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S.E.R. | « Études »
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B EAU titre ! Audacieux par les temps qui courent, et sujet à cau-
tion : est-il décent aujourd’hui de parler en ces termes, alors que
L IVRES l’horizon paraît à ce point obscurci que l’intelligence et la volonté
avouent en être découragées ? Max Weber, en son temps, qui définis-
1. Jean-Claude GUILLEBAUD, sait la politique comme « le goût de l’avenir » – et à qui Jean-Claude
Le Goût de l’avenir, Le
Seuil, 2003, 360 pages, Guillebaud emprunte la formule – était moins décalé... Méthode
21,50 €. Coué, optimisme volontariste, griserie idéaliste ? Les précédents
ouvrages de Jean-Claude Guillebaud, dont on a pu déjà apprécier
la vigueur, la précision et le sérieux, permettent d’éliminer dès
2. Voir dans le n° 396-2 l’abord cette hypothèse 2.
(février 2002) d’Etudes la Rien, en effet, de particulièrement euphorique dans son ana-
note de lecture : « Les
convocations de Jean- lyse du monde contemporain. Revenant sur la rupture historique et
Claude Guillebaud », sur anthropologique que nous sommes en train de vivre, qualifiée par
ses trois précédents ou-
vrages : La Tyrannie du Illya Prigogine de « grande bifurcation » comparable à celle qui nous
plaisir, La Refondation du fit passer, il y a plus de douze mille ans, du paléolithique au néoli-
monde, Le Principe d’huma-
nité.
thique, il ne craint pas d’affirmer que, « dans notre rapport au réel, à
la matière, au temps et à l’espace, à la vie elle-même, nous vivons
aujourd’hui un basculement de cette importance ». De quoi disquali-
fier les discours doctes et les postures avantageuses. Il convient bien
davantage – et c’est là tout l’effort de Jean-Claude Guillebaud – de
prendre acte de cette situation de « suspens énigmatique », d’éveil
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rique – histoire des idées autant que celle des événements – qui
accouche du présent et soulève l’avenir. Il arrache ainsi le discours à
la clôture d’un présent obsédant, dissipe la fascination pour les
manifestations actuelles du mal – en les mettant en lumière –, inter-
roge le flou de nos options, notre incertitude sur les valeurs, nos
« jolis doutes », ou les raideurs catastrophiques que nous leur oppo-
sons : « Moins nous sommes assurés de nos valeurs, plus nous
haussons le ton. » Et plus nous sommes vulnérables. Raison supplé-
mentaire pour aller chercher dans ces trésors enfouis que nous
avons fini par oublier : la philosophie morale, les expériences théolo-
giques, l’ontologie – cette « science de l’être », précise Guillebaud
derrière le Littré, car il ne déteste rien tant que la technicité du lan-
gage et la pédanterie intellectuelle qui écarteraient de l’effort de pen-
ser ceux qui sont prêts à l’aventure.
« Posément. Patiemment. En toute imprudence », il nous
conduit dans une analyse très structurée des six antagonismes, des
six oppositions sur lesquelles lui « paraît buter le désarroi contempo-
rain ». A vrai dire, six grands points de douleur collective, où se
nouent et se pétrifient les cœurs, les esprits et les comportements. Il
s’agit de sonder, nommer, éclairer ces contractures mortifères, pour
tenter de passer outre, penser, voir, agir, parler autrement. Où sont
ces nœuds, et où, par conséquent, les issues à découvrir ou
inventer ? Ils sont : 1) entre limite et transgression ; 2) entre autono-
mie et lien ; 3) entre transparence et intériorité ; 4) entre innocence
et culpabilité ; 5) entre corps et esprit ; 6) entre savoir et croyance.
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L IVRES
simples, naïves peut-être » : « Il me semble qu’au delà du principe
espérance, au delà d’une volonté de reprendre en main notre histoire,
c’est une certaine gaieté qui nous fait défaut. Je dis bien “une cer-
taine”, car celle que j’évoque ne s’apparente pas aux rigolades
convenues, encore moins à la dérision généralisée ou aux sarcasmes
malins. » On le suit encore lorsqu’il dit ne pas vouloir abandonner cette
gaieté « à la contrebande des désenchantés », et l’on se revigore dans
cette énergie grave, et gaie pourtant, qui s’apparente au courage.
FRANÇOISE LE CORRE
L
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l’épiscopat, semble penser P. Steinfels, compte tenu de sa médio-
crité, récemment manifestée (lors du scandale de la pédophilie)
– « médiocrité plus que malignité », écrit l’auteur. Il dit sa confiance
dans le laïcat, né du Concile et réveillé par les événements récents.
C’est un trait fréquemment souligné, ces dernières années. La
passation ne sera assurément pas facile... L’on est renvoyé au pro-
blème de la formation.
Il valait la peine d’élargir et d’approfondir un diagnostic qui
risquait de se faire trop étroit.
L
L IVRES
s’efforcent de circonscrire ce mystère sans le dénaturer. Les pre-
mières pages de La Conversation amoureuse, qui tentent de dire ce qui
se passe au moment du coup de foudre, ne font finalement que
l’enrober d’une prose à la fois pénétrante et respectueuse.
AGNÈS PASSOT
Les