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Droit communautaire ouest-africain

SOMMAIRE

Introduction

Chapitre préliminaire : Les préalables conceptuels

Section I : La notion d’intégration économique régionale

Section II - La notion de droit communautaire

Section III : Genèse de l’intégration ouest africaine

Première partie : Droit communautaire institutionnel

Chapitre I : L’architecture institutionnelle

Section 1 : Les structures communautaires

Section 2 : Le processus décisionnel

Chapitre 2 : L’organisation juridique des institutions communautaires

Section 1 : L’ordonnancement juridique communautaire

Section 2 : La justice communautaire

Deuxième partie : Droit communautaire matériel

Chapitre 1 : Le droit communautaire des libertés

Section 1 : La libre circulation des marchandises

Section 2 : La libre circulation des facteurs de production

Chapitre 2 : Le droit communautaire de la concurrence

Section 1 : Les règles applicables aux entreprises privées

Section 2 : La règlementation applicable aux Etats membres

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INTRODUCTION GENERALE

En ce début du XXIème siècle, le monde subit une évolution sous l’effet de forces puissantes
qu’aucun Etat ni même aucun groupe d’Etats, n’a la capacité de maîtriser. « Des sociétés qui
se croyaient naguère complètement autonomes, se savent désormais intimement liées les unes
aux autres. La vie de chacun, d’où qu’il soit, s’inscrit aujourd’hui dans un contexte planétaire.
Il est maintenant admis que les objectifs les plus élevés de l’humanité - paix, justice et
prospérité - ne pourront être atteints qu’au prix d’un effort de plus en plus largement concerté
»1. Coopérer à l’intégration mondiale constitue donc un objectif primordial pour tous les
peuples s’ils veulent être capables de gérer en harmonie les grands changements qui se
produisent à l’échelle du monde.

En effet, un examen des évolutions sur la scène internationale instruit que la tendance dans les
relations économiques n’est point au triomphe des particularismes, mais plutôt au
renforcement des interdépendances. Partout et à des degrés divers, des regroupements à
caractère économique s’opèrent et/ou se consolident. De nos jours, à l’heure où dans les
diverses régions du monde ? bon nombre de sociétés globales se trouvent confrontées à des
difficultés de tous ordres (économique, sociale, politique et culturel), pour de nombreux
acteurs nationaux ou internationaux, l’intégration sous-régionale apparaît de plus en plus
comme une alternative pour de meilleurs lendemains, sinon comme la seule voie de salut pour
tenter de juguler les diverses crises. « On peut affirmer, au vue de l’ampleur des crises qui
secouent les Etats africains qu’aucun d’entre eux, quelles que soient sa taille, sa population et
l’importance de ses ressources naturelles, ne constitue plus en lui-même un cadre
suffisamment approprié de développement »2.

Cependant, au-delà de cette vérité et de ce constat qui fondent la légitimité de l’intégration


économique régionale en Afrique, la difficulté affleure dès qu’il s’agit de dépasser le slogan
politique pour traduire l’idéal dans les faits. Si l’on peut, en effet, déceler une certaine
obstination des Etats à recourir à l’intégration économique, cette obstination n’est toujours pas
payée en retour par des résultats significatifs : la récurrence du phénomène masque mal ou
plus exactement, souligne la précarité des tentatives d’intégration. La diversité des
expériences conduites en Afrique dans le domaine de l’intégration régionale3 rend difficile
tout examen exhaustif et approfondi. Ce faisant, le présent document, tout en tentant dans la
mesure du possible de balayer tout le spectre de l’intégration en Afrique, s’appesantira, pour

1
B. BOUTROS GHALI.- Message à l’occasion du cinquantenaire de l’ONU.- New York, Secrétariat Général
de L’ONU, 2O Octobre 1994.
2
J. O. IGUE, « Commerce informel et intégration régionale », in Le Courrier, n°142, p.63.
3
Il s’agit de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC), la Communauté
Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), la Communauté Economique des Pays des Grands
Lacs (CEPGL), la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Communauté des
Etats Sahelo-Saharien (CESS), le Marché Commun de l’Afrique de l’Est et du Sud (MCAES, en anglais
COMESA), l’Union du Fleuve Mano (UFM en anglais, MRU), l’Union Economique et Monétaire de l’Afrique
de l’Ouest (UEMOA), l’Union du Maghreb Arabe (UMA), la Zone d’Echanges Préférentiels entre Etats de
l’Afrique de l’Est et de l’Afrique Australe (ZEP), la Conférence du Développement des Etats de l’Afrique
Australe (CDEAA, en anglais SADC).
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illustrer les développements, sur les expériences les plus significatives pratiquées en Afrique
de l’Ouest. En la matière, l’histoire de l’intégration africaine instruit que l’établissement de
ces relations horizontales Sud-Sud s’est accompagné d’une volonté d’approfondir et
d’équilibrer les relations verticales Nord-Sud, particulièrement celles entretenues avec la
Communauté Economique Européenne. Des conventions de Yaoundé à celles de Lomé, il y a
comme une coïncidence dans le temps de ces deux types de relations, une imbrication
dynamique des relations verticales Europe-Afrique et le mouvement horizontal d’intégration
dans les différentes aires régionales en Afrique. Ces relations entrent aujourd’hui dans une
nouvelle ère avec la signature à Cotonou de l’Accord de partenariat ACP-UE. L’étude de
l’intégration en Afrique ne peut ignorer cet aspect.

D’entrée de jeu, un rapide survol de différentes expériences d’organisations régionales semble


indiquer que si les réponses apportées aux principaux et multiples problèmes dépendent de
chaque contexte régional et varient donc d’une expérience à l’autre par des réponses
spécifiques, le respect d’un certain nombre de grands principes pouvant être dégagés
paraissent conditionner la réussite de toute expérience d’intégration régionale, tels le principe
d’enracinement social du processus d’intégration, à travers la mobilisation des populations
concernées, le principe de solidarité, d’équité et de justice dans la répartition des coûts et
bénéfices entre les différentes parties prenantes, le principe du caractère supranational des
institutions mises en place, le principe de leur caractère démocratique, la nécessité d’un
personnel qualifié de l’organisation régionale, de l’existence de solides mécanismes de
financement autonome de la communauté. La sanction du non respect de ces grands principes,
de ces « règles d’or », semble être de sérieux risques d’échec de l’émergence d’un solide
processus susceptible d’entraîner le progrès ou le bien des sociétés en procès d’intégration.

L’observation des différentes expériences disséminées sur l’ensemble des continents montre
que l’intégration régionale est un concept marqué par les histoires et les spécificités locales,
un concept d’application difficile et aux fortunes diverses. C’est ce que semble confirmer,
entre autres, suivant les cas, les difficultés et les échecs, les avancées et les succès de
l’intégration régionale en Europe de l’Ouest (entre autres les cas de la Communauté
Européenne de Défense (CED), de la Communauté Economique Européenne (CEE) et de
l’Union Européenne (UE)), les tâtonnements et les déboires, les encouragements et les espoirs
de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest (exemples de l’Union Douanière de l’Afrique
de l’Ouest (UDAO), de l’Union Douanière des Etats de l’Afrique de l’Ouest (UDEAO), de la
Communauté Economique de l’Afrique de l’Ouest (CEAO), de la Communauté Economique
Des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de l’Union Monétaire Ouest Africaine
(UMOA) et de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA)). Ce second
constat vient augmenter la complexité de la construction communautaire enjoint d’y investir
la réflexion scientifique en vue d’une meilleure compréhension et maîtrise du phénomène par
les différents acteurs (gouvernés, gouvernants, et responsables des organisations d’intégration
régionale). En effet, force est d’affirmer qu’à l’instar du processus d’intégration européen,
celui en cours en Afrique de l’Ouest ne peut réussir que s’il est accompagné d’une réflexion
scientifique sur ses implications aux plans économique, juridique et social.

Le présent ouvrage est consacré au volet juridique de la question. Il porte sur le droit
communautaire Ouest-africain et s’intéresse, en particulier, aux processus d’intégration de la
CEDEAO et de l’UEMOA. Il se subdivise en trois parties précédées d’un chapitre
préliminaire.

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Le chapitre préliminaire s’attèle à préciser les notions d’intégration économique régionale et


de droit communautaire puis, procède à la présentation de l’histoire de l’intégration en
Afrique de l’Ouest et de ses vecteurs actuels à savoir la CEDEAO et l’UEMOA (création,
composition et objectifs).

La première partie porte sur le droit institutionnel. La question est abordée à travers l’étude
des schémas institutionnels (architecture institutionnelle et processus décisionnel) des dites
organisations d’une part (Titre I) et l’examen de leurs systèmes juridiques (ordres juridiques
communautaires et justice communautaire) d’autre part (Titre II).

La deuxième partie est consacrée au droit matériel. Elle examine les questions relatives à la
construction du marché (libre circulation des biens et libéralisation des facteurs de
production) en s’intéressant à la CEDEAO (Titre I) et à l’UEMOA (Titre II).

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CHAPITRE PRELIMINAIRE : LES PREALABLES CONCEPTUELS

Le droit communautaire ouest-africain, objet du présent précis, nécessite, pour sa pleine


compréhension, que l’on précise, au préalable, les deux notions d’intégration économique
régionale (Section I) et de droit communautaire (Section II), mais également les conditions
d’émergence de ce droit en Afrique de l’Ouest (Section III).

Section I : La notion d’intégration économique régionale

§.1 : Délimitation du concept

Une délimitation complète de la notion d’intégration régionale passe entre autres par
l’indication des différences ou nuances entre intégration, coopération, fédéralisme et
confédération (A) mais également par la présentation de ses modalités de réalisation (B) et de
la typologie que l’on peut en dresser (C).

A)- DEFINITIONS DE L’INTEGRATION REGIONALE

Qu'est-ce que l'intégration ? La réponse à pareille interrogation n'est pas aisée. En effet, la
multiplication des disciplines qui recourent à ce mot lui a conféré une grande flexibilité et lui
enlève en même temps de la rigueur. Jadis utilisé que dans les sciences mathématiques, le
terme a peu à peu envahi la philosophie, la psychologie, l'économie politique, etc.

Ainsi, Madeleine GRAWITZ4, après avoir indiqué qu’étymologiquement, le terme


d'intégration provient du latin integrare qui signifie "renouveler", "rendre entier" et que c'est
l’action de faire entrer une partie dans le tout5, précise que dans le domaine du droit, au
niveau national, cela implique l'abandon, dans certains domaines, de la souveraineté
économique, au profit d'une nouvelle entité souveraine commune. C'est l'exemple du Traité de
Rome6. L’auteur ajoute qu’en sociologie, c'est un terme ambigu qui fait référence à une partie
ou à un groupe s'insérant dans un tout (une collectivité sociale plus vaste), mais à des degrés
divers et de façon différente suivant les domaines7. En psychologie sociale, « à l'intérieur d'un
groupe, l'intégration s'exprime par l'ensemble des interactions entre les membres, provoquant
un sentiment d'identification au groupe et à ses valeurs. La difficulté consiste à concilier ces
intégrations, chaque citoyen pouvant appartenir à plusieurs groupes »8. En science politique,
« également, c'est le degré de cohésion de l'ensemble qu'il est important de mesurer. Il peut
s'agir de socialisation des enfants, d'intégration d'émigrés, d'une nation nouvelle (les pays
d'Europe centrale en 1920 par exemple) ou du consensus et de la participation des citoyens à
la vie de la collectivité »9.

Pour Raymond GUILLIEN et Jean VINCENT, l’intégration régionale se définit en droit


international public comme la « fusion de certaines compétences étatiques dans un organe

4 e
M. GRAWITZ, "Lexique des sciences sociales", Paris, Dalloz, 1988, 4 éd., p. 215.
5
Ibid..
6
Ibid.
7
Ibid.
8
Ibid.
9
Ibid.
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7

superétatique ou supranational »10. De ce point de vue, la notion d'intégration diffère de celle


de coopération que Charles DEBBASCH et alia définissent comme « une politique d'entente,
d'échange et de mise en commun des activités culturelles, économiques, politiques ou
scientifiques entre Etats de niveaux de développement comparables […] ou une politique
d'entente et d'aide entre Etats de niveaux de développement inégaux »11. A l'inverse du
concept d'intégration, la notion de coopération n'implique pas un abandon de souveraineté par
chaque Etat au profit d'un organe supranational doté de la personnalité juridique et de
compétences propres avec un pouvoir normatif. Comme on le voit, il est difficile de définir
une notion dont la pluridisciplinarité embarrasse.

Au-delà de ce caractère polysémique, l'intégration reste un concept polymorphe et


multidimensionnel. Selon la perspective envisagée, il est possible de distinguer deux grands
volets d’appréhension : le plan interne (1) et le plan international (2).

1°)-Au plan interne

L'intégration nationale ou sociale revêt deux formes essentielles qui sont, selon le degré
d'intégration : la société (a) et la communauté (b).

a)- La Société

La société est un regroupement d’hommes dans lequel les relations sont basées sur l'intérêt et
où continuent de prévaloir un état de tension dû aux intérêts particuliers en concurrence.

b)- La Communauté

La communauté ou nation, elle, est fondée sur le sentiment, la spontanéité, l'instinct et


débouche sur des relations affectives confiantes et intimes.

Du fait du découpage arbitraire et artificiel des frontières par le colonisateur, la quasi-totalité


des Etats africains sont à la recherche de cette seconde forme d'intégration puisque les
frontières étatiques ne correspondent pas à une Nation mais à une réalité plurinationale ; ce
sont des proto-nations. Cette caractéristique explique en partie le recours au parti unique dans
les premières années des indépendances pour forger une conscience nationale fédérative ou
substitutive.

2°)- Au plan international

L'intégration relève des relations internationales et implique par conséquent l'existence


d'entités souveraines distinctes. Deux perspectives sont à envisager : Les perspectives
politique (a) et économique (b).

a)- La perspective politique

10
R. GUILLIEN et J. VINCENT, "Lexique de termes juridiques", Paris, Dalloz, 1995, 10 éd., p. 311.
11
Ch. DEBBASCH et al. "Lexique de politique", Paris, Dalloz, 2001, 7 e éd., p. 117.
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Elle conduit à l'intégration politique qui renvoie à la notion de fédéralisme avec les deux
niveaux du processus fédérateur que sont la confédération et la fédération.

b)- La perspective économique

Elle débouche, elle, sur l'intégration économique et c'est elle qui nous intéresse, eu égard à la
référence à la pauvreté et à la question du développement.

Même réduite à la seule perspective économique, la notion reste fluctuante. La multiplicité


des paramètres à prendre en compte et la variété des angles d'approches rendent vaine, en
effet, toute tentative d'appréhension globale d'un phénomène complexe, au confluent de
l'économie, de la sociologie et de la politique. Cet état de fait à conduit, par lucidité, à
admettre l'inexistence d'une définition unanimement acceptée.

Mais s'il fallait risquer une définition, celle proposée par M. Rudolf BYSTRICKY serait la
plus appropriée : « l'intégration constitue l'étape particulière où le processus objectif de
l'internationalisation de la vie économique se combine à un processus subjectif. Ce
phénomène subjectif réside dans la volonté politique des Etats participants de créer de
nouvelles structures économiques et juridiques permettant de régler les problèmes, au nombre
toujours croissant, qui sont insolubles au sein des Etats pris individuellement »12.

Cette définition, par son caractère explicatif, permet de comprendre que l'intégration
économique nait de la nécessité. Ainsi, tant que les Etats Africains auront le sentiment de
pouvoir s'en sortir individuellement, l'intégration africaine ne se réalisera pas, car malgré
l'existence des conditions objectives, il manquera l'essentiel : les conditions subjectives c'est-
à-dire, les sentiments d'interdépendance et de solidarité.

B)- LES MODALITES DE REALISATION DE L’INTEGRATION REGIONALE

La question posée est celle de savoir comment aller à l’intégration ? Selon quelle démarche
faut-il y aller et avec quelle perspective ? Ces deux questions renvoient aux approches (1) et
aux stratégies de l’intégration (2).

1°)- Les approches de l’intégration

Il existe deux principales approches : l’une constitutionnaliste (a) et l’autre fonctionnaliste (b).

12
R. BYSTRICKY, Le droit de l’intégration économique socialiste, Genève, Institut Universitaire des Hautes
Etudes internationales, 1979, p.9. L’auteur poursuit en précisant que « tandis que l’internationalisation ne touche
que certains éléments des relations économiques (l’échange des marchandises, des services, certaines formes de
coopération industrielle), l’intégration vise à la réglementation presque totale des rapports économiques en vue
de créer une entité économique et juridique unique ». Bien que ressortissant, au premier chef, à la sphère
économique, l’intégration économique résulte d’une véritable volonté politique et entraîne une réglementation
juridique et institutionnelle.

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a)- L’approche constitutionnaliste ou l’intégration par le haut

L’approche constitutionnaliste se préoccupe de mettre en place les structures de gestion, le


cadre d’élaboration du processus d’intégration. Elle consiste à penser au préalable à
l’intégration et à confier les réalisations à des mécanismes préétablis. On l’appelle aussi « la
démarche par rupture ».

b)- L’approche fonctionnaliste ou intégration par engrenage

La démarche fonctionnaliste quant à elle, est fondée sur l’idée d’engrenage ou « spill over ».
Elle consiste, à partir d’une base de coopération restreinte à élargir cette base selon le principe
de la boule de neige ou du tourbillon. Cette approche est appelé « approche par adaptation ».

2°)- Les stratégies de l’intégration

On dénombre quatre stratégies fondamentales et une subsidiaire.

a)- L’intégration par le protectionnisme minimal

Elle est fondée sur deux idées principales à savoir :

la réalisation à l’intérieur de la zone d’intégration d’un libre échange assis sur la théorie des
avantages comparatifs ;

la mise en place d’un tarif extérieur non protectionniste car l’intégration ne doit pas aboutir à
un isolationnisme.

« Il ne s’agit plus d’insulariser les économies […] par des protections, mais de les amener à
devenir compétitives sur les marchés extérieurs »13. La libéralisation des échanges
commerciaux, couplée à la stratégie d’intégration fondée sur le protectionnisme minimum,
devient le vecteur par excellence de l’intégration14. Ce faisant, la politique de différenciation
ne vise plus à assurer une protection contre les effets pervers du marché international, mais à
préparer l’insertion de la zone d’intégration dans le marché mondial par l’application de la
théorie des avantages comparatifs et des principes libre-échangistes. L’accent est ainsi mis sur
les questions de compétitivité/spécialisation des économies.

b)- l’intégration globale par la production

Elle consiste en une détermination a priori de la spécialisation des Etats. Une répartition du
marché régional non pas par la règle de l’offre et de la demande mais par une distribution
volontariste. La difficulté, c’est qu’il faut, dans la réussite de la coproduction, une grande

13
P. JACQUEMOT et M. RAFFINOT, La nouvelle politique économique en Afrique, Paris, Edicef/Aupelf,
Universités Francophones, 1993, p.187.
14
P. JACQUEMOT et M. RAFFINOT affirment à ce propos : “ L’intégration africaine n’est plus considérée
comme une “ coalition intracontinentale ”, mais comme un moyen d’assurer l’intégration de l’Afrique au marché
international ”. Au sujet des stratégies d’intégration en Afrique de l’Ouest, les mêmes auteurs recensent quatre
variantes à savoir : la thèse du protectionnisme minimum, l’intégration par la production, l’intégration par les
échanges et enfin l’intégration par les règles. Cf. P. JACQUEMOT et M. RAFFINOT, op. Cit, pp.181-193, plus
particulièrement les pages 188 à 192.
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cohésion, la mise en place d’une idéologie commune, le partage de valeur commune de


référence.

c)- L’intégration par l’approche de la communauté intégrée

Elle conduit à la mise en place d’un système à mi-chemin entre le protectionnisme minimal et
la globale production. Elle conduit à une zone d’échange organisée c’est-à-dire, une zone
d’échange préférentiel dans laquelle des mécanismes de péréquation d’ordres économique et
financier visent à corriger les effets pervers des lois du marché et la disparité des niveaux de
développement.

d)- L’intégration par les règles

Elle ne constitue pas une intégration en soi mais une stratégie complémentaire en ce qu’elle
consiste à créer un environnement juridique nécessaire à l’intégration à partir du socle de la
« coopération institutionnelle ». En effet, la priorité est mise sur l’environnement
institutionnel et judiciaire (intégration par les règles, autonomie du pouvoir monétaire et
judiciaire vis-à-vis du pouvoir politique national et harmonisation du droit), sur la constitution
d’un espace financier commun grâce à l’uniformisation du droit (des assurances) et d’un
espace commercial (grâce à la réforme fiscalo-douanière)15. C’est donc parallèlement à ces
mesures d’ordre technique que l’intégration est envisagée avec comme pilier essentiel, la
convergence normative et financière.

e)- La stratégie subsidiaire : l’intégration par les échanges agricoles.

Initiée par le Comité Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse au Sahel (CILSS) avec l’appui
du Club du Sahel, elle vise à promouvoir la complémentarité des productions agricoles en vue
de l’autosuffisance alimentaire. Il s’agit d’une approche sectorielle reposant sur trois
catégories de produits à savoir : le bétail et la viande, les céréales et les oléagineux. Ce n’est
donc pas une stratégie d’intégration à part entière.

C)- LA TYPOLOGIE DE L’INTEGRATION REGIONALE

Les critères de différenciation entre ces différents types sont au nombre de trois : le critère de
l’échelle de l'intégration (1), le critère des d’alliances (2) et le critère de l’idéologie qui sous-
tend le processus d’intégration (3).

1°)- Typologie fondée sur le critère de l’échelle

Ce critère permet de distinguer trois types d’intégrations selon l’échelle retenue : macro-
économique (a), micro-économique (b) et méso-économique (c).

15
Ph. HUGON, “ Régionalisation en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est ”, Afrique Contemporaine,
n°176, 1995, p.96. A ce propos, voir P. GUILLAUMONT et S. GUILLAUMONT JEANNENEY,
“ L’intégration économique : nouvel enjeu pour la zone franc ”, Revue d’économie du développement, 2/1993,
p.86. Voir également M. LELART, “ La zone franc face à Maastricht ”, Revue Tiers-Monde, t. XXXIV, n°136,
octobre - décembre 1993, pp. 881 à 901, ainsi que E. BERG, “ L’intégration économique en Afrique de l’Ouest
- Problèmes et stratégies ”, Revue d’économie du développement, 2, 1993, p. 67.
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a)- l’intégration à l’échelle macro-économique

Dans ce type d’intégration, les acteurs principaux sont les Etats. Il conduit à une politique
d’intégration volontariste dans laquelle l’Etat joue le rôle primordial. Ce sont donc les Etats
qui vont construire le schéma d’intégration avec comme objectif la réduction de leur
extraversion et l’élévation du niveau d’autonomie collective dans une logique de
l’import/substitution. Ce type d’intégration s’est développé à partir des thèses
mercantilistes16 avec notamment :

le protectionnisme pour se protéger et limiter les importations ;

l’interventionnisme de l’Etat dans la production nationale.

b)- l’intégration à l’échelle micro économique

Les acteurs principaux de l’intégration sont ici les agents économiques, avec cette idée
fondamentale que le progrès économique naît de l’action des opérateurs économiques plutôt
que de celle des chefs militaires ou politiques. Au plan régional, il ne s’agit pas d’envisager
une politique protectionniste mais plutôt de préparer la zone d’intégration à s’insérer dans le
marché mondial sur la base de la théorie des avantages comparatifs et les principes libre
échangistes.

c)- L’intégration à l’échelle méso-économique

Appelée aussi intégration par les organismes et associations, elle relève d'une conception
organisationnelle. Il s'agit ici de l'application de l'idée d'engrenage consistant par des règles,
des modes de coordination et des acteurs, de créer une dynamique intégrative par le bas
susceptible d'asseoir des interdépendances durables. Conception néo-fonctionnaliste, elle
privilégie les acteurs collectifs de la société civile : ONG, clubs, associations, etc. L’objectif
est de créer un réseau d’interrelations en vue d’assurer l’enracinement du processus
d’intégration et son irréversibilité par l’élargissement de la base du processus.

2°)- Typologie fondée sur le critère des alliances

Sur la base du critère des alliances, on distingue deux types d’intégrations : l’intégration
fondée sur la théorie des pôles de puissance (a) et celle fondée sur la théorie de la zone de
stabilité (b).

a)- La théorie des pôles de puissance

Elle signifie que dans l’intégration, un Etat ou un groupe d’Etats (ex France et Allemagne
dans l’Union Européenne) s’impose par sa puissance économique et devient le pôle de

16
Le mercantilisme très en vogue au XVII et XVIII est profondément inspiré du nationalisme économique. Il
part du principe que l’Etat doit être le cadre et l’acteur principal de l’accumulation des richesses ce en vue
d’asseoir et accroître une production nationale et ainsi réduire la dépendance extérieure.
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12

l’intégration, le pôle d’agrégation de l’intégration. Cet Etat ou le groupe d’Etats pivot


constitue la locomotive qui tire le processus d’intégration. D’où la nécessité que l’Etat ou le
groupe d’Etats pivot soit stable (problème du Nigéria dans la CEDEAO). Ce type
d’intégration privilégie la réalité économique aux affinités historiques.

b)- La théorie de la zone de stabilité

Elle part de l’idée que l’intégration suppose au départ un certain nombre d’affinités qu’il faut
valoriser et consolider. Les différents Etats partagent des valeurs communes dues à l’histoire,
à la géographie, à la langue etc. Ces valeurs communes constituent des références. Il s’agit de
scruter l’environnement historique, culturel et économique, en vue de rechercher d’utiles
balises et ressorts pour impulser une dynamique nouvelle à la construction de l’intégration
sous-régionale, à partir d’un noyau homogène.

3°)- Typologie fondée sur le critère idéologique

Le recours à ce critère permet la mise en évidence de deux types d’intégrations : l’intégration


socialiste par la production (a) et l’intégration capitaliste par le marché (b).

a)- L’intégration socialiste par la production

L'intégration socialiste ou intégration par la production relève quant à elle d'une conception
volontariste. Elle est conçue à l'échelle macro-économique et les acteurs principaux sont les
Etats. Le but visé est de réduire l'extraversion vis à vis de l'économie mondiale et de réaliser
une plus grande cohérence de l'appareil productif par des politiques dirigistes et planifiées en
vue d'élever l'autonomie collective de la zone d'intégration. Elle aboutit à une spécialisation
des Etats membres par une division systématique du travail. D'où le recours à la co-
production avec le système des pôles de développement et à la logique de substitution à
importation par une politique protectionniste et la mise en place de mécanismes de
redistribution.

b)- L’intégration capitaliste par le marché

L'intégration capitaliste ou intégration par les échanges relève d'une conception libérale.
L'intégration à ce niveau s'analyse comme une opération de soustraction s'identifiant à
l'élimination des entraves à la circulation des marchandises. La libéralisation des échanges
commerciaux est le vecteur essentiel et par excellence de l'intégration économique. La
mondialisation est l’aboutissement d’une telle approche.

Les agents de l'intégration, ce sont les opérateurs économiques et celle-ci est envisagée à
l'échelle micro-économique, les Etats n'intervenant qu'a posteriori pour arbitrer le jeu de la
concurrence. L'objectif étant de créer à terme un marché unique. En tant que processus,
l'intégration par le marché présente plusieurs stades que l’on détaillera postérieurement.

Mais, par delà les spécificités de chacun des types, il est possible de dégager trois
caractéristiques communes à toute forme d'intégration à savoir que toute intégration repose
sur :

la liberté totale de circulation des marchandises entre les Etats membres ;

une certaine spécialisation des Etats ;


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une certaine discrimination à l'encontre des tiers

Elle implique de ce fait et à la fois :

des interdépendances régionales ;

des régulations régionales ;

et une coopération fonctionnelle.

Tels sont les éléments de précision qui étaient nécessaires pour comprendre le concept
d’intégration. Allons plus avant dans les préalables conceptuels pour aborder les outils
d’analyse du phénomène.

§.2 : Les outils d’analyse des processus d’intégration économique régionale

L’objectif poursuivi est de se familiariser avec les notions fondamentales, tant en ce qui
concerne les formes d’intégration (A) qu’en matière de libre circulation des biens (B) et des
personnes (C), afin de mieux appréhender la stratégie de libéralisation de l’UEMOA et de la
CEDEAO.

A)- LES NOTIONS FONDAMENTALES TOUCHANT AUX FORMES D’INTEGRATION

Il existe plusieurs niveaux d'intégration des marchés ; nous en distinguons six ; par ordre
croissant, on a : la zone de préférences douanières, la zone de libre échange, l'union
douanière, le marché commun, l'union économique et enfin l'intégration économique. Une
classification de ces différentes formes permet de retenir deux catégories : les arrangements à
caractère éminemment commercial ou douanier (1) et ceux à caractère essentiellement
économique (2).

1°)- Les arrangements à caractère éminemment commercial ou douanier

Ils regroupent trois formes principales selon de degré d’élimination des droits de douane et
d’organisation des échanges avec les Etats tiers. Il s’agit de la zone de préférences douanières
ou zone d’échanges préférentiels (a), de la zone de libre échange (b) et de l’Union douanière
(c).

a)- La zone de préférences douanières

La zone de préférences douanières ou zone d’échanges préférentiels constitue le premier


niveau d'intégration des marchés. Les pays membres du groupe pratiquent entre eux des tarifs
douaniers plus bas (tarifs préférentiels) que ceux en vigueur dans leurs relations commerciales
avec les pays n'appartenant pas au groupe. Les tarifs douaniers ne sont donc pas supprimés,
mais simplement réduits.

b)- La zone de libre échange

Elle correspond à la zone dans laquelle est assurée l'abolition des droits de douane et des
barrières non tarifaires entre pays membres avec toutefois une indépendance des politiques
tarifaires extérieures. Cette situation engendre cependant quelques difficultés. En effet,
compte tenu de l'inexistence d'un tarif extérieur commun, un pays A peut importer en
franchise de douane (ou à des taux faibles) un produit d'un pays tiers C et l'écouler librement
Cours de droit communautaire
14

sur le marché du pays B avec lequel il est intégré dans la zone de libre échange. Ainsi, le pays
B pourrait se voir lésé, soit parce qu'il subit des moins-values douanières, soit parce qu'il
mène une politique d'import-substitution. La solution à ce problème est l'instauration des
certificats d'origine sur les produits en circulation dans la zone, ce qui n'empêche pas l'usage
de pratiques frauduleuses et les lourdeurs au niveau des administrations douanières. C'est la
principale raison qui a conduit à la mise en place de l'union douanière.

c)- L'union douanière

L'union douanière est une zone de libre échange accompagné d'un tarif extérieur commun.
Elle implique que trois conditions soient remplies : le libre échange en faveur des produits
originaires, l’établissement d’un tarif extérieur commun dans les échanges avec les Etats tiers
et l’effectivité de la libre pratique pour les produits tiers ayant acquitté le TEC. Il s’en suit que
tous les Etats membres d'une union douanière renonce donc à leur souveraineté en matière de
politique douanière ce qui a pour conséquence de transformer la zone d’intégration en un
espace douanier unique comme celui d’un Etat pris individuellement. Mais les droits de
douane ne constituent pas le seul obstacle au développement des échanges commerciaux. Des
entraves à la libre circulation des produits peuvent subsister après l'annulation des tarifs
douaniers. Le remède à ce problème se trouve en partie dans l'harmonisation des politiques.

2°)- Les arrangements à caractère éminemment économique

Ils regroupent trois autres formes que sont : le marché commun (a), l’union économique (b) et
l’intégration économique (c).

a)- Le marché commun

Le marché commun correspond à l'union douanière avec toutefois une libre circulation des
facteurs de production (main d'œuvre et capital) à l'intérieur de la communauté. A ce niveau,
on a dépassé le stade d'une simple intégration commerciale pour aborder le début d'une
intégration économique. Mais cela ne suffit pas, car il existe encore des facteurs économiques
capables de fausser le jeu de la concurrence. En effet, pour diverses raisons, un pays peut
octroyer des avantages fiscaux ou monétaires à ses entreprises. Il en résultera alors une baisse
des coûts de production pour ces entreprises et une amélioration de leur niveau de
compétitivité. Dans ces conditions de faveurs, un tel pays pourrait devenir un pôle d'attraction
au détriment des autres pays de la communauté qui n'appliquent pas une politique similaire.
C'est pour éviter de telles pratiques que des efforts doivent être entrepris en vue d'harmoniser
les politiques économiques intérieures des pays membres, notamment dans les domaines
fiscal et monétaire. L'union économique constitue une réponse à cette préoccupation.

b)- L'union économique

L'union économique est égale au marché commun, plus harmonisation des politiques
économique, financière et sociale. Une distinction doit être cependant faite entre l'union
économique et l'union monétaire. L'existence de l'une n'entraîne pas automatiquement celle de
l'autre. On peut avoir des unions monétaires sans unions économiques ; c'est l'exemple de
l'UMOA formée par les Etats Ouest-africains de la zone franc. De même, il existe des cas
d'unions économiques sans unions monétaires. On retiendra, dans ce dernier cas, l'exemple de
la Communauté Européenne où le marché unique a précédé l'union monétaire entrée en
vigueur depuis le 1er janvier 1999.

Cours de droit communautaire


15

c)- L'intégration économique

L'intégration économique correspond au marché commun auquel on ajoute l'unification des


politiques économiques. Les pays membres deviennent comme des provinces d'une même
nation. Dans ce marché unique, la différence de prix d'un bien dans deux endroits différents
vient des coûts de transport et de commercialisation de ce bien d'un endroit à l'autre. Par
contre, les prix extérieurs à l'espace seront différents des prix intérieurs, soit plus hauts, soit
plus bas, selon la politique de subvention ou de taxation. Toutefois, le principal problème
reste la délimitation de l'espace économique en vue de s'assurer de la logique des échanges
intra-régionaux et du contrôle possible des échanges entre cet espace et le reste du monde.

B)- LES NOTIONS FONDAMENTALES EN MATIERE DE LIBRE CIRCULATION DES


BIENS

La mise en place d’une union douanière impose deux tâches immédiates et séquentielles : le
libre échange intérieur et la différenciation de l’espace commercial régional. Il s’agit d’une
part, de l’application effective du principe de liberté consistant en la suppression des
différents obstacles tarifaires et non tarifaires (droits de douane et des restrictions
quantitatives) dans les échanges intra-communautaires - volet interne de la libéralisation des
échanges -, et d’autre part, de la différenciation de l’espace commercial régional par
l’établissement d’un Tarif Extérieur Commun (TEC) ou Tarif Douanier Commun (TDC) qui
constitue le versant externe de la libre circulation des biens et qui concerne les échanges avec
l’extérieur de la zone d’intégration. Ce sont les notions touchant à ces différents aspects de la
libre circulation des biens qu’il convient maintenant d’envisager. Mais avant, il y a lieu de
préciser que la notion de bien ici sera entendue au sens de marchandises c’est-à-dire, « tous
biens appréciables en argent et susceptibles, comme tels, d’être l’objet de transactions
commerciales »17.

1°)- Le volet interne de la libéralisation des échanges

Cet aspect de libre circulation implique d’une part, la suppression des droits de douane et des
taxes d’effet équivalent et d’autre part, l’élimination des restrictions quantitatives et des
mesures d’effet équivalent. En d’autres termes, il touche aux mesures tarifaires et non
tarifaires.

a)- Les mesures tarifaires

Il s’agit des droits de douane et des taxes d’effet équivalent. D’ailleurs le traité de la
CEDEAO comme celui de l’UEMOA associent les deux expressions18. Que recouvrent-t-
elles ?

Par droit de douane, il faut entendre « non seulement les droits de douane au sens technique et
traditionnel du terme c’est-à-dire les droits visant à protéger une marchandise nationale et
frappant exclusivement les produits importés, mais également les droits de douane à caractère
fiscal à savoir ceux qui s’appliquent aux produits importés [...] et visant essentiellement à

17
Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE), 10 déc.1968, Aff.7/68, Commission c/ Italie, Rec.,
1968, p.617.
18
Cf. articles 35 et 36 du traité de la CEDEAO, articles 76 et 77 du traité de 1'UEMOA.
Cours de droit communautaire
16

procurer des recettes fiscales aux autorités publiques »19. Les droits de douane sont donc des
charges pécuniaires frappant les produits lors du franchissement de la frontière d’un Etat. Ces
droits habituellement calculés à partir de la valeur en douane de la marchandise peuvent,
exceptionnellement, l’être sur la base d’une unité de mesure, de poids ou de capacité. Dans le
premier cas, on parle de « droits ad valorem », dans le second, de « droits spécifiques ». Ainsi
les « droits de douane » sont les taxes auxquelles sont soumises les marchandises à
l’importation et à l’exportation. Ils sont dits fiscaux lorsqu’ils ont pour objet uniquement
d’être une source de revenus pour le Trésor. Ils sont dits de protection quand à l’entrée
(importation), ils protègent le producteur ou quand à la sortie (exportation), ils ont pour
vocation de protéger le consommateur20. D’où le recours habituel à l’expression « droits de
porte ». Dans le but de réaliser la liberté de circulation des biens, « ces droits sont interdits
indépendamment du but en vue duquel ils ont été institués ainsi que de la destination des
recettes qu’ils procurent. La justification de cette interdiction réside dans l’entrave que des
charges pécuniaires, fussent-elles minimes, appliquées en raison du franchissement des
frontières, constituent pour la circulation des marchandises »21.

La notion de taxe d’effet équivalent, quant à elle, est l’abréviation d’une expression bien plus
longue puisqu’il s’agit de rendre compte des « taxe d’effet équivalent à un droit de douane ».
Elle désigne « toute charge pécuniaire, autre qu’un droit de douane, unilatéralement imposée
quelle qu’en soit la dénomination, le montant et le moment de l’exigibilité ou de la perception
dès lors qu’elle frappe un produit franchissant une frontière de l’Union »22. Il s’agit par cette
prohibition d’empêcher que par des moyens détournés, les Etats ne réinstaurent des droits de
douane déguisés aux fins de pallier la perte de recettes découlant de la libéralisation des
échanges. « La notion de taxes d’effet équivalent marque donc le dessein de prohiber les
mesures revêtues de la forme douanière, mais aussi toutes celles qui, présentées sous d’autres
appellations ou introduites par le biais d’autres procédés, aboutiraient aux mêmes résultats
discriminatoires ou protecteurs que les droits de douane »23.

Au-delà de l’interdiction de percevoir des droits de douane ou des taxes d’effet équivalent, la
liberté de circulation des biens dans son volet interne implique en outre l’interdiction des
mesures non tarifaires.

b)- mesures non tarifaires

19
G. VANDERSANDEN cité par F. HAUTEFENNE et S. A.COULIBALY, « La libre circulation des biens
dans le cadre de l’UEMOA », Ouagadougou, CEEI, 1997, p.7.
20
J-B. LANSOMDE, L’élimination des barrières tarifaires au sein des États membres de la Communauté
Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) : Utopie ou possibilité ?, Mémoire pour l’obtention du
diplôme de l’ENA de Lomé (Togo), promotion 1989-1992, s.d. doc, dact.
21
S. V. M. RAYAISSE, Schémas de libéralisation des échanges dans le cadre de l’UEMOA et de la
CEDEAO : approche comparative, mémoire de fin d’étude du cycle supérieur , 7 ème session des élèves
inspecteurs des douanes, année 1997-1998, p.13.
22
C.J.C.E., 1er juillet 1969, Aff. 24/68, Commission c/ Italie, Rec., 1969, p.193 et s.. De plus à titre d’exemple,
ont fait l’objet d’une interdiction, certains droits de statistique et certaines taxes en matière de contrôle
phytosanitaire : C.J.C.E., 8 juillet 1975, Aff. 4/75, Rec ., 1975, p.843.
23
S. V. M. RAYAISSE, op. Cit. p.13.
Cours de droit communautaire
17

Les obstacles non tarifaires à lever sont de deux ordres : il s’agit des restrictions quantitatives
(prohibition et contingentement) et les mesures d’effet équivalent. Les Traités CEDEAO et
UEMOA en aménagent la suppression24.

Les restrictions quantitatives « sont des limitations quantitatives aux importations ou aux
exportations c’est-à-dire toutes mesures aptes à entraver les échanges intra-
communautaires »25. Sont donc visées toutes dispositions législatives, réglementaires et
administratives, toutes pratiques administratives ainsi que tous actes émanant d’une autorité
publique. Il s’agit particulièrement des mesures de commercialisation des produits, portant
notamment sur la forme, le poids, le conditionnement, etc., applicables indistinctement aux
produits nationaux et aux produits importés, dont les effets respectifs sur la libre circulation
des marchandises dépassent le cadre des effets propres d’une réglementation du commerce26.
C’est dire qu’elles correspondent à des limitations quantitatives aux importations ou aux
exportations et constituent de ce fait des entraves à l’importation et à l’exportation même si
elles s’appliquent indistinctement aux produits nationaux.

Tout comme l’expression taxe d’effet équivalent, celle de mesure d’effet équivalent, est une
abréviation de « mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative ». De même, à l’instar
de la notion de taxes d’effet équivalent, celle de mesures d’effet équivalent est d’origine
jurisprudentielle. Elles sont, en effet, définies par la Cour de Luxembourg comme « toute
réglementation commerciale entre les États membres susceptibles d’entraver directement ou
indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intra-communautaire »27 Il
ressort de la jurisprudence de la Cour ainsi citée que trois critères principaux sont retenus dans
la détermination d’une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative. Il s’agit de
l’origine du produit, du caractère public de la mesure et de l’aptitude de la mesure à entraver
les échanges.

Mais l’établissement de l’union douanière ne se limite pas à la suppression des obstacles


tarifaires et non tarifaires. Il commande que soient organisées et rationalisées les relations
avec l’extérieur de la zone d’intégration dans le sens aussi d’une libéralisation des échanges
avec le reste du monde.

2°)- Le volet externe de la libéralisation des échanges

Il s’agit sous cette rubrique de faire connaissance avec les notions liées à la politique
commerciale qui a notamment pour objet de s’occuper des relations avec les États- tiers. Ce
volet externe se matérialise essentiellement par l’établissement d’un TEC ou TDC. La notion

24
Articles 35 et 36 du Traité CEDEAO et 76 et 77 du Traité de l’UEMOA
25
S. V. M. RAYAISSE, op. Cit. p.14.
26
S. V. M. RAYAISSE, Ibid.
27
C.J.C.E, 11 juillet 1974, Aff. 8/74, Rec., 1974, p.837. A titre d’exemple, ont fait l’objet d’une interdiction
certaines formalités imposées à l’importation (licence, visa technique, certificat d’origine). Sont également
visées les réglementations relatives aux produits ou à leurs emballages : C.J.C.E., 13 mars 1984, Aff., 16/83,
Rec., 1984, p. 1299. Ou encore certaines mesures imposant un régime de prix minima : C.J.C.E. 24 janvier 1978,
aff. , 82/77, Rec. , 1978, p. 25. De la jurisprudence de la Cour on peut retenir trois critères principaux à la
détermination d’une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative. Il s’agit de l’origine du produit, du
caractère public de la mesure et de l’aptitude de la mesure à entraver les échanges.

Cours de droit communautaire


18

de TEC est l’objet d’une définition téléologique. Ainsi l’objectif poursuivi à travers
l’établissement d’un TEC est l’harmonisation et à terme l’uniformisation des droits et taxes
d’entrée dans tous les Etats parties au processus d’intégration à l’égard des biens provenant de
pays tiers ce afin d’éviter les détournements de trafic et de garantir une application uniforme
des droits de porte. C’est là la fonction de différenciation du TEC dont la mise en œuvre
aboutit à la transformation de l’aire géographique des Etats membres en une seule et même
zone commerciale vis à vis du reste du monde. Mais, à cette fonction de différenciation
s’ajoute une seconde de libéralisation qui s’inscrit dans l’optique libre échangiste du
commerce mondial. Le TEC, pour répondre aux exigences de l’Accord Général sur les Tarifs
Douaniers et le Commerce (GATT ) ne doit pas constituer une entrave au commerce avec les
Etats non membres du fait de la manipulation à la hausse des droits de porte. Ce qui veut dire
que les taux retenus dans la fixation du TEC doivent être inférieurs à ceux pratiqués
auparavant par les Etats.

Après avoir ainsi fait le tour28 des notions fondamentales en matière de libre circulation des
biens, il convient de s’intéresser à celles touchant à la libre circulation des personnes.

C)- LES NOTIONS FONDAMENTALES EN MATIÈRE DE LIBRE CIRCULATION DES


PERSONNES

La libre circulation des personnes est un terme générique, englobant, qui recouvre en réalité
plusieurs libertés se traduisant pour ceux qui en bénéficient de la reconnaissance de différents
droits : le droit d’entrée, le droit de résidence et le droit d’établissement. Précisons ces trois
concepts.

1°)- Le droit d’entrée

Il désigne l’accès au territoire national d’un Etat donné par un étranger. La souveraineté des
Etats, pierre angulaire du droit international contemporain, reconnaît à l’Etat un pouvoir
discrétionnaire en ce qui concerne l’accès à son territoire. Cela se traduit concrètement par
l’exigence d’un visa d’entrée aux fins de contrôle de l’immigration. C’est la suppression de
cette obligation d’obtention préalable du visa d’entrée qui fonde le droit d’entrée. Ainsi, celui-
ci se présente comme le pas initial et indispensable dans la mise en œuvre de la libre
circulation des personnes car il conditionne l’expression, l’épanouissement et l’effectivité des
autres droits (résidence et établissement). Ainsi, un ressortissant burkinabè ne peut exercer
son droit de résidence ou d’établissement en Guinée Bissau que s’il a été autorisé à entrer sur
le territoire Bissau Guinéen. Elle constitue donc une condition nécessaire mais non suffisante
à la liberté de circulation.

2°)- Droit de résidence

Il signifie le droit de séjourner dans un Etat autre que celui dont on a la nationalité en vue de
rechercher un emploi salarié et d’exercer un tel emploi. Il signifie fondamentalement le droit

28
On aurait pu en illustration du principe d’égalité, faire référence aux notions de clause de sauvegarde, de
dumping ou d’abus de position dominante
Cours de droit communautaire
19

au travail salarié pour les étrangers dans les mêmes conditions que les nationaux. En effet,
pour donner toute sa pleine mesure, le droit de résidence suppose l’assimilation du travailleur
étranger au national tant dans la recherche que l’exercice d’un emploi. L’assimilation dans la
recherche d’un emploi signifie qu’un burkinabè recherchant un emploi au Mali – ou dans un
autre pays de I’UEMOA ou de la CEDEAO – ne peut se voir opposer un refus au motif qu’il
s’agit d’un emploi réservé aux maliens. En ce qui concerne l’exercice d’un emploi,
l’assimilation signifie l’égalité de traitement avec les nationaux pour le salaire, le
licenciement, la formation professionnelle et le réemploi si le travailleur est au chômage. Les
restrictions au droit au travail salarié sont identiques dans la CEDEAO et l’UEMOA. Il s’agit
des exceptions fondées sur des motifs de sécurité, de santé ou d’ordre public et des emplois
dans la fonction publique. En dernière instance, l’effectivité du droit de résidence conduit à la
régionalisation du marché du travail.

3°)-Droit d’établissement

Le droit d’établissement désigne l’accès aux activités non salariées de même que leur exercice
d’une part, la constitution et la gestion d’entreprises d’autre part. La première hypothèse
recouvre par exemple le cas d’un Burkinabè qui de manière permanente voudrait devenir
commerçant en Côte d’Ivoire ou réciproquement un Ivoirien qui, par exemple, voudrait ouvrir
un garage à Ouagadougou. La deuxième hypothèse – constitution et gestion d’entreprises –
vise principalement la constitution par des étrangers de sociétés commerciales. C’est par
exemple le cas d’Ivoiriens qui veulent constituer une société commerciale au Burkina pour
fabriquer ou vendre des produits industriels. Le principe en ce qui concerne le droit
d’établissement est le même que pour ce qui concerne le droit de résidence : l’égalité de
traitement avec les nationaux. Cela implique que les ressortissants du Burkina désirant
devenir commerçants en Côte d’Ivoire ne peuvent, en ce qui concerne l’accès à la profession
de commerçant et l’exercice de la dite profession, être soumis à aucune discrimination
formelle (prévue par les textes) ou de fait (pratique administrative). Les exceptions au droit
d’établissement sont les mêmes que celles prévues pour le droit au travail salarié : ordre, santé
et sécurité publics et activités participant à l’exercice de la souveraineté étatique.

Tels sont les éléments de précision qui étaient nécessaires pour sonder et comprendre les
enjeux et cadres normatifs mis en place par les projets d’intégration de l’UEMOA et de la
CEDEAO et qu’il convient à présent d’appréhender

SECTION II - LA NOTION DE DROIT COMMUNAUTAIRE

Faire de l’intégration régionale, c’est mettre en route un processus par lequel un ensemble de
pays et d’Etats se rassemblent en créant une organisation commune chargée de prendre des
décisions et d’agir dans certains domaines, notamment dans le domaine économique, à la
place des Etats membres, afin de parvenir à un plus grand développement en vertu de l’adage
selon lequel « l’union fait la force ». Il s’agira à cet égard, d’adopter un ensemble de règles
obligatoires concourant à l’atteinte d’un tel objectif, un ensemble de prescriptions, de normes
de conduite que l’on appelle justement droit communautaire, un droit sécrété dans le cadre des
processus d’intégration régionale. Ainsi, le droit communautaire, aussi appelé « droit de
l’intégration », peut être sommairement défini comme l’ensemble des règles juridiques
édictées dans le cadre d’un processus d’intégration régionale conduisant à la mise en place
d’une organisation supranationale.
Cours de droit communautaire
20

Il ressort de cette définition que le droit communautaire émane d’une organisation inter-
gouvernementale d’intégration (§.1) mais il présente des spécificités qui le distinguent du
droit international général ou classique (§.2).

§.1. Le droit communautaire : une composante du droit des organisations internationales29.

Une définition organique du droit communautaire laisse entrevoir ce dernier comme le droit
produit par les organisations inter-gouvernementales d’intégration. L’Organisation Inter-
Gouvernementale (OIG) aussi communément appelée organisation internationale est « une
association d’Etats constituée par un traité, dotée d’un statut et d’organes et possédant une
personnalité distincte de celle de ses Etats membres »30. C’est dire qu’il s’agit d’un
groupement permanent d’Etats doté d’organes destinés à exprimer, sur des matières d’intérêt
commun, une volonté distincte de celles des Etats membres. La principale caractéristique de
cette structure réside dans le fait qu’elle est dotée d’une possibilité d’action autonome en ce
qu’elle possède une personnalité juridique distincte de celle de ses Etats membres et des
compétences propres. Ce faisant, et parce qu’il émane d’OIG, le droit communautaire porte
les caractéristiques du droit des OIG dans les dimensions relatives à la personnalité juridique
(A) et aux compétences (B)

A)- L’EXISTENCE ET LES CARACTERES DE LA PERSONNALITE JURIDIQUE DES


OIG

Les OIG sont avant tout la projection du système international qui les a produits, système
dominé par les Etats. C’est fort de ce constat quant à leur origine que les Etats-Unis et une
partie de la doctrine ont pendant longtemps marqué leur réserve quant à la reconnaissance aux
OIG de la personnalité morale. La crainte était de voir ces OIG, si elles étaient dotées de la
personnalité morale, devenir des ‘’super Etats’’ et par voie de conséquence, menacer la
souveraineté des Etats. Ces craintes étaient infondées et reposaient sur une confusion entre les
notions de souveraineté et de personnalité juridique. Les deux notions sont différentes à bien
des égards :

la personnalité juridique est une capacité à être titulaire de droits et devoirs tandis que la
souveraineté est un pouvoir de droit originaire et suprême ;

la personnalité juridique est un concept strictement juridique alors que la souveraineté est
d’essence politique avant d’être juridique ;

la personnalité juridique se fonde sur un acte juridique tandis que la souveraineté repose sur
un fait juridique;

la personnalité juridique qui renvoie à l’idée de capacité est susceptible de modulation alors
que la souveraineté est indivisible, incompressible et irrésistible.

La capacité est sujette à des variations ou à des degrés. C’est donc sur cette compréhension
que repose la personnalité juridique des OIG. Comme le souligne la Cour Internationale de
Justice (CIJ) dans avis sur la réparation des dommages subis au service des Nations Unies

29
Pour plus de détails sur la question des organisations internationales Voir, P. DAILLER et A. PELLET, Droit
international public, Paris, LGDJ, 7ème édition, 2002, pp.573-642.
30
Ch EUZET, Relations internationales, Paris, Ellipses, 2004, p.63.
Cours de droit communautaire
21

(NU) (11 avril 1949) « les sujets de droit dans un système juridique, ne sont nécessairement
identiques quant à la nature ou l’étendu de leurs droits ». C’est l’existence d’une articulation
dialectique entre les Etats et les OIG qu’ils engendrent qui permet aux OIG, grâce au principe
de rétroaction, de bénéficier d’une personnalité autonome.

Mais même en l’absence de reconnaissance expresse par l’acte constitutif, il existe une
présomption de personnalité juridique internationale au bénéfice des OIG ainsi que l’a affirmé
la jurisprudence de la CIJ dans l’avis consultatif du 11 avril 1949 sur la réparation des
dommages subis au service des Nations Unies. Cette personnalité juridique de l’OIG est
mineure et dérivée. Cela veut dire que l’OIG ne peut, sous peine d’excès de pouvoir, exercer
ses capacités juridiques que dans la limite des buts fixés par la charte constitutive et pour leur
réalisation. C’est là l’application du principe de spécialité qui veut que l’OIG n’ait que les
compétences qui lui sont nécessaires pour accomplir la mission que lui assigne son acte
constitutif alors que l’Etat, lui, se fixe lui-même ses propres buts. Ce faisant, la personnalité
juridique des OIG présente un caractère fonctionnel indéniable.

Mais la reconnaissance des personnalités juridiques internes et internationales n’a de sens que
si elle s’accompagne de compétences propres à l’OIG.

B)- LA NATURE ET L’ETENDUE DES COMPETENCES DES OIG

Les OIG d’intégration sont soumises aux règles du droit des organisations internationales
afférentes à la question de leurs compétences. Mais avant d’investir la question des
compétences des OIG, il importe d’éclairer l’analyse en précisant certaines notions. Sont de
celles-là les notions de fonction et de compétences.

Les fonctions d’une OIG sont les finalités de l’activité de cette dernière : fonction de
coopération et d’intégration. Les compétences, par contre, sont les pouvoirs juridiques
reconnus à l’OIG pour la réalisation de ses fonctions prioritaires. C’est dire que l’importance
des fonctions commande le degré de compétence et qu’en retour, des compétences étendues
suggèrent des fonctions primordiales.

Voilà pourquoi en matière de compétence des OIG, c’est le règne du principe d’attribution ou
principe de spécialité, principe qui insiste sur le fait que les OIG sont des moyens mis à la
disposition des Etats pour la poursuite d’un but d’intérêt général. « Le principe d’attribution
des pouvoirs constitue la traduction du principe de spécialité des organisations internationales
et connu sous l’appellation de compétences fonctionnelles. Le spectre des domaines attribués
peut être plus ou moins large mais on ne peut en aucune manière se retrouver dans la situation
d’un champ d’action théoriquement illimité comme dans l’Etat unitaire »31. Il en découle que
les compétences des OIG sont appréciées en fonction d’exigences fonctionnelles.

Ces compétences sont le plus souvent explicites, car définies dans et par la charte constitutive.
Mais depuis le riche et célèbre avis de la CIJ du 11 avril 1949, ces compétences ne se limitent
plus à celles expressément déterminées par l’acte constitutif. La CIJ a reconnu aux OIG des
compétences implicites. Théorie née aux USA grâce au juge Marshall dans l’affaire Mc
Culloc V Maryland de 1819 à propos de la répartition des compétences entre le gouvernement

31
P. MEYER, « Le champ d’application du droit communautaire UEMOA », in Centre d’études européennes et
de l’intégration (C.E.E.I.), Séminaire d’initiation au droit communautaire (Cahier du Participant), Ouagadougou,
25-29 juin 2001, document dactylographié, module 4, p. 4, note 1.
Cours de droit communautaire
22

fédéral et les Etats fédérés. Dans cette affaire, le juge Marshall avait reconnu à la Fédération
le droit d’adopter des actes non expressément autorisés par la Constitution pourvu que leurs
fins soient légitimes, compatibles et conformes à la lettre et à l’esprit de la Constitution et
enfin appropriées à la réalisation des buts visés. Cette théorie fut reprise par la Cour
Permanente de Justice Internationale (CPJI) dans son avis du 23 juillet 1926 concernant la
compétence de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) pour règlementer
accessoirement le travail personnel du patron. La CIJ devait lui emboîter le pas dans son avis
de 1949 et plusieurs fois depuis lors. C’est dans la même mouvance que l’inscrit l’arrêt de la
Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) dans l’affaire commission C/Conseil
ATER du 31 mars 1971.

Il ressort de ces développements, que la théorie des compétences implicites a été le fait des
juges dans leur recherche d’une vision objective des fonctions et partant, des compétences des
OIG. L’idée de manière triviale est la suivante : il doit y avoir une proportionnalité entre les
missions et les compétences car, on ne peut assigner des missions à une structure et lui refuser
dans le même temps les moyens pour les réaliser. C’est dire que la théorie des compétences
implicites accroît l’autonomie relative des OIG32.

Mais, au-delà des caractères explicites ou implicites de ces compétences (conception


restrictive et conception extensive), il semble aussi important de savoir de quels types de
compétences sont dotées les OIG. En la matière, la diversité des fonctions appelle la diversité
des compétences et rend hasardeux toute tentative de systématisation. Néanmoins, et de façon
traditionnelle, on distingue deux grandes catégories de compétences : les compétences
normatives et les compétences opératoires ou opérationnelles.

Les compétences normatives ont trait aux actes normatifs directement imputables à l’OIG et
relevant du droit dérivé ou institué, différent du droit originaire ou initial. De par ces
compétences normatives, l’OIG se voit reconnaître non seulement un pourvoir règlementaire
interne ou d’autorégulation (adoption des règlements intérieur à l’organisation, gestion des
locaux du siège, politique salariale et statut des agents etc.) et un pouvoir règlementaire
externe qui lui, se manifeste à l’égard des Etats. Un tel pouvoir règlementaire externe est peu
fréquent dans les organisations de coopération plus respectueuses de la souveraineté des Etats.
Il en va autrement dans les organisations d’intégration où, du fait de la supranationalité, le
droit communautaire est directement applicable dans les différents ordres nationaux. C’est
ainsi le cas dans la CEDEAO, l’UEMOA, la CEMAC, l’OHADA, l’UE où des dispositions

32
Si la jurisprudence semble avoir fait sienne la théorie des compétences implicites, la doctrine quant à elle n’est
pas unanime à reconnaître l’existence de telles compétences ou pouvoirs. C’est ainsi que pour F. DEMICHEL :
« contrairement à la théorie développé par de nombreux juristes classiques (à travers la reconnaissance de
pouvoirs implicite aux organes des organisations internationales, justifiés selon eux par les « lacunes » des textes
constitutif) les organisations internationales, n’ont pas de compétences qui ne reposent sur la volonté explicite
des Etats qui en sont membres. Ainsi elles ne disposent pas de pouvoirs « gouvernementaux », mais de
compétences spécialisées, mises en œuvre par des organes subordonnés. C’est ce qu’on a pu appeler la
« transparence » des organisations internationales ». Cette affirmation souligne le caractère dérivé et limité des
compétences des OIG.

Cours de droit communautaire


23

du droit primaire permettent à l’organisation de prendre des actes qui s’imposent aux Etats
(règlements, directives, décisions, actes uniformes)33.

A côté de ces compétences normatives, il y a les compétences opératoires ou opérationnelles


qui s’interprètent comme des compétences de gestion exigeant, par nature, une activité sur un
territoire à l’égard d’individus (concret – matériel) dans les domaines administratif, financier,
économique et logistique. Cela peut se traduire par :

- la participation sur le terrain à la résolution des différends (casques bleu ONU, casques
blanc de l’ECOMOG-CEDEAO) ;

- l’apport d’assistance humanitaire (HCR), économique (FMI) ou militaire (OTAN).

Ces compétences opératoires débordent ce seul cadre pour prévoir et reconnaître un pouvoir
de sanction34. Mais ce pouvoir de sanction s’il se manifeste à travers l’organisation ne reste
pas moins le fruit d’une coalition politique d’intérêts. En effet, il convient de ne pas perdre de
vue que les Etats, en créant l’OIG et en la dotant de prérogatives plus ou moins étendues,
n’ont pas entendu abdiquer leurs prérogatives souveraines. C’est sur l’équilibre entre la
souveraineté et l’autonomie que les OIG peuvent se réaliser en tant que sujets actifs du droit
international.

Il ressort des développements qui précèdent que l’étendue du champ d’application rationae
materiae ainsi que les caractéristiques du droit communautaire sont essentiellement
déterminés par la charte constitutive de l’organisation. Cependant, le droit communautaire ne
s’identifie pas au droit international classique.

§.2. Le droit communautaire : un droit différent du droit international classique

« Le droit communautaire n’est pas du droit international perfectionné, il appartient à un autre


univers juridique »35. Ces mots du Pr Denys SIMON tendent à souligner la spécificité du
droit communautaire par rapport au droit international général. Le droit communautaire
n’émane pas de n’importe quelle organisation internationale ; il est le produit d’une
organisation supranationale.

La supranationalité relève du pouvoir externe des OIG et notamment la capacité donnée à ces
dernières de soumettre ou plutôt de lier les Etats par leurs décisions parce que ces derniers,
dans la charte constitutive, ont délégué à l’OIG certaines de leurs prérogatives souveraines
aux fins de réaliser les fonctions qui lui sont assignées. La supranationalité a un caractère

33
Ce pouvoir règlementaire externe se rencontre aussi dans les organisations techniques. C’est le cas à l’OACI
(article 54.1), à l’OMS (article 21) et à la FAO avec l’existence du codex alimentaire. Cependant dans ces
derniers cas, les Etats gardent la possibilité d’émettre des réserves et peuvent même refuser de se plier à ces
règles.
34
Exemples : suspension des services fournis par l’organisation – article XXIII sect. 2 des statuts du FMI ;
suspension du droit de vote – articles 13 de la Charte de l’ONU, 13 de la Constitution de l’OIT et 28 du Traité
constitutif de l’OACI.
35
D. SIMON, « Les fondements de l'autonomie du droit communautaire », in Droit international et Droit
communautaire, Perspectives actuelles, actes du colloque de la SFDI 1999, Paris, Ed. A. Pedone 2000, 448p.

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fonctionnel. Elle doit être analysée comme une capacité, nullement un pouvoir propre des
OIG d’intégration.

« La supranationalité signifie dans son essence un système institutionnel et normatif qui


permet de privilégier le bien commun, c’est-à-dire celui de la communauté par rapport aux
intérêts nationaux c’est-à-dire des Etats membres. Elle est susceptible de se manifester dans le
processus décisionnel qui attribue un rôle éminent à une institution purement communautaire.
Cette supranationalité s’observe dans le pouvoir d’édicter des normes communautaires ou
régionales qui sont immédiatement applicables et ont des effets directs. En outre, la
supériorité des normes communautaires sur les règles juridiques nationales, antérieures mais
surtout postérieures, est clairement affirmée »36.

La Cour de Luxembourg a ainsi défini la supranationalité en considérant que les caractères


originaux du droit communautaire le différencient du droit international d’une double
manière : « parce que, pouvant être le résultat de décisions prises non à l’unanimité, mais à
une majorité même qualifiée, il revêt un caractère supra-national ; parce que, ayant vocation à
être immédiatement et directement applicable dans l’ordre juridique de chaque Etat membre,
il revêt alors un caractère trans-national »37. La supranationalité consiste donc en l’existence
d’un système institutionnel autonome permettant de privilégier le bien commun par rapport
aux intérêts nationaux et capable d’édicter des normes qui, non seulement s’imposent aux
Etats, mais aussi régissent directement la situation juridique des particuliers.

Il ressort de ces définitions que la notion de supranationalité repose sur trois critères
fondamentaux :

le critère du mode décisionnel : la majorité :

le critère du mode de relations entre ordres juridiques : applicabilité immédiate et effet direct ;

le critère du rang du droit communautaire : la primauté.

L’organisation supranationale dans le processus fédérateur par association dont elle relève se
situe entre la confédération et la fédération. Les Etats membres demeurent des sujets de droit
international, mais les prérogatives reconnues à la collectivité composée dépassent celles
d’une entité confédérale, situation de la plupart des OIG. Ce qui a fait dire à Robert
SCHUMAN : « le supranational se situe à égale distance entre, d’une part, l’individualisme
international, qui considère comme intangible la souveraineté nationale et n’accepte comme
limitations de la souveraineté que des obligations contractuelles, occasionnelles et
révocables ; d’autre part, le fédéralisme d’Etats qui se subordonnent à un super- Etat doté
d’une souveraineté territoriale propre. L’institution supranationale, telle que notre
Communauté, […] ne possède pas les caractéristiques d’un Etat ; mais elle détient et exerce
certains pouvoirs souverains »38.

36
P. MEYER, « les confits de juridictions dans l’espace OHADA, UEMOA, CEDEAO » in Sensibilisation au
droit communautaire de l’UEMOA, Actes du séminaire sous-régional, Ouagadougou, 6 – 10 octobre 2003,
p.177.
37
F. TERRE, Introduction générale au droit, Dalloz, 5 e éd., 2000, n° 189.
38
R. SHUMAN cité in « L’union européenne : une organisation supranationale », Le TAURILLON,
http://www.taurillon.org/L-Union-europeenne-une.
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25

Il ressort de ce qui précède que les organisations de ce type se voient attribuer des pouvoirs de
type étatique qu’elles exercent en lieu et place des organes étatiques sur le territoire des Etats
et sur les personnes qui s’y trouvent. Ainsi, l’exclusivisme territorial, noyau dur de la
souveraineté vole littéralement en éclat sous l’action des organisations supranationales.

L’origine supranationale du droit communautaire se ressent à un double niveau : son mode


d’élaboration (A) et la nature des ses normes ainsi que les rapports qu’elles entretiennent avec
les ordres juridiques nationaux (B).

A)- LES SPECIFICITES LIEES AU MODE D’ELABORATION DU DROIT


COMMUNAUTAIRE

L’OIG est un champ clos de rivalités entre entités hégémoniques parce que souveraines. De ce
point de vue, elle se présente comme un consensus hémogénique réalisé à un moment donné
pour l’exécution d’une tâche précise. C’est donc dire que composées d’Etats souverains
juridiquement égaux, les OIG ne peuvent fonctionner que conformément au principe d’égalité
des Etats, principe qui appelle le mode unanimitaire de décision. Le principe du vote à
l’unanimité est le plus pratiqué au sein des OIG. Cependant, dans certains cas, par souci de
démocratie ou d’opportunité, il lui est préféré le vote à la majorité.

L’unanimité apparaît comme le seul mode de décision qui soit compatible avec l’égalité
souveraine des Etats39. En effet, la règle de l’unanimité a pour avantage de préserver la
souveraineté des Etats, de faciliter leur participation à l’organisation, et l’application des
textes et résolutions adoptés. Mais les inconvénients qu’elle présente semblent plus
nombreux. L’application de l’unanimité a pour conséquence de doter chaque Etat d’un droit
de veto. De ce point de vue, il affiche une grande rigidité et rend pratiquement impossible
l’adoption de décision très importante ou de textes vigoureux dans les OIG à vocation
universelle. Contraignante, elle est source d’immobilisme et de blocage parce qu’elle rend
paradoxalement la minorité prépondérante et suprême. Ce qui ne peut qu’exacerber les
particularismes au détriment de l’intérêt général. Le recours à l’unanimité participe de ce
courant de pensée qui ne voit en l’OIG qu’un simple instrument préalablement programmé,
qui, comme un automate, doit exécuter sans état d’âme les instructions qui lui sont données.
Or, l’OIG est une personne morale et a, de ce fait, droit à une existence propre. Le
fonctionnement des OIG s’accommode mal du vote unanimitaire ; voilà pourquoi il est de
plus en plus écarté au profit de vote majoritaire

Le système majoritaire apparaît ainsi comme un moyen de démocratisation de la vie politique


internationale. Tout en respectant le principe « un état une voix » il garantit la primauté de la
volonté de la majorité. C’est aujourd’hui la solution prépondérante dans la plupart des OIG
car celle a l’avantage de faciliter l’adoption des textes discutés et d’affirmer l’existence propre
de l’OIG. Néanmoins, les Etats minoritaires peuvent avoir le sentiment d’être rejetés et
trouver injuste un système donnant aux Etats le même poids quel que soit le problème en
cause. C’est ce qui explique que dans les OIG, on soit tenté, par différents moyens, d’apporter
des correctifs à ce système idéal, certes démocratique, mais parfois irréaliste. Les principaux
correctifs existants sont les suivants :

39
C’est en tout cas la conception qui a prévalu jusqu’en 1945. C’est ainsi que dans la Société Des Nations
(SDN), l’article 5 du pacte imposait l’unanimité pour la prise des décisions au sein de l’Assemblée et du
Conseil.
Cours de droit communautaire
26

l’exigence d’une majorité qualifiée ou élargie (majorité de 2/3 – 3/5) : c’est la majorité
requise pour l’adoption des questions importantes au sein de l’Assemblée Générale des
Nations Unies40 ;

le droit de veto accordé à certains Etats sur la base du principe d’isomorphisme : c’est le cas
du Conseil de Sécurité où, pour les questions de fond, les décisions doivent être adoptées par
un vote affirmatif de neuf des ses quinze membres (majorité qualifiée) incluant les voix de
tous les membres permanent41 ;

l’ONU jusqu’à la désintégration de la fédération. L’URSS disposait de trois voix à l’ONU et


dans les institutions spécialisées car, elle était également représentée par l’Ukraine et le
Biélorusse.

la pondération des voix qui conduit à écarter le sacro-saint principe de l’égalité souveraine des
Etats ‘’un Etat une voix » pour aboutir à la reconnaissance d’un statut privilégié pour certains
Etats en fonction de leur puissance économique, militaire, leur influence politique ou
diplomatique (FMI, BIRD, UE). Le vote pondéré, mesure de realpolitik, tend à assurer
l’adéquation entre le normatif et le factuel et a pour souci l’efficacité dans la mise en œuvre
des mesures adoptées. Par la pondération des voix on espère éviter les inconvénients de
l’unanimité (immobilisme) et ceux de la majorité (l’irréalisme).

le consensus qui entend sauvegarder les intérêts de la minorité. Le consensus se présente


comme un système d’adoption des décisions à l’exclusion d’un vote, le silence général
témoignant de l’absence d’objection dirimante de la part des Etats membres. Il a pour
vocation de gommer les différences et de privilégier ce qui est commun. Dans le consensus,
on arrondit les angles en minimisant ce qui divise pour ne retenir que ce qui unit. Ainsi, le
consensus a l’avantage de permettre à un grand nombre d’Etats de se rallier à une solution
pour laquelle ils n’auraient pas été enclins de voter si elle avait été mise aux voix. Ainsi, en
excluant le vote, il permet de prendre une décision sur une question sur laquelle on ne
souhaite pas voir se manifester les oppositions (CNUCED, OMC). Mais, il a l’inconvénient
d’être une voie de compromis. Comme le souligne N’GUYEN QUOC Dinh, « l’unanimité de
façade qu’il préserve cache, le plus souvent, une coalition d’insatisfait »42.

Dans son mode d’élaboration, le droit communautaire s’inscrit dans la tendance majoritaire
assortie de correctifs, notamment la majorité qualifiée, la pondération des voix et le
consensus.

B)- LES SPECIFICITES INHERENTES A LA NATURE DES NORMES


COMMUNAUTAIRES ET DE LEURS RAPPORTS AVEC LES ORDRES JURIDIQUES

40
Article 18 §.2 de la Charte : « Sont considérées comme questions importantes : les recommandations relatives
au maintien de la paix et de la sécurité internationales, l'élection des membres non permanents du Conseil de
sécurité, l'élection des membres du Conseil économique et social, l'élection des membres du Conseil de tutelle
conformément au paragraphe 1, c, de l'article 86, l'admission de nouveaux Membres dans l'Organisation, la
suspension des droits et privilèges de Membres, l'exclusion de Membres, les questions relatives au
fonctionnement du régime de tutelle et les questions budgétaires ».
41
Article 27 §.3 de la Charte.
42
Pour preuve, bon nombre de résolutions adoptées par consensus restent lettre morte.
Cours de droit communautaire
27

L’inventaire des normes du droit communautaire permet de dresser une typologie faisant
ressortir trois composantes majeures : le droit primaire, le droit dérivé et le droit subsidiaire.

Le droit primaire constitue le « droit constitutionnel » de l’organisation parce que ce droit


détermine les compétences et pouvoirs des différents organes et la nature des actes pris par
ces derniers. De nature conventionnelle, parce que soumis aux procédures d’élaboration du
droit des traités (négociation, signature et ratification), le droit primaire est constitué par les
Traités constitutifs des organisations d’intégration et les protocoles additionnels.

Le droit dérivé, lui, est le droit sécrété par les organes mis en place par le droit primaire. On
distingue en la matière, le droit dérivé unilatéral du droit dérivé conventionnel. Le droit dérivé
unilatéral désigne les actes unilatéraux pris par les organes et qui régissent les sujets du droit
de l’organisation d’intégration (acte additionnel, règlement, directive, décision, actes
uniformes, avis, recommandations et déclarations) tandis que le droit dérivé conventionnel,
lui, résulte des accords passés par les organes institués avec des partenaires extérieurs (Etats
ou organisations internationales).

Quant au droit subsidiaire, il est constitué des principes généraux du droit et de la


jurisprudence. En effet, le droit communautaire ne se résume pas au Traité constitutif et à
l’œuvre « législative » des organes de décision mais s’étend à l’activité jurisprudentielle des
différentes cours de justice.

La spécificité du droit communautaire au titre de ses caractéristiques se décline en deux


particularités.

La première réside dans les caractéristiques qui s’attachent au droit dérivé unilatéral. En effet,
dans la plupart des OIG, les actes unilatéraux n’ont pas un caractère obligatoire. Mais, en la
matière, il existe deux exceptions :

Dans le cadre de l’ONU en ce qui concerne le maintien de la paix et de la sécurité


internationale, le conseil de sécurité peut prendre des actes unilatéraux obligatoires en vertu
du chapitre 7 de la charte des Nations Unies. Cela peut se traduire par une mise en garde, un
embargo et même le recours à la force militaire (Guerre de Corée,invasion du Koweït par
l’Irak).

Dans le cadre des organisations supranationales d’intégration (UE, UEMOA, CEDEAO,


CEMAC, OHADA) du fait des caractères de primauté, d’effet direct et d’applicabilité
immédiate reconnus au droit secrété par ces organisations.

En droit communautaire, les actes obligatoires du droit dérivé unilatéral s’imposent à leurs
destinataires (Etats ou particuliers).

La deuxième particularité est liée aux caractéristiques découlant de l’application du principe


d’intégration de l’ordre juridique communautaire aux ordres juridiques des Etats, principe qui
appelle l’applicabilité immédiate des normes communautaires43 contrairement à

43
L’applicabilité immédiate renvoie à l’idée d’insertion ou de pénétration du droit communautaire dans l’ordre
juridique interne. Le droit communautaire acquiert ainsi automatiquement statut de droit positif dans l’ordre
interne des Etats. C’est la faculté qu’ont certains actes du droit dérivé d’entrer en vigueur dans l’ordre juridique
interne sans qu’il soit besoin d’une procédure de ratification ou de réception.
Cours de droit communautaire
28

l’applicabilité médiate du droit international44 et l’effet direct des règles communautaires45,


ce qui est l’exception en droit international46. Il en résulte que du fait des spécificités
attachées aux rapports qu’il entretient avec les ordres juridiques nationaux, le droit
communautaire diffère fondamentalement du droit international.

Ces spécificités du droit communautaire permettent d’affirmer que le droit communautaire se


définit comme le droit produit par une organisation supranationale aux fins de la construction
d’un espace économique intégré.

Du point de vue de leur contenu, les règles constitutives d’un droit communautaire peuvent
être classées en deux grandes catégories ou branches, à savoir le droit institutionnel et le droit
matériel. Le droit institutionnel désigne l’ensemble des règles qui ont trait à la création et à
l’évolution d’une organisation d’intégration régionale. Il s’intéresse à l’organisation, aux
compétences et au fonctionnement des institutions mises en place par l’organisation pour
accomplir les missions que les Etats parties lui ont confiées. En outre, le droit institutionnel
permet de comprendre la distribution des pouvoirs au sein de l’organisation supranationale
entre les organes de décisions, d’exécution et de contrôle. Par ailleurs, il régit les rapports
entre l’ordre juridique communautaire et les ordres juridiques nationaux des Etats parties.
Quant au droit matériel, il englobe l’ensemble des règles et des mesures adoptées par les
institutions communautaires dans le cadre de la mise en œuvre du traité originaire de
l’organisation. En d’autres termes, le droit matériel est constitué par les règles et les mesures
tendant à la concrétisation des objectifs assignés à l’organisation d’intégration régionale par
les Etats fondateurs. A travers le droit matériel, il s’agit donc de s’intéresser à l’action que
mènent les différentes organisations d’intégration.

SECTION III – L’EMERGENCE DU DROIT COMMUNAUTAIRE EN AFRIQUE DE


L’OUEST

L’émergence du droit communautaire en Afrique de l’Ouest ne peut être pleinement cernée


sans faire l’historique de l’intégration régionale dans cette partie du continent (§.1) et sans le
constat de la relance du processus d’intégration dans cette sous région à travers les deux
vecteurs actuels que sont la CEDEAO et l’UEMOA (§.2).

§.1- Historique de l’intégration régionale et du droit communautaire en Afrique de l’Ouest

L’histoire de l’intégration régionale et du droit communautaire en Afrique de l’Ouest est


surtout marquée par la multiplicité des expériences depuis la fin de la période coloniale et le

44
Exception faite des normes self executing c'est-à-dire celle dont l’application n’exige pas de mesures internes
complémentaires. Pour plus de détails Voir, P. DAILLIER et A. PELLET, Droit international public, op.cit ;,
pp.232-236.
45
L’effet direct renvoie à l’idée des effets de la règle de droit communautaire dans l’ordre juridique interne des
Etats c’est à dire que la règle de droit communautaire crée directement des droits ou met directement des
obligations à la charge des particuliers. C’est donc la capacité reconnue à la règle de droit communautaire de
créer des droits ou de mettre des obligations directement sur le chef des particuliers. En conséquence, c’est la
possibilité qui est conférée aux particuliers de revendiquer devant les juridictions nationales des droits découlant
des actes communautaires. Il s’agit d’un droit d’invocation du droit communautaire reconnu aux particuliers.
46
Mis à part les règles objectives notamment en matière de droits humains.
Cours de droit communautaire
29

début des indépendances africaines (A) et, par l’échec relatif de la plupart de ces expériences
(B).

A)- LA MULTIPLICITE DES EXPERIENCES DEPUIS LA FIN DE LA PERIODE


COLONIALE

« C’est (...) plus ou moins dans le cadre d’une structure administrative coloniale, la Fédération
de l’Afrique Occidentale Française, que prend forme la première expérience d’intégration
économique moderne en Afrique de l’Ouest »47.

En effet, l’Union Douanière de l’Afrique Occidentale (UDAO) créée le 9 juin 1959 a été
conçue comme une sorte de reconstitution de la Fédération de l’AOF dissoute le 3 mars 1959,
c’est-à-dire, quelques trois mois auparavant. L’UDAO comprend à l’origine : la Côte-
d’Ivoire, le Dahomey (actuel Bénin), la Haute-Volta (actuel Burkina Faso), le Niger, la
Mauritanie, la Fédération du Mali). La Guinée n’avait pas signé le traité de l’UDAO. Cette
organisation a été réaménagée en 1966 en Union Douanière des Etats de l’Afrique de l’Ouest
(UDEAO) avec les mêmes pays48. Les gouvernements des pays concernés vont par la suite
tenter de repenser le modèle de coopération sur une base plus approfondie et élargie à travers
la signature en 1973 à Abidjan du traité mettant en place la CEAO. Quelques temps après, on
tentera de dépasser ce cadre par la mise en place d’un ensemble plus élargi, la CEDEAO49.A
côté de la CEDEAO qui continue à subsister tant bien que mal jusqu’à nos jours, sera créée le
10 janvier 1994, comme une sorte de réactivation de la CEAO, UEMOA par le Traité de
Dakar signé entre les 7 pays fondateurs que sont le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire,
le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo qui seront rejoint par la Guinée-Bissau le 2 mai
199750. Ainsi, à l’heure actuelle, dans la sous-région ouest-africaine, existent deux grandes
organisations d’intégration régionale, à savoir la CEDEAO et l’UEMOA.

B) L’ECHEC RELATIF DE LA PLUPART DES EXPERIENCES

Les différentes expériences se solderont par des échecs, des lenteurs, des léthargies et par
conséquent par des résultats très mitigés, comme le montre certains aspects du
fonctionnement des différentes organisations d’intégration régionale susmentionnées.

Par exemple, à l’intérieur de l’UDAO., les marchandises devaient circuler en franchise totale
de tous droits et taxes. Mais en fait cela n’a jamais été le cas. L’UDEAO avait été conçue
comme un instrument de coopération commerciale approfondie, à l’image de toute union
douanière. Mais, elle n’a pas réussi à fonctionner comme zone de libre échange, dans la
mesure où chaque pays membre continuait à taxer les importations en provenance de ses
partenaires, en contradiction avec le traité. C’est cette situation qui va amener les
gouvernements des pays concernés à repenser le modèle de coopération sur une base plus

47
M. DIOUF, Intégration économique, perspectives africaines, Dakar, Nouvelles Editions africaines/Publisud,
1984, p. 77.
48
La Fédération du Mali ayant éclaté, le Sénégal et le Mali ont signé le nouvel accord chacun pour son propre
compte.
49
Ibidem,, p. 77-78
50
Pour une vue générale sur l’UEMOA, Voir notamment E.CEREXHE et .L. le HARDY de BEAULIEU,
« Introduction à l’union économique ouest africaine », CEEI-De Boeck, Bruxelles, 1997, 157 p.
Cours de droit communautaire
30

élargie ; ceci, non seulement pour une intégration commerciale effective, mais encore pour la
dépasser et s’engager dans une réelle intégration économique.

En ce qui concerne la CEAO qui se substitue à l’UDEAO avec les mêmes pays membres sauf
le Dahomey (actuellement le Bénin), l’objectif était, selon ses promoteurs, de favoriser dans
chaque pays membre « une croissance plus rapide et mieux équilibrée ». Le Traité d’Abidjan
prévoit la mise en place d’un tarif extérieur commun à l’égard des pays tiers, progressivement
sur une période de douze ans. Au niveau communautaire, il prévoit l’abolition de toute
restriction quantitative aux échanges commerciaux (contingentements) et l’élimination
progressive (sur une période de douze ans) des restrictions aux prestations de services. A
l’échéance prévue, la CEAO devait fonctionner comme un marché commun, après avoir
franchi l’étape de l’Union douanière, mais elle ne fut même pas une zone de libre échange ;
elle fut une une « zone d’échanges organisés ». Cette appellation officielle signifiait qu’il
existait trois régimes douaniers dans la CEAO, pour les différents produits : - Les produits du
crû (c’est-à-dire les produits d’origines animale, végétale ou minérale n’ayant subi aucune
transformation industrielle) sont soumis au régime du libre échange intégral ; - Certains
produits manufacturés (ceux agréés) sont soumis à un droit de douane allégé, la Taxe de
Coopération Régionale ; on peut donc parler à ce niveau de zone de préférence douanière. Les
produits agréés sont ceux fabriqués avec soixante pour cent de matières premières locales, ou
bien renfermant quarante pour cent de valeur ajoutée ; - Les autres produits manufacturés
restent dans un premier temps soumis au régime douanier normal, celui appliqué par les
Etats51.

De façon générale, comme l’a écrit Makhtar DIOUF, « les modèles de Communautés
Economiques Africaines, (...) manifestement inspirées par l’exemple de la CEE, prévoient
toujours l’objectif du Marché Commun ; mais l’Afrique n’est pas l’Europe, et aucun des
« futurs » Marchés Communs Africains n’a encore atteint l’étape de la simple zone de libre
échange. Dans les pays africains, comme du reste dans tous les pays développés, les droits de
porte (droits à l’importation et droits à l’exportation) constituent la proportion la plus
importante des recettes budgétaires de l’Etat. Lorsque ces pays sont intégrés dans une zone de
libre échange ou bien dans une union douanière, les partenaires les plus développés se
trouvent en mesure d’exporter certains produits industriels sur le marché communautaire, en
franchise de droits d’entrée ; ces mêmes produits, lorsqu’ils proviennent de pays tiers,
donnent lieu à la perception de droits d’entrée. L’expérience communautaire se traduit alors
dans le court terme par des moins values financières substantielles ; le pays concerné peut
toujours se consoler avec la très vague perspective d’un développement économique à long
terme, susceptible de résulter de l’intégration économique. Ce qui n’est guère évident, sans
compter que dans l’immédiat, il faut bien trouver une solution au problème des finances
publiques. Le compromis entre l’impératif financier à court terme et l’exigence de
l’intégration a été trouvé avec une formule permettant à chaque Etat membre de prélever à des
taux modérés, des droits de douane sur ses importations intracommunautaires de produits
industriels. Le dispositif est partout le même, avec des appellations différentes : taxe de
transfert dans la Communauté Economique de l’Afrique de l’Est, taxe unique dans l’UDEAC,
taxe de coopération régionale (TCR) dans la CEAO »52. Dans l’ensemble, ce n’est donc que
par abus de langage que l’on parle d’Union douanière ou de Marché Commun à propos des

51
M. DIOUF, Intégration économique, perspectives africaines, op. Cit, p. 78-79.
52
Ibidem, p. 142-143.
Cours de droit communautaire
31

expériences africaines d’intégration économique ; et il y a quelque anachronisme à envisager


le Marché Commun dans un traité communautaire qui dès le départ (comme c’est le cas dans
la CEAO), établit systématiquement un dispositif douanier interne, dont rien ne permet de
penser qu’il est provisoire. Tant et si bien que les Communautés Economiques Africaines ne
sont que des zones de préférences douanières »53.

Par ailleurs, ces premières tentatives avaient fréquemment pour fondement la protection d’un
appareil de production ayant pour vocation de substituer les produits locaux à ceux importés.
Mais ce résultat ne fut pas atteint. En ce qui concerne les mouvements de marchandises
propres aux expériences africaines d’intégration économique, les pays ACP (les pays africains
surtout) réalisent l’essentiel de leurs échanges commerciaux avec la CEE. Les données
statistiques révèlent une dépendance commerciale à sens unique : les pays de la CEE ont des
réseaux d’échanges commerciaux géographiquement dispersés, alors que pour les pays ACP,
la tendance est plutôt à la concentration de leurs flux commerciaux sur la CEE, pour les
importations et les exportations ; ce qui se traduit inévitablement par une situation de
domination commerciale et économique. Dans la CEE, la dispersion géographique des
échanges va de pair avec un degré de satisfaction de relations commerciales intra-
communautaires sur le plan horizontal ; en Afrique, la polarisation verticale du commerce sur
l’Europe du Marché Commun s’accompagne, d’une faiblesse marquée des échanges inter-
africains. En dépit des expériences d’intégration économique, le commerce inter-africain est
toujours très faible (...).

§.2 – La relance de l’intégration régionale et du droit communautaire en Afrique de l’Ouest

Conformément à l’évolution susmentionnée en Afrique de l’Ouest en matière de


regroupement sous-régional, les deux vecteurs actuels de l’intégration régionale et du droit
communautaire sont la CEDEAO et l’UEMOA qu’il convient de présenter respectivement et
succinctement à travers en particulier leur création, composition et objectifs.

A)- LA CEDEAO

La CEDEAO a été créée par un traité signé à Lagos (Nigeria) le 28 mai 1975. Quinze pays
d’Afrique de l’Ouest ont signé le Traité pour une Communauté Économique des États
d’Afrique de l’Ouest (Traité de Lagos) le 28 mai 1975. Les protocoles établissant la
CEDEAO ont été signés à Lomé, (Togo), le 5 novembre 1976. La CEDEAO a été identifiée
comme un des cinq piliers régionaux de la Communauté Économique Africaine (AEC). La
COMESA, la CEEAS, l’IGAD, la SADC et la CEDEAO ont signé le Protocole de relations
entre l’AEC et les CER en février 1998. Ce Traité est entré en vigueur en juin de la même
année après sa ratification par sept Etats membres conformément aux dispositions de son
article 62. La CEDEAO est la seule organisation d’intégration ayant véritablement une
envergure régionale pour avoir transcendé les différentes sphères coloniales de l’Afrique de
l’Ouest. En effet, la CEDEAO regroupe à l’heure actuelle quinze pays qui n’ont pas la même
langue officielle : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte-d’Ivoire, la Guinée, le Mali, le Niger, le
Sénégal, le Togo (pays francophones), le Ghana, la Gambie, le Liberia, le Nigeria, la Sierra
Leone (pays anglophones), le Cap Vert, la Guinée Bissau (pays lusophones). Le siège de
l’organisation se trouve à Abuja, (Nigéria). Le Traité initial de la CEDEAO a été révisé par le
sommet des chefs d’État tenu à Cotonou le 23 juillet 1993.

53
Ibidem, p. 144-145.
Cours de droit communautaire
32

Aux termes de ce Traité révisé, la CEDEAO se fixe comme buts de réaliser l’intégration entre
les pays d’Afrique de l’Ouest, en priorité sur le plan économique, mais également dans les
autres domaines de la vie sociale, afin de parvenir à un plus grand développement, pour le
bien être des populations. Dans ce sens, le paragraphe 1 de l’article 3 du Traité révisé de 1993
consacré aux buts et objectifs de l’organisation dispose que « la Communauté vise à
promouvoir la coopération et l’intégration dans la perspective d’une union économique de
l’Afrique de l’Ouest en vue d’élever le niveau de vie de ses peuples, de maintenir et
d’accroître la stabilité économique, de renforcer les relations entre les Etats membres, et de
contribuer au progrès et au développement du continent africain ». Le paragraphe 2 précise
qu’ « afin de réaliser les buts énoncés au paragraphe ci-dessus, et conformément aux
dispositions pertinentes du présent traité, l’action de la Communauté portera par étapes sur :

a) l’harmonisation et la coordination des politiques nationales et la promotion de programmes,


de projets et d’activités, notamment dans les domaines de l’agriculture et des ressources
naturelles, de l’industrie, des transports et communications, de l’énergie, du commerce, de la
monnaie et des finances, de la fiscalité, des réformes économiques, des ressources humaines,
de l’éducation, de l’information, de la culture, de la science, de la technologie, des services,
de la santé, du tourisme, de la justice ;

b) l’harmonisation et la coordination des politiques en vue de la protection de


l’environnement ;

c) la promotion de la création d’entreprises conjointes de production ;

d) la création d’un marché commun à travers :

i) la libéralisation des échanges par l’élimination, entre les Etats membres, des droits de
douane à l’importation et à l’exportation des marchandises et l’abolition, entre les Etats
membres, des barrières non tarifaires en vue de la création d’une zone de libre échange au
niveau de la Communauté ;

ii) l’établissement d’un tarif extérieur commun et d’une politique commerciale commune à
l’égard des pays tiers ;

iii) la suppression entre les Etats membres des obstacles à la libre circulation des personnes,
des biens, des services et des capitaux ainsi qu’aux droits de résidence et d’établissement ;

e) la création d’une Union économique par l’adoption de politiques communes dans les
domaines de l’économie, des finances, des affaires sociales et culturelles et la création d’une
union monétaire ;

f) la promotion d’entreprises communes par les organisations du secteur privé et les autres
opérateurs économiques notamment avec la conclusion d’un accord régional sur les
investissements trans-frontaliers ;

g) l’adoption de mesures visant à promouvoir l’intégration du secteur privé, notamment la


création d’un environnement propre à promouvoir les petites et moyennes entreprises ;

h) l’instauration d’un environnement juridique propice ;

Cours de droit communautaire


33

i) l’harmonisation des codes nationaux des investissements aboutissant à l’adoption d’un code
communautaire unique des investissements ;

j) l’harmonisation des normes et mesures ;

k) la promotion d’un développement équilibré de la région en accordant une attention aux


problèmes spécifiques de chaque Etat membre, notamment à ceux des Etats membres sans
littoral et des Etats membres insulaires ;

l) la promotion et le renforcement des relations et de la circulation de l’information en


particulier entre les populations rurales, les organisations de femmes et de jeunes, les
organisations socio-professionnelles telles que les associations des medias, d’hommes et
femmes d’affaires, de travailleurs, de jeunes et syndicats ;

m) l’adoption d’une politique communautaire en matière de population qui prenne en compte


la nécessité d’établir un équilibre entre les facteurs démographiques et le développement
socio-économique ;

n) la création d’un Fonds de coopération, de compensation et de développement ;

o) toutes autres activités que les Etats membres peuvent décider d’entreprendre conjointement
à tout moment en vue d’atteindre les objectifs de la Communauté ».

Pour parvenir à ces buts énoncés, un certain nombre d’objectifs matérialisés par des activités
ont été fixés par les traités, à travers notamment le paragraphe 2 de l’article 3, et par différents
textes de droits primaire et dérivé que sont notamment les protocoles, les décisions et les
règlements.

Plus précisément, l’examen des dispositions de ces différents textes montre que la CEDEAO
poursuit à l’heure actuelle deux grands objectifs : d’abord et avant tout la mise en place d’un
marché commun en tant qu’objectif fondamental, et ensuite et à terme, la mise en place d’une
union économique et monétaire en tant qu’objectif ultime.

B)- L’UEMOA

L’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) a été créée le 10 janvier 1994
par le Traité signé à Dakar par les Chefs d'État et de Gouvernement des sept pays de l'Afrique
de l’Ouest ayant en commun l'usage d'une monnaie commune, le franc CFA. Il s'agit du
Bénin, du Burkina Faso, de la Côte-d'Ivoire, du Mali, du Niger, du Sénégal et du Togo. Le
Traité est entré en vigueur le 1er août 1994, après sa ratification par les États membres. Les
sept Etats fondateurs de l’UEMOA seront rejoints par la Guinée-Bissau le 2 mai 1997. Ainsi,
l’UEMOA regroupe actuellement huit pays membres sur une superficie totale d’environ 3 509
600 km2 pour une population totale estimée à environ 80 340 000 habitants, avec un taux de
croissance estimé à 3 %. Son produit intérieur brut (PIB) réel (à prix constant) est de 18 458,8
milliards de F CFA, avec un taux de croissance du PIB réel de 4,3% et un taux d’inflation

Cours de droit communautaire


34

annuel de 4,3 % [, selon les chiffres disponibles sur le Site de l’UEMOA www.uemoa.int
consulté le 5 mars 2007]54.

S’agissant de ses objectifs, il est à noter qu’au-delà des objectifs généraux recherchés à travers
tout processus d’intégration régionale (vaste marché impliquant des économies d’échelles,
meilleure allocation des ressources au sein des entreprises et de façon globale au niveau de
toute la société, meilleure compétitivité des entreprises...), l’UEMOA poursuit un certain
nombre d’objectifs spécifiques. En ce sens, les États parties, après avoir dans le Préambule du
Traité de Dakar affirmé entre autres leur fidélité aux objectifs de la Communauté économique
africaine et de Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (C.E.D.E.A.O.),
leur conscience des avantages mutuels qu'ils tirent de leur appartenance à la même Union
Monétaire et de la nécessité de renforcer la cohésion de celle-ci, ont souligné un certain
nombre d’impératifs.

Au nombre de ceux-ci, il y a d’abord la nécessité d'étendre en conséquence au domaine


économique, la solidarité qui les lie déjà sur le plan monétaire, la nécessité de favoriser le
développement économique et social des Etats membres grâce à l'harmonisation de leurs
législations, à l'unification de leurs marchés intérieurs et à la mise en œuvre de politiques
sectorielles communes dans les secteurs essentiels de leur économie, l'interdépendance de
leurs politiques économiques, la nécessité d'assurer leur convergence. Il y’a également leur
détermination à se conformer aux principes d'une économie de marché ouverte,
concurrentielle et favorisant l'allocation optimale des ressources, leur désir de compléter à cet
effet l'Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) par de nouveaux transferts de souveraineté
et de transformer cette Union en une Union Economique et Monétaire Ouest Africaine
(UEMOA), dotée de compétences nouvelles, la nécessité de renforcer la complémentarité de
leurs appareils de production et de réduire les disparités de niveaux de développement entre
les Etats membres, le fait que leur démarche s'inscrit dans la logique des efforts d'intégration
régionale en cours en Afrique, et appelant les autres États de l'Afrique de l’Ouest qui
partagent leurs objectifs à se joindre à leurs efforts.

Les États parties vont préciser ces objectifs dans l’article 4 du Traité de Dakar, à savoir :

renforcer la compétitivité des activités économiques et financières des Etats membres dans le
cadre d’un marché ouvert et concurrentiel et d’un environnement juridique rationalisé et
harmonisé ;

assurer la convergence des performances et des politiques économiques des Etats membres
par l’institution d’une procédure de surveillance multilatérale ;

créer entre les Etats membres un marché commun basé sur la libre circulation des personnes,
des biens, des services, des capitaux et le droit d’établissement des personnes exerçant une
activité indépendante ou salariée ainsi que sur un TEC et une politique commerciale
commune ;

instituer une coordination des politiques sectorielles nationales, par la mise en œuvre
d’actions communes et éventuellement de politiques communes, notamment dans les

54
Sur cette présentation générale de l’UEMOA, Voir notamment CNUCED, « Examen collégial volontaire des
politiques de concurrence de l’UEMOA, du Bénin et du
Sénégal », http://www.unctad.org/fr/docs/ditcclp20071_fr.pdf
Cours de droit communautaire
35

domaines suivants : ressources humaines, aménagement du territoire, transport et


télécommunication, environnement, agriculture, énergie, industrie et mines ;

harmoniser dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché commun, les


législations des Etats membres et particulièrement le régime de la fiscalité. ”

Ainsi, en signant le Traité de Dakar, les Hautes Parties contractantes ont affirmé leur
détermination à mettre tous les moyens en œuvre pour favoriser le développement
économique et social des Etats membres. C’est dans cette optique qu’elles ont consenti à la
création de la nouvelle organisation qui compléte et renforce l’UMOA.

Officiellement, le Traité UEMOA symbolise la volonté de passage de la coopération


monétaire (par l’UMOA.) à l’intégration économique et monétaire (par l’UEMOA.). En ce
sens, le Traité de l’UEMOA est d’abord conçu comme un complément du Traité de l’Union
monétaire, dont il garde les acquis et constitue un prolongement. Il s’appuie sur la
communauté de monnaie existante pour établir un véritable espace intégré, géré en tant
qu’union économique à part entière. Plus précisément, l’UEMOA ambitionne de créer une
union économique et monétaire, en partant de la communauté monétaire préexistante entre les
Etats fondateurs, à savoir la Zone Franc. Ceci signifie que les Etats membres n’entendent pas
se limiter seulement à la libéralisation des marchandises mais comptent également réaliser la
libéralisation des capitaux, des services, la libre circulation des personnes, l’harmonisation
des politiques économiques et tout en maintenant la monnaie commune. Mais l’union
économique n’est que l’aboutissement d’un long cheminement. Une telle union ne se réalise
pas du jour au lendemain. Différentes phases devront être observées afin d’atteindre et de
réaliser l’objectif final. Dans cette optique, le marché commun apparaît comme une priorité,
un passage obligé dans les plus brefs délais, et plus particulièrement un marché ouvert et
concurrentiel ou, en d’autres termes, un marché caractérisé par un protectionnisme minimal et
dont l’un des moteurs, des éléments clés est la concurrence.

Avant de clore ce chapitre préliminaire, il convient de préciser une nouvelle fois que c’est en
référence à la CEDEAO et à l’UEMOA que seront abordées les deux parties du présent cours
qui seront respectivement consacrées aux schémas juridico-institutionnels des processus
d’intégration (Première partie) et aux schémas matériels des processus d’intégration
(Deuxième partie).

premiere partie : droit communautaire institutionnel

L’analyse de l’architecture institutionnelle (Chapitre1) et du processus décisionnel (Chapitre


2) nous permettra d’appréhender le schéma institutionnel des organisations d’intégration, à
savoir l’UEMOA et la CEDEAO.

CHAPITRE I : L’ARCHITECTURE INSTITUTIONNELLE DES ORGANISATIONS


D’INTEGRATION

L’étude sera axée sur les organes intégrés et les organes intergouvernementaux. Justement, à
cet égard, les organisations d’intégration comprennent des organes qui rappellent les
organisations de coopération et des organes qui se rapprochent des organisations
d’intégration. Les organes intégrés sont ceux dont les membres ne sont pas des représentants
des Etats membres ; ce sont des agents de l’organisation agissant en son nom et pour son
compte. Ils doivent être indépendants des Etats et se dévouer exclusivement à la
Communauté ; ils doivent défendre les intérêts de l’organisation face aux velléités
Cours de droit communautaire
36

nationalistes des Etats membres. Quant aux organes intergouvernementaux, ils sont composés
des représentants des Etats membres. De ce fait, leurs membres siègent et agissent au nom et
pour le compte de leur Etat respectif. Ces aspects seront appréhendés à travers l’étude de la
configuration organique de l’UEMOA (Section 1) et de la CEDEAO (Section 2).

Section 1 : Les structures communautaires

§ 1 – Les structures communautaires de l’UEMOA

Plusieurs organes ont été mis en place :

Les organes intégrés

1°) Les organes intégrés principaux à pouvoir de décision

Les organes intégrés principaux à pouvoir de décision au sein de l’UEMOA sont la


Commission (a) et la Cour de Justice (b).

a) La Commission

Pour ce qui est de la Commission, elle demeure l’organe qui « veille au bon fonctionnement et
à l’intérêt général de l’Union, indépendamment des différents intérêts nationaux »55. La
Commission doit rester « assignée à la représentation autonome de l’intérêt commun »56.
C’est dire qu’elle doit constituer le représentant de la légitimité communautaire dans le
pouvoir décisionnel de l’organisation. C’est la raison pour laquelle le Traité de l’Union
accorde un statut significatif aux commissaires. Ainsi, les huit commissaires – nommés pour
un mandat de quatre ans renouvelable par la Conférence – qui composent la Commission
bénéficient, en principe, de l’irrévocabilité sauf en cas de faute lourde ou d’incapacité57, ou
encore de méconnaissance des devoirs liés à l’exercice de leur fonction58. Il faut en outre
noter que les commissaires sont nommés sur la base de leur compétence et de leur intégrité
morale59. Enfin, ils doivent faire preuve d’une totale indépendance et ne peuvent solliciter, ni
accepter aucune instruction émanant d’un Gouvernement ou de quelque organisme qu’il
soit60.

La Commission est dirigée par un Président qui bénéficie d’un statut particulier. En effet, il
est nommé séparément par la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement pour un
mandat de quatre ans renouvelable61. Avant leur entrée en fonction, les commissaires

55
E. CEREXHE et Louis le Hardÿ de BEAULIEU, « Introduction à l’Union économique ouest africaine »,
op.cit., , p.52.
56
G. ISAAC, Droit communautaire général, 6ème éd., Paris, Armand Colin, 1998, p.58.
57
Article 27 du Traité.
58
Article 30, alinéa 1er du Traité.
59
Article 27, alinéa 1er du Traité.
60
Article 28, alinéa 1er du Traité.
61
Article 33 du Traité.
Cours de droit communautaire
37

s’engagent par serment devant la Cour de Justice, à observer les obligations d’indépendance
et d’honnêteté, et sont tenus de ne plus exercer d’autre activité professionnelle rémunérée ou
non62. La Commission dispose de plusieurs fonctions. Il s’agit essentiellement des fonctions
d’exécution63, de contrôle64, de représentation internationale65, consultative66,
d’information67 et d’administration interne68. L’on peut résumer ces différentes fonctions, en
considérant que la Commission a une fonction de gardienne du Traité et d’exécutif de
l’Union. La fonction de gardienne du traité, en fait de garante de la sauvegarde et même du
développement du processus d’intégration mis en marche, regroupe un certain nombre de
tâches incombant ou en tout cas relevant de la compétence de la Commission. Ainsi, certaines
dispositions du traité font peser sur cette dernière le devoir de sauvegarder l’acquis
communautaire en veillant au respect du traité et des actes des institutions de l’Union.

Dans l’optique de faire progresser le processus d’intégration, il est reconnu à la Commission


un pouvoir, facultatif certes, de formuler des avis et recommandations jugés utiles pour la
préservation et le développement de l’Union. Il appartient également à la Commission de
veiller à l’application et au respect des règles de concurrence. Cette attribution bien que
généralement évoquée à titre de composante du pouvoir exécutif de la Commission, mérite
d’être reprise à ce stade en ce que ces règles de concurrence ressortent des dispositions du
traité et participent à une meilleure organisation du marché commun en construction. La
Commission est habilitée à saisir la Cour de Justice de l’Union pour faire constater et
sanctionner le non respect des dispositions communautaires par les Etats membres69. La
même compétence lui est reconnue en cas de suspicion du non respect de la légalité par un
acte communautaire70. A ce niveau, il faut noter que les actes additionnels qui semblaient
être exclus de ce contrôle de légalité71, ont été considérés par la Cour de Justice comme
susceptibles de recours en annulation72. Il faut enfin relever cette compétence de la
Commission qui lui permet de saisir la Cour de Justice pour constater et corriger le cas
échéant, le fonctionnement insuffisant de la procédure de recours préjudiciels entraînant des
interprétations erronées du traité et de ses actes subséquents73.

Outre sa fonction de gardienne du Traité, la Commission de l’UEMOA, au regard de ses


multiples fonctions dans le paysage institutionnel, peut être comparée à l’exécutif d’un Etat,

62
Article 28 alinéa 2 du Traité.
63
Voir l’article 26 du Traité.
64
Voir l’article 1er du Règlement de la Commission, les articles 5 et 8 du Protocole additionnel n° I ainsi que les
articles 86 et 90 du Traité. Voir également E.CEREXHE et L. le Hardÿ de BEAULIEU, op. Cit, pp. 53-54.
65
Article 12 du Traité.
66
Article 26 et 42 du Traité.
67
Article 26 du Traité.
68
Article 33 et 34 du Traité.
69
Article 5 du Protocole additionnel n° I.
70
Article 8 du Protocole additionnel n° I.
71
Voir à ce sujet, Y. BATCHASSI et R.YOUGBARE, Les actes additionnels de l’UEMOA (analyse juridique),
in Cahiers du CEEI, n° 1 de juin 1999.
72
Voir CJ/UEMOA, 27 avril 2005, Affaire YAÏ.
73
Article 14 du Protocole additionnel n° I.
Cours de droit communautaire
38

en ce qu’elle joue, à peu de choses près, le même rôle. La Commission dispose, en effet, de la
fonction d’exécution des actes normatifs. Dans l’Etat contemporain, il revient à l’exécutif
d’assurer l’exécution effective des règles prises par le pouvoir législatif. Au niveau de
l’UEMOA, cette tâche incombe indubitablement à la Commission. Le traité l’en a habilitée en
disposant que cette dernière « exerce (…) le pouvoir d’exécution des actes [que prend le
Conseil] »74, et presque tous les actes de caractère normatif le lui rappellent à l’occasion75. Il
est évident que cette mission d’exécution des actes normatifs s’étendra aux actes émanant des
autres organes, notamment de la Commission elle-même, de la Conférence ainsi que de la
Cour de Justice de l’UEMOA. De plus, la Commission est le principal initiateur de la
législation communautaire, tout comme le sont, de façon plus informelle, les différents
gouvernements des Etats modernes. La Commission dispose, aussi de la fonction d’initiatrice
de la législation communautaire. Elle bénéficie, à cet effet d’un quasi-monopole d’initiative
de l’activité normatrice de l’Union. Mais, c’est une habilitation de fait, le principe n’ayant été
expressément stipulé nulle part dans le Traité. C’est plutôt en parcourant les compétences
attribuées au Conseil que l’on s’en rend compte ; la quasi-totalité des compétences
décisionnelles de ce dernier se faisant, en effet, sur la base des propositions de la
Commission76.

Ce droit reconnu implicitement à la Commission de faire des propositions se distingue


néanmoins, de façon substantielle de l’initiative législative des gouvernements dans l’ordre
juridique interne. La fonction d’initiatrice de l’activité normative de la Commission s’est vue
mutée en un véritable pouvoir, si bien qu’il est plus adéquat de parler de pouvoir d’initiative ;
en effet, la reconnaissance à la Commission de faire des propositions se trouve renforcée
devant le Conseil du fait que lorsque la Commission fait une proposition de décision, le
Conseil ne peut amender ladite proposition qu’à l’unanimité77. En disposant de ce monopole
d’initiative ou du moins de ce pouvoir d’initiative, la Commission participe directement, et de
façon décisive, à l’activité législative du Conseil. Ce pouvoir d’initiative lui donne une
influence déterminante sur l’orientation du droit communautaire et, en général, de l’activité de
la communauté.

Toutes ces attributions reconnues à la Commission pour le bon fonctionnement et l’intérêt de


l’Union font de cet organe un élément moteur de l’intégration, capable d’insuffler une
dynamique à l’ensemble institutionnel de l’Union. Elles font d’elle une espèce de
gouvernement supranational, et partant, les prémisses d’un nouveau pôle de pouvoir
transnational. Dans le schéma institutionnel de l’UEMOA, la création de la Cour de Justice
semble tendre à l’objectif de seconder la Commission dans la perspective d’imprimer au
processus d’intégration une dynamique auto-entretenue.

74
Il est vrai que l’article 26 qui en parle précise bien que c’est sur délégation expresse du Conseil que la
Commission exerce ce pouvoir d’exécution des actes qu’il prend, ce qui diffère quelque peu de ce qui se passe
sur le plan interne où, la plupart du temps, cette habilitation est inconditionnelle, la répartition des tâches y visant
une séparation des pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire).
75
Le dernier article des actes adoptés par le Conseil dispose toujours que « la Commission est chargée du suivi
de l’exécution de la présente directive (ou recommandation) ”, ou encore que “ le Président de la Commission est
chargé de l’exécution du présent règlement ».
76
Le Traité est truffé de dispositions du genre « Le Conseil adopte, sur proposition de la Commission (…) ».
Voir par ex. article 47, 56, 61, 65, 66, 71, 74,80… du Traité.
77
Voir article 22 du Traité.
Cours de droit communautaire
39

b) La Cour de Justice

La Cour de Justice de l’UEMOA a été installée le 27 janvier 1995. Elle est régie par le Traité
de l’UEMOA, le Protocole additionnel n°1, l’Acte additionnel n° 10/96 du 10 mai 1996 et les
Règlements n°01 et 02/96/CM/UEMOA du 20 décembre 1996.

La Cour de Justice est composée de huit membres nommés pour un mandat de six ans
renouvelable par la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’UEMOA. Ils sont
désignés parmi les personnalités offrant les garanties d’indépendance et de compétences
juridiques nécessaires dans l’exercice des plus hautes fonctions juridictionnelles. Les
membres de la Cour désignent en leur sein pour trois ans le Président, puis répartissent entre
eux les fonctions de juges et d’avocats généraux. La Cour est donc composée d’un Président,
de cinq juges et de deux avocats généraux dont le doyen prend le titre de 1er avocat général.
Les membres de la Cour prêtent serment avant d’entrer en fonction. Leur fonction est
incompatible avec l’exercice de tâches politiques, administratives ou juridictionnelles. Ils
doivent se consacrer uniquement aux tâches de membres de la Cour.

La Cour est aidée dans sa tâche par un personnel auxiliaire. Il s’agit du Greffier, de son
adjoint, des auditeurs et des agents d’exécution. La fonction de greffier est essentiellement
régie par le Règlement n°02/96/CM/UEMOA du 20 décembre 1996 portant statut du greffier
de la Cour de Justice de l’UEMOA. Le greffier est recruté par le Président de la Commission
sur proposition de la Cour. Il est nommé par le Président de la Cour de Justice pour un
mandat de six ans renouvelable une fois, et doit offrir des garanties d’indépendance et de
compétences juridiques. Avant son entrée en fonction, il prête serment devant la Cour. Il est
aussi soumis aux incompatibilités des fonctions politiques, administratives ou
juridictionnelles.

Les hommes désignés pour servir la justice communautaire n’ont pas une plénitude de
compétences. Leurs domaines de compétences sont bien précisés par les textes de l’UEMOA.
En effet, la Cour de Justice est gardienne de la légalité dans l’ordre juridique communautaire.
A cet effet, elle est chargée de veiller à l’application et au respect du Traité78. Elle est aussi
compétente pour interpréter le Traité. La Cour a des compétences qui, dans un Etat,
relèveraient de tribunaux différents. En effet, elle se veut tribunal international, lorsqu’elle
donne un avis sur la compatibilité entre un accord international et le Traité de Dakar ; elle est
aussi un tribunal de nature constitutionnelle dans la mesure où par l’interprétation du traité,
elle garantit une hiérarchie des normes ; elle est également un tribunal administratif, dans la
mesure où elle a compétence pour déclarer nuls des actes communautaires qui ne
respecteraient pas la hiérarchie des normes, ou pour accorder réparation à des justiciables qui
ont subi un préjudice, lorsqu’elle statue en matière de fonction publique communautaire.

2) Les organes principaux consultatifs

A s’en tenir aux termes du Traité, seule la Chambre consulaire constitue un organe consultatif
(2°). Mais, à l’analyse, le Parlement a un rôle également consultatif (1°). Nonobstant cette
fonction consultative, ces deux organes participent à l’option résolument intégrationniste du
schéma de l’UEMOA. En effet, ces deux structures visent à assurer la participation effective
des populations et des opérateurs économiques dans le processus d’intégration engagé.

78
Article 1er du Protocole additionnel n°1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA.
Cours de droit communautaire
40

a) Le Parlement

Le parlement est une « une ébauche de démocratisation du processus d’intégration », et donc


« un pas dans le sens de la résorption du déficit démocratique qui a toujours caractérisé les
arrangements régionaux en Afrique de l’Ouest »79. Le Traité révisé lui octroie des
prérogatives plus importantes que celles dévolues au Comité interparlementaire qu’il
remplace. Il dispose, en effet, d’une triple fonction : initiative, contrôle, consultative. Le
parlement est l’organe de contrôle démocratique des organes de l’Union. A cet effet, le
Président de la Commission lui soumet annuellement pour examen, un rapport général sur le
fonctionnement et l’évolution de l’Union. Il peut également demander à entendre le Président
du Conseil des Ministres, le Président de la Commission ou les membres, le Gouverneur de la
Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), le Président de la Banque Ouest
Africaine de Développement (BOAD) et celui de la Chambre Consulaire Régionale. Par
ailleurs, ces derniers peuvent demander à être entendus par le Parlement. Le Parlement se
réunit en session ordinaire deux fois par an et peut aussi se réunir en session extraordinaire.

Le Parlement, tel que défini par le Traité révisé n’est pas encore effectif et opérationnel. En
effet, d’une part, sa composition, son organisation et son fonctionnement doivent être
déterminés par voie d’acte additionnel, et d’autre part, le Traité révisé n’est pas encore en
vigueur – le nombre de ratifications requis n’étant pas encore atteint - . Il jouira d’une
autonomie financière, mais pourra être dissous par la Conférence, après consultation de son
Bureau et du Conseil des Ministres80.

b) La Chambre consulaire

La Chambre Consulaire regroupe les chambres consulaires nationales, les associations


professionnelles, et les organisations patronales des Etats membres81. Elle est « chargée de
réaliser l’implication effective du secteur privé dans le processus d’intégration de
l’UEMOA »82. C’est dans cette optique qu’elle peut être amenée à donner son avis, à son
initiative ou à celle de la Commission, sous forme de recommandation ou de rapport, sur toute
question relative à la réalisation des objectifs de l’Union, « notamment : les législations
commerciale, fiscale, douanière et sociale ; les négociations commerciales auxquelles
participe l’Union ; la création et le fonctionnement de bourses de valeur ou de commerce,
d’observatoires économiques ; la politique économique et commerciale. »83. Il est vrai, que
les buts poursuivis « à travers la création de la Chambre Consulaire Régionale […] aurait été
encore mieux atteints si ses dimensions avaient été élargies à celle d’un Conseil Economique
et Social »84.

3) Les institutions spécialisées

79
L.M. IBRIGA, « L’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine : un modèle de transition pour
l’intégration régionale et internationale de l’Afrique de l’Ouest », in Actes du colloque de Ouagadougou des 29
et 30 octobre 1996, CEEI, p.54.
80
Article 37 nouveau du Traité.
81
Article 6 de l’Acte additionnel n°02/97.
82
Article 3 de l’Acte additionnel n°02/97.
83
Article 4 de l’Acte additionnel n°02/97.
84
L. M. IBRIGA, op. Cit. p.55.
Cours de droit communautaire
41

L’article 41 du Traité de l’UEMOA déclare que la BCEAO et la BOAD constituent des


institutions spécialisées autonomes de l’UEMOA. Ces structures existaient bien avant la
signature du Traité de Dakar et constituent l’architecture-clé de l’UMOA.

a) La Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO)

La BCEAO surtout joue un rôle irremplaçable dans l’UEMOA en ce qu’elle a en charge de


conduire la politique monétaire de l’Union85. Créée en 1962, la BCEAO est l’Institution
d’émission commun aux huit Etats membres de l’UEMOA. Elle a son siège à Dakar. La
BCEAO est chargée de l’émission des signes monétaires dans les Etats membres de l’Union
dont elle a le privilège exclusif. Elle est également chargée de : la centralisation des réserves
de devises de l'Union ; la gestion de la politique monétaire des Etats membres de l'Union ; la
tenue des comptes des Trésors des Etats de l'Union ; la définition de la loi bancaire applicable
aux banques et aux établissements financiers. L’autonomie avec laquelle la BCEAO remplit
sa mission est spectaculaire. Elle assure en effet une gestion supranationale de la monnaie
commune de la zone UEMOA. Jusqu’aujourd’hui, la BCEAO demeure une expérience unique
en son genre86. Elle a véritablement et définitivement confisqué la souveraineté des Etats
parties à l’UEMOA dans le domaine monétaire et financier.

b) La Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD)

La BOAD est l’institution commune de financement du développement des Etats membres de


l’UEMOA. Elle a été créée le 14 novembre 1973 et selon l’article 2 de ses Statuts, la BOAD a
pour objet « de promouvoir le développement équilibré des Etats membres et de réaliser
l'intégration économique de l'Afrique de l’Ouest » en finançant des projets prioritaires de
développement rural, infrastructures de base, infrastructures modernes, télécommunications,
énergie, industries, transport, agro-industries, tourisme et autres services.

B) Les organes intergouvernementaux

Dans l’UEMOA, les organes intergouvernementaux sont la Conférence des Chefs d’Etat et de
Gouvernement (A) et le Conseil des ministres (B).

1) La Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement

Organe suprême de décision au sein de l’Union, la Conférence des Chefs d’Etat et de


Gouvernement, comme son nom l’indique, se présente comme une structure de concertation
où se retrouvent les chefs d’Etat ou de gouvernement de Etats membres de l’Union. C’est ce
que laisse entrevoir l’article 5 du Traité de l’UMOA. qui l’a instituée et auquel renvoie

85
Voir infra.
86
Dans le processus d’intégration économique et monétaire européen, l’expérience d’une banque centrale
supranationale est seulement en voie d’initiation, encore que les débats ne sont pas encore clos quant au degré
d’indépendance à conférer à la BCE.
Cours de droit communautaire
42

l’article 18 du Traité de l’UEMOA. Cet article – l’article 5 – dispose en effet que « les Chefs
des Etats membres de l’Union réunis en conférence constitue l’autorité suprême de l’Union ».
Il ne s’agit donc pas d’un collège à proprement parler, mais d’une conférence inter-étatique.
En outre, les personnalités conviées à ces « réunions » sont d’une telle importance dans
chaque Etat sur le plan politique qu’elles constituent le plus souvent le symbole de la
souveraineté nationale. C’est la raison pour laquelle ils sont commis le plus souvent – par les
textes fondamentaux de chaque Etat - à représenter leur nation dans les négociations
internationales et à les y engager. Il faut toutefois souligner que le Président de la
Commission, le Gouverneur de la BCEAO et le Président de la BOAD peuvent participer à la
Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, aux fins d’exprimer le point de vue de leur
institution sur des questions les concernant87. La Conférence est l’organe éminemment
politique de l’Union. Aussi, fixe-t-elle les grandes orientations des activités88. Elle tranche
également des questions qui n’ont pu être résolues par le Conseil des Ministres89. Elle a en
outre une fonction normative interne qui lui permet notamment d’adopter des actes
additionnels90 et de réviser le Traité91. La Conférence dispose enfin d’une fonction
internationale.

2) Le Conseil des Ministres

Le Conseil des Ministres regroupe les ministres des Etats membres de l’Union92. La
coloration politique de ses membres est également indiscutable : étant entendu que tout
ministre est avant tout partie prenante d’un collège gouvernemental, et donc commis à la
défense du programme de ce gouvernement, il est parfaitement raisonnable de conclure que
chacun est porte-parole de ce dernier à cette tribune internationale que constitue la session du
Conseil des Ministres. Le Conseil est l’organe d’exécution des orientations définies par la
Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement93. Il a une compétence normative lui
permettant d’adopter des règlements, directives et décisions94. Il a également une compétence
budgétaire95 et internationale96.

§2 : La structure de la CEDEAO

87
Article 114 du Traité de l’UEMOA.
88
Article 8 du Traité de l’UEMOA.
89
Article 114 du Traité de l’UEMOA.
90
Article 19, alinéa 2 du Traité de l’UEMOA.
91
Article 27 du Traité de l’UEMOA.
92
La question à l’ordre du jour détermine le ministre compétent. Mais en réalité, les plus sollicités sont les
ministres en charge de l’économie et des finances ainsi que les ministres des affaires étrangères. Voir article 20 à
23 du Traité de l’Union.
93
Article 20 du Traité de l’UEMOA.
94
Article 42 du Traité de l’UEMOA.
95
Article 47 du Traité de l’UEMOA.
96
Article 84 du Traité de l’UEMOA.
Cours de droit communautaire
43

La CEDEAO comprend les organes suivants : la Conférence des Chefs d’Etat et de


Gouvernement, le Conseil des Ministres, le Parlement de la Communauté, le Conseil
Economique et Social, la Cour de Justice de la Communauté, le Tribunal Arbitral, la
Commission, le Fonds de Coopération, de Compensation et de Développement (FCCD) et les
Comités Techniques. A ces organes, il faut ajouter l’Agence Monétaire de l’Afrique de
l’Ouest (AMAO) créée par le Protocole A/P.1/7/93 signé le même jour que le Traité révisé97.
L’étude de ces organes sera faite en distinguant les organes intégrés (§ 1) des organes
intergouvernementaux (§ 2).

A ) Les organes intégrés

Dans la CEDEAO, les organes suivants peuvent être regardés comme des organes intégrés : la
Commission, la Cour de Justice de la Communauté, le Tribunal d’Arbitrage, le Parlement
communautaire et le Conseil Economique et Social.

1) Les organes principaux à pouvoir de décision

Il s’agit de la Commission qui a remplacé le Secrétariat exécutif (a), de la Cour de Justice de


la Communauté (b) et du Tribunal arbitral (c).

a) La Commission

La Commission est, en fait l’organe successeur du Secrétariat Exécutif. Elle a été instituée par
le Protocole additionnel A/SP.1/06/06 du 14 juin 2006 portant amendement du Traité révisé
de la CEDEAO, et est un organe permanent chargé de la défense des intérêts de la
Communauté. Aux termes de l’article 17 nouveau, la Commission est composée de neuf
membres, à savoir un Président, un Vice-président et sept autres commissaires, ainsi que
d’autres fonctionnaires nécessaires au fonctionnement de la Commission.

Le Président de la Commission est nommé par la Conférence des Chefs d’Etat et de


Gouvernement pour un mandat de quatre ans non renouvelable, et doit obéir aux conditions
d’intégrité, de compétence avérée. Il doit également avoir une vision globale des problèmes
politiques et économiques et d’intégration régionale98. Il est désigné parmi les membres de la
Commission, et la nomination doit s’effectuer de sorte à appeler successivement tous les Etats
membres à la présidence de la Commission. Quant au Vice-président et aux autres
commissaires, ils sont nommés par le Conseil des ministres. Leur nomination s’effectue sur
proposition du Comité ministériel de sélection et d’évaluation au terme d’une interview des
trois candidats présentés par les Etats membres respectifs auxquels les postes sont attribués.
Le mandat des commissaires est également de quatre ans non renouvelable. Ils sont
irrévocables sauf en cas de faute lourde ou d’incapacité99, et exercent leurs fonctions en toute
indépendance. De plus, ils ne sollicitent ni n’acceptent d’instructions de la part d’aucun
gouvernement ni d’aucun organisme quelconque. Avant leur entrée en fonction, les membres

97
Protocole A/P.1/7/93 du 24 juillet 1993, J.O. vol.25, p.3.
98
Article 18 §1 et §2 nouveau.
99
Article 18 §3 a et b.
Cours de droit communautaire
44

de la Commission s’engagent par serment à observer les obligations d’indépendance et


d’honnêteté inhérentes à l’exercice de leur charge100.

Le Protocole additionnel A/SP.1/O6/06 investit la Commission de fonctions plus concrètes et


plus larges que celles accordées au Secrétariat Exécutif défunt. Tout d’abord, il faut noter
l’abandon de l’ignorance du principe de collégialité. En effet, aux termes de l’ancien article
19 paragraphe 3 du Traité révisé, c’est le Secrétaire Exécutif - et non pas l’organe collégial
qu’est le Secrétariat Exécutif - qui est chargé de toutes les attributions du Secrétariat. L’article
18 nouveau, en son alinéa 3 paragraphes 4, 5 et 6, confère à la Commission de la CEDEAO
un pouvoir d’initiative, une fonction d’exécution, de contrôle et de défense des intérêts de la
Communauté.

Ainsi, la Commission fait au Conseil des ministres et à la Conférence des Chefs d’Etat et de
Gouvernement toutes les recommandations qu’elle juge utiles à la promotion et au
développement de la Communauté. De plus, elle fait au Conseil et à la Conférence des
propositions qui leur permettent de se prononcer sur les grandes orientations des politiques
des Etats membres et de la Communauté. Elle formule à cet effet des avis et des
recommandations101.En outre, la Commission a la faculté de recueillir, en rapport avec les
cellules nationales CEDEAO, tous les renseignements indispensables à l’accomplissement de
sa mission. De même, elle peut adopter des Règlements d’exécution des actes édictés par le
Conseil des ministres102. Il convient en outre de souligner que la Commission exerce une
fonction de représentation internationale. En effet, le Président de la Commission peut
conclure des accords de coopération avec d’autres Communautés régionales103, avec des
pays tiers ou tout autre organisme international104. L’on peut enfin noter que le Président de
la Commission peut saisir la Cour de Justice de le Communauté, pour voir constater les
manquements des Etats à leurs obligations communautaires105.

b) La Cour de Justice

La Cour de Justice a été créée en vertu de l’article 15.1 du Traité révisé de la CEDEAO, et
suivant le Protocole A/P1/7/91 du 06 juillet 1991. Elle a été mise en place par le 24ème
Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO en 2000. Aux termes de
l’article 3 du Protocole d’Abuja, la Cour est composée de sept juges indépendants, choisis
parmi les personnes de haute valeur morale, ressortissants des Etats membres, possédant les
qualifications requises dans leur pays respectif pour occuper les plus hautes fonctions
juridictionnelles, ou qui sont des jurisconsultes de compétence notoire en matière de droit
international et dont l’âge varie entre 40 et 60 ans. Ils sont nommés pour un mandat de cinq

100
Article 18 §3. c nouveau du Traité révisé.
101
Article 9 §2. d nouveau.
102
Article 9 §2. a nouveau.
103
Article 79 nouveau.
104
Article 83 §1 et §2 du Traité révisé, précisé par l’article 83 §3 nouveau.
105
Voir l’article 10 du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 portant amendement du Protocole A//P/17/91 relatif
à la Cour de Justice de la Communauté. L’article, au fait, mentionne le pouvoir de saisine du Secrétaire Exécutif.
Donc ce pouvoir du Président de la Commission est pris en compte par analogie.
Cours de droit communautaire
45

ans renouvelable une seule fois106 par la Conférence, sur proposition du Conseil des
Ministres. Bien que le nombre des juges soit inférieur à celui des Etats membres, l’article 3,
paragraphe 2 précise que deux juges ne peuvent être ressortissants d’un même Etat membre.
En d’autres termes, les sept juges sont de nationalités différentes mais les seize Etats membres
ne sont pas tous représentés à la Cour107.

Les juges élisent en leur sein le Président et le Vice - Président pour un mandat de trois ans.
Les dispositions sur les membres de la Cour sont de nature à leur garantir l’indépendance
nécessaire à l’exercice de leurs fonctions. D’abord les incompatibilités : les fonctions de juges
sont incompatibles avec l’exercice d’une fonction politique, administrative et toute activité
professionnelle108. Ensuite l’exigence de la prestation de serment : avant d’entrer en
fonction, les membres de la Cour prêtent serment ou font une déclaration solennelle devant le
Président de la Conférence ; cette prestation de serment se fait en ces termes : « Je jure (ou
déclare) solennellement d’exercer mes fonctions et mes pouvoirs de membre de la Cour de
façon honorable et loyale, en toute impartialité et en toute conscience »109. Enfin les
privilèges et immunités : la Cour et ses membres, pendant la durée de leur mandat, bénéficient
des privilèges et immunités identiques à ceux dont jouissent les missions diplomatiques et les
diplomates sur le territoire des Etats membres, ainsi que ceux reconnus aux juridictions
internationales et aux membres de ces juridictions. A ce titre, les membres de la Cour ne
peuvent être poursuivis ni recherchés pour les actes accomplis ou pour les déclarations faites
dans et à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions110. Le traité révisé confirme cette
indépendance par les dispositions de son article 15 paragraphe 3 : « Dans l’exercice de ses
fonctions, la Cour de Justice est indépendante des Etats membres et des institutions de la
Communauté ».

Le Protocole d’Abuja a été amendé par le Protocole d’Accra, adopté le 19 janvier 2005 par la
Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement. Le Protocole additionnel, ainsi adopté a
permis d’élaguer certaines insuffisances du Protocole d’Abuja. En effet, il étend les
compétences de la Cour de Justice et accorde un droit de saisine aux citoyens de la
Communauté111. Il convient, finalement de noter que la Cour peut être saisie pour un
arbitrage, car elle remplit des fonctions d’arbitrage, en attendant que le Tribunal Arbitral soit
mis en place.

c) Le tribunal arbitral

Le Tribunal arbitral est prévu à l’article 16 du Traité révisé : « Il est créé un Tribunal
d’arbitrage de la Communauté. Le statut, la composition, les pouvoirs, les règles de procédure
et les autres questions relatives au Tribunal d’arbitrage sont énoncés dans un protocole y
afférent ». Ce Protocole n’étant pas encore signé, la question qu’on peut se poser est celle de

106
Sur le mandat des membres de la Cour, Voir. l’article. 4 du Protocole qui précise que pour les membres de la
Cour nommés pour la première fois, le mandat de trois membres expire au bout de trois ans et celui des quatre
autres membres au bout de cinq ans.
107
Contrairement à la Cour de justice de l’UEMOA où chaque pays membre est "représenté" par un juge.
108
Article .4 § 11 du protocole d’Abuja de 1991.
109
Sur la prestation de serment, Voir l’article 5 du Protocole de 1991.
110
Article 6 du Protocole d’Abuja 1991.
111
Pour plus de développements, Voir. infra.
Cours de droit communautaire
46

savoir quel rôle ce Tribunal sera appelé à jouer à côté de la Cour de Justice. Dans l’Union
Européenne où il est prévu deux juridictions, le rôle du tribunal de première instance des
Communautés Européennes, mis en place en octobre 1989, est de décongestionner les
dossiers devant la Cour de Justice, en connaissant en première instance de l’ensemble des
recours formés par les particuliers et les litiges entre les Communautés et leurs agents112. Tel
n’est pas le cas ici puisqu’il ne s’agit pas d’une juridiction de premier degré mais bien d’une
juridiction d’arbitrage. Le corollaire d’un tel statut est que le Tribunal ne pourrait être saisi
que sur la base d’une clause compromissoire ou d’un compromis d’arbitrage. Ces deux
mécanismes ayant une nature contractuelle, cela suppose le consentement des parties au
différend : il s’agit d’une justice facultative.

Qui est-ce qui aura qualité pour agir devant une telle juridiction ? Les Etats ou les
particuliers ? Dans l’hypothèse des Etats, quel genre de différend sera porté devant le Tribunal
d’arbitrage et quel autre sera porté devant la Cour de Justice ? Mais cette équivoque peut être
levée si notre compréhension de l’article 22 du protocole d’Abuja de 1991 relatif à la Cour de
Justice de la Communauté est la bonne. Intitulé « Exclusivité de compétence et acquiescement
aux décisions de la Cour », cet article dispose : « Aucun différend relatif à l’interprétation ou
à l’application des dispositions du Traité ne peut être soumis à un autre mode de règlement
que celui prévu par le Traité ou le présent Protocole ». Or, aux termes l’article 76 du Traité,
« …tout différend au sujet de leur interprétation ou de leur application [l’interprétation ou
l’application du Traité et des protocoles] est réglé à l’amiable par un accord direct entre les
parties. A défaut, le différend est porté par les parties, par tout Etat membre ou par la
Conférence, devant la Cour de Justice de la Communauté dont la décision est exécutoire et
sans appel ». L’exclusivité de la compétence de la Cour de justice en matière d’interprétation
et d’application du Traité et des protocoles exclut donc celle du Tribunal d’arbitrage en la
matière. Si les Etats devaient avoir qualité devant un tel Tribunal, ce ne serait donc pas pour
les différends liés au Traité et à ses protocoles. Le Tribunal pourrait être compétent par
exemple pour traiter des conflits armés ou de nature territoriale entre les Etats membres. En ce
qui concerne les particuliers, il se pourrait que la création d’un tribunal arbitral soit motivée
par le souci de doter la CEDEAO d’un centre d’arbitrage à l’image du centre d’arbitrage de
l’OHADA. Seule l’élaboration du protocole sur le Tribunal d’arbitrage éclairera davantage
sur l’opportunité de sa création, d’autant plus que la Cour de justice est maintenant investie
d’une compétence arbitrale jusqu’à la mise en place du Tribunal.

2) Les organes principaux consultatifs

Il s’agit du Parlement communautaire (1) et du Conseil économique et social (2).

a) Le Parlement communautaire

Contrairement au Traité de 1975, le Traité CEDEAO de 1993 prévoit la création d’un


parlement de la Communauté. Le Protocole additionnel portant amendement du Traité révisé
prévoit un article 13 nouveau qui dispose : « Il est créé un Parlement de la Communauté. La
Communauté assurera l’implication effective du Parlement dans la prise des décisions. Le
mode d’élection des membres du Parlement de la Communauté, sa composition, ses
attributions, son organisation, ainsi que les modalités de son implication dans la prise des

112
Sur le Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, Voir. J. VERHOEVEN, Droit de la
Communauté Européenne, De Boeck & Larcier, 1996, p.204.
Cours de droit communautaire
47

décisions sont définies dans un Protocole y afférent ». Le Protocole relatif au Parlement de la


Communauté a été signé le 6 août 1994 à Abuja113.

Le parlement de la CEDEAO est conçu pour être une assemblée des populations de la
Communauté. Ses membres, dénommés « Députés », siègent au nom des populations de la
Communauté ; ils n’ont donc pas de mandat impératif. Le parlement de la communauté
comprendra cent vingt sièges, chaque Etat disposant d’un minimum de cinq sièges ; les
quarante sièges restants seront répartis proportionnellement à la démographie des Etats
membres ; cette répartition peut être revue par la Conférence sur sa propre initiative ou sur
proposition du Parlement114.

Les dispositions sur le mode d’élection des membres du Parlement de la CEDEAO, si elles
venaient à se concrétiser, constituent une grande avancée dans le processus d’intégration et de
création d’un sentiment communautaire. En effet, les députés et leur suppléant seront élus au
suffrage universel direct par les citoyens des Etats membres. En attendant l’élection au
suffrage universel direct des membres du Parlement, les Assemblées nationales des Etats
membres ou les institutions et organes qui en tiennent lieu éliront ces membres en leur sein.
La durée de cette période transitoire sera déterminée par la Conférence115. Les députés sont
élus pour un mandat de cinq ans renouvelable. Le Président du Parlement est élu par ses pairs
à la majorité des deux tiers au premier tour du scrutin, à la majorité absolue des suffrages
exprimés aux tours suivants ; outre le Président, les autres membres du bureau du Parlement
sont : les vice-présidents, les questeurs et des secrétaires parlementaires (leur nombre sera
déterminé par le Règlement du Parlement). A la première réunion, le doyen d’âge assure la
présidence et le plus jeune le secrétariat.

Contrairement aux parlements nationaux, le Parlement communautaire n’est pas un organe


législatif comme son nom pourrait le laisser croire. Aux termes de l’article 6 du protocole
d’Abuja, le Parlement de la Communauté a une fonction essentiellement consultative. Elle
exerce cette fonction, soit sur sa propre initiative, soit sur demande des organes de la
Communauté. Mais, l’on peut supposer que cette fonction législative sera effective avec le
Protocole additionnel précité qui prévoit son implication dans les prises de décisions.

Le Parlement de la Communauté peut se saisir, en effet, de toute question intéressant la


Communauté en matière de respect des Droits de l’homme et des Libertés fondamentales et
faire des recommandations aux institutions et organes de la Communauté. Les
recommandations n’étant pas obligatoires pour les Etats, on imagine la portée très limitée de
cette initiative. Mais son rôle apparaît comme dissuasif pour les Etats en matière des droits de
l’homme et de libertés fondamentales. C’est en quelque un observatoire des droits de
l’homme et de libertés fondamentales. Le Parlement de la Communauté peut, en outre, être
saisi par les institutions de la CEDEAO pour émettre des avis sur des questions intéressant la
Communauté. Les domaines visés concernent notamment les politiques sectorielles, sociales,
les droits de l’homme et la révision du Traité.

En dehors du mode de désignation, d’autres dispositions sur le Parlement visent à lui garantir
une certaine indépendance vis-à-vis des autres organes. C’est ainsi qu’avant d’entrer en

113
Protocole relatif au Parlement de la Communauté, signé le 6 août 1994, J.O. vol. 27 version révisée.
114
Sur le nombre des Députés de la Communauté et leur répartition, Voir. Article .5 du Protocole, op. cit., p.2.
115
Article. 7 du Protocole de 1994.
Cours de droit communautaire
48

fonction, les députés signent la déclaration sur l’honneur suivante : "Je m’engage à servir
fidèlement les intérêts des populations de la Communauté et de ne céder à aucune pression
directe ou indirecte d’un Etat membre ou de tout autre groupe"116. Les députés jouissent
également de l’immunité parlementaire dans tous les Etats membres de la Communauté. En
conséquence, aucun député ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à
l’occasion des opinions ou des votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions ; aucun
député ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi ou arrêté en matière criminelle
ou correctionnelle sauf flagrant délit ou autorisation du Parlement. Même dans ces cas, la
détention ou la poursuite d’un député peut être suspendue si le Parlement le requiert à la
majorité des deux tiers117. Par ailleurs, la fonction de député est incompatible avec celles de
membre de Gouvernement, des cours et tribunaux des Etats membres, l’exercice des fonctions
de juge, d’avocat général ou greffier de la Cour de Justice de la Communauté et du Tribunal
arbitral, membre d’un organe créé par le Traité révisé de la Communauté, fonctionnaire ou
agent d’un organisme international et d’agents publics des Etats membres. Le Parlement jouit
de l’autonomie financière.

Le parlement siège au moins deux fois par an en session ordinaire. Les sessions sont
convoquées par le bureau et dure trois mois au maximum. Le Parlement peut également se
réunir pour examiner une question spécifique sur l’initiative du Président de la Conférence
des chefs d’Etat ou à la demande de la majorité absolue des députés.

b) Le Conseil économique et social

L’objectif fondamental de la CEDEAO étant la réalisation d’un espace économique commun,


l’article 14 du nouveau traité prévoit la création d’un Conseil Economique et social. Composé
des représentants des différentes catégories d’activités économiques et sociales, le Conseil
Economique et social de la CEDAEO est une assemblée consultative. Il pourrait ainsi être
consulté notamment par les organes de décisions (Conférence des Chefs d’Etat et de
gouvernement et Conseil des ministres) sur des textes ou des problèmes d’ordre économique
et social. La composition, les attributions et l’organisation du Conseil Economique et Social
seront définies dans un protocole118.

B) Les organes intergouvernementaux

Ils sont regroupés en deux catégories : les organes intergouvernementaux politiques et les
organes intergouvernementaux techniques.

1) Les organes intergouvernementaux politiques

La Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement et le Conseil des ministres sont les
organes intergouvernementaux politiques de la CEDEAO.

116
Article 8 du Protocole de 1994
117
Article 9 du Protocole de 1994
118
Article 14 § 2 du Traité révisé.
Cours de droit communautaire
49

a) La Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement

Aux termes du traité révisé, la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement est l’organe
suprême de la Communauté. La Conférence est composée « des Chefs d’Etat et/ou de
Gouvernement des Etats Membres »119. Les Etats peuvent donc cumulativement ou
alternativement se faire représenter par les Chefs d’Etat ou par les Chefs de Gouvernement.
Selon l’article 8 alinéa 3 nouveau du Protocole additionnel portant amendement du Traité
révisé, la présidence de la Conférence est effectuée selon un système de rotation annuel qui
tient compte de l’ordre alphabétique des Etats membres. Elle se réunit en session ordinaire au
moins deux fois par an et en session extraordinaire sur l’initiative de son Président ou à la
demande d’un Etat membre, sous réserve de l’approbation de cette demande par la majorité
simple des Etats membres120. Le Protocole A/SP.1/06/06 introduit une donne importante
dans le cadre de la bonne gouvernance. Ainsi, un Etat qui aspire à la présidence de la
Communauté perd automatiquement cette qualité lorsqu’un coup d’Etat y survient, ou que le
pouvoir y est pris par un moyen anticonstitutionnel. De plus, il doit appliquer les textes qui
régissent le Prélèvement communautaire121.

En dehors du pouvoir de nomination du Président de la Commission et des commissaires aux


comptes, les fonctions dévolues à cet organe peuvent être envisagées sous trois aspects : une
fonction d’impulsion et d’orientation : il lui revient en effet de déterminer la politique
générale et les principales orientations de la Communauté et donner des directives122 ; une
fonction de contrôle : la Conférence assure le contrôle du fonctionnement des institutions de
la Communauté, ainsi que le suivi de la réalisation des objectifs de celle-ci123 ; une fonction
normative : la Conférence n’est plus dotée de pouvoir exorbitant dans ce domaine avec
l’adoption du Protocole additionnel précité. Ainsi, outre l’édiction du droit primaire de la
CEDEAO (Traités et Protocoles additionnels), elle prend les actes additionnels qui complètent
le Traité.

b) Le Conseil des ministres

Le Conseil des ministres est le deuxième principal organe de la Communauté après la


Conférence. Le Conseil des ministres de la CEDEAO « est formé par le Ministre chargé des
Affaires de la CEDEAO, le Ministre chargé des Finances et le cas échéant de tout autre
ministre »124. Il s’agit, dans la pratique, du ministre des affaires étrangères, de celui de
l’économie et des finances des Etats membres secondés de tout autre ministre dont le
portefeuille dépend des questions inscrites à l’ordre du jour du Conseil. Le Conseil des
ministres est présidé par le Ministre chargé des affaires étrangères, ou celui chargé des
finances du pays assurant la présidence de la Conférence ; il y a donc coïncidence entre la
présidence de la Conférence et celle du Conseil. Le Conseil des ministres se réunit en sessions
ordinaires deux fois par an, une des sessions précédant immédiatement celle de la Conférence

119
Article 7 du Traité révisé CEDEAO.
120
Article 8, § 1 nouveau.
121
Article 8 §5 et §6 nouveau.
122
Article 7 §3 a) du Traité révisé.
123
Article 7 b) du Traité révisé
124
Article 10 §2 nouveau.
Cours de droit communautaire
50

des Chefs d’Etat et de gouvernement ; il peut se réunir aussi en session extraordinaire sur
convocation de son président ou à la demande d’un Etat membre.

Aux termes des dispositions de l’article 10 du traité révisé, le Conseil des ministres assume
des fonctions qui peuvent être regroupées en quatre fonctions essentielles : un pouvoir de
nomination des fonctionnaires de la Communauté, (à l’exception, bien entendu, de celle du
Président de la Commission) ; un pouvoir d’autorisation : le Conseil des ministres autorise les
programmes de travail, approuve les budgets et l’organigramme de la Commission et des
autres institutions de la Communauté ; un pouvoir d’initiative : le pouvoir normatif revenant à
la Conférence, le Conseil pourra formuler à son intention des recommandations sur toute
action visant la réalisation des objectifs de la Communauté ; un pouvoir normatif : Le Conseil
édicte des Règlements, des Directives, prend des Décisions, ou formule des
recommandations et des avis125.

2) Les organes intergouvernementaux techniques

Il s’agit essentiellement des institutions spécialisées de la CEDEAO chargées des questions


économiques et monétaires liées au processus d’intégration et des Comités techniques.

a) L’Agence Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (AMAO)

L’Agence Monétaire de l’Afrique de l’Ouest a été créée par le Protocole A/P.1/7/93 du 24


juillet 1993126. L’AMAO succède en réalité à la Chambre de Compensation de l’Afrique de
l’Ouest (CCAO). Créée par l’accord de Lagos du 14 mars 1975 et regroupant l’ensemble des
pays membres de la Région, la CCAO était un système centralisé de compensation dans
lequel les transactions facturées dans la monnaie locale du pays d’origine sont exprimées en
Unités de compte de l’Afrique de l’Ouest (UCAO) pour les entrées de débit et de crédit de
chaque banque centrale. Il s’agissait donc de faciliter les transactions commerciales aux
ressortissants de la communauté. Outre ces missions traditionnelles de la CCAO, l’AMAO est
chargée de la mise en œuvre du programme d’intégration monétaire qui vise la création d’une
monnaie unique en Afrique de l’Ouest à l’horizon 2000. Avant d’envisager en détail ces
missions, nous allons voir sa composition.

Aux termes de l’article 5 du Protocole de 1993, l’AMAO se compose d’un Comité des
Gouverneurs, d’une Direction Générale et de deux Comités consultatifs, à savoir le Comité
chargé des questions économiques et monétaires et le Comité des opérations et de
l’administration ; d’autres comités pourront être créés si le Comité des Gouverneurs le juge
nécessaire127.

Le Comité des Gouverneurs est composé des Gouverneurs de toutes les banques centrales des
Etats membres ou de leurs représentants. Le Comité des Gouverneurs élit, selon le principe de
rotation et dans un ordre à déterminer, un de ses membres pour assurer la présidence du
Comité ; le mandat du président du Comité est d’un an. Il se réunit au moins une fois l’an et
aussi souvent qu’il le juge nécessaire. Le Comité des Gouverneurs est chargé de : formuler
des avis et faire des recommandations au Conseil des ministres et à la Conférence et leur

125
Article 9 §2.b nouveau.
126
Protocole A/P.1/7/93 signé à Cotonou le 24 juillet 1993, J.O., vol.25, p.3.
127
Article .9 §1 c) du Protocole de 1993.
Cours de droit communautaire
51

présenter des rapports sur les questions liées à l’intégration économique et monétaire
(convertibilité des monnaies nationales, mise en place d’une zone monétaire unique,
libéralisation des mouvements de capitaux…) ; déterminer les modalités et les procédures
relatives au fonctionnement du mécanisme des paiements et des règlements (les taux d’intérêt
à appliquer par l’Agence, la parité de l’unité de compte de l’Afrique de l’Ouest, la méthode de
calcul des lignes de crédit et de débit) ; élaborer les règles et le règlement régissant l’accès au
mécanisme du Fonds de crédit et de garantie ; autoriser l’émission de chèques de voyage
CEDEAO ; organiser les consultations périodiques avec les ministres des finances et du plan
des Etats membres ; nommer le Directeur Général et fixer ses attributions et les conditions de
sa rémunération ; approuver l’organigramme de l’Agence ; définir les organes techniques de
l’Agence128.

La Direction Générale de l’AMAO comprend le cabinet du Directeur Général et tous autres


départements et divisions que le Comité des Gouverneurs, peut périodiquement, sur
recommandation du Directeur Général, juger nécessaire de créer. Le Directeur Général est
nommé par le Comité des Gouverneurs parmi les ressortissants de la Communauté pour un
mandat de quatre ans renouvelable une seule fois ; il n’est révocable que par le même Comité.
Le Directeur Général est le premier responsable de l’Agence : il est chargé de l’organisation
et de la gestion de l’Agence sous la supervision du Comité des Gouverneurs.

Le Comité des opérations et de l’administration est composé des directeurs des opérations
extérieures de toutes les banques centrales des Etats membres ou leurs représentants. Ce
Comité est chargé de contrôler les performances du système de compensation et de paiement ;
examiner et soumettre au Comité des Gouverneurs le budget annuel de l’Agence ; examiner
les questions liées au personnel de l’Agence et assumer toute autre fonction que lui confie le
Comité des Gouverneurs.

Le Comité des questions économiques et monétaires est composé des directeurs des études de
toutes les banques centrales des Etats membres et des cadres appropriés des ministères des
finances. Il est chargé : d’examiner et évaluer les études et les rapports élaborés par la
Direction générale et faire des recommandations approprié au Comité des Gouverneurs ; de
suivre et évaluer les progrès accomplis dans la mise en œuvre du programme de coopération
monétaire et de faire des recommandations appropriées au Comité des Gouverneurs. Les
comités consultatifs se réunissent en session ordinaire au moins deux fois l’an et en session
extraordinaire à la demande de leur président129.

L’AMAO est chargée, comme sa devancière, des questions de coopération monétaire et de


paiements. Mais plus que la CCAO, l’AMAO doit surtout contribuer à la mise en place de la
monnaie unique de la CEDEAO. Pendant la période transitoire, elle doit promouvoir
l’utilisation des monnaies nationales des Etats membres dans le cadre du commerce régional
et d’autres transactions ; réaliser des économies dans l’utilisation des réserves extérieures des
Etats membres ; aider les Etats membres à harmoniser et coordonner leurs politiques
monétaires et fiscales ainsi que leur programme d’ajustement structurel ; encourager
l’application par les Etats membres des politiques macro-économiques, permettant d’avoir des

128
Sur les fonctions dévolues au Comité des Gouverneurs, voir article 6 du Protocole de 1993.
129
Sur les fonctions dévolues aux Comités consultatifs et leur composition, Voir. Article 9 du Protocole de
1993
Cours de droit communautaire
52

taux de change et des taux d’intérêt déterminés par le marché dans le cadre du commerce
intra-régional130.

b) Le Fonds de Coopération, de Compensation et de Développement (FFDC)

Le Fonds de Coopération, de Compensation et de Développement (FCCD) est prévu à


l’article 21 du Traité révisé ; cet article renvoie à un protocole en ce qui concerne son statut,
ses objectifs et ses attributions. Commodément appelé Fonds, c’est un organe qui était déjà
prévu à l’article 50 du Traité de 1975. Le protocole sur le Fonds a été signé le 5 novembre
1976131.

Aux termes du protocole de 1976, le FCCD est dirigé par un Conseil d’Administration et un
Directeur Général. Il comprend également des fonctionnaires et des employés que le Fonds
jugera nécessaire. Composé des Ministres siégeant au Conseil des ministres et nommés à cet
effet par leur Etat respectif, le Conseil d’Administration est investi de tous les pouvoirs pour
la gestion du Fonds132. Le Directeur Général du Fonds est nommé par le Conseil des
ministres parmi les citoyens de l’Etat membre attributaire de ce poste. Responsable de tous les
services du Fonds, il en assure la gestion quotidienne sous la direction du Conseil
d’Administration ; il nomme et révoque les fonctionnaires du Fonds ; ceux-ci doivent être
ressortissants des Etats membres133. Il est assisté d’un Directeur Général Adjoint nommé
dans les mêmes conditions. Le FCCD est fonctionnel et a son siège à Lomé.

Les objectifs assignés au Fonds ont été fixés à l’article 2 du Protocole de 1976. Aux termes de
cet article, le Fonds servira à :

« a)- fournir des compensations et d’autres formes d’assistance aux Etats membres qui ont
subi des pertes en raison de l’application des dispositions du Traité sur la libéralisation des
échanges à l’intérieur de la Communauté ;

b)- indemniser les Etats membres qui ont subi des pertes par suite de l’implantation
d’entreprises communes ;

c)- accorder des subventions pour le financement d’études et d’actions de développement


d’intérêt national ou communautaire ;

d)- accorder des prêts pour le financement d’études de faisabilité et pour la réalisation de
projets de développement dans les Etats membres ;

e)- garantir les investissements étrangers effectués dans les Etats membres concernant les
entreprises établies conformément aux dispositions du Traité sur l’harmonisation des
politiques industrielles ;

f)- fournir les moyens pour faciliter la mobilisation constante des ressources financières
intérieures et extérieures aux Etats membres de la Communauté ;

130
Sur les objectifs et les fonctions de l’AMAO, Voir. Articles.3 et 4 du Protocole de 1993
131
Rec.PCD, p.76
132
Sur les attributions du Conseil d’administration, Voir. Art 25 du Protocole de 1976 relatif au FCCD.
133
Article 28 du Protocole de 1976 relatif au FCCD.
Cours de droit communautaire
53

g)- aider à la promotion de projets en vue de la mise en valeur des Etats les moins
développés ».

Pour mener à bien ces différentes missions, le Fonds est doté de ressources financières. Les
ressources financières du Fonds comprennent les ressources ordinaires et des comptes
d’affectation spéciale. Aux termes de l’article 3 du protocole, il faut entendre par « ressources
ordinaires de capital » du Fonds :

« a) le capital du Fonds, constitué par les contributions, versées et non versées du Fonds,
déterminées en vertu de l’article 5 ou autorisée conformément à l’article 6 du présent
protocole ;

b) les revenus des entreprises dont la Communauté détient tout ou partie du capital ;

c) les ressources provenant de sources bilatérales ainsi que d’autres sources étrangères ;

d) les subventions et contributions de toutes sortes et de toutes origines ;

e) les revenus provenant des prêts octroyés sur les ressources susmentionnés ou des garanties
accordées par le Fonds ;

f) les emprunts contractés par le Fonds ;

g) tous autres ressources ou revenus reçus par le Fonds qui ne sont pas portés aux comptes
d’affectation spéciale visés à l’article 4 du présent ».

Concernant les comptes d’affectation spéciale, l’article 4 alinéa 2 les définit comme toutes
ressources spéciales comprenant notamment :

« a)- les contributions déterminées par le Conseil à verser par les Etats membres pour fournir
des compensations et d’autres formes d’assistance aux Etats membres ;

b)- les ressources acceptées par le Fonds pour être portées sur un compte d’affectation
spéciale ;

c)- les remboursements reçus au titre de prêts ou de garantie financés sur les ressources d’un
compte d’affectation spéciale et qui, en vertu des règlements du Fonds relatif audit compte,
doivent être reçus par le compte en question ;

d)- les revenus provenant des opérations du Fonds pour lesquelles les ressources ou les fonds
susmentionnés sont utilisés ou engagés, si en vertu des règlements du Fonds relatifs aux
comptes d’affectation spéciale en question, ces revenus doivent être affectés aux comptes
concernés ;

e)- les ressources provenant de toutes ressources jugées appropriées par le Fonds ayant pour
objet d’atteindre les objectifs du Fonds y compris la compensation à verser aux Etats
membres ».

Ces ressources sont affectées à la réalisation des objectifs assignés au Fonds. En définitive, les
objectifs du Fonds peuvent être appréhendés sous trois aspects : d’abord financer des projets
économiques des Etats membres de la CEDEAO pour accroître la production de la
Communauté notamment par la création d’entreprises communautaires ; ensuite, fournir des
Cours de droit communautaire
54

compensations aux Etats ayant subi des pertes de recettes par suite de l’implantation
d’entreprises communes ou de l’application du schéma de libéralisation des échanges à
l’intérieur de la Communauté et enfin garantir les investissements étrangers effectués dans les
Etats membres.

Les autorités communautaires ont entrepris depuis 1999 la transformation du Fonds de la


CEDEAO en une société holding régionale dénommée Banque d'investissement et de
développement de la CEDEAO (BIDC) avec deux filiales spécialisées, le Fonds régional de
développement de la CEDEAO (FRDC) et la Banque régionale d'investissement de la
CEDEAO (BRIC). La BIDC est une institution financière internationale instituée par l'article
21 nouveau du Traité révisé tel qu'amendé par l'Acte additionnel A/SA.9/01/07 du 19 janvier
2007. Elle comprend deux guichets dont l'un est destiné à la promotion du secteur privé et
l'autre au développement du secteur public. D’un capital initial d’environ 750 millions de
dollars US détenu à 67% par les Etats membres de la CEDEAO et ouvert à 33% à la
souscription des membres non régionaux, la BIDC a pour objectif essentiel de contribuer à
l'essor économique de l'Afrique de l'Ouest à travers le financement des projets et programmes
relatifs au transport, à l'énergie, à la télécommunication, à l'industrie, à la réduction de la
pauvreté, à l'environnement et aux ressources naturelles. Les organes de gestion de cet organe
financier de la CEDEAO sont : le conseil des gouverneurs, le conseil d’administration et le
président de la banque qu’assistent deux vices-présidents. Pour plus de détails voir
http://www.bidc-ebid.org

c) Les commissions techniques

Composées des représentants des Etats membres, les commissions techniques sont au nombre
de neuf134 : Commission Administration et Finances ; Commission Agriculture,
Environnement et Ressources en eau ; Commission Développement Humain et Genre ;
Commission Infrastructures ; Commission Politiques Macro-économiques ; Commission
Affaires politiques, Paix et Sécurité ; Commission Commerce, Douanes et Libre circulation
des personnes ; Commission Affaires juridiques et judiciaires ; Commission Communication
et Informatique. La Conférence peut, si elle le juge nécessaire, restructurer ces Commissions
ou en créer davantage ; chacune de ces commissions peut également créer des sous-
commissions si l’exécution de ses fonctions l’exige. Les Commissions se réunissent aussi
souvent que nécessaire. Ils élaborent leur règlement intérieur qu’ils soumettent au Conseil
pour approbation.

Aux termes de l’article 23 du Traité révisé, ils ont pour mandat, dans leur domaine respectif :

« a) de préparer des projets de programmes communautaires, et de les soumettre à


l’approbation du Conseil par l’intermédiaire du Secrétariat Exécutif [actuellement la
Commission], soit sur sa propre initiative, soit à la demande du Conseil ou du Secrétariat
Exécutif [actuellement la Commission] ;

b) d’assurer l’harmonisation et la coordination des projets et programmes communautaires ;

134
Article 22 §1. a et b nouveau.
Cours de droit communautaire
55

c) de suivre et de faciliter l’application des dispositions du présent traité et des protocoles


relevant de leurs domaines de compétences respectifs ;

d) d’accomplir toute autre tâche qui pourrait leur être confiée en application des dispositions
du présent Traité ».

Au-delà des compétences techniques dans la préparation des différents projets d’actes et
études, les commissions techniques de la CEDEAO sont investies d’un véritable pouvoir
d’initiative et d’exécution. Les propositions de décisions émanent souvent de ces
commissions135. Il faut remarquer que ces commissions jouent un rôle similaire à celui des
ministres sectoriels, à la différence que les Commissions techniques sont permanentes et
qu’elles veillent également à l’exécution des actes adoptés dans leur domaine respectif. Cette
dernière fonction fait, quelque part, double emploi avec les missions exécutives de la
Commission de la Communauté.

Section II : LE PROCESSUS DECISIONNEL

Le processus décisionnel permet de faire une distinction entre organisations de coopération et


organisations d’intégration. Pour les premières, le mode privilégié de prise de décision est
l’unanimité (modalité classique en droit international) tandis que pour les secondes, une
majorité d’Etats peut imposer ses points de vue à une minorité (modalité supranationale). Il
faut entendre par modalités classiques, les règles qui président à la prise de décision en droit
international public. Etant donné que les acteurs sont les Etats, les sacro-saints principes
d’égalité et de souveraineté entraînent la recherche de l’unanimité et du consensus. Dans ces
cas, les Etats entendent seulement coopérer et ne font pas d’abandon de souveraineté. Quant
aux modalités supranationales, ce sont celles qui président à la prise des actes dans les
organisations d’intégration. Les Etats ayant consenti à un abandon de souveraineté, une
majorité peut imposer ses points de vue à une minorité dans l’intérêt de la Communauté. Ces
modalités s’opposent à celles qui prévalent dans les organisations de coopération où une petite
minorité peut constituer un obstacle dans la prise de décisions. Tant dans l’UEMOA (Section
1), que dans la CEDEAO (Section 2), un équilibre s’opère entre les modalités classiques et les
modalités supranationales de décision.

§1 : Le processus décisionnel de l’UEMOA

Nous verrons, tour à tour les modalités classiques et les modalités supranationales.

A) Les modalités classiques de prise de décision

L’inter-étatisme d’un organe se reconnaît de prime abord à son mode de délibération


unanimitaire. Au sein des organes de l’UEMOA., le principe de l’unanimité dans les
processus de délibération est en vigueur aussi bien à la Conférence qu’au sein du Conseil.

135
C’est le cas notamment de la décision C/DEC.3/6/86 du 30 juin 1986 (Rec. PCD, p. 145) C/DEC.3/6/88 du
21 juin 1988 (Rec. PCD, p.120), C/DEC.4/7/92 du 25 juillet 1992 (Rec. PCD p.122) qui ont été signées sur
recommandation de la Commission du commerce, des douanes, de l’immigration, des questions monétaires et
des paiements.
Cours de droit communautaire
56

Au niveau de la Conférence, le principe est sans équivoque ; l’unanimité y constitue d’ailleurs


le seul136 procédé de prise de décision. D’aucuns diront que la nature de l’organe ne laissait
point d’alternative, tant il est vrai qu’au sommet d’une organisation d’Etats, il faut marcher au
rythme de consensus politiques. On ne peut cependant s’empêcher de faire remarquer que,
bien que souvent « considéré comme un facteur d’accélération et de garantie du processus
d’intégration parce qu’impliquant les plus hauts responsables des Etats, le recours à
l’unanimité, s’il n’effarouche pas les susceptibilités de souveraineté, ne sert pas
l’approfondissement du processus »137.

L’affirmation du principe est moins fortement ressentie au niveau du Conseil, ce d’autant plus
qu’il n’est pas exclusivement consacré comme tel, au moins dans le traité de Dakar. Il
convient d’ailleurs de faire la part des choses selon que le Conseil exerce les compétences à
lui confiées par le traité de l’UEMOA. ou celles existant depuis la création de l’UMOA.

Pour ce qui est des nouvelles attributions opérées par le traité de Dakar, le recours à
l’unanimité semble, heureusement, plutôt rare, même s’il n’est pas inexistant. L’unanimité est
par exemple exigée pour l’adoption des règlements financiers ainsi que des règles de reddition
et de vérification des comptes138. Dans la plupart des cas, le Conseil est habilité à adopter ses
actes à la majorité des deux tiers.

Ceci n’est cependant vrai que pour les domaines où le mode de délibération a été spécifié.
Pour les autres hypothèses, l’unanimité semble s’imposer de facto comme le principe. En
effet, l’article 21 du traité de l’UEMOA. dispose que « le Conseil des Ministres de l’Union
monétaire prévu à l’article 6 de l’UMOA. exerce les fonctions qui lui sont dévolues par le
présent traité ». En renvoyant à cette disposition du traité de l’Union monétaire, les rédacteurs
semblent faire de ce texte une référence. C’est dire que le Conseil, s’il venait à délibérer sur
une question non prévue – ou en tout cas dont la compétence ne lui a pas été explicitement
reconnue – par le traité de l’UEMOA., il devrait le faire en se fondant sur le texte de base
qu’est le traité de l’UMOA. La règle de l’unanimité édictée par l’article 2 de ce traité
trouverait donc à s’appliquer, même si la règle semblait édictée pour des domaines bien
spécifiés.

Et justement, pour ce qui concerne les compétences dévolues au conseil par le traité de
l’UMOA., et qui relèvent presque exclusivement du domaine monétaire, le maintien de
l’unanimité comme règle de délibération ne souffre guère de débat : l’exercice de ces
compétences par le Conseil est donc toujours soumis à la dure loi de l’unanimité, puisque la
règle de l’article 2 du traité de 1973 n’a pas été modifiée par le traité de Dakar, ce dernier se
contentant de renvoyer à ce qui était en vigueur avec l’ancien traité139. L’unanimité comme
règle de délibération n’est donc pas encore un souvenir, mais une réalité vivace dans

136
Voir article 114 du traité de l’UEMOA reprenant et complétant l’article 5 du traité de l’UMOA qui dispose
que “ (…) les décisions de la Conférence (…) sont prises à l’unanimité ”.
137
Voir L.M. IBRIGA, “Problématique de l’intégration en Afrique de l’Ouest : essai de définition d’un cadre
juridique efficient ”, in RBD n° de décembre 1993.
138
Voir. Article 51 du traité de l’UEMOA.
139
Voir. Article 61 du traité de l’UEMOA.
Cours de droit communautaire
57

l’UEMOA.140, du moins en ce qui concerne la Conférence et le Conseil dont le caractère


intergouvernemental.

B) Les modalités supranationales de prise de décision

Dans l’UEMOA, les modalités supranationales se retrouvent surtout à travers le pouvoir


décisionnel du Conseil des Ministres et de la Commission. La consécration de la majorité
comme mode de décision a été faite, non de façon systématique mais de façon casuistique et
empirique. En réalité, on ne peut véritablement parler de consécration puisque, nulle part, il
n’a été question d’ériger la majorité en principe.

Cependant, le traité de l’UEMOA. a procédé à une série d’indications des cas où le Conseil
peut arrêter ses décisions à la majorité des deux tiers de ses membres. Il apparaît, à la
fréquence de ces situations, que l’exercice de la plupart des attributions du Conseil se fait à la
majorité qualifiée des deux tiers141 si bien que ce mode occulte pratiquement la condition de
principe de délibération qu’est l’obtention de l’unanimité des voix.

Cet abandon est synonyme de la négation aux Etats du droit de veto. De ce fait, il bat en
brèche les velléités de souveraineté, puisque désormais un Etat peut se voir imposer une
réglementation qu’il aura pourtant combattue par le biais de sa représentation au sein du
Conseil. En un mot, l’abandon de l’unanimité comme principal mode de décision permet au
processus décisionnel de l’UEMOA. de franchir les barrières de l’inter-étatisme.

S’agissant de la Commission, ses délibérations sont acquises au terme d’un vote formel
réunissant la majorité simple des suffrages des membres. La voix du Président est toutefois
prépondérante en cas de partage des suffrages142. Mais il est important de souligner que les
articles 19 à 21 du Règlement intérieur de la Commission instaurent une procédure écrite.
Ainsi, le Président ou un membre de la Commission peut-il soumettre un dossier à ses
collègues en les priant de faire part de leurs observations et objections dans un délai
déterminé. Passé celui-ci, leur accord est réputé acquis et permet d’estimer que la décision
envisagée est celle de la Commission dans son intégralité.

§2 : Le procesus decisionnel de lA CEDEAO

Les modalités de prise de décision au sein de la CEDEAO étaient classiques. Mais, avec le
Traité révisé de 1993 et le Protocole d’amendement de 2006, des modalités supranationales
sont envisagées.

Le procéssus classic de prise de décision

140
Voir. infra l’incidence de ce mode sur la nature du processus.
141
Ainsi par exemple, pour l’adoption des règlements ou directives nécessaires pour la réalisation des
programmes d’harmonisation des législations arrêtés par la CCEG, le Conseil y procède à la majorité des deux
tiers (Voir article 61). Ainsi également de la mise en œuvre de la politique économique de l’Union (Voir article
64, 65, 66) surtout pour la mise sur pied du mécanisme de surveillance multilatérale des politiques macro-
économiques (Voir. article 67 à 75) ou de la politique commerciale, (Voir. article 82 à 87), ainsi également de
l’établissement du marché commun (Voir article 78 à 81), de l’adoption des règles de concurrence (Voir article
89).
142
Article 32 et 42 du Traité de l’UEMOA.
Cours de droit communautaire
58

Ce sont ces modalités qui prévalaient au sein de la Conférence des chefs d’Etat et de
Gouvernement et du Conseil des ministres de la CEDEAO avant la révision de son traité.
Tous les actes communautaires étaient pris sur la base de l’unanimité ou du consensus. Ainsi
l’article 6 paragraphe 6 du Traité de 1975 disposait : « Lorsqu’un Etat membre formule une
objection à une proposition soumise pour décision au Conseil des ministres, cette proposition
sera soumise pour décision à la Conférence à moins que l’objection ne soit retirée ». Or, ce
dernier organe ne prenait ces décisions qu’à l’unanimité ou par consensus. Cette situation
constituait un obstacle majeur dans la mise en œuvre d’action positive par la Communauté.
Une minorité, voire un seul Etat, pouvait bloquer la prise de décisions. Cette procédure
entraînait également une certaine lenteur dans la prise des décisions dans la mesure où les
décisions n’ayant pas recueilli l’unanimité devaient attendre la Conférence des chefs d’Etat et
de Gouvernement pour être éventuellement adoptées. Ces modalités de prise de décision
étaient en déphasage avec l’esprit d’intégration qui suppose avant tout des abandons de
souveraineté. C’est peut être pour tenir compte de ces critiques que le Traité révisé innove,
bien que timidement, en prévoyant, à terme, quelques modalités supranationales.

B) Le procéssus supranational de prise de décision

Contrairement au Traité CEDEAO de 1975, celui de 1993 envisage la possibilité de prise de


décisions à la majorité. Le Protocole additionnel A/SP.1/06/06 de 2006, mentionne que
« …les actes de la Communauté sont adoptés à l’unanimité, par consensus ou à la majorité
des deux tiers». La répartition des matières selon les différentes modalités sera précisée dans
un protocole qui, à notre connaissance, n’est pas encore signé. Pendant la période transitoire,
les décisions comme les règlements continueront d’être pris par consensus ou à l’unanimité.
Bien que ces nouvelles dispositions constituent une innovation, on ne peut s’empêcher d’en
relever la timidité. En effet, seules certaines matières relèveront de la majorité ; qui plus est, il
s’agira d’une majorité qualifiée.

chapitre ii : L’organisation juridique des institutions communautaires

L’intégration régionale nécessite l’institution d’organes de contrôle chargés de veiller au


respect des engagements pris par les Etats. En effet, créer une zone communautaire sans
l’optique d’établissement d’une communauté de droit serait un effort vain. D’où la nécessaire
institution d’une justice communautaire (Chapitre 2). L’efficacité des processus d’intégration
passe aussi par la force accordée aux actes communautaires. Il est donc important d’asseoir un
véritable ordre juridique communautaire (Chapitre 1).

Section I : L’ORDONNANCEMENT JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE

L’ordre juridique est un « ensemble organisé et structuré de normes juridiques possédant ses
propres sources, doté d’organes et procédures aptes à les émettre, à les interpréter ainsi qu’à
en faire constater et sanctionner, le cas échéant, les violations »143. Dans le cadre du droit

143
G.ISAAC, Droit communautaire général, op.cit., p. 117.
Cours de droit communautaire
59

communautaire, la CJCE a affirmé qu’il existe un ordre juridique communautaire, distinct de


l’ordre juridique international144.

Dans l’étude de l’ordre juridique communautaire, il est devenu classique de distinguer parmi
les sources du droit communautaire, le droit primaire et le droit dérivé. Dans une organisation
d’intégration, le traité apparaît comme la loi fondamentale de la Communauté. En
comparaison avec ce qui se passe au plan national, le traité est la "constitution" de la
Communauté ; c’est le droit primaire. D’autres règles seront édictées par les organes
communautaires pour appliquer les règles générales contenues dans le traité ; c’est le droit
dérivé (§ 1). Une certaine hiérarchisation de ce droit par rapport aux droits nationaux des
Etats membres est devenue nécessaire pour atteindre les objectifs que se fixe la Communauté
(§ 2).

§ 1 : Les sources

LES SOURCES DU DROIT UEMOA

La typologie des sources des sources du droit communautaire de l’UEMOA fait ressortir trois
catégories de sources à savoir : le droit primaire (1), le droit dérivé (2) et le droit subsidiaire
(3).

1)- LES COMPOSANTES DU DROIT PRIMAIRE OU ORIGINAIRE

Le droit primaire constitue le « droit constitutionnel » de l’organisation parce que ce droit


détermine les compétences et pouvoirs des différents organes et la nature des actes pris par
ces derniers.

Droit de nature conventionnelle, parce que soumis aux procédures d’élaboration du droit des
traités (négociation, signature, ratification), le droit primaire est constitué par le Traité de
Dakar du 10 janvier 1994 et des protocoles additionnels adoptés depuis la création de
l’organisation (Exemple : le protocole additionnel n°1 relatif aux organes de contrôle de
l’UEMOA, le protocole additionnel n°2 relatif aux politiques sectorielles de l’UEMOA).

Sur le plan du mode d’élaboration, rien ne distingue ces traités et protocoles additionnels,
constitutifs du droit primaire de l’UEMOA, du droit conventionnel classique tel que
systématisé par les différentes conventions de Vienne sur le droit des traités. Une première
impression corroborée par la procédure de révision du traité nettement marquée du sceau de
l’inter-étatisme145.

2)- LES COMPOSANTES DU DROIT INSTITUE OU DERIVE

Le droit dérivé est le droit sécrété par les organes mis en place par le droit primaire. Les règles
relevant du droit dérivé émanent de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, du
Conseil des Ministres ou de la Commission. On distingue en la matière le droit dérivé
unilatéral (a) du droit dérivé conventionnel (b).

144
Voir. CJCE 15 juillet 1964, Costa c/ENEL, Rec. 1141 ; CJCE 13 novembre 1964, Commission
c/Luxembourg et Belgique, Rec.1220 ; CJCE 5 février 1963, Van Gend et Loos, Rec. 3 ; CJCE Avis 1/91 du 1’
décembre 1991, Rec. I-6079.
145
Voir article 106 du Traité UEMOA.
Cours de droit communautaire
60

a)- Le droit dérivé unilatéral

Ils désignent les actes unilatéraux pris par les organes et qui régissent les sujets du droit de
l’Union, par opposition au droit dérivé conventionnel qui résulte des accords passés par les
organes de l’Union avec des partenaires extérieurs (Etats ou organisations internationales) Il
se divise en deux catégories : les actes obligatoires et les actes non obligatoires .

Les actes de droit dérivé obligatoires

Référence faite à l’article 42 du Traité, on dénombre quatre (4) types d’actes de droit dérivé
obligatoires. Il s’agit de l’acte additionnel, du règlement, de la directive et de la décision.

- L’acte additionnel prévu à l’article 19 du Traité de Dakar émane de la Conférence du Chef


d’Etat et de Gouvernement. Selon l’article 19 alinéa 2, ils sont annexés au Traité ; ils
complètent celui-ci sans toutefois le modifier ; leur respect s’impose aux organes de l’Union
ainsi qu’aux autorités des organes des Etats membres Leur autorité est très étendue : ils sont
obligatoires pour tous les acteurs ou pour tous les sujets du droit de l’Union146..

- Le règlement dans l’UEMOA est prévu à l’article 42 du Traité et est un acte adopté à la
majorité soit par le Conseil des Ministres, soit par la Commission sur délégation. Selon
l’article 43 « les règlements ont une portée générale, ils sont obligatoires dans tous leurs
éléments et sont directement applicable dans tout Etat membre ». Par leur effet direct, ils sont
à même de régir directement la situation juridique des particuliers.

- La directive est un acte qui peut émaner du Conseil des Ministres ou de la Commission. Au
terme de l’article 43 al.2 « les directives lient tout Etat membre quant au résultat à atteindre ».
Les Etats sont tenus d’atteindre les résultats fixés mais restent libres de choisir les moyens
pour y parvenir dans le délai imparti. La directive est donc un acte qui allie rigueur et
souplesse, qui permet d’assurer l’harmonisation des législations alors que le règlement est la
règle indiqué pour l’uniformisation.

146
Voir.les développements faits par BATCHASSI Y. et YOUGBARE R., in « Les actes additionnels de
l’UEMOA : analyse juridique », op. cit. Concernant la justiciabilité desdits actes, une analyse des dispositions du
traité article 19 et 42 et de certains actes de droit dérivé (article 27 – 2ème tiret) de l’Acte additionnel n°10/96
portant statut de la Cour de Justice aurait pu faire croire que les actes additionnels ne sont pas justiciables de la
Cour de Justice tant en raison de la compétence d’attribution de la Cour que de la nature d’actes de
gouvernement desdits actes. Mais depuis les trois arrêts de l’affaire YAÏ (arrêt 03/2005 du 27 avril 2005, arrêt
01/2006 du 05 avril 2006 et arrêt 01/2008 du 30 avril 2008), la Cour de Justice a affirmé et réaffirmé sa
compétence à connaître des actes additionnels faisant grief. En effet, dans son arrêt 03/2005 du 27 avril 2005, la
Cour affirme: « Il est de doctrine et de jurisprudence constante que ‫״‬le recours en annulation peut être dirigé de
manière générale, contre tous les actes ayant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du
requérant, en modifiant de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci, quelle que soit leur
dénomination“ […].
En l’espèce, il est évident que la nomination de Monsieur Jérôme Bro GREBE est de nature à porter grief à
Monsieur Eugène YAÏ et qu’il a eu pour conséquence sa révocation.
En tout état de cause, la compétence de la Cour en matière de contrôle de légalité ne saurait se limiter aux seuls
actes cités par le Protocole additionnel n°1 et par le Règlement de procédures.
Enfin, il résulte de l’ensemble de ces considérations, que la Cour de Justice est compétente pour apprécier la
légalité de l’Acte additionnel n°06/2004 du 15 novembre 2004 ».
Cours de droit communautaire
61

- La décision est un acte émanant du Conseil des Ministres ou de la Commission qui est
obligatoire dans tous ses éléments pour les destinataires qu’elle désigne. Il s’agit d’un acte de
portée individuelle et ses destinataires sont des Etats ou des particuliers. C’est l’exemple en
matière de Taxe ou de Coopération Régionale (TCR).

Au-delà des différences inhérentes à la portée ou aux destinataires de ces actes, ceux-ci restent
soumis à un régime commun se résumant par l’obligation de motivation et de publication.
Ainsi, chaque acte doit non seulement pouvoir être justifié en référence à l’intérêt
communautaire, mais aussi doit faire l’objet d’une publicité par son insertion dans le Bulletin
Officiel de l’Union point de départ de l’écoulement du délai d’opposabilité. De par cette
innovation, tous les actes de l’Union bénéficient du caractère d’applicabilité immédiate.

ii)- Les actes de droit dérivé non obligatoires

Les actes dérivés non obligatoires ont un caractère incitatif. Leur but est de pousser les Etats à
adopter un comportement. On peut distinguer les actes typiques et les actes atypiques.

L’article 42 du Traité prévoit deux types d’actes de droit dérivé non obligatoires typiques. Il
s’agit :

des avis émis par le Conseil des Ministres, la Commission, auxquels on peut ajouter ceux qui
peuvent être émis par la Cour de Justice et le Comité Inter-Parlementaire ;

des recommandations qui émanant du Conseil des Ministres ou de la Commission

Les actes atypiques, eux, ne sont pas prévus dans le traité constitutif, mais sont nés de la
pratique. Ce sont les déclarations des chefs d’Etat et de Gouvernement, les communiqués
finaux de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement ou du Conseil des Ministres
ainsi que les résolutions prises par le Comité Inter-parlementaire.

b)- Le droit dérivé conventionnel

L’UEMOA dispose de la personnalité internationale et à ce titre du pouvoir de conclure des


accords internationaux avec des Etats tiers ou des organisations internationales. Cette
prérogative est affirmée à l’article 13 al.2 du Traité147 et ses modalités de mise en œuvre
développées à l’article 84 et suivants. Le droit dérivé conventionnel est donc composé des
accords internationaux conclus par l’UEMOA.

En droit communautaire européen, face au silence des traités quant à la place des accords
internationaux dans l’ordonnancement juridique communautaire, la CJCE a jugé que non
seulement ces accords font partie intégrante de l’ordre juridique communautaire à partir de

147
« Des accords de coopération et d’assistance peuvent être conclus avec des Etats tiers ou des organisations
internationales, selon les modalités prévues à l’article 84 du présent traité ».
Cours de droit communautaire
62

leur entrée en vigueur148, mais que dans la hiérarchie des normes communautaires, ils
avaient un rang inférieur au droit primaire et supérieur au droit dérivé unilatéral149.

3)- LES COMPOSANTES DU DROIT SUBSIDIAIRE

Le voudraient-ils, les rédacteurs du Traité UEMOA n’auraient pas pu prévoir toutes les
situations, toutes les difficultés susceptibles de naître de l'application du Traité. Ils ont
compris que le droit communautaire ne pouvait se résumer au Traité et à l’œuvre
« législative » des organes de décision mais devait aussi impliquer le juge communautaire.
C’est à cet effet qu’ils ont affirmé à l’article 1er du Protocole additionnel n°1 que : « la Cour
de justice veille au respect du droit quant à l’interprétation et à l’application du Traité de
l’Union»150.

Ainsi, outre les sources écrites, le droit communautaire se fonde sur des sources
jurisprudentielles, notamment les principes généraux du droit, qui revêtent une importance
capitale dans le domaine des droits fondamentaux dont le respect est affirmé par le Traité à
son article 3.

Comme en droit interne, les principes généraux du droit sont d’origine prétorienne, le juge
communautaire y recourant en cas de défaillance des sources formelles. Certains des principes
sont directement tirés du Traité ; d’autres, comme c’est le cas en droit international, relèvent
des principes généraux communs aux droits des Etats membres. Longtemps considérées
comme des sources potentielles, l’existence des sources subsidiaires a été consacrée par la
Cour de Justice dans l’affaire YAÏ151 car dépendant de l’activité jurisprudentielle de la Cour
de justice de l’Union. Le juge communautaire est donc un législateur supplétif car la fonction
de la jurisprudence est supplétive et non substitutive. Elle joue un rôle indirect dans la
création du droit car elle n’est source de droit que dans le silence de la loi, ou si la loi
comporte des lacunes.

B) Les sources du droit CEDEAO

Les sources du droit de la CEDEAO peuvent être scindées en deux catégories : les sources
primaires et les sources dérivées. La nomenclature des sources du droit CEDEAO est
identique à celle du droit UEMOA. Cette identité est apparue avec la signature le 14 juin 2006
du Protocole additionnel A/SP.1/06/06 portant amendement du Traité révisé de la CEDEAO.

1) Le droit primaire

Le droit primaire de la CEDEAO est aujourd’hui constitué du Traité révisé de 1993 et des
multiples protocoles conclus depuis la création de cette organisation. La nature juridique du
Traité et des protocoles ne suscite pas de commentaire particulier ; ce sont des actes soumis
au régime des actes conventionnels du droit international public classique. Ils sont donc
soumis à la procédure de ratification et de réception dans les ordres juridiques des Etats

148
CJCE, 30 avril 1974, Haegerman, Aff. 181/73, Rec.p.449
149
CJCE, 12 décembre 1972, International Fruit Company, Aff. 21, 22, 23, 24/72, Rec.p.1219
150
Article 1er du Protocole additionnel n°I.
151
Cf. les arrêt 03/2005 du 27 avril 2005, 01/2006 du 05 avril 2006 et 01/2008 du 30 avril 2008
Cours de droit communautaire
63

membres. En d’autres termes, les Etats ne seront engagés qu’après des procédures, prévues
par leurs constitutions, pour insérer le droit international dans leurs ordres juridiques internes.

a) Le Traité

L’article 92 dudit Traité abroge expressément le Traité constitutif de 1975 dès son entrée en
vigueur et reprend à son compte toutes les conventions, protocoles, décisions et résolutions
adoptés depuis 1975. Le nouveau traité, étant entré en vigueur le 23 août 1995, il faut donc
considérer que le Traité de 1975 est abrogé dans toutes ces dispositions. Le droit primaire
constitue le "droit constitutionnel" de la CEDEAO en ce sens qu’il détermine les compétences
et les pouvoirs des différentes institutions mises en place et la mesure des actes juridiques qui
seront pris au sein de cette Communauté. Selon l’article 6 paragraphe 2, « Les institutions de
la Communauté exercent leurs fonctions et agissent dans les limites des pouvoirs qui leur sont
conférés par le présent Traité et par les protocoles y afférents ». La Conférence est d’ailleurs
habilitée à saisir la Cour de Justice au cas où une Institution de la Communauté outrepasserait
ses compétences ou excéderait les pouvoirs que lui confère le Traité152. La Cour de justice de
la Communauté exerce donc le contrôle de conventionalité des actes comme le juge
constitutionnel le fait pour les lois au plan interne (contrôle de la constitutionnalité).

b) Les Protocoles

Ce qui mérite d’être relevé, de prime abord, c’est le nombre pléthorique des protocoles
adoptés au sein de cette Communauté153. Au lieu d’utiliser le droit dérivé pour la mise en
application des dispositions du Traité, les Etats membres ont eu souvent recours aux
protocoles154. Il y a lieu de s’interroger sérieusement sur les raisons qui motivent cette
préférence pour le droit primaire. Les Etats se refusent à prendre des actes contraignants. Il
s’agit, cependant, de donner une bonne impression en signant les protocoles, tout en sachant
qu’on ne sera tenu de les exécuter qu’après ratification. En d’autres termes, les Etats ne seront
liés que s’ils le souhaitent. Il n’est pas exagéré de dire, à la lumière des résultats très peu
encourageants de cette Communauté, que la CEDEAO est « une tribune de bonnes
intentions ». En effet, l’usage très fréquent de ces instruments juridiques, accompagné de
l’exigence de l’unanimité dans l’élaboration du droit dérivé, a constitué un handicap sérieux
dans l’application du droit communautaire. De la signature des actes jusqu’à leur mise en
vigueur, les circonstances peuvent beaucoup changer et ne plus correspondre à la réalité. En
plus, étant donné que la ratification d’un certain nombre d’Etats (généralement sept pays
membres) suffisait à mettre en vigueur les protocoles, certains Etats (ceux qui les ont ratifiés)
pouvaient être liés tandis que d’autres (ceux qui ne les avaient pas ratifiés) ne l’étaient pas.
Ceci aboutit à un système juridique fragmenté, un système juridique « à la carte ». Cette
situation contraste avec le caractère d’intégration de cette organisation. En effet, par souci

152
Article 7 §3 (g) du Traité révisé.
153
L’on compte plus d’une trentaine de protocoles dans la CEDEAO : au total 26 protocoles et conventions
étaient en vigueur au 30 juin 1993, (Voir. tableau des protocoles et conventions entrés en vigueur le
30/06/1993) ; sans compter ceux qui ne sont pas en vigueur et ceux qui ont été signés ultérieurement. L’on peut
également y ajouter les deux (2) Protocoles additionnels portant respectivement amendement du Protocole
relatif à la Cour de Justice de la Communauté (2005) et du Traité révisé (2006).
154
Les dispositions sur la libre circulation des biens et des personnes sont essentiellement contenues dans les
protocoles additionnels.
Cours de droit communautaire
64

d’efficacité, les organisations d’intégration ont plutôt recours aux actes dérivés pour la
réalisation de leurs objectifs.

2) Le droit dérivé

Le droit dérivé de la CEDEAO est constitué des différents actes que prennent les Institutions
pour appliquer le droit primaire. Ces actes émanent principalement de la Conférence des chefs
d’Etat et de Gouvernement, du Conseil des ministres et de la Commission. Comme nous
l’avons souligné plus haut, les sources dérivées du droit CEDEAO sont identiques à celles du
droit UEMOA, depuis l’adoption du Protocole portant amendement du Traité révisé. Ainsi,
selon le nouvel article 9 paragraphe 1er, « Les actes de la Communauté sont dénommés Actes
additionnels, Règlements, Directives, Recommandations et Avis » (Cf. article 42 du Traité
UEMOA). En outre, ces nouvelles catégories de sources du droit CEDEAO ont les mêmes
caractéristiques que celles de l’UEMOA.

De ce fait, le respect des actes additionnels s’impose aux Etats membres et à l’ensemble des
organes de la Communauté. Quant aux règlements, ils ont une portée générale et sont
obligatoires dans tous leurs éléments. Ils sont directement applicables dans les Etats membres,
et ont force obligatoire à l’égard des Institutions de la Communauté. Les directives, elles, lient
les Etats membres quant aux objectifs à atteindre. S’agissant des décisions, elles sont
obligatoires pour leurs destinataires. Enfin, les avis et recommandations n’ont pas de force
exécutoire155.

Les actes additionnels, les règlements, les directives et les décisions doivent être publiés au
Journal Officiel de la Communauté et par chaque Etat membre à son Journal Officiel, dans les
trente jours de leur signature. Les décisions doivent également être notifiées à leurs
destinataires. Les actes additionnels, les règlements et les directives entrent en vigueur après
leur publication par la Commission, à la date qu’ils auront fixée à cet effet. Quant aux
décisions, elles prennent effet à compter de leur date de notification156.

Pour conclure sur les sources des droits UEMOA et CEDEAO, force est de relever l’absence
d’une hiérarchie formelle des normes communautaires. Les deux traités ont muets en la
matière. Ni la nomenclature des actes communautaires fixée par les articles 42 du Traité
UEMOA et 9 du Traité révisé de la CEDEAO, ni la jurisprudence communautaire ne fournit
des indications sur la hiérarchie qui assoit la cohérence normative de l’ordre juridique
communautaire. On peut néanmoins, en référence au rôle des organes et au droit
communautaire comparé, établir la hiérarchie suivante :

1°)- le traité constitutif et les protocoles additionnels ;

2°)- les actes additionnels (complètent le traité sans le modifier – assimilables aux lois
organiques) ;

3°)- les principes généraux du droit ;

4°)- les actes de droit dérivé conventionnels (accords internationaux) ;

155
Voir. Article 9 nouveau.
156
Article 9 § 2 et 3 nouveau.
Cours de droit communautaire
65

5°)- les actes de droit dérivé unilatéral qui comprennent :

des mesures de portée générale (droit dérivé de premier niveau) ;

des mesures d’exécution (droit dérivé de deuxième rang).

Une telle hiérarchisation est purement indicative puisque ne reposant sur aucun fondement
juridique. C’est dire l’utilité qu’il y aura, en cas d’adaptation du Traité, de penser à établir une
hiérarchie des normes communautaires.

§ 2 : Les rapports entre l’ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE ET L’ORDRE


JURIDIQUE NATIONAL

La mise en place d’une entité intégrée conduit à l’imbrication des ordres juridiques
communautaires et nationaux. Les différents modes de relation vont de la substitution à la
coexistence en passant par l’harmonisation et la coordination157. Dans ses relations avec les
ordres juridiques nationaux, le droit communautaire privilégie la substitution et
l’harmonisation.

La substitution correspond à l’hypothèse dans laquelle les compétences étant mises en


commun, le droit correspondant ne peut qu’émaner des autorités communautaires à
l’exclusion de toute intervention nationale. Dans ce cas de figure, le droit communautaire
réalise une véritable intégration juridique et se présente formellement et matériellement
comme un droit uniforme. Les systèmes de droits nationaux sont ainsi dans l’obligation de
l’assimiler.

Dans l’harmonisation, par contre, le droit national continue d’exister en tant que tel, mais se
trouve privé de la possibilité de déterminer lui-même ses finalités ; « il doit se modifier et
évoluer en fonction d’exigences définies et imposées par le droit communautaire de sorte que
les différents systèmes nationaux présentent entre eux un certain degré d’homogénéité et de
cohérence découlant de finalités désormais communes »158.

La superposition des ordres juridiques qui résulte de toute entreprise d’intégration conduit à
asseoir l’application du droit communautaire sur son autonomie et sur sa supranationalité(B).

L’autonomie du droit communautaire

Le droit communautaire met en place un ordre juridique indépendant de l’ordre juridique


international et de l’ordre juridique interne. Certes, le droit communautaire est créé à partir du
droit international général, mais, une fois créé, il a pris ses distances avec le droit international
général. Cette autonomie du droit communautaire a fait l’objet de vifs débats au sein de la
doctrine. Mais, les partisans de l’autonomie semblent l’emporter. Le droit communautaire a
ses propres sources, distinctes de celles du droit international et de celles du droit interne
même s’il s’intègre dans ce dernier.

L’autonomie du droit communautaire par apport au droit interne renvoie deux aspects :
l’autonomie de validité et d’effectivité et l’autonomie de d’interprétation.

157
Pour plus de détails voir., J. BOULOUIS, op.cit. pp.241-245.
158
Voy, J. BOULOUIS, op. cit., p.242.
Cours de droit communautaire
66

L’autonomie de validité et d’effectivité du droit communautaire signifie que la validité des


normes du droit communautaire n’est pas appréciée par rapport au droit interne mais par
rapport au droit communautaire lui-même et que son effectivité ne dépend pas de sa
conformité avec le droit national des Etats membres, il s’applique même s’il est contraire à
une norme nationale.

L’autonomie d’interprétation du droit communautaire signifie que les notions du droit


communautaire ont un sens communautaire c’est-à-dire que c’est le droit communautaire lui-
même qui doit donner la portée de chaque norme du droit communautaire. Mais celui-ci peut
renvoyer expressément au droit national. C’est pourquoi il revient exclusivement au juge
communautaire d’interpréter les normes communautaires. Et cette exclusivité d’interprétation
a pour objet l’uniformité ou l’unité du droit communautaire.

B) La supranationalité du droit communautaire

1)- LE PRINCIPE D’INTEGRATION

Le droit communautaire forme un système juridique autonome intégré dans le droit des Etats
membres. Selon l’heureuse formule de la CJCE : « à la différence des traités internationaux
ordinaires, le traité de la CEE a institué un ordre juridique propre, intégré au système
juridique des Etats membres lors de l’entrée en vigueur du traité et qui s’impose à leurs
juridictions »159. Les effets de l’application du principe d’intégration prennent un tour
particulier compte tenu du fait que les normes produites par les différents ordres juridiques
communautaires portent dans une grande mesure sur les mêmes domaines. Le principe
d’intégration dont découle l’applicabilité directe du droit communautaire est une donnée
essentielle dans tout processus d’intégration qui entend dépasser le stade de la simple
coopération. En effet, l’efficacité du droit communautaire dépend non seulement des
conditions de son insertion dans l’ordonnancement juridique des Etats membres mais aussi de
ses effets.

« L’applicabilité directe... signifie que les règles du droit communautaire doivent déployer la
plénitude de leurs effets d’une manière uniforme dans tous les Etats membres, à partir de leur
entrée en vigueur et pendant toute la durée de leur validité ; qu’ainsi ces dispositions sont une
source immédiate de droits et obligations pour tous ceux qu’elles concernent, qu’il s’agisse
des Etats membres ou des particuliers qui sont parties à des rapports juridiques relevant du
droit communautaire »160.

De cette définition donnée par la CJCE, il ressort que l’applicabilité renferme deux réalités :
un aspect formel qui concerne l’introduction du droit communautaire dans les droits
nationaux, un aspect matériel qui touche à la capacité du droit communautaire à créer, au
bénéfice ou à la charge des particuliers, des droits et des obligations dont ces derniers peuvent
se prévaloir directement sans mesure nationale d’application. L'expression « applicabilité
directe » recouvre donc deux notions distinctes :

159
Arrêt Costa c/ ENEL, 15 juillet 1964, Aff. 6/64, p. 1141.
160
Arrêt Simmenthal, 9 mars 1978 aff. 106/77 Rec. 78, p.629 et s.
Cours de droit communautaire
67

'immédiateté des normes communautaires : les normes communautaires font partie intégrante
des droits nationaux dès leur publication au Bulletin officiel de l’organisation d’intégration ou
leur notification à leurs destinataires. Leur pénétration dans les ordres juridiques ne nécessite
aucun acte de réception intermédiaire161.

l'effet direct des normes communautaires : certaines normes communautaires créent des droits
et obligations pour les individus et peuvent donc être invoquées directement devant le juge
national par ceux-ci162.

a)- L’applicabilité immédiate ou immédiateté de l’entrée en vigueur

L’applicabilité immédiate a pour conséquence l’interdiction de toute transformation et la


proscription de toute procédure de réception des normes communautaires. Ce faisant tout acte
recognitif ou confirmatif est non seulement inutile mais inadmissible. Cela signifie, suivant la
formule célèbre de la Cour de justice des Communautés européennes, que « les dispositions
communautaires pénètrent dans l’ordre juridique interne sans le secours d’aucune mesure
nationale »163. Cette automaticité de l’entrée en vigueur des actes et leur immédiateté
d'application font que « l'exclusivisme territorial »164 des Etats s'effrite : les autorités
nationales ou plutôt les souverainetés nationales ne constituent plus un obstacle pour
l'intégration des actes des institutions communautaires dans les systèmes juridiques des Etats
membres. Les normes édictées ont ainsi un caractère transnational et acquièrent
automatiquement statut de droit positif au sein de chacun des Etats
membres165. L’applicabilité immédiate a pour conséquence l’interdiction de toute
transformation et la proscription de toute procédure de réception des normes communautaires.
Ce faisant tout acte recognitif ou confirmatif est non seulement inutile mais inadmissible.

En la matière et eu égard à l’unanimité dont jouit la conception moniste au sein des Etats
membres de l’UEMOA, l’applicabilité immédiate bénéficie à toutes les normes du droit
communautaire (Traité constitutif, protocoles additionnels, actes additionnels, règlements,
directives, décisions, actes uniformes).

Il y a lieu de préciser que les formalités de publicité interne (publication aux journaux
officiels nationaux pour le droit primaire) ou la transposition des directives doivent être
regardées comme des mesures d'exécution, nullement comme des actes de réception.

161
L’arrêt de référence dans l’UE est : CJCE 1964, Costa c/ ENEL Rec., 1964, p. 1141 : « L'ordre juridique
communautaire constitue un ordre juridique propre, intégré au système juridique des Etats membres ».
162
L’arrêt de référence dans l’UE est : CJCE 5/02/1963, Van Gend en Loos, Rec. 1963, p.3. « Le droit
communautaire, indépendant de la législation des Etats membres, de même qu’il crée des charges dans le chef
des particuliers, est aussi destiné à engendrer des droits qui entrent dans leur patrimoine juridique ».
163
CJCE, 3 avril 1968, Firma Molkerei, Aff. 28/67, Rec. 1968, p. 211.
164
L’exclusivisme territorial est l'un des principes sous-jacents au principe de souveraineté. Il postule, sous
l'angle juridique, le fait qu'aucune norme extérieure ne peut trouver à s'appliquer sur le territoire d'un Etat sans
avoir fait l'objet d'une réception (qui s'analyse en une sorte d’exequatur).
165
G. ISAAC, Droit communautaire général, Paris, Masson, 1983, p. 151.
Cours de droit communautaire
68

b)- L’effet direct ou « invocabilité »

Pour l’illustrer, le juge Lecourt affirmait à propos des Communautés européennes : « Ou bien
la Communauté est, pour les particuliers, une séduisante mais lointaine abstraction intéressant
seulement les gouvernements qui leur appliquent discrétionnairement les règles ; ou bien elle
est pour eux une réalité effective et, par conséquent, créatrice de droits »166

L’effet direct, selon Jean BOULOUIS, est : « le droit pour toute personne de demander à son
juge de lui appliquer le droit communautaire ; et c’est concomitamment l’obligation pour le
juge de faire usage de ce droit quelle que soit la législation du pays dont il relève »167. Il est
défini par Sean-Van RAEPENBUSCH, comme « l’aptitude du droit communautaire à
compléter le patrimoine juridique des particuliers en leur reconnaissant des droits subjectifs
ou en mettant à leur charge des obligations tant dans leur rapport avec les autres particuliers
(effet direct horizontal) que dans les rapports avec l’Etat (effet direct vertical) »168.

L’effet direct ou « invocabilité » a donc trait à la capacité du droit communautaire à créer des
droits et des obligations au bénéfice ou à la charge des particuliers dont ceux-ci peuvent se
prévaloir, à toutes fins utiles, directement devant les autorités ou les juridictions nationales
sans recours préalable à une mesure nationale d’exécution, notamment pour en tirer des droits
ou pour faire annuler ou déclarer inapplicables des actes nationaux non conformes au droit
communautaire. L’effet direct implique, en plus de l’« immédiatisation » de la condition
juridique des ressortissants de l’Union, une obligation d’application intégrale et conduit à une
« communautarisation » des fonctions des juridictions nationales169. Il importe de préciser,
en référence à la jurisprudence de la CJCE, que la plupart des normes, pour avoir cette qualité,
doivent être claires, précises, complètes, juridiquement parfaites et inconditionnelles170. « Il
faut, en d’autres termes, que la norme soit juridiquement et matériellement achevée »171.Il en
résulte que c’est le caractère inconditionnel de l'acte qui fait qu'il se suffit à lui-même, sans
qu'aucun autre acte des institutions communautaires ou nationales ne soit nécessaire.

On distingue en la matière l’effet direct complet, intégral ou non restreint (effet direct
horizontal et vertical), et l’effet direct limité ou restreint (effet direct vertical seulement).172

166
Voir, R. LECOURT, L’Europe des juges, Bruxelles, 1976, p.248.
167
J.BOULOUIS, op. cit.
168
S. VAN RAEPENBUSCH, Droit institutionnel de l’Union européenne, Bruxelles, De Boeck, 1996
169
P. MEYER et L.M IBRIGA « La place du droit communautaire-UEMOA dans le droit interne des Etats »
RBD N°37, p. 39.
170
Cf. CJCE Molkerei, Aff. 28/67, Rec. 1968, p. 226; CJCE Van Duyn, Aff. 41/74, Rec. 1974, p. 1337.
171
P.M. DUPUY, Droit international, Dalloz, 3e éd., 1995, n° 408.
172
On parle d'effet direct vertical si la norme communautaire peut être invoquée dans un litige entre un individu
et un Etat membre, et d'effet direct horizontal si elle peut l'être dans un litige entre deux particuliers. L’effet
direct vertical est celui qui s’attache à toute norme assortie de l’effet direct en ce qu’elle confère directement et
verticalement des droits ou impose des obligations aux particuliers qui peuvent les invoquer à l’encontre de leur
Etat tenu de faire respecter la règle communautaire sur son territoire. Quant à l ‘effet direct horizontal, c’est celui
qui se produit entre particuliers horizontalement c’est à dire qu’une disposition assortie d’un tel effet peut être
invoquée par les particuliers dans leurs rapports interpersonnels.
Cours de droit communautaire
69

Par sa jurisprudence, la CJCE a délimité la portée pratique de l’effet direct attaché aux
différents types d’actes communautaires. Dans le principe, l’effet direct s’attache à toutes les
normes communautaires. Pour la CJCE, « … si, en vertu des dispositions de l’article (249),
les règlements sont directement applicables […], il n’en résulte pas que d’autres catégories
d’actes visés par cet article ne peuvent jamais produire des effets analogues »173. Partant de
là, elle a consacré le principe de l’invocabilité des directives, ce qui a conduit à une variation
dans l’intensité ou la portée pratique de l’effet direct en fonction des différentes catégories de
normes communautaires :

inconditionnel et non restreint pour les règlements, les décisions adressées aux particuliers et
les principes généraux du droit communautaire174 ;

conditionnel et non restreint pour les traités constitutifs et les accords internationaux signés
par la l’organisation175 ;

conditionnel et restreint pour les directives176 car les directives ne sont invocables que si le
délai imparti pour leur mise en œuvre est expiré sans mise en application correcte. En outre,
les directives sont uniquement et exclusivement invocables dans le cadre d’un litige vertical
(particulier/Etat) et non contre les particuliers (effet horizontal) à condition que leurs
dispositions soient inconditionnelles et précises177.

Dans le droit communautaire de l’UEMOA178, les règlements appartiennent à la catégorie


des normes d’effet direct inconditionnel et non restreint179. Pour les dispositions du droit

173
CJCE, 6 octobre 1970, Franz Grad, Aff. 9/70, p. 825.
174
Cela signifie que l’effet direct est automatique, c’est-à-dire qu’un particulier peut invoquer les actes et
principes communautaires tant à l’encontre de l’Etat (litige dit vertical) qu’à l’encontre d’un autre particulier
(litige dit horizontal). Cf. CJCE, 14 décembre 1971, Politi, Aff. 43/71, Rec. 1971, p. 1039.
175
Ces sources peuvent être invoquées dans n’importe quel type de litiges mais à certaines conditions. Cf. CJCE,
5 février 1963, Van Gend & Loos Aff. 26/62, Rec.1963, p. 9 ; CJCE, 1er juin 1974, Reyners, Aff. 2/74, Rec.
1974, p. 631).
176
Cf. CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn Aff. 41/74, Rec.1974, p. 1337.
177
Dans ce sens, la Cour de Justice des Communautés européennes affirme dans de nombreuses décisions que :
« Dans tous les cas où les dispositions d’une directive apparaissent comme étant, du point de vue de leur
contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, ces dispositions peuvent être invoquées à défaut de mesures
d’application prises dans les délais, à l’encontre de toute disposition nationale non conforme à la directive, ou
encore en tant qu’elles sont de nature à définir des droits que les particuliers sont en mesure de faire valoir à
l’encontre de l’Etat » (CJCE, 19 janvier 1982, Becker, Aff. 8/81, Rec. 82, 53 (71) ; CJCE, 25 janvier 1983, Smit,
Aff.126/82, Rec. 83, 73 (88) ; CJCE, 20 septembre 1988, Beentjes, Aff.31/87, Rec. 88, 4635 (4662).
178
Ces déductions faites sur la base du droit communautaire européen le sont du fait de la similitude dans la
rédaction des dispositions concernant ces actes dans le Traité UEMOA et celui des Communautés européennes.
En outre le juge communautaire UEMOA ne se prive pas de se référer à la jurisprudence de la Cour de Justice de
Luxembourg pour motiver ses arrêts. Cf. Arrêt n°01/2008 du 30 avril 2008 dans l’Affaire YAÏ : « "Les deux
arrêts précités ont donné entièrement satisfaction au requérant qui peut en tirer toutes les conséquences de droit
surtout qu’il est de jurisprudence constante que la cour n’est pas obligée de déclarer recevable un recours
lorsque, par une décision antérieure, elle donne entière satisfaction au requérant sur le point de droit invoqué
« le recours en annulation contre une décision d’une institution communautaire n’est pas recevable, dès lors
qu’une décision antérieure avait donné satisfaction au requérant" (CJCE arrêt du 13 décembre 1984, affaire
Méyer épouse HANSER contre Comité Economique et Social) ».
Cours de droit communautaire
70

primaire et des accords internationaux, leur invocabilité exige qu’elles remplissent les qualités
d’une règle claire, précise, complète, juridiquement parfaite et inconditionnelle.

Concernant les directives, il faut relever que, par essence, elles ne peuvent être d’effet direct
compte tenu du fait qu’elles nécessitent des mesures interne de transposition. Cette
caractéristique a conduit pendant longtemps la doctrine, en droit communautaire européen, à
lui dénier tout effet direct180 Cependant la CJCE a, sur la base du principe de l’effet utile181
et du défaut d’exécution de la directive182, reconnu l’invocabilité des directives. Il ne peut
s'agir, en l’espèce, que d'un effet direct vertical, de surcroît ascendant183 puisque les
directives s'adressent aux Etats, non aux individus.

L’invocabilité des décisions conduit à envisager deux situations. Celle où la décision est
adressée à des particuliers : dans ce cas de figure la décision, par définition, produit un effet
direct sur la situation juridique de ces particuliers. La seconde situation est celle où la décision
est adressée aux Etats. Dans cette espèce, l’effet direct est conditionné par le caractère précis
clair et inconditionnel des dispositions concernées184

L’applicabilité directe ainsi constatée et affirmée serait sans portée si elle n’était couplée à la
suprématie de l’ordre juridique communautaire.

Si le droit UEMOA est d’applicabilité immédiate et d’effet direct, peut-on en dire


autant pour celui de la CEDEAO ? Les actes des Institutions de la CEDEAO ont-ils un effet
immédiat ? Les particuliers (les citoyens de la CEDEAO) peuvent-ils réclamer devant les
juridictions des Etats membres des droits sur la base des textes adoptés au plan
communautaire ? Peuvent-ils attaquer des actes nationaux des Etats en alléguant leur
contrariété au droit CEDEAO ?

La réponse aurait été négative il y a quelques années tant le caractère interétatique du droit de
la CEDEAO était patent. Si l’existence d’un Journal Officiel de la Communauté pouvait
laisser supposer l’existence de l’applicabilité immédiate, l’effet direct paraissait bien écarté au
regard des dispositions du Traité originel comme du Traité révisé de 1993. En effet, l’article 9

L’effet direct est expressément affirmé. Cf. Articles 9.5 du Traité CEDEAO, 43 du Traité UEMOA, 10 Traité
179

OHADA
180
La majorité de la doctrine a pendant longtemps jugé que les directives ne pouvaient pas être d’effet direct
pour trois raisons :
- l’article 249 du traité d’Amsterdam ne le précise pas comme il le fait pour le règlement ;
- les directives ont pour destinataire les Etats membres et non leurs ressortissants ;
- par définition, la directive n’est pas une norme complète puisqu’elle doit être transposée par les
Etats.
181
CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn, Aff. 41/74, Rec 1974, p.1337
182
CJCE, 6 mai 1980, Commission c/ Belgique, Aff. 102/79, Rec, p..1473. le défaut d’exécution peut résulter de
l’absence de transposition dans les délais impartis ou d’une transposition incorrecte.
183
Il ne peut y avoir d’effet direct vertical descendant puisque l’Etat à qui incombe le défaut d’exécution, ne peut
invoquer la directive contre les particuliers
184
CJCE, 6 octobre 1970, Franz Grad, Aff. 9/70, Rec, p.825 ; CJCE, 8 mars 1979, Salumificio di Comuuda, Aff.
130/78, Rec, p.867 ; CJCE, 12 décembre 1990, Kaeffer et Procacci c/ Etat français, Aff. C-100 et 101/89, Rec,
p.I-4647.
Cours de droit communautaire
71

§.4 du Traité révisé prévoyait que les décisions de la Conférence n’ont de force obligatoire
qu’à l’égard des Etats membres et des Institutions de la Communauté et l’article 12 §.3
disposait que « les règlements du Conseil n’ont, de plein droit, force obligatoire qu’à l’égard
des Institutions ». Les seuls destinataires du droit CEDEAO, à l’époque, étaient donc les Etats
membres et les institutions communautaires, à l’exclusion des particuliers.

Depuis l’adoption des protocoles additionnels A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005185 et


A/SP.1/06/06 du 14 juin 2006186 , les choses ont radicalement changé. Avec la nouvelle
nomenclature des actes du droit CEDEAO similaire à celle de l’UEMOA et l’ouverture de la
saisine de la Cour de Justice aux particuliers, ces interrogations n’ont plus qu’un intérêt
historique. On peut affirmer, sans risque de se tromper, que les normes CEDEAO sont
aujourd’hui, à l’image de celles de l’UEMOA, d’applicabilité immédiate et d’effet direct.
Cette évolution en ce qui concerne l’effectivité du principe d’intégration n’est pas repérable
pour ce qui est du principe de primauté.

2)- LE PRINCIPE DE PRIMAUTE

La primauté, c’est l’affirmation de la précellence, de la prééminence du droit communautaire


sur les droits nationaux. La primauté est une exigence fondamentale dans un ordre
d’intégration. Sans elle « l’ordre juridique communautaire risquerait de se décomposer en
série d’ordres partiels, autonomes et divergents »187. La mise en œuvre de cette conception
aboutit à une solution non équivoque : le droit de l’Union prime le droit interne des Etats
membres. Il ne pouvait en être autrement car le postulat de la primauté du droit
communautaire répond à des impératifs d’unité, d’uniformité et d’efficacité188. Quel est son
fondement ? (1) Quelles sont sa portée et ses conséquences ? (2).

a)- Le fondement de la primauté

Contrairement à son origine prétorienne dans l’Union Européenne, la primauté, dans le droit
de l’intégration en Afrique de l’Ouest trouve sa consécration dans les traités constitutifs des
organisations d’intégration, notamment l’UEMOA et l’OHADA. Dans l’UEMOA
l’affirmation est faite à l’article 6 du traité tandis que dans l’OHADA elle est consignée à
l’article 10. Dans les deux traités la primauté est proclamée à travers l’expression suivante :
« nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure ». Cette
formule consacre la primauté comme un élément essentiel de l’efficacité du droit
communautaire dans les ordres juridiques nationaux.

185
Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005 portant amendement du Protocole A/P/17/91 relatif a
la Cour de justice de la Communauté.
186
Protocole additionnel A/SP.1/06/06 du 14 juin 2006 portant amendement du Traite révisé de la CEDEAO.
187
M. DEHOUSSE cité par L. CARTOU in Communautés Européennes, 1Oème édition, Paris, Dalloz, 1991,
p.124.
188
R. KOVAR, “ Les rapports entre le droit communautaire et les droits nationaux ” in Trente ans de droit
communautaire, Bruxelles, Commission Européenne, Coll. Perspectives européennes, 1981, p.118.

Cours de droit communautaire


72

Dans le droit CEDEAO et malgré l’amendement du Traité révisé, la CEDEAO ne peut


malheureusement se prévaloir ni de disposition expresse de son Traité, ni d’une jurisprudence
communautaire, ni de jurisprudence nationale affirmant le principe de primauté189.
Cependant, avec la signature du Protocole A/SP1/06/06 de 2006, l’on peut présumer une
réelle volonté des Etats membres d’adjoindre au droit CEDEAO un caractère de primauté.
Quelques éléments décelés ça et là permettent de soutenir cette affirmation. L’article 4 (i)
prévoit, en effet, que les Hautes parties contractantes affirment et déclarent solennellement
leur adhésion au principe de « reconnaissance et de respect des règles et principes juridiques
de la Communauté ». L’article 5 §.3 dispose pour sa part que « chaque Etat Membre s’engage
à honorer ses obligations aux termes du présent Traité et à respecter les décisions et les
règlements de la Communauté ». Cela suppose que les Etats doivent prendre les dispositions
pour rendre inapplicables leurs législations nationales contraires au droit communautaire. De
même, aux termes de l’article 76 §.2, la décision de la Cour de Justice de la Communauté est
exécutoire et sans appel. De ce fait, cette décision s’impose aux Etats membres, aux
Institutions ainsi qu’aux personnes physiques et morales de la Communauté.

Toujours est-il que ce caractère, essentiel pour l’institution effective de la supranationalité


devrait être garanti par la Cour de Justice de la Communauté. Eu égard aux incertitudes que
présente le texte du Traité, elle seule peut, par sa jurisprudence, donner plein effet à la
primauté du droit communautaire CEDEAO sur les droits nationaux.

b)- La portée et les conséquences

L’affirmation de la primauté du droit communautaire signifie qu’en présence d’une


contrariété entre le droit communautaire et une règle constitutionnelle, légale, réglementaire
ou administrative de son propre droit, le juge national doit faire prévaloir le droit
communautaire sur le droit national, en appliquant le premier et en écartant le second. Cette
caractéristique vaut pour l’ensemble des règles obligatoires du droit communautaire sur les
règles du droit interne.

C’est d’ailleurs l’avis de la Cour de Justice de l’UEMOA dans son avis n° 001/2003 du 18
mars 2003 dans lequel il affirme : « La primauté bénéficie à toutes les normes
communautaires, primaires comme dérivées, immédiatement applicables ou non, et s’exerce à
l’encontre de toutes les normes nationales administratives, législatives, juridictionnelles et,
même, constitutionnelles parce que l’ordre juridique communautaire l’emporte dans son
intégralité sur les ordres juridiques nationaux.

Les Etats ont le devoir de veiller à ce qu’une norme de droit national incompatible avec une
norme de droit communautaire qui répond aux engagements qu’ils ont pris, ne puisse pas être
valablement opposée à celle-ci. Cette obligation est le corollaire de la supériorité de la norme
communautaire sur la norme interne.

Ainsi, le juge national, en présence d’une contrariété entre le droit communautaire et une
règle de droit interne, devra faire prévaloir le premier sur la seconde en appliquant l’un et en
écartant l’autre ».

189
A notre connaissance, aucune juridiction nationale n’a eu à affirmer le principe de primauté.
Cours de droit communautaire
73

Cette affirmation jurisprudentielle doublée de l’affirmation formelle inscrite dans les articles
6190 du Traité de Dakar confirme l’adoption du postulat moniste pour résoudre le problème
de l’intégration du droit communautaire dans les ordres juridiques nationaux. La solution non
équivoque : le droit d’essence communautaire prime le droit interne des Etats membres. Le
principe de primauté devient ainsi une composante essentielle de l’ordre public
communautaire, principe devant assurer, dans chacune des deux organisations, la cohérence
comme la cohésion de l’ordre juridique. Il ne pouvait en être autrement car le postulat de la
primauté du droit communautaire répond à des impératifs d’unité, d’uniformité et
d’efficacité191.

Section II : LA JUSTICE COMMUNAUTAIRE

Cette tendance à la juridictionnalisation, expression d’une volonté de juridisation des


processus d’intégration, est manifeste dans les schémas d’intégration de l’UEMOA, de
l’OHADA et de la CEMAC. La Cour de justice de l’UEMOA, la Cour commune de justice et
d’arbitrage de l’OHADA, la Cour de justice de la CEMAC et tout récemment la Cour de
justice de la CEDEAO, par leurs structures et surtout leurs compétences sont de véritables
juridictions d’intégration sans précédent en Afrique192. Par la centralisation de
l’interprétation du droit et l’institution d’un contrôle de légalité de l’activité exécutive et
normative des organes statutaires les concepteurs de cette nouvelle génération d’organisations
d’intégration ont entendu soumettre ces dernières à un contrôle juridictionnel étroit. En
substituant au mode diplomatique de règlement des différends un mode juridictionnel, ces
organisations s’inscrivent dans une dynamique de juridisation des rapports sociaux par la
construction d’un espace de paix dans lequel les litiges seront désormais réglés par l’appel à la
règle de droit. La juridictionnalisation ainsi amorcée, apparaît comme annonciatrice d’une
nouvelle ère dans la construction de l’intégration économique et juridique en Afrique. De ce
point de vue, les nouvelles constructions apparaissent, chacune, comme des « une
communauté de droit »193 en perspective. Une communauté de droit au sens objectif parce
qu’elles entendent faire en sorte que sur le territoire de chacune d’elle « une même règle, un
même juge et une même autorité s’attachent aux décisions et aux arrêts rendus par la
juridiction communautaire »194. L’enjeu est de taille, car il s’inscrit dans le cadre de la
difficile constructif de véritables Etats de droit en Afrique. Il revient ainsi d’examiner
l’organisation de la justice communautaire (§1) et son fonctionnement (§2).

190
« Les actes arrêtés par les organes de l’Union pour la réalisation des objectifs du présent Traité et
conformément aux règles de procédure instituées par celui-ci, sont appliqués dans chaque Etat membre
nonobstant toute législation nationale contraire antérieure ou postérieure ».
191
R. KOVAR, « Les rapports entre le droit communautaire et les droits nationaux » in Trente ans de droit
communautaire, Bruxelles, Commission européenne, Coll. Perspectives européennes, 1981, p.118.
192
Elles se distinguent nettement des systèmes d’administration de la justice mis en place dans les expériences
antérieures qui, fondés sur les principes de la justice internationale - caractères facultatif et exclusivement inter-
étatique - ont conduit à une sclérose du droit communautaire.
193
V. CONSTANTINESCO, “ La Communauté Européenne ”, communication publiée dans les actes du
Colloque international de Strasbourg (19 et 20 Octobre 1989) sur le thème “ Francophonie et coopération
communautaire : les communautés, nouveaux instruments de la coopération internationale ”, sous la direction de
G. CONAC et al, p.129.
194
V. CONSTANTINESCO, Ibid.
Cours de droit communautaire
74

§1 : L’organisation de la justice communautaire

Instituée par l’article 38 alinéa 1 du Traité, la Cour de Justice de l’UEMOA est organisée par
la Protocole additionnel n°1 et l’Acte n°10/96 du 10 mai 1996 portant statut de la Cour de
justice de l’UEMOA qui lui confère le statut d’une juridiction permanente195 dont la
composition assure la présence d’un national de chaque Etat membre. Les juges, désignés par
la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement « parmi des personnalités offrant toutes
les garanties d’indépendance et de compétence juridique, nécessaires à l’exercice des plus
hautes fonctions juridictionnelles », le sont pour un mandat de six ans renouvelables196. Leur
statut vise à conforter cette indépendance (prestation de serment, octroi de privilèges et
immunités, secret des délibérations, interdiction de tout cumul avec des fonctions politique,
administrative ou juridictionnelle). Le président de la Cour de Justice est désigné par ses pairs
pour un mandat de trois ans.

Selon l’article 1er du Protocole additionnel n°1, « la Cour de Justice veille au respect du droit
quant à l’interprétation et à l’application ». Dans le cadre de cette mission, elle assume deux
fonctions essentielles : l’une contentieuse (§.1), l’autre consultative (§.2).

§.1- La fonction contentieuse

Dans sa fonction contentieuse, la Cour est, à titre principal, en charge du « contentieux de la


déclaration »197, du contentieux de l’annulation et du « contentieux de l’éviction »198.

Le « contentieux de la déclaration » qu’elle a à connaître comprend deux branches. La


première est constituée, selon l’article 5 du Protocole additionnel n°1, par le recours en
manquement des Etats uniquement ouvert aux Etats membres et à la Commission. La seconde
est représentée par le renvoi préjudiciel en interprétation qui ne peut être déclenchée que par
une juridiction nationale ou une autorité à fonction juridictionnelle199.

Le contentieux de l’annulation repose sur l’aménagement d’un recours objectif en annulation


des actes du Conseil et de la Commission dans le délai de deux mois ; ce recours est ouvert
aux particuliers200.

Quant au « contentieux de l’éviction », il se développe dans deux directions avec :

la possibilité de soulever, lors d’un litige, l’exception d’illégalité201 ;

l’existence d’un recours préjudiciel en appréciation de la validité d’un acte émanant des
instances de l’Union202.

195
Article 10 de l’Acte additionnel n°10/96 portant Statuts de la Cour de Justice.
196
Article 2 du Protocole additionnel n°1.
197
Ce type de contentieux aboutit à la constatation d’une situation ou à l’interprétation d’une norme non assortie
de sanction.
198
Ce type de contentieux aboutit à écarter l’application d’une norme, nullement son annulation.
199
Article 12 du Protocole additionnel n°1 27 al.1 er et de l’Acte additionnel n°10/96.
200
Article 8 al.2 du Protocole additionnel n°1 et 27 al.1 er de l’Acte additionnel n°10/96.
201
Article 11 du Protocole additionnel n°1.
Cours de droit communautaire
75

A titre accessoire, la Cour de Justice est compétente pour connaître, dans le cadre du
contentieux de pleine juridiction, des litiges relatifs à la réparation des dommages causés par
les organes de l’Union ou par les agents de celle-ci dans l’exercice de leurs fonctions203,
ceux opposant l’Union à ses agents204 et les différends entre Etats membres relatifs au Traité
de l’Union205.

§.2- La fonction consultative

A cette fonction contentieuse très diversifiée s’ajoute une fonction consultative. La Cour peut
non seulement être amenée, à la demande du Conseil, de la Commission ou d’un Etat
membre, à opérer un contrôle préventif de conventionalité d’un acte communautaire ou
international, mais aussi à jouer un rôle de jurisconsulte puisque investie d’une compétence
d’avis et de recommandation206.

Par sa structure et surtout ses compétences, la Cour de Justice de l’UEMOA se révèle une
juridiction d’intégration sans précédent en Afrique de l’Ouest. Par la centralisation de
l’interprétation du droit et l’institution d’un contrôle de légalité de l’activité exécutive et
normative de l’Union, les concepteurs de l’UEMOA ont entendu soumettre cette dernière à un
contrôle juridictionnel étroit.

SECTION II : LA COUR DE JUSTICE DE LA CEDEAO

Aux termes de l’article 3 du Protocole d’Abuja, la Cour justice de la CEDEAO est composée
de sept (7) juges indépendants, choisis parmi les personnes de haute valeur morale,
ressortissants des Etats membres, possédant les qualifications requises dans leurs pays
respectifs pour occuper les plus hautes fonctions juridictionnelles, ou qui sont des
jurisconsultes de compétence notoire en matière de droit international et dont l’âge varie entre
40 et 60 ans. Ils sont nommés pour un mandat de 5 ans renouvelable une seule fois par la
Conférence, sur proposition du Conseil des Ministres207.

Dans le Protocole originel relatif à la Cour de justice tout comme dans le Protocole A/P/17/91
signé le 6 juillet 1991 à Abuja et portant amendement du protocole originel, la Cour de Justice
de la CEDEAO avait été pensée comme une juridiction internationale dont le prétoire était
ouvert aux seuls Etats. Ce faisant les particuliers ne pouvait accéder à la Cour que par le biais
de son Etat d'origine208. Mais depuis l’adoption du protocole A/SP.1/01/05 signé le 19
janvier 2005 à Accra et portant amendement du protocole A/P/17/91 relatif à la Cour de
justice, on est passée d’une saisine fermée à une saisine ouverte aux particuliers
communautaires. La Cour de justice de la CEDEAO est devenue une véritable juridiction
communautaire que les particuliers peuvent saisir sans intermédiaire en matière

202
Article 12 al.1er du Protocole additionnel n°1.
203
Article 15 du Protocole additionnel n°1 et 27 al.1er de l’Acte additionnel n°10/96.
204
Article 16 du Protocole additionnel n°1 et 27 al.1 er de l’Acte additionnel n°10/96.
205
Article 17 du Protocole additionnel n°1 et 27 al.1 er de l’Acte additionnel n°10/96
206
Article 27 al. 2 et 3 de l’Acte additionnel n°10/96
207
Article 4 du protocole d’Abuja de 1991.
208
Article 9 §.2 et 3 du Protocole A/P/17/91
Cours de droit communautaire
76

d’appréciation de la légalité des actes communautaire et de droits de l’homme. Elle a des


compétences en matière contentieuse et consultative.

§.1- La fonction contentieuse

Dans sa fonction contentieuse, la Cour est en charge de plusieurs contentieux : le


« contentieux de la déclaration », le contentieux de l’annulation, le contentieux de pleine
juridiction et le contentieux relatif aux droits de l’Homme209.

Le « contentieux de la déclaration » qu’elle peut connaître comprend non seulement le recours


en manquement des Etats210 ouvert aux Etats membres et à la Commission211 et le renvoi
préjudiciel en interprétation qui peut être déclenchée par une juridiction nationale de sa propre
initiative ou à la demande d’une des parties au différend212

Le contentieux de l’annulation concerne le recours objectif en appréciation de la légalité213 :

d’une action par rapport aux textes de la Communauté, ouvert aux Etats membres, au Conseil
des ministres et à la Commission214 ;

contre tout acte de la Communauté faisant grief, ouvert à toute personne physique ou
morale215. Le recours en appréciation de légalité n'est d’ailleurs pas enfermé dans des délais
comme c'est le cas dans le cadre de l'Union Européenne ou celui de l'UEMOA.

Le contentieux de pleine juridiction relatif à la réparation des dommages causés par les
organes de l’Union ou par les agents de celle-ci dans l’exercice de leurs fonctions216 et aux
litiges opposant la CEDEAO à ses agents217 mais après épuisement des voies de recours
interne218.

209
Le « contentieux de l’éviction » – exception d’illégalité et recours préjudiciel en appréciation de la légalité –
ne n’est pas expressément prévu par le Protocole A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005.
210
Article 9 §.1 d du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005
211
Article 10.a du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005.
212
«f) les juridictions nationales ou les parties concernées, lorsque la Cour doit statuer à titre préjudiciel sur
l’interprétation du Traité, des Protocoles et Règlements ; les juridictions nationales peuvent décider d’elles-
mêmes, ou à la demande d’une partie au différend de porter la question devant la Cour de Justice de la
Communauté pour interprétation ». Contrairement à la situation en vigueur dans l’UEMOA où le juge a un
pouvoir discrétionnaire dans le déclenchement de la procédure préjudicielle, dans la CEDEAO, référence faite à
l’article 10.f du Protocole A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005, le juge national se trouve en situation de
compétence liée. Une différence qui risque d’être source de problèmes.
213
Article 9 §.1.c du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005.
214
Article 10.b du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005.
215
Article 10.c. du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005 : « toute personne physique ou
morale pour les recours en appréciation de la légalité contre tout acte de la Communauté lui faisant grief ».
216
Articles 9 §.1.g et 9 §.2 du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005.
217
Article 9 §.1.f du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005.
218
Article 10.e du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005.
Cours de droit communautaire
77

Quant aux contentieux des droits de l’homme, il échoit à la Cour conformément aux
dispositions de l’article 9 §.4 du Protocole A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005 en ces termes :
« La Cour est compétente pour connaître des cas de violation des droits de l’Homme dans tout
Etat membre ». Cette compétence est étendue puisque selon l’article article 10.d : « toute
personne victime de violations des droits de l'homme ; la demande soumise à cet effet :

i) ne sera pas anonyme;

ii) ne sera pas portée devant la Cour de Justice de la Communauté lorsqu'elle a déjà été portée
devant une autre Cour internationale compétente ».

Le texte ne pose pas la condition d’usage de l’épuisement des voies de recours interne.

Désormais l'individu ouest africain peut contester devant la Cour de justice de la


Communauté tout acte de la Communauté, entendu au sens large, c'est-à-dire englobant à la
fois les Etats membres, et les institutions de la CEDEAO, qui porte atteinte à ses intérêts ou
qui lui fait grief. Il en est de même dans les cas de violation des droits de l'Homme. La seule
limitation à ce droit d'accès garanti par le Protocole additionnel A/SP.1/01/05 est l’absence de
moyens du requérant.

§.2- La fonction consultative

La Cour émet des avis juridiques sur des questions qui requièrent l’interprétation des
dispositions du traité sur saisine de la Conférence es chefs d’Etat et de Gouvernement, du
Conseil des ministres, de tout Etat membre, de la Commission et de toute autre institution de
la Communauté. En cas de difficulté sur le sens et la portée d’une décision ou d’un avis
consultatif de la Cour de justice, il appartient à cette dernière de l’interpréter219.

219
Article 23 du Protocole d’Abudja de 1991.
Cours de droit communautaire
78

DEUXIEME PARTIE :

LES SCHEMAS MATERIELS DES PROCESSUS D’INTEGRATION

Cours de droit communautaire


79

Le schéma matériel ou, en d’autres termes, le droit matériel des deux organisations
d’intégration régionale d’Afrique de l’Ouest que sont la CEDEAO et l’UEMOA, à l’image de
celui des organisations d’intégration régionale des autres sous régions africaines et continents,
découle des objectifs poursuivis par ces différentes organisations, tels qu’exposés à la fin du
chapitre préliminaire du présent précis. En effet, ces organisations poursuivent des objectifs
avant tout économiques. A l’opposé des organisations à vocation politique, ces deux schémas
d’intégration visent la réalisation des quatre libertés communautaires fondamentales (libertés
de circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux). Cependant, l’évolution
du processus d’intégration régionale ne peut pas faire l’impasse sur les problèmes politiques ;
certains auteurs concluent d’ailleurs à une politisation de l’intégration régionale220 qui
semble plus marquée au niveau de la CEDEAO que de l’UEMOA. Pour comprendre les
dynamiques du droit matériel de ces organisations, il convient donc de les analyser
séparément. Ainsi, après avoir examiné le droit matériel de la CEDEAO (Titre 1), nous
exposerons celui de l’UEMOA (Titre 2).

TITRE I : Le droit matériel de la CEDEAO

Le marché commun est le stade de l’intégration économique qui se caractérise par la


réalisation des quatre libertés que sont la libre circulation des biens (ou des marchandises),
des personnes, des services et des capitaux, auxquelles viennent s’ajouter une politique
d’harmonisation des législations et de libre concurrence. Généralement, la mise en place du
marché commun débute d’abord par la réalisation de la libre circulation et se poursuit par la
mise en œuvre de mesures complémentaires à l’existence du marché commun. La liberté de
circulation qui constitue la composante essentielle du marché commun comprend non
seulement la liberté de circulation des biens dans le cadre d’une union douanière, mais
également la liberté de circulation des facteurs de production que sont les personnes et les
capitaux. Ainsi, dans la CEDEAO, la libre circulation implique aussi bien la libre circurlation
des biens (Chapitre I) que la libéralisation des facteurs de production (Chapitre II).

CHAPITRE I : LA LIBRE CIRCULATION DES BIENS

La libre circulation des marchandises est le plus souvent recherchée à travers la création d’une
union douanière entre les Etats parties qui se traduit par l’instauration d’une zone de libre-
échange à l’intérieur de l’espace communautaire dans lequel les biens ont vocation à circuler
librement et par la mise en place d’un cordon douanier commun vis-à-vis du reste du monde.
C’est le cas au niveau de la CEDEAO dans lequel le schéma d’intégration adopté implique le
libre échange intérieur (section I) et la différenciation de l’espace communautaire par rapport
aux autres espaces section II).

section 1 : Le libre échange intérieur

le libre échange intérieur caractérise par la suppression progressive des barrières tarifaires et
non tarifaires a l’intérieur de l’espace communautaire se traduit dans le cas d’espèce de la
CEDEAO par la libre circulation des produits du cru et de l’artisanat traditionnel (A) et la
libre circulation des produits industriels originaires de la communauté (B).

220
Voir A. SALL, Les mutations de l’intégration des Etats en Afrique de l’ouest. Une approche institutionnelle,
Paris, l’Harmattan, 2006, 196 p.
Cours de droit communautaire
80

§.1- La libre circulation des produits du cru et de l’artisanat traditionnel

« Les produits du cru » sont ceux du règne animal, végétal ou minéral n’ayant subi aucune
transformation à caractère industriel. « Les produits de l’artisanat traditionnel » sont des
articles faits à la main, avec ou sans l’aide d’outils, d’instruments ou de dispositifs actionnés
directement par l’artisan221. En ce qui concerne ces produits, l’article 36 paragraphe 2 du
Traité révisé de 1993 dispose que « Les produits du cru et de l’artisanat traditionnel
originaires des Etats membres de la Communauté ne sont soumis à aucun droit à l’importation
et à aucune restriction quantitative au sein de la région. L’importation de ces produits à
l’intérieur de la Communauté ne fait pas l’objet d’une compensation pour perte de recettes ».
Cette disposition ne fait que reprendre les acquis de la CEDEAO222. En effet, la
libéralisation de ces deux catégories de produits a été réalisée au lendemain de la création de
la Communauté.

Ce régime totalement libéral pour les produits du cru et de l’artisanat traditionnel et


l’empressement avec lequel les Etats membres l’ont adopté pourraient s’expliquer par le fait
que leur libéralisation n’entraîne pas de déséquilibres macro-économiques majeurs sur les
économies des Etats membres. Qui plus est, les échanges de ces produits relèvent beaucoup
plus de l’informel que des entreprises structurées. Les produits industriels originaires de la
Communauté ne jouissent pas, par contre, d’un régime aussi libéralisé.

§.2- La libre circulation des produits industriels originaires de la communaute

A)- LA NOTION DE PRODUIT ORIGINAIRE

Beaucoup de textes sont consacrés à la définition de la notion de produits industriels


originaires de la CEDEAO223. En l’état actuel du droit positif CEDEAO, les produits
originaires de la Communauté sont : - des marchandises entièrement obtenues dans un pays
membre (les matières premières tout comme tout le processus de fabrication émanent d’un

221
Voir nouvel article 2 §3 du Protocole A//SP. 4/5/81 du 29 mai 1981 modifiant l’article 2 du protocole relatif à
la définition de la notion de produits originaires des Etats membres de la CEDEAO, J.O., vol. 3, Rec.PCD, p.75.
222
En effet les décisions C/DEC./8/11/79 du 26 novembre 1979 du conseil des ministres et A/DEC.1/5/81 du 29
mai 1981 de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement organisaient respectivement la libéralisation des
produits du cru et de l’artisanat traditionnel. Aux termes de ces deux textes, ces deux catégories de produits, dont
la liste est annexée à chacune des décisions, circulent librement c’est-à-dire en franchise des droits de douane et
taxe d’effet équivalent. En outre, ces textes prohibent les restrictions quantitatives et les contraintes
administratives. Les pertes de recettes du fait de leurs importations ne donnent pas droit à des compensations
(contrairement à ce qui se passe au niveau de la libéralisation des produits industriels originaires). Pour
bénéficier d’un tel régime, ces produits doivent être simplement accompagnés d’un certificat d’origine.
Il s’agit du protocole du 5 novembre 1976 relatif à la définition de la notion de produits originaires des Etats
223

membres de la CEDEAO et ses différents protocoles additionnels modificatifs :


- protocole A/SP.1/5/79 du 29 mai 1979 portant amendement du texte français du protocole relatif à la définition
de la notion de produits originaires des Etats membres J.O. vol.1, Rec. PCD, p.70 ;
- protocole A/SP.2/5/79 du 29 mai 1979 portant amendement du protocole relatif à la définition de la notion de
produits originaires des Etats membres, idem, p.71 ;
- protocole A/SP.3/5/80 du 28 mai 1980 portant modification de l’article 8 du texte français du protocole relatif à
la définition de la notion de produits originaires des Etats membres, J.O. vol.2, Rec. PCD, p.73 ;
- protocole A/SP.4/5/81du 29 mai 1981 modifiant l’article 2 du protocole relatif à la définition de la notion de
produits originaires des Etats membres, J.O. vol.3, Rec. PCD, p.75.
Cours de droit communautaire
81

Etat membre) ; - des marchandises obtenues à partir des matières premières d’origine
communautaire dont la valeur est égale ou supérieure à quarante pour cent du coût total des
matières premières mises en œuvre ou dont la quantité est égale ou supérieure à soixante pour
cent de l’ensemble des matières premières utilisées ; - des marchandises obtenues à partir des
matières premières d’origine étrangère ou indéterminée dont la valeur CAF ne dépasse pas
soixante pour cent du coût total des matières premières utilisées ; - des marchandises obtenues
à partir de matières premières d’origine étrangère ou indéterminée ayant reçu, dans le
processus de fabrication, une valeur ajoutée d’au moins trente cinq pour cent du prix de
revient ex-usine hors taxe du produit fini.

La condition qui exigeait que les ressortissants des Etats membres aient une participation d’au
moins vingt cinq pour cent dans le capital social des entreprises produisant ces marchandises
a été supprimée224. Cette suppression s’explique, sans doute, par le souci d’attirer les
investissements étrangers indispensables au développement de la Communauté.

B) LE SCHEMA DE LIBERALISATION

Le schéma de libéralisation de cette catégorie de produits a également commencé au


lendemain de la création de la CEDEAO mais seulement par une clause de standstill. La
décision A/DEC.8/5/79 du 29 mai 1979 prévoyait, en effet, une consolidation des droits de
douane et taxes d’effet équivalent pendant une période de deux ans à compter du 29 mai 1979.
Cela signifie que, pendant cette période, un Etat membre n’était pas tenu de réduire ou de
supprimer les droits à l’importation ; toutefois, il ne pouvait créer de nouveaux droits ou
taxes, ni augmenter ceux qui existaient déjà. Cette clause de consolidation était d’ailleurs
prévue par le Traité de 1975 lui-même225.

A l’expiration de cette période de consolidation, soit en 1981, devait commencer une


libéralisation progressive des échanges commerciaux jusqu’à l’élimination totale des droits de
douane et taxes d’effet équivalent au bout de quinze ans226. Théoriquement, l’union
douanière devait être réalisée en 1996. Cependant, les taux précis du désarmement douanier
n’ont été déterminés qu’en 1983 par la décision A/DEC.1/5/83 du 30 mai 1983 relative à
l’adoption et à la mise en application d’un schéma unique de libéralisation des échanges des
produits industriels originaires des Etats membres de la Communauté. L’article 4 de cette
décision répartissait les Etats membres en trois groupes et leur appliquait des taux de
réduction différents. L’objectif recherché ici est de placer les Etats les moins développés de la
Communauté dans une situation tarifaire plus favorable pour une période temporaire. Cela
dénote du souci de promouvoir la solidarité entre Etats membres et de réduire les disparités
de développement au sein de la Communauté. Il convient de mentionner, en outre, que les
produits ont été classés en « produits prioritaires » et en « produits non prioritaires » par la
Décision C/DEC.3 /5/82 du 26 mai 1982, les produits prioritaires devant faire l’objet d’une
libéralisation plus rapide. Le tableau du désarmement douanier qui en découlait s’établissait
comme suit :

224
Voir décision A/DEC. 4/7/96 du 27 juillet 1996 portant suppression du critère relatif au niveau de
participation des nationaux au capital social des entreprises désireuses de bénéficier des avantages du schéma de
libéralisation des échanges.
225
Article 13 § 2 dudit Traité.
226
Article 12 et 13 § 1 du Traité de 1975
Cours de droit communautaire
82

P1 P2

Groupes de pays Produits industriels Produits industriels non-


prioritaires prioritaires

G1 Cap-Vert, Gambie, 8 ans sur la base de 12,5% de 10 ans sur la base de 10% de
Guinée-Bissau, Mali, Burkina réduction par an réduction par an
Faso, Mauritanie, Niger

G2 Bénin, Guinée, Liberia, 6 ans sur la base de 16,66% 8 ans sur la base de 12,5% de
Sierra Leone, Togo de réduction par an réduction par an

G3 Côte d’Ivoire, Ghana, 4 ans sur la base de 25% de 6 ans sur la base de 16,66%
Nigeria, Sénégal réduction par an de réduction par an

Aux termes de l’article 9 de cette décision, le schéma de libéralisation devait commencer le


28 mai 1983. Si les échéances avaient été respectées, les produits industriels originaires de la
CEDEAO devaient circuler librement, c’est-à-dire en franchise des droits de douane et taxes
d’effet équivalent, pour les produits jugés prioritaires, à compter du 28 mai 1987 pour les pays
du groupe 3 ; 28 mai 1989 pour les pays du groupe 2 ; 28 mai 1991 pour les pays du groupe1 ;
Pour les produits jugés non prioritaires ; 28 mai 1989 pour les pays du groupe 3 ; 28 mai 1991
pour les pays du groupe 2 ; 28 mai 1993 pour les pays du groupe 1.

Si ce schéma avait été respecté, la CEDEAO devait réaliser l’union douanière ou, du moins,
une zone de libre échange, au plus tard en 1993. Cependant, en juin 1989, lors de la
Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement tenue à Ouagadougou, un constat d’échec de
la mise en œuvre de ce schéma a été fait. Cette situation a conduit la Conférence à prévoir les
nouvelles échéances dans une nouvelle décision, à savoir la Décision A/DEC.6/6/89 du 30
juin 1989227. Le nouvel article 9 a fixé la nouvelle date de mise en application au 1er janvier
1990. Cette disposition a été reprise par l’article 35 du Traité révisé. Aux termes de cet article,
« A partir du 1er janvier 1990 tel que prévu à l’article 54 du présent Traité, il est
progressivement établi au cours d’une période de dix ans, une union douanière entre les Etats
Membres ». L’article 54 auquel il est fait allusion dispose que « Les Etats membres
s’engagent à réaliser une Union Economique dans un délai maximum de quinze ans à partir
du démarrage du schéma de libéralisation des échanges adoptés par la Conférence aux termes
de la décision A/DEC.1/5/83 du 30 mai 1983 et dont le lancement est intervenu le 1er janvier
1990 ».

L’union économique passe donc par une union douanière qui s’établit sur dix ans et qui
devrait aboutir à l’élimination des barrières tarifaires et non tarifaires et autres entraves
administratives tels les restrictions quantitatives, prohibitions et contingentements. La
décision A/DEC. 6/7/92228, modifiant celle de 1983 relative à l’adoption d’un schéma unique
de libéralisation des échanges, fixe les nouveaux taux de libéralisation par groupe de pays en

227
Voir décision A/DEC.6/6/89 du 30 juin 1989, J.O vol.15, Rec. PCD, p.141.
228
Décision A/DEC. 6/7/92 du 29 juillet 1992, J.O., vol.23, Rec. PCD, p.118.
Cours de droit communautaire
83

supprimant la distinction entre produits prioritaires et non- prioritaires. Le nouveau tableau de


libéralisation se présente comme suit :

Groupe de pays Délai d’abattement Taux d’abattement des droits

G1 Cap-Vert, Gambie, Guinée- 10 ans 10%


Bissau, Mali, Burkina Faso,
Mauritanie, Niger

G2 Bénin, Guinée, Liberia, 8 ans 12,5%


Sierra - Leone, Togo

G3 Côte d’Ivoire, Ghana, 6 ans 16,66%


Nigeria, Sénégal

Les produits industriels originaires de la Communauté devaient donc bénéficier de ce régime


de préférences commerciales avant de pouvoir circuler librement sur le territoire des Etats
pour : le groupe 3 à compter du 1er janvier 1996 ; le groupe 2 à compter du 1er janvier 1998 ;
et le groupe 1 à compter du 1er janvier 2000. Le TEC de la CEDEAO devait être établi en
principe au plus tard à cette dernière date.

Toute entreprise communautaire désireuse de bénéficier des avantages du schéma doit établir
un dossier de demande d’agrément dont le modèle est déposé auprès des cellules nationales
CEDEAO. Cette demande fera l’objet d’un examen par les autorités compétentes, avant d’être
envoyée au plus tard le 28 février de chaque année, au Secrétariat Exécutif de la CEDEAO
pour étude et recommandation au Conseil des ministres. Les produits agréés (par le Conseil
des ministres) doivent être accompagnés d’un certificat d’origine et d’une déclaration
d’exportation.

Le désarmement douanier s’accompagne d’autres mesures visant à faciliter et accroître les


échanges intra-communautaires. Il s’agit notamment des facilités prévues pour le transit
routier229, la création d’une foire CEDEAO230, le régime de la réexportation des
marchandises au sein de la Communauté des marchandises préalablement importées des pays
tiers231. Pour éviter les fraudes, notamment des détournements des importations, le tarif
extérieur commun devrait couronner ce programme de libéralisation des échanges, dans le
cadre de la différenciation de l’espace communautaire par rapport aux autres espaces.

SECTION 2 : LA DIFFERENCIATION DE L’ESPACE COMMUNAUTAIRE

229
Convention A/P4/5/82 signé à Cotonou le 29 mai 1982, relative au Transit Routier Inter-Etats, (TRIE) (Rec.
PCD, p.173, J.O. vol.4) ; Convention additionnelle A/SP.1/5/90 signé à Banjul le 30 mai 1990 portant institution
au sein de la Communauté d’un mécanisme de garantie des opérations de transit routier inter-Etats des
marchandises (Rec. p. 195, J.O. vol.17).
230
Décision C/DEC.5/12/92 signé à Abuja le 5 décembre 1992 portant institution de la foire commerciale de la
CEDEAO, J.O vol. 24, Rec. PCD p.237.
231
Protocole relatif à la réexportation au sein de la CEDEAO des marchandises importées des pays tiers, Lomé,
5 novembre 1976, Rec. PCD, p.98
Cours de droit communautaire
84

La différenciation de l’espace communautaire par rapport aux autres espaces est surtout
envisagée à travers l’instauration d’un tarif extérieur commun (TEC) (§.1) et d’une politique
extérieure commerciale commune (§.2).

§.1- Le Tarif Exterieur Commun (TEC)

En rappel, le TEC est le corollaire de la libéralisation des échanges commerciaux. Il faut


éviter, en effet, que les pays qui pratiquent des tarifs douaniers bas, n’importent des produits
de l’extérieur pour les faire vendre ensuite sur les marchés des pays ayant des taux douaniers
plus élevés. Le TEC exprime également une certaine solidarité dans la politique économique
des Etats membres vis-à-vis de l’extérieur.

Le traité de 1975 prévoyait déjà une union douanière à la fin d’une période de quinze ans.
Mais le premier schéma de libéralisation, arrêté en 1983 et qui devait s’achever en 1993 par
l’établissement du TEC n’a pas été respecté ; le TEC n’a pu être établi. Le nouveau schéma
démarré en janvier 1990 s’étalant sur dix ans, la libéralisation totale des échanges au 1er
janvier 2000 devait entraîner dans son sillage l’établissement du TEC au plus tard à cette date.
Sur le TEC, l’article 37 du Traité révisé dispose : « Les Etats conviennent de l’établissement
progressif d’un tarif extérieur commun en ce qui concerne tous produits importés dans les
Etats Membres et en provenance de pays tiers, conformément au calendrier proposé par la
Commission Commerce, Douanes, Fiscalité, Statistiques, Monnaie et Paiements.

Les Etats membres s’engagent à supprimer, conformément à un programme devant être


recommandé par la Commission Commerce, Douanes, Fiscalité, Statistiques, Monnaie et
Paiements, les différences qui existent entre leurs tarifs douaniers extérieurs. Les Etats
membres s’engagent à appliquer la nomenclature douanière et statistique commune adoptée
par le Conseil ».

L’article 35 alinéa 2 du Traité révisé prévoit de son côté : « il est instauré et mis régulièrement
à jour un tarif extérieur commun en ce qui concerne tous les produits importés des pays
tiers ». Bien avant l’échéance de l’an 2000, il aurait été judicieux, vu la modulation du schéma
par groupes de pays, que le TEC soit établi déjà à la première échéance, c’est à dire à l’étape
de 1996, marquant la libéralisation totale des échanges vis-à-vis des pays du groupe 3. La
nécessité de l’établissement d’un TEC vient de la crainte que les importations de
marchandises ne soient faites à travers des pays des autres groupes (où le tarif extérieur
pourrait être faible) pour être écoulées vers les marchés du groupe 3. Les échéances ont été
dépassées sans que le TEC ne soit établi. Les préférences commerciales prévues par ce
schéma ne sont pas respectées et les éléments constitutifs du TEC ne sont pas encore connus à
ce jour.

En 2000, les Etats membres ont décidé d’aligner leur régime tarifaire sur celui déjà adopté par
les pays membres de l’UEMOA. Ainsi, les marchandises importées sont soumises à un droit
de douane compris entre cinq pour cent et vingt pour cent232 en fonction de la catégorie des
produits. S’agissant de la mise en œuvre, les Etats membres ont convenu d’une période
transitoire de trois ans (2005-2007) qui leur permettra d’aligner leur politique douanière. Le
TEC devait ainsi être mis en application dans tous les Etats membres de la CEDEAO en fin
2007.

232
A Niamey le 12 janvier 2006, les Chefs d’Etat ont adopté le TEC aux taux de 0%, 5%, 10% et 20%.
Cours de droit communautaire
85

Le seul élément connu du TEC CEDEAO est le prélèvement communautaire. Le TEC


comprend, en effet, le prélèvement prévu à l’article 72 du Traité révisé : « Il est institué un
prélèvement communautaire destiné à générer des ressources pour financer les activités de la
Communauté. Le prélèvement communautaire représente un pourcentage de la valeur
imposable des marchandises importées dans la Communauté en provenance des pays tiers.

Les conditions du prélèvement communautaire, les modalités de transfert des recettes à la


Communauté ainsi que l’utilisation des ressources seront définies dans un protocole y
afférent ». Ce protocole a été signé à Abuja en juillet 1996233. Aux termes de ce protocole, le
taux du prélèvement communautaire est fixé à zero virgule cinq pour cent de la valeur des
marchandises importées des pays tiers. Le produit du prélèvement communautaire est reversé
par l’administration nationale des douanes, selon une périodicité n’excédant pas un mois à
compter de la date de recouvrement, dans un compte ouvert par le Secrétariat Exécutif au nom
de la CEDEAO dans les livres de la Banque centrale de chaque Etat membre pour les pays
ayant une banque centrale propre, et auprès de l’agence nationale de la BCEAO pour les pays
membres de l’UMOA. Le prélèvement communautaire sert à alimenter les budgets ordinaires
de la Communauté et de ses institutions, à l’exclusion du FCCD, le budget de compensation
des pertes de recettes subies du fait de la libéralisation des échanges et à financer des actions
de développement.

Au total, l’union douanière est à construire au sein de la CEDEAO. C’est pourquoi, à ce sujet,
l’ancien Président ghanéen a pu tenir les propos234 suivants : « Il faut admettre que la mise
en œuvre de ce programme est irrégulière et incertaine car les obstacles tarifaires et non
tarifaires persistent encore…le schéma se heurte à de nombreuses difficultés. Son avenir reste
incertain. Peu d’Etats appliquent des tarifs réduits. Et ceux qui ont promulgué des législations
d’application du schéma ne les appliquent pas en l’absence de traitement réciproque ».

Quelles sont les causes d’une telle situation ? La cause fondamentale nous ramène
inexorablement à la nature des actes juridiques utilisés, notamment le degré de leur force
obligatoire. A ce sujet, il faut rappeler que les décisions, utilisées en l’espèce, n’avaient235
force obligatoire qu’à l’égard des Etats. Cette situation a d’ailleurs donné des arguments à
certains Etats membres pour créer une autre organisation d’intégration poursuivant
pratiquement les mêmes objectifs236. A priori, l’utilisation du droit dérivé, à savoir les
Décisions, devait permettre d’atteindre les objectifs de l’union douanière. Mais, si en dépit de
ces instruments juridiques utilisés, la réalisation de l’union douanière reste hypothétique, on
est en droit de se demander si l’objectif de libéralisation des facteurs de production, fondé sur
le droit primaire, a des chances d’aboutir.

§.2- La politique exterieure commerciale commune

233
Protocole A/P1/7/96 du 27 juillet 1996 relatif aux conditions d’application du prélèvement communautaire,
J.O. vol. 31, p.5.
234
John Jerry RAWLINGS, à l’occasion du 18ème sommet de la CEDEAO tenu en 1995 à Accra.
235
Avec l’adoption du protocole A/SP. 1/06/06, le droit CEDEAO est devenu, à l’instar du système juridique de
l’UEMOA, un droit à caractère supranational.
236
L’une des raisons avancées par les fondateurs de l’UEMOA, pour justifier sa création, est de donner une
nouvelle dynamique, une nouvelle impulsion à la CEDEAO.
Cours de droit communautaire
86

En ce qui concerne l’instauration d’une politique commerciale commune, c’est d’abord


l’article 3, § 2, alinéa (ii), du Traité révisé de 1993 qui précise qu’afin de réaliser les buts
énoncés au paragraphe ci-dessus, et conformément aux dispositions pertinentes du présent
traité, l’action de la Communauté portera par étapes, entre autres, sur l’établissement d’un
tarif extérieur commun et d’une politique commerciale commune à l’égard des pays tiers.
C’est ensuite l’article 50 (g) qui dispose que la Communauté s’engage à promouvoir les
échanges commerciaux par « la participation, le cas échéant, en tant que groupe à des
négociations internationales organisées dans le cadre du GATT, de la CNUCED ou de toute
autre instance de négociation commerciale » ; c’est enfin l’article 85 qui vient clarifier
davantage le contenu des dispositions précédentes en indiquant qu’ « en vue de promouvoir et
de sauvegarder les intérêts de la région, les Etats membres s’engagent à formuler et à adopter
des positions communes au sein de la Communauté sur les questions relatives aux
négociations internationales avec les parties tierces » (alinéa 1) et qu’ « à cette fin, la
Communauté prépare des études et des rapports permettant aux Etats membres de mieux
harmoniser leurs positions sur lesdites questions ».

En conclusion, il ressort de ces dispositions que la création d’un espace économique commun
engendre la perte de compétence des Etats dans un certain nombre de domaines au profit de la
Communauté. Ce sont des actions positives communautaires qui remplacent les politiques des
Etats membres. Il revient donc à la CEDEAO de conclure des accords commerciaux dans
toutes les instances internationales. Il faut relever que le GATT et la CNUCED ont été cités à
titre exemplatif car la compétence de négociation de la Communauté s’étend à « toute autre
instance de négociation commerciale »237. C’est dire que la CEDEAO a la personnalité
juridique et la compétence exclusive dans la conclusion des accords commerciaux. Dans la
pratique, le Conseil des ministres ou la Conférence donne autorisation au Secrétaire Exécutif
(par décision) ; le Secrétaire Exécutif conclut le contrat qui engage la Communauté.

Les négociations sur les Accords de partenariat économique (APE) entre, d’une part, la
CEDEAO et l’UEMOA au nom de leurs Etats membres et, d’autre part, l’Union européenne,
illustrent assez bien la volonté d’instauration d’une politique commerciale commune, comme
le révèlera plus amplement la troisième partie du présent précis consacrée aux relations entre
l’Union européenne et les pays ACP.

CHAPITRE II : LA LIBÉRALISATION DES FACTEURS DE PRODUCTION

La libéralisation des facteurs de production est envisagée dans la CEDEAO par le biais de la
libre circulation des personnes (§.1) et de la libre circulation des capitaux (§.2).

SECTION.1 : LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES

La libre circulation des personnes suppose un ensemble de libertés dont certaines peuvent être
considérées comme des libertés préalables, à savoir le droit d’entrée et le droit de séjour, et
d’autres, des libertés subsidiaires, à savoir le droit de résidence, le droit d’établissement et la
libre prestation des services.

§.1- Les libertes préalables : le droit d’entrée et le droit de séjour

237
Idem.
Cours de droit communautaire
87

Rappelons au préalable que la libre circulation des personnes est une expression polysémique
recouvrant en réalité plusieurs droits ou libertés : le droit d’entrée, le droit de résidence, le
droit d’établissement et la libre prestation des services. A ce sujet, l’article 59 du Traité révisé
dispose que « les citoyens de la Communauté ont le droit d’entrée, de résidence et
d’établissement et les Etats membres s’engagent à reconnaître ces droits aux citoyens de la
Communauté sur leurs territoires respectifs conformément aux dispositions des protocoles y
afférents.

Les Etats membres s’engagent à prendre toutes les mesures appropriées en vue d’assurer aux
citoyens de la Communauté, la pleine jouissance des droits visés au paragraphe 1 du présent
article. Les Etats membres s’engagent à prendre, au niveau national, les dispositions
nécessaires pour assurer l’application effective des dispositions du présent article ». La
CEDEAO a organisé la libre circulation des personnes en trois étapes à travers trois
protocoles correspondants aux droits d’entrée, de résidence et d’établissement.

Préalable à la jouissance des autres droits, le droit d’entrée est celui qui donne le libre accès
au territoire d’un Etat membre. C’est la première étape de la libre circulation des personnes
organisée par la CEDEAO. Ce droit résulte du protocole A/P1/5/79 de Dakar du 25 mai
1979238. Le droit d’entrée dans la CEDEAO se traduit concrètement par la suppression des
formalités de visa et de permis d’entrée et un droit de séjour limité. Aux termes de l’article 3
du protocole de Dakar en effet, « tout citoyen de la Communauté, désirant entrer sur le
territoire de l’un quelconque des Etats membres, sera tenu de posséder un document de
voyage et des certificats internationaux de vaccination en cours de validité.

Tout citoyen de la Communauté, désirant séjourner dans un Etat membre pour une durée
maximum de quatre vingt dix (90) jours, pourra entrer sur le territoire de cet Etat membre par
un point d’entrée officiel, sans avoir à présenter un visa. Cependant, si ce citoyen se propose
de prolonger son séjour au-delà des quatre vingt dix (90) jours, il devra, à cette fin, obtenir
une autorisation délivrée par les autorités compétentes ». Le protocole définit lui-même la
notion de document de voyage en cours de validité : « un passeport ou tout autre document en
cours de validité, établissant l’identité de son titulaire, avec sa photographie, délivré par ou au
nom de l’Etat membre dont il est citoyen et sur lequel les cachets de contrôle des services
d’immigration ou d’émigration peuvent être apposés. Est également considéré comme
document de voyage en cours de validité, un laissez-passer délivré par la Communauté à ses
fonctionnaires et établissant l’identité du porteur »239.A cette liste, il faut ajouter le carnet de
voyage CEDEAO institué par la décision A/DEC.2/7/85, signée à Lomé le 6 juillet 1985.
L’institution d’un formulaire harmonisé d’immigration et d’émigration de la CEDEAO par
décision C/DEC.3/12/92 du 5 décembre 1992240 vise également à faciliter et simplifier les
formalités de mouvement des personnes au passage des frontières.

L’exception au droit d’entrée figure à l’article 4 du protocole de Dakar : « …les Etats


membres se réservent le droit de refuser l’entrée sur leurs territoires à tout citoyen de la
Communauté entrant dans la catégorie des immigrants inadmissibles aux termes de leurs lois
et règlements en vigueur ». Cette exception, bien que n’ayant pas encore été utilisée par les

238
Protocole A/SP. 1/5/79 de Dakar du 25 mai 1979, J.O. vol.1, Rec. PCD, p.3.
239
Article 1 du protocole de Dakar.
240
Décision C/DEC.3/12/92 du 5 décembre 1992 relative à l’institution d’un formulaire harmonisé
d’immigration et d’émigration, J.O. vol.24, Rec. PCD, p.50.
Cours de droit communautaire
88

Etats membres, est fortement critiquable parce que l’appréciation de la notion d’immigrants
inadmissibles est laissée à la discrétion des Etats membres ; cette situation pourrait constituer
une source d’abus. Il faut également relever qu’à ce jour, certains Etats n’ont pas encore
imprimé les carnets de voyage CEDEAO. En dehors de ces obstacles et craintes, le droit
d’entrée est, dans l’ensemble, une réalité dans la CEDEAO, ce qui est loin d’être le cas pour
le droit de résidence.

§.2- Les libertés subsidiaires : le droit de residence, le droit d’établissement et la libre


prestation des services

Dans les lignes qui suivent, il est intéressant d’examiner successivement chacun des éléments
constitutifs de ces libertés subsidiaires.

A)- LE DROIT DE RESIDENCE

Le droit de résidence ou libre circulation des travailleurs constitue la deuxième étape du


processus de libéralisation de la circulation des personnes dans la CEDEAO, aux termes de
l’article 2 du protocole de Dakar. Ce protocole précisait, en outre, que la Communauté, se
fondant sur l’expérience acquise au cours de l’exécution de la première étape, fera des
propositions au Conseil des ministres pour une libéralisation plus poussée durant les étapes du
droit de résidence et d’établissement des personnes à l’intérieur de la Communauté.

Le droit de résidence est organisé par le protocole A/SP.1/7/86 du 1er juillet 1986241, signé à
Abuja. Aux termes dudit protocole, le droit de résidence est le droit reconnu à un citoyen,
ressortissant d’un Etat membre, de demeurer dans un Etat membre autre que son Etat
d’origine et qui lui délivre une Carte ou permis de Résidence pour y occuper un emploi.
L’article 2 du protocole d’Abuja oblige chacun des Etats membres à reconnaître aux citoyens
de la Communauté le droit de résidence sur son territoire en vue d’accéder à une activité
salariée et de l’exercer. Le droit de résidence n’est donc pas un principe général de libre
circulation de tous les ressortissants de la CEDEAO mais concerne seulement des travailleurs.
Ces derniers peuvent continuer de séjourner dans le pays d’accueil après y avoir exercé un
emploi. Le droit de résidence est donc lié à l’exercice d’une activité professionnelle. En
d’autres termes, le droit de résidence exclut toute discrimination fondée sur la nationalité dans
la recherche et l’exercice d’un emploi. C’est donc le principe de l’assimilation aux nationaux
qui prévaut. Pour renforcer cette égalité entre citoyens de la Communauté, l’article 61
paragraphe 2 (b) du Traité révisé de 1993 prévoit une harmonisation des législations et des
régimes de sécurité sociale des Etats membres.

Cependant, il convient de souligner – et de rappeler – que le droit de résidence est subordonné


à l’obtention d’une carte ou permis de résidence de la part du pays d’accueil. On se rappelle,
en effet, que le droit d’entrée ne conférait qu’un séjour limité de quatre vingt dix jours et
qu’une autorisation était nécessaire pour un séjour prolongé. Cette autorisation se matérialise
par l’octroi de la carte ou d’un permis de résident. L’article 5 du protocole d’Abuja de 1986 le
prévoit expressément : « Les citoyens de la Communauté, ressortissants des Etats membres,
admis sans visa sur le territoire d’un Etat membre sont soumis, s’ils désirent résider sur le
territoire de cet Etat membre, à la formalité de l’obtention d’une carte de résident, ou d’un
permis de résident ».

241
Protocole A/SP.1/7/86 d’Abuja du 1er juillet 1986, J.O., vol.9, Rec. PCD, p.26.
Cours de droit communautaire
89

La carte de résident des Etats membres de la CEDEAO a fait l’objet de la décision


A/DEC.2/5/90 du 30 mai 1990, signée à Banjul. Aux termes de l’article 3 de cette décision,
« Tout citoyen de la CEDEAO, ressortissant d’un Etat membre, doit solliciter une carte de
résident auprès des autorités compétentes de l’Etat membre d’accueil ». L’article 6 paragraphe
2, poursuit : « La carte de résident vaut permis de séjour et de résidence et doit être présentée
à toute réquisition des autorités compétentes de l’Etat d’accueil ». Potentiellement, les
conditions d’obtention d’une telle carte risquent d’être un obstacle à l’exercice du droit de
résidence. En effet, les conditions d’obtention de cette carte ne sont pas définies au plan
communautaire ; la décision de Banjul laisse sa délivrance à la discrétion des autorités
d’accueil. Selon l’article 15 de cette décision en effet, « la délivrance d’une carte de résident
peut être refusée discrétionnairement. En cas de refus de délivrance dûment notifié, l’intéressé
doit quitter l’Etat membre d’accueil dans le délai qui lui est imparti ». Le droit de résidence
est donc perçu comme une concession des autorités d’accueil plutôt qu’un véritable droit
reconnu aux citoyens.

A côté de cet obstacle que pourrait constituer l’exigence de la carte de résident, des
exceptions sont prévues à l’exercice du droit de résidence. Ces exceptions sont fondées sur
des motifs de sécurité, de santé ou d’ordre publics. Les emplois de l’administration publique
constituent également une limitation à l’exercice du droit de résidence. La notion d’emploi
dans l’administration publique n’ayant pas fait l’objet d’une définition, il reviendra
certainement à la Cour de Justice de la Communauté de le faire. Il faut noter que le Traité de
Rome, fondant la Communauté Européenne, prévoyait également cette exception dans les
mêmes termes. Appelée à se prononcer sur un tel concept, la CJCE a décidé que les emplois
concernés sont ceux « qui comportent une participation, directe ou indirecte, à l’exercice de la
puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de
l’Etat ou des autres collectivités publiques »242. La carte de résident, préalable à l’exercice
du droit de résidence n’est imprimée par aucun Etat membre. Ceci rend, évidemment,
ineffectif l’exercice de ce droit.

B)- LE DROIT D’ETABLISSEMENT

Le droit d’établissement est la troisième étape de la libéralisation de la circulation des


personnes dans la CEDEAO aux termes du protocole de Dakar de 1979. Cette liberté a été
organisée par le Protocole A/SP.2/5/90, signé le 29 mai 1990 à Banjul243. Aux termes de ce
protocole, il faut entendre par droit d’établissement le droit reconnu à un citoyen, ressortissant
d’un Etat membre, de s’installer ou de s’établir dans un Etat membre autre que son Etat
d’origine, d’accéder à des activités économiques, de les exercer ainsi que de constituer et de
gérer des entreprises, notamment des sociétés, dans les conditions définies par la législation
de l’Etat membre d’accueil pour ses propres ressortissants244. Autrement dit, c’est le droit
d’accéder à des activités indépendantes à titre individuel ou en tant que sociétés civiles ou
commerciales. Dans l’exercice de ces activités, les Etats membres doivent accorder aux
citoyens de la Communauté le même traitement qu’ils accordent à leurs nationaux. Cette
disposition exclut donc les pratiques discriminatoires fondées sur la nationalité245.

242
CJCE, 17 décembre 1980, aff. 149/79, Commission c/. Belgique, Rec. 1979, p. 3881.
243
Protocole A/SP.2/5/90 du 29 mai 1990, J.O. vol.17 ; Rec. PCD, p.39.
244
Article 1 du protocole de Banjul.
Aux termes de l’article12 du protocole, en effet, les Etats membres s’engagent :
245

Cours de droit communautaire


90

Les exceptions au droit d’établissement sont celles également fondées sur les motifs d’ordre
public, de sécurité publique, de santé publique ainsi que des activités, relevant dans un Etat
membre, même à titre occasionnel, de l’exercice de l’autorité publique246. La notion
d’activités relevant de l’exercice de l’autorité publique n’a pas non plus fait l’objet de
définition par le protocole. Ceci peut être source de controverses, car certains Etats pourront
en avoir une conception restrictive et d’autres, extensive. Toute chose pouvant aboutir à des
traitements inégaux des citoyens de la Communauté selon les pays. Il reviendra à la Cour de
justice de la CEDEAO de donner une interprétation unique de cette notion comme l’a fait son
homologue européen247. Toujours en rapport avec le droit d’établissement, il est prévu une
clause de sauvegarde en faveur des Etats248. C’est dire donc qu’un Etat peut faire échec au
droit d’établissement, si les mouvements de capitaux liés à l’exercice de ce droit risquent de
porter un préjudice grave à son économie.

L’exercice du droit d’établissement suppose également l’obtention de la carte de résident pour


les personnes dont l’activité professionnelle exige une présence physique effective dans le
pays d’implantation. En d’autres termes, ces personnes doivent solliciter la carte de résident
CEDEAO lorsque l’exercice de leurs activités les contraint à un séjour de plus de quatre vingt
dix jours dans l’Etat d’établissement.

La concrétisation du droit d’établissement passe nécessairement par une uniformisation ou


une harmonisation du droit des affaires. Tel n’est pas le cas aujourd’hui dans la CEDEAO.
Les seize pays membres appartiennent à des systèmes juridiques différents : la common law
(pays anglophones), le droit civiliste (pays francophones) et un système hybride (Guinée
Bissau dont le système emprunte à la fois au droit civiliste et au droit socialiste). C’est pour

« a) à éliminer les procédures et pratiques administratives découlant soit de la législation et de la réglementation


internes, soit d’accords antérieurement conclus entre les Etats membres, dont le maintien ferait obstacle à la
liberté d’établissement ; (il y a là, manifestement, l’affirmation du principe de la primauté de ce droit sur les
normes nationales ou résultant des autres conventions antérieurement conclues par les Etats membres) ;
b) à éliminer les restrictions à la liberté d’établissement dans chaque branche d’activité, d’une part aux
conditions de création sur le territoire d’un Etat membre, d’agences, de succursales ou de filiales, et d’autre part
aux conditions d’entrée du personnel du principal établissement, dans les organes de gestion ou de surveillance
de celle-ci ;
c) à coordonner dans la mesure nécessaire en vue de les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans
les Etats membres, des sociétés pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers ; (ceci suppose une
uniformisation ou du moins une harmonisation des législations sur les sociétés) ;
d) à rendre possible l’acquisition et l’exploitation de propriétés foncières ;
e) à faciliter les mouvements de capitaux qu’engendre ce droit ; (ceci implique une interdiction des
réglementations de change incompatibles avec le droit d’établissement) ;
f) à prendre des décisions visant à une reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres ;
g) à promouvoir et protéger les investissements et même à financer conjointement les investissements avec le
secteur privé ».
246
Article 4 §6 du Protocole additionnel A/SP. 2/5/90 de Banjul du 29 mai 1990, Rec. PCD, p. 41.
247
Sur la base de l’article 55 CE, tout à fait identique à la disposition l’article 4 §6 du Protocole de Banjul, la
CJCE a précisé que seules peuvent être exclues du droit d’établissement les “ activités qui, prises en elles-
mêmes, constituent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique (CJCE, 21 juin
1974, aff. 2/74, Reyners ; aussi CJCE 13 juillet 1993, aff.C-42/92, A. Thijssen.
248
Article 10 du protocole de Banjul. Voyez également les développements sur la libre circulation des capitaux.
Cours de droit communautaire
91

prendre en compte cette préoccupation et s’inspirant surtout de l’initiative des Etats membres
de l’OHADA que les instances de la Communauté ont entamé des études en vue de
l’harmonisation du droit des affaires dans la CEDEAO. C’est ainsi que, par une décision du
Conseil des ministres en date du 27 juillet 1995, il a été créé un comité des experts juristes de
la CEDEAO chargé de faire des propositions en vue de l’harmonisation du droit des
affaires249. Si ce projet devait aboutir à la rédaction d’actes uniformes et non pas une simple
harmonisation, la question qu’on est en droit de se poser est celle de sa place, de sa
compatibilité avec les actes uniformes de l’OHADA. Tous les Etats francophones de la
CEDEAO faisant déjà partie de l’OHADA, quel sera leur droit positif des affaires ? Et même
si ce projet se limitait à une simple harmonisation, il n’est pas exclu que cette harmonisation
débouche sur des incompatibilités avec les actes de l’OHADA. En tout état de cause, une
concertation entre les deux organisations s’avère indispensable. Au total, bien que des
dispositions existent, le droit d’établissement est loin d’être une réalité dans la CEDEAO.

C)- LA LIBRE PRESTATION DES SERVICES

La libre prestation des services vise des cas où des personnes morales ou physiques, sont
appelées à exercer, de façon temporaire, leurs activités sur le territoire d’un Etat membre sans
qu’ils y soient établis. Par exemple, un avocat burkinabè voudrait plaider pour un client à
Lagos alors que son cabinet se trouve à Ouagadougou. Le service est défini en droit
communautaire comme une prestation contre rémunération.

Le protocole de Dakar de 1979 organisant la libre circulation des personnes n’envisage pas
spécifiquement la libre prestation des services. Seul le Traité révisé contient quelques
dispositions éparses et lapidaires sur cette question. Il s’agit de l’article 55 (ii) qui enjoint aux
Etats de supprimer non seulement des obstacles à la libre circulation des personnes, des biens
et des capitaux mais également des services. C’est le cas également de l’article 34 (c) qui
abolit des discriminations entre les citoyens en matière de prestations touristiques et
hôtelières. Ainsi les Etats membres s’engagent à « éliminer toutes mesures ou pratiques
discriminatoires à l’égard des ressortissants de la Communauté en matière de prestations
touristiques et hôtelières ».

En l’absence de textes dérivés sur la libre prestation des services, faut-il convenir que ces
dispositions du Traité ont un effet direct ? La Cour de justice de la CEDEAO étant accessible
désormais aux particuliers, il reste à espérer qu’une fois saisie, celle-ci se prononce
favorablement en reconnaissant un plein effet direct à ces dispositions.

Au terme de cette étude de la notion de la libre circulation des personnes dans la CEDEAO,
quelques remarques méritent d’être faites.

1- D’abord, il faut bien remarquer que les bénéficiaires des droits d’entrée, de résidence et
d’établissement sont les citoyens de la Communauté. Que faut-il entendre par citoyen de la
Communauté ? L’analyse de cette notion appelle une distinction selon qu’il s’agit des
personnes physiques ou des personnes morales.

249
Décision C/DEC.7/7/95 relative à l’harmonisation du droit des affaires dans les Etats membres de la
CEDEAO ; Décision C/DEC.6/7/95 du 27 juillet 1995 relative à l’institutionnalisation de la réunion des experts
juristes de la CEDEAO, J.O. vol.29, p.24, p.25.
Cours de droit communautaire
92

Concernant les personnes physiques, le protocole de Dakar de 1979 avait dans un premier
temps défini le citoyen de la Communauté comme un citoyen de tout Etat membre250. Tout
national des Etats membres serait donc un citoyen de la CEDEAO. Plus tard, cette notion a
fait l’objet de controverses entre anglophones et francophones. Pour le premier groupe de
pays, tous les nationaux des Etats membres n’étaient pas citoyens de la Communauté. Ils
avaient une conception très restrictive et discriminatoire de cette notion de citoyen de la
CEDEAO. Il s’agissait d’exclure du bénéfice de la libre circulation certains nationaux des
Etats membres251. Contre cette conception restrictive, les seconds préconisaient de faire une
application générale, égalitaire et non discriminatoire de cette notion. Finalement, ce sera le
point de vue du premier groupe qui l’emportera. En effet, un protocole, signé à Cotonou le 29
mai 1982252, portant code de la citoyenneté de la CEDEAO, concrétisera la conception
restrictive de la notion de citoyen de la CEDEAO. Aux termes de l’article 1er de ce code, est
citoyen de la Communauté : - « toute personne qui, par descendance, a la nationalité d’un
Etat membre et qui ne jouit pas de la nationalité d’un Etat non-membre de la Communauté ; -
toute personne qui a la nationalité d’un Etat membre par le lieu de naissance et dont l’un ou
l’autre des parents est citoyen de la Communauté, à condition que cette personne, ayant atteint
l’âge de 21 ans, opte pour la nationalité de cet Etat membre ; - toute personne naturalisée d’un
Etat membre qui renonce expressément à la nationalité d’un Etat non-membre ».

En substance, la citoyenneté CEDEAO exclut la bipatridie ou la pluripatridie lorsqu’elles


mettent en cause la nationalité d’un Etat non-membre. Par contre, la bipatridie ou la
pluripatridie sont acceptées lorsqu’elles concernent les nationalités des Etats membres de la
CEDEAO. Pour prendre un exemple concret, un Togolo-Burkinabè est citoyen CEDEAO
tandis qu’un Belgo-Burkinabè ne l’est pas ; si ce Belge voulait jouir de la citoyenneté
CEDEAO, il doit au préalable renoncer à sa nationalité belge. Cette conception, très
restrictive de la notion de citoyen communautaire par la CEDEAO, ne tient pas compte de la
réalité actuelle. Dans un monde où les hommes sont de plus en plus mobiles et les mariages
internationaux de plus en plus fréquents, cette restriction apparaît fortement critiquable.

En ce qui concerne les sociétés, sont considérées comme originaires de la Communauté celles
constituées en conformité des lois et règlements d’un Etat membre, ayant leur siège statutaire,
leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté.
Lorsqu’elles n’ont que leur siège statutaire dans la Communauté, leur activité doit présenter
un lien effectif et continu avec l’économie de cet Etat membre253.

2- Ensuite, il faut relever que seul le droit d’entrée (liberté d’accès au territoire avec un droit
de séjour de quatre vingt dix jours au maximum) concerne tous les citoyens de la
Communauté, les autres libertés (résidence et établissement) sont des droits liés à l’exercice
d’une activité professionnelle.

250
Article 1er du Protocole A/SP. 1/5/79 de Dakar du 25 mai 1979.
251
Cette discrimination concernait notamment les communautés syro-lybanaises installées dans la plupart des
Etats membres et ayant obtenu par naturalisation la nationalité de leur pays d’accueil.
252
Protocole A/P.3/5/82 de Cotonou du 29 mai 1982 portant code de la citoyenneté de la Communauté, J.O.,
vol.4, Rec. PCD, p.15.
253
Article 3 du Protocole additionnel A/SP. 2/5/90 de Banjul du 29 mai 1990, Rec. PCD, p. 41.
Cours de droit communautaire
93

3- Enfin, il faut relever la nature juridique des actes utilisés et les soupapes de sécurité que se
sont aménagées les Etats en matière de libre circulation des personnes. En effet, les actes
juridiques utilisés sont des protocoles, ; or ceux-ci sont des actes conventionnels dont la mise
en vigueur est subordonnée aux procédures de « réception » dans les ordres juridiques des
Etats. Les Etats ne seront tenus de les appliquer que s’ils le veulent bien. Dans ces conditions,
il n’est pas étonnant que ces deux libertés se soient limitées aux textes. Une libre circulation
des personnes, lorsqu’elle est effective, s’accompagne nécessairement de la libre circulation
des capitaux.

SECTION II : La libre circulation des capitaux

La libre circulation des capitaux est une des conditions d’exercice des autres libertés et
recouvre en réalité les deux aspects que sont la libération des paiements et la liberté des
investissements. La réglementation de la CEDEAO prend en compte ces deux types de
mouvements de capitaux.

§.1 La libération des paiements

L’article 51 (c) du Traité révisé dispose que les Etats s’engagent à « faciliter la libéralisation
des paiements des transactions intra-régionales et, comme mesure intérimaire, assurer la
convertibilité limitée des monnaies ». Ce n’est donc pas une liberté totale de convertibilité ; la
durée de la période intérimaire n’est pas précisée non plus. Une décision avait déjà été signée
en 1992 par la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement visant à permettre l’utilisation
des monnaies locales par les citoyens de la Communauté pour effectuer des paiements des
services rendus pendant les voyages, notamment les taxes d’aéroport, les factures d’hôtel et
les billets d’avion254. Elle interdit en matière de paiement, des discriminations fondées sur la
nationalité. En d’autres termes, on ne peut exiger des citoyens de la Communauté une
monnaie autre que celle exigée des nationaux pour effectuer des paiements. Par exemple, si
un Burkinabè se rendait au Nigeria, il ne peut être exigé de lui autre monnaie que le naira pour
effectuer les opérations ci-dessus évoquées. Cette décision vise certainement à dispenser les
citoyens de l’exigence, dans certains pays, des devises étrangères pour certains paiements.
Dans le même souci de faciliter les paiements intra-communautaires, il a été créé et lancé, à
compter du 1er juillet 1999, un chèque de voyage CEDEAO. Ce chèque vise à favoriser les
transactions commerciales dans la Communauté. Sa délivrance aux particuliers est confiée
aux banques.

§.2 La liberté des investissements

Les mouvements de capitaux liés aux investissements (mesures d’accompagnement du droit


d’établissement) sont régis par le protocole de Banjul du 29 mai 1990 organisant justement le
droit d’établissement. Aux termes de son article 10, paragraphe 1, « en ce qui concerne les
mouvements de capitaux liés aux investissements et les paiements courants, les Etats
Membres s’abstiennent de prendre, dans le domaine des opérations de change, des mesures
qui seront incompatibles avec leurs obligations résultant de l’application du présent protocole
et d’autres dispositions communautaires antérieures dont notamment le protocole A/P/11/84
du 23 novembre 1984 de la Conférence relatif aux entreprises communautaires ». Ce dernier
protocole organise la libre circulation des capitaux liés à l’exercice et à la cessation d’activités

254
Décision C/DEC.1/12/92 signée à Abuja le 5 décembre 1992 ; Rec. PCD, p. 278.
Cours de droit communautaire
94

des entreprises communautaires. Il s’agit notamment du transfert des fonds pour les paiements
à effectuer dans le cadre normal des transactions commerciales ; du transfert du capital y
compris les intérêts et les dividendes dans les pays d’origine des actionnaires et des créanciers
de l’entreprise communautaire en cas de cession ou de liquidation de cette dernière ; du
transfert des bénéfices, sous réserve des retenues nécessaires au réinvestissement, à l’entretien
et à l’amortissement des installations ainsi qu’au paiement de toutes taxes dues par
l’entreprise communautaire ; du transfert en vue du paiement du principal, des intérêts et de
toutes autres charges financières lorsqu’un prêt a été accordé à l’entreprise communautaire
par un non résident conformément aux conditions du contrat de prêt ; du transfert des
honoraires et autres charges supportés par l’entreprise communautaire dans le cadre de ses
opérations ordinaires en dehors du lieu principal de ses activités255.

Au plan institutionnel, il faut noter que le traité révisé prévoit la création d’un comité chargé
des questions relatives aux capitaux. Ce comité est composé d’un représentant de chacun des
Etats membres. Il a pour fonction de veiller et de faciliter la libre circulation des capitaux dans
la Communauté aussi bien au niveau des paiements, des investissements que des échanges sur
les marchés de capitaux. Il doit aussi encourager la création de ces marchés financiers, qu’ils
soient nationaux ou régionaux, en assurant leur coordination256. L’exception au principe de
libre circulation des capitaux, nous l’avons déjà mentionné, est une clause de sauvegarde
prévue à l’article, 10 paragraphe 2, du protocole de Banjul sur le droit d’établissement.

TITRE II : Le droit matériel de l’UEMOA

L’analyse des objectifs de l’UEMOA dans l’introduction générale a laissé entrevoir qu’à
l’instar de la CEDEAO, celle-ci vise également comme objectif fondamental la construction
d’un marché commun et qu’il est prévu à plus long terme, comme aboutissement, la
construction d’une union économique. La libre circulation dans le cadre d’une communauté
comme l’UEMOA repose sur la libre circurlation des biens (Chapitre I) et sur la libéralisation
des facteurs de production (Chapitre II).

CHAPITRE I : LA LIBRE CIRCURLATION DES BIENS

La libre circulation des biens implique le libre échange intérieur (§.1) et la différenciation de
l’espace communautaire par rapport aux autres espaces (§.2).

SECTION 1 : LE LIBRE ECHANGE INTERIEUR

Prévue à l’article 76 paragraphe a), la libéralisation des échanges intra-communautaires est


basée essentiellement sur la suppression, entre les Etats membres, des droits de douane et
taxes d’effet équivalent, ainsi que des contingentements ou restrictions quantitatives et
mesures d’effet équivalent. Mais avant cela, le traité a entendu geler la situation qui prévaut
au moment de sa signature.

§.1- Le préalable de la clause de standstill

255
Voir article 16 §5 du A/P/11/84 du 23 novembre 1984, Rec. PCD, p. 222.
256
Article 53 du Traité révisé sur le Comité des questions relatives aux capitaux.
Cours de droit communautaire
95

A l’image de la CEE (article 12 du traité CEE) où « il a été décidé, avant de procéder à


l’élimination des droits de douane et des taxes d’effet équivalent, d’imposer aux Etats
membres de geler, à compter de l’entrée en vigueur du traité, leur système général de
protection douanière », ce qui signifie simplement qu’il leur est interdit à la fois de créer de
nouveaux droits et taxes et d’augmenter les droits et taxes existants, l’article 77 du traité de
Dakar dispose que dans la réalisation de l’objectif défini à l’article 76, les Etats membres
s’abstiennent, dès l’entrée en vigueur du traité « d’introduire entre eux tous nouveaux droits
de douane à l’importation et à l’exportation ainsi que toutes taxes d’effet équivalent et
d’augmenter ceux qu’ils appliquent dans leurs relations commerciales mutuelles ». Ceci
relève d’ailleurs du principe de loyauté, les différents gouvernements devant montrer leur
volonté à réaliser le schéma de libéralisation qu’ils ont consenti par la signature du traité. En
effet, s’il était laissé liberté aux Etats de mener comme ils l’entendent leur politique douanière
et commerciale, tant que n’aurait pas été arrêtée une réglementation communautaire, il est
évident que certains gouvernements seraient tentés de monter la barre de négociation haute en
instaurant de nouvelles taxes ou en hissant simplement les taux en perspective de prochaines
négociations. S’agissant du schéma proprement dit de suppression des entraves aux échanges,
l’article 78 du traité a confié la détermination du rythme et des modalités d’élimination aux
institutions de l’UEMOA. Dans ce cadre, plusieurs étapes ont été programmées et même déjà
franchies.

§.2- La suppression des barrieres tarifaires

Il a d’abord été instauré une période transitoire ou du moins un régime tarifaire préférentiel
transitoire des échanges au sein de l’UEMOA257. Le schéma définitif a été instauré quant à
lui à partir du premier janvier 2000.

A)- LE REGIME TARIFAIRE PREFERENTIEL TRANSITOIRE

Le régime tarifaire préférentiel transitoire institué par la Conférence des Chefs d’Etat et de
Gouvernement de l’UEMOA comprenait un corps de règles dont les plus importantes
demeurent :

la suppression pure et simple de « toutes restrictions quantitatives, entraves non tarifaires,


prohibitions ou autres mesures d’effet équivalent portant sur les importations ou les
exportations des produits originaires ou fabriqués dans les Etats membres »258.

257
Voir acte additionnel n°04/96, B.O. de l’UEMOA de juin 1996, p.7. Ce qui est curieux ici, c’est l’intrusion du
pouvoir décisionnel de la Conférence dans une matière relevant pourtant expressément des attributions du
Conseil. Voir l’article 78 du traité suscité. Cette intrusion constitue une manière de confisquer le pouvoir
décisionnel de l’organisation.
258
Voir article 3 de l’acte additionnel n°04/96.
Cours de droit communautaire
96

l’exonération des produits du cru et de l’artisanat traditionnel de tous droits et taxes perçus à
l’entrée des Etats membres, à l’exclusion des taxes intérieures259. En réalité, cette disposition
vient enfoncer des portes ouvertes puisque, dans le cadre de la CEDEAO, le marché de ces
biens était déjà totalement libéralisé. Il est donc possible d’affirmer que cette liberté a
préexisté à l’organisation.

l’institution d’une taxe préférentielle communautaire (TPC) consistant en une réduction de


30% des droits d’entrée applicables aux produits de l’espèce importés de pays tiers, pour les
produits industriels originaires agréés260.

La règle d’origine (des produits industriels ayant vocation à bénéficier du régime de la TPC) a
été déterminée par l’acte additionnel n° 04/96. Par règle d’origine, il faut entendre le critérium
de reconnaissance à un produit de la qualification de produit originaire. Aux termes de
l’article 7 de l’acte additionnel n°04/96, sont considérés comme produits industriels
originaires :

les produits industriels dans la fabrication desquels sont incorporées des matières premières
communautaires représentant en quantité au moins soixante pour cent de l’ensemble des
matières premières utilisées ;

les produits industriels obtenus à partir des matières premières importées des pays tiers ou
dans la fabrication desquels les matières premières communautaires utilisées représentent en
quantité moins de soixante pour cent de l’ensemble des matières premières mises en œuvre,
lorsque la valeur ajoutée est au moins égale à quarante pour cent du prix de revient ex-usine,
hors taxe de ces produits. Ces critères ne confèrent pas automatiquement le bénéfice de la taxe
préférentielle communautaire (TPC).

Les produits qui répondent à ces caractéristiques doivent se justifier par l’obtention d’un
certificat d’origine précisant le pourcentage des matières premières originaires ou, le cas
échéant, le taux de la valeur ajoutée. Le certificat est délivré par les autorités compétentes de
l’Etat membre de fabrication ou de production et est visée par les services de douane du
même Etat261, ce qui n’est pas de nature à garantir la véracité des mentions contenues dans
ledit document ; l’hypothèse de fraude n’est pas à exclure dans ces conditions, les Etats
soucieux de profiter au maximum de cette libéralisation pouvant être tentés d’octroyer ce
certificat, sans trop de rigueur, à leurs opérateurs économiques.

Bien sûr, le certificat non plus ne confère pas automatiquement l’agrément du produit au
bénéfice de la TPC ; il faut en plus un agrément par les instances communautaires.
L’agrément des produits originaires au bénéfice de la TPC relève de la compétence des
autorités communautaires, plus précisément de la Commission (article 14). A cette fin, les
demandes doivent lui être présentées par les gouvernements des Etats membres dans lesquels
sont implantées les entreprises dont les produits sont susceptibles de bénéficier dudit régime
et elle a un délai de trois (3) mois pour rendre sa décision. Mais, telle qu’elle est établie, la
procédure d’agrément ne semble pas de nature à stopper les pratiques frauduleuses auxquelles

259
Voir article 10 de l’acte suscité. Voir aussi annexes 1 et 2 audit acte additionnel auxquels renvoie l’article 11,
et qui répertorient les produits bénéficiant de ce régime.
260
Voir article 12 de l’acte additionnel.
261
Voir article 9 de l’acte additionnel.
Cours de droit communautaire
97

peuvent être tentés les gouvernements en question, sauf pour la Commission à se doter d’une
structure de contre expertise. Pour les produits industriels qui n’auraient pas reçu l’agrément
de la Commission, le régime tarifaire préférentiel transitoire leur accordait une réduction de
cinq pour cent des droits d’entrée applicables aux produits du même genre en provenance des
pays tiers262.

La période transitoire, originairement prévue pour durer douze mois - du 1er juillet 1996 au
1er juillet 1997 - a été prorogée à plusieurs reprises avec quelques modificatifs. Il y a d’abord
eu l’acte additionnel n° 01/97 portant modification de l’article 12 de l’acte n° 04/96 dont
l’apport principal consistait en la prorogation d’une année - du 1er juillet 1997 au 1er juillet
1998 - mais aussi en la réduction du taux des droits d’entrée applicables aux produits
bénéficiant de la TPC de trente pour cent (ancien régime) à soixante pour cent (nouveau
régime)263. En second lieu, le Conseil des ministres, en sa séance du 28 novembre 1997, a
établi un calendrier pour l’élimination, dans les échanges entre les Etats membres, de toutes
les barrières tarifaires concernant les produits originaires. Il y a été décidé notamment de
porter l’abattement de soixante pour cent sur les droits d’entrée arrêté par l’acte additionnel n°
01/97 à quatre vingt pour cent pour compter du 1er janvier 1999, et à cent pour cent à partir
du 1er janvier 2000264.

B)- LE REGIME TARIFAIRE PREFERENTIEL DEFINITIF

Le 1er janvier 2000 est donc le point de départ d’un régime tarifaire préférentiel définitif qui
devrait consacrer la dissolution des marchés nationaux dans un espace plus vaste, celui de
l’UEMOA. Cette fusion a été concrétisée par une franchise totale des droits de douane à
l’intérieur de l’Union pour tous les produits originaires agréés. Parmi ceux-ci, figurent
incontestablement les produits du cru et de l’artisanat traditionnel qui bénéficient de
l’exonération depuis l’institution du régime tarifaire préférentiel transitoire. Viendront
s’ajouter tous les produits industriels munis du certificat d’origine qui pourront se prévaloir de
l’agrément de la Commission. Dans ce cadre, il faut souligner que des actes ont déjà été pris
pour conférer cet agrément communautaire. En réalité, ces actes ont été pris sous le régime
tarifaire transitoire ; mais ils disposaient que les taux subsistants devraient disparaître à
compter du 1er janvier 2000. Il en est ainsi des décisions de la Commission portant agrément
ou prorogation d’agrément pour certains produits265.

Dans la même perspective, des mesures d’accompagnement ont été prévues pour faciliter la
mise en place du marché intérieur. C’est ainsi qu’il a été décidé de l’harmonisation des
procédures douanières qui a fait l’objet de l’acte additionnel n° 4/96. Le titre VI dudit acte
prévoit des procédures douanières communes applicables à la circulation des produits à

262
Voir article 13 de l’acte additionnel n° 04/96.
263
Voir acte additionnel n° 01/97, in B.O de l’UEMOA, juin 1997, p. 2.
264
Voir acte additionnel n° 14/98 du 30 décembre 1998 qui devait formaliser cette décision.
265
Il s’agit des décisions n° 01/99/COM/UEMOA portant agrément de produits industriels au bénéfice du régime
de la Taxe Préférentielle Communautaire (TPC), n° 03/99/COM/UEMOA portant transfert d’agrément de
produits industriels au bénéfice du régime de la Taxe Préférentielle Communautaire (TPC),
n°04/99/COM/UEMOA portant prorogation de transfert provisoire d’agrément de produits industriels au
bénéfice du régime de la Taxe préférentielle Communautaire (TPC), Décision n° 05/99/COM/UEMOA portant
transfert d’agrément de produits industriels au bénéfice du régime de la Taxe préférentielle communautaire
(TPC) ;
Cours de droit communautaire
98

l’intérieur de l’Union. L’harmonisation concerne surtout l’établissement des certificats


d’origine. L’article 28 de l’acte additionnel n° 04/96 dispose en effet qu’ « une décision de la
Commission déterminera la forme et le contenu de ces documents ».

Telle est la configuration qu’a pris le schéma d’instauration d’une libre circulation des biens
dans l’espace UEMOA. Le Professeur Etienne CEREXHE, qui se prononçait sur le système
de libéralisation imaginé par les auteurs du traité de l’UEMOA, louait le caractère souple de
celui-ci par rapport à celui que les auteurs du traité instituant la CEE avaient retenu266. Il se
fondait, dans son analyse, sur le fait que « là où le traité européen avait prévu une suppression
inconditionnelle des barrières aux échanges à la fin de la période transitoire, soit le 31
décembre 1969, celui de l’UEMOA envisage une progression beaucoup plus modulée (…).
Dans cette optique, tant le rythme que les modalités de l’élimination de ces mesures seront
déterminés par le Conseil ». Il faut cependant souligner que la pratique a été quelque peu
différente, car l’acte additionnel n° 04/96 instituant un régime tarifaire préférentiel transitoire
a pratiquement prévalu jusqu’à l’entrée en vigueur de l’Union douanière : aucun acte du
Conseil n’étant intervenu pour fixer le rythme et les modalités de la libéralisation267. Le
dernier acte intervenu en la matière, l’acte additionnel n° 04/98 du 30 décembre 1998, tout
comme ses prédécesseurs, a fixé des dates buttoirs. Mais le plus regrettable, c’est
certainement le manque de préparation des principaux acteurs concernés, à savoir les
opérateurs économiques, au regard de la rapidité des abattements des droits de douane. C’est
d’ailleurs ce qui fait le plus peur dans le processus d’intégration de l’UEMOA. En effet, s’il
est probable qu’à terme toute la zone en sortira gagnante, dans l’immédiat, un certain nombre
d’opérateurs économiques nationaux verront leurs affaires péricliter face aux concurrents
venus des autres pays membres, surtout que peu d’entre eux comprennent véritablement la
portée de cette ouverture de marchés. Or, dans la fixation de leur délai, les différentes
instances ne semblent pas avoir fait de sérieuses prospectives du terrain.

Ces déficiences pourraient cependant être enrayées si la volonté politique demeurait


permanente et multipliait les activités de sensibilisation et d’informations à l’endroit des
populations de l’Union. Ceci pourrait se révéler même plus concluante que les prospectives ;
en effet, la quote-part qu’occupe l’informel dans les économies de la sous-région ne favorise
guère l’établissement de sérieuses statistiques, préalables à toute prospection. Si, du fait de
leur impact et de leur caractère agressif, les obstacles tarifaires semblent retenir
principalement l’attention dans le processus de libéralisation des échanges intra-
communautaires, il ne faudrait pas perdre de vue les autres entraves, non moins importantes,
constituées par les contingentements et les mesures assimilées.

§.2- La suppression des barrieres non tarifaires.

Les obstacles non tarifaires à supprimer sont de deux ordres. Le Traité de Dakar en aménage
la suppression à l’article 76 paragraphe a) qui vise « l’élimination entre les pays membres…
des restrictions quantitatives à l’entrée et à la sortie (…) et de toutes autres mesures d’effet
équivalent susceptibles d’affecter lesdites transactions ». Il s’agit des restrictions quantitatives
(prohibition, contingentement) et des mesures d’effet équivalent.

266
Voir E. CEREXHE et L. LE HARDY de BEAULIEU, « Introduction à l’union économique ouest africaine »,
op. cit. p.68.
267
Exception faite du Tarif extérieur commun qui a fait l’objet d’un règlement du Conseil.
Cours de droit communautaire
99

A)- LES RESTRICTIONS QUANTITATIVES

Les restrictions quantitatives sont des limitations quantitatives aux importations ou aux
exportations, c’est-à-dire toutes mesures aptes à entraver les échanges intra-communautaires.
Sont donc visées toutes dispositions législatives, réglementaires et administratives, toutes
pratiques administratives ainsi que tous actes émanant d’une autorité publique. Il s’agit
particulièrement des mesures de commercialisation des produits, portant notamment sur la
forme, le poids, le conditionnement, etc., applicables indistinctement aux produits nationaux
et aux produits importés, dont les effets respectifs sur la libre circulation des marchandises
dépassent le cadre des effets propres d’une réglementation du commerce. C’est dire qu’elles
correspondent à des limitations quantitatives aux importations ou aux exportations et
constituent de ce fait des entraves à l’importation et à l’exportation même si elles s’appliquent
indistinctement aux produits nationaux.

B)- LES MESURES D’EFFET EQUIVALENT

Tout comme l’expression taxe d’effet équivalent, celle de mesures d’effet équivalent est une
abréviation de l’expression « mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives ». A
l’instar de la notion de taxes d’effet équivalent, celle de mesures d’effet équivalent est
d’origine jurisprudentielle. Elles sont, en effet, définies par la Cour de Luxembourg comme «
toute réglementation commerciale entre les Etats membres susceptibles d’entraver
directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intra-
communautaire ». Il ressort de la jurisprudence de la Cour ainsi citée que trois critères
principaux sont retenus pour la détermination d’une mesure d’effet équivalent à une
restriction quantitative. Il s’agit de l’origine du produit, du caractère public de la mesure et de
l’aptitude de la mesure à entraver les échanges.

Le Conseil des ministres de l’UEMOA détermine les modalités d’élimination sur les échanges
intra-communautaires, des droits de douane, des restrictions quantitatives et de toutes taxes
d’effet équivalent. Les escortes douanières, très onéreuses pour l’opérateur économique
importateur, les contrôles administratifs excessifs sur les corridors de l’Union et la
multiplicité des contrôles routiers étatiques constituent d’autres mesures non tarifaires que
l’UEMOA entend enrayer ou à tout le moins limiter par l’instauration de postes de contrôle
juxtaposés aux postes frontières (directive n°08/2005 du 16/12/2005 sur la réduction des
postes de contrôle sur les axes routiers inter Etats en vue d’une amélioration de la libre
circulation des marchandises et de la réduction des coûts de transport routier). Cela dit,
l’union douanière ne se satisfait pas seulement d’une libéralisation de la circulation des
marchandises à l’intérieur de l’espace intégré ; ceci n’est que l’implication interne de
l’unification douanière. Elle implique, en plus, une différenciation de l’espace communautaire
par rapport aux autres espaces.

SECTION 2 : LA DIFFERENCIATION DE L’ESPACE COMMUNAUTAIRE

La différenciation de l’espace communautaire par rapport aux autres espaces est visée à
travers l’instauration d’un tarif extérieur commun (TEC) et de façon plus globale d’une
politique extérieure commerciale commune.

§.1- Le Tarif Exterieur Commun (TEC)

Avant de s’intéresser à la nomenclature des droits et taxes qui composent le TEC de


l’UEMOA (A), il convient d’examiner, au préalable, les objectifs qui lui sont assignés (B).
Cours de droit communautaire
100

A)- LES OBJECTIFS DU TEC

Le TEC de l’UEMOA, qui est la réplique du tarif douanier commun de l’UE, vise
essentiellement l’uniformisation (à terme) des droits et taxes d’entrée dans tous les Etats
parties au processus d’intégration à l’égard des biens provenant des Etats tiers. Cela conduit à
éviter les détournements de trafic tout en assurant un minimum de protection de l’espace
communautaire.

1°) La prévention des détournements de trafic

Le premier effet recherché par l’instauration du TEC est de prévenir les détournements de
trafic qui pourraient s’avérer préjudiciables à la poursuite du processus. En effet, en l’absence
de ce tarif, l’Etat affichant les droits de porte les plus bas sera celui par lequel s’introduiront la
plupart des produits en provenance de l’extérieur au détriment d'autres Etats aux tarifs plus
élevés, faussant tout le jeu de la libre circulation. A cet égard, il faut relever que le TEC a une
fonction de différenciation de l’espace commercial qui devient ainsi une zone commerciale
unique avec l’institution de la libre pratique. Observé de l’extérieur, il ne devrait plus y avoir
de frontière à l’intérieur de l’UEMOA. Force est cependant de constater qu’à ce jour, l’Union
n’a pas encore consacré ce principe d’où il suit que l’union douanière de l’UEMOA demeure
une œuvre à parachever.

2°) La protection de l’espace communautaire

Un deuxième objectif poursuivi est de protéger le nouvel espace commercial contre les
productions étrangères. Cet objectif se justifie amplement dans le contexte de l’UEMOA. où
la plupart des industries se présentent encore à l’état embryonnaire. C’est cette protection des
marchés régionaux qui justifie l’hostilité manifeste de l’OMC, l’héritière du GATT, à
l’endroit des regroupements régionaux. Cette organisation pose comme condition d’admission
de ces regroupements le statu quo, sinon l’abaissement des droits de douane et autres
règlements de commerce en vigueur dans les pays membres avant la constitution de la zone.
Les rédacteurs du traité de l’UEMOA en ont été conscients et ont entendu se conformer à
cette condition stipulée par l’article XXIV (5) (a) de l’Accord général sur les tarifs douaniers
et le commerce (GATT). L’alinéa 2 de l’article 77 du traité de l’Union affirme, en effet, que
« l’Union s’assure que l’incidence globale des droits de douanes et des autres règlements du
commerce vis-à-vis des pays tiers n’est pas plus restrictive que celle des dispositions en
vigueur avant la création de l’Union ».

Au total, du point de vue de ses conséquences, l’établissement du TEC entraîne deux


incidences majeures : - L’effet de création de commerce : Il concerne le volet interne de la
libéralisation des échanges. En effet, par l’abolition de la fiscalité de porte ou l’augmentation
de la taille de marché, il est créé un nouveau courant d’échange sur la base d’avantages
comparatifs ; les produits fabriqués dans l’Union deviennent plus compétitifs à l’intérieur de
la zone du fait justement de l’abolition des droits de porte. - L’effet de réorientation de
commerce : Cela concerne le volet externe de la libéralisation. Le TEC entraîne ici un
détournement de commerce dû à la préférence communautaire suite à la constitution de
l’union douanière. Ce détournement de trafic est toujours négatif, selon certains économistes,
car il ne tient pas compte des coûts comparatifs relatifs qui mettent les pays tiers dans une
position de compétitivité et amène à renoncer au meilleur producteur pour les pays membres
de l’union douanière.

Cours de droit communautaire


101

S’agissant du schéma proprement dit d’établissement du TEC dans l’UEMOA, il a été adopté
depuis novembre 1997 par le Conseil des ministres de l’Union268 avec le règlement n°
02/97/CM/UEMOA portant adoption du TEC de l’UEMOA269. Le règlement en question a
notamment déterminé la composition du T.E.C. et arrêté l’assiette et les taux des droits et
taxes.

B) LA COMPOSITION DU TEC

Pour ce qui est de la composition du TEC, il comprend une nomenclature tarifaire et


statistique et un tableau des droits et taxes270.

1°) La nomenclature tarifaire et statistique

La nomenclature tarifaire et statistique est une catégorisation en fait des produits en


provenance du reste du monde, laquelle catégorisation se fait en fonction de l’utilité des
produits ou de toute autre considération. L’article 4 du règlement n° 02/97/CM/UEMOA
précise que l’Union adopte la nomenclature tarifaire et statistique de la CEDEAO271, version
1996 à huit chiffres. Cette nomenclature a été étendue à dix chiffres pour répondre aux
contingences et aux spécificités de l’Union, notamment pour favoriser l’industrie en
particularisant certains intrants et en leur affectant une fiscalité appropriée272.

C’est dans cette perspective que le Conseil des ministres a adopté, le règlement n°
05/98/CM/UEMOA du 3 juillet 1998 « portant définition de la liste composant les catégories
des marchandises figurant dans la nomenclature tarifaire et statistique de l’Union Economique
et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) ». Les marchandises ont été classées dans les quatre
catégories suivantes :

Catégorie 0 : biens sociaux essentiels relevant d’une liste limitative (médicaments,


préservatifs, livres, journaux, prothèses, pétrole brut etc.).

Catégorie 1 : biens de première nécessité, matières premières de base, biens d’équipement,


intrants spécifiques (lait en poudre, céréales, semences agricoles, bois brut, métaux brut,
matières textiles brutes, ordinateurs, machines industrielles, intrants du secteur plastique, du
caoutchouc etc.).

Catégorie 2 : intrants et produits intermédiaires (huiles brutes, contreplaqués, beurre et graisse


de cacao etc.).

La compétence pour ce faire lui revient de droit d’après l’article 82 du traité qui l’habilite à prendre toute
268

mesure entrant dans le cadre du TEC.


269
Voir Bulletin .Officiel de l’ UEMOA. n° 07 de décembre 1997, p. 2, article 3.
270
Voir article 3 du règlement n °02/97/CM/UEMOA portant adoption du TEC de l’UEMOA.
271
Se référer donc, pour plus de précision, à la NTS de la CEDEAO.
272
Il est à noter que la commission a intégré dans le tarif les amendements de la version 2002 décidées par
l’Organisation mondiale des douanes (OMD).
Cours de droit communautaire
102

Catégorie 3 : biens de consommation finale et tous autres produits non repris ailleurs (viande,
poisson, lait, fruits et légumes, tissus apprêtés, ouvrages en métaux, véhicules de tourisme,
électroménager etc.).

2°) Le tableau des droits et taxes

Le TEC de l’UEMOA se compose de droits à caractère permanent et de droit à caractère


temporaire.

a)- Les droits à caractère permanent

Au titre des droits à caractère permanent, il y a les droits de douane (DD), la redevance
statistique (RS) et le prélèvement communautaire de solidarité (PCS).

Le droit de douane constitue de loin la composante la plus substantielle du TEC. Les taux
prévus pour s’appliquer dans l’Union douanière, c’est-à-dire, à partir du 1er janvier 2000
varient entre zero et vingt pour cent en fonction de la catégorie à laquelle appartient le produit
importé dans l’Union (voir le tableau des taux des DD).

Catégorie 0 Catégorie 1 Catégorie 2 Catégorie 3

0% 5% 10% 20%

Source : acte additionnel n° 04/96, article 7.

La redevance statistique est la deuxième composante du TEC aux termes du règlement n°


02/97/CM/UEMOA. La redevance statistique (RS) est un droit fixe de un pour cent applicable
à tous « les produits, exonérés ou non », à l’exception des privilèges diplomatiques ou des
biens importés dans le cadre du financement extérieur.

Le prélèvement communautaire de solidarité (PCS), avait été institué par l’acte additionnel n°
04/96273 avec un taux de zero virgule cinq pour cent (porté par la suite à un pour cent),
applicable à la valeur en douane des importations, dans tous les Etats membres, de produits
originaires des pays tiers à l’Union et mis à la consommation (article 17). Les produits du
PCS, directement perçus par l’Union274, sont destinés en priorité à la compensation des

273
Voir Bulletin Officiel de l’UEMOA, édition spéciale, juin 1996, p.9.
274
Il revient aux administrations nationales de les recouvrer de les encaisser quitte à les reverser dans un compte
ouvert, au nom de l’Union, à la BCEAO dans chaque Etat membre. V. l’ article 21 de l’Acte additionnel n°
Cours de droit communautaire
103

moins-values fiscales subies par les Etats membres importateurs des produits de l’Union, du
fait de l’action du régime tarifaire préférentiel275.

b)- Les droits à caractère temporaire

S’agissant des droits à caractère temporaire, il faut distinguer la taxe dégressive de protection
(TDP) de la taxe conjoncturelle à l’importation (TCI).

La taxe dégressive de protection est prévue par l’acte additionnel n° 04/96. Le Conseil des
ministres a institué un mécanisme pour l’application de la TDP par le règlement n°
03/99/CM/UEMOA. Cette taxe, précise l’article 3 du règlement susvisé, concerne les produits
de l’industrie ou de l’agro-industrie. En fait, c’est le secteur le plus sensible, le plus faible que
ce règlement a entendu protéger contre l’abaissement des droits d’entrée que va provoquer
l’établissement du TEC.

La TDP, taxe temporaire, a été instituée pour une durée initiale de quatre ans pendant lesquels
les produits non originaires de l’Union, qui se trouveraient dans la catégorie des produits
intérieurs élus à la TDP, supporteront une charge supplémentaire variable selon la période et
la classe du produit dans le régime de la TDP (Voir le Tableau de la TDP).

Tableau de la TDP

Période TDP basse276 TDP haute277

Du 01/07/1999 au 31/12/1999 10 % 20 %

Du 01/01/2000 au 31/12/2000 7,5 % 15 %

Du 01/01/2001 au 31/12/2001 5% 10 %

Du 01/01/2002 au 31/12/2003 2,5 % 5%

Source : BO UEMOA n° 13, premier trimestre 1999, article 5 du règlement n°


03/99/CM/UEMOA.

04/96 qui précise qu’en cas de non reversement, la BCEAO est autorisée à débiter d’office le compte du Trésor
Public du pays concerné pour le compte de l’Union.
275
Les subsides serviront à la dotation d’un fonds de réserve destiné à des déficits de compensation des moins-
values, puis à la dotation des fonds structurels et au financement du fonctionnement de l’Union. Voir article 23
de l’acte additionnel n° 04/96.
276
Aux termes de l’article 8 du règlement n° 03/99/CM/UEMOA, « un produit originaire de l’Union est éligible
à la TDP basse, si l’activité de la branche de production concernée a subi une baisse du taux de protection
effective (TPE) comprise entre 25 %et 50 % ».
277
Aux termes de l’article 9 du règlement suscité, « un produit originaire de l’Union est éligible à la TDP basse,
si l’activité de la branche de production concernée a subi une baisse du taux de protection effective supérieure ou
égale à 50 % ».
Cours de droit communautaire
104

Il convient de souligner que les taux applicables pour cette surtaxe ont été prorogés jusqu’au
31 décembre 2005, en attendant la mise en place d’un nouveau système de protection des
industries.

La taxe conjoncturelle à l’importation est une taxe ad valorem destinée à lutter contre les
variations erratiques des prix mondiaux de certains produits et à contrecarrer les pratiques
déloyales à l’importation. Cette taxe peut être spécifique pour les produits dont les prix sont
garantis sur les marchés du Nord. Elle a un caractère temporaire en ce sens qu’elle restera en
vigueur jusqu’à la mise en œuvre de l’ensemble des mécanismes de sauvegarde de l’OMC.
Elle est perçue (à un taux de 10%) uniquement sur les produits de l’agriculture, de l’agro-
industrie, de l’élevage et des pêches, à l’exclusion des poissons et produits à base de
poissons, lors de leur importation dans l’Union. C’est une taxe communautaire d’application
nationale. Les Etats concernés pour chaque produit sont précisés par décision de la
Commission. Il convient de mentionner par exemple que le Sénégal applique cette taxe sur le
sucre, la farine de blé, les huiles végétales raffinées et la purée de tomate ; la Côte d’Ivoire sur
la farine, le sucre et les huiles végétales.

§.2- La politique extérieure commerciale commune

L’union douanière conduit à un abandon par le pays membre de toute souveraineté en matière
de politique douanière. S’il apparaît parfois que l’on confine toute la politique extérieure de
l’Union à l’établissement d’un TEC, c’est qu’il y occupe une place de premier plan ; mais
cette politique consiste aussi en l’adoption d’une position commune des Etats membres de
l’Union douanière dans les négociations commerciales internationales. Il s’agit plus
exactement d’une harmonisation de la position extérieure des Etats de l’Union. L’union
douanière implique véritablement l’abandon de certaines prérogatives de souveraineté. En
effet, la communautarisation de la politique commerciale entraîne comme une perte de
souveraineté sur l’échiquier international ; l’Union, dotée de la personnalité juridique
internationale, entend représenter ses composantes dans les négociations internationales, afin
de faire valoir sa position sur les questions à l’ordre du jour.

Dans cette optique, c’est surtout l’article 84 du Traité qui dispose que l’Union conclut des
accords internationaux dans le cadre de la politique commerciale commune selon les
modalités suivantes :

la Commission présente des recommandations au Conseil qui l'autorise à la majorité des deux
tiers de ses membres à ouvrir les négociations nécessaires ;

la Commission conduit ces négociations en consultation avec un comité désigné par le


Conseil et dans le cadre des directives élaborées par celui-ci.

Les accords mentionnés à l'alinéa premier sont conclus par le Conseil à la majorité des deux
tiers de ses membres.

Ensuite, l’article 85 ajoute que si les accords mentionnés à l'article 84 sont négociés au sein
d'organisations internationales au sein desquelles l'Union ne dispose par de représentation
propre, les Etats membres conforment leurs positions de négociation aux orientations définies
par le Conseil à la majorité des deux tiers de ses membres et sur proposition de la
Commission.

Cours de droit communautaire


105

Lorsque des négociations en cours au sein d'organisations internationales à caractère


économique sont susceptibles d'avoir une incidence sur le fonctionnement du marché
commun, sans pour autant relever des compétences de l'Union, les Etats membres
coordonnent leurs positions de négociation. Ainsi, il n’est plus loisible aux Etats d’agir à leur
guise : ils appartiennent à une communauté, et le principe de loyauté qui est sous-jacent à ce
genre d’entreprise commande qu’ils en tiennent compte dans les relations internationales.

Par ailleurs, il est à noter que la libre circulation des marchandises exclut, dans le cadre des
relations avec les pays tiers, les pratiques de dumping, selon le Règlement n°09 du 23/5/2003
du Conseil des Ministres de l’UEMOA. La pratique de dumping doit affecter une branche de
la production de l’Union ; un lien de causalité doit exister entre l’importation faisant l’objet
d’un dumping et le préjudice économique causé à la branche de production. Le dumping
introduit une discrimination sur les prix des marchandises qui est de nature à fausser le jeu de
la libre concurrence sur le marché communautaire.

Chapitre II : LA LIBÉRALISATION DES FACTEURS DE PRODUCTION

Elle concerne d’une part la main d’œuvre c’est-à-dire la personne prise dans ses dimensions
pluridisciplinaires (section I), d’autre part les services et les capitaux (section II).

SECTION 1 : LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES

Afin de bien cerner la notion de libre circulation des personnes, il est intéressant de voir son
principe avant d’examiner les limites à celui-ci.

§.1- Le principe de la liberte de circulation

Le principe de la libre circulation des personnes est formellement posé aux articles 91 et 92
du traité.

Aux termes de l’article 91, cette liberté implique :

« l’abolition entre les ressortissants des Etats membres de toute discrimination fondée sur la
nationalité, en ce qui concerne la recherche et l’exercice d’un emploi, à l’exception des
emplois dans la fonction publique.

le droit de se déplacer et de séjourner sur le territoire de l’ensemble des Etats membres ;

le droit de continuer à résider dans un Etat membre après y avoir exercé un emploi ».

Le point 1) de l’article 92 poursuit : « les ressortissants d’un Etat membre bénéficient du droit
d’établissement à l’intérieur de l’Union » et l’article 93 affirme que « les ressortissants de
chaque Etat membre peuvent fournir des prestations de service dans un autre Etat membre
dans les mêmes conditions que celles que cet Etat impose à ses propres ressortissants ».

A première vue, le chemin vers la citoyenneté communautaire semble amorcé : l’article 91


parle en effet de « ressortissants » et non uniquement de travailleurs. On peut donc
légitimement penser que le schéma d’intégration de l’UEMOA n’aura pas besoin du long et
sinueux cheminement qu’a connu le processus européen pour affirmer le principe de
l’extension de la liberté de se déplacer à tout ressortissant communautaire et non pas
seulement aux agents économiques. Il ne s’agit donc pas seulement d’une libération du
Cours de droit communautaire
106

facteur « humain » de production, mais véritablement d’une libération de la personne par la


suppression des barrières à son déplacement à l’intérieur de l’Union.

La nomenclature arrêtée par le traité de l’UEMOA rejoint celle classique qui reconnaît
généralement comme composantes de cette liberté : la liberté de se déplacer, le droit de
résidence, le droit d’établissement et la liberté de prestation de services.

A)- LES DROITS D’ENTREE, DE SEJOUR ET DE RESIDENCE

1°)- Le droit d’entrée : c’est le droit d’accès au territoire d’un Etat membre reconnu à un non
national. Dans le cadre de l’intégration, il consiste concrètement à supprimer l’obligation
d’obtention de visa et permettre d’accéder à un territoire sur simple présentation d’un titre de
voyage et la pièce d’identité. Dans l’UEMOA, ce droit n’est pas expressément mentionné
dans le traité et il faut se référer à l’accord de Bamako conclu dans le cadre de la CEAO pour
le fonder. Le droit d’entrée est le préalable à la jouissance du droit de séjour, de résidence et
d’établissement.

2°)- Le droit de séjour : c’est le droit reconnu à une personne physique d’entrer sur le
territoire d’un autre Etat et d’y demeurer pour un séjour de courte durée. Ce droit n’est pas
également prévu formellement dans le traité de Dakar.

3°)- Le droit de résidence : il signifie le droit de séjourner sur le territoire d’un Etat autre que
celui dont on a la nationalité en vue de rechercher un emploi salarié et d’exercer un tel emploi
dans les mêmes conditions que les nationaux de cet Etat. Ce droit est expressément prévu à
l’article 91 mais toute la réserve concerne l’effet direct de cette disposition puisque le point 2
de cette disposition a assorti l’effectivité de ce droit à un acte du Conseil devant intervenir
pour « faciliter l’usage effectif des droits prévus ».

Le droit à la libre circulation des personnes interdit toute discrimination fondée sur la
nationalité, cependant le travailleur qui ne se déplace pas, qui ne franchit pas de frontière ne
peut l’invoquer, d’où une discrimination à rebours résultant de situation purement interne. Les
ressortissants d’Etats tiers peuvent bénéficier de la réglementation communautaire sur la base
d’accord d’association de ces Etats avec l’Union. Le regroupement familial permet aux
conjoints, enfants à charge et ascendants de bénéficier des mêmes droits que les nationaux en
la matière.

L’UEMOA (Conseil des Ministres) n’a pas encore pris les mesures d’application tendant à
faciliter l’usage de cette liberté de circulation et qui ont trait : - aux régimes applicables aux
membres des familles des travailleurs migrants et à leur sécurité sociale ; - à la définition des
réserves limitant cette liberté. Les Etats membres de l’UEMOA sont néanmoins parties à la
Conférence Interafricaine de Prévoyance Sociale (CIPRES). Cette Convention qui est entrée
en vigueur le 10 octobre 1995, assure la protection des travailleurs migrants en matière de
sécurité sociale, en leur garantissant le principe de l’égalité de traitement et en maintenant le
principe des droits acquis. Elle préconise l’harmonisation des différentes législations de
sécurité sociale des Etats membres qui relèvent tous de la zone franc et qui sont les Etats de
l’UEMOA plus le Tchad, le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Cameroun. La
CIPRES siège à Lomé (Togo).

B)- LA LIBERTE D’ETABLISSEMENT.


Cours de droit communautaire
107

L’article 92 du traité de l’UEMOA confère aux ressortissants de ses Etats membres le droit
d’établissement. La disposition qui consacre cette liberté est d’une telle clarté qu’elle devrait
bénéficier de l’applicabilité directe. En effet, elle apporte des précisions sur le terme
« ressortissants » et explique ce qu’elle entend par « droit d’établissement ». Du point de vue
de son contenu, c’est, à l’image de la définition classique, le droit reconnu à une personne
physique ou morale d’accéder au territoire d’un Etat autre que celui dont elle a la nationalité
afin d’y exercer un emploi non salarié dans les mêmes conditions que les nationaux, de même
que le droit de constituer et de gérer des entreprises constituées ou non en sociétés.

Dans le cadre de la facilitation du droit d’établissement et du droit de la prestation de services,


le Conseil des Ministres de l’UEMOA a édicté divers textes dont :

la directive n°06/2005/CM/UEMOA du 16 décembre 2005 relative à la libre circulation et à


l'établissement des médecins ressortissants de l'Union au sein de l'espace UEMOA ;

la Directive n°07/2005/CM/UEMOA du 16 décembre 2005 relative à la libre circulation et à


l'établissement des architectes ressortissants de l'Union au sein de l'espace UEMOA ;

le Règlement n°05/2006/CM/UEMOA du 29 juin 2006 relatif à la libre circulation et à


l'établissement des experts-comptables et des comptables agrées ressortissants de l’Union au
sein de l’espace UEMOA ;

le Règlement n° 10/2006/CM/UEMOA du 26 juillet 2006 relatif à la libre circulation et à


l'établissement

le Règlement n°03/2008/CM/UEMOA du 28 mars 2008 relatif aux conditions d'exercice des


professions d'intermédiaires de transport maritime au sein de l'UEMOA ;

la Directive n°07/2008/CM/UEMOA du 28 juin 2008 relative à la libre circulation et à


l'établissement des chirurgiens-dentistes ressortissants de l'Union au sein de l'espace
UEMOA ;

la Directive n°06/2008/CM/UEMOA du 28 juin 2008 relative à la libre circulation et à


l'établissement des pharmaciens ressortissants de l'Union au sein de l'espace UEMOA.

C)- LA LIBRE PRESTATION DES SERVICES

Cette liberté est reconnue par le traité de l’UEMOA qui, malheureusement, n’en définit pas le
contenu comme il l’a fait pour la liberté d’établissement. Elle s’entend en effet de toute
prestation fournie dans le cadre d’une activité professionnelle indépendante, et ce, de façon
ponctuelle ou temporaire, sur un territoire autre que celui sur lequel on est établi. Les services
désignent en réalité, et selon une compréhension du traité des Communautés européennes, les
prestations fournies normalement contre rémunération et qui ne relèvent pas du champ
d’application de la libre circulation des marchandises, des capitaux ou des personnes à
proprement parler278.

278
Ce qui fonde une partie de la doctrine à suivre les traités dans la distinction entre libre circulation des
personnes et libre prestation des services, c’est le fait qu’avec cette dernière, théoriquement, c’est le service qui
traverse la frontière, et même si pratiquement, dans la plupart, le service ne se déplace pas seul, c’est lui qui
justifie le déplacement de ses prestataires, juste pour le temps de sa prestation.
Cours de droit communautaire
108

§.2- Les limites au principe de libre circulation

Les rédacteurs du traité, sans doute conscients de la nécessité de ménager les susceptibilités
des souverainetés nationales, ont prévu des restrictions à la liberté de circulation ainsi que des
possibilités d’y déroger dans certaines circonstances.

A)- LES RESTRICTIONS A LA LIBERTE DE CIRCULATION

L’article 91, paragraphe 1, en proscrivant « toute discrimination fondée sur la nationalité, en


ce qui concerne la recherche et l’exercice d’un emploi », précise bien que c’est « à l’exception
des emplois dans la Fonction publique ». Cette exception est d’ailleurs très utilisée dans les
différents processus d’intégration, notamment ceux qui ambitionnent de réaliser un marché
commun. Dans le traité de la CEE, c’est toute l’administration publique qui est soustraite au
marché européen de l’emploi. Mais la jurisprudence a considérablement restreint le champ
d’application de cette exception en décidant que seuls sont concernés les emplois qui
comportent « une participation, directe ou indirecte, à l’exercice de la puissance publique et
aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l’Etat ou des autres
collectivités publiques ». La même décision justifiait cette exception par « l’existence d’un
rapport particulier de solidarité à l’égard de l’Etat ainsi qu’une réciprocité des droits et des
devoirs qui sont le fondement du lien de nationalité »279. Sans doute qu’au niveau de
l’UEMOA, l’intervention de la jurisprudence communautaire sera-t-elle utile pour limiter un
usage abusif de cette exception ?

B)- LES POSSIBILITES DE DEROGATION

Outre les limites déjà établies par le traité, il est laissé aux Etats membres, le pouvoir de
recourir à des dérogations dans la mise en œuvre de la liberté de circulation des personnes,
l’un des véritables piliers du marché commun. Il s’agit de ce que le traité appelle « des
limitations justifiées par des motifs d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique »
et qui sont systématiquement reprises par les dispositions conférant ces libertés280.

Le risque est grand de voir les Etats s’engouffrer dans cette ouverture, ce d’autant plus que les
motifs comme l’ordre public, la sécurité publique et la santé publique sont des notions qui
n’ont jamais eu, même dans le cadre interne, un contenu clair, précis et univoque. La
multiplicité des ordres juridiques ne fera qu’accentuer l’ambiguïté de ces notions, ce qui n’est
pas de nature à assurer la transparence dans les recours à ce genre de dérogations. A moins
que la Cour de Justice, dans son rôle d’unification du droit communautaire n’en donne une
interprétation définitive.

Une autre solution réside peut-être dans l’harmonisation des restrictions qui pourraient être
maintenues par les différents Etats membres pour les motifs dont il est question. Ceci est
d’ailleurs prévu dans les projections du traité. L’article 94, alinéa 2 dudit traité dispose en
effet que les restrictions maintenues, doivent être notifiées à la Commission par les Etats
membres et qu’il appartient à cette dernière de procéder à « une revue annuelle de ces
restrictions en vue de proposer leur harmonisation ou leur élimination progressive ».

279
CJCE, 17 déc.1980, aff. 149/79, Commission C. Belgique, Rec., 1979, p. 3881. Voir aussi CJCE, 3 juillet
1985, aff. 66/85 Lawrie-Blum Rec. 1986, p. 2121.
280
Article 91, paragraphe 1 ; article 92, paragraphe 3 ; article 93.
Cours de droit communautaire
109

Il s’agit pour les rédacteurs du traité de l’UEMOA, de concilier l’impératif d’aboutir à une
abolition totale des entraves à la libre circulation et le souci de ne pas brusquer l’abandon de
souveraineté au risque de provoquer un « crash » de ce processus qui vient à peine d’atteindre
une décennie.

SECTION 2 : LA LIBRE CIRCULATION DES CAPITAUX

Aux termes de l’article 96 du traité de l’UEMOA, « les restrictions aux mouvements, à


l’intérieur de l’Union, des capitaux appartenant à des personnes résidant dans les Etats
membres, sont interdites ». Ces dispositions sont d’une telle fermeté qu’il ne semble pas
nécessaire d’attendre que le Conseil adopte des actes de droit dérivé pour l’usage effectif de
ce droit comme le prévoit l’article 98.

Bien que l’article 99 revienne pour instaurer une clause de standstill – ce qui est moins fort
par rapport à l’interdiction de restriction formulée par l’article 96 – la Cour de Justice de
l’Union, si elle devait se prononcer sur l’interprétation, n’aurait a priori d’autre choix que
d’affirmer l’applicabilité directe et immédiate de cette règle. Il lui suffira, pour neutraliser
l’article 99, de démontrer que la restriction déjà existante, ne peut être maintenue parce que
constituant un moyen de discrimination arbitraire. Les Etats pourraient, en effet, se retrancher
derrière les excuses de l’article 97 pour maintenir, et pourquoi pas édicter de nouvelles
entraves, en alléguant des motifs : de prévention des infractions à leur législation fiscale ; de
renforcement des moyens d’information statistique sur les mouvements de capitaux ; ou
simplement de raison d’ordre public ou de sécurité publique. Il n’y a que la Cour de Justice,
investie de la mission générale de veiller à l’application correcte du traité, qui soit capable
d’empêcher toute fraude au traité.

En plus de ces faiblesses relevées au sujet de la libération des mouvements de capitaux, il y a


le manque de précision quant au contenu de la notion. La même imprécision a prévalu dans
l’expérience européenne sous le régime de l’article 67 du traité de Rome où il était fait état
d’une suppression progressive « des restrictions aux mouvements des capitaux » appartenant à
des personnes résidant dans les Etats membres, avant d’être neutralisé par l’article 73 B du
traité CE ; le principe retenu par ce dernier article apparaît - selon E. CEREXHE - comme
« celui de l’interdiction des restrictions tant aux paiements qu’aux mouvements des
capitaux »281.

A considérer sommairement, les dispositions du traité de l’UEMOA, seul semble être pris en
compte, le capital lié à l’investissement direct, à l’exclusion du capital en tant que moyen de
paiement. Mais, « sans doute convient-il au-delà du texte, de considérer que les mouvements
visent aussi la libération des paiements à peine de remettre en cause l’ensemble de la logique
de l’ouverture du marché »282. Il est difficile de concevoir les libertés de circulation des
biens et des personnes - surtout des travailleurs - sans une libération des paiements à
l’intérieur du nouveau marché. D’ailleurs, au niveau du système UMOA, le Règlement R09
relatif aux relations financières avec l’extérieur, prévoit la liberté des paiements courants à

281
E. CEREXHE et L. LE HARDY de BEAULIEU, « Introduction à l’union économique ouest africaine », op.
cit.., p. 75.
282
E. CEREXHE et L. LE HARDY de BEAULIEU, « Introduction à l’union économique ouest africaine », op.
cit.., p. 76.
Cours de droit communautaire
110

l’intérieur de l’union pour les ressortissants communautaires sous la réserve de la


domiciliation de l’opération dans une banque intermédiaire agrée.

Toutefois, il est à noter que cette liberté de mouvement, comme toute liberté, ne doit pas être
illimitée, car elle saperait la politique économique commune et créerait un déséquilibre de la
balance des paiements, toutes choses qui remettent en cause les objectifs même du Traité. Si
les mouvements de capitaux sont susceptibles d’affecter le marché de change et la politique
monétaire d’un Etat membre, celui-ci doit pouvoir, pour des raisons d’ordre public, prendre
d’office des mesures de sauvegarde, en aviser la Commission de l’UEMOA qui prendra les
dispositions nécessaires (article 86 du Traité). Le principe de libre circulation des capitaux ne
préjudicie pas au droit des Etats membres : - de prendre des dispositions pour prévenir les
infractions à leur législation fiscale ; - d’avoir une statistique sur les mouvements de capitaux
; - d’opposer à ces flux des restrictions motivées par des raisons d’ordre public et de sécurité
publique.

Par ailleurs, ces mesures dérogatoires ne peuvent préjuger de la possibilité des Etats membres
d’appliquer des restrictions en matière de droit d’établissement compatibles avec le droit du
Traité. Les pouvoirs ainsi reconnus aux Etats ne doivent pas être détournés pour constituer un
moyen de discrimination arbitraire ou une entrave à la libre circulation des capitaux. Le
contrôle des changes (BCEAO) apporte une autre dérogation à cette liberté en soumettant à
autorisation ou à des limitations, le transfert des capitaux hors de l’Union. La lutte contre le
blanchissement d’argent restreint également le mouvement de capitaux : la directive
n°07/2002/CM/UEMOA du Conseil des Ministres de l’UEMOA en date du 10/9/2002 sur le
blanchissement des capitaux dans les Etats membres de l’UEMOA donne mandat aux Etats
membres de poursuivre et sanctionner par application de leur droit pénal les auteurs et
complices de blanchissement d’argent (personnes physiques et personnes morales autres que
les Etats) ; les juridictions nationales peuvent ordonner la saisie ou la confiscation des
capitaux en cause. Le blanchissement consiste à introduire des capitaux d’origine illégale dans
les circuits d’organismes financiers et bancaires réguliers dans le but de dissimuler ou de
déguiser leur origine illicite (article 2 de la directive)283.

283
Sur cette question comme sur celle de la libre circulation des biens, des personnes et des capitaux dans le
cadre de l’UEMOA, Voir notamment M. DIAKITE, « La libre circulation des personnes et des biens dans
l’espace UEMOA »l’AA-HJF, contribution à la Session de formation de l’Association africaine des hautes
juridictions francophones (AA- HJF,) Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006.
Cours de droit communautaire
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3°)- JURISPRUDENCE

3.1- La primauté

* Jurisprudence européenne

- Primauté des traités : CJCE, 15 juillet 1964, Costa c/ Enel, Aff. 6/64, p.1141 .

- Primauté des règlements : CJCE, 14 décembre 1971, Politi c/Ministère des Finances, Aff.
43/71, p.1039 ;

- Primauté des directives : CJCE, 19 janvier 1982, Becker, Aff. 8/81, p.53 ;

- Primauté des décisions : CJCE, 8 mars 1979, Salumeria di Cornuda, Aff. 130/78, p.867 ;

- Primauté des accords externes : CJCE, 26 octobre 1982, Hauptzollamt Mainz c/CA
Kupferberg & Cie Kga A, Aff. 104/81, p.3641.

* Jurisprudence UEMOA

- Avis 001/2003 de la Cour de Justice de l’UEMOA : « Demande d’avis de la Commission de


l’UEMOA relative à la création d’une Cour des comptes au Mali ».

* Jurisprudence française

- Cass. crim., (française), 18 septembre 1997, D. 1997 IR, 233

- Cass com., (française), 20 octobre 1998, RJDA 1999, p.292, n°366

- Cass 1ère civ., (française), 28 avril 1998, JCP 1998, II, 10088

3.2- L’applicabilité immédiate

* Jurisprudence communautaire

- CJCE, 3 avril 1968, Firma Molkerei, Aff. 28/67, p. 211.

- CJCE, 9 mars 1978, Administration des finances de l’Etat c/Société anonyme Simmenthal,
Aff. 106/77, p.629.

Cours de droit communautaire


115

* Jurisprudence française

L’applicabilité immédiate vaut pour l’ensemble des normes communautaires obligatoires sauf
les normes du droit primaire. Même les directives sont considérées comme d’applicabilité
immédiate car la transposition n’est pas assimilable à une procédure de réception. La
publication communautaire est suffisante et n’a pas à être complétée par une publication
interne (Cf., Cass. crim. française, 22 octobre 1970, Ramel, D.1971, p. 221). Pour les
règlements (Cf., CE (français) 22 décembre 1978, Syndicat des Hautes Graves de Bordeaux,
Rec. p 526 ; Conseil Constitutionnel français, 30 décembre 1977, 77-89 et 77-90, RJC I-55).

3.3- L’effet direct

Effet direct des règlements

- CJCE, 14 décembre 1971, Politi c/Ministère des Finances, Aff. 43/71, p. 1039

- CJCE, 10 octobre 1973, Variola c/Ministère des Finances Aff. 34/73, p. 981

- CJCE, 12 décembre 1974, Walrave, Aff. 36/74, p. 1405

Effet direct des directives

- CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn, Aff. 41/74, p. 1337.

- CJCE, 6 mai 1980, Commission c/Belgique, Aff. 102/79, p. 1473.

- CJCE, 19 javier 1982, Becker, Aff. 8/81, p. 53.

- CJCE, 13 novembre 1990, Marleasing, Aff. C 106/89, p. I-435.

- CJCE, 19 novembre 1991, Francovich et Bonifaci, Aff. C 6/90 et C 9/90, p. I- 5403.

Effet direct des décisions

- CJCE, 6 octobre 1970, Franz Grad, Aff. 9/70, p. 825.

- CJCE, 8 mars 1979, Salumificio di Comuuda, Aff. 130/78, p. 867.

- CJCE, 12 décembre 1990, Kaeffer et Procacci c/Etat français, Aff. C 100 et 101/89, p. I-
4647.

- CJCE, 10 novembre 1992, Hans Fleisch Ernst mundt c/Landrat des crises Schleswig
Flensbourg, Aff. C 156/91, p. I-5567.

Effet direct des accords internationaux

- CJCE, 12 décembre 1972, International Fruit Company III, Aff. 21, 22, 23, 24/71, p. 1219.

Cours de droit communautaire


116

4°)- SITES INTERNET

CEDEAO : http://www.ecowas.int

UEMOA : http://www.uemoa.int

OHADA : http://www.ohada.com

UE : http://www.europa.eu.int/index_fr.htm

UE : http://www.curia.eu.int/fr/index.htm

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