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METHODOLOGIE DE LA DISSERTATION PHILOSOPHIQUE : APPLICATION

Sujet : L’homme libre est-il celui qui n’écoute que lui-même ? Auteur : MOUSSOUNDA

Etre libre c’est penser, parler, agir sans contrainte ou entrave. Partant de cette
définition, on peut se rendre compte d’une attitude commune consistant à croire qu’on se
sentirait plus libre si les autres ne se mêlaient pas de nos affaires, si on n’obéissait qu’à soi-
même. Pourtant, l’homme est un être qui doit vivre avec autrui ; et de ce fait, il semble
difficile de faire l’économie de ce que pensent, disent et font les autres. Il se pose alors le
problème des fondements de la liberté. Dès lors, ne doit-on écouter que soi-même pour
jouir de sa liberté ? Autrui peut-il aussi nous aider à devenir plus libre ?

L’on pense souvent que c’est en n’écoutant que soi-même qu’on peut véritablement
être libre.
Ainsi, on peut entrevoir l’autre comme un obstacle à notre affirmation et nous
résoudre à ne tenir compte que de notre point de vue. En effet, les autres autour de nous
portent parfois sur nous des jugements subjectifs et dépréciatifs qui nous gênent
énormément. Or, si nous nous laissons influencer par l’opinion péjorative des autres sur
nous, il y a risque de ne plus se réaliser pleinement, de ne plus vivre librement. Si donc,
comme l’affirme Sartre, «l’enfer c’est les autres », si autrui constitue un obstacle à
l’affirmation de notre liberté, il faut alors refuser de suivre son opinion et se résoudre à
n’écouter que nous-même. Comme quoi l’homme libre est celui qui ne se laisse pas distraire
par les mauvais jugements des autres mais qui prend ses décisions en écoutant sa propre
conscience.
De plus, si nous voulons réussir dans la vie et nous réaliser pleinement, nous devons
souvent nous obstiner à n’écouter que le son de nos ambitions, de notre cœur, donc nos
passions. En effet, nous sommes des êtres d’ambitions et de projets. Or, pour réaliser ceux-ci
nous sommes souvent confrontés à l’adversité et à la concurrence des autres. Ces derniers
peuvent alors nous précipiter dans l’échec. Par conséquent, c’est au prix de l’obstination, de
la détermination que nous pouvons parvenir à la réussite. Nous cernons, dès lors, l’intérêt
du propos de Hegel selon lequel «rien de grand ne s’est accompli dans le monde sans
passion ». La passion est ici cette énergie de notre vouloir qui nous fait surmonter les
obstacles et nous porte toujours de l’avant. Somme toute, l’homme qui veut pleinement se
réaliser dans la vie devrait parfois s’obstiner en ne faisant confiance qu’à lui-même.
Enfin, la liberté s’affirme aussi à travers l’autonomie de la pensée. Etre libre c’est, en
effet, penser par soi-même, c’est-à-dire réfléchir, juger et décider sans être influencé. Dans
bien de cas, nous vivons sous tutelle, des parents, des éducateurs, des autorités religieuses
et politiques… Or, tous ces tuteurs ne nous accordent pas toujours le droit d’être autonome
dans nos décisions et de nous émanciper de leur tutelle. Toute chose qui nous maintient à
l’état de mineur et nous empêche d’être pleinement libre. C’est donc en décidant de penser
par nous-même que nous affirmons notre maturité et notre majorité et recouvrons notre
liberté. Dans cet esprit, Descartes prit la résolution de remettre en cause le contenu des
enseignements qu’il reçut auprès de ses maîtres jésuites afin de parvenir par lui-même à la
certitude. L’homme libre est donc celui qui pense par lui-même.

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En somme, si la liberté est affirmation de soi, c’est en écoutant d’abord soi-même
qu’on peut être libre. Cependant, l’homme qui tient aussi compte des autres ne serait-il pas
davantage libre que celui qui n’écoute que lui-même ?
Il faut souvent écouter les autres pour être plus lucide et objectif. En effet, l’homme
qui n’écoute que lui-même n’entend pas forcément la voix de la raison. Il est parfois aveuglé
par l’orgueil, la cupidité et l’ambition. Or, les remarques et les critiques que les autres
portent sur nous peuvent nous aider à découvrir les erreurs de nos propres jugements et les
faiblesses de nos actions. Lorsqu’on juge seul on ne perçoit pas toujours objectivement les
choses, on peut être loin du vrai et mal décider. En écoutant les autres, en confrontant les
points de vue on est plus lucide et clairvoyant, et donc on pense mieux. C’est en ce sens que
Kant s’interroge : «penserions-nous bien et penserions-nous beaucoup si nous ne pensions
(…) avec autrui ? » Les autres sont alors la garantie de l’objectivité et de la lucidité, ils nous
rendent plus libre.
De surcroît, pour être libre il faut agir en tenant compte des autres. En effet, celui qui
n’écoute que lui ne tient pas compte des autres, il ignore leur présence. C’est là une
manifestation de l’égoïsme. Or, la vie en société, pour être harmonieuse, exige la
considération et le respect réciproques ; respect de la vie privée et des droits de chacun.
Ainsi, si nous ne respectons pas les autres, à leur tour ils ne sont pas tenus de nous
respecter. Il en résulte inévitablement un conflit. C’est sans doute pourquoi Sartre a pu dire :
«ma liberté s’arrête là où commence celle des autres ». L’homme qui n’écoute que lui-même
ne sait pas limiter sa liberté, il empiète sur celle des autres. C’est pourquoi la société doit
être régie par des règles que chacun est tenu de respecter pour être véritablement libre, car
ces règles régulent les comportements.
Enfin, l’éducation consacre l’intervention d’autrui dans la réalisation de notre
autonomie. En effet, aucun humain ne naît déjà autonome, totalement maître de lui.
Devenir homme est une tâche qui passe par le processus d’éducation. Par l’éducation les
autres nous inculquent les valeurs et les savoirs nécessaires qui font que nous devenons des
hommes accomplis capables de nous assumer à notre tour. Sans cette intervention des
autres pour nous former que pouvons-nous être réellement ? Sans doute un être à l’état
sauvage, comme le décrit Lucien Malson dans son roman L’Enfant sauvage. C’est par
l’éducation, celle des parents et de l’école, que l’homme s’émancipe, se discipline, se forme
et se libère du joug de la nature. Kant corrobore cette analyse quand il affirme : «la discipline
nous fait passer de l’état animal à celui d’homme » et que cela doit «avoir lieu de bonne
heure ». Pour être libre véritablement il faut donc accepter que les autres agissent sur nous
en nous éduquant.

La réflexion sur les fondements de la liberté peut nous amener à considérer que nous
sommes le seul critère de référence. Autrement dit, être libre revient à n’écouter que soi-
même. Toutefois, l’exigence de vie en société doit nous conduire à accepter que les autres
aussi nous aident à mieux nous affirmer, dans le respect réciproque. Aussi pensons-nous que
l’homme libre est celui qui est bien éduqué et sait opérer des choix justes en toutes
circonstances. Reste à définir les critères d’une éducation qui rende l’humain vraiment libre.

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