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Cahier n°12
Hommage,
Je vous remercie.
Pour ouvrir cette quatorzième conférence, je donne la parole à Cheikh
Lo, Secrétaire Général du Comité d’Histoire des Administrations
chargées du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle.
Bernard Laurençon
Président du Groupe d’histoire d’Île-de-France
© Marc Verhille / / Mairie de Paris
Sommaire
Allocution d’ouverture
Cheikh Lo
p.4
Secrétaire général du Chatefp
Introduction
Bernard Laurençon
p.6
Président de séance
Jean-Pierre Le Crom
p.7
Directeur de recherche au CNRS
Jean-Pierre Le Crom
p.10
Directeur de recherche au CNRS
Allocution de clôture
Yasmina Taieb
p.29
Cheffe du Pôle Travail à la Direccte Île-de-France
Conclusion
Bernard Laurençon
p.30
Président de séance
Le droit du travail dans les colonies du XIXe siècle aux années 1960
Allocution d’ouverture
Nous ne saurions résister à l’envie de citer des
esprits tels que Rabelais, qui avaient déjà défini
les termes d’une politique d’association avec les
éléments indigènes : « comme un enfant nouveau-
né, les faut allaicter, bercer, esjouir, comme
arbre nouvellement planté, les faut appuyer,
esseurer, défendre de toute vimaire, injures et
calamitez ; comme personne sauvée de longue
maladie les faut choyer, épargner, restaurer. »
La question de l’esclavage
La lutte contre la maladie du Cheikh Lo, Il convient donc d’étudier les mesures intervenant
sommeil : infirmiers indigènes Secrétaire Général du Chatefp en droit du travail pour pallier, dans les colonies
faisant, au microscope, un françaises, les conséquences de cette rupture de
examen du sang - Les colonies Mesdames, Messieurs. Je suis heureux, au nom l’équilibre de l’économie politique coloniale à la
françaises, 340 photographies du Comité d’histoire, d’ouvrir cette conférence suite de l’abolition de l’esclavage.
p. 125 consacrée au droit du travail dans les colonies.
Le travail forcé
Je tiens tout d’abord à remercier Jean-Pierre Le
Crom, Philippe Auvergnon, Farid Lekéal et Bernard Le travail forcé est minutieusement réglementé
Laurençon, ainsi que l’ensemble des membres du après l’abolition de l’esclavage en 1848. Qui dit
Comité d’histoire pour cette initiative, qui, par la travail forcé, dit travail obligatoire, lequel induit
qualité des intervenants et le nombre d’inscrits, une imposition aux populations indigènes de
reste un succès. l’exécution de travaux au profit de la puissance
publique, des chefs ou des notables (voire même
Je vous dois d’abord un aveu. Je me suis longuement des particuliers), et cela sans rétribution.
interrogé sur l’appréciation de cette conjonction Nous sommes tout naturellement incités à penser
de coordination unissant les deux termes du à la corvée. Dans quelle mesure la pratique de la
sujet : « droit du travail » et « colonies ». En effet, corvée a-t-elle survécu dans les régions d’outre-mer
par définition, un colonisé ne jouit que des droits où la France s’est établie ? Une rapide incursion
que son maître voudra bien lui accorder. dans l’arsenal des règlements de l’époque permet
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Le droit du travail dans les colonies du XIXe siècle aux années 1960
d’affirmer que la corvée au sens strict du mot rédigé : « un règlement d’administration publique
n’est pas restée en vigueur dans les positions déterminera les conditions dans lesquelles la
françaises après l’abolition de l’esclavage. Elle présente loi pourra être appliquée à l’Algérie et
a été remplacée par un système de prestations aux colonies ». Aucun délai n’était fixé ; en effet, les
et d’obligations imposé aux populations rurales législateurs avaient expressément prévu que cette
concernant certains travaux d’intérêt provincial. loi sur les accidents du travail jouerait un rôle dans
les colonies, mais avaient laissé au pouvoir exécutif
En Indochine, un décret du 10 mai 1881 et un arrêté le soin de juger si cette extension était possible
du gouverneur du 31 décembre 1917 rappellent les avec ou sans modification, et de déterminer dans
obligations de main-d’œuvre pour certains travaux quelles positions il y avait lieu de l’appliquer.
d’intérêt provincial, ainsi que le droit d’exiger des Le ministère des Colonies de l’époque confia
villageois dix journées de travail pour l’entretien d’ailleurs une étude à un comité spécial : le Comité
des petites voies de communication. permanent de la législation coloniale du travail et
de la prévoyance sociale. Cet organisme, fondé en
Pour l’Afrique Occidentale française, un arrêté du décembre 1911, fut doté de deux vice-présidents
gouverneur général en date du 25 novembre 1912, particulièrement qualifiés : Paul Estros et Paul-
paru au Journal officiel de la colonie du 11 janvier Boncour. L’organisme décida que l’heure n’était pas
1913, fixe le nombre de journées de travail que encore venue d’envisager une extension du Code
doivent accomplir les indigènes. du travail dans les positions du continent noir ou
de l’Asie, où le stade de civilisation des populations
Une réglementation analogue a été rétablie en était encore rudimentaire.
Afrique Équatoriale française par un arrêté du
gouverneur général du 1er décembre 1919. Le droit syndical n’a été reconnu aux Africains qu’en
1937. La loi métropolitaine de 1844 sur la liberté
En 1930, l’Organisation internationale du Travail syndicale fut rendue applicable et promulguée
adoptait une convention visant à interdire le travail aux colonies dès 1920. Néanmoins, seuls purent
forcé (obligatoire) sous toutes ses formes. Cette en profiter les travailleurs des statuts français. En
convention définissait d’une part le travail forcé, effet, le décret du 11 mars 1937, modifié le 12 juillet
et, d’autre part, les obligations de service qui 1939, prévoyait d’étendre les bénéfices de la liberté
ne rentraient pas dans le cadre du travail forcé. syndicale aux indigènes sujets français de l’AEF.
Ratifiée par la France en 1937, cette convention L’une des dispositions de ce texte prescrivait que
n’eut qu’une application éphémère : dès le début pour être membre d’un syndicat professionnel, le
de la Seconde Guerre mondiale, elle fut suspendue travailleur devait être titulaire du certificat de type
par le décret du 2 mai 1939 portant extension aux primaire. Le décret du 7 août 1944, qui marque
territoires d’outre-mer de la loi du 11 juillet 1938 dans ce domaine l’évolution de l’esprit traduit
sur l’organisation de la nation. dans les conférences de Brazzaville, autorise la
création de syndicats professionnels dans toute
La question de l’alignement sur le droit du l’Afrique continentale française et fixe l’objet de
travail métropolitain la capacité civile des syndicats dans les limites
proches de celles reconnues en métropole.
L’extension aux colonies de la législation ouvrière
française n’a pu être réalisée que dans certaines Enfin, le Code du travail des territoires d’outre-
positions considérées comme « évoluées ». mer a été promulgué à partir de 1952.
De façon générale, cette extension pose des
problèmes complexes. La loi du 9 avril 1898 sur
les accidents du travail contient l’article 34, ainsi Je vous remercie de votre attention.
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Le droit du travail dans les colonies du XIXe siècle aux années 1960
Introduction
Bernard Laurençon,
Président de séance
Merci Cheikh pour ces propos introductifs, qui Auteur de très nombreux ouvrages ou articles
nous projettent dans le vif du sujet. Je laisserai le concernant l’histoire sociale sous le régime de Vichy
soin à nos intervenants de nous conduire à travers ou l’histoire du droit du travail et du syndicalisme, il
l’enchevêtrement que j’imagine, des différentes nous donnera les prémices de cette importante et
dispositions réglementaires qui ont pu être prises originale étude, laquelle devrait faire l’objet d’une
pour cette application du droit du travail dans les publication au cours du premier semestre 2016,
colonies. aux Presses universitaires de Rennes.
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Le droit du travail dans les colonies du XIXe siècle aux années 1960
de travailler. De plus, mais j’aurai l’occasion d’y Somalis, Comores, Indochine, Etablissements
Trois dimensions revenir, les frontières entre travail libre (salariat français de l’Inde et de l’Océanie, Nouvelle-Calédo-
de recherche : classique sous contrat de travail) et travail forcé nie, Nouvelles-Hébrides, Saint-Pierre et Miquelon),
sont floues. les protectorats tunisien et marocain, les man-
chronologique,
dats français en Syrie et au Liban, d’une part, et
géographique et Le troisième est relatif à l’engagisme, terme dé- au Cameroun et au Togo, d’autre part, et, enfin,
thématique. signant le recrutement de travailleurs d’autres l’Algérie, dont on sait qu’elle n’a jamais été vérita-
colonies françaises ou étrangères (souvent des blement pensée comme une colonie
Chinois ou des Indochinois) pour des colonies (La France « de Dunkerque à Tamanrasset »).
françaises telles que la Réunion, les Antilles,
Madagascar, les Etablissements français de Dans le temps, l’idée originelle était de faire dé-
l’Océanie. Il s’agit alors de migrations de travail, marrer l’étude à la fin du XIXe siècle, au moment
lesquelles font l’objet de règles qui sont un aspect où le droit du travail, ou plutôt la législation
essentiel du sujet. industrielle, naît en métropole (loi sur les syn-
dicats de 1884, loi sur les accidents du travail
Le quatrième concerne les interactions entre le en 1898…) et de la terminer au moment des
travail coutumier et le travail salarié. Un individu indépendances, différentes évidemment selon
qui s’engage dans une relation de travail contrac- les territoires mais concentrées sur les années
tuelle sur le mode occidental apporte avec lui une 1950 et 1960. Cette périodisation a évolué dès
conception du travail qu’il hérite de sa civilisation, le début de la recherche. Nous considérons
de sa culture et de la place que le travail occupe aujourd’hui qu’il est nécessaire de débuter
dans celle-ci. La prise en compte de ce travail cou- dès 1848 et l’abolition de l’esclavage. Dès la
tumier est donc nécessaire pour une étude consa- Seconde République en effet, la question du
crée au droit du travail dans les colonies. droit du travail, et notamment celui des anciens
esclaves, est posée aux Antilles et à la Réunion.
Enfin, en Afrique, la plupart des législations qui J’ai retrouvé par exemple aux Archives natio-
existent aujourd’hui dans les pays africains nales d’outre-mer (ANOM) à Aix-en Provence les
indépendants procèdent du Code du travail des archives d’une commission qui s’est réunie à Pa-
territoires d’outre-mer (CTTOM), promulgué en ris en 1872 et qui s’appelait « commission sur le
décembre 1951. régime du travail aux colonies » qui abordait déjà
les questions du livret de travail, des conseils de
On doit pouvoir dire que c’est un sujet neuf. prud’hommes et même des syndicats.
Certes, il existe une littérature historique assez
abondante sur le travail dans les colonies, sur- III. Les trois dimensions de recherche :
tout en Afrique avec les travaux des Françaises
Catherine Coquery-Vidrovitch, Hélène d’Almei- Une recherche de ce type comporte trois dimen-
da-Topor, de l’Américain Frederick Cooper, du sions : une dimension chronologique (diachro-
Sénégalais Babacar Fall, du Camerounais Léon nique) - la situation n’est évidemment pas la
Kaptue, du Togolais Essoham Assima Kaptcha, même en 1890, en 1930 ou en 1950 - ; une dimen-
pour ne citer que les principaux. Leurs travaux sion géographique ou synchronique - le droit du
comportent tous une dimension juridique, mais travail est différent en Algérie ou en Indochine, et
elle n’est pas centrale. En histoire du droit du tra- même en Indochine, il peut être différent au Ton-
vail colonial, on ne compte que quelques articles kin ou en Cochinchine, comme en AOF, il peut être
consacrés à des questions ciblées qu’on doit prin- différent au Sénégal et au Niger ; et, enfin, une di-
cipalement à Martine Fabre et Florence Renucci. mension thématique, certaines questions pouvant
être traitées communément pour plusieurs terri-
Le projet porte sur l’ensemble des colonies toires (mais pas pour tous) comme l’inspection
au sens le plus large, ce qui, il faut l’admettre, du travail ou le travail forcé par exemple, d’autres
peut être discuté tant les différences sont im- étant spécifiques à un territoire particulier.
portantes entre ce qu’on appelait les « vieilles Pour commencer notre recherche, nous avons
colonies » (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La décidé de privilégier la dimension géographique
Réunion), celles qui deviendront les territoires en se répartissant le travail entre nous. Cela fait
d’outre-mer après la Seconde Guerre mon- donc maintenant deux ans que l’on y travaille.
diale (AEF, AOF, Madagascar, Côte française des Comment a-t-on procédé ? On a lu évidemment les
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Le droit du travail dans les colonies du XIXe siècle aux années 1960
travaux des collègues africanistes dont j’ai parlé 120 cartons. Mais les ANOM possèdent aussi des
tout à l’heure et plus généralement l’ensemble fonds rapatriés des anciennes colonies, notam-
des recherches concernent le travail dans les ment d’Indochine, d’Algérie ou d’AEF. Le fonds sur
colonies. On a lu aussi les travaux des juristes la réglementation du travail en AEF occupe par
à différentes époques. Le droit colonial était exemple 19,2 mètres linéaires.
une discipline qui avait ses spécialistes comme - Le Centre des archives diplomatiques de Nantes.
Penant, Sambuc, Marcille. On s’est beaucoup Ce centre conserve principalement les archives
servi du traité de Pierre-François Gonidec sur le venues des ambassades et des consulats français
droit du travail dans les TOM qui est une analyse à l’étranger, mais il accueille aussi les fonds rapa-
très précieuse du Code du travail des territoires triés du Maroc et de Tunisie et ceux du mandat
d’outre-mer promulgué en 1951. Il y a aussi d’as- français au Liban et en Syrie.
sez nombreuses thèses de droit, notamment sur - Les Archives nationales, dont les fonds contem-
le travail forcé et les rapports des organisations porains sont désormais rassemblés à Pierrefitte-
internationales, la SDN, l’ONU et surtout l’OIT, très Sur-Seine. On y trouve des archives utiles pour le
présente sur les questions de travail forcé notam- sujet, notamment quelques fonds venus du minis-
ment. Mais la documentation principale vient des tère de la Justice (en réalité assez peu) ou du
archives. ministère du Travail, notamment un complément
des archives de l’IGTOM très intéressant, dont on
Les principaux lieux où sont conservées des ar- peut se demander pourquoi il n’est pas à Aix.
chives sur la réglementation du travail dans les - On peut aussi trouver des archives, mais d’un
colonies sont : intérêt moindre, au Centre des archives du monde
du travail, à Roubaix, ou aux archives du ministère
- Les Archives nationales d’outre-mer (ANOM) des Affaires étrangères, à La Courneuve.
à Aix-en-Provence. On y trouve notamment - Sans compter bien entendu, les archives restées
les archives très riches du ministère des sur place, dans les anciennes colonies. On a pu
Colonies, puis du ministère de la France d’outre- traiter celles conservées aux Archives départe-
mer et de ses différentes directions : direction mentales de la Réunion grâce à une collègue qui
des affaires politiques, direction des affaires participe au projet. Mais on n’a pas pu aller ail-
économiques, direction du contrôle (une sorte leurs, faute de moyens. C’est un vrai souci, qu’il
d’inspection générale), des archives privées, convient de tempérer, d’une part parce que les
dont celles de l’Union coloniale française, qui Anom sont vraiment très riches, et d’autre part
était le principal lobby patronal colonial jusqu’à parce que les collègues étrangers, notamment De gauche à droite :
la Seconde Guerre mondiale, les archives de l’Ins- africains, au Cameroun, au Togo et au Sénégal, Jean-Pierre Le Crom,
pection générale du travail outre-mer (IGTOM), ont beaucoup utilisé leurs archives nationales. Philippe Auvergnon
créée en 1945, qui ne comprennent pas moins de et Farid Lekéal.
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Le droit du travail dans les colonies du XIXe siècle aux années 1960
les mines. L’essentiel de la réglementation vient avances qui leur avaient été faites. Le cas était
d’arrêtés qui règlementent les différentes formes très courant.
de travail forcé. En AOF, par exemple, le système Le travail forcé est quant à lui moins réglementé.
de la prestation, utilisé sans texte jusqu’en 1912, Il est théoriquement réservé aux travaux d’utilité
est régi par un arrêté du gouverneur général publique. Faute de temps, je laisserai de côté ici
William Ponty du 25 novembre 1912. l’utilisation de la main-d’œuvre pénale et le Ser-
vice de la main-d’œuvre des travaux d’intérêt
II. De la fin de la Première Guerre mon- général (SMOTIG) qui fonctionnaient avec la deu-
diale à la fin de la Seconde : le temps des xième portion du contingent militaire mais qui
décrets n’a existé qu’à Madagascar et, dans une moindre
mesure en AOF (Sénégal et Niger, principalement).
Entre 1919 et 1944, trois points importants re-
tiennent l’attention : l’absence de distinction nette On peut en distinguer de plusieurs sortes :
entre le travail libre et le travail forcé ; l’échec du
contrat de travail ; la faiblesse du contrôle et des - le portage, pratique ancestrale notamment en
sanctions. Afrique, mais qui se développe aux débuts de la
colonisation du fait de l’absence de routes et de
1) L’absence de distinction nette entre le tra- chemins de fer. Le portage est réglementé par
vail libre et le travail forcé des arrêtés locaux qui fixent le poids maximal
des charges et le nombre de journées exigibles
Dans la plupart des colonies, surtout en Afrique, par les autorités. Il régresse à partir de la fin des
la réglementation du travail libre est fixée par années 1920.
des décrets ou arrêtés spécifiques à chacune - les prestations. Pour la France, les prestations
dans les années 1920 (AOF, 1925 ; Togo, 1922, ne sont pas du travail obligatoire car il s’agit d’un
Cameroun, 1922 et 1925, Indochine, 1927) quelque- impôt comme l’était par exemple la taxe vicinale
fois les années 1930 et plutôt même la fin des an- en métropole. D’ailleurs, dit-elle notamment à
nées 1930 (Inde française, 1936 et 1937, Madagas- l’OIT, elles peuvent être rachetées. Les prestations
car, 1938, Indochine, 1936). Ces réglementations consistent principalement à construire et entrete-
ne visent généralement que le travail indigène, nir les routes, mais quelquefois, elles s’étendent
pour reprendre l’expression officielle en vigueur à à d’autres types de travaux. Ici aussi, ce sont des
l’époque. Le travail des Européens n’est réglemen- arrêtés qui fixent leur durée et les conditions de
té qu’en Indochine (1937) et au Cameroun (1945). leur rachat.
- la réquisition. Elle concerne les travaux plus
Ces textes vont tous dans le même sens : il s’agit importants comme la construction des lignes de
de favoriser le recrutement de la main-d’œuvre au chemin de fer. Dans certains territoires, les réqui-
profit des entreprises privées par des mesures sitions destinées à la construction des chemins
protectrices sur les salaires (fixés généralement de fer vont aboutir à de véritables hécatombes.
par les autorités coloniales ou en référence aux Le cas le plus connu et, de fait, le plus meurtrier,
salaires versés par celles-ci pour les travaux pu- est celui du chemin de fer Congo-Océan qui allait
blics), la durée du travail, l’hygiène et la sécurité, de Brazzaville à Pointe-Noire et qui a été dénoncé
les conditions de travail qui sont réglementées à l’époque dans des livres d’André Gide et Albert
par des arrêtés très précis par exemple sur la Londres. En 1928, on dénombre 2 635 décès sur la
taille des logements ou la composition des rations construction de ce chemin de fer, soit un taux de
alimentaires. mortalité de 25,5 %. Les gens meurent essentiel-
Cette volonté protectrice se conjugue à une atti- lement de maladies gastriques ou pulmonaires,
tude répressive du fait de l’existence dans les mais certaines études montrent aussi toute
colonies jusqu’à la Seconde Guerre mondiale l’importance des mauvaises conditions de travail,
La France (…)
du régime de l’indigénat qui prévoit des sanc- des mauvais traitements, du dépaysement, de la
tions administratives (en réalité pénales : peines solitude, plus généralement du fait de raisons met des réserves
d’amendes et de prison) en cas de non-respect psychologiques. qui font que le
des obligations contractuelles. Cette dimension travail forcé
pénale sera surtout effective dans le cas du délit Si le portage et les prestations sont réglemen- continue à
d’emport d’avances, c’est-à-dire en cas de déser- tées par des arrêtés locaux très tôt, quelquefois perdurer.
tion des indigènes n’ayant pas remboursé les d’avant la Première Guerre mondiale, la réquisi-
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Le droit du travail dans les colonies du XIXe siècle aux années 1960
... La réglementation du travail dans les colonies d’exploitation : entre soumission et protection
tion ne l’est pas avant 1930. La dimension inter- nir au début de chaque trimestre (chaque mois
Il y a eu (…), nationale de la question est ici très importante. pour Foumban) entre les chefferies de la subdivi-
dans cette partie La SDN puis l’OIT, à l’époque dirigée par des Fran- sion, selon un tour de roulement et au prorata du
du Cameroun, çais (Arthur Fontaine, président, et Albert Thomas, nombre des hommes valides de chacune d’elles.
directeur général) vont chercher à lutter contre le Les chefs étaient invités à réunir l’effectif qui
un véritable
travail forcé. Une convention est adoptée à Genève leur avait été imposé, en exerçant sur leurs res-
recrutement en 1930, mais elle n’est ni signée ni évidemment sortissants ce qu’on a appelé, par euphémisme,
forcé au bénéfice ratifiée par la France qui préfère édicter par un une « pression morale ». Intervenaient alors les
d’entreprises décret de la même année sa propre réglementa- hommes de main du chef, les « tchindas », qui, eux,
privées. tion qui, en réalité, encadre le travail « obligatoire avaient recours à d’autres moyens de persuasion.
» mais ne l’abolit pas. Il faut attendre 1937, avec Le groupe de travailleurs une fois formé était
le gouvernement de Front populaire, pour que la livré à la date convenue à l’employeur ou à son
convention de 1930 soit ratifiée par la France, mais représentant. Les hommes ainsi désignés, qui ne
celle-ci met, comme elle en a le droit, des réserves devaient pas être évidemment les meilleurs ni les
qui font que le travail forcé continue à perdurer. plus valides de la chefferie, avaient l’impression
Cette distinction entre le travail libre et le tra- qu’ils allaient effectuer trois mois de prestations
vail obligatoire (terme préféré par les autori- supplémentaires chez un particulier européen.
tés à celui de travail forcé) est en réalité large- Il est inutile de jouer hypocritement sur les mots,
ment inopérante. En pratique, les employeurs comme ont tendance à le faire certains em-
européens en Afrique ou en Indochine manquent ployeurs : il y a eu pendant 18 mois, dans cette
cruellement de main-d’œuvre et ils la réclament partie du Cameroun, un véritable recrutement for-
aux autorités coloniales. Celles-ci ont très sou- cé au bénéfice d’entreprises privées. Outre que ce
vent une attitude ambivalente, partagées entre la fait est de notoriété publique et qu’il a été reconnu
volonté de répondre à la demande patronale et dans des notes officielles par les Administrateurs,
donc au développement économique du territoire l’enquête à laquelle j’ai personnellement procédé,
dont ils ont la charge et le respect du décret de en interrogeant notamment les chefs indigènes,
1930 qui limite le travail obligatoire aux travaux ne laisse absolument aucun doute à ce sujet.
d’intérêt public. Dans les faits, les recrutements Il est même arrivé que des groupes dont les hommes
forcés au profit des entreprises privées sont sou- étaient encordés les uns aux autres aient été ame-
vent décidés par les chefs de circonscription ou nés à la subdivision de Bafang, ou même jusqu’à
de subdivision qui négocient avec les chefferies la plantation de la Niabang, au-dessus de Baré.
indigènes locales. On doit constater aussi que ces manœuvres,
conduits par contrainte sur les exploitations, y
Je pourrais prendre de multiples exemples pour sont demeurés contre leur gré. Ils y ont donc été
illustrer la relativité de cette distinction. Je me astreints au travail forcé ».
contenterai d’un seul. Il émane d’un rapport de
l’inspecteur général des colonies Tupinier sur Pendant la Seconde Guerre mondiale, sur laquelle
la main-d’œuvre au Cameroun début 1939, soit les sources sont moins abondantes, la distinction
après les mesures prises par le Front populaire privé-public va s’effondrer, les indigènes étant
et l’adoption de la convention internationale sur recrutés en masse de force pour récolter les
le travail forcé. produits nécessaires aux opérations militaires,
par exemple le caoutchouc en AEF que les Alliés
Ce rapport porte essentiellement sur les régions ne peuvent faire venir d’Indochine restée dans le
du Nord du Cameroun. Dans celle du Noun, 9 400 giron vichyste, et qui sert à fabriquer les pneus
manœuvres indigènes sont recrutés en 1937 et très utiles en cette période de guerre.
1938 par les offices régionaux du travail (ORT)
créés par un décret de 1937. On pourrait se féli- 2) L’échec du contrat de travail
citer de ce nombre, explique Tupinier, si les tra-
vailleurs avaient été volontaires, mais ce n’est pas Comme je le disais précédemment, le ministère
le cas : « Pratiquement, les choses se passaient des Colonies a élaboré et promulgué, conjointe-
généralement de la façon suivante : après avoir ment avec les autorités coloniales locales, des
examiné les demandes des planteurs et les avoir décrets spécifiques dans les différents territoires
réduites le cas échéant, le président de l’ORT. au début des années 1920 puis à partir de 1936.
répartissait le contingent de manœuvres à four- L’objet principal de ces réglementations est la si-
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Le droit du travail dans les colonies du XIXe siècle aux années 1960
gnature d’un contrat de travail entre l’employeur ils sont spécialisés et ne font que ça, mais sou-
et chacun de ses salariés. vent ce travail est effectué par des ingénieurs
En réalité, cela ne fonctionne pas du tout. Le des eaux et forêts, par des médecins pour les
nombre de contrats enregistrés par l’administra- questions sanitaires, voire par les chefs de cir-
tion est extrêmement faible. La raison en est que conscription de subdivision ou de cercle en fonc-
les autochtones refusent de s’engager de manière tion des appellations qui varient selon les terri-
permanente. Mais pourquoi ? L’explication que toires. Ces agents dépendent donc du gouverneur
l’on trouve de manière récurrente dans les ar- qui est leur supérieur hiérarchique et qui les
chives, dans les discours des employeurs comme note. S’ils adressent un courrier à Paris, il doit
dans ceux de la plupart des administrateurs tient être visé par le gouverneur. Ils ne sont donc pas
à l’indolence, à la paresse des indigènes, qui sont indépendants, ce qui est d’autant plus gênant
considérés comme de grands enfants irrespon- que dans les colonies, l’administration emploie
sables à qui il faut apprendre le vrai travail, c’est- elle-même un grand nombre de travailleurs.
à-dire le travail selon les standards occidentaux. Les sanctions sont par ailleurs quasi inexistantes.
Mais on trouve aussi des points de vue différents, Au Cameroun, on recense 362 visites en 1935,
chez certains administrateurs coloniaux ou chez 8 observations pour retard dans le paiement
les missionnaires qui vont au-delà des clichés et des salaires et une seule injonction sans pro-
cherchent à comprendre la place du travail dans cès-verbal. Sur le plan judiciaire, c’est la
les sociétés traditionnelles d’un point de vue même chose. Le contentieux est très faible.
anthropologique. Je ne vais pas me lancer dans En 1932, le procureur de la République du
cette analyse qui déborderait largement le cadre Cameroun cite 5 affaires, concernant presque
de cette conférence, mais une remarque tout de toutes le non-paiement des salaires.
même. Dans les colonies dont je parle ici, en tout
cas en Afrique noire, le travail n’occupe pas la III. De la fin de la Seconde Guerre mon-
place qu’il occupe en Occident, c’est vrai, mais il diale aux indépendances : le temps des
est faux de dire que les indigènes n’aiment pas lois
le travail. Dans son dernier livre, Babacar Fall,
l’explique très bien. Le travail est une activité col- La situation commence à évoluer à la fin de la
lective et pas individuelle ; il répond à une néces- Seconde Guerre mondiale. Le moment marquant
sité : la satisfaction des besoins et pas l’appât du est la conférence de Brazzaville organisée par
gain. Il n’est donc pas étonnant que la productivité le Comité français de la libération nationale par
ait été faible et que les horaires de travail n’aient le commissaire aux colonies, René Pleven. Cette
pas été respectés. C’est d’autant plus vrai que les conférence porte sur l’ensemble des problèmes
conditions de travail sont très souvent très dif- coloniaux, mais s’intéresse notamment parti-
ficiles et que, je me permets de le rappeler, la culièrement à ceux du travail. A partir de là, il
distinction entre travail libre et travail forcé n’est se dégage ce que j’ai pu appeler un « esprit de
pas bien nette. Il n’est donc pas étonnant que le Brazzaville », en référence à l’esprit de Phila-
contrat de travail soit aussi peu répandu. delphie traité par Alain Supiot pour parler de la
conférence du même nom qui se tient un tout
3) La faiblesse des contrôles et des sanctions petit peu plus tard. Cet esprit va être à l’origine
de trois mesures essentielles : la première est la
L’inspection du travail est insuffisante et n’est pas reconnaissance dès août 1944 du droit syndical Les visites et
indépendante Dans les archives, on trouve souvent dans toutes les colonies. Cette mesure essentielle les contrôles
des rapports de l’inspection du travail pour l’AEF, va contribuer au développement de véritables
pour l’AOF, pour le Cameroun, pour l’Indochine, relations collectives du travail mais aussi à la
sont effectués
etc. Quelquefois, ces rapports couvrent un terri- formation d’élites syndicales qui prendront une par des
toire particulier d’une fédération, par exemple, le part importante dans la lutte pour l’indépendance agents de
Sénégal ou la Côte d’Ivoire. En Indochine, ils sont dans les années 1950. La seconde est la suppres- l’administration
imprimés. Il existe donc bien une inspection du sion définitive du travail forcé par la loi du 11 coloniale.
travail, mais qui sont les inspecteurs ? avril 1946 dont l’article 1 dispose que « le travail
En réalité, les inspecteurs ne forment pas un forcé ou obligatoire est interdit de façon absolue
corps comme c’est le cas en métropole. Les dans les territoires d’outre-mer » et prévoit des
visites et les contrôles sont effectués par des sanctions à fixer dans un autre texte en cas de non
agents de l’administration coloniale. Quelquefois, - respect de cette obligation. Il faudra toutefois
13
Le droit du travail dans les colonies du XIXe siècle aux années 1960
... La réglementation du travail dans les colonies d’exploitation : entre soumission et protection
attendre le Code du travail des territoires d’outre- de l’Assemblée nationale et du Sénat, mais aussi
mer (CTTOM) pour que ces sanctions soient défi- au sein de l’Union française, sur le Code du travail
nies. Par ailleurs, il semble que le travail forcé ait des territoires d’outre-mer qui aboutira au vote
perduré dans certains endroits jusqu’à la fin des de celui-ci en décembre 1951. Ces discussions
années 1940. sont assez bien renseignées par l’historiographie,
La troisième innovation majeure de l’après-guerre notamment dans une thèse sénégalaise due à
est la création de l’Inspection générale du travail Omar Gueye. Que peut-on en dire ?
outre-mer ( IGTOM) par un décret du 17 août 1944. - les débats ont été vifs entre les partisans de
L’ IGTOM est un service du ministère de la France l’assimilation complète et ceux qui voulaient tenir
d’outre-mer, rue Oudinot à Paris. Il est assez vite compte des spécificités coloniales ;
dirigé par une femme : Lucrèce Guelfi. Les inspec- - les parlementaires africains (quelquefois futurs
teurs ont désormais une formation spécifique et présidents de leurs États, comme Léopold Sedar
forment un corps particulier, mais la question de Senghor au Sénégal ou Félix Houphouët-Boigny en
leur indépendance reste entière. L’article 1 § 3 Côte d’Ivoire) font entendre fortement la parole
du décret dispose que « dans chaque juridiction des colonisés ;
ou dans chaque territoire autonome fonctionne - pendant les discussions au Parlement, on
un service du travail dépendant directement du assiste à des grèves dont l’une est, semble-t-il,
Service central du travail du Commissariat aux assez largement suivie en AOF et au Sénégal en
colonies ». Le 12 avril 1946, l’Assemblée nationale particulier. Ces grèves ont pour objectif de peser
Les inégalités affirme dans une résolution votée à l’unanimité sa sur les débats parlementaires, notamment sur la
persistent (entre volonté de voir «le gouvernement prendre toutes question des allocations familiales. Le résultat est
décisions utiles afin d’assurer le plus rapidement une loi progressiste, inspirée du droit métropo-
les européens et
possible la mise en place dans les territoires litain (conventions collectives, délégués du per-
les autochtones), d’outre-mer, d’une inspection du travail digne sonnel, salaire minimum, allocations familiales,
notamment de ce nom, relevant directement du ministre de etc.) mais qui comporte quelques particularités
en matière de la France d’outre-mer (FOM)». Un mois plus tard, : pas de comités d’entreprise ni de conseils de
salaire. l’ordonnance du 4 mai 1946 accordant des pou- prud’hommes, mais des tribunaux du travail (les
voirs exceptionnels aux hauts commissaires (nou- juges ne sont pas élus), arbitrage obligatoire
velle appellation des gouverneurs) décide une des conflits, etc. Le point principal est l’égalité
restriction « exceptionnelle et temporaire » en juridique complète entre les autochtones et les
abrogeant le § 3 de l’article 1er du décret du 17 expatriés. Dans la réalité cependant, les inégali-
août 1944. Il faudra en réalité attendre la promul- tés persistent, notamment en matière de salaire
gation du CTTOM pour que l’indépendance de l’ins- parce que les Européens sont tous au minimum
pection du travail soit effective outre-mer. Paral- contremaîtres alors que les autochtones sont
lèlement à ces initiatives, le ministre de la France manœuvres ou, rarement, ouvriers qualifiés et en
d’outre-mer – Marius Moutet – qui était déjà raison des primes qui sont accordées aux expa-
ministre des Colonies sous le Front populaire, éla- triés.
bore un code du travail valable pour l’ensemble
des colonies au sens strict, qui ne concerne que Tout un travail reste à faire sur l’application de ce
les indigènes, et met en préparation un autre code après 1952, notamment à partir des archives
code valable pour les Européens. Il fait l’objet d’un de l’inspection générale du travail dans les colo-
décret en 1946 mais ne sera jamais appliqué car nies et du Conseil supérieur du travail dans les co-
contraire à la Constitution de 1946 et à d’autres lonies créé en 1953 pour évaluer l’application du
textes qui font que les « indigènes » deviennent CTTOM. C’est l’un des aspects du travail d’ampleur
des citoyens français à part entière. Commence qu’il nous reste à mener.
alors une longue période de discussions au sein
Bernard Laurençon
Président de séance
Merci Jean-Pierre pour ce brillant exposé qui ouvre de nombreuses pistes et nous met en appétit pour
les volumes à paraître en 2017.
Je vous propose de continuer avec un éclairage plus précis sur la manière dont les choses se sont
passées aux Antilles et en Guyane. Je donne la parole à Philippe Auvergnon.
14
Le droit du travail dans les colonies du XIXe siècle aux années 1960
De la répression à la protection :
l’encadrement juridique du travail
dépendant à la Martinique, la
Guadeloupe et la Guyane
Philippe Auvergnon,
Directeur de recherche au CNRS
En réalité, l’abolition de l’esclavage ouvre pour La question prend rapidement une dimension
la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane une internationale. Les britanniques voient d’un très
période de « travail contraint », plus proche de mauvais œil se développer les « pratiques fran-
l’esclavage que du salariat, fondée sur les dispo- çaises » sur les côtes africaines. Du côté français
sitions du décret de 1852, durcies par les arrê- on souhaite, afin de diversification de la res-
tés locaux d’application. Les relations de travail source, pouvoir organiser une immigration à par-
vont ainsi d’abord faire l’objet d’un encadrement tir de contrées contrôlées par les britanniques,
juridique marqué par une logique de répression essentiellement une immigration indienne. Sous
avant qu’au tout début du XXème siècle ne s’affirme réserve de mettre un terme aux pratiques (fran-
une logique de protection. çaises) de rachat, une convention franco-anglaise
du 1er juillet 1861 va permettre l’immigration
I. La logique de la contrainte à l’œuvre indienne, notamment en direction des Antilles et
de la Guyane. Une clause de la convention prévoit
Deux questions émergent, l’une très pratique toutefois la possibilité de suspendre ou d’inter-
concerne la disposition d’une main-d’œuvre, rompre la livraison d’Indiens. Des suspensions
l’autre plus théorique, est relative au type de droit vont effectivement se produire jusqu’à ce que les
à appliquer aux colonies. britanniques décident, aux motifs de mauvais trai-
tements, de l’arrêt de l’immigration indienne en
1) La question centrale de la disposition d’une 1876 pour la Guyane, en 1889 pour la Guadeloupe
main-d’œuvre et la Martinique.
Les responsables de la Chambre de commerce Par ailleurs, on tente à nouveau à l’époque d’atti-
de Bordeaux écrivent en 1852 au ministre de la rer des travailleurs de France ou d’Europe. On re-
Marine et des Colonies pour témoigner de l’inquié- cherche plus précisément de leur part un apport
tude des milieux économiques. Ils revendiquent de compétences, les ouvriers européens étant
d’abord un « système d’immigration » qui assure appelés à
aux propriétaires coloniaux la main-d’œuvre « perfectionner les Noirs », notamment dans
indispensable à l’exploitation de leurs habita- l’agriculture. Toutefois, outre que le souvenir de
tions et qui les préserve de « l’inconstance des l’opération des « 36 mois » de Colbert ne pro-
nouveaux affranchis » ou de leurs « prétentions voque pas l’enthousiasme des foules, ces travail-
exagérées ». Ils souhaitent ensuite un « régime leurs blancs vont éprouver quelques difficultés à
pour les ateliers disciplinaires » qui parent à la « supporter la fatigue du travail de la terre des
suppression de « l’ancienne discipline ». Enfin, ils Antilles » et connaître un taux de mortalité élevé.
en appellent à des dispositions réglementaires
pour « réprimer le vagabondage », celui-ci ten- Enfin, sur la question de la main-d’œuvre et du
dant selon eux à devenir « le fléau du nos colo- recours à l’immigration, la Guyane doit être dis-
nies ». Il apparaît donc urgent pour les « milieux tinguée. Elle n’a pas connu des « habitations »
économiques concernés » d’une part de recourir comportant un grand nombre d’esclaves mais
à l’immigration, d’autre part de maîtriser et de des habitations disposant au plus d’une dizaine
remettre les anciens esclaves ou « travailleurs d’entre eux travaillant avec le maître. C’est au-
autochtones » au travail. tant, si non plus, le manque de population que le
manque de bras qui est posé. A la différence de
1.1 Le recours à des travailleurs émigrants la Guadeloupe et de la Martinique, le territoire
est regardé comme un espace de peuplement. La
La question du recours à la main-d’œuvre étran- main-d’œuvre pénale est privilégiée. L’ouverture
La question (du gère va faire l’objet de discussions importantes des bagnes vise à envoyer des délinquants loin de
singulièrement quant à l’engagement d’Africains. métropole, mais également à peupler la Guyane.
recours à des De 1854 à 1856, sont en effet rachetés ou engagés Dès 1852 un décret prévoit les conditions dans
travailleurs des travailleurs africains libres, rejoints à partir lesquelles pourront s’exercer les travaux forcés
émigrants) prend de 1856 par des Africains captifs rachetés. Un en consacrant la règle du « doublage » : à l’issue
rapidement contrat d’engagement leur est proposé (souvent de la peine, il est obligatoire de rester en Guyane
une dimension d’une dizaine d’années), lequel prévoit un « droit un temps équivalent à celui de l’incarcération. Si
internationale. au retour » sous réserve de l’acquittement du prix ce temps est supérieur à huit ans, on reste défi-
du rachat de sa propre personne… nitivement.
16
Le droit du travail dans les colonies du XIXe siècle aux années 1960
1.2 La maîtrise des travailleurs autochtones tiellement le décret du 13 février 1852 et des
arrêtés locaux, « ne sont plus en rapport avec les En 1872, une
Le peu d’enthousiasme des anciens esclaves à se mœurs actuelles et les modifications successive- commission
maintenir au travail dans le cadre des « habita- ment apportées aux institutions ». La première du régime du
tions » constitue un problème économique et so- question abordée est la suivante : « Une législa- travail dans les
cial pour les propriétaires et les pouvoirs publics. tion spéciale du travail est-elle nécessaire aux
Ces derniers tentent d’y répondre, notamment, colonies ? ». Quelques membres de la Commis-
colonies est
en instaurant des « ateliers de discipline » et en sion, dont Victor Schœlcher, répondent alors par instaurée.
organisant une répression du « vagabondage » la négative et prônent « le bénéfice du droit com-
spécifique aux espaces coloniaux. mun de la métropole ». La synthèse des travaux
témoigne de la vigueur des discussions et des ar-
Les ateliers de discipline, prévus dès 1848, guments avancés. On fait valoir, notamment, que
concernent des personnes condamnées pour va- l’existence d’un régime spécial, atteignant « une
gabondage ou mendicité. Elles sont « retenues » classe de la population », est « en contradiction
durant trois à six mois pour travailler au profit de avec la législation actuelle, qui a fait de tous les
l’Etat ou des travaux publics. Les « retours d’expé- habitants de nos colonies des citoyens jouissant
rience » en la matière des Gouverneurs varient de tous leurs droits civils et politiques. Nulle rai-
fortement quant au fonctionnement de l’expé- son juridique ne saurait permettre d’imposer au
rience entre Guyane et Antilles dans lesquelles le travailleur créole des obligations auxquelles la loi
développement des ateliers disciplinaires appa- n’a pas astreint l’ouvrier européen (…) ». Dans le
raît plus limité. En pratique, notamment à la Mar- même sens, on repousse « Les objections, tirées
tinique, l’engagiste pouvait se porter caution de d’un climat qui énerve les forces et pousse à la
l’amende encourue par son engagé et les « det- paresse, d’un sol qui procure, sans labeur, les
tiers » avait « la faculté de faire leurs journées sur choses essentielles aux premiers besoins de la
les habitations ». Ceci conduit à n’avoir dans les vie, n’ont pas toute la valeur qu’on leur attribue ».
ateliers disciplinaires que des « vagabonds » sans On relève que « La petite propriété a pris notam-
lien de travail régulier avec une « habitation ». ment à la Martinique et à la Guadeloupe, un déve-
loppement important qui témoigne, au contraire,
A propos du « vagabondage », il faut ici relever en faveur de l’énergie de la population noire ». On
que s’il en figure une définition à l’article 270 du tient à souligner que « dût-on admettre chez le
Code pénal de l’époque, une autre définition va en noir une infériorité native, la contrainte exercée
être donnée pour les « vieilles colonies » par le contre lui ne peut que lui rendre le travail plus pé-
décret du 13 février 1852. Celui-ci n’intègre pas nible. En effet, il ne saurait manquer de voir dans
le critère (métropolitain) d’absence de domicile les engagements forcés un reste des pratiques
certain. Il place au cœur de la réglementation - et de l’esclavage, et il est naturel qu’il y répugne.
de la répression - du vagabondage aux colonies, L’exercice de la liberté ne peut, au contraire, que
l’absence de travail : « Les vagabonds ou gens le relever à ses propres yeux ». Les partisans
sans aveu sont ceux qui, n’ayant pas de moyens (minoritaires) de l’application du droit commun
de subsistance, et n’exerçant habituellement ni note enfin très pragmatiquement que « rendue en
métier, ni profession, ne justifient pas d’un tra- vue de favoriser la grande culture, cette législa-
vail habituel par un engagement d’une année au tion (le décret de 1852) a eu un résultat diamétra-
moins ou par leur livret ». On note, au passage, lement opposé. En faisant au travailleur engagé
que l’institution (métropolitaine) du livret ouvrier une situation détestable, elle lui a inspiré le désir
est alors « exportée » dans des colonies qui ne le d’en sortir, et c’est ainsi que beaucoup d’affran-
connaissaient pas, dès lors que ce dernier n’avait chis sont devenus petit propriétaires ; de là, cette
pas de raison d’être dans une société esclavagiste conclusion qu’un régime spécial du travail n’est
caractérisée par « l’attachement à l’habitation ». pas nécessaire pour les colonies »
2) L’interrogation sur le type de droit appli- La majorité de la Commission n’est pas d’un tel
cable aux colonies avis : « Tout en admettant qu’en principe le droit
commun, en cette matière, doit être appliquée aux
En 1872, une « Commission du régime du travail colonies, elle a jugé que c’était là un objectif vers
dans les colonies » est instaurée. On estime alors lequel il convenait de tendre le plus possible, mais
que les dispositions encadrant le travail, essen- qu’on ne pouvait atteindre, sans passer par une
17
Le droit du travail dans les colonies du XIXe siècle aux années 1960
ner lieu à une accélération du processus d’exten- adressé aux Gouverneurs, est structuré autour
sion et conduire à une quasi identité formelle des de chapitres concernant aussi bien l’état de la
droits entre métropole, Antilles et Guyane. législation sociale applicable à la colonie, l’organi-
sation du travail et les conditions d’existence des
2) Une progression de l’identité formelle des travailleurs, les catégories de travailleurs, l’ins-
droits entre métropole, Antilles et Guyane pection du travail, l’émigration et l’immigration,
les moyens mécaniques d’exploitation, etc.
Un volontarisme du pouvoir central, certes à in-
tensité variable, va se manifester dans le sens de Il existe certainement une ambition « républi-
la diffusion du droit métropolitain du travail aux caine » d’apport de la civilisation et du progrès…
Antilles et en Guyane des années 1920 aux années Toutefois, peu d’éléments collectés aux Archives
1940. Une quasi identité de droits peut apparaître nationales d’outre-mer, permettent d’identifier les
réalisée après 1936, avant même la départemen- ressorts de l’évidente volonté du pouvoir central
talisation décidée en 1946. de connaître les réalités locales. Il en va de même
du fait de savoir dans quelle mesure sa « propo-
2.1 Un volontarisme du pouvoir central sition d’extension de droits » entend répondre ou
est suscitée par des mouvements sociaux voire
Au regard de la documentation collectée aux Ar- politiques dans les colonies considérées. On note
chives nationale d’outre-mer, on observe un réel cependant en arrière-plan de diverses réponses
souhait du pouvoir central d’étendre la législation de Gouverneurs, notamment à propos de l’appli-
métropolitaine du travail à la Guadeloupe et en cation de la loi des 8 heures, l’existence de grèves.
Martinique, mais aussi maintenant à la Guyane, Divers documents attestent d’un développement
ainsi cette dernière par décret en 1924 se voit de la conflictualité sociale, à la Martinique et à
appliquer, sous certaines conditions, les livres I et la Guadeloupe, au tout début des années 1920,
II du Code du travail. qu’il s’agisse de grèves des dockers, des fonc-
tionnaires, des ouvriers de sucreries ou encore
L’action du ministère des Colonies témoigne de vo- de mouvements sociaux donnant lieu, y compris,
lontarisme mais aussi de réalisme. Il est demandé à pillages de magasins. Il en va de même, sur la
des informations voire des avis aux Gouverneurs lancée de 1936, dans ces deux « vieilles colonies ».
locaux. Parfois, au vu de ces derniers, on en reste
là ainsi, dans les années 20, en matière d’appren- 2.2 Le souffle de 1936 et l’effet de la départemen- La revendication (…)
tissage. D’autres fois, les demandes de réaction talisation prend des
du ministère à une hypothèse d’extension sont dimensions
associées très vite à celles de projets d’arrêtés Les orientations du Front populaire en matière de politiques et a
locaux d’application. Elles aboutissent alors de fa- politique coloniale comme les réformes sociales des incidences
çon variable parfois entre les territoires concer- intervenues alors vont avoir un effet accéléra-
institutionnelles.
nés ; ainsi, la loi de 1898 sur les accidents du tra- teur sur l’extension du droit métropolitain du
vail est étendue en 1925 par deux décrets d’une travail à la Guadeloupe, la Martinique ainsi qu’en
part à la Guadeloupe et à la Martinique, d’autre Guyane. Ces colonies se voient appliquées les dis-
part à la Guyane. Des arrêtés locaux d’application positions des lois sociales de 1936 relatives à la
interviendront effectivement en Martinique en « convention collective de travail » au « congé
1926, en Guadeloupe en 1927. La Guyane attendra annuel payé », à la « semaine de quarante heures
un arrêté local jusqu’en 1937. dans les établissements industriels et commer-
ciaux ». Les arrêtés locaux d’application inter-
Lorsque l’extension intervient, elle semble souvent viennent dès 1937 dans les Antilles mais éga-
formelle. Ceci n’interdit pas – ou explique – que le lement en Guyane. Cette dernière, à la fin des
pouvoir central se montre, dans la période, singu- années 30, se rapproche très sensiblement, du
lièrement à la recherche d’informations sur les point de vue du droit du travail applicable, de la
réalités économiques et sociales ainsi que sur les situation de la Guadeloupe et de la Martinique.
pratiques administratives et l’effectivité de l’appli- L’inspection du travail qui était jugée « sans
cation des textes dans chacun des territoires. Cela objet » par le Gouverneur de la Guyane en 1928,
s’exprime, notamment, dans la grande « enquête y tient dorénavant une place dans les relations
sur la main-d’œuvre aux colonies », lancée par le professionnelles, même si elle semble avant tout
ministère des Colonies en 1926 ; le questionnaire, mobilisée par la question de la main-d’œuvre.
19
Le droit du travail dans les colonies du XIXe siècle aux années 1960
Au moment où éclate la Seconde Guerre mondiale, tensions sociales se développent alors au point de
une quasi identité formelle des droits apparaît faire penser à une situation quasi insurrection-
réalisée entre métropole, Antilles et Guyane fran- nelle. Ces conflits s’inscrivent sans doute dans le
çaises. On remarquera toutefois que sur les dix- contexte général d’interrogation sur l’avenir de
sept conventions internationales du travail rati- « l’empire colonial français », mais aussi dans
fiées par la France, seulement cinq d’entre elles la tradition de violence qui marque depuis long-
« intègrent » la Guadeloupe et la Martinique, une temps les « relations professionnelles » dans les
seule la Guyane. Il s’agit des conventions OIT n°4 Antilles.
sur le travail de nuit, n° 6 sur le travail de nuit des
enfants dans l’industrie, n°13 sur la céruse, n° 11 En 1946, la loi classant « départements fran-
sur droit d’association des travailleurs agricoles çais » Guadeloupe, Martinique et Guyane, prévoit
et n° 29 sur l’interdiction du travail forcé. Les que « les lois et règlements en vigueur dans la
quatre premières sont alors applicables en Gua- métropole qui ne sont pas encore appliqués dans
deloupe et Martinique, la dernière à l’ensemble ces colonies feront, avant le 1er janvier 1947,
des « territoires français ». Elle interdit donc éga- l’objet de décrets d’application aux nouveaux
lement le travail forcé en Guyane… Mais pas celui départements » et que « les territoires en ques-
de la main-d’œuvre pénale! tion bénéficieront désormais de la législation
métropolitaine ». Cette loi marque à la fois
La fin de la Seconde Guerre mondiale est mar- l’aboutissement d’un processus et le début d’un
quée aux Antilles par une succession de conflits combat, celui de l’égalité réelle des droits des
sociaux. La revendication est généralement sala- travailleurs de Guadeloupe, Martinique et Guyane
riale mais très vite prend des dimensions poli- avec ceux de métropole. Mais ceci est une autre
tiques et a des incidences institutionnelles. Les histoire…
Bernard Laurençon
Président de séance
Merci Philippe Auvergnon pour ce brillant exposé qui nous a fait entrer de façon très imagée dans le vif
du sujet. Votre exposé a été très instructif. Je donne à présent la parole à Farid Lekéal qui présente les
événements qui se sont déroulés au Maghreb.
20
Le droit du travail dans les colonies du XIXe siècle aux années 1960
... Transposer la législation ouvrière métropolitaine au Maghreb : un aperçu des difficultés rencontrées
III. Une expérience inédite, l’Algérie. La question remonte aux origines de l’occupation
française. En effet, si l’ordonnance du 22 juillet
Je souhaiterais à présent focaliser la question 1834 dispose que les possessions françaises dans
sur l’Algérie, où la question de la transposition de le nord de l’Afrique sont régies par la législation
la législation ouvrière française fait l’objet d’un vif métropolitaine, la jurisprudence algérienne va
débat entre 1895 et 1921. opérer une distinction entre les lois antérieures
à l’ordonnance du 22 juillet 1834, qui sont appli-
S’agissant de l’origine du questionnement, elle cables de plein droit, (même si la jurisprudence La transposition
peut être située en 1895, date à laquelle est offi- va introduire certaines conditions) et celles pos- de la législation
ciellement posée la question de savoir si la loi du térieures à cette date qui ne le sont pas. S’agis- ouvrière
2 novembre 1892 relative au travail des femmes et sant des lois ouvrières, certaines d’entre elles
métropolitaine
des enfants peut être appliquée et, le cas échéant, contiennent un article final les déclarant appli-
avec quels tempéraments. Le gouverneur général cables à l’Algérie d’une manière générale. Tel est s’avère lente,
Paul Cambon s’y refuse alors en faisant valoir la le cas de la loi Waldeck-Rousseau de 1884 dont partielle et
diversité ethnique du pays, son climat, ainsi que l’article 10 précise. : « La présente loi est appli- difficile.
la situation particulière de son industrie. cable à l’Algérie ». D’autres lois ne sont reconnues
applicables que sous certaines réserves. Ainsi
En réalité, la question de la transposition de la par exemple, la loi de 1898 dispose qu’un règle-
législation ouvrière métropolitaine resurgit dans ment d’administration publique «déterminera les
le débat public algérien dans les mois qui suivent conditions dans lesquelles la présente loi pourra
l’adoption de la loi du 9 avril 1898 relative à la res- être appliquée à l’Algérie et aux colonies ».
ponsabilité des accidents dont les ouvriers sont Dans ces conditions, l’application de la législation
victimes dans leur travail. On observe qu’à partir ouvrière métropolitaine se heurte à deux difficul-
de ce moment les publications officielles émanant tés. Dans la mesure où le développement de la
du Gouvernement général s’ouvrent à ces ques- législation ouvrière est postérieur à l’ordonnance
tions dans une perspective toutefois radicale- du 22 juillet 1834, ses dispositions ne peuvent être
ment opposée à celle de la métropole. Alors qu’en reconnues applicables de plein droit.
métropole, la question du droit social est essen-
tiellement pensée en termes de correction des Par ailleurs, avant 1902, le gouverneur général
inégalités nées de la relation contractuelle entre ne dispose en cette matière d’aucun pouvoir
les ouvriers et ceux qui les emploient, il en va dif- spécifique pour fixer d’éventuelles prescriptions
féremment en Algérie. Il s’agit ici d’œuvrer, dans particulières au territoire. Les autorités civiles
le contexte particulier de cette loi — au nom de de l’Algérie sont donc pendant longtemps dépour-
la lutte contre la concurrence —, au maintien des vues des outils juridiques nécessaires à une
inégalités juridiques entre la main-d’œuvre fran- quelconque intervention dans le domaine de la
çaise et la main-d’œuvre étrangère ou indigène. législation du travail. De là découle une certaine
Cette question de la transposition de la législation confusion car les contemporains ne s’accordent
ouvrière métropolitaine commence ainsi à susci- ni sur la date d’édiction du premier texte régle-
ter l’intérêt de certaines revues juridiques spécia- mentant le travail en Algérie, ni sur l’ampleur du
lisées. C’est ainsi qu’en 1902, la Revue Algérienne mouvement de transposition, ni sur les objectifs
et tunisienne de législation et de jurisprudence poursuivis par ce processus.
(La revue juridique de la faculté de droit d’Alger)
consacre une première rubrique spécifique au Quelques exemples :
travail et reproduit les dispositions du décret du - En 1904, dans la première rubrique consacrée
21 mars 1902 qui rend partiellement applicable à aux lois ouvrières, l’Exposé de la situation géné-
l’Algérie certaines dispositions réglementant les rale de l’Algérie daté de 1898 le « premier texte
conditions de travail en matière d’hygiène et de spécial à la colonie en matière de réglementation
sécurité. du travail ». Il s’agirait, selon cette source issue
du Gouvernement général, des instructions du
A partir de cette époque, la transposition de la gouverneur général Laferrière du 5 octobre 1898
législation ouvrière métropolitaine s’avère lente, destinées à protéger la main-d’œuvre nationale
partielle et difficile. Cette transposition apparait, contre la concurrence étrangère.
dans un premier temps, impossible. - De l’avis unanime, en revanche, le premier texte
d’ensemble en la matière serait le décret du 21
23
Le droit du travail dans les colonies du XIXe siècle aux années 1960
... Transposer la législation ouvrière métropolitaine au Maghreb : un aperçu des difficultés rencontrées
mars 1902 qui opère une transposition partielle tés des accidents dont les ouvriers sont victimes
en Algérie d’un certain nombre de dispositions dans leur travail. Ce texte simplifie les procédures
relatives aux conditions de travail en matière de réparation des accidents du travail en dis-
d’hygiène et de sécurité. pensant les ouvriers d’avoir à établir devant les
La loi relative - Enfin, en 1922, la première publication consa- tribunaux la faute commise par leur patron, ce
aux accidents crée à ce sujet par les services du Gouvernement qui était long, hasardeux, et coûteux. La loi pose
du travail a général sous le titre Les Lois ouvrières et les Ins- le principe de la responsabilité patronale fondée
constitué une titutions sociales en Algérie expose que, « c’est de sur l’idée de risque professionnel. L’employeur qui
1909 que date réellement l’application à l’Algérie en assume la responsabilité - car ce risque est
véritable pierre
des lois sociales ». désormais présumé inhérent à sa fonction - a une
d’achoppement obligation automatique de réparation. Le principe
ans le processus 3.1 Pourquoi cette date ? retenu est celui de la réparation forfaitaire mais
d’adaptation pas intégrale.
à l’Algérie de Et bien parce que précisément un décret du 5 jan-
la législation vier 1909 : En métropole, à l’occasion des discussions enga-
- rend applicable, sous certaines conditions, gées devant le Sénat en mars 1898, la question
ouvrière
quinze textes d’origine diverse édictés en métro- de l’application éventuelle à l’Algérie est posée et
métropolitaine. pole entre le 9 septembre 1848 et le 15 décembre suscite de fortes réserves. Arguant de la propor-
1908. tion élevée d’indigènes employés dans le secteur
- prévoit la création d’un corps d’inspecteurs du industriel, le rapporteur fait valoir les difficultés
travail. qui pourraient naître de l’application des disposi-
- dispose que le gouverneur général est investi tions relatives au régime indemnitaire. Le statut
des attributions dévolues en métropole au mi- personnel des musulmans algériens, qui tolère
nistre du travail. Il est donc habilité à fixer des la polygamie, permet en effet d’agiter le spectre
prescriptions spéciales en matière de durée du du surcoût financier lié aux rentes susceptibles
travail des femmes et des enfants ainsi qu’en ma- d’être versées aux veuves d’ouvriers qui auraient
tière d’hygiène et de sécurité. plusieurs épouses. Le Sénat adopte alors une dis-
position prévoyant qu’un « règlement d’adminis-
3.2 Dans ces conditions, quel bilan peut-on tration publique déterminera les conditions dans
dresser ? lesquelles la présente loi pourra être appliquée
à l’Algérie et aux colonies ». La question est donc
De fait, ce décret constitue un texte essentiel, renvoyée à l’étude. Tels sont, pour l’essentiel, les
mais, là encore, de profondes divergences sub- termes du débat en métropole.
sistent sur sa portée. Ainsi, certains juristes, à
l’instar de Georges Rectenwald, en 1910, consi- Dans les départements algériens, des récrimi-
dèrent que « l’assimilation de la législation nations du même genre, d’ordre économique et
ouvrière à la métropolitaine était un fait quasi- financier se font entendre dans les débats. Dès
accompli avant le 5 janvier 1909 ». Au contraire, 1899, des protestations s’élèvent contre l’applica-
pendant de longues années, les débats au sein tion de la « loi draconienne » sur les accidents du
des Délégations financières algériennes font état travail. L’argument avancé est celui de l’inégalité
d’un très vif sentiment d’insatisfaction de la part de traitement entre nationaux et étrangers en
de ceux qui déplorent le statut dérogatoire des matière de réparation des dommages causés par
départements d’Algérie dans ce domaine. les accidents du travail car la loi de 1898 organise
un régime spécifique pour les ouvriers étrangers.
Il est vrai que si, depuis 1909, le gouverneur Leur éligibilité aux mécanismes de réparation est
général dispose des outils juridiques qui lui per- en effet plus restrictive. Ainsi, lorsqu’ils cessent
mettent de transposer la législation métropoli- de résider sur le territoire français, ils ne peuvent
taine en l’adaptant par des prescriptions spé- plus prétendre qu’à une indemnité réduite. Par
ciales, il n’en demeure pas moins que subsistent ailleurs, en cas de décès, les ayants droit résidant
un certain nombre d’obstacles à la transposition. hors de France n’ont aucun droit à indemnité.
L’une des principales difficultés tient à la longueur La crainte exprimée en Algérie est donc que les
et à la crispation du débat né de la perspective de employeurs, pour des raisons de coût financier et
l’application dans les départements algériens de notamment de frais d’assurance, ne soient tentés
la loi du 9 avril 1898 concernant les responsabili- de recruter prioritairement des ouvriers céliba-
24
Le droit du travail dans les colonies du XIXe siècle aux années 1960
taires étrangers dont les élus d’Algérie dénon- La première tient aux craintes du surcoût budgé-
cent, au même moment, l’afflux. taire qui pourrait résulter de la mise en œuvre
de ces lois. En 1907, le commissaire du gouverne-
Cela dit, malgré ces réticences, l’administration ment Mallet fait valoir à cet effet la nécessité de
algérienne poursuit l’étude des conditions éven- créer des impôts nouveaux pour financer le trai-
tuelles d’application de la loi du 9 avril 1898. Après tement des fonctionnaires chargés de veiller à
plusieurs années de débat, un régime spécifique l’application de la réglementation. Est également
est adopté pour les étrangers et les indigènes évoqué le coût de l’assistance judiciaire aux indi-
en vue de répondre à ces objections. Ce projet gènes victimes d’accident de travail.
n’aboutit qu’avec la loi du 25 septembre1919 ren-
due applicable au 1er janvier 1921. La seconde difficulté exprimée résulte de l’ab-
sence de statistique industrielle fiable qui s’avère
De ce point de vue, la loi relative aux accidents du indispensable en matière de législation ouvrière.
travail a constitué une véritable pierre d’achop- L’enjeu est en effet de renseigner sur les diffé-
pement dans le processus d’adaptation à l’Algérie rents secteurs d’activité susceptibles d’entrer
de la législation ouvrière métropolitaine. dans le champ d’application de la réglementation
édictée, de nombreuses lois ouvrières n’étant
Cette loi est en effet celle dont la transposition est reconnues applicables qu’à certains secteurs
la plus lente, la plus complexe, et la plus vivement spécifiques de l’activité économique ou à certains
contestée. Elle est par ailleurs la seule loi à mo- types de travaux. Ce défaut d’outil statistique
biliser l’expertise d’une autorité reconnue, Jean fiable s’avère plus préoccupant lorsqu’à partir
Thomas, professeur à l’école de droit d’Alger, de 1909 sont organisés les services algériens de
membre du comité de rédaction de la Revue algé- l’inspection du travail.
rienne qui s’exprime dans ses pages en 1907. L’au-
teur défend le principe d’une application sélective Le troisième obstacle tient à la consécration d’un
à l’Algérie de la législation sociale. Or, cette thèse particularisme du territoire algérien, notamment
va prévaloir pendant de longues années et struc- en matière de définition des missions dévolues
turer le débat public algérien sur les critères de aux inspecteurs du travail. Une telle position
transposition à l’Algérie de la législation sociale est affirmée très tôt, notamment par le gouver-
métropolitaine. Pour l’essentiel, Jean Thomas pro- neur général Jonnart qui, dès 1909, lorsque les
pose deux conditions alternatives d’application à premiers inspecteurs du travail sont désignés,
l’industrie algérienne des dispositions de la légis- expose qu’il faut plutôt développer en Algérie le
lation ouvrière métropolitaine : l’adéquation au registre de la prévention et de la pédagogie que
milieu, c’est-à-dire en réalité à une main-d’œuvre celui de la répression. On observe du reste que
musulmane réputée pour sa « maladresse », sa la constatation même des infractions se heurte à
« gaucherie », son « insouciance », son « fatalis- des difficultés spécifiques nées de l’impossibilité
me » et sa « paresse », ou la possibilité de déro- matérielle de connaître la date de naissance des
ger au droit commun aux dépens de cette der- enfants indigènes, du défaut de déclaration des
nière. Le rédacteur de la Revue algérienne et accidents du travail, ou de la défiance exprimée
Les inspecteurs
tunisienne de législation et de jurisprudence peut par un certain nombre d’élus qui appellent ouver-
ainsi procéder à un véritable retournement de tement à plus de souplesse dans l’application de sont peu
l’argument égalitaire inscrit dans la logique de la législation ouvrière algérienne. nombreux et,
la loi du 9 avril 1898 pour récuser le principe de pour certains
son extension, soulignant ainsi, je cite, « l’aber- En outre, les inspecteurs sont peu nombreux et, d’entre eux, sont
ration à laquelle conduit le principe de l’égalité pour certains d’entre eux, rapidement mis en rapidement mis
de traitement ». «On n’assimile pas, remarque- cause, à l’instar d’une inspectrice dont la dili-
en cause.
t-il, deux situations différentes sans créer entre gence suscitera de vives critiques, relayées par la
elles un nouvelle inégalité…On ne peut assurer presse patronale, au motif qu’elle a publié un rap-
en Algérie l’application de la loi qu’à la condition port en 1911 qui fait état du fait que les femmes
d’en méconnaître l’esprit, le caractère d’équité ». indigènes perçoivent « des salaires souvent mi-
nimes, au point d’être odieusement ridicules ».
Cela dit, d’autres obstacles freinent la transposi-
tion de la législation métropolitaine. Pour conclure rapidement sur l’Algérie, j’avance-
rai deux remarques.
25
Le droit du travail dans les colonies du XIXe siècle aux années 1960
... Transposer la législation ouvrière métropolitaine au Maghreb : un aperçu des difficultés rencontrées
La question de l’adaptation au milieu, soulevée par pection du travail. C’est donc à cette époque qu’est
les opposants à la transposition intégrale de la lé- inaugurée la transposition partielle d’un certain
gislation ouvrière métropolitaine, va permettre de nombre de textes d’origine métropolitaine. Néan-
retourner la logique égalitaire républicaine, qui moins, selon le diagnostic porté par Dominique
avait prévalu jusqu’alors en la matière, au profit Bonz dans son rapport territorial, cette transpo-
des employeurs. La loi du 9 avril 1898, en raison sition reste très limitée au moins jusqu’en 1934.
de ses implications financières, focalise toutes les
résistances et va constituer une véritable entrave S’agissant de la Tunisie, le processus de transpo-
à la poursuite du processus de transposition. sition débute plus rapidement comme l’indique
Faute de temps pour aborder la question de la Tu- le rapport établi par Bruno Dubois et Sandra Loi-
nisie et du Maroc qui vont faire l’objet de rapports seau. Elle est inaugurée dès les premières années
territoriaux spécifiques dans le cadre du projet du protectorat par la création de Bureaux de pla-
dirigé par Jean-Pierre Le Crom, je me bornerai cement (décret beylical du 30 juin 1904), l’institu-
aux observations succinctes suivantes. tion d’un Office du travail (décret beylical du 30
septembre 1907) et l’implantation de l’inspection
Pour les protectorats, les questions ne se posent du travail (décret beylical du 15 juin 1910). On peut
pas dans les mêmes termes qu’en Algérie. Ces penser, là encore, que les institutions représen-
pays étant censés conserver leur souveraineté tatives, en particulier la Conférence consultative,
interne rien n’impose, en principe, la transposi- composée de représentants élus de la colonie
tion de la législation sociale métropolitaine. La française et qui siègera à partir de 1891, ont joué
vraie question posée est celle de son application un rôle essentiel dans ce processus. La commu-
éventuelle au bénéfice de la population euro- nauté italienne, de la même façon, se montre par-
péenne qui ne tarde pas à en réclamer la mise en ticulièrement active pour réclamer l’application
œuvre d’autant que sont mis en place, en Tunisie en Tunisie des lois ouvrières françaises. C’est
comme au Maroc, des institutions de représenta- ainsi par exemple qu’en 1907, le consul général
tion. Au Maroc, le dahir du 13 juillet 1926 crée un d’Italie menace, en période de grands travaux,
Comité consultatif du travail chargé d’étudier les de mettre un terme à l’immigration italienne si
questions et projets intéressant les employeurs. la législation du protectorat n’accordait pas une
Ce comité compte parmi ses membres 4 patrons protection efficace aux travailleurs. Les enjeux
et 4 ouvriers nommés par le résident général. Ce sont donc ici d’une autre nature.
dahir crée, dans le même temps, un service d’ins-
Bernard Laurençon
Président de séance
Merci pour ces brillants exposés qui nous montrent la diversité de l’application du droit métropolitain
en fonction des différents territoires assujettis .
A présent, je vous propose de procéder à un jeu de questions-réponses durant une vingtaine de
minutes. Je vous invite à dire votre nom, car il est procédé à un enregistrement des débats pour
La communauté permettre d’élaborer le Cahier qui relatera l’ensemble de cette conférence. Les trois intervenants se
italienne (…) tiennent à votre disposition pour répondre à vos questions.
se montre
particulièrement
active pour
réclamer
l’application
en Tunisie des
lois ouvrières
françaises.
26
Le droit du travail dans les colonies du XIXe siècle aux années 1960
Des discours plus fins sont tenus, notamment travail. L’argument avancé est ainsi celui d’une
chez certains missionnaires, qui font de inaptitude congénitale au travail. Une demande
l’anthropologie. Par exemple, au Cameroun, locale d’application est néanmoins formulée,
Sœur Marie-Andrée du Sacré-Cœur a écrit des en particulier de la part de la communauté
choses très intéressantes, notamment sur la européenne, qui n’est pas négligeable.
situation des femmes dans ce pays.
J’emploie ainsi le terme « d’ambivalence »
pour qualifier l’attitude de l’Administration. Ibrahima Abou Sall
Les discours qui sont tenus, qui se veulent Je suis historien. J’ai travaillé sur le bassin
rassurants, sont bien sûr un vernis : le droit du fleuve Sénégal au XIXe siècle et durant la
du travail ne s’applique pas vraiment, en tout première moitié du XXe siècle.
cas, jusqu’à la seconde Guerre mondiale. Je voudrais faire une mise au point à l’at-
tention de Monsieur Lekéal.
Tout d’abord, le Maghreb n’est pas une terre
Philippe Auvergnon d’Islam. L’Islam a envahi l’Afrique du Nord
Ce que vous soulignez, au moins pour les en 640.
sociétés ayant connu l’esclavage, est la D’autres communautés religieuses y sont
question de la liberté du travail, laquelle est présentes.
véritablement en cause. Elle fait l’objet d’une Ensuite, l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et
méfiance ; il n’est pas souhaité que les esclaves l’Egypte sont des pays africains. Opérer des
y accèdent. distinctions relèverait de l’idéologie.
L’abolition de l’esclavage conduira à la Enfin, l’esclavage n’a jamais été aboli en
disparition d’une main-d’œuvre captive. Mauritanie jusqu’en 1960.
L’objectif est alors de déterminer les moyens
de les maintenir dans la relation de travail en
accédant soi-disant à la liberté du travail. Farid Lekéal
Au passage, je vous signale que jusqu’en 2006, Je suis tout à fait d’accord avec vous.
le code de 1952 survit (quasiment en l’état) à Cependant, vous n’avez peut-être pas tout à
Djibouti. fait compris mon propos. Je n’ai pas dit que
Votre question est importante. Elle fait écho le Maghreb était une terre d’Islam, mais qu’il
à des débats qui ont lieu aujourd’hui dans était regardé par les autorités comme une
certains milieux universitaires africains : ce terre d’Islam. Il est donc considéré ainsi par
qui vient avec la colonisation, c’est le salariat. ceux qui établissent l’autorité française.
Ensuite, il est évident que la dénomination
même de l’Afrique du Nord indique bien que le
Farid Lekéal Maghreb fait partie de l’Afrique. Je ne dis pas
Concernant le Maghreb, il est difficile de que le Maghreb est distinct de l’Afrique, mais
sonder les desseins des autorités. Quoi qu’il que du point de vue de l’application du droit du
en soit, une volonté d’application perce de travail, la question ne se pose pas du tout dans
la part des populations européennes. Je les mêmes termes.
crois que la volonté d’appliquer s’affirme,
pour répondre à la volonté des populations.
Par exemple, en Tunisie, nous savons que la
communauté italienne exerce une pression et
exige l’application immédiate du droit français.
Le consul d’Italie relaie lui-même de telles
demandes, au point qu’il menace de mettre un
terme à l’immigration italienne en Tunisie si
les lois françaises n’y sont pas appliquées.
Concernant les populations indigènes, la
demande d’un régime dérogatoire est formulée,
qui tiendrait à la spécificité de la main-
d’œuvre, laquelle aurait un rapport particulier
au travail, pour ne pas dire aucun rapport au
28
Le droit du travail dans les colonies du XIXe siècle aux années 1960
Allocution de clôture
Yasmina Taieb,
Cheffe du Pôle travail de la Direccte Ile-de-France
Néanmoins, toute une série d’arguments ont été développés pour expliquer et rendre
compte de la difficulté voire de l’impossibilité d’appliquer le droit du travail français
dans les colonies.
Le débat initié a été très intéressant ; en témoignent d’ailleurs les réactions de la salle.
Il semble que des personnes très érudites, des chercheurs, soient présents, ce dont je
me réjouis.
Je pense que chacun attendra avec impatience la publication de vos ouvrages
en 2017.
En outre, de nombreuses zones restent à éclaircir. Des recherches se poursuivent. Le
travail reste important.
Je vous remercie pour l’attention que vous avez accordée aux intervenants, à qui
j’adresse également ma reconnaissance et que j’espère nous reverrons, à un stade plus
avancé de leurs recherches.
29
Le droit du travail dans les colonies du XIXe siècle aux années 1960
Conclusion
Bernard Laurençon,
Président de séance
Je remercie Yasmina Taieb. Je précise que nous étions 130 inscrits à cette confé-
rence, et que vous êtes venus à presque une centaine, ce qui est une très bonne
fréquentation.
Je précise que vous recevrez tous le cahier reprenant l’intégralité des interven-
tions et des questions-réponses, lequel vous sera adressé d’ici la fin du premier
semestre 2016. Il paraîtra grâce à la Direccte et à l’AEHIT, que vous êtes invités à
soutenir, comme je l’indique dans la lettre que vous avez reçue de ma part.
Nous attendons tous la publication de l’ouvrage dirigé par Jean Pierre Le Crom,
et celle du cahier qui ne manquera pas d’être empreint de la sagacité, de la per-
tinence des interventions auxquelles nous venons d’assister.
30
Les conférences du Comité d’Histoire d’Île-de-France organisées avec le Chatefp et
l’Association pour l’étude de l’histoire de l’Inspection du Travail (AEHIT)
■ 2002 CaHier n° 6
L’inspection du travail au féminin, 1878-1974 14 octobre 2009
actes non publiés 2003 De la fatalité à la prévention : hygiène, sécurité et
santé au travail, plus d’un siècle d’évolution
■ 2003
Pierre Hamp, inspecteur du travail et écrivain CaHier n° 7
humaniste, 1876-1962 2 décembre 2010
Ouvrage collectif coordonné par Dominique Guyot et publié La rupture du contrat de travail :
chez L’Harmattan du contrôle du juge à son contournement ?
CaHier n° 1 CaHier n° 8
17 février 2005 15 novembre 2011
Les inspecteurs du travail : 1906, René Viviani, 1er ministre du travail et
voltigeurs, shérifs ou urgentistes, 1848-1990 de la prévoyance sociale : l’émergence du droit du
travail à la Belle Epoque
CaHier n° 2
30 novembre 2005 CaHier n° 9
Les précurseurs des inspecteurs du travail : le 22 novembre 2012
contrôle de la construction à Paris aux XVII et XVIIIe L’évolution de la durée du travail depuis 1841 à nos
siècles jours
Service communication de la Direccte Ile-de-France - Juin 2016 - Création graphique : E-Poissonrouge - Impression : Repronumérique
CaHier n° 3 CaHier n° 10
5 décembre 2006 18 novembre 2013
Centenaire du ministère du travail, 1906-2006 : Des accords Matignon aux lois Auroux, 50 ans de
travail et main d’oeuvre en Île-de-France dialogue social
CaHier n° 4 CaHier n° 11
29 novembre 2007 20 novembre 2014
Albert Thomas homme d’Etat, 1878 – 1932 : 1914-1918 : le droit du travail et les femmes à
d’une politique ouvrière en temps de guerre à la l’épreuve de l’économie de guerre.
naissance du BIT
CaHier n° 5
4 décembre 2008
Des accords de Grenelle à la section syndicale
d’entreprise : mai à décembre 1968, période clé de
l’histoire du mouvement social
AEHIT
Association pour l’Étude de l’Histoire
de l’Inspection du Travail groupe régional d’Île-de-France