied. sés de rouge sang et de vert marécageux, ces cuirs donnent
Ce qui est ainsi mis sens dessus dessous, ce sont bien sûr chair à des spectres que suivent de près les sculptures du
les catégories de genre, puis la division entre l’homme et Polonais Piotr Łakomy, de latex, de sable, d’aluminium
les autres espèces vivantes, mais aussi la hiérarchie entre fondu parfois dans les alvéoles cireuses de nids d’abeilles.
les types de représentations. Les petites sculptures grossiè- Un dernier trait caractéristique de cette veine sauvage de
rement modelées du Russe Evgeny Antufiev empruntent l’art européen réside dans sa capacité à se mouler dans l’es-
ainsi leur gestuelle théâtrale et leurs expressions édifiantes pace, à y terrer, à y tapir tout en souplesse ses carcasses
à celles des totems primitifs tandis que les peaux tannées flasques et ses peaux mortes pour mieux donner l’impres-
et peintes par l’Allemande Raphaela Vogel prennent, sion qu’il en est sorti, qu’il est déjà ailleurs, au milieu des
suspendues dans l’espace d’exposition, plissées et frois- spectateurs, dans l’air que ceux-là respirent, dans leur corps
sées, la forme de masques immenses et grimaçants, der- et dans leur esprit. C’est un art sans frontières, passe-
rière et autour desquels semble percer l’âme de démons et muraille, organique et spirite.

48 I Beaux Arts
3/Des survivalistes Formafantasma
Cabinet, projet
experts en la matière Ore Streams
La fondation
Trier les déchets ? Recycler, ne rien gâcher, dépiauter, Cartier fait aussi
une place au
rapiécer, redonner vie aux choses qu’on croyait mortes et design avec ce
usagées, les artistes aussi s’y mettent, ou plutôt s’y duo italien et ses
remettent, tant le processus de récupération (des matières objets aux formes
épurées, créés
et des matériaux) imprègne cycliquement l’art et sa pensée.
à partir de déchets
Mais, au XXIe siècle, ce travail de collecte et de refonte électroniques.
prend une tonalité plus inquiète : il y va, on ne le sait désor- 2017-2019, éléments
mais que trop, de la survie de la planète, des espèces voire, informatiques recyclés.

selon les scénarios les plus catastrophistes, de l’espèce


humaine elle-même.
Des œuvres, faites de bric et de broc, agrégats composites
d’objets promis à une obsolescence prématurée, réper-
cutent cette préoccupation majeure en échafaudant des
volumes et des tableaux à l’équilibre précaire. Empile-
ments bancals en surpoids, pans de matières tenus de tous
les côtés par des fils qui menacent de rompre, toiles trouées,
plus ou moins raccommodées, greffées d’objets qui
prennent part à l’élaboration d’une image de sauve-qui-
peut, monuments de peu de prix figurant un naufrage : les
artistes européens ouvrent des brèches dans la cuirasse de
leurs œuvres en même temps qu’ils travaillent à les colma-
ter. Un double mouvement qui fait toute l’originalité des
sculptures de la Néerlandaise Tenant of Culture, qui coud
et colle ensemble de vieilles chaussures de sport, des sacs

à dos, des anoraks, dans une esthétique qu’elle nomme À GAUCHE

«ornementation survivaliste». Car, s’il s’agit de se préparer Marion


Verboom
à survivre à la fin du monde, il faut le faire avec grâce, en y
Temporaldaten
mettant les formes d’une main agile et soigneuse. À l’image
De fait, ces artistes remettent la main à la pâte. Leurs de l’exposition,
pièces appellent des gestes et des techniques artisanales les empilements
traditionnelles. Coudre donc, mais aussi tricoter, tisser, bigarrés de
Marion Verboom
broder, ficeler, modeler, cuire l’argile, le kaolin, au four. La ne craignent
texture des œuvres se veut épaisse, filasse, palpable : tout pas d’allier
sauf lisse, comme ont pu l’être, il y a cinq ans à peine, les les contraires.
productions de dispositifs imbibés d’une imagerie et d’une 2017, céramiques.

technologie post-Internet. Éteignant les écrans numé-


riques, les jeunes artistes européens rallument les four-
neaux d’un art où le contact avec la matière prévaut.
Comme si celle-ci, rugueuse et pleine d’aspérités, redon-
nait du poids et de la gravité à l’art à un moment où la légè-
reté et la nonchalance ne sont plus de mise. n

Un Grand Tour de la jeune création européenne


À travers les œuvres de 21 artistes, tous nés dans les années 1980 ou 1990 et issus de 16 pays «Jeunes artistes en Europe
Les Métamorphoses»
différents, l’exposition propose un Grand Tour de la jeune création européenne. Dans une scénographie du 4 avril au 16 juin
aérée signée du Français Benjamin Graindorge, peintures, sculptures mais aussi objets de design Fondation Cartier • 261, bd Raspail
et films, «Les Métamorphoses» font la part belle à des créations in situ avec 11 pièces créées pour 75014 Paris • 01 42 18 56 50
www.fondationcartier.com
l’espace de la fondation Cartier. En parallèle, des événements performatifs sont proposés dans
le cadre des Soirées nomades et autres Nuits de l’incertitude. À noter que le show inaugure un cycle
d’expositions consacré aux jeunes scènes artistiques à travers le monde.
Découvrez l’exposition en vidéo sur BeauxArts.com
QQQ
Beaux Arts I 49
EN COUVERTURE l JEUNES ARTISTES EN EUROPE

Les 10 stars de demain


Ils sont tous nés après 1985 et ont grandi à mesure que
le mur de Berlin se fissurait. De la chute des utopies
au dérèglement climatique, ils se sont familiarisés avec l’idée
d’une fin d’un monde plus ou moins imminente. Grave
ou ironique, jouisseur ou zombi, leur travail étonne et témoigne
d’une grande vivacité de la scène européenne.

Raphaela Vogel
Née en 1988 à Nuremberg (Allemagne).

Peau sauvage
D’ores et déjà largement adoubée
par la critique après ses expositions
personnelles à Bonn, Munich ou Zurich,
la jeune Allemande passée par
les écoles d’art de Nuremberg et de
Francfort, installée à Amsterdam,
cultive une forme d’engagement
féministe à travers des œuvres qui
ne font pas dans la dentelle. Ses cuirs
(de cheval), badigeonnés de peinture
rougeâtre ou bleuâtre, pendent au mur
avec la mollesse charnue de la Raie
de Chardin, tandis qu’ici et là des
espèces d’arches plâtreuses marquent
le seuil d’un temple voué à l’on se sait
quel saint. Animal, fibreux, nerveux,
sanguin, physique enfin, cet art se
hérisse contre la domination masculine
et retourne le virilisme, ses symboles
et son énergie contre lui-même.
Dans ses vidéos, Raphaela Vogel
n’hésite jamais à se mettre en scène,
adoptant l’air crâne de celles qui
savent rectifier le sens de l’histoire
et des rapports entre les sexes.

Das Herz fliegt in die Hose, 2018

50 I Beaux Arts
Maya Rochat
Née en 1985 en Suisse.

Joueuse de paintball techno trash


Elle habille les espaces d’exposition de motifs abstraits qui partent en loques sous le feu incendiaire
des couleurs qu’elle y injecte. Et le spectateur ne peut manquer d’être rattrapé par des retours
de flamme. Maya Rochat communique à ses œuvres gravées (sur tout type de papier et de tissu)
une énergie contagieuse qui est aussi celle d’une génération biberonnée aux images numériques,
éclairées d’un halo acide et fluorescent, comme le light show des dancefloors techno trash. Ce sont
bel et bien des créations abstraites et totales que déploie la plasticienne suisse selon une tradition
qui va des constructivistes russes à Katharina Grosse. Mais Maya Rochat pousse l’ivresse et l’extase
un peu plus loin en éclaboussant cette veine de motifs plus décousus.

Dojo Despacio, 2018

Beaux Arts I 51
EN COUVERTURE l JEUNES ARTISTES EN EUROPE

Oli Epp
Né en 1994 à Londres (Royaume-Uni).

Esthétique geek sur toile


À 25 ans, en peinture, vous êtes d’ordinaire
un adolescent. À cet âge, Oli Epp, lui, est déjà
suffisamment mûr pour multiplier les lignes
de son CV, les followers de son compte
Instagram et les tableaux sur les cimaises
de ses nombreuses galeries. En France,
on a vu à la galerie Semiose ses toiles aussi
lisses que l’écran d’un smartphone mettre
en scène des personnages aux silhouettes
molles et languides, touillant leur café
d’un geste nonchalant tout en tapotant
distraitement sur le clavier d’un ordinateur.
Ces scènes de genre contemporaines,
portrait d’une jeunesse happée par
les mondes virtuels au point d’en oublier
comment se tenir sur la toile, sont drôles
et attendrissantes. Un peu agaçantes aussi.
Comme le sont les ados…

Catfish, 2018

52 II Beaux
52 Beauxx Arts
Luís Lazáro Matos
Né en 1987 à Évora (Portugal).

Dans les eaux profondes


d’histoires captivantes
Il est encore fort peu connu, mais ses
peintures murales qui recouvraient
la galerie lisboète Madragoa de calamars
violets ou bien la galerie marseillaise
Bastide Projects de requins au ventre carré
sur un fond bleu pervenche auraient
tapé dans l’œil de tous ceux pour qui
la peinture est encore une promesse
d’aventures. Formé aux Beaux-Arts
de Lisbonne puis au Goldsmiths College
de Londres, Luís Lazáro Matos a cette
Kris Lemsalu capacité de déployer en peinture
et dans l’espace des histoires captivantes.
Née en 1985 à Tallinn (Estonie).
Il plonge dans les heurs et malheurs
Poupées de rêve et de cauchemar de l’excentrique Louis II de Bavière aussi
bien que dans le triste sort des dinosaures,
Elle représentera l’Estonie à la prochaine biennale de Venise où elle révélera
en rendant la chose actuelle et réjouissante.
ses sculptures à mi-chemin entre le monstrueux et le comique, c’est-à-dire
Comme sur les murs ou la toile, il peint
pile dans les ornières du grotesque. Toute la panoplie des poupées est passée
et expose des vêtements ornés de motifs
en revue par Kris Lemsalu, des poupées gonflables et sexuées aux innocentes
décoratifs et présentés sur cintres.
marionnettes de théâtre pour enfants. Puis rhabillées au moyen de mille
Une peinture décompressée.
et un matériaux (silicone, céramique, fourrure synthétique, porcelaine) et objets
(baskets, masques de fête foraine, portières de voiture…) pour en faire des espèces White Shark Cafe, 2018
de divinités baroques, puissantes et vulnérables à la fois, prêtes à s’écrouler
ou à s’envoler vers des sphères plus confortables. Cette œuvre tient à la fois
du rêve d’enfant et du cauchemar de la surconsommation qui transforme les vies
d’adultes en cabas trop garni de tout et de rien.

Wisdom and Eggs, 2011

Beaux Arts I 53
EN COUVERTURE l JEUNES ARTISTES EN EUROPE

Gaëlle Choisne
Née en 1985 à Cherbourg (France).

La représentation du monde
coulée dans le béton
Diplômée des Beaux-Arts de Lyon en 2013, Gaëlle Choisne
a séjourné dans le saint des saints des résidences d’artistes :
la Rijksakademie, à Amsterdam. Un parcours déjà idéal,
surtout si l’on ajoute qu’elle est représentée par la galerie
parisienne Untilthen. Pour y montrer quoi ? Des images
de chantier, pétries dans le béton, ou des plaques de plâtre
badigeonnées de couleurs atmosphériques et se tenant dans
l’entrebâillement d’une porte. Ou bien encore un coquetier
en céramique portant fièrement un œuf noir et difforme.
C’est un art de la reprise en main des images numériques
sans texture et sans poids. Et de la remise en chantier
de la représentation du monde qui, sans cela, sans ce grain,
sans ce caillou, pourrait bien se réduire à vue d’œil comme
cette Peau de chagrin.

Peau de chagrin, 2016

John Skoog
Né en 1985 à Kvidinge (Suède).

Apocalypse folklo
Les films et les vidéos de John Skoog ont déjà raflé pas mal
de récompenses dans des festivals suédois, allemands
ou suisses. Sa galerie, Pilar Corrias (celle également
de Philippe Parreno), est londonienne. Il vit à Copenhague.
Ces quelques lignes extraites de son CV suffiront sans doute
à situer le jeune homme, européen par tous les bouts
qu’on veuille le prendre. Ses films, Federsee notamment,
montrent des personnages à peine humains, des créatures
costumées comme d’antiques guerriers, mi-effrayants
mi-loufoques, s’aventurant dans des terres froides
et désertiques, tels les derniers survivants d’un monde
qui aurait subi un cataclysme… Porté par une fascination
pour le folklore et par la volonté de mettre en scène les
menaces écologiques tout comme les théories survivalistes,
John Skoog colle à l’actualité terrifiante de la planète,
en puisant son énergie dans la profondeur des mythes.

Federsee, 2013

54 I Beaux Arts
Kostas Lambridis
Né en 1988 en Grèce.

Designer d’orgies baroques


Issu de la Design Academy Eindhoven, aux Pays-Bas, le Grec Kostas Lambridis
est plutôt catalogué et repéré dans le champ du design. Lequel se mêle de plus en plus
à l’art contemporain (ou l’inverse). Quoi qu’il en soit, son Elemental Cabinet
prend une stature sculpturale et baroque. Reposant sur des pieds de piano repeints
et déformés, il est constitué d’un amoncellement de tiroirs et de coffres coiffé
d’une horloge un rien pompière. Kostas Lambridis creuse une veine baroque (celle
d’Alessandro Mendini, mort en février dernier) en y ajoutant une monumentalité qui fait
dériver ses meubles vers une dimension orgiaque et monstrueuse. Ses meubles
ventripotents et babéliens prennent sans doute la forme et les dimensions de notre
désir insatiable de tout posséder, de tout stocker jusqu’à plus soif, plus place.

Elemental Cabinet, 2017

Beaux Arts I 55
EN COUVERTURE l JEUNES ARTISTES EN EUROPE

Klára Hosnedlová
Née en 1990 à Uherské Hradiště
(République tchèque).

Mélancolie vintage
On est tombé sous le charme de ses
peintures au grain épais et un peu vieux
jeu, qui se rapprochent de leur modèle
en se concentrant sur un détail :
une main ridée, une natte strictement
nouée, les plis d’une robe bouffante…
Encadrés d’une matière grisâtre,
ces tableaux sont soigneusement
mis en scène dans une espèce de patio
ou de chambre, qui abrite la garde-robe
du modèle sous un rideau de tulle.
L’artiste tchèque Klára Hosnedlová,
installée à Prague, cultive dans
sa peinture et vaporise dans l’air
un parfum qui fleure la mélancolie
fin-de-siècle de l’aristocratie déclinante
et les désirs inassouvis.

Sans titre, 2018

Miryam Haddad
Née en 1991 à Damas (Syrie).

Une touche onctueuse et fougueuse


Diplômée des Beaux-Arts de Paris, installée dans la capitale depuis six ans, la jeune Syrienne
n’a pas froid aux yeux si l’on en juge d’après le format imposant de ses toiles, mais plus encore
d’après cette touche à la fois onctueuse et fougueuse sous laquelle prennent forme ses
paysages chaotiques. Qui ose encore aventurer ses pinceaux sur ce terrain terrain accidenté
où la fantaisie le dispute à l’inquiétude ? La palette vive, pleine d’indigo, d’orangé et de jaune,
paraît primesautière, comme une ode à la beauté des éléments. Mais les tremblements du
pinceau et le capharnaüm des motifs à peine identifiables et pullulants (frêles embarcations ?
colonnes antiques ?) donnent l’impression d’un monde en ruines. Et que chaque tableau a été
renversé. Une manière de reverser la peinture dans le chaudron de l’histoire contemporaine.
La Chute, 2018

56 I Beaux Arts
Beaux Arts I 57
ÉVÉNEMENT l GRANDE HALLE DE LA VILLETTE
Jusqu’au 15 septembre

Les 5 mystères
de Toutankhamon
Tout le monde connaît la fabuleuse histoire de la découverte
de son tombeau en 1922. Et l’exposition d’une partie
de son trésor à Paris promet de réveiller comme jamais
notre égyptomanie nationale. Mais savez-vous qui
était vraiment ce pharaon mort à 19 ans, en 1 327 avant
notre ère ? Beaux Arts vous révèle tout.

Par Malika Bauwens

T
Statue outankhamon ! Sans la découverte de
gardienne son fabuleux trésor de 5 398 objets par
du ka du roi
Howard Carter en 1922 dans la vallée des
portant
la coiffe némès rois, ce nom ne vous dirait sans doute pas
Cette statue grand-chose. Et pour cause ! Toutankha-
gardait l’entrée mon a beau être l’un des plus célèbres pharaons, il
de la chambre détient aussi la palme des énigmes. On sait qu’il est
funéraire au sein
du tombeau de
monté sur le trône d’Égypte à l’âge de 9 ans pour y
Toutankhamon. régner dix ans, il y a trois mille trois cents ans. Pas
Elle représente beaucoup plus… Car son nom a été littéralement
son ka, c’est-à- effacé de l’histoire. Horemheb, qui lui succéda après
dire sa «force
créatrice», et sa disparition prématurée, a pris soin de marteler
associe l’or, presque toutes les traces de son existence en apposant
solaire, et la son nom sur celui de son prédécesseur. Malédiction
couleur noire,
pour les archéologues ! Presque un siècle après la
symbole de
résurrection. découverte d’Howard Carter, la vie du souverain égyp-
Bois, bitume, gesso, tien reste à écrire. Qui étaient ses parents ? De quoi est-
dorure, alliage il mort ? Que sait-on de son trésor ? D’où vient cette
de cuivre, calcaire,
obsidienne, maudite histoire de malédiction ? Les recherches
190 x 56 cm. scientifiques menées ces dernières années ont permis
d’éclairer cette légende sous un nouveau jour. QQQ
58 I Beaux Arts
Beaux Arts I 59
ÉVÉNEMENT l TOUTANKHAMON

Relief représentant la famille royale : Akhenaton,


Néfertiti et trois de leurs filles
Le règne d’Akhenaton, père de Toutankhamon, a vu éclore
un nouveau canon artistique, aux corps féminins
et aux visages allongés. C’est là l’expression de la nouvelle
religion, dédiée au dieu Aton, que le roi avait imposée.
1 350 avant J.-C., calcaire, 32,5 x 39 cm.

1 / À quoi ressemblait-il ?
Oubliez le lustre de son éblouissant
masque d’or. Toutankhamon
n’avait pas un physique très
avantageux…

Dominée par l’art amarnien, révolution artistique


égyptienne qui stylise certains traits physiques, laissant
voir des crânes allongés, des hanches larges et des
membres graciles, l’iconographie de l’époque de Toutan-
khamon est trompeuse… Car lorsqu’elle a été scannée en
2010, sa momie a révélé un tout autre visage ! À commen-
cer par des problèmes buccodentaires : le pharaon souf-
frait d’une surocclusion et d’un mauvais alignement… Le fabuleux masque d’or
Bref, il avait des dents de lapin ! On a aussi observé un est composé de deux épaisses
palais fendu et un bec-de-lièvre, mais ces données ont couches d’or. De récents
examens aux rayons X ont
pu être mal interprétées car Toutankhamon n’a pas été révélé que les artisans avaient
momifié correctement. Derrière le masque et les bande- ajouté par endroits un alliage
lettes de lin, la chair de son visage a été carbonisée, à cause d’or, d’argent et de cuivre
du mélange de bitume, d’asphalte, de sel et de plantes aro- pour le faire briller davantage.
matiques ayant servi à l’embaumer. Les 130 cannes décou-
vertes dans son tombeau ont longtemps laissé penser que
le pharaon était handicapé ! Hypothèse corroborée par les
analyses de ses os : un pied bot côté gauche, avec des Reconstitution du visage
orteils très espacés, l’empêchait probablement de mar- de Toutankhamon
cher correctement. Mais, là encore, méfiance… une mau- par la plasticienne
Élisabeth Daynès d’après
vaise position du pied momifié dans les bandelettes a pu des analyses scientifiques
provoquer une déformation post-mortem. menées en 2006.

60 I Beaux Arts
Statue colossale en quartzite
de Toutankhamon usurpée
par Aÿ et Horemheb
Cette statue colossale (un peu
plus de 5 mètres à l’origine) a été
réalisée pour Toutankhamon
mais usurpée par ses
successeurs, Aÿ et Horemheb,
après la mort prématurée du
jeune roi.
Quartzite, h. 285 cm.

2 / Comment
est-il mort ?
Plusieurs hypothèses ont
été avancées pour expliquer
sa disparition précoce,
à l’âge de 19 ans.

Aurait-il été victime d’un assassinat ? Le bruit


a couru lors des premiers rayons X pratiqués sur
la momie du pharaon en 1968 : les scientifiques
ont découvert des débris osseux à l’intérieur de
son crâne, laissant croire que Toutankhamon
aurait pu, par exemple, être battu à mort par l’un
de ses successeurs. Romanesque… mais faux !
Les scanners pratiqués depuis ont montré que ce
sont tout simplement les embaumeurs qui, au
cours de leur rituel, ont brisé l’arrière du crâne
afin d’en extraire le cerveau. L’hypothèse privilégiée est désormais celle d’un
accident de char. Cela d’après une fracture, jamais résorbée, découverte sur
la momie au niveau du fémur gauche. Le pharaon aurait succombé à une
chute lors d’une course de char, loisir et activité guerrière très
prisée de l’élite dans l’Égypte antique. Reste cette
question : si Toutankhamon avait un pied
bot, comment faisait-il pour tenir sur un
char dont la plateforme était très instable, à
la seule force de ses jambes ? Par ailleurs, la
consanguinité de ses parents augmentait ses
risques d’avoir une malformation ou une maladie
génétique. Les analyses ADN pratiquées sur sa
momie ont également montré qu’il était porteur
du parasite Plasmodium falciparum, responsable
du paludisme. Des crises de malaria auraient-elles
fini par l’épuiser ? En tout cas, ses arrière-grands-
parents, Touya et Youya, avaient la même mala-
die… Et sont morts à un âge avancé. QQQ

Chapelle à statue en bois doré décorée de scènes


représentant Toutankhamon et Ankhesenamon
Objet des plus fascinants découvert dans la tombe,
cette chapelle miniature montre l’intimité de
Toutankhamon et son épouse Ankhesenamon.
Cette dernière – qui était aussi sa sœur – tient un rôle
vivifiant sur Terre comme dans l’au-delà.
Bois, gesso, feuille d’or, argent, 50,5 x 30,7 x 48 cm.

Beaux Arts I 61
3 / Ce fabuleux trésor est-il vraiment le sien ?
Parmi les quelque 5 000 pièces du mirifique trésor, les archéologues
ont constaté qu’un nombre considérable a été usurpé et portait à
l’origine le nom d’un autre roi, ou d’une reine…

«À l’évidence, affirme Marc Gabolde, égyptologue spé- à viscères, le masque d’or et l’un des colliers pectoraux.
cialiste de la XVIIIe dynastie et auteur de Toutankhamon Ils portent les traces d’un premier nom renvoyant à une
(éd. Pygmalion), les noms de Toutankhamon recouvrent reine. «La plupart des chercheurs, précise Marc Gabolde,
ceux d’un autre pharaon sur deux des quatre chapelles pensent qu’[il s’agit] de Néfertiti, mais plusieurs indices
funéraires, deux des arcs du roi, plusieurs bijoux…» renvoient beaucoup plus sûrement à la fille aînée
L’archéologue britannique Carl Nicholas Reeves partage d’Akhenaton et de Néfertiti, la princesse Mérytaton.»
cet avis, ajoutant que près de 80 % du trésor de Toutan- Cette dernière – dont la dépouille n’a pas été identifiée –
khamon est un recyclage ! Dans ce pêle-mêle d’«emprunts» aurait pris les rênes de l’Égypte avant que son jeune frère
se trouvent des chefs-d’œuvre tels les petits sarcophages Toutankhamon ne monte sur le trône. QQQ
62 I Beaux Arts
CI-DESSUS À GAUCHE CI-CONTRE
Mur nord Chaîne et figurine Figure d’Horus
de la chambre en or représentant en faucon
funéraire un roi accroupi solaire sur
À droite de cette fresque Howard Carter l’attelage des
restaurée par le Getty a découvert ce roi chevaux
Museum, Aÿ procède accroupi, dans Cette figure
à la cérémonie de la position des faisait partie des
l’ouverture de la bouche enfants-dieux, ornements du
sur Toutankhamon en dans la tombe char d’apparat du
Osiris. Au centre, de Toutankhamon, pharaon. Il était
Toutankhamon, habillé avec une boucle monté sur la
en roi vivant, est de cheveux qui, barre principale.
accueilli dans le après analyse, s’est
Bois, gesso, dorure,
royaume des dieux par avérée être celle de h. 42,5 cm.
la déesse Nut. À gauche, Tiyi, sa grand-mère.
Toutankhamon, suivi Or, verre, h. (figure) 5,4 cm ;
par son ka, est embrassé long. (chaîne) 54 cm.
par Osiris.

Beaux Arts I 63
ÉVÉNEMENT l TOUTANKHAMON

DE GAUCHE
À DROITE 4 / Qui sont ses parents ?
Akhenaton
Néfertiti Akhenaton ? Néfertiti ? Sa généalogie est brumeuse…
Chefs­d’œuvre
de l’Ägyptisches
Museum et du Entre 2005 et 2009, l’«Egyptian Mummy Project», Marc Gabolde, avancent qu’il s’agit de Néfertiti, la pre­
Neues Museum une grande campagne de tests génétiques et radio­ mière épouse d’Akhenaton. D’autres qu’il s’agit de Kiya,
de Berlin,
ces bustes ne
logiques conduite au Caire par des égyptologues et des sa seconde femme… Mais l’énigme reste entière.
viendront pas professionnels de santé, promettait de trancher la filia­ Une chose est sûre : l’ADN a montré que Toutankha­
compléter tion de Toutankhamon en se penchant sur le cas de mon est le fruit de parents très proches génétiquement.
le trésor de 16 momies de la XVIIIe dynastie, où prend place le règne Étaient­ils frère et sœur ? Cousin­cousine ? Très
Toutankhamon
exposé à la du pharaon au fabuleux trésor. Révélés en 2010, les résul­ probablement… «À l’époque, l’endogamie est une norme,
Grande Halle tats sont sans appel… Du moins, côté paternel : «Toutan­ les unions royales se font entre personnes du même clan
de la Villette. khamon est à 99,99999981 % le fils d’Akhenaton», ont et de la même génération», souligne Dominique Farout,
Vers 1355 av. J.­C., conclu les scientifiques. égyptologue et conseiller scientifique de l’exposition.
stuc, h. 25 cm.
Vers 1355 av. J.­C., Et pour sa mère ? Les choses sont moins limpides. La
calcaire, h. 50 cm. comparaison de l’ADN mitochondrial des momies (cet
ADN transmis seulement par la mère) a certes permis de
l’identifier : il s’agit d’une «jeune dame», une momie
connue des scientifiques sous le matricule KV35YL…
Mais on ignore son nom ! Certains égyptologues, comme

64 I Beaux Arts
5 / D’où vient cette
histoire de malédiction ?
La découverte en 1922 du
tombeau de Toutankhamon est
suivie de plusieurs morts
mystérieuses : la presse y trouve
un filon romanesque.

Erich Schilling C’est la mort de lord Carnarvon, mécène de l’expédition


Toutankhamon d’Howard Carter dans la vallée des rois, qui allume les pre-
chasse les
miers feux d’une soi-disant malédiction : «Le pharaon s’est-
Anglais
il vengé ?» s’interrogent, au lendemain du 6 avril 1923, les
d’Égypte
Après l’ouverture journaux du monde entier. Quelques semaines plus tôt, le
du tombeau de comte britannique à la santé fragile s’était fait piquer par
Toutankhamon, un moustique. La plaie s’est infectée, une pneumonie s’en
les rumeurs font
est mêlée. Presque trop banal ! Les rédactions s’emballent.
les choux gras
de la presse. Précision importante : la presse avait été écartée de la
Simplicissimus découverte du tombeau – lord Carnarvon ayant vendu
du 10 mars 1924. l’exclusivité du reportage au quotidien britannique Times.
Or l’époque raffole des histoires de momies maudites.
L’Angleterre a frissonné en
lisant The Mummy! A Tale of
the Twenty-Second Century
de la romancière Jane Webb
Loudon. Résultat : un cata-
logue de «faits» étranges Howard Carter ouvrant les portes de la chapelle dorée
vient noircir les unes. Au et contemplant le sarcophage de Toutankhamon, en 1923.
hasard : lorsque Lord Car-
narvon rend son ultime dizaine d’autres – du frère de Carnarvon, de l’assistant
souffle, les lumières du Caire de Carter, du magnat américain George Jay Gould, ou
auraient clignoté ; il aurait encore du prince égyptien Ali Kamel Fahmy, mort dans sa
parlé subitement dans une chambre d’hôtel… d’un coup de fusil tiré par sa femme.
langue incompréhensible ; La réalité a beau être beaucoup moins romanesque (sur
sa chienne serait tombée les vingt-six personnes présentes à l’ouverture de la tombe,
raide morte en même temps six sont mortes au cours des dix années suivantes), la presse
que lui… Après ce premier s’accroche. Notamment à une brique «magique», décou-
épisode, et pendant des verte par Howard Carter dans la salle du trésor et recouverte
années, tout décès d’une d’une inscription : «C’est moi qui empêche le sable d’enva-
personne ayant approché de hir la chambre secrète. Je suis celui qui protège le défunt
près ou de loin le trésor est et je tuerai quiconque osera franchir ce seuil pour entrer
associé à la malédiction : dans la tombe sacrée du roi éternel qui vit à jamais.» Sauf
c’est le cas – parmi une que, là aussi, la transcription était fantaisiste… n

«Toutankhamon – Le trésor
Une occasion en or du pharaon» jusqu’au 15 septembre
Grande Halle de la Villette
C’est une chance unique qui s’offre à vous ! Cet extraordinaire trésor ne devrait ensuite 211, avenue Jean Jaurès
plus jamais sortir d’Égypte. L’exposition de la Grande Halle de la Villette, proposée 75019 Paris • 01 40 03 75 75
www.expo-toutankhamon.fr
en partenariat avec le musée du Louvre, profite du transfert d’une partie des collections
Catalogue sous la dir. de Zahi
du musée du Caire de la place Tahrir vers le Grand Musée Égyptien de Gizeh, qui devrait
Hawass • coéd. IMG / Melcher Media
ouvrir ses portes dans quatre ans. Les 150 objets réunis (pas le masque funéraire ni le trône 320 p. • 50 €
en or, hélas, mais l’exceptionnel naos en bois doré, un cercueil miniature à l’effigie du roi, ✶ Hors-série
et des dizaines de bijoux tout de même) promettent de déplacer les foules… Record Beaux Arts Éditions
108 p. • 7,90 €
à battre ? Celui de «l’exposition du siècle» en 1967, où la venue du jeune roi avait attiré plus
de 1,2 million de visiteurs au Petit Palais, à Paris.

Visitez l’exposition de la Villette en diaporama sur BeauxArts.com

Beaux Arts I 65
REPORTAGE l QATAR

À Doha, l’éclosion
d’une rose des sables
Le nouveau Musée national du Qatar vient d’être inauguré
dans la capitale de l’émirat. Ce spectaculaire bâtiment,
conçu par Jean Nouvel et retraçant l’histoire du pays, rappelle
la délicatesse du désert au milieu des gratte-ciel de la ville.
Visite guidée de ce musée hypnotique !
Par Fabrice Bousteau

66 I Beaux Arts
Beaux Arts I 67
REPORTAGE AU QATAR l INAUGURATION DU MUSÉE NATIONAL

Le musée, réalisé par Jean


Nouvel (ci-contre) sur le modèle
d’une rose des sables,
est construit autour du palais
historique de Doha.

«La rose des sables est la première architecture auto-


créée par la nature, le vent, le sable et les millénaires.
Elle est d’une poésie surprenante.» Jean Nouvel

C’
est un monochrome couleur sable qui celui de la pêche des perles et leur commerce. Puis, après
semble totalement explosé dans l’es- la Seconde Guerre mondiale, la découverte du pétrole. Et
pace. Une forme chaotique saisissante vingt plus tard, d’un autre trésor : le plus important gise-
de beauté, comme née des profondeurs ment au monde de gaz naturel. En à peine cinquante ans,
du désert en des temps lointains. Le d’un pays pauvre de pêcheurs, le Qatar est devenu un géant
Musée national du Qatar dessiné par l’architecte Jean des énergies fossiles, avec un PIB par habitant parmi les
Nouvel est tel le «ready-made augmenté» d’une rose des plus élevés au monde. Cette
sables. Ces roches que l’on qualifie joliment d’évaporitiques richesse a permis à l’émirat
se forment principalement dans le désert par la cristallisa- d’ériger sur la corniche de
tion de minéraux dont la disposition rappelle les pétales Doha une skyline de tours
d’une rose. Jean Nouvel considère la rose des sables comme plus impressionnante les
la «première architecture autocréée par la nature, par le unes que les autres, dont
vent, les embruns, le sable et les millénaires. Elle est d’une l’une conçue par Jean Nou-
complexité et d’une poésie surprenantes». Et de pour- vel (High Rise Office Tower,
suivre : «Prendre la rose des sables comme point de départ inaugurée en 2012). À coups
devient une idée très progressiste, pour ne pas dire utopiste. de «gazodollars», les «star-
Je parle d’utopie parce que, pour construire un bâtiment chitectes» de la planète s’y
de 350 mètres de long, avec ses grands disques incurvés, bousculent – Ieoh Ming Pei
ses intersections, ses éléments en porte-à-faux, il fallait pour le Musée d’art isla-
relever d’énormes défis techniques.» mique, Arata Isozaki pour
un centre de conférences,
Les «starchitectes»remodèlent le pays Reem Koolhaas pour la
Dédié à l’histoire du Qatar, ce musée national devait sym- Bibliothèque nationale de
boliquement évoquer, par son architecture, «le désert, sa Doha –, d’autres réalisations
dimension silencieuse et éternelle, mais aussi la modernité spectaculaires étant en
et l’audace qui sont venues perturber ce qui semblait à construction en vue de la
jamais imperturbable», explique Jean Nouvel. Habité depuis Coupe du monde de football
des milliers d’années, le Qatar a été «perturbé» par trois de 2022, comme le stade
miracles économiques. Ce fut d’abord, pendant l’Antiquité, conçu par Zaha Hadid ou les

68 I Beaux Arts
trois ponts de Santiago Calatrava. Mais impossible d’en réalisateurs de renom, comme Jacques Perrin (auteur
connaître le coût réel, comme si cela était obscène… À cette notamment du film Océans). Ce dernier a filmé la nature
question, au sujet du Musée national, Jean Nouvel sourit : qatarie, des vols de faucons planant à 50 mètres d’altitude
«Personnellement, je suis favorable au fait de communiquer à la vie aquatique dans les profondeurs de la mer du Golfe
le coût de chacune de mes réalisations, mais mes comman- persique. Abderrahmane Sissako, réalisateur du célèbre
ditaires me l’interdisent. Pourtant, une architecture est Timbuktu, a tourné en noir & blanc le quotidien d’une
parfois moins chère qu’une œuvre d’art, par exemple si l’on famille dans le désert. Quant au vidéaste Doug Aitken, il
compare avec le prix du Salvator Mundi de Vinci !» [vendu a produit une installation à 360 degrés évoquant la beauté
382 millions d’euros aux enchères, en 2017.] du pétrole et son impact sur la vie des habitants. Au total,
une dizaine de films qui mettent en scène quelques objets
Une expérience immersive de l’histoire du Qatar, comme le fameux tapis de Baroda
Au Musée national du Qatar, il y aura toutefois peu réalisé en 1865 avec 1,5 million de perles, émeraudes,
d’œuvres, l’institution étant avant tout dédiée à l’histoire diamants et saphirs !
de l’émirat. Le parcours a été imaginé par Jean Nouvel Lors de notre visite du musée, l’ensemble des installa-
comme une installation immersive qui s’étend sur plus de tions n’était pas achevé, mais les quelques galeries tout
1,5 km, à travers 11 galeries et 3 sections : les origines, la vie comme l’architecture procuraient déjà un sentiment hyp-
au Qatar et la construction de la nation. La complexité de notique. À l’issue de la visite du musée, le public est invité
l’architecture, due à l’entrelacement des grands disques à découvrir le palais restauré de Sheikh Abdullah bin
incurvés extérieurs, ses intersections, ses éléments en Jassim Al Thani (1880-1957), fils du fondateur du Qatar
porte-à-faux, se retrouve à l’intérieur du musée. Définis- moderne, aujourd’hui cerné par les roses de sable de Jean
sant ainsi des volumes improbables aux formes géomé- Nouvel. Plusieurs sculptures monumentales ont aussi été
triques, tous différents et jamais verticaux. Du sol au pla- commandées spécialement pour cet ensemble patrimonial
fond, ils sont aussi de couleur sable, renforçant le caractère et muséal, dont une gigantesque fontaine de perles noires,
monochrome de l’extérieur. L’idée de génie de Nouvel est longeant la corniche face à la mer, du Français Jean-Michel
d’avoir utilisé ces murs courbes qui dessinent des sortes de Othoniel. Une fontaine qui rappelle celle imaginée par
grottes comme de très vastes espaces de projection happant l’artiste pour le bosquet du théâtre d’eau du château de
le visiteur. Sons et éclairages sophistiqués y rappellent le Versailles… en beaucoup plus monumentale. Rien d’éton-
procédé utilisé par l’Atelier des lumières, à Paris. Pour nant, tant le Qatar veut faire de son émirat un véritable
chaque galerie, des commandes ont été passées à des Versailles du XXIe siècle. n

Beaux Arts I 69
EXPOSITION l GRAND PALAIS
Jusqu’au 1er juillet

Soviets suprêmes
Cinéma, photographie, peinture, théâtre, architecture, design… La révolution sera
une œuvre d’art totale ou ne sera pas ! Entre avant-garde constructiviste et réalisme de
chevalet, l’Union soviétique aura engendré des styles à nul autre pareils. Flash-back.

Par Daphné Bétard

Alexandre Deïneka Donbass – La Pause déjeuner


Personnalité phare de la Société des artistes de chevalet (OST), Alexandre Deïneka a participé à l’élaboration des grandes lignes
du réalisme socialiste en privilégiant des sujets tirés de la vie quotidienne soviétique, telle qu’il l’imaginait dans un futur proche.
Sensible au monde industriel, il aime à mettre en scène des ouvriers sportifs, solidaires et actifs dans de grands élans collectifs.
Ici, après l’effort, le réconfort d’un bain de jeunes travailleurs du bassin minier du Donbass, au sexe à peine esquissé.
Deïneka cherche à susciter l’enthousiasme chez le spectateur en exaltant les valeurs socialistes.
1935, huile sur toile, 149,5 x 248,5 cm.

Gustav Klucis
L’URSS est la brigade de choc du prolétariat mondial
D’une grande efficacité visuelle et politique, le photomontage connaît son heure de gloire en URSS.
Associant photographie, slogan et formes graphiques de couleurs vives, il remplace la peinture dans les milieux productivistes
pour scander les idéaux communistes, notamment l’internationalisme. Gustav Klucis est l’un de ses plus éminents représentants,
lui qui s’est essayé à cet art de propagande dès 1919, en même temps que Rodtchenko.
1931, lithographie, 140 x 104,3 cm.

70 I Beaux Arts
Beaux Arts I 71
EXPOSITION l ROUGE

«Le carré est un enfant royal plein de vie. […] Notre monde
de l’art est devenu nouveau, non figuratif, pur.»
Kazimir Malevitch, Du cubisme et du futurisme au suprématisme, 1916

El Lissitzky
Esquisse de costumes
pour Je veux un enfant
de Tretiakov, mise en scène
Meyerhold (spectacle
non réalisé)
Le théâtre est l’un des grands
terrains d’expérimentation
d’un art qui se veut total
et en prise directe avec la vie.
Artiste multiforme, peintre,
graphiste, architecte, designer,
El Lissitzky se lance avec
le metteur en scène Vsevolod
Meyerhold sur une pièce de
Sergueï Tretiakov, racontant
l’histoire d’une jeune militante
qui cherche le géniteur idéal.
Pour ce projet qui sera
finalement censuré, ils
imaginent faire participer
les auditeurs en direct
à la radio et étendre la scène
à toute la salle. Une
performance délirante !
1928, photomontage et aquarelle,
35 x 52,9 cm.

U
n tableau rectangulaire, presque un carré, renier pour autant le caractère sacré de l’art. Ils sont
couvert d’un pigment vermillon. Rien coiffés au poteau par leurs amis constructivistes, emme-
d’autre. C’est par un monochrome rouge nés par Rodtchenko, qui s’imposent sur le devant de la
sang que Rodtchenko annonce la fin de la scène avec leur «art de la production» en prise directe avec
peinture et le début d’un nouvel art qui doit le matériau et une réalité pratique. Exit la peinture, place
participer pleinement à l’avènement de la société sovié- à des médiums plus susceptibles de réinventer l’espace à
tique. Pris dans le tourbillon de la révolution d’Octobre vivre, le design, l’architecture, le graphisme, la photogra-
1917, les artistes russes participent, avec plus ou moins de phie, l’imprimé, le théâtre et le cinéma. Assez vite, Lénine
défiance, au grand projet communiste, exaltés par les bou- et les bolchéviques reprochent au constructivisme son
leversements en cours et de nombreux espoirs (bientôt caractère trop complexe, qui ne parle pas assez au peuple.
déçus). C’est à cette production singulière, qui accouchera Ils lui préfèrent l’AKhRR (Association des artistes de la
de l’esthétique dite du réalisme socialiste, que s’intéresse Russie révolutionnaire) et son lot de peintures traditiona-
le Grand Palais. «Il ne s’agit pas d’une exposition sur les listes sans intérêt ni talent. D’autres artistes choisissent
avant-gardes de cette période que l’on connaît déjà, ni eux aussi la peinture et la figuration, mais avec plus
d’un panorama sur la création soviétique. L’idée est plutôt d’inventivité : ceux de l’OST (Société des artistes de che-
de s’interroger sur la politisation des arts et en quoi valet), fondée en 1924 à Moscou, et du Cercle des artistes,
l’utopie communiste a engendré des formes de création créé en 1926 à Leningrad. Leurs compositions, si elles
spécifiques qui, tout au long des années 1920, verront s’op- louent les bienfaits du régime, témoignent aussi de trou-
poser différents groupes pour définir ce que doit être l’art vailles plastiques originales, dans une course effrénée
du socialisme», explique le commissaire de la manifesta- pour savoir quel art, à l’arrivée, sera le plus prompt à incar-
tion Nicolas Liucci Goutnikov. ner les idéaux soviétiques. Staline met un coup d’arrêt à
Dès 1918, les futuristes russes, avec un premier décret, la création en 1932 avec la dissolution de tous les groupes
annoncent l’entreprise de démocratisation de l’art qui au profit de l’Union des artistes, dont la plupart des diri-
doit se fondre dans la vie quotidienne et se mettre au ser- geants provient de l’AKhRR. Déjà très fortes sous Lénine,
vice de la Révolution tandis que le suprématiste Malevitch la censure, la propagande et la répression se durcissent
propose d’explorer de nouvelles voies plastiques sans encore, annihilant tout élan créateur. n

72 I Beaux Arts
Alexandre Samokhvalov Komsomol militarisé
À la question «quel doit être l’art de la nouvelle société socialiste ?» Samokhvalov répond : la peinture de chevalet. Issu du Cercle des artistes
de Leningrad, il est fasciné par les fresques des églises orthodoxes russes et les grandes compositions des artistes de la Renaissance italienne, Giotto
et Michel-Ange en tête. Compilant plusieurs actions en une, il associe ici différentes temporalités. À l’arrière-plan, des membres du Komsomol (Union
des jeunesses léninistes communistes) en pleine baignade évoluent en frise pour devenir, au premier plan, une bande de jeunes disciplinés et armés.
1932-1933, huile sur toile, 198,5 x 276 cm.

Alexandre Deïneka
Lénine en promenade
avec des enfants
La formule «réalisme
socialiste» apparaît pour
la première fois en 1932,
après la dissolution
par Staline des divers
groupes d’artistes au
profit d’Unions des
artistes dans les grandes
villes d’URSS. Dans
la seconde moitié des
années 1930, les portraits
des dirigeants et la
peinture d’histoire
se hissent au sommet
des sujets les plus
appréciés. Deïneka fait
une belle carrière,
multipliant les sujets
à la gloire de l’ouvrier
et de l’État. Il offre des
images idylliques à
souhait, telle cette vision
d’un Lénine accompagné
d’enfants sur fond de
paysage kolkhozien.
1938, huile sur toile, 136 x 190 cm.

Beaux Arts I 73
EXPOSITION l ROUGE

«À bas les scénarios-histoires de la bourgeoisie. Vive la vie


en elle-même ! […] Vive le ciné-œil de la Révolution !»
Dziga Vertov, Kinoks-Revolution, 1923

CI-CONTRE
Alexandre Deïneka
Construction
de nouvelles usines
On voit bien ici comment
la peinture a assimilé les codes
graphiques constructivistes.
À la fois peintre, illustrateur,
affichiste, fresquiste et
mosaïste, Deïneka reprend le
principe du montage, associant
à l’architecture industrielle
les figures de deux ouvrières.
Des femmes aux traits
simplifiés et au corps
monumental qui s’imposent
dans l’espace et expriment
l’énergie des travailleuses
volontaires enthousiastes.
1926, huile sur toile, 21,2 x 20,1 cm.

À DROITE
Alexandre Rodtchenko
Kino Glanz
Le plus important des arts
pour Lénine fut sans conteste
le cinéma. Rodtchenko met
ici ses talents au service
du cinéaste soviétique Dziga
Vertov. Monteur et réalisateur
de films documentaires, il est
l’auteur du manifeste Kinoks-
Revolution («Ciné-Œil»), publié
en 1923, prônant un cinéma
qui n’aurait pas recours
à la littérature ou au scénario :
«Je suis un œil. Un œil
mécanique. Moi, c’est-à-dire
la machine, je suis la machine
qui vous montre le monde
comme elle seule peut le voir.
[…] Le cinéma dramatique est
l’opium du peuple. […] Vive
le ciné-œil de la Révolution !»
1924, lithographie, 70 x 92,7 cm.

L’art au service de l’utopie «Rouge – Art et utopie au pays des Soviets»


Pour témoigner des effets du communisme sur la création, cette exposition, conçue jusqu’au 1er juillet • Grand Palais
3, avenue du Général Eisenhower • 75008 Paris
par le commissaire Nicolas Liucci-Goutnikov, convie tous les pans de la création 01 44 13 17 17 • www.grandpalais.fr
sous l’ère soviétique : la peinture, la sculpture, le photomontage, l’affiche, le design,
l’architecture et des projets délirants en tout genre, sans oublier évidemment Catalogue
le cinéma et le théâtre. L’occasion de découvrir des œuvres rarement montrées éd. RMN-Grand Palais • 288 p. • 45 €
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de films d’avant-garde oubliés. Beaux Arts Éditions
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Le documentaire d’Arte sur l’exposition est à découvrir en avant-première sur BeauxArts.com

74 I Beaux Arts
Beaux Arts I 75
ENTRETIEN

Rencontre avec
Georges-Philippe Vallois
& Stéphane Corréard

«Une galerie est


un commerce
de proximité
où l’on vit
une expérience
unique !»

76 I Beaux Arts
L’un est président du Comité
des galeries d’art ; l’autre, fondateur
du salon Galeristes et critique
d’art. Ils posent un regard lucide
sur un secteur en pleine mutation
et essentiel pour la place de l’art
français sur la scène internationale.

Propos recueillis par


Fabrice Bousteau
Photos Léa Crespi
pour Beaux Arts Magazine

Aujourd’hui, en France, à quoi ressemble


le paysage des galeries ?
Georges-Philippe Vallois : Le paysage est encore très pari-
sien, mais il faut se méfier de certaines statistiques qui font
ressortir des milliers de galeries alors qu’elles recensent
aussi des vendeurs de cartes postales. Pour sa part, le
Comité professionnel des galeries d’art, que je préside,
s’intéresse aux galeries à vocation nationale ou internatio-
nale qui représentent des artistes. Notre chiffre tourne donc
plutôt autour de 300-350, dont moins de 10 % en régions.
Leur chiffre d’affaires varie entre 100 000 € et plusieurs
millions. Nous défendons tout autant celles de premier et
de second marché, c’est-à-dire les galeries qui vendent une
œuvre pour la toute première fois parce qu’elle vient d’être
produite, et celles qui la revendent par la suite.
Stéphane Corréard : D’après moi, cela fait encore trop de
lieux par rapport à la demande potentielle ! Les galeries qui
mènent ce vrai travail et arrivent à en vivre, à payer leurs
artistes et leurs fournisseurs, sont très peu nombreuses.
Pourtant, Paris est sans doute la seule capitale au monde
où se côtoient autant d’artistes venus de tous les conti-
nents : nous ne mesurons pas assez la richesse incompa-
rable de cette offre artistique.

Quelle définition donneriez-vous, l’un et l’autre,


d’une galerie ? Et quelle est la différence entre un
galeriste et un marchand ?
S. C. : On m’a dit un jour : «Un galeriste a des artistes, un
marchand a des collectionneurs.» C’est assez sévère, mais
c’est une définition possible. Un galeriste est un passeur
entre des artistes et un public parmi lequel se trouvent QQQ
Beaux Arts I 77
ENTRETIEN l PORTRAIT INÉDIT DES GALERIES EN FRANCE

«Acheter l’œuvre
d’un artiste français
est une manière
de s’inscrire dans
le temps. On est
un peu à l’opposé
d’une spéculation.»
Georges-Philippe Vallois

des collectionneurs. Il est proche de ses artistes et leur est


fidèle, il les représente sur le long terme, en accueille régu-
lièrement de nouveaux pour rester en prise avec l’actualité.
Il est aussi un médiateur pour les amateurs d’art et les
collectionneurs, il sait parler des œuvres et accompagner
les créateurs dans leur production, leur diffusion.
G.-P. V. : Un galeriste se manifeste par son engagement
envers les plasticiens qu’il représente en premier marché.
Un marchand – il y en a de bons et de mauvais, comme les
galeristes ! – se manifeste plutôt par son engagement sty-
listique. Chacun peut se définir par la durée de cet engage-
ment et la pérennité de ses choix.

D’un point de vue économique, quelle est


la situation des galeries françaises ?
G.-P. V. : En étant victime d’un sous-développement éco-
nomique, dû à la coexistence de très nombreuses petites
entités et peu de grandes, le marché français n’a pas suivi France, traditionnellement, les biens culturels ne sont pas
le déploiement international. C’est un bien et un mal, car des marchandises comme les autres.
cette caractéristique artisanale permet à un grand nombre
d’artistes d’émerger. Mais, hélas, cette émergence est Comment se comportent les collectionneurs
contrebalancée par un manque de suivi lorsque les artistes français par rapport à notre scène artistique ?
arrivent à maturité, occasionnant une relative faiblesse qui Sont-ils suffisamment engagés ?
s’est amplifiée avec l’apparition d’acteurs internationaux G.-P. V. : Si les collectionneurs français ne s’inscrivent pas
plus pugnaces que dans le passé. Certains pays tiennent dans une logique médiatique, ils sont de grands donateurs
pourtant le cap. L’Allemagne reste très active avec ses gale- dont les musées dépendent – raison de plus pour ne pas
ries et son marché intérieur, l’Angleterre est un acteur pré- toucher à la fiscalité des œuvres d’art. Quant au soutien à
pondérant sur le marché international. Les États-Unis sont la scène française, il faut savoir qu’acheter l’œuvre d’un
restés au même niveau tandis que le marché chinois est artiste français est une manière de s’inscrire dans le temps.
devenu très puissant, sans oublier d’autres pays satellites. On est un peu à l’opposé d’une spéculation, d’une labélisa-
Pour autant, le taux de présence des galeries françaises tion propre à une grande galerie étrangère.
dans les grandes foires internationales se maintient autour S. C. : Il faut mener des actions fortes pour accroître le
de 20-25 %. La standardisation de ces dernières et la pré- nombre de collectionneurs, petits et moyens, qui financent
sence de galeries identiques, sans aucun renouvellement, la diversité de la création. Si ceux qui financent l’art
sont bien plus inquiétantes. C’est un vrai problème pour contemporain étaient les mêmes que ceux qui soutiennent
les enseignes qui peinent à intégrer ce cénacle. la musique, il n’y aurait ni rap ni heavy metal ! Il est vrai
S. C. : Il ne faut pas juger une galerie uniquement à partir aussi que deux des plus grands collectionneurs et acheteurs
d’indicateurs économiques. Il s’agit aussi d’une entreprise mondiaux, François Pinault et Bernard Arnaud, ne sont pas
culturelle et cette dimension doit être prise en compte. En les plus engagés sur la scène française.

78 I Beaux Arts
une brillante carrière à l’international, comme Jean-Luc
Mylayne ou Ghada Amer, mais quand j’ai fermé, plus aucun
n’avait de galerie en France ni en Europe. Pour eux, c’était
même une nécessité de couper avec le milieu français, qui
reste entaché de suspicion dans la carrière d’un artiste.

Comme me le disait un conservateur français,


les Français sont-ils moins bons que les autres ?
S. C. : J’ai écrit voilà dix ans qu’«un bon artiste français
est un artiste mort !» Et c’est encore le cas aujourd’hui avec
Martin Barré, disparu en 1993, qui aura enfin les honneurs
du Centre Pompidou mais n’a bénéficié, de son vivant,
que de deux expositions en institution publique. Quelle
réactivité ! Tout cela n’est qu’une question de choix. En
France, il existe également un problème de ressources
humaines. Les deux conservatrices qui ont dirigé les plus
grandes manifestations mondiales (la biennale de Venise
pour Christine Macel et la Documenta de Kassel pour
Catherine David) ne sont pas à la tête d’un musée. C’est
très significatif.
Les galeries ne seraient-elles pas trop dépendantes
d’un nombre restreint de collectionneurs ? Les dirigeants d’institutions seraient donc déficients ?
G.-P. V. : C’est un fait avéré depuis des années, mais pas S. C. : Ceux qui président les plus grandes institutions
forcément un signe de fragilité économique. La question artistiques dans ce pays ne le doivent pas à la pertinence
est plutôt de savoir à quel rythme se fait le renouvellement. de leurs choix ni de leurs résultats ! Je ne peux pas le dire
La dépendance s’installe lorsqu’on est lié, pendant toute plus clairement. On pouvait hier, et on peut aujourd’hui,
une carrière, à cinq collectionneurs qui sont susceptibles diriger le plus grand musée de France et n’avoir jamais
de disparaître. En ce qui me concerne – et je pense que c’est réalisé une exposition significative à l’étranger !
le sentiment de la plupart de mes confrères –, ce renouvel- G.-P. V. : Sans culpabiliser les uns ou les autres, avant
lement existe. d’exporter des artistes, il faudrait les montrer. Il est atter-
S. C. : Sur le fond, c’est plutôt sain. Ce sont ceux que les rant de constater que nous avons tous ce maître mot à la
galeristes appellent «le premier cercle». On devient collec- bouche : «Émergence». Or, en favorisant à outrance cette
tionneur d’une galerie à partir du moment où l’on y achète émergence, on crée une forme d’«immergence», ce qui
des œuvres d’au moins deux artistes. C’est là qu’on entre corrobore ce que dit Stéphane Corréard. Certains artistes
vraiment en résonance avec sa programmation. ont été montrés jeunes, puis ont été oubliés quand ils sont
arrivés à maturité parce qu’ils n’ont pas été soutenus dans
Revenons à la scène française. Il y a quinze leur intégration au marché. Il faudrait insuffler une volonté
ou vingt ans, on disait : «Les artistes allemands et politique forte de travailler tous ensemble, galeries, insti-
britanniques sont partout et les Français nulle part.» tutions, responsables du ministère de la Culture, syndicats
N’y a-t-il pas eu, malgré tout, un rééquilibrage ? d’artistes… Pour l’instant, elle n’existe pas.
G.-P. V. : L’histoire se répète. Dans les années 1980-1990, la
Figuration libre était très présente à l’étranger. Leo Castelli Faudrait-il alors arrêter de «saupoudrer»
montrait Robert Combas, Hervé Di Rosa… Cette pénétra- pour se concentrer sur quelques locomotives ?
tion a toujours existé, mais je n’ai pas l’impression qu’elle S. C. : Je n’en suis pas persuadé. Des artistes français impor-
s’amplifie. Bien sûr, Camille Henrot, Tatiana Trouvé, tants n’ont aucune présence forte sur le marché et Sophie
Cyprien Gaillard ou Laure Prouvost ont trouvé une place Calle ou Xavier Veilhan ne pèsent strictement rien sur le
dans le concert international. Mais est-ce que cela signifie marché des ventes aux enchères. On recrute de nouvelles QQQ
que la France existe davantage ? J’en doute. Je retiens un
indicateur objectif : les expositions d’artistes français dans
les grandes institutions ne trouvent aucune itinérance et il «Ceux qui président
est difficile de les exporter.
S. C. : On parle de scène française, mais les artistes font les plus grandes institutions
souvent des carrières très individuelles et construites, en
grande partie, contre le milieu français. Ceux, cités, aux- artistiques dans ce pays
quels on posait la question, dans les années 1980-1990,
«Quels autres artistes y a-t-il en France ?» répondaient tou-
ne le doivent pas à la
jours «Personne». Cela n’a permis ni la carrière de galeristes pertinence de leurs choix
ni celle de commissaires, contrairement à l’Allemagne ou
à l’Angleterre. Ayant eu moi-même une galerie, je n’ai pu ni de leurs résultats !»
organiser que les toutes premières expositions, à Paris, des
douze artistes que je représentais. Trois ou quatre ont fait Stéphane Corréard
Beaux Arts I 79
ENTRETIEN l PORTRAIT INÉDIT DES GALERIES

«En France, tout le monde


se réjouit quand le film les Tuche 3
fait cinq millions d’entrées,
parce que ce succès va financer
le cinéma d’auteur. Cela n’existe
pas dans notre secteur.»
Stéphane Corréard

période de baisse ou de stagnation des budgets. Il est clair


que le secteur des arts plastiques n’est plus une priorité
pour l’État. Quand on sait que le budget d’acquisition du
Centre Pompidou est d’environ un million et demi d’euros
par an pour des acquisitions comprenant le design, l’art
contemporain et l’art moderne, on a envie de pleurer.

Comment sortir de cette situation ?


S. C. : L’État doit retrouver un pouvoir de désignation et
de prescription pour les artistes en dehors du marché, voire
contre le marché. Le monde a changé, mais la politique de
l’État n’a pas évolué. Les films en compétition au festival
de Cannes ne pèsent rien en termes économiques, mais
c’est LE lieu de désignation de la cinéphilie mondiale. Il
générations de collectionneurs sur ce hiatus. On leur vend faudrait, urgemment, inventer un mécanisme vertueux
«monts et merveilles» en leur expliquant que tel artiste permettant que la réussite de certains galeristes ou spécu-
est exposé à Venise, au Centre Pompidou… Ils achètent lateurs profite à tout le monde. Poursuivons la comparaison
une œuvre assez cher sur le premier marché mais, avec le cinéma. En France, tout le monde se réjouit quand
lorsqu’ils veulent la revendre, les galeries leur disent en le film les Tuche 3 fait cinq millions d’entrées, parce que ce
avoir trop dans leur stock et les ventes aux enchères succès va financer le cinéma d’auteur. Cela n’existe pas
n’en proposent que 2 000 € ! Or, une collection est un orga- dans notre secteur, le seul où l’État n’a toujours pas mis en
nisme vivant. Comment construire une situation durable place de mesures pour favoriser les indépendants et limiter
de cette manière ? l’hégémonie d’un marché mondialisé. Il existe le prix réduit
G.-P. V. : Il est vrai que des artistes français majeurs ont du livre, les quotas pour la chanson, l’avance sur recette
souvent une cote inférieure à leurs homologues interna- pour le cinéma… Un mécanisme de solidarité et d’entraide
tionaux. Mais il serait faux de penser qu’ils sont les seuls doit être imaginé, sans doute via une taxe parafiscale sur
concernés. Certains Américains, Anglais ou Allemands, les plus grosses galeries ou les œuvres revendues très rapi-
qui faisaient la gloire des biennales il y a quelques années, dement avec une importante plus-value. Cet argent devrait
ont totalement disparu du marché. Avec une grosse diffé- permettre la mise en place d’aides automatiques, comme
rence cependant : un prix d’achat de plusieurs centaines pour le livre ou le cinéma. Mais sans être conditionnées par
de milliers d’euros. des critères esthétiques.
G.-P. V. : Je comprends le fondement de cette idéologie,
À se concentrer sur des artistes stars, mais je ne le partage pas. Pour moi, Emmanuel Perrotin fait
n’y a-t-il pas un risque de voir disparaître les autres ? le même métier que les autres, avec une remarquable qua-
S. C. : C’est une certitude. Regardez le nombre d’exposi- lité entrepreneuriale en plus. Nous l’avons tous connu au
tions monographiques d’artistes français contemporains départ dans son petit appartement, lançant de jeunes plas-
dans les institutions publiques parisiennes : une dizaine ticiens : ce sont ses choix qui lui ont permis de réussir. Alors
par an, au mieux. Combien de créateurs le méritent, depuis je ne pense pas qu’il faille le taxer spécialement pour cela !
les années 1960 ? Environ 500 à 800. Il est dramatique que Mais d’autres acteurs pourraient être solidaires : par
tout un pan de l’histoire de l’art français soit, ainsi, en train exemple, les opérateurs de vente soutiennent ce qu’on leur
de disparaître totalement. demande de vendre. Ils n’ont jamais choisi tel ou tel artiste,
G.-P. V. : Un conservateur qui veut faire carrière a souvent même si, aujourd’hui, ils prétendent exercer la profession
intérêt à travailler avec un artiste étranger, pour sa notoriété qui est la nôtre. Ils ne sont pas engagés. Si la solidarité doit
internationale, mais aussi pour la réputation et la puissance exister, ce serait en taxant ceux qui ne participent ni à la
de production de la galerie le représentant dans une diffusion initiale ni à l’engagement que nous avons déjà

80 I Beaux Arts
évoqué. Et, comme cela ne doit décourager personne, il ne La réalité des ventes est souvent plus nuancée et certaines
pourrait s’agir que d’une toute petite part du bénéfice, pour enseignes ne couvrent même pas leurs frais. Structurelle-
ne pas mettre en danger l’activité des uns et des autres. ment, la foire est un accélérateur de temps. En six jours, on
Cette taxe serait affectée non pas à une institution, mais à reçoit plus de visiteurs qu’en cinq ans dans une galerie.
un fonds de dotation indépendant. À l’inverse d’un lieu de discussion, il n’y est question que
de rapidité et d’efficacité. Mais ce que je déplore le plus,
Nous connaissons tous l’explosion du nombre c’est que le choix des galeristes n’y est plus souverain. La
de foires et, en parallèle, la diminution considérable plupart des foires imposent ou rejettent leur sélection artis-
du nombre de visiteurs dans les galeries. tique. Elles se sont arrogé ce droit.
Quel est votre avis sur cet état de fait ? S. C. : D’autant que ce traitement est réservé à la frange la
S. C. : Je dis aux galeristes, sous forme de boutade : plus fragile des galeries et que ce système va à l’encontre
«Pourquoi y a-t-il encore des gens dans les galeries ?» Il y du temps long, le seul qui vaille dans l’art. Un exemple :
a quarante ans, Jean Brolly, un ancien collectionneur devenu galeriste à sa
visiter les gale- retraite, a toujours eu un très bon œil et a défendu des
ries était le seul artistes très tôt. Quand il avait présenté, à la Fiac, un
moyen de s’en- projet de Steven Parrino, peintre abstrait new-yorkais
quérir sur l’art rock’n’roll, tout le milieu de l’art l’avait trouvé ringard et il
contemporain. s’était fait éconduire. Steven Parrino est mort peu après. Sa
Aujourd’hui, à représentation a été reprise par Gagosian, revenu en
tort ou à raison, majesté montrer l’artiste à la Fiac… Les exemples de ce type
on peut s’infor- sont légion. La standardisation vient aussi de cette offre
mer ailleurs, à démesurément pléthorique. Lorsqu’on voit 4 000 œuvres
commencer par en quatre heures, on ne retient que les plus spectaculaires
Internet. Alors dans les stands les mieux placés. Tout est fait pour qu’il y
pourquoi le ait le moins de rapport au monde réel, pour qu’on passe
public conti- d’une galerie à l’autre sans s’en rendre compte : même
nue-t-il à fré- moquette, mêmes murs, même éclairage… mêmes œuvres.
quenter le s
galeries ? Parce qu’il recherche le contact humain. Mais Interrogez Emmanuel Perrotin sur l’ouverture
c’est aussi l’histoire de la poule et de l’œuf : les foires ont d’un espace à Shanghai alors qu’il en a
pour effet de vider les espaces de leurs galeristes, occupés déjà un à Hong Kong… Sa réponse est claire :
ailleurs… Or, le système pervers des foires est qu’il impose parce que Shanghai n’est pas Hong Kong.
un modèle. Dans le monde du vin, on appellerait cela des Pensez-vous que, pour chaque marché,
«dégustations marathon»… Même Robert Parker, grand il faut développer des relations spécifiques
dégustateur souvent critiqué, déclare qu’après avoir goûté avec les collectionneurs ?
50 vins différents on ne sait plus si l’on boit de la bière ou G.-P. V. : Dans les années 1970-1980, les grandes galeries
du Mouton Rothschild. Je cite souvent cette phrase cruelle, américaines octroyaient des exclusivités à leurs consœurs
mais drôle, du collectionneur Antoine de Galbert : européennes. Puis elles se sont mises à ouvrir leurs propres
«Aujourd’hui, pour un collectionneur, la semaine de la espaces en Europe pour éviter de payer des commissions.
Fiac est devenue comme la fête de la musique pour le mélo- Plus vous disposez d’espaces d’expositions, plus vous dis-
mane : une torture.» posez des œuvres des artistes que vous représentez par
G.-P. V. : Les galeries sont des acteurs culturels, et pas seu- rapport à vos concurrents. L’adapta-
lement commerciaux. Encore faut-il qu’elles fassent un tra- tion du métier de galeriste a souvent
vail sur elles, car l’accueil n’est pas toujours à la hauteur. La été liée à sa rentabilité.
profession doit aussi se prendre en main. Je lis, depuis une S. C. : Cela confirme l’idée qu’une
vingtaine d’années, que le système des galeries est dépassé, galerie reste un commerce de proxi-
que la relation à l’art peut se faire de façon virtuelle, que mité, au sein duquel les visiteurs
QUELQUES
l’espace n’a plus une grande importance… Pourtant, des peuvent vivre une expérience unique.
CHIFFRES
plus moyennes aux plus importantes, elles ne pensent qu’à Dans un monde de «surinforma-

300 à 350
se développer et à ouvrir des espaces dans plusieurs pays. tion», elle doit continuer à apporter
sa spécificité, celle du galeriste qui
Quelle est la plus-value réelle d’une foire ? entretient et partage un regard Nombre de galeries en France
Au risque d’une uniformisation esthétique, singulier, à l’exemple de Georges-

10 %
les galeries vendent-elles davantage dans Philippe Vallois qui va des surréa-
les foires que dans leurs propres espaces ? listes jusqu’à Gilles Barbier, en pas-
G.-P. V. : Les foires ont créé leur propre virtualité. Aucun sant par Tomi Ungerer ou de très Nombre de galeries en régions
professionnel ne vous dira «Ma foire a été un échec !» parce jeunes artistes. Pour les collection-

100 000 €
que cela remettrait en question la qualité de son travail et neurs, c’est irremplaçable : ils peuvent
non pas celle de la foire. La participation constitue un label : faire confiance, adhérer à ce regard
on joue en première, deuxième ou troisième division, ce particulier et développer leur collec- Chiffre d’affaires moyen
qui est scandaleux, car d’excellentes galeries n’y sont plus. tion dans le sillage de la galerie. n d’une galerie

Beaux Arts I 81
EXPOSITION l MUSÉE D’ORSAY
Jusqu’au 21 juillet

Modèles noirs
et peintres
de la vie
moderne
Une exposition inédite en France se penche
sur ceux que l’histoire de l’art aura jusqu’à
présent souvent désignés sous les termes
infamants de nègre et de négresse
en révélant leur identité et leur parcours.
D’Ingres à Félix Vallotton, enquête
au cœur des pires préjugés racistes comme
des plus nobles idéaux républicains.

Par Daphné Bétard

Frédéric Bazille
Jeune Femme
aux pivoines, dit
précédemment
Négresse
aux pivoines
Ce tableau
marque un
moment clé dans
l’histoire de
la représentation
du modèle noir.
Lequel ne sert
plus de faire-
valoir, mais
devient le sujet
principal d’une
œuvre aux
significations
multiples.
1870, huile sur toile,
60 x 75 cm.

82 I Beaux Arts
Beaux Arts I 83
EXPOSITION l LE MODÈLE NOIR

A
ssise bien droite sur une étoffe bleue, coif- à l’affirmation d’une certaine identité noire, parfois de
fée d’un foulard et vêtue d’un drapé blanc façon ambiguë, cassant les poncifs portés tant par la litté-
qui dévoile un sein et fait ressortir sa peau rature de voyage que par les zoos humains. Ce projet s’ap-
d’ébène, elle fixe le spectateur de son regard puie sur la thèse menée par la chercheuse et commissaire
franc et mélancolique. Le portrait peint par d’expositions Denise Murrell à Columbia University, à
Marie Guillemine Benoist en 1800 [ill. ci-contre] témoigne New York, où l’exposition a d’abord été présentée.
des convictions républicaines et abolitionnistes de son
Jean-Léon auteure sans toutefois échapper à certains clichés exo- Le clown Chocolat s’appelait en réalité Rafael
Gérôme tiques. Longtemps connue comme le Portrait d’une La proposition parisienne se veut plus nuancée sur le
À vendre
négresse, cette peinture conservée au Louvre porte désor- XIXe siècle et moins engagée dans sa démarche globale.
Esclaves
au Caire
mais le nom de son modèle, Madeleine, que des cher- «Il ne s’agit pas d’une exposition sur la représentation des
Malgré les clichés cheurs ont identifiée récemment. Elle incarne à elle seule Noirs perçus comme groupe social. C’est bien au “modèle”
orientalistes, les paradoxes d’une période divisée entre ses idéaux que nous nous intéressons, modèle dont le double sens
Gérôme accorde d’égalité et la grande entreprise coloniale. –  sujet regardé, représenté par l’artiste, aussi bien que
à la jeune femme
En s’intéressant à la représentation de la figure noire, de porteur de valeurs – est parfaitement assumé», précise
noire une
attention la Révolution française à la naissance du concept de négri- d’emblée Laurence des Cars, la présidente de l’établisse-
particulière, tude porté par Aimé Césaire, le musée d’Orsay vient com- ment, bien que les deux notions aient tendance à se
soulignant bler les lacunes d’une histoire de l’art trop souvent unila- rejoindre au fil du parcours, offrant une image sociolo-
sa grâce
et sa pudeur. térale. Première exposition à se consacrer exclusivement gique et culturelle inédite du Paris moderne. L’accent est
1873, huile sur toile, au sujet en France – pays peu habitué aux cultural studies –, mis sur les destinées individuelles de ces hommes et
217,5 x 142,5 cm. elle montre comment artistes et intellectuels participèrent femmes, majoritairement originaires d’Afrique et des
Antilles, qu’immortalisèrent peintres, sculpteurs et photo-
graphes. Aux côtés de personnalités célèbres, comme
l’écrivain Alexandre Dumas, le clown Chocolat ou Jeanne
Duval, la maîtresse métisse de Baudelaire, qui lui inspira
quelques-uns de ses plus beaux poèmes, la plupart d’entre
eux sont restés anonymes. Un formidable travail de
recherche a donc été mené pour redonner une identité à
celles et ceux qui jouèrent les modèles parallèlement à leur
«petit métier» de domestique, nourrice, blanchisseuse ou
lavandière, ou bien encore d’une carrière au cirque, au
théâtre ou dans les cabarets.

Servantes noires et odalisques blanches


Difficile d’interpréter précisément quel regard les
artistes posaient sur ces modèles qui leur ouvraient de
nouvelles possibilités plastiques et l’occasion de sortir des
canons de la beauté classique. Delacroix soulignait ainsi
l’intérêt d’étudier «la lumière absorbée et non plus
réfléchie par la peau» quand d’autres, comme le sculpteur
Charles Cordier, jouaient avec les matériaux pour restituer
les tonalités des différentes carnations. Ambiguë, son
œuvre l’est résolument, puisque tout en voulant exalter
l’égalité entre les peuples, il en accentuait aussi les parti-
cularités physiques. Ce que firent également les orienta-
listes, dont les tableaux exotiques mettent en scène des
harems fantasmés, où les servantes noires musclées et
puissantes servent à valoriser des odalisques blanches,
plus sensuelles et raffinées. Pourtant, certains des plus émi-
nents représentants du courant orientaliste, comme
Gérôme [ill. ci-contre], s’intéressèrent aussi au modèle noir
en tant que tel, réalisant des portraits d’une grande beauté.
«La position de l’artiste peut apparaître comme ambiva-
lente, même lorsqu’elle est positive, car toujours en prise
avec un contexte marqué par l’esclavage, le colonialisme
ou des formes d’exotisme et d’altérité très différentes de
nos projections actuelles – le qualificatif de “moderne” ne
recoupant pas systématiquement un regard émancipa-
teur», soulignent les commissaires. Ce fut le cas du portrait
de Madeleine et de celui de Jean-Baptiste Belley, député de
Saint-Domingue à la Convention, peint par Girodet en 1795,

84 I Beaux Arts
À GAUCHE
Marie
Guillemine
Benoist
qui glorifie la dignité politique d’un ancien esclave dont la présence en dit pourtant long sur l’œuvre et les
Portrait de
affranchi pour son courage, tout en incarnant un compro- intentions de l’artiste. Ainsi de Laure, la domestique qui Madeleine, dit
mis au service de la République. En s’emparant du modèle apporte les fleurs dans l’Olympia de Manet (1863), restée précédemment
noir, les artistes n’hésitèrent pas à se ranger du côté des dans l’ombre de la scandaleuse prostituée au regard Portrait
abolitionnistes, comme Géricault qui fit figurer dans son glacial. Souriante, prévenante, elle semble jouer les faire- d’une négresse
Radeau de la Méduse trois naufragés noirs (alors qu’en réa- valoir, sa peau se confondant presque avec le fond sombre Chef-d’œuvre
néoclassique,
lité il n’y en eut qu’un), dénonçant l’incompétence du capi- du tableau et contrastant avec celle, diaphane, de Victo-
ce portrait illustre
taine de la frégate échouée en juillet 1816 au large de la rine Meurent. Manet rejouerait-il la partition orientaliste ? le nouvel idéal
Mauritanie, et des élites en général, tout en faisant écho L’œuvre est en réalité plus complexe. Et si le peintre satis- d’égalité promu
aux crimes commis par la traite des esclaves. fait ici le goût du public et des collectionneurs, il n’aban- par la République.
1800, huile sur toile,
donne pas pour autant la cause républicaine, lui qui lors 81 x 65 cm.
Manet, ou la modernité contre l’exotisme de son séjour au Brésil parle du «spectacle désolant» de
Pour son Radeau, Géricault fit poser Joseph, l’un des l’esclavage. C’est ce que défend Denise Murrell dans son CI-DESSUS

très rares modèles noirs dont la vie est connue. Originaire analyse minutieuse de cette icône de l’art moderne. Pour Joséphine Baker,
vers 1928
de Saint-Domingue, arrivé en France en 1800 et engagé à elle, Manet, qui situe cette servante sur le même plan que
Incarnation de
Paris comme acrobate et acteur dans la troupe de Victorine, la montre avant tout comme une travailleuse, la beauté exotique
Madame  Saqui «pour jouer les Africains», Joseph est certes dans le cadre interlope d’une maison close : une par excellence,
repéré par le peintre qui en fait son modèle favori, ce qui femme noire du prolétariat français. Là où les orienta- la chanteuse et
lui apporte le succès puisqu’il posera ensuite pour Horace listes représentaient les Africaines dans une nudité pri- danseuse sut jouer
avec son image
Vernet et Alfred de Dreux, avant d’être embauché par mitive fantasmée, Manet a choisi une tenue sobre – une et se moquer
l’École des beaux-arts entre 1832 et 1835 (ils n’étaient que robe blanche volumineuse de mode européenne –, avec des préjugés.
trois dans ce cas). À part Joseph, il a fallu du temps pour quelques éléments, comme le foulard, indiquant des
que les chercheurs s’intéressent à l’identité de ces modèles origines créoles. Il donne l’image d’une «femme noire QQQ
Beaux Arts I 85
EXPOSITION l LE MODÈLE NOIR

86 I Beaux Arts
«L’art doit
découvrir
et révéler la beauté
que les préjugés
et la caricature
ont dissimulée.»
Alain LeRoy Locke
in The New Negro, 1925

Théodore
Chassériau
Étude d’après
le modèle
Joseph, dit
précédemment
Étude de Noir
Ingres a l’esprit
retors lorsqu’il
demande à son
élève Chassériau
(lui-même
métisse) de faire
poser, selon des
directives très
précises, un
modèle noir
destiné à figurer
dans une de ses
futures grandes
compositions,
sans lui préciser
que le personnage
en question sera
un démon...
L’œuvre ne verra
pas le jour.
Mais le très
beau portrait
de Joseph par
Chassériau,
lui, demeure.
1839, huile sur toile,
54,8 x 73,5 cm.

Beaux Arts I 87
EXPOSITION l LE MODÈLE NOIR

désorientalisée et présentée non pas comme un étranger ou Théophile Gautier, qui admire CI-CONTRE

exotisé, mais de manière moderniste», précise-t-elle. Si Maria Martinez, chanteuse et guita- Félix Vallotton
Isolde Pludermacher, l’une des commissaires de l’exposi- riste originaire de La Havane, qui La Blanche
tion au musée d’Orsay, nuance son propos, soulignant que pourrait bien ne faire qu’une avec la et la Noire
Détournement
la domestique noire au service d’une courtisane de basse célèbre Maria photographiée par
réjouissant de
extraction accentue le caractère scandaleux de la scène Nadar, comme le révèle le musée l’Olympia de
car elle renvoie implicitement au statut de l’aristocratie d’Orsay. Manet, le tableau
coloniale, le tableau marque un tournant. Il aura d’ailleurs montre l’intimité
Harlem Renaissance de deux femmes
une grande influence sur la scène artistique française. après l’amour.
Frédéric Bazille pousse plus loin l’expérience de son à Paris dans les années 1920
1913, huile sur toile,
mentor et ami en offrant au modèle féminin noir le pre- La Première Guerre mondiale voit 114 x 147 cm.

Pierre Puvis mier rôle. Sa Jeune Femme aux pivoines [ill. p. 81] est une l’arrivée en Europe des tirailleurs
de Chavannes référence directe à la servante au bouquet de fleurs africains et des soldats noirs améri-
Jeune Noir d’Olympia. Mais, ici, elle occupe tout l’espace, incarnant cains, dont quelques milliers décident de rester en
à l’épée
une femme libre et indépendante, qu’elle soit domestique France à la fin du conflit, tandis qu’en 1919 est organisé à
Une maison
brûle au loin
ou marchande de fleurs. Pour Denise Murrell, les fleurs Paris le Congrès panafricain, ouvrant la voie aux futurs
mais l’adolescent peuvent suggérer de multiples interprétations, puisant mouvements de lutte pour l’indépendance et la dignité
armé, peint leur source dans les mythes de l’Antiquité gréco-romaine des peuples. Des associations, des revues, des journaux
à la manière ou de grands textes littéraires. Ce qui correspond à la sont créés dans la foulée en France. Les musiciens de jazz
d’un nu antique,
nous fixe d’un nouvelle vision du modèle noir chez les modernes, qui et écrivains les plus célèbres d’Harlem Renaissance
air étrangement dépasse l’image de l’autre, cet étranger, pour incarner une (mouvement d’émancipation qui déconstruit les stéréo-
indifférent, composante de la société française. La présence de per- types racistes dans des œuvres dépeignant la réalité quo-
semant le trouble
sonnalités noires dans le milieu du spectacle retient éga- tidienne des communautés noires des villes) séjournent
dans nos esprits.
1848-1849, huile
lement l’attention de Degas, fasciné par Miss Lala, acro- à Paris, tel le poète et dramaturge Langston Hughes, qui
sur toile, 105 x 73 cm. bate qui s’élève dans les airs par la force de sa mâchoire, décrit la capitale, en 1924, comme un havre de culture et
de liberté, même si elle est sale, coûte trop cher et qu’on y
crève de faim. Le jazz inspire à Fernand Léger et Henri
Matisse des compositions rythmées et colorées. Et pen-
dant que Joséphine Baker devient la sensation musicale
du moment, poussant les stéréotypes jusqu’à la caricature
pour mieux s’en moquer sous l’œil fasciné des affichistes,
photographes, dessinateurs et graveurs, le grand mouve-
ment culturel et intellectuel de la «négritude» forgé par le
jeune poète martiniquais Aimé Césaire définit l’identité
noire en termes de «résistance», en valorisant ce qui était
jusque-là méprisé ou ignoré.

Breton et Césaire, même combat ?


Comme le résume l’historien Pap Ndiaye, cette époque
fut celle de «l’expression vigoureuse d’une subjectivité
noire très documentée, par laquelle les artistes, écrivains
et intellectuels ont dit, de toutes les manières possibles,
ce qu’était la condition noire dans les mondes urbains du
XXe siècle. Ce faisant, ils ont transformé la notion même
de modèle : non plus seulement celle ou celui que l’artiste
représente, mais aussi celle ou celui qui propose une
manière d’être au monde. D’objet d’étude, le modèle noir
est devenu un sujet politique». Les surréalistes seront les
artistes les plus proches des protagonistes de la négritude.
Ils organisent avec la Ligue de défense de la race nègre,
d’obédience communiste, une contre-proposition à
l’Exposition coloniale de 1931. Quelques années plus tard,
en pleine guerre mondiale, André Breton rencontre Aimé
Césaire à Fort-de-France. Il s’exclame : «Ainsi la voix de
l’homme n’était en rien brisée, couverte, elle se redressait
ici comme l’épi même de la lumière.» Surréalisme et négri-
tude semblent alors unis pour un même combat, analyse
le chercheur Vincent Debaene. L’un et l’autre rejettent de
façon radicale l’idéal civilisateur européen et le colonia-
lisme, aspirent à changer le monde, le transformer pour
«inventer de nouvelles façons de penser et de sentir». n

88 I Beaux Arts
Le musée d’Orsay abolit les marqueurs raciaux
«Le modèle noir
Après une première étape à la Wallach Art Gallery de New York et avant le Mémorial ACTe de Pointe- de Géricault à Matisse»
à-Pitre, l’exposition consacrée au modèle noir du musée d’Orsay joue les prolongements contemporains jusqu’au 21 juillet • musée
d’Orsay • 1, rue de la Légion
en exposant des artistes comme Romare Bearden, Larry Rivers ou Aimé Mpane, proposant une relecture
d’Honneur • 75007 Paris
d’Olympia. Elle s’accompagne aussi d’une riche programmation de spectacles, films et rencontres, 01 40 49 48 14
notamment une création du rappeur Abd Al Malik qui s’est inspiré d’un tableau de Puvis de Chavannes : www.musee-orsay.fr
Jeune Noir à l’épée. Enfin, l’institution envisage de renommer certaines œuvres en supprimant les ✶ Hors-série
Beaux Arts
marqueurs raciaux, à l’image de la Négresse aux pivoines de Bazille conservée à la National Gallery of Art Éditions
de Washington, devenue Jeune femme aux pivoines. Cela pourrait être un énorme chantier puisque 68 p. • 9,50 €
les collections couvrent toute la période de la colonisation. En abordant l’un des grands non-dits
de l’histoire de l’art, Orsay affirme son ambition de renouveler la discipline et s’affiche comme un musée
en prise avec les grands enjeux d’aujourd’hui.

Rencontre avec le rappeur Abd Al Malik sur BeauxArts.com

Beaux Arts I 89
VISITE D’ATELIER

Luc Tuymans
ou la décomposition
de la peinture

Air défraîchi, lumière raréfiée, flou glaçant… Qu’elle soit


frontale ou allusive, la peinture de Luc Tuymans est grave
et pose entre le spectateur et elle une distance, qui est celle
de l’histoire. Beaux Arts a rendu visite à l’artiste à Anvers,
à la veille de son exposition au Palazzo Grassi de Venise.
Par Judicaël Lavrador • Photos Charlie De Keersmaecker
pour Beaux Arts Magazine Ballone
Un clown, assez
peu enjoué du fait
des teintes (du
blanc, du beige,
du gris) que
Luc Tuymans
lui inflige et aussi
du fait de
l’apparition de
son ombre portée
où se dessine
la silhouette d’un
double difforme.
2017, huile sur toile,
185,6 x 151,2 cm.

90 I Beaux Arts
Beaux Arts I 91
VISITE D’ATELIER l LUC TUYMANS

laborateurs à l’édition de son


monumental catalogue rai-
sonné, dont deux tomes ont
déjà paru. Que Luc Tuymans, à
61 ans, se soit lancé dans l’in-
ventaire de son œuvre complet,
dit déjà à quelle étape il se situe
dans sa carrière : au pic, à un
moment où il est temps de se
retourner, et, assez mystérieu-
sement, de savoir quoi léguer à
ceux qui viennent. Ce travail-là
semble en tout cas résonner
fortement sur la manière dont
il a conçu sa rétrospective véni-
tienne quand il dit souhaiter y
«réaliser une sorte de fin et
donner l’impression que plus
personne ne peindra ainsi»,
sans que l’on comprenne au
juste s’il s’inclut lui-même dans

À
ce «plus personne». Il ajoute
The Rabbit ses débuts, il y a quarante ans, Luc Tuymans vouloir se préparer à la transmission, à l’héritage qu’il lais-
On dirait un lapin vivait et travaillait au même endroit, vivait sera. «La Pelle» («la Peau» en italien), le titre qu’il a
pris dans les emprunté pour son exposition vénitienne à l’autobiogra-
et travaillait donc dans la peinture, ses
phares d’une
voiture. Pétrifié effluves toxiques et sa matière poisseuse. phie de Curzio Malaparte, semble éclaircir l’horizon et
et aveuglé, «Cela ressemblait un peu à l’atelier de revivifier le tableau. «La Pelle» renvoie à l’enveloppe des
l’animal n’est déjà Francis Bacon», lance-t-il, légèrement dégoûté. choses, à la carnation des êtres et d’abord à la surface des
plus que l’ombre toiles elles-mêmes. Puis à des questions «de composition
de lui-même, Aujourd’hui, succès aidant, fortune et réputation faites (et
et la peinture méritées), il en est sorti. De la bohème, pas de la peinture et de décomposition», souffle l’artiste. Composition et
se contente, – même si, entre 23 et 28 ans, il a abandonné celle-ci pour décomposition de la peinture, des corps, des images, des
avec une grande âmes et de l’époque.
le cinéma et la vidéo. Désormais, les pinceaux, les pig-
économie
ments, le moment de peindre, il les tient bien à l’écart du L’unique programme que Tuymans continue à mettre
de matière,
d’en surprendre reste de sa vie et de son travail. Il ne passe qu’une journée sur le métier avec un pinceau qu’on comparera à un
l’éclat blafard. par semaine, «en général, le jeudi ou le vendredi», dans scalpel, à une lame froide et aiguisée, qui viendrait
1994, huile sur toile,
son studio. Murs immaculés, sol de béton brut, lumière appuyer, sans frémir, là où ça fait mal : partout et nulle
59,5 x 72 cm.
zénithale impeccablement étale et pénétrante… Deux fau- part. Les sujets de Tuymans ont la peau dure. La plupart
teuils défoncés, une table encombrée de livres d’art, de n’ont pas de cœur, pas d’os, pas de chair. Ce sont ou bien
photos imprimées et de sodas, une autre, repoussée dans des êtres puissants et criminels (Himmler, 1997-1998),
un coin, chargée de peintures, des caisses imposantes froids et calculateurs (Albert Speer in Der Architekt, 1997),
dans le couloir de l’entrée (où quelques-unes de ses der- inflexibles et déterminés (Condoleezza Rice, l’ancienne
nières toiles attendent confortablement d’être convoyées secrétaire d’État de George W. Bush, portraiturée en 2005
à Venise, au Palazzo Grassi)… l’endroit, qui ne respire pas avec un regard de glace), ou bien des victimes du colonia-
la vie, n’est pas le genre de ceux où l’on s’attarde. lisme (Patrice Lumumba, marxiste indépendantiste
D’ailleurs, Tuymans nous emmène vite à son bureau, à congolais assassiné) et des antres de l’horreur (les
un quart d’heure de là, dans le quartier portuaire d’Anvers. chambres à gaz, les tours jumelles du 11 Septembre).
Murs blancs, larges baies vitrées, grande table de réunion, Tuymans a abordé chacun de ces sujets après «un travail
les lieux ressemblent à n’importe quel bureau de créatif. de journaliste», d’enquêteur consultant les archives
Quand il ne voyage pas, l’artiste s’attelle avec ses trois col- photographiques avant de passer celles-ci au tamis des

92 I Beaux Arts
«On ne pleure pas
devant mes tableaux.
Il n’y a pas d’immédiateté
dans ma peinture.
J’y instaure une distance
émotionnelle.»

«Une seule peinture à la fois,


et il faut qu’elle soit achevée
à la fin de la journée.
Quand je ferme la porte,
je dois avoir le sentiment
que je suis content
de ce que j’ai accompli.»

Derrière l’artiste,
une série de portraits
d’anonymes, réalisés
d’après des images de
police qui reconstituent,
en le vieillissant,
le visage de personnes
disparues. Au sol,
la rampe n’a rien à voir
avec la peinture : elle
appartient à une équipe
télé qui tourne un
reportage sur Tuymans
et s’en sert pour les
travellings…

Beaux Arts I 93
VISITE D’ATELIER l LUC TUYMANS

Allo! I
La toile reproduit la scène finale
d’un film hollywoodien,
The Moon and Sixpence (1942),
qui retrace la vie de Paul Gauguin.
Tuymans s’amuse de l’atmosphère
dramatique dans laquelle la dernière
toile du peintre est découverte par
son médecin après sa mort.
2012, huile sur toile, 133,7 x 182,6 cm.

vibrations» de la toile tendue sur châssis. Ensuite, il pré-


fère ne pas s’en tenir à un format prédéterminé. Le tableau
aura les dimensions que la peinture lui aura prêtées. Non
l’inverse. De fait, les proportions des œuvres de Tuymans
sont aussi peu orthodoxes que leur accrochage dans l’es-
pace d’exposition. «Je ne les accroche jamais au milieu
d’un mur.» Il bat ainsi, entre les toiles, un tempo irrégu-
lier, rythmé par les intervalles de blanc (du mur) plus ou
moins larges et longs. On peut y voir une réminiscence de
ses années de cinéma.
Mais alors, on rembobine : que se passe-t-il avant que la
Schwarzheide toiles. Voilà pourquoi il ne se rend que parcimonieuse- porte ne se referme le jeudi ou le vendredi soir ? Que peut
Production in situ ment à son atelier : parce qu’au préalable, il doit laisser faire la peinture face à l’histoire ? Et face à ces traces ? Il
pour l’atrium
l’image advenir. «Je photographie à l’iPhone, je dessine, je nous montre l’histoire, non pas en images saisissables,
du Palazzo Grassi,
cette gigantesque peins à l’aquarelle, sur papier. Je regarde des images que mais de la manière dont elle a imprimé la mémoire col-
mosaïque je garde en tête pendant des années et qui finissent ou non lective. Avec des défauts, des blancs, des ratés, des éva-
reproduit un par ressurgir : je dois les peindre pour les comprendre.» Ce nescences, avec des zones qui clignotent et d’autres qui
tableau ancien
de Tuymans. n’est pas tant les images qu’il peint que ce travail d’anam- se sont affadies, affaissées, affaiblies. Là vient la peinture.
À Schwarzheide, nèse, la manière dont elles le hantent sans qu’il sache au Le pinceau, la touche, le flou, les tonalités, cette gram-
au nord de juste pourquoi. maire du peintre qui vise à rendre visible ce que les images
Dresde, était situé
sources laissent flotter devant ou derrière. Une espèce
un camp de Un flou «très aigu»
concentration d’aura nébuleuse et immatérielle traduite par un effet de
nazi dont certains Là commence le génie de Tuymans. Et le travail du flou qui n’a rien à voir, insiste Tuymans, avec celui de
déportés firent peintre proprement dit. Qui doit être bref. Les tableaux Gerhard Richter : «Le flou pictural dans mes propres toiles
des croquis sur de
petits fragments
sont exécutés d’une traite. «Une seule peinture à la fois, est très aigu, très formalisé. Il dépend de la tonalité plus
de papier cachés. précise Tuymans, et il faut qu’elle soit achevée à la fin de que de la couleur, d’une luminosité étrange qui donne de
2019 (d’après l’huile la journée. Quand je ferme la porte, je dois avoir le senti- la profondeur au sujet représenté. Il y a un jeu entre la
sur toile éponyme ment que je suis content de ce que j’ai accompli.» Les chaleur et la froideur qui vient créer une distance néces-
de 1986), mosaïque
de marbre de Fantini toiles ne sont jamais enchâssées au préalable. L’artiste y saire avec le sujet.» Et avec le spectateur : «On ne pleure
Mosaici (Milan), trouve un double bénéfice. Tuymans dit avoir d’abord pas devant mes tableaux, lance Tuymans, cinglant. Il n’y
960 x 960 cm.
besoin «de cette résistance du mur, de ne pas sentir les a pas d’immédiateté dans ma peinture. J’y instaure une
distance émotionnelle.» Laquelle résulte «d’un travail
chirurgical avec un timing précis et prémédité. Il n’y a pas
d’accident, pas de muse. Je traite la toile de manière très
pragmatique.» Or, ce programme, suivi au poil de pinceau,
aboutit à des représentations qui défaillent, qui déraillent
et bifurquent vers les zones les plus étranges et ambiguës
du visible.

Quelque chose d’inhumain


Il tient à nous montrer la première page du tome I, sa
première peinture, réalisée en 1972, à 15 ans. Appartenant
à une collection japonaise, elle figure un homme de face,
qui semble fourailler dans un tas informe de ce qui res-
semble à des feuilles mortes ou du sable ou des vieilles
frusques… La scène est dépeinte d’un pinceau un peu
brusque déréalisant le personnage comme le décor. Mais,
après tout, on n’est pas si loin des visages comme taillés à
la serpe que l’artiste vient de finir de peindre et qui sont
encore accrochés, sans châssis, aux murs de l’atelier : des
figures humaines soit, mais avec quelque chose d’inhu-

94 I Beaux Arts
main, cette expression de marbre peut-être, ou bien ce
regard figé, cette peau tendue, ces traits tirés, cette mine
stupide au point d’en devenir inquiétante. De fait, les
modèles sont des personnes depuis longtemps disparues,
dont la police a vieilli et reconstitué numériquement le
visage en partant de photos de famille.
Autrement dit, il n’y a, derrière ses portraits, nul être de
chair et d’os. À moins que si, allez savoir. Il y a un gouffre
creusé par le temps écoulé et l’invisibilité, qu’ont essayé
de colmater la technologie, les souvenirs des proches,
peut-être. La peinture de Tuymans vient livrer un verdict
mi-figue mi-raisin : les visages ne sont ni noirs ni blancs,
ils sont gris. Baignant dans une lueur aussi irréelle et pâle
que leur peau, ils ont cette teinte morbide des êtres qui
agonisent sans rien vouloir céder à la mort. Déroutant
puisqu’effrayant : la source, encore une fois, n’est qu’un
portrait hypothétique.
Tuymans n’aime rien tant que jouer faux. Il dit qu’il
cherche à faire des «faux authentiques et donner cette
impression que les toiles, au vu de leur facture, fanée et
passée, pourraient avoir été faites il y a trente ans». Mais
la dissonance dans sa peinture ne se limite pas à cela.
Prenez la toile Twenty Seventeen [ill. ci-contre], qui fait
office d’affiche pour son exposition à Venise. C’est le visage
d’une femme, bouche bée, les yeux écarquillés, pétrifiée
par la peur. Sauf que ces traits et cette expression tragiques
ne sont jamais déformés et sublimés que par la projection
vidéo d’un visage sur un ballon de baudruche à l’occasion
de la promotion d’une série télé brésilienne. L’image
source est donc triviale, le visage, un artefact. N’empêche,
Tuymans vient figer l’instant et, d’un pinceau glaçant et
silencieux, transformer, ironiquement, cette innocente
figurine publicitaire en figure quasi mythologique. n

Twenty Seventeen
Ce visage à l’effroi muet a pour
source étrange une image projetée
sur un ballon de baudruche
publicitaire. L’image et son double
déformé, encore, vue au prisme
de la peinture, qui ajoute
une marge d’erreur.
2017, huile sur toile, 94,7 x 62,7 cm.

80 tableaux livrés à eux-mêmes


«Luc Tuymans – La Pelle»
Alors que Luc Tuymans a l’habitude d’encadrer nettement ses expositions entre les rets d’une histoire jusqu’au 6 janvier
Palazzo Grassi
bien ficelée, nourrie par des toiles se rapportant toutes au même sujet (par exemple, la décolonisation
Campo San Samuele 3231
du Congo belge à la biennale de Venise en 2001), «La Pelle» («la Peau») laisse les tableaux se perdre Venise • +39 041 2001 057
sous les ors du Palazzo Grassi, sans les tenir en laisse, sans esquisser la moindre tentative de les grouper www.palazzograssi.it
par quelque biais raisonnable que ce soit. Pas question de suivre un ordre chronologique (il y aurait Catalogue sous la dir.
de Caroline Bourgeois
pourtant de quoi en remontant le fil à partir d’un tableau présenté là et peint en 1986), pas question éd. Marsilio • 224 p. • 45 €
non plus d’inscrire au mur le moindre texte explicatif, ou bien d’assigner à chaque salle sa thématique,
voire un genre (nature morte, paysage ou portrait, le Belge les a tous traités). Les 80 tableaux réunis
sont ainsi livrés à eux-mêmes. Il s’agit pour l’artiste de montrer ce qu’ils ont dans le ventre, sous la peau.
Ou, comme il dit, d’offrir une «expérience picturale». La peinture sans rien sur la peau.

Beaux Arts I 95
L’HISTOIRE DU MOIS

Le marché de l’art sous l’Occupation


Les dessous d’un pillage
à grande échelle

Spoliations des galeristes juifs persécutés,


trafics juteux et transferts massifs
d’œuvres en Allemagne : le marché
de l’art a fait florès en France, entre 1940
et 1944. Emmanuelle Polack a réalisé
une enquête édifiante sur cette page
sombre de l’histoire, à travers un livre et
une exposition au Mémorial de la Shoah.
Un indispensable devoir de mémoire.

Par Emmanuelle Lequeux


Adolf Hitler lors d’une exposition d’art français à Berlin, en 1937. À ses côtés
se tient André François-Poncet, homme politique et diplomate français.
Ce cliché a été pris par Heinrich Hoffmann, photographe personnel de Hitler.

C
hampagne, mondanités et biens spoliés… Sous l’Occu-
pation, le marché de l’art est florissant. L’économie
française fonctionne au ralenti dans un pays soumis
au joug allemand ? Pourtant, les ventes aux enchères
attirent la foule, l’argent coule à flots, les trafics
minables font florès. Près de deux millions d’objets d’art auraient été
échangés entre 1940 et 1944.
Cette économie, aussi prospère que déboussolée, l’historienne de
l’art Emmanuelle Polack a consacré sept ans de sa vie à en étudier les
secrets bien gardés et les rouages, dans le cadre de sa thèse soutenue
à la Sorbonne, et aujourd’hui publiée chez Tallandier (le Marché de
l’art sous l’Occupation, 1940-1944). Une recherche passionnante, qui
dissèque un trafic aussi complexe qu’odieux. «Avoir la possibilité de
réaliser ce devoir de mémoire, d’aider à la réparation, est une grande
joie, nous confie-t-elle, alors qu’elle est à quelques jours de l’ouverture
de l’exposition qui, au Mémorial de la Shoah, dévoilera au grand Le 4 novembre 1943, l’idéologue nazi Alfred Rosenberg et Bruno Lohse, son adjoint,
sont accueillis au Jeu de paume par René Huyghe, conservateur au département
public ses découvertes. Il faut absolument que nos musées et nos ins- des peintures du Louvre, en présence de Germain Bazin, adjoint de Huyghe. À
titutions deviennent plus transparents, tout le monde en sortira gauche, apparaît la silhouette de Rose Valland, qui garde, elle, les mains croisées.

96 I Beaux Arts
En avril 1941 a lieu l’inventaire des biens confisqués à la galerie Wildenstein, à Paris. Plus de 500 de ses tableaux sont saisis.
Pourtant, en 1946, les services américains font figurer ce nom dans une liste de marchands suspects de collaboration
avec les Allemands. Jusqu’aux années 2000, différents procès dévoilent le rôle trouble de la famille pendant la guerre.

grandi. Il y a un vrai travail dépassionné à faire : personne aujourd’hui marché en zone occupée, bientôt remplacés par les nantis de l’Occu-
n’est responsable de ce qui s’est passé pendant la guerre.» pation ; une abondance de capitaux, puisqu’à partir du
Pour cette chercheuse indépendante ayant travaillé deux ans au 17 décembre 1941 la communauté juive de la zone occupée se voyait
sein de la taskforce chargée d’explorer la stupéfiante collection Gurlitt, infliger une amende d’un milliard de francs, en représailles d’atten-
restée cachée jusqu’en 2012, «le chemin n’a pas été pavé de roses, et tats perpétrés contre l’occupant»
l’accès aux archives n’allait pas de soi. Les Archives nationales m’ont Dans les galeries, les affaires abondent. Dans les galeries «aryennes»
beaucoup aidée. J’ai également trouvé des documents à la préfecture ou «aryanisées», du moins. Car dès la promulgation des infâmes lois
de police, ainsi qu’au Getty Center de Los Angeles. Mais les ports antisémites, promulguées par l’occupant et sur lesquelles surenché-
francs et la Suisse font partie de nos gros problèmes concernant ce rit le régime de Vichy, tous les grands marchands juifs se voient
domaine». Pillages et spoliations, enchères plus ou moins honnêtes, contraints d’abandonner leur commerce. Déchu de la nationalité
négoces en galerie, elle a tout disséqué pour dresser un panorama, française, Paul Rosenberg trouve refuge aux États-Unis, mais son
qui fait froid dans le dos, de ce marché pris de frénésie dans une incroyable collection connaîtra de nombreux outrages, alors que son
France vivant, pour reprendre les mots de Roland Barthes, «un cau- hôtel particulier du 21, rue de La Boétie deviendra le siège de l’Insti-
chemar sinistre et glacé». tut d’études des questions juives. «Galeriste de combat», comme il se
Elle décrit les mécanismes à l’œuvre : «Un afflux de marchandises, définissait, Pierre Loeb s’exile à Cuba. À son retour, en 1945, il ne doit
dont une partie pouvait être issue des spoliations ou autres pillages qu’à l’intervention de Picasso de récupérer les clés de sa galerie, inves-
artistiques (…) ; un changement de clientèle, les collectionneurs pro- tie par le marchand Georges Aubry, enrichi par son commerce avec
vinciaux et internationaux tout comme la clientèle juive désertant le les musées allemands. Quant à leur confrère René Gimpel, il paya de QQQ
Beaux Arts I 97
L’HISTOIRE DU MOIS l LE MARCHÉ DE L’ART SOUS L’OCCUPATION

DE GAUCHE À DROITE
Pierre Loeb
Depuis son exil à Cuba (ici, en 1944),
le galeriste confie sa détresse
à Picasso : «Hélas, pourquoi notre
cœur doit-il tant souffrir ? […]
Vous avez de la chance, vous,
de pouvoir toujours travailler.»

René Gimpel
Ce galeriste, entré dès 1940 dans
la Résistance avec ses fils, sera
dénoncé par un concurrent sans foi ni
loi, Jean-François Lefranc, et mourra
en 1945 au camp de Neuengamme.

Rose Valland
Combien d’œuvres auraient
été perdues sans cette conservatrice
bénévole ? Elle note durant
quatre ans le va-et-vient des œuvres
spoliées transitant au Jeu de paume
et passera des années après guerre
à les traquer dans les caches nazies.

sa vie son engagement contre Vichy, dénoncé par un marchand d’art négociations de paix», prétexte la Wehrmacht. En réalité, il s’agit de
et malfrat amoureux de ses Chardin, Jean-François Lefranc, qui n’en dresser un inventaire des trésors destinés au musée dont Hitler rêve
était pas à un méfait près. Surnommé avant guerre «l’escalier de pour Linz, la ville où il a grandi.
l’Amérique», tant le succès était au rendez-vous, le secteur de la rue
de La Boétie est anéanti par l’occupant. Des administrateurs provi- Le Jeu de paume devient le musée des confiscations
soires, à l’honnêteté souvent toute relative, sont nommés à la tête de Cette cartographie permet à l’occupant nazi, dès l’été 1940, d’effec-
ces négoces. Une «besogne de charognard», enragent les Rosenberg. tuer des rafles terriblement rentables. Différentes structures se mettent
En 1943, plus de la moitié des galeries d’art moderne sont sous le joug en place, aussi efficaces que rivales. Nombre de toiles, sculptures et
de ces lois d’exception. Le journal collaborationniste Au Pilori le objets d’art du baron Édouard de Rothschild, du collectionneur
célèbre à sa manière : «La rue de La Boétie était, avant la dernière Alphonse Kann, de Rosenberg ou de la famille Bernheim sont très vite
guerre, la guerre juive, le centre de l’art vivant. L’art vivant ! Cette hon- transférés à l’ambassade d’Allemagne, plaque tournante des pillages.
teuse fumisterie qui consista à vous faire prendre pour de l’adorable «Une incroyable moisson», pleure Rose Valland, conservatrice béné-
naïveté ce qui n’a jamais été que de l’impuissance. Impuissance de vole au Jeu de paume, qui jouera un rôle fondamental, après guerre,
peindre, bien entendu.» « Sous le concept d’Arisierung, il s’agit d’éra- pour la restitution de ces biens. Mais en parallèle aux initiatives de
diquer toute influence juive de la vie économique française et de pri-
ver la population juive de tout
moyen de subsistance», précise
Emmanuelle Polack.
Les collectionneurs juifs sont
LES GRANDES
DATES D’UN PILLAGE tout autant touchés, leurs biens
«aryanisés» par les ordonnances
Juillet 1940 Premières saisies nazies ou spoliés par leurs admi-
dans les collections de grandes nistrateurs provisoires. Dès
familles juives.
juin 1940, l’occupant écume les
Automne 1940 Les nazis investissent négoces d’art appartenant aux
le Jeu de paume pour y déposer
les milliers d’œuvres spoliées. grandes familles juives. Toutes
Novembre 1940 La maison les richesses des maisons Selig-
de ventes Drouot rouvre mann, Jansen, Lazare Wildens-
après six mois de fermeture. tein, et de dizaines d’autres, sont
26 avril 1941 Vichy interdit répertoriées, sous l’égide d’un
aux Juifs toute activité de commerce.
commissaire de police parisien.
23 juillet 1943 Les soldats allemands «Le Fürher a donné l’ordre de
brûlent des centaines de toiles
dans le jardin du Jeu de paume. mettre en sûreté (…) les objets
Novembre 1944 Le gourvenement d’art appartenant à des particu-
provisoire du général de Gaulle liers, notamment à des Juifs.
crée une commission destinée Cette mesure ne doit pas consti-
à faciliter la récupération des biens Une partie de la collection d’Adolphe Schloss, conservée avant guerre
tuer une expropriation, mais un
spoliés. Aucun représentant dans son hôtel particulier parisien. Le sort de cette collection est
des grands collectionneurs juifs transfert sous notre garde en tragiquement rocambolesque. Là encore, c’est Lefranc qui a aidé les nazis
n’est invité à y participer. vue de servir de gage pour les à la dénicher dans le château où elle était cachée.

98 I Beaux Arts
Une vente aux enchères à la galerie Charpentier,
à Paris, en juin 1944. Ses vernissages étaient parmi
les plus courus de l’Occupation, où se croisaient
dignitaires nazis et artistes, notamment Van Dongen,
qui fit le voyage en 1941 en Allemagne avec Derain.

l’ambassadeur Otto Abetz, Hermann Göring met en place un système


dont il espère bien qu’il alimentera sa propre collection : le Reichs-
Toutes les richesses des maisons
marschall est, hélas, lui aussi féroce amateur d’art (à la fin de la guerre,
il possédera 1 376 tableaux). Il charge de cette mission, qu’il s’obstinera
Seligmann, Jansen, Lazare
à poursuivre jusqu’à ses derniers instants, l’ERR, l’Einsatzstab Reichs- Wildenstein, et de dizaines
leiter Rosenberg. Soit l’état-major des services du Reichsleiter Alfred
Rosenberg, idéologue du régime diligenté pour «mettre en sécurité d’autres, sont répertoriées,
les objets qui lui semblent précieux». Sa tâche s’avérera bien plus
immonde. Dès octobre 1940, l’ERR déniche les collections Jacobson,
sous l’égide d’un commissaire
Reichenach ou Rouff, qui avaient cru les protéger en les cachant à
Chambord, puis 130 caisses de la collection David-Weill. Des fiches
de police parisien.
circonstanciées sont établies à chaque arrivage. «Une opération de
recensement et de saisie artistique unique en ce genre dans l’histoire»,
sera-t-il relevé après guerre au procès de Nuremberg. d’avant-garde sont destinés au pilori. Les collections juives pillées en
Au début de l’hiver 1940, le Jeu de paume est choisi comme le lieu sont pourtant riches. Au Jeu de paume, la salle des martyrs est donc
de ce recel d’ampleur inédite. Tous les Modigliani, Picasso, Chagall et destinée à recueillir les œuvres méprisées de Hans Arp, Braque, Cha-
autres artistes «dégénérés» de sa collection ont été évacués. Ils sont gall, Ernst, Matisse, Masson, Tanguy ou Vallotton arrachés aux mains
peu à peu remplacés par des artistes dont l’esthétique ravit Hitler et de Paul Rosenberg, d’Alphonse Kann ou de Georges Bernheim.
ses acolytes. À savoir les écoles allemandes et hollandaises. Les plus Un autodafé a-t-il été réalisé en juillet 1943, derrière le musée des
recherchés ? Vermeer, Rembrandt, Cranach, Van Dyck, Frans Hals. Tuileries ? Dans ses précieuses notes, où elle notait tous les déplace-
Principal critère de beauté ? Le réalisme. À l’inverse, tous les artistes ments d’œuvres, la résistante Rose Valland rapporte que cinq ou QQQ
Beaux Arts I 99
L’HISTOIRE DU MOIS l LE MARCHÉ DE L’ART SOUS L’OCCUPATION

Tout ce vilain monde tourne


autour de l’hôtel de ventes
Drouot, qui reste pendant
la guerre la plus grande place
d’enchères au monde.

À partir du 17 juillet 1941, le Commissariat général aux questions juives impose


l’interdiction d’accès des Juifs à l’Hôtel Drouot. Dès lors, la maison de ventes
devient un «salon franco-nazi», », selon le journaliste Jean Dutour, en 1945.

six cents tableaux auraient été


brûlés. Mais certains auraient pu
être, préservés du feu. «Il arrive
que l’on retrouve des tableaux
notés “vernichtet”, ce qui signi-
fie “à détruire”», précise Emma-
nuelle Polack. CI-DESSUS avec les musées allemands.
Car, plutôt que de les réduire En 1942, Drouot connaît Nazi de la première heure, il tra-
une année exceptionnelle.
en cendres, la bande maléfique Nantis de la collaboration vaille en direct avec le Führer.
qui grouille autour du Jeu de et dignitaires nazis font «Pour cette mission, l’argent ne
paume a mis en place un sys- grimper les enchères jusqu’à compte pas. Seule préconisa-
tème des plus profitables. L’Alle- des sommets. tion : la collection du Führer
mand Bruno Lohse est chargé C-CONTRE
doit être supérieure en nombre
d’écouler la peinture moderne L’acteur Jean Tissier, à Drouot, et en qualité à celle du Reichs-
qui afflue, par tous les moyens possibles. Passionné par le Siècle d’or le 30 octobre 1942. Le héros marschall», précise Emma-
hollandais, l’historien de l’art impressionne Göring par ses connais- de L’assassin habite au 21, tourné nuelle Polack. Il saisit à ce titre
en 1942, sera inquiété dès
sances. Son acolyte, le marchand d’art Gustav Rochlitz, «le plus actif 1944 par la Résistance, mais 262 chefs-d’œuvre de la collec-
de ces filières sordides», lui permet de s’introduire dans le milieu de un non-lieu sera prononcé. tion Schloss, retrouvés grâce à
l’art parisien que ce dernier fréquente depuis une dizaine d’années. une dénonciation, au bénéfice
Au moins 82 peintures modernes, reçues de l’ERR, passent entre leurs du musée de Linz. Autre voyou redoutable, l’Allemand Hans
mains : ils les échangent contre des classiques dignes de la collection Wendland. Proche de l’amateur d’art et marchand d’armes Emil
Göring, à parfois dix contre un. «Entre mars 1941 et novembre 1943, Bührle, le résident suisse se chargeait de convoyer les œuvres que
l’ERR aurait conclu 28 échanges de tableaux confisqués», retrace Bührle achetait «à Paris, via l’état-major de Göring». Dernière grosse
Emmanuelle Polack. Voire 36, dévoilent les archives américaines. filière, celle de Maria Almas-Dietrich. Elle acquiert à Paris au moins
L’historienne s’est acharnée à les analyser. Göring se taille la part du 80 toiles, revendues à Hitler. Son goût était cependant moins sûr :
lion, devant Hitler et Ribbentrop. En décembre 1941, par exemple, il plus d’un faux a été refourgué à la galeriste munichoise. Ce marché
«acquiert» un Jan Brueghel en échange de quatre Matisse. a offert l’opportunité à «un milieu composé d’intermédiaires, d’in-
Ce florissant trafic incite toute une pègre internationale à frayer formateurs, de courtiers, de marchands comme de grands négo-
autour du Jeu de paume. Là encore, Emmanuelle Polack retrace leur ciants, de prospérer grâce à des pratiques douteuses, mais générant
parcours : « J’ai travaillé à identifier très clairement ces filières, ce qui d’énormes profits personnels», résume la chercheuse.
aide à la traçabilité des œuvres. Autant d’indices auxquels il serait heu- Tout ce vilain monde tourne également autour de l’hôtel de ventes
reux que les grandes maisons comme Sotheby’s ou Christie’s prêtent Drouot, qui reste pendant la guerre la plus grande place d’enchères
désormais attention.» Aux premiers rangs de cette pègre sans foi ni au monde. «Cent pour cent enjuivée», aux dires du journal Au Pilori,
loi, la bande du marchand d’art allemand Karl Haberstock, dont le la salle des ventes est interdite aux «Israélites» à l’été 1941. Zibeline,
réseau rassemble plus de 75 négociants faisant commerce notamment argenterie, dentelles, tout s’y échange. Et surtout les toiles de grands

100 I Beaux Arts
En 1942, un
marchand d’art,
ou un collectionneur,
s’éloigne de l’Hôtel
Drouot, un tableau
sous le bras. Au total,
deux millions de
ventes d’œuvres d’art
ont été effectuées
sous l’Occupation.

Beaux Arts I 101
Le 3 décembre 1941,
au Jeu de paume, Hermann
Göring, Walter Andreas
Hofer, conservateur
de la collection de ce dernier,
et Bruno Lohse procèdent
à l’échange, en faveur
de Göring, d’une toile
de Jan Brueghel contre
quatre peintures de Matisse
issus de la collection
de Paul Rosenberg.

CI-CONTRE
Henri Matisse
Daisies (Femme et fleurs)
Cachées dans le château
de Floirac et dans un coffre
de banque de Libourne,
les œuvres de la collection
Rosenberg, dont nombre
de Matisse, ont été pour
la plupart pillées et
transférées en Allemagne.
À ce jour, une soixantaine
d’entre elles n’ont toujours
pas été retrouvées.
16 juillet 1939, huile sur toile,
90,5 x 71,5 cm.

À LIRE
Le Marché de l’art sous
l’Occupation (1940-1944)
par Emmanuelle Polack
préface de Laurence
Bertrand Dorléac • éd. Tallandier
304 p. • 21,50 €

Nombre d’œuvres de provenance douteuse sont


écoulées sur le marché. Un seul exemple ? Daisies,
de Matisse. Spoliée dans la collection Rosenberg,
rangée dans la salle des martyrs du Jeu de paume,
elle est vendue à Drouot en 1944.
102 I Beaux Arts
ou petits maîtres, parmi lesquels Braque, Maurice
Denis, Seurat, Renoir, Ingres, Bonnard. Les prix
s’envolent, multipliés par neuf en quatre ans d’après
Emmanuelle Polack. «Conjoncture excellente en
1941, exceptionnelle en 1942», souligne-t-elle après
avoir eu accès aux 3 000 catalogues de ventes, de
1938 à 1950, numérisés par l’Institut national d’his-
toire de l’art (Inha) avec l’aide de la Fondation pour
la mémoire de la Shoah. Et de regretter, laconique :
«À part cela, Drouot ne m’a pas du tout ouvert ses
portes. Quant aux archives des commissaires-
priseurs, légalement contraints de les verser à
l’État, on remarque pas mal de lacunes. Il y a
d’ailleurs eu un grand cynisme de la part de cer-
tains d’entre eux qui, après guerre, tournaient brus-
quement casaque en organisant des ventes pour la
veuve et l’orphelin ou les FFI, alors que les mêmes,
pendant la guerre, faisaient lever les premiers rangs
pour laisser place aux dignitaires nazis.»

100 000 œuvres transférées


en Allemagne
À Drouot se vendent essentiellement «des pay-
sages et des femmes alanguies, typiques du goût
petit-bourgeois, et très peu d’œuvres de l’avant- Tableaux retrouvés en mai 1945 dans le château de Neuschwanstein,
garde, dont les prix ont chuté», résume-t-elle. L’es- en Bavière, provenant des collections Rothschild et Stern de Paris et qui avaient
thétique prônée par l’exposition nazie «Entartete été rassemblés par Hermann Göring pour constituer un musée particulier.
Kunst» prédomine : «La presse collaborationniste
reprend cette “thèse” de l’art “judéo-bolchevique” en dénonçant l’art perdus et souvent retrouvés, la lenteur insupportable des restitutions.
“casher”, puis zazou. Pour eux, Matisse est un zazouvrier, et Picasso Mais Emmanuelle Polack parvient à résumer la situation. « Le calcul
un comte de Saint-Germain qui sera vite oublié. C’est dire s’ils ont été est simple : 100 000 œuvres ont été transférées à l’Allemagne, 60 000
visionnaires.» Et la physionomie de la clientèle a changé : « Des sont revenues, dont 45 000 restituées dans l’immédiat après-guerre.
hommes enrichis sur le marché noir, qui cherchent à transformer Restent 15 000 œuvres : de 1950 à 1953, une commission en choisit
rapidement leurs liquidités mal acquises, et les nantis de l’Occupa- 2 000, parmi les plus importantes : ce sont les MNR [Musées nationaux
tion. D’ailleurs, l’argenterie et les beaux flacons étaient eux aussi très récupération], désormais signalés comme tels dans les musées natio-
recherchés, pour alimenter les soirées du gai Paris.» naux. Quid des 13 000 restantes ? Durant ces trois  années, elles
Les «ventes forcées» de «biens israélites» sont également fré- semblent mises en vente par les Domaines, sans que l’on ne retrouve
quentes, dont les collections Fabius, Hessel, Kann et Bernheim- aucune trace de transactions dans les archives. On n’est donc pas du
Jeune. Impossible aux éventuels acquéreurs d’en ignorer l’origine. tout à l’abri de réapparition soudaines sur le marché.»
Nombre d’œuvres de provenance douteuse sont écoulées sur le mar- Le processus de restitution s’accélérera-t-il enfin ? Après avoir été
ché. Un seul exemple ? Daisies, de Matisse. Spoliée dans la collection missionné par Audrey Azoulay, David Zivie devrait prendre bientôt
Rosenberg par l’ERR, rangée dans la salle des martyrs du Jeu de la tête d’une structure sous l’égide du ministère de la Culture, riche
paume, elle est vendue à Drouot en 1944 (elle se trouve aujourd’hui à de quatre experts travaillant déjà sur la question. En juillet 2018, le
l’Art Institute of Chicago). Bref, comme l’écrira Jean Dutour dès la Premier ministre Edouard Philippe insistait : «C’est une question
Libération dans le journal Action, Drouot est devenu «un véritable d’honneur. Une question de dignité. De respect des victimes de ces
salon franco-nazi». Rarissimes en sont pourtant les acteurs à avoir été spoliations, de leur mémoire et de leurs descendants.» Après
inquiétés au moment de l’épuration. Il faudrait plusieurs tomes pour le temps du secret, le temps de l’action ? Plus aucun retard n’est
évoquer ensuite l’après-guerre, les ineffables odyssées de tableaux désormais excusable. n

Au Mémorial de la Shoah, l’histoire d’œuvres spoliées


C’est la première fois qu’une exposition institutionnelle dévoile les coulisses du marché de l’art sous l’Occupation. «Le marché de l’art sous
l’Occupation (1940-1944)»
Autour de documents révélés par les recherches d’Emmanuelle Polack, commissaire scientifique, sont
jusqu’au 3 novembre
évoquées les galeries et maisons de ventes de ces années noires. Incarnant le sort tragique des collections Mémorial de la Shoah
juives spoliées, les trajectoires de trois tableaux sont retracées, de Constable, Romney ou Thomas Couture, 17, rue Geoffroy l’Asnier
75004 Paris • 01 42 77 44 72
dernière toile qui ait été restituée, en janvier dernier. Chaque dimanche, la commissaire est sur place,
www.memorialdelashoah.org
ainsi que des chercheurs, afin d’expliquer leur méthode et, qui sait, recueillir de nouveaux témoignages.

Beaux Arts I 103
N O 418 Avril 2019

GUIDE DES EXPOSITIONS Pages coordonnées par


Emmanuelle Lequeux

Jean-Baptiste Huynh
Cil, 2003

MUSÉES &
CENTRES D’ART

106
Quoi de neuf en avril ?

1O8
Au cœur de toutes les
géopoétiques latinas

110
Notre sélection
d’expositions en France

116
Entretien
avec Erika Verzutti

118
Les expositions
à l’étranger

GALERIES

124
Nos coups de cœur

11O
Huynh les yeux grands ouverts
Né de mère française et de père vietnamien, le photographe
Jean-Baptiste Huynh a arpenté le musée Guimet comme
on erre sur un continent aimé : en cherchant à développer
un regard intérieur. Noir et blanc ou couleur, son compte
rendu de voyage met le visiteur en apesanteur.

Beaux Arts I 105
L’ACTUALITÉ DES MUSÉES & CENTRES D’ART

Quoi de neuf en avril ?


Plan-relief d’Ath, en Belgique, 1697
En médaillon : plan-relief de Namur, 1750

1 À Lille,
les plans-reliefs en beauté
Le plus ancien, celui de Calais, a été réalisé en 1690.
Après dix mois de restauration, quatorze plans-reliefs
de villes du Nord et des Flandres, parmi lesquelles Lille,
Namur ou encore Maastricht, conçus à des fins militaires
sous le règne du Roi-Soleil, sont de nouveau visibles
au Palais des beaux-arts de Lille, dans une muséographie
renouvelée. Un nouvel éclairage et un dispositif numérique
inédit permettent ainsi de mieux les observer. Jadis classées
secret défense, ces maquettes réalisées à l’échelle 1/600e
ont été longtemps conservées dans les combles
de l’Hôtel des Invalides à Paris, où demeure une partie de
la collection (au sein du musée des Plans-Reliefs), scindée
dans les années 1980. www.pba-lille.fr

2 À Bordeaux, la Fabrique Pola


s’ancre rive droite
C’est un lieu dédié à la création contemporaine et à la production
artistique et culturelle qui regroupe 19 structures mutualisées en lien
avec les arts visuels (parmi lesquelles le Labo Photo, révélateur d’images,
Zébra3, Les Requins Marteaux ou encore Pointdefuite) et des artistes du
territoire. Après presque vingt ans de nomadisme dans l’agglomération

3
bordelaise, la Fabrique Pola prend ses quartiers, durablement (bail
emphytéotique de dix-huit ans), sur les quais de la rive droite, entre
la Caserne Niel et la Cité du Vin, dans un ancien entrepôt de 4 000 m2 À Paris, le premier centre d’art
entièrement réhabilité par le cabinet d’architecture Nouvelle Agence.
Pour fêter la fin du chantier, une journée portes ouvertes est organisée
flottant dédié au street art
le 4 mai avec visite guidée, interventions artistiques et dance floor. 43 m de long pour 1 000 m2 d’espaces transparents et modulables.
www.pola.fr Lauréat de l’appel à projets 2017 «Réinventer la Seine», Fluctuart, premier
centre d’art urbain flottant, jette l’ancre en mai au pied du pont des Invalides,
face au Grand Palais, rive gauche. Un projet à 4 M€, porté notamment
par Nicolas Laugero Lasserre, collectionneur et directeur de l’école des
métiers de la culture ICART. La cale du bateau accueillera les expositions
temporaires (trois par an) et un atelier, le pont principal hébergera
la collection permanente, une librairie spécialisée tandis qu’un bar-
restaurant prendra place sur la terrasse supérieure. Le tout s’accompagne
d’une programmation culturelle (ateliers créatifs et pédagogiques,

4
projections, concerts et conférences). Et en plus, l’entrée est gratuite !
https://fluctuart.fr

Belfort révise En 2016, il avait été fermé d’urgence suite à l’effritement d’une voûte. Le musée des Beaux-Arts
de Belfort (Franche-Comté), installé depuis 2008 dans la tour 41, bâtiment qui faisait partie
son musée de la citadelle construite par Vauban au XVIIe siècle, a rouvert ses portes après des travaux de
https://musees.belfort.fr/accueil-991.html consolidation. La nouvelle muséographie, «plus aérée», savamment orchestrée de manière
chronologique, met à l’honneur le sculpteur Camille Lefèvre (1853-1933), qui a donné son fonds
d’atelier et sa collection (Rodin, Carrière, Luce, Signac…) aux musées de la ville. Hommage est
également rendu au peintre Bernard Gantner (1928-2018) avec treize œuvres, issues de collections
particulières, mises en relation avec le fonds d’estampes japonaises (Hokusai et Hiroshige) du musée.
MUSÉES l LE MUSÉE DU MOIS

Vue de l’exposition
«Fiesta gráfica».

u PARIS • MAISON DE L’AMÉRIQUE LATINE

Au cœur de toutes les géopoétiques latinas

S
igmund Freud décrivait les lieux, en 1886, Ce précipité de la création latina est à l’image du lieu
comme un «château féerique». Ancien hôtel qui l’accueille. Une Maison à la personnalité forte
particulier du neurologue Jean-Martin et à l’esprit farouchement indépendant. Créée en 1946
Charcot, l’actuel siège de la Maison de l’Amérique par un De Gaulle attiré par ces «sociétés ardentes»
latine mérite toujours ce qualificatif. Mais ce sont qui soutinrent la France combattante, elle fut dans
moins, aujourd’hui, ses spectaculaires salons, les années 1970 le lieu de réunion des artistes
privatisables pour des événements, et son élégant et intellectuels en exil. Aujourd’hui que le continent
restaurant réaménagé par le designer et sculpteur magnétise à nouveau tous les regards, elle connaît
franco-argentin Pablo Reinoso que ses expositions un second souffle, porté par la programmation
qui ravissent l’œil et l’esprit. Dernière en date, défricheuse et pointue d’Anne Husson. C’est grâce
«Fiesta gráfica» agit à la manière d’une déflagration à elle que l’on a pu découvrir les «dessins sans papier»
visuelle, éclatant sur des murs saturés de couleurs : suspendus dans les airs de Gego, les perforations
y sont accrochées 180 affiches, sélectionnées par magiques de Carmen Perrin, l’œuvre photographique
le graphiste français Michel Bouvet, qui donnent du cinétique Carlos Cruz-Diez, les encres subtiles
une petite idée de la puissance de ce support outre- de Johanna Calle ou encore le noir et blanc solaire
Atlantique. Géométries électrisantes de Marta de Lola Álvarez Bravo… Précision : la Maison, ouverte
Granados, blague culottée du duo El Fantasma à tous les vents de l’art, de la littérature, de la
de Heredia célébrant les 100 ans de Karl Marx musique, des sciences humaines, de la psychanalyse
avec un portrait de Groucho, «ragoût graphique» et du cinéma, est en accès libre. «Et affranchie de tout
Kiko Farkas au fumet social du collectif Onaire, Vierge Marie ce qui relève du marché», renchérit sa dynamique
Semana ABC, 2016 rockabilly et vieil Enfant Jésus à corps de directrice culturelle. ¡Vamos! Natacha Nataf
xoloitzcuintle (chien sans poil) chez Dr. Alderete,
frégates des îles Galápagos à énorme jabot rouge
annonçant une parade d’amour reggae-rock (Pablo
Iturralde), affiches dénonçant en fluo mille inégalités
(Natalia Iguiñiz Boggio), silhouette de paysanne
À VOIR andine au sommet de la virtuosité graphique (Giselle
«Fiesta gráfica» Monzón)… Ils sont ainsi 26 à bombarder sans pitié
jusqu’au 7 mai nos rétines à coups de carteles (affiches) venus de
217, bd Saint-Germain
Medellín, comme de La Havane, Lima ou São Paulo.
75007 Paris
01 49 54 75 00
www.mal217.org Carlos Cruz-Diez Intervention chromatique, 2014

108 I Beaux Arts
PASS
SÉSAME
À PARTIR DE 25€

PLUS D’INFORMATIONS SUR GRANDPALAIS.FR


COUPE-FILE ET ILLIMITÉ
ET DU MUSÉE

19SESBAM
AVEC LE CODE
SÉSAME+ DUO
DU LUXEMBOURG
TARIF RÉDUIT SUR

JUSQU’AU 14 AVRIL
DU GRAND PALAIS
TOUTES LES EXPOS

Marc Chagall, Le Paysage Bleu (détail), 1925 © VG Bild-Kunst, Bonn ; Photo © KARTOTHEK © ADAGP, Paris 2019 I
Henri de Toulouse-Lautrec, Au Salon de la rue des Moulins (détail), 1894, huile sur toile © Musée Toulouse-Lautrec,
Albi,  France I Boris Koustodiev, Le  Bolchévique (détail) ©  Collection  de la Galerie nationale Trétiakov, Moscou I
Greco (Domínikos Theotokópoulos, dit El), Le Partage de la Tunique du Christ dit aussi L’Espolio, 1577-1579. Sacristie
de la cathédrale, Espagne, Tolède, cathédrale Sainte-Marie Photo © Archives Alinari, Florence, Dist. Rmn – Grand
Palais / Raffaella Bencini I Édouard Vuillard, Jardins publics : La Promenade (détail), 1894, détrempe sur toile, 214.3 ×
97,2 cm, Houston, Museum of Fine Arts, The Robert Lee Blaffer Memorial Collection, don de M. et Mme Kenneth Dale
Owen, 53.9 © The Museum of Fine Arts, Houston I Sir Joshua Reynolds, Colonel Acland and Lord Sydney : The Archers
(détail), 1769, oil paint on canvas, 23,60 x 18 cm © Tate, London 2018 I Graphisme, Claire Rolland et Ségolaine Pertriaux
MUSÉES l EXPOSITIONS

Fils, 2004

u PARIS • MUSÉE GUIMET JUSQU’AU 20 MAI

Jean-Baptiste Huynh
aux couleurs du musée Guimet
Atelier de François Clouet Henri II, vers 1560
Son nom rime avec noir et blanc : jamais le regard voyageur
de Jean-Baptiste Huynh ne quitte ce doux territoire. Invité par u SAINT-GERMAIN-EN LAYE • MUSÉE D’ARCHÉOLOGIE
le musée Guimet à y mener une recherche libre, le photographe NATIONALE (CHÂTEAU) DU 31 MARSAU 14 JUILLET
franco-vietnamien a pourtant glissé vers la couleur avec
une grande délicatesse. Ce sont d’abord les miroirs, au sein Henri II en voie de réhabilitation
de la collection, qui l’ont arrêté. Mais plutôt que de digresser
sur leur nuancier de grisaille argentique, il a saisi leurs nuances L’invention de la Renaissance française, c’est aussi lui ! Tout autant que
de rouille et de pierre. D’autres formes rondes dialoguent son père François Ier, Henri II soutint la création, au XVIe siècle, d’un art
aujourd’hui avec ces reflets d’antan : coupe Han, bol à thé ou pierre typiquement français, savant syncrétisme entre tradition et innovations
de rêve, bientôt rejoints par les visages en sommeil des bouddhas. venues d’Italie… Mais le discret monarque, mort tragiquement en 1559
Cette seconde résidence en musée (après celle du Louvre au cours d’un tournoi, est oublié de l’historiographie, éclipsé par la figure
en 2012) s’avère pour lui nouveau souffle. Emmanuelle Lequeux paternelle et par les femmes de sa vie : sa redoutable épouse Catherine
«Jean-Baptiste Huynh – Infinis d’Asie»
de Médicis et sa non moins retorse maîtresse, Diane de Poitiers, souvent
6, place d’Iéna • 75116 • 01 56 52 54 33 • www.guimet.fr dépeinte en nymphe voluptueuse. Cinq cents ans après sa disparition,
✶ Hors-série Beaux Arts Éditions • 52 p. • 9,50 € le château de Saint-Germain-en-Laye rend hommage au roi mal aimé
– notamment en raison de son intransigeance vis-à-vis des protestants –,
dans les murs qui l’ont vu naître et qu’il avait largement remodelés pour
en faire sa résidence favorite. Cette exposition révèle les différentes
facettes de ce souverain méconnu qui s’efforça de se départir d’un lourd
u PARIS • ATELIER DES LUMIÈRES JUSQU’AU 31 DÉCEMBRE
héritage… avec plus ou moins d’adresse et d’autorité. Sophie Flouquet
Van Gogh du sol au plafond ! «Henri II – Renaissance à Saint-Germain-en-Laye»
Place Charles de Gaulle • 78100 • 01 39 10 13 00
Après le succès de «Klimt», l’Atelier des Lumières, ancienne fonderie www.musee-archeologienationale.fr
de l’est parisien reconvertie en centre d’art numérique, accueille
l’exposition «Van Gogh – La nuit étoilée». Avec comme
fond musical des titres de Nina Simone, Miles Davis,
Janis Joplin mais aussi Brahms et Puccini, des centaines
d’œuvres du peintre à l’oreille coupée défilent sur la totalité
des parois, en épousant parfaitement les aspérités «Van Gogh
La nuit étoilée»
et contours de cette immense boîte noire. Une expérience
Une création Gianfranco
immersive qui subjugue un public venu en famille Iannuzzi, Renato Gatto,
s’abreuver de cette explosion d’images de champs de blé, Massimiliano Siccardi.
de paysages nocturnes et d’autoportraits tourmentés. Avec la collaboration musicale
La seconde partie de la projection est consacrée de Luca Longobardi
au «Japon rêvé – Images du monde flottant» comme
38, rue Saint-Maur
un clin d’œil à la fascination de Van Gogh pour les
75011 Paris • 01 80 98 46 00
estampes d’Hokusai et de l’Ukiyo-e. Après les tournesols, www.atelier-lumieres.com
place à un tourbillon de pieuvres, vagues et geishas. ✶ Hors-série Beaux Arts
Immersion garantie. Charlotte Ullmann Éditions • 68 p. • 9,50 €

110 I Beaux Arts
© Thomas Houseago. Photo : Fredrik Nilsen Studio. © Adagp, Paris, 2019
MUSÉES l EXPOSITIONS

SUCCÈS
& ÉCHECS

Grand Palais, Paris


Þ «Miró»
Du 3 octobre au 4 février

Nombre d’entrées par jour Cumul des entrées

4 367 475 618
Un très beau score pour cette exposition
exceptionnelle qui réunissait près de 150 œuvres
sous la houlette de Jean-Louis Prat,
et ce malgré les nombreuses fermetures liées
aux manifestations des Gilets jaunes.

Musée du Luxembourg, Paris


Þ «Alphonse Mucha»
Du 12 septembre au 27 janvier

Sans titre (En attendant), 2018 Nombre d’entrées par jour Cumul des entrées

2 489 342 040
u PARIS • CENTRE CULTUREL IRLANDAIS JUSQU’AU 5 JUILLET
Après l’exposition «Chagall – Entre guerre et paix»
So long, Tomi Ungerer en 2013 (451 398 visiteurs), c’est la plus
forte fréquentation enregistrée par le musée
Alsacien, il l’était dans l’âme. Mais irlandais, il l’était aussi en diable, lui qui finit du Luxembourg, depuis 2011.
à vie face à l’océan, dans son atelier de West Cork qui offrait une vue imprenable
sur le récif dit de «la dent du démon». D’où cet hommage, rendu par le
Fondation Cartier, Paris
Centre culturel irlandais, et qui coïncide malheureusement avec son décès,
advenu en février dernier. En guise de dernière révérence, le géant de Þ «Géométries Sud»
Du 14 octobre au 24 février
l’illustration pour enfants dévoile les pans les plus secrets de son œuvre :
à savoir tous ces collages restés dans l’ombre de ses Trois Brigands, best-seller Nombre d’entrées par jour Cumul des entrées
de la littérature jeunesse. Où il s’avère enfant de Beckett et des révolutions
du XXe siècle, érotique paradoxal et surréaliste corrosif. Autre découverte,
790 90 000
trois sculptures en forme Une réussite pour cette exposition
de digressions autour qui a rassemblé près de 250 œuvres de plus de
de la pièce En attendant 70 artistes, de la période précolombienne
Godot du métaphysique jusqu’aux productions les plus contemporaines.
dramaturge irlandais :
une seconde raison Grand Palais, Paris
de sa présence dans
cet élégant espace.
à «Michael Jackson»
Du 23 novembre au 14 février
Comment rêver plus belle
fin de partie ? E. L. Nombre d’entrées par jour Cumul des entrées
«Tomi Ungerer 2 145 156 307
En attendant»
5, rue des Irlandais Un chiffre en deçà des attentes, alors que les
75005 • 01 58 52 10 30 expositions du Grand Palais attirent en moyenne
www.centreculturel 250 000 à 300 000 visiteurs !
irlandais.com

Sans titre (En attendant), 2018

112 I Beaux Arts
Aix-en-Provence
MUSÉE GRANET
FRENCH ARCHIVES, AIX-EN-PROVENCE 1957-1958

16 MARS > 21 JUILLET 2019


HARRY CALLAHAN

Harry Callahan, Aix-en-Provence, 1957-1958. Collection Maison européenne de la photographie, Paris, don de l’auteur © The Estate of Harry Callahan ; courtesy Pace/MacGill Gallery, New York
MUSÉES
MUSÉES l l EXPOSITIONS
EXPOSITIONS Par Emmanuelle Lequeux

EN BREF
Par Stéphanie Pioda

Issy-les-Moulineaux
Musée de la Carte à jouer
Robert Doisneau l’avait déjà immortalisé
dans les années 1930, à l’époque où il y
habitait. Aujourd’hui, c’est Raymond Depardon
qui dresse le portrait d’Issy-les-Moulineaux.
Autrefois territoire industriel, la ville s’est
métamorphosée sous l’action des architectes
(Christian de Portzamparc, Jean Nouvel,
Jean-Michel Wilmotte...). Visite en 40 clichés,
commandés par le musée au photographe
amoureux du paysage urbain.
«Paysages d’architecture – Une
promenade à Issy par Raymond Depardon»
jusqu’au 30 juin • 16, rue Auguste Gervais • 92130
01 41 23 83 60 • www.museecarteajouer.com

Lyon / Fondation Bullukian
Vincent Fournier est nourri par le rêve des
étoiles. Pendant dix ans, il a mené une enquête
sur les moyens mis en œuvre pour conquérir
cet espace devenu utopique et livre des
photographies entre documentaire et image
recréée, où se percutent le réel et l’esthétique
futuriste. De quoi entretenir les «frissons
philosophiques des mystères de l’Univers»
qui titillent toujours l’artiste.
«Vincent Fournier – Space Utopia»
jusqu’au 18 mai • 26, place Bellecour • 69002
04 78 82 93 86 • www.bullukian.com

Nice / Musée d’Archéologie


u TOURS • CCC OD JUSQU’AU 1er SEPTEMBRE Après deux années passées à explorer
le musée et le site archéologique de Cimiez,
Alicja Kwade en son palais des glaces Florian Schönerstedt livre le fruit de sa
Les escaliers mènent à une impasse, les murs sont bienveillants aux passe- réflexion à travers une installation et des
muraille, les vides sont des pleins, et les reflets, des réalités. Et vice versa… vidéos : un regard critique autour d’éléments
L’installation d’Alicja Kwade est un vortex où verticales et horizontales suffisent de notre quotidien qui seront la matière
à créer le vertige. Mais quel vertige ! Il y a du théâtre de l’absurde dans l’univers première de l’archéologue dans quelques
de la jeune artiste berlinoise, qui se déploie pour la première fois en France, centaines d’années. Si les traces de ces
avant d’investir le toit du Metropolitan Museum de New York, à la mi-avril. produits de surconsommation programmés
Après Pierre Huyghe, Tomás Saraceno ou Huma Bhabha, c’est une consécration à être périssables perdurent...
méritée pour la sculptrice illusionniste. Sa digression tourangelle se constitue «Florian Schönerstedt – Méta-archéologie»
jusqu’au 19 mai • 160, avenue des arènes
de cadres noirs, écho aux immenses baies vitrées du CCC OD, de murs de béton
06000 • 04 93 81 59 57 • www.ville-nice.fr
clair, et de glaces qui brouillent tout sens de l’orientation. Si, d’ordinaire,
«les miroirs réfléchissent trop», au dire de Jean Cocteau, ceux d’Alicja Kwade
Roubaix / La Condition publique
se contentent d’un rôle minimal, mais n’en étourdissent pas moins. Çà et là,
«Shaz», c’est pour Shadi Alzaqzouq.
ponctuant ce paysage métaphysique, des troncs d’arbres artificiels – en
Artiste palestinien engagé, il revendique
marbre, bronze ou pierre – et des colonnes en torsade. À chaque nouvelle
la liberté de vivre sa foi et son art, sans
apparition d’une silhouette dans cette espèce d’espace, d’autres perspectives
jugement ni a priori. Il crée des images fortes
s’imposent ; des transparences, des illusions, des gémellités cachées.
et inattendues, comme le portrait de cette
Pendant ce temps, une énorme horloge tique-taque au-dessus de nos têtes,
femme dont le voile est surmonté d’une crête
oscillant inlassablement. La montre du lapin blanc ? Alicja Kwade nous mène
de punk, le détournement du Cri de Munch
en tout cas dans un bien étrange pays des merveilles. E. L.
pour l’appel à la prière ou, lors de la révolution
«Alicja Kwade – The Resting Thought»
tunisienne, il écrivait le fameux «dégage»
Jardin François Ier • 37000 • 02 47 66 50 00 • www.cccod.fr
en arabe sur un slip bien trop large, brandi
par une femme au regard combatif.
«Shaz – Reborn» jusqu’au 13 avril
14, place Faidherbe • 59100 Roubaix
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114 I Beaux Arts
MUSÉES l EXPOSITIONS

u PARIS • CENTRE POMPIDOU JUSQU’AU 15 AVRIL

Entretien avec Erika Verzutti


«J’ai fait un podium un peu dingue
en forme de cygne»
Est-ce un jardin zen, pris d’une folie légère, ou un paysage digne mes rebuts de fonte ou d’argile, des choses non identifiées.
du Facteur Cheval et de l’architecte carioca Roberto Burle Marx ? Les spectateurs aiment particulièrement ces pièces,
L’exposition d’Erika Verzutti se déploie en tout cas comme une car ils y voient le pardon accordé à leurs propres échecs.
parenthèse enchantée. Remarquée à la dernière biennale de Venise,
Vos dernières œuvres – bas-reliefs, tableaux,
la sculptrice brésilienne y retrouve la conservatrice Christine Macel sculptures – sont accrochées au mur : quel statut
pour sa toute première rétrospective en Europe. ont-elles ?
J’ai mis longtemps à oser les mettre à la verticale,
Installée derrière les baies vitrées du rez-de-chaussée mais, maintenant, cette sensation de gravité qui se dégage
du Centre Pompidou, votre exposition s’ouvre sur la rue. d’elles me fascine. En les revoyant toutes ainsi accrochées
Comment aborde-t-on un tel espace ? au Centre Pompidou, j’ai eu envie que reviennent l’insécurité,
J’ai eu énormément d’émotion à investir ces salles qui les doutes que je connaissais à mes débuts. Je voudrais aller
invitent à composer avec la vraie vie, avec l’homme de la rue. vers plus d’affection, et moins d’assertion.
Ce «maintenant» a été d’une grande aide, il a beaucoup
aiguisé ma conscience de travailler dans le présent. Vous êtes en rupture totale avec le modernisme brésilien
C’est pourquoi j’ai fait un podium un peu dingue, en forme et son abstraction «tropicalisée». N’y faites-vous pas
de cygne, destiné à recevoir mes sculptures plus petites, de plus en plus de clins d’œil, notamment à la peintre
et que les piétons voient bien de l’extérieur. Tarsila do Amaral ?
De manière générale, je pars toujours de la matière,
Pourquoi votre accrochage évoque-t-il un paysage jamais de l’histoire de l’art. J’ai beaucoup travaillé dans
de neige, où errent les silhouettes de vos sculptures ? ma cuisine, à mes débuts. Une betterave, un céleri ?
J’ai mis longtemps à m’intéresser à l’exposition comme De leur rencontre naît par exemple cette sculpture où ils
médium, mais j’y viens. J’ai décidé d’arrêter de me plaindre semblent s’embrasser, comme deux mâchoires tendues
et de me dédier à ça. Par exemple, mettre du jaune en haut l’une vers l’autre. A posteriori on peut y voir un hommage
des murs, c’est une manière de dire : oui, je suis consciente à une sculpture de Maria Martins, la muse de Duchamp.
de ces murs, et de ce plafond fou, avec tous ces tuyaux. Mais ce n’est pas cela qui a engendré l’objet. Références
à l’art ou à la cuisine, tout est au même niveau pour moi.
D’où cette mise en scène quasi japonaise, très zen
malgré la bizarrerie de vos formes ? Faut-il voir une autre allusion à l’art moderne avec cette
«Mutations / Créations 3 C’est au Japon que je vais chaque fois que je veux recharger forêt de colonnes évoquant les totems de Brancusi ?
Erika Verzutti»
mon esprit ! Dans ma tête, c’est ça : un grand chaos, Oui, l’allusion est très directe. Mais, pour moi, ce sont des
place Georges Pompidou
75004 Paris
avec une aspiration très grande à l’organisation, comme on êtres plus que des sculptures. J’ai souvent l’impression qu’ils
01 44 78 12 33 peut l’observer dans les pièces que j’appelle mes Cimetières vont s’animer, comme dans le film Une nuit au musée !
www.centrepompidou.fr pour animaux. Au sol, en rang, sont posés tous mes échecs, Propos recueillis par E. L.

116 I Beaux Arts
© David Commenchal - Conception graphique : PINK LEMON COMMUNICATION

Exposition créée en partenariat


avec le Musée des Beaux-arts et de la Dentelle d’Alençon

des Beaux-arts et de la Dentelle

,
MUSÉES l EXPOSITIONS À L’ÉTRANGER

u BRUXELLES • FONDATION CAB DU 24 AVRIL AU 22 JUIN

John Armleder fonce dans le décor


À l’occasion de la dénicheuse foire Art Brusells, musées et centres d’art belges
rivalisent d’imagination. Cette qualité n’a jamais fait défaut à John Armleder.
Invité comme commissaire par la fondation CAB, le délicieux plasticien suisse
fait exploser le format de la carte blanche. Avec la complicité des abstraits
géométriques John Tremblay et Stéphane Kropf, il crée une vertigineuse
installation : un maelström de lignes en trompe-l’œil fait vaciller les superbes
espaces de cette fondation créée en 2012 par le collectionneur belge
Hubert Bonnet. John Armleder ne se prive pas non plus, dans un second temps,
d’insérer les tableaux de Philippe Decrauzat, Sylvie Fleury, Olivier Mosset,
Mai-Thu Perret ou encore Blair Thurman dans ces Furniture Sculptures
qui l’ont rendu célèbre : soit des ensembles «clé en main» d’aménagement
intérieur, pas forcément du meilleur goût, incluant chaise, fauteuil, table
et peinture au mur. Le tout obéissant à l’adage le plus joliment cynique
de l’artiste : «Puisque je sais que mes tableaux vont finir au-dessus du divan,
autant fournir aussi le divan.» E. L.
«Alentour – Un projet par John Armleder»
Rue Borrens 32-34 • Bruxelles • +32 2 644 34 32 • https://fondationcab.com

John Armleder Furniture Sculpture 254, 1991

u BRUXELLES • PALAIS DES BEAUX-ARTS


JUSQU’AU 26 MAI

Dans l’atelier
de Bernard van Orley
Son nom n’est guère passé à la postérité pour le grand public.
Mais Bernard van Orley fut pourtant l’un des talents les plus
éclatants de la première Renaissance flamande. Formé par
son père, cet héritier de Van der Weyden fut nourri tout autant
d’influences italiennes. De ses références raphaéliennes
à sa rencontre avec Dürer lors de son voyage aux Pays-Bas,
il fait l’objet de sa première monographie à Bozar, avec des
œuvres venues du monde entier. Peintre à la cour de Marguerite
d’Autriche et de Marie de Hongrie, Barend Van Brussel,
comme on l’appelait aussi, était prolifique autant dans le
domaine de la peinture religieuse que dans celui de la tapisserie
(on lui doit les cartons des fameuses Chasses de Maximilien,
chef-d’œuvre du genre) et du vitrail. Mais c’est particulièrement
sur ses portraits que cet accrochage met l’accent. Conseillers
politiques, ecclésiastiques ou philosophes humanistes,
tous se bousculaient dans son atelier. Mais c’est l’étonnant
visage de Marguerite, saisi entre les voiles raides de sa coiffe,
qui rayonne le plus. L’institution bruxelloise a également
reconstitué, autre première, son retable démembré de saint
Jean Baptiste. Présenté au côté de la descente de croix du
triptyque Haneton, il confirme l’intensité de son génie. E. L.
«Bernard van Orley – Bruxelles et la Renaissance»
Rue Ravenstein 23 • Bruxelles • +32 2 507 83 36 • bozar.be

Portrait du médecin Joris van Zelle, 1519

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16 MARS
30 JUIN, 2019

MUSÉE
TOULOUSE-
LAUTREC morganE
En partenariat avec
ALBI –
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la Fondation Giacometti, Paris

GIACOMETTI
OM honey !

Exposition
du 30 mars au 1Er juin 2019
www.musee-toulouse-lautrec.com

Avec le soutien de
www.lEportiquE.org
FONDATION-
GIACOMETTI
MUSÉES l EXPOSITIONS À L’ÉTRANGER

Femme nue se reposant sur un coussin, vers 1658


> À voir au Mauritshuis de La Haye

u AMSTERDAM • RIJKSMUSEUM JUSQU’AU 10 JUIN


u LA HAYE • MAURITSHUIS JUSQU’AU 15 SEPTEMBRE

Rembrandt et son réseau social


On connaît les mouvements de son âme comme ceux d’un ami
que l’on se plairait à regarder vieillir. Jamais, jusqu’alors,
un artiste ne s’était autant représenté. Rembrandt a réalisé plus
de 80 autoportraits au fil de sa vie. Intimes, paternels, bibliques
ou grimaçants, ils mettent en scène «toutes les émotions de l’homme,
ses joies comme ses questionnements», résume le Rijksmuseum,
qui chérit tendrement ce trésor national. Alors que la restauration
de son chef-d’œuvre, la Ronde de nuit, va être entamée en juillet
prochain, et menée au vu et au su du public, l’institution d’Amsterdam
a lancé les festivités du 350e anniversaire de sa mort avec
une exposition où elle donne tout. Tous ses Rembrandt, à savoir
22 peintures, 60 dessins et 300 gravures. L’accrochage serré révèle,
au-delà du fabuleux peintre d’histoire, un fin observateur de la vie
quotidienne, qui croque de quelques traits mendiants et musiciens,
scènes de marché et rues pittoresques. À quelques encablures de là,
son atelier devenu musée fait entrer un peu plus dans son intimité,
en révélant son «réseau social», du cercle familial au plus officiel.
Mais, de Delft à Haarlem, tout le pays se prête à l’hommage.
À La Haye, le Mauritshuis met en valeur ses 18 toiles, avec là aussi
quelques révélations, comme ce portrait de deux Africains, une des
rares représentations à l’époque de personnes noires (si l’on excepte
les Rois mages). La Leçon d’anatomie du docteur Tulp n’en finit
pas de livrer de nouveaux secrets grâce au travail sans relâche
des historiens : on apprend ainsi grâce à l’étude d’un repentir que
l’une des mains du cadavre, un voleur condamné, était d’abord
représentée coupée, signe de son crime, mais Rembrandt a renoncé
à ce détail réaliste car il attirait trop le regard. E. L.
«Tous les Rembrandt» Rijksmuseum • Museumstraat 1 • Amsterdam
+31 20 6747 000 • www.rijksmuseum.nl
«Rembrandt au Mauritshuis» Mauritshuis • Plein 29 • La Haye
+31 70 3023456 • www.mauritshuis.nl

Tout le programme des 350 ans de la mort de Rembrandt


et le Siècle d’or sur www.holland.com
«Tronie» d’un homme avec un béret à plumes, 1635-1640
> À voir au Rijksmuseum d’Amsterdam

120 I Beaux Arts
OSER LA PEINTURE
MARKUS LÜPERTZ
Arcadie (Cassandre), 2018 ( détail ) - Technique mixte sur toile- © Markus Lüpertz / ADAGP, Courtoisie de la Galerie Michael Werner Märkisch Wilmersdorf, Cologne & New York
Cette exposition bénéficie du soutien exceptionnel
du musée d’Orsay, Paris, de Francine et Michel Quentin et de
l’association des Amis et descendants de Jean Francis Auburtin.

Jean Francis Auburtin, L’Aiguille d’Étretat, ciel rouge (détail), vers 1898-1900. Collection particulière © Collection particulière / photo : François Doury

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GALERIES l EXPOSITIONS

Ingar Krauss Sans titre (Tomate), 2014

Nos 4 coups de cœur


Galerie Templon
Abdelkader Benchamma Sans titre (Poire), 2014
explore la matière grise
Les dessins d’Abdelkader Benchamma font souvent penser
Galerie Camera Obscura
à des trous noirs. Une densité singulière, une capacité à absorber La nature magnifiée par Ingar Krauss
le regard, un statut indécis, entre matière et antimatière :
ses fresques ont l’ampleur théâtrale de véritables décors Ses images ont la suavité des natures mortes hollandaises, qui donne
autant que l’allure de mini-big bang. Du macro au microcosme, envie de caresser les précieux tirages. Poire, courge, citron, tête de brochet,
le va-et-vient est coutumier chez l’artiste, qui revient tout champignon, artichaut, céleri… Venu au genre sur le tard, le photographe
juste d’une résidence de trois mois à la Villa Médicis de Rome. allemand, qui a choisi de vivre dans une ferme, en contact étroit avec
Récemment, il s’est passionné pour la recherche en la nature, la magnifie avec une infinie douceur, la posant sous une lumière
neurophysiologie, et plus précisément pour le rôle joué par dorée. Pour renforcer l’allure sans âge de ses photographies, il les rehausse
l’engramme, cette trace biologique laissée par la mémoire même d’un fin glacis de peinture à l’huile, reprenant la technique
dans le cerveau. Comment donner forme à ce concept ? de retouche des pionniers de ce médium. D’où ce velours de mélancolie,
Comment mettre les mille strates de son noir et blanc en à nul autre pareil. E. L.
dialogue avec la valse des microcellules porteuses de souvenirs ? «Ingar Krauss» du 4 avril au 1er juin • 268, boulevard Raspail • 75014 Paris
À travers son installation où conversent fresque immersive 01 45 45 67 08 • www.galeriecameraobscura.fr
et dessins multiples, il travaille l’image comme un sédiment. E. L.
«Abdelkader Benchamma – Engramme» jusqu’au 11 mai
30, rue Beaubourg • 75003 Paris • 01 42 72 14 10 • www.templon.com

Abdelkader Benchamma
Engramme, 2019

QQQ
124 I Beaux Arts
Catalogue Raisonné de l’artiste
Parution officielle
Sculptures & Peintures
Expositions

ART PARIS 2019


Grand Palais [ Stand E16 ]
4 au 7 avril 2019

Galerie LOFT
3 bis et 4 rue des Beaux-Arts, Paris
4 avril au 1er juin 2019

Librairie ARTCURIAL
Signature du Catalogue Raisonné
le Mercredi 10 avril 2019

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3 bis et 4, rue des Beaux-Arts 75006 PARIS


Mardi au Samedi 11 h > 19 h
Tél.: +33 (0)1 46 33 18 90
info@galerieloft.com www.galerieloft.com Librairie d’Art
GALERIES l EXPOSITIONS

EN BREF
Par Stéphanie Pioda

Paris / Galerie Mathivet


Le designer Franck Evennou a deux matériaux
de prédilection, le bronze et le bois, et ce,
depuis 1978. Il façonne aussi bien des
Trump Tie avec tache,
luminaires, du mobilier que des sculptures
2019 en bois (exposées pour la première fois),
avec pour point commun, une inspiration
poétique de la nature et une filiation avec
des créateurs comme Jean Royère.
«Franck Evennou – Bronze / Bois»
du 5 avril au 11 mai • 6, rue Bonaparte • 75006
01 43 54 19 00 • http://galeriemathivet.com

Paris / Galerie W
Olivier Dassault aurait pu être peintre, tant
ses clichés nous plongent dans des étendues
Galerie Rabouan-Moussion abstraites. Démonstration en 20 images
L’odyssée d’Hervé Télémaque et une installation totémique. «Fidèle
à la photographie argentique, j’ai toujours
Hervé Télémaque est peut-être le dernier des surréalistes. Né en 1937, le peintre haïtien improvisé des surimpressions, avec de
reste en tout cas inventif comme jamais, usant de la ligne claire comme du marc multiples expositions. Je compose des
de café, de la sculpture autant que du collage. Depuis les années 2000, il opère un harmonies graphiques instantanées, essayant
retour aux sources africaines. Le verra-t-on à l’œuvre pour cette nouvelle exposition de défier les apparences.» De quoi nourrir
chez Rabouan-Moussion ? En son cœur, un immense tableau de dix mètres de long. nos «RéFlexions»...
«Un tableau sur la mort, confie-t-il à Hugo Vitrani, commissaire de cet accrochage «Olivier Dassault – RéFlexions»
(et collaborateur de Beaux Arts Magazine). Son titre, Al l’en Guinée («Aller en Guinée»), jusqu’au 30 avril • 5, rue du Grenier Saint-Lazare
«c’est mourir, mais c’est aussi le paradis en créole haïtien». À 81 ans, il sait pourtant 75003 • 01 42 54 80 24 • www.galeriew.com
toujours faire preuve de légèreté. «La peinture devrait pouvoir aussi faire éclater de rire
parfois. Elle est trop contaminée par le sérieux, regrette-t-il. Il faudrait apprendre Toucy / Galerie de l’Ancienne Poste
à se servir de la légèreté du cerveau, qui passe d’une chose à l’autre : la peinture est Dans les sculptures récentes de Tessa Eastman,
apte à faire ce même mouvement». Mouvement que l’on devrait voir à l’œuvre ici. E. L. il y a toujours une dualité entre une matrice
«Hervé Télémaque – L’inachevée “conception”» (évoquant un rocher ou un corail) et un
jusqu’au 9 mai • 11, rue Pastourelle • 75003 Paris • 01 48 87 75 91 organisme parasite en argile vernissée.
www.rabouanmoussion.com «Je cherche à ce que mes formes soient belles
de façon étrange, afin de faciliter l’appréciation
des absurdités de la vie, où les choses n’ont
Galerie Jocelyn Wolff pas toujours de sens.» Il s’agit de la première
exposition en France de cette jeune artiste
Diego Bianchi, un hymne à la folie londonienne, née en 1984.
Pantins grotesques ou nanas ravagées ? Les sculptures molles de Diego Bianchi «Tessa Eastman – Œuvres récentes»
du 13 avril au 16 mai • place de l’Hôtel de Ville
mettent le corps dans tous ses états. Rose poupon, démembrées, pressurées,
89130 • 03 86 74 33 00
elles dévoilent toute leur puissance quand elles deviennent l’objet de performances. www.galerie-ancienne-poste.com
Il s’agit simplement de glisser sa bouche sur l’un
des multiples embouts qui les transpercent
Toulon / Galerie du Canon
et de souffler : les voilà cornemuse, corps ouvert
Les quatre artistes réunis dans cette exposition
à tous les vents. Découvert lors de l’exposition
n’ont rien en commun plastiquement. Gilles
«My Buenos Aires» de la Maison Rouge, l’artiste
Boudot détourne des objets du quotidien
argentin se renouvelle à chaque étape avec
pour créer une autre réalité, des paysages
une douce folie. Pour cette exposition parisienne,
inventés qu’il photographie ; Goulven plie
il s’est aussi emparé de pièces de mobilier, qu’il
des plaques d’acier transformées en autant
a déstructurées pour créer des zones d’inconfort.
de sculptures minimales ; Jean-Noël László
Quant à ce matelas abandonné devant le palier
travaille la lettre et le signe, quand Jérémy
de la galerie ? Il fait également partie de l’exposition,
Liron peint des paysages silencieux. Ce qui
invitant dès l’entrée à se laisser légèrement
les réunit, c’est d’être des Mocos, terme
déséquilibrer. E. L.
emprunté au monde marin pour désigner
«Diego Bianchi – Soft Realism» un Provençal, ou plus particulièrement
jusqu’au 20 avril • 78, rue Julien Lacroix • 75020
Paris • 01 42 03 05 65 • www.galeriewolff.com
un Toulonnais.
«Les Mocos – Du chaos naît l’ordre»
jusqu’au 4 mai • 10, rue Pierre Sémard • 83000
Blacking Me, 2019
04 94 24 82 06 • http://galerieducanon.com

126 I Beaux Arts
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EXPOSITION — 25|04 > 18|05.2019


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© Agence Renzo Piano Building Workshop

L’École normale supérieure Paris-Saclay est une grande Le présent appel à concourir s’adresse à toutes les catégo-
école sélective de formation aux métiers de la recherche et ries d’artistes, présents sur la scène internationale ou fran-
de l’enseignement supérieur et, plus largement, une école çaise.
de formation des élites à forte expertise scientifique. Sans constituer une contrainte, les artistes pourront envi-
Dans le cadre de la construction de son nouveau bâtiment sager un lien entre leurs propositions et le contexte dans
conçu par l’agence Renzo Piano Building Workshop sur le lequel elles s’insèrent : les activités et les missions de l’École
plateau de Moulon, l’ENS Paris-Saclay lance un appel à (recherche, enseignement supérieur), autant que ses tem-
candidatures pour la création d’œuvres d’art au titre du 1% poralités (concours, rentrées, cérémonies des diplômes,
artistique. La commande se décline en quatre lots destinés etc.), l’architecture du bâtiment conçu par Renzo Piano (le
à la réalisation de créations artistiques pour le salon d’hon- répertoire des matériaux —béton, acier et verre—, la couleur
neur, l’atrium, le théâtre et le jardin. orange du sol de l’atrium), la conception paysagère du jardin
Les commandes sont ouvertes à toutes les catégories d’ex- (conçu par Pascal Cribier).
pressions artistiques : peintures, sculptures, compositions Les propositions seront sélectionnées sur leur qualité artis-
musicales et théâtrales etc., jusqu’aux formes les plus ac- tique, leur force d’innovation, d’intégration sur le site et sur la
tuelles : installations, mobilier de designer, performances, faisabilité des interventions.
œuvres sonores, etc.

- Les candidats peuvent télécharger gratuitement l’intégralité du dossier, disponible en fran-


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des candidatures :
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e-flux, achatpublic.com, BOAMP, Journal officiel de l’Union européenne.
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Paris 4e

llustration : Jacqueline Duhême, Tapisserie Prune © ADAGP Paris, 2019 / Composition : Ô Majuscule
www.bibliotheques.paris

ENTRÉE LIBRE

Du mardi au samedi
de 13h à 19h

Fermeture
les 20 avril, 1er, 8,
30 mai et 8 juin
WEEK-END CULTUREL l 36 HEURES À…

SAINT-ÉTIENNE
Le saint des saints du design
Ex-cité industrielle florissante, Saint-Étienne a fermé son dernier puits de mine en 1973.
Estampillée ville créative par l’Unesco, elle s’est redynamisée au point de s’ériger aujourd’hui
en capitale du design. La preuve à l’occasion de la biennale Design Saint-Étienne.

Ú  Samedi / 10 h
33 000 m2 de design !
Inaugurée en 2009 sur l’ancien site de la manufacture d’armes, la Cité du design,
à cinq minutes à pied de la gare Carnot, accueille jusqu’au 22 avril
la 11e biennale de design. Cœur du quartier Manufacture-Plaine-Achille,
pépinière de jeunes créateurs et ingénieurs, elle occupe trois structures
restaurées, des ateliers techniques et pédagogiques, mais aussi le bâtiment
de l’Horloge où loge l’administration de l’École supérieure d’art et de design.
Deux nouvelles bâtisses complètent cet ensemble en plein développement,
la Tour de l’observatoire, qui surplombe la ville, et la Platine, qui réunit
une serre, un restaurant, une bibliothèque-matériauthèque – véritable
mine pour les étudiants alentour ! – et le centre d’accueil de la biennale,
où les visiteurs sont invités à mettre la main à la pâte dans le cadre d’ateliers.
Cité du design 3, rue Javelin Pagnon • 04 77 49 74 70 • www.citedudesign.com Banc 21S de Marc Aurel (2015), place Jean Jaurès, et chaise Étoile
11e biennale «Me You Nous – Créons un terrain d’entente» de Kamel Secraoui / KLD Design (2017), square Massenet.
jusqu’au 22 avril • www.biennale-design.com

Ú  Samedi / 14 h 30
Une promenade magique
Outre la City Card qui vous ouvre les portes de la ville
(transports, expositions et lieux partenaires de la
Inaugurée il y a biennale), des «pédibus magiques» (tours à pied) sont
dix ans, la Cité organisés les 6 et 20 avril afin de découvrir les pièces
du design a été de mobilier urbain accumulées au fil des biennales et
conçue par
de rencontrer ceux qui les ont conçues ou fabriquées.
les architectes
Finn Geipel Ici on les appelle les Bancs d’essai : il y a le «coin
et Giulia Andi, salon» aménagé par Marc Aurel place Jean Jaurès,
de l’agence LIN. la chaise au dossier qui s’étire comme une échelle
plantée square Massenet par Kamel Secraoui, le
«néo-totem urbain» de Dorothée Noirbent en forme
de maison Gigogne place Chavanelle, non loin du
groupe de pigeons hyperréalistes en fonte installés en
cercle par Ghyslain Bertholon et Maxime Bourgeaux.

130 I Beaux Arts
Par Sarah Belmont

Ú  Samedi / 16 h 30
Jardin signé et shopping éco-responsable
Si vous avez encore des jambes, rien de tel qu’une visite au musée
d’Art et d’Industrie pour comprendre les origines du design. Rénové
par Jean-Michel Wilmotte, cet édifice austère du XIXe siècle recèle
trois collections techniques – armes, cycles et rubans –, le ruban
étant à Saint-Étienne ce que la soie est à Lyon. En contrebas se profile
un jardin, redessiné par deux jeunes diplômés de l’École supérieure
d’art et design Saint-Étienne, Sylvie Filière et Jean-François Dingjian.
Tout autour, des boutiques spécialisées, tel le Vieux Colombier Design,
show-room de 400 m² de mobilier haut de gamme, ou Bødo, fleuron
du design éco-responsable.
Musée d’Art et d’Industrie
2, place Louis Comte • 04 77 49 73 00 • www.musee-art-industrie.saint-etienne.fr

Vue de l’exposition «Design et merveilleux», à voir jusqu’au 22 avril.

Ú  Dimanche / 14 h
Au pays des merveilles d’Othoniel
Fort de 20 000 œuvres, dont quelque 400 voyagent par
roulement chaque année dans le monde entier, le musée d’Art
moderne et contemporain vient de fêter ses 30 ans. Cette
institution, où est née la vocation d’artiste de Jean-Michel
Othoniel, présente deux expositions en écho à la biennale.
«Design et merveilleux – De la nature de l’ornement» (jusqu’au
22 avril) retrace, à la manière d’un cabinet de curiosités
numériques, le renouvellement des formes et des motifs
à l’ère digitale. «Coup de pub – Graphisme et publicité dans
Ú  Dimanche / 10 h  la France des années 1930» analyse, elle, l’influence de l’art
Rendez-vous avec Le Corbusier moderne à l’œuvre sur les dépliants, catalogues et encarts
de presse qui inondèrent la rue et les foyers dans l’entre-deux-
Accessible en train ou en bus (ligne M1 Saint-Étienne Bellevue / guerres. Enfin, ne manquez pas la chorégraphie de sculptures
Firminy), la ville de Firminy abrite le plus grand site réalisé en polystyrène expansé, pétrole brut, mousses isolantes ou
par Le Corbusier en Europe. Bâtiment phare de cet ensemble, ruches d’abeilles conçue par le grand explorateur de matériaux
la Maison de la culture, à l’audacieuse toiture en forme Gyan Panchal («Rompre l’orbe» jusqu’au 22 septembre).
de voûte inversée, est le seul élément bâti du vivant de l’architecte Musée d’Art moderne et contemporain
et classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Viennent ensuite Rue Fernand Léger • 42270 Saint-Priest-en-Jarez • 04 77 79 52 52
https://mamc.saint-etienne.fr
le stade, l’église Saint-Pierre, achevée seulement en 2006,
où est programmée l’exposition «La Luce – Le Corbusier,
Charlotte Perriand» (jusqu’au 3 novembre). L’unité d’habitation
se visite sur réservation (le samedi uniquement). Où déjeuner
La FABuleuse Cantine Bâtiment 244 • 1, rue Claudius Ravachol
Site Le Corbusier Maison de la culture • boulevard périphérique du Stade 06 50 69 68 79 • www.lafabuleusecantine.fr
42700 Firminy • 04 77 61 08 72 • https://sitelecorbusier.com
> Concept unique lancé il y a un an et demi, ce restaurant propose
une cuisine d’autant plus savoureuse qu’elle est vertueuse.
Le chef Boris Fontimpe et sa fine équipe luttent activement contre
le gaspillage en ne travaillant que des produits invendus. Menu à 9 €
(4,50 € pour les étudiants et les chômeurs). Ouvert à midi
uniquement (fermé le dimanche).
Où passer la soirée
Le Méliès 10, place Jean Jaurès • 04 77 32 32 01 • www.lemelies.com
> Cinéma indépendant situé en plein centre, dont la façade Art déco
cache un bar animé, doté d’une terrasse en été. Ouvert tous les jours.
Où passer la nuit
Hôtel Continental 10, rue François Gillet • 04 77 32 58
www.hotelcontinental42.fr
> Rénové par la designer Pascaline de Glo de Besses, cet ancien
relais de poste a remporté le prix Commerce Design 2015.
Aucune de ses 23 chambres ne se ressemble, de près ou de loin.
C’est ce qui fait son charme et son originalité. À partir de 42 € la nuit.
Où se documenter
La Maison de la culture de Le Corbusier (1961-1965). Sur la web app www.stephanois-hors-cadre.fr

Beaux Arts I 131
www.galeriealb.com
galeriealb@ gmail.com
47, rue Chapon - 75003 Paris
+ 3 3 ( 0 ) 1 4 9 9 6 5 8 0 9

Galerie ALB, 47 rue Chapon 75003 Paris - www.galeriealb.com


Haut : The Kid, peinture à l’huile, 2019 - Bas : Nicolas Pegon, dessin au fusain sur papier, 2019
N° 418 Avril 2019

MARCHÉ & POLITIQUE CULTURELLE Pages coordonnées


par Armelle Malvoisin

Paul Gauguin
Le Jardin de Pissarro, quai du Pothuis à Pontoise
(deux esquisses d’autoportrait au verso)
1881, huile sur toile, 66 x 54,4 cm.
Estimation : de 600 000 à 900 000 €
Vente à Paris, le 29 mars chez Sotheby’s

134
ILS FONT L’ACTU
Romane Sarfati

136
LES ACTEURS DU MARCHÉ
La tribune de Pierre-Jean Galdin

138
COTE DE L’ART
Cherchez les femmes…

140
CONSEILS D’ACHAT
Des pionnières à redécouvrir

ART MODERNE 142


BIENTÔT SOUS LE MARTEAU

Ceci n’est pas un Pissarro 3 ventes à ne pas manquer

144
A
vec cette touche impressionniste, ces couleurs et cette lumière, on jurerait au premier
abord voir un Pissarro. Exécuté en 1881 et intitulé le Jardin de Pissarro, quai du Pothuis FOIRE
à Pontoise, ce tableau est pourtant l’œuvre de son élève, Paul Gauguin, rencontré
Art Paris sur un tempo latino

146
quelques années auparavant. Gauguin est alors agent de change, profession qu’il abandonnera
pour se consacrer entièrement à la peinture l’année suivante. Grâce à son mentor, il évoluera
dans le sillage du mouvement impressionniste avec brio, comme le prouve ce paysage d’une
modernité saisissante, avec son cadrage particulier et novateur, s’inspirant de certains procédés FOIRE
photographiques, et ses branches d’arbre entrant de façon inattendue dans le champ pictural. Le PAD grimpe sur le Rocher

150
La toile sera mise en vente aux enchères, le 29 mars, à Paris chez Sotheby’s. Restée dans la même
famille depuis près d’un siècle, elle est inédite sur le marché. Mais pas inconnue : elle a notamment
été exposée à Pont-Aven en 1964 et au Cleveland Museum of Art en 2015. Elle est un formidable
témoignage de l’étroite relation entre Gauguin et son maître. La maison représentée est celle
de Pissarro et «il est quasiment certain que le personnage sous l’ombrelle soit Pissarro lui-même,
SALONS
Week-end marathon à Paris !
dont on sait qu’il avait l’habitude de peindre sous une ombrelle, ainsi qu’en attestent de nombreux

152
témoignages et images de l’artiste à Pontoise. Ce tableau est donc un véritable hommage
à son professeur, dont la présence est ici suggérée», rapporte Aurélie Vandevoorde, directrice
du département Art impressionniste et moderne de Sotheby’s France. Cerise sur le gâteau :
deux autoportraits de Gauguin sont peints au dos de la toile. Il y a fort à parier que ce double FOIRE
tableau s’envole au-delà de son estimation fixée raisonnablement entre 600 000 et 900 000 €. A. M. Art Brussels ouvre l’œil

Beaux Arts I 133
POLITIQUE CULTURELLE l LES ACTEURS

Up
Elle fait l’actu…
Romane Sarfati
Une audacieuse dans
Anne-Solène Rolland
La directrice de la recherche une maison de porcelaine
et des collections du musée
du Louvre prend la tête du service
des Musées de France, à la suite
Alors que s’achève son premier
du départ de Marie-Christine Labourdette, mandat, la directrice de la Cité
partie pour la Cité de l’architecture
et du patrimoine en février 2018.
de la céramique fourmille de projets
et rêve de continuer l’aventure. Photo Maurine Tric pour Beaux Arts Magazine.

Philipe Vergne

C
Le Français, qui n’avait pas omment convaincre, au de commande», déplore-t-elle.
été reconduit à la tête du MoCA XXIe siècle, de la nécessité de Conçu par Evariste Richer, choisi parmi
de Los Angeles en raison de
continuer à investir dans une 30 artistes par le Président Macron,
nombreux désaccords avec le conseil
d’administration, rejoint le musée manufacture nationale ancestrale aux ce service intitulé Bleu Élysée
d’art contemporain Serralves de Porto savoir-faire d’exception ? C’est à cette commence à être livré.
(Portugal). Il succède à João Ribas, question que Romane Sarfati, directrice
qui avait démissionné après une générale de la Cité de la céramique Ces métiers d’art que
controverse autour d’une exposition (qui comprend la manufacture «le monde entier nous envie»
de Robert Mapplethorpe. nationale de porcelaine mais aussi Romane Sarfati reconnaît toutefois
les musées de Sèvres et de Limoges), l’existence d’un contexte «compliqué»,
Guillaume Kientz répond avec sagacité depuis sa qui s’est manifesté récemment par
Conservateur au département nomination en 2014. Avec une stratégie un rapport à charge de la Cour des
des peintures du musée du limpide : impulser une forte dynamique comptes contre une autre institution
Louvre et spécialiste de la peinture
créative et artistique à la production culturelle patrimoniale, le Mobilier
espagnole et latino-américaine, il vient
d’être nommé à la tête de la collection (pourtant très limitée), «sans déroger national et la Manufacture des
d’art européen du Kimbell Art Museum à sa qualité», conforter le déploiement Gobelins… «Il faut se saisir de cette
de Fort Worth, au Texas. de la marque Sèvres (quitte à envisager occasion pour redonner du sens
de nouvelles licences pour des produits à nos manufactures, plaide-t-elle,
papetiers ou du mobilier…) et renforcer pour réaffirmer l’importance de nos
Axel Rüger
Le directeur du musée Van Gogh l’attractivité des musées grâce à une métiers d’art que le monde entier
d’Amsterdam a été nommé programmation culturelle audacieuse. nous envie.» À Sèvres, les projets sont
directeur général de la Royal «Avec Sèvres, nous parlons aussi encore nombreux pour celle qui aura
Academy of Arts de Londres, qui a célébré d’exception culturelle, s’exclame-t-elle. toujours navigué entre secteurs
son 250e anniversaire en 2018. Il succède Celle d’une public et privé, diplômée à la fois de
1992
à Charles Saumarez Smith, parti rejoindre manufacture où est Sciences Po, d’une école de commerce
Directrice de la galerie Templon.
la galerie Blain/Southern.
1995 assurée depuis trois et d’histoire de l’art, et qui saura, fin
Responsable du studio

Down
cents ans la mai, si elle peut poursuivre son action
de production de jeux vidéo
transmission de pour trois années supplémentaires.
chez Cryo Interactive.
métiers d’art très Avec, dès septembre, l’ouverture
2005
Responsable du pôle Internet rares.» D’où la grande de l’École de Sèvres et d’un bureau
et audiovisuel du musée amertume des d’études dédié à l’innovation au sein
du quai Branly. 120 artisans lorsque, des ateliers historiques. Mais le plus
Stéphane Breitwieser
Il était sorti de prison en 2015. 2006 l’été dernier, la gros morceau serait la rénovation
Directrice de cabinet de
Le «pilleur de musées» a été commande par l’Élysée du musée national de la Céramique,
l’adjointe au maire de Paris puis
de nouveau arrêté. Déjà condamné directrice de la culture d’un service de aujourd’hui figé dans un parcours
pour des vols d’œuvres d’art en Europe, au conseil général de l’Essonne. 1 500 assiettes a défrayé historique très hermétique.
il est soupçonné d’avoir dérobé de
2010 la chronique après «Une opportunité est à saisir avec
nombreux objets anciens dans des musées Création d’un concept store
de la région Grand Est. les chiffres fallacieux le Grand Paris et les travaux de
spécialisé dans le design
asiatique.
publiés par le Canard requalification du pont de Sèvres
Mary Boone enchaîné quant à son et de l’île Seguin», soutient Romane
2012
La galeriste new-yorkaise avait Conseillère en charge des arts coût (500 000 € au lieu Sarfati. Qui imagine déjà un musée
plaidé coupable dans une affaire plastiques, de l’architecture, de 50 000 €). «Pour privilégiant les sens et la magie des arts
de fraude fiscale estimée à plus de la mode et du design nous, c’était une fierté, du feu et dans lequel les métiers
de 3 M$ (plus de 2,6 M€), prétextant au cabinet de la ministre de
car cela fait partie des de la manufacture trouveraient enfin
des problèmes mentaux et de drogue. la Culture Aurélie Filippetti.
Elle a été condamnée à deux ans et demi 2014 missions de notre une vraie place. À Sèvres, la porcelaine
de prison. Elle a par ailleurs annoncé Directrice générale de la Cité de institution que de n’a pas fini d’être dépoussiérée…
la fermeture de ses deux galeries. la céramique, Sèvres & Limoges. répondre à ce type Sophie Flouquet

134 I Beaux Arts
MARCHÉ l LES ACTEURS
L’œil du
La tribune de… collectionneur

Alain Draeger
Pierre-Jean Galdin Ancien imprimeur, à Paris

Les écoles d’art


Directeur général des Beaux-Arts de Nantes et Saint-Nazaire
«
Je collectionne tout ce
qui touche aux peuples
indiens d’Amazonie»
doivent renoncer à la sélection
Les études artistiques suscitent un tel engouement que la sélection
Quelle est l’histoire
se fait de plus en plus drastique. Parallèlement, l’uniformisation de la collection
des parcours et des profils devient problématique… Draeger dont vous
êtes l’héritier ?
C’est l’histoire d’une
collection familiale

L
e réseau public des classes préparatoires aux concours d’entrée des écoles supérieures qui a commencé
d’art est une richesse essentielle ! Majoritairement situées dans des villes françaises en 1886 lorsque
de taille moyenne, ces prépas permettent aux jeunes des territoires d’embrasser mon grand-père
leurs passions et leurs rêves. Mais les chiffres sont cruels. En 2018, sur les 11 700 jeunes Charles Draeger
inscrits en prépa, moins de 1 000 l’étaient a fondé l’imprimerie d’art Draeger
et, en collaboration avec une centaine
dans une classe publique. Et sur les
d’artistes, produit de très beaux albums
2 400 étudiants reçus chaque année dans et affiches publicitaires. J’ai moi-même
les écoles supérieures d’art publiques travaillé dans l’entreprise familiale
en France, 65 % le sont après avoir suivi jusqu’à sa cession en 1971. Quelques
cette année préparatoire au concours. années plus tard, les archives ont été
Pour les écoles les plus attractives, vendues par les repreneurs à Drouot,
où j’ai eu l’occasion de racheter un
ce pourcentage dépasse les 90 %. Enfin,
certain nombre de documents qui ont
les prépas privées sont cinq fois plus chères complété ce que nos grands-parents
et concentrées dans les métropoles. avaient personnellement conservé.

Prônons plutôt l’égalité Que va-t-elle devenir ?


de la réussite Pour que la nouvelle génération garde
Le législateur a réagi et a voté en 2016 un souvenir de cette extraordinaire
épopée des maîtres imprimeurs, j’ai
une loi donnant un agrément aux écoles
réalisé un livre, Draeger – Les pages d’or
préparatoires publiques et un statut de l’édition, qui sera lancé au Salon
d’étudiant aux élèves. Je milite pour que international du livre rare [lire p. 150],
le relais soit maintenant pris par ces et financé par la vente d’une partie de
collectivités qui ont tant besoin d’étudiants la collection, notamment les originaux
et de revitalisation de leur centre-ville. conservés par ma famille. L’expert
et spécialiste en livres et catalogues
Elles doivent multiplier par dix leurs
illustrés Jean Izarn, de la librairie
Examen des beaux-arts de l’Université d’art capacités d’accueil. La responsabilité des Chrétien, présentera sur son stand
et de design du Shandong à Jinan, en Chine. établissements supérieurs sera de jouer une centaine d’œuvres originales :
le jeu et de réinventer les modalités peintures, aquarelles, encres de Chine
d’entrée. D’accompagner les professeurs d’arts plastiques enseignant dans les collèges et ouvrages signés Matisse, Léger,
et lycées afin d’affirmer non plus l’égalité des chances face aux concours, mais l’égalité Van Dongen, Dufy, Buffet, Dalí,
de la réussite par des orientations pertinentes. Face au coût élevé des études, les droits Jean de Brunhoff – le créateur
de Babar –, Boutet de Monvel…
d’inscription et les frais pédagogiques devraient être modulables de 0,5 % à 20 % selon les
ressources des familles. Ne nous effrayons pas que les étudiants extra-européens participent Avez-vous d’autres domaines
financièrement à la mise en place d’une réelle qualité d’accueil, à un apprentissage en de collection ?
profondeur de la langue française, à la création de modules internationaux pour une Amoureux de l’artisanat de marine
adaptation pleine de ces étudiants à nos enseignements. Ici encore, l’égalité de la réussite depuis ma plus tendre enfance, j’ai
doit primer sur l’égalité des prix. La mesure la plus efficace serait la création d’un concours collectionné des maquettes de bateaux
concerté à l’échelle nationale. Notre jeunesse a besoin de sortir de l’époque de la sélection, pendant des années. Cette collection
devenant un peu trop envahissante,
d’une méritocratie écrasante pour se tourner vers une ère de l’orientation et corrélativement
j’ai fini par tout vendre. Depuis je
du temps modulable des choix où la passion est le critère premier. Nous nous devons de collectionne tout ce qui touche aux
relever les enjeux des réformes visant à mieux orienter les lycéens, sans vision caricaturale peuples indiens d’Amazonie – coiffes
de Parcoursup. Dire non à la sélection, c’est savoir encourager l’intelligence sensible tout en plumes, objets usuels… – que j’ai
au long de la vie et accepter les petites et grandes histoires de chacun. eu l’occasion de découvrir durant
mes séjours au Brésil.

136 I Beaux Arts
JONONE
« P O E T RY I N M O T I O N »
09/04/2019 - 18/05/2019 GALERIE BRUGIER-RIGAIL
40, RUE VOLTA - PARIS 3
V E R N I S S A G E L E 9 AV R I L CONTACT@GALERIE-BRUGIER-RIGAIL.COM
E N P R É S E N C E D E L’ A R T I S T E WWW.GALERIE-BRUGIER-RIGAIL.COM
DÉDICACE LE 13 AVRIL TEL : 01 42 77 09 00

ARTISTES À RETROUVER À LA GALERIE : J-M BASQUIAT, PIERRE SOULAGES, GUY DENNING, SHEPARD FAIREY, KEITH HARING, JONONE, LADISLAS KIJNO,
LA II, L’ATLAS, MADC, JOHN CRASH MATOS, M.CHAT, MONKEYBIRD, SETH, CÉDRIC TALING, TANC, BERNAR VENET, FABIEN VERSCHAERE, NICK WALKER
MARCHÉ
Réapparues sur les
Cherchez les femmes… écrans radars de l’art
Même si elles font toujours l’objet d’une discrimination dans l’art
et son marché, quelques artistes femmes voient leur cote s’envoler.

Marinette Cueco
Tondo
1992, entrelacs de jonc capité,
diam. 135 cm.
Galerie Univer, Paris.
De 1 200 et 30 000 €
Quelque peu éclipsée par son Zuka (1924-2016)
mari, le peintre et écrivain Blue Footed Boobies
Henri Cueco, Marinette Cueco 1982, collages sur toile, 100 x 81 cm.
développe depuis 1978 une Galerie Françoise Livinec, Paris.
pratique artistique singulière :
De 1 000 à 50 000 € pour un collage
le tressage d’herbe. À découvrir
à la fondation Villa Datris, Mariée à l’illustrateur et dessinateur
à Paris, jusqu’au 29 juin. de presse Tim, cette Californienne
à Paris a eu du mal à percer.

E
n 2009, sur une proposition de sa conservatrice Camille Morineau
(actuellement directrice des expositions et collections de la Monnaie de Paris),
le Centre Pompidou a dédié pendant un an l’accrochage de ses collections
à des artistes femmes du XXe siècle : plus de 200 d’entre elles ont ainsi fait partie
de l’exposition «elles@centrepompidou». Derrière ce geste militant, un constat :
la création au féminin est peu mise en avant dans les institutions, comme dans
le marché de l’art d’ailleurs. «Même si les choses s’arrangent lentement, les prix Sarah Kaliski (1941-2010)
Marieke, série Brel
des œuvres des artistes femmes, leur reconnaissance et leur visibilité restent
2003, encre et pastel sur papier, 20 x 30 cm.
problématiques ; et malheureusement, la plupart des collectionneurs – qui sont Galerie Loeve&Co, Paris.
majoritairement des hommes – n’en sont absolument pas conscients. La majorité De 1 000 € pour une œuvre sur papier
des galeries représentent seulement 10 % à 15 % de femmes. Ce qui revient très à 10 000 € pour une toile
souvent à une à trois par galerie, rarement plus», observe Hélianthe Bourdeaux- Marquée par la déportation de son père
Maurin, à la tête de la H Gallery, à Paris, qui défend le travail d’un peu plus de 50 % à Auschwitz, la peintre belge est restée
dans l’ombre de son frère adoré René,
de femmes. «Mes choix n’ont jamais été faits en fonction de quotas, mais de ma brillant dramaturge.
sensibilité, de rencontres et de coups de foudre pour des œuvres d’artistes qui,
souvent, se trouvent être des femmes, précise-t-elle. Les écoles d’art accueillent 60 %
de femmes. Mon programme reflète et encourage seulement cette réalité.»

À Art Paris, «Une scène française d’un autre genre»


Dix ans après l’exposition du Centre Pompidou, les prises de conscience ont opéré.
«Nombre de femmes, restées dans l’ombre, ont créé avec plus de liberté
d’expérimentation et de force inventive car elles n’étaient pas soumises à la pression
du marché de l’art, remarque le critique d’art et galeriste Stéphane Corréard. On les
retrouve aujourd’hui avec d’autant plus de plaisir.» Parfois au point de faire de ce
rattrapage historique un vrai business : beaucoup de galeries se sont mises en tête de
faire entrer dans leur écurie une «vieille dame» dont la carrière aurait été mésestimée
Hessie (1936-2017)
et sous-évaluée. «Want to Get Rich Buying Art? Invest in Women», provoquait Sans titre [détail]
l’auteure Mary Gabriel dans une tribune du New York Times, le 24 septembre dernier. 1970, collage d’un filet à légumes bleu sur papier blanc,
Entre-temps, l’association Aware (Archives of Women Artists, Research & Exhibitions), 50 x 65 cm. Galerie Arnaud Lefebvre, Paris.

cofondée en 2014 par Camille Morineau, œuvre à renforcer la visibilité des artistes À partir de 2 000 € pour un collage
femmes à travers de nombreuses actions (travaux de recherche, archives, prix, et jusqu’à 100 000 € pour une broderie
Engagée dans le Mouvement de
expositions…). Cette année, le salon Art Paris Art Fair s’est associé à Aware
libération des femmes, l’artiste textile
pour mettre en lumière 25 projets d’artistes femmes en France, ce qui a conduit franco-cubaine était très (trop ?)
à une progression de 50 % du nombre de femmes exposées sur la foire. A. M. en avance sur son temps.

138 I Beaux Arts
MARCHÉ l CONSEILS D’ACHAT

Des pionnières à redécouvrir


Elles ont traversé un siècle où les avant-gardes étaient
rarement féminines, bravé les critiques et le mépris, avant
d’être enfin reconnues. Portrait de trois guerrières.

Sheila Hicks Roots of Culture


2018, lianes en lin, coton
Toujours prête à en découdre et cuir, 200 x 300 cm.

Installée à Paris depuis 1964, l’artiste textile américaine, ancienne élève


Transformation de 64 carrés / réf. B de Josef Albers à Yale, n’a été que récemment adoubée par ses pairs.
1973, dessin à l’ordinateur, plotter sur papier, 52 x 52 cm. Ses œuvres novatrices, tissées, ficelées, nattées ou tricotées, ont été
rarement montrées en France, à l’exception de l’exposition «Fil»
à Montreuil en 1978, et souvent associées à une forme d’artisanat.
Vera Molnár En 2018, le Centre Pompidou lui a consacré une belle rétrospective qui
L’appel du pixel réunissait une centaine de pièces recouvrant soixante ans de carrière.
Mais c’est la biennale du Whitney de New York, en 2014, qui l’a révélée.
Née à Budapest en 1924,
> Représentée par la galerie Frank Elbaz (Paris-Dallas).
la peintre abstraite d’origine
hongroise vit à Paris À partir de 30 000 € pour un Minime et jusqu’à 400 000 €
pour une installation sculpturale.
depuis 1947. Précurseur
de l’art numérique (dès 1968 !),
elle sera considérée avec mépris
pendant plus de trente ans.
Aujourd’hui, les institutions s’arrachent
son travail. Sa première rétrospective en France (au musée
des Beaux-Arts de Rouen) date de 2012, soit huit ans
après celle du Wilhelm-Hack-Museum à Ludwigshafen,
en Allemagne. Vera Molnár est lauréate (ex-aequo avec
Nil Yalter) du prix d’honneur Aware 2018, qui récompense
une femme pour l’ensemble de sa carrière artistique.
> Représentée par les galeries Oniris (Rennes)
et Berthet-Aittouarès (Paris).
De 2 500 € pour un dessin à 25 000 €
pour une toile.

Bernadette Bour
Insupportable Supports/Surfaces
La seule femme du mouvement Supports/Surfaces, au début des années 1970,
en France, en a un peu bavé : quand son nom ne disparaissait pas des affiches
des expositions, ses camarades s’amusaient à se placer devant elle sur la photo
de groupe. Pour enfoncer le clou, en 1977, Alfred Pacquement, co-commissaire
de l’exposition collective «Unstretched Surfaces» à l’Institute of Contemporary Art
de Los Angeles, signe, en fin de catalogue, cette présentation effarante : «Bernadette
Bour, enfin, pique à la machine des toiles ou des feuilles de papier buvard, attitude
évidemment très féminine.» On aurait plutôt aimé lire que son écriture marquée par
un piquage à la machine suggère un hommage silencieux au travail des femmes. A. M.
> Représentée par la galerie Françoise Livinec (Paris). Sans titre
De 3 000 € pour une œuvre sur papier à 75 000 € pour une toile. 1974, technique mixte sur buvard, 32,5 x 25,5 cm.

140 I Beaux Arts
Douces Lumières

VIANNEY
du 30 mars au 20 avril 2019

3 CERISES SUR UNE ÉTAGÈRE


48 rue Mazarine . 75006 Paris . Tél : 06 25 48 27 72 . www.3cerisessuruneetagere.fr
Ouvert du mardi au samedi de 11h à 19h. Métro : Odéon - Parking public rue Mazarine
MARCHÉ l BIENTÔT SOUS LE MARTEAU

3 ventes à ne pas manquer

1 Lille • Mercier & Cie • 31 mars

Exquise esquisse
«Tableaux anciens des XVIe et XVIIe siècles»
14, rue des Jardins • 59000 Lille • 03 20 12 24 24 • www.mercier-art.com

Peter Paul Rubens


Sainte Marguerite
Vers 1620, huile sur panneau
de chêne, 33 x 45,7 cm.
Estimation :
de 200 000 à 300 000 €

Ce panneau est une esquisse inédite de Rubens (1577-1640), issue d’une série d’œuvres
préparatoires pour des peintures bibliques qui ornaient les 39 caissons en boiserie Giorgio de Chirico Interno metafisico con officine
du plafond de l’église des Jésuites d’Anvers (aujourd’hui église Saint-Charles-Borromée). 1951-1952, huile sur toile, 80 x 60,2 cm.
L’artiste flamand, alors au sommet de sa gloire, réalisa cette commande en une année
Estimation : de 400 000 à 600 000 €
seulement. Si beaucoup de tableaux qui décoraient les murs ont été confisqués
ou volés lorsque la Compagnie de Jésus fut supprimée en 1773, les caissons furent

3
détruits lors d’un incendie en 1718. Les scènes peintes sont néanmoins connues par Paris • Sotheby’s • 16 avril
des gravures exécutées peu de temps auparavant. Témoignage d’une œuvre majeure
disparue, cette esquisse typique de l’esthétique baroque est assurément de la main Cent ans
du maître, lequel avait l’habitude de confier une partie de la réalisation de ses grands
formats à ses élèves – Antoine Van Dyck en tête. «Il y a, dans cette esquisse, tout
de peinture italienne
le génie et le feu de Rubens», souligne l’expert Stéphane Pinta. Cette Sainte Marguerite «Collection particulière italienne
rejoint le corpus des 33 autres esquisses identifiées. De Giovanni Fattori à Giorgio de Chirico»
76, rue du Faubourg Saint-Honoré • 75008 Paris
01 53 05 53 05 • www.sothebys.com

2
Un entrepreneur milanais passionné d’art a réuni dans les
Fontainebleau • Osenat • 7 avril années 1950 à 1970 un ensemble d’une soixantaine de tableaux
italiens, conservé jusqu’à présent par ses descendants.
Game of Thrones Exécutées entre 1850 et 1950, ces œuvres représentent
«L’Empire à Fontainebleau – Souvenirs historiques» de nombreux courants, du mouvement des Macchiaioli à la
Hôtel d’Albe • 9-11, rue Royale • 77300 Fontainebleau Pittura Metafisica, en passant par le réalisme, l’impressionnisme
01 80 81 90 04 • www.osenat.com et le divisionnisme. Le surréaliste Giorgio de Chirico signe
les deux lots les plus importants de la vente : une énigmatique
Quatre trônes de Napoléon sont conservés Piazza d’Italia (est. 180 000 €) et Interno metafisico con
au musée du Louvre, au château de Fontainebleau, officine [ill. ci-dessus] dans lequel on aperçoit – tableau dans
au Sénat et au musée des Arts décoratifs. le tableau – un paysage d’usines aux cheminées fumantes.
Mais il existe d’autres «trônes», appelés
par certains historiens de l’art «sièges
de représentation», qui étaient destinés
aux résidences impériales établies
aux quatre coins de l’Empire. Celui-ci
présente les mêmes caractéristiques
que le fauteuil livré pour le palais Fauteuil de trône ou de représentation,
des Tuileries en 1804, notamment à grand dossier
un dossier rond cerné d’une large Époque Empire (1804-1815), médaillon en bois redoré, richement
couronne de laurier, mais avec des sculpté d’un large tore de laurier rythmé par des arceaux de perles,
dimensions légèrement différentes. les montants quadrangulaires ornés de palmettes, épis de blé,
Collectionneurs et institutions rosaces et fleurs de lotus, 124 x 76 x 67 cm.
devront batailler pour l’emporter. Estimation : de 60 000 à 80 000 €

142 I Beaux Arts
UNE DES PLUS GRANDES COLLECTIONS
D’ŒUVRES D’ART, LIVRES ET MANUSCRITS
JAMAIS PROPOSÉES AUX ENCHÈRES

SEPT VENTES : 1er-5 AVRIL 2019

A.

B.
A. VINCENT VAN GOGH
(1853-1890)
D’UN ENSEMBLE
DE 2 ŒUVRES DE L’ARTISTE

B. CAMILLE PISSARRO
(1830-1903)

C. HENRI MARTIN
(1860-1943)
D’UN ENSEMBLE DE 8
ŒUVRES DE L’ARTISTE

D. PIERRE-AUGUSTE
RENOIR (1841-1919)
C. D’UN ENSEMBLE DE
4 ŒUVRES DE L’ARTISTE
D.

BEAUX-ARTS OPÉRATEUR POUR CETTE VENTE :

IMPRESSIONNISTES & MODERNES


LUNDI 1ER AVRIL 2019 - 16H30 - DROUOT, PARIS
EXPOSITIONS PUBLIQUES
SAMEDI 30 ET DIMANCHE 31 MARS DE 11H À 18H - LUNDI 1ER AVRIL DE 11H À 12H

EXPERT CHARLOTTE REYNIER-AGUTTES | +33 (0)1 41 92 06 49 | REYNIER@AGUTTES.COM

CATALOGUES VISIBLES SUR WWW.COLLECTIONS-ARISTOPHIL.COM


MARCHÉ l FOIRE

Art Paris sur un tempo latino


Boussole aimantée sur les «étoiles du Sud» ! Art Paris prend le pouls de la créativité
du continent sud-américain tout en le resituant dans une perspective mondialisée.

Julian Burgos
Let It Ride
2018, peinture, 87 x 118 cm.
La Balsa Arte, Bogotá.
Moins de 5 000 €
Peintre colombien,
Julian Burgos (né en 1976)
se nourrit d’«influences
nomades» comme il
les qualifie, de Velázquez
à Francis Bacon,
en passant par Boucher
ou Picasso. Des références
qu’il détourne à travers
des commentaires
plastiques, une façon
de susciter le désir
de regarder autrement.

D
u désert de Sonora au Mexique jusqu’à présentant une soixantaine d’artistes, que ce soit
la Terre de Feu en Argentine, l’Amérique la surréaliste Leonor Fini, «longtemps méprisée» Art Paris en chiffres
latine est, à l’instar de la Méditerranée de comme le regrette le commissaire général de 21e édition
l’historien Fernand Braudel, «mille choses à la fois», la foire Guillaume Piens, les dessins troublants 150 galeries
une somme de «civilisations entassées les unes sur de Sandra Vásquez de la Horra, la féerie numérique
44 % de nouvelles participations
les autres». Si Valentina Locatelli, la commissaire de Nicola Constantino, les œuvres engagées de
20 pays représentés (dont,
invitée, tente de botter en touche tant l’exercice est Felipe Ehrenberg, la relecture des chefs-d’œuvre de
pour la première fois, le Cameroun,
difficile, elle finit par dresser les grandes tendances : François Boucher par Julian Burgos ou l’abstraction
la Bulgarie et le Pérou)
le continent n’échappe pas à cette histoire partagée de l’incontournable Carlos Cruz-Diez. Un art peu
Plus de 1 000 artistes représentés
de luttes contre les dictatures et l’oppression, bavard, mais qui réveille les esprits. Stéphanie Pioda
43 % de galeries étrangères
terreau sur lequel chaque pays tente de construire
une identité revendiquant les cultures ancestrales > Art Paris Art Fair 2019 «Étoiles du Sud 57 % de galeries françaises
Une exploration de l’art de l’Amérique latine»
et populaires, lesquelles fusionnent de façon
du 4 au 7 avril • Grand Palais
originale avec un art mondialisé. La découverte avenue Winston Churchill • 75008 Paris
sera le mot d’ordre au fil des vingt galeries www.artparis.com

144 I Beaux Arts
Leonor Fini Dans la tour
1952, huile sur toile, 100 x 73 cm.
Weinstein Gallery, San Francisco.
Galerie Minsky, Paris.
Autour de 350 000 €
Les galeries Weinstein et Minsky
se sont associées pour proposer
un solo show de l’artiste argentine
Leonor Fini (1908-1996), dont
l’œuvre surréaliste commence
à être redécouverte, alors qu’elle
a été collectionnée aussi bien
par Max Ernst, Peggy Guggenheim,
Meret Oppenheim que par John
Huston, Luciano Visconti et même
Johnny Depp. Un catalogue raisonné
sera publié en fin d’année.

Vu pour vous
Felipe Ehrenberg
In the Usual Order (Social Page)
1985, peinture, 125 x 60 cm. Freijo Gallery, Madrid.
Entre 8 000 et 35 000 €
Artiste conceptuel associé au mouvement
Fluxus, Felipe Ehrenberg (1943-2017)
souhaitait abolir toute frontière entre la vie
et l’art. La maison d’édition qu’il avait
cofondée au Mexique en 1971 avec sa
femme Martha Hellion et l’artiste David
Mayor, Beau Geste Press, a fait l’objet d’une
exposition au CAPC de Bordeaux en 2017.
Entre activisme et anti-art exactement.

Carmen Mariscal
La Esposa esposada
José Luis Martinat Ladrillo #1
[L’Épouse menottée]
2017, sculpture, installation, 9 x 24 x 13 cm.
Galerie Younique, Lima-Paris. 2018, photographie, 190 x 120 cm.
Ana Mas Projects, Barcelone.
3 000 €
Moins de 10 000 €
José Luis Martinat (né en 1974) est le plus suédois des
Péruviens ! Pour cause, il vit aujourd’hui à Göteborg, L’espace conjugal est parfois
après des études à la Malmö Art Academy. le théâtre de violences
Quel que soit le médium choisi (vidéo, dessin, texte, faites aux femmes. L’artiste
installation…), son travail a toujours une connotation mexicaine (née en 1968)
politique et sociale, comme ici avec cette brique ornée l’exprime à travers cette série
d’un phylactère peint où est écrit : «Les Condamnés». dans laquelle 20 femmes
D’autres briques affichent : «Les Élus» ou «Éternité». ont posé avec une robe
de mariée composée de plus
d’un millier de petites menottes
en acier. Elle interviendra
le 5 avril à la Maison de
l’Amérique latine, partenaire
de la foire, dans la table-ronde
«Artistes femmes latino-
américaines en France».

Beaux Arts I 145
MARCHÉ l ART PARIS

Nicola Costantino
El verdadero jardín nunca es verde
[Le vrai jardin n’est jamais vert]
2017, installation vidéo.
CKK (Centro Cultural Néstor Kirchner )/
Institut français d’Argentine, Buenos Aires.
30 000 €
Le corps scruté dans ses moindres
détails, sans pudeur, mais avec
élégance. L’Argentine Nicola
Costantino (née en 1964) est connue
pour ses travaux impertinents
qu’elle poursuit avec cette installation
immersive. Où elle recrée en 3D
la «fontaine de vie» du Jardin des
délices de Jérôme Bosch.

Sandra Vásquez de la Horra


Deidad Planetaria
2015, graphite sur papier et cire, 78 x 108 cm.
Wooson Gallery, Daegu (Corée du Sud).
Entre 2 500 et 8 000 €
La Chilienne Sandra Vásquez
de la Horra (née en 1967) crée un
univers symbolique et mystique à
travers des dessins sombres et
énigmatiques qu’elle trempe dans

Vu pour vous la cire tel un rituel, comme pour


maîtriser les forces démoniaques
qu’elle aurait imaginées.

Betsabeé Romero
Recuerdo del Dorado
Adonis Flores 2017, installation. Galería Saro León,
Camuflajes – Aliento Las Palmas de Gran Canaria.
2006, photographie, 90 x 67 cm. Entre 15 000 et 20  000 €
Xin Dong Cheng Gallery, Beijing.
Depuis 1997, la plasticienne
4 000 € mexicaine Betsabeé Romero (née
Cuba. Le pouvoir militaire n’en en 1963) a en ligne de mire la
peut plus de faire vomir le peuple voiture, comme l’atteste son
qui s’efface derrière sa peur. installation sur le parvis du
Adonis Flores (né en 1971) Grand Palais : Requiem pour la
traite de cet écrasement avec voiture polluante. La galerie Saro
humour et dérision, lui qui a été León présente sur son stand un
marqué par les années Castro autre volet autour du miroir, à la
et a combattu en Angola à la fin fois objet magique et offrande
des années 1980. dans les cultes préhispaniques.

146 I Beaux Arts
S N E Z A N A
PETROVIC

i s ar i u m
Improv 2019
11 ma i
4a v r i l /
3, rue Saint-Philippe du Roule - 75008 Paris
galerieboris@gmail.com
www.galerie-boris.com
MARCHÉ l FOIRE

Le PAD grimpe
sur le Rocher
Trois semaines après Paris début avril, le Pavillon
des arts et du design (PAD) fera une escale à Monaco,
pour une première très luxueuse.

P
Thierry Lemaire our la 23e année consécutive, le PAD
Applique R12 plantera ses tentes blanches dans le jardin
grand modèle
des Tuileries. Outre la joaillerie et les objets
2018, bois d’abaca et bronze,
hauteur : 100 cm.
d’art chinois et africains, le design historique et
Galerie Thierry Lemaire, contemporain reste très prisé dans cet élégant salon
Paris.
qui offre une belle sélection de créations d’époques
3 220 € et de styles variés. Habituée de ce rendez-vous, Harry Bertoia
la galerie Chastel-Maréchal présentera une paire Sculpture Willow
1970, Inox, pièce unique, hauteur : 144 cm.
de fauteuils inédite de José Zanine Caldas [ill.
Galerie Alexandre Guillemain, Paris.
ci-dessous], architecte-sculpteur-designer brésilien
Autour de 80 000 €
dont elle célèbre le centenaire de la naissance en
2019, à côté de rares pièces des années 1930 et 1940
des créateurs français Serge Roche, Gilbert Poillerat, expérimentales du Britannique Matthew Chambers,
Jean-Michel Frank ou encore Marc du Plantier. influencé par les mouvements constructivistes
et l’art optique. À l’occasion de son lancement
Sobriété et pièces iconiques à Monaco trois semaines plus tard, en collaboration
Ce goût de l’épure se retrouve chez les avec le salon d’art contemporain artmonte-carlo,
contemporains, notamment chez l’architecte le PAD réunira une trentaine d’exposants. Pour
d’intérieur et designer Thierry Lemaire séduire ce nouveau public, il mettra à l’honneur
qui signe sa première participation au PAD la joaillerie vintage et contemporaine, présentes
avec un canapé Niko aux douces formes de galets, sur huit stands : les bijoux d’artistes et de designers
une console Twist tel un ruban en suspension, chez la Britannique Elisabetta Cipriani, les précieux
un bureau K aux lignes plus radicales, un fauteuil bracelets et boucles d’oreilles signés Cartier, Després
géométrique Koumac habillé d’une peau de mouton, ou Chaumet chez Véronique Bamps (Monaco),
et des luminaires très graphiques, présentés ou encore les dernières créations originales
dans un écrin sobre en travertin blanc et ocre. des Parisiens Walid Akkad et Lorenz Baümer.
La galerie parisienne Mouvements Modernes mixera En espérant que les pièces de design attireront
des pièces iconiques des années 1980-1990, dont aussi l’attention de cette clientèle. A.M.
le Cabinet Jalousie d’Elizabeth Garouste & Mattia
Bonetti et une paire de fauteuils Zigo de Ron Arad, Pavillon des arts et du design
avec des œuvres actuelles comme des sculptures > Du 3 au 7 avril • Jardin des Tuileries
234, rue de Rivoli • 75001 Paris
minérales et sensuelles, inspirées des cristaux
> Du 26 au 28 avril • Grimaldi Forum
et formations géologiques, de la Danoise Turi 10, avenue Princesse Grace • Monaco
Heisselberg Pedersen, et des sculptures www.pad-fairs.com

José Zanine Caldas


Paire de fauteuils Tronco
Vers 1970, bois vernis et tissu, 80 x 80 x 80 cm.
Galerie Chastel-Maréchal, Paris.
Prix sur demande

148 I Beaux Arts
MARCHÉ l SALONS

Week-end marathon
à Paris !
Paris • du 10 au 14 avril

Saint-Germain-
des-Arts-premiers
Paris • du 12 au 14 avril > Paris Tribal
Quartier de Saint-Germain-des-Prés
Le street art hors les murs 75006 Paris • www.paristribal.com

> Urban Art Fair


Créé en 2014 par une poignée de
Carreau du Temple • 4, rue Eugène Spuller • 75003 Paris • www.urbanartfair.fr
marchands, Paris Tribal est une
promenade au fil des galeries
La 4e édition de la foire Urban Art Urbain continue d’explorer toutes les
spécialisées dans les arts d’Afrique,
facettes de la scène street art et graffiti, confirmée ou émergente, à travers
d’Amérique, d’Himalaya, d’Indonésie
les propositions d’une trentaine de galeries. Sont notamment à découvrir
et d’Océanie de Saint-Germain-des-Prés.
les peintures hyperréalistes de Saype [ill. ci-dessous] et un tunnel de 12 mètres
S’il s’apparente au «Parcours des
d’œuvres rétro-éclairées de Maxime Drouet (Openspace, Paris). Pour l’occasion,
mondes» qui a lieu au même endroit
Mist présentera une sculpture de 3,40 m sous la nef centrale du Carreau
en septembre, cet événement a
du Temple, tandis que Ludo s’emparera de la façade pour réaliser une fresque
ses spécificités : un nombre réduit
monumentale de ses fameux collages, entre autres performances.
de participants (27), une attention
particulière portée aux nouveaux
collectionneurs, avec une sélection
d’objets de qualité à des prix inférieurs
à 5 000 € et, nouveauté cette année,
un brunch offert aux visiteurs du
dimanche par des food trucks installés
dans le quartier. Cette 6e édition
propose des expositions thématiques
comme «Les instruments de musique
dans l’art ethnographique d’Asie» par
la galerie l’Asie animiste, «Sur les traces
du Capitaine Cook, du Pacifique Nord
au Pacifique Sud» à la galerie Flak,
ou encore «Les anciens textiles du
royaume Kuba» chez Jo de Buck. Pour sa
première participation, la toute nouvelle
galerie Nicolas Rolland présentera
Saype Statue Dogon une sélection de statues, masques
7 h 16, Vallée du Rhône Mali, XIXe siècle (ou antérieur), et éléments architecturaux des Dogon
2019, acrylique sur toile et Plexiglas, 73 x 100 cm. bois, h. 40 cm. et Bambara du Mali, des Mossi, Bobo
Galerie David Pluskwa, Marseille. Galerie Nicolas Rolland, Paris. et Lobi du Burkina Faso, et des Sénoufo
3 000 € 11 000 € de Côte d’Ivoire. A. M.

Paris • du 12 au 14 avril

Sang d’encre
> Le Salon international du livre rare et de l’objet d’art
Grand Palais • avenue Winston Churchill • 75008 Paris
www.salondulivrerare.paris • ww.salonobjetdart.expert

Premier rendez-vous mondial du patrimoine écrit avec


160 exposants, le Salon du livre rare invite le public à
partager sa passion pour les ouvrages en tous genres, telle
cette rare épreuve de Buffon-Picasso. «Non seulement sa
reliure extraordinaire est un des fleurons de l’époque, mais
aussi l’autographe et le dessin de Picasso multiplient la Buffon-Picasso
valeur de cet ouvrage déjà rare», souligne le libraire Ludovic 1942, textes de Buffon
illustrés de 31 eaux-fortes
Miran. On attend également avec impatience de voir le stand originales de Picasso, tirage
de la librairie Chrétien, qui présentera la collection de limité à 226 exemplaires,
l’imprimeur Draeger [lire aussi p. 136], et l’exposition Boris format In-4°, reliure originale
Vian proposée par Sur le fil de Paris. À ne pas manquer, de 1966 signée de Paul Bonet,
envoi autographe de
l’espace «Vrai ou faux» où des experts confronteront des Picasso accompagné d’un
objets authentiques à des copies, productions postérieures dessin original.
ou imitations modernes : diamant véritable ou de synthèse, Studio bibliographique
objet en ivoire ou en os, meuble vintage ou réédition… Ludovic Miran, Chartres.
Hyperludique ! A. M. Plus de 100 000 €

150 I Beaux Arts
VERA
MOLNAR

DEBRÉ / JACQUET

Art Paris Art Fair, du 4 au 7 avril 2019 au Grand Palais


STAND C25
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École alsacienne
109 rue Notre-Dame-des-champs
75006 Paris
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Recrute un professeur
d’art plastiques
Etablissement privé laïque sous contrat
d’association avec l’Etat, situé à Paris
6ème, recherche pour la rentrée sco-
laire 2019 :

Un enseignant du public ou du privé


sous contrat, agrégé en Arts plas-
tiques, pour le collège et le lycée.

Les Professeurs de l’enseignement pu-


blic peuvent postuler et nous recrutons
régulièrement des suppléants dans
toutes les disciplines.
07/03 - 20/04
N’hésitez pas à nous adresser vos GALERIE
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(CV, lettre de motivation et éventuel der-
BERTHET-AITTOUARÈS
nier rapport d’inspection) sur notre site 14 RUE DE SEINE PARIS
internet : http://alsa.ovh/ea-emploi www.galerie-ba.com
MARCHÉ l FOIRE

Art Brussels ouvre l’œil


En se renouvelant sans cesse, la manifestation bruxelloise a su rester attractive.
Son leitmotiv : scruter le monde contemporain et ses pratiques émergentes.

Carlos Aires
Reflections in a Golden Eye
2018, impression sur plaque d’Inox
finition or, peinture, vernis,
polycarbonate noir, aimants, vis,
édition de 3 exemplaires,
190 x 150 x 7 cm.
ADN Galería, Barcelone.
> Secteur Prime
Autour de 20 000 €
Leur esthétique singulière,
entre tradition et
contemporanéité, intègre
aussi bien de l’art baroque
que des références
publicitaires. Les œuvres
de l’Espagnol Carlos Aires
(né en 1974) jouent avec
ce qu’on peut voir, ce qu’on
ne peut pas voir et ce qui
est suggéré pour dénoncer
les dérives sociétales :
totalitarisme, religion,
exploitation ouvrière…

P
our sa 37e édition, la foire d’art contemporain est repensé en totalité par l’artiste, ou encore
Art Brussels se veut toujours plus originale la Maison de Rendez-Vous, un nouveau lieu
et dynamique. À travers ses différentes bruxellois créé à l’initiative de quatre galeries
sections, elle est force de propositions et permet internationales : LambdaLambdaLambda (Pristina),
d’observer d’un œil neuf les différents aspects d’une Lulu (Mexico), Misako & Rosen (Tokyo) et Park View/
scène internationale très prolifique. Cette année, Paul Soto (Los Angeles).
elle innove avec la section Invited «qui soutient
l’évolution du marché de l’art et encourage Vision internationale
une nouvelle génération de jeunes galeries Tandis que la section Discovery fait la part belle
internationales participant pour la première fois aux œuvres récentes (créées entre 2016 et 2019)
à Art Brussels», selon les organisateurs. Invited, d’artistes prometteurs, présentés pas des galeries
qui se limite à neuf invités, vise à mettre en lumière émergentes, Rediscovery met en exergue les
des professionnels se détachant du modèle plasticiens un peu oubliés ou sous-estimés.
traditionnel de la galerie d’art. À l’instar de Ballon QG Gallery (Bruxelles) remet à l’honneur Georg Karl
Rouge Collective, un réseau de curateurs qui, Pfahler, qui a représenté l’Allemagne à la biennale
depuis 2017, ouvre des galeries pop-up à Istanbul, de Venise en 1970. Callewaert-Vanlangendonck
> Art Brussels Londres, Los Angeles, Bruxelles, São Paulo, Paris, (Anvers) soutient l’œuvre de Guy Vandenbranden,
du 26 au 28 avril New York, et vient d’inaugurer un espace collaboratif un important constructiviste belge de l’après-guerre.
Tour & Taxis
à Bruxelles sous le nom B.R. Club. On y verra La galerie Charlot (Paris-Tel-Aviv) met en lumière,
avenue du Port 86C
Bruxelles aussi Paid by the Artist (Anvers), d’après un concept de son côté, le travail de Manfred Mohr, l’un
www.artbrussels.com de Simon Delobel, où l’espace de la galerie des pionniers marquants de l’art numérique. QQQ
152 I Beaux Arts
MARCHÉ l ART BRUSSELS

QQQ Les œuvres du Japonais Tsuyoshi Maekawa,


un promoteur du groupe Gutai, sont à voir chez Axel
Vervoordt (Wijnegem-Hong Kong), et les peintures
du Soudanais Ibrahim El-Salahi, représentant majeur
du mouvement Hurufiyya visant à créer des arts
visuels inspirés de la calligraphie arabe, sont
dévoilées à la Vigo Gallery (Londres). Pour donner
un peu de sel à la section principale Prime sont
disséminées des solo shows d’artistes, comme
des toiles abstraites de grand format de l’Américain
Ethan Cook (Patrick De Brock, Knokke-le-Zoute),
des installations surprenantes de l’Espagnol
Daniel Steegmann Mangrané (Mendes Wood DM,
Bruxelles-New York-São Paulo), ou encore des
installations vidéo sculpturales du Belge Emmanuel
Van der Auwera (Harlan Levey Projects, Bruxelles).
Histoire d’en avoir plein les yeux. A. M.

Merve Iseri Nightwalk


2017, huile et pastel sur coton noir, 120 x 120 cm.

Vu pour vous
Ballon Rouge Collective, Bruxelles. > Secteur Invited
Autour de 3 500 €
Jeune artiste de 27 ans d’origine turque installée
à Londres, Merve Iseri a développé une pratique
picturale contemplative aux lignes fluides.
Chaque œuvre possède sa propre narration,
où les éléments (un personnage, une plante,
une forme) ne sont pas hiérarchisés.

Carlos Kusnir Mama


1986, acrylique sur toile et objets, 240 x 310 cm.
Galerie Éric Dupont, Paris. > Secteur Rediscovery
Autour de 35 000 €
Admiratif depuis trente ans du travail de l’Argentin Carlos Kusnir,
le galeriste Éric Dupont a choisi de faire redécouvrir son travail «puissant, possédant
une multitude de possibilités d’interprétation. Ce visionnaire anticipe, tant avec
ses œuvres “in situ” qu’avec ses œuvres “situées”, des pratiques et des préoccupations
au sein desquelles nombre d’artistes se reconnaissent aujourd’hui».

Nyaba Léon Ouedraogo


Phantoms of Congo Rivers
2011, impression couleur,
édition de 5 exemplaires, 90 x 69 cm.
Galerie Félix Frachon, Bruxelles.
> Secteur Prime
5 000 €
Le travail du Burkinabé
Nyaba Léon Ouedraogo relève
d’une recherche aussi bien
esthétique que documentaire.
Son but est de raconter
l’histoire des sociétés
africaines et leurs mutations.
En 2011, le photographe a reçu
le prix de l’Union européenne
aux Rencontres de
la photographie de Bamako.

154 I Beaux Arts
Six siècles d’interdits
et de résistances
Thomas Schlesser

Édition
actualisée
et
augmentée

En librairie et sur www.BeauxArts.com


LE CALENDRIER DES EXPOSITIONS
ILE-DE-FRANCE Espace Fondation EDF Mémorial de la Shoah Les nabis et le décor Galeries
6, rue Récamier • 75007 17, rue Geoffroy l’Asnier Jusqu’au 30 juin
Musées & centres d’art 01 40 42 35 35 • fondation.edf.com 75004 • 01 42 77 44 72  Hors-série Beaux Arts Galerie 22,48 m2
Fabrice Hyber et Nathalie Talec memorialdelashoah.org 30, rue des Envierges• 75020
Archives nationales Jusqu’au 6 octobre Le Marché de l’art sous Musée Maillol 09 81 72 26 37
60, rue des Francs-Bourgeois  Vidéo sur BeauxArts.com l’Occupation (1940-1944) 61, rue de Grenelle 2248m2.com
75003 • 01 40 27 60 96 Jusqu’au 3 novembre 75007 • 01 42 22 59 58 Émilie Brout & Maxime Marion
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Jusqu’au 29 avril 01 42 18 56 50 11, quai de Conti • 75006 Jusqu’au 21 juillet
fondationcartier.com 01 40 46 56 66 • monnaiedeparis.fr  Hors-série Beaux Arts Galerie Almine Rech
Atelier des Lumières Jeunes artistes en Europe Thomas Schütte 64, rue de Turenne • 75003
38, rue Saint-Maur • 75011 Les métamorphoses Jusqu’au 16 juin Musée Marmottan Monet 01 45 83 71 90 • alminerech.com
01 80 98 46 00 Du 4 avril au 16 juin 2, rue Louis Boilly • 75016 Brian Calvin
atelier-lumieres.com  Vidéo sur BeauxArts.com Musée d’Archéologie 01 44 96 50 33 • marmottan.fr Jusqu’au 13 avril
Van Gogh – La nuit étoilée nationale – Château L’Orient des peintres
Jusqu’au 31 décembre Fondation Custodia de Saint-Germain-en-Laye Jusqu’au 21 juillet Galerie Ange Basso
 Hors-série Beaux Arts 121, rue de Lille • 75007 Place Charles de Gaulle • 78100 64, rue Mazarine • 75006
01 47 05 75 19 • fondationcustodia.fr 01 39 10 13 00 Musée de l’Orangerie 01 56 81 03 30
Le Bal Le musée Pouchkine musee-archeologienationale.fr Jardin des Tuileries galerie-angebasso.com
6, impasse de la Défense 500 ans de dessins de maîtres Henri II – Renaissance 75001 • 01 44 77 80 07 Urban Shapes
75018 • 01 44 70 75 50 • le-bal.fr Jusqu’au 12 mai à Saint-Germain-en-Laye musee-orangerie.fr Dans le cadre d’Art Paris Art Fair
Alex Majoli Du 31 mars au 14 juillet Franz Marc / August Macke Du 4 au 7 avril
Jusqu’au 28 avril Fondation Louis Vuitton  Vidéo sur BeauxArts.com Jusqu’au 17 juin
8, avenue du Mahatma Gandhi  Hors-série Beaux Arts Galerie Anne Barrault
Beaux-Arts de Paris 75116 • 01 40 69 96 00 Musée d’Art et d’Histoire 51, rue des Archives • 75003
14, rue Bonaparte • 75006 fondationlouisvuitton.fr du judaïsme Musée d’Orsay 09 51 70 02 43
01 47 03 50 00 • beauxartsparis.fr La collection Courtauld 71, rue du Temple • 75003 1, rue de la Légion d’Honneur galerieannebarrault.com
Léonard de Vinci Jusqu’au 17 juin 01 53 01 86 60 • mahj.org 75007 • 01 40 49 48 14 Manuela Marques
et la Renaissance italienne  Hors-série Beaux Arts Helena Rubinstein musee-orsay.fr Jusqu’au 13 avril
Jusqu’au 19 avril  Vidéo sur BeauxArts.com L’aventure de la beauté Le Talisman de Sérusier
Jusqu’au 25 août Jusqu’au 2 juin Galerie Brugier-Rigail
Centquatre Grand Palais  Hors-série Beaux Arts Le Modèle noir 40, rue Volta • 75003
5, rue Curial •75019 3, avenue du Général Eisenhower De Géricault à Matisse 01 42 77 09 00
01 53 35 50 00 • 104.fr 75008 • 01 44 13 17 17 Musée d’Art moderne Jusqu’au 21 juillet galerie-brugier-rigail.com
Circulation(s) 2019 grandpalais.fr de la Ville de Paris  Hors-série Beaux Arts Poetry in Motion – Jonone
Du 20 avril au 30 juin Rouge – Art et utopie 12-14, avenue de New York Du 9 avril au 18 mai
au pays des Soviets 75116 • 01 53 67 40 00 Musée Picasso-Paris
Jusqu’au 1er juillet mam.paris.fr 5, rue de Thorigny
Centre Culturel Irlandais Galerie Kamel Mennour
 Hors-série Beaux Arts Thomas Houseago 75003 • 01 85 56 00 36
5, rue des Irlandais•75005 47, rue Saint-André des Arts
La Lune – Du voyage réel Almost Human museepicassoparis.fr
01 58 52 10 30 75006 • 01 56 24 03 63
aux voyages imaginaires Jusqu’au 14 juillet Calder / Picasso
centreculturelirlandais.com Du 3 avril au 22 juillet Jusqu’au 25 août kamelmennour.com
Tomi Ungerer – En attendant  Hors-série Beaux Arts Musée Guimet Zao Wou-ki – Encres
Jusqu’au 5 juillet 6, place d’Iéna • 75116 Musée départemental et aquarelles (1948-2009)
Halle Saint Pierre 01 56 52 53 00 • guimet.fr de Préhistoire d’Ile-de-France Jusqu’au 13 avril
Centre photographique 2, rue Ronsard • 75018 Jean-Baptiste Huynh 48, rue Étienne Dailly
d’Ile-de-France 01 42 58 72 89 Infinis d’Asie 77140 Nemours • 01 64 78 54 80 Galerie Kamel Mennour (bis)
107, avenue de la République hallesaintpierre.org Jusqu’au 20 mai musee-prehistoire-idf.fr 6, rue du Pont de Lodi
77240 Pontault-Combault Chicago – Foyer d’art brut  Hors-série Beaux Arts Évolution 75006 • 01 56 24 03 63
01 70 05 49 80 • cpif.net Jusqu’au 2 août Fables d’Orient Jusqu’au 29 septembre kamelmennour.com
Paul Pouvreau Miniaturistes, artistes Hicham Berrada
Jusqu’au 14 avril Institut du monde arabe et aventuriers à la cour Musée du quai Branly Jusqu’au 13 avril
1, rue des Fossés Saint-Bernard de Lahore Jacques Chirac
Centre Pompidou 75005 • 01 40 51 38 38 Jusqu’au 27 mai 37, quai Branly • 75007 Galerie Karsten Greve
Place Georges Pompidou imarabe.org 01 56 61 71 72 • quaibranly.fr 5, rue Debelleyme • 75003
75004 • 01 44 78 12 33 À la plume, au pinceau, Musée Jacquemart-André Fendre l’air 01 42 77 19 37
centrepompidou.fr au crayon – Dessins 158, boulevard Haussmann Jusqu’au 7 avril galerie-karsten-greve.com
Vasarely – Le partage des formes du monde arabe 75008 • 01 45 62 11 59  Vidéo sur BeauxArts.com Loïc Le Groumellec
Jusqu’au 6 mai Jusqu’au 15 septembre musee-jacquemart-andre.com Océanie Jusqu’au 11 mai
 Hors-série Beaux Arts Foot et monde arabe Hammershøi – Le maître Jusqu’au 7 juillet
Une saison roumaine La révolution du ballon rond de la peinture danoise Anting-Anting Galerie Lelong & Co.
Jusqu’au 20 mai Du 10 avril au 21 juillet Jusqu’au 22 juillet Jusqu’au 26 mai 13, rue de Téhéran
La fabrique du vivant  Journal d’expo Beaux Arts 75008 • 01 45 63 13 19
Jusqu’au 15 avril Jeu de paume Palais de Tokyo galerielelong.com
Erika Verzutti 1, place de la Concorde • 75008 Musée Jean-Jacques Henner 13, avenue du Président Wilson Barry Flanagan
Jusqu’au 15 avril 01 47 03 12 50 • jeudepaume.org 43, avenue de Villiers 75116 • 01 81 97 35 88 Jusqu’au 11 mai
Ellsworth Kelly – Fenêtres Luigi Ghirri 75017 • 01 47 63 42 73 palaisdetokyo.com
Jusqu’au 27 mail Florence Lazar musee-henner.fr Theaster Gates – Amalgam Galerie Lelong & Co (bis)
Isidore Isou Julie Béna Roux ! De Jean-Jacques Henner Franck Scurti – More is less 38, avenue Matignon • 75008
Jusqu’au 20 mail Jusqu’au 2 juin à Sonia Rykiel Julien Creuzet 01 45 63 13 19 • galerielelong.com
Shunk-Kender Jusqu’au 20 mai Louis-Cyprien Rials Jean-Baptiste Huynh
L’art sous l’objectif (1957-1983) Maison d’art Jusqu’au 12 mai Jusqu’au 11 mai
Jusqu’au 5 août Bernard Anthonioz Musée du Louvre
16, rue Charles VII Quai du Louvre • 75008 La Terrasse Galerie Lumière des roses
Cinémathèque française 94130 Nogent-sur-Marne 01 40 20 53 17 • louvre.fr 57, boulevard de Pesaro 12-14, rue Jean-Jacques Rousseau
51, rue de Bercy • 75012 01 48 71 90 07 • maba.fnagp.fr Graver pour le roi 92000 Nanterre • 01 41 37 62 67 93100 Montreuil
01 71 19 33 33 • cinematheque.fr La vérité n’est pas la vérité Jusqu’au 20 mai parisnanterre.fr 01 48 70 02 02
Quand Fellini rêvait de Picasso Jusqu’au 20 avril Tissus liturgiques de tradition Raphaël Dallaporta lumieredesroses.com
Du 3 avril au 28 juillet byzantine de Roumanie Jusqu’au 25 mai Laure Tiberghien
 Vidéo sur BeauxArts.com Maison des Arts Du 17 avril au 29 juillet Jusqu’au 13 avril
105, avenue du 12 Février 1934 L’archéologie en bulles La Villette (Grande Halle)
CNEAI 92240 Malakoff • 01 47 35 96 94 Jusqu’au 1er juillet 211, avenue Jean Jaurès • 75019 Galerie Marian Goodman
1, rue de l’Ancien Canal maisondesarts.malakoff.fr 01 40 03 75 75 • lavillette.com 79, rue du Temple
92500 Pantin • 07 71 89 01 74 «Où est la maison de mon ami ?» Musée du Luxembourg Toutânkhamon 75003 • 01 48 04 70 52
cneai.com Un regard sur la scène 19, rue de Vaugirard Le trésor du pharaon mariangoodman.com
Geste contemporaine syrienne 75006 • 01 40 13 62 00 Jusqu’au 15 septembre Giulio Paolini
Jusqu’au 31 mars Jusqu’au 14 avril museeduluxembourg.fr  Hors-série Beaux Arts Jusqu’au 11 mai

156 I Beaux Arts
LE CALENDRIER DES EXPOSITIONS
Galerie Miranda Francesco Vezzoli LYON Musée d’Arts SÈTE
21, rue du Château d’eau Le Lacrime Dei Poeti Mac 10, rue Georges Clemenceau Crac
75010 • 01 40 38 36 53 Jusqu’au 10 juin Cité Internationale • 81, quai 44000 • 02 51 17 45 00 26, quai Aspirant Herber • 34200
galeriemiranda.com Charles de Gaulle • 69006 museedartsdenantes. 04 67 74 94 37 • crac.laregion.fr
Merry Alpern BESANÇON 04 72 69 17 17 • mac-lyon.com nantesmetropole.fr Laura Lamiel – Les yeux de W
Dirty Windows Musée des Beaux-Arts Sounding new Éloge de la sensibilité Jusqu’au 19 mai
Jusqu’au 13 avril et d’Archéologie Jusqu’au 7 juillet Jusqu’au 12 mai
1, place de la Révolution Tal Isaac Hadad Musée Paul Valéry
Galerie Perrotin 25000 • 03 81 87 80 67 Jusqu’au 28 avril NICE Rue François Desnoyer • 34200
76, rue de Turenne • 75003 mbaa.besancon.fr Villa Arson 04 99 04 76 16
01 42 16 79 79 • perrotin.com  Hors-série Beaux Arts Musée Jean Couty 20, avenue Stephen Liégeard museepaulvalery-sete.fr
Kim Chong-Hak Maîtres carrés 1, place Henri Barbusse 06100 • 04 92 07 73 73 CharlElie Couture – Passages
Jusqu’au 11 mai Marnotte et Miquel 69009 • 04 72 42 20 00 villa-arson.org Jusqu’au 28 avril
au pied du mur museejeancouty.fr Flora Moscovici
Galerie Templon Jusqu’au 14 avril Bernard Buffet & Jean Couty & Linda Sanchez TOUCY
30, rue Beaubourg • 75003 Parcours croisés Jusqu’au 26 mai Galerie de l’Ancienne Poste
0 1 42 72 14 10 • templon.com BOURGES Jusqu’au 14 avril Tainted Love Place de l’Hôtel de Ville
Abdelkader Benchamma Transpalette  Hors-série Beaux Arts Jusqu’au 26 mai 89130 • 03 86 74 33 00
Jusqu’au 11 mai 26, route de la Chapelle • 18000 galerie-ancienne-poste.com
02 48 50 38 61 • emmetrop.fr MARSEILLE REIMS Ursula Morley-Price
Galerie Templon (bis) Mucem Domaine Pommery Ann Van Hoey
Myriam Mechita
28, rue du Grenier Saint-Lazare 7, promenade Robert Laffont 5, place du Général Gouraud Jusqu’au 11 avril
Jusqu’au 6 avril
75003 • 01 85 76 55 55 13002 • 04 84 35 13 13 51100 • 03 26 61 62 63
The Residents
templon.com mucem.org vrankenpommery.com TOULOUSE
Du 21 avril au 2 juin
Anthony Caro / Jules Olitski On danse ? Expérience Pommery #14 Les Abattoirs
Jusqu’au 11 mai Jusqu’au 20 mai L’esprit souterrain 76, allées Charles de Fitte • 31300
CARCASSONNE
Musée des Beaux-Arts Jusqu’au 15 juin 05 34 51 10 60 • lesabattoirs.org
Galerie Thaddaeus Ropac METZ  Hors-série Beaux Arts Picasso et l’exil
7, rue Debelleyme • 75003 15, bd Camille Pelletan • 11000 Centre Pompidou-Metz
04 68 77 73 70 • carcassonne.org  Vidéo sur BeauxArts.com Jusqu’au 25 août
01 42 72 99 00 • ropac.net 1, parvis des Droits de l’Homme
Donald Judd Samouraï 57000 • 03 87 15 39 39
Art et symbolisme du Japon Musée Saint-Rémi TOURCOING
Du 6 avril au 15 juin centrepompidou-metz.fr 53, rue Simon Le Fresnoy
Jusqu’au 5 mai Peindre la nuit 51100 • 03 26 35 36 90 22, rue du Fresnoy • 59200
Galerie Vallois Jusqu’au 15 avril musees-reims.fr 03 20 28 38 00 • lefresnoy.net
33, rue de Seine • 75006 DOLE  Hors-série Beaux Arts
Musée des Beaux-Arts Couleurs de la Chine Le laboratoire de la nature
01 42 03 17 16 • galerie-vallois.com L’aventure de la couleur contemporaine Jusqu’au 21 avril
Group show – Ladies Only 85, rue des Arènes • 39100 Œuvres phares
03 84 79 25 85 Du 30 mars au 16 juin
Jusqu’au 12 avril du Centre Pompidou Institut du monde arabe
musees-franchecomte.com Jusqu’au 22 juillet
Tous les sexes du printemps ROANNE 9, rue Gabriel Péri • 59200
Galerie Vallois (bis) Lee Ufan Musée des Beaux-Arts et 03 28 35 04 00
36, rue de Seine • 75006 Jean Messagier (1920-1999) Habiter le temps
Jusqu’au 15 septembre d’Archéologie Joseph Déchelette ima-tourcoing.fr
01 46 34 61 07 • galerie-vallois.com Jusqu’au 30 septembre 22, rue Anatole France Photographier l’Algérie
Jacques Villeglé  Vidéo sur BeauxArts.com 42300 • 04 77 23 68 77 Jusqu’au 13 juillet
Jeune, gay et impudique ÉVREUX
Musée d’Art, d’Histoire museederoanne.fr
Jusqu’au 12 avril MONTPELLIER Muséalies #2 TOURS
et d’Archéologie Frac Occitanie Montpellier Faces, masques et portraits CCC OD
Galerie Xippas 6, rue Charles Corbeau • 27000 4-6, rue Rambaud Jusqu’au 29 juillet Jardin François Ier • 37000
108, rue Vieille du Temple 02 32 31 81 90• evreux.fr 34000 • 04 11 93 11 60 02 47 66 50 00 • cccod.fr
75004 • 01 40 27 05 55 Par quatre chemins frac-om.org ROUEN Alicja Kwade
xippas.com Autour du portrait Respirations The Resting Thought
de François Ier par Titien Musée des Beaux-Arts
Echoing Trees Patty Chang, Simone Decker, Jusqu’au 1er septembre
Jusqu’au 5 mai Esplanade Marcel Duchamp
Jusqu’au 4 mai Maïder Fortuné, Grazia Toderi 76000 • 02 35 71 28 40
Du 6 avril au 8 juin VILLENEUVE-D’ASCQ
IBOS mbarouen.fr
Le temps des collections VII LaM
RÉGIONS Le Parvis scène nationale La Panacée 1, allée du Musée • 59650
Tarbes Pyrénées Élégantes et dandys
14, rue de l’École de Pharmacie 03 20 19 68 68 • musee-lam.fr
AIX-EN-PROVENCE Route de Pau • 65420 romantiques
34000 • 04 34 88 79 79 Alberto Giacometti
Musée Granet 05 62 90 08 55 lapanacee.org Jusqu’au 19 mai
Une aventure moderne
Place Saint Jean de Malte parvis.net Cookbook’19 Jusqu’au 11 juin
13100 • 04 42 52 88 32 Rachel Labastie – Instable Jusqu’au 12 mai SAINT-PAUL-DE-VENCE
Fondation Maeght  Hors-série Beaux Arts
museegranet-aixenprovence.fr Jusqu’au 13 avril
Harry Callahan MULHOUSE 623, chemin des Gardettes
06570 • 04 93 32 81 63 VILLEURBANNE
Jusqu’au 21 juillet LANDERNEAU Kunsthalle IAC
Fonds Hélène & Édouard Leclerc 16, rue de la Fonderie fondation-maeght.com
L’esprit d’une collection 11, rue du Docteur Dolard
ALBI Les Capucins • 29800 68100 • 03 69 77 66 47 69100 • 04 78 03 47 00
Musée Toulouse-Lautrec 02 29 62 47 78 kunsthallemulhouse.com Les donations
Jusqu’au 16 juin i-ac.eu
Palais de la Berbie fonds-culturel-leclerc.fr La Brique, The Brick, Daniel Steegmann Mangrané
81000 • 05 63 49 48 70 Mitchell / Riopelle Cărămida Jusqu’au 28 avril
musee-toulouse-lautrec.com Un couple dans la démesure Jusqu’au 28 avril SAINT-PIERRE-
Alberto Giacometti, Jusqu’au 22 avril DE-VARENGEVILLE
d’après modèle Musée de l’Impression Matmut pour les arts
Jusqu’au 30 juin LENS sur étoffes 425, rue du Château
Louvre-Lens 14, rue Jean-Jacques Henner 76480 • 02 35 05 61 73
ARGENTAN 9, rue Paul Bert • 62300 68100 • 03 89 46 83 00 matmutpourlesarts.fr
Maison des dentelles 03 21 18 62 62 • louvrelens.fr musee-impression.com Françoise Pétrovitch
34, rue de la Noé Matières du temps Quand les fleurs Jusqu’au 7 avril
61200 • 02 33 67 50 78 Jusqu’au 20 mai font l’étoffe
argentan.fr Homère Jusqu’au 29 septembre SÉRIGNAN
Jolies Ornaises Jusqu’au 22 juillet Musée régional d’art
Jusqu’au 17 novembre NANTES contemporain
LES BAUX-DE-PROVENCE Château des ducs de Bretagne 146, avenue de la Plage • 34410
AVIGNON Carrières de Lumières Musée d’Histoire de Nantes 04 67 17 88 95 • mrac.laregion.fr
Collection Lambert Route de Maillane • 13520 4, place Marc Elder Lourdes Castro
5, rue Violette • 84000 04 90 49 20 02 44000 • 0 811 46 46 44 Ombres et compagnie
04 90 16 56 20 carrieres-lumieres.com chateaunantes.fr Jusqu’au 2 juin Tenez-nous informés
collectionlambert.fr Van Gogh – La nuit étoilée Charles Fréger Ulla von Brandenburg de votre actualité sur
Un art de notre temps ! Jusqu’au 5 janvier Cimarron L’hier de demain calendrier@beauxarts.com
Jusqu’au 28 mai  Hors-série Beaux Arts Jusqu’au 14 avril Jusqu’au 2 juin

158 I Beaux Arts
Claude Monet, Champ de coquelicots près de Vétheuil (détail), vers 1879,
Huile sur toile, 73 x 92 cm, Collection Emil Bührle, Zurich, Photo : © Peter Schälchli/Roland Schmidt, Zurich

#CollectionBührle
Le prochain numéro paraîtra vendredi 26 avril

BEAUX ARTS l OURS COLLECTIONS & COPYRIGHTS


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Ont également participé à ce numéro P. 52 © Renaud Monfourny. Courtesy Semiose galerie, Paris / © Rebecca Fanuele.
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Département artistique P. 54 © Gaëlle Choisne / Courtesy galerie Untilthen, Paris. © Gaëlle Choisne. Photo D.R.
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Éditions & partenariats P. 63 © Laboratoriorosso, Viterbo/Italy. P. 64 Coll. SMB Musée égyptien, Berlin / © akg-
Directrice des partenariats, directrice adjointe des éditions : Marion de Flers * (110)
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Chef de produit partenariats & éditions : Mathilde Arnau * (111) • Responsable gestion & diffusion : Arts de Lettonie, Riga / © The Latvian National Museum of Art. P. 72 Coll. Musée du
Florence Hanappe * (106) • Chef de produit diffusion : Amélie Fontaine * (104) théâtre Bakhrouchine, Moscou / © A. A. Bakhrushin State Central Theatre Museum.
P. 73 Coll. & © Musée russe, Saint-Pétersbourg. Coll. & © Musée central des forces
Marketing & diffusion armées, Moscou. P. 74 Coll. & © Moscou, galerie Tretyakov, Moscou. P. 75 Coll. MoMA,
Éditrice déléguée presse et directrice de la diffusion : Séverine Saillard * (113) New York / © Scala. P. 76-81 Photos Léa Crespi. P. 82- 83 Coll. & © National Gallery of
Art, Washington, NGA Images. P. 84 © Coll. musée d’Art et d’industrie André
Ventes au numéro Diligent-La Piscine, Roubaix / © Bridgeman Images. P. 85 Coll. musée du Louvre, Paris /
Destination Media (01 56 82 12 06) • Distribution : Presstalis © Luisa Ricciarini / Leemage. © Underwood Archives/UIG / Bridgeman Images. P. 86-87
© akg-images / Erich Lessing. P. 88 Coll. musée d’Orsay, Paris / © RMN-GP / Patrice
Abonnements & VPC Schmidt. P. 89 Coll. fondation Hahnloser/Jaeggli, Kunstmuseum, Berne / Photo Reto
Pedrini, Zurich. P. 90 Photo Charlie De Keersmaecker. P. 91 Coll. particulière / © Studio
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LA VISITE EN BD de FRANÇOIS OLISLAEGER
À Coyoacán, au sud de Mexico, se trouve un musée extraordinaire conçu par le peintre muraliste
Diego Rivera. Un temple néo-indigéniste abritant sa collection de 60 000 objets précolombiens…

Museo Anahuacalli • Museo 150 • Colonia San Pablo Tepetlapa • Coyoacán • Mexique • +52 55 5617 4310 • http://museoanahuacalli.org.mx
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