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RÉSUMÉ
Le tube radiogène reste le facteur limitant dans les techniques
d’imagerie roentgeniennes exigeantes : angiographies et radiologie
interventionnelle, scanographie avec rapport signal sur bruit
(résolution en contraste) élevé, en particulier chez les sujets en surpoids.
L’optimisation de la qualité d’image et la réduction des doses « dans les
limites du raisonnable » nécessitent une bonne compréhension du rôle
des différents paramètres — intensité du courant-tube (mA), différence
de potentiel aux bornes du tube (kVp), durée des expositions (s) — dans les
composants géométriques (flous géométrique, cinétique, de détection,
morphologique) et photographiques (contraste, densité) de l’image,
en scanner comme en radiographie par projection. La technologie des
tubes radiogènes a beaucoup évolué, dans la discrétion médiatique,
au cours des dernières décennies, en particulier pour répondre aux
exigences croissantes du scanner (acquisitions multiphasiques avec
reconstruction « en temps réel » ou presque…, grandes longueurs
des segments explorés). Les caractéristiques significatives des tubes se
sont modifiées ; la capacité de dissipation calorifique de l’ensemble
tube-gaine est beaucoup plus importante en scanographie que la
puissance des foyers du tube ; les technologies utilisées (diamètre,
masse et composition de l’anode, enceintes métal-céramique, modalités
de dissipation thermique par rayonnement et par convection, etc.)
sont devenues des critères essentiels de choix car la performance des
machines, au quotidien, est sous leur totale dépendance. Il faut donc
que les radiologues fassent l’effort de s’investir dans ces domaines
techniques s’ils veulent rester des interlocuteurs crédibles, capables
d’argumenter des choix de matériel sur des bases médicotechniques
plutôt que médicoéconomiques — trop souvent devenues purement
économiques…
Scanner et rayons X
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Introduction
La production des rayons X reste un sujet technologique de la plus haute
importance dans les deux grands domaines d’application de la radiologie
roentgenienne que sont :
• l’imagerie par projection, qu’elle soit radiographique (clichés standards),
radioscopique télévisée (en particulier pour les gestes radioguidés en radio-
logie et en cardiologie interventionnelle) ou sériographique (angiographie
numérisée et imagerie volumique par acquisition rotatoire) : à l’heure
actuelle, toutes ces techniques sont totalement numérisées, quel que soit
le système de détection — écrans radioluminescents à mémoire (ERLM,
ou « plaques phosphore »), amplificateurs de luminance de plus en plus
remplacés par les capteurs plans dynamiques —, mais la qualité d’image
reste dépendante de la maîtrise du contraste par le choix judicieux des para-
mètres d’exposition (en particulier le kilovoltage mais aussi la limitation du
rayonnement diffusé) et de la résolution spatiale par l’utilisation adéquate
du petit foyer des tubes radiogènes, lorsque cela est possible ; la radiopro-
tection est également directement dépendante d’une utilisation rationnelle
et raisonnée des paramètres d’exposition, permettant de résoudre au mieux
les compromis nécessaires entre dose délivrée et qualité d’image ;
• l’imagerie scanographique, dans laquelle la production des rayons X
reste le seul facteur limitant la longueur et/ou la répétition des séquences
d’acquisition dans les explorations multiphasiques, en dépit de la réduction
des doses nécessaires rendue possible par les techniques récentes et à venir
de reconstruction par itérations : il s’agit de limites physiques directement
liées au mécanisme de production des rayons X et à l’inévitable production
massive de chaleur qui lui est associée ; c’est donc, à l’heure actuelle, la
capacité de dissipation thermique de l’ensemble « tube radiogène-gaine-sys-
tèmes de refroidissement » qui définit les possibilités exactes d’acquisition
scanographique dans les circonstances les plus exigeantes : explorations
multiphasiques de segments corporels de grande longueur, même avec un
pitch élevé, ou plus encore explorations multiphasiques de segments cor-
porels relativement courts mais avec des acquisitions « chevauchées » (pitch
inférieur à 1) pour obtenir un rapport signal sur bruit élevé (explorations
scanographiques cardiaques et coronaires, en particulier).
Les progrès réalisés dans les systèmes de détection, en particulier les
ERLM et les capteurs plans pour l’imagerie par projection, l’amélioration
des performances des cristaux des détecteurs et le développement d’algo-
rithmes de reconstruction beaucoup plus performants (reconstruction itéra-
tive) en scanographie ont diminué, parfois de façon massive, les exigences
en matière de radiations ionisantes tout en maintenant, lorsqu’on res-
pecte des conditions de réalisation raisonnables des examens, une qualité
d’image acceptable sur le plan diagnostique. Il n’en demeure pas moins
que ces résultats optimisés et adaptés aux circonstances restent totalement
dépendants d’une utilisation judicieuse des paramètres d’exposition, qui
nécessite donc une parfaite maîtrise des modalités de fonctionnement du
tube radiogène et des dispositifs qui lui sont annexés.
Rayonnement de freinage
Le mécanisme le plus important quantitativement et qualitativement est le
freinage (Bremstrahlung), qui correspond aux interactions entre les électrons
accélérés par le champ électrique élevé créé entre le filament et l’anode et
les noyaux des atomes du métal lourd constituant l’anode.
Rappelons que le noyau représente une masse d’extrêmement petite taille
par rapport à celle des orbites électroniques de l’atome : 5 · 10–10 m contre
5 · 10–5 m, soit un noyau 100 000 fois plus petit que l’atome ! Si un proton,
noyau d’atome d’hydrogène, avait la taille d’une orange, la couche K por-
teuse de l’électron périphérique de cet atome serait une orbite elliptique de
3 kilomètres de rayon moyen…
Le noyau renferme toutes les charges électriques positives (protons) et
crée donc un champ électrique d’autant plus intense qu’il renferme un
nombre de protons élevé (exprimé par le numéro atomique Z). Les électrons
1
2
+ N + N
+ N + N
N + +
N + ++
+N N N +
N + N N
N + N + N –
+ N + N + +
+ N + N N N + 4
N + N
3
Figure 1.1
Rayonnement de freinage.
La charge électrique positive du noyau des atomes de tungstène de la cible anodique (3)
provoque le freinage (2) et la déviation (4) des électrons émis par le filament (1) et accélérés
par la différence de potentiel.
Électrons du
courant-tube b
1
2 2 Interaction proche
3 du noyau, photon
d’énergie moyenne
3
« Collision » de l’électron Interaction distante
avec le noyau, photon 1 du noyau, photon
d’énergie maximale d’énergie faible
Figure 1.2
Dispersion des énergies des photons X.
La variation des relations spatiales entre les électrons (a) et les noyaux d’atomes de tungs-
tène (b) explique la dispersion des énergies des photons produits, qui appartiennent pour 1 %
d’entre eux aux rayons X « utiles » (1,2), les 99 % restants étant des radiations de grande lon-
gueur d’onde (3) essentiellement sous forme de chaleur.
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90
Énergie des photons X émis (en keV)
Figure 1.3
Spectre du rayonnement de freinage.
Le spectre continu traduit la dispersion des énergies des photons X produits par ce méca-
nisme. L’intensité du faisceau correspond à l’aire sous la courbe. La filtration additionnelle
du faisceau sortant du tube élimine le rayonnement X « mou » dont l’énergie est insuffisante
pour qu’il participe à la constitution l’image, mais qui représenterait une part non négli-
geable de l’irradiation cutanée.
Les électrons des différentes couches orbitaires d’un atome sont carac-
térisés par leur énergie de liaison, qui correspond aux forces nécessaires
pour que ces électrons chargés négativement résistent à l’attraction causée
par la charge positive du noyau. On comprend donc que les couches cen-
trales (K, L) de l’atome, proches du noyau, correspondent à des énergies de
liaison très élevées et d’autant plus importantes que le numéro atomique
(donc la charge positive du noyau) est grand. Au contraire, les couches plus
périphériques, plus éloignées du noyau, correspondent à des énergies de
liaison très faibles. Pour déplacer un électron d’une couche électronique
centrale (K, par exemple) vers une autre couche plus périphérique (L, M),
il faut lui apporter une quantité d’énergie égale aux différences d’énergies
de liaison caractéristiques des couches K-L ou K-M (fig. 1.4). Par exemple,
pour le tungstène, l’énergie de liaison des électrons de la couche K est de
l’ordre de 70 keV et celle des électrons de la couche L de l’ordre de 11 keV :
pour expulser un électron de la couche K (ionisation), il faut lui apporter
une énergie d’au moins 70 keV. Puis, des phénomènes de transition élec-
tronique visant à ramener l’atome à un état stable aboutiront à émettre un
photon dont l’énergie sera de 70 – 11 = 59 keV qui, dans ce cas, appartiendra
donc au domaine des rayons X utiles. Cette énergie sera toujours la même
chaque fois qu’une ionisation sur la couche K de l’atome de tungstène aura
été provoquée et suivie d’une transition K-L. L’énergie de liaison des élec-
trons de la couche M du tungstène étant de l’ordre de 2 keV, la transition
2 c
1
K
L
3 M
4
Figure 1.4
Phénomène de collision.
Les interactions entre les électrons du courant-tube (1) et les électrons périphériques des
atomes de tungstène de la cible anodique (2,3) aboutissent à l’expulsion d’électrons des couches
centrales (à énergie de liaison élevée) qui sont suivies de transition électronique à l’origine
de l’émission de photons X ayant des énergies caractéristiques du corps qui leur a donné
naissance. Elles correspondent aux différences d’énergie de liaison entre les couches intéres-
sées par la transition électronique. Leur traduction spectrale correspond à des pics d’énergie
caractéristiques (spectre de raies) qui s’additionnent au spectre continu du rayonnement
produit par freinage.
1
α1
Intensité du faisceau X 2
α2 β1
β2
3
4
Figure 1.5
Spectre d’émission complet.
Il associe le spectre continu du rayonnement produit par freinage (1) (avec filtration des photons
X « mous » (3)) et le spectre de raies (2) caractéristique du métal constituant la cible anodique.
Matériau de l’anode
Le matériel constituant la cible anodique détermine la quantité de rayon-
nement X qui pourra être produite à un kilovoltage donné. Plus le numéro
atomique du métal constituant la cible est élevé, plus l’efficacité de produc-
tion des rayons X sera grande. Par exemple, le tungstène (Z = 74) produira
plus de rayonnement de freinage que l’étain (Z = 50), si ces deux éléments
étaient utilisés dans des conditions identiques de kilovoltage et d’intensité
du courant-tube.
Dans la pratique, on emploie le tungstène dans les cibles anodiques en
raison de son numéro atomique relativement élevé (Z = 74) et de son point
de fusion très élevé (3 370 °C) — le platine, avec un numéro atomique plus
favorable (Z = 78) a un point de fusion de 1 770 °C, tandis que l’or stable
(Z = 79) fond à 1 063 °C.
Le numéro atomique du métal de la cible détermine en partie la quantité
de photons X produits par freinage (spectre continu) ; il détermine égale-
ment la qualité du rayonnement X caractéristique (spectre de raies).
À retenir
• Le numéro atomique du matériel constituant la cible détermine la quan-
tité (nombre de photons produits par freinage) et la qualité (énergie) du
rayonnement caractéristique.
• Le kilovoltage (kVp) détermine l’énergie cinétique des électrons, elle-
même à l’origine de l’énergie maximale (qualité) des photons produits.
Les kilovoltages élevés augmentent également la quantité de photons,
donc l’intensité du faisceau qui est proportionnelle au carré du kVp. La
longueur d’onde du rayonnement caractéristique produit par la cible
n’est pas modifiée par le kVp mais, bien entendu, il faut un kilovoltage
suffisant pour que cette radiation caractéristique apparaisse ; par exem-
ple, avec une cible en tungstène, il faut une différence de potentiel mini-
male de 70 kVp pour que le rayonnement caractéristique de la couche K
prenne naissance.
• Le nombre d’électrons qui traverse le tube radiogène de la cathode à
l’anode (courant-tube) détermine le nombre de photons produits.
• Si on augmente l’intensité du courant-tube à kilovoltage constant, on
augmente l’intensité du faisceau sans modifier sa qualité, représentée par
l’énergie maximale et l’énergie moyenne des photons X produits (fig. 1.6).
• Si on augmente le kilovoltage en conservant une intensité du courant-
tube constante, on augmente l’intensité du faisceau mais en modifiant
sa qualité, c’est-à-dire en augmentant l’énergie maximale et l’énergie
moyenne des photons X produits (fig. 1.7).