AVRIL
2022
Édito
Non, les pharmaciens
ne remplacent pas
les herboristes
Depuis 1941, le diplôme d’herboriste
n’existe plus en France. On pose
donc la question : les pharmaciens
ont-ils remplacé les herboristes ?
La formation de base du pharma-
cien est sommaire concernant
l’usage des plantes médicinales.
Ils sont donc loin d’être des spé-
cialistes1.
Une étude2 menée entre 2015 et
2017, démontre que les pharma-
ciens vendent surtout des huiles
essentielles et des compléments
alimentaires mais très peu de
plantes en vrac et de tisanes.
Ils ont donc le monopole sur les
plantes mais les vendent peu et les
connaissent mal pour la plupart…
Il est donc fondamental de réha-
biliter la profession d’herboriste.
C’est pour défendre ce magni-
fique métier que La Pharmacie
secrète de Dame Nature change
de nom et devient dès à pré-
sent : La revue de l’Herboriste.
Nous souhaitons maintenir en vie
le savoir ancien des herboristes en
vous le transmettant, chaque mois,
dans les pages de cette revue.
Dans ce numéro, vous en décou-
vrirez d’ailleurs davantage sur ce
métier en danger de mort, à tra-
vers l’interview d’Hélène Lavaux,
herboriste et auteure régulière de
notre revue.
Bonne lecture,
Alizée Berchet
1. BOLIS Angela, « L’herboristerie survit dans un es-
pace de résistance », OUI ! MAGAZINE, 15 juin 2021.
2. Avelin Christine, Les études de FranceAgrimer,
La vente de plantes médicinales en pharmacie et
parapharmacie, années 2015, 2016, 2017 (données
OpenHealth Company), janvier 2019.
ISSN : 2813-1924 (print) - 2813-1932 (web)
n° 01
Index glycémique, T40,
gluten : tout ce que
vous devez savoir pour
bien choisir vos céréales
Elles sont liées à notre économie, notre survie, à la plupart de nos
sociétés humaines. Nous parlons bien des céréales, cet aliment in-
dissociable de l’histoire de l’humanité. Les céréales nous apportent
des éléments nutritifs essentiels mais elles sont beaucoup criti-
quées ces dernières années : on leur reproche surtout d’être trop
raffinées, pleines de gluten et d’avoir un indice glycémique élevé.
Voici un petit guide pour vous y retrouver…
Mathilde Simon est biologiste, diplômée d’un doctorat en si-
gnalisation cellulaire végétale de l’École normale supérieure
de Lyon. Elle a ensuite renforcé ses connaissances théo-
riques par une expérience pratique aux côtés de paysans
producteurs de plantes aromatiques et médicinales pen-
dant deux ans. Depuis, elle a fondé sa société, l’Écho sauvage et propose
des formations, des ateliers et des sorties autour de la cueillette et l’utili-
sation des plantes sauvages.
Une céréale est tout simplement sont principalement des plantes de
une plante qui est cultivée pour la famille des Poacées, ancienne-
son grain, et ce depuis au moins ment appelées graminées.
10 000 ans, aux premières traces de
la domestication des plantes par Ce sont les blés, le riz, le maïs pour
l’homme. Si l’on prend du recul et les plus connues ; à elles trois, elles
que l’on considère les céréales plu- représentent 90 % de la production
tôt d’un point de vue botanique, ce mondiale de céréales1. Les plantes de
1. « Worldwide production of grain in 2018-2019, by type », Statistica.
Sommaire
Index glycémique, T40, gluten : Acidité gastrique : cette infusion
tout ce que vous devez savoir protège les muqueuses
pour bien choisir vos céréales. . . . . . . 1 de votre estomac . . . . . . . . . . . . . . 12
« Herboriste, c’est un métier Primevère : la demoiselle délicate
d’avenir » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 qui fait trembler les virus . . . . . . .13
10 formes galéniques Marais, marécages, étangs…
à connaître quand on débute 7 bonnes raisons
en phytothérapie. . . . . . . . . . . . . 10 de les préserver . . . . . . . . . . . . . 15
DOSSIER MÉDICAL

cette famille sont intéressantes pour

leur production de grain. Ces grains De T40 à T170 : Pain complet ou pain
sont les fruits et les semences de ces décoder l’échelle blanc ? Le plus sain
plantes : contenus dans les épis, ils
renferment des trésors dont nous de la « pureté » n’est pas toujours
pouvons difficilement nous passer. Les céréales peuvent être cuisinées celui qu’on croit
en accompagnement d’un plat ou
transformées en farine. On trouve Plus une farine est complète, plus
Que contient un grain parfois de la farine obtenue par écra- celle-ci est riche en son. Or le son est
de céréale ? sement à la meule de pierre, à l’an- la partie de la graine qui contient le
cienne, comme dans les moulins. plus de micro-nutriments, mais pas
Une céréale est donc une plante qui Mais la plupart des farines sont dé- seulement…
produit des grains dont nous nous sormais obtenues de manière indus-
nourrissons. Ces grains contiennent trielle. Cette première étape de trans- C’est aussi la partie qui retient le
trois parties principales : le son, formation est appelée la mouture. plus de composants chimiques
l’amande et le germe2. Voici la com- telles que les engrais ou les pesti-
position d’un grain de blé : Puis ce broyat est tamisé afin de sé- cides. Si vous utilisez des farines
parer les différents éléments selon complètes ou intégrales, il est donc
1. Le son, aussi appelé l’enveloppe leur taille : c’est le blutage. On ob- préférable de toujours utiliser celles
du grain, est la partie la plus ex- tient ainsi une farine plus ou moins qui sont cultivées en bio ou de ma-
terne ; elle a un rôle de protection fine, et plus ou moins débarrassée nière raisonnée. Et si ce choix n’est
de la semence et donc de la future de son enveloppe. C’est à ce mo- pas disponible, il vaut mieux se
plante. Le son contient des glucides ment-là que nous allons commen- rabattre sur une farine plus raffinée.
dont la majeure partie sont des fibres cer à parler des différents types de
(environ 40 % du son), du fer, du cal- farine : T65, T80… Le T se rapporte
cium, du potassium et environ 15 % au « type » et le chiffre permet d’éta- Un autre problème avec
de protéines. Cette enveloppe en- blir un classement en fonction de la les farines complètes…
toure l’amande. « pureté » de la farine.
Le son est aussi très riche en anti-
2. L’amande : c’est la plus grosse Ces différents degrés de tamisage nutriments qu’il va falloir neutrali-
partie du grain. L’amande contient auront une incidence sur quelques ser pour bénéficier de ses bienfaits.
les réserves nutritionnelles dont aspects de notre physiologie diges- Il s’agit d’une substance naturelle
l’embryon aura besoin au tout début tive, comme l’index glycémique ou produite par la plante dans le but
de son développement, avant que la teneur en fibres de notre alimen- de se défendre. Cette dernière dimi-
les feuilles et les racines ne prennent tation. nue la digestibilité des grains pour
le relais pour nourrir la plante.
L’amande renferme principalement
de l’amidon (et du gluten pour le Que signifie ce chiffre exactement ?
blé), et c’est de cette partie que nous La méthode qui permet de me- rine qui contient peu de son, qui
extrayons la farine. surer correctement le taux de est donc tamisée très finement,
raffinage de la farine (tamisage aura un taux de cendre faible, et
3. Le germe contient l’embryon ou blutage) consiste à brûler un inversement !
et, comme son nom l’indique, c’est échantillon de farine et évaluer
la partie qui germera et formera les résidus qui en résultent. Cette échelle va de T45 (la fa-
la petite plantule. Le germe de blé rine contient moins de 0,45 % de
Le rapport entre la masse de taux de cendres) à T170 (taux de
contient des minéraux tels que phos-
cendres qui restent après la cendres supérieur à 1,4 %). Une
phore, potassium, fer, manganèse,
combustion et la masse de farine T45 est donc la farine la
magnésium, zinc, sélénium, et de l’échantillon de départ est ap- plus fine, la plus blanche, au-
nombreuses vitamines du groupe pelé le « taux de cendres ». Les trement dit la plus raffinée, et
B, vitamine A et E. Il contient aussi matières qui restent après la une farine T150 est plus com-
des lipides et des acides aminés inté- combustion sont majoritaire- plète, c’est-à-dire qui contient
ressants pour le bon fonctionnement ment contenues dans l’enve- d’autres éléments du grain que
de notre organisme. Vous retrouvez loppe des céréales (le son) : la farine, ces éléments se re-
d’ailleurs souvent du germe de blé à plus la farine est blutée (raffi- trouvant dans les résidus de
vendre en tant que complément ali- née) moins il y a aura de rési- cendres.
mentaire. dus de cendres… Ainsi une fa-

2. « Phytothérapie : germes de blé », VIDAL, mis à jour le 09.04.2018.

2 La revue de l’Herboriste
 DOSSIER MÉDICAL

éviter leur surconsommation de la C’est le réseau formé par l’assemblage De nombreux symptômes sont liés
part des prédateurs. de ces deux protéines qui donne les à cette pathologie : des selles irrégu-
propriétés du gluten : élasticité et no- lières avec des épisodes de diarrhée
Par exemple, l’acide phytique ou tamment la capacité à piéger le CO2. et constipation, des douleurs ab-
phytate, contenu en grande quantité Ce dernier est le gaz formé lors de la dominales, des ballonnements, un
dans le son des céréales, neutralise les fermentation qui provoque le gonfle- amaigrissement. Une personne sur
minéraux et oligoéléments en les ren- ment des pains, par exemple. C’est cent développe cette maladie en Eu-
dant non assimilables par notre sys- également cette propriété qui a inté- rope. Le seul traitement qui existe
tème digestif. Ils diminuent égale- ressé les industries agroalimentaires : est la suppression totale du gluten.
ment l’activité de certaines enzymes le gluten apporte une certaine tenue
impliquées dans la dégradation des et texture aux préparations culinaires, Un trouble encore mal connu
protéines. il permet d’améliorer certaines étapes
de production de cette industrie. La seconde affection majeure est l’in-
tolérance au gluten ou la sensibilité au
3 secrets pour ne pas Ainsi, une forte teneur en gluten gluten non cœliaque. Même si cette
vous intoxiquer avec les permet d’augmenter la vitesse de affection est désormais reconnue par
antinutriments du blé pétrissage car la pâte est plus élas- les professionnels de santé, ses méca-
tique et plus résistante. Il permet nismes sont encore mystérieux. Les
Pour prévenir les effets néfastes de ces aussi d’apporter de l’épaisseur et de symptômes sont assez similaires à
antinutriments, il faut penser à varier la consistance : le gluten a été ajou- ceux de la maladie cœliaque, respecti-
son alimentation et ne pas consommer té dans de nombreux plats transfor- vement des plus fréquents aux moins
toujours les mêmes farines et céréales : més comme des soupes, de la char- fréquents : ballonnements, douleurs
dans ces conditions, ces composants cuterie ou même des chips. abdominales, diarrhées, nausées, aé-
ne seront pas en quantité suffisante rophagie, ainsi que des symptômes
pour induire des effets négatifs. non liés au système digestif comme
Quelles conséquences des maux de tête, de l’anxiété, de la
Il existe d’autres moyens pour faire di- pour notre santé ? fatigue, des éruptions cutanées…5
minuer la présence d’antinutriments
dans nos préparations alimentaires : Parallèlement à ces changements Ces derniers apparaissent rapide-
par exemple, la fermentation au le- pour une meilleure production et ment après l’ingestion de gluten
vain permet de diminuer la quantité transformation du blé et des cé- et disparaissent si on le supprime.
de phytates, c’est pourquoi il est préfé- réales en général, le nombre de per- Contrairement à la maladie cœliaque,
rable de consommer du pain complet sonnes atteintes d’intolérance au il n’y a pas de test de diagnostic fiable,
élaboré avec du levain naturel. gluten ou de maladie cœliaque a il n’existe donc pas de chiffre exact de
augmenté considérablement : l’in- sa prévalence : on l’estime entre 0,5 et
De même, le trempage des grains cidence a été multipliée par six ces 13 % de la population.6
de céréales fait drastiquement dimi- dernières années dans le monde3.
nuer la teneur en antinutriments : Faisons le point sur les deux réac- Comment remplacer le
n’hésitez pas à plonger vos céréales tions majeures au gluten. gluten dans vos gâteaux ?
dans un récipient d’eau la nuit pré- Vous avez peut-être déjà essayé
cédant leur consommation. Elle touche 1 personne sur 100 de réaliser un gâteau avec une
en Europe… farine sans gluten ? Le résultat
est souvent très compact, dense
Gluten : ses bons La maladie cœliaque est définie par et cassant. Vous pouvez contre-
côtés, et ses moins l’Association française des intolérants balancer le manque de gluten par
au gluten comme « une intolérance per- l’ajout de poudre d’amande ou
bons… manente à une ou plusieurs fractions pro- de noisette qui vont apporter du
En réalité, le gluten n’existe pas en téiques du gluten »4. La digestion des moelleux à la préparation, ou en-
tant que tel dans les grains de cé- protéines du gluten ne se fait pas cor- core ajouter des œufs, de la le-
réales. Ce sont deux types de pro- rectement et entraîne par différents vure ou de la poudre à lever.
téines, la gliadine et la glutéline, qui mécanismes une réaction immuni-
servent de réserve au grain et qui, taire. Cette dernière peut conduire à Mais est-ce vraiment dû au gluten ?
sous l’action du pétrissage et de une muqueuse intestinale endomma-
l’ajout d’eau, vont former une struc- gée, des problèmes de carences et de La corrélation entre la consom-
ture appelée gluten. graves problèmes digestifs. mation de gluten, les maladies

3. Épidémiologie de la maladie cœliaque dans le monde, Karim Ait Idir, Batna J Med Sci 2020.
4. Association française des intolérants au gluten, « Maladie cœliaque ».
5. An Italian prospective multicenter survey on patients suspected of having non-celiac gluten sensitivity. Volta et al., 2014, BMC Medecine.
6. Non-celiac gluten sensitivity: questions still to be answered despite increasing awareness, Volta et al., Cellular and Molecular Immunology, 2013.

La revue de l’Herboriste 3
DOSSIER MÉDICAL
cœliaques et l’intolérance au gluten
sont évidentes. En revanche, les mé-
canismes exacts demeurent flous
et de nombreux autres facteurs
semblent peser dans la balance : le
glyphosate est en première ligne…
Parallèlement au développement
de variétés de céréales contenant
plus de gluten, pour les raisons évo-
quées précédemment, le nombre et
la quantité d’engrais et d’herbicides
utilisés dans les cultures n’ont fait
qu’augmenter.
Le glyphosate est malheureusement
bien connu : c’est l’herbicide le plus
utilisé dans le monde, ingrédient
phare du Roundup. Il a été breveté
comme antibiotique.
Cette substance a été beaucoup étu-
diée et, comme tout antibiotique,
elle endommage gravement la flore
intestinale. De plus, le glyphosate
est capable de se lier à la gliadine et
rend le blé très indigeste. Cette liai-
son moléculaire augmente la proba-
bilité d’une réaction immunitaire et
de déséquilibres intestinaux7. Une
raison de plus pour se diriger vers
des céréales et farines cultivées en
bio.
Faut-il vraiment
bannir les céréales
à IG élevés ?
L’index glycémique (IG) est un in-
dicateur qui permet de classer les
aliments en général, en fonction de
la rapidité avec laquelle le glucose
qu’ils contiennent passe dans le
sang. L’échelle va de 0 à 100, et il
existe quatre catégories : IG très bas
(inférieur à 20), bas (35-50), modéré
(50-70) et élevé (70 et plus). Les ali-
ments référents sont le glucose et le
pain blanc qui ont un IG de 100.
Il est intéressant de connaître l’IG
de notre alimentation afin d’éviter
les fluctuations trop fortes de quan-
tité de sucre dans notre sang, ces
dernières ayant une incidence sur
notre santé.
7. Glyphosate, pathways to modern diseases II: Celiac sprue and gluten intolerance Samsel et al. Interdisciplinary toxicology, 2013
4 La revue de l’Herboriste
Plus la farine est raffinée, plus son diqué par la charge glycémique. En
IG est élevé, et inversement. Il se clair, un aliment peut avoir un IG
trouve que les fibres contenues haut mais une charge glycémique
dans le son ont la capacité de ra- faible, et dans ce cas, il impactera
lentir l’absorption du sucre dans peu notre équilibre sanguin.
notre sang. Il est donc préférable de
consommer de la farine complète,
ou semi-complète, plutôt que raffi- Guide de sélection
née pour éviter d’épuiser votre or- des 12 farines
ganisme.
les plus courantes
Comment votre corps Nous venons de voir comment choi-
évite la transformation sir nos farines en fonction de leur
du sang en sirop type et de leur IG, l’impact des fibres
Si le sucre passe rapidement sur cet IG, ce que le gluten peut faire
dans le sang, c’est-à-dire avec un sur notre organisme… Mais ce n’est
IG élevé, notre corps réagit afin pas tout. Les farines varient aussi en
que notre sang ne se transforme fonction de la plante dont elles sont
pas en sirop ! Il sécrète une hor- issues !
mone, l’insuline, qui engendre le
stockage du sucre dans nos cel- Une bien grande quantité de para-
lules et maintient l’équilibre de mètres à prendre en compte, alors
la composition de notre sang. Si comment vous y retrouver ? Voici
la quantité de sucre qui passe une liste non exhaustive des princi-
dans notre sang est trop rapide pales farines que l’on peut trouver
et trop grande, notre corps de- dans les épiceries bio, et comment
vra alors adapter sa réponse : vous pouvez les consommer.
également plus forte et plus ra-
pide. Ce qui conduit à des pics
d’insuline et, sur le long terme, à Blé : n’en mangez pas
différents dysfonctionnements
trop souvent
comme l’hypoglycémie réaction-
(et son alternative)
nelle ou au diabète de type 2.
La farine de blé blanche T45 :
Astuce pour réduire l’IG c’est une farine réalisée à partir de
de votre farine l’amande, sans le son et le germe :
elle contient donc peu de vita-
Ne diabolisons pas les aliments à mines et fibres (3 g pour 100 g) qui
IG haut pour autant. Cet indicateur se trouvent dans les parties suppri-
donne un classement théorique, mées. À consommer modérément à
mais dans les faits nous consom- cause de son IG haut (85) associé à sa
mons rarement un ingrédient seul, faible teneur en nutriments et à sa ri-
sans l’accommoder ou le préparer chesse en gluten. Elle est cependant
avec d’autres aliments. La présence très facile à manier et est abordable.
de fibres ou de lipides consommées Elle permet de réaliser plus aisément
en même temps qu’un aliment à IG les pâtisseries par exemple.
élevé fera diminuer l’IG global du
repas. La farine de blé tendre, complète,
en T150 : elle est beaucoup plus nu-
De plus, il est nécessaire de prendre tritive que la farine blanche. Elle
en compte la charge glycémique de contient jusqu’à cinq fois plus de
l’aliment, c’est-à-dire la quantité de fibres (13 g pour 100 g), apporte
sucre qu’il contient. L’IG ne prend également des protéines, minéraux
en compte que la vitesse de pas- et vitamines en plus grande quanti-
sage du sucre dans le sang mais pas té que la farine blanche. Son IG est
la quantité. Ce dernier critère est in- bas (45) mais elle contient du gluten.
 DOSSIER MÉDICAL

Seigle : à privilégier pain, des gâteaux et des pâtes. Son minéraux. Cette farine ne contient
pour votre pain IG est bas (45), il contient du gluten pas de gluten et apporte 1 à 3 g de
mais aussi des fibres (4 à 5 g pour fibres pour 100 g. La farine de riz
La farine de seigle intégral T170 : 100 g). blanche a un IG de 95, ce qui est
elle permet de faire des pains com- élevé ; il vaut mieux éviter de la
plets, du pain d’épices ou des bis- consommer en grande quantité :
cuits. Cette farine a un goût assez Petit épeautre : mélangez-la avec des farines qui
fort et est riche en fibres (6 g pour la grande gagnante contiennent plus de fibres, ou préfé-
100 g). Attention si vous avez les in- de ce classement rez la farine de riz complète qui elle
testins fragiles, les fibres en grande a un IG plus modéré (75).
quantité peuvent irriter. Elle pos-
sède un IG bas (40) et peu de gluten. À consommer plutôt le soir car elle
est riche en glucides.

Avoine : une bonne

solution pour réduire Maïs : méfiez-vous
votre consommation de sa leucine
de blé
Le maïs : céréale originaire du
La farine d’avoine contient beau- Mexique, elle est aujourd’hui culti-
coup de fibres ; elle peut rempla- vée sur les cinq continents. Elle sert
cer la farine de blé. Elle contient principalement de céréale fourra-
du gluten, mais il serait moins pro- Le petit épeautre : c’est une céréale gère pour les animaux d’élevage,
blématique que celui des autres cé- très ancienne pour laquelle il y a eu mais elle est aussi indispensable
réales. Cette farine contient de nom- très peu de modification de varié- dans l’alimentation humaine en
breuses vitamines et minéraux et té : elle a un rendement assez faible Afrique centrale et au Mexique.
même des acides gras (oméga-6). et le prix s’en fait ressentir. Comme
l’épeautre, elle contient tous les Le maïs contient majoritairement de
Je l’ajoute tout simplement en rem- acides aminés dont nous avons be- l’amidon, des protéines, des lipides,
plaçant un tiers de farine de blé clas- soin. Elle contient peu de gluten et des vitamines et des minéraux. Le
sique (T55 ou T65) dans toutes mes est plus digeste que l’épeautre. maïs est également une céréale sans
recettes de gâteau traditionnel ! De gluten. On en fait de la semoule, de
plus, son IG est bas (40) et elle ap- Vous pouvez l’utiliser dans la pré- la farine ou de la fécule, en fonction
porte 3 g de fibres pour 100 g. paration de vos pâtes à tarte, en tant du degré de mouture du grain de
que farine unique ! il n’est pas né- maïs : la semoule étant la mouture
cessaire de la mélanger avec une la plus grosse et la fécule la plus
Épeautre : la plus autre farine. Son IG est bas pour les fine, comme la fameuse Maïzena.
complète en acides farines complètes (40) et elle est très
aminés riche en fibres (10,3 g pour 100 g). La fécule type Maïzena possède
S’il ne fallait choisir qu’une seule fa- un IG de 90-95, ce qui est très haut.
La farine d’épeautre : à ne pas rine, ce serait celle-ci. Elle est souvent utilisée en mélange
confondre avec le petit épeautre ! et apporte de la légèreté aux pré-
Ses atouts ne sont pas les mêmes. parations de gâteaux et cakes, sa-
C’est une céréale qui ressemble Riz : à consommer plutôt lés ou sucrés. Elle est aussi utilisée
beaucoup au blé tendre : elle est le soir et modérément pour épaissir des potages ou des
moins savoureuse et moins digeste sauces. Elle apporte 1 g de fibres
que le petit épeautre. L’épeautre La farine de riz : elle provient de pour 100 g.
contient des protéines complètes. la mouture du riz. Cette céréale
Cela signifie que cette céréale vous est la base de l’alimentation d’en- La farine de maïs, quant à elle, a un
apporte tous les acides aminés dont viron la moitié de la population IG de 70, un peu plus modéré. Elle
vous avez besoin pour construire mondiale. C’est aussi la plus culti- contient 3,9 g de fibres pour 100 g. À
vos propres protéines. vée. Elle contient principalement de éviter en grande quantité car elle est
l’amidon, donc des glucides, qui est riche en leucine, un acide qui pro-
L’épeautre contient aussi une quan- nourrissant et facile à assimiler. duit des effets délétères sur la san-
tité intéressante de fer, il apporte té (dans la synthèse de vitamines et
du phosphore, du manganèse, et de Le grain de riz apporte également la production de sérotonine notam-
la vitamine B3. On en fabrique du des protéines, des vitamines et des ment).

La revue de l’Herboriste 5
DOSSIER MÉDICAL

Sarrasin : incontournable le manganèse, zinc, magnésium,

pour la pâtisserie sans fer, phosphore, des vitamines du
gluten groupe B et E. Cette céréale est uti-
lisée dans des recettes sucrées et sa-
La farine de sarrasin : cette farine a lées, souvent comme ingrédient
un goût assez fort qui nous fait pen- majeur pour des bouillies et des ga-
ser aux galettes bretonnes. En dehors lettes. La farine de millet possède
de ces recettes traditionnelles, atten- un IG de 70. Elle apporte 3,5 g de
tion à sa saveur qui peut surprendre fibres pour 100 g : comme elle en
par sa puissance. Il vaut mieux tester contient peu, il est recommandé de
en petites quantités dans un mélange l’associer avec d’autres ingrédients
d’autres farines, et comme elle ne qui en sont bien pourvus.
contient pas de gluten, si vous sou-
haitez réaliser une préparation qui a
besoin de gonfler, le mélange sera in- Orge mondé : riche sont les fruits d’un arbre et non pas
dispensable. Son IG est assez bas (40) en nutriments et à IG bas d’une plante herbacée, la culture est
et elle contient 4 à 6 g de fibres pour donc très différente. Elles sont très
100 g. À privilégier le soir à cause de La farine d’orge mondé : l’orge est intéressantes d’un point de vue nu-
sa teneur en glucides. dit « mondé « , c’est-à-dire que l’on tritif : elles sont riches en glucides,
a enlevé son enveloppe car elle est vitamines du groupe B, en miné-
indigeste. Cette céréale contient de raux dont le potassium, magné-
Millet : très digeste nombreuses vitamines, minéraux sium et calcium, ainsi qu’en oligoé-
mais pauvre en fibres et oligo-éléments. Elle est très inté- léments comme le manganèse, le
ressante pour sa richesse en nutri- zinc et le cuivre. La farine de châ-
Le millet : c’est une toute petite cé- ments. Elle possède un IG bas (30) taignes ne contient pas de gluten,
réale ronde, de couleur jaune doré. et contient peu de gluten. Sa saveur contient 12 g de fibres pour 100 g et
Les premières traces de culture n’est pas trop prononcée, ce qui possède un IG de 65. Elle est utili-
de millet remontent à plus de peut être un avantage en cuisine. sée dans la préparation de crêpes et
10 000 ans, ce qui correspond aux galettes auxquelles elle apporte une
prémices de l’agriculture. Après délicieuse saveur. Sa consommation
avoir été éclipsée de nos recettes oc- Châtaignes : idéales est recommandée le soir à cause de
cidentales par l’arrivée du blé, elle pour des crêpes riches sa teneur élevée en glucides.
revient en force depuis quelques an- en minéraux
nées grâce à son absence de gluten. Mathilde Simon
Très digeste, le millet contient des La farine de châtaignes : les châ-
glucides, des minéraux comme taignes ne sont pas des céréales : ce

Des chercheurs découvrent le secret de la « beauté intérieure »…

caché dans votre intestin
De nombreuses études sur l’évolution humaine partent
du postulat que les personnes considérées comme
« belles « sont aussi les personnes en meilleure santé.
Or ce postulat n’avait jamais été testé empiriquement
avant cette étude, publiée dans la revue Proceedings
of the Royal Society : Biological Sciences. Ainsi, les cher-
cheurs ont analysé le lien existant entre l’apparence phy-
sique et la fonction immunitaire. Pour ce faire, ils ont re-
cruté 159 étudiants de l’Université chrétienne du Texas,
âgés entre 17 et 30 ans, en bonne santé. Ils leur ont de-
mandé de remplir des questionnaires sur leur style de vie
et leurs données démographiques, les ont pris en pho-
to (sans maquillage) et ont prélevé leur sang pour l’ana-
lyser. Puis les chercheurs ont demandé à 492 autres
Mengelkoch Summer, Gassen Jeff, et al. 2022. More than just a pretty face ? The relationship between immune function and perceived facial attractiveness. Proc. R.
Soc. B. 289 : 20212476.
jeunes d’évaluer l’attirance et l’état de santé de 25 pho-
tos, distribuées aléatoirement, des participants du pre-
mier groupe. Les résultats sont surprenants : les per-
sonnes jugées les plus attirantes avaient des taux plus
élevés de phagocytose de la bactérie E. coli (la phago-
cytose est le processus de destruction des microbes
par certains globules blancs). Or, plus ce taux est éle-
vé et moins la personne risque de développer une infec-
tion. De plus, les femmes ont trouvé plus séduisants les
hommes qui avaient des lymphocytes T plus fonction-
nels. De leur côté, les hommes ont trouvé plus belles les
femmes qui avaient un taux de reproductivité de la bac-
térie S. aureus plus lent. Une immunité solide, voilà donc
peut-être le secret de la vraie « beauté intérieure »…

6 La revue de l’Herboriste
 L’INTERVIEW DU MOIS

« Herboriste, c’est un métier

d’avenir »
Interview exclusive d’Hélène Lavaux, spécialiste depuis 10 ans

Si je vous parle d’herboriste, il est vraiment de la législation de chaque n’est pas médecin ou thérapeute.
probable que vous visualisiez un pays. Il y a des différences assez Et puis même dans la vente des
personnage à mi-chemin entre le fortes en Europe où l’herboriste- plantes, les herboristes en France
druide, le sorcier et l’apothicaire du rie n’est pas pratiquée partout de la sont limités puisque le métier a été
Moyen-Âge. même façon. Par exemple, dans les interdit en 1941, sous Pétain, avec la
pays anglo-saxons, on constate des pression du lobby pharmaceutique
Vous l’imaginez certainement enfer- pratiques beaucoup plus libres avec qui voulait l’exclusivité.
mé dans un atelier sombre et mysté- des herboristes qui peuvent faire
rieux pour préparer ses remèdes à des diagnostics et des prescriptions. À partir de 1941, seuls les herbo-
base de plantes et d’autres potions ristes qui avaient déjà le diplôme
contenant des substances plus ou Ainsi, en Angleterre, les herbalists ont pu continuer à exercer à ce
moins appétissantes et efficaces… sont un peu comme nos phytothé- titre, puis c’était fini. Aujourd’hui,
rapeutes. Pareil en Allemagne, on on a quand même des écoles qui
Et pourtant, la réalité est très éloi- les appelle les Heilpraktiker, donc forment des herboristes en France,
gnée de ce cliché poussiéreux. praticiens de santé ; ils sont recon- sauf qu’il y a une petite nuance sé-
nus comme nos naturopathes. Dans mantique : on les appelle des her-
La profession s’est adaptée aux ces pays, la pratique de l’herboriste- balistes. Ils ont le droit de cultiver
connaissances scientifiques actuelles, rie est très libre, depuis la produc- et de vendre 148 plantes qui ont été
tout en conservant le savoir ancestral tion des plantes jusqu’à la vente, in- libérées de l’exclusivité des phar-
de l’usage des plantes médicinales. cluant le conseil et la prescription. maciens. Il y en a peu en France et
ils n’ont pas le droit de donner des
Pour vous en parler, nous avons Après, dans d’autres pays comme la conseils ou de faire des allégations
rencontré Hélène Lavaux, herbo- France par exemple, la situation est thérapeutiques.
riste et spécialisée dans la cueillette beaucoup plus restreinte. Il est ab-
sauvage depuis plus de dix ans, for- solument interdit de faire des dia-
mée à l’École de plantes médici- gnostics et des prescriptions si l’on
nales L’Alchémille, en Suisse.

Être herboriste en France : un long combat

vers la reconnaissance
Le métier d’herboriste est très
ancien, il remonte au moins
au Moyen-Âge. Ainsi, les « her-
biers », comme on les appelait,
exerçaient sans diplôme. Il faut
attendre la loi de germinal en
1803 pour que la profession soit
reconnue par un certificat.
Hélène Lavaux, herboriste
Cette reconnaissance intervient
Le métier d’herboriste dans un contexte de réglemen-
tation de l’exercice de la phar-
a beaucoup changé macie visant à définir le rôle des
au cours du temps. différents acteurs du domaine
Qu’est-ce que qu’un her- de la santé. Au XVIIIe siècle, le
boriste au XXIe siècle ? corps médical est composé en
trois groupes hiérarchisés : les
Je peux vous répondre selon la ma- médecins, les chirurgiens et
nière dont je pratique l’herboriste- les apothicaires (futurs phar-
rie, mais dans les faits cela dépend
1. BOST, Ida, Les herboristes au temps du certificat, Paris : L’Harmattan, 2018, pp. 17-43.
maciens) mais les frontières
entre ces catégories restent
poreuses et mal définies.
Profitant d’une rivalité entre les
médecins et les apothicaires,
les herboristes parviennent à
faire reconnaître leur métier
dont le statut reste flou pendant
tout le XIXe siècle (entre le com-
merce et le soin). Ainsi, depuis
1803, les herboristes ont obtenu
le droit de vendre des plantes
médicinales dans leur boutique.
La profession s’est institution-
nalisée en 1874, avec la création
du premier syndicat d’herbo-
riste1 et a été reconnue jusqu’en
1941.

La revue de l’Herboriste 7
L’INTERVIEW DU MOIS
Pourquoi ce métier est-il
autant attaqué dans les
pays francophones,
notamment en France ?
C’est parce qu’en 1941, quand ils
ont fait disparaître le certificat, les
pharmaciens voulaient avoir l’ex-
clusivité de la vente des plantes
médicinales, laquelle est un mar-
ché prometteur. Depuis, ça n’a pas
changé. Il y a eu huit essais de ré-
introduction du métier depuis 1941,
ils n’ont jamais fonctionné.
Le dernier, c’était en 2018, par Joël
Labbé, un sénateur du Morbihan. Il
a mené une mission d’information
pour le Sénat, justement pour recons-
ulter tous les acteurs qui sont parties
prenantes : médecins, pharmaciens,
herboristes. Le but de cette consulta-
tion était la réintroduction du métier
d’herboriste, mais en le cadrant avec
des formations pour que les herbo-
ristes ne fassent pas n’importe quoi.
Pour l’instant, ça n’a pas abouti…
Comment se fait-il
que rien n’ait bougé ?
Il y a eu une levée de boucliers des
pharmaciens et des médecins contre
la réintroduction du métier d’her-
boriste. Évidemment, ils ne l’ont
pas formulé comme cela. L’argu-
ment principal était le suivant : « Ce
n’est pas assez sécurisé pour le consom-
mateur, les herboristes ne sont pas as-
sez formés. Ils ne connaissent pas la
chimie, ils ne peuvent donc pas vendre
des plantes qui sont un amas de molé-
cules chimiques. »
Ils l’ont présenté sous l’angle de la
protection du consommateur et le
fait qu’ils sont plus formés que les
herboristes sur ces principes actifs.
C’est clair que cet argument cache
un enjeu financier : remettre toutes
ces plantes en vente libre provo- Quelle est la différence
querait une grosse perte de revenus entre un phytothérapeute
pour les pharmaciens qui en ont et un herboriste ?
l’exclusivité aujourd’hui, surtout en
ce moment où les plantes sont de Le phytothérapeute connaît parfai-
plus en plus à la mode. Les gens se tement la prescription des plantes
8 La revue de l’Herboriste
tournent vers les médecines natu- médicinales. C’est un thérapeute
relles, on voit les rayons de plantes qui a le droit de diagnostiquer et
augmenter en pharmacie, paraphar- donc, lui, il fera une anamnèse. Ce
macie, etc. n’est pas quelque chose qu’un her-
boriste ou un droguiste peut faire.
Par contre, le phytothérapeute
Et en Suisse, où vous connaît beaucoup moins la partie
vivez, quelle est culture, cueillette et transformation
la législation ? de la plante.
En Suisse, c’est moins strict qu’en Il va prescrire des plantes qui sont
France. D’abord on a les droguistes, déjà prêtes à consommer. J’ai sou-
donc on peut faire un diplôme fédé- vent des phytothérapeutes ou des
ral de droguiste pendant quatre ans aromathérapeutes qui viennent
et ensuite ouvrir une droguerie. Les suivre mes cours pour voir la
droguistes ont le droit de délivrer plante dans la nature et apprendre
des plantes ou des produits à base à la transformer. Ainsi, je dirais que
de plantes et de donner des conseils. l’herboriste sera plus en amont, à la
De ce côté-là, c’est assez libre. préparation des plantes et le phyto-
thérapeute en aval, en contact avec
Ensuite, il y a les herboristes qui le patient.
n’ont pas suivi la formation fédé-
rale et qui ne peuvent pas ouvrir de
droguerie mais qui peuvent travail- Comment vous
ler dans une droguerie, une phar- êtes-vous intéressée
macie ou exercer en tant qu’indé- à cette profession ?
pendant. En Suisse, les herboristes
sont plutôt des gens de terrain qui J’ai eu un parcours un peu parti-
vont cultiver des plantes, les cueil- culier parce qu’à la base j’ai fait
lir et ensuite les transformer et les une école de commerce. J’ai tra-
vendre. Ils vont aussi donner des vaillé pendant des années dans des
cours, enseigner leur savoir. grandes entreprises, à faire du mar-
keting. Et puis j’ai décidé de chan-
ger de branche, de faire tout autre
Vous n’avez pas le droit chose. J’avais envie de vivre à la
de faire de prescriptions montagne donc ça a été la première
mais seriez-vous capable étape. J’ai quitté mon travail à Ge-
de le faire ? nève et je suis allée vivre aux Dia-
blerets, dans un chalet, au milieu de
En partie, car quand on passe notre la montagne.
diplôme, on nous demande de le
faire. L’examen oral, c’est une re- Comme j’étais vraiment au milieu
commandation : c’est un cas pra- des champs et de la forêt, j’ai com-
tique, le cas d’un patient qui a des mencé à m’intéresser aux plantes
problèmes de santé et pour lequel qu’il y avait autour du chalet pour
on doit faire une prescription de les manger. Puis ça a commencé à
plantes médicinales. On est donc re- se savoir, donc on m’a demandé de
lativement formé pour cela, mais lé- cuisiner dans des cabanes de mon-
galement on n’a pas le droit de le tagne ou pour des événements spé-
faire. cifiques.
Ensuite, j’ai eu envie de me former
sur la partie médicinale parce que
l’usage culinaire des plantes, je le
connaissais déjà bien. À ce moment,
j’ai décidé de suivre la formation de
l’École des plantes médicinales l’Al-
chémille, qui a une formation d’her-
 L’INTERVIEW DU MOIS

boriste sur deux ans pour compléter ment le secteur cosmétique… Une faire fabriquer. C’est quand même
mes connaissances. nouvelle loi est entrée en vigueur en le comble.
Suisse, fin avril 2021, pour s’aligner
sur la législation des voisins euro- C’est clair que nous, les herboristes,
À quoi ressemble péens. Elle garantit la sécurité du nous ne voulons pas cela. Nous, ce
le quotidien consommateur, bien sûr, mais pour que nous voulons, c’est fabriquer de
d’une herboriste ? des petits artisans comme nous, ça façon artisanale en ayant le contrôle
rend les choses plus difficiles et ça complet de ce que nous fabriquons,
Cela dépend des saisons. Au prin- demande d’investir. en pouvant garantir que nous avons
temps, on passe énormément de cueilli la plante au bon moment,
temps à cueillir et à cultiver les Peut-être qu’à terme il y aura de quand elle était le plus chargée en
plantes. Ensuite, en août, quand il y moins en moins de produits cos- principes actifs. On veut aussi pou-
a moins de plantes et qu’on arrête métiques artisanaux sur le mar- voir garantir qu’on a transformé la
la cueillette, là on passe à la fabrica- ché. Comme la vente est de plus en plante dans le respect de ses prin-
tion de nos produits. Moi, je partage plus réglementée, il n’y a qu’en in- cipes actifs, de façon à les retrou-
mon temps entre la cueillette et la vestissant et en faisant du volume ver dans le produit final. Quand on
culture. Tout ce que je peux cueillir qu’on arrive à s’en sortir. Si les gens sous-traite à un labo, on perd toutes
en sauvage dans la montagne, je le veulent continuer à obtenir ces pro- ces informations et donc le consom-
fais, dans le respect de l’écosystème duits naturels, ils devront peut-être mateur qu’on veut protéger est lésé
bien sûr. Pour les plantes que je ne les fabriquer eux-mêmes et nous se- parce qu’il a un produit industriel
trouve pas dans l’environnement, je rons à des postes clés pour leur ap- dans les mains… en croyant qu’il
les cultive dans mon jardin perma- prendre à être autonomes. est artisanal.
cole pour pouvoir les avoir à dispo-
sition pour mes fabrications.
En quoi cette nouvelle Pour terminer, quel
Toutes les plantes que je cueille ou loi empêche-t-elle message voudriez-vous
que je cultive dans le jardin, je les la fabrication de produits transmettre aux lecteurs ?
transforme. Il y a une partie que je artisanaux ?
mets à sécher pour pouvoir l’utiliser J’aimerais leur dire que c’est un mé-
toute l’année, notamment en hiver. J’ai fait une formation pour bien tier que je pratique depuis dix ans
Et puis, il y a des plantes que je vais comprendre les conséquences de et que j’adore, c’est ma passion. Je
utiliser fraîches pour fabriquer des cette nouvelle loi. Désormais, pour fais ça parce que j’ai envie de faire
produits comme des macérâts gly- chaque formule de produit, le fabri- découvrir aux gens ce monde des
cérinés, des baumes ou des macéra- cant doit fournir un « dossier d’in- plantes et leur incroyable potentiel.
tions huileuses. formation produit » validé par un Je trouve que c’est dommage qu’il y
toxicologue. Le coût d’une telle ana- ait une méconnaissance des plantes,
J’amène aussi des groupes en mon- lyse en laboratoire s’élève au mini- de nos jours, parce que je me dis
tagne pour leur apprendre à recon- mum à 1 000 voire 2 000 euros en qu’une personne qui se retrouve au
naître les plantes, les identifier sans France. chômage, qui a du temps et qui n’a
se tromper, leur apprendre aussi à pas beaucoup d’argent, peut déjà al-
les cueillir et les transformer. L’idée Pendant cette journée, on nous a ler cueillir ce dont elle a besoin pour
est de leur donner de l’autonomie, donc proposé de nous mettre en manger et se soigner. J’espère trans-
de permettre à ces gens d’accéder contact avec des laboratoires fran- mettre à mes étudiants et aux lec-
à la matière première, de la trans- çais qui font les tests nécessaires, teurs ce goût de la nature, la curio-
former pour se faire du bien. Il y a qui sont deux fois moins chers sité d’aller creuser, d’aller se former
plein de choses qu’on peut faire à qu’en Suisse et qui fabriquent par eux-mêmes pour mieux prendre
titre individuel, sans avoir un labo- notre produit de A à Z en marque soin d’eux avec ce que la nature leur
ratoire et sans être herboriste. blanche. Je suis vraiment cho- offre.
quée parce que, finalement, le fait
de mettre en place cette loi – qui a Propos recueillis par Alizée Berchet
Donc, pour vous, pour but de protéger le consom-
c’est un métier d’avenir ? mateur – lèse les petits artisans.
Si vous voulez vous en sortir et
Oui, c’est un métier d’avenir. Et vendre votre produit dans des pe-
puis, ça me semble particulièrement tits magasins bio, vous devez faire
important de transmettre ce savoir valider votre produit par un labo-
car la vente de produits est de plus ratoire. Et pour que ce soit rentable
en plus en plus réglementée, notam- financièrement, vous allez le lui

La revue de l’Herboriste 9
LA RUBRIQUE DU DRUIDE

10 formes galéniques
à connaître quand on débute
en phytothérapie
Prendre des plantes pour se soigner, d’accord, mais sous quelle forme et pour quel usage ? Difficile
de s’y retrouver entre les décoctions, les infusions, les nébulisats, les EPS, les SIPF… Voici un petit
glossaire des principales formes galéniques pour bien débuter en phytothérapie.

restent les plus populaires, et à ne

Issu du milieu rural, Pascal Lamour a eu la chance de re-
pas négliger car elles sont efficaces.
cevoir les derniers témoignages d’un monde aujourd’hui
disparu. Cet héritage inestimable a motivé ses recherches
de docteur en pharmacie et l’a ouvert à la spiritualité, pour La première consiste à tremper les
devenir druide. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont plantes dans l’eau en ébullition. Il
« L’herbier secret du druide : des plantes pour soigner les faut ensuite éteindre le feu, couvrir
hommes et les esprits » (aux Editions Ouest France) plus et laisser infuser entre 10 et 15 mi-
d’infos sur son site : www.pascallamour.com. nutes. Les fleurs et les feuilles né-
cessitent moins de temps que les
biodisponibilité des principes actifs. racines ou les tiges. Vous pouvez
Qu’est-ce qu’une Ils ont eu une approche empirique par exemple faire une infusion de
forme galénique ? qu’ils ont ensuite transmise avec des feuilles de menthe, de verveine, de
règles, et qui a constitué tout à la fleurs de camomille, etc.
Une forme galénique est une forme fois notre histoire et les fondements
d’administration de principes actifs d’une médecine végétale efficace. Dans la seconde forme, on met la
mêlés à des excipients, ces derniers plante dans l’eau froide qu’on fait
étant dépourvus d’action thérapeu- On en trouve des descriptions chez ensuite bouillir, en général entre 5 et
tique. On les ajoute pour améliorer les Sumériens, les Égyptiens ou 30 minutes, en fonction de l’espèce.
l’administration ou la répartition du en Chine… Bien entendu, le mode On laisse ensuite infuser en vase
principe actif. Pour être simple, c’est d’administration le plus ancien clos pendant 10 minutes. On utilise
l’apparence ou la forme sous laquelle reste la prise de la plante entière, à surtout cette forme pour les compo-
se prend un médicament ou la pré- l’état brut sans aucune transforma- sés végétaux coriaces comme les ra-
paration de plantes (tisanes, gélules, tion, puis l’emploi de tisanes. cines, les écorces ou les fruits.
comprimés, etc.).
Il faudra attendre le XIXe pour com-
Dorénavant, ces formes ont été har- mencer à voir apparaître les formes Gélule, comprimé,
monisées en Europe afin d’éviter les modernes, pour faciliter la prise des extrait sec… quelle
erreurs de manipulation ou de do- substances, pour constituer une enve-
sage, pour être certain que la voie loppe qui masque une odeur insup- différence ?
d’administration sera comprise et portable ou encore pour améliorer la On emploie aussi les extraits de
bien respectée en tous lieux. conservation ou éviter la destruction plantes, à froid ou à chaud. On les pro-
de principes actifs lors de la digestion. duit en laissant évaporer l’eau d’une
La forme galénique détermine le décoction ou l’alcool d’une teinture.
mode d’administration du principe Je ne vais pas procéder ici à l’inven-
actif : voie orale, voie rectale, voie taire exhaustif de toutes les formes Les poudres de plantes s’admi-
respiratoire, voie cutanée, voie ocu- possibles mais plutôt répertorier nistrent telles quelles ou sont insé-
laire, sans oublier la voie injectable. celles que l’on rencontre le plus sou- rées dans des gélules, le plus sou-
vent en phytothérapie. vent, mais aussi dans des comprimés.
Cette forme est obtenue en laissant
Au XIXe siècle, sécher la plante puis en la pulvéri-
on « enveloppait » Ne confondez pas sant ; ou par cryobroyage : la plante
les plantes puantes ces 2 types de tisanes est pulvérisée à très basse tempéra-
ture, dans l’azote liquide, en des-
Bien entendu, nos prédécesseurs Les formes les plus connues sont sous de -196°, son point d’ébulli-
n’ont pas attendu la recherche mo- les tisanes, en infusion ou en dé- tion.
derne en matière de diffusion ou de coction, formes traditionnelles qui

10 La revue de l’Herboriste
 LA RUBRIQUE DU DRUIDE

Cette seconde technique a l’avan- commercialisées en flacon de verre l’appel à un professionnel est vrai-
tage de bloquer les réactions enzy- teinté et elles se conservent assez ment conseillé.
matiques, empêchant, par exemple, mal. Cette méthode permet de gar-
les fermentations. Auparavant, les der tous les bienfaits de la plante
gélules étaient composées de géla- fraîche. La forme d’ampoules bu- Technique idéale
tine, désormais remplacée par de la vables est mieux adaptée. pour les enfants
cellulose la plupart du temps.
Proche des SIPF, on trouve les EPS, Les suppositoires sont régulière-
l’extrait fluide de plante fraîche ment employés en phytothérapie,
Teinture-mère : standardisé. Les principes actifs de même s’ils correspondent à des
une macération la plante cryobroyée sont extraits formes plus spécialisées, souvent
dans une solution d’eau et d’alcool réservées au monopole pharmaceu-
particulière à des titres croissants. tique.
Dans les formes liquides, la teinture-
mère TM, appelée aussi macéra- L’avantage de la méthode est le po-
tion hydro-alcoolique, est obte- La plante dans tentiel d’absorption du rectum,
nue en laissant macérer des plantes sa version zone fortement vascularisée.
fraîches dans de l’alcool à 65°: elles
sont contre-indiquées chez l’enfant, « super-concentrée »
chez les femmes enceintes ou qui al- Les huiles essentielles (HE), quant Collyres : attention
laitent, et chez les sujets pour qui à elles, sont devenues incontour- si vous les faites
l’alcool est contre-indiqué. nables tant leur efficacité n’est plus
à démontrer. Elles doivent être bien vous-même
Elles servent de principe premier en étiquetées et contrôlées. Ce sont des Il en est de même pour les collyres,
vue de dilutions homéopathiques. formes assez coûteuses. ces remèdes liquides qu’on instille
dans l’œil. Cette forme est souvent
En général, elles sont obtenues employée par les laboratoires ho-
SIPF et EPS : 2 tech- par distillation des plantes aroma- méopathiques. Je vois régulière-
niques pour conser- tiques, à la vapeur d’eau, et souvent ment des messages passer sur les
conservées dans une huile végétale réseaux sociaux indiquant comment
ver toutes les vertus neutre. Elles sont très concentrées réaliser soi-même ses collyres à base
de la plante en principes actifs et donc particu- de plantes.
lièrement puissantes.
On connaît aussi les SIPF, les solu- Attention à cette nouvelle tendance,
tions intégrales de plante fraîche. On les emploie par voie orale mais car les conditions d’asepsie doivent
La plante fraîche est cryobroyée aussi en application sur la peau ou absolument être respectées.
puis mise en suspension dans une encore en diffusion. Pour les em-
solution alcoolique à 30°. Elles sont ployer, il faut bien les connaître et Pascal Lamour

Camu camu : la baie brésilienne qui vient aider

quand les traitements anticancer échouent
Ces dernières années, on entend beaucoup parler de
l’immunothérapie, basée sur l’emploi de médicaments
activant le système immunitaire, pour traiter des can-
cers incurables jusqu’alors. Malheureusement, près
d’un patient sur trois ne répond pas au traitement. Un
taux de réussite qui pourrait être largement amélio-
ré grâce au camu camu, une baie brésilienne, selon
une étude publiée dans Cancer Discovery. L’équipe de
recherche du Pr Bertrand Routy, de l’Université médi-
cale de Montréal, a découvert que la castalagine, un
polyphénol contenu dans le camu camu, pourrait mo-
difier le microbiote intestinal et améliorer la réponse
Meriem Messaoudene et al, A natural polyphenol exerts antitumor activity and circumvents anti-PD-1 resistance through effects on the gut microbiota, Cancer
Discovery (2022).
à l’immunothérapie. Le Pr Rounty explique : « Pour
évaluer l’effet de la castalagine, nous l’avons admi-
nistrée par voie orale à des souris qui avaient reçu
une transplantation fécale de patients résistant au
ICI (médicament immunothérapeutique). Nous avons
découvert que la castalagine se lie à une bactérie
intestinale bénéfique, Ruminococcus bromii, et pro-
voque une réponse anticancéreuse. » Un véritable
espoir pour les personnes résistantes à ce type de
médication, d’autant plus qu’une étude clinique com-
binant la baie et les ICI a débuté en février sur 45 pa-
tients atteints de cancer du poumon ou de la peau.

La revue de l’Herboriste 11
Bar à tisanes

Acidité gastrique : cette infusion

protège les muqueuses
de votre estomac
Si vous pensez que vous souffrez de remontées acides parce que votre estomac produit
trop d’acide chlorydrique, détrompez-vous ! Il existe de nombreuses causes à ce dysfonc-
tionnement, dont… le manque d’acidité gastrique qui empêche le bon fonctionnement du
sphincter. Voici une tisane de plantes qui régule le système nerveux et favorise la produc-
tion d’un mucus protecteur des parois stomacales.

Les ingrédients • 20 g de réglisse, Glycyrrhiza glabra (ra-

Pour faire cette tisane, vous aurez besoin de :
• 30 g de badiane de Chine, Illicium verum
(fruits) : cette plante est excellente pour la di-
gestion. Elle permet de lutter contre les fla-
tulences, stimule la digestion lorsqu’elle est
trop lente ainsi que la production du mucus
protecteur.
• 20 g de menthe poivrée, Mentha piperita
(feuilles) : c’est une plante stimulante du sys-
tème digestif, antispasmodique et analgé-
sique (apaise la douleur). Elle tonifie le foie et
augmente la production de bile. Elle lutte aus-
si contre l’inflammation.
• 30 g de camomille allemande, Matricaria re-
cutita (fleurs) : elle est riche en chamazu-
lène et en alpha-bisabolo, deux molécules
qui lui confèrent des propriétés anti-inflam-
matoires. Elle stimule l’appétit et la vidange
gastrique. Elle apaise le système nerveux qui
peut favoriser la surproduction d’acide chlo-
rydrique en période de stress.
cines) : cette plante est très efficace contre
les gastrites : son suc favorise la régénéres-
cence des cellules abîmées par l’acide et pro-
tège les parois lésées.
• 5 g d’absinthe, Artemisia absinthium (sommi-
tés fleuries) : c’est une plante tonique amère,
au goût très fort (raison pour laquelle il est
déconseillé d’en mettre en trop grande quan-
tité). Elle stimule l’appétit et soutient le sys-
tème digestif. Elle est efficace contre les nau-
sées et les vomissements.
La préparation
Mettez  1 cuillerée à café du mélange dans une
tasse d’eau bouillante. Laissez infuser et filtrez.
Buvez 2 à 3 tasses par jour avant les repas pen-
dant 3 semaines.

Réglisse
Camomille
allemande

Badiane de Chine

Menthe poivrée Absinthe

12 La revue de l’Herboriste
 CUEILLETTE

Primevère : la demoiselle
délicate qui fait trembler les virus
Si vous rencontrez la primevère au détour d’un chemin, ne vous fiez pas à son apparence char-
mante : avec son teint doré, ses feuilles gaufrées et ses pétales délicats, on lui donnerait le bon
Dieu sans confession. Et pourtant… elle sème la terreur parmi les bactéries, les virus et les champi-
gnons qui craignent ses armes secrètes : les saponines. Ces dernières sont très efficaces contre
la bronchite et la grippe, mais pas seulement…

En parlant de clés, la primevère of- la toux (antispasmodique) et à faire

Hélène Lavaux est
herboriste, chargée
de cours à l’École
de Plantes Médici-
nales l’Alchémille.
Spécialisée dans
la cueillette et la préparation thé-
rapeutique des plantes sauvages,
elle guide des groupes à la dé-
couverte des trésors de la nature
dans les Alpes suisses.
Ne piétinez pas
la « clé » de nos prairies
Il existe trois espèces de primevères
qui colorent nos prés et nos sous-
bois : la primevère officinale (Pri-
mula veris L.), la primevère élevée
(Primula eliator L.) et la primevère
acaule (Primula acaulis L.).
Primevère officinale
Elles ont des propriétés médicinales
identiques. Employez tout simplement
celle qui est le plus présente dans votre
région. Dans certains lieux, la prime-
vère officinale a tellement été cueillie
qu’elle s’est trouvée menacée de dis-
parition. Si vous voyez qu’elle est rare
autour de chez vous, récoltez plutôt
l’une des deux autres espèces. Voici
quelques clés pour les différencier.
ficinale et la primevère élevée ont
toutes deux leurs fleurs rassemblées
comme un trousseau de clés au bout
de la tige, ce qui leur vaut le nom de
Schlüsselblume en allemand (littérale-
ment « fleur-clé »). On les différencie
surtout grâce aux fleurs : celles de la
primevère officinale sont de couleur
jaune doré, avec cinq taches orangées
au cœur de la corolle, alors que celles
de la primevère élevée sont jaune
souffre, plus grandes et plus ouvertes.
La primevère acaule pousse un peu
plus au ras du sol. Comme son nom
l’indique, elle n’a pas de tige appa-
rente (acaule vient du grec a-, élément
privatif et kaulos, tige). Ses fleurs, sé-
parées les unes des autres, partent di-
rectement de la rosette de feuilles.
Voilà pour la théorie mais en réa-
lité, sur le terrain, il arrive parfois
que ces trois espèces s’hybrident
entre elles, ce qui heureusement ne
change rien à leurs propriétés médi-
cinales.
Bronchite :
des scientifiques
percent le secret
de cette racine
La fleur de primevère officinale – ou,
selon les régions, de primevère éle-
vée ou acaule – est l’un des ingré-
dients traditionnels des tisanes ou si-
rops pectoraux. Elle aide à réduire les
écoulements nasaux (anticatarrhale),
à fluidifier et évacuer les mucosités
bronchiques (expectorante), à calmer
baisser la fièvre (fébrifuge).
Elle était autrefois employée dans le
traitement des bronchites, des pneu-
monies, de la coqueluche et de la
grippe. Depuis, il a en effet été dé-
montré que les saponines qu’elle
contient (concentrées jusqu’à 5 à 10 %
dans sa racine) inhibent le développe-
ment des bactéries, des champignons
et du virus de la grippe.
Des études cliniques ont notam-
ment confirmé son efficacité en as-
sociation avec le thym pour le trai-
tement de la bronchite aigüe. Un
traitement à base d’extraits secs
de feuilles de thym et de racine de
primevère a permis une réduction
significative de la toux et des symp-
tômes de la bronchite1.
« L’herbe à la paralysie »
pratique pour
les enfants
Parmi les noms vernaculaires de la
primevère officinale, celui « d’herbe
à la paralysie » nous révèle l’un de
ses anciens usages contre la paraly-
sie de la langue et le bégaiement.
En réalité, c’est une bonne antispas-
modique, ce qui l’indique non seu-
lement pour lutter contre la toux
mais aussi contre les troubles ner-
veux. On emploie son infusion en
cas de nervosité et d’insomnie, chez
les adultes comme chez les enfants.
Il apparaît qu’elle soulage aussi les
migraines nerveuses et les maux de
tête en général.

1. Kemmerich B. Evaluation of efficacy and tolerability of a fixed combination of dry extracts of thyme herb and primrose root in adults suffering from acute bronchitis
with productive cough. A prospective, double-blind, placebo-controlled multicentre clinical trial. Arzneimittelforschung. 2007;57(9):607-15. 

La revue de l’Herboriste 13
CUEILLETTE
15 minutes par jour
contre les rhuma-
tismes (selon une
ancienne recette
traditionnelle)
La décoction de racine de primevère
concassée, qu’on laissait bouillir cinq
minutes puis infuser dix minutes,
était traditionnellement prise par voie
orale pour soulager les rhumatismes.
On préparait aussi autrefois une
huile de primevère en laissant ma-
cérer les fleurs au soleil dans de
l’huile d’olive, comme on le fait
pour l’arnica ou le millepertuis.
Cette huile servait à masser les ar-
ticulations douloureuses et aussi à
soigner les plaies et les contusions.
De nos jours, on reconnaît effecti-
vement à la fois des vertus anti-in-
flammatoires et des effets diuré-
tiques à la primevère, ce qui en fait
une plante bénéfique pour les rhu-
matismes. De plus, l’infusion des
fleurs ou des feuilles ainsi que la
décoction de racine, appliquées en
compresses, ont une action éprou-
vée sur les hématomes.
Votre décoction
contre la douleur
Pour un usage uniquement ex-
terne, vous pouvez vous per-
mettre de concentrer la dé-
coction jusqu’à 100 g de racine
concassée par litre d’eau. Met-
tez dans une casserole le vo-
lume d’eau dont vous avez be-
soin et la quantité de racine
de primevère correspondante,
puis faites bouillir jusqu’à ré-
duction d’un tiers environ. Lais-
sez refroidir et appliquez sous
forme de compresses sur les
zones douloureuses.
Avis aux gourmands :
ses délices
se méritent…
En cuisine, les différentes parties de
la primevère – fleurs, feuilles et ra-
cine – offrent un panel de saveurs
aromatiques originales. Mais comme
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elles sont de petite taille, vous l’au- abondamment dans votre environ-
rez compris, la cueillette prend du nement.
temps avant que la récolte soit suffi-
sante pour rassasier les gourmands. •  Par temps sec, récoltez une cen-
Aussi les utilise-t-on plutôt comme taine de fleurs de primevère. Pour
aromates pour agrémenter les plats permettre la reproduction de la
que comme mets principal. plante, veillez à ne pas prélever plus
d’une fleur sur trois.
Au début du printemps, les jeunes
feuilles encore tendres apporte- •  Retirez le calice (partie verte de la
ront une saveur aromatique légè- fleur) pour ne garder que la corolle
rement anisée et un peu piquante à (partie jaune). Vous devriez obte-
vos salades sauvages. De plus, elles nir environ 25 g de corolles au total.
ont des qualités nutritives intéres- Si ce n’est pas le cas, adaptez pro-
santes : elles contiennent notam- portionnellement les quantités qui
ment de la vitamine C, du magné- suivent dans la recette.
sium et du potassium.
•  Versez les corolles de primevère
dans une casserole et ajoutez 1 litre
Mettez du piquant d’eau froide.
dans votre assiette
•  Portez à ébullition. Dès les pre-
Plus tard dans la saison, quand elles miers frémissements, retirez du feu
deviennent plus coriaces et relevées, et laissez infuser à couvert pendant
il est plus agréable de les cuire et de 12 heures.
les consommer en mélange avec
d’autres plantes. Vous pouvez aus- •  Filtrez à travers un linge fin (éta-
si décider d’exploiter leur goût pi- mine à confiture par exemple) et
quant en les cuisinant en sauce, par pressez les fleurs par torsion du tis-
exemple pour remplacer l’oseille en su pour bien récupérer tout le li-
accompagnement du poisson. quide. (Vous pouvez ensuite mettre
les fleurs au compost.)
Les fleurs décorent avec beaucoup
de délicatesse les salades et les des- •  Versez le liquide ainsi obtenu dans
serts. Elles ont une délicieuse saveur une casserole et ajoutez 250 g de
sucrée. Les pâtissiers les font confire sucre. (Le sucre blanc permettra une
au sucre pour mettre un peu de poé- meilleure conservation que le sucre
sie dans leurs créations gourmandes. non raffiné.)
Quant à la racine, à l’odeur de girofle
et au goût anisé, elle était parfois uti- •  Faites chauffer à feu doux pendant
lisée pour aromatiser la bière. Vous une dizaine de minutes jusqu’à dis-
pouvez la faire sécher puis la réduire solution complète du sucre et obten-
en poudre comme une épice. tion d’une consistance sirupeuse.
•  Versez à chaud dans des bouteilles
Sirop de coucou en verre préalablement ébouillantées.
(juste pour le plaisir)
Cette recette est traditionnellement Gare aux primevères
réalisée avec des fleurs de prime- exotiques
vère officinale, à laquelle on donne
aussi le nom de « coucou » car ses Le genre Primula contient de très
fleurs apparaissant aux premiers nombreuses espèces. En dehors des
chants de l’oiseau. trois que nous avons citées, mieux
vaut vous abstenir de les consom-
Cette préparation nécessite une mer. Les primevères ornementales
grande quantité de fleurs, donc ne qui envahissent les commerces au
la réalisez que si la plante pousse printemps ne sont pas toutes comes-
La revue de l’Herboriste
 CUEILLETTE

tibles. Par exemple, la primevère mides, vous aurez peut-être la chance la primevère auricule (Primula auri-
obconique (Primula obconica Hance), de contempler la délicatesse des cula L.) aux feuilles cartilagineuses
originaire de Chine, contient notam- fleurs rose lilas de la primevère fari- (d’où son nom faisant référence
ment une saponine qui peut provo- neuse (Primula farinosa L.) ainsi nom- à l’oreille) ou au contraire, dans
quer des réactions allergiques. mée en raison de la texture farineuse les rochers pauvres en calcaire, la
de la face inférieure de ses feuilles. primevère à gorge blanche (Primu-
Quant aux primevères de plus haute la hirsuta All.).
altitude, elles ne poussent pas à pro- Et si vous vous aventurez dans les
fusion et leurs propriétés sont encore zones rocailleuses, ne manquez pas Hélène Lavaux
méconnues. Dans les milieux hu- d’admirer dans les falaises calcaires

L’ACTUALITÉ EN DIRECT DE LA NATURE

Marais, marécages, étangs…

7 bonnes raisons de les préserver
En France, il y a de grandes surfaces à assainir « pour la santé de mes peuples », comme dirait le roi.
Et c’est donc ce bon Henri IV, celui qui voulait que tout un chacun puisse « manger la poule au pot »
tous les dimanches, qui promulgue en 1599 un édit ordonnant l’assèchement des lacs et marais.
Vaste programme de conquête agricole que poursuivront Louis XIII et bien d’autres, plus tard. L’in-
tention de base est louable mais…

Didier Blonay est en culture et agrandir leurs terres. La ter les maladies qu’on ne savait pas
écrivain roman- puissance publique y était plutôt favo- combattre et de développer culture
cier depuis son rable, et ce n’est pas tout. et élevage sous la menace des fa-
plus jeune âge, mines. Mais la situation n’était plus
son roman Le du tout la même quand, aux envi-
Roi des femmes Marais hanté : rons de 1970, s’est soudain accélé-
a notamment gagné le Prix Her-
mès, il est aussi passionné de na-
le cauchemar de nos rée en Europe la destruction de nos
chères « zones humides ».
ture. Chaque mois il alimente une ancêtres
rubrique sur les trésors (souvent Les marais, en particulier, avaient une Pourquoi donc, cette fois ? Pour
méconnus) de Mère Nature.
réputation inquiétante, et pas seule- augmenter les surfaces agricoles,
ment parce qu’on y voyait apparaître la production, les rendements, im-
Quand on parle de « zones hu- la nuit des feux-follets et autres esprits pératifs d’une nouvelle agricul-
mides », on se doute bien que les errants. Avant même de soupçonner ture intensive qui avait besoin de
lecteurs (surtout les nôtres…) ont l’existence des microbes, on suspectait grandes surfaces, de grandes par-
l’esprit assez vif pour voir à peu on ne sait quelles vapeurs mauvaises celles, et de beaucoup de sous pour
près de quoi il retourne. et autres émanations. Sans compter, en rembourser les emprunts.
été, les moustiques… et les odeurs.
Disons quand même, par souci du dé- Les années 1970, c’est aussi la grande
tail, qu’il s’agit des lieux suivants : les Autant dire que la malaria, la peste époque du remembrement pour re-
marais, marécages et roselières, les et le choléra ne sont pas loin, avec grouper les terres de chaque exploi-
mares et étangs, les bordures de lacs, leur escorte de misère et de famine. tation, en éliminant toute fioriture
fleuves et rivières, les prairies humides, Il faut donc fuir ces lieux, à moins inutile : les haies, les chemins, les fos-
les tourbières ainsi qu’en régions cô- qu’on ne puisse les transformer. sés, les mares, les bouquets d’arbres.
tières les deltas, estuaires et lagunes.
Préparant en cela de tristes consé-
Les endroits de ce genre ont souvent du 1970 : début quences : inondations, sécheresse,
charme et l’attrait d’une proximité avec d’un massacre destruction des écosystèmes et de la
la nature, mais il y a déjà longtemps que biodiversité et même, le pire peut-
certains ont vu d’un mauvais œil ces re- de grande ampleur être, l’appauvrissement des terres
paires de la vie en liberté. Les paysans Convenons qu’à l’époque il y avait agricoles qu’il faut compenser à
lorgnaient ces espaces pour les mettre de bonnes raisons de vouloir évi- coups d’engrais chimiques.

La revue de l’Herboriste 15
L’ACTUALITÉ EN DIRECT DE LA NATURE

Un tiers des zones ont mides dans la frénésie de l’expansion Bref, elles ont un rôle à la fois pro-
disparu selon l’ONU et du profit à tout prix. Il faut du temps tecteur et régulateur, notamment
pour que certaines idées cheminent, et par rapport aux changements clima-
Cette énumération définit très bien c’est seulement en 1997 qu’a été instau- tiques. A cet égard, elles piègent et
en creux le fond du problème, les fâ- rée la Journée mondiale des zones hu- stockent le carbone à grande échelle.
cheuses conséquences résultant de mides, fixée au 2 février.
l’effacement des zones humides, et Mais ce n’est pas tout, elles consti-
donc la nécessité d’arrêter le mas- En prélude à la dernière édition, le tuent aussi un extraordinaire réser-
sacre en les protégeant et même en 2 février 2022, la Convention a pu- voir de biodiversité, qu’il s’agisse
les recréant. blié un rapport le 15 décembre pré- de plantes ou d’animaux : oiseaux,
cédent. Le point fort est d’y affirmer poissons, amphibiens, insectes, mol-
Tâche urgente quand on sait que, que les zones humides sont toujours lusques… Rien que pour les oiseaux,
rien qu’en France, les deux tiers des les écosystèmes les plus menacés, et le sort du tiers des 277 espèces d’oi-
zones humides ont disparu depuis même trois fois plus que les forêts. seaux nicheurs répertoriés en France
les années 1900, tandis qu’à l’échelle « Pourtant, lit-on dans le rapport, dépend des zones humides.
mondiale on estime que 35 % de ces l’avenir d’une production alimentaire
zones ont disparu depuis 19701. durable dépend de zones humides en bon Dans une époque qui regroupe de
état et bien utilisées. » plus en plus de populations en ville,

Crédits photos : Ohhlanla - emberiza - Diana Taliun - Fh Photo - Luis Echeverri Urrea - MarcoFood - LFRabanedo - Nata-Lia / shutterstock.com
La prise de conscience n’est pourtant les zones humides en milieu urbain
pas récente : la Convention sur les zones sont aussi des îlots de fraîcheur pour
humides, traité intergouvernemental 7 bonnes raisons de les citadins et comme un bain de na-
pour la préservation et l’utilisation ra- préserver ces recoins ture entre les hauts murs.
tionnelle des périmètres concernés, a
été signée le 2 février 1971. Étonnant de fraîcheur et d’hu- Bref rappel poétique qui ne doit pas
renversement de perspective : on pen- midité (pour ceux qui faire oublier la nécessité de base : une
sait dans les années 60 que la question doutent encore) part importante de l’alimentation
serait réglée par la disparition pure et mondiale dépend directement des
simple de la plupart de ces zones. Ces zones permettent la protection zones humides à travers la pêche et
écologique des eaux, elles atténuent l’agriculture.
la violence des crues et les effets de
En février, on « fête » la sécheresse, elles favorisent le stoc- Didier Blonay
la journée mondiale kage de l’eau dans les nappes phréa-
tiques, maintiennent le débit des
des zones humides cours d’eau, et elles font office de
On ne mesurait pas encore, et même filtres naturels en assurant une fonc-
pas du tout, le rôle vital des zones hu- tion d’épuration.

1. ONU, « Agir pour les zones humides, c’est agir pour la nature et les humains », Journée mondiale des zones humides 2 février 2022 (en ligne).

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La revue de l’Herboriste (mensuel) • Directrice de la publication : Carole Levy • Directeur de la rédaction : Florent Cavaler • Rédactrice en chef
et éditrice : Alizée Berchet • Rédaction : Mathilde Simon, Hélène Lavaux, Pascal Lamour et Didier Blonay • Imprimé en France par : Corlet Roto
53300 Ambrières-les-Vallées • Dépôt légal : à parution 39 euros • Adresse : PureSanté Editions SA, Place Saint-François 12B, c/o Loralie SA, 1003
Lausanne • ISSN : 2813-1924 (print) - 2813-1932 (web) • Service client : +33 (0) 9 85 60 06 46 - PureSanté Éditions - CS 70074 - 59963 Croix Cedex
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