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Corpus du sujet :
Rappel de la méthode générale en dissertation
Les enjeux du sujet sur la poésie et l'expression des sentiments personnels
Rédaction de la dissertation
Corpus du sujet :
Texte A : Pierre de Ronsard, « Une beauté de quinze ans enfantine », Les Amours de Cassandre (1552)
Reformuler le sujet
A partir de cette première analyse, vous pouvez également reformuler le sujet (souvent très
utile).
Ces sous-questions peuvent notamment vous être utiles pour établir vos parties et vos sous-
parties.
Chercher des idées
Les idées doivent s'appuyer sur des exemples, lesquels doivent, inversement, vous offrir les
idées. Ainsi :
Le choix du plan
A partir de ces travaux préparatoires, vous devez finalement dégager un plan, généralement en
trois parties et trois sous-parties (mais pas obligatoirement), chacune étayée d'exemples tirés du
corpus et de vos connaissances personnelles.
Lorsque vous vous confrontez au sujet d’une dissertation, il vous faut bien identifier les termes qui
posent un problème, ou qui témoignent d’une tension. Munissez-vous de stabylos de couleurs
différentes, et surlignez les mots qui doivent faire l’objet d’une attention toute particulière.
A la fin de votre analyse du sujet, essayez donc de reformuler la question ! C’est souvent un
bon moyen pour établir votre propre problématique, et pour vérifier si vous avez bien saisi le
propos.
Ici :
Le sujet ne convoque qu'un seul genre littéraire : la poésie. Vos exemples ne devront
donc être tirés que de la poésie : oubliez le théâtre et les romans pour un moment !
Le sujet se concentre sur la « poésie » et l'« expression » : il faut donc vous demander
ce qu'est la nature de la poésie, quelles sont ses fonctions et son rôle.
Le sujet propose de lui-même une modélisation avec « surtout » : ce mot vous invite à
dépasser l'idée d'une poésie comme étant seulement une tribune pour l'expression de
sentiments personnels. vous devrez trouver des exemples de poésie qui se donne d'autres
fonctions (la dénonciation politique ? la célébration de la beauté ? etc.)
« Quelles seraient les fonctions de la poésie, outre celle d'exprimer les sentiments du poète
?»
Faites ensuite une liste de poètes et de poèmes, qui répondent à ces questions. Par exemple
:
Horace, poète latin, qui définit la poésie comme de la « peinture », donc comme technique
de représentation
Baudelaire et sa théorie des correspondances, faisant du poète un « voyant »
Victor Hugo et la poésie engagée (« L'enfant »)
etc.
Enfin, pour votre rédaction, n’oubliez pas l’ordre suivant au sein de vos paragraphes :
Une affirmation
Un argument
Un exemple (tiré de la poésie)
Rédaction de la dissertation
Introduction
A lire la poésie romantique du XVIIIème siècle, qui parle d'amour et de souffrance, il est facile
de faire l'amalgame imprudent entre poésie et exaltation du sentiment personnel. Nombreux
sont en effet les poèmes où la tristesse, la peur de la mort, la mélancolie, la joie amoureuse
occupent la place centrale. Pourtant, comme médium littéraire, la poésie semble à même de
servir une cause, puisqu'elle fait passer un message à un public.
Annonce de la problématique
Dès lors, la poésie sert-elle seulement le poète qui veut partager au monde ses sentiments
?
Annonce du plan
Nous verrons dans un premier temps que la poésie sert effectivement la cause lyrique, plus
facilement encore que n'importe quel autre genre littéraire. Mais l'histoire nous a montré qu'elle est
un formidable outil de communication, à même de célébrer la beauté ou de sensibiliser un public.
Le poète sait très bien se servir de son art pour exalter ses sentiments, positifs ou négatifs. Les
procédés de la poésie peuvent l'expliquer.
La poésie est une manière très fameuse d'exalter le je et de célébrer le tu. De nombreux
poèmes sont écrits à la première personne et témoignent ainsi de la présence du poète. Ainsi
du poème « A une passante », de Charles Baudelaire, qui se met en scène attablé à une terrasse,
et s'adresse à un « tu » fuyant qu'il aurait pu aimer.
Car la poésie célèbre très souvent l'amour, sentiment susceptible de provoquer les meilleures
inspirations et les plus beaux poèmes. Pierre de Ronsard a ainsi écrit la majeure partie de ses
textes pour applaudir la beauté des femmes, telles que Cassandre ou Hélène, prénoms qui
correspondent aussi ses recueils.
Mais l'amour se décline également à travers d'autres thèmes : Du Bellay, dans Les
Regrets (1558), revendique son amour pour sa terre natale, l'Anjou ; Hugo clame son amour pour
la liberté ; Francis Ponge célèbre son amour pour les choses, dans son recueil éponyme (Le parti
pris des choses, 1942).
Mais le sentiment n'est pas qu'une affaire de bonheur, et les poètes savent aussi parler des
événements qui les brisent...
Sublimation de la douleur
De la même manière que l'allégresse issue du sentiment amoureux, les douleurs liées à la
séparation et la mort sont des thèmes récurrents de la poésie. Le poète aime à écrire au sujet
de ce qui l'attriste ou le détruit. Ainsi, Victor Hugo, dans son poème très connu « Demain dès
l'aube », extrait des Contemplations (1847), parle de la douleur de la perte de sa fille, et raconte
comment il se rend au cimetière :
C'est que le poète trouve dans la poésie une occasion de sublimer la douleur, soit de la
rendre pure et idéale, de la transformer en beauté. C'est le sens, notamment, du poème « Nuit de
Mai » (1835), écrit par Alfred de Musset. Il se met en scène parlant avec la Muse, tandis qu'il
souffre d'une rupture amoureuse. La Muse - c'est-à-dire la poésie - l'exhorte à créer à partir de
cette douleur, plutôt que de se morfondre :
La poésie permet ainsi de se libérer dans les mots et dans les sons, de faire exister
bonheur et malheur, pour compenser en beauté les déceptions de la réalité. C'est que la
poésie se prête particulièrement bien à l'expression des sentiments, d'où l'amalgame que l'on fait
souvent entre les deux...
L'opportunité de la poésie
Le poète est un être particulièrement sensible et reçoit les choses de la façon la plus
intense, disposant des mots pour le dire. C'est l'idée de Pierre Reverdy, dans son essai Cette
émotion appelée poésie (1947) : pour celui-ci, le poète est celui qui parvient à trouver la juste
expression pour faire coïncider le sentiment intérieur et la chose ou l'événement. Il
accompagne ainsi le lecteur dans son rapport au monde.
En outre, le langage poétique possède de multiples procédés pour faire accéder à son
intériorité : hyperboles, rimes, versification, métaphores, métonymie, etc. sont autant de moyens
à disposition pour établir des parallèles illuminants. Elle peut ainsi mettre d'autant plus
facilement des mots sur des sentiments généralement indicibles, comme le fait Stéphane
Mallarmé, avec son « Sonnet en X » (1899).
Transition
Mais la poésie est un médium littéraire avant tout : si ses caractéristiques propres la rendent
particulièrement opportune pour l'expression sentimentale, elle peut utiliser ces mêmes moyens
au service d'autres ambitions.
La poésie est avant tout une manière de représenter le monde, qu'il relève de l'intériorité ou non.
Mais parce qu'elle se destine à un public, elle peut aussi être engagée, efficacement. Ses
procédés sont autant d'atouts pour ce faire.
Comme l'affirmait Saint-John Perse, poète du XXème siècle, la poésie a pour fonction de «
déraciner les mots », et cela, selon Jean Cocteau, afin de « dévoiler le monde ».
Le matériau premier de la poésie est évidemment le mot. C'est ainsi qu'ils sont à même de
subir toutes les transformations possibles sous la main du poète, qui s'autorise tout dans
l'espoir de provoquer une révélation opportune. Ainsi, dans « Télégramme de Dakar », Henri
Michaux multiplie les « baobabs » pour s'amuser avec la sonorité [b] et reproduire la vision
africaine d'une omniprésence de baobabs.
La poésie se fait donc moyen de connaissance non scientifique et non rationnelle, mais qui
permet d'explorer le monde et de décrypter les enjeux du monde. Cela passe souvent par
un retour aux sensations, comme Charles Baudelaire qui se plonge dans ses souvenirs à la
faveur de « Parfums exotiques » (Les Fleurs du mal, 1857).
Mais la poésie sait aussi faire passer un message politique, de manière plus prosaïque, pour se
faire une place au sein de la société.
Certains poètes trouvent dans la poésie un moyen d'action politique, pour conscientiser les
lecteurs au sujet de problèmes graves. C'est un usage notamment développé et imposé par
Victor Hugo, avec par exemple « L'Enfant » dans son recueil Les Orientales (1829). Là, il
documente les horreurs de la guerre, à la suite du massacre de l'île de Chio par les Turcs, dont
furent victimes les Grecs.
Ce poème de Victor Hugo tire en outre sa force de la forme et du rythme qu'offre la poésie. En
effet, son dernier vers agit comme une chute surprenant le lecteur.
Le poète se fait donc porte-parole de ceux qui n'ont pas de voix, plutôt que d'être messager de
la nature. L'exemple le plus fameux est peut-être le poème « Liberté » (1942), de Paul Eluard, qui
s'engage pour tous les résistants français.
Là aussi, ce poème joue de l'anaphore sur « liberté », figure de style fréquemment rencontré
dans les poèmes, et qui permet de rendre le message plus percutant encore.
La poésie est une force, par la condensation qu'elle vise, et elle peut avoir une vraie portée
historique. La Fontaine, dans ses Fables, s'est plu à mettre en lumière les inégalités de la société
monarchique, et jusqu'aujourd'hui, nous connaissons ses morales.
La morale constitutive du genre de la fable est par ailleurs une méthode politique, qui sied à
merveille aux enjeux dont nous parlons ici.
Conclusion
La poésie est trop souvent cantonnée à son ambition lyrique dans l'esprit des personnes. Si elle
permet souvent au poète d'exprimer ses sentiments personnels, d'explorer l'intériorité de
son « moi », elle ne se réduit pourtant pas à cela.
« La poésie est à la fois Musique, Statuaire, Peinture, Éloquence ; elle doit charmer l’oreille,
enchanter l’esprit, représenter les sons, imiter les couleurs, rendre les objets visibles, et
exciter en nous les mouvements qu’il lui plaît d’y produire ; aussi est-elle le seul art
complet, nécessaire, et qui contienne tous les autres »
Ouverture
Nous pourrions montrer, en continuité avec ce que nous avons défendu, que la posture de « l'art
pour l'art », chère à certains poètes, est elle-même le véhicule d'une certaine représentation du
monde...