Vous êtes sur la page 1sur 227

Considérations sur

l'éloquence françoise de ce
tems . [Par F. de La Mothe Le
Vayer]

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


La Mothe Le Vayer, François de (1588-1672). Considérations sur
l'éloquence françoise de ce tems . [Par F. de La Mothe Le Vayer].
1638.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart


des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le
domaine public provenant des collections de la BnF. Leur
réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet
1978 :
- La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et
gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment
du maintien de la mention de source.
- La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait
l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la
revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de
fourniture de service.

CLIQUER ICI POUR ACCÉDER AUX TARIFS ET À LA LICENCE

2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de


l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes
publiques.

3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation


particulier. Il s'agit :

- des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur


appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés,
sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable
du titulaire des droits.
- des reproductions de documents conservés dans les
bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont
signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque
municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à
s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de
réutilisation.

4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le


producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du
code de la propriété intellectuelle.

5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica


sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans
un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la
conformité de son projet avec le droit de ce pays.

6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions


d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en
matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces
dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par
la loi du 17 juillet 1978.

7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition,


contacter
utilisationcommerciale@bnf.fr.
£.-
X.
·
~o
Ç)
~&
CONSIDERATIONS 1

S V R
L'ELOQ VENCE
FRANÇOISE
DE CE TE M S.

A PARIS,
Chez S tBAST iBN C R.A M ois Y, Imprimeur
ordinaire du Roy, rue ~in& I&cque~
aux Cicogncs.
A MONSEIGNEVR
L'EMINENTIS~ME
CARDINAL
D V C
DE R1CHELIEV.

oA~/c~r~
Z~ ~M/T~~
receude VOSTRE II Ni IN E NCE
trois Petits Traitez que
~~< pris la ~r~~ lui
~~r~
ie ne me f?~ ~y que
dvfer en-
.0
~?
~X~~ liberté pour ce-
core de la
/~r~~ c~ rechercher en ~o~f

~y~~
approbation. Il nj 9 a. ce
que ceus qui donnent
par ~~?~ c~ par
exempt de toute
dire ~r~
c~
/r ~r
chois
M~
~/f~ /~r ~r~
Z~j
~f qui offrent comme
deuoir ce peu
trouuent leur excuf
p~ par

~r/or~C~ (7~~c~
~r~
y~ ~r /'OrM~

tit r~ 7~~
du Z)~/?~.
bien le tribut
celui du C~ pe-
ou

les
fois
~f
~w
heroïques
que ~o~y?~
~c~ ~~r~
mettre
~f~~j
<M/~

/~rr/
~M~ /~j'
que

/?~ r'
dire

~j-
au

r~j'
T;/?~
il
w~~ ~r~?~ ~M
y~f ~r ~~f
~r~
~c~?~~r~r~~
rMr~nï~~ C~

/c~r~
y&r/
~~r
~y~M~~
0~-
~r ~~f c~f~fC~rM~&~

~r
~r~
y3~/?~
fr~7~~
celui qui
r~~j~~
les
~r~ <7~~ Z.
~r~ ont
les ~r~r~ ~~ï
vne
û/~ p~?~
celui dont /~J e~

~j~
~~f ~~r
Mo-
~f û~r/ ~~r/~

7/T~
pource
que
MONSEIGNEVR,
rien dit ~w
~~y.

~r~f~
~~r~
~~j~
re au
~r~j
mes par
~f /cv
celui de C/
~c~

~c~f
~r~f
le ~c~ /?~
~~jr bien de r~~ ~M~ jE'/c-
~2~ il nous a
Ceus ~~y2~
~~r~j' pour y~ f7~ r~y~/?~-
~y /~yM~ f~
~< ~y/S~~ c~ le r~
~~9~~ ~rrcw-
graces
~wr~ ~ry
ont
~r~
~yS~f ~?~~
~r admiration dans
~~jr ./47~~7~J' de ~Fy~
~c-

~~S/~ ~~r~
pour ce r~~ c~ ~y~~ ~~77~
en r~w~f moi rc~-
Cr~f~/2/ r~y jR~«
rique, ~/? mettre ~rj
/v~
/fy~ ~~w~r-.
f~
~w~&.
~/f~ T~nw~~
ne ~M~
T~~
~~f~r~ ~f la ~~Sr ~f
f~~ r~f~~ ~M~-
~r
r~w r~
~~r~ ~M ci~~f au
r~
j~~jr ~n~
j~r~ ~<9~
VOS TRE
n~~r~r
EMI-
bon
NEN CE
ail ~r~ ~~f
~o~f
r~ ~7
j~
~Mr~ ~M'~ ~~y~ ~r~~r~
~~r/ ~7
r~M~
~o~

~f/&r c~
aus
~nj-
~7
r~fM/n?.,
~~3~~ des
r~. C*~ ~rf~ /wr auoir ~jr

~f~ MONSBIGNEVR,
~r,
Tw~yï~/M~

tiers
de
T; ~M~yS~~f~

~~?~ f~ ~c/c~
~~f~

r~?r~ M
~~n~~ J~ww~
~r~ rien

~02V~~7C2V~~jR.

Vottre cres humb!c~ tres.obci~n~


~e tfM-~bhg~ (erwncur,
D. L. M. L. V.
fjcfr~~ Pn~ Roy.

Tr)A~ Grace Priuitege du Roy il


eft &c
SebaftienCramoify,
permis à
Marchand Libraire Iuré en l'Vniucr-.
~icëde Pans Imprimeur ordinaire
du Roy, d'imprimer ou faire impri-
J
mer vn liure intitulé C~/&~M~
/M~
fur
& pendanc
~w~,J
le temps &cfpace de cinq
ce
années confccuciues. Aucc derentcs à
tous Libraires Imprimeurs d'impri-
mer ou faire imprimer ledit liure, (bns
pretexte de dcguifcmenc~ ou change-
ment qu'ils y pourroient faire, à peine
decon6fcacion,~deramende portée
par ledit Priuilege. Donné à Paris le
feiziefme Octobre mitnx cens trente
hui~r. Et du Regne de fa Majoré le
vingt-neuf.
ir
Signe, Parle Roy en (bn.Confcit,
V i c T ON. &: fecllé.
CONSIDERATIONS
L'ELOQUENCE
SVR

g~NÇOISË
~j~JëcE
'TEMS.
1 c'cAoic vnechofeab-
folumct nccefÏairc d'c'.
&rc parfaiccment clo-
quchc pour parler de
1 Eloquence~ i'auouë que ic fcroM
paroittre trop de tcmcri,té,d'entre-
prendre ce difcours. il faut plus
de naturel que ie n'en ~i pour afpi-
rer à la gloire du bien dire &: t'au-
Acï'itc de mes cftudcs m'ayant toû-
JouK plus porce à la connoifTancc
des chofes, qu'a l'ornement du lan-
gage, ne m'a pas formé le Aile pro-
preavnfihaut dcfÏein, Mais puif-
qucnous voions tous les iours,quc
beaucoup de personnes fans auoir
iamais tenu le pmccau~ ne !aiÛeM
pas de parler fort pertinemment
dc!a peinture. Et qu'il y a des pè-
res de famille, qui ne discourent
pas moins à propos que les Archi-
tc<~cs de l'ordre d'vn batUmcnt~
bien qu'ils n'aient iamais mis la
main à l'ceuure. Pourquoy ne fe-
roit-il pas permis à vn homme de
traitter de l'art du difcours fans
cftrc Orateur & de dire fon opi-
nion de l'Etoquencc de fon tcms~
bien qu'il ne le face pas auec toute
la pompe & toutes les graces que
ceus du mefUcr y pourroicnt ap-
porter. Ccft d'aiHcurs vnc chofc
qui me doit cftrc bien pluftoA par-
donnée en ce que ie ne prêtons
pas de donner icy la figure d'vn
parfait Orateur François comme
quelques-vns onc fait aprcs les
Grecs &ïes Romains; ni d'cnfci-
gner tous les préceptes de la Rhé-
torique à t'exempte d'Hermogcnc~
de Quintitien, &:d~s d'autres
qui s'en (ont d'autant mieus ac-
quittés qu'ils cxccJloicnt en ceftc
profetlion. Mon intention cA de
dire Cmp!cmcnc ce que ie penfe
du langage d'auiourd'huy~ de
com-
muniquer au public quelques re-
Ncxionsqueiayfaitj~urccfuiec~ &
d'cxpofer mes fentimcns iuM"
au
ment de ceus qui les pcuucnt cor-
riger, s'ils ne ics approuuenc. On
ne doit pas trouucr plus cArangc
que ie me difpcnfe de parler de
l'Etoqucncc en aiant fi
peu que
quand vn Orateur cntrcprent do
difcourir de certaines chofes dont
il n'a pas vue fort profonde con-
'noifÏancc. Et neantmoins Cice-
ron lui permet de le faire & lui
ofe mcfmes promettre vne glo-
rieufe iffuë de(oncntrcpri(c. Il re-
marque fur ce propos qu'Aracus
tout ignorant qu'it cttoit de i'A-
Urologic, parte commun confen-
tement des hommes ~auans ne
lailfa pas de faire vn très-excellent
pocme du Ciel & des Eftoites. Et
que Nicandrc qui n'auoit iamais
pratique la vie champêtre l'a
néanmoins trcs.bicn de~crittc en
(es vers, qui n'ont rien de rufUque
que la matiere dont ils traittcnt.
Nous pouuons adiou~cr l'exem-
ple de Cornelius Celfus~ que nous
~auonsauoir exerce fon ftile aucc
reputation en toute forte d'arts~
bien qu'il ne les peuH pas tous
pofîedcr dans la pcrfc<~Hon~ veu
mefmcmcnc que Q~intilicn le
qualifie vn homme de fort médio-
cre cf{)rit. Ce n'eft donc pas vne
chofe nouue!Ie ni qu'on doiuc
touc a faic condamner en mapcr-
tonne~d'auoir o~eefcriredcnoftrc
Eloquence en c~ant fi dépour-
ueu puis qu'en cas iemb!ab!cs il
n'a pas mal reuïH a tant d'a~tres~
qu'il n'eA pas d'ailleurs inconuc-
nient qu'on parle rai~onnablç~.
mcncd'vne fcience, encore qu'oti
n'ait pas le don den bien prati-
quer toutes les régies. Ceus qui
difcourcnt le micus de la difpofi-
tion désarmées~ & des di~ercntes
~un~ions militaires ne font
pas
fouuent les plus grands hommes
de guerre~ & qui témoignent Iç
plus de valeur dans les combats.
Et on rcmarqué de Gahcn que
ce grand Genie de la Medecine, &
qui ad doctement efcrit fur
toutes
fes parties, ne rcumuoic fou-
pas
ucnt dans l'exercice de fon art, &
guariuoic beaucoup moins dema-
ndes qu'vn The~atus fon aduer-
~atre, dont tout le fçauoir
ne con-
Moit qu'en quelques expériences.
Tant il eh vrai que ce (ont des par-
ties defpric différentes, & qui ne
<c trouuent
pas toujours en vn
mefme fujct, celle qui donne les
iumiercsde la fcicncc, &ceHe qui
nous rent propres aus operations.
Le mcfmc peut arriuer t'art Ora-
en
toire, qu'en celui de ta Milice, ou
de !a Médecine, &
que tel homme
dira fort bien toutes les lois qu'on
doit obterucr dans
vne picce d'E-
loquence qui fe
trouuerra néan-
moins derectucus dans l'vfages'i!
s'y applique,
pouuant donner aus
autres ce qu'il n'a pas comme cette
pierre qui fait trcncher le fer, bien
qu'elle n'aie rien qui couppe d'elle-
mcfmc.
Or pour ne pas conireccnir au
(ymbole Pythagorique quidcfcnc 1r~A-
déparier fans lumiere, c'e~ a dire ~<Mt.t~.
a monauis, fans ordre & fans mé-
thode~ puis qu'il n'y a rien qui don-
ne tant d'obfcuritc a vn difcours
que la confuCon 'e commencerai
pour m'cn cfiongncr le plus que
ic pourrai par le plan de ce petit
ouuragc. Et premièrement ie de-
clare que ie ne dirai rien icy de cefte
cloquencc animée de la vois, & de
l'a&ion qui donnoit de fi grands
auantagcs à HortenCus & a De-
mofthene qu'on a dit des ouura-
ges de ce dernier, que la meilleure
partie de Dcmofthenene s'y trou-
uoitpas. AufncA-ccIe mcfmc qui
atanc attribué à l'avion qu'âpres
lui auoir baillé le premier rang
entre les chofes qui pouuoient rcn-
dre vn Orateur parfait, il lui don-
na encore le fecond & le croiCefmc
lieu, voulant dire que tout le refte
compare a Fanion lui fcmbloit de
fort peu de confideration. Ce n'c~
pas Qu'il n'y ait eu de grands Ora-
teurs qui ont beaucoup plus paru
par leurs cfcrits, que par ce qu'ils
prononçoicnten public. Ifbcratc
entre autres cft remarque par
Quintilien pour auoircftéincom-
'parablemenc meilleur Eicriuain
que Declamaieur, ou, fclon qu'en
parle Denis d'Halicarnanc/pIus
propre a c&releu, qu'acéré enten-
du de viue vois. Au contraire de
Demadcs, & de Pcriclcs, dont le
bien dire a e~e admire, quoi qu'ils
ne ~e funcut iamais peu appliquer
à mettre la main à la ~lume. Tant
ya que lai~Iantaus maigres de Fart
tout ce qui regarde cefte cloqucn-
ce du corps comme l'appelle Ci-
ceron, qui con~ftc au gcAc, à la'1
vois, & au mouucmcnt de toute
la pcrfonne, ie ne traitterai icy que
de ccftc autre eloquence muette,
&priueedctoutc a~ion~ qui Sem-
ble eOkre par là beaucoup infcrieu-
re à la premierc, bien qu'en e~cc
ce ne ioit c~enticllemcnt qu'vnc
mcfmc eloquence, & que (uiuant
l'opinion de QuimUien le bien
parler &le bien cfcrire ne foient, fi
on y prent garde, qu'vnç meGnc
chotc. Car comme la parole cft
l'image de nofhe difcours inté-
rieur, d'où vient que les Grecs ex-
pliqucnt l'vn & l'autre par vnmeC-
me mot, nos cfcrits nous repre-
icntc~t: tous les dcus; & par con-
fequent fi ~s pcnfecs font bien
conceuës, fi no~rc langage
& cft
cloquent, ce que nous cfcrirons le
fera de mefmc, n'y pouuant auoir
de di~crence Mcrc qu'accidentel-
le en ce qui touche les petites cir-
con&anccs qui accompagnent ra-
&ion. Mais ce ne0: pas aCez d~
uoir remarque que ie me re0:rcin
drai dans l'Eloquence des liutcs~
i'~diou~e qu'au lieu de fuiure le
train des Efcholcs, qui me mené-
roit plus loin ic
que ne veus aller, ie
réduirai tout ce que t'ai à dire fur
fuict fous trois principaus arti-
ce
cles. Le premier fera des mots, ou
dirions nues, dont le corps de no-
Arc langue cft compote. Lcfecond
des periodes J qui te font de ces
~(tombiez pour expliquer
mots
quelque conception. EtIeiroiËc~
de qui concerne vne pièce
me ce
entière, &vnc Oraifon comp!ette~
quia iene ~ai quoi de conMer~-
b!een(bntout, outre ce qui peut
citre obferuc dans (es parties. Sur-
quoi ie fuis obligé d'auertirqu'en~
coreqUe les Profcneurs de tmeM-
rique entendent quetqucsfbis par
le mot d'Oraifon
vn des membres
de la periode, qui peut contenir
en
ce fens pluficurs oraifons nous
ne prendrons néanmoins en tout
ce difcours l'Oraifon qu'en fa plus
grande eAcnduc~ & pour vue
com-
pofition parfaite, afin d~uitcrh
t confufion qui pourroit venir de
ceftc double 6gni6cation< En
tout
cela mon deflein n'eft
autre, que
de profiter à ceus qui
peuucni c~rc
touchez de la mcfmc curiofité
que
i'a~ eue en faisant les obfcruations
que ic leur communiquerai &
1
d'cn tirer moi-mefme l'intrusion
que ie cherche, me confirmant en
l'opinion des chofes qui feront ap-
prouuecs~&mcdeparcantdc celles
qui auront vne plus mauuaife for-
tune. tc~aific ia gloire cnticrc à
ccus qui ont afÏe~ de fuSMancc
pour nous donner vue Rhetori-
que Fran~oife de la valcur des
Grecques, &:des Latines. Quant à
moiquircconnois ma fbibieïÏc, ic
pcnferai auoir beaucoup fait, fi ic
m'acquitte de ce peu a quoi ic me
viens d'obliger. Cleanthc&Chry-
fippe fc menèrent autrefois d'efcri-
rcdes Rhetoriques, mais ce fut de
.teUe forte ditCiccron en riant,
qu'i! ne falloit que s'amufer a les
lire, fi on vouloit bien-toA ap-
~r~r~
f~
prendre a fc tairc~ jR&~
f~MM C/M~~
~c, o~fo~ ~M~~

Q~llç
u
témérité fcroit la mienne d'entre-
prendre ce qui Succéda fi mal à
deux perfonnagcs de telle réputa-
tion ï Contentons-nous donc de
ce qui a plus de proportion auec
nos forces, & pour cet effet com-
mentons parla premiere partie de
noAre distribution qui regarde la
diAion.
Encore qu'il fcmblc que ce Soit
plus le fait d'vn Grammairien que
d'vn Orateur de confidcrer les
mots nuëmcnt, a cauSe qucc'e&Ia
Grammaire qui nous apprcnt a
parler, & la Rhétorique adifcou-~Mu!d
Io~u<m<
rir d'où vient que tant de per-~ tur,pau-
t
Mdicm:
Sonnes parlent, & que fort peu dif- C

courent cc~nme il faut. Néan-


moins foit que les Sciences em-
pruntent les vues des autres~ foit
que leur diSîcrcnce n'cmpcSchepas
qu'elles ne puiSÏent s'occuper fur
vn mefme fuict le regardant di-
ucrfement, il cft certain
que tous
ccus qui ont cfcrit de Fart du bien
dire, fe font coufiours emploies
donner des régies, & établir des
maximes qui concernent le chois
desmot~ Cd'v~ge des paroles. En
t~c~ la bonté de la di~ion cA
comme le fondement de toute
l'Eloquence~ celui-!a
ne rencon-
tra pas ma!, qui dit que les paroles
rc~embloicntaus veAcmes, qu'on
auoit bien inucntes pour !a neccfL
Cte, mais qui feruoient depuis tel-
lement à rorncment, qu'on fai-
en
foit dependre toute la bienfeance.
C'cA pourquoi comme les hom-
mes qui veulent eH:re proprement
vc~us, mettent leur premier foin
choifir de belles cAo~es. & qui à
Soient a ta mode, fans quoi le rcAc
de Içu~curiontcfcroit comme inu"
'f
tile. Il faut auHi que ceus qui pre~
tendent à l'Eloquence, faccnt leur
première cftudc de la valeur des
mois, &dc!a pureté des di&ions~
pour fçauoir celles dont ils fc pcu-
ucnt(cruir~& celles qui doiuent
c~re rciccteM comms n'étant plus

rcs règles que donnent les maiArcs <


en vfagc. Car c'e& vnc des premiè- ~w~.ï.
<.
1

de ccftc profefÏIon, d'euiter com-


me vn efcucil toutes les paroles
inuCtécs, &dcÏes confidcrer pour
c~rc de la nature des pièces de
monnoie, dont il ne fc faut iamais
charger Celles n'ont course que
le peuple ne les résolue. Or il eft
bcfoin d'y prendre garde d'autant
plus attcntiuement, que n'y aianc
rien de variable à Fegal de ce peu-
ple. à qui tous les fagcs ont donne
la fbuucraine iuriMi~ion des !an-'
gues, les mots changent fi fouucnt,
que les feuilles des arbres ne tom~
béni point plus ordinairement, fc-
'Ion le dire du Poète Latin. Que fi
vous vf~s d'vn terme trop ancien,
on dit que vous a~e<~es encore la
nourriture du gland, aprcs l'vfagc
des bleds, & de tant de bonnes
viandes. S'il cH: trop nouucau on
le compare à vnfrui~qui n'cA pas
encore meur~ &: qui pour cela ne
peutplairea caufc de fon amertu-
me. S'il cft étranger vous voi!a
tombé dans le plus grand de tous
Icsviccs qu'on peucreprochcr avn
Orateur qui cA!a Barbarie. Etain<
CitcAaifédeiugcr~qu'on ne fçau-
roit apporter trop de foin ni de cir-
€onfpc<SMon en cette partie qui
confidcre les feules paroles. l'ai
quelquefois médité d'où pouuoit
proceder ccAc grande aucrHoïl
'II
contre celles qui ne font pas dans
le commerce ordinaire, !'Echo!e
aiant fait vn crime fi capital de s'en
icruir. Onpourroitdirc~quec'ctt
pource qu'il n'y a rien de plus
odicus qu'vne vaine parade de
mots extraordinaires qui font
voir qu'on pretent parler mieus
que le commun~ &:parcon(cqucnc
qu'on n'a peu trop condamner vne
chofe du tout contraire au deHcin
de l'Orateur, qui eft de plaire afin
de persuader. Mais ic crois que la
principale raifon fe doit prendre
de ce q~Ari~ote a fort bien remar-
que en quelque lieu de ics Topi-
ques, que toute di~ion inusitée
ne peut euicer~u'cHe ne porte auec
foi de l'obscurité. Car puis que
nous ne parlons & n'écriuons que
pour eG:re entendus d'où vient
que la premiere perfe~iondeFO-
raifbnconMcencepoinc d*efhc
claire & intelhgibJe, il s'enfuit que
fon principal defaut procedera de
l'ambiguïté s'il s'y en trouuc, com-
me il ne ~e peut faire autrement,
quand nous nous feruirons de ter-
mes peu connus. C'e~ donc auec
grande raifon, qu'on les dcfent fi
cxprcf!ement, puis qu'ils femblent
s'oppofer aus intentions de tatt~
&raireia guerre a la Nature, ccllc-
cy ne nous ayant donne la !an<ruc~
&raucrc mis !a plume en la main,
que pour expliquer nettement, &
faire comprendre facilement
nos
intentions.
Il y a aufE la confideratiô du mau.
uais fon, & du peu de (atisfa~ion
que reçoit !orciHc, quand elle eft
touchée de quelque mot que Fv-
fagc n'a pas encore poli ni approu-
ué. SiIeTrai~cderE!oquencedc
Monteur du Vair fe pouuoit lire
fans ces rudes paroles, d'cmpiran-
ce, de venuH:e d'orcr haren-
pour
gucr, dc contemncment, de fleurs
fuaues, dcfpncs rarez,& fans quel-
ques autres dirions au~Ii fafcheu-
fes: qui doute que
ce bel écrit ne
paruft fans comparaifon plus
a-
grcable, méritant d'ailleurs beau-
coup de recommandation ? le ne
~ai fi outre la raifbn d En:at. Ttbe
ren'e~oit pointencore touché de
celle dont nous parlons, qui
re-
garde le tangage, lors que voulant
prononcer le nom de monopole~
lien demanda la permiflion au Se-
nat~ s'excutant de ce qu'il fe fcr-
uoit d'vn mot étranger comme
itraia vue autre fois celui d'emblè-
me du corps d'vn Decret où il auoic
efté emploie. Ce qui me fait dou-
ter qu'il pouuoit auoir cefte Secon-
de con~dcration
après celle de la
Maicfte de l'Empire c'eft qu'il afte-
Aoic fort lareputation de bien di-
te~ que d'ailleurs cefuc lui qu'vn
M. Pomponius MarceHus ofa re-
prendre d'auoir mal parlé Latin,
lui difant qu'i!pouuoic bien don-
ner le droi6t de bourgeoifie Ro-
maine aus hommes~ mais non pas
aus paroles~ ton pouuoir ne s'etten
dant pas iufqucs-la. A la vérité ce
Grammairien nousett dépeint par
Suctone pour auoir c&e fi cxa~ ob-
feruateur de la pureté de fa langue,
qu'il en cftoit trcs-importun &
mcfmcs ridicule. AuHi faut il
auouer~ que comme c'cH vne chotc
fort acihmcr~ félon noftre difcours
précèdent, dcn'vfcr point de ter-
mes rcprehcnnb!cs, c'cO: d'vn au-
tre coité vue grande miferc de s'y
a~cruir de telle forte, que ce foin
prciudicic à l'cxprcflioii de nos
penfées. Il y en a qui plu~o~: que
d'emploicr vue di<9:ipn tant foie
peu douteuse renonceroient a 1~
meilleure de leurs conceptions;
crainte de dire vne m.auuaife paro-
le leur fait abandonner volontai-
rement ce qu'ils ont de meilleur
dans l'esprit & il fe trouue à la fil1
que pour ne commettre point de
vice, ils (e (ont etongnez de toute
vertu. Ce n'e~ pas pourtant ainfi
que ces grands Précepteurs de ~E-
loquencc Grecque & Romane
ont entendu qu'il en faloit vfcr. Ils
nous onienfeigne de méprifcr tel-
lement lacuriofite des ïnots~quand
Ueitquc~ion d'expliquer quelque
haute ~importance pontée~ qu'ils
ont mis mefme ie ne fçai qucllç
grâce, & quafivne vertu oratoirç
cnccftc louable négligence. Lon-
gmus dcçriuantrexccMente & ma~
gni~quc Eloquence dont il a fait
vn Trai~e~dic qu'on ne la voit ia-
mais dans ceftc a~e<~ation ni dans
ccftc pureté qui accompagne or-
dinairement l'Eloquence vulgaire,
acaufeque ce qui c(t ~cxa~, & fi
cftudie~ tient du bas fH!e, & dégé-
nere prcfque toufiours dans le plus
humble genre de parler. llett~dic-
H des vercus de Forai~on à peu prés
comme des richefles, dont ceus
qui on c le pl usqu'on peut dire
&
cftre dans ~opulence négligent
miHe peticcs chofes, que les pauures
cfUment grandement. C'c~ pour-
quoy Quinti!ien donne au~I pour
marque d'vn difcours quin'cft pas
fort recommandable ducoftedeia
conception, &: du bon fcns, fi on
fait vne particuliere et~imedespa-
roles qui le compofent~ ~w~/M*
O~~OMC Yerba
~MMr. Et il fc fcn en vn autre en~
droit de l'authoricé de Ciccron, qui
veut qu'il foit quelquefois permis
d'errer à fon Orateur, & d'imiter
les Dames qui ont fouuent plus de
grace dans le mépris qu'cllcs font
defeparcr~ que dans leurs plus cu-
rieus ornemens. Et certes ce n'en:
pas le propre de ccus qui conçoi-
tlcnt les belles chofes, dctcfbucier
fi fort en quels termes ils les cnfan-
teront. Ils les produifcnt au iour
auec gcnerofité,& fans (ouvrir tant
de trenchécs, ilss'expliquent
aucc
vue facilité negligente, qui témoi-
gne que leur (oins'e~cnt bien plus
fur les pcnfées, que(ur!esdi~ion~
~r ~~f non M~
MM
re hominis magis
T~r~ /~oMMf~ comme parle ce
grand ornement de la République
Romaine.Ce n'eft pas que ie vueillc
cttablir icy l'opinion de quelque 1

Philofophes, qui fc tout declarez


ennemis capitaus du beau langage.
Mon intention eft d'en ofter Hm-
plement les fcmpu!cs dont beau-
coup d'cfprir! ionc cruellement
ge(hes, ~d'adoucir les penes que
Ïc donnant là de(Tus des pcr(onncs~
qui porteroient bien plus loin leurs
<neditations, n ce qu'ils onc de plus
viue chaleur ne (c perdoit par la
longueur de l'expreflion~ & n'e~oi~
comme éteinte par la crainte d'y
commettre quc)quc faute, ~o~-
~M~ ~M (y c~~ dicen
di ~~Mf,t<y M/cr~M cogitationis
~n~~ ~o~, (~ ~~MM. AuHi
ne peut-on pas dire que la Philofb-
phic foit absolument contraire â
l'Eloquence &s~lyaeudcsPhito-
(ophes, comme les Stoïciens~ &!c$
Epicuriens, qui aient déclame con-
tre c!!e~ il s'en c(ttrouue d'autres~
comme les Académiciens, &: !çs
Peripateticiens,qui en ont fait tres-
grand eAac. Hs'cnfauc tant qu'iiy
ait de la repugnance encre la Phi-
!o(bphie& laRhccoriquc~ que les
plus célèbres Orateurs ont rccona
la fagcffe
pour le principal fonde-
mec du bien dire, & que la Phitofb-
phie ettoic la mere cômune de cou
tes les bcllcs paroles, auHi bien que
de toutes Ics bonnçs avions. C'e(t
pourquoi les anciens nereccuoiec
perfonnc dans les c!a~s des Khe-
teurs, quin'euA paHe par celle des
Phitotophes~&donc l'e~prir~ dic!e
SophiftcTheon~nefuAdefiaatTer-
mipar le poids des (entenccs~ qui
deuoient feruir d'ornement à fon
difcours. Ciceron pote pour pre-
mière maxime dans fon parfait
Orateur~ qu'il efUmpoÙibie d~ftte
éloquent fans Faide de la Phi!ofo-
phie. Il auouë que les promenades
de l'Académie lui ont plus ferui
pour le deuenir~ quetourcs!cscta~
fesdes Rhéteurs. Et il fait vue re-
marque fur ce fuict, prife du Pbac-
drus de Platon que ce qui donna
vn fi grand auancage Periclés fur
à
tous les Dcclamateurs de fon tcrns,
fut d'auoir e(te difciple d'Anaxa-
gorc furnommé le PhyUcien. Le
mcfmefe peut dire de Demoifthene
à l'égard de Plato~de qui il e~oit au-
diteur lors qu'il luy prit fantaifie de
fuiure l'Orateur Calliftracus. Car il
n'y auroit point d'apparacc de fou-
ftenirque Demofthene cuftappn&
fon artd'An~ote~ apres que De-
nis d'Haticarna<Ie à fi bien réfute
vn Peripatcncicnquiauoit auancc
cette propofition. Et veritabic-
ment puis qu'Ar~ote~ qui n~uoit
que trois ans plus qucDemo~hen~
n'ocriuic tes îiures de Rhétorique
qu'étant dcfia fort-aagé, lors que
ce grand Orateur paroiiÏbit au
plus haut point de fa gloire, come
celui qui s'cftoit fait admirer ha-
ranguant dés fa vingt-cinquiefme
année; il y a bien plus d'apparance
qu'AriHotc fefoit ferui des ouura-
gesdcDcmo~hene~dc quelques
autres Orateurs Athéniens~ pour
donner les lois du bien dire, que
Dcmo&hcne du trauail d'AriHofe.
Mais encore qu'il y ait vue parfaite
conuenancc entre ces deus profcf-
Cons~de la Sagcfic & de l'Eloquen-
ce~ il cft certain que les abus qui fe
commettent en la dernière par
cefte vainc curiofité de paroles
dont nous traitcons, ont fi fort
fcandalifc quelques Philofophes,
que nous voions Scncquc qui pro-
teH:e cnl'vne de (es lettres, que s'il
lui e~oic pofUble de (e faire cnrcn-
drcparCgne~il s'en feruiroit plu.
Aottquc du difcours~ a~n d'éuiter
micus coûte forte d'a~e~aciô. C'eH:
pourquoi entre tes grandes louan-
ges qu'il donne ailleurs à fon ami
Demccrius, il recommande fur
tout d'au'oir eu vnc etoquence auHi
genereufe que ~es pcn(ees~&:qui
n'eftoiciamais cmpcfcbéc à rçtc-
~ion des parolcs. Zenon dit vn
iour fur ce propos à quetqu'vn qui
rcmarquoi~ que les termes des Phi-
losophes e~oienc tojuCours fon
concis, que fi c'eftoit chofcponibtc
ils n'vferoient mcfmes que dcfy!!a,-
bcs fort courtes. Chrydppus iou-
AiencdansPtucarquc~ qucnonfcu-
lement vn Philo(ophe doit négli-
ger de faire heun;cr les voicUcs, &
méprifcr tout ce qu'il y a de pl<~
furieux dans la Rhétorique mais
que pour auoir l'esprit plus entier
aus matières qui meritent fon ac-
tention il peut laiffer couler dans
~esc(crits dcsobtcuriccZ) des defc-
~uoGcez, & iufqucs a des incon-
~ruitez, que toute autre perfonnc
tcroit honteufe de commettre. Et
la melancholic d'vn Gramman-ien M. f.
K. 7.
nouseU repre(cntec fi grande dans
!esnuict:s Atnqucs~ qu'après auoir
dicdesiniurcsau PhitofbphcPha-
uorin, qui lui auoit communiqué
fon doute fur la propre tradu&ioïi
d'vn mot Grec en Latin cét atra-
biliaire (ouhaitte que tout legenre
humain foit muet, afin de ne plus
voir les hommes s'amufcr à de tcllcs
bagatelles. Or encore que comme
nous auons dit, toutes les fe&cs de
Phitotbphie ne fufÏent pas cgaîc-
ment auAcrcscnccpom~ ûcA-ce P<~
M.
que dans Platon mefme, qui a eu
la rcputation d'écrire auHi c!o-
quemment qu'cuA peu faire Iupi-
tcrs'il s'en fu~mené~vn eftranger
aucrtit le ieunc Socrate d'euitcr ce
grand foin des parolcs~it veut pro-
Htcrcnrcftudc deiafage~c. Cela
cft caufe qu'on a diflingué rcto-
quc~~o< des Philofophes, de celle des
Orateurs) ccus-cy vifant beaucoup
plusalafansfa~ion de ForciHe que
les premiers, qui croiroienc bien
fbuucnt fai)!ir s'its meHoient le plai-
firaucc leurs cnfeigncmcns, &qui
font profenion d'être plus vtues
au genre humain qu'agréables.
Mais fi faut-il confeHcr que ceus
mefmes d'entre les Orateurs qui fe
font !e plus afiùiettis aus lois de la
Rhétorique~ n'ont pas cHc d'auis
qu'on vcfcu~ dans vne fi feruile
contrainte qu'c& celle que beau-
coup de perfonncs impotent fur
ce fuiet,& qu'ils voudroienicnco~
rc donner au rc&c du monde. N'cA.
ce pas vne cho(e digne de rifée de
voir (buttcnir qu'on fe doit bié cm-
pefcher de prononcer la face pour
le vifage de qui que ce foic, fi on ne
parle de celle du grand Turc. Qu'il
ne faut pas dire que quelque chotc
s'abat a caufe que c'eft faire vue vi-
laine allufion au fabach des forciers.
Q~on fe doit feruir'de l'aduerbc
tandis, & non pas de pendant que,
afin de s'efioigner des mots de pcn-
dart, & de pendant d'cfpce. Et qu'il
faut abfolurnent reicttcr tous les
termes qui pcuuent porter ainfi par
vncquiuoquc mal pus a des fcns
peu honneftes; dont ils dôhnët des
exemples que la pudeur m'empeC-
che de mettre icy, pource qu'en les
rapportant t'obligerais lefprit de
ceusquin'y penferoient pasaucrc~
menr, d'y faire quelque reflexion.
Enverice c'eft: bien fe moquer du
naondede vouloir faire p~~Ïer pour
bonnes ces ob(cruacions, .& afÏez
d'autres femblables, qui n'ont rien
à quoi vn efprit autre que fort petic
puinc s'arre~er~ qui nous feroient
perdre, paivnfcrupulc ridicule, la
meilleure partie de no~re langage.
le ne veus pas conclure pourtant
que les Stoiciens euiÏent raifon de
ï'opiniaitrcra nômer chaque cho-
fepar(onnom~ &d'attribueràfoi-
b!cfÏc d'cfprit te fcandalc qui fc
prent des paroles, qu'ils (ou(Hcn<
nenc n'auoir rien de Gdc en clles-
mefmes.Encoreque Marc Antonin
maintienne félon celle do<Skrinc,
que nous ne deuons iamais tenir au-
cun mot, ni aucune a~ion pour in-
digne dénoua qui foit conforme a
la nature ;ic ne fuis pas quant à moi
d'vn fi libre tcntimcnt & ic croy
qu'on eft obligé d'éuitcr en ccn-
uan~ autancqu'itcR poffible, tout
ce qui peut donner vniu~e fuict de
tomber dans vn fens dcshonnc~c.
Mais il ne s'enfuit pas qu'il faille fc
gcfher fans ncccnitc & au grand
prciudice de noftre langue, comme
il arriueaus exemples que nous vc-
nons de propofer, ni qu'on doiue
s'ab~enir de nommer fi befoin €?
celui qui monâroit a ioucr de la
guitarrc à Socrate bien que ~on
nom fuit vn peu extraordinaire~
J
Ion la remarque de Ciccron en
qLielqu'vne de (es épures. 4

Or ce n'e~pas feulement fur vn


honncttc prerexte qu'on veut dô-
ner des lois iniuftcs au langage Pra-
gois ccuj qu~vn Génie particulier
porte dans ces fubtilités, comme ils
icsappcHcnt~endcmbiepius !oi~
!eursccnfures.0nm'a donne pouf
certain que iet d entre cu~ auoit cAc
vingt-quatre heures à remuer cômeM
il éuncroit de dire ce ~croit, trou-
uancqu'ity ~uoic ausdeus premic-
res (y ttabes vn de ces mauuais(ons,
que les Grecs nous ont cnfeigné de
luïr fous le nom de Cacophonie.
1~1 ouï dire qu'vn autrcatbu~cnu
quec'e~oit fort impropremec par-
ïerde répondre ileftmidy&dcmi,
qui HgniRe, di(oic-i!~dixhui& heu-
res, & qu'il f~noic dire prcci~mcnt,
il cA demie heure après midy. Et n'~
~on pas donc depuis peu aupub!ic
de bien grosvotumcs~où l'on a eu la
~uno~ce de fc paffcr de ivnc de nos
plus ordinaires conion~ions, dont
on auoit confpiré la perte? te ~ai
bien qu'i!s ne iAiiÏbicnt pas d'être
écrits fore cj~egammenr. Maisncft-
3f
ce point abufcr dc fon loifir de s'a~
Areindre à des chofes qui ne font
que donner de la peine inutile-
ment ) & n'y a t'il pas bien de l'iniu-
(tice à vouloir obliger les autres à
des Icntimens peu raifonnables.
Cela me fait fouuenir d'vne des
~ayetes de Lucien, quand il rcpre- M<~
~M~.
icntc le Sigma de fa langue, fe ptei-
gnancausvoieMcs, qu'il eftablit iu-
gesdcce diffcrcnt, du tort que lui
faifoic le Tau, qui le cha~bit vio-
lemment de la plufpart des dirions
Grecques. Et ic me fbuuiens encore
fur ce fuict de quelques perfonnes,
qui par vn caprice particulier ont
haï de certaines lettres de l'alpha-
bc~ donc ils (c font abftcnus cn des
écrits composez exprez pour té-
moigner raucrUon qu'ils en auoierJ
C'c~ dequoi il ne fefauc non plus
tonner que de voir des hommes
\A
<~
qui ont des goufts cxtrauagans, a
qui toute forte de douceurs déplai-
font, ou de qui le palais rcicttc les
meilleures viandes que nous cm-
ploions ordinairement a noftre
nourriture. Le mal eft quand ils
veulent qu'on trouuc bonnes leurs
deprauations, & qu'ils prétendent
anuiettir les fens qui n'ont point
ccftc corruption aus leurs ~ingu-
ticrs~cc qui ne peut pas eitre fouffert
des vns ni des autres. Pourquoi la
fantaifie de quelques particuliers
nous priucra-c'cHe des aduerbcs au-
cuncfois, auiourd'huy, foigncufc-
ment au furplus, gcneralement,
quan~a~c~ueutemcnc~&dcbeau-
coup d'autres~doni ccus qui parlent
& écriuent Icmicus fe feruent tous
les iours fort propos. Pourquoi
Icurlaiflerons nous faire des rcgles,
qu'il ne faut pas dire quitter Fenuie~
mais la perdrc;cnnuis ce(Ïez, mais
finis ou terminez eûcucr les ycus
vers le ciel, mais leuer les ycus au
J
cicl;nous o~ani vue inanité d'au-
tres termes fous ce mauuais fonde-
ment, que ce qui eft bien dit d'vne
forte, eft par contcaucnt mauuais
de l'autre. Tant s'en faut, c'cMa ri-
chcfïedc toutes les langues de pou-
uoir dluerfiRer non iculement les
paroles, mais encore ce que !c~
Grecs ont nommé phra~ fcs La-
tins elocution, & nous façon de
parler. Si nous en croions ces McC-
fieurs, Dieu ne fera plus fupplié, i!
faut qu'it (c contante d'être prie~
puisquele mot de (uppticr cft im-
propre à fon égard. Il n'y aura plus
def~uucrainetéau monde, pource
qu'eHc(onnctropma!à!curorci!!e~
qui ne peut fbuftrir qu'vne fouue-
raine puiÛance. Il ne faudra plus
parler de vénération mais teu!c-
mcnt de reuerencc. Parmi eus c'cH
cArc vieus Gaulois de dire lequel
duquel, eu égard, afpreté, aucc vne
inanité dtautres paroles qui font
dans l'vtagc ordinaire & fi vous
vousfcruezd'vnc di<9:ion qui entre
dans le fU!e d'vn Notaire, il n'en
faut point dauantage pour vous
conuaincre que vous n'câcs pas
dans !a pureté du beau langage. le
n'ofcrois m'expliquer en François
de ce que ic pente de tant de belles
maximes, les termes de Ciceron ter-
~uiront pour m'excuser de m'y c~rc
tant arrête ne l'aiant fait, finon
&M~ ~M~M ~ry~w ~M~
fM~
en vn endroit où
Il parte de la forte
il (c moque de ceus
qui craignoienc tant de tomber
dans le vice d'ambiguïté, & d'am-
phibologie qu'ils hifbient mefh~e
difficulté de prononcer nettement
leur nom; D~M metuant, dit-il, M
cendo ~M~ ~~j~~ dicant, MO~M
~M~cM~~M~< En ve-
rite nous en fommcs venu! à des fu-
perditions qui ne font pas moins
pucriles, & fi l'on ne s'oppofoit aus
vaines imaginations de certains
cfprits, qui croient mériter beau-
coup par des fubtilitez femblables
à celles que nous venons de rappor-
il
ter, ne faudroic plus parier du bon
tens. Ceusquiont examine le méri-
te des ames par celui des avions
particulicres & par de certaines
marques que Thcophrafte appelle
cara~ercs, difent que c'c0:vn indi-
ce afÏcure de grande bafÏciÏe d'ef-
prit, quand vue pcrfonnc s'amutc à
o~er trop (bigneutemeni quelque
petit fc~u~ ou le moindre poil eftra-
gcr qui fe trouuc fur fes habits.
Nous pôuuons ~donner pour vue
maxime beaucoup moins tuiette à
mcconre, qu~ ceus dont le Gcnic
n'ancnde p!uB~ cœur que cet exa-
men fcrupulcus de paroles & i'o(c
dire de fyllabes, ne font pas pour
feutÏir nob!cmenc aus chofes (cricu-
(es/niIl pourarrm<;riamais à la ma-
gnidccnce des pcnfees. Les Aigles
ne s'amutent point à prendre des
mouches comme font les moi-
neaux ni les hommes que l'efprit
e(lcue par dc~us le commun à des
chofes fi fort au dc~Ious d'eus. Itn'y
a que les autres dont nous parlons
qui s'attachent fericu~cmcnt à des
bagatelles. te veus bien que leurs
confiderations Soient aiguës quel-
quefois, & qu'il y paroide vue
pointe d'efprit que tout !c monde
n'a pas mais on la peut auoir en
des choies de neant. U n'yahcndç
plus aigu, dit Senequc que l'extré-
mité d'vn epydc bled, ni quant &
quant de plus fragile &: de pius inu-
tile, ~r~
n~. Or non feulement l'Eloqucn~
MM-

ce eft ennemie des grandes con-


traintes où nous portent ces vaines
~bcilitcz, quand bien elles ne &-
roient pas ridicules, & iniu~cs~
comme elles le font qùa6 toujours;
mais elle fait mefmcs profefHon
d'vfer par fois d'vn mot inufité, qui
fcroic ailleurs barbare & qui ne
laiIÏe pas d'auoir très-bonne grace,
lors qu'elle l'emploie à propos, aus
lieus oùilpoflcdece&cfbrce extra-
ordinaire d'cxprcnion~quc les Grecs
appellent tantôt cmphaic~ & tan-
toit énergie. C'cftainnqucles Me-
decins font entrer heureusement
despoi(bnsdansla compoHtiondc
leurs plusibuucrains remèdes; que
les MuHciens fe -feruent d'vn faus
ton, ou d'vne mauuaife cadence
dans vn concert, auec très grande
approbation de ccus qui s'y con-
noiffent; & que les plus belles fem-
relcuent l'éclat de leurs beau-
mes
tez naturelles, par l'application d'v-
ne mouche qu'cUcs (e mettenc fur
le vifage. On peut dire auHi qu'où'
tre ce~c grande liberté que les
premiers Orateurs fe font roufiours
donnée~ d'auoir plus d'égard au
fcnsqu'atadi~ion~ bien(buucnt!a
neccfÏité~ & la confide'ration du
bien public les oblige d'en vfcr ain-
fi. Car fi on veut conMcrer com-
bien il fe pert de mots tous les iours
que l'vrage abolit, il fera bien aifé
de iuger cnfuittc~ que n'cn remet-
tant point d'autres en la place de
ceus-là, nous tomberions bien toH:
dans vne extrême neccnite de lan-
4!
gage. Polybe remarque que de (on L<t. ·
rems on n'enrcndoit que fort mal-
aifément le premier traittedes Ro-
mains auec les Carthaginois fait
du tems des premiers Confuls, c'cA
à dire quelque peu moins de quatre
cens ans auparauant;& nos anciens
Romans nous font voir que no~rc
langue n'eO: pas moins fuiette 'au
changement que les autres. tt eft
donc befoin que ce quifcpert d'vn
coite fc reparc de l'autre. A !a vérité
le peuple y donne bon ordre, qui
fait valoir les diaions nouueUes,
dccredite celles que bon lui femble.
Mais pourquoi les habiles hommes
n'auront-Us point de part en cela?
Pourquoi ne leur fera-t'i! pas per-
mis au moins de prefenterà ce peu-
ple les paroles dont ils croiront que
le public aura befoin ? Ellcs ne lui
peuuent pas eUrc fournies de meil-
ieure main, & en tout cas ce mon-
tre à tant de teftes ne pert rien de
foudroie, n'approuuant que celles
qui lui agréent. Q~nniitien~e plaint
ur ce fuiet de ce que les Latins nont
pas eu le priuilege de pouuoir for-
mer les mots nouueaus comme les
Grecs, remarquant qu'a peine fouf-
froit-on parmi les Romains celle
hardie(Ïc de nouueUe comportions
quieftoit vnedcs plus grandes ver-
tus oratoires chez tes Grecs. Car on
peut voir dans Dcmctrius Phale-
rcus, comme il met entre les prin-
eipalls perforions de la haute c!o-
cuence, celle d'impofcr de nou-
ûcaus noms aus chofes pourueu
que ce foit de forte qu'vnc mauuai-
fc cerminaifon nc facc pas paroiftre
Phrygien ou Scythe celui qui par-
tcra Grec. Fauouë que ccâc licen-
ce eft encore moins en v(age parmt
nous que p~rmi les Latins, & que
nos Poètes mctmcs qui (c(onc vou-
lu donner quelque liberté en cela,'
n'y onc pas trauaillé auec fucccz, de
forte qu'il n'y auroit point d'appa-
rence de l'entreprendre commune-
memcnprofc. C'eft pour cela que
nous auons croume bonne des le
commencement la maxime gene~
ra!c de fuï~lcs paroles inutitécs.
Q~e fi nbus dirons icy que l'élo-
quence les emploie quelquefois,
c c(t vue exception ioimc deus
conditions, qui empefchenc qu'U
n'y ait de la coniradi~ion en no&rc
discours. La première condition eft
que cela (e face, non (eutemenc auffi
rarement que les Medecins fc fer.
uencdcspoi(ons, &!cs maigres de
concercdcs diffonances, felon nos
precedentcs comparaifons; mais de
plus que ce ne foit qu'en des
cn~
droits priuilcgicz, comme 6 h ne-
ccHité d'exprimer vn bon fcns~ ou
quelque importante penféc qui ne
peut c~re Hdcllemcnt rcnduë en
termes communs, nous oblige d'en
cmploier d'autres. La feconde con-
dition regarde la perfonne de celui
qui fc veut fcruir d'vn mot qui a be-
foin de faucur. Car puis que le nom-
bre c(t fort ~edcdc cq~s qui appro-
chent a~ 'uniment de rdoquence
dont nous parlons, il ne doit e&re
accordé qu'a bien peu de monde de
s'attribuer vnc liberté qui n'cft con-
cédée qu'aus grands Orateurs. De
mcfmc qu'il n'eA pas permis dans la
Morale d'imiter toufiours Socrate,
Diogcnc~ouArifUppe~quifaifoicnt
& difoient beaucoup de chofcs
contre les moeurs de leur tems~ par
vn priuilcge que leurs vertus nom-
pareilles s'cAoicnt acquis~
~MM~n ~c~ccw~~M ~f~-
~w. Auffi pcw on dire dans la
Khccoriquc, qu'il n'~pp&r~cnt p~s
auspcntsEtch~ains de (cdoncfdc
ccrtameshceccï; qui font remuées
ausgrandsmaiArcs (cutcmcM.
Or C c~ vn vice à ccus- de
ne pas mefarer leurs forces, ic les.
trouueeïTcorep!us b!a(ïnab!csiors
qu'â!s ont la hardieïlc de cen~urcr~
en des ouurages qui tcgardent l'c-
ternic~ ces petites paroles que nous
dirons cfchappcr quelquefois aus
autres fort lieu rcutemcnr. C'cA fai-
re comme Momus qui Ce mit à rc~
prendre Venus d'cârc mal chau~cc~
voiant qu'il ne trouuoit rien cnctic
dont il pcûc médire. Et roterai en-
core comparer ces iniu~cs Criti-
ques a ceus qui penfent diminuer
la gloire des afh cs~ quand ils fe van.
tcncd'yauoirobieruequelque~ pc.
titcs taches noires. Mais comme
perfonne fans folie ne trouuera le
Soleil moins beau à caufc de ces
nouuclles remarques, ic ne croy
plus qu'vn homme de bon
pas non
fcns voulue condamner vn ccuure
de grande recommandation, pour
qu'on auroit trouue quelque
ce y
di&ion à redire. Etneantmoinson
fait encore pis. Fay Yeu depuis peu
de tems fort maltraitter vntrauail
qui meritoit beaucoup de louange
fur ce mauuais precexte que fon
Authcur ne s'cftoit pas toujours
ferui des mots propres. Si c~ ce
que quand la ncecHite d'v(er de me-
taphores ne (c rencontreroit pas en
toutes langues, comme elle fait
très- tomicnt ce (croit te priucr des
ptus belles figures de la Rhetori-
de
que, ne vouloir iamaisemploicr
que les cormes proptcs, &i'ofe dire
1*1
1
49
qu'i! y auroit du vice d'en vfcr de !a
forte. Pour le moins eft-ce l'opi-
nion de Longinus, que rien ne C~ < it.
fert dauantage a rendre l'oraifon
grande & maicAucufc que les
tranGations. EcCicerontescom-~D<0~ J
pare fur ce propos aus robes qui
ont cfte faites contre le froid, &
qui depuis (e portent plus par bicti
feance que par befoin. Ce fi'cft
pas pour pardonner les fautes,
quand on reprent mefmes cc qui
peut tenir lieude vertu. le répète
pourtant icy qu'il eft permis de
1 faillir c!oquammcnt & qu'vnc
1 mauuaife parole a quelquefois au-
tant de grâce en la bouche d'vM
Orateur, que le bégayer en celle
des filles, qui rend bien fouuent
leur parler plus agréable,
~~o ~~r w~ m)f- 0«~.
~rf l~~r~. «y«
<t~<
D
On a dit au fuiet des ouuragcs d'A-
pollonius Rhodicn que c'c~oic
quetqucfbisvn défaut de ne point
commecire de fautes. C'eft fclon
!c mefme fens que nous fouftenons
que la haute éloquence n'auroit
pastoutela maictte qui la doit ac-
compagner, (icHes'afluictcinbicfi
feruiiemenc aus mots dont elle
vfc, qu'cMc n'en ofaft iamais pro-
noncer aucun quin'cu0:eulcsfuf-
frages du peuple. Gelliusavncha-
picreexccMcncpoor faire voirque
les plus grands hommes en l'vne
& cnt'aurrc cloquence, pocriquc~
& oratoire~ en ont tout autrement
vfé; & que le feul égard qu'ils ont
eu au fon, & à la fadsfa&ion de
l'oreiHc~ leur a fait m~prifcr fou-
uent toutes les lois de la Grammai-
re. Q~and Virgitcadit pour
~r~ & Ciceron ~~CMM pour Ë~
4 <
c~~ aucc beaucoup d'autres pa~
roles femblabtes ils ont choqué
les règles &:rv~ge du parler ordi-
naire, pour vaquer a ccconrcntc-
ment de l'ouie que nous Sommes
contrains d'cxprimer par le mot
Grec ~<p~w<~ puis que Ge!hus
luicnapcucrouucr en Latin, ne
noM
plus que nous en François. Son
confeUeâ qu'on doit pluftoH:
con-
~u!ccr fon oreille, qu'vn Grammai-
rien & que la bonne cadence dvïl
1
s
mot irregu!icr!c peut fouuent fai-
re preferer à celui qui c~ptus ap~.
~roQue. Enc~cpuisqucrvnedes
¡
HnsdcrOratcurcH de plaire, Pia~-
ton raianc pour cela comparé au
$
bon Cuifinier, & mis Ja R.hecori<
que entre les arts qui feruent à la
votupté.c'c~fans doute qu'il doit
Vt(cr fur touc
à recreer ce fens que
ks Efchoits nomment excci-
par
t
.')'
Icnce le fens des disciplines. H ne
me reQ:c rien apres cela dont i$
vucit!e gro~fir la première partie
de ce difcours que nous auions
defUnee à considérer la did:ion
tourenuë.t~dioun:eraifcu!e!~cn~
qu'encore que les paroles fcmb!enc
a beaucoup de pcrfonfic=s de fort
pcudccon(equcnce~ fi e(t-cc qu'~
y prendre garde de pres~ on trou-
uera que la mci!!enrc parcrc des
hommes s'occupe à les examiner.
Le: plus grands différons qui fe
trouuenc en toute fbrrc de pro-
ferions n'onc fouuent point d'au-
tre fondemcnr on a veu tout !c
mondcChrefUcn (e partager pour
vn ïota; &: le fcns des lois facrccs
ou prophancs rombe tous les iours
en difputc par la diucrfe inter-
pretation qu'on donne aus termes
dont s'cft ferui le Legidatcu~ C'eA
vnechofe certaine, quc!es Phi!o~
ïophcs anciens qui ont exerce de
figrandes animofitez les vns con-
tre les autres croient ordinaire-
ment plus en digèrent pour les
mots que pour les matieres. Ze-
non fa fc~c à parc, inuentant
~c
des dirions nouucUes pour Ggn i-
fier, comme on!ui reprochoit, la
mefmc chofe que difbicnc les au-
tres. Carncadcs fouftint pour cela
que les Stoïciens ne difputoicnt
que des termes aucc les Peripate-
cicicns, & qu'ik n'auoicnt entre
eus que la vois di~terence dans vn
mefmcfeDtimcnt. Et il y en qui
a
ont trauaillé à faire voir, que ces
derniers n'auoicnc pa? moins de
conuenance auec les difciples de
Platon, en ce qui eftoit des pen-
fées, encore qu'ils s'en expliquai
fenc diucrfcmcnc. Ce n'cft donc
grande merucille fi l'on
pas vue
s'accorde fi peu fur 1"vfagedes. pa-
roles dans la Rhetorique, puis
qu'cHes onc le mefme cffeû: dans
toutes les difciplines, & que les
hommes au'ona creu les plus rai-
fbnna.blcs n'en ont peu conuenir.
Panons au fccond article, & y con~-
fiderons les periodes Icparcmenc~
comme membres qui compoicnt
le,ecorps.de l'Oraifbn~ donc nous
parlerons en troifiefme lieu fui-
uanc noArc diuifion.
Ge(t vue chofe merueilleufe-
qu'il y ait des hommes teUcmcM
nez à fc- donner de la pêne dans
leurs comportions, comme dit,
Qmnnticn qu'ils ne croient ia-
maisauoir rien écrit a.propos~ 6
n'a ç~e auec beaucoup <leditR-
ce
cul~. Ccus de cette humeur ne &
~nsfon~ que fort rarement~
te trauaillent la plume à la main~
comme l'oifeau qui fe bat a !a per-
che, & la moindre période les fati-
gue plus qu'vn difcours entier ne
deuroit faire, s'ils escient moins
perfecutez de leur propre Genie.
Cen'eftpas aucievueiHedircqu'it
ne foit fort bon d'vfer de fcueritc
cnuers fbi-mc(me, & de corriger
par vne feconde & troincfmc pen-
sée
ce qui eft échappe de moins
receuable à la premierc. Il n'y
point de conception qui ne nous
ptai~d'abord lors que nous la cou-
chons fur le papier autrcmct nous
ne prendrions pas la pene de Fy
mettre; de forte que fi nous ne re-
paffions defÏus, apres auoir !aifÏ~
refroidir ce premier feu ci'amour,
que nous auons nature! ) émet pour
tout ce qui vient de nous, il forti-
roit beaucoup d'imperfections de
nos mains) que le iugement nous
doit faire fupprimer, fi la corrc-
sion n'eft fuSfantc pour les re-
parer. Car !cs produ~ions de l'a-
ine font en leur commencemcnc
de la nature des vins nouueaus, qui
demandent qu'à échapper & à
ne
sepandre; &nous auons vne cer-
taine tendrclfe pour nos enfans
Spirituels, qui nousempefchcd~
reconnoiftrc fi to0: leurs défauts.
Ilcftbefbin d'vnpeude temspour
les apperceuoir & de quitter la
quatre de père païnonne ou d'au-
ihcur parcial, pour prendre celle
de !c<a:cur indi~crent. C'eA alors
qu'il ne fc fam rien pardonner
k)i-mcfïne,quc les ratures doiuent
rendre no(tre éçriture plusagrea-
ble, & que la plume en cffaçant
peut former les plus beaus traits
de ~on art. Mais encore y at'iIqucL.
<
que médiocrité a garder en cela
nos cenfures pour eftre rigoureu-
fcsnc font pas obligées a l'iniufH-
ce~ & c'c~ vne Icgerecé d'efpric
trop grande, de condamner tous-
jours les premieres exprenions,
pour en mettre d'autres qui fou-
uent ne les valent pa~ou qui n'ont
point d'autre auantage que celui
d'cAre venues les dernières. Il fe
trouue néanmoins aïlex de per-
fonnes de ce tempérament. Lefti-
le obfcur & corrompu de Tibère
1
s'en refentoit fi fort, que ce qu'il
faifoit fur le champ cftoic fans
comparaifbnmcilleur~qucquand
il auoic trauaillé auec beaucoup
de pene & de loifir. Et l'Orateur
Caluus nous eft reprefenté pour
auoir tellement pèche en cc~c for-
te de (uperfUtion~ que furl'apprc-
hcnËpnde laiilerla moindre cho-
ie dans vue periode, qui peuftfaire
tort à l'Eloquence dont il faifoit
profcnion~Hiuio~oic fouuent ce
qu'elle auoit de plus louable com-
me ceux qui pour fe purger du
mauuais fang, tirent iufquesicc-
lui qui ciï: nccetlaire lavie, 2~-
fe,
c~rM~ w~M~ ~<<'o/-
7~rcf ~r~
~~r~~f. 0 r fi nous auons tantôt
bla(më le foin trop fcrupulcus des
paroles aucc quelque raifon, il n'y
en a pas moins de declamer icy
contre la trop grande curioncé
que plusieurs apporrcnc en la com-
poHcion de leurs periodes. l'aucuë
que les maigres qui les ont diuifées
en trois genres l'H~onquc~ le
Dialogique, & rOratoire~ nous
ont oblige de les former en forte,
que l'ordre, les iointures, & les
nombres y foienc obferuez, Srquc
fi l'on n'a égard à ces trois choses
il cft bien di~cilc de rendre vue
pé-
riode parfaite. Mais ic fbu~icny
auHi que les mefmes qui nous ont-
donne ces règles~ nous ont cnfei-
gné de ne nous y aneruir que de
bonne fa~on & qu'ils nous ont
lai~edes exemples dcicsmeprifcr~
autant de fois qu'elles pourroicnt
preiudiciciraubonfcns. Car il ar-
hucquelqucfbis que pour (c tchir
trop attache aus meiurcs & à la
cadcnce d'vnc période, on fe relaP-
chc d'vne partie de ce qu'on doit
dire ou que l'écrit qui donne
trop d'attention a la manière de
s'expliquer n'a pas toute la vigueur
qu'il deuroit auoir lors qu'il con-
<;oit les cb~cs & qu'il s'applique a
la matierf dont il c~ obligé de
t~itter. le veùs donner vn cxem-
ple notable de ce que ie dis. Quand
les Vénitiens (c refolurent de met-
tre!~ main à la plume pour fc de-
fendre de l'interdit où les mcttoic
le Pape Paul cinquicfmc, ils firent
chois d'vnican Bapcifte Leon qui
auoit la reputation de fçauoir cou-
tes Icsifineffes de la langue Italien-
ne~ &d'en poffedcr toutes les gra-
ces. Pour (on initru~ion ils lui.
donnerent les memoires du Pcre
Paul, leur grand Théologien d'E-
ftat, qu'on n'e~imoic pas auoir le
Hite fi drlicat & ils chargercnt
Baptise Léon d'écrire fuiuant ccs.
memoires en faueur de la hbercé
Venitienne, & de faire valoir les
droits de la République. Ccftui-
cy qui ne pcnfoic qu~ i'c!cgancc
des paroles, &à la beauté des pé-
riodes, s'acquitta de fa charge de
telle forte qu'aianc foiblemcnt.
~1
explique les plus fortes raiCons du
Pere~ & fouucnt abandonné fes
meilleurs fentimcns afin de ne
rien dire qui ne fuH: très-éloquente
on fut contraint de remettre la
charge de t'écrit au meCTie qui a-
uoic fourni les bonnes penfées,
dont il s'acquitta aucc ccftc vi-
gueur &:ccftc fuHifance qui fut re-
connuë de rout le monde~ ce que ic
prctcndsdire fans toucher le méri-
te de l'a&irc dont il eftoit qucftio.
Voila combien il importe de ne fc
pas trop a~uiettir à la beauté du
langage, & de n'en pas faire la plus
considérable partie de l'Etoqucn-
ce, qui confiftc au bon raifbnnc-
ment. Polybe fe moque pour cela c~~
de l'hi~oricn Zenon qui negti-~¡~'7~
geoic ce qui eftoit te plus impor-
tant en fon mefUcr, & commcttoit
des fautes enenneHes dansrhiAoi.
te, croient seRrc acquittedigne-
ment de fa charge &il auoit eu l'c-
tocution dégante~ &s'i!~uoit ex-
cella au nombre a !a c~d~ncc des
periodes. En effet nous voions
beaucoup de pcrfonncs qui fbnc
tellement leur princiD~l de cc!~
quand ils ccriuenc & qui mon~
n:rqnt vne fi grande négligence
QU
impuinance au rcfte que c'eH: vne
compa~ion de leur voir emptoicr
en des chofcs de pc~nc des termes
~exquis &~curicu~cmenu'ccher-
chez. Il me femb!~
que nous pou-
uons les comparer cens qui s'a-
mufenca cribler de la ccrrc
auecvn
grand ~bin, pour n'y mettre en
~itte qucdcs Tripes ~& des AM-
moncs. Ces ~curs jfbnt bettes à la
vérité, donnent du ptaiHr ~k
ycuë, m.ns au~i p<~ent-el!cs en vn
tn~nt pFpdu~nt point de
fruits &rnc(ont nuUcmenc com~
parabksaus planés vti!es aJa vie
humaine. Les ouujrages de ceus
dontnous parions, quoi quc~ra-
uailles auec vnc grande pene, ne
font ni de plus d'v~ge, ni de plus
de durée que ces Ancmoncs;!aou
ce qui part de la main des hommes
qui pp~dcnc vne véritable &:&-
lidc éloquence~ bien que moins ac-
compagné de curiofité, ne crainc
point que le tcms hnierefic~ & fe
trouuc vtilc mcfmcs à la poUcricc.
C~eA pourquoi, pourfuiuanc no-
Ct:rccomparaifbn, nousdironsquc
ces derniers refÏernblenc aceus qui
plantent des vergers, ou qui ont
d~~Ïcin de faire venir du bois de
haute futaie, à quoi ils trauailicnc
aucc le plus d'ordre & de grâce
qu'on y pcnc apporter fans s'amu-
kr pourtant faUcr la terrc~ ni i
cp!uchcr iufques a la plus petite
pierre. Tant s'en fine comme f

nous auons dit, que fouucnt vn


mot qu i tient encore de la barba-
rie, peut eftre emploie fi à propos t
qu'il a de l'elegance ils croient
qu'vne période mal arondic & ne-
gtigemmec couchée, peut de mc~
me auoir vn fort bon effet dans l

l'orai(on~ comme !es ombres l'ont


dansla peinture, où elles rc!eucnt
les autres couleurs, & rendent vn
tableau plus accompli. Nous voios
des exemples de cela dans les plus
belles pièces Grecques & Latine~
qui nous reftent des ancie~ quand
les levons de la Rhétorique ne
nous rauroient pas enseigne. A la
verité Ifocraie & ccus qui levou-
lurent imiter, comme Tbcopom-
pe & que)qucs autres, furent plus
fcrupuleus felon l'obteruation de
Qumtmen mais Demoithenc & c c<w.
Ciceronfc font par tout donné de O~t (~
~<M~J.
merucillcufes licences pour ce rc- 4'
gard. On ne doit pourtant pas
penfer qu'Us en aient ainC v~taM
raifon. Car outre qu'vn peu de ne-
gligence fcrt quelquefois beàu~
coup a perfuadcr qui cft le bût de
l'Orateur, parce qu'cHc couurefbA
artifice; il ie peut faire encore que
le defaut qui ~e trouuera en l'vn de$
membres de la période & qui la
rendra comme boitcu~ piaira par
lamefmeraifbn qu'Ouidc dit que
fa belle Elégie e~oitplus agréable
d'aucu-vapied plus long que l'au-
tre,
~MM f~~ ~ow erat.
~~Mt.
C'eit vne chofe certaine que les 1
RJheteurs ont fait~n vice de s'atta-
cher trop en cccy aux règles de 1~
perfc&ion. NoMs votons mcfmes
1
Philonicus le Diale&icien~ r
que
Hicronimus le Philofophc,
auec
reprirent Ifbcratc d'en auoir vté
comme nous venons de dire, aiant
ibuuëc combine (~conception, &
affuietti fes pcnfécs aus nombres
~i'vnc période. Car c'cA~ difbicnt- ?
ils, violer l'ordre de la nature, qui
veut que les paroles ferucnt la
icncence~ & non p~s au contraire
où il paroift ic ne i~i quoi indigne
d'vn homme ferieus. De là vient
que les pièces de cét Orateur qu'i!
compofa les dernières dans vn
aasc de plus grande prudencefont
beaucoup meilleures que les au- `
tres, s'étant corrige de cc&c vaine
curiodcc qu'H auoit eue aupara-
uant, felon le iugement qu'en fait
Denis d Ha!icarna~e. Et on peut
remarquer dans Longinus~comme
il ne recognoi~ rien de plus ennc~
mi du~eîte de fa haute éloquence
quinefoufPfc pas qu'on s'arre&e
beaucoup de cho&s, ~bnt Feto~
quence vulgaire fait de l'cftat; non
plus, dit-il, que les grands Situai-
res faifant vn Coto~Ïc qui doic cttrc
la mcrueille de pîufieurs ficcles, ne
s'atnufcncpasaMUtcs tesdcticatcf-
fes que les moindres ouuriers cm-
ploient aus petites pièces qu'ils
font. Mais pour ce que ces conC-
derationstbni générâtes, ic vien-
drai au particulier des périodes~
qucicconndcrcrai en leur quanti~
te~& en leur qualité.
Vne période peut pecher dans
la quantité en dcus façons, toit
qu'cMe foit'trop longue ou trop
courte. Cat fi c!!c s'c~cnc au dcla
d'vneiu&e longueur~ il ne fe peut
faire que la con~ru~ion n'en dc-'
uienhcobfcurc~ &di&ci!e~ ce qui
rend vue ôraifbn tout à fait vicieu-
le. La raifbn décela (è prcnt de ce
que les tr<~s perforions d'vn Ora-
teur ~ntd~nteigncr, de plaire~ &
d'emouuoir. Orcequidtobtcur~
n'enseigne pas;~ilcH imponible
qu'vne chofe difficile p!aife comme
tetic; ni parciHement qu'eHc ~meu-
ue aind qu'eUc doit. D'où l'on peut
voir Que la longueur dcmcmr~e
d'vnc période ctt tout à fait con-~
traire à t'cloqucncc puis qu'etîc
priucvn difcours des plus grandes
perfedions qu'il doit auoir. Que
ncetcxccz a cfte condamné parmi
ks Grecs & les Latins, qui ne pou-
woient fouffrir vne période p!oian-'
te par le milieu, où dont loscxtre-
~iccz pcnchafÏent par trop gra-
de cH~udue, ce doit* c~rc parmi
nous vn dcfaut bien plus intup*
portable. Car no~rc humeM
prompte ne s'accorde pas auec
cc~cennuieufc attente, où il faut
qucFcfprit demeure pour recueil-
lir le fcns dlvne longue periodc~qui
n'eA iamais parfait qu'a la 6n,
.,dont vne partie (c père bien fou-
ucnc en chemin le commen-
cement s'oubliant auant que ron
foit au bout. D'ailleurs on peut
bien remarquer que no0:rc langue
s'y accommode encore moin~quc
celles des anciés; puis qu'il fe trou-
quelquefois des périodes dans
uc
Dcmo~hcne & dans Ciceron tel-
lement à perte d'haleinc, qu'il eft
fans douie que nous ne les endu-
rerions iamais cn Ms vn de nos
E(criuains. Cellcs4a font fur tout
blafmcr qui enuelopcnt plus d~n
à
Cens, parce qu'elles partagent da-
vantage no&rc etprit, & le met-
dcfcfpoir. Aufii
~~t comme au
n'y a t'ilgueres que ccus qui com-
mencent~ (c mcOcr d'écrire a qui
il en cfchappe de telles. Encore
faut-il que e vice vienne d'vn
mauuais principe, & qu'il y ait de
la confuCond'efpric précédente;
ccusquicon~oiucnc nettement les
chotcs les couchant quafi tous-
iours de mefme fur le papier. Mais
ic
pour ce que ne vois a prcfcnt au-
cun de ccus qui mettent la main à
la plume auec quelque r~puiation~
qui ne conuiennc de ce que nous
venons de dire, ~qui n'éuitc fort
(bigncufcment ces trop longues
période; lemç contenterai dcraT
porter deus motsdccc qnc!cs an~
ciens en ont dit, pour ce qu'ils ont
eAededi~rentç opinion fur cela,
Ils font bien d'accord en ce qu'vnc
période parfaite doit au moins
t;oir dçu~ mein~rts car celles q~
n'en ont qu'vn (ont nommées 6a~ ~M~.
FM. <~
ples, ou imparfaites. MaisQ~inii-~X~<. 1
lien, qui dit qu'on lui en donne or.M J
dinairement quatre~adiou~c qu'cL 4
le en peut rcccuoir encore d~uan-
tagc. Ciceron femble cAre de fon
~uis~rcgiant plus longue éten-
duë à celle de quatre vers de ûx
pieds, ou à ce que nous pouuons
prononcer d'voe feule haleinc.De-
metrius rOr~tcur & le Sophie
Alexandre fou~iennent au con- ~M~OW.
traire qu'vne période qui a plus dcj M.
quatre membres cft trop longue,
& qu'elle n'a plus ccAe (ymmeiric
périodique, comme parle Dcmc-
trius~ ou conC~t ~a pcrfc~ion.
C'cAlemcfmc quiobicrue que les
périodes cftcnduïs conuienneni
principalement au gcntc de l'élo-
quence fublinie. D'où vient que
te veM HeaLameKe~ qui c& le plus
«~ utj
E 0.a
grand de tous, c(t nomme héroï-
que, & deftiné à reprcrc:nter les
avions mcmorablcs de ceus que
les anciens appciioicnr des Demi-
dicus. Au contraire dcsvcMd~Ar~
chilocus, &d'Anacrcon,quicom~
me fore petits jRe font propres
qu'au plus bas genre d'écrire. Ve-
jnonsmainre~an~ aus periodes qui
pccheM dans l'autre cxrrcmité
pour e&re trop courtes, & où ic
vois que l'abus eH: dautant plus
grand qu'il trompe fous l'appa-
rence du bien, le vice aiant e&c
pris en cela, comme quelquefois
dansla Morale, pour vue vertu.
Comme il n'y a rien plus en-
nuieus que le l~gage de ccus qui
v~cnt de ces longs propos, qu'on
voit fouuëc tenir ~u Do&eur Gra-
tien de laComcdic~uni poumon
dtrc lue le~t~ç~rop concis qui~
les courtes periodes que nous vou-
lons reprendre, rcNcmble au par-
ler d'vn a&hmatique~ & de ceus qui
ont vne continuelle palpitation
decccur. Que fi d'vne part ces pe-
nodcs témoignent la courte ha-
!eine de ceus qui les couppcnt 6
menu, il femb!c d'ailtcurs quelles
ne foient bonnes que pour des per-
fonnes à qui quelque debilité (pi-
rituelle fait reietter les difcours
plus étendus comme il y a des
malades qui ne ~epeuuent nourrir
que de hachis~ &quine ~auroicnt
digérer les viandes bolides. Ce
montre de Caligula ia!ous de la
réputation de Sencque, lui voulut
imputer de n'auoir écrit que pout
ccus-t~ & i'accufa d'auoir mis
beaucoup de grauier ensemble
fans chaus & (ans liaifon, nom-
tnant ain6(a f~on de s'expliquer
~uHt tibre & aufiï aubère que (a vie.
Mais cec ittu~re Philosophe n'a
befoin de no~re défende fur
pas
cc!a,t'iniurc aiant c~6 rcicctc~t y
long-tcms fur l'hutneur tyrinni-
quc de fon Autheur, qui ne pou-
uoic fouffrir vnc gloire dont il
eftoit également indigne &: en-
uieus. Q~c fi l'ctoqucncc phi!o-
fophique de Senequc n~ pas ob-
fcrué par tout ce que pretcriuent
tesrcgtcsde l'éloquence Oratoire,
cc!as'c~trouue tellement recom-
pcnie par la grandeur & par le pris
de tes pcnfecs que foa mérite n'en
a point rcceu de diminution. On
peut ncanmoins reconnoi~re par
i'inuc&iuc de cet Empcreur~qu'vn
~itc trop cntrecouppé a touhours
e~6 tenu pour fort vicieus. Ceus
qui s'en cruent encor auiourd'huy
le veulent rendre recommandable,
par ce qu'il temble auoir dauanta-
gc de pointes que celui qui eitpïu:
diffus, & d'autant que beaucoup
de figures comme Icsantithcfes~ &:
les aUuCons y paroi~Ïcnc aucc va
~clac nompareiL Il faut pourtant
auoucr que toutes ces petites gen-
tille~Ïes ne (ont conCderabtcs~ que
comme les moindres cHolHes qui
brillent a nos ycus en tremblottant;
au lien que la vraie éloquence doit
:ttre comme vn Solei! plein de cha-
leur & de lumicrc, dont les inÛucn-
ces pcuucnt tout fur nos cfprits,. Et
puis que nous ne ~aurions micus
comprendre vnc chofe fi diuine.,
que par des comparaisons prises du
Cie~ i'adiouHcrai quc!c Aile rom-
pu, Sdcs périodes bribes, (ont bien
capables d'exciter dans nos ames
vne émotion fcmblablc à celle que
çaufe içy bas le mouuemcnt de ire-
pidation~ dont les effets ne font
quafi pas conHdcrez. Mais qu'vne
haute &magniRque éloquence ra-
uit lcs esprits, Sdesemporce com-
me vn premier mobile, fans que
rien lui pui(!c rcfifter. Au furplus
la iibcrcc qu'ont pris les ttaticns
d'accuser vn François de la corru-
ption de leur éloquence & de dire
que l'hi~onen Mathieu auoit de-
puis peu donne rcxcmpte chez eus
de cc~e m~uuai(e fa~on d'écrire~
dont nous padons~ eft caufe que ic
ne ferai nuiic di(Rcu~~ de remar-
quer icy, qucrAuthcurmpdcrne
du R~~«~ du D~M~ ~r~M~
& de quelques autres petits traitiez
de mefmce~o~fe, qui ont ébloüoi
Sabord de certains c~prit~ettpcut-
cArctcplus depraué, &cetuyqni~
le plus péché au Aitc que nous re-
prenons~ de tous ccus de cetems.
San~anieredc s'expliquer c&toutc
femblablc à Fallurc des petits en-
fans, qui ne vont que par (écoutes;
&ily pareil vnc foible~Ïe comme
au vol des oif~us qui n'onc pas
raide afÏcz fôrte, & qui n' ~(ent en-
core fe hazardcr que de branche cn
branche. En e~ct vous n'y votez
rien d'étendu, ce Ae (ont que fcns
brifcz fi eourc, qu'on en ctt: furpris,
& touc y va par des contrepointc~
dont la plus part fonc fondées fur
vn icu de paroles qui n'a rien de (c<'

rieus. Il faic (buucnc des failiiet


violentes, mais c'cO: pour te rcpo~
fer tout auffi tott: fcs reprîtes font
H fréquentes & fi fubites, qu'elles

nous rcprcfentcnt le fauter d'vnc


pic;&il y a fi peu de liaifon entre
i~s périodes, & fbuuent en elles
jiiehnes, que ic ne pen& pas que
~la fc pui~c a~Ïcz expliquer que
par le prouerbe des Latins, /f~
<&M~. C'eA ce que t'ai bien vou-
lu dire d'vn étranger afin de me
taire de ceus de no&te nation, qui
font pis que lui. Car fi beaucoup
de confiderations m'ont cmpc~-
ché de nommer ceus d'entre nous~
que i'cu~e crcu pouuoir donner
pourpatronsd'vnennguHcre élo-
quence ;iî y en a de plus fortes en-
cor~& de plus, fclon mon humeur
qui me défendent déparier de qui
que ce foit en mauuaife part, &
quine consentent pas quei'o~a-
ciamais perfbnncpafvn mauuais
trai& de plume.
Dirons maintenant quelque
chofe des qualitez d'vne periode,
que l'on conHderc ~clon qu'elle eft
nombrcu~e~ bien fonantc~ orn~c
de figures & accompagnée de
quantité de conditions dont les
Rhéteurs nous ont lai~ va afÏez
grand nombre de preceptcs. Mais
pour ce que ie n'écris pas vue Rhé-
torique~ me contentant de tou-
cher fimplcmcnt les points que t'ai
creu importer d'autant plus à l'c-
loquence de ce tems qu'ils font
moins considérez; il n'y a pas lieu
ce me fcmble de nous arrêter
beaucoup fur ces qualitez, & cette-
ta a&z d'y faire quelques légères
rcûexions.Car premièrement pour
ce qui cit des nombres & du ton
des periodes, il faut auoucr que no-
&re langage a rcceo depuis peu
tant de graccs pour ce regard, que
nous ne voions gucrcs de périodes
micus digérées, ni plus agréable-
ment tournées dans Demo&henc,
ou dans Ciceron, que font celles
de quelques-vus de nos Efcriuains.
Il me fcroit aifé de prouucr cc que
ic dis par i'authorite de leurs ou-
ur~gcs, fi ic ne craignois d'o&nicr
beaucoup de personnes par le
chois de deus ou de trois.L'vn d'cn~
trc cus, que ie croy auoir le plus
mérite en cc~c partie, comme au
ic&e des orncmens de noftre lan-
gue, a couru la fortune de tous ceus
cui excellent en quelque profc~
ton, par rcnuie qui s'ett particu-
lièrement attachée a luy. Ce feroit
augmenter ccfte ombre importu-
ne de vertu de le deSgner dauan-
tage; ic ne doispa~d'aiMeurs rom~
pré pour lui le de
voeu mon Htcncc;
&c'e&fans doute quoi que nous
n~ustai~Y~ qu'il eprouueraauHï
bieûque Menandre, les iugemeM
~tapo~eritÉ plus fauorables que
ccus de fon Cecte. U me iu&t de
dire ce pendan~quc lui, & ceus qui
~ht heurcu&~cM Kâuaiiie com~
<
me lui a ce~c agréable harmonie
des periodes, s'en font acquittez de
telle forte que ie ne pcnfc pas
qu'oïl puifÏc porter plus haut vnc
fi importante partie de l'éloquen-
ce. Car ce feroit fe tromper de
croire qu'encore que l'oraifbn n'ait
pas Ces pieds &:<cs nombres fi (en-
nb)cs que la pocHe, ils fbient moins
a confiderer pour cela dans la pro<
fe que dans les vers. Tant s'en faur~
les maiftrcs afÏeurenc que la caden-
ce nombreufe d'vn Orateur cft
bien plus difficile à obfcrucr que
ceUc d'vn Poccc, pour ccAc raifon
entre autres, quccc!ui-!ae~ obli-
gé d'euitcr (bigncufcment les me-
furcs poétiques,
n'y aiant rien de
plusvicicus dans vue oraifon, que
d'y g!ifÏer inopinément quelque
v~s. Sieft-cequeq'ae~évnccho-'
icûdijSicile aus anciens, de Hepas
tomber quelquefois dans cet in-
conucnient qu'ifbcraic le plus
exaA de tous les Grecs, & qui do~-
noie quelquefois dix années cntie-
res à compoter vue de fcs pièces~ fo
trouuc auoir laifÏc couler des vers
par megardc dans vnc profe fi ettu~
diee. Et ce qui $ft bien conGdcra~
blc~& qui montre la grande difR-
eulcc de ne le pas faire c'eO: que le
Pcripatcticien Hieronymus qui
prie la pene d'examiner fur cela
Ïfbcrate, &qui trouua iufqucs aa
nombre de trente vers mcfurcz
dans toutes IcscBUurcs de ce grand
Orateur, ne peut s'cmpefchcriui-
mcfmc de commettre la faute qu'il
rcprcnoit dans !ç liure écrit cx-
prcz contre ce vice. Le Sophie
ThconafÏcurc, qu'il n'y a point eu
d'Orateurs a qui il n'en toit arriué
autant. &: qH'EphMC aiant com~
pofevnebeUe oraifbnpourmon~
Hrct combien ccAe locution
trop
nombrcufe& trop poëtique eftoit
vicieuse en profc, ne iaiHa de
pas
faire vn vers fans penfer des le
y
commencement de fon difcours.
Ït ne faut pas douter de-
que
faut ne foit aufE blafmablc ce
en no-
Rre langue qu'en aucune
aurrc;
c'eft pourquoi nous voions
que
ceus dont ic viens de parler, qui
ondcmicus entendu les delicatcf
fcs de rctoqucnce Fran~oife, fe font
fort curieufement cHongnez des
limites de !a poë<!e dans !eurs com-
po6tions oratoires. Cccyfbitdita
t égard des nombres~ & de la ca-
dence des periodes, carlapoc~c~
d'ailleurs beaucoup de chofcs qui
ornent merucillcufcmcnt l'orai-
~n, & qui la rendent plus magni-
hque, comme Dcmccrius le prou-;
l'éloquence d'Herodote &
ue par
deThucydide.kn'auanccr~idonc
rien dauantage fur ce iuje~ Hnon
qu'encore qu'on ne puiifc trop
e~imer les périodes nombreutcs~
il faut néanmoins vier Je cempe-
ramène cn cela~ comme cn toute
chofe. Homere mefme ne
autre
s'ef~ pas (bucie bien fouuent de la
quantité d'vn vers pour fuiure
rimpctuoHte de Con grand Génie,
qu'il n'euit pas voulu arrefte~ fur fi
peu de chofe. Et il me fouuient que
le Sophie Eunapius adioufte ace
qu'on doit imiter Phidias
propos,
qui trauaiMa de telle fa~on que
fans eftre trop exa~ aus moindres
mcfurcs, il6t ce&c Pal las qui fut la
mcrucil!cde pluGeursfîccles. Ccus
de ccftc profenion qui fe (ont exer-
cez en petit auec quelque reputa-
tion, comme C~amides~ & Çalli-
8f
machus~ ont quelquefois cSe loues Ï~DM~
H~f.
d'auoir acheue des plcces auccM/W~. <
fubtilité d'élégan- i
beaucoup de &
ce; mais on ae les armais compa-
Phidias, ni aus Policictes,
rez aus
qui egaloienr dans leurs ouuragcs
la maiefte des Dieus qu'ils rcprc
fentoient. L'Eloquence cft enco-
re plus aubère en cecy que la Pein-
turc, ou la Statuaire, ne pouuant
ibuifrir qu'on sa(Ïuietti(Ïe baCc-
ment à toutes les règles d'vncard-
ficieufeclocution. Nous voions en
effet que l'harmonie trop afe~ec~
& le ton trop recherché des perio-
des de Mccenas & de Gallion, ne
plaifoit pas à ces grands Orateurs D~/ /<
rqui cxaminoient
r cles caufcs de c/ or.
j la
i

corruption que l'espace d'vn ficcle


feulement auoit mis dans leur élo-
quence. C'eft pourquoi l'on peut
dire que ce&c diuine faculté mc~
F nj
yrifc quelquefois de parer (es pé-
riodes auec trop de curiosité, com-
me fi c'c~oit prendre les habits ou
le fard d'vne courcifanc qui ne fon-
ge qu'à l'extérieur; au lieu que i'c~
loquence veut plaire aucc dignité,
&paroiH:rc aucccc~e maiefte que
mérite le grand Empire qu'cUc
exerce fur nos âmes. A~~rc M~o
~r~M~ ~n~~ dit Quint!-
licn fo~ co~rf M/~
~&~ c~~ r~oMfyc Mo~
~M~f c~r~~ ~w ~M~~
L'erreur où iapprcns que viucnt
des pcrfonncs qui croient que tout
rencontre de voicMcs foit vicicus,
&qu~on m'a dit mcfmcs auoir com-
pofe des hures ou ils ont fbigneu-
lement enite de tomber dans cet
inconucnicnt~ m'oblige d'en dire
icy vn petit mot. ïi ne faut pasdou?
ner qu'il n'y ~ic de certains co~<
de voielles, qui font grande-
cours
mentàfuïràcaufcdu mauuais fon
qui en procède~ dont il n'y a point
d'oreilles qui ne fe trouucntofFen-
ices. Mais auffi ne faut-il pas pen-
fer que ce foit vnc maxime généra-
le, qu'on ne doiuc iamais (bu~nr
dcusvoicUes qui fe touchent. A la
verité Dcmctrius nous apprend~
i,
quifocraie fes difciples la voulu-
rcnt établir en quoi ils furent 1

contredits par d'autres qui croioicc


ceconSt~oucoUidon dcvoicHes~
comme les Latins en parlent, pour
vnc chofe du tout indiffcrente.L'a-
uis deDemeiriu~ qui doit e0:re ce
me (emble fuiui~ tient le milieu cn-
~recesdeus extremitcz. Et comme
il veut qu'on s'abtUcnnc quelque-
fois d'vn certain choc devoicllc~
qui blefle notablement Fouye;
auffi mon&rc t'ilquc d'cn vouloir
<
~b(b!umenc dcfendre le rencon-
trc, ce feroit fbuuenr fe priuer de la
plus grande douceur~ des plus
fènfibles graces de l'oraifon. l!m-
Ih6c cela par beaucoup d'exem-
pte: dans fa langue, où les noms
d'Aiax~deAiaia, & affez d'autres~
font voir que l'vnion de plufieurs
voietles forme des paroles très-
ap;rcab!es. Lcsdiphchon~ucsmcf-
mes ler ioignent quelquefois
1 r en
Grec mclodieufemcnr, outre qu'et-
les relouent die- it~ !e difcours~ & le
rendent plus magnifique. le ne
rn'amuferai pas à rapportcr là dcf~
fus ce qu'il alleguc des Prcftres d'E-
gypte~ qui prononçoient les fcpt
voicHes de fuittc à l'honneur des
Dicusdçcetems-ia~ nç fe pouuanc
rien ouïr de pins dous à ForciUe.
Mais ic dirai nmp!cmcnc,que com-
me ta langue L~~nc (bn~ic le re~-
contre dc~voieUes, &:n'c~en rienf
différence pour ce regard de la `
Grecque; la Fran<;oi(c n'en a pas
dauantage d'aucrHon, &: tant s'en
faut qu'elle y foit plus fcrupulcu~
quenousauons des triphthongues
qui monftrent bien que no~re par-
ler n'c~ pas ennemi des voiellcs.
C'eft donc vue mocquericde vou-
loir apporter icy tant de feuerité
parmy nous, & de penfer que ce
(birmaldir, t'ai aime~ ou quelque
chofc de femblablc, pour ce qu'il
y a plufieurs voie!les de fuicre puis
qu'au contraire elles ontfortbon-
ne grâce & fe prononccnt là, &
fouucnt ailleurs très doucement
parceusfncfmcs qui onc vue par-
faite connoiffance de no~re lan-
gue. Icpen(ecn vérité qu'on peut
bien dire de ceus qui fc donnent de
ces peines inutiles parmi nous, !a
raefmcchofe que nous lifbns dans
Dcnys d'HalicarmfÏc quand il par-
le du Me de Theopompe, l'vn des
imitateurs d'I~ocratc. Car il fou-
itiencque fi Theopompc cu~ me-
prifé ce rencontre de voiellcs, & ne-
gligé quelques figures qu'il affe-
~oiccrop~ auÛi bien que les nom-
bres de toutes fcs périodes, il~uA
cftébien plus excellent Efcriuain,
& fe fufk (urmonté lui mefme en
beaucoup de façons.
Quant aus Tropes ou figures il
y en qui les ont ditUnguées. Le
Sophiftc Alexandre veut que les
Tropes (oient des vertus de la di..
<fhon, comme les barbarifmcs en
font les vices. Et que la Figure ne
s'emploie que dans la liaifon du diC.
cours, a qui elle donne autant d'or-
nement que le (blœcifmelega~
Mais beaucoup de Khctcurs auec
Quintilicn ne mettent point der
différence entre les Tropes & les"<Ï<
Figures, en quoi nous les imiterons
icy, puts que nous n'auons que dcus
mots d'auis à donner, en remar-
quant qu'elles font d'autres orne-
mens de periodes fort cô~derables.
Car les métaphores dont nous auôs
dc~a parlé, les epithetes, les paro-
nomafies ou allufions, les hyper-
boles, & le rcite des ~gurcs qu~o~l
peut voir dans les liures de Rhéto-
rique, font autant de lumiercs d'o<
raifon, qui lui donnent vn luftre
mcrucillcus. C'eft pourtant aufli
vue maxime gencrale qu'il n'en
faut pas vfcr aucc cxcez~ pour ce
que les plus belles choses du mon-
de perdent leur grâce, & deuien-
neni mcfmc odicufcs, fi on s'en [crt
immodérément. L'œil eit bien la
plus belle partie du corps, mais
vous n'y en auriez mettre plus de
dcus fans di~ormice &: quoi q':c la
pourpre foit la plus excellente des
couleurs, i! n'cH: pas permis de l'ap-
pliquer indifcretcemeni ni fans
mefure, puis qu'elle ne peut cftre
miteausyeus fans les o&enfer~ fe-
J
Ion que Platon l'a gennmenc re-
marquéen quelque autrefuiet. Or
ce~ercgte s'étend non (eulemenc
fur les moindres no-ures. mais mcf.
mes fur celles <~
qui peuuent com-
prendre ptuHcurs periodes, com-
me fbncquelquefbisles Ironies, &:
les Allegories ou Métaphores con-
tinuées. C'cA pourquoi Longinus
dit que Platon fut repris par qucl-
Qucs-vnsd'auoir vfé de ces dernic-
res aucc trop de licence~ qu'vn
certain Cccilius luy ofa preferer
pour cela i'Oraicur Lifias, com-
me celui qui auoit cftc bien plus
93
retenu en ceQ-e partie.
Pour ce q cH de Li métaphore
Cmple, i~diouiterai deus ou trois
peutcscon~deratiosa ce que nous
auons dit. Et premièrement que ~WM~.
touchantFv- 1< t.
le precepte commun
(a~c de cette figure, c0: de ne s'c~
feruir guercs que quand le mot
que le méta-
propre manque, ou qu'il
phorique vaut mieus que celui
chaHe. Secondement quelamaxi-
d'Ariftoie porte, que la plus ex-
me
ccllen te de toutes les tranflations,
cft celle qui donne de l'avion aus
chofcs qui n'en ont point & qui
rend animé ce qui ne l'cft pas.
Comme au contraire celle qui au
lieu d'augmenter .diminue le (uje~
dont on Cc puifTe feruir
e0: la pire
le emploi de cette
par ce que propre
6gurc.ielon rob(eruation de De- Tf.~
ampli: Z~.
mctrius,cftlors qu'oïl veut
fier vue matière, & la rendre plus
magnifique qu'elle ne paroiRroit
dans les termes ordinaires. Il faut
auHI remarquer
auec ce mefme
Orateur, que les metaphorcs ne
font pas toujours réciproques.
CarIePoëte, dic-i~abicnpeuap-
peller la racine ou le bas du
mont
Ida fon pied mais il n'y auroit.
point d'apparence qu'on nom-
maAIe pied d'vn homme fa racine.
Et pour ce qu'au defaut des
mots
propres, qui manquent fouuent
dans toutes les langues, cft
on con-
traint d'en emploier de metapho-
tiqucs.ainHquc nousI'auonsdcMa
obferué dans la premicre Section
de cc difeouH, nous prendrons
en-
core ce mot de leçon du mefme
Authcur Que les tranflations qui
font approuuées par l'vfage
com-
mun, quelques citi anges qu'ellea.
puiffent c&re, font toufiours bon-
nes. Voire mcfmcs que !cs mots
metaphoriques qui (oncauthonfez
delatorccdcuicnncnc
w 7* <
propres; n'y
aiant point de doute que quand les
Grecs ont dit rceil de la vigne, &
quand ils onc appclléla vois blan-
che comme nous la
nommons
douce, pour dire agréable ils
n'aicnc parlé, & nous au~ très-
propremcnr, puis qu'il n'y a point
de paroles propres en Grec, ni en
François, pourCgnifier cela.
L'hyperbole cft vue cfpece de
métaphore, auHi bien que l'Allé-
gorie, & la Cacachrefc & ce i~eA
pas fans fuiet qu'on a fait de gran-
des muc6Mucs depuis peu contre
les abus qui (c commetrcn~cn l'v-
&gc de ccHc figure. Sin'c&-cllcpas
jfimpitement à bla(mer & pour
cUrc vitra comme en p~lc
Qujntiticn, ellc n'a rien dcvicicus~
pourucuqu'c!!ene foit point
modum. n me fouuient d'vnc re<
marque de Strabon au premier li-
ure de fa Gcogr~phie~ qu'il y a des
hyperboles d'hypcrbo!e j comme
quand les Grecs di(enc qu'vnecho-
fc cft plus légère que t'ombre du
r
liege, ou que quciquvn eit n. plus
t
craintif qu'vn heure de Phrygic.
Car Fhyperbole c~aflez notab!c
de dire plus legere que le liège. &
plus cramnrquvnlieure~uns
-r r par-
ler de l'ombre du !icge~ ou de la pa-
trie du liéure, qui le rend encore
plus apprehenfif. Ce font princi-
palement ces hyperboles qu'itfauc"`
t
grandcmcn fuir~ n'y aiant rien qui
nous iette plus auant dans le Caco-
xe!~ c'efta dire dans !a plus grande
corruption dcl'eloquence ,qui ab-
horre fur tout ce vice de mauuaifc
a~ecbtion. C~cjft pourquoi Théo-
phraRc oppofanc au
genre fubli-
me deFOraifon~ celui qu'ilappclle
froid nous décrie le dernier
pour
eitrecouc dans cette forte d'hyper-
boles. Ainfi quelqu'vn
ne fecon-
tentant pas de dire que Po!yphc-
me auoit iecce vn rocher p!u~oH:
qu'vne pierre pour fc venger d'V-
tyile,adiou~a que pendant que
ce
rocher voloit en !air, il y auoic des
cheures defrus qui ne lainoicnc
pas
de brouter l'herbe qu'elles
yrrou-
uoienr. Lors que ccite figure arri-
uc à vne telle cxcremité. ou bien
qu'elle cH renduë crop frcqucnrc~
Arittoccla nomme a bon droi<~
puerile par où il
marque la froi-
1
deur, & mauuaife a~Fc~arion
de ceus qui s'cn fcrucnc fi mal
à
propos.
Les cpichcces releuent nicfueU.
leufement vne periode, mais il en
fauc vfer, fe!on la comparaifon de
ce mefme Philofophe, comme ron
fait des afÏaifbnnemens, dont on
t
ne fe fert que pour aiguifer t'appc-
tic, & qui ne pafÏcnc iamais pour
viandes (b!ide~ Autrement fon
opinion e~ qu'il n'y a rien de plus
froide ny de plus mauuaife grâce
Quinti!ien compare roraifon qui
eit par trop remplie d'epichcccs~ a
vncarm~eouil y a autant de gou-
jats que de to!c!ats, & qu'on voit
par ce moien fort grande en nom-
bre, &trcs petite encourage & en
forces. Longinusauerncau~ que
ceus qui penfent releuer beaucoup
Icurfhic par des epichetes cmpou-
lés & pris de trop loing fc trom-
pent fore. Car de nommer Xcrxés
lelupiter des Perfes, & les vautours
des (epulchrcs animez, ce ncft pas,
~9
dit-il, auoir la didion grande ni
~ub!ime,maisc'cH: cftre vain & ri-
dicule & i! compare
ces façons de
parler aus météores, qui font fore
hauts en !~air,& fort boufHs, bien
qu'ils neproduitcnc gueres
que des
vents.
Les allufions ne font pas non
plus toutes à rciettcr. A la vérité,
comme Annote ne vouloic pas
qu'on nommafUcs petits hommes
bcaus,maisgcnti!s Ieu!cment:Ci-
ceron a dit au mefme fens, qu*cn-
coreque les allufions euncnc de la
~race.&de la gëcit!e~cl!es ne pof-
ledoientpas pourtant ccfte beau-
té, ni celte dignité qui do'c touf.
iours accompagner Foraifon gra-
ue & feuere, jE~ ~r/f/?;- r~.4~
~Ï~, non ~M~~ M~ ~M/C~ ~fcr<0.

C'cH: pourquoi il cA d'auis


quon
~'cn doit abUcnir dans le
genre de
Gv i;
l'éloquence au&erc.aSn de ne rien
o~craus forces de !a vérité parvn
icu de paroles qui (omble plus pro-
pre recreer qu'a perfuader aucc
authorité. De ia vient ccfte inuc-
~iuedu Poëtc fatyriquc contre vn
criminel, qui balançoit, dit-il, dc-
uant (es luges tous f:s crimes auec
desantitheces. Mais cefte exceptio
n'empefchep~s que la p~ronom~
fie bien appliquée n'aie fouucnc
beaucoup de grâce, & que tous les
p-r~s Oratcurs n'en aient vie dans
leurs p!usferieusouurages. Ïcn'cn
tapportcrois point d'exemptes, veu
qu'ils font infinis, s'il n'y en auoic
dans Platon, accompagne d'v-
vn
ne particulière inttruûion tou-
chant l'vfage décelé figure. C'c&
dans fon conuiuc, où après aupir
dit que Panamas fit vne paufc, par
vneaUu6on~uÏ6expr~au Gre~
qu'au François, il adiouH:e que les
fages lui ont appris de fe iouer ainfi
quelquefois innocemment des pa-
roles. Et véritablement pourucu
quc!esaUufions(e présentent d'cl-
les mc(mes,& qu'il n'y paroiffe rien
d'a~e~é~ ni de recherché, ce qui
rendroit le ieu digne de mocque-
ne~ on ne peut p~scftrebla(méde
s'en feruir. Il faut pourtant que ce
foit rarement, pour ce qu'autre-
ment on n'cuiteroit pas le fou p<;oxi
de s'y plaire plus que la bien-feance
ne le permet. Diodore Sicilien fait
vne dcfcription du genre d'cto-
quence de ce renommé Rhéteur
Gorgias Leontin~ où on peut fort
bien remarquer ce que nous di-
fons. Il conte que les Leontins
aiant befoin du fecours des Athé-

Creni ce
<
niens coire ccus de Syfatufc, choi-
Gorgi~Nt~ Am-
baffadeur, comme Iep!usproprcà
cftre cnuoié vers vn peuple qui
cftoic alors s;ouuernc par tes Ora-
teurs. En cfFcc il (e fit admirer dans
ccâe ~au~ntcviUe d'Arhcnc~
fon bien dire eut le fuccez que ccus
de fon pais s'en eftoient promis.
Mais rien ne rauit tant ce peuple
accoutume aus harangues, que!a
nouueauté des figures dont Gor-
giasornoicion difcours. Car c'e.
c?

ftoic ta premiere fois que les Athe-


niens auoient ouï ce rencontre de
dirions oppofees~ ou ~mbtabtes~
qu'on nomme antithetes, ifocoles,
partf~&:omoiotetcutes, qui (ont
des mocs auHt barbares en no~rc
languequ'ils font connus en tou-
tes !es Efcholes des Rheteurs. Or
comme ces nouucaus ornemens
d oraiton fjrcnc pour lors mcr-
ueilleufement bien rcccus auffi a
ï03
t'on bien reconnu depuis ~dit Dio-
dore, qu'ils ont en eus vne certaine
curiofité qui fe rend facilement ri-
dicule, fi elle paroiO: attelée &:
qu'onenvfctrop fouuent.
Comment e(t-cc que l'intempé-
rance ne feroit pas vicieufe en cela,
ne!Iec~me(meb!afmée en Fvfagc
des fentences, dont il fcmble qu'on
ne pui~c trop auoir non plus que
de bonnes penfecs. Annote ob(er-
1 R~cr.
ucqu'it n'y a point d'hommes qui c~. 2. 1.
fe feruent de tant de fentences en
parlant que les RutUques~ il
i nous donne auisfur cela de ne les
emploier qu'auec beaucoup de iu-
gement~ de modération. C'cH:
vne chofe d'ailleurs fort à craindre
a
qu'on ne (e rende odicus fi on dif-
j court trop (cntentieu(cmcnt, pour
ce que c'eftfaire en quelque façon
comme les précepteurs, qui vcu-
G iiij
lent c~rc creus de ce qu'ils difcnt~
& qui ne parlent qu'aucc des axio-

mes. Et par confcquent bien qu~


la fentencc foit la plus cffcntiellc
partie de l'oraifon, elle ne laitÏcr~
pas ~'e~rc vn vice, fi on la rend
trop frequcnte. Voila ce que l'ai
creu dcuoir dire de l'application
des figures, par ce qu'il me (embic
auoir remarqué que beaucoup pè-
chent autant par icrupule~ quand
ils s'cnab(Hennent tout à fait, que j

par trop de liberté quand ils cn v- :j


(eut immodérément.
Il me rcftc vne conEdcranon à
faire ) où me porte tant de noms
c~rangcyque nous venons de pro-
noncer, que& les François aufit
bien que les Latins, ont emprunte
des Grecs. Ce n~& pas que ic ne
~ache bien qu'elle ne fera pas au
gouft de pluûeurs pcr(bnncs;mai$
il y a long tems que t'ai renoncé
aus
recherches de la pierre philofopha-
le~&d'vnc approbatiô vniuerfelle,
comme les tenant auHI difficiles à
rrouuer rvnc que l'autre. Tant y a
que ic ne ferai point de difficulté
d'auanccr que pour auoir vue par-
faite connoiffance de noftrc lan-
guer en pouuoirrcfbudrc fblidc-
menctouccs!esdiScu!tez~ itc~H-
non ncceffairc, au moins tres-auan-
tagcus d'entendre la Grecque. Le
grand rapport qu'il y a de l'vnc à
l'autre, non feulement à caufe de
l'origine de beaucoup de mots,
mais encores eu égard aus phrafcs
ou façons de parler, m'oMigc
eftre de ce fentiment. le n'examine
point icy fi cela vient de ce que la
langue Grecque a e~e autrefois
fort commune parmy les Gauler
ou 6 l'o~ en
peut donner quelque
autre meilleure raifon. Il me fuffit
de dirc~ qu'outre vne grande quan-
tité de paroles quafi toutes Grec-
ques, nous auons fouuent leur liai-
fon, &!cur emploi, du tout con-
forme aucc le Grec. & non pas auec
le Latin. Q~nt aus paroles, il y a
des Di~ionnaires entiers qui ont
c~e fai es exprés pour montrer leur
cxtra<~ion Grecque. Et pour ce qui
cft de nos formules qui femblent
venir du mcfmc principe, Henry
Eitienne~PerioniuS) & affcz d'au-
tres, fc font defia donné la peine de
les remarquer. C'eftvnechofe cer-
taine que nous auons des prétérits
indc6nis,que les Grecs ont nom-
me Aori~cs, & que les Latins ne
connoitlent point.Ceuscy au con-
traire ont des Supins, & des Gé-
rondifs, au )icu defquels nous nous
fcruonsauili bien que les Grecs de
rinSnitifdcs verbes. Carpourcx-
primer ~M~ turpe
ou quelque chofe de tel, nous di-
rons, ie viens regarder, vilain à di-
re, & ainfi des autres. La phrafc
Grecque, que ienerapporce point
afin d'eftre moins imporcun~ en:
toucefemb~b!e à cela. Le mcfine
in6ninfiointa!'ardc!e,donc nous
nous fcruons au lieu du nom, lors
que nous dirons le bo ire.,ou le man-
ger efk tellement vne locution
Grecque, que quand les Latins en
ont vfé, leurs Grammairiens ont
nommé cela vn HeMenifmc ou
Grecitmc. Ccft: la mefmc chofc fi
nous mettons t'arricte deuant t'ad-
uerbc, endifant, le dedans, lede-
hors, le deffus, le deffous. Ou lors
que des noms nous en faifons des
aduerbes, comme en façons de
ces
porter aller for c,& aller vi~e,
pour
aller fortement & virement. Et
qui ne î~it que deus aduerbes ne-
gatifs qui tiennent lieu d'afnrma-
tion en Latin nient dauantage
qu'vn(eul,enGrec, &cnFfan<;ois?
Or puis Qu'Uy fi grande rc-
a vue
iemol~nce en pluSeurs ehotes de
no~re tanguer Grecque, n'e~-il
vrai femblable, que celuy qui
pas
fçaura que la Grammaire Lati~
ne
bien empcfché à
ne, trouuera
<e
rendre raitbn de beaucoup de nos
phrafes Francoifes C: que peut-
eftre il en condaninera quelqucs-
vncs pour ne
~uoirpas d'oùeHet
leur origine, ni les raifons
ont pris
qui tes appuient, fi tant cft qu'il te
quelque diKicuheence qui
trouue
fegardel'vfage. le M vous pas dire
pour cela que tous ceus qui~aucnt
k Grec, forenc capables de iuger de
la beauté ni d< la pureté de M&fe
langue. Icfçaibien qu aucontraiTc
P r
il< n'y en a point fouuent qui t en-
icndcnc moins, & qui la parlcnt
auecplusd'imperfc~ion. Ccn'ct~
pas au(Ii mon intention de conclu-
rc que ccus qui n'onc nulle con-
noidance du Grcc, ne puisent e&~
très ctoqucns en François. il y
vne infinité de pcrfonncsquipar-
lent & écriuent en perfc&ion les
langues vulgaires encore qu'ils
ignorent la Grecque & la Latine.
Mais ic prétends bien qu'on il fera
queftion de donner fon auis aus
chofcs douteuses dénote langue,
que le peuple n'a pas encore dctcf-
minM~&quipeuucnc auoirqud-
que rapport a la Grecque, comme
iîfe voit par les exemples que nous
venons de donner celui qu~po~
dcrale Grec & le François fera tout
autrenficnt capable d'c~iugc~quc
s'il n'c&oit instruit que du Fran-
coisnmplement. La raifon de cefle
propoHtion fe tire de ce que nous
ne t~uons bien les choies que
quand nous les connoifibns par
leurs caufcs. De forte que comme
Ari~oïc dit que celui qui n'a que la
Logique naturelle encore qu'il ar-
gumente bien, ne f<;ait qu'a demi
qu'il démontre pour ce qu~l
ce
n'e~pasaileurc dc~auoir.n'yaiac
que les règles de la Diatonique ar
tiRcicHc qui nous donnent cc~c
certitude. De mefme celui qui pro-
noncera fur vnc d~cutte de la
Grammaire Fran~odc telle que
de dire, encore qu'il
nous venons
arriue que fon auis foit bon, ne
pourra pas!c rendre fcur, ni Fau-
thorifer (u~tamment, s'il ignore
la langue Grecque à caufe de la
conformité qu'elle a cn beaucoup
dechofesaucc la Fran~oi(e, & que
la plus ancienne communique fbu-
uenc à l'autre fcs préceptes. Tout
le monde auoiie qu'vne infinité de
Dames & deCaualiers parlent cx-
ceUcmment, parla (cuk bonté de
leur nourriture & de l'air de la
Cour; s'i!sy adiou&cnt néanmoins
les règles de l'art c'eft fans doute
qu'ils fc rendront incomparable-
ment plus capables de iugcr de
tout ce qui concerne la pureté &
les grâces de leur langue. le dis autS
que bien qu'il y aitadczdcperfbn-
nés a qui les feules Grammairesvul-
gaircs(uHi(cntpour (c rendre très-
entendus en ce qu'elles enseignent,
s'ils conioigncnc d'abondant la
Grccqueauecja Fran~oifc, il ne te
peut faire qtfds ne rendent leur
connoiffance beaucoup plus par~
faite ~veu la grande dépendance
qu'a nothe parler de celui desGrccs~
& le merucilleus rapport qu'il ya
dcl'vnal'aurc.
Le re(pc<~ que ic porte à ce~c il-
lu~re Académie, que les foins de
Monficur te Cardinal vicnnêt d'ad-
iou&cr aus plus grands orncmcns
de la France, m'empcfcheroit d'e-
(tabtir mes (cncimens auec tant de
liberté fi ie pouuois m'imaginer
qu'vnc fi célèbre Compagnie fuft
pour ne les pas approuuer. Mais
come ic protège que ic ne connois
de
aucun ceus qui la compofent,
quinepo(Ïcde aucc vnc extraordi-
naire capacité, ce que ie crois cHre
requis pour iugcr parfaitement de
toutes les parties de l'Eloquence
ic prcfumc ~acHem~ni que ccus
auec qui ie n'ai pas l'honncut d'a-
voir afÏcz d'habitude pour cn pou-
uoir dire autant,ne leur font nulle-
ment inferieurs. Et c'c~cequimc
donne ta hardiefle dembratïer vnc
opinion que ic pcnfe dcuoir eftre
appuiée par tant d'hommes de
me-
rite, me foumettant à la quitter
comme toutes les autres, dont ie
m'explique icy, des !c momec qu'ils
les auront condamnées. Commcnc
manquerois-ic de. ccftc déférence
vers vne afTemb!ec, dont ie croy
!cHabli(Ïcment auffi gloricus à
Moniieuric Cardinal, que tout
ce
qu'il a fait de plus important
pour
IcbicndccetEftat. Ccfar aprcs a-
uoirperfecuceCiceronredit
néan- Mf.
Mw.
moins cet honneur à fa mémoire ~7.f.~o. ~t~.

qu'il auoit p!us merité ddiriom-


phescftcndant tes limites & la
ca<
pacité de Fe~prit Romain
comme
itauoitfairpar!apuinance de fon
cloquence, que
ceus qui auoient
porté fort loin les bornes de FErn~
H
pire par la violence de leurs armes.
dire, fuiuant vne fi
Nous pouuons
belle conception, que l'atfc~ion.
nompareille de Monfieur le Car<
dinal pour la grandeur de ccftc
Monarchie, ne paroi~pas moins
dans la peine qu'il a voulu prendre
de former ce beau corps d'Elo-
Fran<;oi(c, qui doit (ubH-
quence
ftcr toufiours à la gloire denofkrc
Nation; que quand il a donne tes
confeils, remploie fon courage a
applanir les Alpes, & a rendre
nous
la France fcs ancicnnedimitesdn
à
cotteduRhin. S'il m'c~oit permis
de parler des écrits immortels de
ion Emincnce, &de tant de rares
pieces d'Eloquence, qui (cmblenc
auoir e~ recueillies de (a bouche
pour feruir de modèle a tous ccus
quia(pircntalaperfc<3:ion décèle
diuine faculté ie paHcrois bien
plus outre fur vn fi grand
fujcr~ &
il ne faut point douccr que tout ce
irairrcn'en rcccuft vn merucitteus
enrichi~cmenc. Mais ie me cais,
cftanc ob!ige à vn filence qui fc
rrouue mcfmcs incerefTe dans ce
peu que ie viens de dire.
Nous ne ~aurions finir par VM
plus bel endroic ce fecond article
de noih c discours. Le premier con-
fideroit les dirions toutes feules
où ie commet le barbarifme. Le
dc:ufiefme acitedes periodes dont
les vices ~cnommcnc en Grammai-
re io!œci(mcs lors que la liaifon
des paroles que les Grecs ont appel-
lee fyntaxe, &cs Latins conUru-
~ion n'efk pas bien ordonnée.
Nousauons parléde tout cela fui-
uant les lois de la Khecoriqu~ &:
nous auons fait voir en t'vn & en
l'autre arcicie~ ce me (cmb!e,qu'cn-
core que l'Orateur vile touûours à
JapcrfeAion, fon eloquence néan-
moins doicettre gcnercufc~&non
pas(cruile,ni a(Ïuicctic au~moin-
drcs chofcs. Pline le icune difoit
d'vn Declamatcur de fon tems,fort
corre~: à la verité, mais qui pour fc
tenir trop dans les règles, ne s'efle-
uoitiamaisiu(quesau genre fubli-
de l'oraifon qu'il ne pechoit
me
qu'en vne chofe, de ne commettre
iamais aucune faute. C'c0: auHi ce
qui faitoit prononcer hardiment à
Quintilien~ qu'il ne fçauoit lequel
ettoit~eplus contraire à l'eloquen-
ce d'vn trop grand foin, ou d'vnc
trop grande negligcnce. Et la
vérité l'Orateur auffi bien que le
Preteur des lurifconfultes m~pri-
~elespcritcs occupations. C'cft vn
Hercule qui considère les chofcs
bafics comme des Pigmécs indi-
gncs de l'arrcAer. Et quand fon
Genie l'emporte il fait gloire de
fbutcraus pieds les preceptcs, com-
me vn cheual gcnercus qui rompe
fes entraucs pour franchir vne bel-
le carriere. Cela fe rcconnoiftra
encore micus par !c troincfme &r
dernier arciclc qui regarde l'orai-
fbn entière, &qui contemple !'€-
loqucncc dans fa plus grande ma-
t commence ainu.
t le
fL~ le
jeitc. r
Ce n'cA pas afîez pour cftrc élo-
quent d'auoir fait vn chois exquis
de belles paroles~ & d'en auoir for-

me en (uitte des périodes bië nom-


breufes, & qui contentent l'orcille
parfaitement. S'il n'cftoit que-
Rion que de cela les meilleurs Mu-
Hcicnsferoiec encore les plus grads
Orateurs. L'éloquence le propose
vne fin bien plus retcuee & G tcf-
prit ne demeure pleinement ~tis<
fait en routes tes parties, elle ne
poffedc rien de tout ce qu'on lui
attribuë de grand &: de magni6-
Il donc quelque chofe dans
que. y a
vncpi~ce d'éloquence qui imporcc
dauaniage que la beauté de la di-
6Uon~&quclaiu~c(Ïe ou plenitu-
de des Periodes. Pour prendre vnc
plus parfaite connoiffance de ce
que ce peut e(tre, il faut à mon auis
que nous définirons rcloquencc.
lit puis que Ciceron.au dire du plus
capable d'en iuger de tous les Ro-
mains a égalé lui tcul la force d~
Demotthene~ l'abondance de l'la-
ton,&:Iadouceurd'Ifbcrate~ nous
lui ferions tort H nous emprun-
tions d'yn autre la définition que
nous cherchons.
Ie ne me lafferai iamais de parler
auanragcutemecde cegrandhoni-
~~aquiie doi~ les plus agréables
diuertificmcns de mes e~udes.C'eH:
rvniqucefpri~ ditSencquc~ qu'aie
eu la République Romaine égal
revendue de fa domination. Dés
Ictcm~deQuintiticn Ciceron n'c-
ftoic plus le nom d'vn hommc~maia
celui de l'Eloquence mc(mc;& on
prenoit pour vne preuue certaine
d'auoir beaucoup profité en ceft~
fcience charmante, fi on rcceuoic
vn p!aiflr extraordinaire en la le-
cture de tes efcrits.
Or il me fbuuicnc d'auoir leu
dans cet incomparable Orateur,
que rctoquençc n'cft rien autre
chofequ'vne be!!c explication des
pcnfees d'vn homme (âge, A~/
~C~MM~~ ~M~ copiosè loquens
~~M~. C'ett vnc definition qui
~c rapporte fort bien à ce que nous
auonsauancedesia premiere par-
tic de ccdifcours~ qu'il e(toit com-
me impo~ible d'être cloquent~
fans l'aide de la Philofophie. Elle
mefait encore (buucnir de ce que
nous remarquons dans Philo~ra-
tc~ que les plus anciens Sophi~es
qui croient les fages de leurtcm~
faifoient profenion d'enfcigncr la
Rhetorique; & que les mcfmes pré-
cepteurs qui donnoicntdes leçons
du bien dire, inftruifoicnt encore
à bien faire. AuHi comme le nom-
bre des hommes fages à toufiours
ctte crçï-pecic Marc Antoine di-
foit ordinairement qu il auoit afÏez
vcu de beaus parleurs en fa vie,mais
qu'il n'auoit pas conncu vn feul
homme cloquent. Ce qu'il dcuoit
auoir retenu d'vn certain Mnefar-
chus,qui lui fouftint dans A thencs,
qu'encore qu'il (c trouuaH: beau-
coup de perfonnes du mcftier de
bien discourir il n'y auoit ncan-
!M
moins que le fagc qu'on peut dire Or~o<
o
véritablement Orateur. le vcus~ar<~ ni~
(apicM
bien faire encore icy vne obfcrua- cHc~f.
Cenc-
tion trcs-exprc~e pour montrer nnncïn.
CM.Mt
que l'eloquence & la fagcHeoniv- ~Of~.
ne mcrucilleufe conuenance entre
elles. Peu de perfonnes ignorent
combien la trop grande félicite eH:
ennemie du bon efprit, que !esaf-
Hi~ionsaiguifent, lui donnant la
meilleure trempe qu'il puif!e rccc-
uoir;d'ou vient l'opinion de quel-
ques-vns qu'il n'y a point de plus
grand mal heur, que de n'auoir ia-
mais e~é malheurcus.Scnequc fou-
(Hent dcmefme que rien ne ruïnc
tant l'éloquence~ que l'excez dc la
bonne fortune, qui cmpcfcha Me-
cenas, homme de tres-grand cf-
prit, de reûtnr vn des premiers Ora-
teurs de fon ficcle. /~w~ vir ige B~.lp.
/Mï~ dit Scnequc~ magnum
RcM~ ~M~M~yW)
eneruaffet /<?~d~ imé c~~f.
Voila comme ce n'cH: pas fans (ujec
qu'on conioint la fagcfÏc & l'élo-
quence, puis que non contantcs
d'être bien enfcmbte, elles onc en-
core les mcfmes ennemis.
Mais fi nous voulons. recher-
cher la cau(e pourquoi la (agcnc
dans la definition de l'elo-
entre
c'eH:
quence,nous trouuerons que
pour ce que la bonne concepdô eH:
le fondemét de toutes les belles pa-
roles, & qu'il e~ im poffiblc de bien
dire fans auoir bien penfé. En effet
il n'eH: point plus vraidans les prin-
cipes de la Philosophie Peripateti.
les formes fortent de la
que, que
puiflance de la matière qu'il cft
certain dans l'art du difcours que
les principales graces du langage
doiuent venir de l'excellence des
1~
chofcs qu'il expliquer que les plus
grands ornemens de l'oraifon fe ti-
~3
rent ordinairement du merite des
penfées. Delà procede en partie ce
que difoit Socrate que tout le mon-
de c~natureHemenc cloquent en
ce qu'il ~aic bien ;&: ce que Cice- f~.t.~
ron~bu~icnccftre encore ptusve-Or~.
ritable, qu'il n'y a perfonne qui
puinc auoir de rc!oquencc en trait-
tant des chofcs dont il n'eft pas aC-
fez inftruit.
Il y a encore vue autre do~rinc
tres-importante à recueillir dcno-
ftrc definition c'eft qu'il ne faut
iamais s'amufcr à chercher de beaus
termes pour expliquer des bagatel-
les, cnquoulmefcmble que beau-
coup abufcnt tous les iours mer-
ueiHeufcmcnt de leur loifir. Nous
voions de bien gros volumes écrite
aucc vn tres-grand foin,& vn chois
de paroles fort exquites.dont nean-
moins la lecture apporte fi peu d'v-
tilite, qu'on la peut comparer aus
promenades qui (e font dans des
forces de Cyprès, ou dans ces iar-
dins d'Adonis & de Tantale, fclon
Icprouerbe des Grecs, dont on ne
iamais aucun fruic~. Ce
rapporte
font des toillcs d'aMgncc, pleines
de(ubti!ite & d'amhce mais qui
qu'à prendre des
ne font bonnes
moucherons. Sieft ce qu'il y en &
qui prennent ces mucrabtcs tra-
des pieces d'éloquence,
uaus pour volontiers à
& qui la rcduiroicnt
ceftc vaine curionte du langage,
iointe à quelque petit nombre de
règles grammaticales i comme fi
elle n'eitoit rien que cela, & com-
me fi la grandeur des BMtieres, &
le mente t~ des peniecs n'cn fai-
foient.pas la plus efÏcnticUc partie.
Qu'ils apprennent de Dcmctrius
Phatereus que nous deuons imiter Tf.~
s'amu(bic Il
Z~<.
le Peintre Nicias, qui ne
iamaisaportraircdcsRcurs~ ni des
oifeaus, n'emploient fon pinceau
qu'en de grands (uiers~commefont
les combats fur mer, & fur tcrrc~
qui obligent d'cus-mefmes, & par
leur propre importace à beaucoup
d'attention. De mcfmc que le mé-
rite de la fable fcrt de fondemenc
&de recommandation àla pocSc~
diroitnicias, l'argument d'vn ta-
blcau le rend fouucnt auffi confi-
dcrable que la main de louurier~ &
fait la meilleure partie de fa pein-
ture. li cn faut croire autant de
l'oraifbn, quinepeutet~re belle ni
grande fi ton fujec n'y contribue.
Et cc mcfme Orateur de qui tesD~f. L4<T~ <W
Atheniens brifcrcnt par cnuie les D<
trois cent foixantc ~atuës d'airain,
qui!s auoicnt cHeuecs à fa vertu,
nous cnfeigne en vn autre endroit
qucd'cmptoierde beausmots à ex-
pliquer vnechote de ncant & ridi-
cule, c'eft faire comme ccus qui
donnent des habits Roiaus à vn
finge. Et fans mencir nous pou-
uonsiouHenir, que les plus belles
paroles du monde fans la fblidicc
des chofcs, ne font pas plus confi-
dcrablcs que des coups de canon
fans bouler, qui font quelque bruit
&ne touchent pcrfonne. Prendre
bien de la peine a écrire, & ne rien
dire de fcrieus c'cft cultiucr foi-
gncufcmcnt fon champ, & man-
quer à !c remplir de bonne (cmcn<
ce. Et tant s'en faut qu'vn tel dit-
cours, qui n'a rien que Fecorce po-
lie &: luifante, fait à eftimer, que
s'il en falloit faire cHc~ion, ou d'vn
aucrepIusgroHier~ mais qui auroic
tiy
le fens meiUeur~c'eA fans doute que
ie m'arre0:erois toufiours au der-

~f~
nier, A~ M~r~Mf~~~0~<
le ferois bien
/~M~w.
~fchc qu'on le
creuft
c~.

aucievoulu~eicy condamner ab-


solument ce genre de liuresqui Se
font prmcipa!cmcnc pour la re-
création) il y a des f~bies ingcnicu-
Scs dont An~occ confcSÏe qu'vn Z.1:
~M~&.
Philofophc peut eârc amoureus; &
l'on peut au concraire traitter des
maciercs imporcances d'vnc con-
ception fi baffe, que quelque orne-
ment de langage qu'on y apporte,
!c difcours en fera toufiours mé-
prifable. Les contes Grecs d'Hc-
liodore~de Longus, & d'Achiics
Statius les Latins de Phcdrus~ de
Pétrone~ d'Apulée mefme,quoi
que fort eHongné de la pureté La-
tine; font écrits de tc!tc (brce, qu'ils
Ipafïcnt pour ouuragcs des Mufes.
i'auouc mefmc que nous auons veu
depuis peu de ces liures de Berge-
rics &: d'auaniures amourcufcs,
composez aucc tant d'art, de grâ-
ces~ de iugement~ qu'on ne leur
peut dénier vn rang auantagcus
entre les pièces éloquentes de ce
iiccic. Ce n'cN: donc pas aus Ro-
mans fimplement à qui Fen veus,
nia tout ce qui eft écrit de bon fcns
fur quelque matière que ce puifÏe
cRrc. le me moque de tous ceus qui
veulent triompher de quelques
mots bien arrengez ce leur femble
bien qu'ils n'aient aucune conce-
ption raifonnablc;qui nous peu-
fent dcbitcr de la crefmc fbittéc
pourvue folide nourriture & qui
ccriuant à la mode, comme ils di-
fent mais fans fcience &(ansiugc-
mcnt~rc~cmbicntaceus qui chan-
cent fans paroles, pour n'auoir en-
core que la (Impie connoiflancc
des noces de la Mufique.
On m'a faic quelquefois vne ob
tc~ion là dedus~ que ic veus bien
rapporter icy pour la refoudre, fi ic
puis. C*eH que l'éloquence cHanc
vnc faculté populaire, & qui de-
mande l'approbation de la mutd~
tude, il fcmble qu'on ait tort de
mepriter les ouuragcs qu'ene cfH-
mc~ comme il paroif!: bien qu'elle
faicccusdonc nous parlons, par le
cours qu'ils ont, & le grand dcbic
qu'en font les Libraires. La premiè-
re de dcus réponfes que ie vcus
donner aceta eit particuliere, & re-
garde les Romans & les liurcs d'A-
mour qui pour citrc tres-mal faits,
comme ils font afÏez fouuent, ne
!aiflenc pas dcftre plus recherchez
que les meilleurs qui ic pubhcnc.
Cane pen(c qu'au lieu d\ittnbuer
!'afFc~ion que tant de pcr(onncs
témoignent auoir pour ces !iurcs
fabuteus, à leur propre mcrirc on
!a peur bien ~ieus rapportera cec
intUn~ nature! que chacun rencnc
de connoithe non feulement ce
qui a de l'admiration te!on !e dire
d'Annoté, mais encore ce qui cH:
inde~m&: fans timitcs~comme font
les fables, à cau(c qu'cUes ont en ce-
ta quelque fympathie auec noûre
cfprit, dont ra~iuite ne (e borne
point, p~r ce que fa nature e(t in6-
nie. C'cH: vue r~ifon de Phyf!quc,
cnvoicyvnc autreprife de laMo-
ra!c. On ne doute point que les
payons n'agirent bien plus pui~
iammcnt fur les âmes vutgaires &
ignorantes, que fur cc!!cs des ~a-
qui ont appris les modérer,
uans, à
& qui les onc comme domptées par
la médication. Or c'cft le propre
d-es narrations fabuleu~s d'excirer
les payions humaines qui
nous
charment le plus. Ce n'ctt donc
pas mcrueille fi les liures de f.ib!cs
piaifenc dauanr~e à la multitude
impertinente, qu'aus hommes f~a-
uans&iudicicus~qui font en fort
petit nombre & par con(equcnc
fi ces componcions font les plus
re-
cherchées de rouccs, non pas àcau-
~c de leureloquence.ni de leur bon-
té formelle, mais (eulement pour
l'amour de la matière qu'elles trait-
tent. La feconde réponfe que ic
donne à l'obic~ion proposée eit
pluse~enduë, & peut fcruir à ren-
dre raifon de rcitac qu'on fair de
tant de liurcs qui s'impriment iour-
nellement fut coûte forte de fu)ecs,
&: qui pour n'auoir rien de bon ni
dcrecommandable~ nclaiflentpas
d'être dans vne afÏcz generale ap<
probation. le dy donc que cela
procede fouuét du naturel de beau-
coup de perfonnes, qui ne prifent
iamais rien que ce qu'ils croienc
pouuoir imiter. Ils bornent la ca-
pacité & le bien dire des autres à
la portée de leur petit efprit;&: ils
limitent rEmpirc de l'eloquence
aus termes de leur (uf&fancc~ com-
s'il n'yauoic rien au delà. Cicc-
me
ron s'c(t plaint en plus dvn endroit
de l'iniuitice de tels iuges;&: nous
pouuonsdire que ce font ceus qui
periecuient encore auiourd'huy
auec!cp!us d'audace & d'animofi-
té les trauaus qu'i!s defefper-nt de
pouuoir égaler. Car comme il y a
fort peu de Genies qui ofent afpircr
accHe(uprcmectoquëcc~ qui gou-
ucrne (buucraincmcnt en tous les
lieus où clle fe rencontre) il y en a
vne infinité d'autres au defÏous.qui
condamnent effrontélnent, par la
raifon que nous venons de rapor-
ter, tout ce qui excede leurs forces.
Ce font les mcfmcs qui donnent du
credit autant qu'ils peuuent aus
ouurages que nous bt~fmons~pour
n'auoir rien de folide. Et comme
vnc multitude peut beaucoup,
principalement quand elle ioinc
l'artifice à la force, il ne faut pas s'e-
tonner fi la cabale des ignorant
& le monopole des hommes de pe-
tit talent, l'emporte fur ccus dont
ils ne peuuent fouffrir le merire.
Encrée les liures courent leurs de-
Aincesau~i bien que les hommes;
& la vie ou la mon de ces enfans
Spirituels n'cH: guercs moins ha-
zardeufe que ceMe des autres. H y
en a qui finiffent d'eus-mcfmes,
comme n'aianc rien de.bon qui les
puine faire fubfiftcr. Les fiecles d'i-
gnorance font des Garnirez pu-
bhqucs~qui en font perir beaucoup
d'autres. Mais la confpiration de
certains enuieus~&: l'artifice de ceus
qui ne te conferuent que par de
mauuais moiens en opprime la
mci!!curc parcic. On dit que Me-
n.mdre demanda autrefois de fort
bonne grace â Phitemon~ s'il n~<
uoic point de honte de l'auoir fi
touucnt vaincu par la pluralité des
vois A )a vérité ily a peu de Me-
nandres auiourd'huy. Nous ne
taiHons pas pourtant de voir vn
bon nombre de ces Phi!emons~que
Jaf~iondc!curs(emb!ab!eseneuc
dans les cabinets, & dans les ruelles
de!i< beaucoup au dc(!us de ce
qui leur cH: deub.Et de !a vient cette
réputation mcndicc, qui fait valoir
des pièces de nulle conndcration~
comme fi elles pofledoienr toutes
les graces, &toutes Ics richcfics de
Fctoquencc.
A (m qu'on
ne pcn(c pas que ie
me~efUme tout à faic ceus qui
n'ont que !a(eu!cconnoinance des
mots~aueci'arnRce de les bien ar-
ronger ic vcus leur donner icy vn
confeil qui témoignera que ic les
r autant que ie dois. le ferois
pnie r
donc d'auis qu'ils cnrrcpriHcnc la
cradu6tton des bons aucheurs cil
noHre!angue,ou ic croy qu~!s p<:u-
ucc acquérir beaucoup d'honneur.
Ce n'cH pas qu'il ne me fouuienne
fort bicn d'vn prou~rbc dcsAi~be~
qui porte que nous ne valons Tuc-
re~ il nous ne pouuons faire autant
quelaragnec, qui tire fa toille de
fon propre venc~ns rien en prun-
ter de pcrfbnnc foit pour !a form~
foicpour!a matière. Maisic pchfe
qu'il faut prendre cela comme vne
exhortation à ccus qui ont a~ez de
naturel &d'induHric, pour imiter
en touice laborieus animal. Ce qui
n'cmpefche pas que beaucoup d'au-
tres ne puiffent s'occuper louable-
ment à de moindres trauaus, te!on
la portée de leurs forces;&: que plu-
sieurs mcfmes ne (e foient fouucnt
amufez à traduire par quelque (br-
tc de diucrtidcmcnt, qui croient
tres-capables dc produire de leur
chef de fort bonnes chofcs. Car en-
core que Sencque ait fait quelque
inue~uedans l~nedc fescpi0:res
les intcrpretcs, comme s'ils
contre
n'auoicnt ricn de gencreus que
plusieurs les comparent aus petits
Peintres, qui s'amufent à copier des
origmaus & qu'on leur reproche
(buuentce demi vers d'Horace,
a
0 ~~M~r~r~M~
Sicft-ce qu'i! eft certain que les
plusgrands pcrfonnages n'ont pas
fouuent dédaigné de s'appliquer
àcecrauait. Et on ne peut nier que
nous n'aions veu depuis peu des
rradu~ions fi excellentes, qu'elles
n'ont gu~res moins acquis de gloi-
re à ceus qui les ont faites, que le
premier ouurageen pouuoitauoir
donnéafonauthcur. La raiCon de
mon confcitcAfbndcc~ fur ce qùc
ne manquant à ccus à qui ic !e don-
ne que la valeur des penses & la
grandeur de la conception puis
qu'ils ont I'e!ocution excellente;
c'eâ fans doute que quand ils appli-
queront !a beauté de leur langage
à quelque bonne matiere toute di-
gérée, ils en pourront former des
pièces d'c!oquence qui feront de
très-grand pris. Et ie majeure
qu'ils rcconnoiAront alors, que la
qu'on traittceH:
Maiette des chofes
de nouuelles for-
celle qui donne
cesal'c(pritpour(ebien exprimer,
&qutlsm'auouëronc eus-metmes,
que abondance des bcUes paroles
la fertilité du fuiet
don n~ttre de
emploie. Car. c'ett pour
où on les
qu'Hérodote & Xenophon
cela
priiez d'auoir fceu chottir
ont cftc
de plus bcaus thèmes d'hi~oire que
napasfaitThucydtde,quinaecnc
très-mal entrepntc,
qu'vne euerrc
tres-malheureufe ;y àiant
& auni
meruculeus dc~~uamage pour
vn luicnce-
ceus qui pèchent comme
<te élection.
de dire
Ce peu que nous venons
cnfaueurdes traducteurs, m'auer-
citations enfuttie,
ni de parler des
s'appuie,
celui qui cite
parce que traduit, fur
auni bien que celui qui
1-authoritc d'autruy. Or dautant
que ccus qui declament contre les
allegations ont principalement
en horreur de voir rapporter les
paffages entiers des liures en la lan
sue qu'ils font écrits, quand celle
de l'oraifbn où ces paflagcs font
couchez eft differente, nous exami-
nerons vn peu leurs raifons. Pour
que fi elles ne font pas bonnes,
ce
& qu'il n'y ait rien en cela de con-

traire a l'éloquence; beaucoup


moins dcura-ton trouucr mauuais,
que quelques-vns citent des au-
thcurs pour donner plus de credit
à leurs fcntimens~ quand ils fe les
approprient aucunement par la
iradu~ion.
On dit contre les allcgations en
langue étrangère, qu'vn difcours
qui contient beaucoup de pafîagcs
digérons non feulement pour le
Hilc, mais mcfmes pour le langage,
Kuemble a. vne robbe de d iuerfes
couleurs, & de plusieurs pièces ra-
portées, qui la rendent ridicule.
Que comme la Cigale d'Anacreon
neftoit ni fang, ni chair, ni os; on
fçauroit dire non plus fi vn tel
ne
ducourse~Grec, Latin, ou Fran-
çois. Mais qu'on ne le peut micus
qu't la vi~ime tauclée,
comparer
defagreable a Dieu, & que les Prc-
ftres de l'ancienne loi reiettoicnc
de leurs Serinées. Ceus de cette
opinion aioudeot que c'e(t cher-
cherbienmalà propos de la répu-
tation dans la variété des langues,
puis que la feule malédiction diui-
ne les a introduitcs. Auin peut-on
'.voir danslofcphe, que les luirs ne
firent iamais aucun cas d'en f<;a-

uoir beaucoup, nevoulans point,


il parle, auoir cela de
comme en le
dcs cfclaucs. Et
commun aucc
percdeCiceron difbit à ce propos
en rianc.qu'vn feruireur de Syric~
d'où croient les Iuifs, fe trouuoit
ordinairement: d'autant plus me~
cbant, qu'it ~auoic micus parler
Grec. Par où il femb!c que fi les
Peintres ont bien donné le nom de
corruption à la mixtion de leurs
couleurs, il peut citre appliqué en-
core plus proprcmcnt à la confu-
lion du langage, qui pert tout àfait
retoquencc. Et qu'on peut ~bu~e-
nir, que toutes ces citations dont
nous parlons, ne font pas plus vti-
les dans vne Oraifon, que les Heurs
rouges &btcuës~ qui font la rume
des bleds où elles croiffent. Voions
à ce~c heure les raifons du party
contraire.
Premièrement pour ce qui eft
de la dluernie des langues, le re-
proche de leur origine u'empctche
pas quittes ne foicnt
t
vn don du
iainA Efprit. La connoiflancc en
a toufiours efté glorieuse, qu'on
difbit d'Ennius qu'il auoit trois
coeurs.pour ce qu'il f~uoic le Grec)
le Tofc~n &: le Latin. Et fain~
Auguftin confère d'auoir offenfé
Dieu, meprifanc d'apprendre en (a
icuneffe la langue Grecque. Quant
au mellange des idiomes, qu'on dit
auoir mauuaifc grace, & preiudi-
ciermefmesareloqucnce, !es plus
grands Orateurs, & entre autres
Ciceron,dont ie me fers à tout pro-
pos, comme Patrocle du bouclier
d'AchiUc, n'ont pas e~ de cet auis.
Le bien dire ne fut iamais plus Aeu-
rifÏant dans Rome que du tcms
d'Horace, qui remarque qu'on cn-
tre!a(Ibit lors le Grec &: le Latin
au~a~reabtcment, que quand on
faifoit du vin de Falernc &: de
ne
'4)
ce!uideChioqu'vn feul breuuage;
encore qu'il reprenne au mefme
IieuLuci!iusd'auoir par trop rem-
pli de dirions Grecques coures fes
poëdes. Ecccrcesonpeutdiretui-
uant fa comparaifon~ que comme
il y a des virs qui ne ~uroicnc
c(tre pa(Ïcz d'vn va!(Ïcau dans vn
aurrc~(ansqu'd s'e~porc la mcit-
leurc partie de ce qu'dsonrdc fpi-
rituel & de ~cncrcus iten eit de
o
mefme de certains pafÏages des
meilleurs Aurhcurs~qui(onr ficx-
prez, &: ngn:~carifs en leur lan-
gue, que quand on les penfe tra-
duire,on 0~: tout citonne qu'ils ont
perdu quafi toute la grâce & la for-
ce qu'ils pofÏedoienc au parauanr.
D'ai!ieursc'e(t vne chofc co~aine,
que ccfte Academie des morrst donc

parle Lucien, eft:mcrucU!eufcmcnt<


puiffantc à nous perfuadcr en nous ~«'
~<
1
in~ruifanc.(~elc'; Hcbrcusauoiec
fur cela bonne grace d'cncerrcr les
défunts en la pofture d'vn Do-
û:eur en chaire. Et que les raifons
des grands perfonnagcs qui nous
fbncrapporcées comme forçant de
leur bouche, nous cnfeigncnc &
nous emeuucnt tout autrement,
que quand nous les entendons
d'vn autre organc,fans qu'ils les au-
thonfcnc~
Il feroit bcfoin d'vfcr de beau-
de di(Und:ions fur ce diffe-
coup
rent~ que nous obmettrons~ puis
que nous ne parlons icy que de l'é-
loquence Françoife, & que ie me
fuis rcfhaint à dire feulement ce
ic penfe pouuoir fcruir à ceus
que
qui ccriucnt en noftre langue. le
ne rapporterai donc point la règle
que quelqucs-vns ont voulu eih-
blir de ne méfier iamais des dif-
cours d'vnc langue poflerieurc
dans le corps d'vne aucrc plus an-
cienne, comme du Francs ou de
l'Efpagnol dans vne oraifon Lati-
ne, prétendant qu'il y a ie ne fçai
quoi qui repugne à cela, & qu'il cft
des langues comme des greffes
dont il s'en trouue de tc!!c nature,
qu'cHcsncpeuucnt cttre entées fur
de certaines ptanccs. Mais pour ve-
nir acequinoustouche~lme(cm-
ble qu'it faut confidcrer que élo-
quence n'cO: pas vnifjrtne, & n'a
pas touGours vn me(me vifagc. LÎ!e
en change au contraire, & paroiO:
toute autre, (cton la dlueruie des
matières, des tcms dcsticus,& des
perfonnes. Car par exemple t c!o~
quencc de Ciccron dans fcs cpi~
&rcs, & dansées !iurcs de PhHoio-
phie y cR bien dt~erente de ccnc
dont il vie dans fes oraifons. Et
qu'il n'a fait diSi-
nous voions pas
cuttedetreder beaucoup de Grec,
& déposes Latincs dans fon Me
cp~ohquc,& ph<lo(bphiquc,donc
il s'eit ab~cnu dans (es dcclama-
tions au Sénat, ou deuanc le peu-
ple. La raiton c~U l'égard du peu-
ple que comme Il c~oit de on
abfolu de la vie des
tcms luge
&

biens d'vn chacun & qu'autant


qu'il y auoit de Citoiens Romains,
dire que c'cAoient amant
on pcuc lalot
de petits Rois, qui donnoienc
plus grands de la terre, il falloit
aus
les informer de tout, oc s'accom-
moder à leur capacité, qui ne fouf-
froit pas qu'on leur parlai Grec,
pour ce que la plus part d'entre eu:
Hel'cuucntpas entendu. Ainfi les
Orateurs Romains croient obli"
gezdc former leur éloquence à ne
icteruirqucdelalangucLatine; de
forte que quand ils haranguoicnt
au Scnat, ils en voient encore de
mefme, tant par l'accoutumance
qu'ils auoient prifc, que par vnc
certaine raifon d'Eftat, qui leur &i-
foit craindre d'o~enïcr la maiefté
de leur Repu blique,s' ils emploioiéc
~ncaucre langue que!a6cnne. De
là vient que nous ne votons dans
toutes les oraifons de Ciceron que
dcus paroles Grecques, l'vne en la
fccondc mue~iue contre Verres~
& l'autre en la cinquicHne. Com-
me ie ne penfe pa~qu'it ait rappor-
té de vers que dans fon oraifon
pour P. Sextius, dans celle qui cft
contre Pifon & dans vnc autre
pour le Roi Dciotarus. Quantaus
Crecs~outre les mcfmcs caufes d'in-
bruire &:d'emouuoir vnemuhitu-
de ignorante de tout autre langage
qucle~cn~ quitcsobhgeoicntan~
parler que Grec, ils n'auoicnt pas
fuict comme les Romains,& la plus
part des autres Nations, de broüil-
ler aucun idiome étranger aucc
le leur. Car les Grecs onc eu cela
d'auantagcus, que les fcicnccs ne
leurs croient enseignées dans ks
Collcgcs ou Acadcmies qu'en leur
langue de fa~on que quand ils cuf~
fcnr ~cul'Egypncn~oul'Hcbricu,
~'euft c~e vue chofc ridicule àcus
de s'en fcruir fans ncce~itc~ &rpour
n'erre pas entendus. le ~ai bien
qu'on a dit que Cadmus auoit ap-
porté en Grcce les lettres de Pheni-
cic~par où il femblcroit que les
Grecs auroient peu auoir quelque
connoifÏancc des langues Orien-
tales. Mais fans nous amufer a exa-
miner vue hiftoirc qui c& tout a
fait du tems fabulcus, onnef~au-
roic nier que la langue Grecque
n'ait cela dexceHcnt, qu'elle feule
fans rien prendre des autres leur
prc~c les mots principaus & plus
eûentiels de toutes les difciplincs.
Ce qui montre bien que les Efcho-
les de Grèce n'empruncoienc rien
du dehors, &par confcqucnc
que
les Orateurs d'Athencs n'auoienc
pas fuiec d'altérer leur langage
pour fe bien cxprimer~comme ceus
de Rome~ & des autres pais, quia
n'onc appris les Sciences, ni l'clo-
quence mefme, quauecdes termes
Grecs. C'cA donc pourquoi Cice-
ron écriuant à fes amis, qu'il fça-
uoit auoir fait le cours de leurs e&u-
dcsdans Athcncs
comme lui, ou
bicntraittant des matieres de Phi-
lofbpbic, & de Rhetorique, n'a fait
nutic difficulté dcmploicr,
feulement des paroles Grecques, non
mais mcfmes fbuuent dans ~esici-
trcs des pafÏagcs entiers en Grcc~
fans qu'on pui~Ïe dire qu'il ait fait
tort par la a ton éloquence~ ni qu'il
aie c~e moins disert dan< ~csceu-
ures phHo~QphiQUM~ que dans fcs
oraifons.
H fauc inainccnant appliquer
cela à noftre v(age,& dire que com-
jmc l'Eloquence Romaine a plu-
fieurs formes, & qu'elle (c pare bien
di~crcmmcnc~etonleslicus où ellc
J[c veut faire voir, & les mancre~
qu'etle doic traittcr l'Eloquence
fran<;oife pcut-cAre conCdcréc a-
uec les mcfmcs diuer~cez, fe don-
nant quelquefois la liberté de pren-
dre des parures étrangères, qui lui
fcroicncfbrc mc~eanccs en vn au-
tre tems. Car il n'y auroit point
d'apparence de mc~er du Grec, ni
du Latin dans yn Roman;parmi vn
difcours populaire ou dans quel-
de
que ouuragc pieté, qui doiteAre
vcu par Fvn & par l'autre fcxc, &
dont la le&urc doit arrc~r les ycus
du peuple, ~uHi bien que ccus des
f~au~ns. Mais quand vn Orateur
cntrcprcnt de di(couhr fur vn fujet
d'aucre nacurc, lors qu'il parle pour
cttrc écoute principalement des
hommes d'étude & que fa matic-
rez besoin d'e&rc apputce de l'au-
thorite des grands perfonnagcs,
ic ne penfe pas qu'on doiue con-
damner les citations. ni que quel-
ques paroles Grecques ou Latines
puisent prciudicicr a fon bien di-
re. A la verité s'd en compofoit vn
-difcours de ia~on deccusque les
Latins ont nomme Ce~tons &
que ce ne fu~Icnt que des textes de
di~crensaurheurs attachez les vus
aus autres, comme Lip(e lésa mis
dans ~MËxiiuKS dcPotKiquc~ i'a-
uoucqu'vntcl trauaiLne pourroit
pas pa(Ïcr pour vne picce d'elo-~
qucncc. Il y a de la retenue~ & quel-
que bicn-~cance a. obfcruer en cela,.
Ce qui n'cmpctche pas que com"
me beaucoup de perfonnes pè-
chent en t'vf~ge immodéré des aïle~
gacios, il n'yen ait afÏez d'autres h~
dicules dans vnc fbtteaSc~atiodc
ne citer iamais perfonne, &dcpre-
dre tout chez eus ;(emblab!cs à cet
HippiasEHcn~quifc vantoit badi-
de
nemcnt ne rien porter que fes
mains n'eutlentfait. Car t'attribue
facilement à ccftc vanité le grand
mepris que quelques vns font de
toute forte d'authoritcz, pour m6-
~rcr qu'ils ne produifcnt rien que
d'eus mcfmcs, que les belles pen-
sées (orient de leur tc~e~ comme
Pâlies de celle de Iupitcr~.& qu'Us
tngcndrcm co~mc lui fans t'aide
d'autruy. A quoiP néanmoins on
pourroit répondre, que la généra-
tion fc fait par vnc a~ion fi com-
mune dans tous les ordres de la
nature, qu'il n'y a pas lieu de faire
tant de cas d'vncchofe ff facile;aa
lieu que c'eftvnmiracte de refufci-
ter les morts en les faifant parler de
telle fbrte~que comme on dit dans
a
la Religion quetcsotlemcnsauoiec
opère plus de nierucit!cs que les
corps animez, on pcuc fouftcnir
de mcfmc dans la Khecoriquc~
que
ceus qui ne font plus ont beaucoup
plus de forces à nous pcr(uadcr,que
n'en ont les viuans. Tant y a que
nous voions dans ce beau dialogue
des plus iHu~rcs Orateurs de Ro-
me, qu'ils ne croioicnt pas que leur
éloquence pcuft cftre corrompue
par des citations, le difcours d'A-
per nous apprcnantqu'ondcjSroic
lorsque !csorai(bns(u<!ent parées
dcsbcautezde la poë6c d'Horace~
de Virgile, ou de Lucam;pour ne
rien dire de celle d'Ennius~ ou de
Neuius qui remplit des pages en-
cicrcsdans 1rs ceuures philosophi-
ques de Ciceron. Ce qui n'c~ nul-
lement contraire aus préceptes de
Ïa Rhétorique~ puisqu'Hermogc-
ne tcmoignedans fon liurc de l'E-
ioqutnce~que les vers ont fort bon-
ne grace parmi la pro(c. Et nous
pouuons encore remarqucr par
l'Apologie d'Apul~l'vne des plus
eloquentes pièces de toute Fann-
quipe nonob~ant les impuretez
de quelques locutions dont nous
auons defia parle que du tcms des
Antonins on ne pen~oitpas que ks
paffages Grecs &: Latins deu~Ïent
g~cr vn bel ouur~ge vcu que ce-
lui-là eft rempli de textes de Pla-
ron/&dcp!uSeurs autres Philoso-
phes, aucc vn grand nombre de
vers d'Homère, de Catulle & de
Virgile.
Ce fcroit icytc "lieu de dircno-
Are auis dcsftilcs diferens dont
on
~cfcrtauiourd'huy~puis que ceus
qui condamncnc !cs citations les
conHdcrenc&rtoui comme enne-
mies du beau Me. Mais dcfirant
me ccnir auffi cHoigné de io~tcn-
j{c
que de la flatterie, ie rendrai mon
discours le plus general qu'il me fe-
ra ponible~ fans venir a aucune par-
ticu!aricéqui'pui~c c~rc mal prifc
par qui que ce foie. Premièrement
it faut faire diAin~ion encre ics fH-
les.&tes~ra~crcs, ceus-ey c~anc
limitez, &: fouuent fcmblxblcs en
ptuneurs authcurs;!a où les ftiles
lont infinis, &touûours di~ercns
comme les vifa~e~ qui ne manqucc
iamais de quelque air particulier
qui les diMnguc. Nous pouuons
hirecle&iondc celui des trois ca-
ra6tcres qui nous agrée le pus,
pour ce qu'ils dependent de l'art
absolument au lieu que c'cO: la na-
turc qui nous forme le ftile~ d'où
vient qu'on ne iuge pas moins ré-
guliercment des moeurs d'vn hom-
me par fon fUle~ que par ce qui de.
penddelaPhyfionomic. Enfin ce
font chofes fi peu (emblabics~ qu'-
encore que beaucoup d'Etcriuains
aient conucnu d'vn mcfmc cara-
~cre, comme dans ces belles nui&s
AtciquesPacuuius~Vly(Ïe~& Car-
neades du grand; Tercnce,Neftor
& Diogcnc du moindre; Lucilius,
Mcndaus,&Critolaus du médio-
cre ils ont tous eu pourtant leur
ihleàpart, &chacun~d'eus a rete-
nu fa fa~on d écrire conforme au
Genie qui !c po(Ïedoic. Carc'cA la
varie té des humeurs qui caufe celle
du fUtc~ qu'on peut dire n'être rien
autre chofc qu'vne certaine fa~on~
de s'expliquer~ qui depenr du tem-
pcramêc de chaque perfbnnc. Pour
le moins cft-cc t'opinion de Senc-
que, quand il fouftient que le j~itc
de Mecenas n'choit pas moins di~-
folu que fa vie, ni ~n eloquence
moins ticcnticufc que fes mœurs.
Quid ergo,dit-il, non or~c ~Mf
~~M ~Ec toM
qu'en vnaurre endroic il veut que
noftre difcours foit vn miroir qui
exprime parfaitement toutes Ïcs
bonnes ou mauuaifes qualitez de
noftre amc;Oratio M~ ~M~~
~M~fo~~ c~MM ~w~M-
0/?M~ <~M ~M~~ MM
~w «~M~ Voi-
re mcfmcs il iuge des mœurs du
tems par l'éloquence du flecic~ j~-
~FM~M~x~M ~~M cr~MM~
i~~M posant pour maxime que
par tout où le mauuais ~i!c paHc
pour bon, il n'y pas moins de cor-
ruption en ce qui touche la Mora-
le,~~w~or~M~ ~nw-
~M~ ibi ~or~ ~0~ r~o
J~cM~ non erit ~w~. Or pour
ce que les Efchotes trâitccnc ~Ïez
tous les.iours de ce qui concerne les
croi~ car~cres~ & la fubdiuifion
de chacun en trois autres ;ic penfe
qu'Ufcroitau~E annuieus qu'inuti-
le de répéter icy vne le~on fi con-
nue~ ou de m'engager dansl'expH-
c~ionde~fcpt ld~es& formes d'o-
raifon, (elon qu'Hermogenc les a
conccuës. !cHM contenterai donc
de &ire q~M~ue~ obteruahôns que
ic croy e~re très-importantes a
toute forte deMcs~ dans que!-
ï~
que caractère que ton écriue.
Nous auony dcSa rcmaMuc en ~M~. J
parian~dcrobfcuritc des mots inu~ é t.
~t.
6cez,que la première ped~iM~C.
du discours c~oic d'auoir beau-
coup de clarté, & d'être fort in-
tcltigible. CcA pourquoi Denis
d'Haiicarna~c reprend R ~e-~T~t.
ment de certaines perfonnes quine
louoienc de rien tant Thucydide,
que de ce qu'il n'c~oit
pas entendu
d'vn chacun, comme s~ neu~ dcu
i'eAre que des hommes ~Mans~ Il
leur reproche que par vue fi daa-
gcrcufe maxime, ils veulent ctta-
btir dans la Republique des !cttres
vne cfpece de tyrannie de pco de
pcrfbnncs~ qaipoNcdcroienc <euh
les liures & te rcndroient maifhes
abfbhis d'vnb~c d'autant piuscAi-
mablc, que plus de monde en e(t
participant. Ce n'c~ pas qu'il ne
i~O
bonne ccftc compoCtion
croule
autterc~ afprc, & amcrc, comme il
la nomme, que Thucydide & De-
motthene ont quelquefois atFc~ec~
nouant qu'il n'y a rien de plus
pui~nt~emouuoir les attelions.
Mais il ne peut fou~rir que pour
parler autrement quc!c commun,
Thucydide (c feruc de beaucoup
devons de s'expliquer étranges,
quiapprochent) dit il,du(bloecif-
mc~& quiicttent ce grand Orateur
hi~oricndans vue vicieufe obtcu-
rite, qu'on doit euiccr fur toute
chofe.
Et à la vericc puis que nous ne
vifbns~ (biten parlant foit en eeri-
uant, qu'à mettre nos penfées en
cuidcncc;d'ou vient que les Grecs
t<Er
v
ont
~?.
nommé la vois, comme h elle
e~oitia lumière de rentcndemcnt;
c'eft fans doute que l'oraifon qui
<;cxph-
explique le plus nettement & le
plus facilement coque nous auons
médite) doit eftre cftimée pour ce
regard la plus excellente. Dieu qui
cft o~mme le pere de la lumière la
créa le premier iour a~n qu'elle
éclairai le rcAe de fes c~uures nous
apprenant par là de ne rien faire
qu'auec le plus de clarté qu'il ctt
poffible. Ce n'e~ pas qu'il n'y aie
eu de très-grands pcrfbnnagesqui
ie font pleus à rendre leurs irauaus
fortobfcurs, comme Heraclite 6t
les Cens de Théologie pour en ca-
<
cher les my~ercs à vn peuple grof-4
ficr.qu'il tenoit auNi indigne qu in-
capable de les entendre. LesPytha-
goriensfefontietuia mefme Hndc
kurs (ymboles, les Platoniciens
des Mathématiques, &: les Egy-
ptiens de leurs lettres hiéroglyphi-
ques. Ari~ote écriuit fes liurcs
acroamatiques de telle (orte~qu'en-
co' c qu'il ics cuR donnez au pu-
blic, il a~eura Alexandre qu'i! ne
lcsauoitpasrendu communs pour
!a. E tes Poètes n'ont inucnte la
c~ t
meilleure partie de leurs fables~ que
rour couurir des veritez qu'its ne
pcntoient pas dcuoir c(tre diuul-
gucesa tout le monde. Mais nous
ne parlons pas icy de ce qui fe fait
à bon deificin, &pour des raifons
dont la folidité fe pourroit exami-
ner ailleurs. On fçait bien que les
Sciences ont vn ftilc a. part, qu'elles
appeUent dida~ique ou enfei-
gnanr, qui ne preiend à rien moins
qu'à la gloire de t'eloquencc. No-
&reinrentioncAdc reprendre ccus
qui préfèrent fans (ujet les tenc-
biesa la tumicre~ qui croient qu'il
n'y a rien de mieus dit que ce qut eft
de diHicHc intelligence~ quipren-
nentptai~r à imiter les obtcuritcz
d'Annmachus, comme fit l'Empe-
reur Hadrien auec le mcfmc iu-
gement donc il preferoit Cacon à
Ciceron.CccitiusàSaHu~e, &:En-
nius à Virgile. Car comme il
y a
des Efcriuains qui ne s'expriment
iamaisqu'aucc des énigmes~ &a!a.
façon des oracles, le plus fouuent
par vn vice de mauuaifc conccprio,
qui fait qu"ils ne peuucnc rien pro-
duire en fuicre qui ne foie dcife-
~ucus. ilfctrouuedes Loueurs de
meGne, à qui rien ne femble c(t:re
fpirituct,nibicndic,H teurcfpric
n'a beaucoup de peine à l'entendre;
& qui ne rrouucnt iamais les cho-
fes grandes & admirables,que quad
eUesfbncdanstaconfuHon & dans
robtcurire~ commcitarriueatouc
ce qui eH vcu de nuiA, qui nous
paroift pour cela toufiours plus
grand & plus conuderab!e qu'il
n'ctt en erfcct:. Le dcfaut de ceus
qui ecriuenc ainfi ça: iemb!ab!c t
celui de la premierc d)geR:ion, qui
nepeut€~c rcptré par la (econdc
ni parla troifief;-ne. Vnechofemal
fçauroit e~fc iamais
conceuë ne
bien enfantée. Et le manquement
du principe pareil neccnairemcnt
cequien dépend. Quant à
cn tout
ceus qui n'admirent dans les liures
que ce qu'ils ne peuuent compren-
dre, ils le font ordinairement par
fimplicité ignorante. l'ai veu
vne de
des femmes ne trouucr point
plus capables Predicateurs, que
ceus qu'eHes cntendoient le moins.
Ec Lucrece combattant les prin-
cipes d HcracMte fouftient que
beaucoup nelestuiucnt, que pour
qu'as ne font pas intcUigi-
ce
blcs;
O~M M~M~M~
~r, ~M~M~
iff~b
/M~~ yN~c
lauerfis v~rbis ~M~M
latitantia
ctrnunt.
Ces vers ne peuucnt cAre micus ap-
pliquez qu'au fuict dont nous par-
lons.
Encore que l'abondance des pa-
roles, nclai~c pas d'c~re quelque-
fois accompagnée d'ob(cuhtc, fi
c~-cc qu'cUc fe trouuc bië plus fou-
uentdanste ~i!c concis, que dans
celui qui cft plus eftendu. Horace <f
confcfÏc~que tafchant de dire beau-
coup en peu de mots, ildcuenoit r
infenfiblement moins intcMigib!c.
Or ce qui fait que pluficurs a~Ïc- 1
~enc ccfte fa<;on d'écrire pre(Ïee~
&: comme les anciens lanommoiec
Laconique ccH: l'opinion qu'its
ont que les paroles doiuent ettrc
confidercesainûque les mctau~
dont les plus nobles pefent en
moindre maf!e & valent dauanta-
ge que les autres. C'cft pourquoy
les Laccdcmoniens fe vantoicnc
que leurs réponds courtes, & figni-
hcahucs.cttoienc touc au rebours
delcurinonnoie défendent il fa-
ïoitdcbien grof!es pièces pour fa-
tisfaire peu de chofc. Ec fans men-
tir ils ont e(te admirables pour ce
regard, & on peut dire que leurs
propos reffcmbloient aus fruits à
qui le Sotei~ par vne extraordinaire
maturité a laiffé fort peu de corps
& beaucoup de fubf~mce. Mais l'é-
loquence ne fouffre pas toufiours
vnen grande aufterité que la leur.
l'auouc qu'il cft à propos de retran-
cher d'vn difcours lcs tuperSuiccz
qui ne font bonnes qu'a le groffir
inutilement & qu'it n'y a point de
plume fi bien taiiiee, qui n'ait bc-
foin de faire de c"s heureufes récu-
res. Cela vicur de la fecondité de
l'efprit qui produit plus qu'd i e
faut,& qui a~audi bien que le coi ps~
fes codions & (ouucnt fes
cxcrc-
mens qu'L eUcxpcdtenc de ~e ccrer.
Il ne faut pas pourrie reduirc 1 em-
bonpoint à la ma!grcur, &:alaic-
chercfÏc~puisqueta tante de Forai-
fon fc!on l'auis des plus grands
maigres ~eH: également dittanccdc~
ren~urc, &de l'exccfTIuc arcenua (
4
tion. Sur tout on fe doit bien cm
p~fchcr de croire que toute. torcc~
d'abondance foit icy v.cieu~~ n'y
aiant ne qui face faire aulourd'huy
de plus téméraires iugemens, a ccus
qai condamnent fans di(cnr;onL
tout ce qui pcucc~rcduen n oins
de paroles. Il (enouuc ync fu~ cr-
H~icé que les Grecs onr
nommée
ptconaime~ & les Latins redondan-
ce, qui cA vue des vertus du dif-
cours, lorsqu'elle~crtat'ornement
du langage ou à !~exprc(Hon de
la penfée. C'c~ pourquoi A!cxan-
drcIcSQph~c ramifc encre les fi
gures de l'etocudon. Et Quintilien
confcfÏc qu'on ne la peut repren-
dre,qucquândeMccAoi~uc~ com-
me il dit ou touc à fait inun!c
c'e~ à dire lors qu'e!!c n'apporte ni
grâce, ni force aucune au difcours.
il faut que i'adiou~c encore vn moc
d'auis a ceus qui rcicttcnt abfbtu-
ment les rcpctitions. Car comme
i!y en a de fort impertinentes, il
s'en trouuc auHi d'autres qu'on ne
fçauroit blafmer fans iniu~icc, &
qui font me(mcs neceNaircs. L'c-
loquence d'Vty~Ïe nous eA rcpre-
ieniée par la facilité qu'il auoit a
rapporter diucrfemcnc vn mefme
conte,
Ille y~~ 4~W~n~W.
Le pioucrbc permct de dire les bel-
les chofes iufqucs àdi< fois. Et le
Sophi~eTheon ob~crue.queDc-
mo&hcoc bien répété en mille
façons vn mefme ten$ dans vnc feu-
Ic orai~pn. Vaila comment
toute
forte d'abondance ou de répéti-
tion n'cA pas à reprendre, non plus
que tout racourci~cment d'orai-
fon à toucr cAanc bcfoin de faire
cn~brte que fans e~rc trop diffus
d'vne part, on s'clognc de l'autre !c
plus qu'il fera ponibic~de ceHc bric-
uecé vicieufc, qui a cfté toufiours
cftimee fort voifine de l'ob~urito.
Cclui qui fe fouuiendra
que toutes
les vertus confiftent en
vnc certai-
ne médiocrité géométrique~ égale-
ment di&ante de rcxccz & du de-
faut, ne s'étonnera pas que nous
mettions toufiouM 1 éloquence en-
170
tredcusextremitezafuir, puis que
1
]E~c v- (es( Profe(Ïcurs l'ont qualifiée l'vnc
mm ex des plus grandes, & des plus écla-
fummis (
vtttun-
tantes d~ toutes les vertus~
bux. 1
C~r~* Les exemples qui nous émeu-
0~f. ucncdauantage.~bnr fouuent en--
l. <r. 10 1
plus m~ru~ifs que les cnfei-
core
(
;&: ti le cheminée l'imi-
gncmens
tation eft bien plus court que celui
<

des préceptes. C'eO: pour cela, que


~M.
Epicurecontcilloit dans la
~<n.Û*
comme
i. Morale d'auoir toufiours deuant
<t8. les Socrate, quelque
yeus vn ou
autre per(bnnage de vertu heroï-
que,afin que vm~nt comme en fa
prefcncc, le rcfpea: qui luic~deu
tinft noftre vie dans te deuoir~
portai aus plus belles a~iôs.
nous
C~.n. Longinuscroirauni que rien n'cft
tant capable d'encuer l'Orateur à
cette fublime éloquence dont il
traitte, de !e faire conceuoir'haute-
ment toutes chofes, &:dc lui don-
ner la force de les exprimer aucc di-
gnice que s'il fe reprefente couf~
iours commcnc DemoHJiene ou
Ciceron manieroient le fuict qu'il
a entrepris, & de quels termes vrai-
semblablement ils vferoiec en vue
pareille occasion. Il veut mcfmcs
qu'on fc figure ce que la pofterité
pourra penfer de nous par nos e-
crits, & quel lugemcnt elle n<dcura
~1
faire de nos ouurages, n'cftimanc
rt

pas que fans ces conMcracions no-


ftre ame puifle ~uoir d'aHez gene-
reus mouuemens pour arriuer à
cc~e maieftueufe cloque-nce qu'il
reprefence. A la vcricé ceus qui é-
criuent pour tout le genre humain,
& pour tous les fiecles à venir, ne (c
ïbucicnc gueres de la faucur des
particuliers, nidclarepucaciôd'vn
peu de iours, ou de quelques an-
nees.Vne fi belle idée qu'eA celle de
l'éternité! n'engendre point
toute les
de petites peniees. Et comme
hommes d'eminente vertu ne vou-
droient pour chofedu monde ch~
ctrt&ere de leurs meurs à
ger le grcater;ceus
appétit d'vn peuple
dont nous parlons Teroienti~ mei-
difficulté de former le Me de
me depr~ue de
leurs écrits au ~ou~
quelques perfonncs,aiant pour but
Gnisra&ion de coûtes celles qui
ontl'v~gede la raifon. Quant aus
de l'eloqueee fut qui Lon-
patrons perfc&ionne,
ginus veut qu'on fe
propotcrois volontiers quel-
t'en
de no&re langue, fans les
qu'vn
eonSderations qui m'ont iufqucs
de nommer perfonne.
icy retenu parler
loint que fi nousen voulons
franchement, & vfer de la liberté
des anciens (de laqucllcneaomoms
nous auons cncoTc plus degencré
que de leur eloquence) nous fetons
contrains d'auoiier que nous n'a-
uo~s point de modèle chez nous a~
donner,qui puiffe reprefenter cc&c
p~faice forme de bien dire donc
nous traitions. Ccn'e&pasquon
n'v(e auiourd'hui d'vn chois ires-
exquis de bel!cs dia:ions,&: que rart
de bien tourner vue periode ne foie
arnuc au plus haut point de fa per-
fc&ion, félon nosconic&uresprç-
cedcMes. Mais pour ce que rdo-
demande quelque chofc
quencc
de plus que tout cela, comme nous
auonsau~RdeHa remarque ~iecoï~
~ciÏc que ic fcrois confcicncc d'é-
galer aucun de nos Orateurs a ces
vieus Grecs & Romains, qui ont
conioint 1< grandeur des pcnfccs
a la beauté du difcours, &vnecon- 4
noifÏancc parfaite des fcicaccs à
l'elegance du langage. Monfieur
du Vair ne nioit pas il y a fort peu
de rems, que nous ne fuffions enco-
re bien loin de grands
ces D hommes
là. Que fi nous nous fommes auan-
cez de quelques pas depuis luy, co-
me cela ne peut e~re difputé fans
iniufticc~ce n'eH: pas à dire que nous
puiiïions pretëdrc auec raifon d'al-
ler du pair auec eus. Nous nous ar-
rêterons donc à l'imitation de ceus
que toute l'antiquité a reconnus
pour les Dicus de l'éloquence. Et
quoi que Ciceron declarc que de
fon tcms la force des Orateurs A-
athéniens eftoif tout à fair ignorée~
&: qu'il n'y auoit que leur rcputa<
r n- venue luiqucs
tion qui fuit r a luy.
Bien que par conséquent nous ne
puiffions pas cfpcrer duiourd'huy
de pouuoir remarquer les principa-
les grâces qui font. dans leurs ou'
urages de bien difcerner le Aite
Rhodien comme moien entre
l'Attiquc &: rAfiariquc; ni de m-
gcr Etchines auoit raiCon de re-
procher à Demo~hene qu'il ne (
partoitpas le pur Athénien. S! eC:- (
cc que po~r peu que nous meditiôs
fur ce qui nous rcfte de leurs in-
comparables rrauaus il eft im-
po~ible que nous n'en cirions in-
ienGb!emcnc beaucoup de pro-
fit, de mefme que ceus qui pren-
nent delà couteur&~tchanent fans
y penfer en f~ promenanc au Soleil.
Pour ce qui et): des Ladns il femble
que comme nous (bmmcs plus pro-
ches d'eus en toute façon que des
Grecs, leur eloquence nous foit
auHt plus connuë. Et neanmoins
quiett-ccquircconnoift a prcfcnt
daos Tue-Ltuc ccc air de PadouË
que Pollion lui a reproche Qui
otcroit reprendre vn Me pour a-
uoirtropduTofcan~ & du Sabin,
comme Luci~us faifoit celui de
Vc~ius Ë c qui peut sapperceuoir
de ce ic ne f(~ai quoi de l~fchc &:
D~ d'cncruc que Caluus &:Brutus trou-
< uoient dans les difcours de Cicc-
ron ? Mais encore que nous ne pé-
nétrions pas peuieUrc toutes les 6-
nèfles d'vne langue qui n'eR plus
que dans les liurcs~ &: que toutes fes
oeautcz n'arriuent pas turques à
nous il en reite aRez ncanmoins
dans~sprincipaus Autheurs pour
nous fcruir d'exemple~ former les
plus riches traits de noftre Eloqué-
Françoife, qui ne peut tirer fa
ce
nourriture de meilleur endroit
~T~. pourparlercomme Apollonius de
Rhodes, quand il difoit que la lc-
~y~M.
w.
~urce~oitralimcntdc l'oraifoD~
ïcmcfcnsicy obligé de donner
dcus
deus auis. Le premier, que ce neâ
pas mcrueiiie fi nous n'auons per-
ionne parmi nous a imiter qui n'é-
prouue la hgucur de beaucoup de
Cenfeurs, puis que nous venons de
voir que Demoithene & Ciceron
n'en onc pas e0:é exemts de leur
tems. Ce dernier futaccu(~ de mal
parlerparvn Gallus Afinius. Aper
trouue que Caluus & Brutus auoiét
raifon de le reprendre comme nous
auons dit, lui préférant mcfmcs
l'Orateur Coruinus. Il fenlble que
quc!qu'vn!uiimputcd~ns tuuena!
d'auoir eu vue éloquence étrangè-
re, or Sauoyarde. Et Largius Lici~
nius Rc vn liure qui auoit le ti!cre
de C~w~~c, comme qui diroit
IcfbuccdeCiccron. Nous appre-
nons cela de A. Getlius.qui rcpare
a mon iugement de fort bonne
grace l'honneur de ce parfait Ora-
quand il compare ces innées
teur, certains monitres
Ccnfeurs à de
J hommes, pour les nommer com- des
lui, qutotcnc bien écrire
me paroiftre les
impietcz, & f~ire mau-
uanes opinions qu'ils ont de la di-
uinité. Le fecond auis fera phHolt
de moi, puis qu'il
de Sencque que
le donne 1 fcs enfans dans la pre-
face du premier liure de fcs Con-
trouerfcs. C'c0: qu'il ne faut iamais
~artctter à l'imitation d'vn ieul Au-
theur, quelque excellent qu'il puit-
icefirc par ce que celui qui copie
n'égale iamais ~n original, toute
reuemblance aiant cela de propre,
quelle c~ toujours inférieure au
miec qu'elle rcpre(ente. Qmnd-
lien a volontiers cmbraneccHe o~-
pinion, non feulement, dit il, à
caufe qu'vn homme qui n'a pour
but que de future les pas de celui
qui le précède, ne !c dcuance ia-
mais; mais encore pour ce qu'il cft
quelquefois plus facile de faire da- ]
uaniage~ que fimptemencaucanc~
qu'vn aucrc,&: de le iurmonrcr~quc j
de régaler (eutemcnr. De là viclYt
o
qu'après auoir cxa!ce!'e(pric de Ci-
fur
ccroa tous ceus de L Greee, &
declaré qu'il ne faloit point cher-
cher aiUcurs que dansfcsœuurcs
pcrfc~ion de re!oqucncc;ii con-
icme néanmoins qu'en imicancvn
fi excellent prototype, on tafche
d'y adiouiter la force du (Utc de
Ccfar) la~precc ( c'ett ainfi qu'il
rappcHc)quirccommandoic FO-
laccur Coetius la diligence de Pol-
lion, &: le iugemcc de Caluus. Nous
imiterons, en v{ànt de la forte, le
Pcincrc Z~uxis~ qui tira la beauté
de(abc!tc Hctcnc de toutes les grâ-
ces que les plus bcUcs filles dtCro~
podedoient (eparement. Et
tone ce vilain pay-
nous ferons comme
parle Denys d'Halycar-
fan, dont
na~ ce propos, qui
ex pofa aus
plus be~us ta-
de fa femme les
yeus acheter, de cram-
bleaus qu'il peut
tcqucileneMdescnfansquilut
re&mbl~ent.neUcn'auott point
plus agréable obieda regarder.
de
Sophie Thcon montre que
Le
Demo~hene nm-
non feulement
toit de la forte les Orateurs Lycur-
Lyuas, & tous les autres qui
gue,
Soient precedé; mais qu'il n'yen
qui n'aient ainfi para-
a point eu Autheurs, dont ils
phratepluCeurs
tatchoient de ramaner en vn toutes
les perfections.
Mais quelque belle image que
contemplions en craionnanc
nous
conceptions, & quelque peine
nos
prenions a copier ces
que nous
l8l
bcaus origines de l'antiquité ou
ceus de ce rems que nous iu gérons
dignes d'être imitez, iHe faut faire
beaucoup de difcretion, & fe
auec
(buuenirquelc plus grand artifice
de tous, confiée à bien cacher ce-
lui dont on (e ferc. Tous les Rhe-
ccurs ont conuenu de ce principe.
Scncquclc Dec!amatcur temo~ue~Prca"w.
L
f.t.cc~f.
de l'impertinence de ceus qui ne
pcnferoient pas citre (ubrils.s'its ne
faitoient paroi~re leur fibritite,
qui cefÏe neanmoins d'eftre tc~e~
aufli to~queUc c~ rendue vidbtc.
Ec Q~mti!ien dit en gcncr dta mcfL ~4.
1

chofc de Fart dont il faifoic pro t.


me
fedion.quaulieudc~p~drecntc
couuranc~cornmcqu~q~c. vnss'i-
maginoienc mata propo c'cHo~
le ruiner tout a fait que de'le fa,,re
paroi~re, q~it r/y auo!f p!L~
d'art s'il e0:oic rcconnoi~btc. La
M iij
rairon de cela fc prend de ce que !a.
jRndc l'Orateur e~ d'être creu co-
me véritable, à quoi il (emb!e qu'il
n'y ait rien de plus conrraire que
l'artifice. Car c'eH: vne maxime fort
~ncurcc que par tout où on en re-
marque beaucoup, onpen(ctou(-
iours qu'il y a fort pcj de vérité, il
vaut donc micus vfer de celte ne-
gli~cnccditigcnte, dont parle Ci-
ccron, que de trauailler aucc vnc
peine trop cxa~c/~oùon puifÏc
remarquer plus decunonie que la
bien-fcancc n'en demande~ Vcu
mcftncmcntquc comme il obfcruc
ailleurs, l'éloquence n'cft pas vc-
nue de Fàrci~cc. mais au contraire
-celui cyeO: né de rdoquence~ qui
x l'a précédé. Et peut cftreque le foin
excc~fde garder tous les préceptes
des Rhéteurs~ a donné lieu au rc-
proche qu'on leur a fait d'auoir
<
cau(e autant de defordres dans l'é-
loquence, que les Sophi&es en ont
introduit dans la Philo(ophie. Pla-
te
ton veut qu'on porte aus plus
ferieufes avions aucc quelque for-
te de récréation par cc que c'c~
ainfi qu'on Hnice l'autheur de la
nature~ qui n'a fait dit-il, l'homme
mefme (on chefd'ccuure~ que com-
me en (eiouant. Noncontantd'en
auoir donne le precepte, ce diuia
Philofbphc l'a pratiqué lors qu'il a
traitté de l'éloquence n'aiant paru
nulle parc plus grand Orateur, que
quand il s'eft moqué fi gentiment
des Orateurs dans ~onGorgias. Or
les chofes qui font écrites de la for-
te auec facilité, ont toujours vn
air qui les rend plus agreables, & fi
elles n'en font pas moins excellen-
tes pour cela. Tant s'cn faut.c'cH
vne ob(cruation que fait Qu!nci-
hen~ en citant, comme il lui arriuc
fi fouuent fon grand maigre Ci-
ceron~ qu'il n'y a point de pieces
plus admirables dans toute l'elo-
quence, que celles qui paroifÏcnc
les plus aitecs~ & .qui font nean-
moins les plus di~cthts à imiter.
Comment cG:-ce que ccfte fou-
ucrainc faculté fe pourroicafluiec-
tir baffement à quoi que ce foit) fi
elle fait profefiion de commander
par tout, & de donner fcs lois en
Monarque~ns les receuoir de per-
fonne. Placon le dit ainfi dans fon
Politique &: montre que l'élo-
quence a quelque chofc de com-
mun auec la dignité Roiale. C'cll:
pourquoi ilycnaquiontfou~enu
que Pericles ncftoit pas moins Ty-
ran d'Athènes, que PyMratus;
fans y rccônoif~re d'autre dmeren-
ce, finon que celui-cy cxcr<;oitfon
Empire arme~&daurrefans armes
par la feule terreur de fa parole,
qu'Arif~ophinc comparoit à vn~ N<
toudre~ comme Homère cette d'V-L
lyfleavntorren~quicntraifi~etouc
f/
aucc foi par fa viotancc. De là vient
aufliccquc d'autres ont remarqué
qu'Alexandre n'auoic pas eu moins
de peine à faire taire l'etoquece ville
d'Athènes) qu'à contraindre ta gc-
ncreufe Sparte à feruir. En efted:
ce que peut le fer en vnc armée, l'é-
loquence le fait en vue afTcmbtee
d'hommes raifonnables dont cite
fc rend maiftrcne abfotue. Et cer-
tes c'eft vne chofc admirable j c~
que f~MM.
comme nous auôs obtenu vncom- ~t.~
Or~.
mandement abfolu fur le reftc des
animaus par le moien de la raifon,
& de la parole qui en eft l'image;
nous puiflions encore pofÏeder la
mefine auchorité entre les hom-
<
mes, par vn plus parfait vfage de
cc~c mefme parole, & par vm plus
cxquifc communication du dif-
cours,& de la raifon,que nous don-
ne l'eloquence. Il ne faut pas pen-
fer quvnc vertu fi efteuec &: fi
jmaicttucutc, s~iHeabbai~cr (crui-
Icmcnc iutques aus moindres re-
lies de Grammaire ou de Rhetori-
que. E!lccfKiiaIou(ede(aIiberce,
qu'on a creu qu'elle ne (c plaifoit
que dans les Ettacs populaires, ou
c!!c ne trouuc rien qui ne ploie fous
fes voionrez. Comme fi c'cftoic
pour cela qu'il a paru plus d'Ora-
teurs dans les petites Democraties
d'Athenes, ou de Rhodes, pour ne
rie dire de ceUe de Rome, que dans
toutes ces grandes Monarchies de
Perfe ou de Macédoine. le fçai
bien qu'on en donne vue autre rai-
fon, &: qu'on a die que l'eloquencc
cHoit vnc faculté populaire qui
trouuoic fbn principal tuitre dans
le trouble des eftais commandez
par vne populace. Car comme les
bons Capitaines lefonrentems de
guerre, itfcmbtc les p!uscxccl<'
que
lens Orateurs fe Ibicnc rendus cc!~
dans ces violantes agitations que
~ou~rcnc quelquefois les Républi-
ques. C'cft pourquoi ils ont cftc
plus rares dans les E~ats bien po-
iicez~tels que ceus de Crete, &: de
Sparte pour ce que leur bonne
conftitution ne foudroie pas de fi
grandes altérations. De forte que
comme il fe trouue fort peu de Me-
decins où il n'y a gucrcs de mala-
des, le nombre des Orateurs a cfte
très petit dans les gouucrncmcn~
moins fuicts à câre cfbranlez par
dcs mouucmens feditieus. Mais
quoi qu'il en ~bit~ Longinus, qui
veut qu~!es Démocraties (oient les
mères nourrices de l'éloquence~ fe
fonde fur ce que la feruitude eft fon
ennemie mortetic,&:(ur ce qu'i! y
avneoppoHtion formelle entre la
condition d'vn homme fcrf qui
tremble toufiours & celle d'vn
Orateur dont tous les mouuemens
doiucnt cftre hardis &: genercus.
Cefte grande liberté n'cmpcf-
chepas pourtant qu'il ne foit obli-
gé d'obtcruer de certaines chofes
très fbigncu~ement. Et premiere-
mentilne fe peut pas difpenter de
garder le plus d'ordre qu'il luiiera
po~htc en tout ce qu'i! écrira. L'or-
dre ett ce feu de Promcthée~ fans
lequel tous nos ouu rages paroif-
fentinanimez. C'cfHa chaîne d'or
qui lie tout ce qu'itya de beau dans
le monde. Et il eft particutieremenc
danstcdifcours~cc qu'eAdans vne
armeela difcipline, fans qui lava-
Icurdcstbidats feroit inutile. Voi-
re n-iefines comme vne anernblcc
de trente mille hommes ne fait pas
pour cela, fi Lordrc mili-
vne armée
taire n'y eft obi~rué & comme vne
srandc Quantité de materiaus ne
peuuentpas r
former vn palais,
t s'ils
t

ne font arrengez auec la fymmctrie


que demande ~architeûurc les
plus bcHes paro!e~ & les plus no-
bles conceptions que nous pou-
uons auoir, ne ~auroient non plus
compofer vne oraifon parfaite, fi
eHesn'y (onidifpofees en bon or-
dre. U y en a qui ont dit que rhom-~
me feul auoit du fentimcnt & de
l'amour pour luy, ne confiderant

pas que les moindres in(e<~cs~ com-


me les mouches à miel, & les ara-
gnees~ fbniafÏez paromrc en leurs
petits trauaus combien elles fe plai-
fent aus chofcs bien comparées.
le trouuc la maxime d'Ariftoicbie
plus raiionnable~quand il (buMenc
quetouccc qui fc fait contre l'or-
drc, fe fait contre la nature, qui cH
admirablcmcnt ordonnée en coû-
tes ies parcies. Ainfi rien ne nous
pouuanc exempter de (uiurc tes lois
cncecy~iln'eltpascn la liberté de
l'O ratcur de parler aucc confufion,
&~ns ordre.
Il ne doit pas non plus s'efloi-
~ncr tant foit peu de ccfte bien-
fèance que Rofcius difoit e~rc la
principale partie de fon art, encore
que ce fuit la feule chofe que l'art
ne pouuoit enfcigner par préce-
ptes. Le mefme Ce
peut dire dans ce-
luide la Rhctorique, où il faut fur
fout auoir égard de ne rien pro-
noncer qui neconuienneau tcms,
&u lieu, & aus pcrfbnncs. C'c~ pour
!9t
Sophie Theon louantta ~<
cela que le
Homère de ni auoir fait parler per-~Wt~
~.133.
fonne dans fon poème que fore cô-
ucnablemcnt a ia proCcHion, re-
prend au concraire Euripide d'a-
uoirfbuuc.nc pèche en cciteparcic,
comme quand il attribue des dif-
cours philofophiques à Hccube~
qui font du tout au deilus de (a por-
tée. le n'entreprendrai pas d'expri-
mer nettement en q~oi con~c
ccftc bien-feance, puis que Rofcius
& Ciceron ont crcu qu'il n'cHoic
pas ponibtc d'en donner aucune le-
~on (uHi(anic. Nous prendrons
néanmoins vn exempte des plus
notables, qui nous en fera rccon-
noiftre l'importance. Lifias com-
pofavnc fort belle harangue pour
Socrate, qui lui fut portée dans fa
-prison, ahn qu'il s'en fcruift. Elle
citoit des plus cloqueccs &: des plus
artificieufes, comme ~iantctte fai-
te par vn des premiers Orateurs de
ccccms-Ia. La pièce fut auffi trou-
ucc tres-bien écrite par Socrate.
Mais,dit-il, on me pourroitbicn
apporter de mc(mc des fouliers Si-
cyonicns très-bien faits, & de fort
bone mesure pour mon pied, donc
ncantmoins ic ne me fcruirois ia-
mais par ce qu'ils ont quelque
chofe d'cfFemine, & d'indigne d'vn
homme de ma forte. le ne penfe
pasqueiedoiucvfcrnon plus de la
belle oraifon de Lifias, quoi quelle
foit des plus difcrtes.puis qu'elle n'a
rien de cette gcnerofité philofo-
phique dont ic fais profefhon. C'c-
Hoit parler en Socrate véritable-
ment. Si c0:-ce que voulant obfer-
ucr vn peu apres la bien-séance que
Lyfias auoit négligée, il v(a bien do.
termes propres avnpcrc commun
de tous les Phitotophes mais qui
rc~oienrd peu & l'égard de tes lu-
<rcs
quand il leur (buttinc qu'au
lieu de le punir, ils c~oienc obligez
jde te faire honorer & nourrir par le
public, qu'il attira fur lui par ces
propos trop !ibre$ pour le lieu, le
plus inique iugemcn t que la Grece
ait iamais rendu. En cffec tout le
monde a creu que fi Socrate cuft
cfte Orateur & Pliilofophe tout
cnfcmbtc~ & qu'en contcruanc fa
dignité il eu~ peu accommoder
fon discours à ce que demandoit
vue atÏcmbtee qui iugeoic fouuc-
raincment de fa vie & de fon hon-
neur, iamais Anycus &: Mehcus
n'eufÏenc eu le pouuoir de le faire
condamner. Or fans examiner da-
le procède d'vn fi grand
uantagc
perfonnage, dont on ne (~auroic
parler auec trop de rcfpcû:, nous
la
remarquerons qu'outre la bien-
jfeancc qui doit cftre gardée aus
chofes importances, & en ce qui
touche lcspcnfecs;il y a encore ie
ne~caiquoientafa~on dctcsdcbi-
ter,&qui .'eH:cnd par tous les mem-
bres de Forai~on,oui! faut curicu-
icmcnteuitcrccqui approche feu-
lement de !'indeccncc. C'eH: cncc<
la que Rofcius difoit que l'art e~oic
dcte<~ucus;&c'c(Kurce fuict que
Platon reprenoit Xcnocratc de n'a-
uoirpa~criSeaus graces, tan$qui
pertonnc ne peut qu'inutilement
pretendre a l'éloquence. Ces mcf.
mes graces pourtant nous appren-
nent qu'elles ne doiuent pas eArc
prodiguées ind~tcrcmmcntnimal
a propos. L'Empereur ConAans
haranguant les Sarmates en termes
choifis, & tels qu'il cu~ peu cm-
ploicr parlante vnpeupleKomain~
1~
ivndcces barbares, que !'hi0:oire Vnu~
v
dit auoir cite Si!cdcn, eut la har- Q~di?.
Q

dic~Ïedetui icttcrdes orduresdont


iHuicouuhctoucicvt(age. Tant il
cft vrai au'd faut vfcr des graces
mcfmcs aucc difcrcdon~ & que la
bicn-feancc cft quelque chotc au
dcta, & quine fè peut bonnement
exprimer.
Il faut encore que l'Orateur (c
ticnne danst'obfcruanon de beau-
coup de preceptes imporians~dont
les maigres de Rhétorique ont fait
de bien gros commentaires. Ce
doit cUrcneantmoins noblement~
& d'vne façon libre & gcncreufe~
dont ie penfeque nous nous tom-
mes aifcz expliquez. A la vérité,
vn ancien ac<chc qu'dn'c~oitpas
tant forci de Heros du cheual de
Troye, que de l'efchole d'Ifocrate. 7< R~f.
Dcnys d'HaiicarnaÛe exprime la ~fy. /«~f.
N ij
mefme pensée d'vne autre façon,
quand il dit que comme pluficurs
colonies d'hommes auoient efté
tirées de la ville d'Athenes il n'c-
itoic pas moins parti de colonies
d'Orateurs de la feule cla~Ïe d'tfo-
crate. Et c'eft fans doute qu'on ne
fçauroit arriuer à l'Eloquence par
vue voye plus courre, ni plus fèu-
re, que par celle des regles de l'arc
dont ce grand homme & tes fem-
blables nous ont fait des leçons,
pourueu que ce foit aucc la modé-
ration qu'eus mefmes nous ont
prc(chtcc~& que nous y apportions
le ccmpcramcnc que nous auons
dit. le remarquerai fur le fuiet de
ceftecomparaifon, que Longinus
en condamne vue deTimce toute
fcmbtab!e, que je n'ai iamais creu
deuoir eftre prife pour froide com-
me Longinus la nomme, ni meri-
ter vne fi rude censure que la ~en-
ne. C'cH: où cet hiftorien difoit qu'-
Alexandre le grand prit toute l'A-
fie en moins dctcms qu'tfbcrace
n'en auoit cmploié à compofer fon
oraifon panegyrique qui po.rtoit
les Grecs à l'entrcprife de la guerre
contre les Pertes. Longinus s'écrie
là deffus qu'il ne fe peut voir vne
plus ineptc conception ni vnc
comparaison plus ridicule que
celle d'vn fi braue Empereur aucc
vn fimple Sophifte. le dis premiè-
rement, que pourueu qu'vne com-
paraifon foit propre au ~ens pour
lequel elle cft donnée, on ne la peut
reprendre comme mauuaifc, enco-
re quelle nes'aiuite & ne conuien-
ne pas en tous les rapports qu'on
voudroic lui donner. C'cft pour-
quoi cefte-cyn'aiant eUe f~itc que
pour me(urcr le tems des conque.
~es d'A!c~e~ quô~ c!!e cA ircs-
proprc~c'eitvne milice de ~vou-
loir reicttc~ pottt c~ qu'il n'y a pas
a~zdc r~Hcmbtacc entre A!cMdrc
& tfbcr~te. Au~cm~a prccedcn-

cc qui în~cn paYaUctte vnc ctchok


~uec!ech<*ual de Troie &sdiCci-
p!csd Ifocrate auec tous !c< Htx~s
de Gt-cce~ ne (erok pas mûin~ti-
dicu!e que Ciceron pouMt~
tro'ïuec bonne & qui n'a i~tiM~
c~ereprttcdc pcffonn~ le~~M~
en ~cond !icu pour Tit~~o, que
~an< ~cnfauc qu'il ~it vou~ ~g~ftc~
en tout vn Dcdamateur~€n-
ùinciblë Monarque ~<&totn-
pàraitbn contient en foi vne oppo"
Ctioh de l'vn à ra~tre~ auec vn~
ku~nge tfes-cyquitc d'Ate~ndfc,
à qui ït ne &!uc pas tant de~teïM
pour dompter toute FACc/qu'vn
Çfaicur en contomma daM les
preparatifs de f* harangue.
Pouf retoutncr & noScrc princi-
palpropos, Uc&neceuAire~rtout
celui qui dcufc arriuer à ce0:c
que
ntbumc~ excellente forme d'eto-
te fouuienne qu'encore
qacAcc
que (es trois vcrcus d'être corrc&e, a s~
t.t
eb!K,& ornée, fe doiuent trouuec `'
d~M comes les diffr. rentes e(pec«
d'or~bn il y a quelque chofe de
ptusd&~ctouucrjtin ~enre de bien
dirpt ~C dans ee&e tupfeme cto-
qusne<,qui tient en main le gou-
ue<n~de nos &tnes &: qui çon-
dult~ùeUe veuttouiet nos volon-
tcz. Ci~& d'etle que vpuioit parier 1E~
Cieeroo, quand il difoit qu'it n'c- yttoctuc" tr«fM~.

~imoit pointdc veritable eloquen- tH quae


tdmir~-
teUe qui cous r~uit d'~dnu- tionc.u
ce~ que nonh~-
ration. EticmetbuuicnsquePhnt b~r,nut-
le ieune compare pour cela l'Ora- !~m iu-
d'co.
~cuM celui qui chemine (urt~cor- Lib 9.
Ep.
N ni)
de, dontl'adrc(Ie remplit d'c~on-
ncmcn t tous tes fpc~aieurs. Car it
y a des éloquences vulgaires, qui
ne iai~cnt pas d'auoir leur pris,
comme la plus petite ettoi!!c a fa
lumière c~ (on inSucncc~ auffi bien
eue ta. plus grande. Celles-là font
r~ ° j licus
boncs en tbeaucoup de i
où ilt ne
fe rencontre pas de grades difficul-
tez àobtenir la fin qu'on s'eft propo
fée. i/Ecctcfia~iqucdicqu'vntour-
dauc cft auni aifé à perfuader.qu'vn
cnfjnc a faire pleurer, car c'eAaind
qn on peut mrcrprcterces paroles,
~c~ ~r~nf~M~ ~M~M
~w~4~~<M. Ce n'cft donc
pas mcrueille s'it fe trouuc a. pro-
portion des personnes qu'vnc fore
médiocre faculté de difcourir tour-
ne comme elle veut. Mais quand
cH: queftion de gagner créance

parmi les plus habiles hommes, de


conuaincrc les plus folides cfprits,
& de forcer les plus opiniâtres &
les plus incredules à fuiure les opi-
nions que nous auons entrepris de
leur faire reccuoir c'cH lors qu'tl
eft bcfoin de la plus haute eloquen-
ce qu'it faut deploter fcs maiftrcfîcs
voiles dont on a tanrp~r)é, &: qu'à
moinsd'vfcr du plus p~rhic ~cnrc
d'oraifon plein d~ mcruciUcs &
d'admiration, on ne fera iamais
rien qui approche de la gloire des
anciens, rapprcns d'eus qu'it ctt bc-
foin pour ccla d'vne cftudccon-
fonmnee dans la plus part des (cien-
ces. Q~unci!icn compare ccus qui
n'ont pas fait leur prouifion des
chofcs neccffairc's à l'éloquence,
aus hommes qui n'ont point de pa-
trimoine, qu'on voit toufiours aus
empruns&dans la bafÏc nccctUte.
Il veut, pour cuitcr cet inconuc-
nient, qu'on ait f~itchois &~mas
de longue main de rout ce qui con-
cerne Je langage mais que le prin-
cipal foin foit des chofes, &: des ma-
tiercs~qu'dfiUC polfcder en pleine
propriété, comme dilènt les lurif-
confulres, afin de s'en feruir vtile-
ment & de bonne grace aus occ~-
fions. Et il donne pour te plus im-
portant auis de tous, de ne nous pas
amufer à cultiuer le champ de Feto~
quence, auec ce feul de~ïcin de le
remplir de lis & de vio!cctts, au lieu
de bleds & de vignes préférant
toufiours rotiuicr qui porte. d~
frui< au myrte qui ne fctt qu'à
l'ornement ~& qui n'a qu'vne yef-
dureinutite. EtneanmoinsHyen
a qui font confciencc de faite pa-
roi~re quelque do~rine dans leurs
~crirs~ qui ctoient mefmes qu'il ny
a rien de plus con traire a rdoquen
ce~ que les lettres, qu'on appelle;
ont ic ne fçai quoi de corrofif u el
affaiblit l'efprit & qui lui defrobc
vue partie de ce qu'i! a de meilleur.
Sans mentir elles lui oftcnt quel-
que chofe, ncfu~-cequeïa rouiUe
& les taches de Hgnorace la fcicn-
ce ctt honrcufe, mais c'ett parmi
barbares; & i'auoue qu'clle fait
preiudice à l'éloquence fi on s'en
~ert fans iugement, & qu'au lieu de
labien cmploicr on en abufc. Car
comme il fe trouue des pcrfonncs
qui mepri(cnt tout à fait rcttude
les liures, il y a des demi-C;auans~
pour ïie~icn dire de pis, quiferen-
d~ntÏe~ptùs importuns du monde
<h x~ ~u de connoifÏanct qu'ils
ont. U~eutcnt pafÏcr pour ce qu'ik
n~ ioht pa< & font comme les pe-
tits hommes qui dcuiennent ridi-
cute$~ force de s'encucrfuric bout
des pieds pour paroi~re plusgrads
que ta nature ne les a faits. Et quoi
que tout ce qu'ils produifent fe ref-
fente le plus fouuent de la foibleffe
d'vn principe dcfc(3:ueus,
~~M~r~~ y~f ~~M~ Mf~
Si eft.ce qu'ils (onc auffi infuppor-
tables en ce qu'ils ne fçauent qu'à
demi, & qu'ils debitcnt toufiours
mal à propos ) que ceus qui ont v-
profonde & véritable (utÏifancc
nc
paroifTent modcrés en tout ce qu'ils
font, aucc vue difcretion qui n'en-
nuie iamais perfonnc. La decifion
decedi~crcntcfmcxprcfÏc dans te
pafÏagc que ie vai rapporter, que ie
ncpuism'empefcher de le coucher
en (es propres termes. Nihilominus
C~~M~~ fM~ ~fM~ ~o~n-
~~w ~/M~~ vt /~4M rudibus,
cotes bebetibus., ~r vino ~ff~
fed vitia ~M~, arque M folo w
nus efl quod /~f~ ~~9/~r~~f~ Mo
melius.
IcHnirois parce belendroit., s'il
ne me reçoit a dire au fuiec de la
haute eloquence qui nous remplie
d'eftonnemcnc, que comme rien
nc!a recommande dauanrage que
l'excellence d'vn ~auoir cxcraordi-
naire;itn'yarienauniqui foit plus
capable de la deprimer que ce foin
cropcxa~ & cette ba(Ïe eunofÏcé
que nous auons b!afmcc~ tant au
chois des paroles, qu'en la conftru-
~ion des périodes~ & dont on ne
~auroiccrop s'cfloigner dans touc
le cours de l'oraifon. Et fans men-
tir nous n'admirons pas les petits
ruincaus encore que leurs eaus
~oienc toutes claires & fans ordu-
rcs;iaoùteNit, le Rhin, & le Da-
nube, font toufiours re(pcd:cz
bien qu'ils fbicnc fouuent fore
troubles, & que leur limon pareil
mciïe de mille faletez. On ne fait
pas grand cas non plus d'vn petit
feu, pour clair & pur qu'il puifÏe
cHre ta où nous mettons au rang
des plus rares merucillcs de la na-
ture ces embrafcmens d'Etna~ & du
Veniuo~ qui icicent auec leurs dam-
mes vnc inRnite de fouffre & de
pierres. L'éloquence vulgaire cou-
le fort nçctcmcnt à la ventc~& el!e
a tes lumicres fi pures, & fi éclatan-
tes que rien plus. Mais la grandeur
de i éloquence dont nous parlons,
peut e&re comparée a celle de l'O-
céan~ plu&oQ: que d'vnc fimple ri-
uierc;& toutes tes bouches de Vul-
~ain ne eau font point de tels incen-
dies que celle d'vn Orateur, de la-
quelle nous auons dcCa dit qu'il
fortoit des foudres dont pcrfonne
nc~pcmgaKMir. Longinus~quc
t'ai tant de fois cité dans cedif-
cours, montre par les plus bcaus
exemples qu'il pouuoit choiHrd~s
fa langue, combien les grands Au-
thcurs fe font donné de tibertc à
comettre des fautes J que de moin-
drcs qu'eus n'eufÏcncp~s voulu C~~
rc. Et prcmicrcmcnt on peut voir,
dit.il, dans le poëme heroïque, qu'-
Apollonius qui auoit ~cricicvot~
ge des Argonautcs, s'cft toufiours
tcm$dansTobteru<mon des regles;
tout au contraire d'Homère~ qui
les mephic par tout, & qui prend
des licences qu'on pardonnerait
difficilement a va autre. Cepcti-
dancy a t'it per(bnM~}u~tna&
mieus e(trc Apollonius qu'Homè-
re ? Pindarc entre les Lyriques a
imicc Homère en fcs libertés Et
néanmoins pcrfonne vrai fcmbla-
bicmenc m lui voudrait préférer
!e Poète Ion, quia e~é beaucoup
plus retenu & plus cxa& que lui
dans tes ouuragcs. Q~c Cnous cô<
ndcrons!e grand nombre d'erreurs
donc Sophocle ne s'ett pas foucié
de remplir (es Tragedies, nous au-
rons occadon de nous eftonner,
cela n'cmpcfche pas qu'il ne,
que
{bitccntfbisptusc(Uméqu'vnB~>
chitides, qui n'euH: pas voulu !ai(Ïcr
le moindre dcfauc dans les Hennés.
C'cft ainfi que ce Rhcccur prouuc
fon dire par la comparaifon des
premiers hommesde fa nation aucc
leurs inférieurs. Si nous ofions tirer
des parallcles femblables entre
nos Efcriuains de cctcms, il feroic
aité de ~irc connoittrc que ceus
qui trauaiUcnt le plus rclïgicu~c-
met(e!on tes préceptes de la Gram-
maire~ & de ta Rhétorique ne fonc
pas toujours pour ccia les premiers
..J-
de IcurmcHicr, ni ceus qu'on doit
fans exception prendre le plus à
imiter. Quant aus anciens Ora-
teurs, nous auons defia montré
combien ils ont donné de prife fur
eus a. tous ceus qui te font voulu
mener de les cenfurer, & lepcude
preiudice qu'en a receu leur repu-
tation, ne croiant pas qu'il fbicbc-
foin fur cela de grofiir dauantagc
ce difcours.
le ncvcuspasaufE qu'on m'im-
pute comme a Protogea~e d'auoir
tenu trop long-temps la main fur
ce petit tableau. Si ce que t'y ai re-
prefenté peut eArc de quelque in-
Hrud:ion a ccus qui font vne eAudc
particuliere de ce qui doit fcruir à
Ta perfection de noitre Eloquence
Fran~oi~i'auraiobrenuîahn que
lem'c&oispropofec. Cctan'cmpcf-
cherapas, queccusquiontaHczdc
natLrel, & d'acquis, pour former le
corrs dvne Rhétorique enticre,
ne te faccntquand il leur plaira au
profit & à la gloire de no~re Na-
tion. Augure écriuit cn riant 3.
Horace, que tes petits liures dont
it h'i faifoit prêtent, témoignoicnt
afÏc7 qu'il auoit peur d'cn faire de
plus grands qu'il n'c~oit. C'e-
noient des termes de gauflerie d'vn
Empereur; fu~a~etite taille d'vn
Poëte qu'il hpnorôjtdcfes bonnes
grâces. ~tire pourtant vne le-
<;on
fcricH~ quim'apprent que-
tant petit en toutes rayons, mais
principalement en (uURfance~ il
n'c~pas à propos que ie me char-
ge de grands trauaus. Que s'il y en
0.0
aquiirouucntquc ie nai pasiaiile
< ~r~

d'entreprendre beaucoup au delà


de mes forces, & que i'aicRe trop
téméraire de parler d'vne faculté
qucicnepofÏcdepas. Ïctcs(upp!ic
de (c (buucnir des raifons que t'ai
fait précéder mon cntrcprife de
donner la mefmc faucuraus diuer-
tiffemens d'âucrui qu'ils deman-
dent pour les leurs; & en tout cas
de conHdcrcr qu'd n'eA pas impof-
nb!c que les moindres hommes ne
fcruec quelquefois aus plus grands,
vcu que quand il a pieu à DÎM tes
Afhes mcfmcsont~iMdmâruitics
Prophètes.

/)~
rt L

.F~~f
~f~
P~
~o.).«, par
Ô* 6. ~<' ~'etpoutef<ie< (eadment.
fois. 'oo. M~~«~</ï< ra6t.
to~. t. /</«, de tout ce qu'ils dirent. i~t.
i.&-
~,t'MOUë M<!t. ~.ï~~ 1;. /~<,d'tt!tfC CO~,
~t A$ w~M~ ~f~
/.<.cn, ~t&
~M~ ~w/w~ ~o~.

Vous aimerez peut-être aussi