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Introduction
D ans la plupart des pays dans le monde les petites et moyennes entreprises
(PME) représentent l’essentiel du tissu économique (Ferrier, 2002 ; European
Commission, 2009) et constituent à ce titre le principal vivier d’emplois
1
2002 ; Torrès, 2003 ; Kamdem et al, 2011 ; Frimousse, 2012). Ainsi, les pratiques de
GRH en PME sont hétérogènes (Louart et Vilette, 2010), et peuvent être à la fois
informelles et formalisées (Fabi et Lacoursière, 2008 ; Barrett et Burgess, 2008 ;
Tidjani et Kamdem, 2010 ; Messeghem et Pierson, 2010). Cette controverse trouve un
champ d’application fertilisant en Afrique parce que ce contexte est marqué par une
dualité culturelle à savoir : l’importation des techniques et outils développés en
contexte occidental mais pas toujours pertinents dans les entreprises africaines et
l’importance des relations sociales dans la gestion des ressources humaines
(Kamoche, 2000 ; Morangi Nyambegera 2002 ; Tidjani et Kamdem, 2010 ; Frimousse,
2012, Apitsa, 2013). Etant donné qu’en Afrique les individus sont souvent métis
(Tidjani et Kamdem, 2010 ; Frimousse, 2012, Apitsa, 2013), du fait d’un double
héritage culturel - la culture occidentale imposée par la colonisation et la culture
traditionnelle révélatrice quant à elle des us et coutumes qui organisent la vie sociale
en communauté de destin-, les PGRH dans les PME africaines ne sont-elles pas
adossées sur ces spécificités culturelles qui semblent conditionner les
comportements des dirigeants de PME ? Aussi, cet article a-t-il pour objet d’analyser
et d’interpréter les PGRH dans les PME camerounaises.
Dans notre article nous argumentons que dans le contexte africain marqué par la 2
coexistence des cultures occidentales – productrices d’outils de gestion formalisés -
et des cultures traditionnelles réputées communautaires – productrices d’une GRH
informelle - (Kamdem, 2002 ; Louart, 2007 ; Nizet et Pichault, 2007 ; Tidjani et
Kamdem, 2010), les pratiques de GRH dans les PME sont hybrides et résultent d’une
alchimie entre une GRH formalisée et une GRH socialement ancrée. Pour cela nous
retenons le modèle arbitraire et le modèle objectivant, deux des cinq modèles de
GRH proposés par Nizet et Pichault (2000), comme grille d’analyse des PGRH dans
les PME africaines.
1 –
Revue de littérature
1.1 –
Les fondements des pratiques de GRH en PME : une
approche par la diversité
https://www.cairn.info/revue-questions-de-management-2016-1-page-83.htm 2/36
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Deux courants de recherche sur les PME (Mahé De Boislandelle, 1988, Torrès, 1997) - 5
le courant de la spécificité relève des singularités entre les PME et les grandes
entreprises, et le courant de diversité souligne quant à lui des différences entre PME
- sont à la base de la caractérisation des pratiques de GRH en PME. Dans la
perspective du courant de la spécificité, il existe rarement un service dédié à la
gestion des ressources humaines, comme c’est le cas des grandes entreprises. De
plus, le propriétaire dirigeant de la PME est au centre de la gestion des ressources
humaines (Brand et Bax, 2002 ; Marlow, 2006 ; Williamson et al. 2002 ; Frédy-
Planchot, 2002 ; Taylor, 2006 ; Richomme-Huet et Andria, 2010), et n’ayant pas
toujours les compétences managériales requises, il va adopter des pratiques de GRH
informelles et réputées arbitraires (Bernon et al. 2006 ; Jaouen et Tessier, 2008).
Cette conception de la PME comme entité homogène, caractérisée par des pratiques
de GRH informelles, constitue le fondement du modèle de GRH arbitraire
caractérisé par l’absence de planification des besoins dans le cadre du recrutement
qui se fait sur la base des critères subjectifs et le plus souvent au sein du réseau
familial et/ou relationnel des dirigeants, la rémunération arbitraire, l’évaluation
subjective, la rareté des promotions, la formation sur le tas, la communication
informelle, la faible participation des salariés dans la prise de décisions, l’absence de
relations professionnelles (Nizet et Pichault, 2000). Mais, dans un contexte de
diversité culturelle (Hofstede, 1987) où la capacité entrepreneuriale des dirigeants
des PME est susceptible d’influencer leur choix de gestion des ressources humaines
(Fabi et al, 2010), il semble difficile de valider la thèse de l’homogénéité et de
l’informalité des pratiques de GRH des PME.
Le courant de la diversité vient ainsi soutenir l’hétérogénéité des PME et par ricochet 6
la diversité des pratiques de la GRH, en raison des facteurs de contingence tels que la
formation ou la capacité entrepreneuriale des dirigeants des PME qui peuvent
influencer leur choix en matière de gestion des ressources humaines (Fabi et al,
2010). A cet effet, des études montrent une diversité des pratiques de GRH dans les
PME (Cardon et Stevens, 2004) parmi lesquelles des PGRH formalisées voire
sophistiquées dans les PME (Hornby et Kuratko, 1990 ; Hill et Stewart, 1999 ; Barrett
et Burgess, 2008). La diversité des PGRH s’expliquerait, selon Fabi et Lacoursière
(2008), par des facteurs de contingence au rang desquels la personnalité ou le niveau
de formation du dirigeant, la taille de l’entreprise ou les traits culturels, ces derniers
justifiant la singularité des PGRH dans les entreprises africaines (Tidjani et
Kamdem, 2010). C’est ainsi que les PME managériales qui possèdent les
caractéristiques des grandes entreprises (Torrès, 1997) ont des pratiques de GRH
plus ou moins formalisées. En outre, des études montrent par exemple que les PME
sont confrontées à des difficultés de recrutement (Paradas, 2010) et pour y faire face
la personnalité du dirigeant de la PME peut l’amener à recruter son personnel au
sein de son réseau relationnel (Williamson, 2000) ou à déléguer des responsabilités
et une partie de ses pouvoirs en priorité aux personnes issues de sa famille ou de son
ethnie (Nkakleu, 2002). Le recrutement fondé sur le critère d’appartenance au
réseau relationnel ou au groupe ethnique du dirigeant de la PME trouve sa
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Il se trouve que dans des contextes culturellement différents, des pratiques de GRH 7
dans les PME sont différenciées. C’est à ce titre que des études se sont multipliées
ces dernières années en Afrique dont les tendances lourdes affirment l’importance
des traits culturels africains dans les pratiques managériales (Nizet et Pichault,
2007) et plus précisément dans la gestion des ressources humaines (Tidjani et
Kamdem, 2010). Ainsi, sans pour autant rejeter le bien fondé de la formalisation de
la gestion des ressources humaines dans les entreprises africaines, des études
établissent que la représentation communautaire des cultures africaines
(Hernandez, 2000 ; Kamdem, 2002) ou encore l’ethnicité – perçue comme
l’appartenance à un même groupe ethnique – sont des leviers de recrutement, de
sélection face aux difficultés de recrutement (Paradas, 2010), de délégation, de
promotion ou de gestion des relations professionnelles dans les entreprises
africaines (Kamoche, 2000 ; Nkakleu, 2002 ; Morangi Nyambegera 2002 ; Apitsa,
2013).
Nous argumentons, en réponse à notre question centrale, qu’en contexte africain les 8
dirigeants des PME peuvent adopter, selon leur rationalité et suivant les
circonstances, soit des pratiques de GRH en cohérence avec les valeurs de leur
groupe ethnique, soit des pratiques de GRH informelles, soit des pratiques de GRH
formalisées. Plus précisément, nous prétendons que les pratiques de GRH dans les
PME africaines sont hybrides, au sens de Louart (2007), c’est-à-dire un mix des
pratiques ancrées dans la culture communautaire qui caractérise la vie sociale en
Afrique et des pratiques de GRH formalisées.
1.2 –
Les modèles arbitraire et objectivant comme grille
d’analyse des PGRH dans les PME africaines
Nizet et Pichault (2000) montrent que l’organisation des PME possède les 9
caractéristiques des structures simples (Mintzberg, 1990, p. 19). Dans l’organisation
qualifiée d’entrepreneuriale par Mintzberg, les salaries organisent les relations de
travail sur la base d’un ajustement mutuel fondé sur les échanges informels et la
communication informelle entre les managers et les salariés. Prenant appui sur la
configuration de Mintzberg, Nizet et Pichault (2000) ont identifié des pratiques de
GRH distinctes suivant les pratiques de recrutement, de rémunération, de
communication, de gestion du temps de travail, d’évaluation, de formation, de
promotion, de participation des salariés à la vie de l’entreprise ou de gestion des
relations professionnelles. Parmi les cinq modèles proposés par Nizet et Pichault
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(2000), le modèle arbitraire est présenté comme le modèle type de GRH des PME
(Nizet et Pichault, 2000 ; Jaouen et Tessier, 2008). Or des études récentes portant sur
la GRH des PME africaines (Mamboundou, 2009 ; Etcheu, 2009) montrent que des
pratiques de GRH sont rattachées aux modèles arbitraire et objectivant. Ces
résultats confortent la perspective interculturelle (Kamdem, 2010) ou la perspective
cross-culturelle (Jackson, 2004) qui montrent que la capacité entrepreneuriale des
dirigeants (Fabi et al, 2010) ainsi que leur perception du rôle des traits culturels
(Tidjani et kamdem, 2010) ou des valeurs partagées au sein du groupe ethnique dans
le management des organisations (Kamoche, 2000 ; Morangi Nyambegera 2002 ;
Nkakleu, 2002 ; Mutabazi, 2001 ; Apitsa, 2013 ; Kamdem et Nkakleu, 2015) sont au
centre des choix des pratiques de gestion des ressources humaines. Les pratiques de
GRH révélant des pratiques socialement ancrées dans la culture communautaire des
sociétés africaines et la propension à la formalisation des pratiques de GRH
(Kamdem et Nkakleu, 2015), nous allons utiliser les modèles arbitraire et objectivant
comme grille d’analyse des pratiques de GRH (Tableau 1, infra).
L’ensemble des travaux mobilisés dans cette revue de littérature, qui s’inscrivent 10
dans la perspective contingente et interculturelle du management des organisations
africaines, souligne la pertinence du courant de la diversité ainsi que des modèles
arbitraire et objectivant pour caractériser les PGRH dans les PME camerounaises.
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Compte tenu des représentations que les dirigeants des PME africaines se font de la
vie des affaires et du fonctionnement de leurs entreprises, ils peuvent adopter des
PRGH différentes.
2 –
Méthodologie
La visée interprétative de cette recherche sur les PGRH en PME, qui clarifie ici notre 11
positionnement épistémologique, nous amène à adopter une approche qualitative
basée sur une étude de cas multiples (Yin, 2003). Nous présentons ci-après la
méthodologie retenue (2.1), la collecte et l’analyse des données (2.2) ainsi que les trois
cas objet de l’étude (2.3).
2.1 –
Méthodologie adoptée
L’approche qualitative basée sur une étude de cas multiples (Yin, 2003, Miles et 12
Huberman, 2003) retenue dans le cadre de cette recherche s’explique notamment
par la spécificité du domaine d’application et l’objet de l’étude. Celui-ci porte sur
l’analyse des pratiques de GRH des PME camerounaises [2] à partir de trois PME qui
peuvent adopter des pratiques de GRH différentes. Dans ces conditions, nous allons
nous référer au cadre d’analyse contextualiste de Pettigrew (1990) pour expliquer les
pratiques de GRH dans trois PME qui se distinguent par la structure du capital
(financement familial ; financement communautaire ; ouverture du capital), le
secteur d’activité (conseil en management, micro-finance, constructions). Nous
avons choisi une PME dénommée ALPHA spécialisée dans la vente des conseils et
des formations en management ainsi que des solutions informatiques. A cet effet les
activités de conseil en management et gestion des ressources humaines lui
confèrent la maîtrise des méthodes et techniques de GRH et donc une expertise dans
la formalisation de la GRH. Nous avons également choisi deux PME, une entreprise
dénommée BETA spécialisée dans la micro finance et une troisième entreprise
dénommée GAMMA qui fabrique et distribue des matériaux de construction.
2.2 –
Collecte et analyse des données
Nous avons sélectionné de façon ad hoc et interviewé entre décembre 2014 et mars 13
2015 quinze personnes appartenant à l’entreprise ALPHA, trois personnes de
l’entreprise BETA et huit personnes de l’entreprise GAMMA, parmi lesquelles les
trois dirigeants qui sont au centre de la gestion des ressources humaines (cf. Tableau
2). La saturation théorique (Strauss et Corbin, 1990) a été atteinte à l’issue des
entretiens avec le quinzième répondant (cas ALPHA), le troisième répondant (cas
BETA) et le huitième répondant (cas GAMMA). Nous avons utilisé un guide
d’entretien comprenant les thématiques relatives aux dimensions RH des modèles
de GRH proposés par Nizet et Pichault (2000). Les entretiens avec chaque répondant
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ont duré en moyenne une trentaine de minutes. Nous avons procédé à la prise de
notes et à l’enregistrement lors des entretiens. L’accès privilégié aux documents
internes des trois entreprises (fiche de poste, fiche d’évaluation du personnel, lettres
d’engagement, contrats de travail, bulletin de paie, reporting des activités du
personnel) nous a permis également de vérifier la fiabilité des informations ou de
compléter les données. Cette triangulation des sources de données (Hlady Rispal,
2000) permet de minimiser les biais dus à la sélectivité de la mémoire des
interviewés lors de la collecte des données (Webb et Weick, 1979).
— Source : Adapté à partir des documents des entreprises ALPHA, BETA et GAMMA
Les données collectées ont été codifiées grâce au codage axial en respectant les 14
thématiques du guide d’entretien ; ce qui nous a permis de sélectionner les mots ou
groupes de mots (verbatims) qui avaient la même signification. Ensuite nous les
avons analysées par les techniques d’analyse de contenu et de concomitances
thématiques (Miles et Huberman, 2003). Plus précisément l’analyse de contenu
consiste à relever les mêmes mots qui revenaient dans le discours des interviewés et
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Nous avons enfin adopté les approches usuelles pour l’analyse qualificative inductive 15
(Miles et Huberman, 2003) en procédant à la combinaison de l’analyse verticale et de
l’analyse horizontale permettant de construire la matrice des pratiques de GRH dans
les trois PME camerounaises en isolant les données propres au modèle arbitraire et
les données spécifiques au modèle objectivant.
2.3 –
Présentation des trois PME3 : ALPHA, BETA et GAMMA [3]
L’entreprise ALPHA est une PME camerounaise créée en 1994 par M. A, propriétaire 16
majoritaire et Directeur Général et deux autres associés détenant des parts
significatives qui sont de la famille du dirigeant, et un quatrième associé, salarié de
l’entreprise qui a été coopté en raison de sa loyauté et de son engagement envers
l’entreprise. Les quatre associés sont originaires de l’ethnie bamiléké, réputée la plus
entreprenante au Cameroun (Kamdem et al, 2011).
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bamiléké. Pendant les trois premières années l’actionnariat de BETA est à 90%
détenu par des associations et leurs adhérents à titre de particuliers, tous originaires
de cette communauté villageoise. BETA a été créée dans un contexte post-
restructuration du marché bancaire au Cameroun qui a facilité l’émergence et le
développement des établissements de micro-finance. Suite aux difficultés de gestion
observées dans le secteur de la micro-finance au Cameroun où l’on a observé la mise
sous administration provisoire ou la fermeture des établissements de micro-finance,
l’autorité de régulation –la commission bancaire de l’Afrique centrale, COBAC – a
mis en place de procédures lourdes, complexes et régulières d’audit et d’obtention
d’agréments, contraignant ainsi implicitement des entreprises à nouer des accords
de coopération pour assurer des économies d’échelle. Evoluant dans le secteur de la
micro-finance qui est très réglementé, cette TPE camerounaise s’est trouvée du fait
de sa jeunesse et du manque de compétences dans le métier bancaire, confronter à
des difficultés de gestion enregistrant des créances douteuses de plus de cent
millions de F CFA. Par ailleurs, une partie importante du capital souscrit par les
actionnaires n’a pas été libérée compromettant ainsi ses perspectives de
développement (ouverture de trois agences avant 2015 prévue dans le plan de
développement).
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GAMMA est une PME familiale, au sens de Caby et Hirigoyen (2002), les trois 20
propriétaires et l’équipe dirigeante étant de la même famille qui appartient à l’ethnie
bamiléké. Le porteur du projet à l’origine de cette création est un commercial
démissionnaire ayant exercé pendant dix sept ans dans une grande entreprise
d’importation et de distribution des matériaux de construction. Ce dernier qui
détient la minorité de parts dans le capital est le dirigeant de l’entreprise GAMMA
qui est une Sarl créée en mai 2009, mais qui commence les activités en janvier 2010,
avec un capital de deux millions. Elle comporte deux métiers : le premier métier, qui
est l’achat et la vente des matériaux de construction (achat et vente des vitres, profilé
aluminium, rideaux métalliques, accessoires pour fabrication des ouvrages
aluminiums), constitue 95% de son chiffre d’affaires. Le second métier est la
fabrication des ouvrages en aluminium vitré, des fers forgés et des rideaux
métalliques. GAMMA est une PME en croissance qui a ouvert entre 2010 et 2012
quatre agences : son chiffre d’affaires est passé de deux cent dix millions à un
milliard deux cent vingt six millions de FCFA, avec un effectif de 7 à 35 personnes (cf.
Tableau 3).
3 –
Présentation des résultats
Les résultats sont analysés suivant les dimensions ressources humaines retenues 21
pour construire les modèles de GRH de Nizet et Pichault (2000). Ils révèlent
l’existence des pratiques de GRH hybrides avec une domination des pratiques
informelles dans les trois entreprises, le degré de formalisation dépendant de la
capacité entrepreneuriale du dirigeant de la PME.
3.1 –
Le recrutement
En reprenant l’ensemble des discours des répondants, il apparaît que la planification 22
des besoins reste faible voire est inexistante dans les décisions de recrutement dans
les trois PME. En général, elle ne constitue pas un préalable à la mise en œuvre du
recrutement et de la sélection. Alors que le conseil d‘administration avait
recommandé dans ses rapports successifs le recrutement d’un commercial pour
booster la vente des produits de BETA, le nouveau partenaire majoritaire vient de
faire recruter, en l’absence d’une démarche structurée de recrutement, trois de ses
salariés pour occuper les postes nouvellement créés à l’issue de la restructuration de
BETA. Les propos du directeur sont illustratifs : « le PCA a validé le nouvel
organigramme proposé par notre partenaire ainsi que la décision de nous envoyer trois de ses
salariés qui n’ont pas le profil du poste. Ils ont pour l’un le profil de juriste et pour les deux
autres le profil de comptable. Si on avait activé les procédures de recrutement, on aurait
certainement sélectionné des candidats expérimentés. Je m’interroge encore sur la réalité du
travail du poste de marketing & business development lorsque l’urgence est de récupérer les
crédits octroyés et de développer notre portefeuille clientèle qui, je dois l’avouer, n’est pas
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consistant ». Dans les trois entreprises le recrutement est tantôt informel tantôt
formel, la décision appartenant au seul dirigeant ou du président du conseil
d’administration (pour le cas BETA) qui juge de l’opportunité, des canaux et des
critères de recrutement. Dans les entreprises ALPHA et GAMMA, les salariés
originaires de l’ethnie du dirigeant n’ont pas suivi toutes les étapes du recrutement,
le plus souvent l’entretien avec le dirigeant s’est limité à préciser le contenu de leur
travail et à négocier la rémunération, comme le témoigne M. T., responsable
comptable chez GAMMA : « l’entreprise a été créée lorsque j’étais en formation à l’ESSEC de
Douala, le grand frère m’a proposé le poste de responsable d’exploitation et chef comptable, il
avait besoin de quelqu’un de confiance et j’étais conscient de l’urgence de sécuriser les fonds de
l’entreprise. Depuis lors, je suis au four et au moulin à tel point que je n’ai pas eu le temps de
finaliser mon rapport de fin d’études ». Dans le cadre du recrutement informel, le
directeur général de l’entreprise ALPHA procède au recrutement au sein de son
réseau relationnel, sans consulter ses collaborateurs. Les services découvrent les
nouvelles recrues seulement le jour de leur arrivée. Lors du recrutement informel, les
personnes recrutées sont souvent issues de la famille ou de l’ethnie du dirigeant ou
de ses associés. Pour ce qui concerne l’entreprise BETA, seule une personne
appartenant au réseau relationnel du PCA a été recrutée sans déposer au préalable
un dossier ni passer des entretiens ou des tests.
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les candidats, et pour les postes comportant des risques élevés, nous leur faisons passer en plus
des tests psychologiques, et les recrues disposent d’une période d’essai qui permet de réduire les
risques et de faire partir les moins performants », affirme le directeur général.
3.2 –
La rémunération
Il ressort de l’ensemble des discours des salariés interviewés que la rémunération est 25
spécifique à chaque salarié et seul le directeur général ou le président du conseil
d’administration maîtrisent les clés de fixation des salaires. En fait la fixation de
salaires résulte des négociations individuelles avec chaque salarié soit au moment de
l’embauche et de la signature du contrat, soit en fin d’année lorsqu’un salarié estime
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L’entreprise ALPHA a mis en place deux systèmes de rémunération dont celui qui 26
semble plus incitatif accorde la priorité au personnel clé de l’entreprise. Le système
de rémunération est décrit par le directeur général : « Nous avons mis en place un
système de rémunération du personnel clé comportant une partie fixe et une partie variable ; ce
système concerne 75% de notre personnel. La rémunération de ces personnes comporte des
éléments de rétribution individuelle et des éléments de rétribution collective. Notre objectif est
de faire comprendre au personnel que, malgré le fait que l’excellence individuelle est exigée, elle
n’a de sens que lorsque l’équipe atteint globalement son objectif. C’est ainsi qu’en moyenne, la
somme de huit millions (8 000.000) F. CFA a été distribuée annuellement sous forme de
gratifications et de bonus pour une masse salariale de quatre vingt millions (80.000.000) F
CFA, honoraires non compris. Les 25% des personnels restants sont dans le système de
rémunération fixe ; ce sont les chauffeurs, les agents de sécurité, les secrétaires, les comptables,
l’agent de nettoyage ».
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qui nous exige de maintenir la rémunération qu’ils percevaient, le personnel qui trouvait déjà
bas leurs salaires se plaint de cette injustice et revendique des augmentations pour être au
même niveau que les trois recrues ».
3.3 –
La participation du personnel et la communication
La communication dans les trois entreprises est ascendante et surtout descendante. 30
Elle emprunte divers canaux : elle est surtout verbale et se fait en face à face ou par
téléphone. Dans l’entreprise ALPHA elle est surtout écrite et prend la forme de notes
ou de messagerie interne.
Dans l’entreprise BETA, les réunions avec le personnel se tiennent une fois par 33
semaine, et les réunions de direction ne sont pas codifiées, elles sont convoquées en
cas de besoins. Mais en général comme le précise le directeur, « les échanges se font en
face à face, verbalement, il y a peu d’instructions par écrit, on a privilégié les contacts à la
froideur des écrits ».
3.4 –
La culture d’entreprise
L’entreprise ALPHA, à l’opposé des entreprises BETA et GAMMA, possède une 35
culture d’entreprise qui est diffusée au sein de toute l’entreprise.
prônées et les pratiques courantes, comme le note Mme F., assistante conseil : « On
prône l’esprit d’équipe, le professionnalisme, l’écoute client, l’innovation, le sens de l’éthique ;
moi je ne les vis pas parce que, par exemple il faut vendre et personnaliser l’offre ; mais à
plusieurs reprises il a été demandé de reprendre une offre standard, de faire du copier coller,
pour répondre à des besoins spécifiques des clients. J’ai du mal à mettre quelque chose dans le
sens de l’équipe ; ce que je ressens par contre c’est le travail en équipe, on a mis en place des
procédures qui permettent de décloisonner l’entreprise, mais c’est le travail en équipe forcé ; le
non respect entraîne des sanctions…. Le travail en équipe devrait venir d’une envie…. L’écoute
client, c’est satisfaire le client ; mais j’ai souvent l’impression qu’on n’écoute pas assez le client.
Quand on fait un projet il y a un petit noyau qui est au centre. Et cela pose un problème de
partage d’informations ».
Les relations sociales restent instables du fait de groupes informels qui se sont 38
constitués sur la base d’affinités entre salariés ou d’affiliation à la famille ou au
village du directeur général. Et pour cause, le recrutement de personnes originaires
de la famille ou du village du dirigeant, qui avait pour visées la réduction de risques
contractuels et le partage de valeurs nécessaires pour adhérer à la vision du
dirigeant, crée paradoxalement des clivages et de frontières de coopération
interpersonnelle au sein de l’entreprise, les salariés proches ou membres de la
famille de la direction étant perçus, selon Mme I, Assistante achat, comme « les
oreilles et les yeux du dirigeant » et bénéficiant à ce titre de traitements particuliers.
Ceci apparaît comme les méfaits de la culture ethnique (Kamdem et Fouda, 2007)
sur la participation active et efficace de tout le personnel à l’atteinte des objectifs
organisationnels.
3.5 –
L’évaluation, la formation et la promotion du personnel
L’évaluation, la formation et la promotion du personnel ne sont pas formalisées dans 39
les entreprises BETA et GAMMA. Si l’évaluation et la formation ne sont pas
pratiquées dans ces deux entreprises, il y a eu cependant quelques cas de
promotions qui n’ont pas été décidées sur la base des critères objectifs.
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dans les couloirs, on vous dit que vous êtes responsable de la gestion du personnel, en même
temps le Dg vous dit de ne pas vous attendre à une augmentation. C’est à se demander
pourquoi il a décidé que vous serez en charge de la gestion du personnel. Je trouve qu’il y a un
flou impossible ».
3.6 –
La gestion du temps de travail
La gestion du temps de travail révèle des pratiques différenciées dans les trois 43
entreprises : les deux entreprises BETA et GAMMA respectent les horaires de travail
à quelques exceptions près. Le directeur de l’entreprise GAMMA précise : « le travail
commence à 7h30 et se termine à 18h avec une pause d’une heure qui est organisée pour assurer
la continuité des services. Chez nous il n’y a pas d’heures supplémentaires, c’et rare qu’on ferme
à 18h. Nous travaillons le samedi de 7h à 14h30. Il n’y a pas trop de retard, mais les absences
sont à 95% justifiées : si un technicien a fait un travail solide la veille, le niveau de risque dans
notre métier étant trop élevé, il peut être fatigué et on comprend, il appelle pour informer qu’il
ne peut pas travailler et on juge par rapport à ce qu’il a fait. Dans l’ensemble je dois dire que le
degré d’honnêteté est un peu élevé ». Contrairement à l’entreprise GAMMA, les horaires
de travail dans l’entreprise BETA sont les suivants : « la présence du personnel au poste
est fixée à 7h30 et l’ouverture à la clientèle se fait à 7h45. La fermeture à la clientèle se fait à 17h
et la fermeture pour le personnel se fait à 17h30. Le travail de samedi est considéré comme des
heures supplémentaires que nous rémunérons en appliquant un forfait de 4 000 F. CFA par
personne, fixé par la direction à la suite d’une séance de travail avec le personnel », affirme le
directeur.
L’entreprise ALPHA a fixé comme heures de travail, les heures ouvrables de 8 heures 44
à 18 heures avec une pause de 2 heures entre 12 heures et 15 heures, comme le
précisent les documents internes. Mais pour l’ensemble des personnes interviewées,
il est rare que les salariés partent de l’entreprise à 18 heures. Mme F., assistance
conseil précise : « les horaires de travail sont extensibles à souhait, il y a des semaines où on
n’a pas de week-end ; pour certains managers lorsque tu prends ton sac pour rentrer à 18
heures, c’est comme si tu avais tué quelqu’un. Du coup 18 heures, c’est l’exception et pas la règle.
Pour certains managers, la capacité d’un salarié à travailler au-delà des heures normales
prouve son implication ». Au-delà du fait que les heures travaillées sont largement
supérieures aux heures normales de travail, l’analyse des discours des répondants
révèle une diversité de situations dans la gestion du travail : certains travaillent les
jours fériés (c’est le cas des activités de formation et de conseil), d’autres qui
travaillent à la direction générale sont obligés d’aligner leurs heures de travail sur le
programme du directeur général (c’est le cas des chauffeurs ou de l’assistante de
direction). Les propos de M. J., chauffeur, attestent cette situation : « il y a des jours où
je rentre à une heure du matin pour être encore là à 7 heures. Le Dg peut aussi m’appeler à
n’importe quelle heure pour me demander de l’accompagner, et des fois je n’ai même pas le
temps de rentrer chez moi voir ma famille ». Il apparaît que l’organisation du travail
implique des heures supplémentaires qui ne sont pas payées suivant le code du
travail. En effet, le directeur général a fixé, de manière discrétionnaire, un forfait à
https://www.cairn.info/revue-questions-de-management-2016-1-page-83.htm 18/36
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3.7 –
La gestion des départs
La gestion des départs est différenciée dans les trois entreprises : elle est formalisée 45
dans l’entreprise BETA et plus ou moins formalisée selon les exigences du personnel
en situation de départs dans les entreprises ALPHA et GAMMA.
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4 –
Discussion
4.1 –
Des pratiques de GRH révélatrices d’un mix de modèles
arbitraire et objectivant
Les résultats de notre investigation empirique permettent d’envisager deux 48
contributions théoriques : ils montrent l’hétérogénéité des pratiques de GRH dans
les trois PME camerounaises qui sont, suivant les dimensions RH des modèles de
GRH proposés par Pichault et Nizet (2000), soit informelles, soit formalisées, soit
hybrides. Cette hétérogénéité des pratiques de GRH des trois PME révèle la
coexistence des modèles arbitraire et objectivant de GRH dans les trois PME (cf.
Tableau 4).
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Les résultats montrent que le dirigeant (cas de ALPHA et GAMMA), les propriétaires 49
et/ou le dirigeant (cas de BETA) sont au centre de la gestion des ressources
humaines des trois PME. Dans le cas des entreprises ALPHA et GAMMA, le fait que le
dirigeant joue un rôle central dans la gestion des ressources humaines corrobore les
travaux qui soulignent la place centrale du propriétaire dirigeant de la PME dans la
gestion des ressources humaines (Brand et Bax, 2002 ; Marlow, 2006 ; Williamson et
al. 2002 ; Frédy-Planchot, 2002 ; Taylor, 2006 ; Richomme-Huet et Andria, 2010). Le
cas de l’entreprise BETA révèle un conflit de rôle quant aux décisions de gestion en
matières de ressources humaines : si au démarrage de l’entreprise, deux personnes
clés en raison de leur expertise (le PCA et un membre de l’association détentrice de la
majorité des parts dans le capital qui est expert comptable) et le directeur ont piloté
le processus formalisé de recrutement, il apparaît que ces deux personnes ont fait
recruter une personne issue de leur réseau relationnel en dehors des procédures
mises en place. De même, la formalisation de l’alliance stratégique a amené le
nouveau partenaire majoritaire à imposer à la direction de l’entreprise BETA, avec
l’aval du président du conseil d’administration, le transfert de trois de ses salariés
dans l’effectif du personnel en marge du processus de recrutement en place. Il
apparait ainsi que le propriétaire de la PME, quand bien même il n’assure pas la
fonction de direction, peut jouer un rôle central dans la gestion des ressources
humaines en PME. Dans ces conditions, l’identification du rôle exclusif des
propriétaires des PME dans la gestion des ressources humaines est une amélioration
de la connaissance des pratiques de recrutement dans les PME camerounaises.
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Une autre contribution réside dans l’hétérogénéité des pratiques de GRH des trois 50
PME suivant les dimensions RH des modèles de GRH de Pichault et Nizet (2000) et à
ce titre, nos résultats corroborent la thèse de la diversité des pratiques de GRH en
PME (Cardon et Stevens, 2004). A l’exception des pratiques de promotion et des
relations professionnelles qui sont informelles dans les trois PME et confortent le
caractère exclusivement informel voire arbitraire de la GRH en PME (Bernon et al.
2006 ; Jaouen et Tessier, 2008), les autres pratiques de GRH (recrutement,
évaluation, formation, rémunération, gestion du temps de travail, communication,
gestion des départs, culture d’entreprise, participation des salariés) sont à la fois
informelles et formalisées. Dans cette perspective, le mix des pratiques de GRH
informelles et formalisées des trois PME renforce les conclusions des travaux
antérieurs sur la GRH en PME africaines (Mamboundou, 2009 ; Etcheu, 2009 ;
Frimousse, 2012). En outre, les pratiques d’évaluation des performances sont plus
formalisées dans l’entreprise ALPHA et valident les conclusions selon lesquelles des
PGRH sont formalisées voire sophistiquées dans les PME (Hornby et Kuratko, 1990 ;
Hill et Stewart, 1999 ; Barrett et Burgess, 2008). Ce degré de formalisation dépend ici
du profil du dirigeant et de la nature du métier de la PME.
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4.2 –
La construction d’une GRH en PME camerounaise par la
culture d’entreprise fondée sur la culture communautaire
Les pratiques de GRH des trois PME montrent qu’elles sont hybrides, c’est-à-dire un 54
mix des pratiques informelles et formalisées ainsi que des pratiques ancrées dans la
vie sociale et communautaire des propriétaires et/ou dirigeants des PME. Ces
pratiques sont révélatrices de possibles tensions dans les pratiques de GRH dans les
trois entreprises dans la mesure où on assiste à des départs arbitraires, à la
perception différenciée des pratiques de GRH dans le fonctionnement de
l’entreprise. Il est remarquable de noter la persistance du modèle arbitraire et
l’émergence du modèle objectivant. Ces deux modèles entrent en tensions parce que
leurs caractéristiques sont fondamentalement différentes. Pour éviter que
l’hybridation de pratiques de la GRH dans les trois PME ne génère des
dysfonctionnements et par conséquent l’inefficacité, la direction devra construire
une GRH performante (Tidjani et Kamdem, 2010). Dans un contexte culturel
marqué par le paternalisme (Hernandez, 2000) qui se matérialise par l’allégeance du
salarié au pouvoir du dirigeant contre sa protection, il apparaît de ce fait comme un
levier de coopération au travail, d’implication des salariés dans les PME africaines.
La construction d’une GRH performante passe notamment par la co-construction de
la culture communautaire. En tant qu’une innovation organisationnelle, elle
permettrait de réduire les tensions entre les pratiques informelles de la GRH, les
pratiques de GRH formalisées et l’hybridation des pratiques de la GRH des trois
PME camerounaises. Cette co-construction de la culture communautaire est le
ferment de la culture organisationnelle (Schein, 2004) qui facilite l’identification du
personnel à son entreprise. La culture communautaire apparaît au demeurant
comme un cadre d’échanges entre le dirigeant et le personnel sur les actions
négociées notamment de gestion efficace des ressources humaines. La direction et le
personnel pourront s’y référer pour échanger de façon consensuelle sur le « vivre
ensemble », un système de rémunération équitable, la prise en compte des résultats
de l’évaluation du personnel dans l’organisation de la formation, la participation des
salariés dans la vie de l’entreprise. A l’instar des PME en croissance qui rationalisent
progressivement la gestion des ressources humaines et mettent en place des
processus formalisés et des outils normalisés de recrutement, de sélection,
d’évaluation des performances, de développement et de formation du personnel
(Mayson et Barrett, 2006 ; Taylor, 2006), l’effort de rationalisation de la GRH dans les
PME devra s’accompagner des pratiques de solidarité intra-organisationnelle
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ancrées dans le contexte social ambiant. En effet, la direction devra mener une série
d’actions sociales au profit de ses salariés (soutien moral et financier aux salariés
frappés par des événements malheureux ou ayant des événements heureux dans leur
famille ; appui financier au fonctionnement de la mutuelle) qui trouvent leur
fondement dans la vie communautaire en Afrique caractérisée par des solidarités de
nature organique entre membres d’une même communauté (Kamdem, 2002 :
Nkakleu, 2009). Ces actions visent à renforcer la participation du personnel à la
réalisation des objectifs de l’entreprise et à ce titre, les processus sociaux à l’origine
de la production de ces actions sont des ressources stratégiques, comme l’ont révélé
Tidjani et Kamdem (2010). Elles sont mobilisées par le dirigeant pour renforcer la
fidélisation des salariés. Au niveau individuel, la participation des salariés à cette vie
communautaire au sein de l’entreprise (fonctionnement de la mutuelle) leur
permettra de bénéficier de soutiens divers, y compris le partage d’expériences
professionnelles et le transfert de compétences.
Conclusion
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L’objectif de cette recherche était d’analyser les pratiques de GRH dans les PME en 56
contexte africain et d’identifier les éléments permettant de caractériser le ou les
modèle (s) de GRH suivant la grille de Nizet et Pichault. Nous avons postulé que les
pratiques de la GRH sont hybrides. Mobilisant la recherche qualitative basée sur une
étude de cas multiples, les résultats de l’analyse des pratiques de GRH de trois PME
camerounaises révèlent que certaines pratiques sont informelles, d’autres sont
relativement formalisées, d’autres encore sont à la fois informelles et formalisées. La
présence des pratiques de GRH hybrides amène à affirmer que les pratiques de GRH
dans les trois PME camerounaises possèdent les dimensions RH des modèle
arbitraire et objectivant et autorisent la relativité du modèle arbitraire en tant que
modèle type de la GRH dans les PME. Il apparait que le recrutement ethnique et le
style managérial sont des dimensions pertinentes de la GRH dans les entreprises
ALPHA, BETA et GAMMA : le recrutement ethnique et le management autoritaire
qui caractérisent la gestion de la relation du travail entre les managers et le
personnel opérationnel complètent la caractérisation du modèle arbitraire tandis
que le management participatif qui, lui, amène le dirigeant à impliquer les managers
dans les prises de décision apparaît comme une dimension du modèle objectivant.
Si l’hybridation de la GRH est une sorte de mix entre la GRH instrumentale (en 57
rupture avec les PGRH dominantes en PME) et la GRH socialement ancrée (en
continuité avec la GRH qualifiée de traditionnelle en contexte africain) qui peut
s’avérer une voie vers laquelle les entreprises africaines pourraient devenir (plus)
performantes (Louart, 2007), nos résultats mettent en évidence des tensions
possibles entre la coexistence des pratiques informelles et formalisées. Par
conséquent, nous suggérons la co-construction par les acteurs d’une culture
communautaire, fondée sur la solidarité organique, qui permettrait de réduire les
tensions inhérentes à la coexistence des pratiques hybrides dans les trois PME
camerounaises. Nous suggérons également l’externalisation partielle de la fonction
rh ainsi que le partage de l’exercice de la gestion des ressources humaines dans les
trois PME camerounaises.
Notes
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[*] Cet article est une version remaniée de ma communication présentée au congrès
de l’AGRH tenu à Montpellier en 2015. Je remercie les participants à notre atelier
ainsi que les rapporteurs du manuscrit soumis à la revue QDM pour leurs
commentaires et suggestions.
[1] Notre recherche soulève une question centrée sur les PGRH dans les PME dans le
contexte camerounais caractérisé par le métissage culturel, la transposition de la
culture nationale (Hofstede, 1987 ; Hernandez, 2000 ; D’Iribarne, 2003) et en
particulier de l’ethnicité (Fenton, 2010, Apitsa et Amine, 2014) dans la vie des
organisations. Nous souscrivons à l’analyse de Mutabazi (2001) selon laquelle la
variable « culture nationale » ne tient pas compte des singularités des cultures des
communautés locales. Aussi la variable groupe ethnique nous semble pertinente et
doit être intégrée dans les pratiques de GRH.
[2] Le Cameroun est considéré comme un pays à forte diversité ethnique qui
comprend plus de 250 ethnies répertoriées avec autant de langues locales toujours
vivantes et encore parlées dans les familles (Kamdem, 2010, p. 154). Ces ethnies
sont regroupées en cinq aires culturelles différentes : Grassfield ou bamiléké,
Sawa, Fang béti, Soudanais, Soudano-sahélienne (Apitsa et Amine, 2014). Chacune
de ces groupes ethniques possède ses propres valeurs, us et coutumes, croyances,
avec quelques variantes non significatives.
[3] La loi « n°2010/001 du 13 avril 2010 portant sur la promotion des Petites et des
Moyennes Entreprises (PME) au Cameroun précise les critères de classification
des PME : « (…) rentrent dans la catégorie PME, les entreprises ayant un effectif
permanent inférieur ou égal à 100 individus et dont le chiffre d’affaires n’excède
pas un milliard de FCFA ». En 2014, l’entreprise ALPHA a un effectif de 54
personnes et un chiffre d’affaire d’un peu plus d’un milliard F CFA (cf. Tableau 3).
Toutefois, nous la classons parmi les PME en raison des responsabilités
importantes voire exclusives du directeur général dans la gestion des ressources
humaines.
[4] Dschang est une localité située en pays bamiléké. Les populations de cette localité
appartiennent à l’ethnie bamiléké.
[5] Bamenda est une localité située dans la partie anglophone du Cameroun, pays qui
comprend deux langues officielles, le français et l’anglais. Dans la catégorisation
des grandes aires culturelles au Cameroun, les populations de la localité de la
région du Nord Ouest dont la capitale est bamenda sont considérées comme
faisant partie de l’ethnie bamiléké.
[6] Bien que les études de l’auteure portent sur des filiales de FMN françaises au
Cameroun, l’identification des méthodes formalisées de recrutement et de
l’ethnicité comme critère de recrutement apparaît comme un plaidoyer en faveur
de l’hybridation des pratiques de gestion des ressources humaines dans les
entreprises et donc les PME camerounaises.
Résumé
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Mots-clés
Keywords
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Plan
Introduction
1 -Revue de littérature
1.1 -Les fondements des pratiques de GRH en PME : une approche par la diversité
1.2 -Les modèles arbitraire et objectivant comme grille d’analyse des PGRH dans les PME
africaines
2 -Méthodologie
4 -Discussion
4.1 -Des pratiques de GRH révélatrices d’un mix de modèles arbitraire et objectivant
4.2 -La construction d’une GRH en PME camerounaise par la culture d’entreprise fondée
sur la culture communautaire
Conclusion
Bibliographie
Bibliographie
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Auteur
Raphaël Nkakleu
CERAME, ESSEC, Université de Douala (Cameroun) & BETA, UMR 7522, Strasbourg
(France)
nkakleur@hotmail.fr
https://www.cairn.info/revue-questions-de-management-2016-1-page-83.htm 35/36
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