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Hernie diaphragmatique congénitale

-Dr Negrea Voicu -

Définition

L’hernie diaphragmatique congénitale est une embryopathie caractérisée par


l’absence de fermeture du canal pleuropéritonéal et absence totale ou partielle de la
coupole diaphragmatique. Les conséquences sont le déplacement des organes de
l’abdomen dans le thorax, en raison de la pression différente entre l’abdomen et le thorax.
L’incidence est observée à 1 cas pour 3000-5000 naissances.

Embryologie

Le diaphragme commence à se former à partir de la 4e semaine de vie


embryonnaire. Son rôle est de fermer le canal pleuropéritonéal, avec la délimitation entre
le thorax et l’abdomen. A la fin de la 8e semaine on observe habituellement une délimitation
complète entre le thorax et l’abdomen, avec le développement, dans cette période de la
membrane péritonéale. Dans cette période, même les viscères abdominaux se développent
en dehors de la cavité abdominale, phénomène connu comme la herniation physiologique.
Si la membrane pleuropéritonéale n’est pas complètement ferme au moment de la
réintégration des viscères dans l’abdomen, les viscères vont monter dans le thorax. La
plupart des hernies se développent dans cette période, entre 4 et 8 semaines de vie
embryonnaire, avant le développement du péritoine. Ces hernies sont dénommées hernies
diaphragmatiques sans sac, ou de type embryonnaire. Les hernies diaphragmatiques qui se
développent après la 8e semaine de vie embryonnaire ont les viscères abdominaux, hernies
dans le thorax, couverts par le péritoine – ces derniers sont considérés comme des hernies
embryonnaires de type fœtal.

Anatomie pathologique

Selon la localisation, on retrouve :


- 85% des cas sur la coté gauche
- 10% des cas sur la coté droite
- 5% bilatérales
Au niveau du diaphragme ils existent certaines zones de « faiblesse » de la paroi,
connus comme les zones prédisposant pour l’herniation. Le plus fréquemment on
rencontre l’hernie par l’orifice postéro-latéral (hernie de Bochdalek), qui se retrouve dans
80% des cas. Parmi les hernies antérieures on retient l’hernie de Morgagni. Relativement
rares sont les hernies diaphragmatiques centrales.
En raison d’une pression inferieure au niveau de la cage thoracique, les viscères
abdominaux ont la tendance de monter au niveau du thorax, en produisant une
compression constante sur les organes thoraciques, en modifiant leurs positions et
influençant le développement des poumons.
Pour les hernies diaphragmatiques congénitales gauches le médiastin sera déplacé
vers le côte droite, le cœur et les gros vaisseaux ont une position anormale. Les organes
abdominaux infiltrés dans la cavité thoracique, en ordre de leur fréquence, sont : le grêle, le
colon transverse, le lobe gauche hépatique, la rate, l’estomac.
Les hernies diaphragmatiques congénitales droites sont moins fréquentes, en raison
de la protection offerte par le foie, qui empêche l’herniation des organes abdominaux dans
le thorax en cas de fermeture tardive ou brèche au niveau du diaphragme droit.

Physiopathologie

L’hernie diaphragmatique congénitale est associée à une anomalie du


développement du système respiratoire de différent dégrées. On retrouve une diminution
des divisions bronchiques, avec une réduction des bronchioles et une surface d’échange
artério-alvéolaire réduite.
En raison d'un développement insuffisant des bronchioles, on observe une
diminution du nombre de branches artérielles pulmonaires, ayant comme conséquence
fonctionnelle une hypertension artérielle pulmonaire de différent dégrée.
L'hypoplasie pulmonaire est considérée d'être principalement le résultat de la
compression exercée par les organes abdominaux hernies dans le thorax, mais de nouvelles
études ont découvert que cette compression externe n'explique que partiellement
l'hypoplasie pulmonaire et l'origine de l'hypoplasie pulmonaire est multifactorielle.
Parmi les éléments contribuants au développement insuffisant de l'arbre
bronchique existe aussi un déficit de production du surfactant, déficit des protéines A et B
du surfactant, et un déficit de la fonction du surfactant.
L'hypoplasie pulmonaires et le déficit du surfactant ont comme effet la diminution
de la capacité résiduelle, la diminution de la surface d'échange alvéolo-capillaire et
l'augmentation d'espace mort.
L'adaptation à la vie extra-utérine du nouveau-né porteur d'une hernie
diaphragmatique sera réalisée avec la présence d'une hypertension artérielle pulmonaire
persistante, qui sera associée à un shunt droit-gauche en raison d'un foramen ovale et la
persistance d'un canal artériel, qui augmente l'hypoxémie. On observe aussi une réduction
du retour veineux pulmonaire avec diminution du remplissage du ventricule gauche et un
débit aortique réduit. Au niveau du cœur droit la présence d'un canal artériel détermine
une défaillance cardiaque droite. La défaillance cardiaque droite altère la fonction du cœur
gauche, ayant comme effet une insuffisance d'oxygénation globale.
L'altération de la fonction pulmonaire et cardiaque explique la difficulté
d'adaptation à la vie extra-utérine de ces nouveau-nés et la nécessité d'une réanimation
néonatale correcte.

Malformations associées

30-40% des hernies diaphragmatiques congénitales ont une malformation majeure


associée.
Les hernies diaphragmatiques de type embryonnaire ont associé différent degrés de
mal rotation, en raison de l'ascension des anses au niveau du thorax avant la fin
d'accolation d'intestin au niveau du péritoine postérieur.
L'hypoplasie pulmonaire est bilatérale, de différentes degrés de sévérité et
indépendante du côté du défaut diaphragmatique.
Au niveau cardiaque, on rencontre une hypoplasie du cœur gauche et différents
défauts cardiaques: la présence du foramen ovale, communication inter ventriculaire, la
persistance du canal artériel, tétralogie de Fallot.
10% des hernies diaphragmatiques sont associées aux défauts chromosomiques.
Les plus fréquentes anomalies observées sont la trisomie 18 et trisomie 21.
Des autres malformations associées sont liées au système nerveux central,
malformations musculo-squelettiques et rénales.

Diagnostique anténatal

Environ 50 a 60% des hernies diaphragmatiques congénitales sont diagnostiquées


au présent en prénatal, durant les échographies prénatales réalisées pour la surveillance de
la grossesse. Le diagnostique est établit le plus souvent dans le deuxième trimestre de la
grossesse. Si les images échographiques ne sont pas concluantes, l'IRM peut offrir des
images plus nettes, en aidant à établir le diagnostique.
Le diagnostique prénatale offre la possibilité de la naissance dans un centre
spécialisé, en présence des réanimateurs et néonatologues, d'une prise en charge
spécifique, avec des résultats mieux a court et long terme.

Présentation clinique

Pour les hernies diaphragmatiques de type embryonnaire les symptômes suggèrent


un état général grave.
Les hernies diaphragmatiques congénitales postérieures gauches (de type
Bochdalek) présentent à la naissance où on observe a l'inspection une cyanose importante,
avec un nouveau-né cyanotique, dyspnéique, polypnéique, avec une détresse respiratoire
néonatale. A l’examen objectif, par l’auscultation on observe un murmure vésiculaire
abolie, une sonorité anormale au niveau du thorax gauche avec des bruits hydro aériques et
le déplacement vers la droite de la matité cardiaque. On observe aussi des signes
circulatoires en raison des malformations cardiaques et de la balance médiastinal. On peut
rencontrer des troubles digestives: vomissements, crises occlusives, en raison de la
situation anormale des viscères.
Les hernies diaphragmatiques postérieures droites (de type Bochdalek) ont une
symptomatologie plus discrète, en raison d'un orifice herniaire plus réduit, qui diminue le
volume des organes herniées dans le thorax. Le plus souvent on retrouve herniés le foie, le
grêle et le colon transverse.
Les hernies diaphragmatiques antérieures de type Morgagni ou Larey ont
habituellement une symptomatologie plus modérée, en raison d’un volume plus réduit des
organes herniés. Les enfants sont souvent asymptomatiques. Les symptômes débutent plus
tard, dans l’enfance, en présentant une cyanose à différents degrés, des palpitations ou
dyspnée modérée, et aussi des douleurs épigastriques ou précordiales.
Les hernies diaphragmatiques congénitales de diagnostic tardif ont une
symptomatologie plus réduite. A la naissance on n’observe pas des troubles respiratoires
ou digestives. Elles représentent entre 5 et 30% des hernies diaphragmatiques
congénitales. Ces nourrissons ont une susceptibilité accrue de développer des infections
respiratoires en répétition, en raison d’un développement incomplet des poumons. Un
nombre important des cas peut développer des syndromes occlusifs, en raison de la mal
rotation et des étranglements herniaires dans la brèche diaphragmatique. Un pourcentage
significatif des nourrissons vont présenter des troubles de croissance.

Imagerie

Les hernies diaphragmatiques congénitales peuvent être diagnostiquées dans le


periode fœtal, par l’échographie effectuée systématiquement, pour la surveillance de la
grossesse.

Images IRM présentant des fœtus avec une hernie diaphragmatique congénitale
gauche (flèche blanche).

En postnatal, les troubles aigues de ventilation des nouveau-nés, demandent des


radiographies thoraciques ou thoraco abdominales, qui vont montrer des images aériques
(qui correspondent au grêle, estomac ou colon transverse), des discontinuités au niveau du
contour du diaphragme, une aération réduite au niveau de l’abdomen (en raison des
troubles de digestion associées à la mal rotation), le déplacement du cœur et du médiastin
et une opacité superposé sur l’opacité cardiaque. Pour avoir une meilleure visualisation et
différencier quels organes ont été herniés, on peut administrer, sur une sonde naso
gastrique ou par irigographie, des produits de contraste.
S’il y a des doutes concernant le diagnostique d’une hernie diaphragmatique sur la
radiographie, on peut effectuer un scanner thoraco-abdominal ou un IRM.
Le diagnostique d’une hernie diaphragmatique nécessite une évaluation
échographique pour la recherche des malformations associées (cardiaques, rénales,
cérébrales). Elle est utile aussi pour évaluer le péristaltisme intestinal.

Image radiologique thoraco-abdominale d’un nourrisson ayant une hernie


diaphragmatique gauche, avec une occlusion intestinale aigue. En jaune s’observe une anse
intestinale supra diaphragmatique, en bordeaux on note la coupole diaphragmatique
gauche, et les niveaux hydro-aériques en verts.

Image de scanner du même nourrisson. On peut observer une anse intestinale qui
remonte au niveau du thorax, ayant une situation postéro-latérale gauche - hernie de type
Bochdalek
Images : radiologique avec irigographie, scanner et en intra opératoire, d’une hernie
diaphragmatique congénitale antérieure droite. L’hernie est indiquée sur l’imagerie en
blanc, et pendant l’intervention en gris.

Images : radiologique face et profil d’une hernie diaphragmatique droite et l’image


intra opératoire d’un gros défaut diaphragmatique droit (après la réduction des organes
herniés), du même patient.

Traitement

En raison de grosses malformations associées les résultats sont restés très faibles
après la naissance, avec des taux de morbidité et mortalité élevés. Les progrès réalisés dans
le domaine de la surveillance de la grossesse et l’imagerie qu’ont déterminé les chirurgiens
pour essayer des techniques de chirurgie fœtale, afin d’améliorer le pronostic des fœtus
diagnostiqués dans le deuxième semestre de la vie intra-utérine par une hernie
diaphragmatique.
Au début il été essayé de réduire l’hernie et d’opérer le défaut dans la période
fœtale, en ouvrant l’utérus, mais les résultats ont été décevants. En observant les enfants
avec une atrésie congénitale de la trachée, il a été proposé une aide sur le développement
des poumons par l’occlusion de la trachée dans la période fœtale. Une technique a été
proposé qui consiste en l’occlusion du lumen trachéal du coté de l’hernie. En fonction des
paramètres mesurés par l’échographie et IRM, pour le volume des poumons et éventuelle
herniation du foie, au présent le traitement (l’occlusion de la trachée) commence à 27-30
semaines pour l’hypoplasie pulmonaire sévère et a 30-32 semaines pour l’hypoplasie
pulmonaire modérée et finit vers le 34e semaine, avec le retirement du ballonnet. Cette
technique est connue sous la dénomination de FETENDO. Ce procédé doit être réalisé
seulement dans les centres spécialisés, avec une expérience en chirurgie fœtale.
Le traitement après la naissance commence immédiatement. La prise en charge
néonatale a comme objectifs d’assurer une oxygénation tissulaire, assurer une bonne
circulation, en limitant les effets de l’hypertension artérielle pulmonaire, et prévenir les
troubles respiratoires et digestives.
Au présent le traitement chirurgical d’une hernie diaphragmatique sera effectué
après la période d’adaptation postnatale avec le milieu externe et la stabilisation du
nouveau-né. C’est mieux de ne pas imposer un traitement chirurgical aux nouveau-nés qui
n’ont pas de chances de survivre.
Le traitement chirurgical consiste à la réduction des viscères herniés dans le thorax
et fermeture du défaut diaphragmatique. L’abord sera effectué par la voie thoracique ou
abdominale, par abord classique ou mini-invasif. L’abord abdominal est souvent préféré,
pour la possibilité d’évaluation du degré de la mal rotation, et pour la fermeture de la
brèche diaphragmatique. Si le défaut est trop large on peut utiliser des prothèses pour
fermer la communication. Si la pression intra abdominale est trop élevée, on peut essayer
une réintégration progressive, ou fermeture incomplète de l’abdomen pour quelques jours,
en utilisant une prothèse.

Pronostic

Le pronostic des hernies diaphragmatiques congénitales reste réservé dans plupart


des cas, en observant une mortalité rapporté entre 20 et 40% des patients. Dans les formes
légères ou les hernies diaphragmatiques congénitales de diagnostic tardif, le taux de survie
dépasse 90%.
La morbidité post opératoire est relativement importante. Ces enfants ont des
risques élevés de développer des occlusions par bride, reflux gastro-œsophagien,
déformation du thorax (pectus excavatum et scolioses). On observe aussi une sensibilité
accrue de développer des infections respiratoires.

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