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SOMMAIRE
Introduction
INTRODUCTION GENERALE
En ce début du XXIème siècle, le monde subit une évolution sous l’effet de forces puissantes
qu’aucun Etat ni même aucun groupe d’Etats, n’a la capacité de maîtriser. « Des sociétés qui
se croyaient naguère complètement autonomes, se savent désormais intimement liées les unes
aux autres. La vie de chacun, d’où qu’il soit, s’inscrit aujourd’hui dans un contexte planétaire.
Il est maintenant admis que les objectifs les plus élevés de l’humanité - paix, justice et
prospérité - ne pourront être atteints qu’au prix d’un effort de plus en plus largement concerté
»1. Coopérer à l’intégration mondiale constitue donc un objectif primordial pour tous les
peuples s’ils veulent être capables de gérer en harmonie les grands changements qui se
produisent à l’échelle du monde.
En effet, un examen des évolutions sur la scène internationale instruit que la tendance dans les
relations économiques n’est point au triomphe des particularismes, mais plutôt au
renforcement des interdépendances. Partout et à des degrés divers, des regroupements à
caractère économique s’opèrent et/ou se consolident. De nos jours, à l’heure où dans les
diverses régions du monde ? bon nombre de sociétés globales se trouvent confrontées à des
difficultés de tous ordres (économique, sociale, politique et culturel), pour de nombreux
acteurs nationaux ou internationaux, l’intégration sous-régionale apparaît de plus en plus
comme une alternative pour de meilleurs lendemains, sinon comme la seule voie de salut pour
tenter de juguler les diverses crises. « On peut affirmer, au vue de l’ampleur des crises qui
secouent les Etats africains qu’aucun d’entre eux, quelles que soient sa taille, sa population et
l’importance de ses ressources naturelles, ne constitue plus en lui-même un cadre
suffisamment approprié de développement »2.
1
B. BOUTROS GHALI.- Message à l’occasion du cinquantenaire de l’ONU.- New York, Secrétariat Général
de L’ONU, 2O Octobre 1994.
2
J. O. IGUE, « Commerce informel et intégration régionale », in Le Courrier, n°142, p.63.
3
Il s’agit de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC), la Communauté
Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), la Communauté Economique des Pays des Grands
Lacs (CEPGL), la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Communauté des
Etats Sahelo-Saharien (CESS), le Marché Commun de l’Afrique de l’Est et du Sud (MCAES, en anglais
COMESA), l’Union du Fleuve Mano (UFM en anglais, MRU), l’Union Economique et Monétaire de l’Afrique
de l’Ouest (UEMOA), l’Union du Maghreb Arabe (UMA), la Zone d’Echanges Préférentiels entre Etats de
l’Afrique de l’Est et de l’Afrique Australe (ZEP), la Conférence du Développement des Etats de l’Afrique
Australe (CDEAA, en anglais SADC).
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illustrer les développements, sur les expériences les plus significatives pratiquées en Afrique
de l’Ouest. En la matière, l’histoire de l’intégration africaine instruit que l’établissement de
ces relations horizontales Sud-Sud s’est accompagné d’une volonté d’approfondir et
d’équilibrer les relations verticales Nord-Sud, particulièrement celles entretenues avec la
Communauté Economique Européenne. Des conventions de Yaoundé à celles de Lomé, il y a
comme une coïncidence dans le temps de ces deux types de relations, une imbrication
dynamique des relations verticales Europe-Afrique et le mouvement horizontal d’intégration
dans les différentes aires régionales en Afrique. Ces relations entrent aujourd’hui dans une
nouvelle ère avec la signature à Cotonou de l’Accord de partenariat ACP-UE. L’étude de
l’intégration en Afrique ne peut ignorer cet aspect.
L’observation des différentes expériences disséminées sur l’ensemble des continents montre
que l’intégration régionale est un concept marqué par les histoires et les spécificités locales,
un concept d’application difficile et aux fortunes diverses. C’est ce que semble confirmer,
entre autres, suivant les cas, les difficultés et les échecs, les avancées et les succès de
l’intégration régionale en Europe de l’Ouest (entre autres les cas de la Communauté
Européenne de Défense (CED), de la Communauté Economique Européenne (CEE) et de
l’Union Européenne (UE)), les tâtonnements et les déboires, les encouragements et les espoirs
de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest (exemples de l’Union Douanière de l’Afrique
de l’Ouest (UDAO), de l’Union Douanière des Etats de l’Afrique de l’Ouest (UDEAO), de la
Communauté Economique de l’Afrique de l’Ouest (CEAO), de la Communauté Economique
Des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de l’Union Monétaire Ouest Africaine
(UMOA) et de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA)). Ce second
constat vient augmenter la complexité de la construction communautaire enjoint d’y investir
la réflexion scientifique en vue d’une meilleure compréhension et maîtrise du phénomène par
les différents acteurs (gouvernés, gouvernants, et responsables des organisations d’intégration
régionale). En effet, force est d’affirmer qu’à l’instar du processus d’intégration européen,
celui en cours en Afrique de l’Ouest ne peut réussir que s’il est accompagné d’une réflexion
scientifique sur ses implications aux plans économique, juridique et social.
Le présent ouvrage est consacré au volet juridique de la question. Il porte sur le droit
communautaire Ouest-africain et s’intéresse, en particulier, aux processus d’intégration de la
CEDEAO et de l’UEMOA. Il se subdivise en trois parties précédées d’un chapitre
préliminaire.
La première partie porte sur le droit institutionnel. La question est abordée à travers l’étude
des schémas institutionnels (architecture institutionnelle et processus décisionnel) des dites
organisations d’une part (Titre I) et l’examen de leurs systèmes juridiques (ordres juridiques
communautaires et justice communautaire) d’autre part (Titre II).
La deuxième partie est consacrée au droit matériel. Elle examine les questions relatives à la
construction du marché (libre circulation des biens et libéralisation des facteurs de
production) en s’intéressant à la CEDEAO (Titre I) et à l’UEMOA (Titre II).
Une délimitation complète de la notion d’intégration régionale passe entre autres par
l’indication des différences ou nuances entre intégration, coopération, fédéralisme et
confédération (A) mais également par la présentation de ses modalités de réalisation (B) et de
la typologie que l’on peut en dresser (C).
Qu'est-ce que l'intégration ? La réponse à pareille interrogation n'est pas aisée. En effet, la
multiplication des disciplines qui recourent à ce mot lui a conféré une grande flexibilité et lui
enlève en même temps de la rigueur. Jadis utilisé que dans les sciences mathématiques, le
terme a peu à peu envahi la philosophie, la psychologie, l'économie politique, etc.
4 e
M. GRAWITZ, "Lexique des sciences sociales", Paris, Dalloz, 1988, 4 éd., p. 215.
5
Ibid..
6
Ibid.
7
Ibid.
8
Ibid.
9
Ibid.
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7
L'intégration nationale ou sociale revêt deux formes essentielles qui sont, selon le degré
d'intégration : la société (a) et la communauté (b).
a)- La Société
La société est un regroupement d’hommes dans lequel les relations sont basées sur l'intérêt et
où continuent de prévaloir un état de tension dû aux intérêts particuliers en concurrence.
b)- La Communauté
10
R. GUILLIEN et J. VINCENT, "Lexique de termes juridiques", Paris, Dalloz, 1995, 10 éd., p. 311.
11
Ch. DEBBASCH et al. "Lexique de politique", Paris, Dalloz, 2001, 7 e éd., p. 117.
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Elle conduit à l'intégration politique qui renvoie à la notion de fédéralisme avec les deux
niveaux du processus fédérateur que sont la confédération et la fédération.
Elle débouche, elle, sur l'intégration économique et c'est elle qui nous intéresse, eu égard à la
référence à la pauvreté et à la question du développement.
Mais s'il fallait risquer une définition, celle proposée par M. Rudolf BYSTRICKY serait la
plus appropriée : « l'intégration constitue l'étape particulière où le processus objectif de
l'internationalisation de la vie économique se combine à un processus subjectif. Ce
phénomène subjectif réside dans la volonté politique des Etats participants de créer de
nouvelles structures économiques et juridiques permettant de régler les problèmes, au nombre
toujours croissant, qui sont insolubles au sein des Etats pris individuellement »12.
Cette définition, par son caractère explicatif, permet de comprendre que l'intégration
économique nait de la nécessité. Ainsi, tant que les Etats Africains auront le sentiment de
pouvoir s'en sortir individuellement, l'intégration africaine ne se réalisera pas, car malgré
l'existence des conditions objectives, il manquera l'essentiel : les conditions subjectives c'est-
à-dire, les sentiments d'interdépendance et de solidarité.
La question posée est celle de savoir comment aller à l’intégration ? Selon quelle démarche
faut-il y aller et avec quelle perspective ? Ces deux questions renvoient aux approches (1) et
aux stratégies de l’intégration (2).
Il existe deux principales approches : l’une constitutionnaliste (a) et l’autre fonctionnaliste (b).
12
R. BYSTRICKY, Le droit de l’intégration économique socialiste, Genève, Institut Universitaire des Hautes
Etudes internationales, 1979, p.9. L’auteur poursuit en précisant que « tandis que l’internationalisation ne touche
que certains éléments des relations économiques (l’échange des marchandises, des services, certaines formes de
coopération industrielle), l’intégration vise à la réglementation presque totale des rapports économiques en vue
de créer une entité économique et juridique unique ». Bien que ressortissant, au premier chef, à la sphère
économique, l’intégration économique résulte d’une véritable volonté politique et entraîne une réglementation
juridique et institutionnelle.
La démarche fonctionnaliste quant à elle, est fondée sur l’idée d’engrenage ou « spill over ».
Elle consiste, à partir d’une base de coopération restreinte à élargir cette base selon le principe
de la boule de neige ou du tourbillon. Cette approche est appelé « approche par adaptation ».
la réalisation à l’intérieur de la zone d’intégration d’un libre échange assis sur la théorie des
avantages comparatifs ;
la mise en place d’un tarif extérieur non protectionniste car l’intégration ne doit pas aboutir à
un isolationnisme.
« Il ne s’agit plus d’insulariser les économies […] par des protections, mais de les amener à
devenir compétitives sur les marchés extérieurs »13. La libéralisation des échanges
commerciaux, couplée à la stratégie d’intégration fondée sur le protectionnisme minimum,
devient le vecteur par excellence de l’intégration14. Ce faisant, la politique de différenciation
ne vise plus à assurer une protection contre les effets pervers du marché international, mais à
préparer l’insertion de la zone d’intégration dans le marché mondial par l’application de la
théorie des avantages comparatifs et des principes libre-échangistes. L’accent est ainsi mis sur
les questions de compétitivité/spécialisation des économies.
Elle consiste en une détermination a priori de la spécialisation des Etats. Une répartition du
marché régional non pas par la règle de l’offre et de la demande mais par une distribution
volontariste. La difficulté, c’est qu’il faut, dans la réussite de la coproduction, une grande
13
P. JACQUEMOT et M. RAFFINOT, La nouvelle politique économique en Afrique, Paris, Edicef/Aupelf,
Universités Francophones, 1993, p.187.
14
P. JACQUEMOT et M. RAFFINOT affirment à ce propos : “ L’intégration africaine n’est plus considérée
comme une “ coalition intracontinentale ”, mais comme un moyen d’assurer l’intégration de l’Afrique au marché
international ”. Au sujet des stratégies d’intégration en Afrique de l’Ouest, les mêmes auteurs recensent quatre
variantes à savoir : la thèse du protectionnisme minimum, l’intégration par la production, l’intégration par les
échanges et enfin l’intégration par les règles. Cf. P. JACQUEMOT et M. RAFFINOT, op. Cit, pp.181-193, plus
particulièrement les pages 188 à 192.
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Elle conduit à la mise en place d’un système à mi-chemin entre le protectionnisme minimal et
la globale production. Elle conduit à une zone d’échange organisée c’est-à-dire, une zone
d’échange préférentiel dans laquelle des mécanismes de péréquation d’ordres économique et
financier visent à corriger les effets pervers des lois du marché et la disparité des niveaux de
développement.
Elle ne constitue pas une intégration en soi mais une stratégie complémentaire en ce qu’elle
consiste à créer un environnement juridique nécessaire à l’intégration à partir du socle de la
« coopération institutionnelle ». En effet, la priorité est mise sur l’environnement
institutionnel et judiciaire (intégration par les règles, autonomie du pouvoir monétaire et
judiciaire vis-à-vis du pouvoir politique national et harmonisation du droit), sur la constitution
d’un espace financier commun grâce à l’uniformisation du droit (des assurances) et d’un
espace commercial (grâce à la réforme fiscalo-douanière)15. C’est donc parallèlement à ces
mesures d’ordre technique que l’intégration est envisagée avec comme pilier essentiel, la
convergence normative et financière.
Initiée par le Comité Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse au Sahel (CILSS) avec l’appui
du Club du Sahel, elle vise à promouvoir la complémentarité des productions agricoles en vue
de l’autosuffisance alimentaire. Il s’agit d’une approche sectorielle reposant sur trois
catégories de produits à savoir : le bétail et la viande, les céréales et les oléagineux. Ce n’est
donc pas une stratégie d’intégration à part entière.
Les critères de différenciation entre ces différents types sont au nombre de trois : le critère de
l’échelle de l'intégration (1), le critère des d’alliances (2) et le critère de l’idéologie qui sous-
tend le processus d’intégration (3).
Ce critère permet de distinguer trois types d’intégrations selon l’échelle retenue : macro-
économique (a), micro-économique (b) et méso-économique (c).
15
Ph. HUGON, “ Régionalisation en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est ”, Afrique Contemporaine,
n°176, 1995, p.96. A ce propos, voir P. GUILLAUMONT et S. GUILLAUMONT JEANNENEY,
“ L’intégration économique : nouvel enjeu pour la zone franc ”, Revue d’économie du développement, 2/1993,
p.86. Voir également M. LELART, “ La zone franc face à Maastricht ”, Revue Tiers-Monde, t. XXXIV, n°136,
octobre - décembre 1993, pp. 881 à 901, ainsi que E. BERG, “ L’intégration économique en Afrique de l’Ouest
- Problèmes et stratégies ”, Revue d’économie du développement, 2, 1993, p. 67.
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Dans ce type d’intégration, les acteurs principaux sont les Etats. Il conduit à une politique
d’intégration volontariste dans laquelle l’Etat joue le rôle primordial. Ce sont donc les Etats
qui vont construire le schéma d’intégration avec comme objectif la réduction de leur
extraversion et l’élévation du niveau d’autonomie collective dans une logique de
l’import/substitution. Ce type d’intégration s’est développé à partir des thèses
mercantilistes16 avec notamment :
Les acteurs principaux de l’intégration sont ici les agents économiques, avec cette idée
fondamentale que le progrès économique naît de l’action des opérateurs économiques plutôt
que de celle des chefs militaires ou politiques. Au plan régional, il ne s’agit pas d’envisager
une politique protectionniste mais plutôt de préparer la zone d’intégration à s’insérer dans le
marché mondial sur la base de la théorie des avantages comparatifs et les principes libre
échangistes.
Appelée aussi intégration par les organismes et associations, elle relève d'une conception
organisationnelle. Il s'agit ici de l'application de l'idée d'engrenage consistant par des règles,
des modes de coordination et des acteurs, de créer une dynamique intégrative par le bas
susceptible d'asseoir des interdépendances durables. Conception néo-fonctionnaliste, elle
privilégie les acteurs collectifs de la société civile : ONG, clubs, associations, etc. L’objectif
est de créer un réseau d’interrelations en vue d’assurer l’enracinement du processus
d’intégration et son irréversibilité par l’élargissement de la base du processus.
Sur la base du critère des alliances, on distingue deux types d’intégrations : l’intégration
fondée sur la théorie des pôles de puissance (a) et celle fondée sur la théorie de la zone de
stabilité (b).
Elle signifie que dans l’intégration, un Etat ou un groupe d’Etats (ex France et Allemagne
dans l’Union Européenne) s’impose par sa puissance économique et devient le pôle de
16
Le mercantilisme très en vogue au XVII et XVIII est profondément inspiré du nationalisme économique. Il
part du principe que l’Etat doit être le cadre et l’acteur principal de l’accumulation des richesses ce en vue
d’asseoir et accroître une production nationale et ainsi réduire la dépendance extérieure.
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12
Elle part de l’idée que l’intégration suppose au départ un certain nombre d’affinités qu’il faut
valoriser et consolider. Les différents Etats partagent des valeurs communes dues à l’histoire,
à la géographie, à la langue etc. Ces valeurs communes constituent des références. Il s’agit de
scruter l’environnement historique, culturel et économique, en vue de rechercher d’utiles
balises et ressorts pour impulser une dynamique nouvelle à la construction de l’intégration
sous-régionale, à partir d’un noyau homogène.
L'intégration socialiste ou intégration par la production relève quant à elle d'une conception
volontariste. Elle est conçue à l'échelle macro-économique et les acteurs principaux sont les
Etats. Le but visé est de réduire l'extraversion vis à vis de l'économie mondiale et de réaliser
une plus grande cohérence de l'appareil productif par des politiques dirigistes et planifiées en
vue d'élever l'autonomie collective de la zone d'intégration. Elle aboutit à une spécialisation
des Etats membres par une division systématique du travail. D'où le recours à la co-
production avec le système des pôles de développement et à la logique de substitution à
importation par une politique protectionniste et la mise en place de mécanismes de
redistribution.
L'intégration capitaliste ou intégration par les échanges relève d'une conception libérale.
L'intégration à ce niveau s'analyse comme une opération de soustraction s'identifiant à
l'élimination des entraves à la circulation des marchandises. La libéralisation des échanges
commerciaux est le vecteur essentiel et par excellence de l'intégration économique. La
mondialisation est l’aboutissement d’une telle approche.
Les agents de l'intégration, ce sont les opérateurs économiques et celle-ci est envisagée à
l'échelle micro-économique, les Etats n'intervenant qu'a posteriori pour arbitrer le jeu de la
concurrence. L'objectif étant de créer à terme un marché unique. En tant que processus,
l'intégration par le marché présente plusieurs stades que l’on détaillera postérieurement.
Mais, par delà les spécificités de chacun des types, il est possible de dégager trois
caractéristiques communes à toute forme d'intégration à savoir que toute intégration repose
sur :
Tels sont les éléments de précision qui étaient nécessaires pour comprendre le concept
d’intégration. Allons plus avant dans les préalables conceptuels pour aborder les outils
d’analyse du phénomène.
L’objectif poursuivi est de se familiariser avec les notions fondamentales, tant en ce qui
concerne les formes d’intégration (A) qu’en matière de libre circulation des biens (B) et des
personnes (C), afin de mieux appréhender la stratégie de libéralisation de l’UEMOA et de la
CEDEAO.
Il existe plusieurs niveaux d'intégration des marchés ; nous en distinguons six ; par ordre
croissant, on a : la zone de préférences douanières, la zone de libre échange, l'union
douanière, le marché commun, l'union économique et enfin l'intégration économique. Une
classification de ces différentes formes permet de retenir deux catégories : les arrangements à
caractère éminemment commercial ou douanier (1) et ceux à caractère essentiellement
économique (2).
Ils regroupent trois formes principales selon de degré d’élimination des droits de douane et
d’organisation des échanges avec les Etats tiers. Il s’agit de la zone de préférences douanières
ou zone d’échanges préférentiels (a), de la zone de libre échange (b) et de l’Union douanière
(c).
Elle correspond à la zone dans laquelle est assurée l'abolition des droits de douane et des
barrières non tarifaires entre pays membres avec toutefois une indépendance des politiques
tarifaires extérieures. Cette situation engendre cependant quelques difficultés. En effet,
compte tenu de l'inexistence d'un tarif extérieur commun, un pays A peut importer en
franchise de douane (ou à des taux faibles) un produit d'un pays tiers C et l'écouler librement
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14
sur le marché du pays B avec lequel il est intégré dans la zone de libre échange. Ainsi, le pays
B pourrait se voir lésé, soit parce qu'il subit des moins-values douanières, soit parce qu'il
mène une politique d'import-substitution. La solution à ce problème est l'instauration des
certificats d'origine sur les produits en circulation dans la zone, ce qui n'empêche pas l'usage
de pratiques frauduleuses et les lourdeurs au niveau des administrations douanières. C'est la
principale raison qui a conduit à la mise en place de l'union douanière.
L'union douanière est une zone de libre échange accompagné d'un tarif extérieur commun.
Elle implique que trois conditions soient remplies : le libre échange en faveur des produits
originaires, l’établissement d’un tarif extérieur commun dans les échanges avec les Etats tiers
et l’effectivité de la libre pratique pour les produits tiers ayant acquitté le TEC. Il s’en suit que
tous les Etats membres d'une union douanière renonce donc à leur souveraineté en matière de
politique douanière ce qui a pour conséquence de transformer la zone d’intégration en un
espace douanier unique comme celui d’un Etat pris individuellement. Mais les droits de
douane ne constituent pas le seul obstacle au développement des échanges commerciaux. Des
entraves à la libre circulation des produits peuvent subsister après l'annulation des tarifs
douaniers. Le remède à ce problème se trouve en partie dans l'harmonisation des politiques.
Ils regroupent trois autres formes que sont : le marché commun (a), l’union économique (b) et
l’intégration économique (c).
Le marché commun correspond à l'union douanière avec toutefois une libre circulation des
facteurs de production (main d'œuvre et capital) à l'intérieur de la communauté. A ce niveau,
on a dépassé le stade d'une simple intégration commerciale pour aborder le début d'une
intégration économique. Mais cela ne suffit pas, car il existe encore des facteurs économiques
capables de fausser le jeu de la concurrence. En effet, pour diverses raisons, un pays peut
octroyer des avantages fiscaux ou monétaires à ses entreprises. Il en résultera alors une baisse
des coûts de production pour ces entreprises et une amélioration de leur niveau de
compétitivité. Dans ces conditions de faveurs, un tel pays pourrait devenir un pôle d'attraction
au détriment des autres pays de la communauté qui n'appliquent pas une politique similaire.
C'est pour éviter de telles pratiques que des efforts doivent être entrepris en vue d'harmoniser
les politiques économiques intérieures des pays membres, notamment dans les domaines
fiscal et monétaire. L'union économique constitue une réponse à cette préoccupation.
L'union économique est égale au marché commun, plus harmonisation des politiques
économique, financière et sociale. Une distinction doit être cependant faite entre l'union
économique et l'union monétaire. L'existence de l'une n'entraîne pas automatiquement celle de
l'autre. On peut avoir des unions monétaires sans unions économiques ; c'est l'exemple de
l'UMOA formée par les Etats Ouest-africains de la zone franc. De même, il existe des cas
d'unions économiques sans unions monétaires. On retiendra, dans ce dernier cas, l'exemple de
la Communauté Européenne où le marché unique a précédé l'union monétaire entrée en
vigueur depuis le 1er janvier 1999.
La mise en place d’une union douanière impose deux tâches immédiates et séquentielles : le
libre échange intérieur et la différenciation de l’espace commercial régional. Il s’agit d’une
part, de l’application effective du principe de liberté consistant en la suppression des
différents obstacles tarifaires et non tarifaires (droits de douane et des restrictions
quantitatives) dans les échanges intra-communautaires - volet interne de la libéralisation des
échanges -, et d’autre part, de la différenciation de l’espace commercial régional par
l’établissement d’un Tarif Extérieur Commun (TEC) ou Tarif Douanier Commun (TDC) qui
constitue le versant externe de la libre circulation des biens et qui concerne les échanges avec
l’extérieur de la zone d’intégration. Ce sont les notions touchant à ces différents aspects de la
libre circulation des biens qu’il convient maintenant d’envisager. Mais avant, il y a lieu de
préciser que la notion de bien ici sera entendue au sens de marchandises c’est-à-dire, « tous
biens appréciables en argent et susceptibles, comme tels, d’être l’objet de transactions
commerciales »17.
Cet aspect de libre circulation implique d’une part, la suppression des droits de douane et des
taxes d’effet équivalent et d’autre part, l’élimination des restrictions quantitatives et des
mesures d’effet équivalent. En d’autres termes, il touche aux mesures tarifaires et non
tarifaires.
Il s’agit des droits de douane et des taxes d’effet équivalent. D’ailleurs le traité de la
CEDEAO comme celui de l’UEMOA associent les deux expressions18. Que recouvrent-t-
elles ?
Par droit de douane, il faut entendre « non seulement les droits de douane au sens technique et
traditionnel du terme c’est-à-dire les droits visant à protéger une marchandise nationale et
frappant exclusivement les produits importés, mais également les droits de douane à caractère
fiscal à savoir ceux qui s’appliquent aux produits importés [...] et visant essentiellement à
17
Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE), 10 déc.1968, Aff.7/68, Commission c/ Italie, Rec.,
1968, p.617.
18
Cf. articles 35 et 36 du traité de la CEDEAO, articles 76 et 77 du traité de 1'UEMOA.
Cours de droit communautaire
16
procurer des recettes fiscales aux autorités publiques »19. Les droits de douane sont donc des
charges pécuniaires frappant les produits lors du franchissement de la frontière d’un Etat. Ces
droits habituellement calculés à partir de la valeur en douane de la marchandise peuvent,
exceptionnellement, l’être sur la base d’une unité de mesure, de poids ou de capacité. Dans le
premier cas, on parle de « droits ad valorem », dans le second, de « droits spécifiques ». Ainsi
les « droits de douane » sont les taxes auxquelles sont soumises les marchandises à
l’importation et à l’exportation. Ils sont dits fiscaux lorsqu’ils ont pour objet uniquement
d’être une source de revenus pour le Trésor. Ils sont dits de protection quand à l’entrée
(importation), ils protègent le producteur ou quand à la sortie (exportation), ils ont pour
vocation de protéger le consommateur20. D’où le recours habituel à l’expression « droits de
porte ». Dans le but de réaliser la liberté de circulation des biens, « ces droits sont interdits
indépendamment du but en vue duquel ils ont été institués ainsi que de la destination des
recettes qu’ils procurent. La justification de cette interdiction réside dans l’entrave que des
charges pécuniaires, fussent-elles minimes, appliquées en raison du franchissement des
frontières, constituent pour la circulation des marchandises »21.
La notion de taxe d’effet équivalent, quant à elle, est l’abréviation d’une expression bien plus
longue puisqu’il s’agit de rendre compte des « taxe d’effet équivalent à un droit de douane ».
Elle désigne « toute charge pécuniaire, autre qu’un droit de douane, unilatéralement imposée
quelle qu’en soit la dénomination, le montant et le moment de l’exigibilité ou de la perception
dès lors qu’elle frappe un produit franchissant une frontière de l’Union »22. Il s’agit par cette
prohibition d’empêcher que par des moyens détournés, les Etats ne réinstaurent des droits de
douane déguisés aux fins de pallier la perte de recettes découlant de la libéralisation des
échanges. « La notion de taxes d’effet équivalent marque donc le dessein de prohiber les
mesures revêtues de la forme douanière, mais aussi toutes celles qui, présentées sous d’autres
appellations ou introduites par le biais d’autres procédés, aboutiraient aux mêmes résultats
discriminatoires ou protecteurs que les droits de douane »23.
Au-delà de l’interdiction de percevoir des droits de douane ou des taxes d’effet équivalent, la
liberté de circulation des biens dans son volet interne implique en outre l’interdiction des
mesures non tarifaires.
19
G. VANDERSANDEN cité par F. HAUTEFENNE et S. A.COULIBALY, « La libre circulation des biens
dans le cadre de l’UEMOA », Ouagadougou, CEEI, 1997, p.7.
20
J-B. LANSOMDE, L’élimination des barrières tarifaires au sein des États membres de la Communauté
Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) : Utopie ou possibilité ?, Mémoire pour l’obtention du
diplôme de l’ENA de Lomé (Togo), promotion 1989-1992, s.d. doc, dact.
21
S. V. M. RAYAISSE, Schémas de libéralisation des échanges dans le cadre de l’UEMOA et de la
CEDEAO : approche comparative, mémoire de fin d’étude du cycle supérieur , 7 ème session des élèves
inspecteurs des douanes, année 1997-1998, p.13.
22
C.J.C.E., 1er juillet 1969, Aff. 24/68, Commission c/ Italie, Rec., 1969, p.193 et s.. De plus à titre d’exemple,
ont fait l’objet d’une interdiction, certains droits de statistique et certaines taxes en matière de contrôle
phytosanitaire : C.J.C.E., 8 juillet 1975, Aff. 4/75, Rec ., 1975, p.843.
23
S. V. M. RAYAISSE, op. Cit. p.13.
Cours de droit communautaire
17
Les obstacles non tarifaires à lever sont de deux ordres : il s’agit des restrictions quantitatives
(prohibition et contingentement) et les mesures d’effet équivalent. Les Traités CEDEAO et
UEMOA en aménagent la suppression24.
Les restrictions quantitatives « sont des limitations quantitatives aux importations ou aux
exportations c’est-à-dire toutes mesures aptes à entraver les échanges intra-
communautaires »25. Sont donc visées toutes dispositions législatives, réglementaires et
administratives, toutes pratiques administratives ainsi que tous actes émanant d’une autorité
publique. Il s’agit particulièrement des mesures de commercialisation des produits, portant
notamment sur la forme, le poids, le conditionnement, etc., applicables indistinctement aux
produits nationaux et aux produits importés, dont les effets respectifs sur la libre circulation
des marchandises dépassent le cadre des effets propres d’une réglementation du commerce26.
C’est dire qu’elles correspondent à des limitations quantitatives aux importations ou aux
exportations et constituent de ce fait des entraves à l’importation et à l’exportation même si
elles s’appliquent indistinctement aux produits nationaux.
Tout comme l’expression taxe d’effet équivalent, celle de mesure d’effet équivalent, est une
abréviation de « mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative ». De même, à l’instar
de la notion de taxes d’effet équivalent, celle de mesures d’effet équivalent est d’origine
jurisprudentielle. Elles sont, en effet, définies par la Cour de Luxembourg comme « toute
réglementation commerciale entre les États membres susceptibles d’entraver directement ou
indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intra-communautaire »27 Il
ressort de la jurisprudence de la Cour ainsi citée que trois critères principaux sont retenus dans
la détermination d’une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative. Il s’agit de
l’origine du produit, du caractère public de la mesure et de l’aptitude de la mesure à entraver
les échanges.
Il s’agit sous cette rubrique de faire connaissance avec les notions liées à la politique
commerciale qui a notamment pour objet de s’occuper des relations avec les États- tiers. Ce
volet externe se matérialise essentiellement par l’établissement d’un TEC ou TDC. La notion
24
Articles 35 et 36 du Traité CEDEAO et 76 et 77 du Traité de l’UEMOA
25
S. V. M. RAYAISSE, op. Cit. p.14.
26
S. V. M. RAYAISSE, Ibid.
27
C.J.C.E, 11 juillet 1974, Aff. 8/74, Rec., 1974, p.837. A titre d’exemple, ont fait l’objet d’une interdiction
certaines formalités imposées à l’importation (licence, visa technique, certificat d’origine). Sont également
visées les réglementations relatives aux produits ou à leurs emballages : C.J.C.E., 13 mars 1984, Aff., 16/83,
Rec., 1984, p. 1299. Ou encore certaines mesures imposant un régime de prix minima : C.J.C.E. 24 janvier 1978,
aff. , 82/77, Rec. , 1978, p. 25. De la jurisprudence de la Cour on peut retenir trois critères principaux à la
détermination d’une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative. Il s’agit de l’origine du produit, du
caractère public de la mesure et de l’aptitude de la mesure à entraver les échanges.
de TEC est l’objet d’une définition téléologique. Ainsi l’objectif poursuivi à travers
l’établissement d’un TEC est l’harmonisation et à terme l’uniformisation des droits et taxes
d’entrée dans tous les Etats parties au processus d’intégration à l’égard des biens provenant de
pays tiers ce afin d’éviter les détournements de trafic et de garantir une application uniforme
des droits de porte. C’est là la fonction de différenciation du TEC dont la mise en œuvre
aboutit à la transformation de l’aire géographique des Etats membres en une seule et même
zone commerciale vis à vis du reste du monde. Mais, à cette fonction de différenciation
s’ajoute une seconde de libéralisation qui s’inscrit dans l’optique libre échangiste du
commerce mondial. Le TEC, pour répondre aux exigences de l’Accord Général sur les Tarifs
Douaniers et le Commerce (GATT ) ne doit pas constituer une entrave au commerce avec les
Etats non membres du fait de la manipulation à la hausse des droits de porte. Ce qui veut dire
que les taux retenus dans la fixation du TEC doivent être inférieurs à ceux pratiqués
auparavant par les Etats.
Après avoir ainsi fait le tour28 des notions fondamentales en matière de libre circulation des
biens, il convient de s’intéresser à celles touchant à la libre circulation des personnes.
La libre circulation des personnes est un terme générique, englobant, qui recouvre en réalité
plusieurs libertés se traduisant pour ceux qui en bénéficient de la reconnaissance de différents
droits : le droit d’entrée, le droit de résidence et le droit d’établissement. Précisons ces trois
concepts.
Il désigne l’accès au territoire national d’un Etat donné par un étranger. La souveraineté des
Etats, pierre angulaire du droit international contemporain, reconnaît à l’Etat un pouvoir
discrétionnaire en ce qui concerne l’accès à son territoire. Cela se traduit concrètement par
l’exigence d’un visa d’entrée aux fins de contrôle de l’immigration. C’est la suppression de
cette obligation d’obtention préalable du visa d’entrée qui fonde le droit d’entrée. Ainsi, celui-
ci se présente comme le pas initial et indispensable dans la mise en œuvre de la libre
circulation des personnes car il conditionne l’expression, l’épanouissement et l’effectivité des
autres droits (résidence et établissement). Ainsi, un ressortissant burkinabè ne peut exercer
son droit de résidence ou d’établissement en Guinée Bissau que s’il a été autorisé à entrer sur
le territoire Bissau Guinéen. Elle constitue donc une condition nécessaire mais non suffisante
à la liberté de circulation.
Il signifie le droit de séjourner dans un Etat autre que celui dont on a la nationalité en vue de
rechercher un emploi salarié et d’exercer un tel emploi. Il signifie fondamentalement le droit
28
On aurait pu en illustration du principe d’égalité, faire référence aux notions de clause de sauvegarde, de
dumping ou d’abus de position dominante
Cours de droit communautaire
19
au travail salarié pour les étrangers dans les mêmes conditions que les nationaux. En effet,
pour donner toute sa pleine mesure, le droit de résidence suppose l’assimilation du travailleur
étranger au national tant dans la recherche que l’exercice d’un emploi. L’assimilation dans la
recherche d’un emploi signifie qu’un burkinabè recherchant un emploi au Mali – ou dans un
autre pays de I’UEMOA ou de la CEDEAO – ne peut se voir opposer un refus au motif qu’il
s’agit d’un emploi réservé aux maliens. En ce qui concerne l’exercice d’un emploi,
l’assimilation signifie l’égalité de traitement avec les nationaux pour le salaire, le
licenciement, la formation professionnelle et le réemploi si le travailleur est au chômage. Les
restrictions au droit au travail salarié sont identiques dans la CEDEAO et l’UEMOA. Il s’agit
des exceptions fondées sur des motifs de sécurité, de santé ou d’ordre public et des emplois
dans la fonction publique. En dernière instance, l’effectivité du droit de résidence conduit à la
régionalisation du marché du travail.
3°)-Droit d’établissement
Le droit d’établissement désigne l’accès aux activités non salariées de même que leur exercice
d’une part, la constitution et la gestion d’entreprises d’autre part. La première hypothèse
recouvre par exemple le cas d’un Burkinabè qui de manière permanente voudrait devenir
commerçant en Côte d’Ivoire ou réciproquement un Ivoirien qui, par exemple, voudrait ouvrir
un garage à Ouagadougou. La deuxième hypothèse – constitution et gestion d’entreprises –
vise principalement la constitution par des étrangers de sociétés commerciales. C’est par
exemple le cas d’Ivoiriens qui veulent constituer une société commerciale au Burkina pour
fabriquer ou vendre des produits industriels. Le principe en ce qui concerne le droit
d’établissement est le même que pour ce qui concerne le droit de résidence : l’égalité de
traitement avec les nationaux. Cela implique que les ressortissants du Burkina désirant
devenir commerçants en Côte d’Ivoire ne peuvent, en ce qui concerne l’accès à la profession
de commerçant et l’exercice de la dite profession, être soumis à aucune discrimination
formelle (prévue par les textes) ou de fait (pratique administrative). Les exceptions au droit
d’établissement sont les mêmes que celles prévues pour le droit au travail salarié : ordre, santé
et sécurité publics et activités participant à l’exercice de la souveraineté étatique.
Tels sont les éléments de précision qui étaient nécessaires pour sonder et comprendre les
enjeux et cadres normatifs mis en place par les projets d’intégration de l’UEMOA et de la
CEDEAO et qu’il convient à présent d’appréhender
Faire de l’intégration régionale, c’est mettre en route un processus par lequel un ensemble de
pays et d’Etats se rassemblent en créant une organisation commune chargée de prendre des
décisions et d’agir dans certains domaines, notamment dans le domaine économique, à la
place des Etats membres, afin de parvenir à un plus grand développement en vertu de l’adage
selon lequel « l’union fait la force ». Il s’agira à cet égard, d’adopter un ensemble de règles
obligatoires concourant à l’atteinte d’un tel objectif, un ensemble de prescriptions, de normes
de conduite que l’on appelle justement droit communautaire, un droit sécrété dans le cadre des
processus d’intégration régionale. Ainsi, le droit communautaire, aussi appelé « droit de
l’intégration », peut être sommairement défini comme l’ensemble des règles juridiques
édictées dans le cadre d’un processus d’intégration régionale conduisant à la mise en place
d’une organisation supranationale.
Cours de droit communautaire
20
Il ressort de cette définition que le droit communautaire émane d’une organisation inter-
gouvernementale d’intégration (§.1) mais il présente des spécificités qui le distinguent du
droit international général ou classique (§.2).
Une définition organique du droit communautaire laisse entrevoir ce dernier comme le droit
produit par les organisations inter-gouvernementales d’intégration. L’Organisation Inter-
Gouvernementale (OIG) aussi communément appelée organisation internationale est « une
association d’Etats constituée par un traité, dotée d’un statut et d’organes et possédant une
personnalité distincte de celle de ses Etats membres »30. C’est dire qu’il s’agit d’un
groupement permanent d’Etats doté d’organes destinés à exprimer, sur des matières d’intérêt
commun, une volonté distincte de celles des Etats membres. La principale caractéristique de
cette structure réside dans le fait qu’elle est dotée d’une possibilité d’action autonome en ce
qu’elle possède une personnalité juridique distincte de celle de ses Etats membres et des
compétences propres. Ce faisant, et parce qu’il émane d’OIG, le droit communautaire porte
les caractéristiques du droit des OIG dans les dimensions relatives à la personnalité juridique
(A) et aux compétences (B)
Les OIG sont avant tout la projection du système international qui les a produits, système
dominé par les Etats. C’est fort de ce constat quant à leur origine que les Etats-Unis et une
partie de la doctrine ont pendant longtemps marqué leur réserve quant à la reconnaissance aux
OIG de la personnalité morale. La crainte était de voir ces OIG, si elles étaient dotées de la
personnalité morale, devenir des ‘’super Etats’’ et par voie de conséquence, menacer la
souveraineté des Etats. Ces craintes étaient infondées et reposaient sur une confusion entre les
notions de souveraineté et de personnalité juridique. Les deux notions sont différentes à bien
des égards :
la personnalité juridique est une capacité à être titulaire de droits et devoirs tandis que la
souveraineté est un pouvoir de droit originaire et suprême ;
la personnalité juridique est un concept strictement juridique alors que la souveraineté est
d’essence politique avant d’être juridique ;
la personnalité juridique se fonde sur un acte juridique tandis que la souveraineté repose sur
un fait juridique;
la personnalité juridique qui renvoie à l’idée de capacité est susceptible de modulation alors
que la souveraineté est indivisible, incompressible et irrésistible.
La capacité est sujette à des variations ou à des degrés. C’est donc sur cette compréhension
que repose la personnalité juridique des OIG. Comme le souligne la Cour Internationale de
Justice (CIJ) dans avis sur la réparation des dommages subis au service des Nations Unies
29
Pour plus de détails sur la question des organisations internationales Voir, P. DAILLER et A. PELLET, Droit
international public, Paris, LGDJ, 7ème édition, 2002, pp.573-642.
30
Ch EUZET, Relations internationales, Paris, Ellipses, 2004, p.63.
Cours de droit communautaire
21
(NU) (11 avril 1949) « les sujets de droit dans un système juridique, ne sont nécessairement
identiques quant à la nature ou l’étendu de leurs droits ». C’est l’existence d’une articulation
dialectique entre les Etats et les OIG qu’ils engendrent qui permet aux OIG, grâce au principe
de rétroaction, de bénéficier d’une personnalité autonome.
Mais même en l’absence de reconnaissance expresse par l’acte constitutif, il existe une
présomption de personnalité juridique internationale au bénéfice des OIG ainsi que l’a affirmé
la jurisprudence de la CIJ dans l’avis consultatif du 11 avril 1949 sur la réparation des
dommages subis au service des Nations Unies. Cette personnalité juridique de l’OIG est
mineure et dérivée. Cela veut dire que l’OIG ne peut, sous peine d’excès de pouvoir, exercer
ses capacités juridiques que dans la limite des buts fixés par la charte constitutive et pour leur
réalisation. C’est là l’application du principe de spécialité qui veut que l’OIG n’ait que les
compétences qui lui sont nécessaires pour accomplir la mission que lui assigne son acte
constitutif alors que l’Etat, lui, se fixe lui-même ses propres buts. Ce faisant, la personnalité
juridique des OIG présente un caractère fonctionnel indéniable.
Mais la reconnaissance des personnalités juridiques internes et internationales n’a de sens que
si elle s’accompagne de compétences propres à l’OIG.
Les OIG d’intégration sont soumises aux règles du droit des organisations internationales
afférentes à la question de leurs compétences. Mais avant d’investir la question des
compétences des OIG, il importe d’éclairer l’analyse en précisant certaines notions. Sont de
celles-là les notions de fonction et de compétences.
Les fonctions d’une OIG sont les finalités de l’activité de cette dernière : fonction de
coopération et d’intégration. Les compétences, par contre, sont les pouvoirs juridiques
reconnus à l’OIG pour la réalisation de ses fonctions prioritaires. C’est dire que l’importance
des fonctions commande le degré de compétence et qu’en retour, des compétences étendues
suggèrent des fonctions primordiales.
Voilà pourquoi en matière de compétence des OIG, c’est le règne du principe d’attribution ou
principe de spécialité, principe qui insiste sur le fait que les OIG sont des moyens mis à la
disposition des Etats pour la poursuite d’un but d’intérêt général. « Le principe d’attribution
des pouvoirs constitue la traduction du principe de spécialité des organisations internationales
et connu sous l’appellation de compétences fonctionnelles. Le spectre des domaines attribués
peut être plus ou moins large mais on ne peut en aucune manière se retrouver dans la situation
d’un champ d’action théoriquement illimité comme dans l’Etat unitaire »31. Il en découle que
les compétences des OIG sont appréciées en fonction d’exigences fonctionnelles.
Ces compétences sont le plus souvent explicites, car définies dans et par la charte constitutive.
Mais depuis le riche et célèbre avis de la CIJ du 11 avril 1949, ces compétences ne se limitent
plus à celles expressément déterminées par l’acte constitutif. La CIJ a reconnu aux OIG des
compétences implicites. Théorie née aux USA grâce au juge Marshall dans l’affaire Mc
Culloc V Maryland de 1819 à propos de la répartition des compétences entre le gouvernement
31
P. MEYER, « Le champ d’application du droit communautaire UEMOA », in Centre d’études européennes et
de l’intégration (C.E.E.I.), Séminaire d’initiation au droit communautaire (Cahier du Participant), Ouagadougou,
25-29 juin 2001, document dactylographié, module 4, p. 4, note 1.
Cours de droit communautaire
22
fédéral et les Etats fédérés. Dans cette affaire, le juge Marshall avait reconnu à la Fédération
le droit d’adopter des actes non expressément autorisés par la Constitution pourvu que leurs
fins soient légitimes, compatibles et conformes à la lettre et à l’esprit de la Constitution et
enfin appropriées à la réalisation des buts visés. Cette théorie fut reprise par la Cour
Permanente de Justice Internationale (CPJI) dans son avis du 23 juillet 1926 concernant la
compétence de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) pour règlementer
accessoirement le travail personnel du patron. La CIJ devait lui emboîter le pas dans son avis
de 1949 et plusieurs fois depuis lors. C’est dans la même mouvance que l’inscrit l’arrêt de la
Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) dans l’affaire commission C/Conseil
ATER du 31 mars 1971.
Il ressort de ces développements, que la théorie des compétences implicites a été le fait des
juges dans leur recherche d’une vision objective des fonctions et partant, des compétences des
OIG. L’idée de manière triviale est la suivante : il doit y avoir une proportionnalité entre les
missions et les compétences car, on ne peut assigner des missions à une structure et lui refuser
dans le même temps les moyens pour les réaliser. C’est dire que la théorie des compétences
implicites accroît l’autonomie relative des OIG32.
Les compétences normatives ont trait aux actes normatifs directement imputables à l’OIG et
relevant du droit dérivé ou institué, différent du droit originaire ou initial. De par ces
compétences normatives, l’OIG se voit reconnaître non seulement un pourvoir règlementaire
interne ou d’autorégulation (adoption des règlements intérieur à l’organisation, gestion des
locaux du siège, politique salariale et statut des agents etc.) et un pouvoir règlementaire
externe qui lui, se manifeste à l’égard des Etats. Un tel pouvoir règlementaire externe est peu
fréquent dans les organisations de coopération plus respectueuses de la souveraineté des Etats.
Il en va autrement dans les organisations d’intégration où, du fait de la supranationalité, le
droit communautaire est directement applicable dans les différents ordres nationaux. C’est
ainsi le cas dans la CEDEAO, l’UEMOA, la CEMAC, l’OHADA, l’UE où des dispositions
32
Si la jurisprudence semble avoir fait sienne la théorie des compétences implicites, la doctrine quant à elle n’est
pas unanime à reconnaître l’existence de telles compétences ou pouvoirs. C’est ainsi que pour F. DEMICHEL :
« contrairement à la théorie développé par de nombreux juristes classiques (à travers la reconnaissance de
pouvoirs implicite aux organes des organisations internationales, justifiés selon eux par les « lacunes » des textes
constitutif) les organisations internationales, n’ont pas de compétences qui ne reposent sur la volonté explicite
des Etats qui en sont membres. Ainsi elles ne disposent pas de pouvoirs « gouvernementaux », mais de
compétences spécialisées, mises en œuvre par des organes subordonnés. C’est ce qu’on a pu appeler la
« transparence » des organisations internationales ». Cette affirmation souligne le caractère dérivé et limité des
compétences des OIG.
du droit primaire permettent à l’organisation de prendre des actes qui s’imposent aux Etats
(règlements, directives, décisions, actes uniformes)33.
- la participation sur le terrain à la résolution des différends (casques bleu ONU, casques
blanc de l’ECOMOG-CEDEAO) ;
Ces compétences opératoires débordent ce seul cadre pour prévoir et reconnaître un pouvoir
de sanction34. Mais ce pouvoir de sanction s’il se manifeste à travers l’organisation ne reste
pas moins le fruit d’une coalition politique d’intérêts. En effet, il convient de ne pas perdre de
vue que les Etats, en créant l’OIG et en la dotant de prérogatives plus ou moins étendues,
n’ont pas entendu abdiquer leurs prérogatives souveraines. C’est sur l’équilibre entre la
souveraineté et l’autonomie que les OIG peuvent se réaliser en tant que sujets actifs du droit
international.
Il ressort des développements qui précèdent que l’étendue du champ d’application rationae
materiae ainsi que les caractéristiques du droit communautaire sont essentiellement
déterminés par la charte constitutive de l’organisation. Cependant, le droit communautaire ne
s’identifie pas au droit international classique.
La supranationalité relève du pouvoir externe des OIG et notamment la capacité donnée à ces
dernières de soumettre ou plutôt de lier les Etats par leurs décisions parce que ces derniers,
dans la charte constitutive, ont délégué à l’OIG certaines de leurs prérogatives souveraines
aux fins de réaliser les fonctions qui lui sont assignées. La supranationalité a un caractère
33
Ce pouvoir règlementaire externe se rencontre aussi dans les organisations techniques. C’est le cas à l’OACI
(article 54.1), à l’OMS (article 21) et à la FAO avec l’existence du codex alimentaire. Cependant dans ces
derniers cas, les Etats gardent la possibilité d’émettre des réserves et peuvent même refuser de se plier à ces
règles.
34
Exemples : suspension des services fournis par l’organisation – article XXIII sect. 2 des statuts du FMI ;
suspension du droit de vote – articles 13 de la Charte de l’ONU, 13 de la Constitution de l’OIT et 28 du Traité
constitutif de l’OACI.
35
D. SIMON, « Les fondements de l'autonomie du droit communautaire », in Droit international et Droit
communautaire, Perspectives actuelles, actes du colloque de la SFDI 1999, Paris, Ed. A. Pedone 2000, 448p.
fonctionnel. Elle doit être analysée comme une capacité, nullement un pouvoir propre des
OIG d’intégration.
Il ressort de ces définitions que la notion de supranationalité repose sur trois critères
fondamentaux :
le critère du mode de relations entre ordres juridiques : applicabilité immédiate et effet direct ;
L’organisation supranationale dans le processus fédérateur par association dont elle relève se
situe entre la confédération et la fédération. Les Etats membres demeurent des sujets de droit
international, mais les prérogatives reconnues à la collectivité composée dépassent celles
d’une entité confédérale, situation de la plupart des OIG. Ce qui a fait dire à Robert
SCHUMAN : « le supranational se situe à égale distance entre, d’une part, l’individualisme
international, qui considère comme intangible la souveraineté nationale et n’accepte comme
limitations de la souveraineté que des obligations contractuelles, occasionnelles et
révocables ; d’autre part, le fédéralisme d’Etats qui se subordonnent à un super- Etat doté
d’une souveraineté territoriale propre. L’institution supranationale, telle que notre
Communauté, […] ne possède pas les caractéristiques d’un Etat ; mais elle détient et exerce
certains pouvoirs souverains »38.
36
P. MEYER, « les confits de juridictions dans l’espace OHADA, UEMOA, CEDEAO » in Sensibilisation au
droit communautaire de l’UEMOA, Actes du séminaire sous-régional, Ouagadougou, 6 – 10 octobre 2003,
p.177.
37
F. TERRE, Introduction générale au droit, Dalloz, 5 e éd., 2000, n° 189.
38
R. SHUMAN cité in « L’union européenne : une organisation supranationale », Le TAURILLON,
http://www.taurillon.org/L-Union-europeenne-une.
Cours de droit communautaire
25
Il ressort de ce qui précède que les organisations de ce type se voient attribuer des pouvoirs de
type étatique qu’elles exercent en lieu et place des organes étatiques sur le territoire des Etats
et sur les personnes qui s’y trouvent. Ainsi, l’exclusivisme territorial, noyau dur de la
souveraineté vole littéralement en éclat sous l’action des organisations supranationales.
L’OIG est un champ clos de rivalités entre entités hégémoniques parce que souveraines. De ce
point de vue, elle se présente comme un consensus hémogénique réalisé à un moment donné
pour l’exécution d’une tâche précise. C’est donc dire que composées d’Etats souverains
juridiquement égaux, les OIG ne peuvent fonctionner que conformément au principe d’égalité
des Etats, principe qui appelle le mode unanimitaire de décision. Le principe du vote à
l’unanimité est le plus pratiqué au sein des OIG. Cependant, dans certains cas, par souci de
démocratie ou d’opportunité, il lui est préféré le vote à la majorité.
L’unanimité apparaît comme le seul mode de décision qui soit compatible avec l’égalité
souveraine des Etats39. En effet, la règle de l’unanimité a pour avantage de préserver la
souveraineté des Etats, de faciliter leur participation à l’organisation, et l’application des
textes et résolutions adoptés. Mais les inconvénients qu’elle présente semblent plus
nombreux. L’application de l’unanimité a pour conséquence de doter chaque Etat d’un droit
de veto. De ce point de vue, il affiche une grande rigidité et rend pratiquement impossible
l’adoption de décision très importante ou de textes vigoureux dans les OIG à vocation
universelle. Contraignante, elle est source d’immobilisme et de blocage parce qu’elle rend
paradoxalement la minorité prépondérante et suprême. Ce qui ne peut qu’exacerber les
particularismes au détriment de l’intérêt général. Le recours à l’unanimité participe de ce
courant de pensée qui ne voit en l’OIG qu’un simple instrument préalablement programmé,
qui, comme un automate, doit exécuter sans état d’âme les instructions qui lui sont données.
Or, l’OIG est une personne morale et a, de ce fait, droit à une existence propre. Le
fonctionnement des OIG s’accommode mal du vote unanimitaire ; voilà pourquoi il est de
plus en plus écarté au profit de vote majoritaire
39
C’est en tout cas la conception qui a prévalu jusqu’en 1945. C’est ainsi que dans la Société Des Nations
(SDN), l’article 5 du pacte imposait l’unanimité pour la prise des décisions au sein de l’Assemblée et du
Conseil.
Cours de droit communautaire
26
l’exigence d’une majorité qualifiée ou élargie (majorité de 2/3 – 3/5) : c’est la majorité
requise pour l’adoption des questions importantes au sein de l’Assemblée Générale des
Nations Unies40 ;
le droit de veto accordé à certains Etats sur la base du principe d’isomorphisme : c’est le cas
du Conseil de Sécurité où, pour les questions de fond, les décisions doivent être adoptées par
un vote affirmatif de neuf des ses quinze membres (majorité qualifiée) incluant les voix de
tous les membres permanent41 ;
la pondération des voix qui conduit à écarter le sacro-saint principe de l’égalité souveraine des
Etats ‘’un Etat une voix » pour aboutir à la reconnaissance d’un statut privilégié pour certains
Etats en fonction de leur puissance économique, militaire, leur influence politique ou
diplomatique (FMI, BIRD, UE). Le vote pondéré, mesure de realpolitik, tend à assurer
l’adéquation entre le normatif et le factuel et a pour souci l’efficacité dans la mise en œuvre
des mesures adoptées. Par la pondération des voix on espère éviter les inconvénients de
l’unanimité (immobilisme) et ceux de la majorité (l’irréalisme).
Dans son mode d’élaboration, le droit communautaire s’inscrit dans la tendance majoritaire
assortie de correctifs, notamment la majorité qualifiée, la pondération des voix et le
consensus.
40
Article 18 §.2 de la Charte : « Sont considérées comme questions importantes : les recommandations relatives
au maintien de la paix et de la sécurité internationales, l'élection des membres non permanents du Conseil de
sécurité, l'élection des membres du Conseil économique et social, l'élection des membres du Conseil de tutelle
conformément au paragraphe 1, c, de l'article 86, l'admission de nouveaux Membres dans l'Organisation, la
suspension des droits et privilèges de Membres, l'exclusion de Membres, les questions relatives au
fonctionnement du régime de tutelle et les questions budgétaires ».
41
Article 27 §.3 de la Charte.
42
Pour preuve, bon nombre de résolutions adoptées par consensus restent lettre morte.
Cours de droit communautaire
27
L’inventaire des normes du droit communautaire permet de dresser une typologie faisant
ressortir trois composantes majeures : le droit primaire, le droit dérivé et le droit subsidiaire.
Le droit dérivé, lui, est le droit sécrété par les organes mis en place par le droit primaire. On
distingue en la matière, le droit dérivé unilatéral du droit dérivé conventionnel. Le droit dérivé
unilatéral désigne les actes unilatéraux pris par les organes et qui régissent les sujets du droit
de l’organisation d’intégration (acte additionnel, règlement, directive, décision, actes
uniformes, avis, recommandations et déclarations) tandis que le droit dérivé conventionnel,
lui, résulte des accords passés par les organes institués avec des partenaires extérieurs (Etats
ou organisations internationales).
La première réside dans les caractéristiques qui s’attachent au droit dérivé unilatéral. En effet,
dans la plupart des OIG, les actes unilatéraux n’ont pas un caractère obligatoire. Mais, en la
matière, il existe deux exceptions :
En droit communautaire, les actes obligatoires du droit dérivé unilatéral s’imposent à leurs
destinataires (Etats ou particuliers).
43
L’applicabilité immédiate renvoie à l’idée d’insertion ou de pénétration du droit communautaire dans l’ordre
juridique interne. Le droit communautaire acquiert ainsi automatiquement statut de droit positif dans l’ordre
interne des Etats. C’est la faculté qu’ont certains actes du droit dérivé d’entrer en vigueur dans l’ordre juridique
interne sans qu’il soit besoin d’une procédure de ratification ou de réception.
Cours de droit communautaire
28
Du point de vue de leur contenu, les règles constitutives d’un droit communautaire peuvent
être classées en deux grandes catégories ou branches, à savoir le droit institutionnel et le droit
matériel. Le droit institutionnel désigne l’ensemble des règles qui ont trait à la création et à
l’évolution d’une organisation d’intégration régionale. Il s’intéresse à l’organisation, aux
compétences et au fonctionnement des institutions mises en place par l’organisation pour
accomplir les missions que les Etats parties lui ont confiées. En outre, le droit institutionnel
permet de comprendre la distribution des pouvoirs au sein de l’organisation supranationale
entre les organes de décisions, d’exécution et de contrôle. Par ailleurs, il régit les rapports
entre l’ordre juridique communautaire et les ordres juridiques nationaux des Etats parties.
Quant au droit matériel, il englobe l’ensemble des règles et des mesures adoptées par les
institutions communautaires dans le cadre de la mise en œuvre du traité originaire de
l’organisation. En d’autres termes, le droit matériel est constitué par les règles et les mesures
tendant à la concrétisation des objectifs assignés à l’organisation d’intégration régionale par
les Etats fondateurs. A travers le droit matériel, il s’agit donc de s’intéresser à l’action que
mènent les différentes organisations d’intégration.
44
Exception faite des normes self executing c'est-à-dire celle dont l’application n’exige pas de mesures internes
complémentaires. Pour plus de détails Voir, P. DAILLIER et A. PELLET, Droit international public, op.cit ;,
pp.232-236.
45
L’effet direct renvoie à l’idée des effets de la règle de droit communautaire dans l’ordre juridique interne des
Etats c’est à dire que la règle de droit communautaire crée directement des droits ou met directement des
obligations à la charge des particuliers. C’est donc la capacité reconnue à la règle de droit communautaire de
créer des droits ou de mettre des obligations directement sur le chef des particuliers. En conséquence, c’est la
possibilité qui est conférée aux particuliers de revendiquer devant les juridictions nationales des droits découlant
des actes communautaires. Il s’agit d’un droit d’invocation du droit communautaire reconnu aux particuliers.
46
Mis à part les règles objectives notamment en matière de droits humains.
Cours de droit communautaire
29
début des indépendances africaines (A) et, par l’échec relatif de la plupart de ces expériences
(B).
« C’est (...) plus ou moins dans le cadre d’une structure administrative coloniale, la Fédération
de l’Afrique Occidentale Française, que prend forme la première expérience d’intégration
économique moderne en Afrique de l’Ouest »47.
En effet, l’Union Douanière de l’Afrique Occidentale (UDAO) créée le 9 juin 1959 a été
conçue comme une sorte de reconstitution de la Fédération de l’AOF dissoute le 3 mars 1959,
c’est-à-dire, quelques trois mois auparavant. L’UDAO comprend à l’origine : la Côte-
d’Ivoire, le Dahomey (actuel Bénin), la Haute-Volta (actuel Burkina Faso), le Niger, la
Mauritanie, la Fédération du Mali). La Guinée n’avait pas signé le traité de l’UDAO. Cette
organisation a été réaménagée en 1966 en Union Douanière des Etats de l’Afrique de l’Ouest
(UDEAO) avec les mêmes pays48. Les gouvernements des pays concernés vont par la suite
tenter de repenser le modèle de coopération sur une base plus approfondie et élargie à travers
la signature en 1973 à Abidjan du traité mettant en place la CEAO. Quelques temps après, on
tentera de dépasser ce cadre par la mise en place d’un ensemble plus élargi, la CEDEAO49.A
côté de la CEDEAO qui continue à subsister tant bien que mal jusqu’à nos jours, sera créée le
10 janvier 1994, comme une sorte de réactivation de la CEAO, UEMOA par le Traité de
Dakar signé entre les 7 pays fondateurs que sont le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire,
le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo qui seront rejoint par la Guinée-Bissau le 2 mai
199750. Ainsi, à l’heure actuelle, dans la sous-région ouest-africaine, existent deux grandes
organisations d’intégration régionale, à savoir la CEDEAO et l’UEMOA.
Les différentes expériences se solderont par des échecs, des lenteurs, des léthargies et par
conséquent par des résultats très mitigés, comme le montre certains aspects du
fonctionnement des différentes organisations d’intégration régionale susmentionnées.
Par exemple, à l’intérieur de l’UDAO., les marchandises devaient circuler en franchise totale
de tous droits et taxes. Mais en fait cela n’a jamais été le cas. L’UDEAO avait été conçue
comme un instrument de coopération commerciale approfondie, à l’image de toute union
douanière. Mais, elle n’a pas réussi à fonctionner comme zone de libre échange, dans la
mesure où chaque pays membre continuait à taxer les importations en provenance de ses
partenaires, en contradiction avec le traité. C’est cette situation qui va amener les
gouvernements des pays concernés à repenser le modèle de coopération sur une base plus
47
M. DIOUF, Intégration économique, perspectives africaines, Dakar, Nouvelles Editions africaines/Publisud,
1984, p. 77.
48
La Fédération du Mali ayant éclaté, le Sénégal et le Mali ont signé le nouvel accord chacun pour son propre
compte.
49
Ibidem,, p. 77-78
50
Pour une vue générale sur l’UEMOA, Voir notamment E.CEREXHE et .L. le HARDY de BEAULIEU,
« Introduction à l’union économique ouest africaine », CEEI-De Boeck, Bruxelles, 1997, 157 p.
Cours de droit communautaire
30
élargie ; ceci, non seulement pour une intégration commerciale effective, mais encore pour la
dépasser et s’engager dans une réelle intégration économique.
En ce qui concerne la CEAO qui se substitue à l’UDEAO avec les mêmes pays membres sauf
le Dahomey (actuellement le Bénin), l’objectif était, selon ses promoteurs, de favoriser dans
chaque pays membre « une croissance plus rapide et mieux équilibrée ». Le Traité d’Abidjan
prévoit la mise en place d’un tarif extérieur commun à l’égard des pays tiers, progressivement
sur une période de douze ans. Au niveau communautaire, il prévoit l’abolition de toute
restriction quantitative aux échanges commerciaux (contingentements) et l’élimination
progressive (sur une période de douze ans) des restrictions aux prestations de services. A
l’échéance prévue, la CEAO devait fonctionner comme un marché commun, après avoir
franchi l’étape de l’Union douanière, mais elle ne fut même pas une zone de libre échange ;
elle fut une une « zone d’échanges organisés ». Cette appellation officielle signifiait qu’il
existait trois régimes douaniers dans la CEAO, pour les différents produits : - Les produits du
crû (c’est-à-dire les produits d’origines animale, végétale ou minérale n’ayant subi aucune
transformation industrielle) sont soumis au régime du libre échange intégral ; - Certains
produits manufacturés (ceux agréés) sont soumis à un droit de douane allégé, la Taxe de
Coopération Régionale ; on peut donc parler à ce niveau de zone de préférence douanière. Les
produits agréés sont ceux fabriqués avec soixante pour cent de matières premières locales, ou
bien renfermant quarante pour cent de valeur ajoutée ; - Les autres produits manufacturés
restent dans un premier temps soumis au régime douanier normal, celui appliqué par les
Etats51.
De façon générale, comme l’a écrit Makhtar DIOUF, « les modèles de Communautés
Economiques Africaines, (...) manifestement inspirées par l’exemple de la CEE, prévoient
toujours l’objectif du Marché Commun ; mais l’Afrique n’est pas l’Europe, et aucun des
« futurs » Marchés Communs Africains n’a encore atteint l’étape de la simple zone de libre
échange. Dans les pays africains, comme du reste dans tous les pays développés, les droits de
porte (droits à l’importation et droits à l’exportation) constituent la proportion la plus
importante des recettes budgétaires de l’Etat. Lorsque ces pays sont intégrés dans une zone de
libre échange ou bien dans une union douanière, les partenaires les plus développés se
trouvent en mesure d’exporter certains produits industriels sur le marché communautaire, en
franchise de droits d’entrée ; ces mêmes produits, lorsqu’ils proviennent de pays tiers,
donnent lieu à la perception de droits d’entrée. L’expérience communautaire se traduit alors
dans le court terme par des moins values financières substantielles ; le pays concerné peut
toujours se consoler avec la très vague perspective d’un développement économique à long
terme, susceptible de résulter de l’intégration économique. Ce qui n’est guère évident, sans
compter que dans l’immédiat, il faut bien trouver une solution au problème des finances
publiques. Le compromis entre l’impératif financier à court terme et l’exigence de
l’intégration a été trouvé avec une formule permettant à chaque Etat membre de prélever à des
taux modérés, des droits de douane sur ses importations intracommunautaires de produits
industriels. Le dispositif est partout le même, avec des appellations différentes : taxe de
transfert dans la Communauté Economique de l’Afrique de l’Est, taxe unique dans l’UDEAC,
taxe de coopération régionale (TCR) dans la CEAO »52. Dans l’ensemble, ce n’est donc que
par abus de langage que l’on parle d’Union douanière ou de Marché Commun à propos des
51
M. DIOUF, Intégration économique, perspectives africaines, op. Cit, p. 78-79.
52
Ibidem, p. 142-143.
Cours de droit communautaire
31
Par ailleurs, ces premières tentatives avaient fréquemment pour fondement la protection d’un
appareil de production ayant pour vocation de substituer les produits locaux à ceux importés.
Mais ce résultat ne fut pas atteint. En ce qui concerne les mouvements de marchandises
propres aux expériences africaines d’intégration économique, les pays ACP (les pays africains
surtout) réalisent l’essentiel de leurs échanges commerciaux avec la CEE. Les données
statistiques révèlent une dépendance commerciale à sens unique : les pays de la CEE ont des
réseaux d’échanges commerciaux géographiquement dispersés, alors que pour les pays ACP,
la tendance est plutôt à la concentration de leurs flux commerciaux sur la CEE, pour les
importations et les exportations ; ce qui se traduit inévitablement par une situation de
domination commerciale et économique. Dans la CEE, la dispersion géographique des
échanges va de pair avec un degré de satisfaction de relations commerciales intra-
communautaires sur le plan horizontal ; en Afrique, la polarisation verticale du commerce sur
l’Europe du Marché Commun s’accompagne, d’une faiblesse marquée des échanges inter-
africains. En dépit des expériences d’intégration économique, le commerce inter-africain est
toujours très faible (...).
A)- LA CEDEAO
La CEDEAO a été créée par un traité signé à Lagos (Nigeria) le 28 mai 1975. Quinze pays
d’Afrique de l’Ouest ont signé le Traité pour une Communauté Économique des États
d’Afrique de l’Ouest (Traité de Lagos) le 28 mai 1975. Les protocoles établissant la
CEDEAO ont été signés à Lomé, (Togo), le 5 novembre 1976. La CEDEAO a été identifiée
comme un des cinq piliers régionaux de la Communauté Économique Africaine (AEC). La
COMESA, la CEEAS, l’IGAD, la SADC et la CEDEAO ont signé le Protocole de relations
entre l’AEC et les CER en février 1998. Ce Traité est entré en vigueur en juin de la même
année après sa ratification par sept Etats membres conformément aux dispositions de son
article 62. La CEDEAO est la seule organisation d’intégration ayant véritablement une
envergure régionale pour avoir transcendé les différentes sphères coloniales de l’Afrique de
l’Ouest. En effet, la CEDEAO regroupe à l’heure actuelle quinze pays qui n’ont pas la même
langue officielle : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte-d’Ivoire, la Guinée, le Mali, le Niger, le
Sénégal, le Togo (pays francophones), le Ghana, la Gambie, le Liberia, le Nigeria, la Sierra
Leone (pays anglophones), le Cap Vert, la Guinée Bissau (pays lusophones). Le siège de
l’organisation se trouve à Abuja, (Nigéria). Le Traité initial de la CEDEAO a été révisé par le
sommet des chefs d’État tenu à Cotonou le 23 juillet 1993.
53
Ibidem, p. 144-145.
Cours de droit communautaire
32
Aux termes de ce Traité révisé, la CEDEAO se fixe comme buts de réaliser l’intégration entre
les pays d’Afrique de l’Ouest, en priorité sur le plan économique, mais également dans les
autres domaines de la vie sociale, afin de parvenir à un plus grand développement, pour le
bien être des populations. Dans ce sens, le paragraphe 1 de l’article 3 du Traité révisé de 1993
consacré aux buts et objectifs de l’organisation dispose que « la Communauté vise à
promouvoir la coopération et l’intégration dans la perspective d’une union économique de
l’Afrique de l’Ouest en vue d’élever le niveau de vie de ses peuples, de maintenir et
d’accroître la stabilité économique, de renforcer les relations entre les Etats membres, et de
contribuer au progrès et au développement du continent africain ». Le paragraphe 2 précise
qu’ « afin de réaliser les buts énoncés au paragraphe ci-dessus, et conformément aux
dispositions pertinentes du présent traité, l’action de la Communauté portera par étapes sur :
i) la libéralisation des échanges par l’élimination, entre les Etats membres, des droits de
douane à l’importation et à l’exportation des marchandises et l’abolition, entre les Etats
membres, des barrières non tarifaires en vue de la création d’une zone de libre échange au
niveau de la Communauté ;
ii) l’établissement d’un tarif extérieur commun et d’une politique commerciale commune à
l’égard des pays tiers ;
iii) la suppression entre les Etats membres des obstacles à la libre circulation des personnes,
des biens, des services et des capitaux ainsi qu’aux droits de résidence et d’établissement ;
e) la création d’une Union économique par l’adoption de politiques communes dans les
domaines de l’économie, des finances, des affaires sociales et culturelles et la création d’une
union monétaire ;
f) la promotion d’entreprises communes par les organisations du secteur privé et les autres
opérateurs économiques notamment avec la conclusion d’un accord régional sur les
investissements trans-frontaliers ;
i) l’harmonisation des codes nationaux des investissements aboutissant à l’adoption d’un code
communautaire unique des investissements ;
o) toutes autres activités que les Etats membres peuvent décider d’entreprendre conjointement
à tout moment en vue d’atteindre les objectifs de la Communauté ».
Pour parvenir à ces buts énoncés, un certain nombre d’objectifs matérialisés par des activités
ont été fixés par les traités, à travers notamment le paragraphe 2 de l’article 3, et par différents
textes de droits primaire et dérivé que sont notamment les protocoles, les décisions et les
règlements.
Plus précisément, l’examen des dispositions de ces différents textes montre que la CEDEAO
poursuit à l’heure actuelle deux grands objectifs : d’abord et avant tout la mise en place d’un
marché commun en tant qu’objectif fondamental, et ensuite et à terme, la mise en place d’une
union économique et monétaire en tant qu’objectif ultime.
B)- L’UEMOA
L’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) a été créée le 10 janvier 1994
par le Traité signé à Dakar par les Chefs d'État et de Gouvernement des sept pays de l'Afrique
de l’Ouest ayant en commun l'usage d'une monnaie commune, le franc CFA. Il s'agit du
Bénin, du Burkina Faso, de la Côte-d'Ivoire, du Mali, du Niger, du Sénégal et du Togo. Le
Traité est entré en vigueur le 1er août 1994, après sa ratification par les États membres. Les
sept Etats fondateurs de l’UEMOA seront rejoints par la Guinée-Bissau le 2 mai 1997. Ainsi,
l’UEMOA regroupe actuellement huit pays membres sur une superficie totale d’environ 3 509
600 km2 pour une population totale estimée à environ 80 340 000 habitants, avec un taux de
croissance estimé à 3 %. Son produit intérieur brut (PIB) réel (à prix constant) est de 18 458,8
milliards de F CFA, avec un taux de croissance du PIB réel de 4,3% et un taux d’inflation
annuel de 4,3 % [, selon les chiffres disponibles sur le Site de l’UEMOA www.uemoa.int
consulté le 5 mars 2007]54.
S’agissant de ses objectifs, il est à noter qu’au-delà des objectifs généraux recherchés à travers
tout processus d’intégration régionale (vaste marché impliquant des économies d’échelles,
meilleure allocation des ressources au sein des entreprises et de façon globale au niveau de
toute la société, meilleure compétitivité des entreprises...), l’UEMOA poursuit un certain
nombre d’objectifs spécifiques. En ce sens, les États parties, après avoir dans le Préambule du
Traité de Dakar affirmé entre autres leur fidélité aux objectifs de la Communauté économique
africaine et de Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (C.E.D.E.A.O.),
leur conscience des avantages mutuels qu'ils tirent de leur appartenance à la même Union
Monétaire et de la nécessité de renforcer la cohésion de celle-ci, ont souligné un certain
nombre d’impératifs.
Les États parties vont préciser ces objectifs dans l’article 4 du Traité de Dakar, à savoir :
renforcer la compétitivité des activités économiques et financières des Etats membres dans le
cadre d’un marché ouvert et concurrentiel et d’un environnement juridique rationalisé et
harmonisé ;
assurer la convergence des performances et des politiques économiques des Etats membres
par l’institution d’une procédure de surveillance multilatérale ;
créer entre les Etats membres un marché commun basé sur la libre circulation des personnes,
des biens, des services, des capitaux et le droit d’établissement des personnes exerçant une
activité indépendante ou salariée ainsi que sur un TEC et une politique commerciale
commune ;
instituer une coordination des politiques sectorielles nationales, par la mise en œuvre
d’actions communes et éventuellement de politiques communes, notamment dans les
54
Sur cette présentation générale de l’UEMOA, Voir notamment CNUCED, « Examen collégial volontaire des
politiques de concurrence de l’UEMOA, du Bénin et du
Sénégal », http://www.unctad.org/fr/docs/ditcclp20071_fr.pdf
Cours de droit communautaire
35
Ainsi, en signant le Traité de Dakar, les Hautes Parties contractantes ont affirmé leur
détermination à mettre tous les moyens en œuvre pour favoriser le développement
économique et social des Etats membres. C’est dans cette optique qu’elles ont consenti à la
création de la nouvelle organisation qui compléte et renforce l’UMOA.
Avant de clore ce chapitre préliminaire, il convient de préciser une nouvelle fois que c’est en
référence à la CEDEAO et à l’UEMOA que seront abordées les deux parties du présent cours
qui seront respectivement consacrées aux schémas juridico-institutionnels des processus
d’intégration (Première partie) et aux schémas matériels des processus d’intégration
(Deuxième partie).
L’étude sera axée sur les organes intégrés et les organes intergouvernementaux. Justement, à
cet égard, les organisations d’intégration comprennent des organes qui rappellent les
organisations de coopération et des organes qui se rapprochent des organisations
d’intégration. Les organes intégrés sont ceux dont les membres ne sont pas des représentants
des Etats membres ; ce sont des agents de l’organisation agissant en son nom et pour son
compte. Ils doivent être indépendants des Etats et se dévouer exclusivement à la
Communauté ; ils doivent défendre les intérêts de l’organisation face aux velléités
Cours de droit communautaire
36
nationalistes des Etats membres. Quant aux organes intergouvernementaux, ils sont composés
des représentants des Etats membres. De ce fait, leurs membres siègent et agissent au nom et
pour le compte de leur Etat respectif. Ces aspects seront appréhendés à travers l’étude de la
configuration organique de l’UEMOA (Section 1) et de la CEDEAO (Section 2).
a) La Commission
Pour ce qui est de la Commission, elle demeure l’organe qui « veille au bon fonctionnement et
à l’intérêt général de l’Union, indépendamment des différents intérêts nationaux »55. La
Commission doit rester « assignée à la représentation autonome de l’intérêt commun »56.
C’est dire qu’elle doit constituer le représentant de la légitimité communautaire dans le
pouvoir décisionnel de l’organisation. C’est la raison pour laquelle le Traité de l’Union
accorde un statut significatif aux commissaires. Ainsi, les huit commissaires – nommés pour
un mandat de quatre ans renouvelable par la Conférence – qui composent la Commission
bénéficient, en principe, de l’irrévocabilité sauf en cas de faute lourde ou d’incapacité57, ou
encore de méconnaissance des devoirs liés à l’exercice de leur fonction58. Il faut en outre
noter que les commissaires sont nommés sur la base de leur compétence et de leur intégrité
morale59. Enfin, ils doivent faire preuve d’une totale indépendance et ne peuvent solliciter, ni
accepter aucune instruction émanant d’un Gouvernement ou de quelque organisme qu’il
soit60.
La Commission est dirigée par un Président qui bénéficie d’un statut particulier. En effet, il
est nommé séparément par la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement pour un
mandat de quatre ans renouvelable61. Avant leur entrée en fonction, les commissaires
55
E. CEREXHE et Louis le Hardÿ de BEAULIEU, « Introduction à l’Union économique ouest africaine »,
op.cit., , p.52.
56
G. ISAAC, Droit communautaire général, 6ème éd., Paris, Armand Colin, 1998, p.58.
57
Article 27 du Traité.
58
Article 30, alinéa 1er du Traité.
59
Article 27, alinéa 1er du Traité.
60
Article 28, alinéa 1er du Traité.
61
Article 33 du Traité.
Cours de droit communautaire
37
s’engagent par serment devant la Cour de Justice, à observer les obligations d’indépendance
et d’honnêteté, et sont tenus de ne plus exercer d’autre activité professionnelle rémunérée ou
non62. La Commission dispose de plusieurs fonctions. Il s’agit essentiellement des fonctions
d’exécution63, de contrôle64, de représentation internationale65, consultative66,
d’information67 et d’administration interne68. L’on peut résumer ces différentes fonctions, en
considérant que la Commission a une fonction de gardienne du Traité et d’exécutif de
l’Union. La fonction de gardienne du traité, en fait de garante de la sauvegarde et même du
développement du processus d’intégration mis en marche, regroupe un certain nombre de
tâches incombant ou en tout cas relevant de la compétence de la Commission. Ainsi, certaines
dispositions du traité font peser sur cette dernière le devoir de sauvegarder l’acquis
communautaire en veillant au respect du traité et des actes des institutions de l’Union.
62
Article 28 alinéa 2 du Traité.
63
Voir l’article 26 du Traité.
64
Voir l’article 1er du Règlement de la Commission, les articles 5 et 8 du Protocole additionnel n° I ainsi que les
articles 86 et 90 du Traité. Voir également E.CEREXHE et L. le Hardÿ de BEAULIEU, op. Cit, pp. 53-54.
65
Article 12 du Traité.
66
Article 26 et 42 du Traité.
67
Article 26 du Traité.
68
Article 33 et 34 du Traité.
69
Article 5 du Protocole additionnel n° I.
70
Article 8 du Protocole additionnel n° I.
71
Voir à ce sujet, Y. BATCHASSI et R.YOUGBARE, Les actes additionnels de l’UEMOA (analyse juridique),
in Cahiers du CEEI, n° 1 de juin 1999.
72
Voir CJ/UEMOA, 27 avril 2005, Affaire YAÏ.
73
Article 14 du Protocole additionnel n° I.
Cours de droit communautaire
38
en ce qu’elle joue, à peu de choses près, le même rôle. La Commission dispose, en effet, de la
fonction d’exécution des actes normatifs. Dans l’Etat contemporain, il revient à l’exécutif
d’assurer l’exécution effective des règles prises par le pouvoir législatif. Au niveau de
l’UEMOA, cette tâche incombe indubitablement à la Commission. Le traité l’en a habilitée en
disposant que cette dernière « exerce (…) le pouvoir d’exécution des actes [que prend le
Conseil] »74, et presque tous les actes de caractère normatif le lui rappellent à l’occasion75. Il
est évident que cette mission d’exécution des actes normatifs s’étendra aux actes émanant des
autres organes, notamment de la Commission elle-même, de la Conférence ainsi que de la
Cour de Justice de l’UEMOA. De plus, la Commission est le principal initiateur de la
législation communautaire, tout comme le sont, de façon plus informelle, les différents
gouvernements des Etats modernes. La Commission dispose, aussi de la fonction d’initiatrice
de la législation communautaire. Elle bénéficie, à cet effet d’un quasi-monopole d’initiative
de l’activité normatrice de l’Union. Mais, c’est une habilitation de fait, le principe n’ayant été
expressément stipulé nulle part dans le Traité. C’est plutôt en parcourant les compétences
attribuées au Conseil que l’on s’en rend compte ; la quasi-totalité des compétences
décisionnelles de ce dernier se faisant, en effet, sur la base des propositions de la
Commission76.
74
Il est vrai que l’article 26 qui en parle précise bien que c’est sur délégation expresse du Conseil que la
Commission exerce ce pouvoir d’exécution des actes qu’il prend, ce qui diffère quelque peu de ce qui se passe
sur le plan interne où, la plupart du temps, cette habilitation est inconditionnelle, la répartition des tâches y visant
une séparation des pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire).
75
Le dernier article des actes adoptés par le Conseil dispose toujours que « la Commission est chargée du suivi
de l’exécution de la présente directive (ou recommandation) ”, ou encore que “ le Président de la Commission est
chargé de l’exécution du présent règlement ».
76
Le Traité est truffé de dispositions du genre « Le Conseil adopte, sur proposition de la Commission (…) ».
Voir par ex. article 47, 56, 61, 65, 66, 71, 74,80… du Traité.
77
Voir article 22 du Traité.
Cours de droit communautaire
39
b) La Cour de Justice
La Cour de Justice de l’UEMOA a été installée le 27 janvier 1995. Elle est régie par le Traité
de l’UEMOA, le Protocole additionnel n°1, l’Acte additionnel n° 10/96 du 10 mai 1996 et les
Règlements n°01 et 02/96/CM/UEMOA du 20 décembre 1996.
La Cour de Justice est composée de huit membres nommés pour un mandat de six ans
renouvelable par la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’UEMOA. Ils sont
désignés parmi les personnalités offrant les garanties d’indépendance et de compétences
juridiques nécessaires dans l’exercice des plus hautes fonctions juridictionnelles. Les
membres de la Cour désignent en leur sein pour trois ans le Président, puis répartissent entre
eux les fonctions de juges et d’avocats généraux. La Cour est donc composée d’un Président,
de cinq juges et de deux avocats généraux dont le doyen prend le titre de 1er avocat général.
Les membres de la Cour prêtent serment avant d’entrer en fonction. Leur fonction est
incompatible avec l’exercice de tâches politiques, administratives ou juridictionnelles. Ils
doivent se consacrer uniquement aux tâches de membres de la Cour.
La Cour est aidée dans sa tâche par un personnel auxiliaire. Il s’agit du Greffier, de son
adjoint, des auditeurs et des agents d’exécution. La fonction de greffier est essentiellement
régie par le Règlement n°02/96/CM/UEMOA du 20 décembre 1996 portant statut du greffier
de la Cour de Justice de l’UEMOA. Le greffier est recruté par le Président de la Commission
sur proposition de la Cour. Il est nommé par le Président de la Cour de Justice pour un
mandat de six ans renouvelable une fois, et doit offrir des garanties d’indépendance et de
compétences juridiques. Avant son entrée en fonction, il prête serment devant la Cour. Il est
aussi soumis aux incompatibilités des fonctions politiques, administratives ou
juridictionnelles.
Les hommes désignés pour servir la justice communautaire n’ont pas une plénitude de
compétences. Leurs domaines de compétences sont bien précisés par les textes de l’UEMOA.
En effet, la Cour de Justice est gardienne de la légalité dans l’ordre juridique communautaire.
A cet effet, elle est chargée de veiller à l’application et au respect du Traité78. Elle est aussi
compétente pour interpréter le Traité. La Cour a des compétences qui, dans un Etat,
relèveraient de tribunaux différents. En effet, elle se veut tribunal international, lorsqu’elle
donne un avis sur la compatibilité entre un accord international et le Traité de Dakar ; elle est
aussi un tribunal de nature constitutionnelle dans la mesure où par l’interprétation du traité,
elle garantit une hiérarchie des normes ; elle est également un tribunal administratif, dans la
mesure où elle a compétence pour déclarer nuls des actes communautaires qui ne
respecteraient pas la hiérarchie des normes, ou pour accorder réparation à des justiciables qui
ont subi un préjudice, lorsqu’elle statue en matière de fonction publique communautaire.
A s’en tenir aux termes du Traité, seule la Chambre consulaire constitue un organe consultatif
(2°). Mais, à l’analyse, le Parlement a un rôle également consultatif (1°). Nonobstant cette
fonction consultative, ces deux organes participent à l’option résolument intégrationniste du
schéma de l’UEMOA. En effet, ces deux structures visent à assurer la participation effective
des populations et des opérateurs économiques dans le processus d’intégration engagé.
78
Article 1er du Protocole additionnel n°1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA.
Cours de droit communautaire
40
a) Le Parlement
Le Parlement, tel que défini par le Traité révisé n’est pas encore effectif et opérationnel. En
effet, d’une part, sa composition, son organisation et son fonctionnement doivent être
déterminés par voie d’acte additionnel, et d’autre part, le Traité révisé n’est pas encore en
vigueur – le nombre de ratifications requis n’étant pas encore atteint - . Il jouira d’une
autonomie financière, mais pourra être dissous par la Conférence, après consultation de son
Bureau et du Conseil des Ministres80.
b) La Chambre consulaire
79
L.M. IBRIGA, « L’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine : un modèle de transition pour
l’intégration régionale et internationale de l’Afrique de l’Ouest », in Actes du colloque de Ouagadougou des 29
et 30 octobre 1996, CEEI, p.54.
80
Article 37 nouveau du Traité.
81
Article 6 de l’Acte additionnel n°02/97.
82
Article 3 de l’Acte additionnel n°02/97.
83
Article 4 de l’Acte additionnel n°02/97.
84
L. M. IBRIGA, op. Cit. p.55.
Cours de droit communautaire
41
Dans l’UEMOA, les organes intergouvernementaux sont la Conférence des Chefs d’Etat et de
Gouvernement (A) et le Conseil des ministres (B).
85
Voir infra.
86
Dans le processus d’intégration économique et monétaire européen, l’expérience d’une banque centrale
supranationale est seulement en voie d’initiation, encore que les débats ne sont pas encore clos quant au degré
d’indépendance à conférer à la BCE.
Cours de droit communautaire
42
l’article 18 du Traité de l’UEMOA. Cet article – l’article 5 – dispose en effet que « les Chefs
des Etats membres de l’Union réunis en conférence constitue l’autorité suprême de l’Union ».
Il ne s’agit donc pas d’un collège à proprement parler, mais d’une conférence inter-étatique.
En outre, les personnalités conviées à ces « réunions » sont d’une telle importance dans
chaque Etat sur le plan politique qu’elles constituent le plus souvent le symbole de la
souveraineté nationale. C’est la raison pour laquelle ils sont commis le plus souvent – par les
textes fondamentaux de chaque Etat - à représenter leur nation dans les négociations
internationales et à les y engager. Il faut toutefois souligner que le Président de la
Commission, le Gouverneur de la BCEAO et le Président de la BOAD peuvent participer à la
Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, aux fins d’exprimer le point de vue de leur
institution sur des questions les concernant87. La Conférence est l’organe éminemment
politique de l’Union. Aussi, fixe-t-elle les grandes orientations des activités88. Elle tranche
également des questions qui n’ont pu être résolues par le Conseil des Ministres89. Elle a en
outre une fonction normative interne qui lui permet notamment d’adopter des actes
additionnels90 et de réviser le Traité91. La Conférence dispose enfin d’une fonction
internationale.
Le Conseil des Ministres regroupe les ministres des Etats membres de l’Union92. La
coloration politique de ses membres est également indiscutable : étant entendu que tout
ministre est avant tout partie prenante d’un collège gouvernemental, et donc commis à la
défense du programme de ce gouvernement, il est parfaitement raisonnable de conclure que
chacun est porte-parole de ce dernier à cette tribune internationale que constitue la session du
Conseil des Ministres. Le Conseil est l’organe d’exécution des orientations définies par la
Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement93. Il a une compétence normative lui
permettant d’adopter des règlements, directives et décisions94. Il a également une compétence
budgétaire95 et internationale96.
§2 : La structure de la CEDEAO
87
Article 114 du Traité de l’UEMOA.
88
Article 8 du Traité de l’UEMOA.
89
Article 114 du Traité de l’UEMOA.
90
Article 19, alinéa 2 du Traité de l’UEMOA.
91
Article 27 du Traité de l’UEMOA.
92
La question à l’ordre du jour détermine le ministre compétent. Mais en réalité, les plus sollicités sont les
ministres en charge de l’économie et des finances ainsi que les ministres des affaires étrangères. Voir article 20 à
23 du Traité de l’Union.
93
Article 20 du Traité de l’UEMOA.
94
Article 42 du Traité de l’UEMOA.
95
Article 47 du Traité de l’UEMOA.
96
Article 84 du Traité de l’UEMOA.
Cours de droit communautaire
43
Dans la CEDEAO, les organes suivants peuvent être regardés comme des organes intégrés : la
Commission, la Cour de Justice de la Communauté, le Tribunal d’Arbitrage, le Parlement
communautaire et le Conseil Economique et Social.
a) La Commission
La Commission est, en fait l’organe successeur du Secrétariat Exécutif. Elle a été instituée par
le Protocole additionnel A/SP.1/06/06 du 14 juin 2006 portant amendement du Traité révisé
de la CEDEAO, et est un organe permanent chargé de la défense des intérêts de la
Communauté. Aux termes de l’article 17 nouveau, la Commission est composée de neuf
membres, à savoir un Président, un Vice-président et sept autres commissaires, ainsi que
d’autres fonctionnaires nécessaires au fonctionnement de la Commission.
97
Protocole A/P.1/7/93 du 24 juillet 1993, J.O. vol.25, p.3.
98
Article 18 §1 et §2 nouveau.
99
Article 18 §3 a et b.
Cours de droit communautaire
44
Ainsi, la Commission fait au Conseil des ministres et à la Conférence des Chefs d’Etat et de
Gouvernement toutes les recommandations qu’elle juge utiles à la promotion et au
développement de la Communauté. De plus, elle fait au Conseil et à la Conférence des
propositions qui leur permettent de se prononcer sur les grandes orientations des politiques
des Etats membres et de la Communauté. Elle formule à cet effet des avis et des
recommandations101.En outre, la Commission a la faculté de recueillir, en rapport avec les
cellules nationales CEDEAO, tous les renseignements indispensables à l’accomplissement de
sa mission. De même, elle peut adopter des Règlements d’exécution des actes édictés par le
Conseil des ministres102. Il convient en outre de souligner que la Commission exerce une
fonction de représentation internationale. En effet, le Président de la Commission peut
conclure des accords de coopération avec d’autres Communautés régionales103, avec des
pays tiers ou tout autre organisme international104. L’on peut enfin noter que le Président de
la Commission peut saisir la Cour de Justice de le Communauté, pour voir constater les
manquements des Etats à leurs obligations communautaires105.
b) La Cour de Justice
La Cour de Justice a été créée en vertu de l’article 15.1 du Traité révisé de la CEDEAO, et
suivant le Protocole A/P1/7/91 du 06 juillet 1991. Elle a été mise en place par le 24ème
Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO en 2000. Aux termes de
l’article 3 du Protocole d’Abuja, la Cour est composée de sept juges indépendants, choisis
parmi les personnes de haute valeur morale, ressortissants des Etats membres, possédant les
qualifications requises dans leur pays respectif pour occuper les plus hautes fonctions
juridictionnelles, ou qui sont des jurisconsultes de compétence notoire en matière de droit
international et dont l’âge varie entre 40 et 60 ans. Ils sont nommés pour un mandat de cinq
100
Article 18 §3. c nouveau du Traité révisé.
101
Article 9 §2. d nouveau.
102
Article 9 §2. a nouveau.
103
Article 79 nouveau.
104
Article 83 §1 et §2 du Traité révisé, précisé par l’article 83 §3 nouveau.
105
Voir l’article 10 du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 portant amendement du Protocole A//P/17/91 relatif
à la Cour de Justice de la Communauté. L’article, au fait, mentionne le pouvoir de saisine du Secrétaire Exécutif.
Donc ce pouvoir du Président de la Commission est pris en compte par analogie.
Cours de droit communautaire
45
ans renouvelable une seule fois106 par la Conférence, sur proposition du Conseil des
Ministres. Bien que le nombre des juges soit inférieur à celui des Etats membres, l’article 3,
paragraphe 2 précise que deux juges ne peuvent être ressortissants d’un même Etat membre.
En d’autres termes, les sept juges sont de nationalités différentes mais les seize Etats membres
ne sont pas tous représentés à la Cour107.
Les juges élisent en leur sein le Président et le Vice - Président pour un mandat de trois ans.
Les dispositions sur les membres de la Cour sont de nature à leur garantir l’indépendance
nécessaire à l’exercice de leurs fonctions. D’abord les incompatibilités : les fonctions de juges
sont incompatibles avec l’exercice d’une fonction politique, administrative et toute activité
professionnelle108. Ensuite l’exigence de la prestation de serment : avant d’entrer en
fonction, les membres de la Cour prêtent serment ou font une déclaration solennelle devant le
Président de la Conférence ; cette prestation de serment se fait en ces termes : « Je jure (ou
déclare) solennellement d’exercer mes fonctions et mes pouvoirs de membre de la Cour de
façon honorable et loyale, en toute impartialité et en toute conscience »109. Enfin les
privilèges et immunités : la Cour et ses membres, pendant la durée de leur mandat, bénéficient
des privilèges et immunités identiques à ceux dont jouissent les missions diplomatiques et les
diplomates sur le territoire des Etats membres, ainsi que ceux reconnus aux juridictions
internationales et aux membres de ces juridictions. A ce titre, les membres de la Cour ne
peuvent être poursuivis ni recherchés pour les actes accomplis ou pour les déclarations faites
dans et à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions110. Le traité révisé confirme cette
indépendance par les dispositions de son article 15 paragraphe 3 : « Dans l’exercice de ses
fonctions, la Cour de Justice est indépendante des Etats membres et des institutions de la
Communauté ».
Le Protocole d’Abuja a été amendé par le Protocole d’Accra, adopté le 19 janvier 2005 par la
Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement. Le Protocole additionnel, ainsi adopté a
permis d’élaguer certaines insuffisances du Protocole d’Abuja. En effet, il étend les
compétences de la Cour de Justice et accorde un droit de saisine aux citoyens de la
Communauté111. Il convient, finalement de noter que la Cour peut être saisie pour un
arbitrage, car elle remplit des fonctions d’arbitrage, en attendant que le Tribunal Arbitral soit
mis en place.
c) Le tribunal arbitral
Le Tribunal arbitral est prévu à l’article 16 du Traité révisé : « Il est créé un Tribunal
d’arbitrage de la Communauté. Le statut, la composition, les pouvoirs, les règles de procédure
et les autres questions relatives au Tribunal d’arbitrage sont énoncés dans un protocole y
afférent ». Ce Protocole n’étant pas encore signé, la question qu’on peut se poser est celle de
106
Sur le mandat des membres de la Cour, Voir. l’article. 4 du Protocole qui précise que pour les membres de la
Cour nommés pour la première fois, le mandat de trois membres expire au bout de trois ans et celui des quatre
autres membres au bout de cinq ans.
107
Contrairement à la Cour de justice de l’UEMOA où chaque pays membre est "représenté" par un juge.
108
Article .4 § 11 du protocole d’Abuja de 1991.
109
Sur la prestation de serment, Voir l’article 5 du Protocole de 1991.
110
Article 6 du Protocole d’Abuja 1991.
111
Pour plus de développements, Voir. infra.
Cours de droit communautaire
46
savoir quel rôle ce Tribunal sera appelé à jouer à côté de la Cour de Justice. Dans l’Union
Européenne où il est prévu deux juridictions, le rôle du tribunal de première instance des
Communautés Européennes, mis en place en octobre 1989, est de décongestionner les
dossiers devant la Cour de Justice, en connaissant en première instance de l’ensemble des
recours formés par les particuliers et les litiges entre les Communautés et leurs agents112. Tel
n’est pas le cas ici puisqu’il ne s’agit pas d’une juridiction de premier degré mais bien d’une
juridiction d’arbitrage. Le corollaire d’un tel statut est que le Tribunal ne pourrait être saisi
que sur la base d’une clause compromissoire ou d’un compromis d’arbitrage. Ces deux
mécanismes ayant une nature contractuelle, cela suppose le consentement des parties au
différend : il s’agit d’une justice facultative.
Qui est-ce qui aura qualité pour agir devant une telle juridiction ? Les Etats ou les
particuliers ? Dans l’hypothèse des Etats, quel genre de différend sera porté devant le Tribunal
d’arbitrage et quel autre sera porté devant la Cour de Justice ? Mais cette équivoque peut être
levée si notre compréhension de l’article 22 du protocole d’Abuja de 1991 relatif à la Cour de
Justice de la Communauté est la bonne. Intitulé « Exclusivité de compétence et acquiescement
aux décisions de la Cour », cet article dispose : « Aucun différend relatif à l’interprétation ou
à l’application des dispositions du Traité ne peut être soumis à un autre mode de règlement
que celui prévu par le Traité ou le présent Protocole ». Or, aux termes l’article 76 du Traité,
« …tout différend au sujet de leur interprétation ou de leur application [l’interprétation ou
l’application du Traité et des protocoles] est réglé à l’amiable par un accord direct entre les
parties. A défaut, le différend est porté par les parties, par tout Etat membre ou par la
Conférence, devant la Cour de Justice de la Communauté dont la décision est exécutoire et
sans appel ». L’exclusivité de la compétence de la Cour de justice en matière d’interprétation
et d’application du Traité et des protocoles exclut donc celle du Tribunal d’arbitrage en la
matière. Si les Etats devaient avoir qualité devant un tel Tribunal, ce ne serait donc pas pour
les différends liés au Traité et à ses protocoles. Le Tribunal pourrait être compétent par
exemple pour traiter des conflits armés ou de nature territoriale entre les Etats membres. En ce
qui concerne les particuliers, il se pourrait que la création d’un tribunal arbitral soit motivée
par le souci de doter la CEDEAO d’un centre d’arbitrage à l’image du centre d’arbitrage de
l’OHADA. Seule l’élaboration du protocole sur le Tribunal d’arbitrage éclairera davantage
sur l’opportunité de sa création, d’autant plus que la Cour de justice est maintenant investie
d’une compétence arbitrale jusqu’à la mise en place du Tribunal.
a) Le Parlement communautaire
112
Sur le Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, Voir. J. VERHOEVEN, Droit de la
Communauté Européenne, De Boeck & Larcier, 1996, p.204.
Cours de droit communautaire
47
Le parlement de la CEDEAO est conçu pour être une assemblée des populations de la
Communauté. Ses membres, dénommés « Députés », siègent au nom des populations de la
Communauté ; ils n’ont donc pas de mandat impératif. Le parlement de la communauté
comprendra cent vingt sièges, chaque Etat disposant d’un minimum de cinq sièges ; les
quarante sièges restants seront répartis proportionnellement à la démographie des Etats
membres ; cette répartition peut être revue par la Conférence sur sa propre initiative ou sur
proposition du Parlement114.
Les dispositions sur le mode d’élection des membres du Parlement de la CEDEAO, si elles
venaient à se concrétiser, constituent une grande avancée dans le processus d’intégration et de
création d’un sentiment communautaire. En effet, les députés et leur suppléant seront élus au
suffrage universel direct par les citoyens des Etats membres. En attendant l’élection au
suffrage universel direct des membres du Parlement, les Assemblées nationales des Etats
membres ou les institutions et organes qui en tiennent lieu éliront ces membres en leur sein.
La durée de cette période transitoire sera déterminée par la Conférence115. Les députés sont
élus pour un mandat de cinq ans renouvelable. Le Président du Parlement est élu par ses pairs
à la majorité des deux tiers au premier tour du scrutin, à la majorité absolue des suffrages
exprimés aux tours suivants ; outre le Président, les autres membres du bureau du Parlement
sont : les vice-présidents, les questeurs et des secrétaires parlementaires (leur nombre sera
déterminé par le Règlement du Parlement). A la première réunion, le doyen d’âge assure la
présidence et le plus jeune le secrétariat.
En dehors du mode de désignation, d’autres dispositions sur le Parlement visent à lui garantir
une certaine indépendance vis-à-vis des autres organes. C’est ainsi qu’avant d’entrer en
113
Protocole relatif au Parlement de la Communauté, signé le 6 août 1994, J.O. vol. 27 version révisée.
114
Sur le nombre des Députés de la Communauté et leur répartition, Voir. Article .5 du Protocole, op. cit., p.2.
115
Article. 7 du Protocole de 1994.
Cours de droit communautaire
48
fonction, les députés signent la déclaration sur l’honneur suivante : "Je m’engage à servir
fidèlement les intérêts des populations de la Communauté et de ne céder à aucune pression
directe ou indirecte d’un Etat membre ou de tout autre groupe"116. Les députés jouissent
également de l’immunité parlementaire dans tous les Etats membres de la Communauté. En
conséquence, aucun député ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à
l’occasion des opinions ou des votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions ; aucun
député ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi ou arrêté en matière criminelle
ou correctionnelle sauf flagrant délit ou autorisation du Parlement. Même dans ces cas, la
détention ou la poursuite d’un député peut être suspendue si le Parlement le requiert à la
majorité des deux tiers117. Par ailleurs, la fonction de député est incompatible avec celles de
membre de Gouvernement, des cours et tribunaux des Etats membres, l’exercice des fonctions
de juge, d’avocat général ou greffier de la Cour de Justice de la Communauté et du Tribunal
arbitral, membre d’un organe créé par le Traité révisé de la Communauté, fonctionnaire ou
agent d’un organisme international et d’agents publics des Etats membres. Le Parlement jouit
de l’autonomie financière.
Le parlement siège au moins deux fois par an en session ordinaire. Les sessions sont
convoquées par le bureau et dure trois mois au maximum. Le Parlement peut également se
réunir pour examiner une question spécifique sur l’initiative du Président de la Conférence
des chefs d’Etat ou à la demande de la majorité absolue des députés.
Ils sont regroupés en deux catégories : les organes intergouvernementaux politiques et les
organes intergouvernementaux techniques.
La Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement et le Conseil des ministres sont les
organes intergouvernementaux politiques de la CEDEAO.
116
Article 8 du Protocole de 1994
117
Article 9 du Protocole de 1994
118
Article 14 § 2 du Traité révisé.
Cours de droit communautaire
49
Aux termes du traité révisé, la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement est l’organe
suprême de la Communauté. La Conférence est composée « des Chefs d’Etat et/ou de
Gouvernement des Etats Membres »119. Les Etats peuvent donc cumulativement ou
alternativement se faire représenter par les Chefs d’Etat ou par les Chefs de Gouvernement.
Selon l’article 8 alinéa 3 nouveau du Protocole additionnel portant amendement du Traité
révisé, la présidence de la Conférence est effectuée selon un système de rotation annuel qui
tient compte de l’ordre alphabétique des Etats membres. Elle se réunit en session ordinaire au
moins deux fois par an et en session extraordinaire sur l’initiative de son Président ou à la
demande d’un Etat membre, sous réserve de l’approbation de cette demande par la majorité
simple des Etats membres120. Le Protocole A/SP.1/06/06 introduit une donne importante
dans le cadre de la bonne gouvernance. Ainsi, un Etat qui aspire à la présidence de la
Communauté perd automatiquement cette qualité lorsqu’un coup d’Etat y survient, ou que le
pouvoir y est pris par un moyen anticonstitutionnel. De plus, il doit appliquer les textes qui
régissent le Prélèvement communautaire121.
119
Article 7 du Traité révisé CEDEAO.
120
Article 8, § 1 nouveau.
121
Article 8 §5 et §6 nouveau.
122
Article 7 §3 a) du Traité révisé.
123
Article 7 b) du Traité révisé
124
Article 10 §2 nouveau.
Cours de droit communautaire
50
des Chefs d’Etat et de gouvernement ; il peut se réunir aussi en session extraordinaire sur
convocation de son président ou à la demande d’un Etat membre.
Aux termes des dispositions de l’article 10 du traité révisé, le Conseil des ministres assume
des fonctions qui peuvent être regroupées en quatre fonctions essentielles : un pouvoir de
nomination des fonctionnaires de la Communauté, (à l’exception, bien entendu, de celle du
Président de la Commission) ; un pouvoir d’autorisation : le Conseil des ministres autorise les
programmes de travail, approuve les budgets et l’organigramme de la Commission et des
autres institutions de la Communauté ; un pouvoir d’initiative : le pouvoir normatif revenant à
la Conférence, le Conseil pourra formuler à son intention des recommandations sur toute
action visant la réalisation des objectifs de la Communauté ; un pouvoir normatif : Le Conseil
édicte des Règlements, des Directives, prend des Décisions, ou formule des
recommandations et des avis125.
Aux termes de l’article 5 du Protocole de 1993, l’AMAO se compose d’un Comité des
Gouverneurs, d’une Direction Générale et de deux Comités consultatifs, à savoir le Comité
chargé des questions économiques et monétaires et le Comité des opérations et de
l’administration ; d’autres comités pourront être créés si le Comité des Gouverneurs le juge
nécessaire127.
Le Comité des Gouverneurs est composé des Gouverneurs de toutes les banques centrales des
Etats membres ou de leurs représentants. Le Comité des Gouverneurs élit, selon le principe de
rotation et dans un ordre à déterminer, un de ses membres pour assurer la présidence du
Comité ; le mandat du président du Comité est d’un an. Il se réunit au moins une fois l’an et
aussi souvent qu’il le juge nécessaire. Le Comité des Gouverneurs est chargé de : formuler
des avis et faire des recommandations au Conseil des ministres et à la Conférence et leur
125
Article 9 §2.b nouveau.
126
Protocole A/P.1/7/93 signé à Cotonou le 24 juillet 1993, J.O., vol.25, p.3.
127
Article .9 §1 c) du Protocole de 1993.
Cours de droit communautaire
51
présenter des rapports sur les questions liées à l’intégration économique et monétaire
(convertibilité des monnaies nationales, mise en place d’une zone monétaire unique,
libéralisation des mouvements de capitaux…) ; déterminer les modalités et les procédures
relatives au fonctionnement du mécanisme des paiements et des règlements (les taux d’intérêt
à appliquer par l’Agence, la parité de l’unité de compte de l’Afrique de l’Ouest, la méthode de
calcul des lignes de crédit et de débit) ; élaborer les règles et le règlement régissant l’accès au
mécanisme du Fonds de crédit et de garantie ; autoriser l’émission de chèques de voyage
CEDEAO ; organiser les consultations périodiques avec les ministres des finances et du plan
des Etats membres ; nommer le Directeur Général et fixer ses attributions et les conditions de
sa rémunération ; approuver l’organigramme de l’Agence ; définir les organes techniques de
l’Agence128.
Le Comité des opérations et de l’administration est composé des directeurs des opérations
extérieures de toutes les banques centrales des Etats membres ou leurs représentants. Ce
Comité est chargé de contrôler les performances du système de compensation et de paiement ;
examiner et soumettre au Comité des Gouverneurs le budget annuel de l’Agence ; examiner
les questions liées au personnel de l’Agence et assumer toute autre fonction que lui confie le
Comité des Gouverneurs.
Le Comité des questions économiques et monétaires est composé des directeurs des études de
toutes les banques centrales des Etats membres et des cadres appropriés des ministères des
finances. Il est chargé : d’examiner et évaluer les études et les rapports élaborés par la
Direction générale et faire des recommandations approprié au Comité des Gouverneurs ; de
suivre et évaluer les progrès accomplis dans la mise en œuvre du programme de coopération
monétaire et de faire des recommandations appropriées au Comité des Gouverneurs. Les
comités consultatifs se réunissent en session ordinaire au moins deux fois l’an et en session
extraordinaire à la demande de leur président129.
128
Sur les fonctions dévolues au Comité des Gouverneurs, voir article 6 du Protocole de 1993.
129
Sur les fonctions dévolues aux Comités consultatifs et leur composition, Voir. Article 9 du Protocole de
1993
Cours de droit communautaire
52
taux de change et des taux d’intérêt déterminés par le marché dans le cadre du commerce
intra-régional130.
Aux termes du protocole de 1976, le FCCD est dirigé par un Conseil d’Administration et un
Directeur Général. Il comprend également des fonctionnaires et des employés que le Fonds
jugera nécessaire. Composé des Ministres siégeant au Conseil des ministres et nommés à cet
effet par leur Etat respectif, le Conseil d’Administration est investi de tous les pouvoirs pour
la gestion du Fonds132. Le Directeur Général du Fonds est nommé par le Conseil des
ministres parmi les citoyens de l’Etat membre attributaire de ce poste. Responsable de tous les
services du Fonds, il en assure la gestion quotidienne sous la direction du Conseil
d’Administration ; il nomme et révoque les fonctionnaires du Fonds ; ceux-ci doivent être
ressortissants des Etats membres133. Il est assisté d’un Directeur Général Adjoint nommé
dans les mêmes conditions. Le FCCD est fonctionnel et a son siège à Lomé.
Les objectifs assignés au Fonds ont été fixés à l’article 2 du Protocole de 1976. Aux termes de
cet article, le Fonds servira à :
« a)- fournir des compensations et d’autres formes d’assistance aux Etats membres qui ont
subi des pertes en raison de l’application des dispositions du Traité sur la libéralisation des
échanges à l’intérieur de la Communauté ;
b)- indemniser les Etats membres qui ont subi des pertes par suite de l’implantation
d’entreprises communes ;
d)- accorder des prêts pour le financement d’études de faisabilité et pour la réalisation de
projets de développement dans les Etats membres ;
e)- garantir les investissements étrangers effectués dans les Etats membres concernant les
entreprises établies conformément aux dispositions du Traité sur l’harmonisation des
politiques industrielles ;
f)- fournir les moyens pour faciliter la mobilisation constante des ressources financières
intérieures et extérieures aux Etats membres de la Communauté ;
130
Sur les objectifs et les fonctions de l’AMAO, Voir. Articles.3 et 4 du Protocole de 1993
131
Rec.PCD, p.76
132
Sur les attributions du Conseil d’administration, Voir. Art 25 du Protocole de 1976 relatif au FCCD.
133
Article 28 du Protocole de 1976 relatif au FCCD.
Cours de droit communautaire
53
g)- aider à la promotion de projets en vue de la mise en valeur des Etats les moins
développés ».
Pour mener à bien ces différentes missions, le Fonds est doté de ressources financières. Les
ressources financières du Fonds comprennent les ressources ordinaires et des comptes
d’affectation spéciale. Aux termes de l’article 3 du protocole, il faut entendre par « ressources
ordinaires de capital » du Fonds :
« a) le capital du Fonds, constitué par les contributions, versées et non versées du Fonds,
déterminées en vertu de l’article 5 ou autorisée conformément à l’article 6 du présent
protocole ;
b) les revenus des entreprises dont la Communauté détient tout ou partie du capital ;
c) les ressources provenant de sources bilatérales ainsi que d’autres sources étrangères ;
e) les revenus provenant des prêts octroyés sur les ressources susmentionnés ou des garanties
accordées par le Fonds ;
g) tous autres ressources ou revenus reçus par le Fonds qui ne sont pas portés aux comptes
d’affectation spéciale visés à l’article 4 du présent ».
Concernant les comptes d’affectation spéciale, l’article 4 alinéa 2 les définit comme toutes
ressources spéciales comprenant notamment :
« a)- les contributions déterminées par le Conseil à verser par les Etats membres pour fournir
des compensations et d’autres formes d’assistance aux Etats membres ;
b)- les ressources acceptées par le Fonds pour être portées sur un compte d’affectation
spéciale ;
c)- les remboursements reçus au titre de prêts ou de garantie financés sur les ressources d’un
compte d’affectation spéciale et qui, en vertu des règlements du Fonds relatif audit compte,
doivent être reçus par le compte en question ;
d)- les revenus provenant des opérations du Fonds pour lesquelles les ressources ou les fonds
susmentionnés sont utilisés ou engagés, si en vertu des règlements du Fonds relatifs aux
comptes d’affectation spéciale en question, ces revenus doivent être affectés aux comptes
concernés ;
e)- les ressources provenant de toutes ressources jugées appropriées par le Fonds ayant pour
objet d’atteindre les objectifs du Fonds y compris la compensation à verser aux Etats
membres ».
Ces ressources sont affectées à la réalisation des objectifs assignés au Fonds. En définitive, les
objectifs du Fonds peuvent être appréhendés sous trois aspects : d’abord financer des projets
économiques des Etats membres de la CEDEAO pour accroître la production de la
Communauté notamment par la création d’entreprises communautaires ; ensuite, fournir des
Cours de droit communautaire
54
compensations aux Etats ayant subi des pertes de recettes par suite de l’implantation
d’entreprises communes ou de l’application du schéma de libéralisation des échanges à
l’intérieur de la Communauté et enfin garantir les investissements étrangers effectués dans les
Etats membres.
Composées des représentants des Etats membres, les commissions techniques sont au nombre
de neuf134 : Commission Administration et Finances ; Commission Agriculture,
Environnement et Ressources en eau ; Commission Développement Humain et Genre ;
Commission Infrastructures ; Commission Politiques Macro-économiques ; Commission
Affaires politiques, Paix et Sécurité ; Commission Commerce, Douanes et Libre circulation
des personnes ; Commission Affaires juridiques et judiciaires ; Commission Communication
et Informatique. La Conférence peut, si elle le juge nécessaire, restructurer ces Commissions
ou en créer davantage ; chacune de ces commissions peut également créer des sous-
commissions si l’exécution de ses fonctions l’exige. Les Commissions se réunissent aussi
souvent que nécessaire. Ils élaborent leur règlement intérieur qu’ils soumettent au Conseil
pour approbation.
Aux termes de l’article 23 du Traité révisé, ils ont pour mandat, dans leur domaine respectif :
134
Article 22 §1. a et b nouveau.
Cours de droit communautaire
55
d) d’accomplir toute autre tâche qui pourrait leur être confiée en application des dispositions
du présent Traité ».
Au-delà des compétences techniques dans la préparation des différents projets d’actes et
études, les commissions techniques de la CEDEAO sont investies d’un véritable pouvoir
d’initiative et d’exécution. Les propositions de décisions émanent souvent de ces
commissions135. Il faut remarquer que ces commissions jouent un rôle similaire à celui des
ministres sectoriels, à la différence que les Commissions techniques sont permanentes et
qu’elles veillent également à l’exécution des actes adoptés dans leur domaine respectif. Cette
dernière fonction fait, quelque part, double emploi avec les missions exécutives de la
Commission de la Communauté.
Nous verrons, tour à tour les modalités classiques et les modalités supranationales.
135
C’est le cas notamment de la décision C/DEC.3/6/86 du 30 juin 1986 (Rec. PCD, p. 145) C/DEC.3/6/88 du
21 juin 1988 (Rec. PCD, p.120), C/DEC.4/7/92 du 25 juillet 1992 (Rec. PCD p.122) qui ont été signées sur
recommandation de la Commission du commerce, des douanes, de l’immigration, des questions monétaires et
des paiements.
Cours de droit communautaire
56
L’affirmation du principe est moins fortement ressentie au niveau du Conseil, ce d’autant plus
qu’il n’est pas exclusivement consacré comme tel, au moins dans le traité de Dakar. Il
convient d’ailleurs de faire la part des choses selon que le Conseil exerce les compétences à
lui confiées par le traité de l’UEMOA. ou celles existant depuis la création de l’UMOA.
Pour ce qui est des nouvelles attributions opérées par le traité de Dakar, le recours à
l’unanimité semble, heureusement, plutôt rare, même s’il n’est pas inexistant. L’unanimité est
par exemple exigée pour l’adoption des règlements financiers ainsi que des règles de reddition
et de vérification des comptes138. Dans la plupart des cas, le Conseil est habilité à adopter ses
actes à la majorité des deux tiers.
Ceci n’est cependant vrai que pour les domaines où le mode de délibération a été spécifié.
Pour les autres hypothèses, l’unanimité semble s’imposer de facto comme le principe. En
effet, l’article 21 du traité de l’UEMOA. dispose que « le Conseil des Ministres de l’Union
monétaire prévu à l’article 6 de l’UMOA. exerce les fonctions qui lui sont dévolues par le
présent traité ». En renvoyant à cette disposition du traité de l’Union monétaire, les rédacteurs
semblent faire de ce texte une référence. C’est dire que le Conseil, s’il venait à délibérer sur
une question non prévue – ou en tout cas dont la compétence ne lui a pas été explicitement
reconnue – par le traité de l’UEMOA., il devrait le faire en se fondant sur le texte de base
qu’est le traité de l’UMOA. La règle de l’unanimité édictée par l’article 2 de ce traité
trouverait donc à s’appliquer, même si la règle semblait édictée pour des domaines bien
spécifiés.
Et justement, pour ce qui concerne les compétences dévolues au conseil par le traité de
l’UMOA., et qui relèvent presque exclusivement du domaine monétaire, le maintien de
l’unanimité comme règle de délibération ne souffre guère de débat : l’exercice de ces
compétences par le Conseil est donc toujours soumis à la dure loi de l’unanimité, puisque la
règle de l’article 2 du traité de 1973 n’a pas été modifiée par le traité de Dakar, ce dernier se
contentant de renvoyer à ce qui était en vigueur avec l’ancien traité139. L’unanimité comme
règle de délibération n’est donc pas encore un souvenir, mais une réalité vivace dans
136
Voir article 114 du traité de l’UEMOA reprenant et complétant l’article 5 du traité de l’UMOA qui dispose
que “ (…) les décisions de la Conférence (…) sont prises à l’unanimité ”.
137
Voir L.M. IBRIGA, “Problématique de l’intégration en Afrique de l’Ouest : essai de définition d’un cadre
juridique efficient ”, in RBD n° de décembre 1993.
138
Voir. Article 51 du traité de l’UEMOA.
139
Voir. Article 61 du traité de l’UEMOA.
Cours de droit communautaire
57
Cependant, le traité de l’UEMOA. a procédé à une série d’indications des cas où le Conseil
peut arrêter ses décisions à la majorité des deux tiers de ses membres. Il apparaît, à la
fréquence de ces situations, que l’exercice de la plupart des attributions du Conseil se fait à la
majorité qualifiée des deux tiers141 si bien que ce mode occulte pratiquement la condition de
principe de délibération qu’est l’obtention de l’unanimité des voix.
Cet abandon est synonyme de la négation aux Etats du droit de veto. De ce fait, il bat en
brèche les velléités de souveraineté, puisque désormais un Etat peut se voir imposer une
réglementation qu’il aura pourtant combattue par le biais de sa représentation au sein du
Conseil. En un mot, l’abandon de l’unanimité comme principal mode de décision permet au
processus décisionnel de l’UEMOA. de franchir les barrières de l’inter-étatisme.
S’agissant de la Commission, ses délibérations sont acquises au terme d’un vote formel
réunissant la majorité simple des suffrages des membres. La voix du Président est toutefois
prépondérante en cas de partage des suffrages142. Mais il est important de souligner que les
articles 19 à 21 du Règlement intérieur de la Commission instaurent une procédure écrite.
Ainsi, le Président ou un membre de la Commission peut-il soumettre un dossier à ses
collègues en les priant de faire part de leurs observations et objections dans un délai
déterminé. Passé celui-ci, leur accord est réputé acquis et permet d’estimer que la décision
envisagée est celle de la Commission dans son intégralité.
Les modalités de prise de décision au sein de la CEDEAO étaient classiques. Mais, avec le
Traité révisé de 1993 et le Protocole d’amendement de 2006, des modalités supranationales
sont envisagées.
140
Voir. infra l’incidence de ce mode sur la nature du processus.
141
Ainsi par exemple, pour l’adoption des règlements ou directives nécessaires pour la réalisation des
programmes d’harmonisation des législations arrêtés par la CCEG, le Conseil y procède à la majorité des deux
tiers (Voir article 61). Ainsi également de la mise en œuvre de la politique économique de l’Union (Voir article
64, 65, 66) surtout pour la mise sur pied du mécanisme de surveillance multilatérale des politiques macro-
économiques (Voir. article 67 à 75) ou de la politique commerciale, (Voir. article 82 à 87), ainsi également de
l’établissement du marché commun (Voir article 78 à 81), de l’adoption des règles de concurrence (Voir article
89).
142
Article 32 et 42 du Traité de l’UEMOA.
Cours de droit communautaire
58
Ce sont ces modalités qui prévalaient au sein de la Conférence des chefs d’Etat et de
Gouvernement et du Conseil des ministres de la CEDEAO avant la révision de son traité.
Tous les actes communautaires étaient pris sur la base de l’unanimité ou du consensus. Ainsi
l’article 6 paragraphe 6 du Traité de 1975 disposait : « Lorsqu’un Etat membre formule une
objection à une proposition soumise pour décision au Conseil des ministres, cette proposition
sera soumise pour décision à la Conférence à moins que l’objection ne soit retirée ». Or, ce
dernier organe ne prenait ces décisions qu’à l’unanimité ou par consensus. Cette situation
constituait un obstacle majeur dans la mise en œuvre d’action positive par la Communauté.
Une minorité, voire un seul Etat, pouvait bloquer la prise de décisions. Cette procédure
entraînait également une certaine lenteur dans la prise des décisions dans la mesure où les
décisions n’ayant pas recueilli l’unanimité devaient attendre la Conférence des chefs d’Etat et
de Gouvernement pour être éventuellement adoptées. Ces modalités de prise de décision
étaient en déphasage avec l’esprit d’intégration qui suppose avant tout des abandons de
souveraineté. C’est peut être pour tenir compte de ces critiques que le Traité révisé innove,
bien que timidement, en prévoyant, à terme, quelques modalités supranationales.
L’ordre juridique est un « ensemble organisé et structuré de normes juridiques possédant ses
propres sources, doté d’organes et procédures aptes à les émettre, à les interpréter ainsi qu’à
en faire constater et sanctionner, le cas échéant, les violations »143. Dans le cadre du droit
143
G.ISAAC, Droit communautaire général, op.cit., p. 117.
Cours de droit communautaire
59
Dans l’étude de l’ordre juridique communautaire, il est devenu classique de distinguer parmi
les sources du droit communautaire, le droit primaire et le droit dérivé. Dans une organisation
d’intégration, le traité apparaît comme la loi fondamentale de la Communauté. En
comparaison avec ce qui se passe au plan national, le traité est la "constitution" de la
Communauté ; c’est le droit primaire. D’autres règles seront édictées par les organes
communautaires pour appliquer les règles générales contenues dans le traité ; c’est le droit
dérivé (§ 1). Une certaine hiérarchisation de ce droit par rapport aux droits nationaux des
Etats membres est devenue nécessaire pour atteindre les objectifs que se fixe la Communauté
(§ 2).
§ 1 : Les sources
La typologie des sources des sources du droit communautaire de l’UEMOA fait ressortir trois
catégories de sources à savoir : le droit primaire (1), le droit dérivé (2) et le droit subsidiaire
(3).
Droit de nature conventionnelle, parce que soumis aux procédures d’élaboration du droit des
traités (négociation, signature, ratification), le droit primaire est constitué par le Traité de
Dakar du 10 janvier 1994 et des protocoles additionnels adoptés depuis la création de
l’organisation (Exemple : le protocole additionnel n°1 relatif aux organes de contrôle de
l’UEMOA, le protocole additionnel n°2 relatif aux politiques sectorielles de l’UEMOA).
Sur le plan du mode d’élaboration, rien ne distingue ces traités et protocoles additionnels,
constitutifs du droit primaire de l’UEMOA, du droit conventionnel classique tel que
systématisé par les différentes conventions de Vienne sur le droit des traités. Une première
impression corroborée par la procédure de révision du traité nettement marquée du sceau de
l’inter-étatisme145.
Le droit dérivé est le droit sécrété par les organes mis en place par le droit primaire. Les règles
relevant du droit dérivé émanent de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, du
Conseil des Ministres ou de la Commission. On distingue en la matière le droit dérivé
unilatéral (a) du droit dérivé conventionnel (b).
144
Voir. CJCE 15 juillet 1964, Costa c/ENEL, Rec. 1141 ; CJCE 13 novembre 1964, Commission
c/Luxembourg et Belgique, Rec.1220 ; CJCE 5 février 1963, Van Gend et Loos, Rec. 3 ; CJCE Avis 1/91 du 1’
décembre 1991, Rec. I-6079.
145
Voir article 106 du Traité UEMOA.
Cours de droit communautaire
60
Ils désignent les actes unilatéraux pris par les organes et qui régissent les sujets du droit de
l’Union, par opposition au droit dérivé conventionnel qui résulte des accords passés par les
organes de l’Union avec des partenaires extérieurs (Etats ou organisations internationales) Il
se divise en deux catégories : les actes obligatoires et les actes non obligatoires .
Référence faite à l’article 42 du Traité, on dénombre quatre (4) types d’actes de droit dérivé
obligatoires. Il s’agit de l’acte additionnel, du règlement, de la directive et de la décision.
- Le règlement dans l’UEMOA est prévu à l’article 42 du Traité et est un acte adopté à la
majorité soit par le Conseil des Ministres, soit par la Commission sur délégation. Selon
l’article 43 « les règlements ont une portée générale, ils sont obligatoires dans tous leurs
éléments et sont directement applicable dans tout Etat membre ». Par leur effet direct, ils sont
à même de régir directement la situation juridique des particuliers.
- La directive est un acte qui peut émaner du Conseil des Ministres ou de la Commission. Au
terme de l’article 43 al.2 « les directives lient tout Etat membre quant au résultat à atteindre ».
Les Etats sont tenus d’atteindre les résultats fixés mais restent libres de choisir les moyens
pour y parvenir dans le délai imparti. La directive est donc un acte qui allie rigueur et
souplesse, qui permet d’assurer l’harmonisation des législations alors que le règlement est la
règle indiqué pour l’uniformisation.
146
Voir.les développements faits par BATCHASSI Y. et YOUGBARE R., in « Les actes additionnels de
l’UEMOA : analyse juridique », op. cit. Concernant la justiciabilité desdits actes, une analyse des dispositions du
traité article 19 et 42 et de certains actes de droit dérivé (article 27 – 2ème tiret) de l’Acte additionnel n°10/96
portant statut de la Cour de Justice aurait pu faire croire que les actes additionnels ne sont pas justiciables de la
Cour de Justice tant en raison de la compétence d’attribution de la Cour que de la nature d’actes de
gouvernement desdits actes. Mais depuis les trois arrêts de l’affaire YAÏ (arrêt 03/2005 du 27 avril 2005, arrêt
01/2006 du 05 avril 2006 et arrêt 01/2008 du 30 avril 2008), la Cour de Justice a affirmé et réaffirmé sa
compétence à connaître des actes additionnels faisant grief. En effet, dans son arrêt 03/2005 du 27 avril 2005, la
Cour affirme: « Il est de doctrine et de jurisprudence constante que ״le recours en annulation peut être dirigé de
manière générale, contre tous les actes ayant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du
requérant, en modifiant de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci, quelle que soit leur
dénomination“ […].
En l’espèce, il est évident que la nomination de Monsieur Jérôme Bro GREBE est de nature à porter grief à
Monsieur Eugène YAÏ et qu’il a eu pour conséquence sa révocation.
En tout état de cause, la compétence de la Cour en matière de contrôle de légalité ne saurait se limiter aux seuls
actes cités par le Protocole additionnel n°1 et par le Règlement de procédures.
Enfin, il résulte de l’ensemble de ces considérations, que la Cour de Justice est compétente pour apprécier la
légalité de l’Acte additionnel n°06/2004 du 15 novembre 2004 ».
Cours de droit communautaire
61
- La décision est un acte émanant du Conseil des Ministres ou de la Commission qui est
obligatoire dans tous ses éléments pour les destinataires qu’elle désigne. Il s’agit d’un acte de
portée individuelle et ses destinataires sont des Etats ou des particuliers. C’est l’exemple en
matière de Taxe ou de Coopération Régionale (TCR).
Au-delà des différences inhérentes à la portée ou aux destinataires de ces actes, ceux-ci restent
soumis à un régime commun se résumant par l’obligation de motivation et de publication.
Ainsi, chaque acte doit non seulement pouvoir être justifié en référence à l’intérêt
communautaire, mais aussi doit faire l’objet d’une publicité par son insertion dans le Bulletin
Officiel de l’Union point de départ de l’écoulement du délai d’opposabilité. De par cette
innovation, tous les actes de l’Union bénéficient du caractère d’applicabilité immédiate.
Les actes dérivés non obligatoires ont un caractère incitatif. Leur but est de pousser les Etats à
adopter un comportement. On peut distinguer les actes typiques et les actes atypiques.
L’article 42 du Traité prévoit deux types d’actes de droit dérivé non obligatoires typiques. Il
s’agit :
des avis émis par le Conseil des Ministres, la Commission, auxquels on peut ajouter ceux qui
peuvent être émis par la Cour de Justice et le Comité Inter-Parlementaire ;
Les actes atypiques, eux, ne sont pas prévus dans le traité constitutif, mais sont nés de la
pratique. Ce sont les déclarations des chefs d’Etat et de Gouvernement, les communiqués
finaux de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement ou du Conseil des Ministres
ainsi que les résolutions prises par le Comité Inter-parlementaire.
En droit communautaire européen, face au silence des traités quant à la place des accords
internationaux dans l’ordonnancement juridique communautaire, la CJCE a jugé que non
seulement ces accords font partie intégrante de l’ordre juridique communautaire à partir de
147
« Des accords de coopération et d’assistance peuvent être conclus avec des Etats tiers ou des organisations
internationales, selon les modalités prévues à l’article 84 du présent traité ».
Cours de droit communautaire
62
leur entrée en vigueur148, mais que dans la hiérarchie des normes communautaires, ils
avaient un rang inférieur au droit primaire et supérieur au droit dérivé unilatéral149.
Le voudraient-ils, les rédacteurs du Traité UEMOA n’auraient pas pu prévoir toutes les
situations, toutes les difficultés susceptibles de naître de l'application du Traité. Ils ont
compris que le droit communautaire ne pouvait se résumer au Traité et à l’œuvre
« législative » des organes de décision mais devait aussi impliquer le juge communautaire.
C’est à cet effet qu’ils ont affirmé à l’article 1er du Protocole additionnel n°1 que : « la Cour
de justice veille au respect du droit quant à l’interprétation et à l’application du Traité de
l’Union»150.
Ainsi, outre les sources écrites, le droit communautaire se fonde sur des sources
jurisprudentielles, notamment les principes généraux du droit, qui revêtent une importance
capitale dans le domaine des droits fondamentaux dont le respect est affirmé par le Traité à
son article 3.
Comme en droit interne, les principes généraux du droit sont d’origine prétorienne, le juge
communautaire y recourant en cas de défaillance des sources formelles. Certains des principes
sont directement tirés du Traité ; d’autres, comme c’est le cas en droit international, relèvent
des principes généraux communs aux droits des Etats membres. Longtemps considérées
comme des sources potentielles, l’existence des sources subsidiaires a été consacrée par la
Cour de Justice dans l’affaire YAÏ151 car dépendant de l’activité jurisprudentielle de la Cour
de justice de l’Union. Le juge communautaire est donc un législateur supplétif car la fonction
de la jurisprudence est supplétive et non substitutive. Elle joue un rôle indirect dans la
création du droit car elle n’est source de droit que dans le silence de la loi, ou si la loi
comporte des lacunes.
Les sources du droit de la CEDEAO peuvent être scindées en deux catégories : les sources
primaires et les sources dérivées. La nomenclature des sources du droit CEDEAO est
identique à celle du droit UEMOA. Cette identité est apparue avec la signature le 14 juin 2006
du Protocole additionnel A/SP.1/06/06 portant amendement du Traité révisé de la CEDEAO.
1) Le droit primaire
Le droit primaire de la CEDEAO est aujourd’hui constitué du Traité révisé de 1993 et des
multiples protocoles conclus depuis la création de cette organisation. La nature juridique du
Traité et des protocoles ne suscite pas de commentaire particulier ; ce sont des actes soumis
au régime des actes conventionnels du droit international public classique. Ils sont donc
soumis à la procédure de ratification et de réception dans les ordres juridiques des Etats
148
CJCE, 30 avril 1974, Haegerman, Aff. 181/73, Rec.p.449
149
CJCE, 12 décembre 1972, International Fruit Company, Aff. 21, 22, 23, 24/72, Rec.p.1219
150
Article 1er du Protocole additionnel n°I.
151
Cf. les arrêt 03/2005 du 27 avril 2005, 01/2006 du 05 avril 2006 et 01/2008 du 30 avril 2008
Cours de droit communautaire
63
membres. En d’autres termes, les Etats ne seront engagés qu’après des procédures, prévues
par leurs constitutions, pour insérer le droit international dans leurs ordres juridiques internes.
a) Le Traité
L’article 92 dudit Traité abroge expressément le Traité constitutif de 1975 dès son entrée en
vigueur et reprend à son compte toutes les conventions, protocoles, décisions et résolutions
adoptés depuis 1975. Le nouveau traité, étant entré en vigueur le 23 août 1995, il faut donc
considérer que le Traité de 1975 est abrogé dans toutes ces dispositions. Le droit primaire
constitue le "droit constitutionnel" de la CEDEAO en ce sens qu’il détermine les compétences
et les pouvoirs des différentes institutions mises en place et la mesure des actes juridiques qui
seront pris au sein de cette Communauté. Selon l’article 6 paragraphe 2, « Les institutions de
la Communauté exercent leurs fonctions et agissent dans les limites des pouvoirs qui leur sont
conférés par le présent Traité et par les protocoles y afférents ». La Conférence est d’ailleurs
habilitée à saisir la Cour de Justice au cas où une Institution de la Communauté outrepasserait
ses compétences ou excéderait les pouvoirs que lui confère le Traité152. La Cour de justice de
la Communauté exerce donc le contrôle de conventionalité des actes comme le juge
constitutionnel le fait pour les lois au plan interne (contrôle de la constitutionnalité).
b) Les Protocoles
Ce qui mérite d’être relevé, de prime abord, c’est le nombre pléthorique des protocoles
adoptés au sein de cette Communauté153. Au lieu d’utiliser le droit dérivé pour la mise en
application des dispositions du Traité, les Etats membres ont eu souvent recours aux
protocoles154. Il y a lieu de s’interroger sérieusement sur les raisons qui motivent cette
préférence pour le droit primaire. Les Etats se refusent à prendre des actes contraignants. Il
s’agit, cependant, de donner une bonne impression en signant les protocoles, tout en sachant
qu’on ne sera tenu de les exécuter qu’après ratification. En d’autres termes, les Etats ne seront
liés que s’ils le souhaitent. Il n’est pas exagéré de dire, à la lumière des résultats très peu
encourageants de cette Communauté, que la CEDEAO est « une tribune de bonnes
intentions ». En effet, l’usage très fréquent de ces instruments juridiques, accompagné de
l’exigence de l’unanimité dans l’élaboration du droit dérivé, a constitué un handicap sérieux
dans l’application du droit communautaire. De la signature des actes jusqu’à leur mise en
vigueur, les circonstances peuvent beaucoup changer et ne plus correspondre à la réalité. En
plus, étant donné que la ratification d’un certain nombre d’Etats (généralement sept pays
membres) suffisait à mettre en vigueur les protocoles, certains Etats (ceux qui les ont ratifiés)
pouvaient être liés tandis que d’autres (ceux qui ne les avaient pas ratifiés) ne l’étaient pas.
Ceci aboutit à un système juridique fragmenté, un système juridique « à la carte ». Cette
situation contraste avec le caractère d’intégration de cette organisation. En effet, par souci
152
Article 7 §3 (g) du Traité révisé.
153
L’on compte plus d’une trentaine de protocoles dans la CEDEAO : au total 26 protocoles et conventions
étaient en vigueur au 30 juin 1993, (Voir. tableau des protocoles et conventions entrés en vigueur le
30/06/1993) ; sans compter ceux qui ne sont pas en vigueur et ceux qui ont été signés ultérieurement. L’on peut
également y ajouter les deux (2) Protocoles additionnels portant respectivement amendement du Protocole
relatif à la Cour de Justice de la Communauté (2005) et du Traité révisé (2006).
154
Les dispositions sur la libre circulation des biens et des personnes sont essentiellement contenues dans les
protocoles additionnels.
Cours de droit communautaire
64
d’efficacité, les organisations d’intégration ont plutôt recours aux actes dérivés pour la
réalisation de leurs objectifs.
2) Le droit dérivé
Le droit dérivé de la CEDEAO est constitué des différents actes que prennent les Institutions
pour appliquer le droit primaire. Ces actes émanent principalement de la Conférence des chefs
d’Etat et de Gouvernement, du Conseil des ministres et de la Commission. Comme nous
l’avons souligné plus haut, les sources dérivées du droit CEDEAO sont identiques à celles du
droit UEMOA, depuis l’adoption du Protocole portant amendement du Traité révisé. Ainsi,
selon le nouvel article 9 paragraphe 1er, « Les actes de la Communauté sont dénommés Actes
additionnels, Règlements, Directives, Recommandations et Avis » (Cf. article 42 du Traité
UEMOA). En outre, ces nouvelles catégories de sources du droit CEDEAO ont les mêmes
caractéristiques que celles de l’UEMOA.
De ce fait, le respect des actes additionnels s’impose aux Etats membres et à l’ensemble des
organes de la Communauté. Quant aux règlements, ils ont une portée générale et sont
obligatoires dans tous leurs éléments. Ils sont directement applicables dans les Etats membres,
et ont force obligatoire à l’égard des Institutions de la Communauté. Les directives, elles, lient
les Etats membres quant aux objectifs à atteindre. S’agissant des décisions, elles sont
obligatoires pour leurs destinataires. Enfin, les avis et recommandations n’ont pas de force
exécutoire155.
Les actes additionnels, les règlements, les directives et les décisions doivent être publiés au
Journal Officiel de la Communauté et par chaque Etat membre à son Journal Officiel, dans les
trente jours de leur signature. Les décisions doivent également être notifiées à leurs
destinataires. Les actes additionnels, les règlements et les directives entrent en vigueur après
leur publication par la Commission, à la date qu’ils auront fixée à cet effet. Quant aux
décisions, elles prennent effet à compter de leur date de notification156.
Pour conclure sur les sources des droits UEMOA et CEDEAO, force est de relever l’absence
d’une hiérarchie formelle des normes communautaires. Les deux traités ont muets en la
matière. Ni la nomenclature des actes communautaires fixée par les articles 42 du Traité
UEMOA et 9 du Traité révisé de la CEDEAO, ni la jurisprudence communautaire ne fournit
des indications sur la hiérarchie qui assoit la cohérence normative de l’ordre juridique
communautaire. On peut néanmoins, en référence au rôle des organes et au droit
communautaire comparé, établir la hiérarchie suivante :
2°)- les actes additionnels (complètent le traité sans le modifier – assimilables aux lois
organiques) ;
155
Voir. Article 9 nouveau.
156
Article 9 § 2 et 3 nouveau.
Cours de droit communautaire
65
Une telle hiérarchisation est purement indicative puisque ne reposant sur aucun fondement
juridique. C’est dire l’utilité qu’il y aura, en cas d’adaptation du Traité, de penser à établir une
hiérarchie des normes communautaires.
La mise en place d’une entité intégrée conduit à l’imbrication des ordres juridiques
communautaires et nationaux. Les différents modes de relation vont de la substitution à la
coexistence en passant par l’harmonisation et la coordination157. Dans ses relations avec les
ordres juridiques nationaux, le droit communautaire privilégie la substitution et
l’harmonisation.
Dans l’harmonisation, par contre, le droit national continue d’exister en tant que tel, mais se
trouve privé de la possibilité de déterminer lui-même ses finalités ; « il doit se modifier et
évoluer en fonction d’exigences définies et imposées par le droit communautaire de sorte que
les différents systèmes nationaux présentent entre eux un certain degré d’homogénéité et de
cohérence découlant de finalités désormais communes »158.
La superposition des ordres juridiques qui résulte de toute entreprise d’intégration conduit à
asseoir l’application du droit communautaire sur son autonomie et sur sa supranationalité(B).
L’autonomie du droit communautaire par apport au droit interne renvoie deux aspects :
l’autonomie de validité et d’effectivité et l’autonomie de d’interprétation.
157
Pour plus de détails voir., J. BOULOUIS, op.cit. pp.241-245.
158
Voy, J. BOULOUIS, op. cit., p.242.
Cours de droit communautaire
66
Le droit communautaire forme un système juridique autonome intégré dans le droit des Etats
membres. Selon l’heureuse formule de la CJCE : « à la différence des traités internationaux
ordinaires, le traité de la CEE a institué un ordre juridique propre, intégré au système
juridique des Etats membres lors de l’entrée en vigueur du traité et qui s’impose à leurs
juridictions »159. Les effets de l’application du principe d’intégration prennent un tour
particulier compte tenu du fait que les normes produites par les différents ordres juridiques
communautaires portent dans une grande mesure sur les mêmes domaines. Le principe
d’intégration dont découle l’applicabilité directe du droit communautaire est une donnée
essentielle dans tout processus d’intégration qui entend dépasser le stade de la simple
coopération. En effet, l’efficacité du droit communautaire dépend non seulement des
conditions de son insertion dans l’ordonnancement juridique des Etats membres mais aussi de
ses effets.
« L’applicabilité directe... signifie que les règles du droit communautaire doivent déployer la
plénitude de leurs effets d’une manière uniforme dans tous les Etats membres, à partir de leur
entrée en vigueur et pendant toute la durée de leur validité ; qu’ainsi ces dispositions sont une
source immédiate de droits et obligations pour tous ceux qu’elles concernent, qu’il s’agisse
des Etats membres ou des particuliers qui sont parties à des rapports juridiques relevant du
droit communautaire »160.
De cette définition donnée par la CJCE, il ressort que l’applicabilité renferme deux réalités :
un aspect formel qui concerne l’introduction du droit communautaire dans les droits
nationaux, un aspect matériel qui touche à la capacité du droit communautaire à créer, au
bénéfice ou à la charge des particuliers, des droits et des obligations dont ces derniers peuvent
se prévaloir directement sans mesure nationale d’application. L'expression « applicabilité
directe » recouvre donc deux notions distinctes :
159
Arrêt Costa c/ ENEL, 15 juillet 1964, Aff. 6/64, p. 1141.
160
Arrêt Simmenthal, 9 mars 1978 aff. 106/77 Rec. 78, p.629 et s.
Cours de droit communautaire
67
'immédiateté des normes communautaires : les normes communautaires font partie intégrante
des droits nationaux dès leur publication au Bulletin officiel de l’organisation d’intégration ou
leur notification à leurs destinataires. Leur pénétration dans les ordres juridiques ne nécessite
aucun acte de réception intermédiaire161.
l'effet direct des normes communautaires : certaines normes communautaires créent des droits
et obligations pour les individus et peuvent donc être invoquées directement devant le juge
national par ceux-ci162.
En la matière et eu égard à l’unanimité dont jouit la conception moniste au sein des Etats
membres de l’UEMOA, l’applicabilité immédiate bénéficie à toutes les normes du droit
communautaire (Traité constitutif, protocoles additionnels, actes additionnels, règlements,
directives, décisions, actes uniformes).
Il y a lieu de préciser que les formalités de publicité interne (publication aux journaux
officiels nationaux pour le droit primaire) ou la transposition des directives doivent être
regardées comme des mesures d'exécution, nullement comme des actes de réception.
161
L’arrêt de référence dans l’UE est : CJCE 1964, Costa c/ ENEL Rec., 1964, p. 1141 : « L'ordre juridique
communautaire constitue un ordre juridique propre, intégré au système juridique des Etats membres ».
162
L’arrêt de référence dans l’UE est : CJCE 5/02/1963, Van Gend en Loos, Rec. 1963, p.3. « Le droit
communautaire, indépendant de la législation des Etats membres, de même qu’il crée des charges dans le chef
des particuliers, est aussi destiné à engendrer des droits qui entrent dans leur patrimoine juridique ».
163
CJCE, 3 avril 1968, Firma Molkerei, Aff. 28/67, Rec. 1968, p. 211.
164
L’exclusivisme territorial est l'un des principes sous-jacents au principe de souveraineté. Il postule, sous
l'angle juridique, le fait qu'aucune norme extérieure ne peut trouver à s'appliquer sur le territoire d'un Etat sans
avoir fait l'objet d'une réception (qui s'analyse en une sorte d’exequatur).
165
G. ISAAC, Droit communautaire général, Paris, Masson, 1983, p. 151.
Cours de droit communautaire
68
Pour l’illustrer, le juge Lecourt affirmait à propos des Communautés européennes : « Ou bien
la Communauté est, pour les particuliers, une séduisante mais lointaine abstraction intéressant
seulement les gouvernements qui leur appliquent discrétionnairement les règles ; ou bien elle
est pour eux une réalité effective et, par conséquent, créatrice de droits »166
L’effet direct, selon Jean BOULOUIS, est : « le droit pour toute personne de demander à son
juge de lui appliquer le droit communautaire ; et c’est concomitamment l’obligation pour le
juge de faire usage de ce droit quelle que soit la législation du pays dont il relève »167. Il est
défini par Sean-Van RAEPENBUSCH, comme « l’aptitude du droit communautaire à
compléter le patrimoine juridique des particuliers en leur reconnaissant des droits subjectifs
ou en mettant à leur charge des obligations tant dans leur rapport avec les autres particuliers
(effet direct horizontal) que dans les rapports avec l’Etat (effet direct vertical) »168.
L’effet direct ou « invocabilité » a donc trait à la capacité du droit communautaire à créer des
droits et des obligations au bénéfice ou à la charge des particuliers dont ceux-ci peuvent se
prévaloir, à toutes fins utiles, directement devant les autorités ou les juridictions nationales
sans recours préalable à une mesure nationale d’exécution, notamment pour en tirer des droits
ou pour faire annuler ou déclarer inapplicables des actes nationaux non conformes au droit
communautaire. L’effet direct implique, en plus de l’« immédiatisation » de la condition
juridique des ressortissants de l’Union, une obligation d’application intégrale et conduit à une
« communautarisation » des fonctions des juridictions nationales169. Il importe de préciser,
en référence à la jurisprudence de la CJCE, que la plupart des normes, pour avoir cette qualité,
doivent être claires, précises, complètes, juridiquement parfaites et inconditionnelles170. « Il
faut, en d’autres termes, que la norme soit juridiquement et matériellement achevée »171.Il en
résulte que c’est le caractère inconditionnel de l'acte qui fait qu'il se suffit à lui-même, sans
qu'aucun autre acte des institutions communautaires ou nationales ne soit nécessaire.
On distingue en la matière l’effet direct complet, intégral ou non restreint (effet direct
horizontal et vertical), et l’effet direct limité ou restreint (effet direct vertical seulement).172
166
Voir, R. LECOURT, L’Europe des juges, Bruxelles, 1976, p.248.
167
J.BOULOUIS, op. cit.
168
S. VAN RAEPENBUSCH, Droit institutionnel de l’Union européenne, Bruxelles, De Boeck, 1996
169
P. MEYER et L.M IBRIGA « La place du droit communautaire-UEMOA dans le droit interne des Etats »
RBD N°37, p. 39.
170
Cf. CJCE Molkerei, Aff. 28/67, Rec. 1968, p. 226; CJCE Van Duyn, Aff. 41/74, Rec. 1974, p. 1337.
171
P.M. DUPUY, Droit international, Dalloz, 3e éd., 1995, n° 408.
172
On parle d'effet direct vertical si la norme communautaire peut être invoquée dans un litige entre un individu
et un Etat membre, et d'effet direct horizontal si elle peut l'être dans un litige entre deux particuliers. L’effet
direct vertical est celui qui s’attache à toute norme assortie de l’effet direct en ce qu’elle confère directement et
verticalement des droits ou impose des obligations aux particuliers qui peuvent les invoquer à l’encontre de leur
Etat tenu de faire respecter la règle communautaire sur son territoire. Quant à l ‘effet direct horizontal, c’est celui
qui se produit entre particuliers horizontalement c’est à dire qu’une disposition assortie d’un tel effet peut être
invoquée par les particuliers dans leurs rapports interpersonnels.
Cours de droit communautaire
69
Par sa jurisprudence, la CJCE a délimité la portée pratique de l’effet direct attaché aux
différents types d’actes communautaires. Dans le principe, l’effet direct s’attache à toutes les
normes communautaires. Pour la CJCE, « … si, en vertu des dispositions de l’article (249),
les règlements sont directement applicables […], il n’en résulte pas que d’autres catégories
d’actes visés par cet article ne peuvent jamais produire des effets analogues »173. Partant de
là, elle a consacré le principe de l’invocabilité des directives, ce qui a conduit à une variation
dans l’intensité ou la portée pratique de l’effet direct en fonction des différentes catégories de
normes communautaires :
inconditionnel et non restreint pour les règlements, les décisions adressées aux particuliers et
les principes généraux du droit communautaire174 ;
conditionnel et non restreint pour les traités constitutifs et les accords internationaux signés
par la l’organisation175 ;
conditionnel et restreint pour les directives176 car les directives ne sont invocables que si le
délai imparti pour leur mise en œuvre est expiré sans mise en application correcte. En outre,
les directives sont uniquement et exclusivement invocables dans le cadre d’un litige vertical
(particulier/Etat) et non contre les particuliers (effet horizontal) à condition que leurs
dispositions soient inconditionnelles et précises177.
173
CJCE, 6 octobre 1970, Franz Grad, Aff. 9/70, p. 825.
174
Cela signifie que l’effet direct est automatique, c’est-à-dire qu’un particulier peut invoquer les actes et
principes communautaires tant à l’encontre de l’Etat (litige dit vertical) qu’à l’encontre d’un autre particulier
(litige dit horizontal). Cf. CJCE, 14 décembre 1971, Politi, Aff. 43/71, Rec. 1971, p. 1039.
175
Ces sources peuvent être invoquées dans n’importe quel type de litiges mais à certaines conditions. Cf. CJCE,
5 février 1963, Van Gend & Loos Aff. 26/62, Rec.1963, p. 9 ; CJCE, 1er juin 1974, Reyners, Aff. 2/74, Rec.
1974, p. 631).
176
Cf. CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn Aff. 41/74, Rec.1974, p. 1337.
177
Dans ce sens, la Cour de Justice des Communautés européennes affirme dans de nombreuses décisions que :
« Dans tous les cas où les dispositions d’une directive apparaissent comme étant, du point de vue de leur
contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, ces dispositions peuvent être invoquées à défaut de mesures
d’application prises dans les délais, à l’encontre de toute disposition nationale non conforme à la directive, ou
encore en tant qu’elles sont de nature à définir des droits que les particuliers sont en mesure de faire valoir à
l’encontre de l’Etat » (CJCE, 19 janvier 1982, Becker, Aff. 8/81, Rec. 82, 53 (71) ; CJCE, 25 janvier 1983, Smit,
Aff.126/82, Rec. 83, 73 (88) ; CJCE, 20 septembre 1988, Beentjes, Aff.31/87, Rec. 88, 4635 (4662).
178
Ces déductions faites sur la base du droit communautaire européen le sont du fait de la similitude dans la
rédaction des dispositions concernant ces actes dans le Traité UEMOA et celui des Communautés européennes.
En outre le juge communautaire UEMOA ne se prive pas de se référer à la jurisprudence de la Cour de Justice de
Luxembourg pour motiver ses arrêts. Cf. Arrêt n°01/2008 du 30 avril 2008 dans l’Affaire YAÏ : « "Les deux
arrêts précités ont donné entièrement satisfaction au requérant qui peut en tirer toutes les conséquences de droit
surtout qu’il est de jurisprudence constante que la cour n’est pas obligée de déclarer recevable un recours
lorsque, par une décision antérieure, elle donne entière satisfaction au requérant sur le point de droit invoqué
« le recours en annulation contre une décision d’une institution communautaire n’est pas recevable, dès lors
qu’une décision antérieure avait donné satisfaction au requérant" (CJCE arrêt du 13 décembre 1984, affaire
Méyer épouse HANSER contre Comité Economique et Social) ».
Cours de droit communautaire
70
primaire et des accords internationaux, leur invocabilité exige qu’elles remplissent les qualités
d’une règle claire, précise, complète, juridiquement parfaite et inconditionnelle.
Concernant les directives, il faut relever que, par essence, elles ne peuvent être d’effet direct
compte tenu du fait qu’elles nécessitent des mesures interne de transposition. Cette
caractéristique a conduit pendant longtemps la doctrine, en droit communautaire européen, à
lui dénier tout effet direct180 Cependant la CJCE a, sur la base du principe de l’effet utile181
et du défaut d’exécution de la directive182, reconnu l’invocabilité des directives. Il ne peut
s'agir, en l’espèce, que d'un effet direct vertical, de surcroît ascendant183 puisque les
directives s'adressent aux Etats, non aux individus.
L’invocabilité des décisions conduit à envisager deux situations. Celle où la décision est
adressée à des particuliers : dans ce cas de figure la décision, par définition, produit un effet
direct sur la situation juridique de ces particuliers. La seconde situation est celle où la décision
est adressée aux Etats. Dans cette espèce, l’effet direct est conditionné par le caractère précis
clair et inconditionnel des dispositions concernées184
L’applicabilité directe ainsi constatée et affirmée serait sans portée si elle n’était couplée à la
suprématie de l’ordre juridique communautaire.
La réponse aurait été négative il y a quelques années tant le caractère interétatique du droit de
la CEDEAO était patent. Si l’existence d’un Journal Officiel de la Communauté pouvait
laisser supposer l’existence de l’applicabilité immédiate, l’effet direct paraissait bien écarté au
regard des dispositions du Traité originel comme du Traité révisé de 1993. En effet, l’article 9
L’effet direct est expressément affirmé. Cf. Articles 9.5 du Traité CEDEAO, 43 du Traité UEMOA, 10 Traité
179
OHADA
180
La majorité de la doctrine a pendant longtemps jugé que les directives ne pouvaient pas être d’effet direct
pour trois raisons :
- l’article 249 du traité d’Amsterdam ne le précise pas comme il le fait pour le règlement ;
- les directives ont pour destinataire les Etats membres et non leurs ressortissants ;
- par définition, la directive n’est pas une norme complète puisqu’elle doit être transposée par les
Etats.
181
CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn, Aff. 41/74, Rec 1974, p.1337
182
CJCE, 6 mai 1980, Commission c/ Belgique, Aff. 102/79, Rec, p..1473. le défaut d’exécution peut résulter de
l’absence de transposition dans les délais impartis ou d’une transposition incorrecte.
183
Il ne peut y avoir d’effet direct vertical descendant puisque l’Etat à qui incombe le défaut d’exécution, ne peut
invoquer la directive contre les particuliers
184
CJCE, 6 octobre 1970, Franz Grad, Aff. 9/70, Rec, p.825 ; CJCE, 8 mars 1979, Salumificio di Comuuda, Aff.
130/78, Rec, p.867 ; CJCE, 12 décembre 1990, Kaeffer et Procacci c/ Etat français, Aff. C-100 et 101/89, Rec,
p.I-4647.
Cours de droit communautaire
71
§.4 du Traité révisé prévoyait que les décisions de la Conférence n’ont de force obligatoire
qu’à l’égard des Etats membres et des Institutions de la Communauté et l’article 12 §.3
disposait que « les règlements du Conseil n’ont, de plein droit, force obligatoire qu’à l’égard
des Institutions ». Les seuls destinataires du droit CEDEAO, à l’époque, étaient donc les Etats
membres et les institutions communautaires, à l’exclusion des particuliers.
Contrairement à son origine prétorienne dans l’Union Européenne, la primauté, dans le droit
de l’intégration en Afrique de l’Ouest trouve sa consécration dans les traités constitutifs des
organisations d’intégration, notamment l’UEMOA et l’OHADA. Dans l’UEMOA
l’affirmation est faite à l’article 6 du traité tandis que dans l’OHADA elle est consignée à
l’article 10. Dans les deux traités la primauté est proclamée à travers l’expression suivante :
« nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure ». Cette
formule consacre la primauté comme un élément essentiel de l’efficacité du droit
communautaire dans les ordres juridiques nationaux.
185
Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005 portant amendement du Protocole A/P/17/91 relatif a
la Cour de justice de la Communauté.
186
Protocole additionnel A/SP.1/06/06 du 14 juin 2006 portant amendement du Traite révisé de la CEDEAO.
187
M. DEHOUSSE cité par L. CARTOU in Communautés Européennes, 1Oème édition, Paris, Dalloz, 1991,
p.124.
188
R. KOVAR, “ Les rapports entre le droit communautaire et les droits nationaux ” in Trente ans de droit
communautaire, Bruxelles, Commission Européenne, Coll. Perspectives européennes, 1981, p.118.
C’est d’ailleurs l’avis de la Cour de Justice de l’UEMOA dans son avis n° 001/2003 du 18
mars 2003 dans lequel il affirme : « La primauté bénéficie à toutes les normes
communautaires, primaires comme dérivées, immédiatement applicables ou non, et s’exerce à
l’encontre de toutes les normes nationales administratives, législatives, juridictionnelles et,
même, constitutionnelles parce que l’ordre juridique communautaire l’emporte dans son
intégralité sur les ordres juridiques nationaux.
Les Etats ont le devoir de veiller à ce qu’une norme de droit national incompatible avec une
norme de droit communautaire qui répond aux engagements qu’ils ont pris, ne puisse pas être
valablement opposée à celle-ci. Cette obligation est le corollaire de la supériorité de la norme
communautaire sur la norme interne.
Ainsi, le juge national, en présence d’une contrariété entre le droit communautaire et une
règle de droit interne, devra faire prévaloir le premier sur la seconde en appliquant l’un et en
écartant l’autre ».
189
A notre connaissance, aucune juridiction nationale n’a eu à affirmer le principe de primauté.
Cours de droit communautaire
73
Cette affirmation jurisprudentielle doublée de l’affirmation formelle inscrite dans les articles
6190 du Traité de Dakar confirme l’adoption du postulat moniste pour résoudre le problème
de l’intégration du droit communautaire dans les ordres juridiques nationaux. La solution non
équivoque : le droit d’essence communautaire prime le droit interne des Etats membres. Le
principe de primauté devient ainsi une composante essentielle de l’ordre public
communautaire, principe devant assurer, dans chacune des deux organisations, la cohérence
comme la cohésion de l’ordre juridique. Il ne pouvait en être autrement car le postulat de la
primauté du droit communautaire répond à des impératifs d’unité, d’uniformité et
d’efficacité191.
190
« Les actes arrêtés par les organes de l’Union pour la réalisation des objectifs du présent Traité et
conformément aux règles de procédure instituées par celui-ci, sont appliqués dans chaque Etat membre
nonobstant toute législation nationale contraire antérieure ou postérieure ».
191
R. KOVAR, « Les rapports entre le droit communautaire et les droits nationaux » in Trente ans de droit
communautaire, Bruxelles, Commission européenne, Coll. Perspectives européennes, 1981, p.118.
192
Elles se distinguent nettement des systèmes d’administration de la justice mis en place dans les expériences
antérieures qui, fondés sur les principes de la justice internationale - caractères facultatif et exclusivement inter-
étatique - ont conduit à une sclérose du droit communautaire.
193
V. CONSTANTINESCO, “ La Communauté Européenne ”, communication publiée dans les actes du
Colloque international de Strasbourg (19 et 20 Octobre 1989) sur le thème “ Francophonie et coopération
communautaire : les communautés, nouveaux instruments de la coopération internationale ”, sous la direction de
G. CONAC et al, p.129.
194
V. CONSTANTINESCO, Ibid.
Cours de droit communautaire
74
Instituée par l’article 38 alinéa 1 du Traité, la Cour de Justice de l’UEMOA est organisée par
la Protocole additionnel n°1 et l’Acte n°10/96 du 10 mai 1996 portant statut de la Cour de
justice de l’UEMOA qui lui confère le statut d’une juridiction permanente195 dont la
composition assure la présence d’un national de chaque Etat membre. Les juges, désignés par
la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement « parmi des personnalités offrant toutes
les garanties d’indépendance et de compétence juridique, nécessaires à l’exercice des plus
hautes fonctions juridictionnelles », le sont pour un mandat de six ans renouvelables196. Leur
statut vise à conforter cette indépendance (prestation de serment, octroi de privilèges et
immunités, secret des délibérations, interdiction de tout cumul avec des fonctions politique,
administrative ou juridictionnelle). Le président de la Cour de Justice est désigné par ses pairs
pour un mandat de trois ans.
Selon l’article 1er du Protocole additionnel n°1, « la Cour de Justice veille au respect du droit
quant à l’interprétation et à l’application ». Dans le cadre de cette mission, elle assume deux
fonctions essentielles : l’une contentieuse (§.1), l’autre consultative (§.2).
l’existence d’un recours préjudiciel en appréciation de la validité d’un acte émanant des
instances de l’Union202.
195
Article 10 de l’Acte additionnel n°10/96 portant Statuts de la Cour de Justice.
196
Article 2 du Protocole additionnel n°1.
197
Ce type de contentieux aboutit à la constatation d’une situation ou à l’interprétation d’une norme non assortie
de sanction.
198
Ce type de contentieux aboutit à écarter l’application d’une norme, nullement son annulation.
199
Article 12 du Protocole additionnel n°1 27 al.1 er et de l’Acte additionnel n°10/96.
200
Article 8 al.2 du Protocole additionnel n°1 et 27 al.1 er de l’Acte additionnel n°10/96.
201
Article 11 du Protocole additionnel n°1.
Cours de droit communautaire
75
A titre accessoire, la Cour de Justice est compétente pour connaître, dans le cadre du
contentieux de pleine juridiction, des litiges relatifs à la réparation des dommages causés par
les organes de l’Union ou par les agents de celle-ci dans l’exercice de leurs fonctions203,
ceux opposant l’Union à ses agents204 et les différends entre Etats membres relatifs au Traité
de l’Union205.
A cette fonction contentieuse très diversifiée s’ajoute une fonction consultative. La Cour peut
non seulement être amenée, à la demande du Conseil, de la Commission ou d’un Etat
membre, à opérer un contrôle préventif de conventionalité d’un acte communautaire ou
international, mais aussi à jouer un rôle de jurisconsulte puisque investie d’une compétence
d’avis et de recommandation206.
Par sa structure et surtout ses compétences, la Cour de Justice de l’UEMOA se révèle une
juridiction d’intégration sans précédent en Afrique de l’Ouest. Par la centralisation de
l’interprétation du droit et l’institution d’un contrôle de légalité de l’activité exécutive et
normative de l’Union, les concepteurs de l’UEMOA ont entendu soumettre cette dernière à un
contrôle juridictionnel étroit.
Aux termes de l’article 3 du Protocole d’Abuja, la Cour justice de la CEDEAO est composée
de sept (7) juges indépendants, choisis parmi les personnes de haute valeur morale,
ressortissants des Etats membres, possédant les qualifications requises dans leurs pays
respectifs pour occuper les plus hautes fonctions juridictionnelles, ou qui sont des
jurisconsultes de compétence notoire en matière de droit international et dont l’âge varie entre
40 et 60 ans. Ils sont nommés pour un mandat de 5 ans renouvelable une seule fois par la
Conférence, sur proposition du Conseil des Ministres207.
Dans le Protocole originel relatif à la Cour de justice tout comme dans le Protocole A/P/17/91
signé le 6 juillet 1991 à Abuja et portant amendement du protocole originel, la Cour de Justice
de la CEDEAO avait été pensée comme une juridiction internationale dont le prétoire était
ouvert aux seuls Etats. Ce faisant les particuliers ne pouvait accéder à la Cour que par le biais
de son Etat d'origine208. Mais depuis l’adoption du protocole A/SP.1/01/05 signé le 19
janvier 2005 à Accra et portant amendement du protocole A/P/17/91 relatif à la Cour de
justice, on est passée d’une saisine fermée à une saisine ouverte aux particuliers
communautaires. La Cour de justice de la CEDEAO est devenue une véritable juridiction
communautaire que les particuliers peuvent saisir sans intermédiaire en matière
202
Article 12 al.1er du Protocole additionnel n°1.
203
Article 15 du Protocole additionnel n°1 et 27 al.1er de l’Acte additionnel n°10/96.
204
Article 16 du Protocole additionnel n°1 et 27 al.1 er de l’Acte additionnel n°10/96.
205
Article 17 du Protocole additionnel n°1 et 27 al.1 er de l’Acte additionnel n°10/96
206
Article 27 al. 2 et 3 de l’Acte additionnel n°10/96
207
Article 4 du protocole d’Abuja de 1991.
208
Article 9 §.2 et 3 du Protocole A/P/17/91
Cours de droit communautaire
76
d’une action par rapport aux textes de la Communauté, ouvert aux Etats membres, au Conseil
des ministres et à la Commission214 ;
contre tout acte de la Communauté faisant grief, ouvert à toute personne physique ou
morale215. Le recours en appréciation de légalité n'est d’ailleurs pas enfermé dans des délais
comme c'est le cas dans le cadre de l'Union Européenne ou celui de l'UEMOA.
Le contentieux de pleine juridiction relatif à la réparation des dommages causés par les
organes de l’Union ou par les agents de celle-ci dans l’exercice de leurs fonctions216 et aux
litiges opposant la CEDEAO à ses agents217 mais après épuisement des voies de recours
interne218.
209
Le « contentieux de l’éviction » – exception d’illégalité et recours préjudiciel en appréciation de la légalité –
ne n’est pas expressément prévu par le Protocole A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005.
210
Article 9 §.1 d du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005
211
Article 10.a du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005.
212
«f) les juridictions nationales ou les parties concernées, lorsque la Cour doit statuer à titre préjudiciel sur
l’interprétation du Traité, des Protocoles et Règlements ; les juridictions nationales peuvent décider d’elles-
mêmes, ou à la demande d’une partie au différend de porter la question devant la Cour de Justice de la
Communauté pour interprétation ». Contrairement à la situation en vigueur dans l’UEMOA où le juge a un
pouvoir discrétionnaire dans le déclenchement de la procédure préjudicielle, dans la CEDEAO, référence faite à
l’article 10.f du Protocole A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005, le juge national se trouve en situation de
compétence liée. Une différence qui risque d’être source de problèmes.
213
Article 9 §.1.c du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005.
214
Article 10.b du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005.
215
Article 10.c. du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005 : « toute personne physique ou
morale pour les recours en appréciation de la légalité contre tout acte de la Communauté lui faisant grief ».
216
Articles 9 §.1.g et 9 §.2 du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005.
217
Article 9 §.1.f du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005.
218
Article 10.e du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005.
Cours de droit communautaire
77
Quant aux contentieux des droits de l’homme, il échoit à la Cour conformément aux
dispositions de l’article 9 §.4 du Protocole A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005 en ces termes :
« La Cour est compétente pour connaître des cas de violation des droits de l’Homme dans tout
Etat membre ». Cette compétence est étendue puisque selon l’article article 10.d : « toute
personne victime de violations des droits de l'homme ; la demande soumise à cet effet :
ii) ne sera pas portée devant la Cour de Justice de la Communauté lorsqu'elle a déjà été portée
devant une autre Cour internationale compétente ».
Le texte ne pose pas la condition d’usage de l’épuisement des voies de recours interne.
La Cour émet des avis juridiques sur des questions qui requièrent l’interprétation des
dispositions du traité sur saisine de la Conférence es chefs d’Etat et de Gouvernement, du
Conseil des ministres, de tout Etat membre, de la Commission et de toute autre institution de
la Communauté. En cas de difficulté sur le sens et la portée d’une décision ou d’un avis
consultatif de la Cour de justice, il appartient à cette dernière de l’interpréter219.
219
Article 23 du Protocole d’Abudja de 1991.
Cours de droit communautaire
78
DEUXIEME PARTIE :
Le schéma matériel ou, en d’autres termes, le droit matériel des deux organisations
d’intégration régionale d’Afrique de l’Ouest que sont la CEDEAO et l’UEMOA, à l’image de
celui des organisations d’intégration régionale des autres sous régions africaines et continents,
découle des objectifs poursuivis par ces différentes organisations, tels qu’exposés à la fin du
chapitre préliminaire du présent précis. En effet, ces organisations poursuivent des objectifs
avant tout économiques. A l’opposé des organisations à vocation politique, ces deux schémas
d’intégration visent la réalisation des quatre libertés communautaires fondamentales (libertés
de circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux). Cependant, l’évolution
du processus d’intégration régionale ne peut pas faire l’impasse sur les problèmes politiques ;
certains auteurs concluent d’ailleurs à une politisation de l’intégration régionale220 qui
semble plus marquée au niveau de la CEDEAO que de l’UEMOA. Pour comprendre les
dynamiques du droit matériel de ces organisations, il convient donc de les analyser
séparément. Ainsi, après avoir examiné le droit matériel de la CEDEAO (Titre 1), nous
exposerons celui de l’UEMOA (Titre 2).
La libre circulation des marchandises est le plus souvent recherchée à travers la création d’une
union douanière entre les Etats parties qui se traduit par l’instauration d’une zone de libre-
échange à l’intérieur de l’espace communautaire dans lequel les biens ont vocation à circuler
librement et par la mise en place d’un cordon douanier commun vis-à-vis du reste du monde.
C’est le cas au niveau de la CEDEAO dans lequel le schéma d’intégration adopté implique le
libre échange intérieur (section I) et la différenciation de l’espace communautaire par rapport
aux autres espaces section II).
le libre échange intérieur caractérise par la suppression progressive des barrières tarifaires et
non tarifaires a l’intérieur de l’espace communautaire se traduit dans le cas d’espèce de la
CEDEAO par la libre circulation des produits du cru et de l’artisanat traditionnel (A) et la
libre circulation des produits industriels originaires de la communauté (B).
220
Voir A. SALL, Les mutations de l’intégration des Etats en Afrique de l’ouest. Une approche institutionnelle,
Paris, l’Harmattan, 2006, 196 p.
Cours de droit communautaire
80
« Les produits du cru » sont ceux du règne animal, végétal ou minéral n’ayant subi aucune
transformation à caractère industriel. « Les produits de l’artisanat traditionnel » sont des
articles faits à la main, avec ou sans l’aide d’outils, d’instruments ou de dispositifs actionnés
directement par l’artisan221. En ce qui concerne ces produits, l’article 36 paragraphe 2 du
Traité révisé de 1993 dispose que « Les produits du cru et de l’artisanat traditionnel
originaires des Etats membres de la Communauté ne sont soumis à aucun droit à l’importation
et à aucune restriction quantitative au sein de la région. L’importation de ces produits à
l’intérieur de la Communauté ne fait pas l’objet d’une compensation pour perte de recettes ».
Cette disposition ne fait que reprendre les acquis de la CEDEAO222. En effet, la
libéralisation de ces deux catégories de produits a été réalisée au lendemain de la création de
la Communauté.
221
Voir nouvel article 2 §3 du Protocole A//SP. 4/5/81 du 29 mai 1981 modifiant l’article 2 du protocole relatif à
la définition de la notion de produits originaires des Etats membres de la CEDEAO, J.O., vol. 3, Rec.PCD, p.75.
222
En effet les décisions C/DEC./8/11/79 du 26 novembre 1979 du conseil des ministres et A/DEC.1/5/81 du 29
mai 1981 de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement organisaient respectivement la libéralisation des
produits du cru et de l’artisanat traditionnel. Aux termes de ces deux textes, ces deux catégories de produits, dont
la liste est annexée à chacune des décisions, circulent librement c’est-à-dire en franchise des droits de douane et
taxe d’effet équivalent. En outre, ces textes prohibent les restrictions quantitatives et les contraintes
administratives. Les pertes de recettes du fait de leurs importations ne donnent pas droit à des compensations
(contrairement à ce qui se passe au niveau de la libéralisation des produits industriels originaires). Pour
bénéficier d’un tel régime, ces produits doivent être simplement accompagnés d’un certificat d’origine.
Il s’agit du protocole du 5 novembre 1976 relatif à la définition de la notion de produits originaires des Etats
223
Etat membre) ; - des marchandises obtenues à partir des matières premières d’origine
communautaire dont la valeur est égale ou supérieure à quarante pour cent du coût total des
matières premières mises en œuvre ou dont la quantité est égale ou supérieure à soixante pour
cent de l’ensemble des matières premières utilisées ; - des marchandises obtenues à partir des
matières premières d’origine étrangère ou indéterminée dont la valeur CAF ne dépasse pas
soixante pour cent du coût total des matières premières utilisées ; - des marchandises obtenues
à partir de matières premières d’origine étrangère ou indéterminée ayant reçu, dans le
processus de fabrication, une valeur ajoutée d’au moins trente cinq pour cent du prix de
revient ex-usine hors taxe du produit fini.
La condition qui exigeait que les ressortissants des Etats membres aient une participation d’au
moins vingt cinq pour cent dans le capital social des entreprises produisant ces marchandises
a été supprimée224. Cette suppression s’explique, sans doute, par le souci d’attirer les
investissements étrangers indispensables au développement de la Communauté.
B) LE SCHEMA DE LIBERALISATION
224
Voir décision A/DEC. 4/7/96 du 27 juillet 1996 portant suppression du critère relatif au niveau de
participation des nationaux au capital social des entreprises désireuses de bénéficier des avantages du schéma de
libéralisation des échanges.
225
Article 13 § 2 dudit Traité.
226
Article 12 et 13 § 1 du Traité de 1975
Cours de droit communautaire
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P1 P2
G1 Cap-Vert, Gambie, 8 ans sur la base de 12,5% de 10 ans sur la base de 10% de
Guinée-Bissau, Mali, Burkina réduction par an réduction par an
Faso, Mauritanie, Niger
G2 Bénin, Guinée, Liberia, 6 ans sur la base de 16,66% 8 ans sur la base de 12,5% de
Sierra Leone, Togo de réduction par an réduction par an
G3 Côte d’Ivoire, Ghana, 4 ans sur la base de 25% de 6 ans sur la base de 16,66%
Nigeria, Sénégal réduction par an de réduction par an
Si ce schéma avait été respecté, la CEDEAO devait réaliser l’union douanière ou, du moins,
une zone de libre échange, au plus tard en 1993. Cependant, en juin 1989, lors de la
Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement tenue à Ouagadougou, un constat d’échec de
la mise en œuvre de ce schéma a été fait. Cette situation a conduit la Conférence à prévoir les
nouvelles échéances dans une nouvelle décision, à savoir la Décision A/DEC.6/6/89 du 30
juin 1989227. Le nouvel article 9 a fixé la nouvelle date de mise en application au 1er janvier
1990. Cette disposition a été reprise par l’article 35 du Traité révisé. Aux termes de cet article,
« A partir du 1er janvier 1990 tel que prévu à l’article 54 du présent Traité, il est
progressivement établi au cours d’une période de dix ans, une union douanière entre les Etats
Membres ». L’article 54 auquel il est fait allusion dispose que « Les Etats membres
s’engagent à réaliser une Union Economique dans un délai maximum de quinze ans à partir
du démarrage du schéma de libéralisation des échanges adoptés par la Conférence aux termes
de la décision A/DEC.1/5/83 du 30 mai 1983 et dont le lancement est intervenu le 1er janvier
1990 ».
L’union économique passe donc par une union douanière qui s’établit sur dix ans et qui
devrait aboutir à l’élimination des barrières tarifaires et non tarifaires et autres entraves
administratives tels les restrictions quantitatives, prohibitions et contingentements. La
décision A/DEC. 6/7/92228, modifiant celle de 1983 relative à l’adoption d’un schéma unique
de libéralisation des échanges, fixe les nouveaux taux de libéralisation par groupe de pays en
227
Voir décision A/DEC.6/6/89 du 30 juin 1989, J.O vol.15, Rec. PCD, p.141.
228
Décision A/DEC. 6/7/92 du 29 juillet 1992, J.O., vol.23, Rec. PCD, p.118.
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Toute entreprise communautaire désireuse de bénéficier des avantages du schéma doit établir
un dossier de demande d’agrément dont le modèle est déposé auprès des cellules nationales
CEDEAO. Cette demande fera l’objet d’un examen par les autorités compétentes, avant d’être
envoyée au plus tard le 28 février de chaque année, au Secrétariat Exécutif de la CEDEAO
pour étude et recommandation au Conseil des ministres. Les produits agréés (par le Conseil
des ministres) doivent être accompagnés d’un certificat d’origine et d’une déclaration
d’exportation.
229
Convention A/P4/5/82 signé à Cotonou le 29 mai 1982, relative au Transit Routier Inter-Etats, (TRIE) (Rec.
PCD, p.173, J.O. vol.4) ; Convention additionnelle A/SP.1/5/90 signé à Banjul le 30 mai 1990 portant institution
au sein de la Communauté d’un mécanisme de garantie des opérations de transit routier inter-Etats des
marchandises (Rec. p. 195, J.O. vol.17).
230
Décision C/DEC.5/12/92 signé à Abuja le 5 décembre 1992 portant institution de la foire commerciale de la
CEDEAO, J.O vol. 24, Rec. PCD p.237.
231
Protocole relatif à la réexportation au sein de la CEDEAO des marchandises importées des pays tiers, Lomé,
5 novembre 1976, Rec. PCD, p.98
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La différenciation de l’espace communautaire par rapport aux autres espaces est surtout
envisagée à travers l’instauration d’un tarif extérieur commun (TEC) (§.1) et d’une politique
extérieure commerciale commune (§.2).
Le traité de 1975 prévoyait déjà une union douanière à la fin d’une période de quinze ans.
Mais le premier schéma de libéralisation, arrêté en 1983 et qui devait s’achever en 1993 par
l’établissement du TEC n’a pas été respecté ; le TEC n’a pu être établi. Le nouveau schéma
démarré en janvier 1990 s’étalant sur dix ans, la libéralisation totale des échanges au 1er
janvier 2000 devait entraîner dans son sillage l’établissement du TEC au plus tard à cette date.
Sur le TEC, l’article 37 du Traité révisé dispose : « Les Etats conviennent de l’établissement
progressif d’un tarif extérieur commun en ce qui concerne tous produits importés dans les
Etats Membres et en provenance de pays tiers, conformément au calendrier proposé par la
Commission Commerce, Douanes, Fiscalité, Statistiques, Monnaie et Paiements.
L’article 35 alinéa 2 du Traité révisé prévoit de son côté : « il est instauré et mis régulièrement
à jour un tarif extérieur commun en ce qui concerne tous les produits importés des pays
tiers ». Bien avant l’échéance de l’an 2000, il aurait été judicieux, vu la modulation du schéma
par groupes de pays, que le TEC soit établi déjà à la première échéance, c’est à dire à l’étape
de 1996, marquant la libéralisation totale des échanges vis-à-vis des pays du groupe 3. La
nécessité de l’établissement d’un TEC vient de la crainte que les importations de
marchandises ne soient faites à travers des pays des autres groupes (où le tarif extérieur
pourrait être faible) pour être écoulées vers les marchés du groupe 3. Les échéances ont été
dépassées sans que le TEC ne soit établi. Les préférences commerciales prévues par ce
schéma ne sont pas respectées et les éléments constitutifs du TEC ne sont pas encore connus à
ce jour.
En 2000, les Etats membres ont décidé d’aligner leur régime tarifaire sur celui déjà adopté par
les pays membres de l’UEMOA. Ainsi, les marchandises importées sont soumises à un droit
de douane compris entre cinq pour cent et vingt pour cent232 en fonction de la catégorie des
produits. S’agissant de la mise en œuvre, les Etats membres ont convenu d’une période
transitoire de trois ans (2005-2007) qui leur permettra d’aligner leur politique douanière. Le
TEC devait ainsi être mis en application dans tous les Etats membres de la CEDEAO en fin
2007.
232
A Niamey le 12 janvier 2006, les Chefs d’Etat ont adopté le TEC aux taux de 0%, 5%, 10% et 20%.
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Au total, l’union douanière est à construire au sein de la CEDEAO. C’est pourquoi, à ce sujet,
l’ancien Président ghanéen a pu tenir les propos234 suivants : « Il faut admettre que la mise
en œuvre de ce programme est irrégulière et incertaine car les obstacles tarifaires et non
tarifaires persistent encore…le schéma se heurte à de nombreuses difficultés. Son avenir reste
incertain. Peu d’Etats appliquent des tarifs réduits. Et ceux qui ont promulgué des législations
d’application du schéma ne les appliquent pas en l’absence de traitement réciproque ».
Quelles sont les causes d’une telle situation ? La cause fondamentale nous ramène
inexorablement à la nature des actes juridiques utilisés, notamment le degré de leur force
obligatoire. A ce sujet, il faut rappeler que les décisions, utilisées en l’espèce, n’avaient235
force obligatoire qu’à l’égard des Etats. Cette situation a d’ailleurs donné des arguments à
certains Etats membres pour créer une autre organisation d’intégration poursuivant
pratiquement les mêmes objectifs236. A priori, l’utilisation du droit dérivé, à savoir les
Décisions, devait permettre d’atteindre les objectifs de l’union douanière. Mais, si en dépit de
ces instruments juridiques utilisés, la réalisation de l’union douanière reste hypothétique, on
est en droit de se demander si l’objectif de libéralisation des facteurs de production, fondé sur
le droit primaire, a des chances d’aboutir.
233
Protocole A/P1/7/96 du 27 juillet 1996 relatif aux conditions d’application du prélèvement communautaire,
J.O. vol. 31, p.5.
234
John Jerry RAWLINGS, à l’occasion du 18ème sommet de la CEDEAO tenu en 1995 à Accra.
235
Avec l’adoption du protocole A/SP. 1/06/06, le droit CEDEAO est devenu, à l’instar du système juridique de
l’UEMOA, un droit à caractère supranational.
236
L’une des raisons avancées par les fondateurs de l’UEMOA, pour justifier sa création, est de donner une
nouvelle dynamique, une nouvelle impulsion à la CEDEAO.
Cours de droit communautaire
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En conclusion, il ressort de ces dispositions que la création d’un espace économique commun
engendre la perte de compétence des Etats dans un certain nombre de domaines au profit de la
Communauté. Ce sont des actions positives communautaires qui remplacent les politiques des
Etats membres. Il revient donc à la CEDEAO de conclure des accords commerciaux dans
toutes les instances internationales. Il faut relever que le GATT et la CNUCED ont été cités à
titre exemplatif car la compétence de négociation de la Communauté s’étend à « toute autre
instance de négociation commerciale »237. C’est dire que la CEDEAO a la personnalité
juridique et la compétence exclusive dans la conclusion des accords commerciaux. Dans la
pratique, le Conseil des ministres ou la Conférence donne autorisation au Secrétaire Exécutif
(par décision) ; le Secrétaire Exécutif conclut le contrat qui engage la Communauté.
Les négociations sur les Accords de partenariat économique (APE) entre, d’une part, la
CEDEAO et l’UEMOA au nom de leurs Etats membres et, d’autre part, l’Union européenne,
illustrent assez bien la volonté d’instauration d’une politique commerciale commune, comme
le révèlera plus amplement la troisième partie du présent précis consacrée aux relations entre
l’Union européenne et les pays ACP.
La libéralisation des facteurs de production est envisagée dans la CEDEAO par le biais de la
libre circulation des personnes (§.1) et de la libre circulation des capitaux (§.2).
La libre circulation des personnes suppose un ensemble de libertés dont certaines peuvent être
considérées comme des libertés préalables, à savoir le droit d’entrée et le droit de séjour, et
d’autres, des libertés subsidiaires, à savoir le droit de résidence, le droit d’établissement et la
libre prestation des services.
237
Idem.
Cours de droit communautaire
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Rappelons au préalable que la libre circulation des personnes est une expression polysémique
recouvrant en réalité plusieurs droits ou libertés : le droit d’entrée, le droit de résidence, le
droit d’établissement et la libre prestation des services. A ce sujet, l’article 59 du Traité révisé
dispose que « les citoyens de la Communauté ont le droit d’entrée, de résidence et
d’établissement et les Etats membres s’engagent à reconnaître ces droits aux citoyens de la
Communauté sur leurs territoires respectifs conformément aux dispositions des protocoles y
afférents.
Les Etats membres s’engagent à prendre toutes les mesures appropriées en vue d’assurer aux
citoyens de la Communauté, la pleine jouissance des droits visés au paragraphe 1 du présent
article. Les Etats membres s’engagent à prendre, au niveau national, les dispositions
nécessaires pour assurer l’application effective des dispositions du présent article ». La
CEDEAO a organisé la libre circulation des personnes en trois étapes à travers trois
protocoles correspondants aux droits d’entrée, de résidence et d’établissement.
Préalable à la jouissance des autres droits, le droit d’entrée est celui qui donne le libre accès
au territoire d’un Etat membre. C’est la première étape de la libre circulation des personnes
organisée par la CEDEAO. Ce droit résulte du protocole A/P1/5/79 de Dakar du 25 mai
1979238. Le droit d’entrée dans la CEDEAO se traduit concrètement par la suppression des
formalités de visa et de permis d’entrée et un droit de séjour limité. Aux termes de l’article 3
du protocole de Dakar en effet, « tout citoyen de la Communauté, désirant entrer sur le
territoire de l’un quelconque des Etats membres, sera tenu de posséder un document de
voyage et des certificats internationaux de vaccination en cours de validité.
Tout citoyen de la Communauté, désirant séjourner dans un Etat membre pour une durée
maximum de quatre vingt dix (90) jours, pourra entrer sur le territoire de cet Etat membre par
un point d’entrée officiel, sans avoir à présenter un visa. Cependant, si ce citoyen se propose
de prolonger son séjour au-delà des quatre vingt dix (90) jours, il devra, à cette fin, obtenir
une autorisation délivrée par les autorités compétentes ». Le protocole définit lui-même la
notion de document de voyage en cours de validité : « un passeport ou tout autre document en
cours de validité, établissant l’identité de son titulaire, avec sa photographie, délivré par ou au
nom de l’Etat membre dont il est citoyen et sur lequel les cachets de contrôle des services
d’immigration ou d’émigration peuvent être apposés. Est également considéré comme
document de voyage en cours de validité, un laissez-passer délivré par la Communauté à ses
fonctionnaires et établissant l’identité du porteur »239.A cette liste, il faut ajouter le carnet de
voyage CEDEAO institué par la décision A/DEC.2/7/85, signée à Lomé le 6 juillet 1985.
L’institution d’un formulaire harmonisé d’immigration et d’émigration de la CEDEAO par
décision C/DEC.3/12/92 du 5 décembre 1992240 vise également à faciliter et simplifier les
formalités de mouvement des personnes au passage des frontières.
238
Protocole A/SP. 1/5/79 de Dakar du 25 mai 1979, J.O. vol.1, Rec. PCD, p.3.
239
Article 1 du protocole de Dakar.
240
Décision C/DEC.3/12/92 du 5 décembre 1992 relative à l’institution d’un formulaire harmonisé
d’immigration et d’émigration, J.O. vol.24, Rec. PCD, p.50.
Cours de droit communautaire
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Etats membres, est fortement critiquable parce que l’appréciation de la notion d’immigrants
inadmissibles est laissée à la discrétion des Etats membres ; cette situation pourrait constituer
une source d’abus. Il faut également relever qu’à ce jour, certains Etats n’ont pas encore
imprimé les carnets de voyage CEDEAO. En dehors de ces obstacles et craintes, le droit
d’entrée est, dans l’ensemble, une réalité dans la CEDEAO, ce qui est loin d’être le cas pour
le droit de résidence.
Dans les lignes qui suivent, il est intéressant d’examiner successivement chacun des éléments
constitutifs de ces libertés subsidiaires.
Le droit de résidence est organisé par le protocole A/SP.1/7/86 du 1er juillet 1986241, signé à
Abuja. Aux termes dudit protocole, le droit de résidence est le droit reconnu à un citoyen,
ressortissant d’un Etat membre, de demeurer dans un Etat membre autre que son Etat
d’origine et qui lui délivre une Carte ou permis de Résidence pour y occuper un emploi.
L’article 2 du protocole d’Abuja oblige chacun des Etats membres à reconnaître aux citoyens
de la Communauté le droit de résidence sur son territoire en vue d’accéder à une activité
salariée et de l’exercer. Le droit de résidence n’est donc pas un principe général de libre
circulation de tous les ressortissants de la CEDEAO mais concerne seulement des travailleurs.
Ces derniers peuvent continuer de séjourner dans le pays d’accueil après y avoir exercé un
emploi. Le droit de résidence est donc lié à l’exercice d’une activité professionnelle. En
d’autres termes, le droit de résidence exclut toute discrimination fondée sur la nationalité dans
la recherche et l’exercice d’un emploi. C’est donc le principe de l’assimilation aux nationaux
qui prévaut. Pour renforcer cette égalité entre citoyens de la Communauté, l’article 61
paragraphe 2 (b) du Traité révisé de 1993 prévoit une harmonisation des législations et des
régimes de sécurité sociale des Etats membres.
241
Protocole A/SP.1/7/86 d’Abuja du 1er juillet 1986, J.O., vol.9, Rec. PCD, p.26.
Cours de droit communautaire
89
A côté de cet obstacle que pourrait constituer l’exigence de la carte de résident, des
exceptions sont prévues à l’exercice du droit de résidence. Ces exceptions sont fondées sur
des motifs de sécurité, de santé ou d’ordre publics. Les emplois de l’administration publique
constituent également une limitation à l’exercice du droit de résidence. La notion d’emploi
dans l’administration publique n’ayant pas fait l’objet d’une définition, il reviendra
certainement à la Cour de Justice de la Communauté de le faire. Il faut noter que le Traité de
Rome, fondant la Communauté Européenne, prévoyait également cette exception dans les
mêmes termes. Appelée à se prononcer sur un tel concept, la CJCE a décidé que les emplois
concernés sont ceux « qui comportent une participation, directe ou indirecte, à l’exercice de la
puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de
l’Etat ou des autres collectivités publiques »242. La carte de résident, préalable à l’exercice
du droit de résidence n’est imprimée par aucun Etat membre. Ceci rend, évidemment,
ineffectif l’exercice de ce droit.
242
CJCE, 17 décembre 1980, aff. 149/79, Commission c/. Belgique, Rec. 1979, p. 3881.
243
Protocole A/SP.2/5/90 du 29 mai 1990, J.O. vol.17 ; Rec. PCD, p.39.
244
Article 1 du protocole de Banjul.
Aux termes de l’article12 du protocole, en effet, les Etats membres s’engagent :
245
Les exceptions au droit d’établissement sont celles également fondées sur les motifs d’ordre
public, de sécurité publique, de santé publique ainsi que des activités, relevant dans un Etat
membre, même à titre occasionnel, de l’exercice de l’autorité publique246. La notion
d’activités relevant de l’exercice de l’autorité publique n’a pas non plus fait l’objet de
définition par le protocole. Ceci peut être source de controverses, car certains Etats pourront
en avoir une conception restrictive et d’autres, extensive. Toute chose pouvant aboutir à des
traitements inégaux des citoyens de la Communauté selon les pays. Il reviendra à la Cour de
justice de la CEDEAO de donner une interprétation unique de cette notion comme l’a fait son
homologue européen247. Toujours en rapport avec le droit d’établissement, il est prévu une
clause de sauvegarde en faveur des Etats248. C’est dire donc qu’un Etat peut faire échec au
droit d’établissement, si les mouvements de capitaux liés à l’exercice de ce droit risquent de
porter un préjudice grave à son économie.
prendre en compte cette préoccupation et s’inspirant surtout de l’initiative des Etats membres
de l’OHADA que les instances de la Communauté ont entamé des études en vue de
l’harmonisation du droit des affaires dans la CEDEAO. C’est ainsi que, par une décision du
Conseil des ministres en date du 27 juillet 1995, il a été créé un comité des experts juristes de
la CEDEAO chargé de faire des propositions en vue de l’harmonisation du droit des
affaires249. Si ce projet devait aboutir à la rédaction d’actes uniformes et non pas une simple
harmonisation, la question qu’on est en droit de se poser est celle de sa place, de sa
compatibilité avec les actes uniformes de l’OHADA. Tous les Etats francophones de la
CEDEAO faisant déjà partie de l’OHADA, quel sera leur droit positif des affaires ? Et même
si ce projet se limitait à une simple harmonisation, il n’est pas exclu que cette harmonisation
débouche sur des incompatibilités avec les actes de l’OHADA. En tout état de cause, une
concertation entre les deux organisations s’avère indispensable. Au total, bien que des
dispositions existent, le droit d’établissement est loin d’être une réalité dans la CEDEAO.
La libre prestation des services vise des cas où des personnes morales ou physiques, sont
appelées à exercer, de façon temporaire, leurs activités sur le territoire d’un Etat membre sans
qu’ils y soient établis. Par exemple, un avocat burkinabè voudrait plaider pour un client à
Lagos alors que son cabinet se trouve à Ouagadougou. Le service est défini en droit
communautaire comme une prestation contre rémunération.
Le protocole de Dakar de 1979 organisant la libre circulation des personnes n’envisage pas
spécifiquement la libre prestation des services. Seul le Traité révisé contient quelques
dispositions éparses et lapidaires sur cette question. Il s’agit de l’article 55 (ii) qui enjoint aux
Etats de supprimer non seulement des obstacles à la libre circulation des personnes, des biens
et des capitaux mais également des services. C’est le cas également de l’article 34 (c) qui
abolit des discriminations entre les citoyens en matière de prestations touristiques et
hôtelières. Ainsi les Etats membres s’engagent à « éliminer toutes mesures ou pratiques
discriminatoires à l’égard des ressortissants de la Communauté en matière de prestations
touristiques et hôtelières ».
En l’absence de textes dérivés sur la libre prestation des services, faut-il convenir que ces
dispositions du Traité ont un effet direct ? La Cour de justice de la CEDEAO étant accessible
désormais aux particuliers, il reste à espérer qu’une fois saisie, celle-ci se prononce
favorablement en reconnaissant un plein effet direct à ces dispositions.
Au terme de cette étude de la notion de la libre circulation des personnes dans la CEDEAO,
quelques remarques méritent d’être faites.
1- D’abord, il faut bien remarquer que les bénéficiaires des droits d’entrée, de résidence et
d’établissement sont les citoyens de la Communauté. Que faut-il entendre par citoyen de la
Communauté ? L’analyse de cette notion appelle une distinction selon qu’il s’agit des
personnes physiques ou des personnes morales.
249
Décision C/DEC.7/7/95 relative à l’harmonisation du droit des affaires dans les Etats membres de la
CEDEAO ; Décision C/DEC.6/7/95 du 27 juillet 1995 relative à l’institutionnalisation de la réunion des experts
juristes de la CEDEAO, J.O. vol.29, p.24, p.25.
Cours de droit communautaire
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Concernant les personnes physiques, le protocole de Dakar de 1979 avait dans un premier
temps défini le citoyen de la Communauté comme un citoyen de tout Etat membre250. Tout
national des Etats membres serait donc un citoyen de la CEDEAO. Plus tard, cette notion a
fait l’objet de controverses entre anglophones et francophones. Pour le premier groupe de
pays, tous les nationaux des Etats membres n’étaient pas citoyens de la Communauté. Ils
avaient une conception très restrictive et discriminatoire de cette notion de citoyen de la
CEDEAO. Il s’agissait d’exclure du bénéfice de la libre circulation certains nationaux des
Etats membres251. Contre cette conception restrictive, les seconds préconisaient de faire une
application générale, égalitaire et non discriminatoire de cette notion. Finalement, ce sera le
point de vue du premier groupe qui l’emportera. En effet, un protocole, signé à Cotonou le 29
mai 1982252, portant code de la citoyenneté de la CEDEAO, concrétisera la conception
restrictive de la notion de citoyen de la CEDEAO. Aux termes de l’article 1er de ce code, est
citoyen de la Communauté : - « toute personne qui, par descendance, a la nationalité d’un
Etat membre et qui ne jouit pas de la nationalité d’un Etat non-membre de la Communauté ; -
toute personne qui a la nationalité d’un Etat membre par le lieu de naissance et dont l’un ou
l’autre des parents est citoyen de la Communauté, à condition que cette personne, ayant atteint
l’âge de 21 ans, opte pour la nationalité de cet Etat membre ; - toute personne naturalisée d’un
Etat membre qui renonce expressément à la nationalité d’un Etat non-membre ».
En ce qui concerne les sociétés, sont considérées comme originaires de la Communauté celles
constituées en conformité des lois et règlements d’un Etat membre, ayant leur siège statutaire,
leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté.
Lorsqu’elles n’ont que leur siège statutaire dans la Communauté, leur activité doit présenter
un lien effectif et continu avec l’économie de cet Etat membre253.
2- Ensuite, il faut relever que seul le droit d’entrée (liberté d’accès au territoire avec un droit
de séjour de quatre vingt dix jours au maximum) concerne tous les citoyens de la
Communauté, les autres libertés (résidence et établissement) sont des droits liés à l’exercice
d’une activité professionnelle.
250
Article 1er du Protocole A/SP. 1/5/79 de Dakar du 25 mai 1979.
251
Cette discrimination concernait notamment les communautés syro-lybanaises installées dans la plupart des
Etats membres et ayant obtenu par naturalisation la nationalité de leur pays d’accueil.
252
Protocole A/P.3/5/82 de Cotonou du 29 mai 1982 portant code de la citoyenneté de la Communauté, J.O.,
vol.4, Rec. PCD, p.15.
253
Article 3 du Protocole additionnel A/SP. 2/5/90 de Banjul du 29 mai 1990, Rec. PCD, p. 41.
Cours de droit communautaire
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3- Enfin, il faut relever la nature juridique des actes utilisés et les soupapes de sécurité que se
sont aménagées les Etats en matière de libre circulation des personnes. En effet, les actes
juridiques utilisés sont des protocoles, ; or ceux-ci sont des actes conventionnels dont la mise
en vigueur est subordonnée aux procédures de « réception » dans les ordres juridiques des
Etats. Les Etats ne seront tenus de les appliquer que s’ils le veulent bien. Dans ces conditions,
il n’est pas étonnant que ces deux libertés se soient limitées aux textes. Une libre circulation
des personnes, lorsqu’elle est effective, s’accompagne nécessairement de la libre circulation
des capitaux.
La libre circulation des capitaux est une des conditions d’exercice des autres libertés et
recouvre en réalité les deux aspects que sont la libération des paiements et la liberté des
investissements. La réglementation de la CEDEAO prend en compte ces deux types de
mouvements de capitaux.
L’article 51 (c) du Traité révisé dispose que les Etats s’engagent à « faciliter la libéralisation
des paiements des transactions intra-régionales et, comme mesure intérimaire, assurer la
convertibilité limitée des monnaies ». Ce n’est donc pas une liberté totale de convertibilité ; la
durée de la période intérimaire n’est pas précisée non plus. Une décision avait déjà été signée
en 1992 par la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement visant à permettre l’utilisation
des monnaies locales par les citoyens de la Communauté pour effectuer des paiements des
services rendus pendant les voyages, notamment les taxes d’aéroport, les factures d’hôtel et
les billets d’avion254. Elle interdit en matière de paiement, des discriminations fondées sur la
nationalité. En d’autres termes, on ne peut exiger des citoyens de la Communauté une
monnaie autre que celle exigée des nationaux pour effectuer des paiements. Par exemple, si
un Burkinabè se rendait au Nigeria, il ne peut être exigé de lui autre monnaie que le naira pour
effectuer les opérations ci-dessus évoquées. Cette décision vise certainement à dispenser les
citoyens de l’exigence, dans certains pays, des devises étrangères pour certains paiements.
Dans le même souci de faciliter les paiements intra-communautaires, il a été créé et lancé, à
compter du 1er juillet 1999, un chèque de voyage CEDEAO. Ce chèque vise à favoriser les
transactions commerciales dans la Communauté. Sa délivrance aux particuliers est confiée
aux banques.
254
Décision C/DEC.1/12/92 signée à Abuja le 5 décembre 1992 ; Rec. PCD, p. 278.
Cours de droit communautaire
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des entreprises communautaires. Il s’agit notamment du transfert des fonds pour les paiements
à effectuer dans le cadre normal des transactions commerciales ; du transfert du capital y
compris les intérêts et les dividendes dans les pays d’origine des actionnaires et des créanciers
de l’entreprise communautaire en cas de cession ou de liquidation de cette dernière ; du
transfert des bénéfices, sous réserve des retenues nécessaires au réinvestissement, à l’entretien
et à l’amortissement des installations ainsi qu’au paiement de toutes taxes dues par
l’entreprise communautaire ; du transfert en vue du paiement du principal, des intérêts et de
toutes autres charges financières lorsqu’un prêt a été accordé à l’entreprise communautaire
par un non résident conformément aux conditions du contrat de prêt ; du transfert des
honoraires et autres charges supportés par l’entreprise communautaire dans le cadre de ses
opérations ordinaires en dehors du lieu principal de ses activités255.
Au plan institutionnel, il faut noter que le traité révisé prévoit la création d’un comité chargé
des questions relatives aux capitaux. Ce comité est composé d’un représentant de chacun des
Etats membres. Il a pour fonction de veiller et de faciliter la libre circulation des capitaux dans
la Communauté aussi bien au niveau des paiements, des investissements que des échanges sur
les marchés de capitaux. Il doit aussi encourager la création de ces marchés financiers, qu’ils
soient nationaux ou régionaux, en assurant leur coordination256. L’exception au principe de
libre circulation des capitaux, nous l’avons déjà mentionné, est une clause de sauvegarde
prévue à l’article, 10 paragraphe 2, du protocole de Banjul sur le droit d’établissement.
L’analyse des objectifs de l’UEMOA dans l’introduction générale a laissé entrevoir qu’à
l’instar de la CEDEAO, celle-ci vise également comme objectif fondamental la construction
d’un marché commun et qu’il est prévu à plus long terme, comme aboutissement, la
construction d’une union économique. La libre circulation dans le cadre d’une communauté
comme l’UEMOA repose sur la libre circurlation des biens (Chapitre I) et sur la libéralisation
des facteurs de production (Chapitre II).
La libre circulation des biens implique le libre échange intérieur (§.1) et la différenciation de
l’espace communautaire par rapport aux autres espaces (§.2).
255
Voir article 16 §5 du A/P/11/84 du 23 novembre 1984, Rec. PCD, p. 222.
256
Article 53 du Traité révisé sur le Comité des questions relatives aux capitaux.
Cours de droit communautaire
95
Il a d’abord été instauré une période transitoire ou du moins un régime tarifaire préférentiel
transitoire des échanges au sein de l’UEMOA257. Le schéma définitif a été instauré quant à
lui à partir du premier janvier 2000.
Le régime tarifaire préférentiel transitoire institué par la Conférence des Chefs d’Etat et de
Gouvernement de l’UEMOA comprenait un corps de règles dont les plus importantes
demeurent :
257
Voir acte additionnel n°04/96, B.O. de l’UEMOA de juin 1996, p.7. Ce qui est curieux ici, c’est l’intrusion du
pouvoir décisionnel de la Conférence dans une matière relevant pourtant expressément des attributions du
Conseil. Voir l’article 78 du traité suscité. Cette intrusion constitue une manière de confisquer le pouvoir
décisionnel de l’organisation.
258
Voir article 3 de l’acte additionnel n°04/96.
Cours de droit communautaire
96
l’exonération des produits du cru et de l’artisanat traditionnel de tous droits et taxes perçus à
l’entrée des Etats membres, à l’exclusion des taxes intérieures259. En réalité, cette disposition
vient enfoncer des portes ouvertes puisque, dans le cadre de la CEDEAO, le marché de ces
biens était déjà totalement libéralisé. Il est donc possible d’affirmer que cette liberté a
préexisté à l’organisation.
La règle d’origine (des produits industriels ayant vocation à bénéficier du régime de la TPC) a
été déterminée par l’acte additionnel n° 04/96. Par règle d’origine, il faut entendre le critérium
de reconnaissance à un produit de la qualification de produit originaire. Aux termes de
l’article 7 de l’acte additionnel n°04/96, sont considérés comme produits industriels
originaires :
les produits industriels dans la fabrication desquels sont incorporées des matières premières
communautaires représentant en quantité au moins soixante pour cent de l’ensemble des
matières premières utilisées ;
les produits industriels obtenus à partir des matières premières importées des pays tiers ou
dans la fabrication desquels les matières premières communautaires utilisées représentent en
quantité moins de soixante pour cent de l’ensemble des matières premières mises en œuvre,
lorsque la valeur ajoutée est au moins égale à quarante pour cent du prix de revient ex-usine,
hors taxe de ces produits. Ces critères ne confèrent pas automatiquement le bénéfice de la taxe
préférentielle communautaire (TPC).
Les produits qui répondent à ces caractéristiques doivent se justifier par l’obtention d’un
certificat d’origine précisant le pourcentage des matières premières originaires ou, le cas
échéant, le taux de la valeur ajoutée. Le certificat est délivré par les autorités compétentes de
l’Etat membre de fabrication ou de production et est visée par les services de douane du
même Etat261, ce qui n’est pas de nature à garantir la véracité des mentions contenues dans
ledit document ; l’hypothèse de fraude n’est pas à exclure dans ces conditions, les Etats
soucieux de profiter au maximum de cette libéralisation pouvant être tentés d’octroyer ce
certificat, sans trop de rigueur, à leurs opérateurs économiques.
Bien sûr, le certificat non plus ne confère pas automatiquement l’agrément du produit au
bénéfice de la TPC ; il faut en plus un agrément par les instances communautaires.
L’agrément des produits originaires au bénéfice de la TPC relève de la compétence des
autorités communautaires, plus précisément de la Commission (article 14). A cette fin, les
demandes doivent lui être présentées par les gouvernements des Etats membres dans lesquels
sont implantées les entreprises dont les produits sont susceptibles de bénéficier dudit régime
et elle a un délai de trois (3) mois pour rendre sa décision. Mais, telle qu’elle est établie, la
procédure d’agrément ne semble pas de nature à stopper les pratiques frauduleuses auxquelles
259
Voir article 10 de l’acte suscité. Voir aussi annexes 1 et 2 audit acte additionnel auxquels renvoie l’article 11,
et qui répertorient les produits bénéficiant de ce régime.
260
Voir article 12 de l’acte additionnel.
261
Voir article 9 de l’acte additionnel.
Cours de droit communautaire
97
peuvent être tentés les gouvernements en question, sauf pour la Commission à se doter d’une
structure de contre expertise. Pour les produits industriels qui n’auraient pas reçu l’agrément
de la Commission, le régime tarifaire préférentiel transitoire leur accordait une réduction de
cinq pour cent des droits d’entrée applicables aux produits du même genre en provenance des
pays tiers262.
La période transitoire, originairement prévue pour durer douze mois - du 1er juillet 1996 au
1er juillet 1997 - a été prorogée à plusieurs reprises avec quelques modificatifs. Il y a d’abord
eu l’acte additionnel n° 01/97 portant modification de l’article 12 de l’acte n° 04/96 dont
l’apport principal consistait en la prorogation d’une année - du 1er juillet 1997 au 1er juillet
1998 - mais aussi en la réduction du taux des droits d’entrée applicables aux produits
bénéficiant de la TPC de trente pour cent (ancien régime) à soixante pour cent (nouveau
régime)263. En second lieu, le Conseil des ministres, en sa séance du 28 novembre 1997, a
établi un calendrier pour l’élimination, dans les échanges entre les Etats membres, de toutes
les barrières tarifaires concernant les produits originaires. Il y a été décidé notamment de
porter l’abattement de soixante pour cent sur les droits d’entrée arrêté par l’acte additionnel n°
01/97 à quatre vingt pour cent pour compter du 1er janvier 1999, et à cent pour cent à partir
du 1er janvier 2000264.
Le 1er janvier 2000 est donc le point de départ d’un régime tarifaire préférentiel définitif qui
devrait consacrer la dissolution des marchés nationaux dans un espace plus vaste, celui de
l’UEMOA. Cette fusion a été concrétisée par une franchise totale des droits de douane à
l’intérieur de l’Union pour tous les produits originaires agréés. Parmi ceux-ci, figurent
incontestablement les produits du cru et de l’artisanat traditionnel qui bénéficient de
l’exonération depuis l’institution du régime tarifaire préférentiel transitoire. Viendront
s’ajouter tous les produits industriels munis du certificat d’origine qui pourront se prévaloir de
l’agrément de la Commission. Dans ce cadre, il faut souligner que des actes ont déjà été pris
pour conférer cet agrément communautaire. En réalité, ces actes ont été pris sous le régime
tarifaire transitoire ; mais ils disposaient que les taux subsistants devraient disparaître à
compter du 1er janvier 2000. Il en est ainsi des décisions de la Commission portant agrément
ou prorogation d’agrément pour certains produits265.
Dans la même perspective, des mesures d’accompagnement ont été prévues pour faciliter la
mise en place du marché intérieur. C’est ainsi qu’il a été décidé de l’harmonisation des
procédures douanières qui a fait l’objet de l’acte additionnel n° 4/96. Le titre VI dudit acte
prévoit des procédures douanières communes applicables à la circulation des produits à
262
Voir article 13 de l’acte additionnel n° 04/96.
263
Voir acte additionnel n° 01/97, in B.O de l’UEMOA, juin 1997, p. 2.
264
Voir acte additionnel n° 14/98 du 30 décembre 1998 qui devait formaliser cette décision.
265
Il s’agit des décisions n° 01/99/COM/UEMOA portant agrément de produits industriels au bénéfice du régime
de la Taxe Préférentielle Communautaire (TPC), n° 03/99/COM/UEMOA portant transfert d’agrément de
produits industriels au bénéfice du régime de la Taxe Préférentielle Communautaire (TPC),
n°04/99/COM/UEMOA portant prorogation de transfert provisoire d’agrément de produits industriels au
bénéfice du régime de la Taxe préférentielle Communautaire (TPC), Décision n° 05/99/COM/UEMOA portant
transfert d’agrément de produits industriels au bénéfice du régime de la Taxe préférentielle communautaire
(TPC) ;
Cours de droit communautaire
98
Telle est la configuration qu’a pris le schéma d’instauration d’une libre circulation des biens
dans l’espace UEMOA. Le Professeur Etienne CEREXHE, qui se prononçait sur le système
de libéralisation imaginé par les auteurs du traité de l’UEMOA, louait le caractère souple de
celui-ci par rapport à celui que les auteurs du traité instituant la CEE avaient retenu266. Il se
fondait, dans son analyse, sur le fait que « là où le traité européen avait prévu une suppression
inconditionnelle des barrières aux échanges à la fin de la période transitoire, soit le 31
décembre 1969, celui de l’UEMOA envisage une progression beaucoup plus modulée (…).
Dans cette optique, tant le rythme que les modalités de l’élimination de ces mesures seront
déterminés par le Conseil ». Il faut cependant souligner que la pratique a été quelque peu
différente, car l’acte additionnel n° 04/96 instituant un régime tarifaire préférentiel transitoire
a pratiquement prévalu jusqu’à l’entrée en vigueur de l’Union douanière : aucun acte du
Conseil n’étant intervenu pour fixer le rythme et les modalités de la libéralisation267. Le
dernier acte intervenu en la matière, l’acte additionnel n° 04/98 du 30 décembre 1998, tout
comme ses prédécesseurs, a fixé des dates buttoirs. Mais le plus regrettable, c’est
certainement le manque de préparation des principaux acteurs concernés, à savoir les
opérateurs économiques, au regard de la rapidité des abattements des droits de douane. C’est
d’ailleurs ce qui fait le plus peur dans le processus d’intégration de l’UEMOA. En effet, s’il
est probable qu’à terme toute la zone en sortira gagnante, dans l’immédiat, un certain nombre
d’opérateurs économiques nationaux verront leurs affaires péricliter face aux concurrents
venus des autres pays membres, surtout que peu d’entre eux comprennent véritablement la
portée de cette ouverture de marchés. Or, dans la fixation de leur délai, les différentes
instances ne semblent pas avoir fait de sérieuses prospectives du terrain.
Les obstacles non tarifaires à supprimer sont de deux ordres. Le Traité de Dakar en aménage
la suppression à l’article 76 paragraphe a) qui vise « l’élimination entre les pays membres…
des restrictions quantitatives à l’entrée et à la sortie (…) et de toutes autres mesures d’effet
équivalent susceptibles d’affecter lesdites transactions ». Il s’agit des restrictions quantitatives
(prohibition, contingentement) et des mesures d’effet équivalent.
266
Voir E. CEREXHE et L. LE HARDY de BEAULIEU, « Introduction à l’union économique ouest africaine »,
op. cit. p.68.
267
Exception faite du Tarif extérieur commun qui a fait l’objet d’un règlement du Conseil.
Cours de droit communautaire
99
Les restrictions quantitatives sont des limitations quantitatives aux importations ou aux
exportations, c’est-à-dire toutes mesures aptes à entraver les échanges intra-communautaires.
Sont donc visées toutes dispositions législatives, réglementaires et administratives, toutes
pratiques administratives ainsi que tous actes émanant d’une autorité publique. Il s’agit
particulièrement des mesures de commercialisation des produits, portant notamment sur la
forme, le poids, le conditionnement, etc., applicables indistinctement aux produits nationaux
et aux produits importés, dont les effets respectifs sur la libre circulation des marchandises
dépassent le cadre des effets propres d’une réglementation du commerce. C’est dire qu’elles
correspondent à des limitations quantitatives aux importations ou aux exportations et
constituent de ce fait des entraves à l’importation et à l’exportation même si elles s’appliquent
indistinctement aux produits nationaux.
Tout comme l’expression taxe d’effet équivalent, celle de mesures d’effet équivalent est une
abréviation de l’expression « mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives ». A
l’instar de la notion de taxes d’effet équivalent, celle de mesures d’effet équivalent est
d’origine jurisprudentielle. Elles sont, en effet, définies par la Cour de Luxembourg comme «
toute réglementation commerciale entre les Etats membres susceptibles d’entraver
directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intra-
communautaire ». Il ressort de la jurisprudence de la Cour ainsi citée que trois critères
principaux sont retenus pour la détermination d’une mesure d’effet équivalent à une
restriction quantitative. Il s’agit de l’origine du produit, du caractère public de la mesure et de
l’aptitude de la mesure à entraver les échanges.
Le Conseil des ministres de l’UEMOA détermine les modalités d’élimination sur les échanges
intra-communautaires, des droits de douane, des restrictions quantitatives et de toutes taxes
d’effet équivalent. Les escortes douanières, très onéreuses pour l’opérateur économique
importateur, les contrôles administratifs excessifs sur les corridors de l’Union et la
multiplicité des contrôles routiers étatiques constituent d’autres mesures non tarifaires que
l’UEMOA entend enrayer ou à tout le moins limiter par l’instauration de postes de contrôle
juxtaposés aux postes frontières (directive n°08/2005 du 16/12/2005 sur la réduction des
postes de contrôle sur les axes routiers inter Etats en vue d’une amélioration de la libre
circulation des marchandises et de la réduction des coûts de transport routier). Cela dit,
l’union douanière ne se satisfait pas seulement d’une libéralisation de la circulation des
marchandises à l’intérieur de l’espace intégré ; ceci n’est que l’implication interne de
l’unification douanière. Elle implique, en plus, une différenciation de l’espace communautaire
par rapport aux autres espaces.
La différenciation de l’espace communautaire par rapport aux autres espaces est visée à
travers l’instauration d’un tarif extérieur commun (TEC) et de façon plus globale d’une
politique extérieure commerciale commune.
Le TEC de l’UEMOA, qui est la réplique du tarif douanier commun de l’UE, vise
essentiellement l’uniformisation (à terme) des droits et taxes d’entrée dans tous les Etats
parties au processus d’intégration à l’égard des biens provenant des Etats tiers. Cela conduit à
éviter les détournements de trafic tout en assurant un minimum de protection de l’espace
communautaire.
Le premier effet recherché par l’instauration du TEC est de prévenir les détournements de
trafic qui pourraient s’avérer préjudiciables à la poursuite du processus. En effet, en l’absence
de ce tarif, l’Etat affichant les droits de porte les plus bas sera celui par lequel s’introduiront la
plupart des produits en provenance de l’extérieur au détriment d'autres Etats aux tarifs plus
élevés, faussant tout le jeu de la libre circulation. A cet égard, il faut relever que le TEC a une
fonction de différenciation de l’espace commercial qui devient ainsi une zone commerciale
unique avec l’institution de la libre pratique. Observé de l’extérieur, il ne devrait plus y avoir
de frontière à l’intérieur de l’UEMOA. Force est cependant de constater qu’à ce jour, l’Union
n’a pas encore consacré ce principe d’où il suit que l’union douanière de l’UEMOA demeure
une œuvre à parachever.
Un deuxième objectif poursuivi est de protéger le nouvel espace commercial contre les
productions étrangères. Cet objectif se justifie amplement dans le contexte de l’UEMOA. où
la plupart des industries se présentent encore à l’état embryonnaire. C’est cette protection des
marchés régionaux qui justifie l’hostilité manifeste de l’OMC, l’héritière du GATT, à
l’endroit des regroupements régionaux. Cette organisation pose comme condition d’admission
de ces regroupements le statu quo, sinon l’abaissement des droits de douane et autres
règlements de commerce en vigueur dans les pays membres avant la constitution de la zone.
Les rédacteurs du traité de l’UEMOA en ont été conscients et ont entendu se conformer à
cette condition stipulée par l’article XXIV (5) (a) de l’Accord général sur les tarifs douaniers
et le commerce (GATT). L’alinéa 2 de l’article 77 du traité de l’Union affirme, en effet, que
« l’Union s’assure que l’incidence globale des droits de douanes et des autres règlements du
commerce vis-à-vis des pays tiers n’est pas plus restrictive que celle des dispositions en
vigueur avant la création de l’Union ».
S’agissant du schéma proprement dit d’établissement du TEC dans l’UEMOA, il a été adopté
depuis novembre 1997 par le Conseil des ministres de l’Union268 avec le règlement n°
02/97/CM/UEMOA portant adoption du TEC de l’UEMOA269. Le règlement en question a
notamment déterminé la composition du T.E.C. et arrêté l’assiette et les taux des droits et
taxes.
B) LA COMPOSITION DU TEC
C’est dans cette perspective que le Conseil des ministres a adopté, le règlement n°
05/98/CM/UEMOA du 3 juillet 1998 « portant définition de la liste composant les catégories
des marchandises figurant dans la nomenclature tarifaire et statistique de l’Union Economique
et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) ». Les marchandises ont été classées dans les quatre
catégories suivantes :
La compétence pour ce faire lui revient de droit d’après l’article 82 du traité qui l’habilite à prendre toute
268
Catégorie 3 : biens de consommation finale et tous autres produits non repris ailleurs (viande,
poisson, lait, fruits et légumes, tissus apprêtés, ouvrages en métaux, véhicules de tourisme,
électroménager etc.).
Au titre des droits à caractère permanent, il y a les droits de douane (DD), la redevance
statistique (RS) et le prélèvement communautaire de solidarité (PCS).
Le droit de douane constitue de loin la composante la plus substantielle du TEC. Les taux
prévus pour s’appliquer dans l’Union douanière, c’est-à-dire, à partir du 1er janvier 2000
varient entre zero et vingt pour cent en fonction de la catégorie à laquelle appartient le produit
importé dans l’Union (voir le tableau des taux des DD).
0% 5% 10% 20%
Le prélèvement communautaire de solidarité (PCS), avait été institué par l’acte additionnel n°
04/96273 avec un taux de zero virgule cinq pour cent (porté par la suite à un pour cent),
applicable à la valeur en douane des importations, dans tous les Etats membres, de produits
originaires des pays tiers à l’Union et mis à la consommation (article 17). Les produits du
PCS, directement perçus par l’Union274, sont destinés en priorité à la compensation des
273
Voir Bulletin Officiel de l’UEMOA, édition spéciale, juin 1996, p.9.
274
Il revient aux administrations nationales de les recouvrer de les encaisser quitte à les reverser dans un compte
ouvert, au nom de l’Union, à la BCEAO dans chaque Etat membre. V. l’ article 21 de l’Acte additionnel n°
Cours de droit communautaire
103
moins-values fiscales subies par les Etats membres importateurs des produits de l’Union, du
fait de l’action du régime tarifaire préférentiel275.
S’agissant des droits à caractère temporaire, il faut distinguer la taxe dégressive de protection
(TDP) de la taxe conjoncturelle à l’importation (TCI).
La taxe dégressive de protection est prévue par l’acte additionnel n° 04/96. Le Conseil des
ministres a institué un mécanisme pour l’application de la TDP par le règlement n°
03/99/CM/UEMOA. Cette taxe, précise l’article 3 du règlement susvisé, concerne les produits
de l’industrie ou de l’agro-industrie. En fait, c’est le secteur le plus sensible, le plus faible que
ce règlement a entendu protéger contre l’abaissement des droits d’entrée que va provoquer
l’établissement du TEC.
La TDP, taxe temporaire, a été instituée pour une durée initiale de quatre ans pendant lesquels
les produits non originaires de l’Union, qui se trouveraient dans la catégorie des produits
intérieurs élus à la TDP, supporteront une charge supplémentaire variable selon la période et
la classe du produit dans le régime de la TDP (Voir le Tableau de la TDP).
Tableau de la TDP
Du 01/07/1999 au 31/12/1999 10 % 20 %
Du 01/01/2001 au 31/12/2001 5% 10 %
04/96 qui précise qu’en cas de non reversement, la BCEAO est autorisée à débiter d’office le compte du Trésor
Public du pays concerné pour le compte de l’Union.
275
Les subsides serviront à la dotation d’un fonds de réserve destiné à des déficits de compensation des moins-
values, puis à la dotation des fonds structurels et au financement du fonctionnement de l’Union. Voir article 23
de l’acte additionnel n° 04/96.
276
Aux termes de l’article 8 du règlement n° 03/99/CM/UEMOA, « un produit originaire de l’Union est éligible
à la TDP basse, si l’activité de la branche de production concernée a subi une baisse du taux de protection
effective (TPE) comprise entre 25 %et 50 % ».
277
Aux termes de l’article 9 du règlement suscité, « un produit originaire de l’Union est éligible à la TDP basse,
si l’activité de la branche de production concernée a subi une baisse du taux de protection effective supérieure ou
égale à 50 % ».
Cours de droit communautaire
104
Il convient de souligner que les taux applicables pour cette surtaxe ont été prorogés jusqu’au
31 décembre 2005, en attendant la mise en place d’un nouveau système de protection des
industries.
La taxe conjoncturelle à l’importation est une taxe ad valorem destinée à lutter contre les
variations erratiques des prix mondiaux de certains produits et à contrecarrer les pratiques
déloyales à l’importation. Cette taxe peut être spécifique pour les produits dont les prix sont
garantis sur les marchés du Nord. Elle a un caractère temporaire en ce sens qu’elle restera en
vigueur jusqu’à la mise en œuvre de l’ensemble des mécanismes de sauvegarde de l’OMC.
Elle est perçue (à un taux de 10%) uniquement sur les produits de l’agriculture, de l’agro-
industrie, de l’élevage et des pêches, à l’exclusion des poissons et produits à base de
poissons, lors de leur importation dans l’Union. C’est une taxe communautaire d’application
nationale. Les Etats concernés pour chaque produit sont précisés par décision de la
Commission. Il convient de mentionner par exemple que le Sénégal applique cette taxe sur le
sucre, la farine de blé, les huiles végétales raffinées et la purée de tomate ; la Côte d’Ivoire sur
la farine, le sucre et les huiles végétales.
L’union douanière conduit à un abandon par le pays membre de toute souveraineté en matière
de politique douanière. S’il apparaît parfois que l’on confine toute la politique extérieure de
l’Union à l’établissement d’un TEC, c’est qu’il y occupe une place de premier plan ; mais
cette politique consiste aussi en l’adoption d’une position commune des Etats membres de
l’Union douanière dans les négociations commerciales internationales. Il s’agit plus
exactement d’une harmonisation de la position extérieure des Etats de l’Union. L’union
douanière implique véritablement l’abandon de certaines prérogatives de souveraineté. En
effet, la communautarisation de la politique commerciale entraîne comme une perte de
souveraineté sur l’échiquier international ; l’Union, dotée de la personnalité juridique
internationale, entend représenter ses composantes dans les négociations internationales, afin
de faire valoir sa position sur les questions à l’ordre du jour.
Dans cette optique, c’est surtout l’article 84 du Traité qui dispose que l’Union conclut des
accords internationaux dans le cadre de la politique commerciale commune selon les
modalités suivantes :
la Commission présente des recommandations au Conseil qui l'autorise à la majorité des deux
tiers de ses membres à ouvrir les négociations nécessaires ;
Les accords mentionnés à l'alinéa premier sont conclus par le Conseil à la majorité des deux
tiers de ses membres.
Ensuite, l’article 85 ajoute que si les accords mentionnés à l'article 84 sont négociés au sein
d'organisations internationales au sein desquelles l'Union ne dispose par de représentation
propre, les Etats membres conforment leurs positions de négociation aux orientations définies
par le Conseil à la majorité des deux tiers de ses membres et sur proposition de la
Commission.
Par ailleurs, il est à noter que la libre circulation des marchandises exclut, dans le cadre des
relations avec les pays tiers, les pratiques de dumping, selon le Règlement n°09 du 23/5/2003
du Conseil des Ministres de l’UEMOA. La pratique de dumping doit affecter une branche de
la production de l’Union ; un lien de causalité doit exister entre l’importation faisant l’objet
d’un dumping et le préjudice économique causé à la branche de production. Le dumping
introduit une discrimination sur les prix des marchandises qui est de nature à fausser le jeu de
la libre concurrence sur le marché communautaire.
Elle concerne d’une part la main d’œuvre c’est-à-dire la personne prise dans ses dimensions
pluridisciplinaires (section I), d’autre part les services et les capitaux (section II).
Afin de bien cerner la notion de libre circulation des personnes, il est intéressant de voir son
principe avant d’examiner les limites à celui-ci.
Le principe de la libre circulation des personnes est formellement posé aux articles 91 et 92
du traité.
« l’abolition entre les ressortissants des Etats membres de toute discrimination fondée sur la
nationalité, en ce qui concerne la recherche et l’exercice d’un emploi, à l’exception des
emplois dans la fonction publique.
le droit de continuer à résider dans un Etat membre après y avoir exercé un emploi ».
Le point 1) de l’article 92 poursuit : « les ressortissants d’un Etat membre bénéficient du droit
d’établissement à l’intérieur de l’Union » et l’article 93 affirme que « les ressortissants de
chaque Etat membre peuvent fournir des prestations de service dans un autre Etat membre
dans les mêmes conditions que celles que cet Etat impose à ses propres ressortissants ».
La nomenclature arrêtée par le traité de l’UEMOA rejoint celle classique qui reconnaît
généralement comme composantes de cette liberté : la liberté de se déplacer, le droit de
résidence, le droit d’établissement et la liberté de prestation de services.
1°)- Le droit d’entrée : c’est le droit d’accès au territoire d’un Etat membre reconnu à un non
national. Dans le cadre de l’intégration, il consiste concrètement à supprimer l’obligation
d’obtention de visa et permettre d’accéder à un territoire sur simple présentation d’un titre de
voyage et la pièce d’identité. Dans l’UEMOA, ce droit n’est pas expressément mentionné
dans le traité et il faut se référer à l’accord de Bamako conclu dans le cadre de la CEAO pour
le fonder. Le droit d’entrée est le préalable à la jouissance du droit de séjour, de résidence et
d’établissement.
2°)- Le droit de séjour : c’est le droit reconnu à une personne physique d’entrer sur le
territoire d’un autre Etat et d’y demeurer pour un séjour de courte durée. Ce droit n’est pas
également prévu formellement dans le traité de Dakar.
3°)- Le droit de résidence : il signifie le droit de séjourner sur le territoire d’un Etat autre que
celui dont on a la nationalité en vue de rechercher un emploi salarié et d’exercer un tel emploi
dans les mêmes conditions que les nationaux de cet Etat. Ce droit est expressément prévu à
l’article 91 mais toute la réserve concerne l’effet direct de cette disposition puisque le point 2
de cette disposition a assorti l’effectivité de ce droit à un acte du Conseil devant intervenir
pour « faciliter l’usage effectif des droits prévus ».
Le droit à la libre circulation des personnes interdit toute discrimination fondée sur la
nationalité, cependant le travailleur qui ne se déplace pas, qui ne franchit pas de frontière ne
peut l’invoquer, d’où une discrimination à rebours résultant de situation purement interne. Les
ressortissants d’Etats tiers peuvent bénéficier de la réglementation communautaire sur la base
d’accord d’association de ces Etats avec l’Union. Le regroupement familial permet aux
conjoints, enfants à charge et ascendants de bénéficier des mêmes droits que les nationaux en
la matière.
L’UEMOA (Conseil des Ministres) n’a pas encore pris les mesures d’application tendant à
faciliter l’usage de cette liberté de circulation et qui ont trait : - aux régimes applicables aux
membres des familles des travailleurs migrants et à leur sécurité sociale ; - à la définition des
réserves limitant cette liberté. Les Etats membres de l’UEMOA sont néanmoins parties à la
Conférence Interafricaine de Prévoyance Sociale (CIPRES). Cette Convention qui est entrée
en vigueur le 10 octobre 1995, assure la protection des travailleurs migrants en matière de
sécurité sociale, en leur garantissant le principe de l’égalité de traitement et en maintenant le
principe des droits acquis. Elle préconise l’harmonisation des différentes législations de
sécurité sociale des Etats membres qui relèvent tous de la zone franc et qui sont les Etats de
l’UEMOA plus le Tchad, le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Cameroun. La
CIPRES siège à Lomé (Togo).
L’article 92 du traité de l’UEMOA confère aux ressortissants de ses Etats membres le droit
d’établissement. La disposition qui consacre cette liberté est d’une telle clarté qu’elle devrait
bénéficier de l’applicabilité directe. En effet, elle apporte des précisions sur le terme
« ressortissants » et explique ce qu’elle entend par « droit d’établissement ». Du point de vue
de son contenu, c’est, à l’image de la définition classique, le droit reconnu à une personne
physique ou morale d’accéder au territoire d’un Etat autre que celui dont elle a la nationalité
afin d’y exercer un emploi non salarié dans les mêmes conditions que les nationaux, de même
que le droit de constituer et de gérer des entreprises constituées ou non en sociétés.
Cette liberté est reconnue par le traité de l’UEMOA qui, malheureusement, n’en définit pas le
contenu comme il l’a fait pour la liberté d’établissement. Elle s’entend en effet de toute
prestation fournie dans le cadre d’une activité professionnelle indépendante, et ce, de façon
ponctuelle ou temporaire, sur un territoire autre que celui sur lequel on est établi. Les services
désignent en réalité, et selon une compréhension du traité des Communautés européennes, les
prestations fournies normalement contre rémunération et qui ne relèvent pas du champ
d’application de la libre circulation des marchandises, des capitaux ou des personnes à
proprement parler278.
278
Ce qui fonde une partie de la doctrine à suivre les traités dans la distinction entre libre circulation des
personnes et libre prestation des services, c’est le fait qu’avec cette dernière, théoriquement, c’est le service qui
traverse la frontière, et même si pratiquement, dans la plupart, le service ne se déplace pas seul, c’est lui qui
justifie le déplacement de ses prestataires, juste pour le temps de sa prestation.
Cours de droit communautaire
108
Les rédacteurs du traité, sans doute conscients de la nécessité de ménager les susceptibilités
des souverainetés nationales, ont prévu des restrictions à la liberté de circulation ainsi que des
possibilités d’y déroger dans certaines circonstances.
Outre les limites déjà établies par le traité, il est laissé aux Etats membres, le pouvoir de
recourir à des dérogations dans la mise en œuvre de la liberté de circulation des personnes,
l’un des véritables piliers du marché commun. Il s’agit de ce que le traité appelle « des
limitations justifiées par des motifs d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique »
et qui sont systématiquement reprises par les dispositions conférant ces libertés280.
Le risque est grand de voir les Etats s’engouffrer dans cette ouverture, ce d’autant plus que les
motifs comme l’ordre public, la sécurité publique et la santé publique sont des notions qui
n’ont jamais eu, même dans le cadre interne, un contenu clair, précis et univoque. La
multiplicité des ordres juridiques ne fera qu’accentuer l’ambiguïté de ces notions, ce qui n’est
pas de nature à assurer la transparence dans les recours à ce genre de dérogations. A moins
que la Cour de Justice, dans son rôle d’unification du droit communautaire n’en donne une
interprétation définitive.
Une autre solution réside peut-être dans l’harmonisation des restrictions qui pourraient être
maintenues par les différents Etats membres pour les motifs dont il est question. Ceci est
d’ailleurs prévu dans les projections du traité. L’article 94, alinéa 2 dudit traité dispose en
effet que les restrictions maintenues, doivent être notifiées à la Commission par les Etats
membres et qu’il appartient à cette dernière de procéder à « une revue annuelle de ces
restrictions en vue de proposer leur harmonisation ou leur élimination progressive ».
279
CJCE, 17 déc.1980, aff. 149/79, Commission C. Belgique, Rec., 1979, p. 3881. Voir aussi CJCE, 3 juillet
1985, aff. 66/85 Lawrie-Blum Rec. 1986, p. 2121.
280
Article 91, paragraphe 1 ; article 92, paragraphe 3 ; article 93.
Cours de droit communautaire
109
Il s’agit pour les rédacteurs du traité de l’UEMOA, de concilier l’impératif d’aboutir à une
abolition totale des entraves à la libre circulation et le souci de ne pas brusquer l’abandon de
souveraineté au risque de provoquer un « crash » de ce processus qui vient à peine d’atteindre
une décennie.
Bien que l’article 99 revienne pour instaurer une clause de standstill – ce qui est moins fort
par rapport à l’interdiction de restriction formulée par l’article 96 – la Cour de Justice de
l’Union, si elle devait se prononcer sur l’interprétation, n’aurait a priori d’autre choix que
d’affirmer l’applicabilité directe et immédiate de cette règle. Il lui suffira, pour neutraliser
l’article 99, de démontrer que la restriction déjà existante, ne peut être maintenue parce que
constituant un moyen de discrimination arbitraire. Les Etats pourraient, en effet, se retrancher
derrière les excuses de l’article 97 pour maintenir, et pourquoi pas édicter de nouvelles
entraves, en alléguant des motifs : de prévention des infractions à leur législation fiscale ; de
renforcement des moyens d’information statistique sur les mouvements de capitaux ; ou
simplement de raison d’ordre public ou de sécurité publique. Il n’y a que la Cour de Justice,
investie de la mission générale de veiller à l’application correcte du traité, qui soit capable
d’empêcher toute fraude au traité.
A considérer sommairement, les dispositions du traité de l’UEMOA, seul semble être pris en
compte, le capital lié à l’investissement direct, à l’exclusion du capital en tant que moyen de
paiement. Mais, « sans doute convient-il au-delà du texte, de considérer que les mouvements
visent aussi la libération des paiements à peine de remettre en cause l’ensemble de la logique
de l’ouverture du marché »282. Il est difficile de concevoir les libertés de circulation des
biens et des personnes - surtout des travailleurs - sans une libération des paiements à
l’intérieur du nouveau marché. D’ailleurs, au niveau du système UMOA, le Règlement R09
relatif aux relations financières avec l’extérieur, prévoit la liberté des paiements courants à
281
E. CEREXHE et L. LE HARDY de BEAULIEU, « Introduction à l’union économique ouest africaine », op.
cit.., p. 75.
282
E. CEREXHE et L. LE HARDY de BEAULIEU, « Introduction à l’union économique ouest africaine », op.
cit.., p. 76.
Cours de droit communautaire
110
Toutefois, il est à noter que cette liberté de mouvement, comme toute liberté, ne doit pas être
illimitée, car elle saperait la politique économique commune et créerait un déséquilibre de la
balance des paiements, toutes choses qui remettent en cause les objectifs même du Traité. Si
les mouvements de capitaux sont susceptibles d’affecter le marché de change et la politique
monétaire d’un Etat membre, celui-ci doit pouvoir, pour des raisons d’ordre public, prendre
d’office des mesures de sauvegarde, en aviser la Commission de l’UEMOA qui prendra les
dispositions nécessaires (article 86 du Traité). Le principe de libre circulation des capitaux ne
préjudicie pas au droit des Etats membres : - de prendre des dispositions pour prévenir les
infractions à leur législation fiscale ; - d’avoir une statistique sur les mouvements de capitaux
; - d’opposer à ces flux des restrictions motivées par des raisons d’ordre public et de sécurité
publique.
Par ailleurs, ces mesures dérogatoires ne peuvent préjuger de la possibilité des Etats membres
d’appliquer des restrictions en matière de droit d’établissement compatibles avec le droit du
Traité. Les pouvoirs ainsi reconnus aux Etats ne doivent pas être détournés pour constituer un
moyen de discrimination arbitraire ou une entrave à la libre circulation des capitaux. Le
contrôle des changes (BCEAO) apporte une autre dérogation à cette liberté en soumettant à
autorisation ou à des limitations, le transfert des capitaux hors de l’Union. La lutte contre le
blanchissement d’argent restreint également le mouvement de capitaux : la directive
n°07/2002/CM/UEMOA du Conseil des Ministres de l’UEMOA en date du 10/9/2002 sur le
blanchissement des capitaux dans les Etats membres de l’UEMOA donne mandat aux Etats
membres de poursuivre et sanctionner par application de leur droit pénal les auteurs et
complices de blanchissement d’argent (personnes physiques et personnes morales autres que
les Etats) ; les juridictions nationales peuvent ordonner la saisie ou la confiscation des
capitaux en cause. Le blanchissement consiste à introduire des capitaux d’origine illégale dans
les circuits d’organismes financiers et bancaires réguliers dans le but de dissimuler ou de
déguiser leur origine illicite (article 2 de la directive)283.
283
Sur cette question comme sur celle de la libre circulation des biens, des personnes et des capitaux dans le
cadre de l’UEMOA, Voir notamment M. DIAKITE, « La libre circulation des personnes et des biens dans
l’espace UEMOA »l’AA-HJF, contribution à la Session de formation de l’Association africaine des hautes
juridictions francophones (AA- HJF,) Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006.
Cours de droit communautaire
111
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3°)- JURISPRUDENCE
3.1- La primauté
* Jurisprudence européenne
- Primauté des traités : CJCE, 15 juillet 1964, Costa c/ Enel, Aff. 6/64, p.1141 .
- Primauté des règlements : CJCE, 14 décembre 1971, Politi c/Ministère des Finances, Aff.
43/71, p.1039 ;
- Primauté des directives : CJCE, 19 janvier 1982, Becker, Aff. 8/81, p.53 ;
- Primauté des décisions : CJCE, 8 mars 1979, Salumeria di Cornuda, Aff. 130/78, p.867 ;
- Primauté des accords externes : CJCE, 26 octobre 1982, Hauptzollamt Mainz c/CA
Kupferberg & Cie Kga A, Aff. 104/81, p.3641.
* Jurisprudence UEMOA
* Jurisprudence française
- Cass 1ère civ., (française), 28 avril 1998, JCP 1998, II, 10088
* Jurisprudence communautaire
- CJCE, 9 mars 1978, Administration des finances de l’Etat c/Société anonyme Simmenthal,
Aff. 106/77, p.629.
* Jurisprudence française
L’applicabilité immédiate vaut pour l’ensemble des normes communautaires obligatoires sauf
les normes du droit primaire. Même les directives sont considérées comme d’applicabilité
immédiate car la transposition n’est pas assimilable à une procédure de réception. La
publication communautaire est suffisante et n’a pas à être complétée par une publication
interne (Cf., Cass. crim. française, 22 octobre 1970, Ramel, D.1971, p. 221). Pour les
règlements (Cf., CE (français) 22 décembre 1978, Syndicat des Hautes Graves de Bordeaux,
Rec. p 526 ; Conseil Constitutionnel français, 30 décembre 1977, 77-89 et 77-90, RJC I-55).
- CJCE, 14 décembre 1971, Politi c/Ministère des Finances, Aff. 43/71, p. 1039
- CJCE, 10 octobre 1973, Variola c/Ministère des Finances Aff. 34/73, p. 981
- CJCE, 12 décembre 1990, Kaeffer et Procacci c/Etat français, Aff. C 100 et 101/89, p. I-
4647.
- CJCE, 10 novembre 1992, Hans Fleisch Ernst mundt c/Landrat des crises Schleswig
Flensbourg, Aff. C 156/91, p. I-5567.
- CJCE, 12 décembre 1972, International Fruit Company III, Aff. 21, 22, 23, 24/71, p. 1219.
CEDEAO : http://www.ecowas.int
UEMOA : http://www.uemoa.int
OHADA : http://www.ohada.com
UE : http://www.europa.eu.int/index_fr.htm
UE : http://www.curia.eu.int/fr/index.htm