La santé est un droit fondamental de l’être humain reconnu par de nombreux traités
internationaux : la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte des droits
économiques, sociaux et culturels ainsi que par les conventions de l’Organisation
internationale du travail et de l’Organisation mondiale de la santé.
On peut considérer que cette situation est l’un des facteurs qui ont favorisés
l'émergence du mouvement mutualiste dans plusieurs pays d’Afrique, notamment en
République du Bénin, dès le début des années 90. Ce pays est d’ailleurs devenu un terrain
privilégié d’expérimentation et de réflexion dans le secteur de la mutualité. Selon les
statistiques récentes (M. Pigeon 2002), environ 77 mutuelles opèrent dans toute l’étendue du
territoire national.
Mais le secteur reste émergeant et l’absence de texte le réglementant donne lieu à une
grande diversité tant au niveau organisationnel, qu’au niveau de la réalisation des objectifs. La
question de l’autorité de tutelle et du contrôle de l’activité des mutuelles ainsi que leur rapport
avec les services prestataires de soins de santé reste par exemple ouverte. L’urgence de
réglementer la mutualité au Bénin est aujourd’hui reconnue par l’ensemble des acteurs du
terrain.
I. CONTEXTE DE LA CONSULTATION
C’est dans ce contexte que le BIT/STEP se propose d’accompagner les Etats membres
de l’UEMOA, qui en auront fait la demande, dans l’élaboration d’un texte de loi sur les
mutuelles de santé.
Les services d’un consultant juriste ont été sollicités afin d’établir dans un premier temps un
diagnostic de l’environnement juridique dans lequel opèrent les mutuelles de santé au Bénin.
Les enquêtes, contacts et études de documents ont permis d’ébaucher une définition de
la mutuelle ou pour le moins d’identifier les caractéristiques de base d’une structure
mutualiste.
Selon le Larousse, la mutuelle est « un organisme de droit privé sans but lucratif et qui
offre à ses adhérents un système d’assurance et de protection sociale ».
Cette définition de la mutuelle repose sur le présupposé qu’il existe une diversité de formes de
protection sociale, dont les mutuelles n’en constituent qu’une. Elle fait en outre référence a
des systèmes de protection qui se sont développés dans un contexte économique, culturel,
politique et social particuliers.
La loi n°96-022 du 11 février 1996 régissant la mutualité en général au Mali définit les
mutuelles comme des regroupements à but non lucratif qui, essentiellement au moyen des
cotisations de leurs membres, se proposent de mener dans l’intérêt de ceux-ci ou de leur
famille une action de :
- prévoyance ;
- solidarité ;
- entraide.
La loi n°2003 – 14 du 04 juin 2003 régissant les mutuelles de santé au Sénégal définit les
mutuelles de Santé comme un groupement de personnes à but non lucratif qui, essentiellement
au moyen des cotisations de ses membres, se propose de mener, dans l’intérêt de ceux-ci ou
de leur famille, une action de prévoyance, d’entraide et de solidarité, en vue notamment :
- d’assurer la prise en charge de tout ou partie des soins de santé ;
- d’assurer l’amélioration des conditions de santé de ses bénéficiaires ;
- de faciliter l’accès pour tous à des soins de santé de qualité ;
- de stimuler l’amélioration de la qualité des soins ;
- de participer aux activités de promotion et d’éducation à la santé ;
- de promouvoir et de développer leurs propres services de santé.
L’assurance formelle des risques de santé réalisée par la Sécurité Sociale au Bénin à
travers l’Office Béninois de Sécurité Sociale, (OBSS), le Fonds National des Retraités du
Bénin (FNRB) et quelques compagnies d’assurance ne couvre qu’une frange infime de la
population laissant une majeure partie dans la pauvreté et l’insécurité sociale. Cette situation
fait du droit à la santé un droit virtuel pour les populations démunies.
C’est pour y remédier que l’expérience des mutuelles de santé a débuté dans notre
pays, s’appuyant sur le capital social existant déjà à travers les associations de tontines, les
coopératives, l’action des organisations non gouvernementales, les sociétés de micro-finances,
les organisations caritatives confessionnelles qui développent déjà des formes embryonnaires
d’assurance maladie.
Ces organisations se dessinent comme étant l’une des voies possibles pour pallier
l’absence de l’Etat pour assurer l’accessibilité des populations les plus démunies aux soins de
santé primaires.
Les mutuelles de santé visent donc à élargir la couverture des bénéficiaires des soins
de santé, à travers l’organisation des populations en vue du partage de risques financiers liés à
la maladie par des mécanismes d’entraide et de solidarité.
Aux vues des éléments de définition d’une « mutuelle de santé » qui viennent d’être
dégagés, on peut estimer que les mutuelles de santé peuvent potentiellement être couvertes
par deux catégories de textes, à savoir :
- ceux sur les groupements de personnes à but non lucratif ou humanitaire ;
- ceux organisant l’assurance santé au Bénin.
La plupart de ces textes ont inspiré peu ou prou les promoteurs des mutuelles de santé.
Il s’agit de :
- La loi 97-027 du 08 Août 1997 portant réglementation des Institutions
Mutualiste ou Coopératives d’Epargne et de Crédit ;
- La loi 61-27 du 10 août 1961 portant statut de la coopérative agricole
modifiée par l’ordonnance 59 PR/MDRC du 28 décembre 1966 portant
statut de la coopération ;
- La loi 1901 sur les associations.
Ces dispositions montrent que l’Etat prend en considération le caractère non lucratif de
ces groupements de personnes
Cette loi pourrait s’appliquer aux mutuelles de santé en ce qu’elle contient des
dispositions sur la définition et l’organisation de la forme juridique « mutuelle ». Elle permet
notamment l’acquisition de la personnalité juridique à des institutions qui s’organisent sous
cette forme.
Toutefois, la loi du 8.08.1997 ne concerne que les activités liées à l’épargne et au crédit. Le
caractère technique de la gestion financière conduit ainsi à la mise en place de règles
prudentielles rigoureuses relatives à une bonne gestion financière du crédit et de l’épargne.
Ces mutuelles sont agréées par le Ministère des Finances. Actuellement les dispositions de la
loi de 1997 ne seraient donc pas applicables aux mutuelles de santé qui opèrent dans le
domaine de la prévention, promotion et réparation des risques liés à la personne en matière de
santé. Cette loi ne s’insère pas dans le cadre des politiques de financement de la santé et de
protection sociale.
La loi 61-27 du 10 août 1961 portant statut de la coopérative agricole modifiée par
l’ordonnance 59 PR/MDRC du 28 décembre 1966 portant statut de la coopération régit le
statut des coopératives au Bénin.
Les coopératives sont définies comme des groupements de personnes qui mettent
ensemble leurs moyens en vue d’en tirer pour eux même et leurs familles des avantages
spécifiques.
Il résulte de la lecture combinée des articles 2 et 3 de la loi 61-27 que les coopératives
et leurs unions sont des sociétés civiles, mandataires à titre non lucratif de leurs membres dans
le but notamment d’effectuer ou de faciliter toutes les opérations concernant la production, la
transformation, la conservation, la circulation, la vente des produits agricoles, d’élevage ou
forestiers provenant de leurs sociétaires, ainsi que toutes les opérations tendant à la
construction, l’équipement, la conservation ou la gestion des exploitations agricoles,
d’élevage ou forestiers de leurs sociétaires.
L’article 1er de la dite ordonnance dispose en effet que les « les coopératives et leurs unions
sont des Sociétés Civiles particulières de personnes à capital et personnels variables. Elles
sont constituées entre les personnes qui s’unissent sur la base de l’égalité des droits et des
obligations, en vue d’entreprendre un effort commun, dans un but économique notamment.
Sur tout le territoire de la République du Bénin peuvent être créer des coopératives
lesquelles peuvent exercer leur action dans toutes les branches de l’activité humaine».
La loi indique que cette énumération n’est pas limitative. Ceci explique de nos jours
l’existence de coopérative de santé.
Les signataires doivent indiquer au service les lieux et dates auxquels sera
réunie la première Assemblée Générale Constitutive.
Au bout de cette période, le groupement peut solliciter son agrément, il doit joindre à
cette demande
- copie de la délibération de l’Assemblée Générale Constitutive
- les statuts approuvées par cette Assemblée Générale
- l’état des versements effectués
- le programme d’activité envisagé
Ces points de ressemblance expliquent que des organisations mutualistes ont adopté la forme
coopérative. Mais l’organisation de la coopérative ne répond pas exactement aux exigences de
la mutuelle en ce que:
- les coopératives exercent essentiellement des activités économiques alors
que les mutuelles de santé ont un but principalement social. Le caractère
économique demande une certaine capacité de gestion et la conformation à
des règles d’organisation et de fonctionnement plus contraignantes que ce
qui devrait être exigé par une mutuelle ;
- la loi sur les coopératives limite la liberté d’adhésion en ce quelle prévoit
en son article 6 que nul ne peut faire partie d’une coopérative s’il ne
justifie pas de la possession dans le ressort territorial de la société d’intérêt
entrant dans son champ d’action. Cette limitation contredit la vocation
d’une mutuelle à s’ouvrir à toute personne désirant y appartenir ;
- les membres des coopératives peuvent se partager les excédents des
bénéfices alors que les profits sont en principe versés sur un fonds de
réserve dans une mutuelle;
- une coopérative peut assurer des prestations à des non adhérents contre
paiement alors que une mutuelle en principe n’agit que pour ses membres.
Du fait de la réception du droit français par les anciennes colonies françaises après leur
indépendance, la loi du 1er juillet 1901 fait partie du droit positif béninois.
La plupart des associations au Bénin sont créées conformément à la loi 1901. Les
multiples Organisations Non Gouvernementales qui ont fleuri après la Conférence Nationale
en 1990, usent la loi 1901 comme fondement de leur existence.
Mise à part cette loi, aucune autre réglementation n’existe au Bénin par rapport aux
groupements de personnes dans un but non lucratif, à l’exception des coopératives.
Cette loi précise en son article 1er que « l’association est la convention par laquelle
deux ou plusieurs personnes mettent en commun d’une façon permanente, leurs connaissances
ou leurs activités dans un but autre que de partager les bénéfices. Elle est régie quant à sa
validité, par les principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations. »
Toute association qui voudra obtenir la capacité juridique devra être rendue publique
par les soins de ses fondateurs.
Dès lors que l’objet est licite, conforme aux lois et aux bonnes mœurs et non
attentatoire à l’intégrité du territoire national, les associations loi 1901 peuvent se former pour
Il s’agit de :
¾ La loi N°98-019 du 21 mars 2003 portant code de Sécurité Sociale en
République du Bénin.
¾ Le code des assurances des Etats membres de la CIMA.
Il convient d’insister sur le fait que l’article 20 paragraphe 2 de la loi sur la sécurité sociale
indique clairement qu’aucune prestation ne peut être instituée si son financement n’est pas
garantie.
Et l’article 21 précise en son deuxième alinéa que les prestations de sécurité sociale sont
exemptes d’impôt. L’article 35 de cette loi institue les réserves de sécurité.
Les dispositions de la loi N°98-019 du 21 mars 2003 portant Code de Sécurité Sociale en
République du Bénin tendent à assurer aux travailleurs salariés et assimilés ainsi qu’à leurs
femmes et enfants une assurance maladie. Elles régissent donc des institutions qui poursuivent
les mêmes buts que les mutuelles de santé.
La loi N°98-019 du 21 mars 2003 ne peut régir les mutuelles de santé en ce qu’elle ne
vise que des régimes obligatoires publics.
De fait les sociétés d’assurance au Bénin se sont concertées pour arrêter des primes et
des garanties qui n’ont pas vocation à favoriser la souscription de cette police. Les montants
pratiqués et les conditions de souscription d’une police d’assurance maladie sont prohibitifs.
Selon les enquêtes menées les primes varient de 250.000 à 300.000francs CFA par
famille et par an (la famille ici se limite à 7 personnes au plus) avec une garantie plafonnée à
2.000.000fr CFA . Certaines sociétés d’assurance exigent de contracter avec un groupe de
famille, organisant ainsi une sorte de mutuelle entre famille se partageant la charge des
risques .
Mais il convient pour être exhaustif d’indiquer que le code CIMA prévoit également la
création de société d’assurance mutuelle.
Elle est définie à l’article 330 du code comme une société constituée pour assurer les
risques apportés par leurs sociétaires moyennant le paiement d’une cotisation fixe ou variable.
Aux termes de l’article 330-5 du code les statuts des sociétés d’assurances mutuelles
doivent indiquer :
- l’objet, la durée, le siège de la société ;
Il convient de souligner qu’aux termes de l’article 304-2 du code CIMA les sociétés
d’assurances mutuelles doivent avoir un fonds d’établissement au moins égal à 300.000.000
de francs CFA.
Les sociétés d’assurances mutuelles de code CIMA peuvent avoir pour objectif
l’assurance maladie des sociétaires. Mais les caractéristiques qui viennent d’être énumérées à
savoir :
En résumé l’assurance maladie organisée par le code CIMA à travers les contrats
d’assurances classiques ou les sociétés d’assurances mutuelles ne permet pas de soutenir le
processus d’extension de la sécurité sociale, notamment en matière de santé, qui est poursuivi
par les mutuelles de santé.