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L’atrésie œsophagienne

- Dr Negrea Voicu -

Définition: l’atrésie œsophagienne est une malformation congénitale caractérisée


par l’interruption de la continuité œsophagienne. Elle est associée le plus souvent { une
communication avec l’arbre respiratoire - une fistule trachéo-œsophagienne.
La fréquence est observée à 1 cas pour chaque 2500-5000 nouveau-nés. La
distribution est égale entre les garçons et les filles.

Embryologie

L’atrésie œsophagienne est déterminée par le défaut de prolifération de


l’endoderme œsophagien. La malformation est déterminée par un défaut de séparation
entre l’œsophage et la trachée, entre la 3e et 6e semaine de vie intra embryonnaire. La
fistule trachéo-œsophagienne est le résultat d’une anomalie d’expression des gènes
spécifiques, et arrêt de séparation durant le développement, entre l’œsophage et la trachée.
Le clivage entre l’œsophage et la trachée se produit en sens transversal à partir des plis
trachéo-œsophagiens - la fusion aboutit à la formation du septum trachéo-œsophagien, et
en sens longitudinal - avec la croissance de la trachée de haut en bas.

Morphopathologie

Le trajet œsophagien est interrompu, en résultant deux segments œsophagiens, avec


un développement inégale, situés à une distance variable l’une de l’autre, en observant,
dans la plupart des cas, une communication avec la trachée.
Le bout supérieur est plus volumineux, est bien développé, en raison d’un contenu
constant et d’une pression constante douce réalisée par le liquide amniotique. Ce bout
supérieur est fini en doigt de gant le plus souvent, avec l’extrémité distale située
habituellement au niveau de la 2 e ou 3 e vertèbre thoracique.
Le bout inferieur à un diamètre réduit, avec la paroi plus fine, communique souvent
avec la trachée.
Durant l’exploration chirurgicale on constate une distance entre les deux bouts
œsophagiens qui varie de quelques millimètres jusqu’{ 3-4 centimètres, dans la plupart
des cas.

Classification des atrésies œsophagiennes, selon Vogt

Type I: absence de l'œsophage thoracique (2%)


Type II: atrésie œsophagienne isolée (7%)
Type III: atrésie œsophagienne associée à une communication avec l’arbre respiratoire
- IIIa : fistule dans le segment proximal (1%)
- IIIb : fistule dans le segment distal (85%)
- IIIc : fistule double, proximale et distale
Type IV: fistule en “H” sans atrésie

I II IIIa IIIb IIIc IV

Le schéma des atrésies œsophagiennes selon Vogt

Physiopathologie

La présence des anomalies de séparation entre l’œsophage et la trachée comporte


des conséquences fonctionnelles. Ces conséquences peuvent être expliquées en utilisant la
classification du Vogt :
- dans le type I et II (atrésie œsophagienne sans fistule) le lait et la salive n’arrivent
pas dans l’estomac ; en s’accumulant dans le cul de sac de l’œsophage proximal et passage
dans les voies respiratoires. Sur le plan clinique elles se manifestent avec crises d’asphyxie
et, par la suite, pneumonie d’aspiration ;
- dans le type IIIa (atrésie œsophagienne avec fistule entre l’œsophage proximal et
la trachée) le lait et la salive passent directement dans les voies respiratoires, avec un
début des manifestations respiratoires plus rapide et intense ;
- dans le type IIIb (atrésie œsophagienne avec fistule entre l’œsophage distal et la
trachée), le lait et la salive s’accumulent dans le cul de sac œsophagien proximal et puis
passent dans les voies respiratoires, en même temps l’air passe aussi dans l’estomac, par la
fistule entre la trachée et l’œsophage distal. La situation est décrite par la phrase « le
nourrisson respire dans son ventre et mange dans ses poumons”.
- dans le type IIIc (atrésie œsophagienne avec double fistule, proximale et distale,
entre l’œsophage et la trachée) on rencontre les situations décrites antérieurs.
- dans le type IV (fistule en H sans atrésie) la présentation clinique est relié au
diamètre de la fistule, en rencontrant des respirations bruyantes, ou bien des crises
d’asphyxie, cyanose, dyspnée, tirage intercostal. Les symptômes sont présents dans le
premier jour de vie dans la majorité des cas avec fistule trachéo-œsophagienne.

Anomalies associées

L’incidence des anomalies associées chez les atrésies œsophagiennes, selon


différents auteurs, atteint un taux d’environ 50-70%.
Les malformations associées plus fréquemment sont : cardiaques, vertébrales,
digestives, rectales, rénales, des membres inferieures. Elles sont regroupées en l’acronyme
VACTERL (V -vertebrales, A - ano-rectales, C - cardiaques, TE - trachéo-œsophagiennes, R -
rénales, L - limbs (membres inferieures)), ou VATER. Les malformations associées avec une
morbidité accrue sont celles cardiaques.

Le diagnostic d’une atrésie œsophagienne

En prénatal on peut trouver des signes indirectes qui peuvent suggérer la présence
d’une atrésie œsophagienne, par l’échographie effectuée pour la surveillance de la
grossesse, telle : absence de visualisation de l‘estomac, ou un estomac de petite taille,
hydramnios, présence d’une malformation associée, la distension de l’œsophage proximal.
Le diagnostic par échographie d’une atrésie œsophagienne en prénatal reste encore
difficile et avec beaucoup d’erreurs.
Lorsqu’il existe une suspicion d’atrésie œsophagienne en prénatal on peut utiliser
l’IRM qui peut offrir des informations plus exactes : une partie supérieure de l’œsophage
trop bien vue, un estomac petit et aussi estomac et grêle avec contenu liquidien réduit.

IRM prénatal d'un foetus porteur d'une atrésie oesophagienne. A gauche la flèche
blanche indique l'oesophage proximal, finit en "cul de sac", à droite, la flèche verte indique,
chez le même patient, présence du contenu intestinal, ce qui prouve présence d'une fistule
distale (atrésie type IIIB)
Après la naissance, dans les premières minutes on peut noter la présence d’une
hyper sialorrhée, qui se refait rapidement après l’aspiration, respiration bruyante, cyanose,
asphyxie, détresse respiratoire, et, selon le type d’atrésie, abdomen excavé ou détendu.
Devant cette présentation clinique on peut essayer d’introduire une sonde naso-gastrique.
Si la sonde naso-gastrique bute a 8-10 cm de l’arcade alvéolaire ou se retourne dans la
bouche existe une forte suspicion pour la présence d’une atrésie œsophagienne.
Examen radiologique : avec la sonde naso-gastrique introduite, une radiographie
thoracique de face et profil va montrer l’arrêt de la sonde au niveau du cul de sac
œsophagien supérieur et même le retour de la sonde, en arrivant au niveau du cul de sac
supérieur. S’il y a des doutes on peut utiliser un produit de contraste aérien en petite
quantité. Cette radiographie de thorax permet la confirmation du diagnostic, d’observer la
présence des malformations associées et de noter la présence de l‘air dans l’abdomen (pour
l’orientation du type d’atrésie).

Présence d’une sonde naso-gastrique qui se retourne au niveau du cul de sac


proximal de l’œsophage
Le diagnostic peut être confirme en cas de doutes, par un examen endoscopique, qui
permet de visualiser directement le cul de sac supérieur et éventuellement la présence
d’une fistule entre le bout œsophagien supérieur et la trachée.

Traitement

En préopératoire, le nouveau-né doit être mis dans une position demi assise (idéale
a environ 35°) pour minimiser l’aspiration trachéale et le reflux gastro-œsophagien. C’est
obligatoire de positionner une sonde d’aspiration et de le mettre en aspiration douce et
continue, au niveau du cul de sac supérieur. C’est impératif d’optimiser l’état général du
nouveau-né, qui va être perfusé et réchauffé, et maintenu, si possible, dans une couveuse
humidifiée.
Le traitement chirurgical est réalisé le plus souvent possible, en essayent de rétablir
la continuité œsophagienne. L’abord chirurgical de l’œsophage est par thoracotomie ou par
thoracoscopie, le plus souvent sur le côté droit.
Le but du traitement est de ligaturer la fistule entre la trachée et l’œsophage et de
pratiquer une anastomose termino-terminale entre les deux bouts œsophagiens.
A la suite sont présentées des images intra opératoires :

Préparation du bout œsophagien


supérieur - image intra opératoire

La fistule trachéo-œsophagienne

Le bout œsophagien distal

Le bout œsophagien proximal

Bout œsophagien proximal

Anastomose des deux bouts


œsophagiens

La veine azygos
Si la distance entre les deux extrémités œsophagiennes est plus longue que 3 cm, la
tension entre les deux parties de l’œsophage est importante et le risque de déhiscence de
l’anastomose sera haut, avec un risque de mediastinite à la suite. Dans ces conditions on
peut utiliser des artifices techniques pour allonger l’œsophage, mais ils comportent des
risques supplémentaires des complications à court et à long terme. Si les deux bouts de
l’œsophage sont relativement loin l’un de l’autre, on peut pratiquer la fermeture de la
fistule trachéo-œsophagienne, une œsophagostomie, pour l’extériorisation de la salive et
une gastrostomie pour l’alimentation entérale.
Le rétablissement de la continuité œsophagienne sera réalisé après l’âge de 6 mois,
en essayent d’utiliser l’œsophage disponible, en tenant compte que n’existe pas mieux
remplacement pour l’œsophage que lui-même. Si l’œsophage a disposition est insuffisant,
on peut essayer la plastie œsophagienne en utilisant le colon (plus souvent colon gauche),
la grande courbure de l’estomac, le grêle (rare) ou de remonter l’estomac dans le thorax.

Complications

Les complications postopératoires immédiates sont présentées par des fuites


anastomotiques avec la déhiscence de l’anastomose, médiastinite, reperméabilisation de la
fistule oeso-trachéale.
Parmi les complications tardives, on souligne les sténoses anastomotiques, la
dysmotilité de l’œsophage inferieur, le reflux gastro-œsophagien et la tracheomalacie.

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