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BIOLOGIE CELLULAIRE –
VIRUS ET PARASITES
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Parmi les organites cellulaires, les systèmes nucléés. Beaucoup de protéines associées aux
bioénergétiques (mitochondrie et chloroplaste) cytosquelettes actinique et microtubulaire sont
sont l’objet d’un intérêt particulier et leur étude identifiées, mais la liste n’est sans doute pas
est abordée sous divers angles. En premier exhaustive. Ces protéines contrôlent la dyna-
lieu, en tant que composants de la cellule mique de polymérisation/dépolymérisation
eucaryote, leur rôle est analysé du point de du cytosquelette ou bien elles empruntent
vue des fonctions métaboliques, et plus large- le réseau du cytosquelette afin d’acheminer
ment de l’homéostasie cellulaire. Outre leur des cargaisons variées (organites, vésicules
rôle bioénergétique, de nouvelles fonctions de sécrétion ou d’endocytose, chromosomes
ou pathologies ont été découvertes dans la condensés lors de la mitose, ARN messagers
période récente. Il s’agit d’une part du rôle et protéines spécifiques) au sein de la cellule.
de la mitochondrie dans le déclenchement L’ensemble des moteurs moléculaires clas-
de l’apoptose (translocation du cytochrome- siques (myosines, kinésines, et dynéine) chargé
c vers le cytoplasme). D’autre part, les des mouvements intracellulaires est identifié,
processus d’oxydoréduction intervenant dans et on a des bonnes notions de leur fonction
la mitochondrie (ou le chloroplaste) génèrent cellulaire pour la plupart. Les études de pointe
des espèces réactives de l’oxygène, toxiques dans ce domaine vont des études biophysiques
impliqués dans la sénescence. Un deuxième et de la détermination des structures cristal-
centre d’intérêt considère ces organites comme lines des protéines ou des complexes purifiés,
systèmes modèles de trafic des protéines et aux études de la visualisation dynamique des
d’assemblage de complexes membranaires mouvements intracellulaires.
dont une partie est codée et synthétisée dans
l’organite, une autre partie importée à partir du Des laboratoires français ont fait des
cytoplasme. La troisième thématique s’intéresse contributions importantes dans ce domaine
au fonctionnement moléculaire des membranes notamment sur la caractérisation des
bioénergétiques : couplage des transferts d’élec- complexes de nucléation de l’actine, le rôle
trons et de protons, régulations fonctionnelles. du centrosome dans la nucléation des micro-
Les systèmes photosynthétiques (chloroplastes, tubules, la caractérisation des protéines asso-
bactéries) présentent de ce point de vue le ciées aux microtubules, et l’identification et
grand avantage offert par le déclenchement le rôle des modifications post-traductionnelles
photochimique, permettant une synchro- de la tubuline.
nisation parfaite des processus primaires. La détermination de la polarité cellulaire
Toute une gamme d’études spectroscopiques dépend du cytosquelette et elle est importante
résolues en temps est ainsi mise à profit pour la aussi bien au niveau de la cellule individuelle
compréhension à l’échelle atomique des méca- qu’au niveau du développement de l’organisme
nismes de transfert d’excitation électronique, de multicellulaire. La régulation du cytosquelette
transferts d’électrons et de protons. est également importante dans la mobi-
La connaissance du noyau a progressé. Il lité cellulaire, et dans ce cadre, les petites
est maintenant décrit comme un compartiment protéines G de la famille Rho jouent un rôle
cellulaire hautement régulé dans l’espace mais primordial. Au cours de ces dernières années,
aussi au cours du cycle cellulaire (nucléole, les voies de signalisation où ces GTPases sont
télomère). La topologie intranucléaire code une impliquées ont été largement explorées, et de
information épigénétique. nombreuses protéines activatrices situées en
amont (les facteurs d’échange) et effectrices
Notre compréhension des mécanismes situées en aval ont été caractérisées. La gamme
de nucléation des cytosquelettes actinique de fonctions cellulaires impliquant ces GTPases
et microtubulaire a bien progressé. Dans de la famille Rho s’est élargie, du contrôle du
les deux cas, la nucléation fait appel à une cytosquelette à la régulation de l’apoptose et
structure contenant des protéines apparentées de la réponse au stress. De nouvelles techno-
aux sous-unités principales des polymères logies ont été mise en œuvre comme le FRET
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cycle cellulaire, alors que l’activation de la voie de signalisation et trafic intracellulaire permet
p53 permet l’apoptose. L’inactivation des voies probablement de compartimenter certaines
pRB/p16 ou p53/p19, permet donc à la future voies et ainsi de les favoriser. Les structures
cellule cancéreuse d’échapper à la sénescence cavéolaires, des régions de la membrane
ou à l’apoptose ; l’invalidation de l’une d’entre plasmique riches en cholestérol, glycosphin-
elles, voire des deux, est constatée dans la très golipides et protéines, semblent participer à
vaste majorité des tumeurs humaines. ce phénomène en couplant endocytose et
signalisation cellulaire. L’activation spécifique
La kinase c-abl fait partie aussi des voies d’une voie de signalisation peut aussi passer
de surveillance de l’intégrité de l’ADN. Dans les par l’inactivation ciblée d’autres voies. Une
leucémies myéloïdes chroniques (LMC), une cellule est, à un moment donné, stimulée par
translocation donne lieu à l’expression d’une plusieurs signaux et doit en tenir compte pour
protéine de fusion bcr-abl, responsable de la fournir une réponse cohérente. Quels sont les
prolifération excessive des cellules myéloïdes. mécanismes qui vont permettre d’intégrer ces
Le criblage des chimiothèques a identifié un différents stimuli ? S’il est impossible d’avoir
inhibiteur de la kinase abl qui conduit à une actuellement une vision globale des méca-
rémission de la phase chronique de cette nismes mis en jeu, il semblerait néanmoins
leucémie pour 90 % des patients traités. Cet qu’une grande partie de cette intégration se fait
inhibiteur est disponible depuis 2001 pour au niveau des promoteurs et des enhancers des
traiter la LMC et il représente le premier gènes cibles. Leur activité repose sur l’action
exemple d’un médicament ciblé contre un combinée de nombreux facteurs de transcrip-
oncogène identifié sur la base des recherches tions stimulés par des voies différentes, mettant
fondamentales. Ces quelques éléments illustrent en jeu des phénomènes de coopérativité, de
en quoi la connaissance des voies de signali- synergie ou d’inhibition.
sation contrôlant la prolifération cellulaire et
l’apoptose sont essentielles pour le dévelop- La signalisation n’est pas un domaine
pement de nouvelles stratégies diagnostiques particulièrement représenté en France. Il se
et thérapeutiques contre le cancer. En plus de développe autour de quelques pôles d’excel-
son utilisation pratique pour la recherche des lence et il existe quelques très bonnes équipes
médicaments, le criblage des chimiothèques en qui produisent des travaux de premier plan
combinaison avec des tests cellulaires est une dans de nombreux domaines (biologie struc-
approche puissante permettant d’identifier des turale, neurobiologie, hématologie, transduc-
inhibiteurs spécifiques et de disséquer des voies tion des signaux hormonaux, des facteurs de
de régulation chez les cellules animales. croissance et des cytokines). La plupart d’entre
elles travaillent sur les systèmes mammifères.
En France, quelques plates-formes de Cependant, peu d’équipes utilisent la puis-
criblage de chimiothèques sont en cours d’ins- sante approche que permet la génétique grâce
tallation dans des centres de recherche publique à l’utilisation d’organismes modèles comme les
et cet effort mérite d’être soutenu. levures, le nématode, et la drosophile.
• L’intégration des voies de signalisa- • Perspectives dans le domaine de
tion au niveau cellulaire. L’ancienne vision la signalisation. Les voies de signalisation
d’un signal qui activerait une cascade unique reposent sur l’existence de jeux d’interactions
aboutissant à une réponse particulière est entre protéines qui, d’une part, ordonnent le
maintenant remise en cause. Les différentes réseau de signalisations et, d’autre part condi-
voies de signalisation semblent plutôt former tionnent les modifications chimiques à la base
un réseau intriqué de régulation. La formation de la transmission du signal. La connaissance
de complexes macromoléculaires, rapprochant de l’ensemble des interactions possibles sera
des protéines bien définies peut orienter les nécessaire à la compréhension de la signali-
cascades de signalisation. Dans le même ordre sation à l’échelle cellulaire. Répertorier ces
d’idée, le couplage physique entre protéines complexes et en déterminer les fonctions sera
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un enjeu majeur. Une carte globale des inter- sont extrêmement variées : sites de synthèse et
actions protéiques pour les génomes de verté- d’assemblage, relais ou vecteur du trafic intra
brés n’est encore guère envisageable, au vu du et inter cellulaire, usines de dégradation, sièges
nombre d’interactions à tester. En revanche, des réactions de production d’ATP (respiration
des cartes d’interactions ciblées produites et photosynthèse). À quoi il convient évidem-
par des cribles double-hybrides à haut débit, ment d’ajouter les mécanismes de propagation
l’immunopurification des complexes ou l’uti- et de transmission de l’influx nerveux.
lisation des « puces à protéines », centrées
sur des familles, des motifs, des voies ou des • Les protéines membranaires ont
modifications, devraient déjà permettre de une spécificité structurale : elles possèdent
mieux circonscrire leurs rôles et d’aborder la des domaines hydrophobes (souvent des
question de l’organisation des réseaux. Cette hélices- transmembranaires) et leur organisa-
approche nécessitera également le dévelop- tion tridimensionnelle, comme leurs modalités
pement d’outils informatiques pour l’analyse d’assemblage sont fortement conditionnées par
des résultats et la modélisation des réseaux de l’alternance de régions hydrophiles et hydro-
régulation. De nombreuses interactions, labiles, phobes. Leurs fonctions sont très diverses mais
de faible affinité ou impliquant des modifica- majoritairement dévolues aux différentes formes
tions post-traductionnelles ne pourront être de communication et de transport transmem-
étudiées hors de la cellule. Les résultats d’appro- branaire : translocation de protéines, canaux
ches globales in silico devront en outre être ioniques, transfert transmembranaire d’élec-
confrontés au vivant. La possibilité de visualiser trons et de protons, transmission de signal par
en temps réel non seulement les déplacements changement de conformation. Une autre famille
d’une protéine unique mais aussi son interac- fonctionnelle importante concerne les modifi-
tion avec d’autres partenaires et éventuellement cations topologiques des structures membra-
des changements du comportement de cette naires : reconnaissance, fusion et clivage de
protéine dans une cellule vivante après modi- vésicules impliquées notamment dans les
fications devrait être possible par l’utilisation processus d’endo et exocytose. Dans tous
de protéines fluorescentes et le développement ces processus, les interactions entre protéines
des techniques de nanovidéomicroscopie, de membranaires ou entre celles-ci et les lipides
micro ou nanospectrofluorimétrie (SPT, SMT, contrôlent nombre d’aspects structuraux et
FRET, FRAP, etc.). dynamiques essentiels : formation de super-
complexes, hétérogénéité latérale, dynamique
de la morphologie membranaire. Les objectifs
poursuivis par les chercheurs dans ce domaine
se situent sur des plans très différents selon l’état
d’avancement du système étudié : à un extrême,
on mène une recherche de type protéomique
5 – MEMBRANES ET sur tel type de membrane, dont la finalité est
PROTÉINES MEMBRANAIRES de découvrir de nouvelles protéines, puis d’en
identifier la fonction ; à l’autre extrême, on a
affaire à des complexes membranaires dont la
structure et la fonction sont connues avec un
• Les membranes (constituées de grand raffinement et qui tendent à devenir des
bicouches lipidiques associant des protéines) modèles d’étude physicochimiques.
définissent les compartimentations de la cellule,
à commencer par la cellule elle-même, permet- Les protéines membranaires sont beau-
tant d’entretenir des différences de composition, coup plus difficiles à purifier et à cristalliser
de concentrations ioniques, de potentiel élec- que les protéines hydrosolubles, en raison de
trochimique. Elles jouent donc un rôle crucial leur hydrophobicité. Elles doivent être solu-
dans l’organisation cellulaire. Les fonctions bilisées dans des micelles de détergent, ce qui
des organites et des structures membranaires rend le processus de cristallisation délicat et
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nécessite des protocoles spécifiques à chaque Cette méthodologie a été appliquée avec
protéine. Il s’agit souvent de complexes de succès, notamment à la bactériorhodopsine,
grande masse moléculaire, associant de multi- aux complexes protéine-pigments (antennes)
ples sous-unités. En outre, la purification de et au supercomplexe de la photosynthèse
quantités de matériel suffisantes pour envisager bactérienne. Une structure à 8 Å du complexe
la cristallisation est souvent problématique. Il de translocation de protéines Sec vient d’être
y a donc un « retard » considérable du nombre publiée. Les progrès des techniques de micros-
de structures de ces protéines obtenues par copie électronique (cryomicroscopie, canon à
cristallographie aux rayons X, en comparaison émission de champ, tomographie, techniques
avec les protéines solubles. Cet état de fait doit de traitement d’images) permettent également
toutefois être nuancé de façon très significative d’obtenir d’importantes informations structu-
pour les raisons suivantes : rales sur des systèmes non cristallins, là encore
au prix d’une moindre résolution, mais avec
Tout d’abord, on a vu au cours des dix l’avantage de pouvoir traiter des arrangements
dernières années paraître les structures de multimoléculaires dans leur environnement
bon nombre de protéines membranaires de membranaire physiologique.
première importance. C’est le cas notamment
pour la plupart des complexes majeurs de la Enfin, il faut souligner que dans le cas au
bioénergétique. La première structure à réso- moins de la photosynthèse, les études fonction-
lution atomique d’un centre réactionnel bacté- nelles et spectroscopiques ont souvent fourni
rien date d’une vingtaine d’années (prix Nobel des informations structurales très précises
de Michel, Huber et Deisenhofer), suivie quel- (distances, orientations de cofacteurs, existence
ques années plus tard de celle d’un autre centre de supercomplexes) avant leur confirmation
réactionnel par une équipe française. Outre par les méthodes structurales. Il est égale-
de nombreux centres réactionnels bactériens ment vrai que la résolution des structures a
modifiés par mutagenèse dirigée, il faut main- toujours apporté des informations inattendues
tenant ajouter les centres de types I et II de la de première importance (quasi-symétrie des
photosynthèse oxygénique (chez Witt à Berlin), centres réactionnels, mobilité de la protéine
le complexe bc1 (deux équipes américaines), de Rieske du bc1, par exemple). Dans ce
la cytochrome-c oxydase (Michel à Francfort), domaine comme dans d’autres, c’est la synergie
la partie principalement non membranaire des diverses approches (études fonctionnelles
(F1) de l’ATP-synthase mitochondriale (Walker et spectroscopiques, approches biochimiques,
à Cambridge), mais aussi, récemment, le dodé- mutagenèse dirigée, cristallisation -2 et -3D) qui
camaire membranaire qui constitue le rotor a permis des progrès souvent spectaculaires.
du moteur à protons F0. Parmi les structures
récentes de protéines membranaires, mention- Au total, on peut dire qu’en dépit des
nons aussi la bactériorhodopsine, le canal faci- difficultés spécifiques aux protéines membra-
litateur du glycérol, l’aquaporine, et surtout le naires, c’est parmi elles que l’on trouve certains
canal à potassium (Ca2+ dépendant) dont la des objets complexes les mieux compris
structure (MacKinnon) permet d’élucider le de la biologie (centres réactionnels photo-
mécanisme d’ouverture et la sélectivité. synthétiques, bactériorhodopsine, cytochrome
oxydase) ou en passe de le devenir (canal K+,
La cristallisation 3-D des protéines ATP-ase, complexes bc1 ou b6-f).
membranaires est difficile, cependant ces
protéines présentent l’avantage spécifique Plutôt que de tenter d’énumérer les
de se prêter souvent à une cristallisation 2-D grandes avancées de la période récente, on
dans une membrane native ou artificielle. Ce peut évoquer un cas paradigmatique qui est
type de réseaux est analysé en microscopie celui de l’ATP-synthase. Dans les années 70,
électronique et permet de résoudre la structure Mitchell (Nobel 1978) élabore le concept
tridimensionnelle (à une résolution toutefois de couplage chimiosmotique postulant que
inférieure à celle de la cristallographie X). l’enzyme responsable de la synthèse d’ATP
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dans les mitochondries et les chloroplastes français a créé et maintient de façon active
utilise comme force motrice la différence de diverses structures permettant circulation de
potentiel électrochimique transmembranaire l’information et collaborations.
des protons. De délicats et subtils travaux
d’enzymologie fonctionnelle (notamment • Perspectives dans le domaine des
ceux de Boyer, Nobel 1997) viennent ensuite Membranes et protéines membranaires.
conforter peu à peu cette hypothèse et Nous avons souligné les difficultés spécifiques
aboutissent au modèle d’un moteur rotatif aux protéines membranaires – et aussi le bond
mu par le gradient de protons et induisant en avant que permet la résolution de la struc-
les déformations structurales qui apportent ture quand elle aboutit. Le caractère long et
l’énergie libre nécessaire à la synthèse d’ATP. aléatoire quant aux chances de succès (avec
La partie catalytique de la protéine, le « stator » ce que cela implique comme déficit de publi-
incluant son « rotor », est cristallisée et sa struc- cations) de la recherche dans ce domaine est
ture à résolution atomique publiée en 1994 probablement à l’origine du relatif retard des
(Walker, Nobel 1997), confirmant ce modèle. États-Unis et de la bonne place de l’Europe
C’est maintenant aussi le cas d’une partie (Allemagne et GB), sans que la France ait su
du moteur à protons membranaire. Enfin, tirer profit de l’avantage potentiel que son
par diverses méthodes combinant biochimie système de recherche pouvait représenter
et mutagenèse dirigée, l’observation de la dans une telle conjoncture. Il convient donc
rotation du moteur sur molécule unique en de remédier à ce retard en favorisant la cons-
vidéomicroscopie a été réalisée depuis 1997 titution d’équipes multidisciplinaires (asso-
(équipes de Kinosita au Japon et de Junge ciant biochimistes, biologistes moléculaires,
en Allemagne). On est donc passé en une physico-chimistes, cristallographes), dotés de
vingtaine d’années d’une série d’hypothèses moyens suffisants. Une démarche essentielle
audacieuses et vivement controversées à un pour l’avenir est de favoriser les innovations
objet nanotechnologique (un double moteur méthodologiques dans ce domaine, aussi bien
mécanico-chimique parfaitement couplé) dans les techniques de cristallisation (Voir les
connu à la résolution atomique et observable programmes actuellement développés par le
à l’échelle du complexe individuel. GDR « Protéines Membranaires ») que dans
l’acquisition des structures (techniques moins
destructives, informations dynamiques). À cet
La place de la recherche française dans ce égard, le potentiel que représente Soleil devra
domaine est mieux qu’honorable, parfois très jouer un rôle important. À côté de la cristal-
bonne, mais elle n’a généralement pas su se lographie-X, il faut développer d’autres tech-
hisser au tout premier plan. Les meilleurs labo- niques moins résolutives mais donnant accès
ratoires de structure de protéines membranaires à des informations dans la membrane native,
sont allemands ou britanniques. On note toute- concernant des associations multimoléculaires
fois un effort méthodologique important de la et leur dynamique : microscopie électronique,
part d’équipes françaises sur les techniques de microscopies à champ proche.
cristallisation de protéines membranaires, qui
devrait faire évoluer cette situation. Une équipe Certaines protéines membranaires effectuant
française est également en pointe dans une des fonctions particulièrement complexes, sont
approche de biochimie structurale sur l’ATPase. devenues, nous l’avons dit, des objets parmi les
Nous avons quelques très bonnes équipes en mieux connus de la biologie. Cela ne signifie
microscopie électronique. Un autre point fort nullement que leur étude est achevée, mais que
concerne les études fonctionnelles, cinétiques l’on dispose à la fois de la structure à résolution
et spectroscopiques en photosynthèse ou sur les atomique, des modifications permises par la
oxydases. Notre place est également très bonne mutagenèse dirigée, et d’une masse de données
sur les problèmes d’assemblage de protéines et de connaissances techniques permettant
membranaires et de translocation de protéines. l’étude détaillée de leur fonctionnement. Ces
La communauté des « membranologistes » objets deviennent de véritables « laboratoires »
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l’infection virale, ou encore pour l’évaluation une place plus qu’honorable au plan interna-
de la contribution de l’expression de gènes tional, les recherches dans ce domaine restent
viraux dans la carcinogenèse. Enfin, l’évalua- largement dominées par la virologie médicale.
tion de nouveaux antiviraux ciblant notamment En revanche, d’autres modèles viraux d’impor-
les étapes de l’entrée virale et l’analyse des tance en santé publique ou vétérinaire (virus
mécanismes de résistance ont fait l’objet de respiratoires, virus entériques, arbovirus) sont
nombreuses études. De nombreux travaux ont aujourd’hui peu ou pas étudiés sur le plan
également été consacrés au développement des fondamental même si quelques bonnes équipes
vecteurs viraux et à l’évaluation de leurs appli- peuvent être identifiées.
cations, pour la thérapie génique (rétrovirus,
lentivirus, adénovirus, AAV), en s’attachant
particulièrement à leur ciblage cellulaire, pour
la thérapie anti-tumorale, ou encore dans le
domaine de la vaccinologie. Ces recherches
ont été largement menées à la fois par des 7 – LES PARASITES
structures académiques et par des sociétés de
biotechnologies. On peut toutefois noter le
désengagement relatif de l’industrie pharma-
Bien qu’il n’existe pas de définition satis-
ceutique dans la mise au point de nouveaux
faisante du parasitisme, classiquement on le
vaccins, jugés peu rentables.
définit comme une relation écologique entre
deux organismes eucaryotes, le parasite et
En France, suite à la découverte des son hôte, le parasite étant physiologiquement
oncogènes, à la priorité donnée au SIDA et plus ou métaboliquement dépendant de l’hôte.
récemment aux prions, la virologie s’est progres- Le parasitisme constitue le moyen de vie le
sivement appauvrie. Le déplacement des moyens plus répandu, ainsi plus de 50 % des espèces
vers ces thématiques prioritaires ainsi que vers animales sont des parasites et beaucoup
des recherches finalisées (vectorologie, thérapie d’entre eux affectent la santé des individus et
génique) s’est traduite par un appauvrissement des animaux domestiques. La parasitologie est
de la diversité des modèles viraux étudiés et la l’étude du parasitisme, c’est-à-dire de la biologie
disparition de compétences. Ainsi, la virologie des parasites eux-mêmes, des modes d’infec-
française est aujourd’hui dominée par le VIH tion de leurs hôtes et des interactions durables
et des contributions significatives ont été faites qu’ils y établissent mais aussi des pathologies
par des laboratoires français dans ce domaine. qui y sont associées. Il s’agit d’une discipline
On note également d’excellentes contributions transversale qui intéresse des domaines aussi
dans le domaine de la rétrovirologie, et des divers que l’évolution, la taxonomie, la biologie
rétrotransposons. La France occupe également moléculaire, la biologie cellulaire, l’immuno-
une place honorable dans le domaine de la logie, l’écologie, la physiopathologie, l’épidé-
vectorologie. En dépit de quelques très bonnes miologie et la pharmaco-chimie.
équipes dans le domaine du VHC (Virus de
l’Hépatite C), la France ne se situe pas au Pendant de très nombreuses années, la
tout premier plan dans ce domaine. La mise recherche en parasitologie est restée confinée
en place du réseau « hépatites » dans le cadre à l’étude de la morphologie des parasites et de
du Programme de Recherche Fondamentale leurs hôtes, des modalités de leur cycle biolo-
en Microbiologie et Maladies Infectieuses et gique et à des recherches biocliniques. Depuis
Parasitaires (PRFMMIP) devrait faire évoluer une quinzaine d’années, avec l’apparition de
cette situation. Des contributions importantes la parasitologie « moléculaire » et de manière
ont également été réalisées par des équipes concomitante, l’immunologie « vaccinale » anti-
françaises dans le domaine de la virologie parasitaire, cette discipline a connu un véritable
structurale. Alors que plusieurs équipes du essor. Cette ouverture lui a permis de dégager
CNRS s’intéressent aux herpesvirus, et occupent très rapidement des concepts nouveaux et
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fondamentaux tant pour la discipline elle- importantes ont été faites ces toutes dernières
même que pour la biologie en général. années, concernant la biogenèse d’organites
Ainsi, il convient de rappeler que l’étude des sécrétoires uniques chez les parasites apicom-
trypanosomes a conduit à la découverte de plexes et leur rôle dans l’invasion de la
l’ancrage GPI des protéines membranaires et cellule-hôte et dans la formation de la vacuole
l’édition de l’ARN mitochondrial. De même, parasitophore ainsi que la mise en évidence de
que le concept de la polarité TH1/TH2 de la facteurs de virulence parasitaires.
réponse immune, est issu des recherches sur
la leishmaniose murine. Sur le plan de l’évo- Une dizaine de laboratoires rattachés à la
lution, la découverte de groupes de parasites commission 24 travaille dans le domaine de la
amitochondriaux tels que les microsporidies parasitologie. L’essentiel de leurs activités porte
(responsables de pathologies associées au sur des parasites pathogènes : les protozoaires
SIDA) ou les diplomonadines (dont le repré- Apicomplexes (Plasmodium, Toxoplasma gondii),
sentant le plus connu est Giardia lamblia, les Kinetoplastidae (Trypanosoma, Leishmania),
parasite humain responsable de diarrhées) les microsporidies et enfin le trématode
constitue un exemple solide d’une évolution Schistosoma. Quelques chercheurs sont impliqués
par simplification. Enfin, un autre exemple dans l’étude des insectes vecteurs tels que l’ano-
est la découverte de l’apicoplaste, un organite phèle pour le paludisme. Les approches sont multi-
comportant un petit génome extranucléaire ples, la plupart des groupes font à l’heure actuelle
de 35 kb entouré de quatre membranes qui appel à la génomique fonctionnelle (génétique
est retrouvé chez les Apicomplexa, phylum réverse, biologie cellulaire, biochimie etc.) et aux
qui regroupe de nombreux protozoaires para- outils post-génomiques (transcriptome, protéome),
sites dont les représentants les plus connus d’autres sont plus impliqués dans l’étude des rela-
sont Plasmodium (l’agent du paludisme) tions hôte-parasite (mécanismes de défense) ou
et Toxoplasma gondii (responsable de la dans des problèmes de biodiversité.
toxoplasmose congénitale et d’encéphalites Ces dernières années, les unités du CNRS
mortelles chez les patients immunodéprimés). ont fait des contributions importantes dans
Ce plaste dont l’ADN l’apparente clairement à divers domaines de la parasitologie. Elles ont
celui du chloroplaste, offre une possibilité de notamment participé à l’étude des :
ciblage thérapeutique par des inhibiteurs du
chloroplaste (« herbicides »). – génomes parasitaires : avec une contri-
bution française pour le séquençage et l’anno-
L’utilisation de nombreuses souris homo- tation du génome complet des microsporidies
zygotes pour des mutations affectant des gènes (le plus petit génome eucaryote décrit à ce
du système immunitaire a permis des avancées jour, d’environ 2,9 Mb). On peut aussi citer,
importantes dans l’étude de la réponse immune une participation à l’annotation du génome de
de l’hôte contre le parasite, des mécanismes T. brucei et au séquençage et l’annotation du
d’échappement/d’adaptation du parasite chez génome de l’anophèle ainsi que des travaux
son hôte et des processus physiopathologique. sur le caryotype de leishmanies et l’analyse du
polymorphisme des parasites ;
Enfin, récemment, le développement
des outils de manipulation génique et la mise – mécanismes d’invasion/adaptation et
en place de programme de séquençage des évasion des parasites : avec la découverte des
génomes chez un certain nombre de para- gènes var impliqués dans la variation antigénique
sites modèles (Trypanosomes, Leishmanies, de Plasmodium et la cythoadhérence des cellules
Toxoplasmes, Plasmodies, Amibes) ont révolu- parasitées, des avancées significatives dans les
tionné la discipline. Ces outils ont permis l’émer- mécanismes de motilité, d’adhérence et d’inva-
gence de la parasitologie « cellulaire » qui vise sion cellulaire de Toxoplasma gondii, la décou-
à comprendre le fonctionnement de la cellule verte d’un locus de susceptibilité à l’infection
parasitaire et ses interactions avec son hôte. toxoplasmique ainsi que celle du rôle de l’IL7 de
C’est ainsi que par exemple, des contributions l’hôte dans le développement de Schistosoma ;
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