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Πρ ακτικά
Τόμος Γ΄
Επιμέλεια:
Κωνσταντίνος Α. Δημάδης
Τόμος Γ΄
•
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European Society of Modern Greek Studies
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Δ΄ Ευρωπαϊκό Συνέδριο Νεοελληνικών Σπουδών
Γρανάδα, 9-12 Σεπτεμβρίου 2010
Πρ ακτικά
Τόμος Γ΄
Επιμέλεια:
Κωνσταντίνος Α. Δημάδης
Vol. 3
Edited by
Konstantinos A. Dimadis
Petros Diatsentos
langue nouvelle, qui a rompu avec le grec ancien, d’une langue autre, diffé-
rente. Ils lui opposent la langue commune des érudits, inaltérable depuis
l’Antiquité et ne faisant qu’un avec le grec ancien, sauvegardé dans la langue
de l’Église et des lettres. De même, un courant des « Lumières néo-hellé-
niques », représenté notamment par Katartzis, Konstantas et Vilaras, admet
la distinction et la séparation entre la langue ancienne et le romaïque, en
mettant toutefois l’accent sur leur rapport de parenté. Pour les représen-
tants de ce mouvement, l’altération est un fait, et l’objectif global est d’étu-
dier le grec ancien afin d’élaborer, d’enrichir et de cultiver le romaïque, tout
en abandonnant la langue archaïsante des érudits.
Le milieu du XIXe siècle marque le début d’une transition de cette
conception.1 Quoique la première tentative sérieuse qui vise à donner un
aperçu de l’histoire du grec date de 1861,2 ce sera au crépuscule du XIXe
siècle qu’il y aura les premiers efforts systématiques pour la description de
l’histoire de la langue. Jusqu’en 1880, les interprétations globales, fondées
sur des recherches linguistiques originales, portant sur des périodes de
plusieurs siècles, sont donc rares. Toutefois, la seconde moitié du XIXe est la
période où l’on observe la multiplication des références et des spéculations
portant sur l’histoire du grec. Il ne s’agit pas de recherches linguistiques en
soi, mais d’une suite d’interprétations fragmentaires, parfois stéréotypées,
ainsi que des reprises d’analyses de savants occidentaux, au sujet de l’his-
toire de la langue. Un ensemble de travaux de la philologie européenne
(ou plus rarement grecque) qui examinent de façon systématique soit l’his-
toire du grec,3 soit l’évolution des langues indo-européennes,4 offriront aux
1 Pour un apperçu global des conceptions de l’évolution du grec du XVIIIe siècle jusqu’à
l’enre-deux-guerres, voir A. F. Christidis, « Iστορίες της Eλληνικής Γλώσσας », in A. F.
Christidis (éd.), Iστορία της ελληνικής γλώσσας, από τις αρχές έως την ύστερη αρχαιό-
τητα, Thessalonique, 2001, p. 3-17.
2 D. Mavrofrydis, Δoκίμιον ιστορίας της ελληνικής γλώσσης [Essai d’histoire de la langue
grecque], Smyrne, 1871. L’Essai de Mavrofrydis voit le jour à Smyrne en 1871, mais sa
préface a déjà été publiée dans la revue Filistor, dix ans auparavant (voir D. Mavrofry-
dis, « Σύνοψις της εξωτερικής ιστορίας της Ελληνικής γλώσσης », in Filistor, 3, 1861, p.
116-131, 166-182 et 289-295). L’ouvrage en question constitue le travail que Mavrofry-
dis a remis au concours de l’Université, en 1860 (Tsokaneios Diagonismos). Le sujet du
concours a été publié en 1856 et nous pouvons supposer que l’essentiel de son travail a
été réalisé entre ces deux dates.
3 Notamment les travaux de F. W. Mullach (voir entre autres Grammatik der griechischen
Vulgärsprache in historischer Entwicklung, Berlin, 1856), de Deffner et ses recherches sur
le tzakonien, ou encore l’étude de Mavrofrydis sur l’histoire du grec moderne.
4 Voir les travaux de Bopp sur la grammaire comparative des langues indo-européennes,
d’Émile et d’Eugène Burnouf sur la langue et la littérature sanskrites ou celui de A. Pictet
sur le rapport entre l’indo-européen et la filiation des peuples de l’Europe.
L’histoire de la langue grecque au carrefour des différentes disciplines 343
5 Op.cit.
6 A. Christopoulos, Γραμματική της Αιολοδωρικής, ήτοι της ομιλουμένης τωρινής των
Ελλήνων γλώσσας, Vienne, 1805. Au sujet de la théorie éolodorienne, voir aussi I.
Kalitzopoulou-Papageorgiou, Η αιολοδωρική θεωρία : συμβολή στην ιστορία της ελλη-
νικής γλώσσας, Thèse de doctorat, Université d’Athènes, 1991.
344 Petros Diatsentos
7 M. Müller, Lectures on the Science of Language, Londres, 1994, (1e éd. 1861).
8 Ibid., p. 49-50 et 58.
9 J. Clyde, Romaic and Modern Greek. Compared with one another and with Ancient Greek,
Édimbourg, 1854., p. 26.
10 D’après ses propos, « the ruder forms of speech », ibid., p. 27.
L’histoire de la langue grecque au carrefour des différentes disciplines 345
dérables. Or, il accepte que la masse des gens illettrés11 arrive à compren-
dre la langue des instruits, même s’ils ne sont pas capables de la reproduire.
Il considère cela comme une règle qui régit tout ensemble social utilisant
la même langue. Il en conclut que le romaïque est en réalité issu d’une telle
catégorie de dialectes, c’est-à-dire de certaines variétés parlées d’un grec
populaire fortement antique. Les variétés populaires, d’où le romaïque est
issu, ont coexisté avec l’attique, elles ont peut-être même précédé ce dernier.
L’attique que l’on connaît aujourd’hui n’était que la langue des classes
cultivées d’Athènes et non pas celle de toute la population en Attique ; en
d’autres termes, elle n’était que la variété d’une élite.12 Par conséquent, dans
l’interprétation de l’évolution linguistique qu’il avance, Clyde met l’accent
sur la répartition des variétés du grec dans l’espace social (peuple - élites)
et considère cette évolution en partant de deux principes : chacune de ces
variétés a ses propres qualités internes, elles évoluent parallèlement, tout
en ayant un rapport particulier.
Cette conception qui constitue le point de vue de nombreux hellénistes
attribue en effet une « certification scientifique » à la thèse du caractère à la
fois antique et hellénique du grec dialectal. Pour ce qui est donc de l’étude du
grec, outre le fait que l’approche éolodorienne ouvre la voie à une démarche
comparatiste, elle fournit également une sorte de revêtement scientifique
au récit des origines de celui-ci. En même temps, d’après les postulats de
cette théorie, il devient évident que le grec dialectal accéderait difficilement
au niveau de la langue cultivée et il aurait peu de chance d’être instauré
comme langue nationale. Au contraire, ce qui lui est réservé, c’est un certain
rôle dans le processus de fixation de la langue cultivée et future langue de
tous les Grecs.
persisté pendant plusieurs siècles. En faisant le tri entre les parlers qui sont
jugés « dignes d’étude », la lexicographie dialectale va opérer des « fouilles »,
afin de mettre en lumière les « trésors antiques » et d’attribuer des certificats
d’une « origine hautement antique » à travers l’établissement de généalogies
remontant parfois à des langues disparues ou hypothétiques.13 Ainsi, dans
la seconde moitié du siècle, les puristes parviennent à « abolir » la sépa-
ration entre le grec ancien et les vernaculaires modernes. Les « dialectes
populaires » se font une place aux côtés de la katharevousa et deviennent
témoins de « l’unité » de la langue et de la « continuité ininterrompue » du
grec ancien. La réhabilitation des vernaculaires répond en effet au besoin
de la refonte de l’identité et de l’histoire des couches populaires rurales,
dans une conjoncture historique particulière. La première vague dialecto-
logique se déclenche vers la fin des années 1850, c’est à dire au moment où
le Royaume grec voit ses revendications irrédentistes anéantis, à la sortie de
la guerre de Crimée.
La guerre de Crimée joue en effet un rôle déterminant dans le déclen-
chement de la lexicographie dialectale, pendant ces années.14 Rappelons
qu’à ce moment-là, le nationalisme grec est en quête d’appuis idéologiques
face aux revendications bulgares qui émergent, étant appuyées, en outre,
par l’Empire russe. Ainsi, les doutes qui planent, dans le milieu des érudits
européens avant 1853, sur l’origine ethnique des populations du sud de la
péninsule,15 se transforment pour les Grecs en réel danger, dans le nouveau
contexte politique. L’argument historique « de populations slaves, grécisées
pendant le Moyen Age », sortant du domaine du débat académique et dépas-
sant le cercle des érudits, devient un argument potentiel qui légitime les
thèses politiques des nationalismes concurrents dans la nouvelle conjonc-
ture. Au moment même où les revendications grecques d’annexion de terri-
toires sont rejetées par la France et la Grande-Bretagne, et où les nationa-
lismes slaves trouvent l’appui politique russe, la refondation d’une identité
13 Sur le déclenchement de la lexicographie dialectale et son poids sur la nouvelle image
des vernaculaires, voir P. Diatsentos, La question de la langue dans les milieux des savants
grecs au XIXe siecle : projets linguistiques et reformes, thèse de 3e cycle, E.H.E.S.S., Paris
2009, p. 127-184.
14 En ce qui concerne l’importance de cet événement et notamment son impact dans
le déclenchement de la lexicographie dialectale, voir P. Diatsentos, ibid., p. 65-72 et
146-151.
15 Il s’agit certes des publications de J. F. Fallmerayer qui font bruit dans les milieux
grecs dans les années 1840, mais aussi des témoignages qui datent même des décen-
nies précedentes. A propos de l’image des vernaculaires chez les lettrés occidentaux
jusqu’à l’aube du XIXe siècle, voir Giakovaki N., « H Eυρωπαϊκή Συνάντηση με την
Kαθομιλουμένη : οι Περιηγητές », in A. F. Christidis (éd.), Iστορία της ελληνικής γλώσ-
σας από τις αρχές ως την ύστερη αρχαιότητα, Thessalonique 2001, p. 942-946.
L’histoire de la langue grecque au carrefour des différentes disciplines 347
hellénique pour les couches populaires devient à la fois une urgence et une
responsabilité collective de l’ensemble des personnes instruites. C’est dans ce
cadre que se dégage nettement l’enjeu politique de l’étude des dialectes et de
leur origine, et qu’au même moment, la langue devient un argument straté-
gique dans le processus d’unification de l’espace national et dans la légitima-
tion des objectifs politiques du nationalisme grec. Pendant ces années, se
manifeste donc le besoin d’apporter les preuves de la continuité historique
des vernaculaires, méprisés jusqu’alors. Cette continuité est certes un fait
incontestable pour la linguistique d’aujourd’hui, mais au fil de ces années là,
elle sera bâtie sur un terrain qui est destiné à accueillir avant tout les aspi-
rations du projet national grec.
Suite à cet événement majeur se consolide la cible de la réforme de la
langue et se cristallise un projet qui désigne la réforme comme une condi-
tion indispensable pour l’accomplissement des objectifs nationaux. Dans
la mesure où le projet national ne semble pas avancer avec des moyens
militaires, la diffusion de la langue et des lettres helléniques en vue d’une
« conquête culturelle » des Balkans devient un objectif stratégique pour les
élites grecques. C’est dans ce cadre que l’on forge pendant ces années l’idée
de la « mission civilisatrice de l’hellénisme ». Les conditions nécessaires
sont d’une part la multiplication des écoles et des associations culturelles
grecques dans les Balkans et d’autre part le rapprochement de la kathare-
vousa d’un modèle archaïque. En même temps, la mission du grec en Orient
est fondée sur un ensemble d’arguments historicistes portant sur la nature du
grec et sur son rôle dans l’histoire.
Ainsi, à travers les textes des initiateurs de ce projet (notamment de
M. Renieris en 185516 et I. Vasiadis en 1862 et 186917) le grec ancien se
voit comme une langue vivante qui a conservé un génie inaltéré au fil des
siècles. Cette thèse implique qu’il n’a pas suivi le sort du latin, et qu’il n’a
pas donné naissance à d’autres langues. Par conséquent, le grec moderne
(savant ou vernaculaire) n’est pas une langue distincte de l’ancien, mais une
nouvelle phase de celui ci. Ainsi, on voit naître le postulat de l’inséparabilité
du grec et de son unicité par rapport aux autres langues, unicité qui est due
avant tout à sa nature. Dans le cadre d’une vision organiciste de la langue,
on attribue au grec un ensemble de qualités essentielles et inaliénables dans
le temps. Ici encore, nous pouvons déceler l’influence de certains linguistes
ou hellénistes tels que Humboldt ou d’Eichtal, sur la pensée de nos auteurs.
Appuyé sur les écrits de Humboldt, Vasiadis soutient que le grec occupe
une place supérieure dans la hiérarchie des langues, car il contient cette
sorte d’énergie qui stimule l’esprit de manière à ce qu’il puisse considérer les
choses dans leurs relations plutôt que les choses elles-mêmes.18 En outre,
Renieris, suivant G. d’Eichtal et le courant des hellénistes, considérera
le grec comme une langue comportant une série de qualités inaliénables
dont une vitalité primitive, une plasticité parfaite, un caractère logique et
une euphonie notable.19 Le fait que les deux hommes de lettres publient
conjointement, nous indique qu’ils partagent le même point de vue quant
à l’histoire du grec et quant à son rôle dans le monde. En réalité, d’Eich-
tal reprend et complète l’argumentation que Renieris développe neuf ans
auparavant, afin de fonder sa thèse sur l’universalité du grec. Son aspiration
à faire du grec une langue internationale est fondée sur fait qu’il le consi-
dère comme une langue qui, par sa nature et son parcours à travers l’histoire
est prédestinée à accomplir cette mission. Dans son article, il tâche de déter-
miner les spécificités du grec, qui, en dernière instance, le rendent unique
face à d’autres langues qui pourraient prétendre à la même place. Ces spéci-
18 I. Vasiadis, « Discours », in G. d’Eichtal, De la réforme progressive ..., op.cit., p. 53. Cette
image du grec constitue une sorte d’héritage qui s’est bâti peu à peu dans les générations
précédentes d’hellénistes. L’apport de Humboldt est néamoins important dans la mesure
où ses ouvrages semblent être connus, au moins par les savants grecs de Constantinople.
D’après J. Quillien, « Humboldt présente la langue comme un vestige important dans
l’ensemble des vestiges littéraires que nous a laissés la Grèce. [...] Ce qui ressort de l’ex-
posé de 1793 [Uber das studium], c’est la quasi-perfection du grec, qui tient à sa pureté
(peu d’emprunts sur le plan lexical, à des langues étrangères, aucun sur le plan morpho-
logique et syntaxique), à son harmonie avec le caractère des locuteurs, à quoi s’ajoute
une unité remarquable entre une abondance en métaphores (témoignage d’une riche
imagination) et, pourtant, l’aptitude à dire des concepts abstraits et universels (preuve
d’un entendement sain) » (J. Quillien, G. de Humboldt et la Grèce. Modèle et histoire,
Lille, 1983, p. 75).
19 G. d’Eichtal, De l’usage pratique de la langue Grecque, Paris, 1864, p. 6-7. Notons que
les deux hommes collaborent étroitement dans les années 1860. Le fruit de leur colla-
boration sera entre autres la publication de la brochure susmentionnée qui compren-
dra également un extrait de l’article de Renieris dont nous avons parlé plus haut (M.
Renieris, « De l’impopularité… » art.cit.), ainsi qu’un commentaire de d’Eichtal, intitulé
« Note » (p. 21-24).
L’histoire de la langue grecque au carrefour des différentes disciplines 349
ficités sont d’une part un ensemble des qualités internes et d’autre part sa
place unique dans l’histoire de la civilisation universelle, ce qui constitue en
effet la preuve de ses qualités.
Dans le cadre de cette vision organiciste de la langue et sous l’emprise
de certains concepts des philosophes allemands,20 l’érudition grecque reste
fortement ancrée sur le concept du génie de la langue, ce qui l’empêche de
percevoir l’évolution du grec comme un produit de l’histoire : une fois l’idée
du génie du grec antique forgée dans la littérature linguistique et philolo-
gique occidentale, les lettrés grecs la reprennent aisément à leur compte.
Or, en présentant ce génie comme une qualité organique, on parvient à
« neutraliser », ou même à supprimer de l’analyse les facteurs historiques
et sociaux. En d’autres termes, « le génie du grec ancien » n’est pas consi-
déré comme le produit historique d’une société donnée de l’Antiquité, mais
comme un trait diachronique.
Ainsi, le rythme d’évolution du grec est imputé à une série des facteurs
qui se rapportent à sa nature, ce qui forge au fil des années le stéréotype du
caractère conservateur du grec. D’autre part, le génie du grec sera considéré
être à l’origine du mouvement de la Renaissance. D’après Renieris ou Vasia-
dis, le redressement de l’Occident a eu lieu grâce à son contact avec l’esprit
antique et par le moyen de la langue grecque.21 Le développement des lettres
et des sciences en Occident, depuis la Renaissance, est le résultat du contact
avec l’esprit antique, qui, par le biais des lettres et de la langue antique, a
favorisé l’éclosion de la production intellectuelle aux XVIe et XVIIe siècles.
D’après cette conception du grec et de son évolution, la nation grecque a
donc une mission a accomplir au delà de ses frontières et la langue est l’ins-
trument nécessaire à l’accomplissement de cette mission.
L’historiographie grecque de la seconde moitié du siècle donnera, de
son côté, d’appuis supplémentaires, consolidant un récit de l’évolution du
grec conforme aux attentes nationales. S. Zampelios et C. Paparrigopoulos
œuvrent pendant ces années, pour l’appropriation et l’hellénisation du passé
de l’Empire byzantin. Ils mettent en avant la suprématie grecque à tous les
niveaux, pendant l’ère byzantine et le rôle hégémonique des Grecs, malgré
les apparences d’un vernis romain, en réussissant, en dernière instance à
faire entrer l’histoire byzantine dans l’histoire de la nation grecque. D’autre
part, dans son oeuvre historiographique, Paparrigopoulos réserve une place
particulière à la langue. Le grec, qui est d’après ses propos « le témoin de la
survie de notre la civilisation » à travers les millénaires, est défini comme
tout comme le latin, est une langue morte impliquerait alors la prépondé-
rance des facteurs socio-historiques, elle réfuterait la force assimilatrice de
la nation et sous-entendrait que le brassage ethnique et culturel pendant le
Moyen âge était semblable, aussi bien à l’ouest qu’à l’est de l’Europe, ce qui,
en dernière instance, remettrait en question la survie du génie antique. C’est
dans cet état d’esprit que les érudits grecs essayent de démontrer, par tous
les moyens, la divergence entre les deux cas, en tentant de dégager les éven-
tuelles différences entre l’évolution historique du grec moderne et celle des
langues romanes. Cet arsenal théorique qui est mis en oeuvre pour expli-
quer l’histoire de la nation et de sa langue sert également à fonder un projet
politique qui se dessine dans les années 1855-1870.
25 Pendant cette période se posent en effet les fondements pour l’étude du grec moderne
et du grec d’une façon plus générale. Le cadre idéologique qui se forme et les postulats
qui se cristalisent créent un contexte intellectuel au sein duquel se dévéloppent, à partir
du nouveau siècle, les efforts d’étudier l’histoire du grec (moderne) de manière systé-
matique. Nottons que la façon particulière d’aborder l’histoire de la langue en Grèce
au XXe siècle est parfois tributaire de contexte. Les particularités dans l’approche de
l’histoire du grec ont été brillament analysées dans l’article de Ch. Karvounis, «Ιστορία
της ελληνικής γλώσσας: συγκρίσεις, απολογισμός και προοπτικές με γνώμονα τη νέα
ελληνική», in Studies in Greek Linguistics 30, Thessaloniki 2010, 303-313
352 Petros Diatsentos
BIBLIOGRAPHIE