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ETAT DES LIEUX DE L’ENCADREMENT

JURIDIQUE DES MUTUELLES DE SANTE AU


BENIN

M. Fortune Luc Olivier Guezo


Directeur de la législation,
de la codification et des sceaux

1 GUEZO FORTUNE émail golfluc@yahoo.fr


INTRODUCTION

La santé est un droit fondamental de l’être humain reconnu par de nombreux traités
internationaux : la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte des droits
économiques, sociaux et culturels ainsi que par les conventions de l’Organisation
internationale du travail et de l’Organisation mondiale de la santé.

A la Conférence de Alma-Ata (12.09.1978) de nombreux Etats, dont le Bénin, ont


réaffirmé avec force que la santé - qui est un état de complet bien-être physique, mental et
social et ne consiste pas seulement en l’absence de maladie ou d’infirmité - est un droit
fondamental de l’être humain, et que l’accession au niveau de santé le plus élevé possible est
un objectif social extrêmement important qui intéresse le monde entier et suppose la
participation de nombreux secteurs socioéconomiques autres que celui de la santé.

L’objectif ultime de la Conférence de Alma-Ata était de favoriser l’accès aux soins de


santé primaires pour l’ensemble de la population à un prix abordable d’ici l’an 2000. On doit
toutefois constater avec grand regret qu’aujourd’hui encore cet objectif est loin d’être atteint.
La Communauté internationale a d’ailleurs rappelé l’importance cruciale du droit à la santé
dans le cadre des Objectifs du Millénaires et renouvelé l’engagement de tous les pays vers la
réalisation de ce droit d’ici à 2015.

En effet, les différents programmes d’ajustements structurels appliqués aux économies


des pays africains ont conduit les Etats à une progressive paupérisation et à une réduction des
dépenses de l’Etat dans le domaine de la santé.

Face à la détérioration des systèmes de santé publique et du fort accroissement des


coûts des soins de santé pour les populations, les ministres africains ont ainsi voté la
résolution dite « Initiative de BAMAKO » lors du 37ème Comité régional de l’OMS tenu à
Bamako en 1987.

Cette initiative s’inscrivait dans le cadre de la politique de relance de la stratégie des


soins de santé primaires (SSP) telle définie à la Conférence d’Alma Ata ( santé pour tous en
l’an 2000). L’objectif ultime de cette initiative visait à favoriser l’accès aux soins de santé

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primaires pour l’ensemble de la population à un prix abordable et de restaurer la confiance des
usagers dans les services de santé publics.

Pour atteindre cet objectif, l’initiative de Bamako postule le désengagement de l’Etat


du financement direct des soins de santé et l’instauration de la tarification afin d’assurer la
viabilité des systèmes de santé. Cette mise à la charge des populations du coût des soins a
toutefois eu un impact très négatif sur l’accessibilité financière des populations plus démunies
aux prestations de santé.

On peut considérer que cette situation est l’un des facteurs qui ont favorisés
l'émergence du mouvement mutualiste dans plusieurs pays d’Afrique, notamment en
République du Bénin, dès le début des années 90. Ce pays est d’ailleurs devenu un terrain
privilégié d’expérimentation et de réflexion dans le secteur de la mutualité. Selon les
statistiques récentes (M. Pigeon 2002), environ 77 mutuelles opèrent dans toute l’étendue du
territoire national.

Mais le secteur reste émergeant et l’absence de texte le réglementant donne lieu à une
grande diversité tant au niveau organisationnel, qu’au niveau de la réalisation des objectifs. La
question de l’autorité de tutelle et du contrôle de l’activité des mutuelles ainsi que leur rapport
avec les services prestataires de soins de santé reste par exemple ouverte. L’urgence de
réglementer la mutualité au Bénin est aujourd’hui reconnue par l’ensemble des acteurs du
terrain.

I. CONTEXTE DE LA CONSULTATION

C’est dans ce contexte que le BIT/STEP se propose d’accompagner les Etats membres
de l’UEMOA, qui en auront fait la demande, dans l’élaboration d’un texte de loi sur les
mutuelles de santé.

Les services d’un consultant juriste ont été sollicités afin d’établir dans un premier temps un
diagnostic de l’environnement juridique dans lequel opèrent les mutuelles de santé au Bénin.

L’étude a été réalisée sur la base :

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- d’entretiens et réunions avec : les prestataires de soins, avec les structures
d’appui aux mutuelles de santé, avec le comité interministériel en charge de
la question, avec d’autres personnes ressources ;
- de recherches documentaires sur les instruments juridiques internationaux
ratifiés par le Bénin dans le cadre global du système d’assurance-maladie,
sur les textes relatifs aux mutuelles adoptés dans d’autres domaines que la
santé et dans d’autres pays.

Les enquêtes, contacts et études de documents ont permis d’ébaucher une définition de
la mutuelle ou pour le moins d’identifier les caractéristiques de base d’une structure
mutualiste.

II. TENTATIVE DE DEFINITION D’UNE MUTUELLE DE SANTE

Selon le Larousse, la mutuelle est « un organisme de droit privé sans but lucratif et qui
offre à ses adhérents un système d’assurance et de protection sociale ».

Cette définition de la mutuelle repose sur le présupposé qu’il existe une diversité de formes de
protection sociale, dont les mutuelles n’en constituent qu’une. Elle fait en outre référence a
des systèmes de protection qui se sont développés dans un contexte économique, culturel,
politique et social particuliers.

Dans les pays en voie de développement, le concept de protection sociale, dans sa


forme moderne, est plus récent et demeure limité à une frange de la population issue du
secteur formel qui ne représente que 5 à 15 % du total de la population.

La protection sociale continue a être principalement du ressort de la famille qui couvre


les frais financiers occasionnés par la survenance des différents risques de la vie (maladie,
invalidité, décès, vieillesse). Les soins de santé constituent une part importante des dépenses
qui pèsent sur les familles.

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Des éléments de définition du terme « mutuelle » peuvent être également tirés de différents
textes juridiques et notamment :
- du droit positif béninois : la loi n°97-027 du 08 août 1997, portant
réglementation des institutions mutualistes ou coopératives d’épargne et de
crédit ;
- de certaines législations étrangères comme la loi n°96-022 du 11 février
1996 régissant la mutualité dans la République du Mali et la loi n°2003 –
14 du 04 juin 2003 régissant les mutuelles de santé au Sénégal.

La loi n°97-027 du 08 août 1997, portant réglementation des institutions mutualistes ou


coopératives d’épargne et de crédit définit l’institution mutualiste comme un groupement de
personnes, doté de la personnalité morale, sans but lucratif et à capital variable, fondé sur les
principes d’union, de solidarité et d’entraide mutuelle et ayant principalement pour objet de
collecter l’épargne de ses membres et de leur consentir du crédit.

La loi n°96-022 du 11 février 1996 régissant la mutualité en général au Mali définit les
mutuelles comme des regroupements à but non lucratif qui, essentiellement au moyen des
cotisations de leurs membres, se proposent de mener dans l’intérêt de ceux-ci ou de leur
famille une action de :
- prévoyance ;
- solidarité ;
- entraide.

La loi n°2003 – 14 du 04 juin 2003 régissant les mutuelles de santé au Sénégal définit les
mutuelles de Santé comme un groupement de personnes à but non lucratif qui, essentiellement
au moyen des cotisations de ses membres, se propose de mener, dans l’intérêt de ceux-ci ou
de leur famille, une action de prévoyance, d’entraide et de solidarité, en vue notamment :
- d’assurer la prise en charge de tout ou partie des soins de santé ;
- d’assurer l’amélioration des conditions de santé de ses bénéficiaires ;
- de faciliter l’accès pour tous à des soins de santé de qualité ;
- de stimuler l’amélioration de la qualité des soins ;
- de participer aux activités de promotion et d’éducation à la santé ;
- de promouvoir et de développer leurs propres services de santé.

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De ces différentes définitions, on peut tirer les caractéristiques ci-après d’une
mutuelle :
- la solidarité ;
- l’absence de lucre ;
- l’autonomie et la liberté ;
- la participation démocratique ;
- le caractère social du mouvement
- la responsabilité des membres ;
- l’épanouissement de la personne
- l’implication communautaire dans la gestion.

III. QUEL EST L’OBJECTIF DES MUTUELLES DE SANTE ?

L’assurance formelle des risques de santé réalisée par la Sécurité Sociale au Bénin à
travers l’Office Béninois de Sécurité Sociale, (OBSS), le Fonds National des Retraités du
Bénin (FNRB) et quelques compagnies d’assurance ne couvre qu’une frange infime de la
population laissant une majeure partie dans la pauvreté et l’insécurité sociale. Cette situation
fait du droit à la santé un droit virtuel pour les populations démunies.

C’est pour y remédier que l’expérience des mutuelles de santé a débuté dans notre
pays, s’appuyant sur le capital social existant déjà à travers les associations de tontines, les
coopératives, l’action des organisations non gouvernementales, les sociétés de micro-finances,
les organisations caritatives confessionnelles qui développent déjà des formes embryonnaires
d’assurance maladie.

Ces organisations se dessinent comme étant l’une des voies possibles pour pallier
l’absence de l’Etat pour assurer l’accessibilité des populations les plus démunies aux soins de
santé primaires.

Les mutuelles de santé visent donc à élargir la couverture des bénéficiaires des soins
de santé, à travers l’organisation des populations en vue du partage de risques financiers liés à
la maladie par des mécanismes d’entraide et de solidarité.

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IV. CONTEXTE JURIDIQUE DE LA MUTUALITE AU BENIN

Aux vues des éléments de définition d’une « mutuelle de santé » qui viennent d’être
dégagés, on peut estimer que les mutuelles de santé peuvent potentiellement être couvertes
par deux catégories de textes, à savoir :
- ceux sur les groupements de personnes à but non lucratif ou humanitaire ;
- ceux organisant l’assurance santé au Bénin.

La plupart de ces textes ont inspiré peu ou prou les promoteurs des mutuelles de santé.

A. Les textes sur les groupements de personnes à but non lucratif ou


humanitaire

Il s’agit de :
- La loi 97-027 du 08 Août 1997 portant réglementation des Institutions
Mutualiste ou Coopératives d’Epargne et de Crédit ;
- La loi 61-27 du 10 août 1961 portant statut de la coopérative agricole
modifiée par l’ordonnance 59 PR/MDRC du 28 décembre 1966 portant
statut de la coopération ;
- La loi 1901 sur les associations.

1. La loi 97-027 du 08 Août 1997 portant réglementation des Institutions Mutualiste


ou Coopératives d’Epargne et de Crédit

En son article 2, la loi définit l’institution mutualiste ou coopérative d’épargne et de


crédit comme un groupement de personnes doté de la personnalité morale, sans but lucratif et
à capital variable fondé sur le principe d’union, de solidarité et d’entraide mutuelle et ayant
principalement pour objet de collecter l’épargne de ses membres et de leur consentir du crédit.

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Aux termes de l’article 11 les institutions mutualistes ou coopératives d’épargne et de
crédit sont surtout régies par les règles suivantes :

- la libre adhésion des membres ;


- la non limitation du nombre des mutualistes ;
- un fonctionnement démocratique, chaque membre n’a droit qu’à une seule
voix quelque soit le nombre de parts qu’il détient ;
- l’obligation de constituer une réserve ;
- les actions visant l’éducation économique et sociale des membres de
l’Institution sont privilégiées ;
- les modalités de fusion scission dissolution et liquidation sont également
prévues par la loi.

La loi indique clairement que les institutions mutualistes ou coopératives d’épargne et


de crédit sont exonérées de tout impôt direct ou indirect, taxes ou droits afférents à leurs
opérations de collecte de l’épargne et de distribution de crédit.

Ces dispositions montrent que l’Etat prend en considération le caractère non lucratif de
ces groupements de personnes

Cette loi pourrait s’appliquer aux mutuelles de santé en ce qu’elle contient des
dispositions sur la définition et l’organisation de la forme juridique « mutuelle ». Elle permet
notamment l’acquisition de la personnalité juridique à des institutions qui s’organisent sous
cette forme.

Toutefois, la loi du 8.08.1997 ne concerne que les activités liées à l’épargne et au crédit. Le
caractère technique de la gestion financière conduit ainsi à la mise en place de règles
prudentielles rigoureuses relatives à une bonne gestion financière du crédit et de l’épargne.
Ces mutuelles sont agréées par le Ministère des Finances. Actuellement les dispositions de la
loi de 1997 ne seraient donc pas applicables aux mutuelles de santé qui opèrent dans le
domaine de la prévention, promotion et réparation des risques liés à la personne en matière de
santé. Cette loi ne s’insère pas dans le cadre des politiques de financement de la santé et de
protection sociale.

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2. La loi 61-27 du 10 août 1961 portant statut de la coopérative agricole

La loi 61-27 du 10 août 1961 portant statut de la coopérative agricole modifiée par
l’ordonnance 59 PR/MDRC du 28 décembre 1966 portant statut de la coopération régit le
statut des coopératives au Bénin.

Les coopératives sont définies comme des groupements de personnes qui mettent
ensemble leurs moyens en vue d’en tirer pour eux même et leurs familles des avantages
spécifiques.

Il résulte de la lecture combinée des articles 2 et 3 de la loi 61-27 que les coopératives
et leurs unions sont des sociétés civiles, mandataires à titre non lucratif de leurs membres dans
le but notamment d’effectuer ou de faciliter toutes les opérations concernant la production, la
transformation, la conservation, la circulation, la vente des produits agricoles, d’élevage ou
forestiers provenant de leurs sociétaires, ainsi que toutes les opérations tendant à la
construction, l’équipement, la conservation ou la gestion des exploitations agricoles,
d’élevage ou forestiers de leurs sociétaires.

L’ordonnance n°59 PR/MDRC du 28 décembre 1966 portant statut général de la coopération


donne une définition plus globale de la coopérative et l’élargit à tous les secteurs d’activité.

L’article 1er de la dite ordonnance dispose en effet que les « les coopératives et leurs unions
sont des Sociétés Civiles particulières de personnes à capital et personnels variables. Elles
sont constituées entre les personnes qui s’unissent sur la base de l’égalité des droits et des
obligations, en vue d’entreprendre un effort commun, dans un but économique notamment.
Sur tout le territoire de la République du Bénin peuvent être créer des coopératives
lesquelles peuvent exercer leur action dans toutes les branches de l’activité humaine».

Les coopératives peuvent être notamment :


- des sociétés coopératives agricoles
- des sociétés coopératives artisanales
- des sociétés coopératives de pêcheur
- des coopératives de consommation
- des coopératives de construction et d’habitation

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- des coopératives de main d’œuvre
- des coopératives scolaires

La loi indique que cette énumération n’est pas limitative. Ceci explique de nos jours
l’existence de coopérative de santé.

Aux termes de l’article 4 de l’ordonnance 59 PR/MDRC du 28 décembre


1966 l’intention de créer une coopérative doit être déclarée dans un acte sous-seing privé par
sept personnes au moins. Cette déclaration comprend :
- l’objet de la société
- sa dénomination
- sa circonscription et son siège social.

La déclaration est remise au Ministère chargé de la coopération qui en délivre un


récépissé daté. Ce Ministère est aujourd’hui le Ministère de l’Agriculture, de l’élevage et de la
pêche.

Les signataires doivent indiquer au service les lieux et dates auxquels sera
réunie la première Assemblée Générale Constitutive.

Cette assemblée a pour mission de désigner les membres du Conseil d’administration,


d’arrêter la liste de souscripteurs du capital initial et de recueillir les versements des
souscripteurs initiaux. Pendant un délai minimum de six (06) mois le groupement des
adhérents est considéré comme pré- coopératif.
Pendant ce délai, le groupement aura à entreprendre des activités à caractère
coopératif ; une autorisation datée et gratuite, sera délivrée par le service compétent, à ses
animateurs sur leur demande.

Au bout de cette période, le groupement peut solliciter son agrément, il doit joindre à
cette demande
- copie de la délibération de l’Assemblée Générale Constitutive
- les statuts approuvées par cette Assemblée Générale
- l’état des versements effectués
- le programme d’activité envisagé

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L’agrément pourra être accordé dans un délai de quatre mois.

Quelques caractéristiques des coopératives méritent d’être soulignées :


- le capital social est constitué de parts souscrites par chacun des sociétaires.
Ces parts sont nominatives, individuelles, non négociables transmissibles
uniquement en cas d’agrément du Conseil d’Administration. Cet agrément
doit être entériné par l’Assemblée Générale.
- Les membres des coopératives sont égaux en droits et obligations, mais aux
termes de l’article 06 de l’ordonnance N°59 PR/MDRC portant statut
général de la coopérative, nul ne peut faire partie d’une coopérative s’il ne
justifie pas de la possession, dans le ressort territorial de la société d’intérêt
entrant dans son champ d’action.
- Le décret N° 516/PR MDRC, fixant les modalités d’application du Statut
Général de la coopérative indique que la responsabilité financière des
coopérateurs doit être limitée par les statuts particuliers, et demeure au plus
égale à dix fois le montant de parts de capital des sociétaires sauf
dérogations particulières accordées par le service chargé de la coopérative
sur avis du comité d’agrément de coopérative.
- Aux termes de l’article 7 de l’article N°59/MDRC précité toute coopérative
peut être, à titre exceptionnel et dans les limites d’une proportion,
obligatoirement fixée par les statuts, autorisée à réaliser des opérations avec
les usagers non sociétaires.
- Tout membre d’une coopérative a droit à une voix à l’assemblée générale
sans considération du nombre de parts sociales qu’il détient. Les personnes
morales sont représentées par un délégué.
- Les administrateurs sont nommés par l’assemblée générale. Les
coopératives sont administrées gratuitement. Toutefois les membres du
Conseil d’Administration peuvent, le cas échéant et sur leur demande être
remboursés dans les frais spéciaux que leurs fonctions entraînent.
- les ristournes sur excédent annuel.

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Plusieurs caractéristiques des mutuelles se retrouvent au niveau des coopératives. Il s’agit
notamment de :
• l’absence de lucre : la coopérative est une société prestataire de
services à but non lucratif ;
• le caractère également social du mouvement : la coopérative vise la réalisation
d’objectifs sociaux, le bien être des adhérents, leurs épanouissements
socioculturels ;
• la participation démocratique à travers l’assemblée générale de la
coopérative ;
• l’implication communautaire dans la gestion à travers l’élection des membres
du Conseil d’Administration.

Ces points de ressemblance expliquent que des organisations mutualistes ont adopté la forme
coopérative. Mais l’organisation de la coopérative ne répond pas exactement aux exigences de
la mutuelle en ce que:
- les coopératives exercent essentiellement des activités économiques alors
que les mutuelles de santé ont un but principalement social. Le caractère
économique demande une certaine capacité de gestion et la conformation à
des règles d’organisation et de fonctionnement plus contraignantes que ce
qui devrait être exigé par une mutuelle ;
- la loi sur les coopératives limite la liberté d’adhésion en ce quelle prévoit
en son article 6 que nul ne peut faire partie d’une coopérative s’il ne
justifie pas de la possession dans le ressort territorial de la société d’intérêt
entrant dans son champ d’action. Cette limitation contredit la vocation
d’une mutuelle à s’ouvrir à toute personne désirant y appartenir ;
- les membres des coopératives peuvent se partager les excédents des
bénéfices alors que les profits sont en principe versés sur un fonds de
réserve dans une mutuelle;
- une coopérative peut assurer des prestations à des non adhérents contre
paiement alors que une mutuelle en principe n’agit que pour ses membres.

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La seule mutuelle de santé créée sur le fondement de l’ordonnance 59/PR/MDRC a
d’ailleurs dérogé à la condition de territorialité. C’est la Mutuelle de Santé pour Tous
(MUSANT) dont le siège social est à Cotonou.

3. La loi du 1er juillet 1901 sur les associations

Du fait de la réception du droit français par les anciennes colonies françaises après leur
indépendance, la loi du 1er juillet 1901 fait partie du droit positif béninois.
La plupart des associations au Bénin sont créées conformément à la loi 1901. Les
multiples Organisations Non Gouvernementales qui ont fleuri après la Conférence Nationale
en 1990, usent la loi 1901 comme fondement de leur existence.
Mise à part cette loi, aucune autre réglementation n’existe au Bénin par rapport aux
groupements de personnes dans un but non lucratif, à l’exception des coopératives.
Cette loi précise en son article 1er que « l’association est la convention par laquelle
deux ou plusieurs personnes mettent en commun d’une façon permanente, leurs connaissances
ou leurs activités dans un but autre que de partager les bénéfices. Elle est régie quant à sa
validité, par les principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations. »

Aux termes de l’article 2 les associations pourront se former librement sans


autorisation ni déclaration préalable mais ne pourront jouir de leur capacité qu’après leur
reconnaissance conformément aux dispositions de l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901.

Toute association qui voudra obtenir la capacité juridique devra être rendue publique
par les soins de ses fondateurs.

La déclaration préalable en sera faite à la préfecture du département ou à la sous-


préfecture de l’arrondissement où l’association aura son siège social. Elle fera connaître le
titre et l’objet de l’association ; le siège de ses établissements et les noms, professions et
domicile de ceux qui, à un titre quelconque sont chargés de son administration ou de sa
direction.

Dès lors que l’objet est licite, conforme aux lois et aux bonnes mœurs et non
attentatoire à l’intégrité du territoire national, les associations loi 1901 peuvent se former pour

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atteindsre des objectifs variés. La flexibilité de cette loi qui n’exige aucun statut type a permis
la création de nombreuses associations.

L’avantage principal de la création des mutuelles de santé sous la forme associative


réside dans les principes libéraux qui président à la création des associations. Cela permet une
formalisation rapide des initiatives et une certaine flexibilité pour tenir compte de la diversité
des initiatives et de leurs modes d’expression. Cependant ce cadre juridique a un inconvénient
majeur qui est la précarisation des structures mises en place du fait de la grande latitude
laissée aux associations en matière de gestion. Le manque de rigueur dans la gestion
financière, par les risques de dissipation des cotisations des membres et partant la
détérioration de la qualité des prestations, n’instaure pas un climat de confiance nécessaire
aux adhésions et donc au développement des mutuelles.

B. LES TEXTES ORGANISANT L’ASSURANCE SANTE AU BENIN

Il s’agit de :
¾ La loi N°98-019 du 21 mars 2003 portant code de Sécurité Sociale en
République du Bénin.
¾ Le code des assurances des Etats membres de la CIMA.

1. La loi N°98-019 du 21 Mars 2003 portant code de la Sécurité Sociale

La loi N°98-019 du 21 Mars 2003 portant code de la Sécurité Sociale en République


du Bénin institue un régime général de Sécurité Sociale en faveur des travailleurs du secteur
structuré soumis aux dispositions du Code du travail, et un régime spécial en faveur des
travailleurs indépendants agricoles et du secteur informel.

Par rapport à la couverture sanitaire en question, l’article 52 de loi indique les


prestations à fournir aux femmes et enfants des salariés .
Ce sont :
- les consultations médicales
- les soins médicaux

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- les expertises médicales
- les fournitures des produits pharmaceutiques
- les analyses médicales, les vaccinations,
- les séances de formation et d’information sur l’hygiène.

Aux termes de l’article 31 paragraphe 3 de la loi, le financement du fonds d’action


sanitaire et sociale est assuré par une dotation prélevée sur les cotisations de la branche
des prestations familiales.

Il convient d’insister sur le fait que l’article 20 paragraphe 2 de la loi sur la sécurité sociale
indique clairement qu’aucune prestation ne peut être instituée si son financement n’est pas
garantie.

Et l’article 21 précise en son deuxième alinéa que les prestations de sécurité sociale sont
exemptes d’impôt. L’article 35 de cette loi institue les réserves de sécurité.

Les dispositions de la loi N°98-019 du 21 mars 2003 portant Code de Sécurité Sociale en
République du Bénin tendent à assurer aux travailleurs salariés et assimilés ainsi qu’à leurs
femmes et enfants une assurance maladie. Elles régissent donc des institutions qui poursuivent
les mêmes buts que les mutuelles de santé.

Toutefois le fonctionnement de la Caisse béninoise de Sécurité Sociale ne répond pas au


critère d’une mutuelle. Ici l’Etat organise une répartition des risques entre l’ensemble des
membres de la société et apporte des fonds du budget de l’Etat. Ce qui n’est pas le cas d’une
mutuelle où la solidarité n’est organisée qu’entre membres. De plus, les cotisations sont
obligatoires et sont à la charge des employeurs et des employés. Il n’y a pas, à la différence
de la démocratie organisée dans les mutuelles, une gestion participative.

La loi N°98-019 du 21 mars 2003 ne peut régir les mutuelles de santé en ce qu’elle ne
vise que des régimes obligatoires publics.

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2. Le code CIMA et l’assurance commerciale
Le code CIMA (Conférence interafricaine des Marchés d’Assurance) n’a pas fourni
une définition de l’assurance maladie ni déterminé ses modalités d’application. Il est
simplement mentionné au titre III que ce contrat fait partie des assurances de personnes et
qu’en tant que tel bénéficie de l’application des principes de l’absence de subrogations
légales (article 57 du code CIMA) et de l’indemnisation forfaitaire qui surtout permet de fixer
d’avance dans le contrat la garantie mise à la charge de l’assureur. Suivant ce code toute
personne physique, groupe de personnes ou personne morale peut conclure une police
d’assurance maladie.

Il convient cependant de souligner que la santé est considérée comme un risque au


même titre que les autres sinistres (voiture, maison…). Ce code ne tient donc pas compte du
fait que la santé est un droit fondamental et qu’elle constitue un risque de type particulier
(branche d’assurance pouvant être déficitaire qui exige un partage particulier des risques).

De fait les sociétés d’assurance au Bénin se sont concertées pour arrêter des primes et
des garanties qui n’ont pas vocation à favoriser la souscription de cette police. Les montants
pratiqués et les conditions de souscription d’une police d’assurance maladie sont prohibitifs.
Selon les enquêtes menées les primes varient de 250.000 à 300.000francs CFA par
famille et par an (la famille ici se limite à 7 personnes au plus) avec une garantie plafonnée à
2.000.000fr CFA . Certaines sociétés d’assurance exigent de contracter avec un groupe de
famille, organisant ainsi une sorte de mutuelle entre famille se partageant la charge des
risques .

Mais il convient pour être exhaustif d’indiquer que le code CIMA prévoit également la
création de société d’assurance mutuelle.

Elle est définie à l’article 330 du code comme une société constituée pour assurer les
risques apportés par leurs sociétaires moyennant le paiement d’une cotisation fixe ou variable.

Aux termes de l’article 330-5 du code les statuts des sociétés d’assurances mutuelles
doivent indiquer :
- l’objet, la durée, le siège de la société ;

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- la dénomination de la société et la circonscription territoriales de ses
opérations ;
- les conditions générales suivant lesquelles sont contractées les
engagements entre la société et les sociétaires ;
- les branches d’assurances garanties.

Les statuts doivent en outre :


- fixer le nombre minimal d’adhérents qui ne peut être inférieur à 500.
- indiquer le mode de rémunération de la direction et s’il y a lieu des administrateurs.

L’organe de délibération de la société d’assurance mutuelle est l’assemblée générale


constituée des sociétaires à jour de leurs cotisations, soit de délégués élus par des sociétaires
regroupés suivant la nature du contrat souscrit.

L’assemblée générale délibère notamment sur la nomination des membres du premier


conseil d’administration, les modifications de statuts et les questions relatives à
l’accroissement de la contribution des sociétaires.
- l’organe de gestion de la société d’assurance mutuelle est le conseil
d’administration.
Il est composé outre des administrateurs élus par les sociétaires d’administrateur élus
par les salariés de la société.

Le conseil d’administration élit en son sein un président et un vice-président .

Les administrateurs peuvent choisir parmi eux un où plusieurs directeurs qui


constituent le véritable organe exécutif de la société d’assurance mutuelle.

Il convient de souligner qu’aux termes de l’article 304-2 du code CIMA les sociétés
d’assurances mutuelles doivent avoir un fonds d’établissement au moins égal à 300.000.000
de francs CFA.

Les sociétés d’assurances mutuelles de code CIMA peuvent avoir pour objectif
l’assurance maladie des sociétaires. Mais les caractéristiques qui viennent d’être énumérées à
savoir :

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- gestion par un personnel rémunéré ;
- la fixation d’un nombre minimal d’adhérent ;
- l’exigence d’un fonds d’établissement de 300.000.000,
contrastent avec les caractéristiques des mutuelles, en particulier avec :
- le principe de solidarité qui veut qu’il n’y ait pas de sélection de risques ;
- l’objectif de favoriser l’accès aux soins de santé des populations démunies
qui impose des règles de fonctionnement adaptées (bénévolat, cotisations
faibles)
- le caractère non lucratif permet la fixation de règles prudentielles moins
rigoureuse (pas de fonds d’établissement, mais plutôt fonds de réserves).

En résumé l’assurance maladie organisée par le code CIMA à travers les contrats
d’assurances classiques ou les sociétés d’assurances mutuelles ne permet pas de soutenir le
processus d’extension de la sécurité sociale, notamment en matière de santé, qui est poursuivi
par les mutuelles de santé.

Il résulte de l’analyse des textes existants servant de fondement à la création de


mutuelle de santé ou réglementant quelque peu le domaine qu’ils recèlent de nombreuses
insuffisances, de sorte qu’une législation spécifique sur les mutuelles de santé s’avère
nécessaire pour protéger la mise en œuvre de l’assurance santé communautaire dans la
perspective préconisée par l’initiative de Bamako.

18 GUEZO FORTUNE émail golfluc@yahoo.fr

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