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THÉORIE DE

L’ASSURANCE-VIE
Partie 4 : Tarification en assurance-vie

Emmanuelle Scheid

emmanuelle.scheid@acpr.banque-france.fr

Université Paris-Dauphine
Master 2 Actuariat
Partie 4 : Tarification en assurance-vie

1. Introduction
A. Généralités
B. Contraintes de tarification
C. Primes uniques et primes périodiques

2. Prime pure
3. Prime commerciale
A. Généralités
B. Les différents chargements
C. Cas de la prime unique commerciale

4. Réglementation
5. Application : tarification d'une garantie mixte

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1. Introduction

A. Généralités

Rappel : l’opération d’assurance


Opération par laquelle un assureur s’engage à exécuter une prestation au profit d’un
bénéficiaire, en cas de réalisation d’un risque, en contrepartie du paiement d’une prime.

La tarification consiste à déterminer le niveau de la prime demandée au souscripteur.


On a la décomposition suivante :

Prime commerciale = prime pure + chargements

coût du risque seul coûts de gestion

Cette prime doit être suffisante (en raison de l’inversion du cycle de production, l’assureur
fixe son prix de vente avant de connaître le prix de revient du produit).

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1. Introduction

En toute généralité, l’opération correspond à deux séquences de flux aléatoires :


• Le paiement des primes, lorsque la condition est vérifiée ;
• Le versement des prestations, lorsque la condition est vérifiée.

Remarque : le contrat d’assurance a nécessairement une durée maximale (notée ).

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1. Introduction

B. Contraintes de tarification

Plusieurs contraintes pèsent sur la tarification.


• La loi de l’offre et de la demande (concurrence avec d’autres acteurs) => pèse à la
baisse sur les tarifs ;
• La réglementation (tarif fixé à la souscription, paramètres de calcul imposés) =>
instaure des marges de prudence.

L’assureur doit pouvoir faire face à ses engagements (et donc proposer un tarif
« suffisant ») tout en étant compétitif.

Remarques :
• À garantie égale, le coût du risque est très proche d’un organisme à l’autre.
• Les marges de prudence imposées par la réglementation augmentent le tarif a priori,
mais certains mécanismes (participation aux bénéfices) permettent de restituer a
posteriori ces marges aux assurés.

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1. Introduction

C. Primes uniques et primes périodiques

La prime peut être payée par le souscripteur :


• En une seule fois (prime unique)

• De manière périodique (prime périodique annuelle, dite fractionnée si la périodicité


est semestrielle, trimestrielle ou mensuelle)

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1. Introduction

NOTATIONS

• Π les primes pures uniques (respectivement Π′′ les primes commerciales uniques) ;

• P les primes pures annuelles (respectivement P′′ les primes commerciales annuelles) ;

• P le cumul des primes pures fractionnées – payables par è


tous les è

d’année (respectivement P ).

Les primes périodiques sont généralement constantes sur la durée du contrat (atout
commercial) et sont alors qualifiées de primes nivelées.

• Avantage commercial et psychologique ;

• Imposent la constitution de provisions mathématiques.

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1. Introduction

On suppose que la prime est payable annuellement tant que l’assuré est dans l’état .

Par exemple lorsque « = | », on considère que la prime est payable pendant


années, tant que l’assuré est en vie.

Alors :
Π = P.

Pour des primes fractionnées :


P . =P .

Si on pose = = , on trouve les approximations suivantes :


= 1,02 ; ' = 1,03 ; ) = 1,04 .

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2. Prime pure

Définition :
La prime pure est la partie de la prime qui permet de faire face aux prestations dans
l’hypothèse d’un coût de gestion nul. Elle reflète le coût du risque pur pour l’assureur.

Le calcul de la prime pure repose sur les principes et concepts énoncés dans les parties
précédentes : les principes d’équivalence financière, de l’espérance mathématique
(mutualisation) et le concept de valeur actuelle probable.

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2. Prime pure

Le principe d’équivalence financière repose sur le fait que l’assureur va placer les primes
jusqu’au versement des prestations.

Ces investissements sont effectués sur des supports diversifiés qui ont des taux de
rendement variables.

Hypothèse sur le taux d’actualisation (taux d’intérêt technique) :


Les investissements effectués ont un taux de rendement identique fixe.
+.

Ce taux doit être choisi avec prudence : il est préférable de constater qu’on a été trop
prudent dans les tarifs, et de rétrocéder une partie des marges de prudence aux assurés que
de constater une insuffisance de tarif.

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2. Prime pure

On pose le principe général suivant pour la tarification :

Principe général : résultat nul au terme du contrat


L’espérance mathématique du résultat au terme du contrat est nulle, sous l’hypothèse
d’un rendement constant des placements, et si le souscripteur ne met pas fin au contrat
de manière prématurée.

Conséquence :

Contrainte de tarification
Sous l’hypothèse que le souscripteur ne mettra pas fin de manière prématurée au contrat,
les primes pures sont telles que leur VAP soit égale, à la date de souscription, à la VAP
des prestations de l’assureur. Autrement dit :
à , = 0, -./ 01+234 05134 63 7 4451é = -./ 0134, ,+9 4 63 7 4451351

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2. Prime pure

Sauf que… l’article L. 132-20 du Code des assurances stipule que :

« En assurance sur la vie, l’assureur n’a pas d’action pour exiger le paiement des primes ».

Le souscripteur peut donc mettre fin au contrat quand il le souhaite.

On modifie la contrainte précédente en conséquence.

Contrainte de tarification
La VAP des primes à verser jusqu’à une époque quelconque est supérieure ou égale à la
VAP des prestations de l’assureur jusqu’à la même époque. Autrement dit :
pour tout , ≥ 0, -./ 01+234 05134 63 7 4451é ≥ -./ 0134, ,+9 4 63 7 4451351

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3. Prime commerciale

A. Généralités

Le calcul de la prime pure n’intègre ni les coûts de commercialisation, ni les coûts de


gestion. Cette prime pure est donc majorée de chargements par l’assureur.

• Coût du risque = prime pure ;

• Prime pure + chargements de gestion = prime d’inventaire ;

• Prime d’inventaire + chargements d’acquisition = prime commerciale.

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3. Prime commerciale

B. Les différents chargements

Commercialisation, commissions, préparation des


Frais d’acquisition
dossiers, etc.

Encaissement des primes et comptabilisation, relation


Frais de gestion des contrats
client, etc.

Frais de gestion financière Paiement des sinistres, gestion des contentieux, etc.

Frais généraux Direction générale, comptabilité générale, etc.

L’assureur doit donc adopter une structure de chargement qui reflète au mieux la structure
des frais (fixes, proportionnels, viagers, etc.).

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3. Prime commerciale

On retient la structure suivante :

Frais d’acquisition Frais fixes , versés par l’assureur au début du contrat

Frais d’encaissement des primes


Frais variables ;Π′′
commerciales
Une proportion <) pour la gestion des primes
(quittance, appel des primes) ; dure tant que les primes
Frais de gestion annuels1 sont versées.
Une proportion < pour les autres frais annuels ;
dure tant que le contrat existe.

Proportionnels aux prestations, au taux 1. À la


Frais de règlement des
souscription, la VAP des prestations étant égale à la
prestations
prime pure, les frais s’écrivent 1Π.

1 Souvent exprimés en pourcentage du capital pour les contrats temporaires décès ou les capitaux
différés, ou en pourcentage d’un arrérage pour une rente.
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3. Prime commerciale

C. Cas de la prime unique commerciale

La prime est unique : il n’y aura pas de versements de primes annuelles susceptibles de
dépendre de l’état viager de l’assuré.

Prime commerciale unique = prime pure unique + frais d’acquisition + frais d’encaissement
des primes (tant que les primes sont payées) + autres frais de gestion (tant que le contrat
existe) + frais de règlement des prestations

= =Π+ + ;Π + < ? + 1Π

Finalement :
Π 1+1 + +< ?
Π =
1−;

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3. Prime commerciale

G fait référence à la condition du maintien de la garantie. Par exemple :

• Pour un contrat vie entière, ? = . Les frais < correspondent en effet à une
certaine somme versée chaque année tant que l’assuré est en vie, ce qui est la
définition d’un contrat de vie entière.

• Pour une temporaire décès de années, on aura ? =| .

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3. Prime commerciale

D. Cas de la prime annuelle commerciale payée d’avance

Par définition de la prime fractionnée :


Π = P.

Prime commerciale annuelle = prime pure annuelle + frais d’acquisition + frais


d’encaissement des primes (tant que les primes sont payées) + frais de gestion des primes
(tant que les primes sont payées) + autres frais de gestion (tant que le contrat existe) + frais
de règlement des prestations

Soit : A . BC = / + + ;/ + <) +< ? + 1/

Finalement :
?
/ 1 + 1 + <) + < +
/ =
1−;

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3. Prime commerciale

Attention !
En passant d’une prime unique à une prime annuelle, les frais ont une structure
différente. La relation sur les primes pures Π = P. n’est plus vraie pour les primes
commerciales. En particulier, on n’a pas =′′ = A′′. BC .

Π −P =Π+ +< ? + ;Π + rΠ − P + + <) +< ? + ;P + 1P


⇔Π −P = <) + αΠ − ;P
⇔ 1−α Π −P = <)
<)
⇔Π −P =
1−α

La différence est liée aux frais proportionnels à <) qui n’existent que quand la prime est
annuelle.

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3. Prime commerciale

Le regroupement du chargement d’acquisition et du chargement d’encaissement en un seul


élément proportionnel à la prime commerciale (GΠ ou GP ) conduit à modifier les formules
générales données précédemment sous la forme :

Prime unique :

Π 1+1 +< ?
Π =
1−G

Prime annuelle :

?
/ 1 + 1 + <) + <
/ =
1−G

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4. Réglementation

• La tarification est une étape cruciale pour la solvabilité des entreprises d’assurance.
C’est pourquoi l’État a été amené à fixer des règles précises pour le calcul des primes.

• Dans la réglementation française, seuls trois éléments peuvent être utilisés pour le
calcul des tarifs : un taux technique, une table de mortalité, et des chargements.

• Les aspects techniques de la tarification (taux technique, table de mortalité) sont


clairement encadrés par la réglementation française.

• En revanche, la réglementation française n’impose aucune contrainte directe sur le


niveau des chargements.

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4. Réglementation

• La réglementation impose des marges de prudence de manière implicite (taux


technique prudent et tables de mortalités prudentes). Cf. articles A. 132-1 et A. 335-1
du Code des assurances.

• Un dispositif de participation des assurés aux bénéfices oblige les assureurs à restituer
a posteriori les marges de prudence imposées a priori lorsqu’on a constaté qu’elles
étaient excessives.

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4. Réglementation

Article A. 335-1 : tarifs en assurance-vie

« Les tarifs pratiqués par les entreprises d’assurance sur la vie et de capitalisation comprennent la
rémunération de l’entreprise et sont établis d’après les éléments suivants :

1° Un taux d’intérêt technique fixé dans les conditions prévues à l’article A. 132-1.

2° Une des tables suivantes :


a) Tables homologuées par arrêté du ministre de l’économie et des finances, établies par sexe, sur la
base de populations d’assurés pour les contrats de rente viagère, et sur la base de données publiées
par l’Institut national de la statistique et des études économiques pour les autres contrats ;
b) Tables établies ou non par sexe par l’entreprise d’assurance et certifiées par un actuaire
indépendant de cette entreprise, agréé à cet effet par l’une des associations d’actuaires reconnues par
l’autorité mentionnée à l’article L. 310-12. »

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4. Réglementation

Article A. 132-1 : taux technique plafond

« Les tarifs pratiqués par les entreprises pratiquant des opérations mentionnées au 1° de l’article
L 310-1, […] doivent être établis d’après un taux au plus égal à 75 % du taux moyen des
emprunts de l’État français calculé sur une base semestrielle sans pouvoir dépasser, au-delà
de huit ans, le plus bas des deux taux suivants : 3,5 % ou 60 % du taux moyen indiqué ci-
dessus.
Pour les contrats à primes périodiques ou à capital variable, quelle que soit leur durée, ce taux ne
peut excéder le plus bas des deux taux suivants : 3,5 % ou 60 % du taux moyen indiqué ci-dessus.
[…] »

Avant 8 ans + ≤ 75 % LM
Contrats à primes uniques
Après 8 ans + ≤ min 60 % LM; 3,5 %

Contrats à primes périodiques ou à capital variable R ≤ STU VW % XYZ; [, \ %


NB : pour calcul du TME, cf. article A. 132-1-1 du Code des assurances

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4. Réglementation

Un taux minimum peut être garanti (TMG) : dans ce cas, l’entreprise garantit une
participation aux bénéfices minimum en plus des intérêts techniques.

Article A. 132-2 : taux minimum garanti

« Les entreprises pratiquant des opérations mentionnées au 1° de l’article L. 310-1 peuvent, dans les
conditions fixées à l’article A. 132-3, garantir dans leurs contrats un montant total d’intérêts
techniques et de participations aux bénéfices qui, rapporté à la fraction des provisions mathématiques
desdits contrats sur laquelle prend effet la garantie, ne sera pas inférieur à des taux minima
garantis. »

=> L’assureur est légalement contraint de verser un minimum de participation fixé par la
réglementation.
=> Les TMG sont exprimés sur une base annuelle et sont fixés sur une durée continue égale
au moins égale à 6 mois et au plus à la période séparant la date d’effet de la garantie de la
fin de l’exercice suivant.

Attention à ne pas confondre taux technique et TMG.

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5. Application : tarification d’une garantie mixte

Données du contrat

• Moyennant le paiement à terme anticipé de 0 primes annuelles, l’assureur s’engage à


verser à , = ( ≥ 0), un capital ] si l’assuré est toujours en vie.
• Si l’assuré décède entre , = 0 et , = , le même capital ] est versé à ses ayants droits à
l’époque du décès.
• On considère par ailleurs que l’assureur verse chaque année les sommes suivantes :
- G/′′ au titre des frais commerciaux dont G − ; /′′ pour les frais d’acquisition et
;/′′ pour les frais d’encaissement ;
- <) ] par année de paiement des primes (quittancement, etc.) ;
- < ] par année de durée du contrat (frais informatique, etc.).

Remarque : Par rapport au cas général, on a posé : + ;/ = G/′′

Déterminer la prime pure annuelle, la prime annuelle d’inventaire et la prime annuelle


commerciale.

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5. Application : tarification d’une garantie mixte

Calcul de la prime annuelle pure

• Engagement de l’assuré : versement de 0 primes, de VAP

|^ × /
/ = 01+23 53773 0513

• Engagements de l’assureur :
- En cas de vie : M ] ;
- En cas de décès : | . ].

• Pour déterminer la prime annuelle pure :


-./ 3 < <323 ,4 63 7 4451é = -./ 3 < <323 ,4 63 7 4451351
1
/= ` M +| . a]
|^

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5. Application : tarification d’une garantie mixte

Calcul de la prime annuelle d’inventaire

• Prime d’inventaire = prime pure + chargements de gestion

• Engagement de l’assuré avec chargements de gestion :

|^ × /′
/′ = 01+23 53773 6′+ b3 , +13

• Engagements de l’assureur avec chargements commerciaux :


- Engagements mentionnés lors du calcul de / : ` M +| . a] ;
- Engagements correspondant aux frais d’encaissement des primes ;

|^ × ; /′
- Engagements correspondant aux frais de gestion liés au paiement des primes ;

|^ × <) ]
- Engagements correspondant aux autres frais de gestion ;

| × < ].

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5. Application : tarification d’une garantie mixte

• Pour déterminer la prime annuelle d’inventaire :

-./ 3 < <323 ,4 63 7 4451é = -./ 3 < <323 ,4 63 7 4451351

|^ × / = ` M +| . a] + |^ × ; / + |^ × <) ] + | ×< ]

|^ × / = ` M + | . + |^ × <) + | × < a] + |^ × ; /

|^ × / − |^ × ; / = ` M + | . + |^ × <) + | × < a]

|^ 1−; / =` M + | . + |^ × <) + | × < a]

1
/ = ` M + | . + |^ × <) + | × < a]
1−; |^

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5. Application : tarification d’une garantie mixte

Calcul de la prime annuelle commerciale

• Prime commerciale = prime d’inventaire + chargements d’acquisition

• Engagement de l’assuré avec chargements commerciaux (gestion + acquisition) :

|^ × /′′
/′′ = 01+23 53773 c92231c+ 73

• Engagements de l’assureur avec chargements commerciaux :

- Engagements mentionnés lors du calcul de / : ` M + | . a] ;


- Engagements correspondant aux frais commerciaux ;

|^ × G /′′
- Engagements correspondant aux frais de gestion liés au paiement des primes ;

|^ × <) ]
- Engagements correspondant aux autres frais de gestion ;

| × < ].

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5. Application : tarification d’une garantie mixte

=> Même calcul que pour la prime annuelle d’inventaire, avec G = ; et / = /′′.

=>
1
/ = ` M + | . + |^ × <) + | × < a]
1−G |^

=> Sous ces hypothèses, l’égalité ci-dessous est vérifiée :

1−G
/ = /′′
1−;

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