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douzième série

sur le paradoxe

On ne se débarrasse pas des paradoxes en disant qu'ils


sont dignes de Lewis Carroll plus que des Principia
mathematica. Ce qui est bon pour Carroll est bon pour la
logique. On ne s'en débarrasse pas en disant que le barbier
du régiment n'existe pas, pas plus que l'ensemble anormal. Car
en revanche ils insistent dans le langage, et tout le
problème est de savoir si le langage lui-même pourrait
fonctionner sans faire insister de telles entités. On ne dira
pas non plus que les paradoxes donnent une fausse image de
la pensée, invraisemblable et inutilement compliquée. Il
faudrait être trop « simple » pour croire que la pensée est un
acte simple, clair à lui-même, qui ne met pas en jeu toutes les
puissances de l'inconscient, et du non-sens dans l'inconscient.
Les paradoxes ne sont des récréations que lorsqu'on les
considère comme des initiatives de la pensée ; non pas quand
on les considère comme « la Passion de la pensée »,
découvrant ce qui ne peut être que pensé, ce qui ne peut
être que parlé, qui est aussi bien l'ineffable et l'impensable,
Vide mental, Aiôn. On n'invoquera pas enfin le caractère
contradictoire des entités insufflées, on ne dira pas que le
barbier ne peut pas appartenir au régiment, etc. La force des
paradoxes réside en ceci, qu'ils ne sont pas contradictoires,
mais nous font assister à la genèse de la contradiction. Le
principe de contradiction s'applique au réel et au possible,
mais non pas à l'impossible dont il dérive, c'est-à-dire aux
paradoxes ou plutôt à ce que représentent les paradoxes.
Les paradoxes de signification sont essentiellement
l'ensemble anormal (qui se comprend comme élément ou qui
comprend des éléments de différents types) et l'élément
rebelle (qui fait partie d'un ensemble dont il présuppose
l'existence, et appartient aux deux sous-ensembles qu'il
détermine). Les paradoxes de sens sont essentiellement la
subdivision à l'infini (toujours passé-futur et jamais
présent) et
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SUR LE PARADOXE

la distribution nomade (se répartir dans un espace ouvert,


au lieu de répartir un espace fermé). Mais, de toute manière,
ils ont pour caractère d'aller en deux sens à la fois, et de
rendre impossible une identification, mettant l'accent tantôt
sur l'un, tantôt sur l'autre de ces effets : telle est la double
aventure d'Alice, le devenir-fou et le nom-perdu. C'est que
le paradoxe s'oppose à la doxa, aux deux aspects de la doxa,
bon sens et sens commun. Or le bon sens se dit d'une
direction : il est sens unique, il exprime l'exigence d'un
ordre d'après lequel il faut choisir une direction et s'en
tenir à elle. Cette direction est facilement déterminée comme
celle qui va du plus différencié au moins différencié, de la
part des choses à la part du feu. D'après elle on oriente la
flèche du temps, puisque le plus différencié apparaît néces-
sairement comme passé pour autant qu'il définit l'origine
d'un système individuel, et le moins différencié comme
futur et comme fin. Cet ordre du temps, du passé au futur,
est donc instauré par rapport au présent, c'est-à-dire par
rapport à une phase déterminée du temps choisie dans le
système individuel considéré. Le bon sens se donne ainsi la
condition sous laquelle il remplit sa fonction, qui est essen-
tiellement de prévoir : il est clair que la prévision serait
impossible dans l'autre direction, si l'on allait du moins
différencié au plus différencié, par exemple si des tempéra-
tures d'abord indiscernables allaient en se différenciant. C'est
pourquoi le bon sens a pu se retrouver si profondément
dans la thermodynamique. Mais à l'origine il se réclame de
plus hauts modèles. Le bon sens est essentiellement réparti-
teur ; sa formule est « d'une part et d'autre part », mais la
répartition qu'il opère se fait dans de telles conditions que
la différence est mise au début, prise dans un mouvement
dirigé qui est censé la combler, l'égaliser, l'annuler, la com-
penser. C'est bien ce que veut dire : de la part des choses
à la part du feu, ou de la part des mondes (systèmes indivi-
duels) à la part de Dieu. Une telle répartition impliquée
par le bon sens se définit précisément comme distribution
fixe ou sédentaire. L'essence du bon sens est de se donner
une singularité, pour l'étendre sur toute la ligne des points
ordinaires et réguliers qui en dépendent, mais qui la conju-
rent et la diluent. Le bon sens est tout à fait combustif et
digestif. Le bon sens est agricole, inséparable du problème
LOGIQUE DU SENS

agraire et de l'installation des enclos, inséparable d'une


opération des classes moyennes où les parts sont censées se
compenser, se régulariser. Machine à vapeur et élevage à
enclos, mais aussi propriétés et classes, sont les sources
vivantes du bon sens : non pas seulement comme faits
surgissant à telle époque, mais comme éternels archétypes ;
et non pas par simple métaphore, mais de manière à réunir
tous les sens des termes « propriétés » et « classes ». Les
caractères systématiques du bon sens sont donc : l'affirma-
tion d'une seule direction ; la détermination de cette direc-
tion comme allant du plus différencié au moins différencié,
du singulier au régulier, du remarquable à l'ordinaire ;
l'orientation de la flèche du temps, du passé au futur, d'après
cette détermination ; le rôle directeur du présent dans cette
orientation ; la fonction de prévision rendue possible ainsi ;
le type de distribution sédentaire, où tous les caractères
précédents se réunissent.
Le bon sens joue un rôle capital dans la détermination
de signification. Mais il n'en joue aucun dans la donation
de sens ; et cela parce que le bon sens vient toujours en
second, parce que la distribution sédentaire qu'il opère pré-
suppose une autre distribution, comme le problème des
enclos suppose un espace d'abord libre, ouvert, illimité,
flanc de colline ou coteau. Alors suffit-il de dire que le
paradoxe suit l'autre direction que celle du bon sens, et va
du moins différencié au plus différencié, par un caprice qui
serait seulement un amusement de l'esprit ? Pour reprendre
des exemples célèbres, il est certain que si la température
allait en se différenciant, ou si la viscosité se faisait accélé-
rante, on ne pourrait plus « prévoir ». Mais pourquoi ?
Non parce que les choses se passeraient dans l'autre sens.
L'autre sens, ce serait encore un sens unique. Or le bon sens
ne se contente pas de déterminer la direction particulière
du sens unique, il détermine d'abord le principe d'un sens
unique en général, quitte à montrer que ce principe, une fois
donné, nous force à choisir telle direction plutôt que l'autre.
Si bien que la puissance du paradoxe ne consiste pas du
tout à suivre l'autre direction, mais à montrer que le sens
prend toujours les deux sens à la fois, les deux directions
à la fois. Le contraire du bon sens n'est pas l'autre sens ;
l'autre sens, c'est seulement la récréation de l'esprit, son
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SUR LE PARADOXE

initiative amusante. Mais le paradoxe comme passion décou-


vre qu'on ne peut pas séparer deux directions, qu'on ne peut
pas instaurer un sens unique, ni un sens unique pour le
sérieux de la pensée, pour le travail, ni un sens inversé
pour les récréations et les jeux mineurs. Si la viscosité se
faisait accélérante, elle arracherait les mobiles au repos, mais
dans un sens imprévisible. Dans quel sens, dans quel sens ?
demande Alice. La question n'a pas de réponse, parce que
c'est le propre du sens de ne pas avoir de direction, de ne
pas avoir de « bon sens », mais toujours les deux à la fois,
dans un passé-futur infiniment subdivisé et allongé. Le phy-
sicien Boltzmann expliquait que la flèche du temps, allant
du passé au futur, ne valait que dans des mondes ou systèmes
individuels, et par rapport à un présent déterminé dans de
tels systèmes : « pour l'Univers entier, les deux directions
du temps sont donc impossibles à distinguer, de même que
dans l'espace, il n'y a ni dessus ni dessous » (c'est-à-dire
ni hauteur ni profondeur) 1. Nous retrouvons l'opposition
de PAiôn et du Chronos. Chronos, c'est le présent qui seul
existe, et qui fait du passé et du futur ses deux dimensions
dirigées, telles qu'on va toujours du passé au futur, mais
à mesure que les présents se succèdent dans les mondes ou
les systèmes partiels. Aiôn, c'est le passé-futur dans une
subdivision infinie du moment abstrait, qui ne cesse de se
décomposer dans les deux sens à la fois, esquivant à jamais
tout présent. Car aucun présent n'est assignable, dans l'Uni-
vers comme système de tous les systèmes ou ensemble
anormal. A la ligne orientée du présent, qui « régularise »
en un système individuel chaque point singulier qu'elle
reçoit, s'oppose la ligne de PAiôn, qui saute d'une singularité
pré-individuelle à une autre et les reprend toutes les unes
dans les autres, reprend tous les systèmes suivant les figures
de la distribution nomade où chaque événement est déjà
passé et encore futur, plus et moins à la fois, toujours veille
et lendemain dans la subdivision qui les fait communiquer
ensemble.
Dans le sens commun, « sens » ne se dit plus d'une direc-
tion, mais d'un organe. On le dit commun, parce que c'est

1. Boltzmann, Leçons sur la théorie des gn, a. ft. Gauthier-Villars éd.,


t. II, p. 253.

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LOGIQUE DU SENS

un organe, une fonction, une faculté d'identification, qui


rapporte une diversité quelconque à la forme du Même. Le
sens commun identifie, reconnaît, non moins que le bon
sens prévoit. Subjectivement, le sens commun subsume des
facultés diverses de l'âme, ou des organes différenciés du
corps, et les rapporte à une unité capable de dire Moi :
c'est un seul et même moi qui perçoit, imagine, se souvient,
sait, etc. ; et qui respire, qui dort, qui marche, qui mange...
Le langage ne semble pas possible hors d'un tel sujet qui
s'exprime ou se manifeste en lui, et qui dit ce qu'il fait.
Objectivement, le sens commun subsume la diversité don-
née et la rapporte à l'unité d'une forme particulière d'objet
ou d'une forme individualisée de monde : c'est le même
objet que je vois, que je flaire, que je goûte, que je touche,
le même que je perçois, que j'imagine et dont je me sou-
viens... et c'est dans le même monde que je respire, je mar-
che, je veille ou dors, allant d'un objet à l'autre suivant
les lois d'un système déterminé. Là encore le langage ne
semble pas possible hors de telles identités qu'il désigne.
On voit bien la complémentarité des deux forces du bon
sens et du sens commun. Le bon sens ne pourrait assigner
aucun début et aucune fin, aucune direction, il ne pourrait
distribuer aucune diversité, s'il ne se dépassait vers une
instance capable de rapporter ce divers à la forme d'identité
d'un sujet, à la forme de permanence d'un objet ou d'un
monde, qu'on suppose être présent du début jusqu'à la fin.
Inversement, cette forme d'identité dans le sens commun
resterait vide si elle ne se dépassait vers une instance capa-
ble de la déterminer par telle ou telle diversité commençant
ici, finissant là, et qu'on suppose durer tout le temps qu'il
faut à l'égalisation de ses parties. Il faut que la qualité soit
à la fois arrêtée et mesurée, attribuée et identifiée. C'est dans
cette complémentarité du bon sens et du sens commun que
se noue l'alliance du moi, du monde et de Dieu — Dieu
comme issue dernière des directions et principe suprême des
identités. Aussi bien le paradoxe est-il le renversement simul-
tané du bon sens et du sens commun : il apparaît d'une part
comme les deux sens à la fois du devenir-fou, imprévisible ;
d'autre part comme le non-sens de l'identité perdue, irré-
cogniscible. Alice est celle qui va toujours dans les deux
sens à la fois : le pays des merveilles (Wonderland) est à
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SUR LE PARADOXE

double direction toujours subdivisée. Elle est aussi celle qui


perd l'identité, la sienne, celle des choses et celle du monde :
dans Sylvie et Bruno, le pays des fées (Fairyland) s'oppose
à Lieu commun (Common-place). Alice subit et rate toutes
les épreuves du sens commun : l'épreuve de la conscience
de soi comme organe — « Qui êtes-vous ? » —, l'épreuve
de la perception d'objet comme reconnaissance — le bois
qui se dérobe à toute identification —, l'épreuve de la mé -
moire comme récitation — « c'est faux du commencement
à la fin » —, l'épreuve du rêve comme unité de monde —
où chaque système individuel se défait au profit d'un univers
dans lequel on est toujours un élément dans le rêve de
quelqu'un d'autre — « je n'aime pas appartenir au rêve
d'une autre personne ». Comment Alice aurait-elle encore
un sens commun, n'ayant plus de bon sens ? Le langage
semble de toute manière impossible, n'ayant pas de sujet
qui s'exprime ou se manifeste en lui, pas d'objet à désigner,
pas de classes et de propriétés à signifier suivant un ordre
fixe.
C'est pourtant là que s'opère la donation de sens, dans
cette région qui précède tout bon sens et sens commun. Là,
le langage atteint à sa plus haute puissance avec la passion
du paradoxe. Au-delà du bon sens, les doublets de Lewis
Carroll représentent les deux sens à la fois du devenir-fou.
D'abord dans Alice, le chapelier et le lièvre de Mars :
chacun habite dans une direction, mais les deux directions
sont inséparables, chacune se subdivise en l'autre, si bien
qu'on les trouve tous deux dans chacune. Il faut être deux
pour être fou, on est toujours fou à deux, ils sont devenus
fous tous les deux, le jour où il ont « massacré le temps »,
c'est-à-dire détruit la mesure, supprimé les arrêts et les repos
qui rapportent la qualité à quelque chose de fixe. Ils ont
tué le présent, qui ne survit plus entre eux que dans l'image
endormie du loir, leur compagnon supplicié, mais aussi qui
ne subsiste plus que dans le moment abstrait, l'heure du
thé, indéfiniment subdivisible en passé et en futur. Si bien
qu'ils ne cessent de changer de place maintenant, toujours
en retard et en avance, dans les deux directions à la fois,
mais jamais à l'heure. De l'autre côté du miroir, le lièvre et
le chapelier sont repris dans les deux messagers, l'un pour
aller, l'autre pour venir, l'un pour chercher, l'autre pour

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LOGIQUE DU SENS

rapporter, suivant les deux directions simultanées de l’Aiôn.


Plus encore, Tweedledum et Tweedledee témoignent de l'in-
discernabilité des deux directions, et de l'infinie subdivision
des deux sens dans chaque direction sur la route bifurquante
qui indique leur maison. Mais, de même que les doublets
rendent impossible toute mesure du devenir, tout arrêt de
la qualité, donc tout exercice du bon sens, Humpty Dumpty
est la simplicité royale, le Maître des mots, le Donateur du
sens, qui détruit l'exercice du sens commun, distribuant les
différences de telle manière qu'aucune qualité fixe, aucun
temps mesuré ne se rapportent à un objet identifiable ou
reconnaissable : lui, dont la taille et le cou, la cravate et
la ceinture se confondent — manquant autant de sens com-
mun que d'organes différenciés, uniquement fait de singula-
rités mouvantes et « déconcertantes ». Humpty Dumpty ne
reconnaîtra pas Alice, car chaque singularité d'Alice lui
semble prise dans l'ensemble ordinaire d'un organe (yeux,
nez, bouche) et faire partie du Lieu commun d'un visage
trop régulier, organisé comme chez tout le monde. Dans la
singularité des paradoxes rien ne commence ou ne finit, tout
va dans le sens du futur et du passé à la fois. Comme dit
Humpty Dumpty, on peut toujours s'empêcher de grandir
à deux, l'un ne grandissant pas sans que l'autre rapetisse.
Rien d'étonnant si le paradoxe est la puissance de l'incons-
cient : il se passe toujours dans l'entre-deux des consciences,
contre le bon sens, ou derrière le dos de la conscience,
contre le sens commun. A la question : quand devient-on
chauve ? ou quand y a-t-il un tas ?, Chrysippe répondait
en disant qu'il valait mieux s'arrêter de compter, qu'on
pouvait même aller dormir, on verrait bien ensuite. Carnéade
ne semble pas bien comprendre cette réponse, lorsqu'il
objecte qu'au réveil de Chrysippe tout recommence, et que
la même question se pose. Chrysippe se fait plus explicite :
on peut toujours s'en tirer à deux, ralentir les chevaux
quand la pente s'accentue, ou diminuer d'une main quand
on augmente de l'autre 2. Car, s'il s'agit de savoir « pourquoi
à tel moment plutôt qu'à un autre ? », « pourquoi l'eau

2. Cf. Cicéron, Premiers académiques, § 29. Cf. aussi les remarques


de Kierkegaard, dans les Miettes, qui donne arbitrairement raison à
Carnéade.

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SUR LE PARADOXE

change-t-elle de qualité à 0° ? », la question est mal posée


tant que 0° est considéré comme un point ordinaire sur
l'échelle des températures. Et s'il est au contraire considéré
comme un point singulier, il n'est pas séparable de l'événe-
ment qui se passe en lui, toujours nommé zéro par rapport
à son efïectuation sur la ligne des ordinaires, toujours à
venir et déjà passé.
Nous pouvons dès lors proposer un tableau du dévelop-
pement du langage en surface et de la donation de sens à
la frontière des propositions et des choses. Un tel tableau
représente l'organisation dite secondaire, propre au langage.
Il est animé par l'élément paradoxal ou point aléatoire
auquel nous avons donné des doubles-noms divers. Et il
revient au même de présenter cet élément comme parcou-
rant les deux séries, à la surface, ou comme traçant entre les
deux la ligne droite de l'Aiôn. Il est non-sens, et définit les
deux figures verbales du non-sens. Mais, justement parce
que le non-sens est dans un rapport intérieur original avec
le sens, il est aussi ce qui pourvoit de sens les termes de
chaque sérfe : les positions relatives de ces termes les uns
par rapport aux autres dépendent de leur position « absolue
» par rapport à lui. Le sens est toujours un effet produit dans
les séries par l'instance qui les parcourt. C'est pourquoi le
sens, tel qu'il est recueilli sur l'Aiôn, a lui-même deux
faces qui correspondent aux faces dissymétriques de l'élément
paradoxal : l'une, tendue vers la série déterminée comme
signifiante ; l'autre, tendue vers la série déterminée comme
signifiée. Le sens insiste dans l'une des séries (propositions) :
il est l'exprimable des propositions, mais ne se confond
pas avec les propositions qui l'expriment. Le sens survient
à l'autre série (états de choses) : il est l'attribut des états de
choses, mais ne se confond pas avec les états de choses
auxquels il s'attribue, avec les choses et qualités qui
l'effectuent. Ce qui permet donc de déterminer telle série
comme signifiante et telle autre comme signifiée, ce sont
précisément ces deux aspects du sens, insistance et extra-être,
et les deux aspects du non-sens ou de l'élément paradoxal
dont ils dérivent, case vide et objet surnuméraire — place
sans occupant dans une série et occupant sans place dans
l'autre. C'est pourquoi le sens en lui-même est l'objet de
paradoxes fondamentaux qui reprennent les figures du

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LOGIQUE DU SENS

non-sens. Mais la donation de sens ne se fait pas sans que


soient aussi déterminées des conditions de signification aux-
quelles les termes des séries, une fois pourvus de sens, seront
ultérieurement soumis dans une organisation tertiaire qui
les rapporte aux lois des indications et des manifestations
possibles (bon sens, sens commun). Ce tableau d'un déploie-
ment total à la surface est nécessairement affecté, en chacun
de ces points, d'une extrême et persistante fragilité.

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