14/9/22, 21:09 L’armée ukrainienne a-t-elle les moyens d’élargir son offensive 

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L’armée ukrainienne a-t-elle les moyens d’élargir son offensive ?

Les Ukrainiens ont repris plus de 6 000 km² à l’armée russe depuis le début du mois de septembre, et
profondément enfoncé les lignes des soldats du Kremlin dans la région de Kharkiv. Ce succès permet à
Kyiv d’accentuer sa pression sur les Occidentaux pour obtenir les armes qui lui sont indispensables.

Laurent Geslin
14 septembre 2022 à 12h15

L’ offensive déclenchée par l’armée ukrainienne dans la région de Kharkiv, le 6 septembre, est-elle de nature à
décider du cours de la guerre ? « Il faut rester très prudent, souligne l’analyste Oleksiy Melnyk, codirecteur du
centre Razumkov de Kyiv. Cette opération ne doit être que le lancement d’un mouvement plus large. Et il ne faut pas
sous-estimer l’armée russe, ni sa capacité de résilience, même si l’état-major ukrainien ne s’attendait pas à une percée
de cette envergure. Contrairement à ce qu’affirment les dirigeants de Moscou, les troupes du Kremlin ne se sont pas
repliées de façon organisée, leurs positions ont été abandonnées dans la précipitation. »

Dans la ville d'Izioum, le président Volodymyr Zelensky a participé le 14 septembre au matin à une levée du drapeau
ukrainien, pour sa première visite dans les territoires libérés autour de Kharkiv. Selon le site de renseignements en
sources ouvertes Oryx, les Russes auraient depuis une semaine perdu au minimum une centaine de chars, sans
compter les dizaines de carcasses d’engins blindés apparues récemment sur les réseaux sociaux, ainsi que les
visages de multiples prisonniers russes, en violation d’ailleurs de toutes les conventions internationales.   

« Les attaques vont se poursuivre dans les prochains jours, mais les gains territoriaux devraient être limités, du moins
si les Russes arrivent à reconstituer une ligne de défense relativement solide, ce qui ne semble pas encore être le cas.»,
ajoute Oleksiy Melnyk.

 Après avoir perdu plus de 6 000 km² depuis début septembre, selon les estimations données par
Volodymyr Zelensky le 12 septembre, dont au moins 3 000 km² sur le front nord, l’armée russe espérait ces derniers
jours contenir la poussée des forces de Kyiv derrière la rivière Oskil, à une centaine de kilomètres de Kharkiv, mais
elle semble avoir été incapable d’empêcher les infiltrations ukrainiennes.

« Les Russes ont longtemps pensé qu’ils devaient gagner cette guerre, qu’ils avaient des ressources énormes en hommes
et en matériel, qu’ils allaient l'emporter s’ils étaient persévérants. Un événement [comme l’offensive de Kharkiv] est de
nature à dissiper cette illusion. Non seulement, l’armée russe ne gagne pas la guerre, mais elle a subi une défaite
majeure, et elle peut perdre ce conflit », explique de son côté l'analyste américain Michael Kofman.  « Cette défaite ne
va pas mener à un effondrement stratégique russe en Ukraine, mais quelques opérations de ce type pourraient rendre
l’effort de guerre russe totalement insupportable ».

La contre-offensive ukrainienne
Dernière mise à jour le 13 septembre

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© OpenStreetMap contributors

Zones de présence ou d’avancée Zones reprises par les forces ukrainiennes Territoires
des forces russes depuis le début du conflit séparatistes
prorusses

Carte: Mediapart • Source: Institute for the Study of War et AIE’s Critical Threats Project • Créé avec Datawrapper

© Infographie Mediapart

À l'est d'Izioum, des drapeaux bleu et jaune ont été hissés dans les villes de Bohorodychne et de Sviatohirsk, sur les
deux rives de la rivière Donets, indiquant que les combats se rapprocheraient du hub logistique de Lyman, capturé
fin mai dernier et défendu par un assemblage hétéroclite d’unités russes et de miliciens des républiques
séparatistes. Le chef de l’autoproclamée République populaire de Donetsk (DNR), Denis Pouchiline, reconnaissait le
13 septembre que la situation était « difficile », mais « sous contrôle », alors que les comptes Telegram de blogueurs
pro-russes appelaient leurs lecteurs « à ne pas paniquer ».

Des soldats ukrainiens auraient aussi réussi à progresser vers le nord depuis Siversk, dans les forêts qui entourent la
ville de Kreminna. La prise de la localité permettrait d’achever un encerclement presque complet des forces tenant
Lyman, et d’ouvrir de nouveaux axes de progressions vers Lysychansk et Severodonetsk, deux villes où s’étaient
déroulés de furieux combats en juin dernier.

« Les Ukrainiens ont préparé l’opération de Kharkiv, en menant une guerre informationnelle très efficace, continue
Oleksiy Melnyk. L’offensive dans la région de Kherson, dans le sud du pays, avait été annoncée depuis des mois, et elle
a été préparée par des bombardements en profondeur sur les dépôts de munitions russes. Ces attaques ont forcé le
Kremlin à déplacer certaines de ses unités depuis le front nord, qui semblait périphérique. La première victoire des
Ukrainiens est donc celle de la communication. »

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Un soldat ukrainien fait signe aux bus qui passent près du village repris de Verbivka, en Ukraine, le 13 septembre 2022. © Photo Nicole Tung / The New York
Times / REA

En sus de souder encore un peu plus la population derrière ses dirigeants et son armée, cette offensive victorieuse
devrait en tout cas permettre aux responsables ukrainiens d’accentuer leur pression sur les Occidentaux pour
obtenir les armes qui leur sont indispensables. « De quoi Berlin est-il effrayé, alors que Kyiv ne l’est pas ? », a ironisé
le ministre des affaires étrangères ukrainien, Dmytro Kuleba, le 13 septembre sur Twitter, en faisant référence aux
réticences du premier ministre allemand Olaf Scholz, qui hésite à livrer à l’Ukraine des chars Leopard 2 et des
véhicules de combat d’infanterie Marder.

Berlin a promis 500 millions d’euros de matériel le 23 août dernier, mais l’opposition estime qu’il est nécessaire
d’aller plus loin et semble décidée a déposer au Bundestag une motion exigeant de nouvelles livraisons. Une épine
dans le pied du gouvernement allemand, puisque cette motion pourrait être soutenue par certains partenaires de la
coalition au pouvoir, comme les écologistes.

Selon Volodymyr Fesenko, le directeur du centre d’enquêtes politiques Penta, cité par le Washington Post, les succès
militaires ukrainiens sont en tout cas « un signal pour les politiciens occidentaux qui vacilleraient », alors que la
guerre se prolonge, entraînant tous les pays de l’Union européenne dans une dangereuse spirale inflationniste. Pour
maintenir la pression sur les forces russes, Kyiv a besoin d’une aide matérielle toujours plus importante, alors que
les équipements susceptibles d’être transférés rapidement vers l’Ukraine commencent à se faire rares dans les
arsenaux européens.

Les autorités américaines ont aussi prévenu que le récent package de trois milliards de dollars allait s’inscrire dans
les moyen et long termes, et qu’il faudrait des mois et même des années avant d’effectuer toutes les livraisons. Les
deux systèmes de défense antiaérienne NASAMS, commandés au groupe américain Raytheon et à son partenaire
norvégien Kongsberg, ne devraient par exemple pas être disponibles avant deux ou trois ans. 

Dmytro Kuleba
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Ukraine government official
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Ukraine government official

Disappointing signals from Germany while Ukraine

needs Leopards and Marders now — to liberate
people and save them from genocide. Not a single
rational argument on why these weapons can not be
supplied, only abstract fears and excuses. What is
Berlin afraid of that Kyiv is not?
12:43 PM · 13 sept. 2022

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Tenir sur le long terme

L’offensive de Kharkiv est l’une des plus efficaces sur le continent européen depuis l’opération Tempête, qui avait
permis à l’armée croate de reprendre les 17 000 km² de l’autoproclamée République serbe de Krajina, du 4 au 7 août
1995, grâce à une importante aide militaire américaine, provoquant au passage l’expulsion de 150 à 200 000 Serbes
de Croatie. L’armée russe est cependant un adversaire autrement plus coriace que les milices serbes et la poursuite
de deux poussées simultanées, aux deux extrémités du pays, dépendra notamment de la capacité de Kyiv à assurer
la rotation des troupes positionnées en première ligne et leur remplacement par des unités compétentes.

Certains témoignages font état de pertes importantes, notamment sur le front sud, où les troupes ukrainiennes
auraient progressé par endroits de 4 à 12 km. Estimant qu’il est nécessaire de se ménager une pause opérationnelle,
le ministre ukrainien de la défense, Oleksii Reznikov, a d’ailleurs expliqué que l’objectif premier de son armée était
désormais de sécuriser les territoires conquis.

L’état-major russe essaie quant à lui de rétablir une chaîne de commandement efficace et de former de nouvelles
lignes de défense autour des agglomérations de Lyssytchansk et de Sievierodonetsk, mais aussi de contenir la
pression des forces ukrainiennes sur le front de Kherson. Selon Natalia Humeniuk, porte-parole du commandement
opérationnel sud de l’armée ukrainienne, certaines unités russes situées sur la rive droite du fleuve Dnipro auraient
ces derniers jours essayé de négocier une reddition, sans qu’il soit pour l’heure possible de confirmer ces
informations. 

La confiance déjà limitée que les soldats russes semblaient avoir dans leurs chefs devrait encore souffrir des
récentes défaites sur le terrain. Une bonne partie du territoire conquis par les forces du Kremlin en sept mois de
combats, et au prix de dizaines de milliers de vies, a été perdue en une grosse semaine et la grogne devient de plus
en plus perceptible sur les comptes Telegram des blogueurs suivant le conflit, qui appellent à la mobilisation
générale pour renverser le cours de la guerre.

À Moscou et à Saint-Pétersbourg, plusieurs élus de dix-huit mairies de districts des deux grandes villes ont lancé
une pétition pour exiger la démission de Vladimir Poutine. Peu de chance bien entendu que ces revendications
soient entendues. Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, a d’ailleurs sifflé hier la fin de la récréation, rappelant
aux « critiques » qu’ils devaient rester dans le cadre de législation russe, qui défend bien sûr le « pluralisme des
opinions », mais que la ligne à ne pas dépasser était « très mince ». Et que tout le monde devait rester « très
prudent ».
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