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Sommaire

1 CONTRAINTES .................................................................................................. 3
1.1 NOTION DE CONTRAINTE. ............................................................................................ 3
1.2 TENSEUR DES CONTRAINTES........................................................................................ 5
1.3 SYMETRIE DU TENSEUR. .............................................................................................. 7
1.4 ELEMENTS PRINCIPAUX ............................................................................................... 9
1.5 CERCLE DE MOHR ..................................................................................................... 11
1.6 TRICERCLE DE MOHR ................................................................................................ 16
1.7 INVARIANTS DU TENSEUR .......................................................................................... 18
1.8 DECOMPOSITION DU TENSEUR ................................................................................... 19
1.9 CONTRAINTE OCTAEDRIQUE ...................................................................................... 20
2 DEFORMATIONS ............................................................................................. 22
2.1 RELATIONS GENERALES ............................................................................................ 22
2.2 EXPRESSIONS EN PETITES DEFORMATIONS ................................................................. 25
2.3 TENSEUR DE DEFORMATION ...................................................................................... 28
3 ELASTICITE ..................................................................................................... 31
3.1 LOIS DE COMPORTEMENT .......................................................................................... 31
3.2 LOI DE HOOKE........................................................................................................... 31
3.3 EQUATIONS D’EQUILIBRE .......................................................................................... 35
3.4 ENERGIE DE DEFORMATION ....................................................................................... 39
3.5 METHODES DE RESOLUTION DE PROBLEMES .............................................................. 42
4 EXEMPLES DE RESOLUTION DE PROBLEMES ........................................... 45
4.1 TORSION D’UN CYLINDRE .......................................................................................... 45
4.2 TUBE EPAIS SOUMIS A UNE PRESSION......................................................................... 49
4.3 ELASTICITE PLANE. ................................................................................................... 52
5 RESISTANCE DES MATERIAUX : POUTRES ................................................ 56
5.1 DEFINITIONS, PRINCIPES ET HYPOTHESES .................................................................. 56
5.2 DIAGRAMME FONDAMENTAL..................................................................................... 58
5.3 CONTRAINTES ET DEFORMATIONS - FORMULE DE BRESSE ......................................... 61
5.4 CALCULS ENERGETIQUES .......................................................................................... 66
5.5 SYSTEMES HYPERSTATIQUES ..................................................................................... 74
6 FLAMBEMENT DES COLONNES.................................................................... 77
6.1 ILLUSTRATION SIMPLIFIEE D’UNE INSTABILITE .......................................................... 77
6.2 FLAMBEMENT IDEAL ................................................................................................. 78
6.3 COLONNES IMPARFAITES ELASTIQUES ....................................................................... 82
6.4 SECTIONS DROITES ET FLAMBEMENT LOCALISE ......................................................... 87

Annexes : Rappels mathématiques et notations 89


Département Science et Génie des Matériaux

3-4 SGM

Mécanique des solides


déformables

et

Résistance des Matériaux

2013-14 C. OLAGNON
__________________________

Introduction
___________________________

Ce fascicule regroupe le cours de 3 et 4 SGM sur les solides élastiques déformables et de


résistance des matériaux.

Le but de ce cours, assez appliqué n’est pas de former des mécaniciens du solide, mais de
donner à de futurs ingénieurs non spécialistes une culture générale de mécanique, leur
permettant plus tard d’effectuer de petits calculs, de demander et de comprendre des calculs
plus conséquents. Le plus sûr moyen d’atteindre cet objectif est d’étudier les équations et de
les appliquer en reprenant des problèmes classiques de mécanique. Comme pour la plupart
des problèmes de physique les aspects les plus délicats à maîtriser sont les équations aux
limites. Cela devient particulièrement vrai avec les méthodes numériques puissantes
disponibles de nos jours.

« Quelle est l’utilité de faire tous ces calculs analytiques alors qu’avec l’ordinateur, toutes les
résolutions sont possibles sans effort ? ». Cette question, revient inlassablement d’année en
année durant les cours de mécanique, parfois même de bonne foi. La réponse est pourtant
simple, même si elle n’est pas toujours entendue. Une utilisation correcte d’un logiciel
quelconque de mécanique (éléments finis ou autre) requiert une bonne connaissance de la
mécanique pour : (i) définir le problème, (ii) analyser la solution et (iii) critiquer la solution.
Le meilleur moyen pour acquérir cette connaissance reste de réfléchir et de comprendre un
minimum de théorie et de reprendre quelques exemples de problèmes en discutant sur les
conditions et les solutions.

2
___________________________
1 Contraintes
___________________________

La mécanique générale considère généralement les objets comme indéformables. Elle


s’intéresse donc à la position (déplacement, vitesse etc.) et aux forces que ces objets subissent
en considérant seulement le centre de gravité. La mécanique des solides déformables (partie
de la mécanique des milieux continus) considère la déformation des objets. Il n’est plus
possible de ne considérer que le centre de gravité, qui lui-même varie. On s’intéresse à
l’ensemble des déplacements relatifs de tous les points de l’objet.
La mécanique des milieux continus repose sur l’hypothèse de la continuité de la matière. A
chaque instant et en tout point de l’espace, on peut définir des champs de grandeurs physiques
locales relatives à ce milieu matériel. On suppose que ces champs sont différentiables partout.
Cela signifie que l’on élimine toute discontinuité.
Cette description est dans l’absolu en contradiction avec la nature particulaire de la matière.
En conséquence, pour que les hypothèses précédentes soient valables, il faut se placer à une
échelle telle que les particules constituant la matière puissent être vues au travers de valeurs
moyennes. On se retrouve dans le contexte de la thermodynamique générale qui ne s’intéresse
pas aux particules individuelles.
Cette définition est large et englobe aussi bien la plasticité des solides que l’écoulement des
fluides. Dans ce cours nous allons nous limiter aux solides élastiques isotropes, ce qui
simplifie considérablement les équations. Un solide élastique parfait reprend sa forme initiale
sans dissipation d’énergie lorsqu’on supprime les efforts qui l’ont déformé. On supposera
également que les efforts sont proportionnels aux déplacements. De plus on considère que le
comportement est isotrope, c’est-à-dire que les propriétés sont les mêmes dans toutes les
directions. Toutes ces hypothèses peuvent paraître très restrictives, mais elles sont bien
vérifiées pour de nombreux solides lorsque les perturbations sont suffisamment petites. De
plus, l’utilisation en est très étendue, car pour la majorité des applications, les déformations
irréversibles sont à proscrire.

1.1 Notion de contrainte.

Un solide soumis à des forces extérieures est le siège de tensions internes causées par les
forces des molécules les unes sur les autres. Pour mettre en évidence ces tensions imaginons
que l’on sectionne l’objet en deux parties selon un plan (S) donné que l’on définit par un

vecteur n normé, normal à la section (cf figure suivante a et b).
Dans un premier temps, imaginons également pour simplifier que l’état de tension soit
homogène. Le torseur des forces équivalentes F de la partie (1) sur la partie (2) représente la
tension entre les deux parties du solide sur la section (S). Il est pratique de normaliser cette
force par la section sur laquelle elle agit, ce qui donne une force par unité de surface,
équivalent à une pression ou une contrainte.

3
F
(2)  
n n 
dF

(S) (S) P
(1)

(a) (b) (c)

En général la force n’est pas constante dans toute la section, et on a donc une distribution de

force : F(x,y,z). On va donc étendre la définition précédente en considérant la force dF qui
s’exerce sur l’élément de section dS (cf figure précédente c). On définit alors la contrainte

n en un point P s’exerçant sur la facette (S) comme :

 dF
n  lim
dS 0 dS

On peut donner un sens mécanique à ce vecteur contrainte en le décomposant en deux



vecteurs (cf figure suivante), l’un colinéaire à n appelé composante normale, et l’autre

colinéaire à un vecteur t appartenant à la section, appelé composante tangentielle, tels
que 1:

n
   
n   nn  n   nt  t n  nn


t
 nt (S)

La composante normale est équivalente à une pression (cf figure suivante). Elle a tendance à
écarter ou rapprocher les atomes de part et d’autre du plan de la section. La composante
tangentielle est très différente puisque elle conduit à un cisaillement. Deux plans atomiques
contigus cisaillés ont tendance à glisser l’un par rapport à l’autre. Ces deux types de
contraintes sont fondamentaux et on verra plus loin qu’un des buts de la mécanique est de
trouver les plans subissant les valeurs maximales d’une composante ou d’une autre, selon le
type de matériau (fragile, ductile etc.)

 nn n

t
 nt

  
1
t le vecteur normé de la projection du vecteur contrainte n sur la facette de normale n .

4
1.2 Tenseur des contraintes
Un problème de mécanique sera résolu en un point P d’un solide quand on connaîtra tous les
vecteurs contraintes de toutes les sections passant par ce point. Le problème revient donc à

relier à un vecteur normal n d’une section donnée, le vecteur contrainte. L’opérateur
mathématique reliant deux vecteurs est le tenseur et dans le cas présent le tenseur des
contraintes  . On écrira :
 
n    n

Cela montre que l’état de contrainte en un point est parfaitement défini par le tenseur des
contraintes en ce point.
L’algèbre tensorielle peut être vu comme une extension de l’algèbre vectorielle, et de
nombreuses propriétés sont similaires1. Notamment tout comme un vecteur un tenseur est
indépendant de tout repère, mais il peut être écrit dans différents repères. Comme on le voit
avec la relation précédente, l’algèbre tensorielle permet une écriture compacte des données,
mise à profit par les logiciels de calcul numérique.
Les vecteurs peuvent être représentés par une matrice colonne des composantes. De manière
similaire, le tenseur contrainte va pouvoir être représenté par une matrice carrée. Cette
formulation matricielle est utilisée car les règles de calculs sont les mêmes. Par contre
insistons bien sur le fait qu’une matrice est seulement une représentation du tenseur dans un
repère donné.
Comme le tenseur des contraintes se représente par une matrice, on dit que c’est un tenseur du
deuxième ordre. Les vecteurs sont considérés comme des tenseurs du premier ordre et les
scalaires des tenseurs d’ordre zéro. L’ordre représente le nombre d’indices pour l’écriture

contractée. Ainsi2,  et n s’écrivent :
  11  12  13   n1 
   
   ij     21  22  23  et n   ni    n2 
  n 
 31  32  33 ( x1 , x2 , x3 )  3 ( x1 , x2 , x3 )
Le calcul de la composante i du vecteur contrainte s’effectue donc à l’aide de la relation du
produit matriciel3 :
  n
ce qui donne pour chaque composante du vecteur :

i    ij n j  ij n j
j

En développant, on obtient :

1
Les tenseurs forment un espace vectoriel et dans ce cas restrictif de l’algèbre tensoriel, le tenseur peut être
identifié à l’application linéaire associée de R3R3.
2
On notera  le tenseur et  la matrice représentative du tenseur. Le premier est indépendant du repère, alors
que la deuxième dépend du repère (cf. annexe).
3
Rappelons qu’avec la notation d’Einstein, on somme les indices consécutifs.

5
  11n1   12 n2   13 n3 
n    21n1   22 n2   23n3 
 n  n  n 
 31 1 32 2 33 3  x1 , x2 , x3 
  
On peut illustrer les composantes du tenseur dans un repère donné (O, x1 , x2 , x 3 ) . Pour cela,
   
calculons les différents vecteurs n ,que nous appellerons 1 , 2 , 3 , correspondants aux
  
sections respectivement perpendiculaires aux trois axes du repère, i.e. pour n  x1 puis x2 et

x3 .
  11  12  13   1    11 
 
1    n   1    21  22  23    0     21 
  33   0    31 
 31  32
De la même façon, on obtient :
  12    13 
 2    22   3  
   23 
   
 32   33 
Ces différentes composantes sont représentées pour un élément de volume cubique
dx1  dx2  dx3 au point P sur la figure suivante
 
n  x3
 33 
x3
 13
 31  23 P
 
x1
 32 x2
   11 dx3
n  x1
 21  22
 12
dx2  
n  x2
dx1
On constate que le tenseur des contraintes peut être représenté dans un repère donné par un
triplet des vecteurs contraintes des trois facettes (ou sections) perpendiculaires aux 3 axes du
repère. Cela signifie également que l’état de contrainte, en un point est complètement
représenté par trois vecteurs. Cette dernière observation est assez intuitive, car en tenant
compte des symétries, on “sent” bien que l’équilibre mécanique du cube élémentaire est
respecté avec les 3 vecteurs contraintes.

A partir de cette observation du cube élémentaire, on constate également que les composantes
 ii de la matrice du tenseur représentent des contraintes normales, alors que les composantes
 ij (avec i  j) sont des composantes tangentielles. Si l’on considère par exemple la surface de

normale x 1 (cf figure suivante), on peut écrire :

6

 nn   11
   
n   nn  n   nt  t avec  nt   212   312

t   21  x2   31  x3   1
  nt
La direction normale est uniquement fixée par la facette, alors que la direction tangentielle est
fixée par les valeurs des composantes tangentielles et les directions du repère.

x3

x3
O
 31  
x1 x2
 nn   11  nt 
 t
x1 
n
 21 
x2

Il est important de noter que le vecteur contrainte sur une facette de normale représente les

efforts extérieurs à cette facette sur l’intérieur. Ainsi sur le cube élémentaire, les 3 vecteurs n
sont les contraintes exercées par le milieu extérieur sur la matière du cube.

1.3 Symétrie du tenseur.

Nous allons montrer que la matrice du tenseur des contraintes est en fait symétrique, ce qui
réduit le nombre de composantes de 9 à 6, trois composantes normales et trois composantes
tangentielles. Pour cela, nous allons étudier l’équilibre mécanique d’un élément de matière
tétraèdrique comportant 3 facettes perpendiculaires (dont les normales sont parallèles) aux

directions du repère et 1 facette quelconque de normale n .

x3
 A3 
2 n
 32
 31 
 22 1
G2
 12 G  11

 A1
n P G1  21
x1  13 G3
  23
3
 33 A2

x2

L’équilibre mécanique statique de l’élément de matière est respecté si la somme des forces et
la somme des moments de ces forces sont égales à 0. La première équation (somme des

7
forces) est forcément vérifiée puisqu’elle repose sur la définition du tenseur que nous avons
donnée précédemment1. Ecrivons la deuxième équation d’équilibre relative aux moments.
Appelons :
- l1, l2 et l3 respectivement les distances PA1, PA2 et PA3,
- S la facette A1A2A3 et S1, S2, S3 respectivement les facettes PA2A3, PA1A3, PA1A2
perpendiculaires aux axes x1, x2 et x3. Pour limiter les écritures on désignera par le même nom
les aires de ces facettes, soient S, S1, S2, S3,
- G1, G2 et G3 les projetées du centre de gravité G de la facette S sur chaque autre facette. On a
donc : GG1  l 1 3 GG 2  l 2 3 GG 3  l 3 3 .
 
En rappelant que la force sur une des facettes est i  Si et que le moment de n par rapport à
G est nul, L’équation de la somme des moments des forces par rapport à G est2 :
     
GG1  1  S1  GG2  2  S 2  GG3  3  S3  0
En rappelant que le produit vectoriel est bilinéaire :
     
   
S1  GG1  1  S 2  GG2  2  S3  GG3  3  0  
En remplaçant les composantes des vecteurs dans l’équation précédente, on obtient :
 l1 / 3    11   0    12   0    13 
           
S1  0     21   S 2  l2 / 3     22   S3  0     23   0
 0     0     l / 3  
   31     32   3   33 

En développant, on obtient le système suivant :


 l2 l3
 S 2 3  32  S3 3  23

 l1 l3
 S1  31  S3  13
 3 3
 l1 l2
 S1 3  21  S2 3  12

or le volume du tétraèdre est égal à 1/3 base x hauteur donc
l l l
S1 1  S 2 2  S3 3  V
3 3 3
Finalement, on obtient les trois égalités suivantes :
 13   31  23   32  12   21

L’expression du tenseur  des contraintes dans un repère quelconque est bien une matrice
symétrique que l’on peut écrire avec ses 6 composantes :

  11  12  13 
    12  22  23 
 
 13  23  33  x1 , x2 , x3 

1
En fait, cette équation permet de démontrer que la description de l’état de contrainte obéit à une loi tensorielle.
2
On considère qu’il n’y a pas de champ de moments, comme par exemple un champ magnétique, ce qui est
généralement vérifié, sauf pour des cas particuliers ou un champ de moments très intense créerait des forces
considérables.

8
1.4 Eléments principaux

1.4.1 Définition

On appelle direction principale une direction normale à une facette pour laquelle le vecteur
contrainte est colinéaire à cette direction. Ce qui revient à écrire :
 
n    n
Cela veut dire que selon une facette perpendiculaire à une direction principale, il n’y a pas de
contrainte tangentielle.

Nous avons dit que le tenseur peut être identifié à l’application linéaire. On constate donc à
partir de l’équation précédente que les directions principales représentent les vecteurs propres
de l’application linéaire représentée par la matrice. En rappelant que les directions sont
représentées par des vecteurs normés, on montre qu’il y a trois directions principales
orthogonales entre elles, et qu’elles forment un repère que l’on appellera repère principal.
Par la suite on notera (xI, xII, xIII) le repère principal.
En se souvenant que la matrice représentative du tenseur est formée du triplet de vecteurs

n des trois facettes perpendiculaires aux trois directions du repère soit ici :
   0   0 
 I     
I  0  II   II  III  0 
 0  0   
     III 
on voit immédiatement que l’expression du tenseur  dans le repère principal est une matrice
diagonale ne comportant que des composantes normales1:
 I 0 0 
   0  II 0 

0 0  III  x , x , x 
 I II III

1.4.2 Recherche des éléments principaux


Le tenseur est indépendant du repère, mais pas son expression matricielle. Aussi, il est
intéressant de l’exprimer de la manière la plus simple possible, c’est-à-dire dans le repère
principal. Nous allons donc voir comment rechercher ces éléments principaux d’abord dans le
cas général, puis lorsqu’on connaît déjà une direction principale.

1.4.2.1 cas général

La recherche des éléments principaux dans le cas général revient à diagonaliser la matrice des
contraintes, soit à résoudre le système :
 x   x

1
Par convention, comme il n’y a que trois composantes dans ce cas, on ne mettra qu’un seul indice lorsqu’on
fera référence à des composantes principales.

9
où x représente les directions recherchées. en appelant I la matrice identité, le système
d’équations devient :
    I   x  0 (*)
Pour que l’on ait une solution non triviale, il faut que :

det     I  0 
donnant une équation du 3ième degré dont les 3 solutions  I , II , III  représentent les 3
contraintes principales :  I  I  II  II  III  III . En injectant successivement ces trois
valeurs dans l’équation (*), on obtient les directions principales. Par exemple avec la première
  
valeur :   I  I  x  0 , on obtient le vecteur xI .

1.4.2.2 Une direction principale est connue

Lorsqu’une direction principale est connue, le problème est beaucoup plus simple car
l’équation caractéristique (appelée parfois séculaire) est du deuxième degré. La méthode
précédente est donc très facile. Supposons par exemple que l’on connaisse la direction

principale xIII . La figure suivante représentant le cube élémentaire montre que la recherche
des deux autres directions principales implique une simple rotation autour de l’axe principal

déjà connu. Donc pour toutes les facettes contenant xIII , les composantes normales et
tangentielles seront dans le plan  x1 , x2  .
 
n  xIII
 III 
xIII

P
 
x1 x2
   11 dx3
n  x1
 21  22
 12
dx2  
n  x2
dx1

Nous allons expliciter pour ce cas particulier une méthode graphique : le cercle de Mohr qui
est très pratique et qui débouche sur une représentation visuelle du tenseur des contraintes et
donc de l’état de contrainte : le tricercle de Mohr.

10
1.5 Cercle de Mohr

On se place dans le cas où on connaît une direction principale, par exemple xIII. On va

chercher l’évolution des composantes du vecteur n lorsqu’on considère toutes les facettes
parallèles à la direction principale xIII, i.e. toutes les facettes déduites d’une rotation autour de
l’axe xIII. Pour cela, on peut se placer dans deux repères possibles : soit le repère
II III
 
I 1 2
 
principal ( x , x , x ) ,avec  x , n    , soit le repère quelconque ( x , x , x ) avec x
I ,n  
III  
1

(cf figure).
x2
x1I

n
 xI


xIII x1

 
On notera également  l’angle x  
1 , xI , c’est-à-dire entre le repère quelconque et le repère
1
principal . Pour chaque cas, le tenseur des contraintes s’écrit :
 I 0 0    11  12 0 
 
   0  II 0  ou     12  22 0 

0 0  III  x , x , x   0 0  III  x , x , x 
 I II III
 1 2 III

Calculons l’expression du vecteur contrainte dans le premier repère, le plus facile. Dans ce
 
cas les vecteurs n et t s’expriment2 :
 cos    sin 
   
n   sin  t   cos 
 0   0 
   
 
On peut alors calculer n    n :
 I 0 0   cos 
 n   0  II 0    sin 

0 0  III   0 

  I cos 
 n    II sin 
 
 0 

1
On notera que  et  sont des variables, alors que  est un paramètre qui dépend du problème mécanique.
2

En reprenant la définition de la direction tangentielle t , on vérifiera que dans ce cas particulier d’une facette

contenant un axe principal, t est bien dans le plan (x1,x2) ainsi qu’on l’a suggéré en début de paragraphe.

11
    
Ce vecteur peut également être exprimé selon n   nn n   nt t i.e. dans le repère  n , t  lié à la
   
facette. Donc on a :  nn  n  n et  nt  n  t , ce qui conduit finalement à :
   I cos   cos 
    
 nn    II sin    sin    I cos    II sin 
2 2

    
 0   0 

   I cos    sin 
    sin    cos    cos sin   cos sin
 nt  II  
 


I II

  0   0 
En utilisant les relations trigonométriques :
1  cos 2 1  cos 2
cos 2   sin 2   sin 2  2sin cos
2 2

on obtient les composantes de n :
  I   II  I   II
  nn   cos 2
2 2

  0   I   II sin 2
 nt 2
Ces équations peuvent se mettre sous la forme :
  I   II  I   II
 nn  2

2
cos  2

  0   I   II sin  2
 nt 2
    II 
On reconnaît l’équation paramétrique d’un cercle de centre I  I , 0  et de rayon
 2 
  I   II 
  . On l’appelle cercle de Mohr. Il représente le lieu des points M(nn,nt) dans le
 2 
 
repère  n , t  de toutes les facettes parallèles à un axe principal (cf figure suivante).


x1I t

  I   II
n
2
 
xIII xI II I n
I

-2

12
Nous avons effectué ce calcul dans le repère principal car il était plus simple, mais bien
évidemment, le cercle est unique et on trouverait le même cercle en effectuant ce calcul dans

un autre repère. C’est un cercle symétrique par rapport à l’axe n . On voit immédiatement que
les contraintes normales extrêmes sont égales aux contraintes principales. On voit également
que la contrainte de cisaillement maximale (en valeur absolue) est égale au rayon du cercle.
On remarque que lorsque dans le repère ( x1 , x2 , xIII ) lié à l’objet on tourne d’un angle  , sur
 
le cercle de Mohr, c’est-à-dire dans le repère  n , t  on tourne de 2 . Ce signe est du aux
deux conventions : sur le repère on passe de xI à xII en tournant de  / 2 , et les directions
principales sont telles que  I   II (ce qui signifie que sur le cercle M I est à droite de M II ).
Il sera préférable de conserver cette convention pour éviter toute erreur.

Exemples d’utilisation du cercle de Mohr.

(a) On connaît une direction principale et on cherche les autres, en supposant que le tenseur
des contraintes est donné par :
  11  12 0 
    12  22 0 

 0  III  x , x , x 
 0
1 2 III

Il faut donc dessiner le cercle à partir des composantes du tenseur. Du fait de la symétrie,
deux points suffisent. Nous allons donc tracer les deux points représentatifs des directions
 
pour lesquelles on dispose d’informations : x1 et x2 .

 
On considère donc tout d’abord une facette de normale n  x1 (cf figure suivante a), sur

laquelle s’exerce le vecteur contrainte 1 ayant pour composantes  11 ,  12  dans le repère
  
 n, t  , ce qui donne sur le repère du cercle de Mohr le point M1 représentatif de x1 .
 
On considère ensuite une deuxième facette telle que n  x2 sur laquelle s’exerce le vecteur
  
contrainte 2 , dont les composantes sont  22 ,  12  dans le repère  n , t  . Le point
 
représentatif de cette facette sur le cercle de Mohr est M2. Ces deux directions x1 et x2 étant
perpendiculaires, alors leurs points représentatifs sont diamétralement opposés sur le cercle
(les directions forment un angle de 180°). On peut alors ensuite tracer le cercle de Mohr à
partir de ces deux points. Selon la définition d’une direction principale, la composante
tangentielle  nt est nulle. Les points représentatifs des directions principales sont donc sur
l’axe des abscisses du repère du cercle de Mohr (cf figure) soit : M I ( I , 0) et M II ( II , 0) . De
  
plus en appelant  l’angle entre x et x , l’angle M
I 1 IM égal à 2 peut être déterminé
I 1

directement sur le cercle de Mohr, soit graphiquement, soit à partir de relations


trigonométriques.

13

x2
(a)  
 n  x1
t

x2  nt   12

t 
 nn   11 n 
P x1

n
  
P x1 x2
(b)  
 n  x2
n
 nn   22

 nt   12  12 
 x1
t
 P 
x2 t

xII M2


 M II P I MI n
x1
P 
 2
xI

M1

(b) Toujours en connaissant une direction principale, on connaît le tenseur dans un repère
     
donné ( x1 , x2 , xIII ) 1 et on souhaite le déterminer dans un autre repère  x4 , x5 , xIII  qui se

déduit du premier par une rotation autour de xIII d’un angle  (cf figure suivante). Pour cela,
en revenant à la définition du tenseur, on cherche les deux expressions des vecteurs
   
contraintes 4 et 5 des deux directions x4 et x5 . Comme précédemment on trace le cercle de
Mohr à partir des points M 1 et M 2 , puis on cherche les points M 4 et M 5 qui se déduisent des
précédents par une rotation de 2 .

1
Cela pourrait bien entendu être également le repère principal.

14

 t
x2 M5
 45
 M2
x5 2

 
x4 P  44 I n
   55
x1
P

M1
 45 2
M4

  
On obtient alors l’expression du tenseur dans le repère  x4 , x5 , xIII  :
  44  45 0 
    45  55 0 
 0 0  III  x , x , x 
 4 5 III

Comme nous l’avons déjà dit, les expressions des contraintes et des angles peuvent se mesurer
sur le cercle de Mohr, c’est-à-dire à partir d’une construction graphique. Des calculs
trigonométriques peuvent également être réalisés à partir du cercle. Cette dernière méthode est
évidemment plus précise et ne nécessite cependant pas d’apprendre des formules.
Par exemple, retrouvons les expressions des valeurs principales à partir des expressions du
  
tenseur dans un repère ( x1 , x2 , xIII ) et de l’angle x
1 PxI   .

 I  PI  IM 1 
t
 11   22    22 
2

I     11  11    12 2 M2
2  2 
  11   22 
 11   22   11  
    22 
2

I    11   12 2  2 
 
2  2  M II P  11 M I n
de même par symétrie :  22 I
 11   22    22 
2
2  12
 II    11    12
2

2  2 
 12
Pour l’angle  , on trouve l’expression M1
 12
suivante : tan  2   2
 11   22 
Cette dernière expression algébrique donnée dans certains ouvrages de mécaniques est parfois
utilisée directement sans dessiner le cercle. Cependant, elle donne alors l’angle 2 à  près,

15
soit  à  / 2 près. Afin de conserver notre convention  I   II , on constate sur la figure
qu’il faut vérifier la condition :
 11   22
0
2  cos 2
ce qui signifie que cos 2 doit être du signe de  11   22 .
On constate encore qu’il vaut mieux dessiner le cercle, même imprécis, puisqu’on détermine
 sans ambiguïté.

1.6 Tricercle de Mohr

Nous venons de voir que l’ensemble des points représentatifs des facettes contenant l’axe

principal xIII est un cercle (que l’on appellera CIII ). Bien évidemment, on peut faire le même

raisonnement pour trouver les points représentatifs de toutes les facettes contenant xI d’une

part et xII d’autre part. On va ainsi construire deux autres cercles CI et CII passant par les
points  M II ; M III  et  M I ; M III  . La représentation de ces trois cercles dans le même repère
 
 n, t  définit le tricercle de Mohr. On considère le tenseur suivant
 I 0 0 
   0  II 0 

0 0  III  x , x , x 
 I II III

Le tricercle de Mohr associé à ce tenseur est donc :



t
 max
CII

CIII

CI
M III P M II MI 
n

 max

On peut se poser la question où se trouvent les points représentatifs de toutes les autres
facettes qui ne sont pas parallèles à un axe principal. En fait on montre que les cercles
représentent des cas limites et que dans le cas général le point représentatif M n d’une facette

n se trouve dans l’espace défini à l’intérieur du grand cercle et à l’extérieur des petits cercles
(zone hachurée sur la figure).

16
Démonstration :

On considère le tenseur  et le vecteur normal n 1:
 I 0 0   nI 
   
   0  II 0  n   nII 
0 0  III  x , x , x  n 
  III  xI , xII , xIII 

I II III

On cherche à quelle condition un point m( nn , nt ) correspond à une facette de normale n .


Pour cela, nous allons exprimer les différentes relations dont nous disposons entre le tenseur
 
et la direction normale, i.e. (i) l’expression de  nn    n   n , (ii) l’expression du vecteur
   
contrainte dans le repère lié à la facette soit n   nn n   nt t et (iii) le vecteur n est unitaire.
Ces trois expressions conduisent donc au système suivant :
 nn   I nI 2   II nII 2   III nIII 2
  2
 n   nn   nt   I nI   II nII   III nIII
2 2 2 2 2 2 2 2


1  nI  nII  nIII
2 2 2


Nous allons donc le résoudre par rapport aux composantes de n .
Calculons d’abord le déterminant du système2 :
 I 2  II 2  III 2
   I  II  III
1 1 1
  I 2  II   III    II 2  III   I    III 2  I   II 
  I   II  II   III  I   III 
Calculons maintenant la première valeur nI 2 :
 nn 2   nt 2  II 2  III 2
 nn  II  III
1 1 1
nI 2 
 I   II  II   III  I   III 
 II   III   nn 2   nt 2   nn  II   III    III  II 

 I   II  II   III  I   III 
 nn 2   nt 2   nn  II   III    II  III

 I   II  I   III 
Le même calcul appliqué aux deux autres composantes nII et nIII donne

1
Les composantes du vecteur normal sont exprimées dans le même repère que le tenseur, i.e. dans le repère
principal.
2
Cette forme avec des colonnes en 1, x, x2… est connue en mathématique sous le nom de déterminant de
Vandermonde et le résultat se met toujours sous la forme :  x  y   y  z  ( z  ...

17
 nn 2   nt 2   nn  I   III    I  III
nII 2

 II   I  II   III 
 nn 2   nt 2   nn  I   II    I  II
nIII 2 
 III   I  III   II 
Nous avons donc obtenu les composantes du vecteur normal à la facette. Ces relations
imposent des limites sur chacune de ces composantes, puisque le carré doit être positif1. Pour
les trois relations les dénominateurs sont respectivement positif, négatif et positif. En
conséquence, les numérateurs doivent vérifier les inégalités suivantes :
 nn 2   nt 2   nn  II   III    II  III  0
 2
 nn   nt   nn  I   III    I  III  0
2

 2
 nn   nt   nn  I   II    I  II  0
2

La troisième inéquation peut se mettre sous la forme suivante :


 I   II    I   II 
2 2

  nn     nt    0
2

 2   2 
On reconnaît dans le premier membre « l’équation » du cercle de Mohr CIII , par conséquence,

le point M ( nn , nt ) représentatif de la contrainte sur une facette de normale n se trouve sur
ce cercle ou à l’extérieur de celui-ci. De la même façon, les deux autres inéquations montrent
que le point M ( nn , nt ) doit être à l’extérieur de CI et à l’intérieur de CII , donc finalement
dans la zone hachurée.

Le tricercle de Mohr est donc une « image » du tenseur, indépendante du repère puisque
toutes les facettes sont représentées. Son utilisation est très pratique d’un point de vue
application aux matériaux. D’un seul coup d’œil on embrasse les aspects les plus importants
- les contraintes normales extrêmes :  I et  III
- leur signe : compression ou traction
- contraintes de cisaillement maximales :  max

- les facettes supportant un cisaillement pur : toutes celles situées sur l’axe t .

1.7 Invariants du tenseur


Nous avons dit au début que si l’expression du tenseur dépend de la base dans laquelle on
l’exprime, le tenseur lui-même est indépendant de toute base. En conséquence, on peut penser
qu’il existe des relations entre les composantes de la matrice du tenseur qui sont
indépendantes du repère. On les appelle les invariants du tenseur. On conçoit que de tels
invariants sont pratiques car ils vont permettre de comparer l’état de contrainte à des
paramètres matériaux déterminés par ailleurs, sans avoir à s’occuper du repère.
En fait, ces invariants sont les coefficients du polynôme caractéristique de la matrice, c'est-à-
dire de l’équation
det(   I )   3  I1 2  I 2   I 3
Ce sont respectivement les invariants du premier, deuxième et troisième ordre.

1
On suppose toujours que les contraintes sont « classées » :  I   II   III .

18
En considérant les expressions suivantes :
 I 0 0    11  12  13 
   0  II 0 
  
   12  22  23 
0 0  III  x , x  
 I II , xIII 
 13  23  33  x1 , x2 , x3 
le développement de l’équation précédente donne :

premier invariant (linéaire) :


I1   11   22   33   I   II   III  tr ( )
Il est donc défini comme la trace de la matrice exprimant le tenseur, c’est-à-dire la somme des
composantes normales.

deuxième invariant (quadratique) :


I 2   11 22   11 33   22 33   12 2   132   232
  I  II   I  III   II  III

troisième invariant (cubique):


I 3   11 22 33   11 232   22 132   33 12 2  2 12 13 23
  I  II  III
 det( )

Il s’agit donc du déterminant de la matrice du tenseur

1.8 Décomposition du tenseur

On peut décomposer le tenseur des contraintes comme la somme d’un tenseur dit sphérique et
d’un tenseur déviateur selon :
   s   d
Dans le repère ( x1 , x2 , x3 ) , le tenseur sphérique est défini par :
 m 0 0 
   0  m 0 

 0 0  m 

où  m représente la moyenne des valeurs des contraintes normales, ou bien la trace du tenseur
divisée par 3 :

 11   22   33 trace   I1
m   
3 3 3

Cet état de contrainte est dit sphérique ou hydrostatique, puisqu’il est équivalent au champ de
contrainte auquel est soumis un corps immergé dans un liquide. On remarquera que le
tricercle de Mohr d’un tel état de contrainte se réduit à un point.
Le tenseur déviateur peut alors être défini à partir de celui des contraintes et du tenseur
sphérique :

19
 2 11   22   33 
  12  13 
 3 
 2 22   11   33 
  
d
 12  23 
3
 
 2 33   11   22 
  13  23 
 3 
On remarque que du fait de sa définition, sa trace est nulle. On verra au chapitre suivant qu’il
correspond à un état de contrainte sans variation de volume, mais uniquement de la distorsion
pure.

1.9 Contrainte octaédrique

Les plans également inclinés par rapport aux 3 axes principaux, au nombre de 8 et constituant
les faces d’un octaèdre jouent un rôle particulier à la fois d’un point de vue théorique et
pratique. Les composantes du vecteur contrainte s’exerçant sur ces plans sont appelées
contrainte normale octaédrique et contrainte de cisaillement octaédrique. Nous verrons
dans le dernier chapitre que la contrainte de cisaillement octaédrique qu’elle est directement
liée à l’énergie de changement de forme et elle est utilisée pour caractériser la déformation
des matériaux ductiles. Nous allons calculer ces contraintes.

Pour cela on considère le tenseur exprimé dans son repère principal et la normale n alignée
selon la trisectrice.
 I 0 0  1/ 3 
 
   0  II 0  et n 1/ 3 
0  
 0  III ( x , x , x ) 1/ 3 
I II III  ( xI , xII , xIII )
 
Calculons la contrainte normale octaédrique selon :  oct   nn  n t    n , ce qui donne :
   II   III I1
 oct  I 
3 3
donc la contrainte normale octaédrique est égale à la contrainte moyenne et donc est
proportionnelle au premier invariant des contraintes. Calculons maintenant la contrainte de
cisaillement. Pour cela, on peut écrire :
   2  2   II 2   III 2
n 2   oct n   oct t    oct 2   oct 2  I
3
En reportant la valeur de la contrainte normale on obtient la contrainte de cisaillement
octaédrique :
 I 2   II 2   III 2  I   II   III 
2

 oct 
2

3 9
2  2 II  2 III  2 I  II  2 I  III  2 II  III
2 2 2
  oct 2  I
9
En simplifiant le calcul on obtient l’expression :
 I   II    I   III    II   III 
2 2 2

 oct 
3
Cette valeur peut s’exprimer directement en fonction des invariants du tenseur :

20
1
 2I12  6I 2 
 oct 2 
9
Finalement, nous notons que les deux composantes octaédriques s’expriment directement en
fonction des invariants du tenseur.

21
___________________________
2 Déformations
___________________________

D’une manière générale, on va considérer dans ce chapitre les mouvements des points d’un
solide donné. D’une manière générale, la transformation contrôlant ces mouvements peut se
décomposer en une translation, une rotation et une déformation (cf figure schématique
suivante). Nous allons établir les équations permettant de décrire le résultat de ces
transformations.

2.1 Relations générales

Nous allons définir le champ de déformation d’un objet. Pour cela, on considère d’une part
l’objet initial et d’autre part après transformation pouvant conduire à un déplacement, une
rotation et une déformation. Les deux premiers cas ne modifient pas la forme de l’objet, alors
que la déformation va la modifier. Pour expliciter mathématiquement cette relation, on va
considérer deux points M et N de l’objet et observer leurs déplacements relatifs (cf figure).

22
Transformation

N 1 ( xi  dxi  ui  dui ,)


 
u  du
N ( xi  dxi ,)
  
dx  du  d X

dx 
u
M ( xi ,) M 1 ( xi  ui ,)

Soit M ( x1 , x2 , x3 ) , qui après transformation vient en M 1 ( x11 , x12 , x13 ) . On appelle u1 , u2 , u3 les

composantes du vecteur MM 1 qui sont bien évidemment dans le cas général des fonctions
des variables ( x1 , x2 , x3 ) 1 .On considère un deuxième point N voisin du premier (milieux
continus) tel que N ( x1  dx1 , x2  dx2 , x3  dx3 ) . Après transformation ce point vient en N 1 tel
 
que les composantes du vecteur NN 1 sont u1  du1 , u2  du2 , u3  du3 . Le vecteur NN 1 peut
 
donc se décomposer comme la somme de deux vecteurs u et du , c’est-à-dire du
 
vecteur MM 1 et d’un vecteur du (cf figure):
    
NN 1  u  du  MM 1  du

Ce dernier vecteur du représente la variation de longueur entre les points M et N après
 
transformation, soit M 1 N 1  MN et donc est relié à la déformation de l’objet. En rappelant que
u1 , u2 , u3 sont fonctions de ( x1 , x2 , x3 ) et en utilisant le calcul différentiel, on peut écrire :
 u1 u u
du1  dx1  1 dx2  1 dx3
 x1 x2 x3
 du1 
   u2 u u
du  du2  avec du2  dx1  2 dx2  2 dx3
 du   x1 x2 x3
 3  u u u
du3  3 dx1  3 dx2  3 dx3
 x1 x2 x3
ou bien sous forme matricielle :
 u1 u1 u1 
 
x x2 x3 
 du1   1  dx1 
   u2 u2 u2    ui
 du     dx2   du  e  dx et eij 
 du   x1 x2 x3   x j
2

 3    dx3 
u u3 u3
 3 
 x1 x2 x3 

1
On notera que dans le cas particulier où u1  cte1 , u2  cte2 , u3  cte3 , tous les points se déplacement de la
même quantité, l’objet subit seulement une translation et n’est donc pas déformé.

23

On définit ainsi un tenseur e gradient du déplacement qui relie le vecteur du au vecteur

dx , c'est-à-dire la variation de longueur entre les deux point M 1 et N 1 après transformation, à
partir de la distance originale entre M et N .

o transformation 1

Lo L1

Pour caractériser la déformation de l’objet, nous allons considérer (cf figure ci-dessus)
(i) la variation de longueur entre deux points après et avant transformation
(ii) la variation angulaire de deux vecteurs définis par trois points avant et
après transformation.
Nous allons donc établir une relation générale permettant de comparer les produits scalaires
des vecteurs. Cette relation sera ensuite directement appliquée pour évaluer la variation de
norme d’un vecteur donné.

 N '1
N'
 dX '
dx '
transformation
M 
dx N M1 
dX N1

On considère donc un deuxième point N '( x1  dx '1 , x2  dx '2 , x1  dx '2 ) voisin de M (cf figure
ci-dessus). Pour les deux points considérés, on peut écrire les déplacements en reprenant la
relation précédente :
  
NN 1  MM 1  e  dx
  
N ' N '1  MM 1  e  d x '
Soit en écrivant cette relation sur les composantes :
ui ( N )  ui ( M )  eij dx j
ui ( N ')  ui ( M )  eij dx ' j
 
Détaillons maintenant les composantes des deux vecteurs M 1 N 1 et M 1 N '1 :

 M 1 N 1 : dX  dx  du  dx  e dx
 i i i i ij j
  
 M 1 N '1 : dX 'i  dx 'i  (dui ) '  dx 'i  eij dx ' j
En introduisant la matrice identité I dont les composantes sont données par l’indice de
Kronecker :  ij , on peut factoriser les deux expressions pour faire apparaître une relation de
proportionnalité entre les déplacement de deux points voisins avant et après transformation.
dX i  dxi  eij dx j dX i   ij  eij  dx j
  
dX 'i  dx 'i  eij dx ' j dX 'i   ij  eij  dx ' j
Pour exprimer la notion de déformation, nous allons évaluer le produit scalaire des deux
 
vecteurs M 1 N 1 et M 1 N '1 :

24
dX i  dX 'i   ik  eik   ij  eij  dxk dx ' j
  ij  eij  e ji  eki ekj  dxi dx ' j
On définit un tenseur de rang 2 dit de Green-Lagrange  selon :
1  u u u u 
 ij   eij  e ji  eki ekj    i  j  k k 
1
2 2  x j xi xi x j 
En remplaçant dans l’expression précédente, le produit scalaire s’exprime selon :
dX i  dX 'i   ij  2 ij  dxi  dx ' j
 dxi  dx 'i  2 ij dxi  dx ' j
Finalement on peut écrire :
dX i  dX 'i  dxi  dx 'i  2 ij dxi  dx ' j
Pour rendre plus évidente cette relation, considérons que les vecteurs s’expriment selon :
 
d x  dx  n
 
d x '  dx ' n '
 
où n et n ' sont des vecteurs unitaires
Ce qui en notation tensorielle donne :
   
d X d X ' d xd x'  t 
 2n '    n
dx  dx '
Cette relation montre que la variation d’angle entre deux vecteurs initiaux est proportionnelle
au tenseur de Green.
On peut maintenant appliquer cette relation à un même vecteur pour caractériser la variation
de longueur :
   
d X d X  d xd x t  dX  dx
2 2
t 

 2n    n   2 n   n

dx  dx dx
2

la variation relative du carré de la longueur est également reliée au tenseur de Green. Nous
allons montrer dans le paragraphe suivant que si l’on considère uniquement de petites
variations de longueur, alors l’expression du tenseur de Green va se simplifier, et la relation
précédente se linéariser.

2.2 Expressions en petites déformations

Si les composantes du vecteur déplacement sont petites, alors on peut écrire :


u
dui  dx j  i  1
x j
Le tenseur de Green-Lagrange peut donc se simplifier :
1  u u u u  1  u u 
 ij   i  j  k k    i  j    ij
2  x j xi xi x j  2  x j xi 
Le tenseur  est appelé tenseur des petites déformations (souvent on parlera simplement de
tenseur des déformations). Dans le repère ( x1 , x2 , x3 ) ce tenseur s’exprime selon :

25
 11 12 13 
   12  22  23 
 
 13  23  33 ( x1 , x2 , x3 )
De part sa définition, on constate qu’il est symétrique comme le tenseur des contraintes.

2.2.1 dilatation unitaire

Les deux relations montrant la variation d’angle et de longueur pour des points après et avant
transformation restent valables, mais nous allons montrer qu’avec l’hypothèse de petit
déplacement, cette dernière relation est plus simple.
Reprenons cette relation en remplaçant simplement  par  :
dX  dx
2 2
t 
2
 2 n  
  n
dx
La relation peut s’écrire selon :
dX
2
t  dX t 
2
 1  2n    n   1  2n    n
dx dx
Or comme les déformations sont petites donc on peut simplifier :
t  t 
1  2n    n  1  n    n
Finalement, on peut écrire :
dX  dx  t 
 n    n
dx
Or le premier membre de l’équation représente une variation relative de longueur, soit la
dilatation unitaire dans une direction donnée qui est donc définie à partir du tenseur des
déformations :
 
 nn  n t    n

2.2.2 distorsion d’angle

Reprenons maintenant la relation générale montrant la variation angulaire avant et après


transformation en introduisant le tenseur des déformations :
   
d X d X ' d xd x'  t 
 2n '    n
dx  dx '
appelons  l’angle entre les deux vecteurs de départ considérés : n
 
 
, n '   . Après
transformation, cet angle a varié et devient :

 
 
d X , d X '    d
En reprenant les définitions des dilatations unitaires :
dX  1   nn  dx et dX '  1   n ' n '  dx '
et en remplaçant dans la relation précédente, on obtient :
 
1   nn  dx  1   n ' n '  dx ' cos(  d )  dx  dx ' cos   2n 't    n  dx  dx '

26
En utilisant les propriétés des différentielles1 :
cos(  d )  cos   sin   d
et en simplifiant et en négligeant les infiniment petits du deuxième ordre, on obtient :
 
 nn   n ' n '  cos   d sin   2n 't    n
 
En reprenant les notations utilisées pour le tenseur des contraintes : n 't    n   nn ' , la
 
distorsion d’angle entre deux vecteurs quelconques n et n ' définissant un angle  est
exprimée par :
2    nn   n ' n '  cos 
d  nn '
sin 

Dans le cas particulier où les vecteurs sont initialement perpendiculaires (    / 2 ), cette


relation devient :
d  / 2  2 nn '
Dans le cas, où les vecteurs considérés sont parallèles aux axes du repère, par
   
exemple : n  x1 et n '  x2 , alors la relation devient :
d  x
,x
 212
1 2

Ainsi les composantes  ij représente les demi variations d’angles initialement droits, de côtés
parallèles aux axes de coordonnées. On les appelle également les déformations tangentielles
ou de cisaillement.

2.2.3 décomposition du gradient de déplacement

Les relations précédentes montrent que dans l’approximation de petites déformations, le


tenseur de déformation est une partie du tenseur gradient de déplacement :
 ij  12  eij  e ji 
On appelle  le tenseur complémentaire de  par rapport à e défini selon :
e    
Les composantes sont donc :
ij  eij  12  eij  e ji 
 1
2 e ij  e ji 
 représente donc la partie antisymétrique du tenseur gradient de déplacement.
Nous allons montrer que ce tenseur représente une rotation des points.

1 
M
x2
M N1

N
x1
O

1
y ( x  dx)  y ( x)  y '( x)dx

27
Pour cela, imposons à notre objet une unique1 rotation infiniment petite (petites déformations)

de vecteur  (cf figure ci-dessus). La transformation du point M ( x1 , x2 , x3 ) en M 1 et du point
voisin N ( x1  dx1 , x2  dx2 , x3  dx3 ) en N 1 est donc telle que :
 
 MM 1    OM
 1  
 NN    ON
Comme précédemment, on peut écrire que :
  
du  NN 1  MM 1
 
En remplaçant dans cette dernière expression MM 1 et NN 1 par leurs expressions ci-dessus :
    
du    OM    ON
 
   MN  
 
   dx

 dx1   p
  
Explicitons cette relation dans le repère ( x1 , x2 , x3 ) en considérant : dx  dx2  q
 dx  r
 3  

du1  qdx3  rdx2  du1   0  r q   dx1 


      
du2  rdx1  pdx3   du2    r 0  p    dx2   du  e  dx
du  pdx  qdx  du    q p 0   dx3 
 3 2 1  3 
il nous reste maintenant à calculer les composantes du tenseur  à partir de celle de e en
utilisant la définition :

 0 r q 
ij   eij  e ji      r
1
2 0 p

 q p 0 

Donc dans ce cas particulier où on a seulement imposé une rotation : ij  eij . Cela montre
bien que le tenseur  représente une rotation des points de l’objet. En conséquence, le
tenseur gradient de déplacement peut se décomposer comme la somme d’une rotation et d’une
déformation.

2.3 Tenseur de déformation

Comme celui des contraintes, le tenseur des déformations est un tenseur symétrique, la plupart
des propriétés que nous avons détaillées dans le chapitre précédent restent vraies.

1
On considère dans ce cas, que translations et déformations sont nulles.

28
Le tenseur des déformations peut notamment être vu comme une application linéaire reliant
deux vecteurs. Ainsi comme pour le vecteur contrainte, on peut définir le vecteur déformation

sur une facette de normale n :
 
     n
 
vecteur que l’on exprimera dans le repère local  n , t  selon :

     n  n t    n
nn
    
 nt     t  t t    n
Il existe également trois directions principales perpendiculaires entres elles ( xI , xII , xIII ) , pour
lesquelles on a seulement des dilatations1. La recherche des éléments principaux pourra être
réalisée par les mêmes méthodes que pour celle des contraintes, et en particulier on définira le
tricercle de Mohr des déformations.
On définit également les 3 invariants linéaire, quadratique et cubique, de la même manière
que pour les contraintes, et bien sûr avec les mêmes définitions.

Variation de volume.

Nous avons montré que les composantes diagonales  ii représentent des dilatations unitaires,
donc si l’on considère le tenseur des déformations dans le repère principal :
I 0 0 
   0  II 0 

0 0  
 III 

les trois composantes représentent les dilatations dans chaque direction principale, soit pour
un cube élémentaire, l’allongement ou la contraction de chaque arête. Donc en considérant
une approximation du premier ordre2, la variation de volume de ce cube est donnée par :
V
  I   II   III  trace( )
Vo
Or comme la trace est un invariant donc indépendant du repère et que la variation de volume
en un point est forcément indépendante du repère, cette relation reste vraie quelque soit le
repère. La trace du tenseur déformation donne la variation de volume.

On définit également la dilatation linéaire moyenne comme étant :


   22  33
 m  11
3

Comme pour le tenseur des contraintes, on peut alors décomposer le tenseur des déformations
en une somme d’un tenseur déviateur et d’un tenseur sphérique :
   s   d

1
On verra plus loin que dans le cas des solides isotropes, en un point donné, les directions principales des
contraintes et des déformations sont confondues, ce qui est logique, puisqu’en fait les contraintes ne sont qu’une
vision mathématique résultante de déformations, elles bien réelles et mesurables à partir des déplacements.
2
Avec les différentielles, cette approximation est évidente puisqu’on peut écrire lorsque les déplacements sont
identiques dans toutes les directions : dV / V  3dL / L .

29
 211   22   33 
 12 13 
3
m 0 0   
   2 22  11   33 
   0 m 0 
s
 
d
12  23 
0 0   3
 m  
 2 33  11   22 
 13  23 
 3 
Le premier correspond à une variation de volume sans distorsion, et le deuxième à une
distorsion pure sans variation de volume.

30
___________________________
3 Elasticité
___________________________

3.1 Lois de comportement

Le but de la mécanique est de donner une description de la réponse d'un objet donné (c’est-à-
dire mathématiquement d’un ensemble de points) soumis à une sollicitation quelconque. Pour
une même sollicitation, la réponse va dépendre du matériau, c’est-à-dire de son
comportement.
Le cas le plus simple que nous détaillerons plus loin, est le comportement linéaire élastique.
Un tel comportement est d’un point de vue thermodynamique réversible et représente une
proportionnalité entre force et déplacement ou bien entre contrainte et déformation. Dans ce
cas précis, en l’absence d’échange de chaleur, le travail devient une fonction d’état,
indépendante du chemin parcouru. Donc le champ de contrainte peut s’exprimer directement à
partir du champ de déformation sans s’occuper de variable temporelle.
Le comportement plastique est plus compliqué. Il n’est pas réversible, et le travail dépend
donc du chemin suivi. En conséquence, il n’est plus possible d’exprimer directement le champ
de contrainte en fonction du champ de déformation. En pratique, on l’exprime en fonction
d’une différentielle du champ de déformation que l’on intègre le long du chemin suivi. Dans
ce cas, également, le temps n’intervient pas.
Lorsque le matériau présente un comportement visqueux, il est nécessaire de rajouter le temps
dans les variables d’état décrivant le système. Le champ de contrainte sera exprimé en
fonction de la différentielle du champ de déformation et des vitesses de déformation.
On voit donc que pour des raisons de commodité, le choix des variables d’état dépendra de la
loi de comportement du matériau.
Dans la pratique les matériaux peuvent présenter des lois extrêmement complexes à modéliser
et à résoudre ensuite (anisotrope, élasto-plastique, endommageable en fonction de la
température par exemple). On cherchera donc chaque fois que c’est possible à simplifier le
comportement ou le système, par exemple en le supposant élastique, ou bien en le supposant
indépendant d’une variable : plan ou axisymétrique.

Rappelons que l’hypothèse d’un comportement linéaire élastique est certes très simple et
souvent simplifiée, mais qu’elle permet de dimensionner de manière précise toute structure
pour laquelle on connaît les conditions aux limites (incluant les sollicitations) et les
caractéristiques des matériaux. En effet dans la pratique la plupart des objets finis ne doivent
se déformer que de manière réversible durant leur utilisation.

3.2 Loi de Hooke


Le comportement linéaire élastique est connu sous le nom de loi de Hooke. Nous allons la
détailler, notamment dans le cas d’un comportement isotrope, c’est-à-dire où les propriétés du
matériaux sont indépendantes de la direction.

31
3.2.1 Cas général

La loi d’élasticité linéaire est basée sur deux hypothèses :


(i) il existe un état, appelé état naturel pour lequel le tenseur des contraintes est nul, et
la température est To,
(ii) le tenseur des contraintes à un instant donné est proportionnel au tenseur de Green-
Lagrange. Dans ce cas général le facteur de proportionnalité est un tenseur de rang
4, appelé tenseur élasticité.

En pratique, dans le domaine élastique, on peut presque toujours considérer que les
déplacements et les déformations sont petits. En conséquence, on peut utiliser le tenseur de
déformation et la loi de comportement général s’écrit :
  C   ou   S  
Le tenseur d’élasticité, c’est-à-dire C ou S comporte donc théoriquement 34 composantes,
mais du fait des symétries des tenseurs des contraintes et des déformations, certaines
composantes sont identiques et dans le cas le plus général 36 composantes sont nécessaires.
Le nombre de composantes en élasticité anisotrope dépend de la symétrie du cristal (ou de la
structure considérée), et plus la symétrie sera importante plus le nombre de composantes sera
faible.
Par exemple, pour un cristal cubique, seules 3 composantes sont nécessaires. De même, pour
un matériau composite orthotrope1 9 composantes sont nécessaires2.

3.2.2 élasticité isotrope

Dans le cas d’un matériau isotrope, seulement deux constantes indépendantes subsistent. Ces
constantes sont définies à partir des différents modules d’élasticité : module de Young ( E ),
module de cisaillement ( G ), coefficient de Poisson ( ), module de compressibilité ( B ) et
coefficient de Lamé (  ). Donc ces différents coefficients sont liés entre eux par des
relations :

E E E
G  B
2(1   ) 1  1  2  3 1  2 

On peut également définir ces coefficients à partir de sollicitations simples. Le module


d’élasticité est défini comme le rapport contrainte sur déformation dans le cas d’une
sollicitation uniaxiale :
I
E
I
Le coefficient de Poisson est défini comme l’opposée du rapport entre contraction
perpendiculaire à la direction de traction et allongement dans l’axe de traction.
 II 
    III
I I

1
matériau à 3 plans de symétrie orthogonaux deux à deux. C’est par exemple le cas d’un matériaux constitué
d’un empilement de couches de fibres unidirectionnelles de propriétés différentes.
2
Le cas des matériaux composites sera vu en 4 SGM, et on verra à cette occasion une écriture matricielle
simplifiée des tenseurs de contrainte, déformation et élastique, qu’il ne faudra pas confondre avec l’écriture
tensorielle générale.

32
Le module de cisaillement est défini comme le rapport entre contrainte et déformation de
cisaillement dans la même direction dans le cas d’une sollicitation en cisaillement pur.
 12
G
212
Le module de compressibilité est défini comme le rapport pression sur variation relative de
volume d’un objet soumis à une pression hydrostatique.

Du fait du faible nombre de constantes non nulles dans le tenseur d’élasticité dans le cas
isotrope, on développe généralement la relation tensorielle en explicitant les équations.
L’expression des contraintes en fonction des déformations est connue sous le nom de
relations de Lamé :
 11    11   22   33   2G11  12  2G12

 22    11   22   33   2G 22  13  2G13

 33    11   22   33   2G 33  23  2G 23

Ces relations inversées, c’est-à-dire les déformations en fonction des contraintes sont connues
sous le nom de relations de Young :
 1 
11  E  11   22   33   12  E  12
1

 1 
 22   22   11   33   13 
1
 13
 E E
 1 
 33  E  33   11   22    23  E  23
1


On peut à partir de ces relations trouver les composantes du tenseur C , en développant
l’expression :
 ij  Cijkl  kl
soit, par exemple pour la première composante :
 11  C111111   C1112  C1121  12   C1113  C1131  13  C1122 22   C1123  C1132   23  C1133 33
Du fait des symétries, Cijkl  Cijlk , donc cette première relation se simplifie en :
 11  C111111  2C111212  2C111313  C1122 22  2C1123 23  C1133 33
Par identification, on trouve que C1112  C1113  C1123  0 et
C1111    2G C1122  C1133  
Par permutation, il vient immédiatement :
C1111  C2222  C3333    2G
C1122  C1133  C2211  C2233  C3311  C3322  
Et pour les composantes de cisaillement, en utilisant de nouveau la symétrie du tenseur, on
obtient :
C1212  C1221  C1313  C1331  C2323  C2332  G

33
Donc finalement le tenseur d’élasticité comporte 15 composantes non nulles, mais liées,
puisque comme nous l’avons déjà dit deux constantes suffisent en élasticité isotrope pour
caractériser le comportement1.

3.2.3 Loi thermoélastique

Les variations de température se traduisent par des dilatations ou des contractions des corps,
généralement caractérisées par le coefficient linéaire de dilatation thermique dont la définition
est :
1  L 
  
L  T  F
Lorsque les champs de température ne sont pas homogènes dans un solide, ou bien lorsque la
dilatation thermique est empêchée, il apparaît des contraintes d’origine thermique.
Dans le cas d’un solide isotrope, la dilatation thermique est traduite par un tenseur de
déformation sphérique où les composantes de déformation sont évaluées par rapport à une
température de référence To à laquelle il n’y a pas de déformation (et donc pas de contrainte
thermique).
 T 0 0 
T   0  T 0  avec  T   T  To     T
0 0  
 T 

Le équations de thermoélasticité sont formées en disant que les déformations sont la somme
des effets « mécaniques » et « thermiques » conduisant à :
 1 1 
11  E  11   22   33    T 12 
E
 12

 1 1 
 22   22   11   33    T  23   23
 E E
 1 1 
 33  E  33   22   11    T 13   13
 E

Le choix de la température de référence est très important, et dépend du problème. Il faut


garder à l’esprit qu’elle correspond à la température à laquelle les contraintes sont nulles.
Ainsi, par exemple, si l’on considère un système constitué d’un bilame de deux matériaux, il
faut se poser la question : pour quelle température les contraintes sont nulles. Ainsi si ce
couple est formé à température ambiante, par exemple par collage ou co-extrusion, alors la
référence sera l’ambiante. Par contre si ce couple est formé à haute température, par exemple
par dépôt d’une couche, alors la référence sera la température d’élaboration.

1
Nous avons cité dans le paragraphe précédent sans l’expliquer le cas de l’élasticité orthotrope, en disant que
l’on avait 9 constantes. En fait ces constantes peuvent être vues comme 3 modules de Young, 3 coefficients de
Poisson et 3 modules de cisaillement, selon 3 directions perpendiculaires.

34
3.3 Equations d’équilibre

Nous avons défini les variables d’état que sont les tenseurs de contrainte et de déformation,
ainsi que la loi de comportement qui lie ces deux grandeurs pour un matériau donné. Nous
allons maintenant appliquer les relations fondamentales de la mécanique qui vont imposer des
contraintes (au sens conditions) sur ces variables.

théorème fondamental de la mécanique

La mécanique des milieux continus est basée sur 3 principes fondamentaux :


- conservation de la masse,
- conservation de la quantité de mouvement (théorème fondamental de la mécanique),
- conservation de l’énergie, qui n’est autre que le premier principe de la
thermodynamique.
L’écriture de ces différents principes à un système continu quelconque (par exemple un gaz
en mouvement) conduit à une équation générale complexe que nous ne présentons pas ici.

Dans le cas de l’élasticité, cette équation se réduit considérablement. Pour établir cette
équation, on va simplement considérer l’équilibre d’un élément de volume au cœur du
matériau, puis un élément de volume à la surface du matériau.

équilibre en volume : équations d’équilibre indéfini.


  
On considère un élément de volume orienté dans le repère (O, x1 , x2 , x 3 ) . Cet élément doit être
en équilibre, c’est-à-dire que dans un cas statique la somme des forces s’appliquant à
l’élément doit être nul. On constate que cela va nous conduire à un jeu de trois équations
correspondant à la projection des forces suivant les trois directions du repère.
x2
 12
 12  dx2
 31 x2
dx3  11
 11  11  dx1
x1
dx2
 21 
x1
 13  13 dx3
dx1 x3
x3

Considérons la première équation relative à la projection des forces selon x1 (cf figure)

Sur la première facette (perpendiculaire à - x1 ) s’exerce la force
 11dx2 dx3
En rappelant que la mécanique des milieux continus est basée sur la continuité des fonctions,
sur la facette opposée, on va trouver la contrainte :

35
  11 
  11  dx1  dx2 dx3
 x1 
 
De la même manière sur les facettes perpendiculaires à x2 et x3 vont s’exercer
respectivement les forces :
  12 
 12 dx 1 dx3 et   12  dx2  dx 1 dx3
 x2 
  13 
 13 dx 1 dx2   13 
et dx3  dx 1 dx2
 x3 

En sommant l’ensemble de ces forces, toutes orientées selon x1 , on obtient :
  11    
 11dx2 dx3   12 dx1dx3   13dx1dx2    11  dx1  dx2 dx3    12  12 dx2  dx1dx3  
 x1   x2 
  
    13  13 dx3  dx1dx2
 x3 
On peut simplifier et l’expression devient :
 11  12  13
  0
x1 x2 x3
En effectuant ce même calcul suivant les 3 axes, on obtient finalement le jeu d’équations
(dites d’équilibre indéfini) :
  11  12  13
   0
 1x  x2  x3
  12  22  23
   0
  x1 x 2 x 3
   
 13  23  33  0
 x1 x2 x3
On reconnaît ici l’opérateur divergence appliqué à un tenseur, et cette équation peut donc être
écrite :
div  0
Ces équations fixent donc des conditions sur le jeu de composantes  ij pour qu’un élément de
volume quelconque soit en équilibre dans le solide. Cela signifie que pour qu’une
relation   x, y, z  soit une solution d’un problème mécanique statique, ses composantes
doivent vérifier l’équation précédente dans tout l’objet, c’est-à-dire en tout point M ( x, y, z ) de
l’objet.
Notons que cette équation est en fait une équation de conservation similaire à celle que l’on
peut écrire en mécanique des fluides (conservation de la matière) ou en thermique
(conservation du flux de chaleur). Elle indique que autour du point considéré la divergence est
nulle, signifiant que le système est en équilibre. Rappelons pour mémoire que la divergence
appliquée à une quantité de matière ou d’énergie indique une création ou une diminution,
donc la quantité de matière entrant ou sortant, pouvant être évaluée via la densité. Ainsi
div   0 est une condition des fluides incompressibles.

On peut alors facilement généraliser cette équation à des cas plus complets lorsque le solide
est soumis en plus à des forces de volume. On entend par là des forces s’exerçant directement

36
sur le volume du solide comme la force de pesanteur ou bien des forces de champ électrique.

Il suffit d’introduire cette force Fv dans l’équilibre. Ainsi l’équation devient :

div  Fv  0
De même, si on généralise encore en considérant les particules en mouvement, par exemple
pour déterminer des vibrations, il suffit d’ajouter le terme d’accélération du théorème
fondamental de la mécanique :
 d 2u
div  Fv   2
dt

Equilibre en surface : équations aux limites

Pour être le siège d’un état de tension interne, un solide doit être bloqué dans ses
déplacements d’ensembles (appuis) et soumis à des forces appliquées1. Celles-ci en addition
aux forces de réactions aux appuis2 forment les forces extérieures. Elles s’exercent sur la
surface extérieure de l’objet. Ces forces doivent bien sûr être en équilibre entre elles, mais un
cube élémentaire sur la surface doit également être en équilibre, donc les forces extérieures
doivent être en équilibre avec les forces internes (cf. figure suivante)
   
n
n Fs ext n
 ij

.

Analysons une surface (s) du solide, représentée par sa normale sortante n . La force par unité
de surface s’exerçant sur la surface est calculée à partir du tenseur des contraintes selon3:
 
 n    n

Cette force doit être équilibrée par rapport à la force extérieure Fsext par unité de surface. Donc
cette condition s’écrit :
 
  n  Fsext
et doit être vérifiée sur chaque surface du solide considéré.

Considérons différents exemples de conditions aux limites.

1
On pourrait être tenté de contredire cet énoncé en évoquant le cas du choc thermique où une pièce par exemple
chaude est refroidie et où il n’y a pas de force appliquée, ni d’appuis. Cependant, on notera que dans ce cas une
partie du solide empêche l’autre de se dilater entraînant des forces équivalentes aux forces appliquées (cf. TD)
2
Les appuis sont également des conditions aux limites, mais qui sont généralement calculés en déplacement :
déplacement imposé ou nul en un point selon une direction.
3
Rappelons encore une fois que le vecteur contrainte à la surface représente l’action de la partie extérieure sur la
partie intérieure à la surface, donc le vecteur force à la surface doit égaler l’action extérieure.

37
(1) surface libre
On appelle surface libre une surface soumise à aucune force extérieure. Dans ce cas, la
condition s’exprime :

  n  0
On a donc un jeu de trois équations. Dans le cas où la surface est orientée

perpendiculairement à par exemple la direction x1 , le développement du calcul précédent
montre que les composantes suivantes sont nulles :
 11   12   13  0
Cela signifie que sur une surface libre, non seulement les contraintes normales mais
également les contraintes de cisaillement sont nulles.

(2) pression appliquée


Cet exemple se traite sans difficulté par application directe de la relation, car une pression est
homogène à une force par unité de surface. En se souvenant qu’une pression est positive
lorsqu’elle est opposée à la normale sortante, on écrit alors :
 
  n   P

(3) force ponctuelle.


Ce cas est plus complexe, car d’un point de vue mathématique, une force ponctuelle
représente une singularité, et d’un point de vue pratique n’existe pas dans l’absolu. Il s’agit
dans la réalité d’une force s’exerçant sur une surface très petite. On résout le problème
mathématiquement en supposant que la force ponctuelle est équivalente à une distribution de
force répartie comme celle des contraintes. D’un point de vue pratique, on admet que la
solution du champ de contrainte ne sera pas valable au voisinage immédiat du point
d’application de la force1. Dans ce cas l’équilibre se traduit par :
  ext
   n  ds  F
S

On peut illustrer ces différentes situations avec l’exemple suivant (cf figure). On suppose pour
simplifier que la solution est plane, c’est-à-dire qu’elle est donnée par un tenseur fonction des
coordonnées x1 et x2 :  ( x1 , x2 ) et  23   13   33  0 . On considère trois faces différentes
de l’objet dont une sur laquelle s’exerce une force ponctuelle. En pratique la solution du
tenseur est obtenue en fonction de constantes qui seront déterminées par les conditions aux
limites.

x2 P

F
x1 2h
45
l

Sur la face inférieure, en x2  h , la condition sur la surface libre s’écrit donc :


  ( x ,  h)  0
 
  x1 , h  .  x2  0   22 1
 12 ( x1 , h)  0
Sur la face supérieure, en x2  h , la condition s’écrit :

1
Il s’agit en fait du principe de St Venant.

38
   ( x , h)   P
 
  x1 , h  . x2   Px2   22 1
 12 ( x1 , h)  0
Sur la dernière face, pour x2   x1  l  h , la condition est :
    
s
 ( x1 ,  x1  l  h )  n  ds  F  x1 avec n  2 / 2 x1  2 / 2 x2
 
 s  11 2 2   12 2 2  ds  F
En remplaçant, on obtient les équations suivantes : 


 s  12 2 2   22 2 2  ds  0
 

3.4 Energie de déformation

On définit l'énergie élastique emmagasinée dans un corps comme la résultante du travail des
forces appliquées. Nous allons établir l'expression de cette énergie dans le cas d'un solide
élastique isotrope à partir des composantes du tenseur de déformation.

Expression générale :

Nous allons établir une expression générale de l’énergie de déformation, à partir des
déformations et des contraintes. On considère un corps de volume V soumis à des forces de

volume Fv dV d'une part et à des forces de surface appliquées sur sa frontière S d'expression :

 s dS . Les composantes des forces de surface sont :
 
  1 
s  2 
 
 3
Nous avons vu paragraphe précédent qu'à partir des conditions aux limites de l'objet, on peut
écrire : i   ij n j
Donc i dS   ij n j dS   ij dS j .
On considère à présent la déformation du corps considéré, en supposant que chaque point

subit un déplacement élémentaire  u . Le travail élémentaire des forces de surface et de
volume dû à ce déplacement est donc :
   
 W   Fv   u  dV   s   u  dS
V S
 
En remplaçant le vecteur s par   n l’équation précédente devient :
   
 W   Fv   u  dV      u   n  dS
V S
  
Le théorème d'Ostrogradsky qui s'exprime selon :  diva  dV   a  n  dS permet de
V S
transformer l'intégrale des forces de surface en force de volume selon :

    u   ndS   div    u  dV
S V
On rappelle que l'expression de la divergence d'un vecteur est la somme des dérivées

partielles : div a   a j / x j .

   u a pour jième composante  ij ui .

39
En appliquant la règle de dérivation d'un produit, donc on peut écrire :
  ui 
div    u    ij   ui ij
x j x j
En reportant cette dernière relation dans l'expression du travail des forces de surface, le travail
élémentaire s'exprime selon :
 ij  ui
 W   Fvi ui dV    ui dV    ij dV
V V x V x j
j

Or nous avons vu que les équations d'équilibre indéfini en présence des forces de volume
entraînent :
 ij
 Fvi  0
x j
Donc la somme des deux premiers termes de l'expression de l'énergie élémentaires est nulle et
ainsi :
 ui
 W    ij dV
V x j
Or nous avons vu que ui x j représente le tenseur gradient de déplacement e :
ui
 eij   ij   ij
x j
 ui
Donc on peut écrire   ij  ij que l'on peut reporter dans l'expression du travail
x j
élémentaire qui devient :
 W    ij ij   ijij  dV
V
En l'absence de couple de volume le tenseur  est symétrique et le tenseur  est
antisymétrique, donc le produit  ijij  0 . Finalement l'expression du travail élémentaire
devient :
 W    ij ij dV
v
L'énergie emmagasinée par unité de volume est donc1 :
dW v   ij d  ij   : d 

Cette expression peut se comprendre très facilement si on l'applique à un cas de traction


uniaxiale pure, par exemple selon la direction x1 . Dans ce cas le produit scalaire doublement
contracté se transforme en un produit de deux scalaires selon :
 W   I d I
En rappelant que la contrainte représente une force par unité de surface et la déformation un
allongement par unité de longueur, on retrouve bien la définition du travail par unité de
volume.

1
Dans l'expression, le produit en fait est un produit dit doublement contracté, puisqu'à partir de deux tenseurs du
deuxième ordre, il donne un scalaire.

40
Application à l'élasticité.

Nous allons appliquer la relation précédente au cas de l'élasticité isotrope. On considère les
expressions des tenseurs  et d  dans le repère  x1 , x2 , x3  .
  11  12  13   d 11 d 12 d 13 
 : d     22  23  :  d  22 d  23 

 sym  33   sym d  33 

  11d 11   22 d  22   33 d  33  2 12 d 12  2 13 d 13  2 23 d  23
Or dans le cas de l'élasticité isotrope la loi de Hooke sous la forme des relations de Young
s'écrivent :
 1 
 d  11 
E
1
 d  11    d  22  d  33   d  12 
E
d 12

 1 
d  22   d 22    d 11  d 33  
1
d 13  d 13
 E E
 1 
d  33  E  d 33    d 11  d 22  
1
d  23  d 23
 E
En reportant ces expressions dans celle de l'énergie élémentaire volumique on obtient :
1 
dW   11d 11   22 d 22   33 d 33    11d 22   22 d 11    22 d 33   33 d 22  
E E
2 1   
 11d 33   33d 11     12 d 12   13d 13   23d 23 
E
En notant que  11 d  22   22 d  11  d  11   22  l'expression se simplifie en :
1 
dW   11d 11   22 d 22   33d 33   d  11   22   d  11   33   d  22   33  
E E
2 1   
 12 d 12   13d 13   23d 23 
E

Cette forme peut alors être intégrée, conduisant à l'expression de l'énergie élastique de
déformation par unité de volume.
1  1 
W  112   22 2   332    11   22   11   33   22   33    12 2   132   232 
2E E E
Pour calculer l'énergie de déformation d'un objet sous contrainte, il suffit d'intégrer cette
expression sur le volume de l'objet considéré.

Nous avons montré que l'on pouvait décomposer les tenseurs des contraintes et des
déformations en une partie hydrostatique conduisant au changement de volume et une partie
déviatrice associée à un changement de forme sans variation de volume, selon :
   s   d
En reportant les expressions du tenseur sphérique :

41
  11   22   33 
 0 0 
3
 
trace      11   22   33 
 
s
I  s

0 0

3 3
 
  11   22   33 
 0 0 
 3 
dans celle de l'énergie, on obtient la partie de l'énergie Ws liée au changement de volume :
1   11   22   33      11   22   33  
2 2

Ws  3   3 
2E  9  E 9 
  
1
Ws  1  2  11   22   33 
2

6E

En appliquant le théorème de superposition, on peut définir l'énergie liée au tenseur


déviateur : Wd  W  Ws .
En notant que  11   22   33    112   22 2   332  2  11 22   11 33   22 33  , le calcul
2

s'effectue simplement :
1  1 
Wd  W  Ws 
6E
 2 112  2 22 2  2 332  
3E
 11 22   11 33   22 33  
1 
E
122   132   232 
Cette expression peut se factoriser selon :
1  
Wd   11   22    22   33    11   33   6  12 2   232   132 
2 2 2

6E 

L'énergie de déformation ne dépendant pas du repère dans lequel le tenseur est exprimé, il est
possible de l'écrire à partir des invariants des contraintes :
1  2 2 1  2
W  Ws  Wd  I1  ( I1  3I 2 )
6E 3E

Les expressions de l'énergie dans le repère principal sont bien sûr plus simples et s'expriment
selon :
1  2 1  
Ws   I   II   III  Wd    I   II    II   III    I   III  
2 2 2 2

6E 6E  

L'énergie peut également être exprimée en fonction de la contrainte octaédrique, en rappelant


que :  oct  I1 / 3  oct 2  1/ 9   2 I12  6 I 2  :
1  2 1 
Ws  9 oct 2 Wd  9 oct 2
6E 6E

3.5 Méthodes de résolution de problèmes

Nous avons déjà dit que résoudre un problème d’élasticité revient à « trouver » une fonction
qui satisfait aux différentes équations de mécanique et d’équilibre. Pour « trouver» une

42
solution analytique à un problème, il existe plusieurs méthodes, détaillées dans des ouvrages
plus conséquents. Nous allons simplement illustrer le principe en présentant deux méthodes
différentes : en partant des déplacements et en partant des déformations (ou contraintes). En
fait le départ est assez similaire, puisque l’on part d’observations ou bien d’hypothèses que
l’on simplifiera éventuellement.
La première méthode est plutôt simple, car à partir des déplacements, on calcule directement
les déformations par dérivation. Les contraintes sont ensuite directement évaluées. Il suffit de
vérifier les équations d’équilibre, ou bien lorsque l’expression des déplacements ou des
contraintes fait appel à des constantes, les déterminer à partir des équations d’équilibre.
La deuxième méthode est un peu plus compliquée, puisqu’il faudra intégrer pour passer des
déformations aux déplacements, donnant ainsi une série de conditions d’intégrations appelées
équations de compatibilité.

Equations de compatibilité dans le plan

Pour illustrer les équations de compatibilité, on peut considérer le problème plan, puisque le
principe est plus simple, mais identique. On suppose donc connues les déformations : 11, 22
et 12, fonctions des variables x1 et x2. On cherche 2 fonctions u1(x1,x2) et u2(x1,x2),

composantes de la fonction déplacement u ( x1 , x2 ) telles que :
u1 u2 u1 u2
 11   22   212
x1 x2 x2 x1
donc les fonctions u1 et u2 peuvent se différencier selon :
du1  11  dx1  X  dx2
 avec X  Y  212
du2  Y  dx1   22  dx2
du1 correspond à (11dx1  Xdx2 ) , c’est-à-dire que du1 est bien une différentielle exacte si et
seulement si :
11 X

x2 x1
on peut faire le même raisonnement pour du2 ce qui donne la condition :
Y  22

x2 x1
en dérivant la première condition par rapport à x2 et la deuxième par rapport à x1, en les
ajoutant membre à membre, puis en remplaçant X + Y par 212 on obtient1 :
 211  2 22  212
  2
x2 2 x12 x2 x1
Cette équation représente donc la condition nécessaire d’intégrabilité des déformations.
Lorsqu’on part des expressions de déformations, celles-ci doivent vérifier cette équation, dite
de compatibilité2.
On pourrait faire le même raisonnement dans le cas général en dimension 3. On obtient alors
6 équations de compatibilité :

1
On remarquera que cette illustration n’est pas rigoureuse, car au passage des dérivées secondes, on perd
l’équivalence. Cela signifie que les fonctions de déplacement sont connues à une constante près, ce qui n’est pas
gênant pour le calcul de déformation.
2
En fait en dimension 2, on conserve soit la déformation soit la contrainte transverse, donc il y a deux équations
de compatibilité. Nous n’en avons explicité qu’une pour alléger l’illustration.

43
 211  2 22  212  211   12  23 13 
 2     
x2 2 x12 x2 x1 x2 x3 x1  x3 x1 x2 
 2 22  2 33  2 23  2 22    23  31 12 
  2     
x32 x2 2 x2 x3 x1x3 x2  x1 x2 x3 
 2 33  211  2 31  2 33    31 12  23 
  2     
x12 x32 x3x1 x1x2 x3  x2 x3 x1 

44
___________________________________
4 Exemples de résolution de problèmes
___________________________________
Nous allons illustrer la résolution de problèmes d’élasticité à partir d’exemples. Le choix des
variables de départ : déplacement, déformation dépend du type de problème et de la
connaissance que l’on peut en avoir a priori. Nous allons présenter tout d’abord deux
exemples partant des déplacements, puis un exemple partant des déformations, dans le
cas de l’élasticité plane.

4.1 Torsion d’un cylindre

Section circulaire

Considérons un cylindre, porté par x3 x3


C
l’axe x3 dont la section est circulaire de
rayon r, sur lequel est exercé un couple
C. Nous allons analyser le problème en
partant du champ de déplacement.
Pour cela des hypothèses provenant de
l’observation doivent être posées. (i)
Les sections droites restent droites
(donc planes). (ii) Un point x2 x2
x1 x1
quelconque d’une section droite se
déplace en effectuant une rotation autour de l’axe du cylindre. En fait, on peut assimiler le
cylindre à un empilement de disques (cf. figure), tournant légèrement les uns par rapport aux

autres. Ces hypothèses permettent d’esquisser l’allure du champ de déplacement u ( x1 , x2 , x3 ) .
La composante du déplacement selon x3 : u3 est nulle.
Les composantes u1 et u2 peuvent alors être déterminées, en considérant le déplacement d’un
point M ( x1 , x2 , x3 ) en M’. Si l’on suppose que la base du cylindre est fixe, et que l’autre
tourne (application du couple), la rotation d’une
section droite va être proportionnelle à la distance par x2
rapport à la base, x3, et à l’angle de rotation par unité
de longueur du cylindre, . En émettant l’hypothèse G x1 x1
de petits déplacements, et en appelant G le centre de

gravité d’une section droite, le vecteur GM est M’
 ’
perpendiculaire au vecteur MM ' (cf figure). x2 M
Finalement, on obtient l’expression du champ
suivante1 :

u1   x3   x2

u2  x3   x1
u  0
 3

1
On notera que les expressions des déplacements sont bien en mètres.

45
A partir des déplacements, on peut aisément calculer les déformations par dérivation : Après
calcul le tenseur de déformation devient :
  
 0 0  x2 
2
 
  
  0 0 x1
 2 
  
  x2  x1 0 
 2 2  ( x1 , x2 , x3 )

De façon similaire en utilisant les équations de Lamé, on peut directement calculer le tenseur
  
des contraintes, toujours dans le repère ( x1 , x2 , x 3 ) :
 0 0   x2 
   0 0  x1 
   x2  x1 0  ( x , x , x )
1 2 3

Pour que le champ de déplacement proposé soit compatible avec le problème, il faut vérifier
(i) les équations d’équilibre indéfinis et (ii) les équations d’équilibre aux limites.
En remplaçant les expressions des contraintes dans le système d’équations :
  11  12  13
   0
 1x x2 x3
  12  22  23  13    x2
   0 avec 
 x1 x2 x3  23   x1
  13  23  33
   0
 x1 x2 x3

on constate qu’elles sont bien vérifiées.

Concernant les équations d’équilibre aux limites, deux types de surface limite sont à
considérer : la surface cylindrique et les bouts du cylindre.
La première est une surface libre, car aucune force ne s’exerce sur le cylindre. L’équation à
vérifier s’écrit donc :

  n  0
Pour un point M ( x1 , x2 , x3 ) appartenant à la surface extérieure (donc pour lequel
x12  x2 2  R ), le vecteur unitaire normal à la surface a pour composantes :
 x1 
1 
x2
R  
0
Le calcul est donc :
 0 0   x2   x1   0  0
1       0
  n   0 0  x1    x2    0   
R
   x2  x1 0   0  (  / R)( x1 x2  x1 x2 )  0 

46
Donc l’équation au limite est vérifiée sur le contour du cylindre.

La deuxième surface extérieure, a pour normale n = x3, comme pour toute autre section droite.

On va donc commencer par évaluer le vecteur contrainte n dans ces sections.
 0 0   x2   0     x2 


n   0 0  x1    0     x1 
   x2  x1 0   1   0 
Pour ces facettes, le vecteur contrainte est dans le plan de la section. Cela signifie que la
contrainte normale nn = 0, et que le vecteur contrainte représente un cisaillement pur.
D’autre part en écrivant le vecteur sous la forme :
  x2 

n    x1 
 0 
 
on constate immédiatement que le vecteur contrainte est perpendiculaire au rayon vecteur, et
donc tangent au contour du cylindre. De plus le module de ce vecteur (égale à nt) vaut :

n   nt   x12  x2 2   r
où r est la distance à l’axe selon un rayon vecteur. Donc la contrainte de cisaillement est
proportionnelle à la distance par rapport à l’axe.

On peut maintenant appliquer l’équation x2


d’équilibre à l’extrémité sur laquelle s’exerce le t
couple C. Pour cela il faut que le couple appliqué
suive la distribution des contraintes sur la surface.
L’équation d’équilibre s’écrit donc (cf figure) :
  
 GM
S
 n ds  
C
nt
23
Soit : 13
S
 nt rds  C avec  nt   r x2 M
En remplaçant nt par sa valeur et en introduisant le r
x1
moment d’inertie polaire : G
I G   r 2 ds x1
s
l’équation d’équilibre devient :
 I G  C
Donc la solution ne sera exacte que si le couple est appliqué selon la répartition des
contraintes dans la section. En pratique, cette condition est difficile, voire impossible à
réaliser, mais nous verrons plus loin en théorie des poutres qu’on peut s’en affranchir en
appliquant un moment constant mais avec un cylindre plus long1.

Sections quelconques

Généralisons ces résultats à un cylindre dont la section serait quelconque. Dans ce cas, la
tangente n’est pas perpendiculaire au rayon vecteur. L’équation d’équilibre sur la surface ne
serait plus respectée, car le vecteur contrainte ne serait pas tangent à la surface. Pour que cette

1
Il s’agit du principe de St Venant.

47
condition devienne vraie, il faut modifier les hypothèses de départ. La section droite ne reste
pas droite, mais se gauchit, c’est à dire qu’elle subit une composante de déplacement u3 non
uniforme, qui est également perpendiculaire à l’amplitude de torsion . On définit donc une
fonction de gauchissement (x1,x2) 1. Le champ de déplacement devient donc :
u1   x2   x3

u2  x1   x3
u     ( x , x )
 3 1 2

Par dérivation, on obtient les déformations :


11   22  12   33  0
1   1  
13    x2     23   x1   
2 x1  2 x2 
En utilisant les équtions de Lamé, on obtient le champ de contrainte :
 11   22   12   33  0
     
 13     x2    23    x1  
 x1   x2 

Nous allons maintenant vérifier les équations d’équilibre indéfini :


  11  12  13
   0
   
 x1 x2 x3
 13     x2  
  12  22  23   x1 
   0 avec 
 x1 x2 x3     x   
  13  23  33  23  1 
  x2 
    0
 x1 x2 x3
En remplaçant, on constate que les deux premières équations sont vérifiées. La troisième
équation devient :
 2  2
  0    0
x12 x2 2
Donc les équations d’équilibre indéfini sont vérifiées si la fonction de gauchissement  a son
Laplacien nul. Cela fixe une première condition sur cette fonction pour qu’elle puisse être une
solution du problème.

Appliquons les équations aux limites sur la surface libre du cylindre. Pour cela considérons un

point du cylindre, et le vecteur normal n en ce point.
  h1 
 
n h2 
 0 
 
Calculons le vecteur contrainte sur la surface :
 0 0  13    h1   0 
       
n    n   0 0  23    h 2    0 
 13  23 0   0    13   h1   23   h 2 

1
A ne pas confondre avec le vecteur contrainte.

48
En remplaçant les contraintes et les cosinus directeurs de n par leurs valeurs (cf. figure), et en
écrivant que le vecteur contrainte est nul sur une surface libre on obtient :
     
  x2   dx2   x1   dx1  0
 x1   x2 
c’est-à-dire une deuxième condition sur la fonction  pour qu’elle soit solution du problème
mécanique.

x2
t n x2 t
ds n
dx2

dx1
x1
x1

On peut également appliquer l’équation d’équilibre aux limites sur les bouts où s’applique le
couple, que l’on peut encore considérer s’appliquer selon la distribution des contraintes.

Finalement, le problème pourra être résolu en trouvant une fonction  qui satisfasse les deux
conditions précédentes.

4.2 Tube épais soumis à une pression.

Considérons un cylindre creux d’axe z , de rayons intérieur r1 et extérieur r2, soumis à des
pressions P1 et P2 sur les surfaces intérieure et extérieure respectivement. Nous allons encore
partir des déplacements en les intuitant.
On va considérer un repère cylindrique (r,,z) qui du fait de la symétrie de l’objet et de la
sollicitation extérieure va être le repère principal des contraintes et des déformations. Le bon
sens et l’observation nous indiquent que dans une section droite, tous les points à une cote r
(donc sur le cercle de rayon r) se déplacent de la même valeur u(r).

P2 
r

P1
r1 r2
z

Pour calculer le champ de déformation, nous allons partir de la définition de la déformation


(cf. chapitre 1). On considère un point P, qui après transformation vient en P’ (donc PP’ = u).
On considère un point N voisin de P, dans un premier temps dans la direction radiale (cf
figure a), donc PN = dr. Le point N se transforme en N’, tel que NN '  u  du .
Par définition :

49
P ' N ' PN du
r  
PN dr
On peut faire le même raisonnement pour deux points voisins de d (figure b), ce qui permet
de calculer :
u
 
r
Ensuite par hypothèse, qu’il conviendra de vérifier ultérieurement, on considère la dilatation
unitaire selon z comme constante :
z  a

t t
N'
u+du

r N r
N'
N u+du d u P'
P u P' P
r r
dr dr

Le tenseur des déformations s’exprime donc selon :


 du / dr 0 0

   0 u / r 0 
 0 0 a  ( r , , z )
Les contraintes peuvent être ensuite évaluées par les équations de Lamé, en reportant les
valeurs précédentes des déformations. On obtient :
 du u  du
 r      a   2
 dr r  dr
 du u  u
       a   2
 dr r  r
 du u 
z     a   2 a
 dr r 
Tout comme les déformations, les contraintes ne dépendent que de la fonction u(r) que l’on va
pouvoir préciser en vérifiant les équations d’équilibre indéfini et aux limites.

En coordonnées cylindriques, les équations d’équilibre s’expriment selon :


  rr 1  r  rz  rr   
 r  r   z  r
0

  r 1     z 
    2 r  0
 r r  z r
  rz 1   z  zz  rz
 r  r   z  r  0

Dans le repère principal, ces équations se simplifient, car toutes les composantes de
cisaillement sont nulles. De plus la deuxième et la troisième sont vérifiées car les fonctions 

50
et z ne dépendent que de r donc leur dérivées par rapport à  et z respectivement sont nulles.
En remplaçant les expressions des contraintes dans la première équation on obtient :
d 2u 1 du u
  0
dr 2 r dr r 2
En réarrangeant elle peut s’écrire :
d  1 d  u.r  
 0
dr  r dr 
Cette équation s’intègre facilement en introduisant deux constantes C1 et C2 :
C1 C2
u (r )  r 
2 r
Les équations d’équilibre indéfini sont vérifiées à la condition que la fonction u(r) ait la forme
précédente.

Il est alors possible de reporter l’expression de u(r) dans les contraintes :

 2C 2
 r  C1(   )   a  r 2

 2C 2
   C1(   )   a  2
 r
 z  C1  a    2  


On peut introduire de nouvelles constantes pour simplifier l’écriture :
 B
 r  A  r 2

 B
   A  2
 r
 z  C


Les constantes A, B et C peuvent être déterminées en écrivant les équations d’équilibre aux
limites :
 
En r1 :   r   P1  r   r (r1 )   P1
 
En r2 :     r   P2  r   r (r2 )   P2
En calculant on obtient :
1 1  P2 r2 P1  P2 2 2
2 2
Pr
A B r1 r2
r2 2  r12 r2 2  r12

Pour calculer la contrainte axiale z, et donc la constante C, il faut préciser les conditions aux
limites sur les extrémités du tube. On peut imaginer différentes hypothèses : (a) tube fermé,
donc subissant les pressions P1 et P2, (b) tube bloqué aux extrémités, c’est-à-dire pour lequel
on empêche l’allongement, (c) tube soumis à une traction etc. Ces différentes conditions
imposent des limites différentes mais dont le principe est similaire.

Dans le premier exemple le tube est soumis à un effort de traction égal à :


 F  P2  r2 2   P1  r12 
qui s’exerce sur une section droite de surface S :

51
S    r2 2  r12 
La constante C est donc égale au rapport F/S.
Le deuxième cas bloqué implique que z = 0. La condition aux limites va donc s’exprimer sur
la déformation longitudinale. Le dernier cas est similaire au premier en écrivant que la
contrainte est égale au rapport de la force de traction sur la section droite.

4.3 Elasticité plane.

On considère que notre problème peut être analysé en termes de contraintes dans le plan
(x1,x2). Cela signifie que 13, 23 et 33 sont nulles, et que les composantes 12, 22 et 12 sont
uniquement fonctions des variables x1 et x2. On parle alors d’une problème en contrainte
plane. Le tenseur des contraintes est donc de la forme :
  11  12 0 
    12  22 0 
 0 0 0 ( x1, x 2, x 3)

A partir de la loi de Hooke, on obtient les déformations suivantes, fonctions des variables x1 et
x2 :
1
11   11    22  12 
1    
12
E E
1
 22   22    11 
E

 33   11   22 
E
Nous allons développer une méthode de résolution de problèmes plans en partant du champ
de déformation. Nous devons donc vérifier l’équation de compatibilité :
 211  2 22  212
 2
x2 2 x12 x2 x1
Exprimons cette équation à partir des contraintes en remplaçant par les relations de Hooke.
On obtient la relation suivante :
  2 11  2 22   2 12
  11   22   1        2 1   
 x1
2
x2 2  x1x2
où  représente l’opérateur Laplacien. On obtient donc une équation que doivent vérifier les
contraintes.

Comme les contraintes doivent également vérifier les équations d’équilibre pour tout
problème, nous allons les introduire dans l’équation précédente afin d’obtenir une forme qui
tient compte à la fois des équations de compatibilité et des équations d’équilibre indéfini.
Nous allons voir que cela permet en fait de simplifier l’expression précédente.
En deux dimensions, nous avons seulement deux équations d’équilibre indéfini (projections
des forces selon x1 et selon x2) :

52
  11  12
 x  x  0
 1 2

  12   22  0
 x1 x2
En dérivant ces deux équations par rapport à x1 et x2 respectivement et en remplaçant dans
l’équation de compatibilité exprimée avec les contraintes, on obtient :
  11   22   0
Finalement résoudre un problème d’élasticité bimensionel revient à trouver trois fonctions
13, 23 et 33 qui satisfont l’équation précédente et l’équation d’équilibre indéfini.

Pour résoudre le problème de manière générique, Airy1 a proposé d’introduire une nouvelle
fonction 2 qui permet de satisfaire les équations d’équilibre si on l’introduit de la manière
suivante,
 2  2  2
 11  2  22  2  12  
x2 x1 x2 x1
ce que l’on constate aisément.

On peut alors remplacer la fonction d’Airy dans l’équation de compatibilité (transformée), ce


qui donne :
     0
En conclusion, pour résoudre un problème plan, il suffit de “trouver” une fonction  ( x1 , x2 ) ,
vérifiant l’équation précédente et les équilibres aux limites du problème trouvé. En pratique,
on définit une fonction comportant un certain nombre de constantes que l’on ajustera avec les
équations d’équilibre aux limites.
Cette méthode par la fonction d’Airy a donné de nombreuses solutions, notamment à partir de
fonctions analytiques, pouvant être assez compliquées, mais initialement, Airy avait étudié
des fonctions polynomiales.

A titre d’exemple considérons la fonction :


x2
 b 2
2
L’équation est vérifiée et on obtient le tenseur des contraintes :
b 0 0
   0 0 0 
0 0 0
  x1, x 2, x 3
Cela correspond à une traction (ou une compression) uniaxiale selon l’axe x1. La constante
peut ensuite être déterminée à partir de l’équation d’équilibre sur la surface limite. Par
exemple une force F s’exerçant sur une section S, donnant b = F/S.

1
Sir George Biddell Airy (1801-1892) a participé au développement mathématique de la théorie de l’élasticité, à
Cambridge.
2
Il va sans dire que cette fonction d’Airy n’a en dépit de la notation aucun rapport avec la fonction de
gauchissement introduite pour la torsion.

53
Prenons comme deuxième exemple la fonction :
  bx1 x2
Après avoir noté qu’elle vérifie l’équation  = 0, on peut calculer le tenseur des contraintes
0 b 0
   b 0 0 
0 0 0
  x1, x 2, x 3
qui correspond à un état de cisaillement pur.

54
55
_________________________________
5 Résistance des matériaux : poutres
_________________________________

Comme l’application des équations de l’élasticité à des problèmes concrets peut s’avérer
rapidement ardue, des théories simplifiées ont été développées pour permettre des calculs
analytiques systématiques. C’est le cas des poutres ou des coques qui voient de nombreuses
applications dans la vie courante. Pour arriver à de tels résultats, il est bien sûr nécessaire de
poser des hypothèses simplificatrices. Cela entraîne des limites dans l’utilisation de ces
théories qu’il convient de bien garder à l’esprit. Par exemple dans le cas de la théorie des
poutres que nous allons introduire dans ce chapitre, il faut être très prudent lorsqu’on
extrapole des résultats à des géométries qui s’éloignent de poutres.

5.1 Définitions, principes et hypothèses

Par définition nous appellerons poutre un solide engendré par une surface plane (S) dont le
centre de gravité décrit une courbe GD, appelé ligne moyenne; le plan de la section restant
perpendiculaire à cette ligne (cf figure). Afin de vérifier un certain nombre d’hypothèses que
nous présenterons plus loin, il faut introduire quelques restrictions à cette définition.
(a) Le rayon de courbure de la ligne GD doit être grand par rapport aux dimensions de la
section.
(b) La longueur de la poutre est grande par rapport aux dimensions de la section.
(c) La variation éventuelle de la section doit rester faible et continue.

(S)
G D

Insistons sur le fait qu’il convient d’être prudent sur des résultats chaque fois où un de ces
critères n’est pas objectivement bien vérifié.

Principe de calcul des poutres


Les champs de contrainte ou de déformation dans une section droite (S) d’une poutre sont
évalués directement par la résultante du torseur des efforts (force et moment) situés d’un des
côtés de la section. Donc pour évaluer l’ensemble du champ de contrainte (ou de déformation)
de la poutre, il suffit de calculer l’évolution de ce torseur en fonction de l’abscisse le long de
GD.
De plus, on va représenter la poutre par sa seule ligne moyenne, en supposant donc que tous
les efforts appliqués à la poutre le sont sur la ligne moyenne (cf figure). Le calcul de
contrainte de la section sera alors obtenue à partir du torseur résultant sur la ligne moyenne et
des caractéristiques de la section.
On comprend alors qu’un tel principe permet un calcul simple de toute poutre.

56
(S)

Hypothèses fondamentales
Pour effectuer ces calculs simplifiés, quatre hypothèses fondamentales sont posées comme
base de départ.
(a) Les déformations sont suffisament petites pour que l’on puisse les négliger dans l’écriture
des équations d’équilibres. Cela signifie que les calculs sont effectués sur les poutres au
repos. La conséquence est notamment que l’on ne tient pas compte d’un léger décalage ou
d’une rotation des forces appliquées dans le calcul.

(b) On considère que les poutres suivent la loi de Hooke, c’est-à-dire qu’il y a
proportionnalité entre contrainte et déformation, ou bien entre force et déplacement. Cela
implique que les contraintes et les déformations dues à plusieurs systèmes de charges
appliqués simultanément sont identiques à la somme des contraintes et déformations dues
aux différentes charges agissant isolément. On verra plus loin que cette hypothèse permet
une écriture matricielle d’une poutre chargée, assez pratique.

(c) Les contraintes dans une section éloignée des points d’application des forces extérieures
ne dépendent que de la résultante générale et du moment. On considère que ces résultats
sont applicables dès que la distance d’une section par rapport au point d’application de la
charge la plus voisine est supérieure à la dimension caractéristique de la section. Cette
hypothèse, connue sous le nom de principe de St Venant1 est d’une grande importance en
mécanique, puisqu’elle permet de fixer toutes les conditions aux limites réelles2.

(d) La dernière hypothèse, connue sous le principe de Bernouilli stipule que les sections
droites d’une poutre restent planes lors de la déformation, ce qui veut dire qu’il n’y a pas
de gauchissement et que ces sections subissent une simple rotation. Nous aurons
l’occasion de revenir amplement sur cette hypothèse qui nous permettra d’évaluer les
déformations et contraintes de flexion dans une poutre.

1
St Venant (1797-1886) a illustré ce principe en considérant une barre de caoutchouc pincée dans les mâchoires
d’une paire de tenailles. Les deux forces opposées agissant sur le caoutchouc produisent une déformation
significative, uniquement dans une zone proche des mâchoires, le reste de la barre n’étant pas affecté.
2
C’est notamment le cas des solutions où on est obligé de considérer que la force appliquée doit suivre la
distribution des contraintes à la surface (cf torsion, flexion d’une barre par les fonctions d’Airy etc.). En
déportant la force réelle par rapport à la section où l’on souhaite que le calcul soit exact, on satisfait aux
équations d’équilibre. On notera que c’est notamment avec ce principe que l’on justifie la forme des éprouvettes
de traction en haltère.

57
Types d’efforts

Les conditions aux limites sont appliquées aux poutres en termes d’efforts et de déplacements.
En résistance des matériaux, on parle souvent d’efforts au sens général, c’est-à-dire en
incluant des forces et des moments (ou des couples de forces). Il en va de même pour les
déplacements qui peuvent représenter des variations de longueur ou bien d’angles (rotation).
On verra plus loin que l’on pourra associer un déplacement à une force et une rotation à un
moment.
On considérera des forces ponctuelles, et des forces réparties, c’est-à-dire des forces par unité
de longueur (cf figure). De façon identique, on va considérer des moments dits concentrés,
c’est-à-dire s’appliquant en un point.
Les conditions aux limites sur les déplacements représentent généralement des bloquages de
déplacement ou de rotation (liaisons). Pour des poutres planes chargées dans leur plan, on
considère couramment les liaisons suivantes (cf figure) :
- encastrement : toute rotation et tout déplacement nuls
- pivot simple : tout déplacement empêché, et toute rotation libre
- pivot glissant : un seul déplacement empêché et toute rotation libre.

force force moments


ponctuelle répartie concentrés

encastrement pivot pivot glissant

5.2 Diagramme fondamental

Torseur des efforts et définition :

Le principe de calcul consiste à évaluer au centre de gravité d’une section droite donnée, le
torseur résultant des efforts de gauche (ou de droite de la poutre1). Ce torseur est composé de
 
la force résultante R et du couple 
 F2 
résultant CG (cf figure). De façon F1
R
similaire à ce que l’on a présenté dans
G
les généralités sur l’élasticité, il est

pratique de décomposer ce torseur  CG
selon un repère lié à la facette en F3
composantes normales et
tangentielles.

1
Les torseurs résultants de droite et de gauche sont bien sûr opposés. En pratique (et de manière tout-à-fait
arbitraire, on considérera le torseur de gauche dans la suite du texte).

58
La composante normale de l’effort résultant est appelée effort normal (on la notera N) et la
composante tangentielle effort tranchant (notée T). La composante normale du couple
résultant est un moment de torsion (noté Mt) et la composante tangentielle est un moment qui
induit une rotation perpendiculaire à l’axe de la poutre, nommée moment fléchissant (noté
Mf)
En définissant un repère (O,x,y,z), tel que l’axe z soit porté par la ligne moyenne de la poutre,
les composantes normales sont orientées selon z et les composantes tangentielles vont
chacune se décomposer en deux parties selon x et y. Finalement dans un tel repère, le torseur
résultant s’exprime selon :
T   Mf 
 x    x
R  Ty  CG  Mf y 
N   Mt 
 z  z
Nous avons déjà dit que les contraintes et les déformations vont être évaluées à partir de ce
torseur en un point d’abscisse z. Donc pour calculer les déformations de l’ensemble de la
poutre, nous allons évaluer l’évolution du torseur (de ses composantes) en fonction de
l’abscisse le long de la poutre. Cette évolution est appelée diagramme fondamental.

Evaluation du diagramme fondamental : Méthodologie

Pour évaluer le diagramme fondamental, il convient de suivre une procédure logique :

(1) bilan des efforts extérieurs, incluant forces appliquées et réactions. Ces dernières
représentent des inconnues qu’il va falloir déterminer. Pour cela, nous appliquons le théorème
fondamental d’un système mécanique en équilibre, à savoir la somme des forces extérieures et
la somme des moments de ces forces extérieures par rapport à un point quelconque sont
nulles. Cependant deux cas de figure peuvent se présenter.
Soit le nombre de réactions (composantes) inconnues est égal au nombre d’équations1
d’équilibre (6 équations au maximum, lorsqu’on projette sur les trois axes), on parle alors de
système isostatique que l’on peut directement résoudre. Soit le nombre d’inconnues est
supérieur au nombre d’équations, on parle de système hyperstatique, que l’on ne peut pas
résoudre directement. Nous présenterons dans le chapitre 4 une méthode de résolution
particulière pour de tels systèmes hyperstatiques.

(2) Calcul effectif de toutes les réactions.

(3) Calcul des résultantes des efforts de gauche, c’est-à-dire du diagramme fondamental.

Exemple sur un cas simple.

Avant de démontrer des relations analytiques générales pour la détermination des résultantes
du torseur, nous allons illustrer le principe
de calcul sur un cas simple, en effectuant P
simplement un bilan des forces. Pour cela, G D z
considérons une poutre droite de ligne I
moyenne GD, de longueur L, disposée sur x
un appui glissant à une extrémité et un
1
On ne tient compte que des équations des projections des forces selon un axe pour lequel il y a effectivement
des efforts non nuls.

59

pivot à l’autre extrémité. La poutre est chargée en son centre I d’une force P (cf. figure).

Nous avons donc affaire à une poutre droite chargée dans le plan (x,z). La liaison de gauche
autorise seulement une rotation autour de y et la liaison de droite une rotation autour de y et

un déplacement selon z. En conséquence, compte tenu de la direction de l’effort P appliqué
 
selon x, il y a deux réactions inconnues que nous appellerons RG et RD . Nous pouvons
appliquer les équations d’équilibres ie. la somme des forces et la somme des moments des
forces par rapport à un point égales à 0.
  
 P  RG  RD  0
      
OI  P  OG  RG  OD  RD  0
Ce système qui comporte au maximum 6 équations se ramène dans l’exemple présent à 2
équations non triviales : projection des forces selon l’axe x et projection des moments par
rapport à un point selon y. Si l’on prend G (cela nous permet d’éliminer une inconnue dans
une des deux équations) pour le calcul des moments, le système devient :
 RG  P  RD  0  RG   P / 2
x x x

  x RGx P RDx
 L / 2   P  L  RD  0  RD   P / 2
x
G D z
et peut être résolu directement1. I
x
 
Le diagramme fondamental de R et CG va donc comporter deux composantes Tx et Mfy que
l’on va évaluer en fonction de z. Pour évaluer l’effort tranchant pour des valeurs de z
comprises dans l’intervalle [0 ; L/2], il suffit de reprendre la somme des efforts à gauche de la
poutre, soit ici –P/2. Puis dans l’intervalle [L/2 ; L], on ajoute P, donc la valeur est constante
et égale à P/2. On agit de même pour le moment fléchissant2. En se plaçant en z dans
l’intervalle [0 ; L/2], on a seulement la réaction RGx à la distance (–z), donc le moment est
Mfy(z) = (P/2).z. Finalement, on obtient le diagramme suivant :

z 0 L/2 L
Tx(z) -P/2 P/2
Mfy(z) (P/2).z (-P/2).z + P/2.L

Tx(z)
P/2
z
L/2 L

Mfy(z)
PL/4

z
L/2 L

1
Nous avons affaire ici à un cas particulier, car symétrique. En conséquence, on dispose en fait d’une équation
supplémentaire fixant la symétrie. Nous posons néanmoins les deux équations d’équilibre par souci
d’illustration.
2
Le moment est défini comme le produit vectoriel de la distance par la force. Ici, la distance est selon z et la
force selon x, soit un repère direct, donc il suffit de faire le produit des valeurs algébriques de la distance et de la
force.

60
Ce calcul peut être mené de la même manière pour toute poutre. Cependant, en présence de
charges réparties, le calcul devient plus fastidieux, notamment au niveau du moment. Nous
allons donc établir des relations générales entre charges réparties, effort tranchant et moment
fléchissant.

Relations générales entre effort tranchant et moment fléchissant.

Considérons une poutre droite chargée uniquement selon la direction x (donc dans le plan xz),
sur laquelle se trouve une charge répartie qx(z) de z à z + dz (cf figure). Nous allons donc
considérer les composantes des forces et des moments.
De part et d’autre de cette charge répartie on a les efforts tranchants et les moments
fléchissants : En z : Tx et Mfy et en z + dz : Tx + dTx et Mfy + dMfy.
qx(z) Tx  dTx
Tx
Mfy Mf y  dMf y
z
z dz

Exprimons l’effort tranchant en z + dz :


Tx  dTx  Tx  qx ( z )  dz
En simplifiant, on obtient :
dTx
 qx ( z )
dz

De la même façon exprimons le moment fléchissant en z + dz :


Mf y  dMf y  Mf y  (dz )  Tx  ( dz / 2)  qx ( z )  dz
En simplifiant et en négligeant les infiniments petits d’ordre 2, on obtient :
dMf y
 Tx
dz
Donc par intégrations successives, on peut évaluer le diagramme fondamental à partir du
chargement réparti. Les constantes d’intégration pouvant être déterminées à partir des
conditions aux limites (continuité et valeurs connues)

Toujours dans le même repère, mais avec un autre chargement selon la direction y, on
montrerait de la même manière :
dTy dMf x
 qy ( z) et  Ty
dz dz

5.3 Contraintes et déformations - formule de Bresse

Contrainte et déformation de flexion

L’aspect sans doute le plus important de la mécanique des poutres est celui de la flexion.
Historiquement, le problème de la résistance, de la déformée et de l’état de contrainte a été
abordé sur plusieurs siècles. Si d’éminents esprits comme Galilee, Hooke, Mariotte et

61
Bernouilli, pour ne citer que les plus connus ont longuement réfléchi à ce problème sans
toujours trouver la solution, cela signifie qu’elle n’est pas triviale. Nous allons montrer
cependant qu’en partant des bonnes hypothèses, l’évaluation du champ de déformation n’est
pas très difficile.
Nous avons déjà mentionné l’hypothèse de Bernouilli qui stipule qu’une section droite restait
droite et ne subissait qu’une rotation autour d’un axe parallèle à la section passant par l’axe
moyen de la poutre1. Nous allons considérer un segment de poutre soumise à seulement un
moment fléchissant Mfy constant2. Dans ce cas l’axe neutre du segment présente une courbure
constante de rayon  (cf. figure).

x z

Imaginons que la poutre soit composée d’un empilement de fibres parallèles à l’axe neutre et
considérons en une, située à une cote x. Par un raisonnement géométrique, on constate que
cette fibre subit un allongement, proportionel à cette distance x par rapport à l’axe, donc une
déformation dans la direction z : zz.
z
x

x
dz d

Afin d’évaluer cette déformation, considérons (cf figure) un segment de poutre de longueur dz
(donc une fibre de longueur dz). En rappelant que pour rester dans les hypothèses des poutres,
le rayon de courbure doit être important, notamment vis-à-vis de l’épaisseur, on peut écrire :
  d  dz
de plus comme la déformation de la fibre s’exprime selon :
xd
 zz 
dz
Cette déformation s’exprime directement en fonction du rayon :
x
 zz 

1
En fait on devrait parler d’axe neutre, axe le long duquel les déformations et les contraintes longitudinales sont
nulles. Dans le cas d’une poutre (élastique) symétrique, l’axe neutre est confondu avec l’axe moyen.
2
On pourra facilement vérifier que c’est le cas avec un essai de flexion 4 points, entre les points d’appui
intérieurs.

62
Cette relation est intéressante car elle peut être directement utilisée dans certains cas pour
déterminer expérimentalement des champs de déformation de poutres par mesure du rayon de
courbure.
En appliquant la loi de Hooke, on peut alors calculer le champ de contrainte en fonction du
rayon de courbure.
Ex
 zz 

Pour relier le rayon de courbure au moment
fléchissant, nous allons écrire l’équation générale
d’équilibre des forces sur une section, i.e. la
somme des projections des forces selon x et la
x
somme des moments par rapport au centre de zz(x)
gravité de la section des forces selon y (cf figure):
  zz ds  0 et
s   zz  x  ds  Mf y
s
dx

La première équation est automatiquement vérifiée pour une poutre symétrique par rapport à
l’axe y1. En remplaçant zz la deuxième équation conduit à :
1 Mf y
 avec I y   x 2 ds
 E  Iy s

Cette équation reliant le rayon de courbure au moment fléchissant en un point z de la poutre


permet de calculer la déformée, si l’on relie le rayon de courbure à la dérivée seconde du
déplacement par rapport à z. En effet lorsque le rayon de courbure n’est pas trop petit (la
courbure pas trop grande), on peut écrire :
1 2 x 2 x Mf y
 2 donnant2 : 
 z z 2
E  Iy
Cette équation connue sous le nom de formule de Bresse permet par intégrations successives,
et en tenant compte des conditions aux limites de calculer la déformée de la poutre en
fonction de z.
De manière symétrique en présence d’un moment fléchissant Mfx, on obtient une flexion
autour de l’axe x, dont l’équation est donnée par :
 2 y Mf x

z 2 E  I x

Exemple d’application

Considérons une poutre de longueur L, comportant une charge répartie constante de valeur q.

q
z
G
D
x

1
Lorsque la poutre n’est pas symétrique, ou bien pour des systèmes plus complexes (comportements
dissymétriques traction/compression etc.), cette équation donne la position de l’axe neutre.
2
Mathématiquement le rayon de courbure est toujours défini de façon positive, cependant dans ce cas pour
conserver une courbure correcte (rayon maximal en traction), il est nécessaire de considérer ce rayon de façon
algébrique, donc opposé à la courbure.

63
Les forces de réactions se réduisent aux deux composantes selon x :
RGx = RDx = -qL/2
Le diagramme fondamental (2 composantes) est obtenu à partir de l’intégration des équations
générales :
dTx ( z ) dMf y
q et  Tx ( z )
dz dz

z 0 L
Tx(z) q.z – qL/2
Mfy(z) -q z /2 +q.L/2.z
. 2

Appliquons la formule de Bresse pour calculer la déformée de la poutre x(z)


2 x Mf y
 
z 2 E  Iy
En intégrant deux fois, on obtient le déplacement de chaque point :
q 4 qL 3
x E  Iy  z  z  C1z  C 2
24 12
Les constantes d’intégration peuvent être évaluées à partir des conditions aux limites, à savoir
: x(z = 0) = 0 et x(z = L) = 0 sur les appuis. Donc C2 = 0 et l’équation de la déformée est :
q 4 qL 3 qL3
x E  Iy  z  z  z
24 12 24
et on l’a représentée sur la figure suivante :

z
L/2 L

Champ de contrainte – torseur de gauche

D’après l’hypothèse de Saint Venant, on néglige toute composante sur les plans
perpendiculaires, c’est-à-dire que xx = xy = yy = 0. Le tenseur des contraintes dans une
section droite a donc l’allure :
 0 0  xz 
 
    0 0  yz 
 
 xz  yz  zz  x , y , z 

Analysons tout d’abord la contrainte normale.

Nous avons vu ci-dessus qu’elle était liée à un moment fléchissant Mfy. En reliant les
expressions de la contrainte et du moment et en éliminant le rayon de courbure, on obtient :

64
Mf y ( z )
 zz ( x, z )  x
Iy
De manière symétrique, un moment fléchissant autour de x va induire une contribution à la
composante normale, selon :
Mf ( z )
 zz ( y, z )   x  y
Ix
Lorsque les deux composantes du moment fléchissant sont présentes, on parle de flexion
déviée.
Evidemment la composante normale de l’effort résultant induit une contrainte normale, qui
s’exprime simplement :
 N z ( z)
 zz ( z ) 
S
Analysons les contraintes de cisaillement.

Elles dépendent des moments de torsion et des efforts tranchants. Le cas particulier de la
composante normale du couple résultant, i.e. le moment de torsion est facile à analyser
puisque nous avons établi les rélation dans le premier chapitre consacré à la torsion. Nous
rappelons simplement les relations en tenant compte des notations utilisées avec les poutres :
Mt ( z ) Mt ( z )
 xz ( y, z )  z  y et  yz ( x, z )   z  x
IG IG
Les efforts tranchants induisent une contributions aux contraintes de cisaillement. Comme
pour de nombreuses applications de la RDM dans les calculs de structures, le cisaillement est
souvent faible, on peut se contenter de valeurs de cisaillement moyen :
T ( z) T ( z)
 xz ( z )   x et  yz ( z )   y
S S
On notera que ces valeurs moyennes ne respectent pas les conditions aux limites sur les
surfaces libres, puique les cisaillement devraient être nuls sur les bords des poutres. En fait
une analyse plus fine montre que la contrainte de cisaillement varie selon une parabole, avec
une valeur maximale au centre et nulle sur les bords (le développement plus précis est donné
en annexe).

Finalement, on peut résumer l’expression des contraintes dans une section droite, en fonction
des composantes du torseur résultant des efforts de gauche :
 N z Mf x Mf y
 zz    y x
 S I x I y
 Tx Mt z
 xz    y
 S IG
 T Mt
 yz   y  z  x
 S IG

Les expressions montrent que le champ de contrainte n’est pas homogène. Dans le cas
général, le tenseur des contraintes dépend des 3 variables x, y et z. Pour une poutre respectant
les hypothèses des poutres définies dans la première partie, les contraintes normales sont très
supérieures aux contraintes de cisaillement, qui sont alors négligées (cf. exemple suivant).

65
Exemple d’application.

Reprenons l’exemple de la poutre soumise à une flexion 3 points (cf p.28). Suposons
également que la section droite est circulaire de rayon R. Nous allons calculer les contraintes
et montrer que la contrainte tangentielle est faible par rapport à la contrainte normale. Dans le
cas présent, seules deux composantes du torseur de gauche sont non-nulles : Mfy et Tx.
L’expression des contraintes est donc :
Mf T
 zz  y  x et  xz   x
Iy S
 R4
avec I y  et S   R2
4
Dans le domaine [0 ; L/2], nous avons montré que les composantes des efforts de gauches
sont : Mf y  ( P / 2) z et Tx   P / 2 .
En reportant dans les expressions et en simplifiant, les contraintes sont :
2P P
 zz  xz et  xz 
R 4
2 R 2
En un point de la section, la contrainte normale varie linéairement et est nulle au centre. La
valeur maximale est obtenue pour x = R et z = L/2. La contrainte tangentielle est bien
évidemment constante dans la section puisque nous avons utilisé une expression simplifiée
donnant une valeur moyenne. De plus dans cet exemple, elle est constante sur la longueur de
la poutre.
Calculons le rapport entre la contrainte normale maximale et la contrainte tangentielle :
 xz 1 R

 zz 2 L
Plus la poutre est allongée, plus la contrainte tangentielle est négligeable. Dans la pratique, on
peut donc la négliger, mais il faut faire attention lorsqu’on utilise ces relations en les
appliquant à des poutres trop compactes, ou à des matériaux très sensibles au cisaillement.

5.4 Calculs énergétiques


Un problème courant en RDM consiste à calculer le déplacement en un point sur une poutre.
Dans ce cas, il n’est pas nécessaire de calculer l’ensemble de la déformée de la poutre. La
variable conjuguée de la force étant le déplacement (du point de vue énergétique), nous allons
détailler différentes méthodes énergétiques basées sur les principes généraux de conservation
de l’énergie et du travail.

Energie élastique

Nous avons déjà rappelé que dans le domaine élastique, l’énergie par unité de volume d’une
structure sous contrainte (avec xx = xy = yy = 0) s’exprime selon :
 2 1
W v  zz 
2 E 2G
 xz 2   yz 2 
Nous allons évaluer l’énergie dans une section droite, en intégrant sur la surface, pour obtenir
une énergie par unité de longueur de poutre.
Wl 
1
2E s
 zz 2 ds 
2G
1
s
  xz 2   yz 2  ds

66
Remplaçons alors les contraintes par leurs valeurs en fonction des composantes du torseur de
gauche et des caractéristiques géométriques de la section dans le premier terme de l’énergie
(on notera que pour des sections symétriques, les termes croisés disparaissent laissant
seulement les termes carrés):
1  Nz2 Mf y 2 Mf x 2  1  N z 2 Mf y 2 Mf x 2 
2 E  S 2 s
 ds  2  x ds  2  y ds    
 2 E  S 
2 2

Iy s Ix s   Iy I x 

Faisons de même pour le deuxième terme de l’énergie. Pour les mêmes raisons que
précédemment, les termes croisés disparaissent, laissant les termes carrés :
1  Tx 2 Ty 2 Mt z 2 Mt z 2  1  Tx 2 Ty 2 Mt z 2 
2G  S 2 s
 ds  2  ds  2  x ds  2  y ds    
 2G  S 
2 2

S s IG s IG s   S I G 
Finalement après intégration, on obtient une expression de l’énergie par unité de longueur, en
fonction des composantes du torseur1 :
Tx 2 Ty 2 N z 2 Mf x 2 Mf y
2
Mt z 2
W l
    
2GS 2GS 2 ES 2 EI x 2 EI y 2GI G
A partir de cette relation, il est facile de calculer l’énergie élastique stockée dans une poutre à
partir du diagramme fondamental et par intégration le long de la poutre. On pourra noter cette
dernière relation de manière mnémotechnique selon :
M2
Wl  
composantes 2 R

où M représente une composante du torseur des forces de gauche et R la rigidité (par unité de
longueur) associée2.

Théorème de Clapeyron

Ce théorème, basé sur la conservation de l’énergie simple stipule que l’énergie élastique
d’une poutre est égale à la somme des travaux des forces extérieures, ce qui peut s’exprimer
selon :
W   WFext   W l dz   12 PD
L

0 i i

D’un point de vue thermodynamique, le travail des forces extérieures doit être compris
comme le travail réversible d’un système élastique, ie. dont la force Pi est proportionnelle au
déplacement Di. Pour une poutre comportant N charges de valeurs connues, cette équation
montre que l’on a N déplacements inconnus, donc que l’on ne peut pas calculer. Par contre
pour le cas particulier d’une charge unique, il est possible de l’appliquer directement pour
calculer le déplacement au point d’application de la charge.

Matrices de Souplesse

Nous allons montrer que grâce à la linéarité des équations de mécanique en élasticité, nous
allons pouvoir décrire une poutre de façon matricielle, très pratique pour effectuer de

1
Il est intéressant de noter que cette énergie par unité de longueur est obtenue par une sommation des différentes
composantes. Cela signifie que les théorèmes énergétiques pourront êtres traités indépendamment des différentes
directions.
2
R représente le facteur de proportionnalité entre un effort (au sens général) et sa variable conjuguée, donc par
analogie avec la traction pure, c’est la rigidité du système.

67
nombreux calculs. Nous allons développer cette description à partir de deux principes
évidents : principes de superposition et de proportionnalité.
Le premier nous permet d’énoncer que pour une poutre comportant N charges, le déplacement
du ième point est égal à la somme des déplacements de ce même point sous les N charges,
appliquées individuellement.
P1 P1 P2
D11
D21 D12 D21
D11
D22

Écrivons cet énoncé pour une poutre comportant deux charges1 P1 et P2, aux points 1 et 2.
Sous l’application de la première charge, par exemple P1, le point 1 se déplace de D11 et le
point 2 de D21 (cf. figure). Lorsqu’on ajoute la deuxième charge, le point 1 déplace de D12
supplémentaire et le point 2 de D22. Le déplacement total D1 et D2 des points 1 et 2
respectivement sont donc :
 D1  D11  D12

 D2  D21  D22
Le deuxième principe de proportionnalité nous permet d’énoncer que le déplacement d’un
point quelconque i dû à une charge j est proportionnel à cette charge. Ce qui s’écrit :
Dij  fij  Pj
Le facteur de proportionnalité est appelé coefficient d’influence. Il représente le rapport entre
déplacement du point sous la force j et cette force, ce qui est équivalent à dire qu’il représente
le déplacement par unité de force, ou bien encore le déplacement sous une charge unitaire (cf
figure).
P1 1
D21 f21

Toujours dans le cas de la poutre comportant deux charges, écrivons les déplacements en
fonction des coefficients d’influence :
 D1  f11  P1  f12  P2 D   f f12   P1 
   1    11  
 D2  f 21  P1  f 22  P2  D2   f 21 f 22   P2 
Nous arrivons donc à une écriture matricielle de la poutre. L’intérêt évident est de pouvoir
calculer les déplacements aux points 1 et 2 pour n’importe quelle valeur des deux charges,
puisque lorsqu’on a calculé la matrice, il suffit de remplacer P1 et et P2.

Nous allons montrer (toujours sur un exemple comportant deux charges) que la matrice de
souplesse d’une poutre est symétrique.
Pour cela, considérons la poutre précédente, et appliquons le théorème de Clapeyron, en
décomposant le chargement : premièrement la charge P1, puis la charge P2. Nous effectuerons
ensuite le calcul en plaçant les charges dans l’ordre inverse.

1
Considérer seulement deux charges n’enlève rien à la rigueur de l’explication, puisque cela reviendrait au
même de considérer une poutre comportant déjà i-1 charges, que l’on prend comme référence et à laquelle on
ajoute deux charge i et j. Par contre l’illustration avec seulement deux charges simplifie l’écriture, et nous
l’espérons la compréhension.

68
L’application de P1, conduit à une énergie élastique :
W(1)  12 P1 D11  12 f11  P12
L’application de P2 conduit à ajouter le travail de P1 (qui est à sa valeur nominale1) et le
travail de P2 :
W(2)  P1  D12  12 P2  D22  P1  f12  P2  12 f 22  P2 2
L’énergie totale est bien sûr la somme des deux :
W  W(1)  W(2)  12 f11 P12  12 f 22 P2 2  f12 P2 P1

Effectuons maintenant le même calcul, mais en appliquant les charges P1 et P2 dans l’ordre
inverse. On obtient cette fois une énergie totale :
W  12 f11 P12  12 f 22 P2 2  f 21 P1 P2
Bien évidemment, puisque nous considérons des systèmes réversibles (et sans échange de
chaleur), l’énergie élastique ne dépend pas du chemin suivi, et donc les deux expressions de
l’énergie sont égales, ce qui conduit à :
f12  f 21
montrant ainsi que la matrice de souplesse est symétrique.

Finalement en généralisant à une poutre comportant N charges, appliquées en N points, on


peut toujours calculer une matrice de souplesse qui relie deux vecteurs colonnes selon :
D  f P
De manière symétrique, on peut définir la matrice raideur, inverse de la matrice souplesse :
P  k D et k  f 1
On notera par ailleurs que l’énergie élastique peut se calculer directement avec la matrice de
raideur selon :
W  12 P t  f  P

Théorèmes de Castigliano

Ces deux théorèmes permettent de calculer les déplacements et les coefficients d’influence.
On considère une poutre soumise à N charges.
Th1 : La dérivée de l’énergie élastique par rapport à une charge Pi donne le déplacement
du point d’application de la charge.

Th2 : La dérivée seconde de l’énergie élastique par rapport à deux charges Pi et Pj est égale
au coefficient d’influence équivalent fij.

Nous allons illustrer ces deux théorèmes à l’aide de la poutre comportant deux charges.
L’énergie élastique est donnée par :
W  12 f11 P12  12 f 22 P2 2  f12 P1 P2
En dérivant, par exemple, par rapport à la charge P1, on obtient bien le déplacement D1 du
point d’application de P1 et :
W
 f11 P1  f12 P2  D1
P1

1
On notera la différence entre le travail d’une force qui se déplace alors qu’elle est à sa valeur nominale et une
force que l’on applique depuis 0 jusqu’à sa valeur nominale de façon réversible.

69
En dérivant une deuxième fois par exemple par rapport à P2, on obtient :
 2W
 f12
P2 P1
c’est-à-dire le coefficient d’influence.
Ce théorème de Castigliano permet notamment de calculer tout déplacement (au sens général)
de tout point d’application d’une charge d’une poutre comportant plusieurs charges.

Théorème de Maxwell-Mohr

Nous allons voir que ce théorème permet de calculer le déplacement en tout point d’une
poutre, même s’il n’y a pas de charge appliquée en ce point.

Reprenons le calcul de l’énergie élastique d’une poutre selon la notation générale que nous
avons introduite1.
M2
W  dz
L
2R
M est bien évidemment une fonction des n charges appliquées à la poutre. Appliquons le
théorème de Castigliano en un point i de la poutre (donc pour un point auquel est appliqué une
charge Pi)
W 1 M
Di  
Pi 2 R L  2M 
Pi
dz

Or d’après le théorème de superposition, on peut écrire :


M ( P1 , P2 , , Pi 1 , Pi , Pi 1 , , Pn )  M ( P1 , P2 , , Pi 1 , 0, Pi 1 , , Pn )  M ( Pi )
donc la dérivée de M par rapport à Pi s’exprime selon :
M M ( Pi )

Pi Pi
Comme les composantes M du torseur des forces de gauche sont des fonctions linéaires des
charges, on peut écrire :
M ( Pi )  Pi  M ( Pi  1)
où M(Pi = 1) représente la composante M avec une charge Pi unitaire. En calculant la dérivée,
on obtient :
M
 M ( Pi  1)
Pi
En reportant cette valeur de dérivée dans l’intégrale ci-dessus, on obtient l’expression du
théorème de Maxwell Mohr :
M  M ( Pi  1)
Di   dz
L
R
Concrètement pour calculer le déplacement du point i d’une poutre donnée, on calcule d’une
part la résultante de cette poutre avec son chargement complet, et d’autre part la résultante de
cette même poutre avec une seule charge en i, de valeur unitaire (cf. exemple plus loin).

Ce théorème peut être facilement étendu en un point d’une poutre auquel aucune charge n’est
appliquée. Pour cela, décomposons de nouveau le torseur en deux parties en appliquant
toujours le théorème de superposition :

1
Nous avons omis le signe sommation aux six composantes du torseur correspondant au cas général, par soucis
de clarté, mais cela n’enlève rien à la rigueur du résultat.

70
M ( P1 , , Pn )  M ( P1 , P2 , , Pi 1 , Pi 1 , , Pn )  M ( Pi )
Reportant cette valeur dans l’expression du théorème, on obtient :
M ( P1 , P2 , , Pi 1 , Pi 1 , , Pn )  M ( Pi  1) M ( Pi  1) 2
Di   dz  Pi  dz
L
R L
R
Si l’on fait tendre la charge Pi vers 0, c’est-à-dire que l’on considère la poutre sans charge en
Pi, alors le deuxième terme disparaît, et on retrouve le même théorème de Maxwell-Mohr,
mais pour un point où aucune charge n’est appliquée.

Applications pratiques.

Ces divers théorèmes énergétiques permettent de calculer les déplacements en divers points
de poutres. On constate qu’ils requièrent dans tous les cas un calcul intégral d’un produit de
résultantes du torseur des forces de gauche, c’est-à-dire de la forme :
 M1  M 2 dz
Commes ces fonctions sont majoritairement simples et souvent semblables (constantes ou
multi-linéaires), elles ont été tabulées et regroupées sous le nom d’intégrales de Mohr, en
permettant de transformer l’intégrale en sommes et produits. On trouvera ces intégrales dans
l’annexe II

Exemples de calcul de déplacement

Reprenons l’exemple de la poutre soumise à une flexion 3 points


P
z

Nous avons déjà calculé le moment fléchissant en fonctions de z. Si on le représente sur une
figure on obtient :

L/2 L z

PL/4
Mfy

Calculons le déplacement au centre de la poutre. Comme on est en présence d’une seule


charge, on peut appliquer le théorème de Clapeyron au centre de cette poutre.
L’énergie élastique est égale à :
1 L
W
2 EI y 0
Mf y 2 dz

L’utilisation des intégrales de Mohr simplifie le calcul. Pour cela, en remarquant la symétrie,
on peut utiliser le cas suivant (cf. annexe):

71
avec : M1 = M3 = PL/4

Donc l’intégrale devient :


1 L
I   Mf y 2 dz  2  M 1M 3 
L

0
3 2

2
1 1  PL  L P 2 L3
En remplaçant le travail devient W   2    
2 EI y 3  4  2 96 EI y
En écrivant que l’énergie élastique est égale au travail de la charge P, on obtient :
1 P 2 L3 1 PL3
W  PD   PD  D 
2 96 EI y 2 48EI y

On peut également utiliser le théorème de Castigliano pour calculer le déplacement au


centre:
W   P 2 L3  PL3
D    
P P  96 EI y  48 EI y
On obtient bien sûr le même résultat, et dans ce cas particulier d’une seule charge appliquée à
la poutre, les deux méthodes sont équivalentes.

Appliquons maintenant le théorème de Maxwell-Mohr à ce même cas. Pour cela, il faut


définir le moment fléchissant de la même poutre comportant une charge unique de valeur
unitaire au point qui nous intéresse, Mf(P = 1). En fait comme nous nous trouvons dans un
cas particulier, il suffit de prendre le moment fléchissant avec la charge P et de fixer sa valeur
à 1. Le diagramme est donc le suivant :
L/2 L z

PL/4
Mfy
L/2 L z

L/4
Mfy(P=1)

Le calcul du déplacement est donc égal à :


Mf  Mf y ( P  1)
D y dz
L
EI y

On peut de nouveau utiliser les intégrales de Mohr, la même formule que la précédente avec :
M1 = PL/4 et M3 = L/4
Donc l’intégrale devient :
L 1 L
I   Mf y  Mf y ( P  1)dz  2  M 1M 3
0 3 2

72
En remplaçant, ont obtient donc le déplacement :

1 1  PL   L  PL3
D  
    L 
EI y 3  4   4  48EI y

Enfin, comme dernier exemple, calculons la rotation en G. Cette fois nous devons utiliser le
théorème de Maxwell-Mohr car il n’y a pas de moment appliqué en ce point.
Il faut déterminer le moment fléchissant de la même poutre sur laquelle la seule charge
appliquée est celle d’un moment unitaire en z = 0.

M=1
z

Après calcul, on trouve que le moment fléchissant associé à cet état est le suivant :

L/2 L z

1
Mfy(M = 1)

Appliquons le théorème de Maxwell-Mohr en utilisant les intégrales tabulées de Mohr. Pour


cela, on décompose la poutre en deux parties, ce qui va nécessiter les deux formules
suivantes:

avec pour la première : M1 = PL/4 ; M3 = 1/2 ; l = L/2


et la deuxième : M3 = PL/4 ; M1 = ½ ; M2 = 1 ; l = L/2

Mf y  Mf y ( M  1) 1 1 M L
G   dz =   M 1M 3  3  2 M 1  M 2  
L
EI y EI y 3 6 2
1  1 Pl 1 l 1 Pl  1  l  3PL2
G         2  1  
EI y  3 4 2 2 6 4  2  2  48 EI y

73
5.5 Systèmes hyperstatiques

Définition

Les systèmes hyperstatiques sont ceux pour lesquels l’application directe des équations de
l’équilibre statique ne permet pas de déterminer les inconnues. L‘écart entre le nombre
d’inconnues et le nombre d’équations représente le degré d’hyperstaticité. A titre d’exemple
considérons la poutre plane suivante sur trois appuis :
F F
z
G A D
x
On dénombre 3 inconnues : les trois composantes des forces de réaction, RGx, RDx et RAx, et on
dispose de 2 équations : projection des forces selon x et projection des moments par rapport à
un point selon y. En conséquence, le degré d’hyperstaticité est égal à 1 et on ne peut pas
déterminer les 3 inconnues en résolvant simplement le système.

Principe de résolution

Considérons une poutre hyperstatique quelconque que l’on appellera état E. Le principe de
résolution consiste tout d’abord à décomposer le système en une somme de systèmes
isostatiques, en appliquant le principe de superposition. Pour cela, on supprime des liaisons
surabondantes, pour se ramener ainsi un état Eo isostatique (cf tableau schématique).

E F F

G A D

Eo + Ei F F
G A D

Ri
G A D

Eo  Ei  Ri F F
G A D

1
G A D (x Ri)

74
Chaque liaison surabondante est considérée comme un état Ei constitué de la même poutre sur
laquelle on place simplement la réaction inconnue Ri. En utilisant le principe de
proportionnalité, cet état peut être décomposé par un état Ei où l’on a remplacé la réaction
inconnue par une force unitaire, multipliée par la réaction inconnue Ri. Ce qui finalement
s’écrit1 :
E  Eo   Ei  Eo   Ei  Ri

On écrit ensuite les équations aux limites de chaque liaison surabondante supprimée (rotation
ou déplacement nul, voire à valeur imposée). On obtient ainsi un système d’équations que
l’on peut résoudre pour déterminer toutes les réactions inconnues Ri. Le calcul du torseur
résultant peut ensuite être réalisé toujours avec l’équation ci-dessus en reportant les valeurs
des réactions inconnues.

Nous allons détailler cette méthode sur un exemple concret pour plus de clareté. Considérons
la poutre suivante que nous appellerons l’état E:

F F F
z
E: a
b c
x
On relève 4 réactions inconnues : Rax, May, Rbx et Rcx, et deux équations statiques peuvent être
écrites : projection des forces selon x et projection des moments par rapport à un point
quelconque selon y. Le degré d’hyperstaticité est donc de 2. Nous allons donc enlever deux
inconnues2, par exemple May et Rbx pour se ramener à un système isostatique. On obtient alors
la poutre suivante que l’on appellera état Eo. Cette poutre possède deux réactions inconnues :
Roax et Rocx 3.

F F F
Eo
a b c

Définissons maintenant nos deux états élémentaires E1 et E2 supportant les charges inconnues.
Pour cela, nous faisons appel au théorème de proportionnalité qui stipule qu’une poutre
soumise à une charge P est équivalente au produit de la même poutre soumise à une charge
unitaire par la valeur de la charge. Ces deux états sont donc :

1
La notation « barre » sur Ei, ne représente pas une matrice, mais un état normalisé, c’est-à-dire avec des forces
unitaires.
2
Evidemment le choix de l’inconnue n’affecte pas la résolution. Parfois les calculs pourront être simplifiés
légèrement en supprimant tel ou tel type de liaison. En fait, la principale difficulté sera parfois de représenter la
liaison modifiée. Ainsi dans cet exemple si l’on supprime la réaction RGx, pour la liaison résiduelle seule la
rotation est empêchée n’est pas « dessinable ».
3
On notera que les réactions restantes sont différentes des réactions de départ car le chargement n’est pas le
même. On verra plus loin comment calculer les réactions de la poutre hyperstatique initiale.

75
1
E1 : x (Rbx)
a b c

1
E2 : x (May)
a b c

L’équation du système global s’écrit donc :


E  Eo  E1  Rb x  E2  M a y
Cette équation peut s’énoncer comme le système E est égal au système Eo + le système E1
comportant une charge unitaire multipliée par la réaction inconnue + le système E2
comportant une charge unitaire multipliée par la deuxième réaction inconnue.
Pour simplifier l’écriture, nous allons affecter des numéros aux points des deux liaisons que
nous avons supprimées. Par exemple : b  1 et a  2. Les réactions s’écrivent donc : May  M2y
et Rbx  R1x. Avec cette écriture l’équation précédente s’écrit :
E  Eo  E1  R1x  E2  M 2 y
Grace à cette équation, les réactions inconnues surabondantes sont vues comme des forces
qu’il faut appliquer à la poutre pour ramener le déplacement ou la rotation à 0. Cette équation
est générique, et elle peut bien sùr s’appliquer aux déplacements ou aux charges (moment
fléchissant ou effort tranchant).
Pour trouver les deux inconnues nous allons écrire cette équation en termes de déplacements
aux points des deux inconnues :
 Db  D1  0  D1o  f11  R1  f12  M 2
x y


 G   2  0   2 o  f 21  R1  f 22  R2
x x

On obtient donc un système de deux équations à deux inconnues que l’on peut mettre sous
forme matricielle :
 D1   D1o   f11 f12   R1x 
    o    f  y
 2   2   21 f 22   M 2 

Les différents coefficients d’influence de la matrice f11, f12 = f21 et f22 peuvent être facilement
calculés, en utilisant le théorème de Maxwell-Mohr. De même la rotation du point 2 (2o) et
le déplacement du point 1 (D1o) sous le chargement de l’état Eo peuvent être facilement
calculés. Au total, nous avons 5 constantes à calculer pour résoudre le système. De même
pour un système hyperstatique de degré 1 on aura 2 constantes à calculer et pour un système
de degré 3, on aura 3 + 6 = 9 constantes. On constate donc que la résolution est simple, mais
peut facilement devenir fastidieuse.
Lorsque les réactions inconnues ont été calculées, on peut évaluer le torseur des forces de
gauche en appliquant l’équation du système. Par exemple dans le cas du moment fléchissant
l’équation s’écrit :
Mf  Mfo  Mf1  R1x  Mf 2  M 2 y

76
_________________________________
6 Flambement des colonnes
_________________________________
Dans le cadre de la mécanique des matériaux nous avons vu que la plupart des matériaux
montraient un comportement élastique sous faible sollicitation, suivi d’un comportement non
linéaire pour des sollicitations plus fortes. Selon le type de matériau, cette non-linéarité est
causée par de la déformation plastique, de la multi-fissuration, de la cavitation, etc. Sous
certaines conditions, on peut avoir rupture avant d’atteindre cette « limite d’élasticité », c’est-
à-dire dans un domaine apparemment élastique. C’est le cas de la fatigue et de la rupture
fragile, qui induisent des ruptures plutôt brutales. Un autre cas de rupture ou de ruine brutale
d’un composant et parfois spectaculaire peut être observé lors de flambement. Ce phénomène
est très important notamment dans le dimensionnement des structures en génie civil, mais
peut apparaître dans toute structure mécanique et se retrouve également en géologie, par
exemple dans le flambement de plaques tectoniques.
On peut illustrer le flambement en considérant une tige de forme élancée, comme une antenne
de voiture, soumise à une force de compression axiale. On constate qu’en augmentant la
charge elle fléchit facilement et qu’il est difficile de conserver la sollicitation en compression
pure. C’est un cas classique de flambement. On peut également constater que l’on peut
« aider » une telle tige à flamber en exerçant une petite force perpendiculaire à l’axe de la
tige. D’autres exemples de structures flambant peuvent être facilement observés, par exemple
des échafaudages, des corps de fusées etc. Nous allons voir que ce mode de ruine est une
instabilité mécanique.
Nous avons déjà souligné que les calculs de structures élastiques comme ceux que l’on a vus
dans le cadre des poutres sont effectués en considérant le chargement dans la configuration
initiale, c’est-à-dire barre non fléchie. Nous verrons que les calculs d’instabilité ou les
conditions menant à une instabilité sont favorisés, par des imperfections de formes, comme
une courbure initiale, ou par un chargement pas parfaitement dans l’axe.
Nous allons nous limiter au flambement des colonnes élastiques, dans le but d’illustrer les
principes simples de l’instabilité.

6.1 Illustration simplifiée d’une instabilité

Nous allons considérer un système très P P z


simple qui va cependant permettre de
comprendre le principe de l’instabilité A
mécanique. On considère une tige,
supposée rigide, montée sur pivot à sa 
base et dont l’autre extrémité est reliée à
un support rigide par l’intermédiaire L
d’un ressort de raideur k . Lorsque le
ressort est au repos, la tige est verticale.
On considère le cas où, sous l’action
d’une charge P , la tige a subi une
rotation d’un angle  . Si la charge P est x
O
faible, le système est stable et revient à
sa position initiale lorsque cette charge

77
est supprimée. Par contre si la charge devient trop importante, la rotation continue. Dans ce
cas, le système est instable et s’effondre en subissant une grande rotation. Considérons
l’équilibre mécanique qui peut être décrit par la somme des moments des forces nulle en O. Il
y a deux composantes de moment. La première due à la charge P tend à faire tourner la tige
selon le sens trigonométrique et l’autre, égale au moment de la force de rappel du ressort F ,
tend à faire tourner la tige dans le sens opposé. Tant que la première composante reste
inférieure à la deuxième, le système est stable. Au-delà il devient instable, donc pour une
valeur critique de la charge. En supposant que l’angle de rotation reste faible, la somme des
deux contributions s’écrit :
 L  P  L  kL   0
P
La résolution permet de trouver la charge critique :
Pc  kL
Pc
Tant que P reste inférieure à sa valeur critique, le système
est stable. Cela signifie que sous une petite perturbation
horizontale dF , il subit une rotation d , mais retourne à sa
position d’équilibre   0 lorsque cette perturbation est
supprimée. Dans la position verticale, le système est à
l’équilibre quelle que soit la valeur de la charge P , puisque
la force de rappel due au ressort est nulle. Par contre, pour
P  Pc l’équilibre est instable puisqu’une petite 
perturbation suffit pour que le système s’effondre. Pour la
valeur de la charge P  Pc , le système est à équilibre quelle que soit la valeur de  (toujours
avec l’hypothèse petits angles). L’équilibre est donc neutre. On peut représenter ces
différentes configurations sur un diagramme de la charge en fonction de l’angle. Les deux
branches verticales et horizontales représentent les équilibres (   0 , P ou P  Pc ,  ). Le
point d’intersection des deux lignes caractérisant l’équilibre est appelé point de bifurcation.
En ce point, une petite fluctuation rend le système instable, c’est un système chaotique.
Nous allons voir que le principe du flambement d’une tige purement élastique soumise à une
force axiale est très proche de ce système simple barre-ressort.

6.2 Flambement idéal


z z
6.2.1 Colonne idéale articulée à ses
extrémités P P

On considère maintenant une colonne,


idéalement droite de longueur L , parfaitement
élastique bi-articulée, c’est-à-dire munie d’une
rotule à sa base et à son extrémité supérieure
d’un pivot glissant, c’est-à-dire autorisant des
rotations, mais aucun déplacement
perpendiculaire à son axe. La colonne est
 
soumise à une charge de compression P   Pz
selon son axe. On suppose que la barre va fléchir
dans un plan  x, z  , qui est donc un plan de
symétrie. Lorsque la valeur de la charge reste x x
O O
faible, avec ce système parfait, la tige reste

78
droite, avec une contrainte de compression égale à  P / A où A est l’aire de la section droite
de la colonne. Le système est en équilibre stable. Une petite perturbation à l’aide d’une force
selon x induit une flexion, mais qui disparaît avec la suppression de cette force. Lorsque la
charge P augmente progressivement, on atteint alors un équilibre neutre pour lequel la
colonne est fléchie. Cela correspond à la valeur critique de la charge Pc pour laquelle elle
peut subir des variations de la force latérale, donc de la déflection sans changement de la
charge axiale. La charge critique peut donc maintenir la colonne en équilibre, soit verticale,
soit fléchie. Pour des charges supérieures à la valeur critique, l’équilibre devient instable,
puisque depuis la position droite, une petite perturbation latérale induit brusquement une
position fléchie.
Calculons cette charge critique, ainsi que la forme de la barre fléchie. Pour cela, on considère
la barre dans le repère  x, z  pour conserver le même repère que celui utilisé dans le chapitre
 
consacrés aux poutres. La réaction en O est RO  P  z . Si l’on fait un calcul de RDM sur cette
barre droite parfaite, il n’y a aucune composante qui puisse induire une flexion (ni force selon
z , ni moment selon y ). En conséquence, contrairement au calcul d’élasticité où l’on
considère les efforts appliqués sur l’élément non déformé, nous allons considérer la poutre
déformée. Cela signifie qu’en réalité la force axiale n’est pas parfaite et présente des
composantes perpendiculaires. Cette barre peut alors être assimilée à une poutre en flexion et

il apparaît donc un moment fléchissant Mf selon y .
Calculons alors le moment fléchissant en un point intermédiaire G ( x, z ) de la barre.
   
Mf G  GO  RO  Px  y
On peut alors écrire l’équation de la déformée à partir de la
formule de Bresse :
P
2 x Mf 2 x P Courbure
  2  x
z 2 EI y z EI y exacte
Pc
P
En posant k 2  l’équation devient : x( z )  k 2 x  0
EI y
Hypothèse
Cette équation a pour solution générale simplifiée
x( z )  A cos kz  B sin kz courbure
On peut trouver les constantes à partir des conditions aux
limites des deux extrémités de la barre pour lesquelles le
déplacement est nul x
La première constante est obtenue pour x  0   0  A  0 .
La deuxième constante est obtenue pour x( L)  0  B  0 ou sin kL  0 . La première
solution B  0 correspond à une déflection nulle et donc à la poutre droite. La quantité sin kL ,
et donc la charge appliquée, peut prendre n’importe quelle valeur. Cette solution triviale
correspond à la barre rectiligne en équilibre, stable ou instable. La deuxième condition est
plus intéressante :
n 2 2 EI y
sin kL  0  kL  n  P  avec n  0 ,1 , 2 ,...
L2
Le cas n  0 qui correspond à une charge nulle est de nouveau inintéressant. Les autres
valeurs de n donne les valeurs croissantes de charge qui satisfont l’équation différentielle. La
solution finale de la courbe de déflexion est donc :
n
x( z )  B sin z avec n  1 , 2 ,...
L

79
Cela signifie donc que la barre peut prendre une forme courbée, seulement lorsque la charge
prend une de ces valeurs. Pour toute autre valeur, elle est en équilibre si elle est droite. La
relation précédente donne différentes valeurs de P vérifiant l’équation, mais bien
évidemment, la plus faible atteinte en premier conduira à la valeur critique, donc 1 :
 2 EI y
Pc 
L2
Cette charge critique est appelée charge d’Euler et représente la valeur critique de
flambement d’une tige élastique droite. On constate qu’elle ne dépend que de la géométrie et
des propriétés élastiques de la barre, et notamment pas d’une quelconque limite
d’endommagement (rupture, limite d’élasticité, etc.). Pour augmenter la charge critique, et
donc limiter le risque de flambement, il faut diminuer la longueur, augmenter le moment
quadratique et augmenter le module d’élasticité.
Dans le développement ci-dessus, nous avons considéré le fléchissement dans le plan  x, z  .
Dans le cas d’une barre à section non symétrique, montée sur pivots à chaque extrémité, le
plan de flexion va être selon la direction de plus faible valeur du moment quadratique.

L’analyse plus détaillée du calcul montre que la déflexion maximale, obtenue à la moitié de la
hauteur de la barre est égale à la constante B, elle-même indéfinie. A la charge critique la
barre peut prendre n’importe quelle valeur de déflexion, et donc on retrouve le même graphe
que dans le cas simplifié du système « ressort + tige », en traçant la charge en fonction de la
déflexion x . Le point critique de coordonnées  x  0 , P  Pc  est dit point de bifurcation ou
point d’instabilité, et ce flambement est dit par bifurcation. On notera que l’ensemble du
calcul a été fait en considérant des petits déplacements, donc le graphe n’est correct que pour
de petites valeurs de déflexion x .
Lorsqu’on effectue un calcul plus réaliste en prenant l’expression non simplifiée de la
1 x
courbure    , on constate que la charge critique augmente avec la déflexion.
R 1  x2 3 2
Une charge de plus en plus grande est nécessaire pour augmenter la déflexion de la barre,
mais globalement, le comportement n’est pas différent, et on obtient toujours un point de
bifurcation.

6.2.2 Autres liaisons : longueur de flambement

Il est possible de relier la charge critique d’une colonne avec d’autres conditions de liaison à
celle calculée précédemment dans le cas de la double articulation avec la notion de longueur
de flambement. Cette longueur est égale à celle de la barre biarticulée fictive qui aurait la
même charge critique de flambement. C’est également la distance entre deux points
d’inflexion de la barre considérée.
Pour illustrer cette notion, considérons une barre simplement encastrée à une extrémité. Une
telle colonne flambe en prenant une forme d’un quart de sinus (on pourra aisément faire le
calcul). Si l’on étend cette déformée par une symétrie par rapport à l’axe x en z  0 , on
obtient la déformée de la colonne biarticulée qui est d’une demi période de sinus. La longueur
de flambement Le de la colonne encastrée en un point est donc Le  2 L . On peut alors

1
En fait, il est possible d’atteindre les autres modes en ajoutant des appuis intermédiaires aux nœuds, ce qui est
également une technique pour limiter le flambage de longues colonnes.

80
reprendre la relation de la charge critique établie au paragraphe 2.1 en substituant Le à la
longueur de la colonne, soit :
 2 EI y
Pc 
Le 2
On peut de la même façon considérer d’autres cas de liaisons et les résultats sont représentés
dans la figure suivante.

Le
L Le
Le

Le

Le  0,5 L Le  0, 7 L Le  2 L Le  L

Le troisième exemple, encastré d’un côté et articulé de l’autre, est un peu plus délicat à
calculer. Nous le donnons en illustration dans l’encart suivant.

Exemple résolution colonne encastrée-articulée


P
Lorsque la colonne flambe il apparaît deux forces de réaction R A
R opposées, dirigées selon x , et un moment à l’encastrement. En on
 
a donc  Rx  Pz et l’équation d’équilibre donne en O le torseur
    
RO  Rx  Pz et M O  RLy
L’équation d’équilibre donne :
M 0  RL
Le calcul du moment fléchissant à la côte z donne :
M f  Px  M 0  zR  Px  R  L  z 
L’équation différentielle de la dérivée s’écrit donc :
2 x Mf  Px  R  L  z 
  
z 2 EI EI x O Ro x
En utilisant la même définition pour la variable k 2  P / EI ,
l’équation devient : M ox
z
R Ro
x   k 2 x    L  z 
EI

81
La solution est du même type que les équations précédentes :
R
x( z )  A cos kz  B sin kz  L  z
EI
Il y a 3 inconnues, donc une de plus que le cas précédent et
nous avons 3 conditions aux limites :
R
x(0)  0  A  L0
EI
x( L)  0  A  B tan kL  0
R
x(0)  0  Bk  0
EI
De nouveau, on note que les 3 équations sont satisfaites pour A  B  R  0 , ce qui
correspond encore à la colonne non fléchie. Pour résoudre le cas général, on peut se
débarrasser de la constante R dans la 1ière et la 3ième équation ce qui donne la relation
suivante :
A  BkL  0
En remplaçant dans la 2ième équation on obtient l’équation de flambement qui donne la charge
critique :
 B kL  B tan kL  0
Cette équation n’est pas explicite, et il faut faire un calcul numérique (ou géométrique) pour
obtenir la solution : kL  4.49 , ce qui donne en remplaçant et en introduisant la constante 
pour garder la même forme :
2.045 2 EI
Pc 
L2
En comparant cette équation à celle de la colonne bi-articulée, on obtient la longueur de
flambement :
Le / L  2.0451/ 2  0, 7

6.3 Colonnes imparfaites élastiques

La relation d’Euler est intéressante car elle fixe une charge maximale pour une colonne droite
parfaite et permet de comprendre le principe du flambement. Cependant, dans la réalité, les
colonnes ont toujours des imperfections qui modifient la stabilité. Par exemple, même avec
une colonne idéalement droite, le chargement réel ne peut être parfaitement dans l’axe. De
plus, les colonnes réelles ne sont jamais parfaitement droites, mais ont toujours une courbure
initiale. Enfin, hormis les matériaux parfaitement élastiques jusqu’à la rupture, comme le
verre ou les céramiques, le comportement est non linéaire. Dans ces différents cas, on ne parle
plus de fluage par bifurcation, puisque dès le début du chargement, on obtient un
fléchissement. On parle alors de flambement par divergence.
Jusqu’à présent le cas des colonnes idéales a été traité en considérant l’hypothèse introduite
dans le chapitre des poutres, à savoir que le chargement s’exerce sur la poutre dans sa forme
initiale. Pour un calcul de flambement plus réaliste, il faut considérer le chargement dans la
situation réelle déformée.

6.3.1 Chargement désaxé


Reprenons comme exemple la colonne bi-articulée, mais sur laquelle la charge n’est plus
centrée le long de la ligne passant par le centre de gravité d’une section droite, mais décalée

82
d’une valeur e . Le système est représenté dans la figure suivante sur un schéma « réaliste » et
sa figuration schématique.
Comme précédemment, on considère que la colonne initialement idéalement droite va fléchir
dans le plan  x, z  , et que le matériau qui la constitue a un comportement linéaire élastique.
Le moment fléchissant (du torseur des forces de gauche) dans la colonne à la cote z est donc :
Mf  P( x  e)
Où x représente la déflexion à la cote z . L’équation différentielle de la déformée est donc :
2 x M P ( x  e)
 f 
z 2
EI y EI
P
En posant comme précédemment k 2  , l’équation s’écrit :
EI z
x  k 2 x  k 2 e
La solution homogène associée est la même que celle du paragraphe 2-1, à savoir :
x( z )  A cos kz  B sin kz
Une solution particulière évidente est x  e donc la solution globale est :
x( z )  A cos kz  B sin kz  e
Les constantes A et B sont obtenues par les conditions aux limites aux extrémités :
x(0)  0  A  e  0  A  e
e 1  cos kL  kL
x( L)  0  e cos kL  B sin kL  e  B   B  e tan
sin kL 2
Finalement l’équation de la déformée de la courbe est :
 kL 
x( z )  e  cos kz  tan sin kz  1
 2 

z z
 e
P  
e P 
P   Pz

x x

Il est donc possible de calculer la déformée en chaque point pour toute charge P donnée. Les
conditions sont donc très différentes des cas discutés dans le chapitre 2, où au point de charge

83
critique, la déformation est soit nulle soit indéfinie, ce que nous avons appelé le point de
bifurcation. Ici, chaque valeur de charge produit une déformée définie qui peut être calculée.
La déflexion maximale, c’est-à-dire la flèche  , est bien évidemment au centre et la valeur
est :
  e  cos kL / 2  sin kL / 2 tan kL / 2  1
 e cos kL / 2 1  tan 2 kL / 2  1/ cos kL / 2 
 1 1 
 e cos kL / 2   
 cos kL / 2 cos kL / 2 
2

 1 
  e  1
 cos kL / 2 
A partir de cette équation, on peut tracer la charge en fonction de la flèche pour différentes
valeurs d’excentricité. On remarque évidemment que pour une charge donnée, la flèche est
proportionnelle à l’excentricité. Par contre, la courbe charge – flèche est non linéaire,
contrairement au comportement que l’on aurait avec une poutre en flexion. Le présent
chargement est équivalent à la superposition d’une charge axiale P et d’un moment Pe . Si ce
moment Pe était appliqué seul, comme en théorie des poutres, il provoquerait une flexion, et
la relation P   serait linéaire, car alors la présence d’une déflexion ne changerait pas
l’action de la charge1. Par contre ici, l’action de la charge axiale en présence d’une déflexion,
augmente le moment fléchissant d’une quantité Px . Plus la charge augmente et plus cette
contribution augmente, ce qui au final conduit à un comportement non linéaire.
Il est important de noter que cette différence de comportement vient du fait qu’en théorie des
poutres, pour simplifier, le chargement est appliqué sur la poutre droite, dans sa position
initiale non chargée.
P (N)
7
Courbe charge-flèche
e0 dans le cas d’une
Pc
6
colonne droite bi-
e  0.005d articulée soumise à une
5 charge désaxée d’une
2e valeur e . On rappelle
4e que le calcul est fait
4
8e avec l’hypothèse
simplifiée de la
3 16e courbure valable pour
de faibles rotations. Le
L  500 mm
2 calcul au-delà de la
E  200GPa ligne verticale grise est
1 d  2 mm donc rapidement
erroné.

0
0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 0.35 0.4
 (m)

1
On pourra vérifier que pour de très faibles charges par rapport à la charge critique, la pente initiale de la courbe
 P    est égale à 8EI / PeL2 , soit la pente au centre d’une poutre en flexion soumise à un moment Pe . Pour
 
1
cela, on pourra prendre les premiers termes du développement de cos 2 t  1 t2 / 2 .

84
Lorsque l’excentricité tend vers 0, on montre que la flèche est nulle, ce qui redonne bien le
résultat du paragraphe 2.1, à savoir une courbe avec une droite verticale jusqu’à la valeur Pc
(qui a également été tracée sur la figure). On note également que la ligne horizontale passant
par cette valeur critique est une asymptote des courbes de la poutre désaxée.

On peut calculer la contrainte maximale dans cette colonne, en notant que le moment
fléchissant maximal se trouve au centre de la poutre (là où x est maximal), et ce moment vaut :
Pe
Mf max  P (e   ) 
cos  kL / 2 
La contrainte maximale est la somme de la composante de compression et de la composante
de flexion, qui rappelons-le, varie linéairement avec x . En supposant que la demi-épaisseur
de la colonne dans le plan de flexion est c ,
P Mf P Pec
 zz ,max    max c   
A I A I cos  kL / 2 
La première composante est de compression, donc la valeur extrême en valeur absolue est du
côté de la zone de compression de la flexion, la valeur maximale de traction est donc plus
faible. Les matériaux ductiles, peu sensibles à la traction ou compression, cèderont en
compression, mais les matériaux fragiles pour lesquels les contraintes à la rupture en traction
et en compression sont dans un rapport voisin de 10, casseront à cause de la contrainte
maximale de traction.

Pour paramétrer plus facilement ces courbes, on définit souvent des grandeurs normalisées qui
définissent les colonnes. Tout d’abord le rayon de giration r :
r I/A
Ensuite deux nombres sans dimension :
le rapport d’excentricité : ec / r 2
le rapport d’élancement : L / r
La contrainte maximale peut alors s’écrire directement en fonction de la contrainte de
compression et de ces paramètres :
P  ec  L P  
1

 zz ,max  1   cos 
A  r 2  2r EA  
 
On constate que la contrainte sera d’autant plus grande que le rapport d’élancement et le
rapport d’excentricité sont grands.
On peut représenter ces résultats (cf figure page suivante) en considérant une contrainte
maximale fixée pour le matériau considéré. On trace alors la charge maximale admissible
(normalisée par l’aire de la section P / A ) en fonction du rapport d’élancement pour
différentes valeurs d’excentricité. On constate bien que pour un élancement donné, le défaut
initial limite la charge maximale admissible. Sur cette même courbe, on trace la charge
d’Euler (toujours normalisée par l’aire, Pc / A ). On constate que pour de très grands
élancements, les courbes avec excentricité se rapprochent de la théorie simplifiée d’Euler, qui
peut alors être appliquée. Par contre, pour de faibles élancements, le défaut initial prend de
l’importance.

85
P / A  MPa 
300
Section circulaire :
ec / r 2  0
250  max  250 MPa
ec / r 2  0,1
E  200 GPa
0.2
200
0.4  2E
Euler :
L / r
2

150
0.6
1
100 1.5

50

L/r
0
0 40 80 120 160

6.3.2 Colonne avec déflexion initiale

Un deuxième moyen d’appréhender une imperfection est de partir avec une colonne déjà
fléchie. Une telle hypothèse n’est pas irréaliste puisque dans la réalité, aucune barre n’est pas
parfaitement droite mais exhibe une courbure, même faible.
Illustrons cette approche encore avec la colonne bi-articulée (cf. figure suivante). On
supposera en première approximation (raisonnable), que la colonne présente une déflexion
initiale x0 de forme sinusoïdale de valeur maximale au centre a :
z
x0 ( z )  a sin
L
Notons qu’avec cette hypothèse la courbure n’est pas constante, mais est maximale au centre.
On pourrait considérer une courbure constante en prenant un arc de cercle, mais cela
complique le calcul. La démarche est encore la même, le moment fléchissant1 est :
M f  P  x  x0 
De nouveau l’équation de la déformée s’écrit :
 2 x  P( x  x0 )

z 2 EI
Et en remplaçant par la constante k , toujours définie de la même manière, l’équation devient :
z
x  k 2 x   k 2 a sin
L
La solution équation homogène est :
x( z )  A cos kz  B sin kz
z
Une solution particulière est du type : x( z )  C sin
L

1
Attention avec cette notation x représente le déplacement par rapport à la valeur initialement courbée et non
par rapport à l’axe.

86
En injectant cette fonction ainsi que sa dérivée seconde dans l’équation générale :
2 z 2 z z a
 2 C sin  k C sin  k 2 a sin C
 / kL   1
2
L L L L
La solution générale est :
a z
x( z )  A cos kz  B sin kz  sin z z
 / kL   1 
2
L
P
Les conditions aux limites donnent :
x  0  0  A  0
x( L)  0  B sin kL  0  B  0 ou sin kL  0
La première solution donne la déformée due à la flexion
égale à :
a z x0
x( z )  sin x
 / kL   1 L
2

Le déplacement maximal est encore au centre, en z  L / 2 ,


ce qui donne :
a
xmax 
 / kL   1
2
x x
On constate que là ce déplacement max. tend vers l’infini
lorsque le dénominateur tend vers 0, ce qui permet encore
2  2 EI
de calculer la charge critique : 2 2  1  Pc  2
k L L
La flèche totale est :
a a  1 
  xmax  a  a   a  a 
1  EI
2
Pc  1  P / Pc 
 1  1
P L2 P
On obtient ainsi une relation donnant directement la flèche totale en fonction de la charge, de
la charge critique d’Euler et de la déformée initiale.
On note que la deuxième solution sin kL  0 donne à nouveau la charge critique d’Euler,
asymptote de la courbe charge flèche.
Comme précédemment, on peut calculer la contrainte maximale à partir du moment
fléchissant Mf max  P , ce qui donne (en supposant toujours que la demi épaisseur de la
colonne dans le plan de flexion est c ) :
Mf Pc  1 
 zz ,max   c a 
I I  1  P / Pc 
Cette relation peut être comparée à la précédente de la colonne droite avec chargement décalé
en définissant le paramètre ac / r 2 qui sera l’équivalent du rapport d’excentricité et
représentera l’imperfection de la colonne.

6.4 Sections droites et flambement localisé

Jusqu’à présent, nous avons considéré que les colonnes fléchissent dans un plan fixé  x, z  . A
part le cas particulier de la section circulaire, il n’y a pas de symétrie axiale et la section va
donc fléchir dans la direction du moment quadratique minimum. Avec les exemples des

87
sections suivantes symétriques par rapport à deux axes perpendiculaires, le moment
quadratique est I x , donc le plan de fléchissement sera  x, y  .

y y y
x x x

Dans le cas des sections non symétriques, l’axe de flexion sera selon l’une des deux directions
principales du tenseur moment quadratique, où la valeur est minimale. Par exemple les
sections suivantes vont fléchir encore dans le plan  x, y  .
y
y

x
x

Cependant, les sections à parois minces


à l’échelle locale peuvent être
considérées comme des structures de
plaques et vont donc présenter des
instabilités locales entraînant un
flambement localisé, qui diminue encore
la résistance au flambement.

88
ANNEXE I : Notations et symboles

Vecteurs :

Le vecteur u est une grandeur caractérisée par un sens une orientation et un module. L’objet
vecteur est indépendant du repère, mais son expression dépend du repère. Dans le repère
   
 x1 , x2 , x3  le vecteur s’exprime selon : u  u1 x1  u2 x2  u3 x3 . On représente ses coordonnées
dans ce même repère par une matrice colonne :
 u1 
 
u  u2 
u    
 3 ( x , x , x 3)

1 2

Lorsqu’on parlera de la matrice colonne du vecteur u , on l’écrira : u . On ne devrait donc pas



écrire que u  u , mais on se l’autorisera en sachant que c’est un abus qui signifiera « la

matrice des coordonnées du vecteur u ».
 
Le module de u est : u  u12  u2 2  u32
   
Le produit scalaire est : u  v  u  v  cos u
  
 
 
, v  u1v1  u2 v2  u3v2
Le produit vectoriel est u  v  w avec :
   
w   u2 v3  u3v2  x 1   u1v3  u3v1  x 2   u1v2  u2 v2  x 3
  
et le vecteur w est perpendiculaire aux deux vecteur u et v .
    
w  u . v  sin  u , v 

Intégration d’un vecteur



Soit u (x), vecteur fonction d’une variable x. Si l’on doit intégrer cette fonction sur un

domaine, par exemple pour équilibrer une autre grandeur vectorielle F alors on écrira :
xb  
 u (
xa
x ) dx  F
Du fait de la linéarité de la fonction intégrale (somme), ce calcul se projette sur les
coordonnées en écrivant :
 xb u ( x)dx  F
 xa 1 1

 xb
 x u2 ( x)dx  F2
 a
 xb u ( x)dx  F
 xa 3 3

Tenseurs :

L’algèbre tensorielle peut être vue comme une extension de l’algèbre vectorielle. Donc
comme le vecteur, l’objet tenseur est indépendant du repère mais son expression va dépendre
du repère dans lequel il est exprimé. On définit le rang du tenseur, comme le nombre
d’indices nécessaire pour le décrire. Ainsi, les scalaires sont des tenseurs de rang 0, les
vecteurs des tenseurs de rang 1 car un seul indice est nécessaire pour décrire ses
 
composantes : u  ui xi . Le tenseur de rang deux comporte donc deux indices. On le notera
de la façon suivante :


89
Sa représentation dans un repère donné est une matrice 3x3 que l’on notera :  . Donc :
  11  12  13 
    21  22  23 
 
 31  32  33 ( x1 , x2 , x3 )
Comme pour les vecteurs on ne devrait pas écrire que le tenseur est égal à sa matrice
représentative, cependant, en sachant bien que c’est un abus, on se permettra d’écrire :   
pour simplifier l’écriture. Le produit d’un tenseur de rang 2 par un vecteur donne un vecteur :
 
v    u
Dans un repère donné, la matrice colonne du vecteur v est égale à :
 v1    11  12  13   u1    11u1   12u2   13u3 
       
v   u   v2     21  22  23    u2     21u1   22u2   23u3 
 v       
 3   31  32  33   u3    31u1   32u2   33u3 
En notation indicielle, cela donne : vi   ij u j pour la ième composante.

 
Evidemment, si l’on effectue le produit scalaire du vecteur résultant v par un autre vecteur w ,
 
on obtient un scalaire :   u   w  a . Cette expression peut se calculer directement avec les
matrices selon :
  11  12  13  u1 
  
a  wt    u   w1 w2 w3    21  22  23  u2  .
  
 31  32  33  u3 
En notation indicielle, cela donne : a   ij u j wi

L’intégration d’un tenseur est similaire à celle d’un vecteur. Par exemple, si l’on considère
 ( x) , tenseur fonction de la variable x. L’intégration de ce tenseur entre a et b s’écrit :

   x dx
b

a
L’intégrale d’un tenseur est bien évidemment un tenseur. Pour effectuer le calcul, il suffit de
distribuer le signe intégral sur les différentes composantes :
 b  ( x)dx b
 12 ( x)dx   13 ( x)dx 
b

 a 11 a a 
 b 
 a  21 ( x)dx   
 b



  a 33
 ( x ) dx 

Le produit scalaire entre deux vecteurs est un produit contracté de deux tenseurs d’ordre 1.
On définit de manière similaire le produit doublement contracté de deux tenseurs d’ordre 2 :
 :  qui donne donc un scalaire. Il se calcule comme le produit scalaire en effectuant la
somme du produit des composantes de même indice :
  11  12   11 12 
   
 :     :      1111   1212     33 33
   33     33 

90
Rappels de fonctions vectorielles :

divergence :
 u u u u
La divergence d’un vecteur est un scalaire : div u  1  2  3  i
x1 x2 x3 xi

La divergence d’un tenseur est un vecteur : div   w avec comme expression dans un
repère donné :
  11  12  13 
   
 x1 x2 x3 
      
w  21  22  23  ou en notation indicielle : wi  ij
 x1 x2 x3  x j
    
 31  32  33 
 x1 x2 x3 

Principaux symboles utilisés :


 
CG :Moment résultant du torseur des  n : vecteur déformation sur la facette de
forces de gauche par rapport au point normale n

G (x,y) : fonction de gauchissement et
D : déplacement en un point fonction d’Airy
E : module élastique longitudinal, de  : constante de Lamé
Young  : module de cisaillement ou de Coulomb
kij : coefficient de raideur  : coefficient de Poisson
fij : coefficient d’influence  : tenseur des contraintes
Iy : moment d’inertie d’une section par nn et nt : contraintes normales et
rapport à l’axe y tangentielles
Mf : moment fléchissant  : tenseur rotation
Mt : moment de torsion

n : vecteur normal d’une facette
N : effort normal
q : charge répartie
(r,,z) : repère cylindrique

R : résultante du torseur des forces de
 gauche
t : vecteur tangentiel d’une facette de
normale n
T : effort tranchant

u : vecteur déplacement
(x1, x2, x3) ou (x, y, z) : repère lié à l’objet
(xI, xII, xIII) : repère principal
W : énergie élastique
 : tenseur des déformation

n : vecteur contrainte sur la facette de
normale n

91
ANNEXE II : Intégrales de Mohr
1 L
L 0
Il s’agit d’intégrales tabulées de produits de fonctions du type : I  M 1  M 2  dz
où M1 et M2 représentent des composantes quelconques du torseur de gauche.
Elles peuvent être utilisées directement pour calculer, par exemple des déplacements selon :
1 L
EI 0
D M 1M 2 dz
Dans ce cas il suffit de prendre le résultat approprié dans le tableau et de multiplier par la
longueur de l’élément de poutre.
ANNEXE III : Contrainte de cisaillement dans une poutre à section rectangulaire

Nous allons effectuer un calcul plus exact de la contrainte de cisaillement sous l’effet de
l’effort tranchant, dans le cas d’une poutre à section rectangulaire. Considérons un segment
de poutre AA’B’B de longueur dz soumise à un moment fléchissant Mfy = M, à la cote z et
M + dM à la cote z + dz. On considère un élément de volume ACC’B dont la surface
supérieure est à la cote x.
Rappelons que sur une surface libre, la contrainte de cisaillement est nulle, et écrivons
l’équilibre des forces sur cet élément.
b
A’ B’

z h

C x C’
x
A dz B
M
Sur AC, on a : F1    zz ( z )ds   xds avec S = CA*b
S I S

M  dM
Sur BC’, on a : F2    zz ( z  dz )ds   xds avec S = CA*b = C’B*b
S s I
Sur CC’, on a : F3   xz b  dz
Sur AB, la force est nulle.

Ecrivons l’équilibre des forces : F1 + F2 = F3

dM 1 dM
dz I y b S
 xz    xds avec  Tx effort tranchant
dz
et 
S
xds = Q(x) est le moment statique de la surface.

Tx Q
Finalement, on obtient :  xz 
I yb
h/2 b h2 
Calculons l’intégrale :  xds  b  xdx   x 2  
S x 2 4

La contrainte de cisaillement varie selon une parabole dont la valeur maximale est au niveau
de la fibre neutre, et les valeurs sont nulles sur les deux faces supérieures et inférieures.

93
ANNEXE IV : Equations d’équlibre indéfini en coordonnées cylindriques et sphériques

Dans d’autres repères, ces équations se calculent comme dans un repère cartésien (x,y,z) en
effectuant la projection des forces dans chaque direction. Le calcul est cependant plus
complexe, puisque les surfaces du volume élémentaires ne sont plus égales et parallèles.

coordonnées cylindriques : repère (r , , z )

  rr 1  r  rz  rr    d
 r  r   z  r
0

  r 1     z 
    2 r  0 dz
 r r  z r
  rz 1   z  zz  rz
 r  r   z  r  0 dr

coordonnées sphériques : repère (r , ,  ) d

d

dr
  rr 1  r  r 1
  2 rr         r cot    0
1
   
 r r  r sin   r
  r 1     1
  3 r  (     ) cot    0
1
   
  r r   r sin    r
  r 1     1
  3 r  2  cot    0
1
   
 r r  r sin   r

94

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