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DROIT DU COMMERCE

INTERNATIONAL
Introduction
C’est une matière très vivante, sous le feu de l’actualité, parfois tiraillée entre des finalités
contraires. Elle est au carrefour du droit des affaires et du droit international.

4 points d’introduction :

I) Évolution de la matière
Cette matière a connu différentes phases de développement, elle est à la fois ancienne et très
moderne.

On peut recenser 3 époques :

- Époque ancienne
- Époque intermédiaire
- Époque plus récente (fin 19ème jusqu’à aujourd’hui)

Une remarque : on s’aperçoit que cette évolution participe d’une importance croissante du
droit international et du commerce international. Le droit du commerce international devient
important au fur et à mesure que le commerce international prend de l’ampleur.

L’évolution du commerce international lui-même tient au développement des relations


économiques, mais aussi de plus en plus au rôle important des États, le commerce
international s’est développé à partir du moment où les États eux-mêmes se sont développés.

A) Époque ancienne
On se situe ici depuis l’Antiquité jusqu’à la fin du Moyen Age. Le droit du commerce
international se construit alors très progressivement et va s’extraire tant bien que mal des
relations commerciales internes.

1) L’Antiquité
On parle très peu de droit du commerce international, c’est plutôt un droit en devenir, un droit
qui est parcellisé, il y’a un faible développement d’échanges commerciaux, il y’a peu de
principes juridiques qui s’appliquent, peu de procédures spécifiques au commerce
international. Le commerce international existe essentiellement à travers le commerce
maritime et le développement des cités, à l’époque, l’État n’existe pas. Il existe un certain
nombre d’empires, de royaumes, et surtout de cités.
On va avoir des pratiques commerciales qui vont se développer et dans lesquelles on va
s’échanger des biens les uns contre les autres.

Le droit romain ne connaît pas de règles spécifiques pour le commerce international (alors
qu’il a des règles pour le commerce interne). Certaines pratiques commerciales voient le jour,
car les romains veulent quand même commercer avec les pays non envahis : les barbares,
l’Arabie, les Indes, les Sères (habitants de la Sérique, ancêtres des chinois).

Il y a essentiellement des pratiques commerciales et une loi faussement qualifiée de loi qui est
des pratiques commerciales avec des cités lointaines.

De nombreuses cités commercent : les cités grecques, les comptoirs de Méditerranée, les
villes (Marseille, Carthage). Le commerce se fait essentiellement par voie maritime, il n’y’a
pas de langue commune, les relations se font essentiellement avec les gestes. Il n’y’a pas de
monnaie commune, donc c’est souvent un système de troc qu’on utilise, la monnaie ne
s’exporte pas, elle ne circule pas, elle ne peut donc être dépensée que dans la cité elle-même.

Il y a très peu de textes juridiques, il y a une loi de Rhodes (3ème siècle av JC), qui se fonde
sur des pratiques commerciales et elle prévoit notamment un règlement rapide des litiges (s’ils
existent). Platon lui-même estime que dans une ville où il n’y a pas de commerce maritime «
il faut moins de lois, car le commerce dit-il produit des nouvelles règles et nouvelles
pratiques, il existe différentes sortes de peuples, de conventions, d’espèces de biens et de
manières d’acquérir ».

2) Les siècles qui suivent


Les relations ne cessent de croitre, on assiste au développement de la lex mercatoria (loi des
marchands). Jusqu’au Haut Moyen-Âge, l’expansion des échanges va se faire petit à petit. Ils
se développent considérablement à partir du 12ème siècle.

Les échanges se multiplient, des routes apparaissent (route de la soie, des épices), beaucoup
de cités ou républiques se développent autour de leur port (Pise, Gênes, Venise). Ces
républiques sont tournées vers le commerce maritime. On a aussi les ports au Nord : Bruges,
Anvers, Amsterdam.

On a les foires, notamment en Champagne, où il y a des échanges de marchandises soit contre


de l’argent, soit contre de l’or, soit contre d’autres marchandises.

Dès cette époque on voit naitre des instruments juridiques, qui vont servir par la suite pendant
des siècles et après encore :

- La lettre de change : elle permet un règlement sur des places étrangères avec un réseau de
correspondants entre banquiers sans avoir à transporter la monnaie ou l’or.

- Le prêt à intérêt voit le jour. Il est essentiellement interdit par l’Église à tous les catholiques,
va donc se développer à partir d’autres populations à qui on interdit tout : les Juifs qui ne
peuvent être propriétaires fonciers, ni commerçants, les protestants.
- Il y a également des garanties qui se mettent en place

- Des sociétés voient le jour, la commandite par exemple. La commandite voit le jour, car
l’Église interdit à son clergé d’être commerçant, mais les gens de l’Église sont riches donc
vont prendre le statut de commanditaire pour gérer leur argent et trouver des commandités qui
vont être commerçants et faire fructifier leur argent.

- Le prêt à la grosse aventure nait aussi à ce moment-là. Il recouvre l’idée que très souvent
pour commercer, il faut passer par voie maritime, de ce fait il faut un armement du bateau (au
sens premier du terme : charger le bateau de marchandises, trouver un capitaine, des
équipages), mais la traversée d’une mer/d’un océan est une grosse aventure : il y’a le risque
d’attaque de pirates, de mutinerie de l’équipage, de naufrages. Les personnes qui vont
financer ce transport vont prendre un risque considérable. Le prêteur à grosse aventure prêtera
de l’argent et se fera rémunérer si et seulement si la cargaison arrive à bon port. On appelle
cette opération aujourd’hui un financement de projet.

Au 15ème siècle, le commerce se développe, les routes (épices, soies) deviennent quasi
institutionnelles (sont connues, reconnues, traversent des pays, des continents). L’or, le
cuivre, les épices, le sel, le vin, les textiles sont des valeurs phares.

Les premiers tribunaux commerciaux sont créés, en Allemagne, en Angleterre. Les jugements
en équité apparaissent, selon le sentiment du juste, du raisonnable car le droit n’existe pas
forcément.

Un faisceau de règles essentielles va se développer, des usages et des pratiques, des


juridictions spécialisées, l’arbitrage (qui est aujourd’hui est le mode de résolution des conflits
du DCI).

Pour conclure sur ce A), on peut dire qu’il y a un DCI qui se confond en partie avec le droit
du commerce interne, et qui est créé par les marchands eux-mêmes petit à petit.

B) Époque intermédiaire
De la fin de l’époque ancienne (fin 15ème siècle) jusqu’à la fin du 19ème.

On aura 2 points à souligner :

1) Essor très important des rapports commerciaux internationaux


Il y’a un essor considérable des rapports commerciaux dans le monde entier, à la fois par le
volume et par la diversité géographique (on découvre de nouveaux pays, de nouveaux
continents, de nouvelles routes maritimes). On voit l’apparition de grandes nations
commerciales qui commercent (Angleterre, France, Portugal, Pays Bas : ce sont des
puissances maritimes, le commerce international se fait toujours par voie maritime).

De nouvelles routes avec les Indes se créent, également des comptoirs africains et asiatiques,
et avec les Amériques petit à petit.
On voit un développement considérable et on peut dire que la Méditerranée perd sa
suprématie au profit de l’océan, on commerce de plus en plus avec les pays lointains.

On commerce avec tout le monde. Montesquieu dit qu’il ne faut exclure aucune nation de son
commerce sans de grandes raisons : c’est la réelle naissance d’un commerce réellement
international.

Ce développement en volume et en géographie du commerce international va correspondre à


la naissance des grandes théories économiques et à la naissance de grandes règles juridiques.

a) Les théories économiques


Elles se développent à cette époque :

- Adam Smith prône l’idée du libre-échange : l’abaissement des frontières, l’idée de


commerce contrainte par peu de règles, l’échange en fonction de l’offre et de la demande. Il
développe la théorie des avantages absolus : les pays ne doivent pas hésiter à acheter à
l’extérieur ce que les producteurs étrangers peuvent fabriquer à meilleur coût que les
fabricants locaux.

- Ricardo, il forge la théorie des avantages comparatifs, les pays sont toujours gagnants à
commercer, mais qu’ils ont intérêt à se spécialiser dans la production des biens où ils
possèdent un avantage comparatif.

- Karl Marx n’a pas de vision de libre échange, il va contester la théorie du libre-échange pour
considérer que le droit n’est qu’une forme des superstructures qu’il dénonce, que toute forme
de production engendre des rapports juridiques qui sont le reflet de rapports juridiques
inégaux, d’où la critique très forte du capitalisme, il prône le partage des richesses entre tous
et libération du prolétariat.

Il est certain que le droit du commerce international va être tiraillé entre des finalités, des
méthodes différentes : libre échange/réglementation, intérêts privés/intérêt public, bien-être
des opérateurs/bien-être des populations.

La révolution industrielle va bouleverser par la suite les échanges par des progrès
considérables des sciences, des techniques, de l’industrie : c’est l’industrialisation des pays,
de la production, la création de marchandises, de biens en masse, en grande quantité, c’est
aussi l’apparition de la machine à vapeur, des chemins de fer. Le commerce n’est plus
seulement maritime mais devient aussi terrestre.

Des textes sont établis de plus en plus, l’Angleterre développe l’idée à travers sa pratique d’un
free trade (un commerce maritime libéré de toute entrave, il n’appartient à personne, il est
libre).

Il y a aussi des instruments juridiques qui se développent au service du commerce entre les
pays.
b) Les règles juridiques
Il y a aussi des instruments juridiques qui se développent au service du commerce entre les
pays.

La France va copier, créer, développer des instruments juridiques : le chèque, les sociétés de
capitaux, les techniques de paiement, de garanties.

2) Développement des États modernes


Les États modernes apparaissent, ce n’est plus seulement un territoire sous la puissance d’un
seigneur, c’est une organisation politique, avec un territoire, une population. Les États
naissent après des conflits armés. C’est un phénomène nouveau, quand l’État nait, s’instaure,
il va mettre en place sur l’intégralité du territoire des règles juridiques.

Il y a la prise en compte d’intérêts nationaux (grand classique du droit du commerce


international : protège-t-on les intérêts nationaux ? Visée protectionniste ou libérale ?).

On a une reprise en main du CI par les règles internes, par une renationalisation. On
renationalise les règles du DCI, on les fait rentrer dans le giron des règles internes.

C’est ainsi que la lex mercatoria se voit affaiblie. En Angleterre, les relations sont soumises
au droit anglais dès qu’il y a un élément de rattachement. En France, on va édicter les
ordonnances de Colbert sur le commerce de terre (1673) et l’ordonnance sur la marine
(1681). Le Code civil de 1804 et le Code de commerce de 1807 sont muets sur tous les
aspects du commerce international.

Le commerce international n’a pas tout à fait disparu des textes. Ces codes ont été créés
essentiellement sans considération de frontière et de temps.

Les rapports internationaux commencent à devenir complexes, et peuvent être soumis à une
loi interne. On a donc un rattachement et un critère de rattachement : la situation est soumise
soit à la loi française, soit à une loi étrangère interne. On observe un développement de la
théorie de la règle des conflits de lois, cela concerne les relations personnelles mais aussi les
relations internationales.

C) Époque plus récente


Elle commence à la fin du 19ème siècle, jusqu’à aujourd’hui.

Un trait marquant est le développement sans précédent du commerce international, qui se


double d’un développement sans précédent d’un droit du commerce international. Il y a donc
de très profondes mutations.
On en verra 3 manifestations.

1) Les profonds bouleversements de l’Histoire


Des guerres très importantes ont lieu : les 2 conflits mondiaux. Il y’a aussi l’apparition de
l’hyperpuissance des USA, la guerre froide, la décolonisation, les conflits Est/Ouest,
l’effondrement du bloc communiste, l’apparition de nouvelles puissances, l’opposition entre
le Nord développé et le Sud constitué de pays émergents.

C’est une période de tensions, de bouleversements, le commerce international en a subi les


contrecoups et s’est développé de manière un peu chaotique.

Du point de vue économique, il se développe de manière considérable grâce à l’évolution des


techniques : le transport aérien, l’informatique, les technologies de l’information,
l’industrialisation à très haute dose, la recherche du moindre coût de production, les
délocalisations, l’explosion de la consommation mondiale, l’exploitation industrielle des
ressources naturelles, l’exploitation effrénée des matières premières, l’essor exponentiel des
relations commerciales internationales.

C’est la mondialisation de l’économie, encouragée par le triomphe de la théorie économique


du libre-échange.

2) Mutation juridique
C’est alors l’intervention massive des États dans la sphère économique internationale. Les
États sont développés, en place, ils unifient leur territoire, investissent massivement le monde
de l’économie, de 2 façons :

- Ils interviennent en tant que régulateur.

- Ils interviennent en tant qu’opérateur.

a) Intervention des États en tant que régulateurs


C’est un rôle admis chez les États, un rôle incontestable, ils interviennent par une action
unilatérale ou multilatérale, fixent des règles, des règlements, avec parfois des codes, des
traités internationaux, des solutions par leurs tribunaux, décident d’adhérer ou non aux
accords du GATT, puis à l’OMC.

Les États vont poser un certain nombre de règles, parfois très importantes (principes
fondamentaux), parfois techniques, vont entourer, interagir avec les opérations du CI.

La question sera de savoir s’il existe une coordination réelle entre États ou si elle est
parcellaire, limitée, sectorielle. Est-ce qu’il existe un DCI ou des droits du commerce
international ?
b) Intervention des États en tant qu’opérateurs
Être opérateur n’allait pas de soi. On avait quelques exemples des pays de l’Est, où
l’économie était essentiellement publique, les entreprises étaient détenues par l’État ou ses
émanations, l’économie était aux mains de l’État, l’État était déjà opérateur.

Beaucoup d’États ont utilisé les mêmes techniques pour intervenir dans les opérations du
commerce international :

- S’est faite ressentir la nécessité de reconstruire des économies : les pays ont été durement
frappés par la guerre, l’effort de reconstruction par un effort sans précédent des États pour
investir, prêter de l’argent, acheter, vendre, commercialiser, pour que les États se
transforment en opérateurs, se comportent comme des opérateurs privés.

- Avec la décolonisation, beaucoup d’États ont commercé avec l’étranger, exploité les
ressources naturelles : ils se sont comportés comme des opérateurs.

 On a vu une généralisation totale de cette intervention : même les États les plus libéraux
sont des opérateurs, commercent, achètent, vendent.

Est-ce que les États opérateurs du CI doivent être traités de la même manière que les
opérateurs privés ? L’État, parce qu’il est opérateur, doit-il être soumis aux mêmes
règles que les autres opérateurs ? Faut-il reconnaître une spécificité aux États ?

Cette double casquette est une marque très nette de l’évolution du DCI à l’époque
contemporaine.

3) Le phénomène d’expansion et de diversité des opérateurs du commerce international


Ce phénomène se voit à un triple point de vue :

a) Les opérateurs
Les opérateurs se spécialisent, se multiplient, ils sont clairement identifiés. On n’a quasi plus
de personnes physiques, mais majoritairement des sociétés, essentiellement des sociétés de
capitaux avec une responsabilité limitée. On constate l’apparition des groupes de sociétés, le
commerce international est l’apanage des groupes de sociétés.

Le deuxième gros opérateur, après les groupes de sociétés, est les États. Ils interviennent
directement ou indirectement, par des entreprises publiques, des organismes publics, des
sociétés d’économie mixte, voire ils signent directement des contrats.

b) Les opérations
- L’activité du commerce international a été bouleversée, pendant longtemps ce fut des
opérations d’échange et d’échange de marchandises.

o Aujourd’hui, tout se commercialise : les ressources naturelles, la construction,


l’investissement, les services (banque, finance, assurance), le commerce immatériel (transfert
de données, technologiques, télécommunication). Les règles juridiques ont accompagné ce
développement des opérations.

- Il y a des opérations spécifiques au commerce international, qui se sont créées pour les
besoins du CI car il y avait une nécessité de les inventer : contrats particuliers (vente d’usine
clé en main/construction d’usine clé en main), sous-traitance internationale, financement de
projet.

- On voit apparaître des garanties propres au commerce international : les lettres d’intention,
les garanties à première demande.

- Il y a des clauses particulières, des clauses contractuelles sont usuelles dans les contrats de
commerce international : clause d’arbitrage, clause de choix de la loi applicable, clause de
force majeure, clause d’indexation, clause de hardship (clause de renégociation en cas de
bouleversement des circonstances).

- Il y’a des mécanismes de paiement particuliers : le crédit documentaire.

c) Le règlement des litiges du commerce international


De manière très importante, sans doute inexorable, c’est le développement de l’arbitrage
international. Il a un impact très fort, il draine jusqu’à lui la quasi-totalité des litiges du
commerce international.

Le règlement des litiges intervient de plus en plus par une voie particulière qu’on appelle
justice privée, justice rendue par des personnes que les opérateurs choisissent (par opposition
à la justice publique rendue par les États).

L’intérêt est de ne pas avoir à recourir aux justices étatiques.

La faille est de profiter de l’absence de juridictions internationales pour développer un droit


par la justice privée, et développer un mode quasi autonome de règlement des litiges.

La jurisprudence française dit que pour les litiges du commerce international, l’arbitrage est
le « mode normal, habituel, naturel du règlement des litiges » (selon les termes de la Cour de
cassation). Ce sont des termes très forts, on reconnaît la pratique généralisée de la pratique de
l’arbitrage dans les litiges internationaux.

II) Les principales tendances


Il faut retracer les tendances pour voir l’évolution des intérêts de la matière.

On va voir les tendances sur le fond, la substance, le contenu du droit du commerce


international.

Il y a dans cette matière des tensions, des contradictions, des tendances opposées voire
paradoxales.
Un auteur, Bruno Oppetit, avait fait un constat plus général sur le droit : il y a des tendances
contradictoires dans le droit en général, et que ces tendances gouvernaient pour le droit du
commerce international vers un droit émietté ou un droit unifié.

On va appliquer ces 2 tendances au DCI : une tendance à un droit émietté, une tendance à un
droit réunifié.

A) Tendance à un droit émietté


Le droit émietté serait un ensemble de solutions posées par un ensemble de systèmes
juridiques sans recherche de solutions d’ensemble, sans recherche de solutions universelles
ou même de nouvelles coordinations, il n’y’a pas de recherche de l’harmonie internationale
des solutions.

Le droit du commerce international connaît une tendance lourde à cet émiettement.

1) L’intervention des États


Le constat à faire est que la tendance à l’émiettement existe car il y a une intervention des
États, les États interviennent en tant que régulateurs. Chaque État peut intervenir dans son
coin, sans se soucier des autres, unilatéralement, en se souciant de ses propres intérêts. Tous
les États agissent de cette manière, pour favoriser leurs champions locaux, leurs entreprises,
leurs intérêts.

Les États peuvent s’engager dans la voie de conventions internationales, cela nécessite des
concessions réciproques, donc elles sont rares.

L’action de chaque État est plus importante donc on voit un émiettement important.

Il y a des tentatives de réunification mais ne constituent qu’une tendance, pas la seule.

Il n’existe aucune convention internationale pour des pans entiers du droit international. De ce
fait précisément, il y aura surtout une fixation des règles par chacun des États en fonction de
ce qu’ils considèrent comme étant important pour assurer son ordre juridique et économique.

2) La diversité des systèmes juridiques


La tendance à l’émiettement ne résulte pas que de l’action unilatérale des États mais aussi de
la diversité des systèmes juridiques concernés. Il y’a une utilisation importante du système de
conflit de lois (on cherche la loi applicable à travers un élément de rattachement), la méthode
conflictualiste a pour finalité de déterminer une loi interne applicable.

La méthode même désigne forcément une loi qui émane d’un État et qui ressort donc d’un
émiettement.

3) La vision nationaliste et territorialiste


Des règles territorialistes et étatiques. Chaque État va s’occuper de ses propres intérêts donc
il ne s’intéressera pas à une solution convergente, il ne s’intéressera au commerce
international que lorsque des intérêts nationaux sont en jeu, on a un rabaissement de la
sphère internationale à une sphère nationale.

L’État s’intéresse au commerce international quand ses opérateurs sont concernés, son
territoire est concerné, quand il y a un élément de rattachement.

B) Tendance à un droit réunifié


On est à la recherche d’un droit réellement international, à la recherche de solutions qui
tendent à une harmonie entre elles, à la recherche d’un droit unifié, commun à tous les États et
ordres juridiques.

Avec l’émiettement, on a plusieurs droits du commerce international. Dans le droit unifié, on


recherche l’existence d’un droit du commerce international, le même pour tous, en tout cas le
plus proche et le plus partagé par tous.

Sur le point des méthodes, des sources, du contenu tout est différent : on oublie l’intervention
unilatérale des États pour privilégier le multilatéralisme, on recherche des solutions
universelles donc substantiellement internationales. René David dit que « le droit
international vrai, c’est celui qui découle des sources internationales ».

Les sources étatiques devraient laisser place aux sources interétatiques voire aux sources
privées d’opérateurs qui ne sont pas liés aux États.

L’effort d’unification du droit a pris des voies différentes : par des conventions
internationales, et par le droit communautaire très important dans l’espace régional européen.

- Un effort de conventions internationales : la convention de Genève de 1930 sur la lettre de


change, la convention de Genève de 1931 sur le chèque, la convention de Vienne, de Berne,
de Varsovie sur le transport, la convention de Vienne de 1981 sur la vente internationale de
marchandises, la convention de New-York de 1958 sur l’arbitrage international. Cela montre
un souci d’harmonisation. Mais cela ne couvre pas l’intégralité du CI.

- Un effort considérable d’un point de vue communautaire : on a cherché à unifier totalement


ou partiellement par le biais de directives (sur les sociétés), de règlements (sur l’insolvabilité),
de grands principes : libertés de circulation (capitaux, personnes, marchandises).

Le règlement Rome 1 par exemple, qui porte des solutions admises par tous les États
signataires sur la loi applicable aux contrats internationaux.

Cette tendance est d’origine étatique.


- Il y’a aussi une tendance qui vient des opérateurs eux-mêmes, avec le développement
d’usages, de pratiques, de clauses, de contrats types, de principes posés pour les opérateurs et
par les opérateurs. On a un développement de la lex mercatoria qui a repris une certaine
ampleur, certains auteurs anglais ont parlé de new law merchant. Les États laisseraient se
développer des règles privées, car les opérateurs sont les mieux à même de trouver les règles
qu’ils souhaitent et ces règles sont forcément transnationales car elles émanent d’opérateurs
non liés à des États, elles sont discutées dans des salons, conférences, donc sont partagées par
tous les opérateurs.

Un très grand nombre de jurisprudences nationales a accepté l’idée que la lex mercatoria était
constituée de véritables règles de droit, avec une certaine juridicité (ce n’est plus discuté
aujourd’hui). On a réussi à ériger ces volontés privées comme pouvant émettre des règles
juridiques et montre la forte universalité de ces règles.

- Il existe de plus en plus une justice qui se développe, la justice arbitrale, et une justice qui
s’éloigne des ordres juridiques étatiques au point pour certains États d’être une justice
autonome, différente. La position de la Cour de cassation en France : « une sentence arbitrale
est une décision de justice internationale ».

On peut surtout dire que dans un très grand nombre d’États, les arbitres sont considérés
comme n’ayant pas de for (ils ne sont pas reliés par essence à un ordre juridique et à un
territoire donné). N’ayant pas de for, un arbitre ne protège aucun intérêt national particulier,
il vise à protéger un équilibre, une certaine justice, donc il privilégie la conception de règles
matérielles (dont le contenu est par essence international, on cherche une dimension
internationale) au profit de règles de conflit (qui sera national).

Une règle matérielle existe uniquement en matière internationale et donne une solution au
fond (les 2 conditions sont cumulatives).

Exemple : le garant à première demande doit payer à première demande du bénéficiaire de la


garantie.

L’émiettement vient déjà de l’utilisation de règles de conflit, l’unification passera par


l’utilisation de règles matérielles.

III) Les finalités poursuivies


- À première vue, il y a forcément des finalités matérielles.

- Dans une 2nde vue, il y a des finalités non matérielles que l’on peut qualifier de finalités
supérieures.

A) La recherche de fins matérielles


Le droit du commerce international est déjà du droit commercial, du droit des affaires : il y’a
une idée d’enrichissement, de spéculation, de bénéfices : les contrats sont plus importants que
dans le droit interne, les enjeux sont plus importants, les opérateurs sont plus puissants, les
bénéfices sont énormes. Le droit sera donc d’origine assez libérale, va suivre la théorie de
libre-échange.

Le DCI poursuit des fins matérielles.

Sur cette tendance évidente, l’américain Milton Friedman indique que toutes les entreprises
sont créées dans le but de générer du profit, le plus important possible, et toutes autres
considérations leur sont étrangères.

On a pu dire que le droit du commerce international est le droit de l’argent, le droit où on


rencontre de l’argent, l’arbitrage est cher, les contrats importants, les départements des grands
cabinets font gagner beaucoup d’argent → droit où l’argent est présent.

Il y aurait donc une primauté des intérêts matériels. Cette primauté s’explique de plusieurs
points de vue :

- Il y’a une très grande marchandisation, quasiment tout devient commercialisable,


négociable, cessible, tout peut faire l’objet d’échanges, tout n’est pas licite mais tout risque de
se commercialiser dans la sphère internationale, il faut tomber dans la licéité mais ça dépend
des systèmes juridiques (certains systèmes acceptent la marchandisation d’humains, du corps
humain : vente de sang, de sperme, d’organes, etc.). Tout ce qui n’était pas dans le commerce
autrefois y arrive désormais, on a une commercialisation d’espaces naturels (compagnies
pétrolières dans l’Arctique), tout se commercialisera (exploitation de Mars). La question est
aussi celle du patrimoine culturel (statues, tableaux pris dans des pays et mis dans des musées
d’autres pays).

- Cette primauté des fins matérielles ne vient pas que de cette marchandisation mais vient
d’une recherche de profits. Les États participent eux-mêmes à cette recherche de profits,
ceux-là mêmes qui sont censés défendre l’intérêt général vont chercher aussi à s’enrichir et
vont poursuivre eux-mêmes des fins matérielles : on voit des fonds souverains des États
investir massivement sur les marchés financiers.

Peut-il y avoir d’autres finalités ? Cette vision de la recherche de profits a été défendue, et
certains économistes américains ou français disent que les avantages du libre-échange sont
tellement évidents qu’on peut se demander pourquoi ils ne sont pas universellement reconnus
ou qu’il n’y a pas de meilleur monde que le libre-échange.

B) La recherche de finalités dites supérieures


Est-ce que le DCI pourrait se défaire en tout ou partie d’une recherche de finalités uniquement
matérielles ? Qu’en est-il d’une recherche d’un intérêt supérieur, général, d’un équilibre
mondial, d’une certaine paix dans le monde ?

L’évolution a été assez considérable.

1) Le plan particulier des relations privées


Il faut ici se placer au niveau microéconomique.
On voit arriver des principes de moralité, de loyauté, de bonne foi, d’éthique. Tout ne serait
pas autorisé, et il y aurait une espèce de droit naturel qui devrait être poursuivi, de justice
universelle. Et même encore, les opérateurs devraient commercer sur des principes enracinés
dans le bon sens et la justice.

Il y aurait donc en d’autres termes, dans cette optique des relations privées, une espèce de
moralisation des relations, des considérations d’éthique qui interviendraient.

On peut en citer quelques exemples :

- Clauses de rééquilibrage du contrat (clause de hardship) : trop s’enrichir par rapport à


l’autre partie est injuste donc il faut rééquilibrer

- Clauses de mitigation of damages (principe de minimisation des dommages)

Il y’a une question d’éthique sociale, c’est notamment dans le commerce international une
lutte très forte, sans précédent contre la corruption, les entreprises sont poursuivies par les
États, les contrats sont annulés. Les contrats de prestation de services où une entreprise sert
d’entremetteuse pour qu’une autre entreprise obtienne un marché par corruption, ne sont
plus admis par la jurisprudence, ils sont annulés et il y a des sanctions civiles et pénales.

Il y a aussi une éthique, qui n’est pas contractuelle, mais une éthique qui est beaucoup plus un
comportement, éthique autonome qui consiste à dire que les sociétés, les opérateurs privés
participent au bien commun, ces opérateurs ont une responsabilité sociale (produire propre, ne
pas polluer, bien être des salariés, pas d’enfants salariés, respecter l’intérêt de la personne
humaine).

Cette idée avait été développée par le président Roosevelt dans un discours au Congrès « les
sociétés doivent reconnaître leur responsabilité non seulement par rapport aux actionnaires
mais par rapport à la communauté au sens large ». Il entendait par là que les opérateurs
s’insèrent dans un tissu économique et social, participent d’un mouvement collectif, ne
recherchent pas qu’une finalité égoïste.

On le voit de plus en plus avec l’émergence du concept RSE : la responsabilité sociale et


environnementale. Une entreprise doit édicter des règles de RSE, avoir une bonne
gouvernance d’entreprises, elle pourrait souffrir d’un boycott, d’un embargo, d’une exclusion
des marchés publics.

Les entreprises font-elles ça de bonne foi ou non ? On n’en sait rien. Certaines le font pour
bien se voir, d’autres ne respectent pas ça, d’autres le font vraiment par réel souci de RSE,
certains jouent le jeu.

2) Le plan général des relations entre États


On se place désormais au niveau macroéconomique.
Montesquieu disait « l’effet naturel du commerce est de porter à la paix, l’esprit de
commerce unit les nations ». Le commerce international a été sans aucun doute gage d’une
certaine paix, a développé une certaine harmonie entre les nations :

- La CCI (Chambre de commerce internationale dont le siège est à Paris), organisation privée
créée en 1919, est l’organisation du commerce privé la plus importante dans le monde : les
arbitrages rendus sous l’égide de la CCI sont les plus nombreux et les plus significatifs.
Pourquoi une création en 1919 ? Les statuts le disent : éviter un nouveau conflit mondial. Les
créateurs de la CCI se sont appelés merchants of peace.

- L’acte final de la conférence de Helsinki en 1975 sur la sécurité et la coopération en Europe


indique que « le commerce international est l’un des plus importants facteurs économiques de
la croissance économique et du progrès social, et donc de paix mondiale ».

- Discours aux Nations Unies, en 1976 « le commerce international contribuera de façon


significative au développement de relations harmonieuses dans le monde ».

C’est une vision qui est complexe, car la mondialisation a entrainé un certain nombre de
travers, d’excès, n’a pas profité à tous.

- Un élément qui a été signalé à une époque par Lula qui souhaitait une organisation
rationnelle du commerce international « aux fins de justice et de paix ». Cette matière doit-
elle dépasser la finalité matérielle, peut-elle inspirer des finalités supérieures ? Mais ces 2
finalités reposent aussi l’une sur l’autre, ce qui montre la complexité de la matière, et sont
parfois incompatibles.

IV) Éléments de définition


Il y a un certain trouble, une certaine difficulté à définir précisément la matière.

Bruno Oppetit dit « plus encore que dans toute autre discipline, le droit du commerce
international, de par son objet même, entretient des rapports de voisinage et même de
mitoyenneté avec de nombreuses branches du droit privé et même du droit public ».

C’est l’intérêt de la matière : être au cœur de plusieurs disciplines, entre sociétés privées
comme États, entre règlementations nationales et contrats.

- Le droit du commerce international est une matière de droit international.

- Le droit du commerce international est une matière de droit économique.

A) Le droit du commerce international, une matière de droit international


Son nom, son objet l’indiquent.

Il y’a 2 distinctions à faire avec des matières de droit international qui sont différentes :

- Il se distingue du droit international économique, il y a des points de contact certes. Mais le


droit international économique est une matière de droit public, qui envisage les rapports
entre États, donne une forme juridique aux directives de nature économique en matière
d’organisation mondiale des échanges, il vise en quelque sorte une supra réglementation.

Le droit du commerce international vise avant tout des rapports de droit privé, il s’intéresse
à des opérations (des contrats), à des opérateurs, il a pour finalité de fixer ou de fournir des
règles et principes juridiques pour assurer la sécurité des transactions, la loyauté, la
prévisibilité juridique.

- Il se distingue du droit international privé, il y a des points de contact, sur les sources, les
méthodes (règles de conflit de lois, for, lois de police, règles matérielles, éléments de
rattachement). Mais l’internationalité n’est pas définie de la même manière. C’est la
dimension économique qui sépare le droit du commerce international du droit international
privé, ici il y a une mise en cause de l’économie mondiale, de rapports d’affaires, des
mouvements de capitaux, de biens, de services. On se désintéresse de tout ce qui est
extrapatrimonial pour s’intéresser aux objets patrimoniaux.

B) Le droit du commerce international, une matière de droit économique


Le droit du commerce international se distingue du droit commercial, et intéresse les
professionnels.

- Il y a des liaisons avec le droit commercial, un lien avec le droit des affaires. Le contenu est
quasi le même, on va parler de sociétés, d’opérations bancaires, de faillites, de contrats de
vente, de distribution, de garanties d’exécution du contrat. On retrouve le même contenu dans
le droit commercial.

La distinction est qu’en droit du commerce international, on ne distingue pas droit civil et
droit commercial. On parle d’opérations économiques (et non commerciales), on ne parle pas
d’actes de commerce et d’actes civils, il y a des opérations économiques.

Les activités libérales en droit français sont considérées comme des actes civils (hors actes
commerciaux). En droit international, on parlera d’opérations économiques. Idem pour les
activités immobilières. Idem pour les activités agricoles.

On s’intéresse à toutes les activités économiques, sans distinction.

- C’est un droit de professionnels. Les opérateurs sont variés (sociétés, groupes de sociétés,
États), mais leur finalité n’est jamais de simple consommation.

On parle d’usage, de lex mercatoria, de pratiques de professionnels, d’opérations.

Le DCI ne s’intéresse pas aux salariés (on cherche l’indépendance), ni aux consommateurs. Il
y a donc beaucoup moins de protection des professionnels, ils sont réputés être spécialisés
dans leur domaine. Le DI met les opérateurs sur un pied d’égalité, peu importe leur
position/situation, on ne protège personne, on n’accable personne : les vices du consentement
sont très minces par exemple.
Plan du cours :

Première partie : Les opérateurs

Deuxième partie : Les opérations

Troisième partie : Le règlement des litiges

Titre préliminaire : Le cadre général du droit commercial et international

Ce droit du commerce international s’inscrit dans un cadre général d’un point de vue
juridique. Ici, on va voir les indications générales qui vont permettre d’encadrer, préciser les
contours de la matière, ses méthodes, ses sources.

Chapitre I : L’organisation globale du commerce mondial


C’est une question simple dans son énoncé : est-ce qu’il faut et comment organiser le
commerce mondial ? On a dépassé le stade d’un commerce simplement international pour
avoir un commerce mondial, global.

Faut-il et comment encadrer ? Est-ce qu’il faut développer une réglementation du commerce
mondial ou faut-il laisser un principe de liberté ? C’est un débat très ancien en droit, pas
commun au commerce international : la liberté vs la réglementation.

- Liberté : intérêts privés des opérateurs, offre et demande, c’est l’autorégulation chapeautée
par un principe de liberté, les États interviennent peu, laissent les volontés privées des
opérateurs s’exprimer. Cette vision a existé pendant un temps et est très largement remise en
cause car il y a un principe de réglementation.

- Les États ou d’autres organisations vont vouloir intervenir pour réguler ce commerce
international, donner un cadre général, fixer des principes, des limites : il y aura
véritablement un encadrement et une réglementation de ce commerce mondial.

Section I : Les intervenants


Il y’a une multiplicité d’intervenants : les intervenants en réalité peuvent être regroupés selon
différentes typologies :

- Sphère publique/sphère privée

- On va plutôt utiliser : États/organisations internationales

I) Les États
Les États interviennent dans le commerce pour le réguler, l’organiser, l’encadrer, de 2
manières.
A) Action unilatérale
Elle émane de chacun des États, qui intervient seul par le biais de législations, de règlements,
de jurisprudences. Il peut y avoir des conflits de lois/de juridictions.

C’est surtout une action globale sur le commerce international qui nous intéresse, ces
législations, jurisprudence sont morcelées. Dans l’Histoire, il y a eu assez peu d’encadrement
général. On a quelques exemples mais qui sont aujourd’hui très rares : des codes sur le
commerce extérieur qui ont pu exister dans certains pays de l’Est et il y avait dans ces codes
une réglementation du commerce du point de vue de l’État en question.

Aujourd’hui, ce sont des règlementations ponctuelles : droit des investissements étrangers,


protection de telle ou telle catégorie de justiciables. Très souvent ce sera la JP qui
interviendra.

Parfois, certains États vont mettre des outils à la disposition des opérateurs : la COFACE
(organisme français d’assurance afin de favoriser les exportations), les opérateurs vont
décider de « cofacer » leur contrat (si c’est un contrat à l’export, ce contrat va être assuré
quant à son paiement par ce mécanisme d’assurance moyennant un paiement de primes).

Cela montre qu’on peut encadrer de façon restrictive ou de manière positive, pousser le
commerce international.

D’autres lois interviennent aussi : aides à l’exportation, idée d’une fiscalité moindre pour les
profits réalisés à l’étranger (les USA font cela : profit réalisé à l’étranger moins imposé que
le profit réalisé aux USA).

B) Action concertée
Ce sont les actions réalisées par plusieurs États : l’action peut être bilatérale ou multilatérale.

1) Les conventions internationales


Ces actions concertées sont de plus en plus nombreuses, elles passent essentiellement par le
biais de conventions internationales.

Le plus souvent, ce sont des conventions bilatérales :

- Conventions fiscales pour éviter la double imposition.

- Conventions de protection des investissements (on peut encadrer, restreindre ou favoriser les
investissements), TBI (traités bilatéraux sur les investissements qui vont assurer la protection
des investissements dans l’État d’accueil, éviter que l’investisseur soit spolié, éviter une
nationalisation, éviter que ses biens soient mis sous séquestre. Par exemple, Engie qui assure
un service de l’eau en Argentine bénéficie d’une protection par le biais d’un traité entre la
France et l’Argentine).

Aujourd’hui, il existerait plus de 6 000 traités de protection des investissements.


2) Les associations d’États
Des associations d’États vont permettre de dégager des règles juridiques propres à encadrer et
développer le commerce international, développer le commerce international à l’intérieur des
territoires de ces États membres et se protéger du commerce venant de l’extérieur.

- Il y a des associations économiques d’États : l’UE par exemple : avec les grandes libertés de
circulation, l’ALENA, le MERCOSUR, l’ASEAN.

- Il y a des associations juridiques d’États qui veulent unifier les règles, souvent de droit des
affaires, à l’intérieur de ces pays, pour favoriser par l’unicité des règles, le commerce
international entre ces États : l’OHADA.

II) Les organisations internationales


Elles interviennent en marge de l’intervention des États, pas nécessairement à leur place, mais
en plus.

On a des organisations très variées.

A) Les accords du GATT et l’OMC


Le GATT n’est pas une organisation internationale mais est constitué d’accords. Ces accords
ont évolué et ont permis de développer une véritable organisation internationale : l’OMC.

Le GATT : l’idée était qu’au lendemain de la WWII, le commerce international se


développait, on y voyait un gage de sécurité, paix, prospérité pour les populations, les États
ont voulu organiser le commerce, favoriser les échanges.

On a créé l’OIC (organisation internationale du commerce), ce fut un échec, très peu d’États
ont été intéressés. Cette OIC a débouché sur un simple accord : l’accord général sur les tarifs
douaniers et le commerce, entré en vigueur le 1er janvier 1948, accord qui se veut simple à
l’époque, accord provisoire, dès le début on a vu ça comme une étape.

Cet accord provisoire se veut être une véritable charte du commerce international. Il y a donc
ici non pas une organisation internationale mais un traité entre États qui va permettre de créer
ce type d’accords, ces accords du GATT vont être une sorte de centre de négociation
permanente entre les États qui y adhèrent, vont discuter des principes, etc.

On intervient dans des rounds, espèces de discussions qui durent longtemps, on a un sujet au
départ et on discute pendant des années afin d’arriver à un accord sur ce sujet. On donne des
noms à ces rounds : Kennedy round (1961-1963), Tokyo round (1973-1979), Uruguay round
(1986-1994).

Ces accords du GATT et l’Uruguay round vont déboucher sur les accords de Marrakech en
1994 et sur la constitution de l’OMC à partir de ces accords de Marrakech.
Le GATT laisse place à quelque chose de plus permanent : on parle d’une organisation
mondiale du commerce, qui a vocation à englober plus largement, à réunir une très grande
majorité de pays voire à terme la totalité des États.

C’est une véritable organisation internationale qui est créée, avec plus de 180 pays
aujourd’hui.

Cette organisation est véritablement structurée, composées d’États (après un processus de


sélection, vérification d’éléments : respecter les principes fondamentaux du commerce
mondial pour pouvoir entrer).

Une conférence ministérielle réunit les ministres des États membres, un conseil général en est
l’organe permanent. Les décisions sont prises par consensus c’est un inconvénient/une
difficulté mais cela représente une garantie, idées de concessions, d’efforts réciproques.

Il y a désormais un organe très intéressant pour nous : l’ORD : l’organe de règlement des
différends. Cet ORD va régler des différents liés au CI entre États, un État va se plaindre du
non-respect des principes de l’OMC par un autre État et va porter ce litige auprès de l’ORD.
L’ORD a une tendance très forte à se juridictionnaliser.

- 1ère phase : médiation et conciliation.

- 2ème phase : l’arbitrage de l’ORD, pas un véritable arbitrage au sens juridictionnel du


terme, juges non choisis par les parties, on aura une véritable décision qui s’imposera aux
parties et sanctionnera l’État qui a violé les principes de l’OMC.

Cette procédure d’arbitrage est un exemple très fort de réglementation du commerce mondial,
aujourd’hui on a une sorte de contrôleur, de juge qui veille à ce que les États respectent la
règlementation qu’ils ont eux-mêmes acceptée. Ce n’est pas une juridiction supranationale,
mais c’est un organisme permanent, qui peut être saisi par n’importe quel État membre de
l’OMC, contre n’importe quel membre de l’OMC, on est entendus, on témoigne, se défend
par des avocats etc.

Exemples :

- Des mesures US favorisant les exportations, des États de l’UE ont attaqué devant l’ORD.

- Litiges sur la banane, les crevettes, l’ananas.

- Contentieux lourds et récurrents : pêche, aéronautique, les USA menacent souvent de saisir
l’ORD sur le programme européen Airbus (soupçons d’aides, de subventions cachées), les
pays européens intéressés rétorquent sur les aides prétendument cachées à Boeing.

On voit ici qu’il y a une instance supranationale, composée de représentants des États, qui va
règlementer le commerce international.

B) Autres organisations internationales


1) Des organisations liées aux Nations-unies
Il y’a des commissions spécialisées de l’ONU.

- La CNUDCI : Commission des Nations-Unies pour le droit du commerce international, elle


a une vocation très générale, peut proposer/suggérer/implanter des règlementations ou tout
objet qui intéresse le commerce international. La Convention de Vienne sur la vente
internationale de marchandises a été élaborée sous l’égide de la CNUDCI, idem pour la
Convention de New-York. Il y a aussi une loi-type, on propose un modèle aux États membres,
des guides d’interprétation.

Les travaux sont extrêmement longs.

- La CNUCED : Commission des Nations-Unies pour le commerce et le développement, c’est


une espèce de CNUDCI qui s’intéresse aux pays en développement, il y’a une prise en
compte d’intérêts de certains États, d’avoir des règlementations spécifiques pour ces États (à
ce sujet l’OMC prévoit des exceptions en fonction du degré de développement des États)

Certaines ne sont pas liées aux Nations-Unies :

- OACI : Organisation pour le transport aérien international

- OMPI : Organisation mondiale pour la propriété industrielle

Toutes ces organisations (NU et non NU) vont proposer, discuter, édicter des règlementations
à partir des États, ces organisations sont liées à une sphère publique.

2) Organisations non liées aux nations unies


Ces organisations sont parfois entre la sphère publique et sphère privée, voire dans la sphère
totalement privée. Il n’y a pas de représentants d’États.

a) Unidroit
UNIDROIT est l’institut international pour l’unification du droit privé, il a son siège à Rome.
Il est composé de membres non permanents, nommés/élus pour un certain nombre d’années,
ce sont des professeurs de droit de certains pays, vont réfléchir entre eux et faire une
proposition. Le principe unidroit peut être repris par les États, ou servir de modèle,
d’inspiration (de ratio scripta = raison écrite/référence pour une réflexion).

Unidroit a réalisé un très grand nombre de choses, il y a eu de belles réussites :

- Sur les biens culturels volés ou illicitement exportés, ces travaux ont débouché sur une
convention internationale

- Les principes unidroit relatifs aux contrats du commerce international : principes qui sont
généraux et applicables à tous les contrats du commerce international, sorte de codification
privée des contrats du commerce international
b) La Chambre de commerce international (CCI)

La Chambre de commerce international est une association de droit privé dont le siège est à
Paris, créée en 1919, elle représente les milieux d’affaires, ses membres sont élus par les
milieux d’affaires, il n’y’a aucun représentant d’État, et son financement est 100% privé.

Elle intervient massivement pour le commerce mondial en édictant des principes, des
codifications privées, son rôle est de dégager des principes, des règles du commerce
international.

Grandes réussites :

- Règlement d’arbitrage de la CCI

- Crédit documentaire, RUU : règles et usances uniformes sur le crédit documentaire, ces
règles sont issues de la CCI et utilisées partout dans le monde, la Cour de cassation estime que
même si les parties ne s’y sont pas référées, ces RUU ont une valeur obligatoire/impérative
dans les relations internationales

- Incoterms : lexique/dictionnaire juridique des banques internationales

Échec : sur les garanties et lettres d’intention.

Section II : Les principes fondamentaux


L’idée est de dégager les principes fondamentaux qui organisent les échanges internationaux.
Ces principes ont été en grande partie dégagés par le GATT puis extrapolés par l’OMC.

I) Le contenu de ces principes

Les exceptions ont tendance à se multiplier, au point de réduire considérablement les


principes, c’est une évolution majeure, une tendance.

A) Les principes fondamentaux

Il y en a 2, qui se subdivisent.

Il faut noter des éléments :

- Ce sont des principes fondamentaux qui régissent les relations entre États, pas entre
opérateurs, ça concerne les États en tant que régulateur, puissance publique

- Ces principes sont très généraux, sujets à application relativement fréquente, et d’application
générale, peuvent s’appliquer à toute situation

1) Principe de non-discrimination
Le commerce mondial ne peut se développer que si l’on interdit les discriminations, il ne faut
pas de distorsion de concurrence fondée sur des motifs illégitimes. La discrimination entre
opérateurs est considérée comme néfaste, nocive.

L’idée de l’OMC est de favoriser les échanges mondiaux.

On a 2 sous-principes :

a) Principe de l’égalité de traitement

Les États ne peuvent pas pénaliser les produits étrangers qui sont entrés licitement par rapport
aux produits nationaux.

2 remarques :

- Égalité de traitement entre produits, donc entre opérateurs car le produit résulte d’un
opérateur

- Ce sont des produits qui sont entrés licitement sur le territoire, donc on peut avoir des
mesures de coercition sur les produits entrés illicitement. Ça veut dire que sous ce principe,
pour entrer licitement dans le territoire il peut déjà y avoir des droits de douane et donc une
exception majeure que l’on voit déjà apparaître. Comment pénaliser un produit étranger face à
nos

19

produits nationaux ? En mettant un droit de douane (le produit étranger sera donc plus cher et
pénalisé).

b) Principe de généralisation de la clause de la nation la plus favorisée

- La clause de la nation la plus favorisée est une clause qui permet à un État de favoriser un
État par rapport aux autres. L’État bénéficiaire de la clause de la nation la plus favorisée est
certain que si jamais il y a un avantage qui est donné à un autre État, il bénéficiera a minima
d’un avantage équivalent ou supérieur.

Exemple : avec le dégel USA-Chine entre Nixon et Zedong, la Chine se voit reconnaître la
clause de la nation la plus favorisée.

Mais cela veut dire que du coup on défavorise un autre État, si on en avantage un.

- Donc l’OMC a demandé à ce qu’on généralise cette clause, en effet en octroyant l’avantage
à un autre État, on l’octroie à tous les autres, et bien il y aura un traitement égalitaire entre
tous les États.

2) Principe de protection par les droits de douane et de consolidation


Le GATT autorise quelques barrières pour protéger la production nationale d’un État. L’une
des barrières les plus simples et efficaces est les droits de douane.

Le GATT n’avait pas pour mission de supprimer totalement les droits de douane, sinon aucun
État n’aurait accepté, et les droits de douane sont importants car ils permettent de lutter contre
le dumping.

L’OMC encadre les droits de douane, ils doivent répondre à un principe de protection, qui se
subdivise :

a) Principe de transparence

Les États doivent publier les droits de douane qu’ils comptent mettre, catégorie de produits
par produits, etc.

Cela favorise l’égalité de traitement et la sécurité juridique.

b) Principe de consolidation

Une fois fixé, le droit de douane ne peut pas être modifié pendant 3 ans, sauf à la baisse.

Après ces 3 ans, les États peuvent refixer ce droit de douane mais toujours avec ce principe de
transparence.

2 remarques sur ce principe de protection et de consolidation :

- Ce principe soulève beaucoup de contentieux, car ce principe repose sur la valeur en douane,
ce qui est souvent discuté. La valeur en douane peut être une base supérieure au prix de
revient, on peut faire ça par comparaison avec le cout du produit tel qu’il est vendu sur le
territoire où sera vendue la marchandise.

Exemple : espadrille vendue en France : 10€, espadrille produite en Chine pour 2€, les droits
de douane sont de 10%, ils ne s’appliqueront pas sur les 2€ mais sur les coûts français (donc
ça pourra être 6/7€). Beaucoup d’États contestent cette valeur en douane.

- À travers ce 2ème principe, on voit que le 1er principe est déjà érodé, en permettant des
droits de douane, on peut créer une discrimination et créer une inégalité de traitement entre
produits

20

nationaux et produits étrangers. Dans les principes fondamentaux, il y a un principe de non-


discrimination mais ce principe autorise en soi une discrimination. Les exceptions acceptées
par l’OMC sont multiples et variées au point d’éroder de plus en plus le principe de non-
discrimination.

B) Les exceptions
L’OMC parle d’exception ou de dérogation.

Ce sont des entorses aux principes fondamentaux, créées pour répondre à des raisons
pratiques et à des contraintes politiques (idée de compromis pour atteindre un consensus). Les
exceptions vont se multiplier, elles sont le fruit de tractations multiples entre États.

3 types d’exception :

- D’ordre général

- D’ordre particulier

- Les mesures de défense commerciale

1) Les exceptions d’ordre général

Elles sont de 2 sortes :

a) Les exceptions en faveur d’accords régionaux

L’OMC doit respecter les unions douanières, les zones de libre-échange conclues entre les
États régionalement. Le principe de discrimination ne s’applique donc pas.

- Au sein de l’UE, il n’y a pas de droits de douanes, mais une liberté de circulation des
capitaux, personnes, produits, marchandises.

- La même chose se passe au sein du MERCOSUR, de l’ALENA, de l’ASEAN.

- La question d’une compensation à offrir aux pays exclus de la zone : l’UE discute avec la
Turquie, sur l’octroi d’un statut privilégié, avec certains pays du Maghreb aussi.

b) Les exceptions en faveur de pays en voie de développement

Il ne s’agit pas de relations concertées entre États. On assortit un traitement privilégié en


fonction du degré de développement, on compense cette différence de développement par des
avantages spécifiques aux pays en voie de développement pour compenser cette inégalité
économique.

2) Les exceptions d’ordre particulier

Cette liste est non exhaustive.

a) 1er type d’exceptions

Pour protéger un certain nombre de secteurs, les États se sont mis d’accord pour dire que le
principe de non-discrimination pourrait être écarté : agriculture, textile.

b) 2ème type d’exceptions

Il y’a des restrictions quantitatives autorisées : quotas.


21

Ces restrictions sont autorisées par les États, il faut un vote, et des motifs : en cas d’urgence,
d’une volonté de maitrise de la production, ou un fort déficit de la balance des paiements (ce
qui est le cas de 95% des pays, hors Allemagne, Norvège, Singapour, Suisse).

c) Dérogations

Un État peut ne pas suivre ces principes dès lors qu’il obtient un vote des ¾ des États. Ici on
fait du donnant-donnant, en échange des votes, on leur fait des concessions, on leur renvoie
l’ascenseur en quelque sorte.

3) Mesures de défense commerciale

Ici, les États sont autorisés à prendre un certain nombre de mesures afin de contrecarrer des
pratiques considérées comme illégitimes venant d’autres États ou venant de ressortissants
d’autres États.

Ces États soulèvent un très gros contentieux au sein de l’ORD.

On va voir 3 types de mesures :

a) Mesures anti dumping

- D’un point de vue économique, le dumping est le fait de vendre un produit/un service en
dessous de son prix de revient.

- D’un point de vue juridique, le dumping est le fait de vendre un produit/un service à un prix
inférieur à sa valeur dite normale. C’est-à-dire que cette valeur normale correspond en
principe au prix offert sur le marché national. Ce qui pose beaucoup de problèmes.

Dès lors qu’on arrive à démontrer, avec une enquête, des recherches de preuves, l’allégation
d’un préjudice, qu’il y a une pratique de dumping par un État ou un opérateur d’un État, l’État
victime de ce dumping peut alors être autorisé par l’OMC, sous conditions, à créer des droits
anti dumping, des taxations particulières, pour 5 ans maximum (période assez longue).

b) Mesures anti subventions

Le principe de non-discrimination en principe devrait interdire les subventions des États à


leurs opérateurs, ce serait créer une distorsion de concurrence vis-à-vis des opérateurs
étrangers.

Il y a une volonté de mettre un frein à ces subventions.

Le système crée par l’OMC est complexe, c’est le système de feu tricolore : vert, orange,
rouge.
- Certaines subventions sont autorisées : feu vert (recherche, protection de l’environnement,
soutien aux régions en difficulté), les secteurs sont votés par l’OMC.

- Certaines subventions sont orange : elles ne sont pas interdites mais sont soumises à un
contrôle, des vérifications de l’OMC.

- Certaines subventions sont rouges : elles sont interdites. La liste est fixée suivant les secteurs
par l’OMC suivant un vote des États.

En dehors du système de feu tricolore il faut faire une place à part aux subventions dans les
États en développement, ces États peuvent utiliser des subventions.

22

2 remarques :

- Contentieux très important : Airbus vs Boeing (USA vs UE). Il est relativement facile
d’avoir des subventions directes, mais elles sont très rares en pratique. Très souvent on a des
subventions indirectes, déguisées, on est malins. On peut prendre 2 exemples :

o l’État décide de rentrer au capital d’une société, mais en payant les actions plus cher que ce
qu’elles valent vraiment pour couvrir les difficultés financières, donc on va payer une grosse
prime d’émission → cette prise de participation peut être une subvention déguisée.

o L’État français s’est fait condamner par l’OMC pour des obligations à bons de souscription
d’actions (il avait souscrit à des actions), l’OMC a dit qu’il fallait voir ce qu’un opérateur
privé aurait fait : rester obligataire ou devenir actionnaire ?

- Mesures favorisant les exportations : la législation US qui fiscalise moins fort les profits
réalisés à l’étranger, certains y ont vu une subvention déguisée.

D’autres ont dit que le système COFACE est une sorte de subvention déguisée car la
COFACE peut faire des pertes importantes car elle bénéficiera du soutien de l’État.

c) Mesures de sauvegarde

Cela vise à permettre à un État de prendre des mesures provisoires afin de lui permettre de
réorganiser un secteur d’activité national menacé par une hausse importante des importations.

Ces mesures peuvent être des quotas, des droits de douane élevés, on va limiter
quantitativement ou qualitativement ces importations.

Ces mesures soulèvent un gros contentieux, souvent l’État prend ces mesures sans demander à
l’OMC, et un autre État conteste cette décision.

Conclusion sur les principes fondamentaux : ces principes ne sont pas si nombreux et
souffrent de beaucoup d’exceptions, ces principes souffrent donc beaucoup.
II) L’extension du domaine d’application de ces principes

Pendant très longtemps les accords de GATT ont porté principalement et essentiellement sur
des marchandises, l’OMC s’adresse aussi au commerce de marchandises. L’essentiel du
commerce reste aussi des échanges physiques, de marchandises, de biens corporels.

Mais l’OMC a étendu le champ d’application des principes à 3 autres sortes de domaines :

- Le domaine des services, ces services font l’objet d’une réglementation de type OMC,
concernant les services financiers, télécommunications, transport, assurance.

Ces services ne relevaient pas de l’accord du GATT mais d’un accord spécial appelé AGCS
(accord général sur le commerce des services), cet accord disait qu’on aurait aussi un principe
de non-discrimination, principe de transparence et de consolidation, il y a également des
exceptions (quasiment de même nature). Cet accord est un accord-cadre (pose les principes et
exceptions), complété par des annexes (qui concernent des secteurs particuliers).

C’est donc un morcellement, on est dans un cadre général du commerce international mais on
voit qu’il y a des règles spécifiques à chaque secteur, aux circonstances, etc.

- Le domaine des droits de propriété intellectuelle liés au commerce. Les débats ne sont pas
terminés et sont complexes pour 2 raisons :

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o Tous les États n’ont pas le même degré de protection et de valorisation de la propriété
intellectuelle (certains sont protecteurs, d’autres sont considérés comme des États-voyous), la
recherche de consensus est très difficile.

o Les discussions sont longues, l’idée qui émerge petit à petit est que les pays de l’OMC
s’engagent à lutter contre la contrefaçon. Reste à voir si ce sera suivi d’effets en pratique, cela
dépend de volontés politiques.

Il y a quand même l’émergence d’une protection minimale, et quelques efforts qui


apparaissent.

- Les investissements liés au commerce. L’OMC est lié au commerce, pas aux
investissements, c’est autre chose qu’un investissement, ce n’est pas la même nature. L’OMC
est intelligente et sait qu’elle doit aborder aussi les investissements, car tous les
investissements sont liés au commerce.

Çela montre pour certains l’omniprésence de l’OMC, son interventionnisme tous azimuts (à la
Big Brother).

On voit le double champ des activités économiques qui intéresse l’OMC et est donc sujet aux
règles.

24
Chapitre II : Les sources du droit du commerce international

Ces sources sont multiples, variées et très importantes (les plus variées de toutes les matières).
Tout est utilisé dans le commerce international : des lois, des lois-modèles, des conventions,
la lex mercatoria, des sentences arbitrales, des décrets, des principes, etc.

Section I : Les règles de conflit

C’est une méthode, déterminer la loi applicable à une situation internationale, on va désigner
la loi d’un État applicable à une situation qui comporte un ou plusieurs éléments d’extranéité.

À partir d’un critère de rattachement on détermine quelle est la loi applicable.

- En matière contractuelle, l’élément de rattachement c’est la volonté des parties, donc la lex
contractus.

- En matière de sociétés : la loi applicable est celle du lieu de son siège social (c’est l’élément
de rattachement).

- Immeuble : la loi applicable est la loi de situation de l’immeuble.

Cette méthode est très utilisée en droit international privé, mais est source de critiques ou de
réserves.

Quels sont ses inconvénients, surtout pour le commerce international ? Il y a des critiques :

- La règle de conflit désigne une loi compétente sans considération de son contenu ni de la
solution concrète qui y résultera, c’est une méthode aveugle. C’est gênant car dans le
commerce international, les opérateurs veulent une sécurité et une prévisibilité juridique, ils
veulent savoir par avance ce qu’il en sera, ne veulent pas découvrir la solution.

- Cette méthode manquerait l’un des objectifs du droit du commerce international : la rapidité.
En droit du commerce international, il faut aller vite, sans avoir recours à des avocats, juristes,
professeurs de droit etc. Sinon il faut appliquer la règle de conflit de lois, voir la loi
applicable, déterminer son contenu, voir comment elle est appliquée.

- La méthode conflictualiste serait inadaptée dans le commerce international parce qu’elle


partirait d’une situation internationale pour la faire rentrer dans un cadre interne, elle nuit la
dimension internationale de la situation, pour la ramener simplement à une catégorie interne.
Or l’objectif du droit du commerce international est d’avoir des solutions plus souples, libres,
spécifiques. On ne pourrait pas réaliser l’internationalité de la situation du fait de la loi interne
désignée par la règle de conflit de lois.

- Autant il est naturel pour un juge étatique d’appliquer les règles de conflit de lois, autant il
n’est pas naturel pour un arbitre de le faire. Le juge est lié à son for, il a un système juridique,
il est lié à un État, à son système juridique national. L’arbitre n’a pas de for, mais a un siège,
il n’est pas lié à un État, ni à un système juridique, donc n’a pas à faire respecter un système
juridique, n’a pas à faire respecter un ordre juridique.

C’est l’arbitre international qui est juge des conflits du droit du commerce international, donc
il faut utiliser d’autres méthodes que la règle de conflit de lois, d’autres solutions, d’autres
sources de droit.

La règle de conflit de lois n’existera que lorsqu’il n’y a pas de règle du commerce
international, la règle de conflit de lois va profiter d’une absence, d’un silence des règles du
droit du commerce international. Donc celui-ci multiplie les règles pour évincer la règle de
conflit de lois dans le plus de cas possibles.

25

Section II : Les règles matérielles

I) Présentation générale

Les règles matérielles a 2 éléments cumulatifs :

- Elles gouvernent les seules relations internationales, elles sont élaborées pour des relations
internationales

- Elles provoquent dans leur application un règlement direct au fond, elles donnent une
solution substantielle à la solution juridique en question

La règle est donc matérielle, et certains auteurs ont dit que la règle matérielle était tout sauf
une méthode, ils disent que c’est une réglementation au fond, une même réglementation que
celle de type interne.

Les règles matérielles peuvent procéder de sources diverses : internes, internationales.

- Sources nationales :

o La loi sur le contrôle des investissements étrangers par exemple.

o Ou la jurisprudence :

▪ Sur la licéité de la clause sur le paiement en monnaie étrangère, admise dans les rapports
internationaux, mais interdites dans les rapports internes,

▪ Sur le principe de validité et d’autonomie de la clause d’arbitrage dans les rapports


internationaux mais pas dans les rapports internes.

- Sources internationales : les conventions internationales d’unification (exemple : la


Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises : il n’y’a que des règles
matérielles, aucune RCL)
- Les règles matérielles peuvent venir aussi d’un droit spontané, non étatique, qui émane
directement des opérateurs, né spontanément des rapports sociaux (idée de Hayek, qui a
développé cette idée de droit spontané) : la lex mercatoria par exemple, principes, usages, les
sentences dégagées par la pratique.

II) L’intervention des lois de police

C’’est une question controversée, la notion est connue mais son application pose problème.

A) Notion

La terminologie est variable, on parle de loi de police, de loi d’application immédiate, de loi
d’ordre public. On utilise souvent l’expression loi de police, expression qui a été popularisée
par Franceskakis : ce sont « les lois dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de
l’organisation politique, sociale et économique du pays ».

La CJCE dans l’arrêt Arblade du 23 novembre 1999 en a donné une définition similaire : les
dispositions dont l’observation est jugée cruciale pour la sauvegarde de l’organisation sociale,
économique de l’État.

Ces lois de police sont des règles matérielles, elles régissent du droit international privé.

Ces lois de police doivent être distinguées de l’ordre public international.

- Lois de police : interviennent en amont, elles sont d’application immédiate

- Ordre public international : il intervient a posteriori, la solution est choquante, on recherche


la loi applicable, son application est jugée contraire à l’OPI, donc on évince la solution, c’est
un correctif de désignation de la loi applicable.

26

1) Caractéristiques des lois de police

- 1ère caractéristique : leur grande diversité, elles peuvent intervenir en toute matière, et aussi
en droit du commerce international.

- 2ème caractéristique : les sources peuvent être différentes, jurisprudentielles comme


textuelles, nationales comme internationales.

- 3ème caractéristique : elles sont variables, elles peuvent évoluer dans le temps, dans
l’espace.

- 4ème caractéristique : difficiles à repérer, identifier, caractériser, il est rare qu’un texte dise
qu’il est une loi de police, ça n’est jamais le cas. Des formulations peuvent indiquer ça, laisser
entendre ça : toute clause contraire est réputée non écrite par exemple. C’est souvent au juge,
au cas par cas, lorsque la question se pose de déterminer si une règle est constitutive ou non
d’une loi de police.
2) Exemples de lois de police

On peut citer quelques exemples de lois de police qui tournent autour du droit du commerce
international :

- CE, 29 juin 1973, Compagnie des wagons-lits : une société, qui a été constituée en Belgique,
qui relève de la loi belge, exerce une activité ferroviaire en France. Quels sont les droits des
salariés quand ils travaillent sur le sol français ? Ont-ils droit à une IRP (DP/CE) ? En
Belgique, ce CE n’existait pas à l’époque. Si on applique la loi belge, les salariés n’ont pas
droit à une IRP. Si on dit que la protection des salariés est une loi de police, alors les salariés
ont droit à DP/CE car ils exercent sur le sol français. C’est ce qu’a décidé le Conseil d’État.

On a appliqué la même solution pour des compagnies aériennes, notamment low-cost :


Ryanair par exemple. Mais cette affaire n’intéresse pas le dci au sens strict, c’est du droit du
travail international.

- En droit de la concurrence : les opérateurs doivent-ils impérativement respecter telle ou telle


règle quand ils interviennent sur un marché ? La question s’est posée au regard du droit
communautaire : la réponse est unanime depuis la fin des années 60-début des années 70 :
CJCE, 1972, Matières colorantes : les entreprises même non communautaires doivent
respecter immédiatement les règles communautaires sur la concurrence dès lors qu’elles
exercent leur activité sur un territoire d’un État membre. Certaines règles du droit de la
concurrence sont d’application immédiate car elles protègent des intérêts fondamentaux des
communautés européennes.

- Sur les relations bancaires, les opérations bancaires : le monopole bancaire, par principe
d’ordre public interne, peut-il être considéré comme une loi de police ? Idem pour le taux
d’usure ? Un arrêt de la Cour de cassation a dit que c’était une loi de police si le prêt était
contracté à partir du territoire français, si la banque avait fait la démarche de chercher sa
clientèle à partir du territoire français.

- La question de la sous-traitance, la sous-traitance est un sous-contrat d’entreprise, il y’a une


action directe du sous-traitant contre le maitre d’ouvrage. La loi française dispose que, sous
certaines conditions, le sous-traitant qui n’a pas été payé par l’entrepreneur principal peut se
tourner contre le maitre de l’ouvrage, il dispose d’une action directe. Cette action directe du
sous-traitant contre le maitre de l’ouvrage est-elle constitutive d’une loi de police ? La Cour a
tergiversé, pour finir par dire que oui dans un arrêt Ch. Mixte, Agintis, 30 novembre 2007.

27

On ne protège pas les nationaux, on protège tous les sous-traitants qui travaillent en France.
Ce n’est pas la loi entière qui est une loi de police, ce sont des bouts de lois.

- La réglementation boursière : notamment sur les offres publiques ou sur la protection


d’épargne publique dans des émissions de titre, elle a été considérée comme des dispositions
protectrices de l’épargne public, donc d’intérêt supérieur, et donc comme une loi de police.
3) Conclusion

Les conclusions sont faciles à décrire :

- Il faut un élément de rattachement, très souvent les lois de police sont d’application
territoriale, protègent un territoire, mais ça n’est pas un principe. On a souvent des lois de
police extraterritoriales, qui vont s’appliquer à l’étranger, vont avoir un effet sur d’autres
territoires : une loi américaine qui interdisait le commerce avec Cuba par exemple, était
d’application extra territoriale, ou l’amende infligée à la BNP (9 milliards de $)

- Les lois de police protègent toujours un intérêt général : l’intérêt d’un État. On a essayé
d’affiner le propos en doctrine, en disant qu’il y a 2 générations de lois de police :

o 1ère génération : il y’a un intérêt général évident, l’intérêt de l’État, son organisation même,
sa politique.

o 2ème génération : elles sont plus contemporaines, elles protègent des intérêts plus
particuliers : l’intérêt des sous-traitants, des consommateurs, des épargnants : une catégorie
dans la population. Mais c’est toujours l’intérêt public qui est derrière (favoriser la
construction, le financement des marchés/des entreprises)

B) L’application des lois de police

Une fois la loi de police identifiée, il faut l’appliquer : par le juge ou par l’arbitre.

1) Application des lois de police par le juge étatique

Cette application relève du droit international privé. On distingue 2 types de lois de police :

- Les lois de police du for

- Les lois de police étrangères

a) Lois de police du for

Ce sont les lois de police du propre juge étatique saisi.

C’est le coeur du système, elles ne soulèvent pas de problème. Tous les juges de tous les pays
appliquent les lois de police de leur système juridique, de leur for. Le juge étatique doit
protéger les intérêts de l’État, des intérêts internes. C’est admis par la jurisprudence interne,
communautaire, et par le règlement Rome I.

b) Lois de police étrangères

Un juge étatique doit-il être le protecteur des intérêts supérieurs d’un État étranger ? La
question a une dimension juridique, politique et philosophique.

- Juridique : c’est un droit étranger, le juge français n’a pas à connaître la teneur, l’importance
de lois étrangères.
- Politique : « le juge peut-il se faire l’agent de la satisfaction des intérêts propres d’un pays
étranger ? » (Expression de Yves Lequette et Bertrand Ancel).

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- Philosophique : le juge doit-il défendre les intérêts d’un État étranger qui ne le rémunère pas,
ne le nomme pas, ne fait rien pour sa carrière, et qui parfois a des valeurs/principes contraires
à ceux français ?

Pendant longtemps on disait non : le juge français n’applique pas les lois de police étrangères.

Mais à partir du moment où le juge peut et parfois doit appliquer le droit étranger on
comprend mal qu’il n’ait pas à appliquer les dispositions les plus importantes du droit
étranger. Donc on a considéré que les lois de police étrangères sont applicables par le juge
français.

Si on applique la loi de police étrangère et qu’elle est contraire à l’OPI du for, on pourra
l’évincer. Donc juridiquement on peut s’en sortir. Il y a donc une faculté pour le juge
d’appliquer les lois de police étrangères.

Pour le juge étatique :

- Pour les lois de police du for : obligation de l’appliquer.

- Pour les lois de police étrangères : faculté, pas une obligation.

2) Application des lois de police par l’arbitre du commerce international

C’est une question importante :

- Parce que l’arbitre n’est pas un juge étatique, mais privé.

- Et parce que l’arbitre, du fait de son statut de juge privé, n’a pas de for, il n’est pas relié à un
système étatique donné. La Cour de cassation parle de décision de justice internationale quand
elle se réfère à un arbitrage pour bien montrer qu’il n’y a pas de lien avec un système
juridique national.

L’arbitre, contrairement au juge étatique, intervient très fréquemment dans le commerce


international, c’est le juge habituel du commerce international, car il n’y a pas de juridictions
supranationales pour les litiges du commerce international. On dit que l’arbitre est le juge
normal, habituel du commerce international.

Les solutions dégagées pour le juge étatique sont donc inapplicables pour l’arbitre
international, il n’y a pas la différence de statut entre loi de police du for et loi de police
étrangère. Mais l’arbitre intervient très souvent donc la question se pose.

L’arbitre est un juge privé, il ne représente pas une personne, elle n’a pas de lien avec un État,
donc peut-il juger en tant que personne privée des règles supérieures d’une personne/d’un État
? Pendant longtemps, on a dit que quand l’arbitre était confronté à une loi de police il devait
se déclarer incompétent. Cette solution est très mauvaise et a été critiquée car l’arbitre est
saisi en vertu d’une clause d’arbitrage donc il est compétent.

Et en droit du commerce international, très souvent on aura des lois de police, on les
invoquera, donc on ne va pas se déclarer incompétent à chaque fois.

Certains pays ont considérablement évolué, notamment les pays où la jurisprudence est très
favorable à l’arbitrage en commerce international (France, Suisse, Belgique). Il y a une
tendance à considérer que l’arbitre, parce qu’il est choisi par les parties, ne doit pas s’estimer
incompétent et doit appliquer les lois de police. Donc on est passé vers une application par
l’arbitre des lois de police, pour certains cette application est une faculté, pour d’autres c’est
une obligation.

Quelles sont les lois de police qu’il peut/doit appliquer ? Il s’agit de toutes les lois de police
de tous les pays, mais surtout les lois de police en lien avec l’affaire dont l’arbitre est saisi. La
jurisprudence française, suisse, puis américaine ont dit que l’arbitre avait intérêt à faire
application de 3 types de lois de police différentes :

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- Lois de police du droit applicable au fond/au litige : la mission a été confiée à l’arbitre de
juger selon tel droit, donc il ne doit pas écarter les règles les plus impératives de ce droit.

- Lois de police du siège du tribunal arbitral, ce siège du tribunal arbitral est fixé par les
parties le plus souvent donc il y a un lien avec le litige, car les voies de recours contre la
sentence auront lieu devant l’État du lieu du siège, donc on doit respecter les lois de police de
cet État- là sinon la sentence aura de fortes chances d’être annulée.

- Lois de police du lieu d’exécution de la sentence : c’est le cas le plus compliqué à saisir, on
ne sait pas exactement où la sentence sera exécutée. Cela peut être le lieu où le requérant a le
principal siège de ses intérêts, de ses activités, son siège social. Mais quand on est face à des
États, le lieu d’exécution de la sentence peut être très divers. On cherche donc le lieu où les
actifs sont les plus présents, repérables, liquides et disponibles.

Dans un arbitrage, la société Ioukos a été condamnée à payer 60 milliards de $, les actifs sont
majoritairement situés en Russie, demander l’exécution en Russie à un bien russe n’est pas
évident, donc les requérants vont demander à plein d’États pour demander l’exécution sur des
biens russes.

 Il y a donc une tendance en jurisprudence d’accepter les lois de police étrangères :

o C’est accepté par la jurisprudence française depuis plusieurs années : des arrêts de la Cour
d’appel de Paris (1993 Société Labinal, 1995 Société Matra Hachette).

o La jurisprudence suisse en a fait de même.


o La jurisprudence américaine aussi : Cour suprême, 1985, Mitsubishi v Soler et Cour
suprême, 1987, American Express. Ces 2 arrêts montrent une vision très libérale de
l’arbitrage.

▪ Dans l’affaire Mitsubishi v Soler, il s’agissait d’un cas d’antitrust, cette matière est truffée
de lois de police, la USSC a dit qu’un tribunal arbitral pouvait appliquer une loi de police.

▪ Dans l’affaire American Express, on retient la même solution mais pour le droit des marchés
financiers, la protection des valeurs mobilières (le droit des sociétés relèvent des États, mais le
droit des sociétés cotées relève du droit fédéral, car il s’agit de la protection de l’épargne
publique etc.)

En définitive, c’est une excellente solution, il est normal que le juge habituel du commerce
international (l’arbitre) applique les lois de police.

III) L’émergence de la lex mercatoria

Comment s’est construite cette lex mercatoria ? Quelle est sa teneur ? Quelle est son utilité en
droit du commerce international ? Le débat a été intense, est ancien, a opposé des grands
noms de la doctrine juridique, son point culminant a été dans les années 60-70.

A) Approche théorique

 2 questions ont été posées, autour de la question de savoir s’il peut exister des règles
juridiques en dehors du droit étatique ou interétatique.

1) Peut-on avoir un droit en dehors des États ?

Peut-on avoir du droit en dehors des États ? Des usages, de la pratique, des comportements
répétés peuvent-ils devenir du droit sans intervention de l’État ?

Deux systèmes se sont opposés en réalité.

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a) Le système du positivisme légaliste

Le système du positivisme légaliste est une théorie développée à partir des pays de droit écrit,
(le point culminant en France a été la Révolution Française et les Codes napoléoniens). Le
droit est essentiellement écrit, non jurisprudentiel, légiféré, tout le droit est donc étatique, tout
le droit est dans la loi. Donc on est contre la reconnaissance de la lex mercatoria. Le droit part
de l’État, émane de l’État, et va vers les opérateurs. On affirme donc la suprématie et
l’exclusivité de la loi de l’État.

Cette théorie consacre l’idée d’un État fort, qui a autorité dans la création des sources de droit.

b) Le système du pluralisme des sources


Le système du pluralisme des sources existe chez certains États dans lesquels il n’y a pas le
culte de la loi, où le droit n’est pas écrit, il n’y a pas une exclusivité étatique dans la création
du droit. Dans ces pays, le droit peut avoir plusieurs sources, le juge est une source, il peut
créer du droit, les usages sociaux peuvent créer du droit. L’idée est différente : dans cette
théorie il peut y avoir un pluralisme des sources : elles peuvent être étatiques, interétatiques,
ou non étatiques.

Cela relève aussi de la philosophie, la pensée libérale est plus importante, et le poids de l’État
est moindre (GB, USA).

C’est dans ce contexte là qu’est née la lex mercatoria.

c) La querelle doctrinale

Les débats ont été vifs, il y a eu 2 tendances contraires, certains ont refusé l’existence et la
force d’une lex mercatoria, d’autres ont agi en sa faveur. Il y’a 2 noms à retenir : Paul
Lagarde et Berthold Goldman, ces 2 auteurs se sont écharpés.

- Lagarde dit que le droit est étatique, seul l’État peut créer du droit, il refuse le pluralisme des
sources : le droit ne peut être crée que par l’État qui agit seul ou à plusieurs.

- Pour Goldman, c’est tout le contraire, le droit n’est pas que dans l’État, dans les relations
économiques internationales. Il faut prendre en compte l’influence d’autres États que l’État
français, et d’autres sources que les sources légales. Il dit que cette lex mercatoria a existé,
qu’elle a perdu de son influence quand les États ont retrouvé de leur puissance, mais qu’elle
conserve sa force dans les rapports économiques internationaux.

2) La lex mercatoria constitue-t-elle un ordre juridique ?

Le débat s’est concentré sur un point plus précis : à supposer même que la lex mercatoria
existe, elle ne constituerait pas un ensemble juridique, un ordre juridique, puisqu’elle ne serait
ni juridique, ni complète, ni autonome.

- Lagarde dit que les sources de droit doivent s’inscrire dans un système juridique, doivent
être autonomes (ne doivent pas dépendre d’un système étatique), que ces règles ne sont que le
recopiage de règles qui existent déjà dans les systèmes étatiques.

- Goldman dit que le système de la lex mercatoria est complet et autonome, ce n’est pas parce
que les règles existeraient dans des systèmes juridiques que ces règles n’existeraient pas par
elle-même.

Certains auteurs disent que la lex mercatoria existe par elle-même, elle serait autonome, pas
forcément complète mais elle tend à une complétude, elle apporte des éléments qui existent
par eux-mêmes. Ce sont les idées de B. Oppetit et Ph. Bouchard.

31
B) Approche pratique

Qu’est-ce que ce débat a entrainé comme conséquences ?

1) La juridicité de la lex mercatoria

Dire qu’elle existe ou qu’elle n’existe pas, cela revient finalement à dire que les règles qui la
composent ont ou non une valeur juridique. Tout le débat va porter sur la question de savoir
s’il y a une juridicité ou non de la lex mercatoria. Cette juridicité aujourd’hui semble peu
contestable et peu contestée.

a) Par les conventions internationales

Un certain nombre de conventions internationales font elle-même appel à la lex mercatoria


sous une appellation similaire.

- L’article 38 des statuts de la Cour internationale de justice fait ainsi référence « aux
principes du droit international ». Certains y ont vu une consécration de sources non étatiques.

- La Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises fait référence à des


principes de droit international. C’est d’autant plus intéressant que la CVIM ne comporte
aucune règle conflictualiste, que des règles matérielles.

- Les accords d’Alger de 1981 intervenus entre les USA et l’Iran : chute du chah d’Iran,
arrivée de l’ayatollah, nationalisations d’entreprises US en Iran. Les États se sont mis
d’accord pour gérer leurs litiges, on a mis en place un tribunal arbitral permanent, parmi les
sources utilisées par ce tribunal, il y a la lex mercatoria.

b) Par la jurisprudence française

Si on examine la jurisprudence française, elle consacre sans doute la juridicité de la lex


mercatoria. La jurisprudence française a au moins par 3 fois consacré la juridicité de la lex
mercatoria.

La question juridique qui était posée était toujours la même : dans ces 3 litiges, il y avait un
tribunal arbitral, la question est : les parties et l’arbitre peuvent-ils statuer en droit (et pas en
amiable composition) ? La réponse a été à peu près la même. Dans ces 3 affaires, le tribunal a
fait appel à la lex mercatoria, à des principes et usages dégagés par le droit du commerce
international. La Cour de cassation a dit que la lex mercatoria est du droit, l’arbitre a appliqué
du droit en utilisant la lex mercatoria. D’abord par un arrêt, Cass, Civ 2, 9 novembre 1981
Fougerolle.

Cet arrêt a été confirmé par l’arrêt Norsolor de 1984. En faisant référence « aux principes
généraux dans le commerce international », la Cour de cassation a dit que les arbitres ont
respecté leur mission, ont statué en droit, la sentence est donc valable.
Ensuite, dans l’arrêt Cass, Civ 1, Valenciana 22 novembre 1991, c’est la même réponse.
L’arbitre statue en disant que le litige serait réglé « selon les seuls usages du commerce
international autrement dénommés lex mercatoria ». La Cour de cassation indique que
l’arbitre a statué en droit, il a respecté sa mission : « en se référant à l’ensemble des règles
internationales dégagées par la pratique, et ayant reçu la sanction des jurisprudences
nationales ».

Cet arrêt Valenciana a été interprété de 2 manières :

- Goldman a dit que cela fait 3 fois qu’il avait raison, donc que sa théorie l’emportait, circulez
il n’y a rien à voir.

32

- Lagarde a dit qu’en 1981 et 1984 il a été un peu gêné mais en 1989 il a gagné, car « ayant
reçu la sanction des jurisprudences nationales » donc il y a besoin de l’État, sans l’État
derrière, ça ne tient pas. Mais Goldman a dit qu’on s’en foutait, la Cour de cassation décide
ou non de sanctionner mais le plus important est le début de l’attendu.

Aujourd’hui, plus personne ne doute de la juridicité de la lex mercatoria, il n’y a plus besoin
de la sanction par une jurisprudence nationale.

2) Le contenu riche et varié de la lex mercatoria

a) Les principes généraux dégagés par les sentences arbitrales

La première catégorie des composantes de la lex mercatoria est les principes généraux
dégagés par les sentences arbitrales. Ces principes ne font pas référence au droit étatique,
mais font référence à des pratiques du commerce international, à des règles juridiques plus ou
moins techniques.

Exemples :

- Les sentences arbitrales ont dégagé un principe général de bonne foi, en toutes matières. Ce
principe n’est pas propre à la lex mercatoria, mais est aussi contenu à la lex mercatoria.

- Le principe de responsabilité, réparer le préjudice qu’on a causé par sa faute.

- Le principe de l’enrichissement sans cause : les sentences arbitrales reconnaissent ce


principe, sans référence au droit étatique.

- Le principe de souveraineté des États sur leurs ressources naturelles : on a appelé ça « les
grandes sentences pétrolières » : les États ont le droit de nationaliser les sociétés qui
exploitent leurs ressources naturelles, mais l’État a l’obligation d’assurer une indemnisation
équitable aux opérateurs dont les actifs sont nationalisés.

- Le principe de minimisation des dommages.


- Le principe de renégociation de bonne foi en cas de changement des circonstances.

b) Les pratiques contractuelles généralisées

La deuxième catégorie des composantes de la lex mercatoria est les pratiques contractuelles
qui ont été érigées et généralisées. On a un certain nombre de comportements, de clauses,
d’usages qui sont considérées comme obligatoires par la pratique.

Exemples :

- La clause de hardship (renégocier en cas de changement de circonstances).

- La clause de force majeure, la force majeure dans le CI n’est pas nécessairement


imprévisible, irrésistible, extérieur. En droit français, la force majeure a une force libératoire,
elle a un effet d’exonération, alors qu’en commerce international, la force majeure a un effet
uniquement suspensif.

- Les RUU (règles et usances uniformes) en matière de crédit documentaire, c’est une
codification privée des règles inventées par la pratique, aucun État n’est intervenu, les contrats
ont été inventés par la pratique : contrat de construction d’usine clé en main.

33

c) Les usages du commerce international

La troisième catégorie est les usages du commerce international, considérés comme


obligatoires par les opérateurs du fait de leur utilisation, de leur diffusion massive. Ce sont des
usages, des conditions applicables dans telle ou telle activité. Là encore, c’est une codification
sans intervention d’États.

- Les usages GAFTA en matière de commerce des grains. On appelle contrats GAFTA les
contrats qui se réfèrent à ces usages GAFTA.

- Les usages FIDIC en matière de construction.

2 choses pour finir :

- La lex mercatoria a un contenu et une juridicité intéressantes, elle n’est certes pas
complètement autonome.

- On a un pluralisme des sources dans le commerce international, les États n’ont pas le même
socle, la même philosophie, donc il est normal que les usages du commerce international
soient partagés. Les règles de la lex mercatoria ne concernent que les opérateurs, elles
donnent des solutions au fond, mais ne traitent pas des rapports avec les systèmes étatiques.

34

Partie I : Les opérateurs du commerce international


Ce sont les personnes considérées comme des professionnels du commerce international, et
qui vont réaliser des opérations du commerce international. Il y’a deux types d’opérateurs :

- Les sociétés

- Les États

2 remarques liminaires :

- On laisse de côté les personnes physiques qui, matériellement, ne peuvent pas faire du
commerce international, contrairement aux sociétés.

- Il existe entre sociétés et États des connivences, des points de liaison : les sociétés
nationales, à capitaux publics, d’économie mixte, des joint-venture (contrat ou société qui
vont lier des opérateurs de nationalité différente, c’est très souvent entre un opérateur privé et
un opérateur public, entre un État et un opérateur à capitaux publics)

Chapitre I : Les sociétés

Beaucoup de sociétés interviennent dans le commerce international, c’est considérable.

On remarque leur très grande plasticité : il s’agit tant sociétés de personnes que de sociétés de
capitaux. Les sociétés peuvent opérer sous différentes formes, interviennent isolément ou en
groupes.

Section 1 : Les sociétés prises isolément

Les sociétés peuvent être créées, immatriculées sous n’importe quelle forme et exercer leur
activité dans n’importe quel pays.

On va étudier 3 questions qui sont classiques du droit international privé mais qu’on va voir
selon une analyse commercialiste :

- La nationalité des sociétés

- La loi applicable aux sociétés

- La reconnaissance et l’exercice de l’activité des sociétés étrangères

I) La nationalité des sociétés

Question controversée, au centre d’intérêts considérables.

On va voir 3 questions :

- La notion

- Les intérêts de la détermination

- Les critères de la détermination


A) L’admission de la notion de détermination

La notion de nationalité des sociétés a été controversée, pendant longtemps elle n’a pas été
acceptée.

On a eu 2 Écoles distinctes :

- Niboyet d’un côté, et Léon Mazeaud de l’autre, à la fin de la WWI.

- Dans cette admission de la notion, ils ont échangé des arguments pour (Mazeaud) ou contre
(Niboyet) la nationalité des sociétés.

35

1) Arguments contre la nationalité des sociétés

Quels sont les arguments contre la nationalité des sociétés ?

- Niboyet dit que dans la population française on ne tient pas compte des citoyens, juste des
habitants, donc les sociétés n’ont pas de nationalité.

- Il n’y’a pas de dispositions légales sur la nationalité des sociétés, une société peut exister
sans nationalité, en dehors d’un État.

- Il n’y’a pas de lien affectif entre une société et un État qui permette de lui conférer une
nationalité.

- Niboyet dit que la société est déjà une fiction, donc on rajouterait une fiction à une fiction.
Or, on n’a pas besoin de copier pour une personne morale tout ce qui existe pour une
personne physique.

- Il n’existe pas d’action en reconnaissance de la nationalité.

- Il y’a l’idée que la nationalité découlerait d’un contrat de droit privé, d’une volonté privée,
on choisirait sa nationalité. Or, la nationalité est un rattachement à l’État, c’est l’État qui
l’attribue. La nationalité des sociétés dépendrait du contrat de société, de la volonté des
associés, c’est inconcevable selon lui.

2) Arguments pour la nationalité des sociétés

Par réponse aux arguments vus précédemment) :

- On recense les sociétés immatriculées en France aujourd’hui.

- On a des textes particuliers qui concernent la nationalité des sociétés, il n’y’a pas de texte
général certes, mais il y’a des textes particuliers et de la jurisprudence dessus.

- L’anthropomorphisme a des limites certes, mais on l’a déjà poussé loin. On a établi des
parallèles entre personne physique et morale : une société a la personnalité morale dès qu’elle
est immatriculée, elle a un patrimoine, un nom patronymique, un siège social etc. donc elle
peut avoir une nationalité.

- La fiction, Niboyet dit que la société est une fiction, mais en droit des sociétés, il y a la thèse
de la fiction et la thèse de la réalité.

- Le lien affectif, il existe sans doute, certaines sociétés sont profondément ancrées dans un
paysage, un territoire, pendant la WWII certaines sociétés ont collaboré (Renault, qui a subi
une nationalisation après coup, en guise de sanction), d’autres ont résisté (Peugeot).

- On ne pourrait rapprocher les personnes physiques et morales car elles sont très différentes :
c’est vrai en pratique, mais quand une société ne se voit pas reconnaître le droit d’exercer en
France c’est comme si on l’expulsait, s’il y a un litige on demandera à bénéficier de la
nationalité, on fera ça au coup par coup et non de façon générale.

- Le contrat de droit privé ne pourrait pas créer de nationalité : la nationalité dépend d’une
relation volontaire, le lieu de naissance donne souvent la nationalité, c’est un choix privé, ce
n’est pas l’État qui décide de là où on nait. Et pour les sociétés, les pouvoirs publics ont leur
importance : on ne peut pas créer de société partout, il y a un contrôle, des conditions, on ne
peut pas créer de société partout, le siège social ne doit pas être fictif. Quel que soit le critère

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pour obtenir la nationalité d’une société, c’est l’État qui le fixe, il fixe les critères de la
nationalité pour les personnes physiques comme pour les personnes morales.

Aujourd’hui, les débats sont beaucoup moins importants d’un point de vue doctrinal, la
plupart des auteurs parlent de nationalité des sociétés. Et la nationalité existe car elle présente
des intérêts.

B) Les intérêts de la détermination

Il y a un faux intérêt, des intérêts dépassés et des intérêts actuels.

1) Un faux intérêt

La nationalité déterminerait la loi applicable, on dirait que nationalité et loi applicable seraient
la même chose : or c’est faux, ce sont deux notions distinctes. Certains auteurs confondent
parfois nationalité et loi applicable. On les confond parce que les critères de détermination
sont souvent les mêmes. Quand la jurisprudence parle de loi applicable elle parle de loi
nationale de la société, ça prête à confusion. La nationalité ne sert pas à déterminer la lex
societatis.

2) Intérêts qui ont existé, mais existent de moins en moins

2 exemples :
- La question des mesures prises en temps de guerre, si on peut mettre sous séquestre,
nationaliser, vendre des biens, d’actifs d’une société en temps de guerre, la question de la
nationalité s’est posée.

- Des mesures réservées aux nationaux : il faut définir qui est national du coup. Les baux
commerciaux par exemple, pendant longtemps le décret-loi de 1953 réservait le
renouvellement des baux commerciaux à l’acquisition/l’obtention de la nationalité française.

Mais ces mesures réservées aux nationaux sont en perte de vitesse : à cause de l’égalité de
traitement au sein de l’UE, des conventions internationales, et le principe de non-
discrimination qui se développe de plus en plus.

3) Intérêts réels, qui perdurent/subsistent

a) L’invocation des traités

Un intérêt qui joue extrêmement fréquemment, c’est un intérêt majeur : l’invocation des
traités. Pour invoquer un traité signé entre différents États, il faut que les ressortissants soient
nationaux d’un État signataire, il faut donc déterminer la nationalité d’une société pour voir si
elle peut invoquer ce traité.

Les traités les plus fréquemment invoqués sont ceux relatif à la liberté d’établissement, aux
conventions fiscales pour lutter contre la double imposition, aux traités de protection des
investissements.

b) La protection diplomatique

La question de la protection diplomatique (possibilité pour un ressortissant d’un État


d’invoquer la protection d’un État afin de trouver la solution à une situation), est une question
qui a été très largement débattue notamment dans 2 affaires célèbres jugées par la Cour
internationale de justice.

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i) L’arrêt Barcelona Traction (1970)

Dans l’arrêt CIJ, 5 février 1970, Barcelona Traction, une société a été chargée à la fin des
années 20/début des années 30 de déployer l’électricité en Catalogne, par un contrat qui
s’étirait sur plusieurs années, les intérêts financiers étaient significatifs. La société Barcelona
Traction est très internationale, elle a des actionnaires de nationalités variées, elle émet des
obligations.

La guerre civile en Espagne survint, elle ne peut plus faire face au remboursement des
obligations. La monnaie dans laquelle elle devait rembourser ne peut plus être émise, de ce
fait, les créanciers obligataires se retournent pour essayer de trouver une solution, il n’y a
quasiment pas de solution juridique, chacun des obligataires ou actionnaires demande à
bénéficier de la protection diplomatique de leur propre État.
L’affaire est considérable, elle met en jeu un très grand nombre de pays, dans cet arrêt la CIJ
dit que seul l’État dont la société est un ressortissant peut invoquer la protection diplomatique.

La CIJ dit que c’est le critère du siège social ou de l’incorporation qui est utilisé pour
déterminer la nationalité d’une société.

ii) L’arrêt Electronica Sigula (1989)

Dans cette seconde affaire, la CIJ étend la protection diplomatique aux actionnaires, par
l’arrêt CIJ 1989 Electronica Sigula.

La CIJ est saisie dans des circonstances un peu rocambolesques : cette société est une filiale
d’une société qui existe aux USA. Cette société voit ses actifs saisis en vertu d’une décision
règlementaire italienne, cela se passe à Palerme. L’actionnaire américain reproche au préfet
de Palerme d’avoir saisi les actifs, d’avoir rendu la société insolvable, d’avoir procédé à une
liquidation. La société se dit spoliée de ses actifs par une décision règlementaire et cherche
alors à bénéficier de la protection diplomatique des USA.

Si on applique le même critère que dans Barcelona Traction, la société Electronica Sigula est
considérée comme une société italienne et donc de ce fait seul l’État italien peut protéger cette
société. L’actionnaire américain ne veut pas de cette protection car c’est un représentant de
l’État italien qui a ordonné cette mesure.

Il y avait une convention entre les USA et l’Italie, donc la décision se fonde aussi sur des
dispositions du traité entre les USA et l’Italie, la solution est fondée sur un traité, elle ne fonde
pas un principe général en dehors de toute convention.

La solution substantielle est intéressante : la CIJ dit que l’actionnaire


principal/important/significatif va pouvoir bénéficier lui-même de la protection diplomatique
de l’État dont il est ressortissant.

En vertu de ces deux décisions, on a donc une double protection diplomatique : celle de la
société, et celle du ou des actionnaires, mais est-ce que c’est l’actionnaire
majoritaire/prépondérant/exclusif/tout actionnaire ? Il reste du flou. Et souvent l’actionnaire
n’est pas une personne physique, donc en réalité on peut toujours parler de la nationalité, mais
cela peut être aussi celle d’une société qui est actionnaire d’une autre société.

Cette protection diplomatique ne joue pas très souvent en pratique, mais est invoquée et sert
de rempart contre des décisions abusives/frauduleuses de la part d’États.

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c) La protection des investissements

La protection des investissements s’est surtout développé à partir des années 70, encore plus
dans les années 80/90, et plus sur la conclusion de conventions/de traités que sur la protection
diplomatique, les TBI par exemple (traité bilatéraux d’investissements).
Pour pouvoir bénéficier de la protection des investissements, il faut être national d’un État qui
a signé le traité.

Les investissements constituent sans doute aujourd’hui un enjeu majeur de la détermination


de la nationalité d’une société.

Parfois, il s’agit de protéger des investissements, il va s’agir de contrôler des investissements


étrangers, de les limiter, de les interdire, de les soumettre à une autorisation préalable. En
effet, un grand nombre de textes aujourd’hui visent à contrôler les investissements étrangers,
pour cela, il faut déterminer la nationalité d’une société, d’un investisseur.

Il y a un mouvement large de libéralisation en France des investissements étrangers, il n’y a


plus de contrôle en principe. Il y’a un principe de libéralisme des investissements étrangers.

Mais les exceptions se multiplient : dans le secteur de l’armement, de l’aviation, des navires,
de la presse, de la télé, de la radio, des casinos. Depuis quelques années, la notion de
patriotisme économique est revendiquée par plusieurs États : un État veut protéger un fleuron
de son économie et va contrôler les investissements étrangers dans certains secteurs. On prend
parfois des décrets, des lois, pour éviter qu’un secteur passe sous le contrôle d’un État
étranger : comme les amendements l’Oréal, Total, Danone, Taittinger, Alstom.

Cela concerne beaucoup de secteurs : santé, nouvelles technologies, données cryptées,


armement, énergie, eau.

On voit qu’en fonction des gouvernements en place, il y a une tendance à protéger l’économie
nationale, et à créer beaucoup d’exceptions pour déroger au maximum du principe de
libéralisme des investissements étrangers.

On insiste sur ce point parce que beaucoup de pays étrangers font la même chose, le
patriotisme économique est du protectionnisme en fait. De ce fait, la nationalité des sociétés
revêt une importance primordiale, on protège une société nationale contre une société de
nationalité étrangère : le pivot de cette sélection c’est la nationalité de la société.

4) Intérêt qui existe encore mais est en perte de vitesse

Cet intérêt est distinct des intérêts vus dans le 2.

Cet intérêt est : la condition des étrangers, la reconnaissance et l’activité des sociétés
étrangères. C’est en perte de vitesse parce que les étrangers sont de plus en plus traités comme
des nationaux.

C) Les critères de la détermination de la nationalité des sociétés

Il y a 2 sources de solutions :

- Les solutions jurisprudentielles qui ont longtemps occupé l’espace : la jurisprudence fait
prévaloir le critère du siège social.
- Les solutions textuelles : les textes font prévaloir le critère du contrôle.

On a 4 critères possibles en théorie, 2 sont juridiques, 2 sont économiques :

- Critères juridiques :

o Le critère du siège social

o Le critère de l’incorporation

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- Critères économiques :

o Le critère du contrôle

o Le critère du centre d’exploitation/centre principal des intérêts

 Les avantages des critères juridiques sont simples à décrire et cela explique la faveur de la
jurisprudence. Le critère juridique est simple à manier, il est unique, il est connu, prévisible,
et permanent, il change peu, cela amène de la prévisibilité juridique, de la sécurité juridique.

Mais ces critères juridiques ont un inconvénient majeur : ils ne pas collent à la réalité
économique, ils sont artificiels, ils ne collent pas à la vie des affaires.

 Les critères économiques sont pluraux, difficiles à manier, non permanents, pas connus à
l’avance et sources d’insécurité, d’imprévisibilité juridique. Mais ils collent à la réalité
économique, à la vie des affaires, c’est l’avantage majeur.

1) La jurisprudence

La jurisprudence a retenu le critère du siège social.

Elle a hésité pendant longtemps entre plusieurs critères, a été ambiguë, a hésité entre le siège
social, critère du contrôle dans certaines circonstances particulières, et parfois un faisceau de
critères (qui convergent vers un critère).

Le critère du contrôle a été utilisé par la jurisprudence quand il s’agissait de mesures en temps
de guerre, de mesures favorisant les nationaux. On regardait la nationalité des personnes qui
contrôlent la société dont on veut déterminer la nationalité, pas la nationalité de la personne
morale (on regarde les contrôlaires, qui détient la majorité du capital, des droits de vote)

La jurisprudence, en dehors de circonstances particulières, a plutôt marqué sa préférence


pendant longtemps pour le siège social, parfois pour le faisceau de critères.

a) L’affaire CCRMA, Civ 1ère, 30 mars 1971

Dans une affaire CCRMA, une société était installée sur le territoire algérien quand l’Algérie
n’était pas encore indépendante, donc cette société a été considérée comme de nationalité
française. L’Algérie devient indépendante, cette société conserve-t-elle sa nationalité
française ou devient-elle algérienne ? Est-ce qu’un changement de souveraineté du territoire
entraine un changement de nationalité ?

La Première chambre civile, par un arrêt du 30 mars 1971, dit « attendu que si, en principe, la
nationalité d’une société se détermine par la situation de son siège social, pareil critère cesse
d’avoir application lorsque le territoire sur lequel est établi ce siège social, étant passé sous
une souveraineté étrangère, les personnes qui ont le contrôle de la société et les organes
sociaux investis conformément au pacte social ont décidé de transférer dans le pays auquel
elles sont rattachées le siège de la société afin qu’elle conserve sa nationalité et continue
d’être soumise à la loi qui la régissait ».

Commentaire de l’attendu : on peut en tirer plusieurs éléments :

- En 1971, la jurisprudence proclame un principe du siège social, après avoir hésité, la Cour
de cassation érige le critère du siège social comme critère unique, prépondérant, comme
critère de principe.

- On s’aperçoit que, dans le même arrêt, la Cour de cassation pose une exception : le
changement de souveraineté du territoire sur lequel il y a le siège social.

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Lorsqu’il y a ces circonstances particulières ce serait le critère du contrôle qu’on appliquerait.


Mais est-ce que c’est vrai ? Si on regarde la fin de l’attendu, on voit que les personnes qui ont
le contrôle de la société ont décidé de transférer le siège social, la nationalité est conservée car
il y a eu un transfert de siège social, donc la nationalité est toujours rattachée au siège social.

b) Autres exemples d’arrêts

Par la suite, la Cour de cassation a donné d’autres exemples.

i) Civ 3, 8 février 1972, Shell Berre

Dans l’arrêt Shell Berre, c’est une question de renouvellement de baux commerciaux. Shell
Berre est une filiale de Shell qui revendique un renouvellement de bail commercial mais ce
droit à renouvellement n’est permis que pour les sociétés françaises. La Cour de cassation dit
que Shell Berre est une société française car « cette société possède son siège social, ses
établissements principaux, sa direction et son exploitation en France et est soumise aux lois
française ». C’est le faisceau de critères. La Cour de cassation utilise beaucoup de critères,
qu’elle utilise pèle-mêle et qui convergent vers une solution.

ii) Civ 1, 18 avril 1972, Overseas Apeco

Dans cet arrêt, c’est une question de convention fiscale franco-helvétique. La société veut
invoquer ce traité, pour ça, il faut vérifier qu’elle a la nationalité helvétique car elle n’a pas la
nationalité française et ne la revendique pas. La Cour dit que « cette société est dirigée par les
personnalités suisses, constituée conformément à la loi suisse, est inscrite sur le registre du
commerce du canton de Genève, qu’elle a son siège social statutaire et effectif à Genève, donc
la cour d’appel a pu déduire de ses constatations que la société était suisse ».

On utilise aussi le critère du contrôle, on prend le critère du siège social, le critère du RCS
(immatriculation, cela ressemble à l’incorporation, siège social statutaire et effectif. C’est le
faisceau de critères. Donc on ne sait plus où on est avec la jurisprudence : le critère du siège
social est-il maintenu ?

iii) Ass Plén, 21 décembre 1990, Société Roval

La Cour de cassation va trancher par un arrêt d’Assemblée plénière du 21 décembre 1990


Société Roval et va entériner le critère du siège social. Il s’agissait de l’invocation d’un traité
fiscal : « attendu que le rattachement à un État auquel se réfère l’article 26 de la convention,
n’est autre que la nationalité, laquelle pour une société résulte en principe de la localisation de
son siège réel défini comme le siège de la direction effective et présumé par le siège statutaire
».

C’est la réaffirmation de la jurisprudence CCRMA : en principe on utilise le siège social.


Mais l’arrêt est plus complexe car on a l’impression qu’il peut y avoir 2 sièges sociaux : le
siège social réel (en jurisprudence, on le détermine comme le centre de direction d’affaires, le
centre d’administration et de gestion d’affaires, là où il y a les organes de direction de la
société), le siège social est indiqué dans les statuts de la société. Il peut y avoir une
dichotomie de siège social statutaire qui est différent du siège social réel, on peut avoir un
siège social réel qui est différent du siège social statutaire qui va déterminer la nationalité.
Normalement le siège social est unique, connu, prévisible.

Donc il faut retenir le critère du siège social statutaire qui détermine la nationalité, mais en
réalité c’est plus compliqué. Car les textes et la jurisprudence n’ont pas forcément les mêmes
critères, donc une société peut avoir plusieurs nationalités suivant les circonstances et suivant
la matière.

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2) Les textes

À chaque fois qu’on a un texte, on utilise le critère du contrôle, pas du siège social.
Pourquoi ? Le critère du contrôle est économique, réel, adapté à la situation, alors que le siège
social est plus artificiel. On apprécie le contrôle en fonction de l’argent investi dans la société,
qui a le pouvoir, qui exerce la majorité des droits de vote etc.

Le critère du contrôle s’entend comme un pourcentage du capital/des droits de vote dans une
société.
Le contrôle que visent les textes n’est pas celui du droit des sociétés, on va utiliser des
définitions contingentes : à chaque loi sa définition du contrôle, sa définition de la nationalité
de la société.

L’article 40 de la loi 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication va


dans ce sens (alinéa 1) : « l'autorisation relative à un service de radio ou de télévision par voie
hertzienne terrestre assuré en langue française ne peut être accordée à une société dans
laquelle plus de 20 % du capital social ou des droits de vote sont détenus, directement ou
indirectement, par des personnes de nationalité étrangère.

 Si on est étranger, on n’a pas le droit de prendre plus de 20% des parts d’une société
autorisée à émettre en France (télé ou radio) : la définition du contrôle dans l’article dit «
directement ou indirectement », « capital social ou des droits de vote ».

L’alinéa 2 de cet article traite de la nationalité de l’opérateur étranger « toute société dont la
majorité du capital n’est pas détenue directement ou indirectement par des personnes
physiques ou morales de nationalité française et toute association dont les dirigeants ne sont
pas de nationalité française ».

2 commentaires :

- La définition est tournée exclusivement vers le contrôle, il n’y’a aucune référence au siège
social, au lieu d’immatriculation, au centre de décision. On regarde d’où viennent les
capitaux, on regarde quelles sont les personnes qui détiennent la majorité du capital.

- On dit « pour l’application du présent article », c’est donc une définition extrêmement
contingente, il peut y avoir d’autres articles dans la loi et la définition de la nationalité en sera
différente.

- Pour le contrôle, il y a des présomptions de fait ou de droit, parfois on contrôle de fait une
société car il n’y a pas d’actionnaire + puissant que nous, ou parce que personne ne vient aux
AG etc. D’où la difficulté du critère du contrôle.

Donc soit on a un critère strict, facile à manier, qui ne change pas (le siège social dans la
jurisprudence), soit on a un critère souple, difficile à manier mais qui colle beaucoup à la
réalité économique : le critère du contrôle, utilisé par les textes.

De ce fait, en doctrine, on a dit qu’il y aurait 2 nationalités des sociétés : la nationalité


juridique (avec comme critère le siège social), et la nationalité économique (avec comme
critère le contrôle).

Conséquences tirées en doctrine :

- On pourrait qualifier cette approche d’approche fonctionnelle : pour la nationalité, cela


dépend, c’est en fonction des circonstances, des matières, des textes.
- Cette approche fonctionnelle est très variable, ça va dépendre de beaucoup de choses, une
société peut avoir une nationalité différente au regard d’un texte ou de la jurisprudence.

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- Le droit français a-t-il vraiment tranché ? Ne cherche-t-il pas à ménager toutes les solutions
pour garder ouvertes toutes les solutions ? En réalité, le droit français consacrerait sans doute
cette approche fonctionnelle.

On prend pour exemple une ancienne décision du Tribunal des conflits qui avait à juger une
question de nationalité des sociétés, décision de 1959 Société Mayol Arbona et compagnie :
c’est une question d’invocation d’un Traité par la société. On se demande si la société ressort
de telle ou telle nationalité. Le TC est saisi car il y a un conflit de juridictions, c’est une
question d’imposition donc compétence du juge judiciaire ou du juge administratif.

Le TC dit qu’il n’y a pas d’action en reconnaissance de la nationalité d’une société, on


déterminera la nationalité d’une société au coup par coup donc, quand la question se pose.

Cette décision indique qu’il n’y a pas un ordre de juridiction compétent, que les ordres
judiciaires et administratifs peuvent être compétents. On peut avoir des décisions de TA ou du
CE en matière de nationalité des sociétés. Par exemple, dans l’affaire CE, 2007, Warner Bros,
la Warner réalise un film en France via sa filiale et veut bénéficier de subventions françaises,
subvention refusée au motif que la société est étrangère, les TA sont saisis car en réalité on
attaque la décision règlementaire de refus de subventionner, le TA dit que le texte se réfère au
critère du contrôle, et que la filiale était contrôlée par une société américaine.

Le TC indique en 1959 que la nationalité est une notion très variable « la nationalité des
sociétés n’est définie par aucun texte général, elle ne peut être déterminée qu’au regard des
dispositions législatives ou règlementaires dont l’application ou la non application à la société
intéressée dépend du point de savoir si celle-ci est ou n’est pas française ». Selon le TC, la
nationalité dépendrait du fait de savoir si un texte s’applique ou ne s’applique pas. On pensait
à l’époque que cette décision ne servirait que pour trancher entre 2 ordres de juridiction, mais
en réalité cette décision fait un bilan de tout ce qui se fait en jurisprudence, elle résume les
débats.

Remarque : le droit français n’est pas fautif, beaucoup de droits étrangers essaient de faire la
même chose : appréhender la réalité économique. Si cela n’est pas possible, on regarde un
critère juridique : les pays de Common law utilisent l’incorporation (ça se rapproche de
l’immatriculation, là où la société dépose ses statuts etc. c’est permanent, le siège social c’est
le centre de direction donc c’est éphémère) mais l’incorporation n’est pas du tout liée à la
réalité économique. Tous les critères juridiques viennent doubler un critère économique
qu’est le contrôle.

II) La loi applicable aux sociétés

On l’appelle la lex societatis. Cela soulève un certain nombre de questions :


- Comment se détermine cette lex societatis

- Son domaine

- Ses limites

A) La détermination de la lex societatis

Cette question est importante, on a souvent confondu ça avec la nationalité.

1) La distinction avec la nationalité

La loi applicable est différente de la nationalité. La distinction est utile, importante,


intéressante, pourtant la confusion existe en jurisprudence et aussi en doctrine.

La confusion existe par la terminologie, la Cour de cassation, pour parler de loi applicable,
parle de « loi nationale ». L’expression loi nationale reprend en partie la terminaison loi
applicable et aussi de nationalité. La terminologie confond 2 expressions utilisées de manière
distincte : la nationalité/la loi applicable. C’est ambigu car on a l’impression qu’on détermine
nationalité et loi applicable de la même façon.

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Certains auteurs disent que la loi applicable découle de la nationalité, ou que la loi applicable
détermine la nationalité, ils pensent que les 2 notions ne sont qu’une, et qu’il suffit d’en
déduire une pour connaître l’autre.

Le concept de nationalité a été longtemps discuté, donc l’ambiguïté sur la loi applicable a
existé pendant longtemps aussi. Et c’est aussi ambigu car le même critère du siège social sert
souvent, si le même critère sert pour la nationalité et la loi applicable alors les 2 notions ne
feraient qu’une (unicité de critère, unicité de notion). Le professeur pense le contraire.

- Dans la nationalité, il y a pluralité de critères, donc pas de pluralité de notions. La nationalité


peut être déterminée par le critère du siège social, mais les textes préfèrent le critère du
contrôle, or en matière de loi applicable on n’utilise jamais le critère du contrôle.

- La distinction paraît importante car leurs domaines d’application ne sont pas les mêmes,
leurs fonctions ne sont pas les mêmes. Ces 2 notions s’intéressent à des questions différentes.

o Fonction : la nationalité s’intéresse à l’un des piliers du droit international privé : nationalité
et condition des étrangers. La loi applicable se rattache à la théorie des conflits de lois.

o Domaine d’application :

▪ La nationalité s’intéresse au domaine d’activité des sociétés, ce qu’elles peuvent exercer


comme activités, ont-elles des droits nationaux/internationaux ?
▪ La loi applicable au contraire s’intéresse à la structure de la société, à son organisation
indépendamment de son activité : la question est de savoir si une société de nationalité
étrangère peut vendre des armes en France intéresse la nationalité, pas la structure.

 La nationalité concerne des questions liées à la capacité de jouissance.

 La loi applicable se relie à des questions de capacité d’exercice.

2) Le critère de détermination

Contrairement à la nationalité, il y a un texte général relatif à la loi applicable des sociétés. La


loi applicable aux sociétés est définie en réalité par 2 textes qui se recopient à l’identique :

- L’un concerne toutes les sociétés : article 1837 du Code civil

- Pour les sociétés commerciales, c’est le même : article L.210-3 du Code de commerce

L’article L.210-3 du Code de commerce a 2 alinéas :

- Toute société dont le siège est situé sur le territoire français est soumise aux dispositions de
la loi française.

- Les tiers peuvent se prévaloir du siège statutaire, mais celui-ci ne leur est pas opposable par
la société si le siège social réel est situé en un autre lieu.

 L’alinéa 1 pose un critère général, l’alinéa 2nd s’intéresse aux rapports avec les tiers et
pose la possibilité de plusieurs sièges.

Remarques sur le texte :

- Le texte n’est pas très limpide, on parle de siège, pas de siège social réel, de siège statutaire
et de siège social réel, ce n’est pas très clair.

- Le texte ne donne compétence qu’à la loi française, pourtant la doctrine comme la


jurisprudence ont vu à travers cette règle unilatérale une règle de conflits, une règle qui s’est

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bilatéralisée. On détermine la loi applicable d’une société en fonction de son siège social, si le
siège social est à l’étranger ce sera la loi de cet État étranger.

Plusieurs remarques sur le 1er alinéa :

- La loi applicable se détermine à partir d’une solution conflictualiste, pas de règle matérielle.

- Rejet de l’autonomie : la société est un contrat mais n’est pas qu’un contrat, c’est aussi une
institution, les associés ne choisissent pas librement le critère de rattachement de la loi
applicable.
- Le règlement Rome I exclut précisément de son champ d’application la matière des sociétés
(tout comme l’arbitrage, qui est une matière matérielle mais aussi procédurale).

- C’est donc le siège social de la société qui détermine la loi applicable d’une société, avec un
bémol : l’acceptation par la jurisprudence de la théorie dite du renvoi. On veut un critère
juridique, fiable, permanent, car il faut savoir quelle est la loi applicable, quitte à être détaché
de la réalité économique, donc on opte pour un critère juridique (le siège social), dans les pays
de Common law on opte pour le critère de l’incorporation. Quand une loi étrangère est
désignée, mais que cette loi étrangère n’admet pas le siège social, on admettra la loi du lieu
d’incorporation.

Ce critère est donc unitaire, on parle de siège, de façon générale, qui ne correspond pas
nécessairement à la réalité, on a juste dit siège social (on aurait pu dire « siège social et à la
fois le siège réel »).

Remarques sur le 2nd alinéa :

- Il vise 2 sièges : le siège statutaire, et le siège social réel. Ce texte ne le dit pas mais il vise à
protéger les tiers de bonne foi.

- Cela couvre les hypothèses de fraude : la société aurait volontairement scindé son siège
social en 2 : siège statutaire et siège réel, le texte ne le dit pas mais il dit que les tiers peuvent
se prévaloir du siège statutaire car c’est ce qui est visible, mais la société ne peut pas leur
opposer le siège statutaire si les tiers de bonne foi ont connaissance du siège réel, mais cette
hypothèse de fraude est rare.

B) Le domaine de la lex societatis

Le texte ne dit pas quel est le domaine de la loi applicable. Mais la doctrine et la jurisprudence
sont unanimes pour dire que cela recouvre : la constitution, l’organisation, le fonctionnement,
la dissolution et la liquidation.

La lex societatis, c’est le droit des sociétés : naissance, vie, statuts, apports, etc., organisation,
gérants, CA/CS, liquidation.

Pour des affaires de conventions règlementées, la CA de Paris a dit dès 1966 dans l’arrêt CA
de Paris, 1966, Compagnie d’alimentation saine, que cela relève de la lex societatis (donc les
rapports de la société avec ses dirigeants relèvent de la lex societatis, cela concerne
l’organisation et le fonctionnement). Elle l’a répété dans des arrêts Royal Dutch Shell.

Des arrêts ont dit que le lien entre les associés et la société relèvent de la lex societatis : quand
on est des associés, droits et devoirs des associés : cela relève du domaine de la lex societatis.

La jurisprudence a aussi dit dans l’affaire Banque Ottomane (CA de Paris, 1984) que la
question des AG, du droit à l’information des actionnaires, du contrôle des actionnaires sur les
comptes sociaux que relèvent de la lex societatis.
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La question des pouvoirs des dirigeants sociaux

Solution

Il y a une question sur laquelle la doctrine a été divisée et la jurisprudence a hésité (au moins
en appel, la Cour de cassation est restée fidèle à son dogme puis a modifié en partie sa
jurisprudence) : les pouvoirs des dirigeants sociaux.

2 remarques :

- La Cour de cassation a dit dans de nombreux arrêts que cette question relève de la lex
societatis, cela paraît incontestable. C’est logique car les pouvoirs des dirigeants sociaux
intéressent l’organisation et le fonctionnement de la société.

- Cette solution a néanmoins été critiquée par de nombreux auteurs pour plusieurs raisons :

o Cette question est à mi-chemin entre la structure et l’activité, ça intéresse moins la structure,
le pouvoir est lié aussi à l’activité de la société, représentation vis à vis des tiers, donc ça
n’intéresse pas que l’organisation et le fonctionnement.

o La jurisprudence a très souvent statué dans des exemples concernant des garanties offertes
par la société au profit d’un tiers : les autorisations préalables du CA pour les avals, cautions
et garanties en droit français.

Une SA qui relève du droit français donne une garantie à un tiers étranger, ce tiers étranger ne
connaît pas nécessairement le contenu, l’interprétation du droit français, or cette jurisprudence
va faire que, parce que les pouvoirs des dirigeants sociaux relèvent de la lex societatis, cette
garantie ne sera valable que s’il y a une autorisation préalable du CA. La Cour de cassation a
statué dans un contexte particulier donc.

 L’arrêt phare est l’arrêt Cass com, 21 décembre 1987, Société Viuda : en espèce, il s’agit
d’une lettre d’intention émise par une société mère au profit d’une banque qui prête de
l’argent à une de ces filiales. C’est le 1er arrêt de la Cour de cassation sur les lettres
d’intention, la Cour de cassation commence par qualifier la lettre d’intention.

La question était de savoir si la lettre était valable et si elle devait faire l’objet d’une
autorisation préalable du CA : la cour d’appel avait dit que la société qui avait émis la lettre
d’intention était française donc il fallait une autorisation préalable du CA. La Cour de
cassation va casser l’arrêt d’appel et dit que la société Viuda est une SA de droit espagnol et
que « l’appréciation des pouvoirs des dirigeants d’une société relève de la loi nationale de
cette société » (il faut retenir la partie de la phrase entre guillemets).

Tous les arrêts de la Cour de cassation qui ont suivi vont reprendre cette expression :
l’appréciation des pouvoirs des dirigeants sociaux relève de la loi nationale de cette société.
Critiques

- Cela fait peser sur un tiers la connaissance du droit français et la connaissance de


l’autorisation du CA. Cette solution ne se fonde pas sur l’apparence/la bonne foi (on remarque
que la société a bien donné la garantie).

- On a soupçonné cette jurisprudence de faire naitre une prime à la mauvaise foi. La société
s’engage, et c’est la société elle-même qui va renier son engagement, parfois en jurisprudence
c’est le dirigeant qui a signé la garantie qui va dire qu’il n’en avait pas le pouvoir dans le
contentieux de son exécution.

46

La Cour de cassation a toujours considéré qu’en cette matière il n’y a pas de faute personnelle
des dirigeants sociaux : un dirigeant qui engage la société alors qu’il n’en a pas le droit, ce
n’est pas une faute détachable de ses fonctions.

- La Cour de cassation n’a cessé de définir les garanties de manière désordonnée, surtout les
lettres d’intention : certaines sont rentrées dans le périmètre d’autorisation préalable du CA
selon qu’il y a obligation de faire ou non. La jurisprudence a varié, et ce rétrospectivement.

Cette jurisprudence a donc été très fortement critiquée, certains y ont vu la possibilité d’y
apporter des correctifs : en principe, on applique la lex societatis, et ponctuellement on fait
jouer la bonne foi, l’apparence. La Cour de cassation a refusé ces correctifs, la lex societatis
est la loi applicable aux pouvoirs des dirigeants sociaux.

L’arbitrage, et la possible extension à l’intégralité de la matière

Dans un arrêt, la Cour de cassation a changé sa jurisprudence, et la question est de savoir si on


peut extrapoler cette solution et l’appliquer à toute la matière du droit du commerce
international. Il s’agit de l’arrêt Cass civ 1, 8 juillet 2009 Société Soerni au sujet d’un
arbitrage. Cette solution a été reprise par un arrêt récent de la Cour d’appel de Paris.

En l’espèce, une société avait signé une convention qui comprenait une convention
d’arbitrage : les dirigeants sociaux avaient-ils le pouvoir de signer cette convention et
particulièrement cette convention d’arbitrage ?

- Si on appliquait la jurisprudence traditionnelle, on dirait que cela relève de la lex societatis,


donc regarder si les dirigeants avaient le pouvoir au regard de la loi applicable à la société.

- La Cour de cassation adopte l’attendu suivant « mais attendu que l’engagement d’une
société à l’arbitrage ne s’apprécie pas par référence à une quelconque loi nationale, mais par
la mise en oeuvre d’une règle matérielle déduite du principe de validité de la convention
d’arbitrage fondée sur la volonté commune des parties, de l’exigence de bonne foi et de la
croyance légitime dans les pouvoirs du signataire de la clause pour conclure un acte de
gestion courante qui lie la société ».
La solution est spécifique à l’arbitrage, on fonde cette solution sur des principes spécifiques à
l’arbitrage, mais on se fonde aussi sur d’autres principes : la bonne foi, la croyance légitime
dans les pouvoirs du signataire de la clause (donc 2 principes : bonne foi et croyance légitime)

D’où 2 remarques :

- Ces principes sont d’application générale, ils ne sont pas limités à l’arbitrage. Si on prend les
faits de l’espèce, la société envoie un de ses représentants dans un pays étranger pour
approcher un cocontractant possible, plusieurs voyages se font toujours avec la même
personne, le contrat est signé, il y’a commencement d’exécution, et la société arrête en disant
que le signataire du contrat n’avait pas le pouvoir de signer. La Cour de cassation dit non : il
faut respecter la bonne foi.

Donc tous les actes que passent une société dans le commerce international sont des actes de
gestion courante : contrat de vente, prêt, émettre une garantie → donc cet attendu peut très
bien être étendu à d’autres solutions, même si c’est discuté, divisé en doctrine

- La Cour de cassation écarte purement et simplement la règle de conflit pour la remplacer


purement et simplement par une règle matérielle, elle le dit expressément. Il n’y a donc pas un
correctif au principe, mais un total remplacement à la lex societatis par une règle matérielle.

 Le professeur pense que c’est une bonne solution, et qu’elle doit être étendue à toutes les
matières.

47

Certaines questions qui tournent autour de la lex societatis peuvent relever parfois de la lex
contractus, car elles sont périphériques au droit des sociétés : la cession de droits sociaux par
exemple, elle relève de la lex contractus en théorie mais elle intéresse aussi la lex societatis.

C) Les limites de la lex societatis

On recense 2 limites.

1) L’existence d’un ordre public international

Si la lex societatis conduit à une solution contraire à l’OPI, elle sera évincée, c’est classique,
simple, basique, mais très rare en droit des sociétés, cela ne se rencontre quasiment jamais.

C’est très rare qu’une lex societatis étrangère vienne donner une solution contraire à l’OPI
français. On n’a pas d’exemples en jp, peu d’exemples en pratique. Cela existe en théorie,
mais peu en pratique.

Ça a donné lieu à une autre question, plus intéressante : existe-t-il en matière de droit des
sociétés un ordre public réellement international ? Un OP pas international au sens d’un droit
national donné, mais un OP transnational partagé par un grand nombre de pays ?

Il y a eu 2 réponses à cette question :


- CA de Paris, 1965, Banque Ottomane

- CA de Paris, 3 octobre 1984, Banque Ottomane

Il s’agissait de la même société, et du même problème juridique. La Banque Ottomane est une
banque particulière, créée sous l’empire ottoman, les actionnaires sont de différentes
nationalités, elle a une multi cotation (cotée sur plusieurs bourses différentes), et était
incorporée à Londres. Quel est le degré de protection des actionnaires en matière de droit à
l’information, de tenue d’AG, de consultation des comptes sociaux ? La même question s’est
posée dans les 2 arrêts.

Personne ne discute le fait que cette question relève de la lex societatis, mais de quelle lex
societatis ces questions relèvent-elles ?

La CA de Paris va dire que la question relève essentiellement de la loi turque, le juge français
applique la RCL, le droit français dit que la société est de droit anglais (car incorporation à
Londres) mais l’arrêt accepte la théorie du renvoi et en réalité le droit turc est applicable car
l’incorporation est intervenue en Turquie (centre de direction à Londres, incorporation en
Turquie).

Mais on se rend compte que le droit turc ne contenait aucune disposition à l’époque sur le
droit à l’information, la tenue d’AG, le contrôle des comptes sociaux. Donc on s’est demandé
s’il n’y a pas un OP réellement international qui protègerait les actionnaires.

- La CA de Paris en 1965 dit que non, cela n’existe pas, elle parle d’un « prétendu ordre
public international en matière de sociétés ».

- En 1984, c’est la même société, le même problème, la même juridiction, le même renvoi, la
même loi applicable, la loi turque ne dit rien, et on dit qu’il existe un OP réellement
international en matière de sociétés, la CA de Paris dit « considérant que la sécurité des
relations commerciales et financières internationales postule la reconnaissance d’un ordre
public sinon universel, du moins commun aux divers ordres juridiques qui protège les intérêts
des personnes associées à la vie des sociétés de capitaux ».

On peut formuler plusieurs remarques :

- Il existe un OP réellement international, partagé par les ordres juridiques, il n’est peut-être
pas universel, mais il est largement partagé.

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- C’est une protection intéressante qui est mise en place : la protection des investissements, on
ne dit pas « protection des actionnaires », on vise « les personnes associées à la vie des
sociétés de capitaux » : on vise tout le monde : actionnaires, obligataires, investisseurs, etc.

- Quel est le contenu de cet OPI ? Beaucoup d’auteurs ont été critiques, car on ne sait rien du
contenu de cet OPI, d’autant plus qu’après avoir dit ça, la CA de Paris dit qu’on n’en a pas
besoin, on trouve quelques informations utiles dans le droit turc. Donc on reconnaît pour la
1ère (et l’unique) fois en droit des sociétés un OP véritablement international, et on n’en fait 0
application, on n’en donne 0 contenu. Donc est-ce que cette notion existe véritablement et est
utile ?

Le professeur trouve l’arrêt intéressant dans sa formulation, car il est précurseur, puisqu’à
l’époque, il n’y a pas une protection des investissements internationaux. Cette protection
existe aujourd’hui.

Si on cherche le contenu, il y en a un, il y a des solutions partagées par tous les pays : le droit
de nommer et révoquer les dirigeants sociaux, contribuer aux bénéfices et pertes, droit de
vote, principes de gouvernement d’entreprise/corporate governance (ça converge vers un
pouvoir des actionnaires de contrôler les dirigeants sociaux). Ces solutions sont sans doute
partagées par la majorité des ordres juridiques.

Mais la vraie question n’est pas le contenu, mais de savoir si on parle toujours d’un ordre
public. Est-ce qu’on n’a pas affaire en réalité ici non pas à un mécanisme d’OPI mais au
contraire à un mécanisme de loi de police ? L’enjeu est que si on dit que c’est une loi de
police, on ne fait plus le détour par la loi applicable etc. on applique directement ce contenu.

2) L’existence de lois de police

L’intervention des lois de police est fréquente dans la matière de droit des sociétés. Certains
auteurs font entrer dans cette catégorie de lois de police, des dispositions qui ne sont pas
nécessairement liées à la structure de la société elle-même (dans l’affaire des wagons-lits par
exemple, il s’agissait de droit du travail).

Là on vise des lois de police qui interviennent spécifiquement en droit des sociétés, qui
intéressent la matière de droit des sociétés : ce sont les lois de police boursière : la loi du lieu
de la place de cotation va être considérée en certaines de ses dispositions comme une loi de
police.

Toute la loi des sociétés cotées n’est pas nécessairement une loi de police, sont des lois de
police les dispositions qui vont protéger l’épargne publique :

- L’appel public à l’épargne : sur les règles à suivre quand on veut placer des titres sur le
marché américain, on appliquera la loi de police américaine car le lieu de cotation est les
USA.

- L’information à donner aux marchés financiers relève de la loi française si la société est
cotée sur le marché français

- Les offres publiques, parce que la société est cotée il faut passer par des procédures : OPA,
OPE (offre publique d’échange), si on fait une OPA/OPE, certaines dispositions vont
s’appliquer en tant que lois de police, notamment le Règlement général de l’autorité des
marchés financiers quelle que soit la nationalité ou la loi applicable à l’opérateur
 Exemple : soit une société X, qui relève du droit français, cotée sur le marché français, et
une société Y de droit américain, qui veut prendre le contrôle de la société X. On va appliquer
les lois de police française car on veut protéger l’épargne publique en France.

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 Des sociétés françaises cotées aux USA, on prend l’exemple de Vivendi, elle relève de la
loi française (sa lex societatis) mais devra respecter le droit boursier US (loi de police) car elle
est cotée aux USA, il y aura donc cohabitation de lois.

En France, avant, il n’y avait pas de comité d’audit dans les sociétés de droit français, mais si
la société décidait d’être cotée aux USA alors il fallait un comité d’audit, car c’est une loi de
police. La loi de police prime la lex societatis.

III) La reconnaissance et l’exercice de l’activité des sociétés étrangères

Le débat est différent. Ici, on regarde en réalité ce que peuvent faire les sociétés étrangères en
France. Pour certains, ce sont les sociétés de nationalité étrangère, pour d’autres ce sont les
sociétés relevant d’un droit étranger : en réalité on vise les 2.

On va voir 2 questions :

- La reconnaissance de l’activité des sociétés étrangères

- L’exercice de l’activité des sociétés étrangères

A) La reconnaissance de l’activité des sociétés étrangères

1) Exposé du problème

La reconnaissance d’une société étrangère s’entend de l’aptitude de cette société à exercer une
activité sur le territoire français.

C’est donc une aptitude que l’on pourrait qualifier de théorique, a-t-elle le droit d’exercer une
activité ? Peut-elle contracter, agir en justice, agir en responsabilité contre un tiers, quels sont
ses pouvoirs sur un territoire qui n’est pas le sien ?

La question se pose car la société ne relève pas du droit de ce territoire. Elle n’est pas en tant
que telle inscrite dans l’ordre juridique français par exemple. Pendant longtemps, on a pensé à
un souci de protectionnisme : les sociétés étrangères intervenaient dans leur pays et n’avaient
pas forcément vocation à intervenir à l’étranger, et si elles le voulaient, il fallait passer par une
filiale. Ici ce n’est pas ce problème : c’est l’exercice par la société elle-même à l’étranger, pas
par une filiale.

2) Libéralisation des solutions

Les solutions ont souvent été libérales pour les sociétés à responsabilité illimitée. On ne va
pas traiter de cette question, car il y a peu de sociétés à responsabilité illimitée dans le
commerce international, et cette solution s’est imposée dans la jurisprudence française depuis
le 19ème siècle : la responsabilité étant illimitée, le risque est moindre.

Par contre, la jurisprudence a été très restrictive en ce qui concerne les sociétés à
responsabilité limitée. Un texte est intervenu et a encadré les solutions pendant 1 siècle et
demi.

Au milieu du 19ème siècle, la question des relations entre la France et la Belgique s’est
posée : les SA belges voulaient exercer en France, et les SA françaises voulaient exercer en
Belgique.

- La Cour de cassation belge rend un arrêt qui dit que si les sociétés françaises veulent exercer
en Belgique, ces sociétés doivent être soumises à une autorisation préalable des autorités
belges. La France est vexée, et dit que si c’est comme ça, et bien ce sera la même chose pour
les sociétés belges, il faudra une autorisation.

- Puis on prend une loi du 30 mai 1857 pour dire que les SA belges sont reconnues en France,
et les SA françaises sont reconnues en Belgique. Donc on reconnaît aux sociétés belges en
France ce que la loi belge reconnaît aux sociétés françaises en Belgique.

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o L’article 2 de cette loi dit qu’un décret impérial rendu en Conseil d’État peut appliquer à
tous autres pays le bénéfice de l’article 1er (reconnaissance mutuelle aux belges).

o L’article 1er sera très utilisé dans les relations franco belges.

o L’article 2 ne sera que très peu utilisé, on aura aucun décret de la sorte.

La France passe un très grand nombre de traités bilatéraux avec des États pour faire naitre ce
principe de reconnaissance mutuelle avec d’autres États. Mais la France n’avait pas passé de
conventions avec les petits pays avec lesquels elle n’entretenait pas de grandes relations
commerciales.

Il y’a 2 temps pour la libéralisation.

a) La jurisprudence

La jurisprudence de la Cour de cassation va se fonder sur la CEDH. La CEDH contient un


protocole additionnel qui vise les personnes morales. La Cour de cassation va se fonder sur la
CEDH pour considérer que même sans traité, même sans reconnaissance textuelle il est
possible pour les sociétés étrangères d’être reconnues en France, elle va dire ça dans une série
d’arrêts en se fondant sur la CEDH et sur la supériorité de la CEDH sur la loi interne de 1857.

Plusieurs arrêts ont affirmé ça, notamment 2 arrêts :

- Crim, 12 novembre 1990, Société Extraco Anstalt : cette société de Lichtenstein veut être
reconnue en France, mais la France n’a pas conclu de convention bilatérale avec le
Lichtenstein, et on n’a pas de décret de la loi de 1857 : la France vise les articles 6§1 et 14 de
la CEDH, et les articles du protocole additionnel n°1 qui visent les personnes morales « toute
personne morale, quelle que soit sa nationalité, a droit au respect de ses biens et à ce que sa
cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial, que ces dispositions ont, en vertu
de l’article 55 de la Constitution, une valeur supérieure aux dispositions de la loi du 30 mai
1857 »

- Civ 1, 1991, Extraco Anstalt : c’est la même société, on vise les mêmes textes de la CEDH
et l’article 55 de la Constitution, et on dit « toute personne morale, quelle que soit sa
nationalité, peut agir en justice en France pour la protection de ses biens et intérêts ».

o La Cour de cassation va confirmer cette jurisprudence à plusieurs reprises (2003, 2009


notamment) pour des pays qui n’avaient pas de convention bilatérale avec la France.
Notamment, dans l’arrêt de la Chambre commerciale de 2003, Société Bicigui, cette société
est de droit guinéen, il n’y’a pas de convention franco-guinéenne, mais on vise la CEDH.

 La Cour de cassation parle de nationalité, il aurait fallu parler de loi applicable.

 La Cour de cassation se fonde sur la CEDH car il n’y a pas de traité, et si on a des traités
on les applique, donc la loi de 1857 devient totalement désuète, on vide la loi de 1857 de sa
substance, elle n’est pas abrogée mais certains auteurs parlent d’abrogation de fait.

 La Cour de cassation se fonde sur des articles précis de la CEDH : la protection des biens,
le droit à un tribunal. Est-ce que cette reconnaissance n’est que limitée, partielle ? Ne vaut-
elle que pour le droit à protection des biens, et droit à un tribunal impartial et indépendant ?
La doctrine est divisée, si c’est parcellaire on ne vise pas la conclusion de contrats,
l’acquisition de biens etc. D’autres auteurs disent que ça n’a aucun sens que ce soit limité,
pour défendre ses biens il faut les acquérir, pour agir en justice il faut avoir des droits, donc ils
plaident pour une reconnaissance maximale.

 La Cour de cassation a demandé l’abrogation de la loi de 1857.

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b) Les solutions textuelles

La loi du 20 décembre 2007 comporte une disposition pour dire que la loi de 1857 est
abrogée.

On n’a donc plus besoin de la jurisprudence qui fait appel à la CEDH, il faut conclure que
toute société peut être reconnue en France (on n’a plus besoin de la loi de 1857). C’est un
système que certains ont qualifié d’ultra libéral :

- Il n’y a plus besoin d’un texte ou de l’invocation de la CEDH, on ne distingue plus selon que
les pays ont signé une convention bilatérale ou non.

- La loi de 1857 étant abrogée, il y a un principe général de reconnaissance des sociétés.


Ce texte de 1857 n’a pas été remplacé par un texte général qui reconnaît toutes les sociétés,
les débats se sont tournés vers un autre sujet : l’exercice de l’activité.

B) L’exercice de l’activité des sociétés étrangères

Le professeur pense que le système n’est pas ultra libéral, que certains contrôles subsistent.

La reconnaissance est plutôt théorique, l’exercice de l’activité est concret, réel, c’est
l’exercice effectif, concret, réel d’une activité sur le territoire français.

Le fait qu’une société soit reconnue ne veut pas dire qu’elle puisse exercer n’importe quel
type d’activité sur le territoire français.

Le principe est que les sociétés reconnues peuvent exercer une activité sur le territoire
français. Mais en réalité 2 contrôles peuvent s’exercer :

- Il peut exister des règles discriminatoires (elles sont en perte de vitesse), réservées aux
nationaux et aux sociétés issues d’États membres de l’UE,

o Par exemple, le contrôle des investissements étrangers pour les investissements qui viennent
de l’extérieur de l’UE.

- La possible intervention des lois de police : toute société, même si elle est reconnue et peut
exercer une activité en France, pourra être soumise au respect et à l’application des lois de
police qui vont pouvoir la contraindre voire l’interdire d’exercer certaines activités. Pour
exercer une activité financière en France, il ne suffit pas d’être reconnu, il faut remplir
certaines conditions, ce sont des lois de police. Idem pour pouvoir être coté sur le marché
français.

52

Section II : Les groupes de sociétés

C’est une question importante parce qu’en pratique, dans le commerce international, il y a
plus de groupes de sociétés que de sociétés prises isolément.

Ce phénomène n’est pas propre au droit du commerce international, il existe des groupes de
sociétés en matière interne, mais la vocation très souvent d’un groupe de sociétés est de se
projeter en matière internationale, établir des filiales dans différents pays, couvrir des zones
géographiques, avoir des fournisseurs dans des pays différents.

On sait ce qu’est un groupe de sociétés, donc un groupe international de sociétés est


identifiable. Un groupe de sociétés est un ensemble de sociétés juridiquement distinctes mais
soumises économiquement à un contrôle d’un pouvoir unique. Ou : un ensemble de sociétés
en principe dotées de la personnalité morale, le groupe ne l’étant pas, mais constituant un
ensemble économique.

3 types de structure :
- Société mère avec des filiales, il y a des liens capitalistiques, structure capitalistique.

- Sociétés non reliées par des liens capitalistiques mais tenues par des liens contractuels :
groupe à structure contractuelle, liens forts, les sociétés travaillent ensemble, sont soumises à
un pouvoir unique.

- Groupe à structure personnaliste/personnelle : une seule et même personne détient des


participations dans différentes sociétés, pas forcément liées entre elles, ne sont pas
nécessairement des filiales, mais cette personne (physique le plus souvent) a des activités sans
lien entre elles et qu’il contrôle

Indépendamment de la structure, on aura un groupe international de sociétés quand le groupe


aura des éléments internationaux : il sera présent dans plusieurs pays, il y’aura des sociétés de
nationalité différente, de loi applicable différente.

Le groupe de sociétés c’est l’ensemble société mère + filiale, toutes les sociétés liées par des
liens contractuels, soulève. Cela soulève 3 types de questions dans l’ordre international :

- Un groupe de société a-t-il une nationalité ?

- La loi applicable au groupe de sociétés

- La prise en compte de la réalité du groupe de sociétés

I) La nationalité du groupe de sociétés

C’est une question très fortement débattue, sous un angle juridique, mais aussi politique.

A) L’angle politique

Faut-il reconnaître la nationalité d’un groupe de sociétés au risque d’avoir une hégémonie de
certaines nationalités ? Si on reconnaissait la nationalité d’un groupe de sociétés
politiquement, il y aurait la nationalité de tête (celle qui contrôle, de la société mère) donc il
y’a un risque d’hégémonie de la nationalité de certains pays occidentaux d’où la tentation de
ne pas reconnaître la nationalité d’un groupe pour s’en tenir aux nationalités des différentes
sociétés du groupe, avoir une approche parcellaire.

Cette discussion est un peu dépassée, elle n’a plus vraiment lieu d’être pour différentes
raisons :

- Les sociétés mères sont de plus en plus implantées dans différents pays, donc il n’y a plus de
risque d’hégémonie d’une nationalité.

53

- La nationalité n’est qu’un élément du puzzle du droit international des sociétés, et les
critères tournent souvent autour de critères économiques et juridiques, donc si on reconnaît la
nationalité d’un groupe il pourrait avoir une nationalité en fonction de certains critères et une
autre en fonction d’autres critères.

B) L’angle juridique

L’approche juridique est plus simple, le débat a porté sur la question de savoir si on pouvait
reconnaître une nationalité du groupe, opposition entre :

- Le groupe existe, c’est un opérateur important, une notion visée dans les textes et la
jurisprudence, il faut donc accorder une nationalité au groupe de société, prendre en compte
sa nationalité.

- Le groupe de sociétés n’a pas de personnalité morale et de ce fait, il ne peut jamais se voir
reconnaître une nationalité car la nationalité est un attribut de la personnalité morale donc la
nationalité du groupe devrait être un attribut de la personnalité juridique du groupe.

Il y a eu beaucoup de débats. On a pensé à plusieurs critères :

- Siège social de la société de tête du groupe

- Contrôle de la mère sur ses filiales

On a dit qu’il fallait toujours partir du haut pour déterminer la nationalité du groupe, celui qui
contrôle, qui exerce le contrôle économique, sans tenir compte de la nationalité des sociétés
qui composent le groupe, on regarde le haut, la tête. On aurait le même critère que pour les
sociétés prises isolément. Ça n’a pas grand intérêt, les solutions n’ont pas été dans le sens de
regarder la tête.

La jurisprudence française et étrangère a refusé de reconnaître la nationalité d’un groupe de


sociétés, ça n’a pas été dit expressément, mais on n’a jamais dégagé la nationalité d’un groupe
de sociétés, la jurisprudence s’en est toujours tenue à la nationalité des sociétés prises
isolément comme si le groupe de société n’existait pas (exemple : dans l’arrêt Shell Berre, la
société faisait partie d’un groupe, mais on n’a pas considéré le groupe pour ne tenir compte
que de la nationalité de la société).

On s’est demandé si à travers le critère du contrôle on ne prend pas en compte en réalité la


nationalité de la société mère ? Si on ne regarde pas la nationalité des sociétés du groupe mais
qu’on regarde le lien de contrôle, le contrôlaire, alors on regarderait donc la nationalité de la
société de tête. En cherchant la nationalité de la filiale, on regarde le critère du contrôle, donc
on regarde la nationalité de la société mère, oui mais on ne détermine pas une nationalité de
groupe.

II) La loi applicable au groupe de sociétés

On regarde la lex societatis et le domaine de cette lex societatis. C’est comme en droit
interne : on retrouve les mêmes questions, mais à un échelon supérieur.
Un actionnaire de la filiale peut-il se plaindre de la gestion de la société mère ? Par exemple.
On se pose cette question.

A) Exposé du problème

En réalité, la question s’est abordée différemment, il y’a eu 2 réponses possibles en doctrine :


distinguer entre soit une loi, soit des lois applicables au groupe de sociétés :

- On a dit dans une réponse unitaire : la loi applicable au groupe c’est la loi de la société
dominante.

54

o Avantages :

▪ L’unicité, il y a une loi pour gouverner un groupe de sociétés, quelles que soient les lois
applicables aux sociétés de groupe, on ne s’éparpille pas, le groupe est régi par une seule et
même loi.

▪ Cela correspond à la réalité : la réalité est que la société mère contrôle les filiales, les crée,
rachète des participations etc.

o Inconvénient : Cela impose une loi unique à toutes les filiales indépendamment de la loi qui
les régit, on ne prend pas en compte les différentes lois qui régissent l’organisation, le
fonctionnement des différentes filiales.

- On considère que, pour prendre en considération le groupe de sociétés, on doit regarder les
lois des sociétés dominées, et non la loi de la société dominante. On regarde individuellement
le lien qui unit la société dominée avec la société de tête, on regarde quel est le lien, comment
il s’est constitué, s’organise, fonctionne pour déterminer cette loi.

o Avantages : on prend en compte la réalité, on a une approche individualisée, qui colle


vraiment à la réalité de la situation.

o Inconvénient : l’éclatement du groupe de sociétés, l’atomisation des relations, il y aura des


espèces de sous-groupe entre la société mère et chaque filiale, il y aurait des sous-ensembles,
une parcellisation des solutions, pas d’unicité, donc cela nuit à la sécurité juridique car on ne
peut pas savoir à l’avance quelle sera la loi applicable, cela dépendrait de chaque filiale.

Exemple : le Groupe Unilever a 600 filiales, implanté dans tous les pays du monde. Si on
applique beaucoup de lois différentes, c’est complexe, cher, chronophage, il y a une inégalité
de traitement entre les filiales, cela nuit au commerce international. Si on s’en tient à la loi de
la société mère, la loi néerlandaise, c’est plus simple, il y a une égalité de traitement entre les
différentes filiales, toutes sont logées à la même enseigne.

B) Solutions
Les réponses de la pratique (on dit « pratique » car on n’a peu de jurisprudence à ce sujet, on
évite les problèmes, on ne veut pas aller en justice, on agit en amont, donc la pratique donne
les solutions pour éviter les contentieux) ont été variées : on a dit que les solutions étaient
hétérogènes, parfois il y’a une application alternative, parfois cumulative de ces différentes
lois.

Concernant l’approche alternative : pour tel rapport, on applique à la fois la loi de la société
dominante et celle de la société dominée (on prend la plus protectrice des 2, celle qui protège
le mieux tel intérêt), on prend l’une ou l’autre, on choisit en fonction de l’intérêt, on anticipe
en amont.

Exemple : la société mère détient 51% d’une filiale, il y a 49% de minoritaires donc. La loi
des sociétés dominées n’est pas très protectrice des minoritaires (en général, on a constaté ça),
donc on n’est pas sûr que la loi de la société dominée protège autant les minoritaires que la loi
de la société dominante. Donc on va appliquer aux minoritaires la loi qui les protège le plus,
le plus souvent ce sera la loi de la société dominante.

55

III) La prise en compte de la réalité du groupe de sociétés

Exposé du problème

Quelle que soit la structure du groupe, à un moment ou un autre, une société du groupe va
avoir des liens juridiques, va être l’auteur d’un fait juridique avec des tiers, il y aura des
relations avec un tiers. On se pose la question : raisonne-t-on uniquement sur le lien qui a été
établi entre la société et le tiers ou si, du fait de l’appartenance de cette société au groupe de
sociétés, on peut prendre en compte la réalité du groupe de sociétés pour traiter ce lien
juridique ?

Exemples : une filiale du groupe commet un acte de concurrence déloyale. On dit que l’acte
relève de la société elle-même, elle seule est responsable, ça correspond à une réalité
juridique.

Mais la filiale a-t-elle agi seule ? Est-ce que cette action a été aux bénéfices de la mère, des
autres filiales ? Il peut y avoir immixtion d’autres sociétés qui fait qu’on pourrait prendre en
compte la réalité du groupe, réalité économique.

Un contrat de vente, avec convention d’arbitrage, dans l’arbitrage prend-on en compte la


société prise isolément ou le groupe tout entier ?

La question se pose de savoir si on fait voler en éclat le principe de l’effet relatif des
conventions (car le contrat est entre la société et le tiers, et on prend en compte le groupe), et
aussi le principe d’indépendance juridique des sociétés du groupe : la société qui commet un
acte de concurrence déloyale, juridiquement c’est la société qui a commis l’acte, pas les autres
filiales.
Il y a donc une approche juridique, on prend la réalité juridique, mais la jurisprudence et les
textes retiennent aussi l’approche économique et prennent en compte le groupe pour coller à
la réalité économique, au contrôle exercé par le groupe.

A) Solutions des droits nationaux et du droit communautaire

Ces solutions sont relativement anciennes, rarement textuelles mais beaucoup


jurisprudentielles.

1) Droits nationaux

Les jurisprudences nationales se sont accordées depuis longtemps pour considérer qu’on peut
prendre en compte la réalité des groupes de sociétés (tant en matière contractuelle que
délictuelle) dès lors qu’il y a une absence d’autonomie de la filiale. Quand il y a absence
d’autonomie de la filiale, on prend en compte la réalité du groupe. Il y a plusieurs critères
pour relever l’absence d’autonomie, qui varient selon les pays :

o On parle d’autonomie

o Immixtion de la société mère

o Mandat apparent de la filiale pour agir pour le compte de la mère

o Ratification par la société mère

o Direction de fait de la société mère

o Intervention de la mère dans la relation contractuelle passée entre la filiale et le tiers

Ces jurisprudences se sont développées au cas par cas, elles sont extrêmement factuelles, on
regarde les circonstances d’espèce, on pose un principe oui mais on vérifie ses conditions
d’application en pratique. Par exemple, pour caractériser la gestion de fait, il faut cibler
précisément les actes où la mère est intervenue, il ne faut pas se contenter de dire que la mère
est intervenue.

56

a) Exemples de jurisprudences nationales

- En droit des procédures collectives, c’est l’idée d’extension de faillite : on considère qu’une
faillite de la filiale peut éventuellement être étendue à d’autres sociétés du groupe, c’est
l’extension de faillite, la procédure de la filiale est étendue à d’autres sociétés qui vont être
considérées en faillite aussi.

- Clauses attributives de compétence contenues dans un contrat conclu par la filiale, dès que la
société mère s’est comportée comme une véritable partie au contrat, il y a extension de la
clause attributive de compétences à l’égard de la société mère
- La direction de fait d’une société mère qui n’est pas dirigeant de droit, s’il y a immixtion
caractérisée dans des actes de gestion, la mère sera responsable juridiquement pour les actes
dans lesquels elle est intervenue.

- Le co-emploi : un salarié d’une filiale peut éventuellement être considéré comme un salarié
de la mère, ou d’une autre société du groupe, dès lors que les conditions du co-emploi sont
vérifiées.

b) Exemples de lois nationales

En matière de pollution, la loi Grenelle 2 du 3 août 2009 qui porte engagement national pour
l’environnement rend responsable une société mère en cas de pollution causée par une de ses
filiales.

- Article L.233-5-1 du Code de commerce : intervention volontaire de la société mère, prise


en charge volontaire, la mère peut prendre en charge volontairement la dette de sa filiale
résultant d’une pollution, cela pose des questions d’intérêt social, de conventions
règlementées.

- Article L.512-17 Code de l’environnement : la société mère doit prendre en compte la


pollution causée par sa filiale dès lors qu’il y a une demande de financement des mesures de
remise en état qui ne peut pas être couverte par la société filiale. Il faut une faute de la mère,
et une faillite de la filiale → la mère doit prendre en charge tout ou partie du coût des mesures
de remise en état.

On a des théories équivalentes en droit US, en droit italien, suisse etc. sur l’absence
d’autonomie de la filiale.

En droit anglo-américain on a cette théorie de la levée du voile social : piercing the corporate
veil. On dépasse la personnalité juridique de la filiale pour prendre en compte l’entité que
constitue le groupe, on engage la responsabilité de la société contrôlante.

2) Droit communautaire

La réponse du droit communautaire se fonde essentiellement sur une question : les actes ou
comportements anti concurrentiels. La CJUE a souvent condamné de façon solidaire la filiale
qui a été à l’origine de ces actes anti concurrentiels et la société mère dès lors que la société
mère a demandé à sa filiale d’agir ainsi ou a été la bénéficiaire de ce comportement. Il suffira
de démontrer l’absence d’autonomie de la filiale dans cet acte anticoncurrentiel.

Exemples :

- CJCE, Affaire des matières colorantes, 1972

- CJCE, Centraform, 1974

- CJUE, Akzo Nobel, 2009,


- CJUE, Repsol Quimica, 2011

57

 Akzo Nobel : la CJ va considérer que la filiale a agi mais n’était pas totalement autonome
par rapport à sa société mère, il y a une présomption que les sociétés mères exercent
effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale dès lors que la
mère détient 100% du capital de sa filiale. Il faut aller lire l’attendu 58, la filiale n’est pas
autonome quand elle applique les instructions de sa société mère, donc les sanctions pour
pratiques anticoncurrentielles frappent la filiale et la mère.

 Repsol Quimica : acte anticoncurrentiel, la mère est présumée exercer une influence
déterminante sur la politique commerciale de sa mère dès lors que la mère détient directement
ou indirectement 100% du capital de sa filiale.

B) Solutions du droit international

1) Exemples

Elles reposent quasiment sur le même type de solution, on peut faire plusieurs remarques :

- Ces solutions internationales ne reposent que très rarement sur la loi applicable, ni sur celle
du groupe, ni sur celle de la filiale, c’est une règle matérielle (pas une règle de conflit).

- Ces solutions sont multiples, elles tournent autour de l’absence d’autonomie de la filiale, on
s’en tient au même critère, sous des angles différents. Parfois on va utiliser une piste
contractuelle, parfois une piste sociétaire.

o Piste contractuelle : intervention de la société mère dans le contrat conclu par sa filiale. Il
suffirait que la mère intervienne dans la négociation préalable, la conclusion, la terminaison
du contrat signé par la filiale, pour que la mère soit tenue responsable aussi.

o Piste sociétaire : la mère a mis en place une filiale qui se révèle fictive, la mère est
dirigeante de fait, la mère s’est immiscée dans la gestion de sa filiale.

 Dans un cas comme dans l’autre, quelle que soit la piste, la société mère est tenue aussi
pour responsable des actes commis par sa filiale.

La jurisprudence l’a indiqué dans un très grand nombre de cas, dans l’affaire de l’Amoco
Cadiz par exemple, dans l’affaire du naufrage de l’Erika, dans l’affaire Exxon Valdes, dans
l’affaire du Bopal, pour l’affaire de la plateforme BP Deepwater Horizon. Tous ces actes, ces
dommages ont été commis par la filiale, la filiale commet l’acte répréhensible. Dans toutes
ces affaires, parce qu’il y a absence d’autonomie de la filiale, c’est la société mère qui doit
payer les réparations.

On parle tout le temps d’absence d’autonomie : de gestion, de financement, d’organisation


etc.
Dans l’affaire Dow Chemical c/ Isover St Gobain (CA Paris, 1983), différentes filiales de
différents groupes concluent des contrats entre elles, il y a des conventions d’arbitrage. Est-ce
que la clause d’arbitrage conclue par les filiales peut étendre leurs effets aux sociétés mères ?
Une sentence arbitrale a dit que oui, la société mère peut se voir étendre l’effet de la clause
d’arbitrage dès lors que la société mère est intervenue dans la négociation, la conclusion,
l’exécution ou la terminaison du contrat conclu par sa filiale.

Mais cela dépend des jurisprudences, c’est disparate, certaines jurisprudences sont très
favorables à l’extension, d’autres non.

Dans l’affaire Cour de cassation, 21 novembre 1990, Pierre Fabre, un contrat avait été signé à
New York par les filiales pour la distribution exclusive d’un certain nombre de produits,
clause attributive de juridiction. La Cour de cassation ne parle pas de la loi applicable, mais
dit que les sociétés mères se sont comportées comme de véritables parties au contrat, ont eu la
volonté de s’engager

58

contractuellement. Donc la clause attributive de compétence a un effet obligatoire à l’égard


des sociétés mères.

2) Tentative de synthétisation

Ne pourrait-on pas synthétiser les solutions rendues matière par matière ? L’institut de droit
international a posé dans un rapport un certain nombre de principes dans ses résolutions 1995
intitulées « Obligations des entreprises multinationales et leurs sociétés membres » :

- On rappelle le principe de l’indépendance juridique des sociétés de groupe.

- Et on détaille les exceptions où le principe pourra être écarté, ces exceptions sont appelées «
principe » aussi, une société mère peut être engagée quand des critères sont remplis :

o Responsabilité de la mère de type contractuelle, on parlera ici de société


contrôlante/contrôlée : la mère est responsable quand la mère est intervenue dans la
négociation, l’exécution et la terminaison du contrat.

o Responsabilité délictuelle : quand en fonction des circonstances, la mère est tenue


responsable : dans les catastrophes naturelles, quand les ressources de sociétés membres
directement impliquées apparaissent comme insuffisantes pour remplir les réclamations
présentées. C’est un critère purement finaliste, on ne dit pas qu’il y a faute, on ne dit pas qu’il
y a absence d’autonomie, mais on dit que les ressources sont insuffisantes.

o Responsabilité contractuelle ou délictuelle : démontrer la participation de la société mère à


l’activité en cause de la filiale.

Ces textes et résolutions n’ont pas de valeur positive, mais ça montre vers quoi tend le droit
international, des solutions pratiques, pragmatiques : c’est le principe de la deep pocket (on va
chercher la responsabilité de la mère car elle a des poches plus profondes : elle a plus
d’argent), on a des considérations économiques et financières.

On admet que des actions soient intentées directement devant la société mère car on touche à
ses intérêts plus fortement qu’à ceux de la filiale, donc on débouche plus facilement sur un
compromis, on s’en fiche un peu de la filiale car elle pèse moins, on va demander directement
de l’argent à la mère.

59

Section III : L’influence européenne

La question se présente de la manière suivante : comment les solutions qu’on vient de voir
sont influencées par la dimension communautaire ? Les solutions internationales ne sont pas
bouleversées mais sont mises à mal par des solutions différentes du droit communautaire. Des
solutions du droit communautaire viennent perturber des solutions de droit international.

I) Les développements communautaires en matière de sociétés

On peut dire dans l’ensemble que la vision n’est pas d’une grande cohérence. 2 questions
démontrent l’incohérence : des efforts d’harmonisation et une jurisprudence sur la liberté
d’établissement qui met les droits en concurrence.

A) Des efforts d’harmonisation

Ces efforts en droit des sociétés sont importants, multiples, continuels, et doivent être
approuvées car bons.

Le point de départ est que le traité de Rome a donné compétence au législateur européen pour
pouvoir intervenir en matière de droit des sociétés.

- Il y a de multiples directives en droit des sociétés. On vise une harmonisation des droits
nationaux, cela ne vise pas une unification du droit mais une convergence des droits.

- Les règlements européens sont rares en matière de droit des sociétés, les règlements eux
visent l’unification.

Il y’a beaucoup de directives en droit des sociétés, pour faire converger les droits des États
membres.

Exemples :

- Directive sur le capital social, contrôle du capital social, l’augmentation de capital

- Sur les pouvoirs des dirigeants sociaux

- Sur les nullités de sociétés (on veut les diminuer, régulariser au max sauf objet social illicite)

- Sur les fusions intracommunautaires


Ces directives vont dans le bon sens et démontrent un effort du législateur européen. Cela se
comprend, l’UE est conçue comme un ensemble économique.

Du point de vue du droit international, ces éléments liés aux directives ne sont pas gênants, les
solutions sont communément partagées, pas d’élément perturbateur.

B) Une jurisprudence sur la liberté d’établissement

On peut dire que le principe de liberté d’établissement a été posé par le traité de Rome, a fait
l’objet d’un contentieux assez important.

Dans un 1er sens, il consiste à dire qu’une société peut librement s’établir sur un des
territoires des pays de l’Union dès lors qu’il est lui-même ressortissant d’un État membre de
l’UE.

La jurisprudence a interprété ce principe à maintes reprises, cette jurisprudence est complexe,


le juge européen ne voudra pas harmoniser comme le législateur, mais il aura une vision
différente : mettre en concurrence les différents droits nationaux, les opposer. Quelle est la
philosophie défendue ? Convergence, concurrence, opposition, harmonisation ? Est-il normal
au sein de l’UE d’avoir une philosophie différente en fonction des sources de droit ?

Abordons la question sous l’angle de plusieurs arrêts importants.

60

1er arrêt : CJCE, 1988, Daily mail

Faits : une société installée en Angleterre, fait des PV de cession de participations importantes
en Angleterre, les actionnaires principaux veulent transférer le centre de direction sur le
territoire des Pays-Bas (car elles y seraient exonérées à l’époque). Les autorités anglaises
disent que ce n’est pas possible, que la liberté d’établissement ce n’est pas ça, la société peut
aller aux Pays Bas mais après avoir payé les impôts en G-B. La société plaide devant la CJCE
la violation du principe de liberté d’établissement.

Problème juridique : le transfert du centre de direction d’une société doit-il être protégé par ce
principe de liberté d’établissement ?

Solution : la CJCE répond qu’elle ne sait pas, le principe de liberté d’établissement ne vise
pas cette question, dit que les autorités GB peuvent agir de la sorte car le problème n’est pas
résolu par les règles sur le droit d’établissement, ça devrait l’être par des travaux législatifs ou
conventionnels qui n’ont pas abouti.

Cette solution ne heurte pas le DI, le centre de direction peut changer bien entendu, mais ça ne
veut pas forcément dire qu’il y a une continuité de la personne morale, on ne peut pas jouer
sur les systèmes juridiques.

2ème affaire : CJCE, 1999, Centros


Faits : 2 personnes danoises décident de créer une société, elles habitent au Danemark, ce sont
citoyens danois qui exercent leur activité commerciale au Danemark mais décident de créer
une société en Angleterre car le droit anglais est plus sympathique, et vont créer une
succursale au Danemark (la succursale n’a pas la personnalité morale).

Les autorités disent que c’est un contournement de la loi danoise, que la société ne peut être
créée en Angleterre car il n’y a aucun lien avec l’Angleterre.

Solution : la CJCE dit que le refus des autorités danoises est contraire au principe de liberté
d’établissement, il aurait fallu accepter l’exercice par la succursale danoise de son activité au
Danemark.

La décision cache 2 choses :

- La loi danoise impose un capital social minimum pour une société à responsabilité limitée,
la loi anglaise non.

- Sauf fraude on ne peut pas contourner une loi nationale, la CJCE n’a pas vu de fraude en
l’espèce (alors qu’il y avait fraude).

3ème affaire : CJCE, 2002, Überseering

Faits : les autorités allemandes avaient refusé que les personnes qui voulaient contrôler la
société puissent jouer indifféremment sur un droit étranger et sur le droit allemand.

Solution : la CJUE dit qu’il y a atteinte au principe de la liberté d’établissement, accepte


qu’une société puisse avoir son siège statutaire dans un pays et son siège réel licite dans un
autre pays. Au nom de la liberté d’établissement, on accepte cette dichotomie entre un siège
statutaire dans un pays et un siège réel dans un autre.

Cette solution heurte la solution de droit international : s’il y a un siège statutaire et un siège
réel c’est un cas de fraude, on retombe sur les solutions textuelles qu’on a vues.

61

4ème affaire : CJCE, 2003, Inspire Art

Faits : des personnes créent une société sur un territoire d’un État membre de l’UE, entendent
exercer leur activité essentielle sinon exclusive sur le territoire des Pays Bas. La législation
néerlandaise n’est pas sympathique et dit que s’ils exercent sur le territoire des Pays Bas, ils
doivent respecter la loi néerlandaise sur la responsabilité des dirigeants sociaux (loi sur les
pseudos foreign companies, qui est une loi de police, elle s’applique quel que soit le lieu
d’immatriculation).

Solution : la CJCE dit que ce n’est pas possible, le principe de liberté d’établissement est
supérieur au droit interne, à la loi néerlandaise. La loi néerlandaise est contraire au principe
d’établissement.
Cette solution heurte les solutions de droit international : on laisse une loi de police
inappliquée, alors que la loi de police doit s’appliquer.

Si une loi de police interne est écartée, ça veut dire qu’elle est écartée par une loi de police
supérieure, donc le principe de liberté d’établissement serait une loi de police communautaire,
elle balaye tout sur son passage, mais est-ce que ce principe est une loi de police ? Non.

Cette loi de police néerlandaise n’était pas extravagante, elle visait à protéger les créanciers
sociaux.

5ème affaire : CJCE, 2005, Sevic Systems

Faits : une société fusionne avec une autre société dans un autre État membre. Les 2 sociétés
avaient leur siège sur le territoire d’un État membre. Cela se passe en Allemagne, la loi
allemande ne prévoit que des fusions entre sociétés allemandes. Les sociétés fusionnent à
partir du Luxembourg.

Solution : est contraire à la liberté d’établissement la décision des autorités d’un État membre
en matière de fusion. La CJCE dit que c’est contraire de soumettre cette opération à la loi
allemande, les sociétés doivent pouvoir exercer au Luxembourg en ayant le bénéfice de la loi
allemande.

6ème et 7ème affaires : CJUE, 2008, Cartesio, et CJUE, 2012, Vale Epitesi

Ces 2 arrêts interviennent après coup. Ces arrêts sont d’interprétation délicate, les auteurs se
disputent sur l’interprétation :

- Pour certains, ce n’est qu’un léger amoindrissement des arrêts vus précédemment, mais le
principe de liberté d’établissement prime toujours, avec quelques limites.

- Pour d’autres : c’est un revirement complet de jurisprudence, on admet aujourd’hui que ce


principe de liberté d’établissement peut connaître des limites.

Cartesio (2008)

Faits : une société établie en Hongrie, relevait du droit hongrois, elle avait son siège social en
Hongrie, entendait transférer son administration centrale en Italie. La Cour va être saisie de la
question de savoir si l’Italie est obligée d’accepter ce transfert et également si le droit
hongrois peut éventuellement exiger un certain nombre de conditions pour accepter ce
transfert.

Solution : la Cour retient qu’un État membre est libre de ne pas permettre à une société
relevant de son droit national de conserver cette qualité, tout en déplaçant son siège sur le
territoire d’un autre État membre.

En clair, si l’Italie accepte ce transfert, la Hongrie peut très bien s’y opposer.
La société peut très bien transférer son administration centrale de Hongrie en Italie, mais la
Hongrie peut accepter alors qu’elle ne relève plus du droit hongrois.

Commentaire : c’est un arrêt intéressant, car, pour la 1ère fois depuis longtemps, il semble
poser une limite à la liberté d’établissement, il semble redonner du pouvoir à l’État dont la
société est ressortissante, un certain contrôle de l’État.

62

Vale Epitesi (2012)

Faits : une société de droit italien demande à être radiée du registre des sociétés de Rome en
vue de transférer son activité en Hongrie.

La question se pose de savoir si le droit hongrois accepte ce transfert.

Solution : la Cour confirme que les sociétés jouissent d’un droit à la transformation, c’est à
dire que la société Vale Epitesi peut bien transférer son siège d’Italie vers la Hongrie. Mais la
Cour ajoute, de manière générale, que la liberté d’établissement comporte des limites, et pose
2 limites notamment :

- Les autorités locales peuvent s’opposer à cette transformation/ce transfert s’il y a un


impérieux motif d’intérêt général.

- En cas d’abus de droit, si la société transfère son siège sans transférer son activité ou sa
direction effective, lorsque le transfert paraît fictif.

Commentaire : on se dit que la jurisprudence de la CJUE est en train d’amorcer un tournant,


dans Cartesio elle pose des limites, dans Vale Epitesi elle les explicite.

Les commentateurs de ces arrêts sont d’opinion divergente, tout le monde s’accorde pour dire
qu’il y a un assouplissement de la liberté d’établissement, certains disent que la CJUE
annonce des revirements, d’autres disent que ce sont des simples limites qui ne remettent pas
en cause la mobilité des sociétés.

8ème affaire : CJUE, 2017, Polbud

Cet arrêt montre une fois encore l’évolution en dents de scie de la CJUE et les évolutions de
la jp.

Faits : une société établie en Pologne, décide de transférer son siège social au Luxembourg. Il
ne ressort pas de la décision de transfert que l’activité de la société polonaise va être
transférée au Luxembourg ni que sa direction effective va être transférée au Luxembourg, il y
a juste un transfert de siège social, mais pas de transfert d’activité.

Les autorités polonaises disent que dans un tel cas la société doit être liquidée en Pologne et
qu’ensuite elle peut s’immatriculer où elle le veut. La société Polbud demande à ne pas être
liquidée, demande juste sa radiation au RCS polonais. Les autorités polonaises refusent.
Solution : la CJUE indique d’abord que la liberté d’établissement comporte notamment le
droit pour une société de se transformer en une société relevant du droit d’un autre État
membre.

La CJUE indique qu’il est possible d’avoir une décision de transfert de siège sans transfert
d’activité ni transfert de direction effective, et que ça n’est pas en soi constitutif d’un abus.

Enfin la CJUE dit qu’en exigeant la liquidation de la société, la loi et les autorités polonaises
ont porté atteinte à la liberté d’établissement.

On peut dire que cette jurisprudence est difficile à suivre, dans les derniers arrêts la Cour
semble dire tout et son contraire, elle réserve une possibilité de restriction à la liberté
d’établissement (Cartesio, Vale Epitesi) pour au contraire consacrer la liberté d’établissement
dans sa totalité (Polbud), et ce d’autant plus qu’elle considère qu’en soi le transfert du siège
social statutaire n’est pas abusif et est donc licite. La CJUE dans son dernier arrêt (comme
dans Centros, Inspire Artc, Überseering.) a reconnu la dichotomie des sièges, on peut avoir un
siège social statutaire différent du siège réel.

Conclusions sur ces arrêts :

- Les arrêts Cartesio et Vale Epitesi n’ont été qu’une parenthèse, on a reconnu des limites
mais elles n’ont jamais été appliquées.

- Il n’y a pas de cohérence.

- La CJUE fait jouer à plein la concurrence entre les droits nationaux, elle estime qu’on peut
passer indifféremment d’un droit national à un autre, que ce serait un droit. Mais elle oublie
peut-être qu’elle se situe dans l’Union Européenne : dans une union, il n’y’a pas une division,

63

dans une union, il n’y’a pas de concurrence, il faudrait peut-être avoir des solutions
convergentes.

- La CJUE favorise cette mise en concurrence entre les droits, mais elle le fait toujours au
profit d’une législation la plus permissive : c’est la course vers le bas (race to the bottom), à
chaque fois qu’on a un problème (fiscal, paiement des créanciers, responsabilité), une société
essaie d’échapper à sa responsabilité, et la CJUE dit qu’il n’y a pas de problème, que les
sociétés fassent leur course, aillent où elles le veulent en fonction de ce qui les arrange : c’est
du law shopping. Or dans l’UE, favoriser le law shopping semble contradictoire avec les
principes fondateurs.

- La CJUE, par sa jurisprudence, est aux antipodes du législateur communautaire, le


législateur a une vision en tête : uniformiser, par des directives, des règlements, faire
converger les droits. La CJUE fait tout l’inverse.
- La liberté d’établissement n’est-elle pas totalement dévoyée par la CJUE ? Cette liberté ce
n’est pas scinder une société en deux, non, c’est le droit pour des personnes de s’installer dans
un pays de l’UE, et de respecter les droits de cet État. On peut s’installer où on veut dans
l’UE, c’est ça la liberté d’établissement. Ça n’est pas de créer une société et de l’écarteler
entre les différents droits, différents sièges car on veut profiter d’un système ou d’un autre. La
CJUE méprise la liberté d’établissement, par une politique de laisser-faire, elle laisse des
situations se produire sans contrôle, et laisse de côté les abus, la fraude, au mépris de tous les
intérêts nationaux des États membres.

II) La société européenne

A) Les discussions

Elles sont intéressantes, par ce qu’elles disent, et par leur durée.

1) La durée

Les discussions sont très longues, preuve d’une absence d’uniformité. Elles ont commencé un
peu avant 1966. Elles ont débouché sur des textes qui vont intervenir à partir des années 2000.

Pourquoi les discussions ont duré aussi longtemps ? À cause de leur contenu.

2) Le contenu

Tous les États n’avaient pas la même politique, et il y a eu de plus en plus d’États qui sont
intervenus.

Au départ on voulait une société régie par des règles matérielles, sans aucune référence au
droit des États membres, uniquement des règles matérielles dans un très fort souci
d’unification/d’harmonisation.

Il y a eu des divergences entre la position allemande et la position d’autres pays :

- L’Allemagne veut créer une SA avec directoire et conseil de surveillance, refus du conseil
d’administration (en Angleterre, le directoire n’existe pas, on veut un CA).

- Point d’achoppement majeur : la cogestion. L’Allemagne fait intervenir les syndicats et les
salariés dans les organes de direction de la société (les salariés participent à la gestion de la
société, ont une voix délibérative au sein des organes de direction de la société), l’Angleterre
s’y oppose : les salariés ne prennent pas de risque sur leur capital donc ils ne doivent pas être
dans les organes de direction, l’Espagne est d’accord avec la position anglaise.

Finalement les discussions sont sans fin, on aborde un 3ème sujet de discorde :

64

- Certains disent que la SA n’a plus d’avenir en Europe, toutes font partie d’un groupe, il faut
s’intéresser aux TPE etc. donc il faut créer une SARL (et non une SA), les SARL ont un
avenir, les petites sociétés peuvent être créées et organisées librement, elles ne sont pas dans
des groupes.

Au Congrès de Nice de 2000, c’est une surprise de taille : les pays européens disent qu’ils
sont d’accord pour créer une société européenne, on va donc créer une SE. On va voir son
statut.

B) Le statut de la société européenne

On l’appelle société européenne, societas europae en latin.

L’essentiel tient aux textes qui sont acceptés et promulgués. Il y a 2 textes qui apparaissent :

- Un règlement communautaire du 8 octobre 2001

- Une directive communautaire du 8 octobre 2001

Tandis que le règlement va s’intéresser au statut de la SE, la directive va s’intéresser à la


participation des salariés dans la SE.

1) Description de la société européenne

Le règlement intéresse le droit des sociétés pur et dur. Il va indiquer que la SE est une SA, que
c’est optionnel (on n’est pas obligés de choisir la SE), qu’elle peut être constituée sur
n’importe quel territoire de n’importe quel État de l’UE, et que cette SE est soumise aux
règles édictées par le règlement, le capital social minimum est de 120 000€.

La SE intéresse essentiellement les groupes de sociétés puisqu’elle peut être constituée dans 4
cas :

- La fusion entre deux sociétés déjà existantes dans des pays différents de l’UE.

- La constitution d’une filiale dans un autre État membre.

- La constitution d’une société holding.

- La transformation d’une société mère existante si elle a déjà une ou plusieurs filiales dans
plusieurs pays.

Aucun cas n’est extérieur au groupe de sociétés. La société européenne intéresse donc
essentiellement les groupes de société.

Pour la direction (CA ou directoire + conseil de surveillance), le règlement dit que ce sont aux
associés de choisir.

Le règlement a une disposition importante : dans son article 10 : la SE relève des règles du
présent règlement, mais à chaque fois qu’il n’y a pas de règle, la SE relève de la loi du lieu
d’établissement de son siège social.
2) Appréciation de la société européenne

Finalement, c’est 35 ans de discussions pour pas grand-chose. Pendant 35 ans, on s’est
intéressé sur la forme de la direction, le règlement ne dit rien là-dessus. On s’est interrogé sur
la cogestion, la directive en parle. Les 2 questions sont liées, et on en parle dans des textes
séparés, la directive pose des règles mais selon ce que veulent les législateurs nationaux, les
droits nationaux peuvent rester inchangés. Là où on avait une question centrale, cela devient
une question périphérique.

- On est passés d’un modèle de règles matérielles à un modèle qui repose sur des règles
confictualistes. La SE repose sur un règlement mais chaque fois que le règlement est muet, la
SE relève des règles nationales. Et le règlement ne contient pas beaucoup de dispositions.

65

- La SE en définitive a été ravalée à de multiples sociétés qui relèvent de multiples droits


nationaux : la SE française est différente de la SE italienne, grecque etc. Il n’y a pas une SE
mais des SE, il n’y a pas un modèle unique mais un référentiel de SE qui sont soumises à des
règles distinctes.

- Le résultat est très trompeur, le règlement parle d’une SE et en réalité tout est différent :
dans certains modèles, il y a directoire et cogestion, dans d’autres il faudra un CA sans
cogestion. On a des régimes différents pour une seule notion, ce n’est pas logique,
normalement on a : une notion, un régime. Or là on a plusieurs régimes, donc on n’a pas peut-
être pas de notion.

- Il y a encore une distorsion très forte alors même qu’on a voulu une SE unique, uniforme :
zéro fiscalité unique pour la SE, zéro immatriculation commune, on n’a pas de RCS européen.
Donc beaucoup de questions importantes relèvent des droits nationaux, il n’y’a pas de règles
uniformes.

- Cela n’intéresse que les groupes de sociétés, que les SA, qu’avec un capital social minimal
important. On s’est trompé de cible, les grands groupes n’ont pas attendu la SE pour vivre,
s’organiser, les grands groupes savent créer des filiales, se transformer etc.

- C’est un échec théorique et pratique.

o Fin 2014 : 23 SE créées en France.

o Fin 2017 : 45 SE créées en France.

Il y a à peu près 2 500 SE sur les 28 États de l’UE, un peu moins de 100 par État. 35 ans de
discussion pour arriver à ça, l’échec est patent.

- De l’aveu même du législateur européen, cette SE ne marche pas très bien, on discute
pendant 35 ans, et peu de temps après on crée la société coopérative européenne (on se dit que
la SE n’était pas une bonne idée, donc on crée la coopérative), mais la coopérative s’est déjà
développée avant.

- Donc l’UE dit qu’il faut créer la société privée européenne, on discute de cela, et cette SPE
ce serait une…SARL (soit le projet de 1965). Le règlement a été transposé en droit interne par
une loi de 2005, aux articles L229-1 et suivants du Code de commerce, cela ne diffère pas
vraiment de la SA.

- Le cas de la fusion, visé dans le règlement sur la SE. Il y a déjà une directive sur les fusions
intra-communautaires, elle est transposée et utilisée. La SE peut être faite en cas de fusion,
c’est redondant car on a un texte européen sur les fusions, en cas de fusion on ne va pas
utiliser la SE mais la directive fusion. On a discuté pendant 30 ans pour avoir 2 textes sur un
même objet.

- On discute d’un texte au sein de l’UE sur le transfert de siège social au sein de l’UE. La
jurisprudence de la CJUE dit que cela concerne la liberté d’établissement, donc le transfert de
siège social est a priori la même question. Mais ce n’est pas la même question, car on a besoin
d’un texte, d’un accord entre les États donc ça montre que cela ne marche pas.

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Chapitre II : Les États

Les États ne sont pas simplement des régulateurs, mais sont devenus de plus en plus des
opérateurs du commerce international, on va les étudier à ce titre.

Section I : L’État opérateur du commerce international

I) Les causes

C’est une intervention croissante des États en tant qu’opérateurs, surtout à la fin de la WWII,
avec les accords du GATT, la banque mondiale, le FMI, la mondialisation des échanges. Les
États vont participer à cela.

Pourquoi à la fin de la WWII ? Il y’avait une nécessité de reconstituer les économies, de


reconstruire, d’assurer les besoins vitaux d’une population, ce fut pris en charge par les États.
Il y aura le phénomène de la fin de la guerre et l’accès à l’indépendance de plusieurs
territoires : décolonisation.

Puis avec l’instauration des blocs est/ouest, dans les pays de l’Est, les États sont des acteurs
majeurs du commerce, de l’économie, l’économie est dirigée, contrôlée par l’État, ce sont
essentiellement des sociétés/opérateurs contrôlés par cet État.

Puis avec l’explosion de la demande économique, il y’a eu une nécessité de développer les
matières premières, d’où l’exploitation de matières premières, de minerais, c’est l’État qui va
concéder, autoriser, exploiter ces richesses sur son sol : il devient opérateur du commerce
international.
II) Les conséquences

On sait que les États interviennent en tant qu’opérateurs du commerce international. Quelles
en sont les conséquences ? Si l’État intervient, il intervient sous différentes formes : il y’a une
diversité des interventions de l’État. Malgré cette diversité, on se pose la question de savoir
s’il y a un maintien ou non du statut public de l’État.

A) Diversité des interventions de l’État

L’État peut intervenir sous diverses formes, il est libre de choisir les formes de son
intervention, il n’a de limites que celles qu’il se pose, il n’y’a pas de norme qui l’oblige à
intervenir de telle façon.

1) Intervention directe

Juridiquement, cela veut dire que l’État signe les contrats, lui-même, directement, il passe des
opérations du commerce international, il est directement lié dans les engagements juridiques,
est débiteur/créancier du fait d’un contrat international.

Cela existe en pratique mais n’est pas le plus fréquent. On peut y voir des avantages :

- Le nombre d’États est limité, on les connaît, on connaît leur régime


politique/social/financier, leur solvabilité, il y a un rating, une notation des États, on peut les
évaluer. On peut évaluer la probabilité que l’État respecte sa signature, la probabilité qu’il soit
un État voyou.

- La notoriété de cet État, il est connu, identifié, il y’a des règles constitutionnelles pour
l’engagement de cet État, on sait où est le lieu de pouvoir, on sait avec qui s’engager, les
ministères à atteindre etc.

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- Une certaine solvabilité de l’État, on met très rarement un État en faillite, quand un État est
en cessation de paiements (ça peut exister) il n’est pas en cessation politique de paiement, il y
a une restructuration politique de la dette de l’État, il y’a un accord avec les principaux
créanciers pour un étalement de la dette, effacement de la dette, et des mesures politiques en
échange.

- L’État ne disparaît pas, il y a toujours une continuité de l’État, le contrat signé avec un État
doit toujours être respecté par l’État indépendamment de son organisation politique, ses
dirigeants (pas de changement de siège social, pas de changement du siège de direction etc.)

La pratique montre que très souvent l’État intervient indirectement.

2) Intervention indirecte

Les États n’interviennent pas nécessairement en tant qu’opérateurs eux-mêmes, ils vont
organiser leurs interventions : déléguer, créer.
a) La notion d’émanations des États

- Dans certains pays, des ministères peuvent être dotés de la personnalité morale. Le ministère
signe des contrats, engage son patrimoine etc. (ministères en charge de l’énergie dans les pays
qui ont des ressources naturelles), l’État n’intervient pas directement mais par le biais du
ministère.

- Intervention par le biais d’organismes/d’établissements publics, qui ont une personnalité


distincte de l’État. Il y a aussi les sociétés à capitaux publics, les sociétés d’économie mixte,
sociétés où il y a une participation importante de l’État, l’État intervient indirectement.

 D’où l’émergence de la notion d’émanations. Les émanations des États, c’est ce que les
américains ont appelé les « instrumentalities », ce sont des espèces des instrumentalisations.
L’émanation est une entité qui est généralement créée par l’État mais qui dispose d’une
personnalité juridique distincte. Néanmoins, on considère que, manquant
d’indépendance/d’autonomie par rapport à l’État, il va y avoir une certaine confusion entre
l’État et son émanation.

La jurisprudence va considérer que lorsqu’il y a une absence d’autonomie fonctionnelle (et


pas seulement organique) on va traiter cette émanation comme étant l’État lui-même, et on va
traiter l’État lui-même comme étant cette émanation, dès lors que ces émanations apparaissent
comme juridiquement distinctes mais se confondent en pratique.

b) Exemples en jurisprudence

i) Les organismes publics

Un organisme public : on se pose la question de savoir si l’État est derrière, a un rôle


quelconque, s’il peut intervenir d’une manière ou d’une autre.

1ère affaire : SPP contre Égypte, a donné lieu à un contentieux lourd, on a un arrêt Cass 1ère
civ 6 janvier 1987, c’est l’affaire du plateau des pyramides.

L’Égypte veut créer un complexe touristique au pied des pyramides, entend développer le site,
lance un appel d’offres, retient une société de Hong-Kong qui a un certain savoir-faire. L’État
égyptien n’intervient pas directement mais par le biais d’un organisme qui conclut le contrat
avec cette société de Hong-Kong (SPP). Un jour, l’organisme, sous la pression de l’opinion
publique et des autorités,

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rompt le contrat. SPP se retourne contre l’organisme public et décide d’engager la


responsabilité de l’État égyptien car l’organisme est à capitaux publics, l’Égypte désigne les
dirigeants.

Le contrat est signé entre l’organisme et SPP, l’État égyptien signe le contrat précédé de la
mention « approved, agreed & certified ». SPP dit que l’État égyptien n’intervenait pas
directement au départ, mais par la signature du contrat il est intervenu et est devenu partie au
contrat.

Il y’a une sentence arbitrale, une action en manquement devant la Cour d’appel, puis un
pourvoi devant la Cour de cassation. La Cour dit que l’ambiguïté des termes précédant la
signature du ministre égyptien appelait une interprétation, que ce n’était que l’intervention
d’une autorité de tutelle, donc on écarte la responsabilité de l’État égyptien. Donc seul
l’organisme public est responsable des conséquences du contrat.

La distinction État opérateur/État autorité de tutelle n’est pas aisée à faire, ça dépend des
circonstances, de l’interprétation.

ii) Les immunités d’exécution

L’affaire Sonatrach (Civ 1, 1er octobre 1985) concerne la question des immunités
d’exécution.

La question se pose de savoir comment va être exécutée une condamnation à l’encontre de


Sonatrach (société pétrolière et gazière qui exploite les ressources en Algérie), société
condamnée pour mauvaise exécution d’un contrat envers un créancier. Le créancier veut que
la condamnation soit exécutée par Sonatrach mais aussi par l’État algérien, car 100% du
capital de Sonatrach est composé de capitaux publics. La jurisprudence a dit non, Sonatrach
est une entité juridique autonome, distincte, ce n’est pas une émanation, elle a ses propres
dirigeants, sa propre organisation, sa propre stratégie, donc ce n’est pas une émanation.

On retrouvera aussi Sonatrach dans une question d’immunité d’exécution contre Sonatrach.

On peut aussi évoquer l’arrêt Société nationale du pétrole du Congo, et société nationale du
pétrole du Cameroun (Civ 1, 6 février 2007)

En l’espèce, 100% du capital de la société est détenu par l’État dans les 2 cas.

Dans un cas, on prend l’arrêt du Congo par exemple, c’est une sentence arbitrale qui
condamne au profit d’un créancier étranger la république du Congo, le créancier risque de se
heurter au principe d’immunité d’exécution, donc veut saisir les comptes en banque d’une de
ses émanations, en disant que cette émanation se confond avec l’État.

C’est un tour de passe-passe, c’est assez artificiel : si je ne peux pas saisir les biens de l’État,
et que l’émanation se confond avec l’État, alors je ne peux pas saisir les biens de l’émanation.

Pour montrer que c’est une émanation, la Cour de cassation va trouver un faisceau d’indice
pour dire que la SNPC n’est pas indépendante vis à vis de la RDC. Certes la société est dotée
de la personnalité morale et d’une autonomie financière (en apparence)

- Son capital est détenu à 100% par l’État.

- Elle gère des actifs et droits au profit de l’État.


- Il y’a une absence d’autonomie fonctionnelle : la Cour de cassation dit que la cour d’appel a
remarqué des éléments factuels :

o La société est financée en grande partie par des subventions de l’État.

o Elle est placée sous la tutelle du ministre en charge des hydrocarbures, qui a un pouvoir
permanent d’orientation et de contrôle de l’entreprise, décide de la stratégie.

o Dès qu’il y a un résultat comptable, il sert à payer les fournisseurs de l’État, pas par le biais
d’une distribution de dividende, mais bien en se servant dans les caisses de la société, cela
montre qu’il y a une confusion de patrimoines.

o La SNPC est un important bailleur de fonds de l’État, souvent à fonds perdus, la SNPC
prête de l’argent à la RDC et ne sera jamais remboursée, ça a permis à la RDC de contracter
avec des banques internationales et de payer les fonctionnaires de l’État (pas de la SNPC)

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→ Donc la Cour d’appel a pu déduire que « la SNPC n’était pas dans une indépendance
fonctionnelle suffisante pour bénéficier d’une autonomie de droit et de fait à l’égard de l’État
et que son patrimoine se confondait avec celui de l’État, elle devait être considérée comme
une émanation de la RDC ». Le créancier peut donc aller se servir sur les comptes en banque
de cette émanation, de la SNPC donc.

B) Maintien ou non du statut public

L’État intervient directement ou indirectement comme opérateur, et est gouverné par un statut
public, pas par des règles de droit privé. Est-ce que, lorsqu’il est opérateur du commerce
international, l’État doit ou peut conserver son statut public ? Ou doit-il/peut-il relever d’un
statut privé ? La participation de l’État au commerce international lui fait-elle perdre son
statut public ?

L’État dispose de prérogatives de puissance publique, les perd-il ici ?

Il est en charge de l’intérêt général, quand il intervient dans le commerce international doit-il
être traité comme un opérateur purement privé poursuivant un intérêt économique ?

Les théories à ce propos sont opposées :

- Les auteurs publicistes d’une manière générale défendent l’idée que l’État ne peut pas être
ravalé au rang d’un opérateur privé, il est toujours en charge de l’IG, doit garder les PPP, il
doit y avoir un maintien de son statut public avec quelques aménagements.

- À l’inverse, les privatistes disent que l’État doit être maintenu dans certaines de ses
prérogatives, il n’est pas possible de l’assimiler totalement à un opérateur privé, mais il y a
des solutions juridiques qui doivent être les mêmes et son maintien du statut public en tant
que tel pose question, doit être laissé de côté en grande partie, s’il agit comme opérateur il est
soumis au régime des opérateurs.

- Si on laissait le statut public à l’État qui agit comme opérateur, on crée une distorsion de
concurrence, les parties ne seraient pas en situation d’égalité. Est-ce que dans le CI on peut
avoir des parties qui sont dans une situation d’inégalité à cause de leur statut ?

Section II : Problèmes juridiques spécifiques

2 thèmes centraux de difficultés :

- Les contrats d’État

- Les immunités

I) Les contrats d’État

A) Définition

Le contrat d’État est une notion connue, née en grande partie par le développement du
commerce international (années 60-70).

Cette théorie a été créée par une théorie américaine des « State contracts ».

Ce sont des contrats signés d’un côté par un État, et de l’autre par un opérateur étranger (le
plus souvent privé). Cela intervient à l’intersection du DI public et du DI privé.

C’est une notion développée par la pratique, puis acceptée par la doctrine. Très utilisée en
pratique, l’État est opérateur, intervient et conclut un contrat avec un opérateur privé.

Pourquoi c’est à l’intersection DI public/DI privé ? Parce qu’il y a de part et d’autre la volonté
d’assurer une certaine égalité entre les parties.

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La volonté de l’opérateur privé est celle de laisser de côté les privilèges exorbitants de l’État,
atténuer les prérogatives de puissance publique, si ce n’est pas écarté il n’y a pas de contrat.

Éléments de définition (ils sont cumulatifs) : c’est donc un contrat signé entre un État
souverain et une entreprise étrangère. Et le contrat est en dehors de la sphère juridique de
l’État, le contrat échappe à la sphère normative de l’État. L’État est opérateur, il ne peut être
régulateur.

B) Principaux éléments du régime

On cherche le plus souvent 2 clauses :

- Clause d’arbitrage
- Clause de la loi applicable, on parle souvent de gel de la loi applicable

1) La clause d’arbitrage

 Sinon il y a un risque pour l’opérateur étranger d’être jugé devant les juridictions de l’État
contractant, risque de nationalisme, de conflit d’intérêts.

 L’arbitrage est un mode très habituel de règlement des conflits, donc il est normal qu’on
recoure à l’arbitrage.

Cette clause est quasi systématique dans les contrats d’États, c’est très rare qu’il n’y en ait
pas.

L’arbitrage est facilité en pratique, comme on est dans opérations de commerce international,
l’État a plus largement la capacité de compromettre. L’État a la capacité juridique de conclure
des conventions d’arbitrage, alors que dans d’autres domaines il le peut moins. La France est
très favorable à l’arbitrage en matière internationale, beaucoup moins en matière interne.

En matière internationale, la jurisprudence de la Cour de cassation était très favorable à


l’arbitrage. Dans les arrêts Galakis (1966), et San Carlo (1964), la Cour de cassation a estimé
qu’en matière internationale l’État a la capacité de compromettre, la Cour de cassation en a
fait une règle matérielle de l’arbitrage, sans se référer à une loi interne, elle dit que chaque
État peut compromettre en matière de commerce international. Les législations et
jurisprudences étrangères en ont fait de même.

Cette solution très nouvelle et libérale dans les années 60 a été reprise par des textes dans les
années 90, 2000. Ça vaut pour toutes les personnes morales de droit public dès lors qu’on est
en matière internationale. Il faut retenir qu’en matière internationale c’est toujours plus
libéral.

L’arbitrage va permettre d’avoir une égalité de traitement entre les parties.

2) Clause de gel de la loi applicable

Appelée aussi clause de stabilisation de la loi applicable. Elle a pour but de dire que la loi
applicable ne bougera pas durant l’exécution du contrat.

Très souvent, ce sera la loi de l’État qui sera la loi applicable au contrat, il y aura donc
quasiment toujours une clause de gel de la loi applicable, l’opérateur veut bien que cela soit la
loi applicable de l’État, mais oblige l’État à ne pas changer, modifier cette loi durant la
période d’exécution.

La clause de gel de la loi applicable est intéressante car elle vise tous les pans de la législation
de l’État : ça concerne la fiscalité, la matière douanière et les relations avec l’étranger, la
matière sociale, matière économique, le contrôle des changes, le droit de la concurrence,
administratif etc. Cette clause de gel aura, ratione materiae, un domaine d’application très
large : tous les pans de la législation.
Ratione personae : cette limitation du pouvoir de l’État, on a parlé d’autolimitation du pouvoir
normatif, l’État va s’interdire de limiter sa législation mais à l’égard uniquement de son
cocontractant,

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il n’abandonne pas toutes ses prérogatives. Il y a abandon du pouvoir normatif, mais


uniquement à l’égard de cette personne.

Ratione temporis : pendant le temps de l’exécution du contrat, le gel n’existe que pendant la
durée du contrat, ni avant, ni après.

On parle aussi parfois (mais c’est plus rare) de clause de neutralisation du pouvoir normatif de
l’État, mais il faut retenir les termes gel/stabilisation de la loi applicable.

Cette clause va permettre d’assurer une neutralité entre les parties, une égalité.

On vise la stabilité de la relation contractuelle, une prévisibilité des situations, c’est bon pour
la sécurité juridique (qui est un impératif du commerce international).

On peut avoir d’autres clauses, mais ces deux-là sont les plus importantes, les plus courantes.

II) Les immunités

On est aux confins du droit international public et du droit international privé. La question
ressort de la souveraineté de l’État.

A) Les traits communs

1) Les fondements

C’est un principe de droit international, on ne rattache pas cela au droit international public ou
privé. La Cour de cassation parle de « principes de droit international », on parle de principe
général.

2 fondements sont indiqués :

- La souveraineté des États, les États bénéficieraient d’immunité car chaque État est souverain
et doit être protégé.

- Les immunités seraient fondées sur la courtoisie internationale entre eux, chaque État
accepterait de ne pas faire aux autres ce qu’ils n’aimeraient pas qu’on lui fasse et
reconnaitraient des privilèges aux États sous réserve de réciprocité.

2) Les sources

- Elles sont diversifiées. Elles sont principalement jurisprudentielles même dans les pays
romano germanique, alors que dans les pays de Common law on a plutôt des textes écrits.
- On a une Convention internationale des Nations Unies 2004, sur les immunités
juridictionnelles des États et de leurs biens, cette convention n’a pas été ratifiée par un très
grand nombre de pays.

3) L’universalité de la notion

Les solutions sont convergentes, partagées par un grand nombre de pays, quelles que soient
les sources, les fondements invoqués.

On a un principe de reconnaissance de ces immunités aussi bien sur le principe des immunités
de juridiction que d’exécution, mais il y a aussi une forte tendance de recul de ces immunités
ces dernières années.

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B) L’immunité de juridiction

Cela repose sur la souveraineté des États, la courtoisie internationale.

C’est une immunité ancienne, de manière générale elle va permettre à un État d’invoquer un
privilège, c’est-à-dire de demander à ce qu’il ne soit pas jugé par des juridictions d’un État
étranger. L’État pourra être jugé par ses propres juridictions, ses propres tribunaux.

1) Les bénéficiaires de l’immunité de juridiction

On considérait avant que l’immunité était propre à l’auteur de l’acte en cause, qu’elle ne
pouvait donc être invoquée que par les États.

La Cour de cassation dit qu’il ne faut pas regarder la personne de l’acte mais la nature de
l’acte. On a donc étendu l’immunité de juridiction, on ne vise pas que les États, on vise les
États, d’autres personnes morales de droit public voire des personnes morales de droit privé.

En vertu de la jurisprudence de la Cour de cassation, il faudra maintenant démontrer que la


personne a passé un acte qui se rattache aux prérogatives de puissance publique ou à une
mission de service public.

On voit que cette immunité est complexe à décrire, elle peut profiter à des personnes sans
qu’on sache véritablement si elles ont exercé une mission de service public. On se demande
ce qu’est une mission de service public. Souvent les prérogatives de puissance publique sont
invoquées dans les ordres juridiques étrangers.

2) Les caractéristiques de cette immunité de juridictions

Elle doit être invoquée in limine litis : au tout début du procès, avant toute défense au fond.

Est-ce une exception d’incompétence ou une fin de non-recevoir ? La doctrine est divisée, la
jurisprudence aussi, elle estime que c’est une fin de non-recevoir, pas une fin de non-recevoir.
3) Les moyens de contourner l’immunité

En matière internationale, elle est très rarement invoquée, elle a peu de chance de se voir
appliquée car d’une manière ou d’une autre on y a renoncé.

- Cette exception ne peut pas être soulevée d’office, un juge étranger ne peut pas invoquer à la
place du bénéficiaire l’immunité de juridiction, le bénéficiaire doit l’invoquer lui-même, le
juge ne peut pas le faire d’office.

- Il faut l’invoquer in limine litis, on aura donc une renonciation implicite acceptée par la
jurisprudence si avant l’invocation de l’immunité il y a une défense au fond.

- Il peut y avoir une renonciation expresse, on voit cela dans certains contrats

- La Cour de cassation a dit qu’il pouvait y avoir renonciation implicite à l’immunité de


juridiction par la seule signature de la convention d’arbitrage. La solution est logique : dans le
commerce international, on passe souvent par des conventions d’arbitrage, donc on renonce à
notre immunité. C’est logique : si on a accepté que le litige soit tranché par un arbitre, c’est
qu’on a renoncé à être jugé par notre juge national, on a renoncé à se prévaloir de la
compétence exclusive de ses propres juridictions nationales.

o La Cour de cassation l’a dit de manière très nette, notamment dans l’arrêt Civ 1, 18
novembre 1986, SEEE.

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Dans les contrats d’État, il y a la plupart du temps une convention d’arbitrage et de ce fait il y
aura renonciation à l’immunité de juridiction.

C) L’immunité d’exécution

C’est un privilège qui peut être invoqué par un bénéficiaire qui consiste à s’opposer à ce que
des mesures conservatoires ou d’exécution puissent être prises par un juge sur un territoire
étranger.

Par l’immunité d’exécution, son bénéficiaire invoque le privilège de voir des mesures
conservatoires ou d’exécution prononcées sur son propre territoire. On retrouve les mêmes
fondements : souveraineté, courtoisie.

1) Les bénéficiaires

La Cour de cassation dit qu’il ne faut pas regarder la nature de l’acte mais l’auteur de l’acte,
c’est l’inverse des immunités de juridiction. Pourquoi ? On dira que ce sont des choix
techniques, jurisprudentiels. Mais la tendance, en France comme à l’étranger, est de retenir
cette solution, de s’intéresser ratione personae.

- La Cour de cassation dit que pour les États l’immunité d’exécution est de principe, c’est la
règle.
- En revanche, pour les autres personnes morales de droit public, l’immunité d’exécution est
d’exception.

2 arrêts permettent de mesurer cette différence nette :

a) Pour les États : l’affaire Eurodif contre République Islamique d’Iran

Sur les États : Civ 1, 14 mai 1984, Eurodif contre République islamique d’Iran. L’Iran n’avait
pas honoré ses contrats pour l’installation de sites nucléaires en Iran « vu les principes de
droit international privé régissant les immunités des États étrangers » (dans d’autres arrêts la
Cour de cassation visera des principes de DI sans dire si c’est privé ou public, la meilleure
formulation est de dire DI car ça ne relève ni du privé ni du public)

« Attendu que l’immunité d’exécution est de principe, que toutefois elle peut être
exceptionnellement écartée ; qu’il en est ainsi quand le bien saisi a été affecté à l’activité
économique ou commerciale relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice »

Donc l’immunité est de principe, puis on regarde si le bien a été affecté à une activité de
nature commerciale de droit privé, ce bien perd son statut de bien public en quelque sorte, il
va être traité comme n’importe quel bien de n’importe quel opérateur.

Remarques :

- On parle d’affectation, cela a donné lieu à débat : le compte bancaire d’un État peut être
affecté à une activité publique et aussi à une activité privée (payer les fonctionnaires, payer
des factures d’un contrat de droit privé).

- C’est au créancier qui entend saisir le bien de rapporter la preuve de cette affectation, preuve
inverse car l’immunité d’exécution est de principe donc le créancier devra prouver
l’affectation du bien à une activité commerciale de droit privé, preuve difficile à rapporter

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b) Pour les autres personnes : l’affaire Sonatrach

Civ 1, 1er octobre 1985, Sonatrach : on statue sur les immunités d’exécution de personnes
autres qu’un État, elle inverse totalement sa jurisprudence.

Contrat de travail avec un de ses salariés, contrat rompu, le salarié conteste, demande à se
faire payer sur des biens à l’étranger : la société peut-elle invoquer une immunité
d’exécution ? La société était distincte de l’État, n’était pas une émanation.

« Mais attendu qu’à la différence des biens de l’État étranger qui sont en principe
insaisissables, sauf exceptions, notamment quand ils ont été affectés à l’activité économique
ou commerciale de droit privé qui est à l’origine du titre du créancier saisissant, les biens des
organismes publics personnalisés ou non, distincts de l’État étranger lorsqu’ils font partie
d’un patrimoine que celui-ci a affecté à une activité principale relevant du droit privé, peuvent
être saisis par tous les créanciers quels qu’ils soient, de cet organisme ».

Remarques :

- La Cour de cassation fait un cours de droit, personne ne lui demande de rappeler la solution
sur les États étrangers, elle fait un obiter dictum.

- Elle brouille les cartes, sa formulation est très compliquée, elle vise l’activité économique ou
commerciale de droit privé, on se dit que ce champ est grand, qu’il y aurait d’autres exemples
mais on n’aura pas d’autres exemples ensuite dans la jurisprudence.

- Elle dit que l’immunité d’exécution quand ce n’est pas l’État est d’exception. On peut faire 2
remarques à ce propos :

o Il y a une présomption d’affectation du bien d’organisme public à une activité économique


ou commerciale de droit privé, c’est totalement l’inverse de la solution des États.

o Ce n’est pas au créancier de démontrer cette affectation, c’est à l’organisme de démontrer


que le bien n’est pas affecté à une activité économique ou commerciale de droit privé.

2) Le régime

- L’immunité d’exécution, comme l’exception d’immunité de juridiction, doit être soulevée in


limine litis, il faut la soulever avant toute défense au fond.

- Ne peut pas être soulevée d’office par le juge, le bénéficiaire doit la soulever.

- La jurisprudence la traite comme une fin de non-recevoir plutôt qu’une exception


d’incompétence.

- On peut y renoncer de manière expresse ou implicite. Mais, pour la renonciation implicite


c’est plus compliqué : la signature d’une convention d’arbitrage entraine-t-elle renonciation à
l’immunité d’exécution ? La doctrine est divisée sur cette question :

o Pour beaucoup d’auteurs la solution devrait être différente, il faudrait faire une protection
renforcée des biens des États, de leur patrimoine et donc dire que la signature de cette
convention d’arbitrage vaut renonciation à l’immunité de juridiction mais pas d’exécution, la
convention d’arbitrage ne serait qu’une clause de juridiction, pas d’exécution.

o Certains auteurs soutiennent la thèse inverse, la signature de la convention d’arbitrage


emporte renonciation à l’immunité d’exécution. Plusieurs arguments sont avancés :

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o Les immunités forment un tout, elles ont le même régime donc pourquoi différencier ?
o Si on n’accepte pas que la signature d’une convention d’arbitrage entraine renonciation à
l’immunité d’exécution, c’est donner une prime à la mauvaise foi de l’État car il accepterait la
compétence du juge arbitral mais n’accepterait pas les conséquences de sa décision, il pourrait
refuser que cette sentence soit exécutée. Certains auteurs (dont Bruno Oppetit) ont dit que
c’était une négation de l’arbitrage et une négation de l’État de droit. Et que les immunités
doivent être traitées de manière identique sinon il y aurait une distorsion entre les opérateurs
du commerce international, les sanctions contre l’État dépendraient de son bon vouloir.

Pendant longtemps, la Cour de cassation a dit que de manière générale la seule signature
d’une convention d’arbitrage ne vaut pas renonciation à l’immunité d’exécution.

Elle a commencé à amorcer une évolution, de 2 manières :

- Elle est passée par le biais des émanations : on peut aller chercher l’émanation de l’État pour
pouvoir saisir ses biens, or l’émanation ne bénéficie pas d’une immunité de principe, le
créancier bénéficie d’une présomption que les biens sont saisissables, donc on fait exécuter la
sentence contre une de ses émanations.

- La Cour de cassation a commencé à dire qu’on pouvait contourner directement, pas par le
biais des émanations, dès l’arrêt Civ 1, 6 juillet 2000, Creighton c/ Qatar. Le Qatar est
condamné par une sentence arbitrale, le créancier veut exécuter cette sentence arbitrale sur un
compte en banque du Qatar, le Qatar dit qu’il a une immunité d’exécution, le compte est
insaisissable. Creighton dit que le Qatar a signé une convention d’arbitrage et s’est donc
engagé à exécuter la sentence.

C’est un arbitrage CCI, ce n’est pas neutre, qui, dans son règlement d’arbitrage, indique que
les parties s’engagent à exécuter la sentence. La Cour de cassation va tirer profit de ce
règlement pour donner la solution suivante, arrêt de cassation « vu les principes du droit
international régissant les immunités des États étrangers, ensemble l’article 24 du règlement
d’arbitrage de la CCI ».

Le visa est intéressant, la Cour de cassation ne vise que les principes de droit international
(sans viser public ou privé et l’article) et l’article de la CCI, ce n’est pas une loi, ce n’est
qu’un règlement d’une association privée, mais la Cour de cassation lui donne une grande
force.

« Alors que l’engagement pris par l’État signataire de la clause d’arbitrage d’exécuter la
sentence dans les termes de l’article 24 du règlement d’arbitrage de la CCI impliquait
renonciation de cet État à l’immunité d’exécution, la cour d’appel a violé les principes et
textes susvisés »

Remarques :

- La Cour de cassation dit que la renonciation peut être implicite « impliquait ».


- Cette solution est rendue par application de l’article du règlement d’arbitrage de la CCI, il y
a donc 2 éléments cumulatifs.

76

Commentaires :

- La solution est-elle fondée ? L’article 24 ne vise nullement les États, ni les immunités
d’exécution, ni la renonciation. Certains ont dit que la solution serait artificielle, sans
fondement

- Est-ce qu’on a besoin de l’article 24 ? Sans l’article 24, la solution serait différente ? Oui
parce que la Cour de cassation le cite dans le visa. Mais dans toutes les conventions
d’arbitrage les parties s’engagent à exécuter la sentence.

S’il n’y avait pas d’arbitrage conventionnel, les États ne pourraient renoncer à ces
immunités ? Non, la solution est la même pour tous les arbitrages, que le règlement vise ou ne
vise pas l’article du règlement.

On dit que la Cour de cassation fait encore un détournement, un détour, n’ose pas dire que la
signature de la convention d’arbitrage vaut renonciation à l’immunité d’exécution.

Le professeur pense qu’il faudrait unifier, que l’immunité d’exécution soit balayée en cas de
signature de convention d’arbitrage car l’État a agi comme opérateur et a fait le choix de se
soumettre à cette justice, il ne faut pas de prime à la mauvaise foi.

3) La renonciation indépendamment de toute convention d’arbitrage

Peut-on renoncer à l’immunité d’exécution indépendamment de toute convention


d’arbitrage ? Ne faudrait-il pas protéger les États ?

On a eu une série d’affaires.

a) Les fonds vautours et l’Argentine (arrêts de 2013)

Fonds vautours : l’Argentine émet des obligations d’État, emprunte sur les marchés
internationaux, doit rembourser et ne paye pas sa dette à un moment.

Un fonds vautour rachète ces obligations, ce sont des junk bonds, des bons pourris qui ne
valent rien parce que l’État ne remboursera rien, mais on a un titre juridique qui nous dit que
l’État doit nous rembourser tant, et je vais tenter de faire saisir à l’étranger sur la totalité de la
valeur de leurs titres. C’est ça le schéma de ces fonds spéculatifs.

L’Argentine avait renoncé à son immunité d’exécution pour cette opération. Mais sur quoi
peut-porter cette renonciation ? Les fonds vautour ont dit qu’ils allaient saisir les recettes
fiscales de l’État argentin.
La Cour de cassation, dans 4 arrêts du 28 mars 2013, a dit que quand les recettes ont une
nature fiscale/parafiscale, donc quand il s’agit du coeur du financement d’un État, il faut une
renonciation expresse et spéciale de la part de l’État.

La Cour de cassation voit ses arrêts être appréciés différemment selon les auteurs :

- Certains disent qu’il faut une sécurité des transactions, les recettes fiscales sont dans le
patrimoine de l’État donc c’est normal qu’on puisse se saisir.

- D’autres disent que les fonds vautours sont spéculatifs, il faut protéger les États, et qu’il y
aurait des biens insaisissables par nature, l’État n’est pas un débiteur comme un autre, a en
charge l’IG, la population, donc il ne faudrait pas appauvrir sa population.

77

b) RD Congo (arrêt de 2015)

La RD du Congo avait passé un contrat avec une société, elle avait renoncé dans le contrat «
définitivement et irrévocablement à toute immunité de juridiction et d’exécution ». Une
sentence arbitrale condamne le Congo, la société créancière cherche à faire exécuter cette
sentence.

La société a la bonne idée d’aller saisir les comptes bancaires de la mission diplomatique du
Congo et de sa représentation auprès de l’UNESCO. Ils ont vraiment touché au coeur de la
mission diplomatique de l’État. La renonciation irrévocable et définitive à toute immunité de
juridiction suffit-elle ?

La Cour de cassation, par un arrêt Civ 1, 13 mai 2015, statue et va faire un revirement de
jurisprudence par rapport aux arrêts concernant l’Argentine : « vu les règles de DI coutumier
relatives à l’immunité d’exécution des États » (visa).

La Cour d’appel avait appliqué les arrêts de la Cour de cassation concernant l’Argentine.

La Cour de cassaton décide qu’« alors que le DI coutumier n’exige pas une renonciation autre
qu’expresse à l’immunité d’exécution », elle a fait sauter le caractère spécial.

2 remarques :

- On n’y comprend rien. En 2013, on a 4 arrêts le même jour, accueillis plutôt favorablement
par la doctrine, acceptés par la doctrine. Mais en 2015 elle change son fusil d’épaule, et fait
un revirement de jurisprudence, sans aucun mot d’explication.

- C’est une solution qui libéralise les règles en faveur des créanciers, ça assure une égalité
entre les parties. La liste des biens des États est tellement longue qu’il serait très difficile de
faire une liste pour une renonciation spéciale, alors qu’on peut faire une renonciation
expresse, c’est plus simple.
Mais ces arrêts sont liés aux États, il y a donc des biens qui sont par nature insaisissables, il ne
faudrait donc pas rajouter le « spécial » mais immuniser certains biens : la défense nationale,
la mission diplomatique, l’UNESCO, la monnaie, les recettes fiscales, l’impôt etc. Il y a des
biens rattachés à la mission spécialement régalienne d’un État donc on ne pourrait pas les
saisir.

c) Affaire Ioukos

Ioukos est une grande compagnie pétrolière et gazière russe, son dirigeant s’oppose à Poutine
et se lance en politique, donc on accuse la société de tous les maux, notamment d’une fraude
fiscale massive (une sentence arbitrale a dit que c’était totalement infondé) les actifs de
Ioukos sont saisis et vendus. Y a-t-il spoliation ou non des actionnaires de la société Ioukos ?

Une sentence arbitrale a dit que la spoliation est illégitime, l’État russe a fraudé et doit 60
milliards de $. L’État russe s’oppose à l’exécution de cette sentence. Les créanciers vont dans
tous les États pour aller tenter de saisir des biens appartenant à la Russie.

La Cour de cassation avait dit (dans un arrêt Civ 1, 29 juin 2007, Putrabali) qu’une sentence
arbitrale, même rendue à l’étranger, peut être exécutée en France, c’est une solution
spécifique à la France, et qu’une sentence annulée à l’étranger pouvait encore exister et être
exécutée en France. La sentence Ioukos a été annulée aux Pays Bas, un appel a été interjeté,
donc les créanciers de Ioukos se concentrent sur la France.

La sentence étant annulée aux Pays Bas, tous les États disent que la sentence ne peut plus être
appliquée car elle a été annulée. La France a une position différente. Poutine dit que la Russie
ne paiera jamais cette dette, partout dans le monde.

78

La France va passer une loi, appelée amendement Poutine. Certains s’en félicitent en disant
que ça remet de l’ordre dans les immunités. D’autres disent que c’est une affaire en cours, et
principe de séparation des pouvoirs.

Avec la Loi Sapin II du 9 décembre 2016, on remet en cause l’arrêt de 2015 sur la RD Congo,
il faut voir les articles L111-1 à L111-3 du Code des procédures civiles d’exécution.

- Article L.111-1-1 : pas de mesure d’exécution forcée ni de mesure conservatoire sur un bien
appartenant à un État étranger sans autorisation préalable d’un juge (le juge français doit
donner son autorisation).

- Article L.111-1-2 : l’autorisation est donnée que si l’une des conditions est remplie, il n’y’a
pas d’autorisation discrétionnaire, il faut des conditions :

o L’État a consenti à une telle mesure : mais ça n’arrivera jamais, on n’aurait pas besoin
d’exécution forcée, on n’aurait pas besoin du juge.
o L’État a affecté ce bien à la satisfaction de l’activité qui fait l’objet de la demande, mais ça
n’arrive jamais, le juge ne va pas constater que l’État a affecté ce bien à sa dette.

o On reconnaît qu’il y a des biens par nature insaisissables : fonction militaire, créances
fiscales ou sociales de l’État, patrimoine culturel.

Cette loi peut avoir des éléments de clarification, il faut être objectif là-dessus, mais il y a
aussi beaucoup d’absurdités.

La Cour de cassation a rendu un autre arrêt (Civ 1, 10 janvier 2018) concernant la RD Congo
et la même société dans lequel elle dit que la loi nouvelle Sapin 2 ne s’applique pas (car
l’affaire date de 1993, c’est normal) mais elle dit que ce n’est pas grave, que c’est bien
d’appliquer par avance la loi nouvelle.

La Cour de cassation dit aussi dans le même arrêt que cette loi est tellement bonne qu’il faut
rompre avec une jurisprudence désuète et isolée (la sienne en l’espèce sur la même affaire RD
Congo contre la société).

« Attendu, cependant, que la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 a introduit, dans le code
des procédures civiles d’exécution, deux nouvelles dispositions ; que, selon l’article L. 111-1-
2 de ce code, sont considérés comme spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par
l’Etat à des fins de service public non commerciales les biens, y compris les comptes
bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l’exercice des fonctions de la mission
diplomatique de l’Etat ou de ses postes consulaires ; qu’aux termes de l’article L. 111-1-3, des
mesures conservatoires ou des mesures d’exécution forcée ne peuvent être mises en oeuvre
sur les biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans
l’exercice des fonctions de la mission diplomatique des Etats étrangers ou de leurs postes
consulaires, de leurs missions spéciales ou de leurs missions auprès des organisations
internationales qu’en cas de renonciation expresse et spéciale des Etats concernés ;

Attendu que ces dispositions législatives, qui subordonnent la validité de la renonciation par
un Etat étranger à son immunité d’exécution, à la double condition que cette renonciation soit
expresse et spéciale, contredisent la doctrine isolée résultant de l’arrêt du 13 mai 2015, mais
consacrent la jurisprudence antérieure (1re Civ., 28 septembre 2011, pourvoi n° 09-72.057,
Bull. 2011, I, n° 153 ; 1re Civ., 28 mars 2013, pourvois n° 10-25.938 et n° 11-10.450, Bull.
2013, I, n° 62 et 63) ; que certes, elles concernent les seules mesures d’exécution mises en
oeuvre après l’entrée en vigueur de la loi et, dès lors, ne s’appliquent pas au présent litige ;
que, toutefois, compte tenu de l’impérieuse nécessité, dans un domaine touchant à la
souveraineté des Etats et à la préservation de leurs représentations diplomatiques, de traiter de
manière identique des situations similaires, l’objectif de cohérence et de sécurité juridique
impose de revenir à la jurisprudence confortée par la loi nouvelle ».

79

Partie II : Les opérations


Ce sont des actes effectués par les opérateurs.

Grande variété d’opérations : garantie à première demande, livraison d’usines clés en main,
transfert de technologies.

Plusieurs éléments à retenir :

- Ce sont toujours des contrats.

- Ce sont toujours des contrats à titre onéreux.

- S’il y a des règles spécifiques à chacun des contrats, on a une définition de commerce
international des notions.

Chapitre I : Le contrat international

Cela soulève 2 types de questions :

- La notion

- Les règles applicables

Section 1 : La notion de contrat international

Le contrat international a fait l’objet d’un certain nombre de débats, qui ne sont pas
totalement fermés, et qui ont un intérêt : essayer de cerner au mieux la réalité de ce qu’est un
contrat international.

On a 2 approches :

I) L’approche formelle

C’est l’approche qui est finalement la plus classique, la plus habituelle. On regarde le
contexte, plus le contenant que le contenu, on regarde la forme.

On a 2 approches, 2 définitions distinctes :

- Approche juridique

- Approche économique

En droit français, ces 2 critères sont utilisés indistinctement, un critère ne prévaut pas sur
l’autre.

A) Le critère juridique

C’est l’existence d’un ou plusieurs éléments d’extranéité : un contrat est international quand
ce contrat présente un ou plusieurs éléments d’extranéité.

Approche classique et ancienne, consacrée par la convention Rome I.


1) Avant la Convention de Rome de 1980

Est international le contrat qui présente un élément d’extranéité :

- Nationalités différentes des parties

- Domiciles différents

- Le lieu de formation et d’exécution du contrat sont situés sur un État différent

La jurisprudence a entériné ces définitions, et a admis qu’on puisse choisir la loi applicable
dès lors qu’il y a un élément d’extranéité dans le contrat.

80

2) Après la convention de Rome de 1980

La Convention de Rome va entériner la même solution, remplacée par le règlement Rome I


relatif à la loi applicable aux obligations conventionnelles, à la loi applicable aux contrats
internationaux donc.

Le règlement ne définit pas le contrat international, n’utilise même pas l’expression, mais ses
dispositions sont applicables dans les situations présentant un conflit de lois aux obligations
contractuelles.

Le contrat est international quand il présente un conflit de loi, quand il y a un ou plusieurs


éléments d’extranéité, on fait le détour par le conflit de lois.

Ce critère est classique, il n’a pas bougé depuis des siècles, c’est un critère stable, connu, ce
n’est sans doute pas le plus parfait mais il est connu et ancien.

B) Le critère économique

Il est peut-être plus tangible.

On a développé spécialement pour des contrats du commerce international un critère


économique. On va consacrer des règles matérielles, et non un conflit de lois. Un contrat
international est un contrat qui met en cause les intérêts du commerce international, il n’y’a
pas de référence à un élément d’extranéité, pas de référence à un conflit de lois.

Cette définition est très proche de la définition de l’arbitrage international en France : est
international l’arbitrage qui met en jeu les intérêts du commerce international (article 1504 du
CPC).

Pour le contrat international on a un critère éco et juridique, mais pour l’arbitrage on n’a que
le critère économique, pas de critère juridique).
Ce critère économique est très ancien, il date de la jurisprudence Matter de 1927 : Matter a dit
que le contrat international permettait un flux et un reflux au-dessus des frontières, des
conséquences réciproques dans un pays et dans une autre.

Dans la formulation plus moderne, on a parlé d’un mouvement de biens, de services, de


capitaux au-dessus des frontières.

La Cour de cassation ne donne aucune hiérarchie, elle n’a jamais fait prévaloir le critère
juridique ou économique, applique les 2 alternativement ou parfois cumulativement en les
mettant sur un pied d’égalité.

II) L’approche substantielle

Les termes sont importants, car le critère juridique est souvent appelé formel alors que le
critère économique est appelé informel, mais les termes ne sont pas très bien choisis car les 2
relèvent d’une approche formelle.

Dans l’approche substantielle, tout est différent. On va d’abord critiquer l’approche formelle
avant de s’intéresser au contenu du contrat.

A) Appréciation critique de l’approche formelle

La critique émane d’un auteur, Bruno Oppetit. Il a été un précurseur à critiquer l’approche
formelle et à défendre l’approche substantielle.

81

- 1ère critique : il va dire que le droit international privé n’appréhende pas la notion de contrat
international dans tous ses aspects, il ne se préoccupe en règle générale que de son
rattachement à l’ordre juridique mais ne s’intéresse pas à son contenu. La jurisprudence se
réfère à l’environnement externe du contrat et non en considération de sa substance même.

- 2ème critique : cette approche réduit le contrat international à « n’être que la projection de la
catégorie du droit interne sur le plan du droit international ». Oppetit dit que quand on regarde
l’enveloppe, l’environnement, on ne projette que la catégorie de droit interne dans un contexte
international, on prend la même catégorie, la même notion qu’on projette dans un contexte
international.

- 3ème critique : donc la vision du contrat international est très nationaliste, c’est une vision
très Bartinienne (de Etienne Bartin), on ne l’envisage que sous l’angle du droit national. Or le
droit international privé et le droit du commerce international ont besoin d’autre chose, d’une
vision transnationale qui ne se rattache pas à une vision nationale.

B) L’approche par le contenu du contrat

Oppetit indique que le contrat international n’est pas qu’un contrat, une enveloppe, une vision
nationaliste, et affirme son originalité. Il est original par son objet, par les participants,
diversité des figures, par l’importance patrimoniale, son insertion dans la durée et dans un
espace non homogène.

- L’objet du commerce international : il ne se réduit pas à la distinction entre activité


civile/commerciale, c’est l’ensemble des activités économiques, ça n’est pas une catégorie de
droit interne.

- La qualité des participants : c’est la terre d’élection des sociétés, des groupes de sociétés, ce
ne sont pas les mêmes acteurs qu’en droit interne. Les États deviennent acteurs du commerce
international, alors qu’ils ne sont que très peu acteurs du commerce interne.

- La grande diversité des figures contractuelles : il y a des figures originales des contrats
internationaux, on a permis des contrats hybrides, des ensembles contractuels, des groupes de
contrats : crédit documentaire, transfert de technologies, garantie à première demande,
financement de projet, construction d’usine clé en main, contrat BOT (mélange design
ingénierie, construction, gestion, commercialisation)

- L’importance patrimoniale : cela va de soi, c’est sans équivalent avec les contrats internes.
Les contrats internationaux sont longs, avec des enjeux considérables, de grosses sommes.

- L’insertion dans une durée et un espace non homogène : il peut y avoir des contrats très
longs terme dans le commerce international : clause de hardship, clause de force majeure, gel
de la loi applicable etc. En matière internationale, on est dans la longue durée donc il faut des
adaptations, des clauses particulières, une protection particulière face aux circonstances etc.

Espace non homogène : c’est la matière même du commerce international : les systèmes
politiques, sociaux, juridiques, climatiques ne sont pas les mêmes.

On a donc créé des clauses spécifiques et originales. Cela vise à compléter l’approche
formelle.

Elle vise à faire éclore des règles matérielles, des clauses, des règles, de la lex mercatoria,
puisque la notion est particulière les sources doivent être particulières.

82

Section II : Les règles applicables au contrat international

Il y a une très large variété. Mais cela peut donner lieu à des conflits de loi en matière
contractuelle (cf. règlement Rome 1).

I) Une large variété de règles

Les contrats internationaux sont soumis à de multiples règles, qui ont des origines
nombreuses.
- 1er point : il y a beaucoup de règles issues de la pratique, des opérateurs, des codifications
privées, des contrats types, des clauses types, tout ce qui est lié à la lex mercatoria (elle est
très présente dans les contrats du commerce international).

- 2ème remarque : à l’intérieur de la lex mercatoria il y avait des principes. Il y’a eu une
véritable codification privée par l’institut Unidroit, qui sont les principes applicables au
contrat du commerce international : ils n’ont pas de force obligatoire mais les parties peuvent
s’y référer et auquel cas ils auront une valeur obligatoire.

II) Les règles de conflit en matière contractuelle

A) La désignation de la loi applicable

1) Le droit commun

La matière contractuelle est une matière de prédilection de la règle de conflit.

En droit commun, c’est la jurisprudence de la Cour de cassation du début du 20ème : le


principe c’est la loi d’autonomie, c’est la lex contractus/loi choisie par les parties, ce choix
peut être exprès ou implicite.

- La Cour de cassation, dès l’arrêt du 5 décembre 1910, American Trading, l’a dit : la loi
applicable au contrat est celle que les parties ont adoptée.

- Quand les parties n’ont désigné aucune loi, la Cour de cassation dans un arrêt de 1959
Fourrures Renel : « la loi applicable est celle que les parties ont adoptée, à défaut de
déclaration expresse, il appartient aux juges du fond de rechercher, d’après l’économie de la
convention et les circonstances de la cause, quelle est la loi qui doit régir les rapports des
contractants. »

2 remarques :

- La recherche est effectuée par les juges, ce sont les juges du fond qui recherchent ça par des
éléments factuels etc.

- D’après la volonté des parties : l’économie du contrat, les circonstances de la cause, ce que
les parties ont recherché, voulu.

2) Le règlement Rome I

La Convention de Rome de 1980 est relative à la loi applicable aux obligations


conventionnelles, remplacée par le règlement Rome I (la convention a été abrogée) du 17 juin
2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles.

Ce règlement Rome I présente 3 caractéristiques :

83
- Il est très proche des solutions de droit commun.

- Il consacre très largement les solutions de la convention de Rome, mais les précise.

- Il établit une liste de certains contrats pour lesquels il détermine la loi applicable et ensuite il
donne des principes généraux.

a) Les règles spécifiques

Le règlement Rome I donne une liste de certains contrats dans lesquels il donne directement la
loi applicable : contrats de transport, d’assurance, de consommation, contrat individuel de
travail, les cessions de créance.

Rien de particulier, à chaque fois on rappelle que les parties peuvent choisir la loi applicable.
Les contrats sont d’abord soumis à la loi choisie par les parties. Mais ce règlement sera utile
en cas de défaut de choix de la loi applicable par les parties.

Exemple : on distingue le transport de passagers et de marchandises, à défaut de choix de loi


applicable

- Ce sera le lieu de résidence habituelle du transporteur pour le transport de marchandises,

- Pour le transport de passagers, ce sera la loi du pays dans lequel le passager a sa résidence
habituelle uniquement si le lieu de départ et d’arrivée se situent dans ce pays.

b) Le principe général

Le principe général visera tous les contrats sauf ceux visés par des solutions spécifiques.

- Article 3 §1 du règlement : le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est
exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la
cause. Une loi de police peut écarter la loi choisie par les parties.

- Article 4 §1 : lorsqu’il n’y a pas de choix de la loi applicable, le contrat est régi par la loi du
pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence
habituelle.

Précisions :

- Souvent, cela concerne des personnes morales donc ce sera rarement une résidence pour des
personnes physiques, ce sera plutôt un siège social, siège de direction effective etc.

- Qu’est-ce qu’une obligation caractéristique ? C’est celle qui va permettre de caractériser le


contrat, de l’identifier, de le distinguer des autres contrats.

- Les contrats du commerce international sont toujours à titre onéreux, donc la prestation
monétaire en principe n’est jamais caractéristique, elle ne sert pas à caractériser le contrat,
donc la prestation caractéristique est celle exécutée en contrepartie de la prestation monétaire.
- En matière de contrat de vente : la prestation caractéristique est celle du vendeur, car il
exécute en contrepartie du paiement du prix, la prestation est la livraison de la chose, la
remise de la chose.

- En matière de bail : le preneur paie le loyer, la prestation caractéristique sera celle du


bailleur : mettre à disposition les lieux, le matériel loué

84

Il existe un mécanisme de clause d’exception, ce mécanisme jouera in concreto pour un


contrat en particulier au vu des circonstances de la cause : on laisse de côté la loi du lieu de
résidence habituelle de celui qui exécute la prestation caractéristique quand il résulte de
l’ensemble des circonstances de la cause que le contrat présente des liens plus étroits avec un
État autre que celui désigné.

D’un point de vue pratique, il est très rare que cette clause d’exception joue, car il est très rare
que les parties n’aient pas choisi la loi applicable. Dans les contrats du commerce
international, il est très fréquent que les parties choisissent la loi applicable, pour éviter un
contentieux sur ce point, pour éviter que l’arbitre ait à trancher ce conflit de loi alors qu’il n’a
pas de for et pour assurer une certaine prévisibilité et une certaine sécurité des transactions.

Lorsqu’on choisit une loi applicable, de manière expresse, on a pu penser en réalité qu’on
choisissait des règles matérielles, ce sont les termes de Pierre Mayer qui dit que ce choix est
un choix substantiel, pas conflictualiste, on désigne la loi applicable et on veut voir son
contenu appliqué, on ne désigne pas à l’aveugle.

Donc c’est une méthode conflictualiste certes, mais ce choix de la loi applicable fait que c’est
un choix matériel.

B) Le domaine de la loi applicable

On distinguera entre conclusion et exécution. Le doyen Batiffol avait proposé une autre
distinction : les conditions, les effets, les suites du contrat.

La loi applicable s’applique tant à la formation qu’à l’exécution du contrat.

1) La formation du contrat

Elle n’est pas toujours très simple car le domaine de la loi applicable n’est pas complet, la lex
contractus ne couvre pas toutes les questions de formation.

- Les conditions de forme échappent en partie à la loi applicable, car locus regit actum : c’est
la loi du lieu qui régit la forme de l’acte, donc parfois on devra respecter des conditions de
forme car on a signé le contrat dans tel pays. Mais en droit du commerce international, il y a
souvent un consensualisme donc on n’applique pas la loi du lieu de l’acte.
- Pour les conditions de fond, la lex contractus doit s’appliquer, conditions de validité,
nullités, effets de cette nullité, mais les questions de consentement et de capacité sont un peu à
part car elles peuvent relever du statut personnel de l’opérateur.

2) L’exécution du contrat

La lex contractus a un champ plus étendu : elle couvre les obligations du contrat, l’exécution,
les suites.

- Elle s’applique pour toutes les obligations du contrat (leur étendue, l’interprétation, la durée,
la force obligatoire, l’effet relatif, la prescription selon la jurisprudence française).

- L’exécution : la détermination du débiteur, le paiement, la monnaie, les intérêts.

- L’inexécution du contrat et ses conséquences : la loi contractuelle, les sanctions de la


violation d’une obligation, les clauses pénales, les clauses limitatives de responsabilité,
l’exécution forcée, la responsabilité contractuelle, la résolution, la résiliation.

85

Chapitre II : Les contrats internationaux en particulier

Il y a de très nombreux contrats dans le commerce international, on ne peut tous les citer. Ils
se regroupent par grandes familles, on n’a pas de réelles difficultés à en dresser un panorama.

On peut distinguer le contrat du commerce international par excellence parce qu’il est le plus
ancien, le plus utilisé, il représente le gros du commerce international : la vente internationale.

Section 1 : La vente internationale

Au-delà de cette distinction, les ventes internationales représenteraient 90/95% du commerce


international.

Ce sont les contrats les plus anciens. Cette vente internationale est pratiquée quels que soient
les pays, quels que soient les opérateurs. Elle a focalisé l’attention des textes, des
jurisprudences, et reste une grosse partie des arbitrages internationaux.

I) La diversité des ventes internationales

A) Diversité des sources

Les ventes internationales font l’objet de multiples attentions, il existe parfois des règles de
conflit et assez souvent des règles matérielles.

1) Les règles de conflit

Elles sont multiples, il faut voir le règlement Rome I où on prévoit l’application de la lex
contractus.
Ces règles conventionnelles résultent d’une convention aujourd’hui du règlement, on voit que
la source de la règle conflictualiste est différente.

2) Les règles matérielles

Les ventes internationales connaissent beaucoup de règles matérielles : l’application très


fréquente de clauses, de principes, d’usages, codifié dans un lexique des ventes internationales
de marchandises élaboré par la CCI : les incoterms. Ce lexique définit les termes et en donne
le régime applicable, c’est purement privé, cela n’émane pas d’États, mais les parties y font
souvent référence.

B) Diversité des objets

C’est partiellement exact, on devrait dire des objets mais aussi des modes de transport.

- Objet : objets mobiliers/immobiliers, vente de choses corporelles/incorporelles,


marchandises/biens.

- Dans la catégorie des objets, on distingue les ventes d’après leur mode de transport/de
livraison : on distingue souvent les ventes terrestres (routière/ferroviaire) des ventes maritimes
des ventes aériennes. L’essentiel des ventes internationales sont des ventes maritimes.

Mais aujourd’hui il faut ajouter le transport multimodal : plusieurs modes de transport sont
réunis, nécessaires pour effectuer la livraison : on transporte la marchandise dans un camion
jusqu’au port, on utilise le bateau, puis le train jusqu’au lieu final.

 La difficulté : si on donne une qualification juridique à une opération, on appliquera les


règles de cette qualification, si je qualifie une vente de vente maritime, j’applique les règles de
la vente maritime, donc souvent on aura application de plusieurs règles.

86

II) La vente internationale de marchandises

A) Description générale

On peut dire que le besoin s’est fait sentir très largement, et depuis longtemps, d’arriver à une
codification, à des règles communes, et non d’intervenir uniquement par des lois applicables
car ces ventes sont très utilisées, et il y a une volonté des États d’arriver à un consensus.

On a tenté d’élaborer des conventions internationales.

1) L’élaboration de conventions internationales

Plusieurs tentatives :

- Les conférences de la Haye ont débouché sur des conventions internationales, sur 2 types de
conventions qui ont été antérieures mais aussi précurseurs de la Convention de Vienne :
o 28 avril 1954 : loi uniforme sur la formation du contrat de vente internationale des objets
mobiliers corporels. Son intitulé est trompeur, cette convention ne porte que sur l’offre et
l’acceptation, champ d’application restreint

o 28 avril 1954 : loi uniforme sur la vente internationale des objets mobiliers corporels ; elle
est très détaillée, elle porte en réalité sur les obligations du vendeur et de l’acheteur.

=> La France a signé ces conventions mais a refusé de les ratifier.

- Un projet élaboré sous l’égide de la CNUDCI dont l’objet est limité à la vente internationale
de marchandises. Ces travaux de la CNUDCI ont duré un certain nombre d’années, un projet a
vu le jour et a donné naissance à la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente
internationale de marchandises, signée et ratifiée par la France.

2) La Convention de Vienne

- 1er élément : cette convention constitue une règlementation de la vente internationale de


marchandises aussi complète que possible, elle va aborder en principe tous les aspects de la
vente internationale de marchandises : formation, conditions, effets, exécution, suites. Mais il
y a quelques trous : la période précontractuelle par exemple, et elle ne dit rien sur les clauses
limitatives, élusives de responsabilité.

- 2ème caractéristique : elle résulte d’un compromis, parce que beaucoup d’États ont été
associés à sa réalisation il a fallu faire des compromis entre les différentes solutions proposées
par les États.

Parfois on se perd dans cette convention, on l’a qualifiée de convention patchwork : différents
éléments ont été choisis, assemblées.

o La question de la détermination du prix : en droit français la vente n’est pas valablement


formée si le prix n’est pas déterminé ou pas déterminable, mais en droit allemand, anglais, US
c’est différent, on n’a pas besoin de ça au moment de la conclusion du contrat.

o Dans la convention de Vienne, on n’a pas réussi à se mettre d’accord donc on dit que l’offre
comporte un prix mais en réalité on ne dit pas que la vente est nulle si elle ne comporte pas de
prix, et dans d’autres articles on dit que si le contrat ne comporte pas de prix et est
valablement conclu, la convention de Vienne laisse la question ouverte, elle ne dit pas qu’il
est non valide, ne dit pas que c’est valable, donc c’est

87

l’interprétation des juges qui va régler ça. Le juge français dit qu’on déterminera le prix par
rapport à une valeur de marché (fair market value).

- 3ème caractéristique : elle ne porte que des règles matérielles. Il n’y a donc aucune règle de
conflit, on a bien une réglementation uniforme. Cette convention est le droit matériel français
de la vente internationale de marchandises.
- 4ème caractéristique : le champ d’application dans l’espace et l’objet.

o Espace : la convention se veut quasi universelle, elle a été ratifiée par un très grand nombre
d’États, avec la Convention de NY de 1958 sur les sentences arbitrales c’est la convention qui
est la plus utilisée dans le monde. Elle a une vocation quasi universelle car elle s’applique dès
lors que les 2 contractants ont leur résidence dans 2 États contractants, elle reste applicable si
1 seul est ressortissant d’un État signataire, et elle peut s’appliquer si les parties le veulent
même si aucun des deux n’est ressortissant d’un État signataire.

o Objet : elle concerne les ventes de marchandises, la convention va régir les droits et
obligations que le contrat va faire naitre entre le vendeur et l’acheteur, c’est une vente de type
professionnelle.

▪ La convention de Vienne exclut expressément les ventes de consommation (marchandises


pour un usage personnel).

▪ La convention exclut des ventes qui sont spécifiques : valeurs mobilières, navires, aéronefs,
(personne n’avait considéré que c’était des marchandises, mais il valait mieux le dire).

=> Pour le reste, elle s’applique à toutes les ventes de marchandises, même quand le vendeur
doit fournir une marchandise qu’il a lui-même fabriquée (dès lors que la fabrication n’est pas
l’élément le plus important : s’il y’a fabrication en série, alors ce sera de la vente de
marchandises, un objet sur mesure n’est pas une marchandise du coup).

B) Éléments spécifiques

1) La conclusion du contrat

Il n’y’a rien de révolutionnaire par rapport au droit français mais il y a quelques spécificités.

Le principe consacré par la convention : le consensualisme, mais les États peuvent faire une
réserve s’ils veulent imposer un formalisme.

L‘offre est soumise à 2 conditions : elle doit être précise et ferme, et doit être faite à personne
déterminée.

La demande doit correspondre à l’offre, sinon c’est une contreproposition, une nouvelle offre.

2) L’exécution du contrat

C’est là que cela devient un peu plus spécifique.

a) Obligations particulières des parties

On a un vendeur, un acheteur : la convention reprend cette distinction.

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i) Obligations du vendeur
L’obligation essentielle est une obligation de livraison conforme. Dans la convention de
Vienne, le transfert de propriété n’est pas une obligation. Dans le droit français, le transfert de
propriété est un effet du contrat, dans le droit allemand le transfert de propriété est une
obligation du vendeur.

- Obligation de livraison : à l’endroit convenu, dans les délais convenus.

Si aucun délai n’a été prévu, on fait référence à un caractère de délai raisonnable
(reasonableness en droit US), souvent dans la convention de Vienne on fera référence à ce
caractère raisonnable. Le transfert de propriété n’est pas une condition de validité, mais le
transfert des risques est lié à la délivrance de la marchandise et non pas au transfert de
propriété.

- Obligation de conformité : cela recouvre aussi bien la garantie des vices cachés de droit
interne, la garantie d’éviction et l’obligation de conformité, ce sont donc 3 conditions qu’on
réunit en une seule.

o Garantie d’éviction : personne ne peut évincer l’acquéreur.

o Conformité : à ce qui est prévu dans le contrat.

o Vices cachés : des vices non apparents qui s’ils avaient été révélés auraient conduit le
cocontractant à ne pas contracter.

 L’acheteur doit faire examiner la marchandise dans un délai bref, ou raisonnable à défaut.

Pour alléguer le vice caché/la non-conformité, l’acquéreur doit remplir 2 conditions : ignorer
l’existence du défaut lors de la conclusion du contrat, et le défaut doit avoir existé au plus tard
au moment du transfert des risques, donc au moment de la livraison.

Le délai pour agir doit être raisonnable, on dit que c’est 2 ans au plus tard après la livraison.
Si on n’agit pas dans ce délai de 2 ans, l’acheteur est déchu de son action, à condition que le
vendeur ait ignoré le vice. On ne distingue pas selon que le vendeur est profane ou
professionnel.

S’il y’a défaut de conformité, la convention de Vienne prend des solutions de différents
systèmes juridiques, de différentes modalités acceptées par la pratique et l’acheteur pourra
choisir.

- Il pourra demander l’exécution en nature, exécution forcée

- Il peut demander une réparation par équivalent, des dommages et intérêts

- Il peut demander la mise en conformité, la réparation, le remplacement de la chose.

- La résolution du contrat de vente

- Conserver la marchandise et faire réduire le prix, c’est une réfaction du prix.


ii) Obligations de l’acheteur

- Il doit payer le prix convenu à la date convenue.

- La question du prix déterminable (articles 14 et 55 de la convention) : si prix pas déterminé


et vente valablement conclue le prix sera déterminé par référence à une valeur de marché.

- À défaut de précision le paiement est portable (contrairement au droit français interne), il se


fait chez le vendeur.

- Obligation de prendre livraison (comme en droit français).

La sanction du non-respect de ces obligations est que le vendeur pourra décider la résolution
du contrat ou exiger de l’acheteur l’exécution de ses obligations.

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b) Dispositions communes aux parties

- Possibilité pour une partie de retarder l’exécution de ses obligations (article 71 de la


convention), s’il apparaît que l’autre partie n’exécutera pas une partie essentielle des siennes.
Cela n’a rien à voir avec l’exception d’inexécution où une partie a déjà renoncé à exécuter ses
exécutions donc en réponse on ne s’exécute pas. Ici on est dans la probabilité, l’hypothèse, on
pense que l’autre partie ne s’exécutera pas, c’est en amont. On pense que l’autre partie
n’exécutera pas une partie essentielle de ses obligations. C’est novateur.

- Causes d’exonération : le fait d’un tiers, la force majeure. L’effet est différent : en droit
interne, la force majeure est exonératoire, c’est libératoire, en droit du commerce international
c’est toujours suspensif, on attend de voir ce qui va se passer, on attend de voir si la force
majeure a disparu ou non (si ça a disparu la partie devra exécuter ses obligations, si non alors
la partie sera libérée).

- La convention de Vienne ne prévoit aucune disposition relative aux clauses exonératoires,


limitatives de responsabilité, donc cela dépend de la volonté des parties, si les parties n’en
mettent pas il n’y en aura pas, si les parties en mettent la clause s’appliquera, mais cela ne
dépendra pas de l’autonomie des parties, on réinsère un petit bout de méthode conflictualiste,
on va désigner une loi applicable qui appréciera cette clause limitative.

- La responsabilité contractuelle et des dommages et intérêts. On prévoit la réparation du


préjudice lié à la perte d’un gain manqué, on répare les 2 : perte subie et gain manqué (comme
en doit français). Comme en droit français, la réparation s’entend d’un préjudice prévisible au
moment de la conclusion du contrat, la convention de Vienne et beaucoup de pays partagent
cette condition. La convention fait référence au principe de minimisation des dommages,
principes dégagés par les sentences arbitrales, et la lex mercatoria. Contrairement au droit
français interne, il n’y a pas d’aggravation en cas de dol, de faute lourde.

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Section II : Les autres contrats internationaux

Ils sont très variés, d’origine plus ou moins ancienne.

I) Les marchés ou contrats de construction

Ils sont appelés parfois marchés de construction. Ces opérations sont fréquentes :
infrastructures, routes, hôpitaux, plateforme pétrolière, machine-outil etc.

A) Une opération de construction

C’est un contrat d’entreprise par lequel un entrepreneur s’engage à construire un bien ou


ensemble de biens au profit d’un maitre de l’ouvrage moyennant la rémunération de ses
services.

Le débiteur de la prestation caractéristique est l’entrepreneur.

- 1ère précision : ce contrat n’est soumis à aucune convention internationale

- 2nde conséquence : donc le règlement Rome I s’applique

Dans les contrats internationaux de construction, le rôle des règles issues de la pratique est
très important, on a souvent des contrats FIDIC (fédération internationale des ingénieurs
conseils), beaucoup de contrats de construction sont des contrats types qui sont des
copier/coller d’autres contrats. On a le modèle et on remplit les blancs, en cas de difficulté on
fait appel à un ingénieur conseil. Quelle est donc la qualification de l’ingénieur conseil ?
Arbitre ou juge ? Il ressemble à un arbitre.

Les contrats FIDIC vont comporter des règles matérielles.

B) La réalisation d’un ensemble industriel

C’est la construction d’usine clé en main : usine chimique, aéroport etc.

Ce sont des ensembles complexes, ces contrats mélangent plusieurs types d’opérations, ne
sont pas que de la construction mais ne sont pas concernés par des conventions internationales
mais ont beaucoup de clauses de la pratique.

C’est un contrat né de la pratique, il mélange plusieurs figures contractuelles. Souvent dans le


commerce international ce n’est pas qu’un simple contrat de construction mais aussi de
design, dessiner, tester voire commercialiser, gérer le produit, la construction une fois
réalisée.

On peut avoir des contrats qui vont jusqu’à assurer une performance dans la performance, la
rentabilité d’une usine, on parle donc de contrat produit en main.

2 exemples courants :
- Contrat BOT : build operate transfer, cela permet de faire appel à un spécialiste qui connaît
le domaine, le pays où on s’installe et qui va gérer le produit (operate) ensuite, et transférer le
bénéfice (transfer).

- Contrat EPC : engineering (conceptualiser le produit), procurement (réaliser ce concept),


commercialisation

 1er élément : aucun de ces contrats ne font l’objet de conventions internationales, ce sont
des contrats de la pratique, donc il y’a des clauses communes, usuelles, reproduites, ce sont
des contrats nés des opérateurs.

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 2nd élément : on recherche rarement la loi applicable, et on n’en a peu besoin car
quasiment tout figure dans des clauses contractuelles, on pose des règles au fond qui font
fonctionner le contrat : interprétation, fonctionnement, responsabilité, confidentialité, tout va
être dans le contenu du contrat.

C) La sous-traitance

Il y’a un 1er contrat d’entreprise entre le maitre de l’ouvrage et l’entrepreneur principal, un


2nd contrat d’entreprise entre l’entrepreneur principal et les sous-traitants (le contrat de sous-
traitance est le second contrat). À distinguer de la sous-traitance industrielle qui est une fausse
sous-traitance : Airbus achète ses sièges chez quelqu’un d’autre, Renault achète ses boites de
vitesse chez quelqu’un d’autre : il n’y a qu’un contrat, on délègue ce qu’on ferait nous-même.
Dans la sous-traitance il y a plusieurs contrats, qui se succèdent.

Plusieurs problèmes :

- Il n’y’a pas de convention internationale, donc il faut rechercher la loi applicable : la lex
contractus, règlement Rome I, la jurisprudence.

- Quand le contrat de sous-traitance ne contient rien sur le choix de la loi applicable, il y’a eu
une hésitation en jurisprudence et doctrine. Certains ont dit que le contrat de sous-traitance est
un accessoire du contrat principal donc on le soumet à la loi du contrat principal : ce n’est pas
très logique d’un point de vue juridique car les contrats sont indépendants les uns des autres et
ce n’est pas cohérent avec les solutions applicables en cas de silence des parties sur le choix
de la loi applicable (on prend la résidence du débiteur de l’obligation caractéristique).

- Dans la loi française du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance, il existe une action directe
du sous-traitant contre le maitre de l’ouvrage, action directe en paiement même s’il n’y’a pas
de relation entre le maitre de l’ouvrage et le sous-traitant, si le sous-traitant n’est pas payé par
l’entrepreneur principal, il peut demander à être payé directement par le maitre de l’ouvrage.
Est-ce que cette loi française est une loi de police ? Est-ce que ce n’est pas une loi
d’application immédiate, quelle que soit la loi applicable le sous-traitant bénéficie d’une
action directe ? La jurisprudence a hésité puis a dit oui, et a confirmé cette position dans
l’arrêt Cass mixte, 30 novembre 2007, Agintis « s’agissant de la construction d’un immeuble
en France, la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance en ses dispositions
protectrices du sous-traitant est une loi de police ».

Quelques commentaires rapides sur cette solution :

o Toute la loi n’est pas une loi de police, seulement les dispositions protectrices.

o L’expression de loi de police est utilisée par la Cour de cassation, c’est intéressant et c’est
l’une des premières fois qu’elle le fait.

o L’élément de rattachement est la construction d’un immeuble en France, c’est le lieu


d’exécution qui sert de critère de rattachement, que ce soit un immeuble, meuble, chaine de
production, tracteur etc. On protège le sous-traitant parce qu’il intervient/opère en France et
non pas parce qu’il est de nationalité française, peu importe sa nationalité, la loi applicable
etc.

o C’est l’illustration de ces lois de police de 2nde génération, qui ne protègent pas directement
l’intérêt général mais un intérêt particulier (celui des sous-traitants) mais protège du coup un
intérêt plus général : la construction en France, l’accès au logement etc.

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- Est-ce que la clause d’arbitrage prévue dans le 1er contrat d’entreprise peut être extrapolée
aux sous-traitants par leur 2nd contrat d’entreprise ?

La solution logique (et généralement admise à l’étranger) est de dire que non, ce n’est pas
étendu, le 2nd contrat ne contient pas de clause d’arbitrage donc on ne l’étend pas.

En France, on considère que la clause d’arbitrage entre le maitre de l’ouvrage et


l’entrepreneur principal produit ses effets entre l’entrepreneur principal et les sous-traitants.
C’est ce qui ressort d’un arrêt Civ 1, 26 octobre 2011, Construction mécanique de Normandie
« en statuant ainsi, alors que l’effet de la clause d’arbitrage international conclue dans le
contrat initial s’étend au sous-traitant qui en a eu connaissance dans la signature de son
contrat et est directement impliqué dans l’exécution de ce contrat, la cour d’appel a violé les
textes susvisés ».

C’est bizarre car ça veut dire que le sous-traitant a connaissance du contrat principal alors que
la plupart du temps il n’en a pas connaissance, généralement on ne donne pas le contrat
principal au sous-traitant car on veut cacher la marge principale.

Et donc on appliquera la clause d’arbitrage prévue dans un autre contrat à toute personne qui
intervient dans l’exécution.

II) Contrats de transfert de technique ou de savoir-faire


On parle aussi de contrat de transfert de technologie, de transfert de know how. Ces contrats
sont désignés par l’objet : ils servent à transférer un savoir-faire, une technologie pour pouvoir
faire quelque chose.

- Ils sont généralement considérés comme un contrat d’entreprise : prestation moyennant


rémunération. Ils sont donc à titre onéreux.

- On a aucune convention internationale sur ce sujet, donc on recherche la loi applicable, la


lex contractus, la résidence habituelle du débiteur de l’obligation caractéristique.

Caractéristiques de ces contrats

- Contrats nés de la pratique, inventés par les opérateurs donc il y’a peu de règles applicables
mais beaucoup de clauses types, usuelles, clauses inventées par les opérateurs, on est dans la
lex mercatoria.

- Contrats complexes, on peut distinguer 2 types de contrats :

o Contrat de transfert de technologie à titre principal (rare)

o Contrat de transfert de technologie à titre accessoire (fréquent), ce transfert de technologie


s’insère plus largement dans un contrat de vente, d’entreprise, contrat à l’intérieur d’un
contrat : Areva vend des usines nucléaires à la Chine, la Chine exige un transfert de
technologies, donc on fait un contrat de transfert de technologie à titre accessoire (idem pour
la vente de Rafales en Inde).

Remarques

- Ces contrats sont très souvent sensibles : industrie de pointe, civile ou militaire, il y a
souvent de questions de propriété intellectuelle, brevets, marques etc.

- Il y’a des problèmes de périmètre : qu’est-ce qu’on transfère, qu’est-ce qu’on ne transfère
pas ? Celui qui possède veut garder la technologie mais s’il ne transfère pas il ne peut pas
commercer. Mais s’il cède, il aura peut-être fourni sa technologie à un futur concurrent (on

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utilise l’image du choix entre la mort lente ou la mort imminente), mais on ne transfère jamais
la dernière technologie, toujours celle d’avant, donc il y’a une marge de manoeuvre de celui
qui transfère, il aura toujours un temps d’avance, il ne cèdera jamais sa dernière technologie.

- Ces contrats sont très souvent intuitu personae, on transfère aux cocontractants, pas à tout le
monde, mais :

o On met une clause pour dire que le transfert bénéficie à l’ensemble du groupe de sociétés,
on fait un transfert de technologie avec une société du groupe, toutes les sociétés du groupe
peuvent en bénéficier si on met une telle clause.
o Les contrats sont souvent muets ou très détaillés quand il y a une réorganisation du groupe.
Une société A transfère de la technologie à un groupe B qui a des filiales C, D et E, on met
une clause pour dire que les filiales bénéficient du transfert, mais si C passe sous le contrôle
de X, que fait-on ? Si on ne dit rien, alors C et X pourront bénéficier du transfert. Donc on
prévoit ce qui se passe, liberté contractuelle.

- Il y’a une clause de confidentialité : la personne qui bénéficie du transfert de technologie n’a
pas le droit de divulguer l’information auprès des tiers, elles sont très sévèrement
sanctionnées.

- Il y’a des clauses d’exclusivité.

- Il y’a des clauses de mise à jour, quand de nouvelles technologies sortent sur le bien en
question, on transfère les mises à jour de ces nouvelles technologies.

- Il y’a des clauses de formation du personnel.

- Il y’a une question très sensible (vente de Rafales par exemple), c’est une question très
politique, la question de savoir si on cède des informations à tel pays est importante, il peut y
avoir des droits de veto d’un État, réglementation de loi de police par moment, pour définir ce
qu’on peut ou ne peut pas transférer sans l’accord du gouvernement.

- L’exemple des TGV : il y avait pendant longtemps 3 technologies : française, allemande,


japonaise, pas de transfert de technologie, des tiers intelligents ont fractionné le transfert de
technologie, ont demandé les wagons aux allemands, les motrices aux français, les rails aux
japonais pour ne pas demander l’intégralité de la technologie

III) Contrats de distribution

Ces contrats vont permettre de distribuer les produits, créer un réseau de distribution,
distribuer des produits. Ce sont des contrats d’intermédiaire, un producteur cherche à
distribuer des produits et passe un/des contrats avec des intermédiaires distributeurs. Cela
existe tant en droit interne qu’en commerce international.

Exemple : la franchise, la concession, l’agence commerciale.

- En matière internationale, on se demande s’il existe des conventions internationales. De


manière générale, il n’y en a pas.

- Y a-t-il des dispositions sur la loi applicable ? De manière générale non, donc on applique
les solutions communes : Rome I, la lex contractus, loi du lieu de résidence habituelle du
débiteur de la prestation caractéristique.

- Y a-t-il des dispositions protectrices de l’intermédiaire, notamment en fin de contrat ? On


appelle ça les indemnités de clientèle, quelqu’un a distribué les produits d’une marque, a
développé la clientèle de cette marque, le contrat est terminé, résilié, a-t-il le droit à une
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indemnité de clientèle car il a développé cette clientèle etc. ? Existe-t-il donc des lois de
police ?

A) La concession et la franchise

1) Définition

- Franchise : le franchiseur développe les produits, la marque, aide les franchisés à monter
leur agence, le franchisé est propriétaire de son fonds de commerce mais applique les
techniques commerciales, le logo, les règles de production du franchiseur et paie un
pourcentage de son chiffre d’affaires au franchiseur.

- Concession : on maille le territoire en réseaux, le concessionnaire sera un commerçant


indépendant, agit pour son propre nom et son propre compte, a un contrat de concession, vont
pouvoir s’approvisionner chez le concédant et distribuer les produits.

2) Dans l’ordre international

- Qu’on soit dans la concession ou la franchise (on appelle ça la distribution intégrée) il n’y a
pas de convention internationale. Donc souvent la question de la loi applicable se pose : rien
de spécifique, lex contractus, résidence habituelle du débiteur de la prestation caractéristique.
Il y a une très grande richesse des clauses contractuelles, l’essentiel est dans le contrat avec
des clauses précises, cette question de loi applicable se pose rarement.

- Qui est le débiteur de la prestation caractéristique ? Le concédant parce qu’il attribue une
concession ou le concessionnaire parce qu’il distribue les produits ? C’est une question
débattue en doctrine, certains disent que cela doit être la loi du concessionnaire car c’est lui
qui assurait la distribution et c’est la manifestation de l’obligation caractéristique (idem pour
le franchisé), donc la loi du distributeur.

Pour d’autres, c’est la loi de celui dont les produits sont distribués.

La Cour de cassation a été saisie à de multiples reprises, a fixé sa jurisprudence en disant à


propos d’une distribution exclusive que la prestation caractéristique découlait de cette
exclusivité donc le franchiseur/concédant délivre la prestation caractéristique. Donc de
manière générale c’est la loi du concédant.

Dans le contrat de franchise, de concession, c’est le franchisé/le concessionnaire qui paie le


distributeur, donc on retombe sur la règle technique : la prestation monétaire n’est pas une
prestation caractéristique.

Mais d’autres ont dit qu’il fallait protéger le distributeur (concessionnaire/franchisé) donc si
on impose la loi du concédant/franchiseur on renforcerait une inégalité économique.
- Il ne faut pas oublier que le contrat de concession/de franchise est appelé contrat-cadre, il
définit le cadre d’une relation contractuelle, et à l’intérieur de ce contrat-cadre, on a des
contrats d’application, ces contrats ne sont pas nécessairement soumis à la même loi que le
contrat-cadre. Donc même si on n’a pas choisi de la loi applicable dans le contrat-cadre (ce
qui est très rare), on en aura prévu quand même dans les contrats d’application.

B) Le contrat d’intermédiaire

C’est le contrat-balai quand on n’a ni concession, ni franchise.

Il a fait l’objet d’une convention internationale, pas très intéressante en pratique, la


Convention de la Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable au contrat d’intermédiaire et à la
représentation.

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3 remarques :

- Elle ne contient pas de règles matérielles, cette convention ne vaut que pour la loi
applicable, mais c’est peu intéressant car on a déjà le droit commun. Cette convention
rappelle le principe de la loi choisie par les parties, donc elle n’apporte rien, on savait déjà ce
que dit cette convention.

- En cas de silence, on applique la loi du distributeur, de celui qui est établi et distribue les
produits.

- La convention de la Haye ne s’appliquera que si on n’a pas de statut (agent commercial,


franchise, concession) mais on a quasiment toujours ce statut-là.

C) Le contrat d’agence commerciale

En matière interne, c’est un contrat spécifique, c’est un mandataire chargé de négocier et


éventuellement de conclure des contrats pour le compte d’une entreprise appelée mandante,
c’est un mandat particulier, règlementé. C’est le mandat commercial par excellence, la
personne n’agit pas pour son compte mais pour le compte du mandat.

Cela a fait l’objet d’une réglementation en droit interne puis d’une directive du 18 décembre
1986 et d’une loi française du 25 juin 1991 pour transposer cette directive.

Il n’y’a aucune convention internationale sur la loi applicable, donc on reprend les solutions
classiques : la lex contractus, la loi de résidence habituelle du débiteur de la prestation
caractéristique (qui est le mandant).

Est-ce que la loi applicable est importante ? Oui mais moins, on a beaucoup de contrats
modèles développés par la pratique : le contrat CCI par exemple.
Mais la question de la loi applicable s’est posée à travers la loi de police. La loi française a
transposé la directive et permet à l’agent de bénéficier d’une indemnité de fin de contrat,
indemnité de clientèle (comme tous les pays d’UE).

Est-ce que cette loi française (et donc la directive) est une loi de police ? Cette disposition est
protectrice de l’agent commercial et constitue une loi de police, selon l’arrêt CJCE, 9 mars
2000, Société Ingmar.

En l’espèce, une société européenne distribue des produits dans l’UE pour le compte d’une
société US basée en Californie, la loi applicable est celle de Californie. À la fin du contrat, la
société européenne demande une indemnité, la société américaine dit que la loi californienne
ne la prévoit pas donc elle refuse, il y’a un contentieux, la Cour de cassation transmet à la
CJCE qui dit que dès lors que la société distribue dans l’UE (peu importe sa nationalité), alors
la disposition sur l’indemnité est une loi de police.

On retrouve la même idée que pour les sous-traitants : on protège une catégorie d’opérateurs
mais on protège l’intérêt général de façon plus large.

IV) Contrats de transport

Ils sont très variés : maritime, terrestre. Ils sont au centre du commerce international, car on a
toujours besoin d’un transport à un moment ou à un autre.

Leur caractère international est très souvent marqué car il suffit d’un passage de frontière, ou
d’un élément d’extranéité (souvent rencontré).

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Ces contrats ont évolué : au début on avait le transport routier, puis ferroviaire, puis maritime
puis aérien. Parce que ces contrats sont anciens, ces contrats de transport ont toujours fait
l’objet de conventions internationales.

Exemples :

- Convention de Genève de 1956 sur les transports routiers (dite convention CMR).

- Convention de Berne de 1890 sur les transports ferroviaires (on distingue transport de
marchandises, de bagages, de voyageurs).

- Convention de Varsovie de 1929 sur le transport aérien

- Convention de Montréal du 28 mai 1999 sur le transport aérien.

Un mot sur les conventions de Varsovie et de Montréal en matière de transport aérien :

Elles ont des règles matérielles comme des règles de conflit de juridiction.
La convention de Varsovie a été modifiée à de multiples reprises, il y a des règles sur la
responsabilité du transporteur, d’indemnisation, et des règles de compétence judiciaire : en
matière de transport les parties peuvent choisir des clauses d’arbitrage (mais c’est rare), des
clauses attributive de juridiction (rare), donc souvent on a des conflits de juridiction, la
convention de Varsovie dit que cela peut être le tribunal du siège du transporteur, le tribunal
du lieu de l’établissement où le contrat a été conclu, tribunal du lieu de destination, le tribunal
du lieu du domicile de la victime.

La convention de Montréal, a modifié en partie la convention de Varsovie, elle ne vise que le


transport de marchandises, elle est un renforcement important de la responsabilité du
transporteur par des règles matérielles. En France, cette convention est entrée en vigueur en
2004.

V) Contrats de financement

Ces contrats sont essentiels, car l’activité commerciale internationale suppose un financement,
une succession de contrats de financement. C’est contrats sont variés, il n’y’a pas de
convention internationale donc on prend la loi applicable, et des clauses types.

A) Les prêts internationaux

Un prêt est une opération de banque par laquelle une banque/établissement financier prête de
l’argent moyennant une rémunération, au prêteur qui s’engage à rembourser le capital et des
intérêts. Il y a des prêts à titre gratuit mais c’est rare. En droit du commerce international, les
prêts sont toujours onéreux. Il y a un monopole bancaire en France.

Un prêt est international soit en raison de l’activité économique : les fonds sont transférés
dans un autre État, il y’a transfert de capitaux, soit en raison d’un élément d’extranéité :
résidences différentes, sièges différents, différence entre lieu de signature et lieu d’exécution.

On va voir plusieurs questions :

- Les banques peuvent-elles intervenir librement dans le commerce international ? Tout


dépend des règles nationales, de l’activité d’une société étrangère. Dans l’ordre
communautaire, il y a le passeport européen : si un contrôle a été établi par les autorités d’un
pays de l’UE et qu’une autorisation d’exercer l’activité bancaire a été donnée dans un pays de
l’UE, cette activité peut être exercée sans aucun autre contrôle dans tous les autres pays de
l’UE.

- Est-ce qu’il y a des conventions internationales ? Non, donc on recherche la loi applicable :
la lex contractus (toujours choisie en pratique), en cas de silence, c’est la loi du domicile du
débiteur de la prestation caractéristique (la banque donc), et souvent quand les parties
choisissent, on prend la loi de la banque, c’est elle qui finance, elle est en position de force,
donc sa loi.

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Il y’a des difficultés particulières :

- La loi de la banque peut être évincée éventuellement par des dispositions de loi de police : la
question n’est pas tranchée en droit français.

o On dit qu’il y a un monopole bancaire en France, est-ce une loi de police en matière
internationale ? Non, c’est seulement d’ordre public interne.

o Le taux d’usure, c’est-à-dire taux au-delà duquel le prêt est interdit à ce taux de
rémunération, il y a des sanctions civiles aujourd’hui (les sanctions pénales ont disparu). Est-
ce que le taux d’usure s’applique en matière internationale ? Est-ce une loi de police ? Le taux
d’usure français s’applique-t-il ? La question n’est pas tranchée, la Cour de cassation a
distingué selon que la banque étrangère démarche un opérateur en France (le taux d’usure
devrait s’appliquer) donc si une entreprise française démarche/sollicite une banque étrangère
pour une opération à l’étranger, alors le taux d’usure ne s’appliquerait pas. Donc le taux
d’usure n’est pas toujours une loi de police, cela dépend du rattachement au territoire français.

- La technique du pool bancaire : au lieu d’avoir une seule banque prêteuse, on en a plusieurs,
cela permet de répartir le risque, on segmente le financement de l’opération.

Cela permet de ne pas épuiser les liquidités, les capacités de prêt de la banque qui participe,
on voit l’intérêt des banques.

Ces contrats de pool bancaire peuvent s’internationaliser très vite, par la seule nationalité des
banques, par les différents sièges des banques.

La technique du pool bancaire soulève des problèmes :

o La qualification : qu’est-ce qu’un pool bancaire ? Un contrat, une société de fait ? La


jurisprudence française laisse le choix, elle va interpréter la commune intention des parties :
y’a-t-il un partage des bénéfices et des pertes ? Les associés se comportent-ils en fait comme
des associés ? Alors la jurisprudence considèrera que c’est une société de fait.

o La question de représentation : si c’est une société, on a un dirigeant social. Si c’est un


contrat, on va déterminer un représentant du contrat : un agent, qui va agir comme
mandataire. Le plus souvent il sera agent et mandataire du pool bancaire, mais cet agent est le
plus souvent extérieur au pool. On a aussi un chef de file, qui a le lead, la priorité, il a cherché
les banques, a fédéré ce camembert, a divisé les participations, a essayé de créer un règlement
du pool. Ce pool bancaire va constituer un ensemble non doté de la personnalité morale et va
conclure le contrat de prêt.

o La question des sûretés pour compte commun, le pool bancaire prend des suretés,
collectivement pour l’ensemble du pool et on aura un agent des sûretés, un interlocuteur
spécifique pour les suretés prises.
o La prise de décision : tout est généralement inclus dans le contrat, dans l’acte constitutif du
pool, voire dans le contrat de prêt, pour déterminer comment sont prises les décisions à
l’intérieur du pool, ce n’est quasiment jamais l’unanimité, donc il y a des majorités, majorités
qualifiées donc pendant longtemps on s’est posé la question de la licéité de ces clauses de
majorité, on a dit que oui, mais c’est né de la pratique.

o Les cessions de participation : une banque peut-elle se retirer officiellement ou


officieusement du pool bancaire ? Une banque sous participe avec un tiers extérieur qui fait
que le tiers va entrer dans le pool bancaire, donc recomposition du pool bancaire. Ces contrats
sont souvent très longs, les banques d’origine changent en cours de vie du pool.

98

o La loi applicable : le pool est un contrat donc on peut le soumettre à la loi qu’on veut, on
s’intéresse à la loi entre le pool et l’emprunteur, chaque prêteur voudra peut être imposer sa
propre loi donc il faudra un accord pour que le pool et l’emprunteur décident de s’accorder
sur une loi unique, ce sera souvent la loi de la banque représentative, de la banque la plus
puissante, ou une loi connue et acceptée par la pratique, appréciée par la plupart des
opérateurs.

B) Le financement de projet

C’est la version moderne du prêt à la grosse aventure.

Cela consiste en un prêt particulier dont le remboursement n’est assuré que par les résultats
générés par le projet financé. Un prêt ne dépend pas de la solvabilité future du projet mais des
capacités actuelles de remboursement. Donc dans le financement de projet il y a une prise de
risque plus importante de la banque, donc il rapporte plus à la banque.

C’est un type de financement qui est apparu dans le commerce international avec le prêt à la
grosse aventure et aujourd’hui c’est parfois utilisé par le commerce interne mais le plus
souvent dans le commerce international : dans l’énergie, extraction de minerais, télécom,
construction d’un village olympique.

C’est une banque ou des banques qui financent et acceptent de se faire rembourser en fonction
des revenus de l’activité mise en place.

- Il n’y’a pas de convention internationale, donc recherche de la loi applicable, les parties en
désignent toujours une.

- Comme il y a une part de risque prise par la banque, il y aura donc de multiples contrôles et
vérifications avant l’octroi et pendant l’octroi des fonds.

o Les banques vont vérifier la faisabilité de l’opération (par un service dédié, des experts),
voir si elle est rentable, étude et contrôle du business plan.
o Puisque les banques vont prendre un risque, elles vont vouloir suivre les étapes de ce projet,
sa conception, sa réalisation, son exploitation et vont avoir un droit d’audit, vont pouvoir
auditer le projet à différents moments.

o La multitude de sûretés dont les banques vont vouloir s’entourer, on prend toutes les suretés
possibles, car le risque est grand.

Un mécanisme français très ancien mais très utilisé aujourd’hui encore dans les financements
de projets, même non français ce n’est pas une sureté, mais une garantie : la délégation : idée
que les flux financiers au lieu d’arriver chez l’opérateur vont pouvoir arriver directement dans
le patrimoine du pool bancaire. La banque est le délégataire, l’utilisateur final est le délégué,
il devrait payer la somme auprès de l’opérateur (déléguant) et l’opérateur devrait payer la
banque ensuite.

On a peu de dispositions législatives ou conventionnelles là-dessus, tout a été inventé dans la


pratique, on retrouve des clauses usuelles, de style.

C) Le crédit-bail

1) Définition et pratique

Est international un crédit-bail par un aspect économique ou juridique.

C’est une opération complexe par laquelle une personne (le crédit-preneur) fait acheter un
bien mobilier ou immobilier par une entreprise spécialisée (le crédit-bailleur) qui est souvent
une filiale dédiée d’un établissement de crédit, et demande à cette entreprise de mettre le bien
à sa

99

disposition moyennant le paiement de redevances successives. On ne parle pas de loyers on


parle de redevance.

Ce contrat a été inventé par la pratique anglo-américaine sous les termes de leasing. Mais le
contrat de crédit-bail en droit français n’est pas tout à fait du leasing.

Le crédit-bail est un moyen de financer l’activité au profit du crédit-preneur. Quels sont les
avantages ?

- Le crédit-preneur n’a pas besoin de faire un emprunt, de mobiliser sa trésorerie, c’est un


échelonnement, c’est donc une technique de financement.

- Le crédit-bailleur s’enrichit, il prend une commission.

À la fin du crédit-bail il y a 3 possibilités :

- Contrat non renouvelé, il s’arrête.


- Contrat renouvelé, on continue à utiliser le bien et payer des redevances.

- Possibilité spécifique au droit français : le contrat de crédit-bail contient toujours une option
d’achat en faveur du crédit preneur, il y a donc toujours une promesse unilatérale de vente
souscrite par le crédit bailleur. Dans le leasing ce n’est pas obligatoire, on le met parfois.

Le crédit-bail est très utilisé en pratique, car il permet au crédit preneur de lutter contre
l’obsolescence, on refait un contrat de crédit-bail sur les derniers produits, pour rester à la
pointe.

2) L’existence d’une convention internationale

Il y a ici une convention internationale, alors même que tout le monde n’en a pas la même
définition, Convention d’Ottawa du 28 mai 1988 mais elle ne sert à rien, peu de pays l’ont
signée, et encore moins l’ont ratifiée car les pays n’arrivent pas à se mettre d’accord,
précisément sur ce point de l’option de vente. Il y’a eu un effort d’harmonisation tenté mais
incomplet. Il y a moins d’une dizaine de pays qui l’ont ratifiée.

Donc quelle est la loi applicable ? La lex contractus, il n’y’a pas de disposition de loi de
police sur ce sujet. En cas de silence des parties, on hésite parfois entre la loi de situation du
bien et la loi de la vente/loi du crédit. La jurisprudence dit que c’est la loi du crédit-bailleur
car il réalise la prestation caractéristique.

D) Le crédit documentaire

C’est une invention de la pratique, c’est une opération de financement, avec un aspect de
document, de formalisme important.

1) La notion

Ce mécanisme est très largement utilisé, il est issu de la pratique, cela remonte à la fin du
19ème, on a déjà une 1ère codification privée par la CCI dès 1933 (les RUU : règles et
usances uniformes).

C’est essentiellement un moyen de paiement des ventes internationales.

Il a 2 fonctions :

- Fonction principale : fonction de paiement.

- Fonction accessoire : fonction de garantie car celui qui va délivrer le crédit documentaire
c’est une banque donc on fera confiance à la banque car elle est reconnue, elle présente une
solvabilité, elle a une réputation.

Le vendeur réclame paiement à l’acheteur, mais dans le crédit documentaire c’est toujours la
banque émettrice qui va payer le vendeur, jamais l’acheteur donc c’est une garantie.

100
Le crédit documentaire est l’opération par laquelle une banque (la banque émettrice) accepte,
à la demande de son client acheteur (donneur d’ordre), de payer le vendeur (le bénéficiaire)
contre remise des documents prévus au contrat de vente et qui constatent la bonne exécution
du contrat. Le contrat de vente est aussi appelé contrat de base. S’il n’y a pas remise de ces
documents, il n’y aura pas paiement.

En pratique, les choses sont un peu plus complexes, il y a rarement l’intervention d’une
banque mais de 2 banques le plus souvent. Une banque est liée à l’acheteur, une banque
intervient auprès du vendeur. La banque de l’acheteur va payer la banque du vendeur qui va
payer elle-même le vendeur.

On procède comme cela car les relations entre banques sont facilitées, elles connaissent,
peuvent procéder par compensation, et parce que la 2nde banque peut avoir un rôle variable :

- Elle peut avoir un rôle limité : recevoir le paiement, on appelle cela une banque désignée.

- Elle peut aussi s’engager de manière supplémentaire envers le bénéficiaire/le vendeur, ce


sera une banque confirmatrice, elle va confirmer l’engagement de la 1ère banque.

- La banque remettante : la 2nde banque se contente de transmettre les documents.

Le crédit documentaire est très souvent irrévocable.

2) Le régime

Le crédit documentaire ne fait pas l’objet de textes internes, et il n’y a pas de convention
internationale sur ce sujet. Donc quelle est la source du régime ? Et quel est son contenu ?

a) Les sources

On serait tenté de chercher une lex contractus, ou d’utiliser une règle de conflit de lois : non.

On ne soumet pas le crédit documentaire à une loi particulière. S’il n’y a pas de règles de
conflit c’est qu’on a des règles matérielles, qui découlent de la pratique, de la lex mercatoria.

Les seules règles qu’on a sont donc des règles matérielles, nées de la pratique : ce sont les
RUU (règles et usances uniformes) relatives au crédit documentaire. C’est une manifestation
claire de la création de règles de droit par les opérateurs. Ces RUU découlent d’une
codification privée par la chambre de commerce international (le professeur demande souvent
à l’oral un exemple de codification privée), la 1ère codification date 1933, puis il y’a eu des
modifications par la suite.

La Cour de cassation a considéré à de multiples reprises depuis le début des années 80 (et
encore aujourd’hui) que ces RUU s’appliquent même si les parties ne s’y sont pas référées,
ces règles ne sont pas supplétives mais impératives. Cette jurisprudence est très particulière et
montre la force de la lex mercatoria. La Cour de cassation vise les RUU dans ses visas, elle
les consacre donc comme règle de droit.
Les principes Unidroit sont issus de la pratique internationale mais s’appliquent si les parties
s’y sont référées, ou à titre supplétif. Alors qu’ici les RUU s’appliquent même si les parties
n’y ont pas fait référence, on peut y voir une coutume internationale, elle est née de la
pratique, elle a force probante, sa violation entraine cassation, elle s’impose à tous (alors que
l’usage n’est pas sanctionné en droit, et s’applique seulement aux professionnels). La Cour de
cassation a donc qualifié cette codification privée de coutume internationale.

b) Le contenu de ces RUU

On va se concentrer sur 2 principes de base :

- Le principe du formalisme : pour que le vendeur puisse obtenir son paiement, il doit remettre
directement ou indirectement par une banque les documents qui attestent de la

101

bonne exécution du contrat de vente, la banque qui les reçoit doit les comparer à la liste des
documents exigés : certificat de douane, signature de l’acheteur etc.

Le contentieux est de savoir si on peut avoir un formalisme par équivalent/de substitution.


Certains arrêts sont très stricts, d’autres l’acceptent quand c’est très proche.

C’est une exception dans le commerce international, dans le commerce international la plupart
des règles relèvent du consensualisme, ici on a donc une entorse à au consensualisme.

Pourquoi un tel formalisme ? Parce qu’il y’a un second principe de base : le principe
d’inopposabilité des exceptions. Le principe d’inopposabilité des exceptions : la banque est
obligée de payer sans pouvoir tirer aucune exception du contrat de base.

Cela ressemble beaucoup à la garantie à première demande mais :

o Le crédit documentaire est principalement un moyen de paiement, et accessoirement c’est


une garantie.

o La garantie à première demande est principalement une garantie et accessoirement un


moyen de paiement.

102

Chapitre III : Les problèmes spécifiques d’exécution des contrats internationaux

Tous les contrats internationaux peuvent faire l’objet de problèmes dans l’exécution : moyens
de défense, exceptions etc.

Mais il peut y avoir des difficultés spécifiques, elles sont de 2 ordres :

- Afin de faciliter et de garantir l’exécution de ces contrats, on a mis en place des garanties.
- Quand il n’y a pas d’exécution, cela donne lieu à des difficultés, ça peut aller jusqu’à la
faillite d’un des opérateurs : la faillite internationale.

Section I : Les garanties

Le commerce international utilise une grande diversité de garanties, et a mis en place des
garanties personnelles spécifiques.

I) Diversité des garanties utilisées

Cela peut être un engagement négatif : on s’engage à ne pas faire quelque chose pour garantir
quelque chose : la société s’engage à ne pas distribuer de dividende tant qu’elle n’a pas
remboursé son emprunt, c’est une sureté négative.

Il y a des suretés réelles, personnelles. Les suretés sont un sous ensemble des garanties.

On a des garanties réelles et des garanties personnelles :

- La garantie réelle : on affecte un bien/ensemble de biens à la satisfaction de son créancier :


gage, hypothèque.

- La garantie personnelle : elle s’ajoute à l’obligation, il y a une nouvelle personne, on aura un


garant qui va s’engager auprès du débiteur pour la satisfaction du créancier du débiteur :
cautionnement, garantie à première demande, lettre d’intention.

Ces 2 types de garantie existent dans le commerce international, on en utilise beaucoup : la


délégation dans un financement de projet par exemple c’est une garantie utilisée dans le
commerce international.

Dans le commerce international, on utilise indifféremment des garanties personnelles que


réelles, aussi bien des garanties positives que négatives, on utilise aussi des notions
détournées pour servir de garanties (délégation dans un financement de projet) : c’est l’image
ceinture et bretelles.

Ce n’est pas utilisé de manière uniforme, les garanties réelles sont difficiles à réaliser car elles
dépendent du lieu de situation du bien. Il y aura des difficultés :

- Appliquer la loi du lieu de l’immeuble, il faut donc regarder un autre droit, se tourner vers
une autre juridiction, le juge local prendra les mesures d’exécution, ce sera comme une
garantie interne, locale, spécifique, et le débiteur a un coup d’avance car il connaît mieux son
droit, les juges etc.

- Le problème du conflit mobile, si le bien n’est pas immobilier il peut changer de territoire, il
peut traverser des frontières : les aéronefs, les navires, les stocks, les trains. On veut saisir un
avion, cela va dépendre du lieu où il est, ce conflit mobile peut profiter au débiteur s’il est de
mauvaise foi.

C’est pour ça qu’on utilise les garanties réelles quand on n’a pas pu trouver mieux.
103

On utilise très fréquemment dans le commerce international des gages (surtout quand ils sont
sans dépossession), on pourra avoir une garantie sur tout, le plus souvent sur des choses qui
ne sont pas extraites/pas encore sorties de terre : warrants sur le pétrole, garantie sur les
récoltes futures. On utilise aussi le nantissement de compte d’instruments financiers (il y a des
filiales sous forme de sociétés de capitaux, on va nantir les actions que possède la société
mère dans ses filiales, la banque va demander l’attribution des actions ou va demander la
vente aux enchères des actions/biens et se payer sur le prix de vente. Le compte d’instruments
financiers est un compte qui va contenir les différents instruments financiers détenus, le
créancier se sert sur dessus.

Les garanties réelles ont donc des inconvénients, d’où la tendance très forte de recherche de
garanties personnelles avec des règles matérielles.

II) Les garanties personnelles spécifiques

Ces garanties personnelles ont été inventées par les opérateurs, la pratique, donc on a des
règles de lex mercatoria, des règles matérielles.

On a créé les lettres d’intention, et les garanties à première demande.

Introduction : des éléments communs

- Créées par la pratique.

- Gouvernées par la pratique.

- Instruments d’origine essentiellement anglo-américaine.

- Cela tourne souvent autour de pratiques bancaires.

- Inventées essentiellement au début des années 80, au moment où le commerce international


explose.

- Pendant longtemps, elles ne soulevaient pas de contentieux, cela montrait leur succès, leur
réussite.

- Ces 2 notions (lettre d’intention/GPD) sont aujourd’hui consacrées par toutes les
jurisprudences nationales, elles ont été incorporées dans le droit étatique.

o Les lettres d’intention et les garanties à première demande sont qualifiées par le Code civil
de sûretés personnelles (le professeur trouve cela critiquable, le cautionnement est une sûreté,
les autres non).

A) Lettres d’intention

1) Le contexte
Le contexte est toujours un groupe de sociétés, la société mère émet une lettre d’intention au
profit d’un créancier de sa filiale. La question est de savoir ce que recouvre la/les lettres
d’intention. Généralement, ces lettres sont émises de manière unilatérale, par la société mère,
mais on se demande si ce n’est pas un contrat entre la société mère et sa filiale.

On utilise aussi d’autres termes : à la base on l’appelait letter of intent (on a traduit ça mot à
mot), on utilise aussi d’autres termes : lettres de parrainage, lettres de patronage, lettres de
soutien.

Que recouvrent ces lettres d’intention ? On peut citer quelques exemples :

- Une société mère s’engage à faire tout son possible pour que sa filiale paie ses dettes à
l’égard de la banque.

- Une société mère émet une lettre qui rassure la banque en disant que pendant tout le temps
du contrat la société mère s’engage à rester majoritaire en capital et en droit de vote dans sa
filiale.

- Une société mère s’engage à laisser auprès de sa filiale la trésorerie suffisante pour que
celle-ci puisse honorer ses dettes.

104

- Une société mère s’engage à ce que sa filiale paie son contractant, et au besoin elle s’y
substituera.

En réalité, il y a différentes obligations qui sont souscrites.

On s’est posé la question de la juridicité de la lettre d’intention. Crée-t-elle véritablement des


obligations au profit de la société mère ? Ne serait-ce pas un engagement moral, un
engagement d’honneur ? Certains ont dit qu’il n’y avait pas d’engagement juridique, que ce
n’était qu’un engagement d’honneur qui ne créait pas d’obligations.

On a dit qu’il y avait des raisons psychologiques qui expliquaient le développement des lettres
d’intention, qui tenaient au rapport de force :

- La banque n’est pas en position de force ou ne veut pas exiger de garantie auprès de la
société mère, elle veut instaurer un rapport de confiance, veut atteindre la clientèle de la mère
par la clientèle de la fille, donc on ne demande pas une garantie quand on veut créer un
rapport de confiance.

- Et la mère ne veut pas forcément inscrire cet engagement dans son bilan, ne veut pas tout le
temps s’engager à payer, donc la lettre d’intention est une sorte de gentleman’s agreement,
chacun essaie de faire croire à l’autre qu’il va être un gentleman mais aucun des deux ne se
comportera comme tel. La mère va dire qu’elle n’a pas donné de garantie, la banque va dire
qu’elle s’est engagée par la lettre d’intention.
2) Les problèmes juridiques

a) Problème de qualification

Il y’a un problème de qualification car la lettre d’intention n’est pas une notion juridique, elle
ne peut pas répondre à une définition juridique, c’est une notion protéiforme, une notion
pratique, et les parties mettent ce qu’elles veulent dans le contenu. S’il n’y a pas une
définition, c’est qu’il n’y a pas une qualification. On parle aussi parfois de lettre de confort,
elle apporte un certain confort au créancier.

La Cour de cassation en France, dans un arrêt important du 21 décembre 1987, Société Viuda
(1er arrêt sur la lettre d’intention en France) dit « attendu que, malgré son caractère unilatéral,
une lettre d’intention peut, selon ses termes, lorsqu’elle a été acceptée par son destinataire et
eu égard à la commune intention des parties, constituer à la charge de celui qui l’a souscrite
un engagement contractuel de faire ou de ne pas faire pouvant aller jusqu’à l’obligation
d’assurer un résultat si même elle ne constitue pas un cautionnement ; qu’il appartient au juge
de donner ou de restituer son exacte qualification à un pareil acte sans s’arrêter à la
dénomination que les parties en auraient proposée ».

Commentaires :

- Toutes les qualifications sont possibles, la Cour de cassation dit tout et son contraire, elle
enfonce des portes ouvertes, laisse toutes les portes ouvertes : caractère unilatéral/peut être un
contrat, c’est un contrat quand c’est accepté par l’autre partie (on le sait, c’est du droit des
contrats), on regarde les termes et la commune intention des parties (bref on n’en sait rien
donc, il faut regarder l’intention, les termes), peut créer une obligation de faire/de ne pas faire
(on dit encore tout et son contraire), sans s’arrêter à ce que les parties ont proposé donc les
parties ne décident pas, c’est le juge qui qualifie.

- La Cour de cassation a raison, elle est pragmatique, elle se colle à ce que fait la pratique,
donner un régime fixe aurait sclérosé la pratique, dans la pratique on va dans tous les sens,

105

il n’y a donc pas de pratique unique, donc la Cour de cassation est pragmatique et laisse faire
la pratique.

- Les lettres d’intention sont donc des instruments entre les mains des parties, il n’y’a pas de
qualification juridique, donc sans doute pas de régime juridique, et la Cour de cassation ne se
réfère jamais à une quelconque loi nationale, le plus souvent les lettres d’intention sont
internationales, elles interviennent dans le commerce international, la Cour de cassation sait
que c’est une affaire internationale. Et cela s’explique, la lettre d’intention est un entre-deux,
un engagement sans s’engager, donc on ne peut pas avoir de loi applicable, ce n’est pas un
contrat.
- La Cour de cassation donne de l’effet juridique à la lettre d’intention, elle ne donne ni
qualification, ni régime, mais dit que malgré le caractère unilatéral, elle peut être un contrat et
souvent elle vise la force obligatoire des contrats dans le visa.

b) Problème de régime

Comment les rédacteurs de la réforme de 2006 ont-ils pu dire que la lettre d’intention est une
sûreté ?

L’article 2322 du Code civil donne la définition de la lettre d’intention et on voit les
difficultés « la lettre d'intention est l'engagement de faire ou de ne pas faire ayant pour objet le
soutien apporté à un débiteur dans l'exécution de son obligation envers son créancier ». On
utilise le singulier, on ne parle pas du régime, ni du groupe de sociétés, on qualifie cela de
sureté.

Conclusion sur les lettres d’intention :

- La réforme du Code civil n’a eu aucune conséquence sur la pratique du commerce


international, on ne vise jamais le droit français donc le Code n’abordera jamais les lettres
d’intention, la Cour de cassation ne vise jamais l’article 2322, elle reste pratique.

- Il y a quand même une conséquence, la qualification de sûreté personnelle veut dire que les
lettres d’intention sont soumises à l’autorisation préalable du conseil d’administration d’une
SA (article L.225-35 du Code de commerce) car c’est une sureté, c’est une spécificité franco-
française, et le texte est mal rédigé il vise les cautionnements, on ne sait pas trop ce qu’on met
dedans.

Donc toute la jurisprudence ancienne est obsolète, car la lettre peut viser une obligation de
faire/de ne pas faire/de résultat. Toutes les lettres d’intention doivent avoir été autorisées
préalablement par la CA, donc on complique encore la pratique, et on peut faire naitre un
contentieux

B) Garanties à première demande

Elles sont une création de la pratique, elles ont fait l’objet de la même réforme (critiquable)
dans le Code civil.

1) Qualification

Les GPD sont ce que certains auteurs ont appelé un super cautionnement, c’est un
cautionnement dégagé de tous ses inconvénients pour le créancier : le cautionnement est une
sureté accessoire alors que dans la GPD, il n’y a pas ce caractère accessoire, le garant ne peut
rien opposer au bénéficiaire. C’est le même schéma que le cautionnement mais sans
accessoire, le garant s’oblige à payer, sans pouvoir opposer des exceptions.

106
Une GPD est donc un engagement autonome/abstrait/à première demande par lequel une
personne appelée garant s’engage à titre autonome/personnel à payer la dette relative à un
contrat de base.

On a donc 2 éléments de qualification :

- On s’engage à titre autonome, pas à titre accessoire, le cautionnement pose le principe


d’opposabilité des exceptions, la GPD pose le principe d’inopposabilité des exceptions. Mais
ce n’est pas un élément de qualification, c’est un élément de régime, parce que c’est une GPD
il y a inopposabilité des exceptions (et non l’inverse), mais ici on part du régime pour
remonter vers la qualification et distinguer cautionnement et GPD.

- Est-ce que c’est un engagement autonome ou non ? Le garant s’engage-t-il en cas de


défaillance du débiteur ou s’engage-t-il de façon autonome, sans caractère accessoire ? Des
auteurs disent que c’est ce critère-là qui détermine la qualification.

La Cour de cassation, dans les affaires qui intéressaient la construction d’usines nucléaires en
Irak s’est intéressée à la question de l’engagement autonome : Cour de cassation, 20 décembre
1982, BNP : la banque émet une GPD au profit du créancier, quelle est la qualification ? La
Cour dit que la banque s’est engagée à payer à première demande, cela ne constitue pas un
cautionnement mais une garantie autonome, donc elle ne pouvait pas opposer des exceptions.

2) Régime

Inopposabilité des exceptions : toutes les exceptions qu’aurait pu opposer le débiteur à son
créancier sont inopposables, c’est bien un paiement à première demande, c’est une sécurité
maximale, donc elle coute cher, car elle expose la banque à payer. Pour le bénéficiaire, c’est
intéressant car il peut se faire payer par le débiteur et par le garant. On a parlé parfois de
garantie guillotine, pour montrer que cette garantie était très dure.

Puis la jurisprudence s’est un peu assouplie et a admis petit à petit 2 exceptions (cela a
soulevé du contentieux, des gens ont critiqué ça). Si on n’avait pas admis d’exceptions, le
contentieux se serait tari très vite car on sait qu’on ne pouvait rien opposer. Dans l’arrêt de
1982, la Cour de cassation a posé le principe et ces 2 exceptions, c’est donc apparu assez vite.
Les 2 exceptions sont :

- L’abus manifeste

- La fraude manifeste

Remarques :

- Il n’y a que 2 exceptions, pas d’autres, ces exceptions sont assez caricaturales, se rencontrent
peu en pratique.

- Et il faut que cela soit manifeste, on joue sur ce qualificatif-là, on ne s’intéresse pas à la
fraude ou à l’abus, on s’intéresse à l’aspect manifeste, cela restreint encore plus.
- Ces exceptions ne jouent que très peu en pratique : appeler le garant en paiement avant le
terme par exemple, demander paiement alors que j’ai déjà été payé ce sont des cas de fraude
manifeste.

- L’aspect manifeste relève de la compétence du juge des référés, tout le contentieux des GPD
se règle en quelques jours devant le juge des référés, le contentieux du cautionnement se règle
en quelques mois/années devant les juges du fond.

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Comment fait la banque pour se rembourser une fois qu’elle a payé ? Par une contrepassation,
elle débite le compte bancaire de la somme et de toutes les commissions, elle n’agit pas en
justice, la contrepassation est un usage qui permet à la banque de se faire payer.

La Cour de cassation ne vise pas la loi applicable dans la GPD, aussi bien pour la
qualification que pour le régime, il n’y’a pas de référence à une quelconque loi nationale, la
Cour de cassation statue sur la pratique des GPD, elle énonce des règles matérielles,
transnationales acceptées par tout le monde, elle ne regarde pas la loi applicable, pas le lieu de
conclusion, pas le lieu d’exécution, pas le siège des parties.

3 remarques pour terminer :

- Ces GPD soulèvent de plus en plus de contentieux.

- Les lettres d’intention comme les GPD soulèvent un contentieux relativement sécurisé, les
solutions ne varient pas, sont prévisibles, raisonnables, suivent la pratique, la jurisprudence
n’est pas mauvaise, c’est stable et bien fait.

- Cela s’alourdit d’un point de vue financier, elles portent sur des montants de plus en plus
extravagants. Autrefois, cela couvrait 10/20% du total d’un engagement, mais la tendance de
la pratique aujourd’hui est de faire une lettre d’intention/garantie à première demande sur la
totalité de l’engagement, or avec les frais et commissions cela coûte cher, c’est quasi
impossible à réaliser. Donc on se détourne un peu de ces instruments, on les utilise en cas de
dernier recours vraiment, on tente de passer par le nantissement de compte d’instruments
financiers par exemple, cela revient à moins cher.

Le Code civil dit que la GPD est une sûreté personnelle (article 2321 du Code civil), c’est du
non-sens, la sûreté est accessoire, or la GPD n’est pas accessoire, mais cela ne change rien à
la pratique.

108

Section II : La faillite internationale

Hypothèse : quand une entreprise est en cessation des paiements ou s’en rapproche, dans un
contexte international.
I) Exposé du problème

A) La notion de faillite internationale

Lorsqu’un créancier agit contre son débiteur, et que ce n’est plus possible, alors il y a une
procédure internationale.

1) Les actions possibles du créancier

- Les créanciers peuvent agir contre le débiteur tant qu’il n’est pas en faillite, ils peuvent faire
jouer leurs garanties et disposent d’un droit de gage général sur les biens du débiteur présents
et à venir.

Les actions du créancier sont limitées par le droit de la créance, tout créancier va pouvoir
prendre des mesures conservatoires, exercer des mesures de saisie, voies d’exécution en
fonction de la loi de la créance.

- La loi de la créance n’est pas la seule à s’appliquer, en matière de mesure conservatoire, de


saisie, c’est la loi de compétence de l’État où ces mesures vont être diligentées qui va
intervenir.

2) La procédure collective internationale

C’est la même chose qu’en droit français mais dans un contexte international, le débiteur ne
peut plus faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la seule issue dans ce
contexte est d’obtenir sa mise en faillite, de mettre le débiteur en procédure collective afin
d’organiser le caractère collectif des poursuites, déclarer les créances, nommer le personnel de
la procédure, trouver une solution (redressement, liquidation, etc.)

La seule différence avec la procédure interne est la présence d’éléments d’extranéité : les
biens sont répartis un peu partout, le débiteur peut avoir plusieurs établissements sur plusieurs
territoires, plusieurs créanciers.

B) Les thèses en présence

2 thèses s’opposent :

- La thèse de territorialité

- La thèse de l’universalité

1) La thèse de la territorialité

On traite la faillite internationale en autant de faillites internes concernées, on scinde la faillite


internationale, on dit que tel bout intéresse la France, tel autre la Pologne etc.

Il y aura compétence territoriale aussi bien législative que juridictionnelle : le juge français
applique la loi française sur le sol français.
On divise, fractionne la faillite internationale pour la rendre locale sur chaque territoire
concerné.

- Avantage : chaque juridiction peut agir de façon unilatérale sur ce qui concerne son
territoire, sans besoin de coordination, chaque faillite est indépendante des autres en quelque
sorte

109

- 2 inconvénients :

o Une faillite internationale est ravalée à des faillites internes, on nie donc toute faillite
internationales, d’un point de vue académique c’est troublant, le droit international veut
montrer qu’il y a une spécificité, qui ne se rattache pas au droit interne.

o On nie toute appréhension générale des chances de redressement de l’entreprise, on nie


toute entreprise sur une appréhension globale de tout le patrimoine de l’entreprise, on peut
liquider une entreprise dans un pays alors que l’ensemble de l’actif aurait pu payer les
créanciers, on a une vision tronquée.

2) La thèse de l’universalité

Il ne peut y avoir qu’une seule procédure collective ouverte dans le monde, et cela vaut erga
omnes. Si un jour a ouvert une procédure collective tous les autres ne peuvent pas en principe
ouvrir une procédure collective.

Qui est prioritaire ? Là où la société a son siège social, le centre principal de ses intérêts. Un
juge applique une loi, et cela aura un effet universel.

- Avantages :

o Vision économique d’ensemble, du patrimoine, de la procédure, on a une vraie vision


d’ensemble sur tout.

o Pas de fractionnement artificiel, on ne divise pas tout, on a une procédure qui vaut erga
omnes.

- Inconvénient : certains disent que c’est utopiste, dans la réalité, les gens ne respectent pas
cette universalité, on ne va pas arrêter de faire une procédure parce qu’un autre juge a ouvert
une procédure collective, chaque pays voudra protéger ses créanciers, voudra gérer les actifs
sur son pays, voudra que son personnel intervienne dans la procédure, le monde est
fractionné, donc la thèse de l’universalité serait utopiste.

III) Solutions

Elles reflètent une double tendance :

- Tendance marquée pour la territorialité.


- Tendance pour l’universalité qui a le vent en poupe.

A) L’ouverture d’une PC en France

La jp a été pendant longtemps très favorable à la territorialité, les juges du fond ouvrent une
PC en France sans s’interroger sur sa portée à l’international.

2 arrêts sont intervenus pour nuancer fortement les propos :

*sur le RJ : Cass 1ère civ 19 nov 2002 Société BQE Works, la Cass a un visa étonnant « vu le
principe de l’universalité de la faillite », ça apparaît comme un véritable revirement de jp, la
solution française était plutôt territorialiste, et là on vise l’universalité, grosse surprise, ce
principe n’a jamais été dégagé, jamais été appliqué par la Cour de cass. On verra l’attendu au
pochain cours.

*sur la LJ : Cass com 2006 Société Khalifa Airways, arrêt de rejet, et la Cass parle aussi du
principe d’universalité de la faillite.

Dans ces 2 arrêts la Cass considère qu’il y a un principe d’universalité de la faillite qui fait
que si le jugement de la faillite est ouvert en France il produit ses effets à l’égard de tous les
pays dans le monde.

110

2 remarques :

°est-ce un vrai principe d’universalité ?

°est-ce que ce n’est pas un trompe-l’oeil, que la Cass aimerait imposer cette solution qui n’est
pas consacrée

*C’est un principe en trompe l’oeil, la Cass soumet le principe à 2 réserves identiques qui ne
sont pas minces :

-l’existence de traités internationaux ou d’actes communautaires (or on a un acte


communautaire)

-2ème réserve cumulative : acceptation par les ordres juridiques étrangers

Dans bien des cas cette solution va être refusée par les ordres juridiques étrangers, donc ce
principe d’universalité n’est pas effectif. Donc sur l’ouverture d’une PC en France, malgré ces
2 arrêts et l’affirmation d’un principe d’universalité c’est la solution inverse qui prévaut en
France : la faillite ouverte en France a un effet territorial, la décision ouverte en France par le
juge français sera rendue en application de la loi française mais ça n’empêchera pas
nécessairement l’ouverture d’une PC à l’étranger
*Quand l’ouverture d’une PC en France produit ses effets ? Le juge français pourra connaître
de l’ouverture d’une PC en France dès lors que le siège social de la société se situe sur le
territoire français ou a le centre principal de ses intérêts en France.

La Cass a fait des assouplissements, a dit que le juge français sera compétent dès lors que le
débiteur n’est pas nécessairement établi en France mais aurait une succursale ou une agence
c’est à dire en réalité des intérêts en France (et non plus un centre principal des intérêts en
France), ça résulte de 2 arrêts :

-sur la succursale, Cass com 1995 BCCI

-intérêts en France, Cass com 1988 BCT Computer

Dès lors que le juge français est saisi et est compétent il y aura une unité avec la compétence
législative : il appliquera la loi française.

B) L’ouverture d’une PC à l’étranger

Le débiteur n’est pas établi en France, n’y a pas son siège social, n’y a pas le centre principal
de ses intérêts, n’y a pas d’agence ou de succursale. Donc hypothèse d’un débiteur pas établi
en France, de ce point de vue là le juge français en principe ne sera pas compétent pour ouvrir
la PC en tant que telle du moins à titre principal. Un juge étranger sera compétent et
appliquera sa propre loi du for.

Le droit français va distinguer 2 sous-hypothèses : quel est le sort réservé au jugement


étranger de faillite ? Quel est son effet, son impact sur le territoire français ? Le droit français
va prendre en considération l’hypothèse suivante : selon que le jugement étranger de faillite a
fait ou non l’objet d’une exequatur en France :

*si non : il aura un effet très largement diminué, limité. En effets en cas d’absence
d’exequatur en France la décision étrangère n’empêche pas l’ouverture d’une PC en France, il
peut y avoir des procédures parallèles/concurrentes, ça montre bien le caractère territorialiste
des solutions, ça montre que le droit français n’admet pas l’universalité. Cela a quand même
un effet : la possibilité pour l’administrateur de la faillite étrangère de représenter les
créanciers et de déclarer les créances, on reconnaît la nomination de l’administrateur étranger
mais il ne peut que déclarer les créances et prendre des mesures conservatoires.

2ème conséquence importante : si PC à l’étranger sans exequatur, les créanciers en France


peuvent toujours poursuivre individuellement le débiteur.

Cela résulte de plusieurs arrêts, le + important est Cass com 1996 BCCI

111

*si oui : il produira son plein effet, la jp prend le contrepied de ce qu’elle vient de dire, et ce
jugement étranger exequaturé en France a un plein effet, ça interdit aux créanciers locaux de
poursuivre individuellement le débiteur et interdit au juge français d’ouvrir une PC en France.
Ce n’est toujours pas un principe d’universalité, c’est parce qu’il est exequaturé en France
qu’on le traite ainsi, il sera devenu en quelque sorte un jugement français par cette procédure,
il est intervenue en France, donc ça montre bien la faveur du juge français pour la
territorialité. Ce principe est donc en trompe l’oeil. Cass com 1986 Kleber.

C) Le règlement communautaire du 29 mai 2000 sur l’insolvabilité

Dans le principe de la Cass on admettait la réserve de l’acte communautaire, or pendant


longtemps on a eu des traités internationaux entre la France et d’autres pays (dont de l’UE).
C’est révolu car le règlement du 29 mai 2000 a rendu obsolète et a abrogé tous ces traités
signés entre les pays de l’UE sur ce sujet. On a mis en place un règlement communautaire qui
fixe la matière des faillites européennes/intracommunautaires, faillites qui intéressent des
créanciers/débiteurs issus de différents pays de l’UE.

Ce règlement, en + de remplacer les précédents traités, a une portée générale, il fixe aussi bien
des règles de compétence juridictionnelle que de compétence législative. Il traite des conflits
de lois/de juridiction, mais va comporter aussi des règles matérielles. C’est donc un règlement
qui se veut relativement complet, est assez homogène, et ne laisse de côté aucune question
puisqu’il traite des conflits de juridiction mais traite aussi des règles matérielles.

Il y a 2 types de procédures prévues par ce règlement :

-à titre principal

-des procédures à titre secondaire

1- La procédure principale

On recherche un effet d’universalité, dès lors qu’un jugement de faillite a été pris dans un État
de l’UE, ça va avoir des effets sur tout le territoire de tous les pays de l’UE, et ceci sans
exequatur. Ça interdit toute autre ouverture d’une PC par un juge étranger ou toute loi
étrangère à la loi du jugement de faillite.

On voit bien qu’on a un principe d’universalité, pas mondial mais cantonné à l’UE.

Un juge est compétent lorsque le débiteur a le centre de ses intérêts principaux lequel est
présumé par le siège statutaire.

La décision de faillite elle même relève de la procédure principale, est-ce qu’il y a ouverture
de la procédure ? Décide-t-on de faire un redressement, une liquidation ? C’est ça la
procédure principale.

2- Les procédures secondaires

Elles sont territorialistes, elles n’auront pas d’effet erga omnes. Elles auront effet par
application de la procédure principale, elles ne sont ouvertes qu’en cas de liquidation
d’entreprise (pas en cas de redressement) pour réaliser les actifs locaux et pouvoir payer
ensuite les créanciers.

Le règlement communautaire a considérablement facilité les choses, il est efficace, bien écrit,
très utile quand le débiteur a plusieurs actifs dans différents pays de l’UE.

C’est une synthèse des différents aspects qu’on a vus, ça emprunte à l’universalité et à la
territorialité, il suffit juste de délimiter quand on applique chacun de ces principes.

112

Partie III : Le règlement des litiges

On règle ça souvent par l’arbitrage, très rarement devant les juridictions, on a très souvent des
clauses compromissoires.

2 remarques :

- L’arbitrage international intéresserait 90%/97% des litiges internationaux, c’est vraiment la


pratique usuelle. La Cour de cassation dit que c’est le mode normal, le plus habituel et usuel
du règlement des litiges internationaux.

- Ça ne veut pas dire que d’autres méthodes de règlement des litiges n’existent pas, on a les
clauses attributives de juridiction par exemple (elles font l’objet soit de dispositions
communautaires ou jurisprudentielles), la médiation, la conciliation. La différence majeure
c’est que la médiation et la conciliation ne débouchent pas sur une décision mais sur une
proposition, donc pas de pouvoir de juridictio du conciliateur, il ne peut que proposer une
solution et tenter d’amener les parties à un règlement amiable de leur litige par une transaction
souvent.

Chapitre I : Généralités sur l’arbitrage international

I) Définition et rôle

Dans sa définition, l’arbitrage a une double composante :

- Contractuelle

- Juridictionnelle

Ces 2 composantes sont cumulatives :

- Il y a une nécessité d’avoir un contrat qui prévoit l’arbitrage entre les parties à la base :
clause d’arbitrage/clause compromissoire quand on soumet par avance les éventuels litiges à
l’arbitrage, ou un compromis d’arbitrage une fois que le litige est né et qu’on décide de le
soumettre à l’arbitrage. Le compromis est très rare, une fois que les parties sont en litige elles
s’accordent sur peu de chose.
- L’arbitrage débouche sur une décision qui a autorité de chose jugée, c’est la sentence
arbitrale, elle aura force exécutoire par la suite.

L’arbitrage est un mode de règlement des litiges qui a une source contractuelle et une finalité
juridictionnelle. L’arbitrage est un mode de règlement des litiges par lequel les parties
s’accordent pour aller devant des juges privés afin d’obtenir le règlement de leur litige par une
décision.

Le rôle de l’arbitrage est très important en DCI, on distingue souvent :

- L’arbitrage du CI, ce sont les arbitrages du DCI ≠ l’arbitrage d’investissement, ce sont les
arbitrages dans lesquels il y a un État d’accueil qui reçoit l’investissement et un investisseur,
c’est souvent du droit international économique.

- Arbitrage de droit ≠ arbitrage en amiable composition : on applique un sentiment de justice,


des notions d’équité, de justice, les arbitrages peuvent se départir des règles de droit pour
trouver une solution qui leur semble juste.

113

- Arbitrage institutionnel : on rend une décision sous l’égide d’une institution d’arbitrage (la
CCI par exemple), on fait appel à des institutions ≠ arbitrage ad-hoc : sans institution, du sur-
mesure

§2 : Évolution de la pratique et des règles applicables

La pratique et les règles applicables ont considérablement évolué ces 30/40 dernières années.
Pendant longtemps des pays étaient réfractaires à l’utilisation de l’arbitrage dans le commerce
international, on voyait mal comment des arbitres privés pouvaient appliquer des lois, des
règles juridiques nationales, des lois de police.

Et des pays pionniers la France (très largement en tête), la Suisse ont amorcé une évolution
avec une jp extrêmement libérale. Les solutions françaises ont été copiées très largement, ça a
servi de moteur d’influence à de nombreuses législations : jp anglaise, américaine, Amérique
latine, Asie, pays arabes → ces jp ont été en retard pendant très longtemps et commencent à
se mettre au diapason.

Aujo tout le monde est libéral (+ ou moins) à l’arbitrage. Pour plusieurs raisons :

*ça rapporte, ça draine des sous : déplacements, avions, taxis, hôtels, des avocats travaillent,
impôts etc. → de nombreuses professions sont liées à l’arbitrage, il y a un marché de
l’arbitrage et une concurrence des places

*on n’a pas trouvé d’autre mode de résolution des conflits, sinon on aurait des conflits de
juridiction et on aurait du aller devant des juridictions étatiques, on sait qu’elles ne sont pas
toujours neutres, les juges sont ancrés dans un système juridique, payés et nommés par cet
État, leur évolution de carrière dépend de cet État.
2 conventions majeures en matière d’arbitrage :

°la conv de NY de 1958, c’est l’une des + répandue dans le monde, + de 170 signataires qui
l’appliquent et l’ont ratifiée. Elle est très importante car elle est relative à la reconnaissance et
l’exécution des sentences arbitrales étrangères, ça permet la circulation des sentences, une
sentence rendue dans un pays pourra être exécutée + facilement dans les États signataires

°la conv de Washington de 1965, sur l’arbitrage d’investissement avec la mise en place du
CIRDI (centre spécial sur le règlement des différends liés à l’investissement).

°autre texte international important : loi-type de la CNUDCI (1ère version en 1985, modifiée
depuis), très importante, c’est une proposition de règle que les États peuvent décider
d’appliquer. Cette loi-modèle a été reprise par + de 170 pays dans le monde, il y a une sorte
d’unification des règles.

On voit qu’il y a un mouvement de libéralisation et de convergence.

§3 : Caractère international de l’arbitrage

Comment distingue-t-on un arbitrage international d’un arbitrage interne/domestique ?


Pourquoi faut-il distinguer aussi ?

L’arbitrage interne ne se développe pas toujours très facilement, car il peut rentrer en
concurrence avec les juges étatiques.

L’arbitrage international ne rentre pas en concurrence avec une juridiction établie, elle est une
juridiction différente.

Dans le Code de procédure civile on distingue l’arbitrage interne et l’arbitrage international,


on a des articles différents.

114

La définition française de l’arbitrage international est très particulière, spécifique, singulière,


peu partagée dans le monde elle est uniquement économique : article 1504 CPC « est
international l’arbitrage qui met en cause les intérêts du CI ».

Les autres pays font des définitions d’ordre juridique : nationalité des parties, lieu du siège
d’arbitrage, en faisant recours à des éléments d’extranéité.

En matière de contrat international le droit français accepte la définition économique et


juridique, mais en matière d’arbitrage on refuse l’approche juridique, c’est un choix délibéré,
on veut une définition économique.

Pourquoi distinguer ? Si on n’a pas choisi une définition juridique c’est qu’on n’est pas dans
une technique de conflit de lois. Les éléments d’extranéité c’est quand les législations de
plusieurs pays sont en conflit, en concurrence. C’est donc dire que dans la majorité des pays
du monde on va raisonner en matière d’arbitrage international en conflit de lois. Et en droit
français, parce qu’on a pris une définition éco, rattachée à aucun système juridique, faisait
référence à aucun élément d’extranéité on va faire recours qu’à des règles matérielles, posées
par les textes ou par la Cour de cass.

Chapitre 2 : La convention d’arbitrage

On va surtout parler de la clause d’arbitrage.

§1 : La validité de la convention d’arbitrage

Bcp de questions sont apparues au fur et à mesure des contentieux et difficultés :

A) L’autonomie de la clause d’arbitrage

L’idée est la suivante : la conv d’arbitrage pour qu’elle soit efficace a bénéficié dans certains
pays d’un régime très favorable, d’une place à part, n’a pas été soumise à la théorie générale
des obligations. On a essayé de sacraliser cette convention, de l’immuniser contre les risques
pour la rendre efficace, car c’est une clause de règlement des litiges. Donc pour régler les
litiges il faut discuter le moins possible sur la validité de la clause.

Par autonomie on veut dire que la clause d’arbitrage dépend de ses propres règles, pas
d’autres.

Donc le droit français, le premier, très en avance sur les autres pays, et à part a inventé 2
autonomies de la clause d’arbitrage :

1- Autonomie matérielle

C’est partagé dans le monde, répandu.

En principe la clause d’arbitrage est une clause parmi d’autres dans un contrat.

On ne dit pas que la clause d’arbitrage suit le même régime que le contrat : si contrat annulé,
clause annulée : non.

Le droit français a crée l’autonomie matérielle, par la Cour de cass (sans texte) et par des
règles matérielles uniquement (sans faire référence à aucun texte) : depuis 1963 la Cour de
cass dit qu’il y a une autonomie matérielle : la clause d’arbitrage n’est pas affectée par un
vice, un problème qui affecte le contrat.

Le contrat peut être non exécuté, caduc, résolu, résilié, argué de non existence : la clause
d’arbitrage survit à tout ça, elle est immunisée contre tous ces griefs. Donc matériellement on
sépare cette clause d’arbitrage du reste du contrat. La clause ne suit pas le sort du contrat
principal. Ça a été posé dans l’arrêt Gosset de 1963.

La Cass va loin et dit que « même en cas d’inexistence du contrat, la clause d’arbitrage est
valide ».
115

Cette position a été très largement reprise par la majorité des pays du monde, quasiment tout
le monde a repris ça, dans un sens de libéralisme vis à vis de l’arbitrage, de reconnaissance
des sentences arbitrales.

2- Autonomie juridique

C’est peu partagé dans le monde. Elle est + complexe. Le droit français n’a pas été très
moteur, bcp d’États n’ont pas compris et ont jugé ça trop libéral, même la Suisse n’a pas
suivi.

L’autonomie juridique vise à dire que la clause d’arbitrage n’est pas soumise aux mêmes
règles que le contrat, n’est pas soumise à la loi applicable au contrat.

Ça a été posé par une règle matérielle de la Cour de cass dans l’arrêt Hecht de 1972.

Cette solution est acceptée par un certain nombre de pays au début.

Mais donc à quelle loi est soumise la clause ?

*approche comparatiste : loi du siège du tribunal, loi de la procédure, lex contractus choisie
par les parties → on raisonne en règle de conflit

*tendance française (isolée, originale) : la clause d’arbitrage n’est soumise à aucune règle
juridique, aucune loi applicable, la Cass va en faire un principe de validité de la clause
d’arbitrage. La Cass dit que la clause d’arbitrage est valable en tant que telle sans aucune
référence à une loi nationale.

Cass Dalico 1993, Jaguar (1997), Zanzi (1999), Unikod du 30 mars 2004. On va s’arrêter sur
l’arrêt Unikod. La jp n’a jamais changé de ligne.

Le fait de dire qu’une clause est valable sans aucun rapport à un système juridique pose
problème car on ne sait pas à quoi on fait référence du coup ? On a dit qu’en cas d’absence
totale du consentement, de vice du consentement comment faisait-on ?

Arrêt Unikod « mais attendu qu’en vertu d’une règle matérielle du droit de l’arbitrage
international, la clause compromissoire est indépendante juridiquement du contrat principal
qui la contient directement ou par référence et que son existence et son efficacité s’apprécient
sous réserve des règles impératives du droit français et de l’ordre public international d’après
la commune volonté des parties sans qu’il soit nécessaire de se référer à une loi étatique ».
C’est le même attendu depuis Dalico, la jp n’a pas varié.

Commentaire : on s’aperçoit qu’il y a une petite exception : règles impératives du droit


français et OPI. En réalité cette réserve ne fait qu’une : l’OPI est l’OPI français, ce n’est pas
un OP transnational, et les règles impératives du droit français sont en réalité l’OPI français.
Donc il n’y a qu’une seule limite.
Certains avaient dit qu’une telle solution pourrait consacrer cette clause alors même qu’il n’y
a pas d’accord de volonté, la Cass répond : ok, on met la réserve des règles impératives du
droit français, pour s’assurer du respect de l’accord de volonté.

B) La forme

Ça a posé problème, ça a été compliqué. Mais aujourd’hui : plus aucune forme. Le décret de
2011 incorporé dans le CPC indique à l’article 1507 « la convention d’arbitrage n’est soumise
à aucune condition de forme ». Cette solution est singulière par rapport aux autres pays.

Ça vise 2 hypothèses :

-la clause d’arbitrage doit-elle être contenue dans le contrat principal ? La Cass dit que non, ça
peut être par référence (dans un devis, facture, conditions générales)

-la Cass dit qu’elle n’a pas besoin d’être expresse, si ça figure dans les conditions générales,
et qu’on n’a pas contesté, la convention est valable, il peut y avoir acceptation tacite.

La Conv de NY et la plupart des États exigent une clause écrite.

116

C) La capacité/le pouvoir de compromettre

Ça renvoie à la capacité des États/personnes publiques de compromettre, déjà vu dans ce


cours : arrêt Galakis (1966). L’arrêt Galakis a posé une règle matérielle : les États ont la
capacité de compromettre en matière d’arbitrage international.

Sur le pouvoir des dirigeants de société : Soerni 2009 : ça ne relève pas d’une loi nationale
mais de la loi matérielle de l’arbitrage.

D) L’arbitrabilité des litiges

Pendant longtemps on a dit que dès lors que les arbitres sont des juges privés ils ne peuvent
statuer sur des matières qui intéressent l’ordre public (article 2060 du Code civil). L’article
2060 n’a pas changé depuis longtemps : on ne peut pas compromettre sur des matières qui
intéressent l’OP. La jp a pris ça au pied de la lettre pendant longtemps.

Puis dans un 2ème temps la Cass dit l’inverse : l’arbitre peut statuer sur toutes les matières
sauf les matières interdites à charge pour le tribunal arbitral de faire respecter l’ordre public.
En matière de PC le tribunal arbitral pourrait fixer le principe d’une créance mais ne peut pas
condamner à payer, c’est un principe d’OP.

Il y a certaines matières qui intéressent au + près l’IG, l’organisation de l’État : causes de


divorce, peines pénales de prison

§2 : Les effets de la convention d’arbitrage


A) Compétence de l’arbitre

Le prof parle de compétence même si le terme n’est pas le bon, on devrait dire « aptitude à
juger ».

*principe : principe de kompetenz-kompetenz : tout tribunal arbitral a le pouvoir de juger de


sa propre compétence.

Sauf nullité manifeste ou inapplicabilité manifeste de la clause d’arbitrage, seul le tribunal


arbitral a le pouvoir de juger sa propre compétence.

C’est l’effet positif de la clause d’arbitrage, ça donne positivement pouvoir à l’arbitre.

*exceptions : nullité manifeste, inapplicabilité manifeste

Cas complexes de l’arbitrage multipartite, entre groupes de sociétés : une filiale signe une
clause d’arbitrage, est-ce que ça s’étend au reste du groupe ?

B) Incompétence du juge étatique

Ce serait l’effet négatif du principe de kompetenz-kompetenz : ça retire au juge étatique son


pouvoir de juger.

Ça a été posé par l’article 1506 du CPC par renvoi à une solution de droit interne posée à
l’article 1448.

Ça comporte toute fois 2 types d’exception :

*(pas vraiment une exception) : le juge d’appui, s’il y a un problème de constitution du


tribunal arbitral, de prorogation du délai, si un arbitre décède, refuse sa compétence : un juge
vient suppléer la partie défaillante

Exemple : problème d’indépendance d’un des arbitres, on se plaint de la composition du


tribunal arbitral, on va voir la juridiction étatique : si c’est un arbitrage institutionnel seule
l’institution statue,

117

le juge étatique dit qu’il n’y a pas de recours contre ça (ça montre le libéralisme très fort du
droit français).

*les mesures d’urgence, conservatoire : on suit la volonté des partie, ce qu’elles ont prévu. Si
rien n’est prévu le juge étatique est compétent.

Chapitre 3 : La procédure arbitrale

§1 : Autonomie des parties, des institutions et des arbitres


Beaucoup de convs (dont celle de NY) et la loi française reconnaissent ce principe
d’autonomie.

Les parties peuvent choisir librement les règles qu’elles veulent appliquer, les règles de
procédure, librement ou par référence à une institution/un règlement d’arbitrage : règlement
CCI par exemple.

En cas de silence des parties c’est le tribunal arbitral qui décide des règles applicables. On
voit bien la hiérarchie : d’abord le choix des parties, ensuite le tribunal arbitral.

Il y a un principe d’autonomie de la convention d’arbitrage, et principe d’autonomie de la loi


d’arbitrage, c’est un principe français pas partagé partout. Dans les autres pays l’arbitrage est
un peu ancré sur le territoire : arbitrage à Londres → qques règles de procédure de droit
anglais. En France l’arbitrage est anational, totalement détaché de toute règle nationale.

§2 : Les limites à l’autonomie

*il faut respecter le principe du contradictoire

*indépendance et impartialité du tribunal arbitral, les arbitres doivent être indépendants des
parties, et la Cass exige que les arbitres doivent être indépendants des cabinets d’avocats qui
les nomment (les droits étrangers ne posent pas ce principe)

Principe IBA : une nomination + fréquente d’un arbitre par un cabinet d’avocat que tous les 3
ans doit être révélée/signalée. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’indépendance, mais on doit
la révéler.

*principe d’égalité des parties, les parties doivent avoir un traitement égal, c’est un principe
substantiel de toute procédure juridictionnelle

Ces limites à l’autonomie on s’est demandés si ce n’était pas des règles juridiques
particulières. Certains ont dit que ce n’était pas de l’OPI mais de l’OP transnational, ce
seraient des principes de justice universelle qui tiennent au fait qu’on a recours à la justice, et
que ces principes s’appliqueraient indépendamment de toute application à une loi nationale.

D’autres ont vu dans ces principes des principes de droit naturel : principes pas rattachés à un
ordre juridique mais propres à l’espèce humaine, qui existeraient depuis la nuit des temps.

Chapitre 4 : Le droit applicable au fond du litige

Les parties décident. L’article 1511 du CPC indique premièrement pour le droit français : « le
tribunal arbitral tranche le litige conformément aux règles de droit que les parties ont choisies
ou à défaut conformément à celles que le tribunal estime appropriées. Il tient compte dans
tous les cas des usages du commerce ».

2ème disposition importante : article 1512 CPC « le tribunal statue en amiable composition si
les parties lui ont confié cette mission ».
§1 : Les arbitres statuant en droit

118

A) Application d’une loi étatique

Cette loi sera généralement choisie par les parties : lex contractus, ça va régir aussi le fond du
litige.

Lorsque les parties n’ont rien dit, le tribunal arbitral va choisir, déterminer les règles
applicables.

2 remarques :

*on ne dit pas que le tribunal doit statuer au regard de la règle de conflit de loi, il peut choisir
ce qu’il veut : règles matérielles, principe Unidroit

*le tribunal n’a pas de for, donc n’est pas lié à un système de règle de conflit particulier. En
pratique le tribunal arbitral aura une méthode convergente, prendra la RCL du lieu du siège,
de la nationalité des parties, du lieu d’exécution du contrat

B) Application de la lex mercatoria

On sait que l’arbitre peut appliquer des règles matérielles, notamment créées par les
opérateurs : usages, clauses types, principes Unidroit, règles et usances uniformes etc.

La Cass dit que quand un tribunal arbitral statue en faisant référence à la lex mercatoria il
statue en droit.

§2 : Les arbitres statuant en amiable compositeurs

A) Il faut une clause

L’article 1512 le dit « si les parties lui ont confié cette mission », si les parties n’ont rien dit
c’est toujours un arbitrage en droit. Mais la Cass dit qu’il n’y a pas de formule sacramentelle,
si on dit « selon la justice/votre conscience/votre sens de la justice » ça passe, on utilise
l’expression latine « ex æquo et bono ». On n’a pas besoin de dire expressément « en amiable
composition ».

La clause peut intervenir à tout moment pendant le contrat, en cours d’arbitrage (mais c’est
rare, souvent on prévoit ça dès le contrat).

L’amiable composition peut être aléatoire, ce sera le sens de la justice chez chaque arbitre.
D’autres aiment bien ça, car ça dépasse les solutions déjà posées, ça se détache de toute règle.

B) Qui confère des pouvoirs spéciaux/particuliers

C’est la mise à l’écart des règles de droit quand elles ne sont pas d’OPI ou des lois de police.
Ça veut dire qu’on peut modérer l’application des clauses du contrat, car la force obligatoire
n’est pas un principe d’OPI ni une loi de police. Donc en statuant en amiable compositeur on
peut altérer/modifier certaines clauses du contrat. Mais on ne peut pas bouleverser l’économie
ni l’objet du contrat. Par exemple on peut modifier la date de livraison, baisser un taux
d’intérêt. Mais jamais on ne touche à un prix.

Les parties ont donné ce pouvoir au tribunal de statuer en amiable composition : le tribunal
peut-il refuser ou a-t-il l’obligation de statuer ainsi ? La Cass dit que c’est un devoir, quand
les parties le demandent : il peut statuer en droit mais a l’obligation de vérifier que ça
correspond à une solution équitable/juste et peut modifier sa décision si tel n’est pas le cas.

Chapitre 5 : La sentence et les voies de recours

La sentence c’est la décision que va rendre le tribunal, ça peut être en une fois, ou découpé :
sentence partielle, préliminaire, sur le fond etc.

La sentence en principe est signée par le tribunal arbitral. Si un arbitre refuse de signer la
sentence, la signature du seul président suffirait, on n’exige pas la signature de tout le monde.

Il faut une motivation, la Cass est peu exigeante, elle dit qu’une motivation succincte suffit.

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La sentence doit respecter des critères/conditions pour être valable.

Pas d’appel contre la sentence en France (il est interdit, il y a uniquement un recours en
annulation qui n’est ouvert que dans des cas limitativement énumérés, on a 5 cas prévus : la
liste est limitative, 1512 CPC

Le recours n’est ouvert que si :

*le tribunal s’est déclaré à tort compétent ou incompétent

*le tribunal était irrégulièrement constitué

*le tribunal a statué sans se conformer à la mission qui lui était confiée

*le principe de la contradiction n’a pas été respecté

*la reconnaissance, l’exécution de la sentence est contraire à l’OPI

2 éléments :

°pour reconnaître une sentence il y a une procédure de reconnaissance et d’exequatur d’une


sentence, elle est fondée sur des textes français, et en matière internationale sur la covn de
NY, cette conv dit que la reconnaissance est systématique sauf si l’un des 5 points similaires
au 1512 sont manquants
°récemment (seuls 3 pays au monde le font : Belgique, Suisse, France), la France a dit que les
parties pouvaient, à tout moment, et par un accord spécifique renoncer à tout recours en
annulation contre une sentence arbitrale. Donc le système pourrait être totalement déconnecté
et soumis à aucun contrôle, il serait totalement autonom

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